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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 19 juin 1996

.1534

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du développement économique rural et du secteur des ressources naturelles.

.1535

Nous recevons aujourd'hui plusieurs invités qui viennent nous parler essentiellement de sources de capital au Canada rural. Nous souhaitons donc la bienvenue à nos témoins qui, comme je viens de vous le dire, sont nombreux. Nous avons tout d'abord John Ryan et Don Layne de la Banque de développement du Canada.

Bienvenue au Comité.

De l'Association des banquiers canadiens, nous avons également plusieurs témoins, à savoir David McInnes, John Leckie, Craig Rothwell et Paul Toriel.

Bienvenue, messieurs.

Nous accueillons également de la Centrale des caisses de crédit du Canada,Mary Pat MacKinnon et Michel Poulin.

Bienvenue.

La procédure que nous suivons habituellement consiste à demander à nos invités de faire un bref exposé. Nous vous demandons de vous en tenir à environ 10 minutes. Après nous ferons une table ronde avec les membres du comité.

Je demanderais aux représentants de la Centrale des caisses de crédit du Canada de commencer.

M. Michel Poulin (administrateur, Centrale des caisses de crédit du Canada): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord vous présenter Mary Pat MacKinnon, notre directrice de la politique au Bureau des affaires gouvernementales qui se trouve ici à Ottawa.

Juste pour vous aider à vous situer, je représente pour ma part une fédération de caisses populaires du nord de l'Ontario.

Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous avoir donné l'occasion de venir vous parler du Canada rural. Nous allons aborder la question générale du développement rural, domaine où les coopératives de crédit et caisses populaires ont évidemment une expertise solide.

Plus de 10 millions de Canadiens sont membres de coopératives de crédit et de caisses populaires. Avec des actifs de plus de 100 milliards de dollars, les coopératives de crédit et caisses populaires assurent des services financiers complets à 35 p. 100 de la population canadienne. Pour plus de 900 communautés au Canada, les coopératives de crédit et caisses populaires locales constituent l'unique source de services financiers.

Le système canadien des coopératives de crédit et caisses populaires est à ce point développé qu'il existe à présent des organisations centrales dans toutes les provinces. La Centrale des caisses de crédit du Canada représente notre association professionnelle nationale ainsi que l'organisme de financement central pour les coopératives de crédit et certaines caisses populaires au Canada.

Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues du Québec, à savoir le mouvement des caisses Desjardins, qui englobe 1 485 caisses populaires qui sont surtout concentrées au Québec, mais il en existe également un certain nombre au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, et en Ontario.

[Français]

Issues du milieu, les caisses populaires existent par et pour les communautés qu'elles desservent. Elles jouent un rôle de premier plan dans le développement local, en réinvestissant dans leurs communautés les économies de leurs sociétaires sous la forme de prêts aux particuliers et aux entreprises et sous la forme de ristournes.

Les principes et les valeurs coopératifs, notamment la solidarité avec le milieu et l'intercoopération, orientent les caisses populaires vers les besoins particuliers des gens de la communauté locale et régionale.

[Traduction]

Les coopératives de crédit et caisses populaires jouent un rôle fort important dans les communautés rurales. En Saskatchewan et au Manitoba, les coopératives de crédit et caisses populaires sont les plus importants prêteurs agricoles non gouvernementaux. Dans bon nombre de cas, les prêts aux agriculteurs et aux entreprises représentent plus de 50 p. 100 du portefeuille des prêts des coopératives de crédit et caisses populaires.

[Français]

C'est ainsi la responsabilité première des communautés que de s'assurer que les économies locales soient réinvesties localement, au nom des personnes qui sont engagées envers le développement économique.

[Traduction]

Les coopératives de crédit et caisses populaires ont été mises sur pied par des dirigeants communautaires pour combler les lacunes qui existaient dans le secteur des services financiers. Elles font partie intégrante des communautés où elles sont implantées. Les conseils d'administration des coopératives de crédit et caisses populaires reflètent les besoins des populations locales. Ce sont des agriculteurs, pêcheurs ou petits entrepreneurs qui souhaitent rehausser la viabilité économique de leurs communautés.

[Français]

Par exemple, à Kapuskasing, la Caisse populaire a joué le rôle de chef de file dans un projet qui a permis de sauvegarder 1 000 emplois dans cette municipalité de 10 000 habitants. Sous le leadership de la Caisse, les gens de la communauté ont prélevé 12 millions de dollars pour investir dans la revitalisation d'une usine de papier. Deux ans plus tard, cette usine est des plus rentables et la valeur de ses actions est passée de 1$ à 7$.

.1540

La Caisse populaire a investi elle-même 5,3 millions de dollars.

[Traduction]

À l'heure actuelle, l'un des plus gros concurrents des coopératives de crédit et caisses populaires est la Société du crédit agricole, qui a considérablement évolué au cours des 40 dernières années. La Société a été mise sur pied au départ en vue d'apporter une solution à l'insuffisance grave des capitaux après la Seconde Guerre mondiale, elle est devenue par la suite un prêteur de dernier recours et cherche à présent à élargir son mandat et à échapper aux restrictions qui visent actuellement ses opérations pour fournir des services financiers et de gestion aux secteurs agricole et rural. Les coopératives de crédit et caisses populaires estiment que la SCA, de par l'expansion de ses opérations, constitue maintenant un concurrent direct.

Les coopératives de crédit et caisses populaires ont des liquidités substantielles dans certaines régions du pays et peuvent répondre aux besoins en capital du secteur agricole. Dans les secteurs rural et agricole, nous estimons que l'accès inégal aux capitaux résulte davantage du type de capital requis et du besoin de participation des intéressés que d'un problème de disponibilité des capitaux. Notre secteur souhaite vivement travailler en étroite collaboration avec la SCA et d'autres institutions financières, telles que la Banque de développement du Canada, pour garantir la viabilité économique des communautés rurales.

J'aimerais vous citer, à titre d'exemple, le partenariat établi du côté ouest de la région des lacs, au Manitoba, entre la Ericksdale Credit Union et la Super Six Community Futures Development Corporation (CFDC), qui ont établi une coentreprise afin de créer une autre source de financement pour les petites et micro-entreprises. L'apport financier de la CFDC sera de 250 000$, et celui de la Ericksdale Credit Union, 750 000$, soit un total d'un million de dollars. La CFDC va garantir75 p. 100 des pertes et la Ericksdale Credit Union sera chargée d'administrer le programme des prêts qui ciblera le tourisme, l'agriculture à valeur ajoutée, et l'exploitation forestière.

En juin de l'année dernière, une conférence a été organisée par Industrie Canada sur le développement économique dans le nord de l'Ontario. Cette dernière a donné lieu à une proposition de partenariat entre les caisses populaires de cette région et FEDNOR en vue d'assurer le financement de petites entreprises et de micro-entreprises. Cette proposition prévoit l'apport de40 millions de dollars sur trois ans, FEDNOR assurant des garanties d'emprunt de 12 millions de dollars. De plus, les caisses populaires du nord de l'Ontario participeront à la mise en disponibilité de fonds de gros pour les différentes sociétés de développement des collectivités implantées dans les régions.

Les coopératives de crédit et caisses populaires sont bien placées pour assurer des services financiers au nom de la SCA et de la BDC. Il s'agit surtout de tirer profit de ce qui existe déjà, plutôt que créer des services qui feront double emploi avec ceux des coopératives de crédit et caisses populaires. À notre avis, le gouvernement fédéral devrait se pencher sur différents mécanismes qui permettront de favoriser l'éducation et la compréhension ainsi que l'esprit d'entreprise chez les agriculteurs afin qu'ils profitent de toutes les occasions qui se présentent pour ajouter de la valeur à leurs produits. Les agriculteurs reconnaissent en général l'avantage de la transformation à forte valeur ajoutée, mais ont besoin d'aide pour recenser les débouchés et les mécanismes de soutien sous forme de subventions et de prêts à des conditions favorables. Le gouvernement fédéral doit absolument jouer un rôle clé dans ce secteur.

Il est possible de créer de nouveaux débouchés au Canada rural tout en faisant preuve de responsabilité budgétaire et sociale. La nouvelle génération de coopératives a connu d'énormes succès dans le nord des États-Unis dans la création d'entreprises de transformation à forte valeur ajoutée. Ces coopératives sont des organismes communautaires qui ont l'appui de la population locale, ce qui permet de garantir que les projets répondent aux besoins des producteurs individuels. Ce genre d'approche permet de mettre à profit les capitaux disponibles en encourageant les producteurs individuels à mettre leurs fonds en commun et à garantir ainsi un marché pour leurs produits par l'intermédiaire de la coopérative de transformation à forte valeur ajoutée.

Il est essentiel que le gouvernement trouve d'autres mécanismes pour favoriser la création d'une industrie agricole à forte valeur ajoutée. Les coopératives de crédit et caisses populaires pourraient jouer un rôle clé en assurant des services et en exécutant des programmes pour le gouvernement fédéral, étant donné que les institutions financières, coopératives de crédit et caisses populaires de propriété et de gestion collectives font déjà la promotion du développement rural. Notre réseau au Canada rural représenterait un gros avantage pour le gouvernement fédéral dans ses efforts pour créer une économie rurale solide et dynamique en collaboration avec les agriculteurs.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Ryan, monsieur Layne, vous avez la parole.

M. John Ryan (vice-président à la direction et chef de l'exploitation, Banque de développement du Canada): Merci, monsieur le président.

[Français]

Bonjour, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour participer à ces audiences sur le développement du Canada rural.

[Traduction]

Je suis accompagné de Don Layne, qui est premier vice-président responsable des affaires générales.

J'aimerais dire tout d'abord que nous sommes d'accord avec l'affirmation du discours du Trône selon laquelle les zones rurales sont confrontées à des problèmes qui diffèrent de ceux des zones urbaines. Nous trouvons d'ailleurs encourageant de voir que vous êtes résolus à aborder ces problèmes. Je suis particulièrement content d'être parmi vous aujourd'hui parce que je sers les petites entreprises de tout le Canada atlantique depuis plus de la moitié de mes 24 années de service.

.1545

La question du développement du Canada non métropolitain est évidemment importante et, avec l'accès au capital pour la petite entreprise, constitue l'une des principales préoccupations de la Banque de développement du Canada.

Je voudrais vous parler brièvement du rôle et du mandat généraux de la BDC, vous expliquer les raisons pour lesquelles nous estimons que nos activités répondent déjà à bien des égards à certains objectifs dont il a été question dans le discours du Trône, et des efforts que nous déployons pour mettre l'accent sur l'aide à consentir à la petite entreprise dans les zones non métropolitaines.

Je suis sûr que les membres du comité savent déjà que la Banque de développement du Canada a été créée il y a un an pour remplacer la Banque fédérale de développement et son prédécesseur, la Banque d'expansion industrielle.

[Français]

La Banque de développement du Canada a maintenant un an. Elle fut créée par le Parlement canadien en juin dernier pour remplacer la Banque fédérale de développement.

[Traduction]

Depuis plus de 50 ans, nous suivons une tradition de partenariat avec la petite et moyenne entreprise au Canada et nous sommes d'ailleurs fiers de notre réputation à cet égard. La récente modification de notre raison sociale nous a également permis d'acquérir un nouveau mandat. Ce dernier consiste à assurer une aide financière et de gestion aux entrepreneurs qui sont actifs dans tout le Canada et, plus précisément, d'aider les entreprises à tirer profit des possibilités grandissantes qui existent sur les marchés mondiaux.

À la BDC, nous sommes tenus d'offrir des services financiers qui génèrent des bénéfices. Depuis sept ans, nous ne recevons plus de crédits, de subventions ou de contributions de la part du gouvernement pour exécuter nos programmes de services financiers.

[Français]

Les priorités de notre nouveau mandat incluent les éléments qui vont suivre. En premier lieu, nous comptons accroître le financement aux industries fondées sur le savoir et les exportations, sans toutefois abandonner les activités traditionnelles. C'est un secteur où nous avons toujours été particulièrement actifs dans la région métropolitaine.

[Traduction]

En vertu de notre nouveau mandat, nous augmentons également le nombre de petits prêts et investissements et nous mettons davantage l'accent sur le financement par quasi-fonds propres et par fonds de roulement. Un autre objectif consiste à rehausser l'accès des entreprises autochtones aux services financiers et de gestion.

L'une des obligations précises qui nous ont été confiées en vertu de notre nouveau mandat est d'accroître la visibilité de la Banque et de continuer à servir la petite entreprise, y compris dans les zones métropolitaines et non métropolitaines. Pour moi, cet engagement est une preuve tangible de l'importance qu'attache la Banque à sa performance au Canada rural et au développement général des régions rurales du pays.

À l'heure actuelle, la BDC cherche activement à soutenir la petite entreprise dans les petites agglomérations situées d'un bout à l'autre du pays. Pour différencier nos clientèles urbaine et rurale, nous nous servons de la définition de Statistique Canada pour déterminer en quoi consiste un client métropolitain par rapport à un client non métropolitain. Selon le recensement de 1991, 61 p. 100 de tous les Canadiens vivent dans des zones métropolitaines, c'est-à-dire ayant 124 000 habitants ou plus, selon la définition. Les autres 39 p. 100 des Canadiens vivent dans des zones non métropolitaines.

Notre Banque possède ce qui est considéré comme l'un des plus importants réseaux de prestation de services au gouvernement fédéral. Nos 84 bureaux régionaux sont répartis dans chacune des régions géographiques du pays, y compris 50 p. 100 dans des zones non métropolitaines. Nous avons quelque 950 employés et assurons une importante présence dans les petites communautés situées dans les régions plus éloignées.

À l'échelle nationale, 55 p. 100 de nos clients, qui représentent environ la moitié de notre portefeuille intégral, vivent dans des zones non métropolitaines. Autrement dit, bien que 39 p. 100 des Canadiens vivent dans des zones non métropolitaines, 55 p. 100 de notre clientèle vivent dans ces mêmes zones. Une analyse plus approfondie de ces chiffres permet de constater, par exemple, qu'au Canada atlantique 35 p. 100 de nos clients sont situés dans des collectivités ayant 5 000 habitants ou moins. Dans les Prairies, 29 p. 100 de nos clients vivent dans des régions ayant 5 000 habitants ou moins.

En ce qui concerne les conseils de gestion et l'encadrement, les services offerts par la Banque sont surtout destinés aux entrepreneurs des zones non métropolitaines. Environ 62 p. 100 de nos colloques et ateliers, 54 p. 100 de nos services de conseil et 66 p. 100 de nos activités d'encadrement visent des zones ayant moins de 100 000 habitants.

.1550

Comme vous le constatez, nous cherchons déjà à favoriser les régions rurales et non métropolitaines, et nous avons l'intention de continuer à satisfaire ces besoins au mieux de nos compétences tout en respectant notre mandat global.

Si je vous cite tous ces chiffres, c'est pour bien vous faire comprendre que la BDC est considérée comme une intervenante clé dans le financement de la petite entreprise en milieu à la fois urbain et rural. Environ 20 p. 100 des petites entreprises - c'est-à-dire une petite entreprise sur cinq au Canada - se sont prévalues de nos services par le passé ou y ont actuellement recours. Nous avons maintenant quelque 15 000 clients, et un portefeuille global de prêts en cours de l'ordre de3,3 milliards de dollars.

En plus de nos prêts consentis selon des conditions normales, nous avons également mis au point plusieurs autres formes novatrices de financement qui contribuent à combler les lacunes du marché identifiées à maintes reprises par tant d'autres.

L'un de nos plus récents produits s'appelle «capital patient» et il a été conçu pour de nouvelles entreprises ayant un potentiel de croissance considérable. Il s'agit d'une forme de financement par capitaux propres qui permet de consentir à une entreprise d'accéder à des capitaux à long terme avec des modalités de remboursement souples. Par exemple, la BDC a récemment consenti 200 000$ en capital «patient» à une compagnie novatrice récemment implantée dans les Prairies. Cette dernière a 12 employés locaux et fabrique des épandeurs d'engrais plus sûrs. Notre financement a permis à l'entreprise d'obtenir le fonds de roulement nécessaire pour pénétrer les marchés américains et japonais et sera utile pour mettre au point de nouveaux produits. Bien que l'entreprise n'ait pas encore enregistré de bénéfices annuels, son chiffre de ventes, selon ses prévisions, devrait tripler au cours des trois prochaines années.

De plus, nous avons lancé tout dernièrement notre programme de micro-entreprises qui est destiné aux compagnies de petite taille ou qui commencent à peine à se développer. Ce programme contribue à l'expansion et au développement de petites entreprises novatrices en assurant la prestation de conseils de gestion personnalisés et un financement à terme maximal de 25 000$ pour les jeunes entreprises et de 50 000$ pour les entreprises déjà implantées. Pour favoriser davantage leur expansion pendant les premières années critiques, ce programme prévoit deux années d'encadrement des entrepreneurs dont les firmes en sont aux premiers stades d'implantation ou d'expansion.

Un bon exemple d'une micro-entreprise cliente est une compagnie québécoise qui a obtenu de la Banque un financement de l'ordre de 25 000$. L'entreprise en question met au point des logiciels qui permettent d'obtenir des images en trois dimensions de qualité élevée. Un prêt de la BDC lui a permis d'obtenir le fonds de roulement dont elle avait besoin pour accroître sa clientèle sur les marchés locaux et internationaux. Le nombre d'employés est déjà passé de cinq à sept, alors que sa première année de fonctionnement vient tout juste de finir.

De plus, nous assurons du capital-risque, qui consiste toujours en financement par actions pour les petites entreprises en plein essor. Nous travaillons également en partenariat avec d'autres institutions et organisations, telles que les organisations régionales et Industrie Canada, de même que d'autres institutions des secteurs public et privé. Dans certains cas, nous avons déjà signé des accords de coopération, de sorte que des activités sont déjà en cours au Canada atlantique en collaboration avec l'APECA, dans l'Ouest, avec Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, au Québec, avec le BFDR(Q) et en Ontario, avec FEDNOR. Nous avons également conclu une alliance stratégique avec la Banque royale du Canada afin d'aider les petites entreprises basées sur la connaissance en Ontario, et nous allons annoncer sous peu des accords comparables avec d'autres institutions financières clés.

Comme je vous l'ai déjà mentionné, nous ne nous contentons pas de consentir des prêts à nos clients. Les entrepreneurs, aujourd'hui, constatent qu'il leur manque souvent le temps et l'expertise interne requis pour répondre à tous les besoins de leur organisation. Les changements économiques, la concurrence accrue, la mondialisation et les nouvelles technologies sont autant de facteurs qui ont accentué le besoin de connaissances spécialisées. Nous sommes la seule institution qui offre une vaste gamme de services de conseil et d'encadrement destinés à renforcer les capacités des entrepreneurs d'un bout à l'autre du pays.

Notre expérience nous a permis de constater que la grande majorité des petites entreprises qui demeurent petites le font essentiellement parce qu'il leur manque de bons conseils sur la façon de prendre de l'expansion sur des marchés déjà en place ou de nouveaux marchés ici au Canada et dans le monde entier. C'est le cas des entreprises implantées tant en milieu rural qu'en milieu urbain au Canada.

Un autre domaine où nous croyons apporter beaucoup à nos clients en milieu rural est dans la formation que nous assurons à nos employés pour leur permettre de bien répondre aux besoins de la région où ils travaillent. Pour prouver le sérieux de notre engagement vis-à-vis du service à la clientèle, nous avons récemment élaboré une charte détaillée des droits du client et nommé un ombudsman.

.1555

À la BDC, nous partons du principe que le Canada rural mérite de recevoir les mêmes services que le Canada urbain, et nous sommes d'ailleurs très fiers de nos réalisations à ce chapitre. Que vous traitiez avec notre bureau de Toronto ou notre bureau de Red Deer, notre objectif est de vous assurer des services de qualité élevée partout où nous sommes actifs.

En conclusion, je dirais que, même si nous pouvions éventuellement vous fournir une ventilation statistique de nos activités qui indiquerait que nous sommes déjà très actifs en milieu rural au profit des Canadiens qui y habitent, les principes que nous suivons en déterminant l'admissibilité à nos programmes de soutien sont les mêmes pour tout le monde. L'entrepreneur doit présenter un plan d'entreprise réalisable et doit aussi prouver que l'entreprise a de bonnes perspectives de croissance, qu'elle soit située en milieu rural ou urbain.

Encore une fois, je voudrais vous remercier de nous avoir invités à participer à cette table ronde, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

Le président: Merci, monsieur Ryan.

Monsieur McInnes, vous avez la parole.

M. David McInnes (directeur, Relations gouvernementales, Association des banquiers canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous signale qu'une copie de la version française de l'exposé que nous allons faire aujourd'hui sera transmise au comité dans les jours qui viennent.

Je suis accompagné aujourd'hui de Paul Toriel, directeur principal responsable des petites et moyennes entreprises de la Banque royale du Canada; de John Leckie, premier vice-président responsable du service bancaire commercial pour la Banque Toronto Dominion; et de Craig Rothwell, vice-président responsable de la division de l'agriculture de la CIBC.

L'Association des banquiers canadiens représente 54 banques à charte. M. Leckie préside le comité sur l'entreprise indépendante; M. Rothwell, le groupe consultatif sur le secteur agricole de l'ABC, et M. Toriel, le groupe de travail sur les entreprises axées sur le savoir. Vous avez donc affaire à un groupe de présidents.

Nous souhaitons aider le comité à définir la contribution du secteur des ressources naturelles à l'économie rurale. C'est la raison pour laquelle nous ferons ressortir aujourd'hui l'apport des banques à l'activité économique rurale, en fonction de certains paramètres. Le comité est également en train d'explorer les différentes options qui sont susceptibles de stimuler la croissance économique. Nous ferons donc des propositions générales visant à susciter des changements positifs au sein du Canada rural.

Selon la banque visée, jusqu'à un tiers des 8 000 succursales bancaires canadiennes sont situées dans ce qu'il est convenu d'appeler le Canada rural, c'est-à-dire à l'extérieur des grandes villes. Ce chiffre varie en fonction de la définition du mot «rural», qui est très différente de celle employée tout à l'heure par la BDC. Néanmoins, des milliers de personnes qui font partie de l'effectif des 170 000 employés de banques travaillent dans ces collectivités.

Le réseau des succursales bancaires et, de plus en plus, les nouvelles formes de services bancaires électroniques permettent aux Canadiens en milieu rural d'avoir accès aux services financiers. Comme nous le verrons un peu plus loin, le gouvernement doit aussi être conscient des mécanismes qui rehausseront l'efficacité de ces importants circuits de distribution qui, à leur tour, contribuent au maintien de la vitalité des collectivités rurales.

À l'évidence, l'un des défis du comité consiste à définir la contribution du secteur des ressources naturelles au développement économique rural. Comme vous le savez, monsieur le président, nous avons eu, nous aussi, notre part de défis. Nous nous sommes engagés à compiler des statistiques cohérentes sur le crédit consenti par les banques aux petites entreprises. Grâce à des relations de travail constructives avec le Comité permanent de l'industrie, nous avons consacré plus d'un an à mettre au point ce qui constitue, à l'heure actuelle, la série de statistiques la plus complète sur le crédit aux petites entreprises du Canada.

Même si nous n'avons pas classé nos données sur le crédit en fonction des milieux rural et urbain, nous avons une assez bonne idée du volume du crédit consenti par les banques en milieu rural. Le crédit autorisé par les banques aux petites, moyennes et grandes entreprises de plusieurs grandes industries d'exploitation des ressources a totalisé plus de 54,9 milliards de dollars, c'est-à-dire presque 55 milliards de dollars, au mois de décembre 1995. Pour nous, les ressources naturelles comprennent les catégories sectorielles suivantes: l'agriculture et les services connexes, la pêche, le piégeage, l'exploitation forestière et les services forestiers, les opérations minières et l'exploitation des carrières et les puits de pétrole.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Ces statistiques reflètent le crédit consenti au Canada rural. Celui-ci renferme quantité d'autres types d'entreprises qui n'appartiennent pas à l'une de ces catégories. L'inverse est également vrai; ces catégories peuvent comprendre des activités exercées en milieu urbain.

Nous reconnaissons que tout exercice de compilation de statistiques a ses limites. Toutefois, nous avons récemment complété nos recherches par un sondage approfondi sur les pratiques en matière de crédit aux entreprises indépendantes. En effet, le groupe Thompson Lightstone et compagnie a mené un sondage pour le compte de l'ABC et l'industrie en général. Ce sondage a fait l'objet d'un rapport de plus de 200 pages dont les résultats ont été présentés au Comité de l'industrie il y a quelques semaines. Nous allons déposer une copie de ce sondage auprès du comité. En fait, j'en ai déjà remis une copie à votre greffier.

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Certaines conclusions du rapport pourraient susciter votre intérêt, la question de l'accès au capital ayant été soulevée à quelques reprises devant le présent comité. Le sondage en question a révélé que 85 p. 100 des demandes de prêt présentées par des petites exploitations agricoles, soit huit demandes sur 10, ont été approuvées l'an dernier, comparativement à un taux d'approbation de79 p. 100 pour l'ensemble des petites entreprises. Ces chiffres incluent les demandes de prêt encore à l'étude.

Ce constat s'applique également aux autres industries primaires. Dans les secteurs de l'exploitation forestière et des services forestiers ainsi que de l'extraction minérale, 86 p. 100 des demandes de prêt en provenance d'entreprises ont été approuvées l'an dernier.

Les statistiques révèlent aussi que les banques canadiennes ont octroyé plus de crédit au secteur agricole qu'à toute autre industrie. Fait intéressant, une part considérable de ce crédit n'est pas utilisée. En effet, les entreprises agricoles n'emploient que 74 p. 100 de leur crédit autorisé. Ce chiffre s'applique également aux autres industries primaires.

En ce qui a trait à la question agricole, nous venons de déposer au gouvernement un mémoire portant sur la possibilité que soit élargi le mandat de la Société du crédit agricole (SCA). Nous y avons formulé plusieurs recommandations susceptibles de vous intéresser et nous avons également déposé une copie du mémoire en question auprès du comité.

Par exemple, nous sommes d'avis que la meilleure façon d'améliorer la disponibilité du crédit consiste à bien évaluer la façon de combler les lacunes du marché. En outre, nous proposons des moyens d'utiliser les fonds du secteur privé pour créer un effet de levier, telle la mise au point d'autres méthodes d'exécution des programmes par l'intermédiaire des succursales du secteur privé. Il en a été question lors de témoignages présentés précédemment devant le comité.

Pour en revenir à notre sondage, nous croyons évidemment qu'il fait ressortir des éléments positifs, mais nous sommes aussi les premiers à reconnaître qu'on y souligne certains points à améliorer. Les petites entreprises souhaitent que les banques fassent montre de plus de souplesse lorsqu'il s'agit de répondre à leurs besoins en matière de crédit. Elles veulent également que les banques comprennent mieux les activités qu'elles exercent. Enfin, les banques doivent améliorer leur communication avec leurs clients. Les banques se sont engagées devant le Comité de l'industrie à améliorer leur performance dans ces différents domaines.

Fait important à souligner, le sondage a confirmé que les décisions en matière de crédit sont fondées sur la solidité du dossier commercial présenté au directeur de comptes, quelle que soit la région. L'analyse de Thompson Lightstone a confirmé que la région n'a pas d'incidence sur la décision de crédit.

Voilà qui soulève la grande question susceptible d'intéresser le comité: que fait-on précisément pour les clients en milieu rural? Les initiatives de différentes banques à l'intention de leur clientèle sont en général tout particulièrement utiles aux clients se trouvant en milieu rural. L'utilisation de services téléphoniques sans frais, les services bancaires par téléphone et par ordinateur personnel, de même qu'Internet permettent de rapprocher les fournisseurs de services de leur clientèle. Par exemple, l'ombudsman du secteur bancaire canadien offre une ligne sans frais - comme le font les autres banques, d'ailleurs - afin de faciliter l'accès, dans tout le pays, à un processus de recours.

Les employés des banques servent les collectivités de nombreuses façons que les statistiques ne font pas clairement ressortir. Ils participent à des programmes d'encadrement et de développement de l'entreprenariat par le biais des chambres de commerce ou des établissements scolaires. Ils prodiguent leurs conseils à bon nombre d'organismes de développement économique. Qui plus est, les directeurs de succursales sont souvent les premiers sollicités par les organismes de bienfaisance locaux à la recherche de soutien pour leurs campagnes de levée de fonds.

Bien entendu, le Canada rural fait face à des défis particuliers, dont la fermeture de voies ferrées et de silos élévateurs. Les bureaux de poste, les hôpitaux et les services commerciaux se dirigent de plus en plus vers de plus grandes collectivités servant une région géographique plus vaste.

Il existe quantité d'autres problèmes, mais nous croyons que les localités envisagent de nouveaux modes de fonctionnement et que les solutions taillées sur mesure sont les plus adéquates.

Par exemple, lorsqu'il est question de fermer une succursale bancaire, les banques consultent les dirigeants communautaires afin de voir si les services bancaires de base peuvent être assurés par l'entremise d'un partenaire. Par exemple, une banque a pris des dispositions avec le bureau de poste local et même avec l'hôtel de ville. Il est parfois possible d'installer un guichet automatique bancaire, et les banques peuvent aussi envisager d'offrir leurs services à temps partiel dans de très petites localités ou en région éloignée.

Il s'agit évidemment de solutions de rechange, mais elles peuvent être complétées par une nouvelle avancée technologique. Comme nous l'avons déjà souligné, les services bancaires et financiers deviennent de plus en plus accessibles grâce à la technologie, et la technologie permet d'accroître l'accès à ce type de services. De plus, la technologie ne veut pas dire que de nouvelles succursales ne sont pas ouvertes. Par exemple, une banque en particulier est actuellement en train d'établir de nouvelles succursales dans les collectivités autochtones.

.1605

Quant à l'avenir, nous sommes d'avis que pour faciliter la croissance économique du Canada rural, il importe de considérer un certain nombre d'éléments. Nous en avons choisi six qui pourraient faire l'objet d'une discussion approfondie.

D'abord, le gouvernement devrait tenir une vaste consultation, comme le fait actuellement le comité, avant d'élaborer de nouvelles politiques en matière de développement économique rural.

Une recherche approfondie s'impose afin de cerner la véritable nature des problèmes du Canada rural et de s'assurer que les nouveaux programmes ou initiatives du gouvernement sont vraiment nécessaires, suffisamment bien ciblés et exécutés de façon efficace. Il s'agit essentiellement d'analyser les lacunes.

Nous devons également reconnaître que bon nombre des initiatives devront s'appliquer à l'échelle locale et que la pleine participation de la population locale sera essentielle pour en assurer leur succès.

En même temps, un modèle qui convient à une localité ne donnera peut-être pas de bons résultats dans une autre, ce qui fait ressortir la nécessité de consulter tous les intervenants au niveau local.

«Partenariats», «alliances stratégiques» et «complémentarité», autant de termes qui devraient être au coeur des initiatives faisant appel à la synergie des collectivités, des entreprises et du gouvernement. Cette démarche pourrait se révéler très constructive, comme le démontrent plusieurs ententes conclues par le secteur bancaire avec des organismes de crédit de la Couronne, lesquels font appel au vaste réseau de succursales bancaires pour assurer la distribution de services aux Canadiens.

Enfin, l'échange d'information est essentiel si l'on désire améliorer les perspectives de croissance du Canada rural. Les Canadiens apprennent à profiter au maximum des réseaux d'affaires. Il s'agit d'une nouvelle façon de faire des affaires qui met l'accent sur la collaboration entre les entreprises afin de favoriser leur croissance.

La Coalition canadienne des réseaux d'affaires, parrainée par la Chambre de commerce du Canada et Industrie Canada, facilite le lancement de ce type d'initiative d'un bout à l'autre du pays. Les Canadiens en milieu rural devraient à tout le moins avoir l'occasion de connaître les nombreux programmes et initiatives à leur disposition pour favoriser la croissance économique en général. Le nouvel outil d'information en direct d'Industrie Canada, Strategis, que bon nombre d'entre vous connaissez peut-être déjà, devrait être un atout pour le Canada rural.

Monsieur le président, nous avons également déposé auprès du greffier un certain nombre de documents, c'est-à-dire nos statistiques, notre sondage, etc. Nous espérons qu'ils vous seront utiles. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à des questions. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McInnes.

Le premier intervenant sera M. Canuel.

[Français]

M. Canuel (Matapédia - Matane): Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Il est toujours intéressant d'entendre la vision de ceux qui dirigent la haute finance. J'émettrai des commentaires qui seront suivis de quelques questions.

Ce commentaire ne vient pas directement de moi, mais des gens de ma région, dans la circonscription de Matapédia - Matane dans la vallée de la Matapédia, où le monde rural est très fortement représenté. Chez moi, les gens disent de vous que quand il fait soleil, les banques distribuent énormément de parapluies et que quand il commence à pleuvoir, elles enlèvent les parapluies rapidement.

J'ai eu l'occasion de voir cela assez souvent. Je comprends très bien qu'une banque vise à faire de l'argent. Je comprends cela. J'écoutais plus tôt un témoin parler des caisses populaires de l'Ontario. Je suis un peu plus sensible aux caisses populaires parce qu'autrefois, du moins chez nous, quand M. Desjardins a fondé les caisses populaires, c'était justement pour aider davantage le monde rural, ce qu'il a fait pendant des années.

J'aurais des questions relatives aux caisses populaires. Vous êtes conscients que depuis une quinzaine d'années, les régions rurales sont en grande difficulté. Les jeunes ne reviennent pas; vous le savez autant que moi. Quand un jeune arrive à une banque au terme de ses études, qu'il soit agronome, vétérinaire ou autre, il est déjà endetté; vous le savez également. Il a étudié à l'université trois ou quatre ans et on lui a prêté 15 000$ ou 20 000$. Il arrive à la banque avec sa dette et dit qu'il est agronome et voudrait se lancer dans l'agriculture. La banque répond à ce jeune homme qu'il a 15 000$ de dettes et devrait donc aller voir son père et trouver trois ou quatre endosseurs. C'est toujours la même chose.

.1615

Le fédéral a mis sur pied le programme de la Société d'assurance-dépôts du Canada dans les régions. C'est là que doit s'adresser le jeune homme pour obtenir du capital-risque parce que les banques ont refusé sa demande. Quand la SADC accorde un prêt, il arrive souvent que les banques commencent à faire preuve d'ouverture. Je crois que le rôle des banques dans le monde rural est tellement minime que nous n'en avons presque pas besoin.

Vous avez décrit une foule de services que vous donnez. Toutefois, vous vous attendez toujours à un retour; je comprends cela aussi. J'ignore qui répondra à ma question, mais pourquoi n'y aurait-il pas moyen, tout particulièrement dans le monde rural, d'identifier une certaine somme qui serait du capital-risque? Vous me répondrez que de temps à autre, vous donnez 7 000$ à telle oeuvre de charité, mais ce n'est pas ce dont je parle. Je parle d'un capital-risque assez imposant en vue d'aider les gens.

La Banque Royale fait des profits de l'ordre de 3,5 milliards de dollars. Ne pourrait-elle pas en remettre une petite partie aux régions? Cela ne devrait pas trop la fatiguer ou l'embêter. Les autres banques pourraient faire de même.

Je sais d'autre part que les caisses populaires Desjardins essaient d'en faire davantage. Je ne devrais pas dire «essaient» car elles en font davantage.

Puisque vous êtes remplis de bonnes intentions et dites faire beaucoup, je vous demanderais d'en faire plus. Vous avez cité des chiffres que je ne contredirai pas. Vous dites vous impliquer énormément dans le monde rural, mais lorsque vous le faites, c'est en toute sécurité, sans craindre de vous faire mal.

Vos pertes sont-elles plus lourdes dans le monde rural que dans le monde urbain? Toute banque ne pourrait-elle pas investir, et je ne dis pas de ne pas prêter, un montant substantiel et accepter davantage de risques? Les jeunes ont énormément de talent et très souvent il leur manque 50 000$ ou 100 000$ pour partir pour toute une vie. Toutes les banques mettent deux cadenas et disent au jeune homme de demander à son père, son grand-père, sa grand-mère ou sa tante d'endosser le prêt. À ce moment-là, il n'y a plus aucun risque.

Je ne sais pas tellement bien comment fonctionnent les banques en Ontario et dans les autres provinces, mais je sais très bien comment elles fonctionnent au Québec. Je déplore que les banques, même si leurs directeurs sont très sympathiques, très gentils et très polis, répondent toujours non et non et exigent tellement de garanties.

Il me semble que vous ne vous rendez pas un très grand service en ne prenant pas davantage de risques. Bien que je fasse allusion à des risques, 40 ou 60 p. 100 de ces sommes d'argent vous reviendront. Les entreprises qui fonctionneront bien feront affaire avec vous et le monde rural pourra se stabiliser et reprendre confiance; je parle ici surtout au nom des jeunes. Tous les jeunes me disent que ça ne vaut même pas la peine d'aller à la banque puisqu'on refusera leur demande, à moins, comme je vous le disais tantôt, qu'ils aient un endosseur qui garantira deux ou trois fois ce qu'ils demandent.

Êtes-vous prêts à faire preuve de plus d'ouverture à l'égard du monde rural? Êtes-vous prêts à investir davantage de capital-risque? Et si tel n'est pas le cas, quelle est votre perspective du monde rural d'ici 10 ans? Merci.

M. Paul Toriel (directeur principal, Petites et moyennes entreprises, Banque Royale du Canada, Association des banquiers canadiens): J'essaierai de répondre à cette assez longue série de questions du mieux que je pourrai. Je distinguerai trois parties dans votre intervention. Il est vrai que ce que nous faisons à l'intention des jeunes est très important pour l'économie future.

.1615

Deux des banques, qui sont d'ailleurs parmi les témoins réunis autour de cette table, ont fait une contribution assez importante à un nouveau programme qui vient d'être lancé avec la participation d'autres instances et qui s'appelle Canadian Youth Business Foundation. C'est une société à but non lucratif qui fera des prêts aux jeunes qui veulent se lancer en affaires. Ça vient de commencer. C'est encore tout nouveau. Je sais que ce programme n'est pas encore disponible au Québec, mais qu'il le sera très bientôt.

M. Canuel: Quelles sont les conditions pour qu'un jeune puisse adhérer à ce programme?

M. Toriel: Il devra avoir un plan d'affaires. Le programme vise les jeunes qui ont moins de29 ans et qui se lancent en affaires, qui sont tout nouveaux et qui n'ont jamais eu de crédit auparavant. Alors, ça vise vraiment les débutants.

M. Canuel: Même ceux qui ont des dettes universitaires de 20 000$?

M. Toriel: Ça vise ces débutants. C'est presque du capital-risque. C'est une société à but non lucratif.

Vous avez dit plusieurs fois dans votre présentation que nous n'accordions pas de prêts aux agriculteurs ou aux gens du milieu rural.

Je regrette, mais les chiffres que M. McInnes mentionnait tout à l'heure sont des statistiques faites par une firme qui a fait des interviews un peu partout au pays. Ces statistiques indiquent que plus de 85 p. 100 des demandes de prêts sont approuvées. On ne peut donc pas dire que tous les prêts sont automatiquement refusés.

M. Canuel: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Si c'est ce que j'ai dit, je le retire. Il est très facile pour les gros agriculteurs d'emprunter. Ils sont déjà presque millionnaires ou très riches. Pour eux, ça va très bien; vous leur accordez facilement des prêts. Mais quand il s'agit de personnes en difficulté, c'est là que ça accroche.

M. Toriel: Le principe consiste à essayer de regarder du mieux qu'on peut la situation de chaque agriculteur et de voir s'il y a une façon de faire affaire avec lui. Croyez-moi, on ne refusera pas quelqu'un parce qu'il est jeune ou parce qu'il a des difficultés. On va essayer de résoudre son problème, si on le peut.

Dernièrement, le problème du capital-risque dans l'ensemble est un problème auquel il faut faire attention. Le capital-risque veut dire, surtout pour les jeunes entreprises, qu'il faut partager la propriété avec d'autres personnes. Beaucoup de petites sociétés ne sont pas du tout disposées à partager. Ce sont de jeunes entrepreneurs ou des entrepreneurs qui commencent et ils ne veulent pas avoir quelqu'un qui vienne leur dire comment faire leurs affaires. S'ils veulent devenir entrepreneurs, c'est pour être indépendants. Donc, le capital-risque n'est pas la solution à tous les maux.

M. Canuel: Mais à certains maux sûrement.

M. Poulin: J'aimerais réagir aux propos du député. Je comprends bien ses préoccupations puisque nous aussi, dans le nord de l'Ontario, faisons face à l'exode de nos jeunes. Il est vrai qu'on doit se pencher sur l'établissement de fonds de développement, mais aussi fournir les outils nécessaires aux jeunes pour réussir. C'est une question de développer la culture d'entrepreneurship et de s'associer aux collèges et aux institutions postsecondaires pour donner aux jeunes l'accès et les ressources qui leur permettront de développer leur expertise. Je songe à une sorte de programme de mentors qui serait accessible au moment de leur entrée dans les institutions postsecondaires et qui pourrait également les suivre par la suite, une fois que l'entreprise est établie.

Un des gros défis, tant pour nous que pour les institutions, consiste à évaluer le potentiel d'une idée. Nous voulons absolument que le jeune qui est plein d'idées et qui a beaucoup de potentiel réussisse, bien qu'il n'ait pas nécessairement d'expertise. C'est donc une question de lui donner tous les outils, en plus du financement, pour qu'il puisse réaliser son rêve.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Monsieur Stinson.

M. Stinson (Okanagan - Shuswap): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre présence.

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Monsieur Ryan, je tiens à vous féliciter. Vous dites que vous offrez un service de conseil. J'aimerais savoir combien d'autres banques en font autant, et sinon, pourquoi?

Il semble qu'en milieu rural - en tout cas, telle a été à maintes reprises mon expérience, et je suis originaire d'une petite communauté. D'ailleurs, j'ai toujours vécu dans de petites villes. Parfois il n'est pas si difficile d'obtenir son premier prêt, mais quand on retourne à la banque pour renouveler son prêt, on constate qu'il y a un nouveau directeur des prêts qui ne comprend pas du tout les problèmes qui caractérisent votre milieu. Il ne se rend pas compte qu'il y a des hauts et des bas. Ce sont des facteurs qu'il ne considère même pas.

Je suppose que c'est cela qui me préoccupe le plus. Pourquoi changez-vous de directeurs de prêts si subitement, si rapidement sans jamais les laisser vivre quelques années dans un certain milieu pour qu'ils arrivent à comprendre son rythme économique?

M. Ryan: Permettez-moi de répondre brièvement au premier point que vous avez soulevé concernant le mouvement des directeurs de comptes. À la BDC, nous nous efforçons de garder nos directeurs de comptes dans leurs postes aussi longtemps que possible. Nous visons d'habitude une période de trois ou quatre ans. Souvent ce n'est pas possible; d'autres ouvertures se présentent, les intéressés veulent faire avancer leur carrière, et par conséquent, nous les mutons à un bureau situé ailleurs.

Ce que nous nous efforçons de faire, cependant, c'est d'assurer une certaine continuité au sein du bureau local ou régional, de sorte que lorsque le directeur de comptes s'en va, quelqu'un d'autre comprend bien la nature de son portefeuille. Par conséquent, il y a toujours une deuxième personne qui s'occupe de ces mêmes dossiers, pour éviter justement que le client soit obligé de repartir de zéro. Donc nous assurons la continuité de cette façon.

Il y a évidemment des hauts et des bas pour toute entreprise. Je pense que notre programme de conseil a vraiment donné d'excellents résultats du point de vue du petit entrepreneur, en ce sens qu'il arrive souvent que ce dernier ne puisse pas faire appel à quelqu'un au sein de son organisation s'il se heurte à un problème particulier. Nous nommons un conseiller qui travaillera avec les responsables de l'entreprise en vue de les aider à régler leurs problèmes.

L'autre aspect important de notre philosophie à la BDC, c'est que nous essayons de soutenir l'entreprise pendant des périodes de prospérité et d'austérité. Il y a une sorte de continuité en ce sens que nous n'abandonnons pas l'entreprise. Souvent, si un client a des problèmes de liquidité particuliers, nous offrons de suspendre les paiements de capital. Cela permet d'alléger un peu sa charge financière.

M. Stinson: Dans le même ordre d'idées, mettons qu'il y ait un conflit de personnalité - et c'est le genre de chose qui arrive - entre le directeur des prêts et un client. Avez-vous une procédure d'appel en bonne et due forme?

M. Ryan: Oui, absolument. Nous avons une procédure qui permet au client de déposer une plainte. S'il n'est pas possible de régler l'affaire par l'entremise du directeur des comptes et du directeur du bureau régional, le vice-président régional s'en charge. Son objectif est de régler le différend, quel qu'il soit. S'il n'est pas possible de le régler à ce niveau-là, l'affaire est renvoyée directement devant l'ombudsman qui se trouve au siège social, et qui relève du président. Je peux vous assurer qu'il préfère ne pas avoir à faire intervenir l'ombudsman. En cas de différend, il est toujours préférable de le régler au niveau local.

Le président: Monsieur McInnes, voulez-vous intervenir?

M. McInnes: Je vais parler un peu des services de conseil et céder ensuite la parole à un de mes collègues pour aborder l'autre question soulevée par le député.

Je pense qu'il serait raisonnable de dire que les banques à charte se sont vraiment fixé comme priorité au cours des dernières années de mieux renseigner les entreprises. Nous avons obtenu une série de colloques destinés aux petites entreprises d'un bout à l'autre du pays pour les renseigner sur la façon d'approcher une banque et de préparer un plan d'entreprise, et pour les aider à comprendre les différents types de capital dont il peut s'agir et ce qu'il faut pour réussir. En fait, nous avons tenu un colloque destiné aux petites entreprises sur la colline parlementaire il y a environ un mois et demi qui a été couronné de succès. L'honorable John Manley est venu faire quelques remarques et profiter de l'occasion pour adresser la parole à plus de 100 entrepreneurs qui étaient présents.

En tant qu'association, nous avons également mis au point un programme tout à fait novateur pour renseigner les entrepreneurs et les jeunes étudiants. En fait, on peut même obtenir cette information sur CD-ROM. En fait, nous l'avons également adaptée à la communauté autochtone, ce qui est peut-être d'un intérêt particulier pour le comité. On peut se servir de ce CD-ROM avec n'importe quelle machine, n'importe où au Canada.

Donc, nous essayons de dispenser un programme d'éducation dans toutes les régions du pays, ce qui est fort utile pour perfectionner les compétences, former les hommes et les femmes d'affaires et favoriser l'esprit d'entreprise. Notre programme est une si grande réussite, d'ailleurs, que nous allons exporter notre produit à l'étranger. Nous avons envoyé une copie de ce CD-ROM à toutes les écoles du Canada.

L'autre élément qu'il faut mentionner, c'est que l'incidence de ces programmes peut être difficile à évaluer. Nos banquiers locaux participent aux initiatives de bureaux locaux de développement économique. Ils font des exposés lors de cours ou de programmes de formation d'entrepreneurs organisés par les centres communautaires, collèges ou écoles locaux situés d'un bout à l'autre du pays. Donc, l'éducation est de toute première importance.

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Si les banquiers, coopératives de crédit et prêteurs insistent tellement là dessus, c'est parce qu'ils veulent qu'on leur présente de bons plans d'entreprise afin de faciliter l'octroi du crédit. C'est dans notre intérêt et le leur aussi.

M. John Leckie (Association des banquiers canadiens): L'élément positif en milieu rural, c'est qu'il y a beaucoup moins de roulement chez les directeurs de comptes qu'en milieu urbain. Je dirais même que le roulement constant du personnel pose un grave problème dans les villes.

En milieu rural, j'aimerais pouvoir vous affirmer que c'est en raison d'une bonne planification que le roulement est si minime, mais j'imagine que cela tient davantage au fait que les coûts associés au déménagement d'un employé sont très élevés. Par conséquent, ils ont tendance à rester plus longtemps sur place. Cela ne veut pas dire, évidemment, qu'il n'y a pas lieu d'améliorer encore la situation.

Pour ce qui est des services de conseil, il me semble que du moment qu'on consent un prêt à quelqu'un, la succursale doit nécessairement travailler en étroite collaboration avec lui, et donc j'espère que nos clients bénéficient de conseils permanents, en quelque sorte, de par leurs rapports avec un banquier expérimenté. Peut-être pourrais-je vous raconter quelque chose qui m'est arrivé au cours des six dernières semaines.

J'étais à Winnipeg, où je faisais de la gestion itinérante. J'ai rencontré une dame qui dirige un petit magasin de détail à Winnipeg, dans un centre commercial. Son approche est saine mais elle manque un peu d'expérience. Au point de vue sens des affaires, elle est excellente - d'ailleurs, elle ne traite pas avec nous - mais quand j'ai examiné ses livres, j'ai constaté qu'elle empruntait 20 000$ à quelqu'un au taux de 15 p. 100. Elle a donné comme cautionnement des CPG d'une valeur de 15 000$. Donc, en réalité, elle n'obtient que 5 000$ de crédit non garanti, qu'elle paie au taux de20 p. 100. J'ai remarqué trois ou quatre autres choses qui n'allaient pas sur le plan financier.

J'ai donc décidé de lui en parler. Je lui ai dit ceci: vous seriez prête à payer combien pour obtenir un bon service de conseil financier? Seriez-vous prête à verser 200$ par mois à une banque, par exemple, si nous vous donnions un conseiller? Je songeais par exemple à des banquiers retraités. Elle n'était pas très enthousiaste au départ, mais le fait est qu'elle va payer 20 p. 100 pour toucher les fonds dont elle a besoin.

Aussi incroyable que ça puisse paraître, nos marges sont de l'ordre de 2 à 2,5 p. 100 sur le prêt. Il s'agit donc de 500$ par année avant d'avoir payé nos frais généraux, notre personnel, etc. Pour nous, donc, ce n'est pas une marge importante quand il s'agit de payer des frais généraux et d'offrir des services de conseil.

Mais vous avez raison, à mon avis. Je pense qu'on peut et qu'on devrait faire quelque chose. Je voulais simplement vous faire part de ma petite analyse de la situation pour le moment.

Le président: Merci. Monsieur Thalheimer.

M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Merci, monsieur le président.

Toute économie a besoin de capital pour se développer ou maintenir son rythme de croissance. Il faut de l'argent. Le problème, tel que je le perçois, surtout en milieu rural, concerne surtout l'aspect cautionnement. Vous craignez de perdre l'argent que vous prêtez. C'est justement ce à quoi faisait allusion M. Canuel: vous n'êtes pas disposés à prêter de l'argent dans les régions rurales parce que vous craignez trop les risques qui y sont associés.

J'aimerais bien que nos invités nous disent quel rôle le gouvernement pourrait jouer, à leur avis, pour favoriser l'accès au capital. Je sais pertinemment qu'il y a du capital de disponible; le capital est important, de même que les conseils, l'information et l'encadrement, mais je voudrais m'en tenir à l'aspect capital.

Il me semble, d'après ma propre expérience, notamment en milieu rural où se pratique l'agriculture, etc., que le capital n'est pas toujours disponible. Il est disponible partout où l'on peut fournir une garantie. Si vous découvrez une mine d'or à Tombouctou - cela ne s'est pas encore produit, mais on parle de situation hypothétique - et vous êtes en mesure de prouver l'existence d'un gisement de minerai d'or, vous obtiendrez le capital dont vous avez besoin. Si je me présentais devant la première banque en leur disant: «Voilà j'ai tant de millions d'onces d'or», ils me répondraient: «Très bien; voilà votre chèque; allez donc l'exploiter».

Le problème au Canada rural est le suivant: si j'ai une idée - mettons que je désire lancer une exploitation avicole ou autre chose, ceux avec qui je vais devoir traiter vont être sceptiques: et qu'est-ce que vous avez comme garantie à nous offrir? , diront-ils. Eh bien, je n'ai rien. Je n'ai qu'une idée. Alors, que vous l'admettiez ou non, le problème qui se pose est celui de la garantie à fournir, n'est-ce pas? Voilà le problème au Canada rural. Les gens n'ont pas de garantie à fournir.

Le gouvernement devrait-il donc assumer une partie des risques vis-à-vis du capital requis pour développer ou soutenir une économie? Pensez-vous que le gouvernement a un rôle à jouer dans ce domaine? Qu'est-ce que vous en pensez?

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M. Leckie: Je voudrais tenter de répondre. En théorie, la sécurité représente une porte de sortie pour la banque. Elle ne devrait pas constituer la principale considération quand il s'agit de décider de consentir ou non un prêt à quelqu'un. Elle ne doit constituer qu'une porte de sortie.

Si l'on pense aux prêts agricoles et aux problèmes qui se sont posés pendant les années 1980, rétrospectivement, on pourrait peut-être dire qu'on a beaucoup trop insisté sur la garantie et pas assez sur la marge brute d'autofinancement qu'une exploitation agricole devrait normalement avoir. Par conséquent, les banques avaient trop tendance à consentir des prêts en fonction de la garantie offerte, au point où la valeur des terrains a tellement augmenté qu'ils ne correspondaient plus à leur valeur économique.

À l'avenir, pour que les banquiers apprennent à mieux faire leur travail au niveau des prêts, ils devront analyser davantage la marge brute d'autofinancement d'une entreprise. Il n'y a que cela qui compte finalement. Le gouvernement pourrait peut-être prêter son concours aux petites entreprises, comme il l'a fait pour les entreprises de taille moyenne, par l'intermédiaire de fonds de capital-risque d'employés, etc. Étant donné que nous faisons parfois des évaluations erronées, et que les temps et les cycles changent, une garantie est parfois bien utile lorsqu'un banquier fait une bourde.

Ce qui m'inquiète vraiment, c'est que nous n'ayons plus du tout de garantie dans une économie axée sur la connaissance. La garantie rentre à la maison le soir pour voir sa famille. Le problème, c'est le capital humain. À l'heure actuelle, les actifs ou les ressources sont des ressources humaines, et jusqu'à présent - je touche du bois - nous n'avons pas encore demandé de garantie pour cela. Donc, il va nous falloir apprendre à consentir des prêts en fonction du critère des ressources d'autofinancement et d'une évaluation approfondie de l'entreprise.

Il va falloir songer à suivre le modèle des fonds de capital de risque de travailleurs qui sont actuellement subventionnés par le contribuable à raison de 70¢ le dollar - c'est-à-dire une subvention de 30¢. Pour ce qui est des problèmes de démarrage mentionnés par le député du Québec, il faut évidemment des fonds de démarrage et des fonds à plus long terme, que certains de vos invités aujourd'hui offrent déjà. Si vous en voulez plus, vous allez devoir faire pression dans d'autres secteurs du marché pour faire créer des fonds de capital de risque de travailleurs.

M. Thalheimer: Évidemment, les gens sont très importants, comme dans toute économie. On a besoin de ressources humaines, physiques.

Par exemple, comme le disait M. Canuel, un jeune médecin qui ouvre un cabinet dans une localité... Mettons que je décide d'ouvrir un magasin de vêtements pour hommes dans la petite ville où j'habite, parce qu'il n'y en a pas; c'est ça mon idée. Vous me dites: Vous vivez dans une localité de 3 000 habitants, et vous voulez un prêt pour ouvrir un magasin de vêtements pour hommes. Avez-vous des employés qui pourraient essayer de dissuader ou de raisonner quelqu'un qui se présenterait dans une banque avec une telle idée? Êtes-vous en mesure de l'aider en lui disant: Écoutez, votre projet est trop ambitieux? Si vous voulez ouvrir un magasin, soyez sûr de votre clientèle? Ou encore, vous feriez mieux de ne pas ouvrir votre magasin, car ce n'est pas le genre d'entreprise qui pourrait être profitable. Avez-vous l'expertise ou le doigté nécessaire pour conseiller les gens qui arrivent chez vous avec ce genre de projet?

Je sais que beaucoup de gens sont frustrés, et que par conséquent, ils ont tendance à dire à tout le monde que la banque refuse de leur donner un sou. Mais si elle refuse, c'est pour une bonne raison. Elle sait que le projet en question est voué à l'échec.

M. Toriel: Plusieurs banques offrent des logiciels, par exemple, qui assistent un client, un éventuel emprunteur, à préparer son plan d'entreprise, car c'est bien de cela qu'il s'agit ici. En faisant une auto-analyse à l'aide de ce logiciel, le client peut déterminer s'il a des chances ou non de réussir, car il doit répondre à plusieurs questions. C'est un logiciel d'auto-apprentissage.

Je peux vous assurer que nous nous efforçons toujours de bien expliquer la situation à notre client, où que nous soyons... peu importe que ce soit en milieu rural ou urbain. Cela fait partie de notre rôle. Si nous sommes d'avis que le plan d'entreprise du client présente certains risques, nous essayons de lui indiquer les points faibles ou de lui faire comprendre - pour reprendre votre exemple-que son entreprise ne sera pas profitable.

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Nous avons fait allusion tout à l'heure aux problèmes associés à l'octroi de prêts aux entreprises axés sur les connaissances. Mais regardons quelques succès - par exemple, la croissance fulgurante du secteur de la biotechnologie agricole dans la région de Saskatoon.

Il s'agit de petites entreprises qui sont en plein essor qui obtiennent des prêts et qui ont une bonne clientèle, malgré le fait qu'elles n'ont pas les fameux actifs dont nous parlions tout à l'heure. En fait, elles en ont très peu, puisque la plus grande partie de leurs actifs sont en réalité les nouvelles technologies.

Nous parlons ici d'une industrie qui met plusieurs années avant d'avoir une bonne marge brute d'autofinancement, mais les banques se font concurrence pour les avoir comme clients à Saskatoon. Elles consentent des prêts à celles qui ont une bonne clientèle... et qui, d'après notre évaluation, ont de bonnes chances de réussir, pour nous et pour elles, au cours des deux, trois, quatre ou cinq prochaines années.

Donc, le portrait n'est pas entièrement négatif. Il y a aussi de bonnes nouvelles et des entreprises qui réussissent. Je sais que dans la région de Guelph en Ontario, le secteur de la biotechnologie agricole est très prospère. Mais les gens doivent nous présenter des idées nouvelles et aller jusqu'au bout. Quand l'idée est bonne et qu'elle est appuyée par un bon plan d'entreprise et une bonne direction, nous sommes prêts à jouer le jeu.

M. Thalheimer: Vous avez parlé de Saskatoon et de Guelph, mais ce ne sont pas des localités rurales, à mon avis.

M. Toriel: Non, mais c'est là que vont les gens.

M. Thalheimer: Mais moi je vous parle de localités comme Timmins, Kapuskasing ou Wawa.

Le président: Monsieur Toriel, je crois que M. Ryan voudrait ajouter quelque chose.

M. Thalheimer: Excusez-moi.

M. Ryan: L'honorable député a soulevé une excellente question. J'aimerais d'ailleurs attirer votre attention sur le programme de Consultation au service des entreprises ou CASE. Ce programme est dirigé essentiellement par des cadres qui sont à la retraite. Un tiers de toutes les affectations annuelles concernent le lancement de nouvelles entreprises. Ils travaillent avec le client et ils font une évaluation du projet pour déterminer s'il a des chances de réussir ou non.

L'autre programme que j'ai mentionné dans mes remarques liminaires est notre programme destiné aux micro-entreprises. Il prévoit une procédure en six étapes dont la première représente une auto-évaluation. L'éventuel client évalue sa situation en se demandant s'il a ce qu'il faut pour réussir en affaires.

Si vous terminez la première étape et nous acceptons de vous faire passer à l'étape suivante, vous allez devoir effectuer une évaluation diagnostique où vous examinez vos forces et faiblesses en tant qu'entrepreneur et les différents éléments que vous devez améliorer pour pouvoir passer à l'étape suivante, c'est-à-dire la préparation de votre plan d'entreprise.

Une fois que vous avez préparé votre plan d'entreprise, vous passez à l'étape suivante, étape que j'appellerais l'admissibilité à une aide financière. Il pourrait s'agir d'un minimum de 5 000$ ou d'un maximum de 50 000$, selon le type d'entreprise, et selon qu'il s'agit d'une entreprise nouvelle ou déjà en place.

Le président: D'autres remarques?

M. McInnes: Oui, j'en ai deux à faire très rapidement. D'abord, chaque banque a mis en place au cours des deux ou trois dernières années des centres d'excellence et d'expertise dans différents centres d'un bout à l'autre du pays où se trouvent les entreprises de technologie de pointe et celles axées sur la connaissance. Mais ils vont là où se trouvent les clients. Donc, s'il y a une proposition à évaluer dans une localité rurale qui exige les connaissances d'un spécialiste agricole ou d'un expert en logiciel de pointe, il est possible, à condition de faire de la recherche, qu'on vous trouve quelqu'un qui vous aide à évaluer la proposition en question. Donc, les clients ruraux peuvent avoir accès à ce genre d'expertise.

L'autre point que je voulais soulever au sujet de la BDC et des institutions financières de la Couronne, c'est que tout cela met en évidence une lacune que de telles institutions pourraient éventuellement combler. Je sais que la BDC offre déjà un produit de transformation des créances en participation. Elle peut agir à titre de centre de recherche et de développement pour l'ensemble du marché.

Ce sont évidemment des domaines nouveaux, à risque élevé, et nous nous efforçons de voir comment nous devons mener nos activités dans ces mêmes secteurs. Nous aimerions travailler de près avec la BDC et d'autres sociétés de la Couronne pour essayer de déterminer dans quels secteurs elles peuvent intervenir le plus efficacement, même si les banques individuelles essaient de les concurrencer dans ce même domaine.

Le président: Nous devons passer à l'intervenant suivant.

M. Leckie: Très rapidement, je voudrais ajouter que le programme CASE qu'a mentionné John Ryan constitue un excellent exemple de la complémentarité entre les activités de la BDC et les nôtres. Nous avons recours à ce programme de consultation qu'elle a mis en place. Voilà donc un bon exemple d'une société de la Couronne qui ne cherche pas à concurrencer directement... le fait est que nos activités se complètent, et que ce programme de consultation est excellent.

Le président: Monsieur Reed.

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M. Reed (Halton - Peel): Je voudrais me concentrer sur deux éléments, si vous permettez. D'abord, la question de l'accès à l'expertise. Il existe des milliers de succursales et plusieurs milliers de personnes qui travaillent dans nos banques. Et il y a peut-être autant d'entreprises uniques qui cherchent à obtenir des services d'un type ou d'un autre.

En tant que clients d'une banque, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que la succursale locale possède nécessairement toute l'expertise requise pour répondre aux besoins de notre entreprise. Mais d'après mon expérience, les succursales locales ne peuvent pas accéder à l'expertise qui peut exister et qui existe certainement au sein du système bancaire.

Cette information est fondée sur mon expérience personnelle, qui est assez considérable. Peu importe que l'entreprise présente de gros risques ou de faibles risques. En fait, il peut s'agir d'une entreprise tout à fait unique qui présente relativement peu de risques mais le banquier local n'a jamais connu ce genre d'entreprise auparavant.

Je pourrais vous faire part de ma propre frustration à cet égard... Je pense que le banquier peut effectivement jouer un rôle important en disant à son client: Oui, vous avez une entreprise de telle et telle nature, nous avons quelqu'un dans telle localité qui connaît ou qui a déjà eu à guider deux ou trois projets de même type par le passé, et nous allons vous mettre en rapport avec lui. Malheureusement, il ne semble pas y avoir de mécanisme au sein du système bancaire pour faciliter cet accès.

Je comprends très bien ce que vous dites, monsieur McInnes, au sujet des centres d'excellence, etc. Mais ils sont soit très nouveaux, au point où les gens qui travaillent pour les banques ne les connaissent pas encore aussi bien qu'ils le devraient, ou alors leur excellence se limite aux entreprises de type traditionnel. Vous me suivez?

M. Leckie: Oui.

M. Craig Rothwell (Association des banquiers canadiens): Oui, tout à fait. Je voudrais d'ailleurs y réagir.

M. Reed: Des fois je me surprends moi-même.

M. Rothwell: J'ai l'impression qu'il s'agit d'un problème de communication. Je crois pouvoir parler pour toutes nos banques. Nos directeurs sont des généralistes, bien qu'il puisse y avoir des gens qui se spécialisent dans l'agriculture, le pétrole ou le gaz, par exemple, au sein de certaines succursales. Mais en règle générale, nos directeurs de comptes sont des généralistes. S'ils connaissent mal une certaine industrie, on les encourage évidemment à contacter leur service de gestion des risques où se trouve cette expertise, ou encore les groupes spécialisés au sein des banques mêmes, comme celui qui s'occupe de l'agriculture.

La plupart des banques ont un groupe d'agronomes répartis d'un bout à l'autre du pays. Nous avons des services qui se spécialisent dans les opérations minières, le pétrole et le gaz, et l'exploitation forestière. Dans les provinces maritimes et sur la côte ouest, il y a des gens qui se spécialisent dans le secteur de la pêche, etc.

Donc, cette expertise est généralement disponible. Si vous dites qu'on n'arrive pas toujours à y accéder, il me semble que c'est surtout en raison d'un problème de communication. Je vais soulever la question auprès des membres de notre comité, pour m'assurer que les directeurs sont au courant, car on les encourage toujours à recourir à cette expertise quand ils n'ont pas les compétences requises.

M. Lackie: Dans le même ordre d'idées, il s'agit d'un problème de communication que Toronto Dominion veut tourner à son avantage. Nous croyons justement avoir un avantage, par rapport à nos concurrents, en ce sens que nous n'avons pas acheté de courtier négociant; par conséquent, notre banque d'entreprise est davantage intégrée dans notre banque normale. À notre avis, il existe une vaste réserve de talents et d'information au sein de cette banque d'entreprise dont nous pouvons faire bénéficier les autres branches.

Je songe, par exemple, aux services publics. J'ai l'impression qu'Ontario Hydro va être morcelé.

M. Reed: Comment avez-vous deviné?

M. Leckie: L'ex-ministre libéral des Finances le recommande, en tout cas. Si cela se produit, nous pourrions finir par avoir jusqu'à 302 services publics en Ontario.

.1645

Nous avons 40 spécialistes des services publics. J'imagine que la plupart de nos 943 directeurs de succursales ne penseraient même pas que nous en avons deux. Nous nous efforçons de placer des spécialistes dans les marchés de petite et de moyenne taille et d'amalgamer leurs services et ceux des spécialistes des services bancaires aux grandes entreprises. Dans ce cas-ci, la majorité d'entre eux se trouvent à New York, car les entreprises de services ont toujours été des sociétés de la Couronne au Canada jusqu'à présent. Par conséquent, nous n'en avions pas besoin ici. Mais nous en avions besoin à New York, où nous avons monté un portefeuille.

Nous avons à présent beaucoup d'expertise dans le domaine des services publics. Nous aimerions par conséquent canaliser ces connaissances et cette information vers les régions, vers Mississauga - même si nous savons fort bien qu'il ne sera jamais question de transformer le directeur de la succursale de Mississauga en spécialiste. Par contre, je veux que ce directeur sache que nous avons de tels spécialistes au sein de notre organisation et qu'il peut y recourir s'il en a besoin.

C'est donc une possibilité très intéressante pour nous, et pour nos clients.

M. Reed: Bien, permettez-moi de vous féliciter. Je ne sais pas comment vous avez fait pour savoir ce que j'avais derrière la tête. Je songeais justement à ce même exemple - c'est-à-dire qu'il y a de petits services publics qui sont en train de s'implanter en Ontario, et la seule expertise qui existe nous atteint à l'occasion par l'intermédiaire d'une expérience ici et là, mais ne semble pas avoir pénétré le système dans son ensemble.

M. Leckie: J'aimerais vous parler après.

M. Reed: Merci beaucoup. Nous en parlerons tout à l'heure.

M. Thalheimer: Vous avez besoin d'un prêt?

M. Reed: On ne sait jamais.

Je voulais simplement demander aux représentants de la Banque de développement si leurs paramètres sont comparables à ceux des banques traditionnelles. Autrement dit, avez-vous l'impression de concurrencer le système bancaire traditionnel, ou êtes-vous un peu à part? Comment vous distinguez-vous?

M. Ryan: Nous nous considérons comme un prêteur complémentaire qui ne concurrence pas les banques à charte. Nous nous efforçons de travailler en étroite collaboration avec elles.

Dans un cas typique, nous recevons une demande d'un client. À ce moment-là, nous allons nous mettre en rapport avec la banque à charte avec laquelle le client traite habituellement pour lui dire que nous avons reçu une demande de financement de tant pour ce client. On explique le programme et le financement prévu. Si la banque à charte en question veut assurer ce financement, elle va tout de suite nous le dire, et nous n'allons pas participer. Si, pour une raison ou une autre, elle décide de ne pas assurer ce financement - et dans bon nombre de cas, sa décision est motivée - nous procédons à notre propre évaluation de la proposition.

Il y a cependant plusieurs différences importantes. Par exemple, nous n'offrons pas de marges de crédit. Les banques à charte sont très actives dans ce secteur. En ce qui concerne le financement à terme, en vertu de notre nouveau mandat, nous sommes tenus de mettre davantage l'accent -comme je vous l'expliquais tout à l'heure = sur le financement par fonds de roulement, c'est-à-dire que nous complétons le financement assuré par les banques à charte. Mettons que l'entreprise ait une marge de crédit de 100 000$ mais a besoin de 50 000$ ou 100 000$ de plus pour soutenir les ventes et les faire passer à un niveau supérieur. À ce moment-là, nous allons compléter le financement offert par les banques à charte.

De plus, nous mettons davantage l'accent sur ce que nous appelons le «quasi-capital», ce dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire les fonds consentis à ce que nous considérons comme des entreprises à risque élevé mais qui présentent d'excellentes chances de croissance à l'avenir. Par conséquent, nous leur assurons ce financement sous forme de quasi-capital, par rapport à un prêt à terme classique.

En ce qui concerne la concurrence, au contraire, quand nous traitons avec une banque à charte - je mentionnais tout à l'heure les alliances stratégiques que nous à la BDC avons formées avec la Banque royale, par exemple - nous essayons de conjuguer nos efforts pour offrir les meilleurs services possibles au client.

M. Reed: Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Reed.

J'ai plusieurs questions à poser, ce qui ne va sans doute pas vous surprendre. La première s'adresse aux représentants de la Banque de développement du Canada.

Je voudrais tout d'abord attirer votre attention sur un rapport publié dans l'autre endroit par l'honorable Michael Kirby et l'honorable David Angus du Comité sénatorial des banques. La troisième recommandation, que vous connaissez sans doute, se lit ainsi:

Nous aurons l'occasion en comité de discuter de la SCA plus tard, mais j'aimerais savoir ce que votre organisation pense de cette recommandation.

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M. Don Layne (premier vice-président, Affaires générales, Banque de développement du Canada): Monsieur le président, comme vous le savez, le Comité sénatorial des banques a tenu une longue série d'audiences. Je crois qu'il visait plusieurs objectifs.

Cependant, l'organisation des organismes de la Couronne relève du Cabinet du premier ministre. À mon avis, il est possible d'atteindre les objectifs de ces organismes qu'il y ait fusion ou non. Nous servons essentiellement deux marchés bien distincts. En fusionnant la Société du crédit agricole et la BDC, vous allez amalgamer deux marchés différents. Autrement dit, il y a très peu de double emploi entre les deux organismes - moins de 2 p. 100.

Sur le plan de l'efficacité, les avis sont encore partagés. Personne n'a encore prouvé qu'une telle fusion garantirait plus d'efficacité, sauf en ce sens qu'il y aurait un seul président, par exemple, ce qui générerait certaines économies.

Ceux qui demeurent sceptiques, et je ne dis pas nécessairement qu'il existe un tel scepticisme au sein de la BDC - en réalité, cette question suscite de vifs débats dans les milieux gouvernementaux - craignent un éventuel manque de coordination si l'on a une organisation qui s'occupe des agriculteurs, et une autre organisation qui s'occupe de la petite entreprise. À ce moment-là, il serait peut-être préférable d'avoir une seule organisation avec deux grandes branches ou spécialisations.

Quoi qu'il en soit, la Banque appuie entièrement les objectifs que le comité sénatorial s'est fixés. Quant à la façon de les réaliser, je pense que c'est au gouvernement de prendre la décision.

Le président: Monsieur Ryan, vous voulez dire quelque chose?

M. Ryan: Non, je crois que cela résume bien la situation, monsieur le président.

Le président: Si vous me permettez, j'aimerais changer un petit peu l'orientation de la discussion. Il me semble que c'est M. Leckie - peut-être pas, au fait - qui a soulevé la question; il a fait allusion au rapport Lightstone, qui indiquait que les décisions en matière de crédit étaient prises non pas en fonction de la situation régionale, mais en fonction des risques. Quelqu'un a dit cela tout à l'heure, et cette affirmation figure dans le rapport.

Supposons que cela soit vrai - c'est-à-dire que les décisions en matière de crédit sont effectivement prises en fonction des risques, et non en fonction de la situation dans la région visée - j'ai l'impression que de par la nature des différences structurelles qui différencient le Canada rural et le Canada urbain, il est sans doute plus risqué de consentir des prêts en milieu rural. Une proposition qui concerne une opération rurale est sans doute plus risquée qu'une opération analogue en milieu urbain du fait qu'elle se déroule en région. C'est peut-être à cause du marché limité, de la population moins dense ou d'autres facteurs encore; mais le fait est qu'il est toujours plus risqué de consentir un prêt en milieu rural qu'en milieu urbain.

Pour cette raison, le capital est nécessairement plus disponible dans les centres urbains qu'en milieu rural. Ce n'est pas parce qu'on a un parti pris contre les opérations rurales, mais c'est tout simplement qu'elles sont plus risquées à cause de facteurs structurels. Est-ce que cette analyse vous semble juste?

M. Leckie: Je ne sais pas. Si ma mémoire est bonne, au cours des audiences du comité permanent, le député de Mississauga regardait Roseanne Skoke, qui représentait les provinces maritimes au sein du comité... Disons que les gens de Mississauga avait l'impression d'avoir été lésés comparativement aux provinces de l'Atlantique, pour ce qui est de l'octroi de crédit. C'était donc tout à fait l'inverse.

Andy, je fais allusion ici à l'exposé de Thompson Lightstone; c'était ça le contexte.

Je ne sais pas si c'est vrai ou non. Il est possible que ce soit l'inverse, mais cela vaudrait la peine d'approfondir la question.

M. Toriel: Pour compléter les remarques de M. Leckie, monsieur le président, je pense qu'on peut difficilement faire de telles généralisations. Par exemple, dans une petite localité, les gens se connaissent beaucoup mieux, et donc, les rapports ne sont pas de même nature. Il est beaucoup plus facile d'avoir de bons rapports avec son banquier dans une petite localité, où vous le connaissez bien et vous le rencontrez dans plusieurs milieux ou contextes différents, que dans la banlieue ou une grande ville.

Les gens sont plus proches et souvent il y a moins de concurrence. Si vous voulez ouvrir une nouvelle quincaillerie dans un village ou une petite ville qui n'en a pas, vous n'avez pas à craindre qu'une grande chaîne arrive et prenne le contrôle de votre entreprise, parce qu'une grande chaîne ne voudra pas s'implanter dans votre village à moins que vous ne soyez près d'une grande ville.

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Il y a donc le pour et le contre, mais tout dépend des circonstances individuelles. Je ne voudrais pas donner l'impression qu'à notre avis, faire des affaires en milieu rural présente plus de risques... Tout dépend de la localité, de l'entreprise concernée et de la situation. Chaque cas doit être évalué individuellement.

Le président: Donc, à votre avis, il n'y a pas de caractéristiques structurelles propres au milieu rural - par exemple, la distance qui le sépare du marché, les coûts de transport pour faire venir les marchandises...

M. Leckie: Elles existent peut-être, mais elles peuvent être contrebalancées par... Il est plus facile de consentir un prêt en se fondant sur une appréciation morale, comme l'expliquait Paul tout à l'heure. Par contre, dans les grands centres urbains, il devient de plus en plus difficile d'évaluer la moralité et l'intégrité des gens.

Le président: Donc, si je peux résumer votre position officielle, vous estimez que l'accès au capital n'est guère différent au Canada rural qu'au centre-ville de Toronto?

M. Leckie: Je ne peux pas porter un jugement là-dessus. Je n'en suis pas capable.

Le président: Vous ne savez pas.

M. Leckie: Je pense que la dynamique est assez complexe. Il est vrai que les plus petits marchés présentent plus de risques, mais ces derniers sont compensés par autre chose. Il faut vraiment examiner chaque cas individuel, et c'est justement ce que nous recommandons à nos directeurs de succursales locales.

M. Rothwell: Pourrais-je ajouter quelque chose?

Le président: Oui, monsieur Rothwell.

M. Rothwell: Je suis tout à fait d'accord. À mon avis, cela dépend beaucoup des industries concernées. Par exemple, si vous voulez fabriquer des flocons de maïs, cela vous coûtera moins cher d'expédier le maïs vers une localité qui se trouve près de la population cible, de le transformer en flocons et de le distribuer sur place que de le faire ailleurs... et d'expédier le plus gros produit à valeur ajoutée vers votre marché. Donc, tout dépend de l'industrie concernée, comme il le laissait entendre.

Le président: Permettez-moi de changer de sujet. Ma question concerne la fermeture de succursales rurales, question sur laquelle on attire l'attention des députés de temps à autre. Si une succursale particulière a un certain niveau de bénéfices depuis bon nombre d'années et va continuer de faire autant de bénéfices dans les années qui viennent, peut-on présumer que vous seriez disposés à ce moment-là à garder cette succursale ouverte?

M. Leckie: Oui, car nous croyons toujours - remarquez les réseaux de distribution sont en train de changer et que, par conséquent, notre politique à cet égard pourrait également changer - que lorsque nous fermons des succursales et réduisons nos opérations au niveau des succursales, nous perdons nécessairement une part de notre marché.

Le président: Dans ce cas-là, pourquoi fermez-vous des succursales?

M. Leckie: C'est une très bonne question, et nous essayons de l'approfondir de plus en plus. Parfois les raisons qui ont motivé la fermeture sont importantes. Évidemment, nous ne décidons de fermer une succursale que si elle ne peut plus survivre. Mettons que la situation ait évolué, de sorte que les gens s'attendent à trouver dans leur village ou localité un concessionnaire John Deere mais avoir aussi une banque. Mais je voulais dire encore une fois, Andy, que nous savons fort bien que, lorsque nous fermons des succursales, nous avons tendance à perdre une part de notre marché.

Le président: Vous n'avez donc pas l'intention de changer vos critères. Si une succursale implantée dans une communauté rurale en Saskatchewan a des bénéfices de l'ordre de 500 000$, c'est-à-dire un niveau de bénéfice qui a été acceptable jusqu'à présent, en ce qui vous concerne, il sera tout aussi acceptable à l'avenir. Autrement dit, vous n'allez pas retourner à la succursale l'année suivante en lui disant que son niveau de bénéfice doit être de 700 000$.

M. Leckie: Non, mais en l'an 2005, Internet va peut-être nous obliger à modifier nos critères. Voilà la réalité.

Le président: Monsieur Toriel, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Toriel: À mon avis, monsieur le président, on ne peut pas se contenter de tenir compte des bénéfices d'une succursale. Nous essayons de suivre de près l'évolution de nos activités, c'est-à-dire que nous sommes constamment en train d'ouvrir et de fermer des succursales et de refaire ainsi l'histoire des opérations bancaires au Canada... Des fois il peut s'agir d'une succursale qui a été ouverte dans une localité, fermée par la suite, et rouverte dans la même localité quelque temps plus tard. Les choses évoluent.

Nous examinons toujours les tendances et nous tenons compte également des attentes de nos clients. Si nos clients nous disent qu'ils veulent être servis à partir de la ferme ou qu'ils préfèrent des services bancaires téléphoniques, ou passer par Internet, comme le disait John, ou un ordinateur pour obtenir des services, pour nous, c'est une indication très claire que nous devons changer nos méthodes. Et il nous faut le faire quel que soit le coût; par contre, cela peut nous inciter à fermer une succursale qui était relativement profitable. Mais si telle est l'évolution du marché dans cette région, nous devons, nous aussi, évoluer.

.1700

C'est le genre de choses qui arrivent de nos jours. Vous savez fort bien que nous ne sommes pas les seuls à être touchés par ce phénomène. De nos jours, tout fournisseur de services doit changer sa façon d'accéder au marché. Il nous faut comprendre qu'à l'avenir, il ne sera peut-être pas nécessaire d'assurer une présence physique dans telle ou telle collectivité. Peut-être que nous ferons beaucoup plus de choses - nous avons donné quelques exemples des services que nous offrons - qui seront d'une plus grande utilité du point de vue de notre client. Nous pourrons peut-être travailler mieux et plus rapidement grâce aux ordinateurs.

Le président: Mais à mon avis, vous devez essayer de vous mettre à la place de ceux qui vivent au Canada rural. Vous avez raison de dire que vous allez peut-être devoir modifier la façon dont vous distribuez vos produits ou assurez vos services. Par exemple, vous pourriez envisager de regrouper les opérations de traitement des comptes dans une localité centrale.

Prenons l'exemple d'une région comme le nord de l'Ontario; si une banque à charte décide de centraliser ses opérations de traitement et de recourir aux nouvelles technologies pour pouvoir tout faire dans une unité centrale, plutôt que dans les succursales, voilà ce qui pourrait arriver: les40 employés que vous aviez dans le nord de l'Ontario seraient remplacés par, mettons, 20 personnes qui travailleraient dans un centre de traitement. Vous feriez ainsi une économie de 20 salaires, ce qui est évidemment dans votre intérêt.

Mais si nous constatons que ces 20 personnes, au lieu de se retrouver dans un centre de traitement du nord de l'Ontario, se sont regroupées dans un centre au coeur de Toronto ou de Hamilton, je peux vous assurer que ceux d'entre nous qui viennent d'un milieu rural vont trouver cela extrêmement inquiétant.

C'est le genre de chose qui se produit tout le temps en milieu rural. Personne ne va contester le fait que vous êtes obligés de réaliser de telles économies et de profiter au maximum des nouvelles technologies pour rehausser l'efficacité de vos opérations. Ce qui nous préoccupe, cependant, c'est de constater que le recours à ces nouvelles technologies, tout en vous permettant de devenir plus efficaces, enlève des emplois à une région rurale dans le nord de l'Ontario ou en Saskatchewan et en crée d'autres au coeur des grandes agglomérations urbaines.

M. Leckie: Mais nous devons rendre quelque chose. Cela va probablement prendre la forme de conseils. Jusqu'à présent, si nous avons voulu assurer une présence physique, ce qui implique certains investissements, c'était pour mener des opérations bancaires. Mais cela représente une dépense importante pour les banques.

Tout cela nous ramène, en fin de compte, à la question que vous avez posée: comment obtenir des conseils? Voilà la voie de l'avenir. Il nous faut plus de gens dans les localités qui ne travaillent peut-être pas dans une succursale. Par contre, le spécialiste des services hydro-électriques doit faire un tour à La Ronge ou à une autre localité en Saskatchewan ou ailleurs pour offrir des conseils sur les services publics. Voilà le genre de chose qui devient de plus en plus courant. Mais j'imagine qu'au fur et à mesure que la situation évolue, vous aurez l'impression qu'il en résulte parfois des injustices.

M. McInnes: À titre d'information, monsieur le président, au cours des 10 dernières années, le nombre réel de succursales - et il s'agit de chiffres pour 1995 - a augmenté de plus de 1 000.

Il me semble cependant que notre discussion suscite la question que voici: que pouvons-nous faire, en tant que banques et pouvoirs publics, pour garantir la viabilité et la survie de ces très importants réseaux de distribution au Canada rural? Nous sommes présents dans plus de localités d'un bout à l'autre du pays que n'importe lequel de nos concurrents. Oui, nous allons peut-être réorganiser les succursales, mais si nous le faisons, c'est pour tenir compte des exigences des consommateurs et de l'évolution du marché. Il reste que nous devons nous demander ce qu'il y a à faire pour garantir la viabilité et la rentabilité des succursales.

Le président: J'ai une dernière question à poser, et je vais ensuite céder la parole à M. Canuel, qui sera le dernier intervenant.

Ma question s'adresse à M. Ryan, ou à M. Layne. Elle concerne vos partenariats avec les organismes de développement régional.

En fait, c'est une réponse partielle à la question que j'ai posée aux représentants des banques tout à l'heure. Si vous concluez ces ententes, c'est parce que vous reconnaissez que vous allez devoir consentir des prêts à des clients qui présentent plus de risques. Quant à votre motivation, si vous concluez une entente avec un organisme de développement régional, c'est parce que ce dernier va créer une provision pour pertes sur prêt qui vous permettra éventuellement d'assumer les prêts que vous allez consentir. Autrement dit, l'entente repose sur un chiffre bien précis. Et l'organisme que je connais le mieux, étant donné qu'il est implanté dans ma région, est FEDNOR.

Ma question est donc la suivante: en tant que député chargé d'examiner les politiques du gouvernement, comment puis-je savoir si vous, en tant que banque de développement des entreprises, prenez vraiment plus de risques en échange de ce soutien financier que vous offrent les organismes de développement régional? Qu'est-ce qui me permettra de savoir si votre niveau d'acceptation du risque a augmenté ou non?

M. Ryan: Je pense que votre question est tout à fait appropriée en ce qui concerne la façon de savoir quel niveau de risque on est prêt à accepter et jusqu'où on peut aller du moment qu'on dispose d'un appui financier d'un organisme régional, comme vous l'expliquiez il y a quelques instants.

.1705

Eh bien, c'est aux fruits qu'on juge l'arbre, comme on dit; ainsi les coefficients réels de pertes constitueront la meilleure preuve. Je ne pense pas qu'on puisse encore porter un jugement là-dessus. Vous pouvez toujours examiner un dossier et nous dire: voilà une proposition tout à fait normale, pourquoi ne l'avez-vous pas incorporée dans votre portefeuille régulier? Je pense malgré tout que vous constaterez avec le temps que notre acceptation du risque a évolué, c'est-à-dire augmenté, et par conséquent, certaines pertes y seront associées. Je ne veux pas dire par là que nous finançons des entreprises qui sont vouées à l'échec ou que pour nous ce sont surtout des subventions, mais je pense que vous pourrez vous-mêmes observer à l'avenir la tendance que j'ai décrite.

Le président: Je m'attendais à voir une réaction d'incrédulité de la part des banquiers quand vous avez dit que vous considérerez que votre programme est un succès quand vous aurez un coefficient des pertes sur prêts plus élevé.

M. Ryan: Non, ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que si vous examinez le type de propositions que nous allons financer, vous verrez qu'elles comportent des risques plus élevés. Si on les examinait aujourd'hui, on dirait peut-être que c'est un niveau de risque normal, mais à mon avis, il faut les évaluer projet par projet.

Au fur et à mesure qu'évoluera la situation, nous allons examiner notre performance et déterminer quel niveau de risque nous avons assumé et quel a été notre taux de perte. Si nos taux de perte se révélaient inférieurs à ce qu'ils sont actuellement, par exemple, on pourrait très bien nous accuser de ne pas avoir changé d'approche. Je ne veux pas dire par là que nous souhaitons subir de grosses pertes, car nous voulons au contraire soutenir ceux qui vont être gagnants, plutôt que perdants.

M. Layne: Cela ne se produira pas, à mon avis, parce que la procédure à suivre consisterait à assurer du financement en vertu d'un de nos programmes réguliers. On n'accepte de financer une entreprise en vertu de ses programmes de partenariat régional que s'il nous est impossible de lui consentir un prêt à terme normal ou un prêt à redevances. À ce moment-là, les risques sont évidemment plus élevés.

M. Rothwell: Je voudrais en revenir à la question des succursales, si vous me permettez.

Nous vous avons remis une copie du mémoire transmis à M. Goodale au sujet de la Société du crédit agricole. À la différence de la Banque de développement du Canada, la Société du crédit agricole est un établissement de crédit direct, comme le mentionnaient nos collègues de la Centrale des caisses de crédit et David.

Nous nous inquiétons non seulement de leur mandat actuel, mais du mandat élargi qu'elles semblent solliciter. On peut dire qu'au mieux, bon nombre de nos succursales sont extrêmement fragiles. À notre avis, comme la SCA n'est pas sur un pied d'égalité avec nous, si on lui permet d'élargir ses activités au-delà du secteur agricole, rien ne l'empêcherait de vendre ses services moins chers et d'enlever aux succursales rurales les composantes dépôt et prêt, ce qui pourrait les mettre en mauvaise posture.

Nous avons demandé à M. Goodale d'organiser une rencontre des principaux intervenants. Mais je pense que cela vous concerne également, étant donné que vous vous penchez sur la question du développement rural.

D'une part, nous cherchons à trouver des mécanismes qui vont permettre de développer le Canada rural, mais si d'autre part une institution financière gouvernementale va se mettre à offrir des services qui font double emploi avec les nôtres et se permettre de choisir uniquement les activités les plus profitables, il est évident que les succursales, et surtout les plus petites d'entre elles, risqueraient à ce moment-là de disparaître.

Le président: Est-ce déjà le cas, ou s'agit-il d'une éventualité si les changements proposés se concrétisent?

M. Rothwell: Les deux. Elle le fait déjà dans le secteur des exploitations agricoles, mais si on lui permet de le faire pour l'ensemble de l'agro-industrie, les problèmes risquent de s'aggraver.

M. Leckie: Une analyse des lacunes nous semble indiquée. S'il y a des secteurs où nos services sont insuffisants, pourrait-on nous le dire, afin que nous puissions chercher à combler ces lacunes?

M. Toriel: Je suis tout à fait d'accord, monsieur le président. Quelle que soit l'institution financière, qu'il s'agisse de banques, de coopératives de crédit ou de caisses populaires, nos marchés sont menacés par de telles activités. Cela dépasse de loin le secteur d'activité des banques à charte. Il peut s'agir de n'importe quelle institution financière qui se trouve isolée et menacée par ces activités et doit lutter pour survivre.

Le président: Nous allons poser toutes ces questions aux représentants de la SCA lorsqu'ils seront en mesure de venir témoigner.

M. Canuel a fait preuve d'une grande patience. Je lui cède donc tout de suite la parole.

[Français]

M. Canuel: Je regarde vos profits et je vois que le gouvernement est obligé de couper énormément un peu partout, dans l'assurance-emploi, en foresterie et en agriculture. J'aurais une suggestion à vous faire et je voudrais avoir votre commentaire sur ça. Si le gouvernement avait le courage de vous imposer 20 p. 100 en impôts supplémentaires, est-ce qu'il y aurait un risque pour vous? Est-ce qu'il y aurait possibilité que certaines banques fassent faillite?

M. Toriel: Il est reconnu que les banques sont déjà les plus imposées de toutes les sociétés qui sont au Canada en ce moment.

.1710

Il faut aussi regarder le côté positif. Si on fait des milliards de dollars de profits, ça veut dire qu'il y a autant de milliards qui sont allés au gouvernement en taxes, sans compter les impôts payés aux localités où l'on se trouve, les impôts payés par nos employés, les impôts fonciers, etc.

Quand on regarde les profits de nos banques par rapport à ceux des banques d'autres parties dans le monde, ils ne sont pas du tout exagérés. Je ne vois pas là de problème particulier.

Vous vous demandez si les banques vont faire faillite si elles paient 20 p. 100 de plus d'impôts. Eh bien, demandez à n'importe quelle société ou à n'importe quel autre groupe industriel. Imposez-leur 20 p. 100 de plus d'impôts et vous allez voir ce qui va se passer. Vous allez simplement obliger les gens à décider s'ils veulent vraiment servir la communauté comme ils le font présentement et jouer le rôle qu'ils jouent en ce moment. Pourquoi voudriez-vous que les banques soient les seules à être plus imposées parce qu'elles ont du succès? Une grosse partie de ce profit ne vient même pas du Canada, mais de l'étranger.

M. Canuel: Pourquoi les banques ne feraient-elles pas des sacrifices? Tout le monde est imposé davantage et subit des coupures. Beaucoup de travailleurs n'ont eu aucune augmentation de salaire depuis 10 ans, et c'est très difficile pour eux. Quand ces gens-là voient que les banques font un profit exorbitant, ils se disent qu'on pourrait leur demander de faire des sacrifices elles aussi et de nous aider à payer la dette du Canada

M. Toriel: On le fait, ce sacrifice. On paie plus d'impôts que personne d'autre.

M. Canuel: Tant mieux, mais il reste encore beaucoup de profits.

M. Toriel: Mais c'est très bien pour l'économie parce que ça retourne à l'économie. Pensez simplement à tous nos employés, à tous les gens qui travaillent directement ou indirectement pour les banques au Canada.

M. Canuel: Je suis d'accord. Si on engageait les 50 p. 100 de fonctionnaires mis à pied, ils feraient tourner l'économie, eux aussi. Les anciens employés des usines fermées feraient tourner l'économie également s'il travaillaient. Ce n'est pas uniquement vous. Je comprends que vous voulez faire tourner l'économie, mais tous ceux qui emploient quelqu'un font tourner l'économie, et il y en a qui ont la corde au cou au Canada.

[Traduction]

Le président: Merci.

En tant que président du comité, je tiens à vous remercier de vos témoignages. Vos trois organisations, la Centrale des caisses de crédit, la Banque de développement du Canada et les banques à charte canadiennes jouent toutes un rôle très important au Canada rural. Je dirais même que leur rôle en milieu rural est tout à fait critique car, comme le disait M. Thalheimer en posant sa question tout à l'heure, le Canada rural ne pourra être prospère sans capital. Les petits entrepreneurs des régions rurales au Canada et les industries d'exploitation des ressources naturelles, que nous examinons au sein du comité, ne pourront donc jamais prendre de l'expansion et créer ainsi plus d'emplois.

Je suis très content que vous ayez pu être présents aujourd'hui. J'encourage chacune de vos organisations à poursuivre ses activités au Canada rural, et à les intensifier, bien entendu, pour qu'elles aient un maximum d'impact.

Donc, merci encore une fois d'avoir accepté de venir témoigner.

M. Thalheimer: Me permettriez-vous un dernier commentaire?

Le président: Après de si belles remarques de clôture, Peter? Oui, allez-y.

M. Thalheimer: Je tiens à dire en public, en réponse aux remarques de M. Canuel, que je ne suis pas d'accord pour dire qu'il faut faire payer plus d'impôts aux entreprises prospères, ce qui va les encourager à quitter le pays. Je pense que chacun doit payer sa juste part d'impôts. Si les banques paient leur juste part d'impôts, il n'y a pas de raison de leur demander d'en payer davantage. Je crois savoir qu'elles paient déjà le taux d'imposition des sociétés maximal. Peu importe les milliards de dollars qu'elles engrangent à titre de bénéfices; à condition qu'elles paient leur juste part d'impôts, comme n'importe quelle autre société, moi, je serai content. J'espère qu'elles vont même faire des billions de dollars sous forme de bénéfices, car je sais fort bien que le gouvernement en touchera50 p. 100.

À mon avis, il n'est pas juste d'attaquer les banques simplement parce qu'elles font des bénéfices de plusieurs milliards de dollars. Il faut aussi reconnaître les milliards qu'elles paient sous forme d'impôts. Il faut tout de même être juste. Je tiens donc à dire en public que je désire encourager toute entreprise prospère au Canada. Je ne veux surtout pas leur imposer une charge fiscale à ce point lourde qu'elles disparaîtront complètement.

.1715

M. Leckie: Bravo! Voilà une conclusion que j'apprécie encore plus.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Nous ferons en sorte que la dernière page de notre compte rendu soit envoyée au comité des finances.

La séance est levée. Merci.

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