[Enregistrement électronique]
Le mercredi 2 octobre 1996
[Traduction]
Le président: J'aimerais que nous commencions. Merci beaucoup, messieurs, de votre patience. Un vote à la Chambre a malheureusement retardé le début de nos travaux; je vous remercie de votre patience et de votre compréhension.
Nous poursuivons aujourd'hui nos audiences sur le projet de loi C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence.
Nous accueillons aujourd'hui un certain nombre de représentants d'exploitants - Ontario Hydro, Hydro-Québec et Énergie Nouveau-Brunswick. Nous accueillons M. Ron Field d'Ontario Hydro, M. Roger Émard d'Hydro-Québec et M. Rex Johnson d'Énergie Nouveau-Brunswick. Je crois comprendre que vous avez un exposé conjoint. Est-ce bien le cas?
M. Ron Field (gérant général, Gestion nucléaire, Ontario Hydro): C'est exact. J'amorcerai l'exposé. Je m'appelle Ron Field. Je suis directeur général de la gestion nucléaire pour Ontario Hydro. Je vais simplement laisser MM. Johnson et Émard se présenter eux-mêmes.
M. Rex Johnson (directeur général, Gestion nucléaire, Énergie Nouveau-Brunswick): Je m'appelle Rex Johnson et j'occupe le poste de directeur général de la gestion nucléaire à Énergie Nouveau-Brunswick.
[Français]
M. Roger Émard (directeur, Gestion du nucléaire, Hydro-Québec): Roger Émard; je suis directeur de la gestion du nucléaire à Hydro-Québec.
[Traduction]
M. Field: Notre exposé d'aujourd'hui comporte trois volets. Je traiterai du premier et je passerai ensuite la parole à mes collègues. Nous allons faire un bref historique de la production d'électricité d'origine nucléaire au Canada. Je vais vous présenter nos arguments en faveur du projet de loi C-23 et vous faire part de trois recommandations visant à améliorer la mesure législative proposée.
Il y a 34 ans, une centrale nucléaire produisait de l'électricité pour la première fois au Canada. Aujourd'hui, l'énergie nucléaire produite par nos trois sociétés compte pour environ 17 p. 100 de toute l'énergie produite au Canada et la société Ontario Hydro a produit 63 p. 100 de l'électricité consommée en Ontario.
L'énergie nucléaire produite par les centrales ontariennes et par les deux autres réacteurs CANDU exploités au Canada, l'un au Nouveau-Brunswick et l'autre au Québec, contribue au produit intérieur brut canadien pour une valeur de plus de 4,5 milliards de dollars. L'industrie nucléaire canadienne a créé environ 30 000 emplois et au moins 100 000 emplois indirects.
Les sociétés Ontario Hydro, Énergie Nouveau-Brunswick et Hydro-Québec sont propriétaires d'installations de production d'énergie nucléaire et elles exploitent ces installations en vertu d'un permis de la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA). Des inspecteurs de la CCEA contrôlent sur place les opérations quotidiennes des différentes centrales nucléaires.
Je vais vous parler un peu de sûreté nucléaire. L'exploitation sécuritaire des centrales nucléaires commerciales a contribué de façon substantielle à l'essor économique du Canada, avec un minimum d'impact sur l'environnement. La sûreté nucléaire est non seulement la caractéristique essentielle des lois actuelles et à venir, mais elle revêt aussi une très grande importance au sein de nos trois sociétés.
Au Canada, la sûreté dans les centrales nucléaires relève des exploitants. Dans un tel contexte, le rôle de l'organisme de réglementation consiste à établir des normes générales de sûreté pour la conception et l'exploitation des centrales nucléaires. Il revient à l'exploitant de démontrer à l'organisme de réglementation, au moyen de divers mécanismes, que le fonctionnement de la centrale est conforme aux normes en vigueur.
La méthode canadienne présente les avantages suivants: la sûreté incombe d'abord à l'exploitant; celui-ci s'assure que son personnel comprend bien sur quoi se fondent les exigences en matière de sûreté et enfin, il définit et met en oeuvre les programmes nécessaires à la réalisation des objectifs en matière de sécurité. Nous recommandons que cette philosophie soit intégrée au projet de loi.
En outre, il importe de souligner qu'une communication profitable et ouverte entre l'organisme de réglementation et l'exploitant est essentielle pour assurer l'efficacité du processus de contrôle des exigences du permis. Nous approuvons donc la mention dans le projet de loi de la nécessité de maintenir l'accès des détenteurs de permis à la commission.
Pour ce qui est du projet de loi C-23, nous approuvons la mise en évidence des dispositions ayant trait à la santé et à la sûreté ainsi qu'à la protection de l'environnement; le droit des exploitants, maintenant clairement exprimé dans le projet de loi, d'être entendus par la commission et d'en appeler des décisions de cette dernière ou de ses représentants; la délégation aux provinces de certaines responsabilités de la commission qui peuvent être exercées plus efficacement au palier provincial et enfin, l'adoption, s'il y a lieu, de normes autres que celles de la CCEA pour assurer l'application efficace des règles de cette dernière; les normes mises en vigueur devraient reconnaître le concept d'équivalence mentionné à l'article 44(4), là où lesdites normes n'ont pas la souplesse nécessaire. Enfin, nous approuvons la possibilité offerte à la commission d'exercer ses activités par l'entremise de comités ou à l'aide de procédés administratifs à jour.
J'aimerais maintenant passer la parole à mon collègue M. Émard.
[Français]
M. Émard: Nous aimerions maintenant vous présenter des recommandations et des suggestions visant à améliorer le projet de loi. Celles-ci ont trait à l'obligation d'exercer une diligence raisonnable, au recouvrement des coûts liés à la réglementation ainsi qu'à l'établissement d'une responsabilité à cet égard, et à la prise en considération des coûts et des avantages liés aux décisions relatives à la réglementation.
L'obligation d'exercer une diligence raisonnable, c'est-à-dire de prendre toutes les précautions raisonnables, est un concept largement reconnu dans les lois sur la protection de l'environnement et sur la santé et la sécurité au travail.
Ces textes de loi font fréquemment mention de ce mécanisme de défense. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement, dont s'inspire le projet de loi C-23, reconnaît explicitement ce mécanisme. Or, comme la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires a pour objet, à l'instar des autres lois, d'assurer la protection du bien du public, nous recommandons qu'une disposition similaire à l'article 125 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement soit incluses dans le projet de loi.
En ce qui touche le recouvrement des coûts, pour donner suite à une directive du Conseil du Trésor, la Commission de contrôle de l'énergie atomique a établi en 1990 des règles relatives aux frais reliés au recouvrement des coûts. Depuis lors, ces frais ont connu une hausse importante. Les pratiques commerciales ont considérablement changé au Canada au cours des dernières années. L'industrie et le public exigent maintenant que l'efficacité opérationnelle soit placée sous la responsabilité des entreprises de services publics.
En outre, la concurrence est telle que ces entreprises ne peuvent compenser leurs coûts par des augmentations de tarif d'électricité sans qu'il en résulte une dégradation de leurs principaux indicateurs économiques.
Le processus actuel de fixation des tarifs d'électricité est public et la direction en assume l'entière responsabilité. Les exigences du public en ce qui a trait à la responsabilité et à la nécessité d'offrir à la clientèle un service fiable, à bas prix, nous obligent à accroître l'efficacité de nos opérations.
Nous sommes d'avis qu'il serait inapproprié que le nouvel organisme soit assujetti uniquement aux règles internes ou aux vérifications effectuées périodiquement par le vérificateur général du Canada.
Compte tenu des exigences de nos clients, nous recommandons que des formes similaires de responsabilisation soient prévues dans le projet de loi afin que la gestion interne, les opérations et les pratiques commerciales du nouvel organisme soient soumises à des vérifications par les entreprises et les organismes assujettis à sa réglementation, assurant ainsi l'exécution la plus efficace possible de sa mission.
Nous recommandons que l'article 44 soit modifié de façon à permettre aux détenteurs de permis de présenter leur point de vue avant l'établissement des coûts de renouvellement pour la période à venir et de réexaminer les dépenses engagées.
[Traduction]
M. Johnson: Mesdames et messieurs, je vais maintenant vous entretenir de la prise en considération des coûts et des avantages liés aux décisions relatives à la réglementation.
L'évaluation des coûts et des avantages dans le cadre du processus décisionnel est essentielle à l'amélioration des pratiques. Le concept de l'évaluation coûts/avantages, en fonction du risque, gagne petit à petit en popularité à l'échelle internationale. Ces évaluations sont utilisées de plus en plus dans l'application des lois sur la santé et la sécurité notamment dans le domaine nucléaire.
Dans ses interventions visant l'élimination des risques touchant la santé, la sécurité ou l'environnement, l'État a pour objectif de servir les intérêts du public en dépensant judicieusement l'argent des contribuables. Selon la Politique du Conseil du Trésor de 1995 qui s'applique à tous les organismes de réglementation de l'administration fédérale, «l'objectif est de... faire en sorte que le recours aux pouvoirs de réglementation du gouvernement procure à la société canadienne les avantages nets les plus grands possible». La politique du Conseil du Trésor stipule que les organismes de réglementation doivent faire la preuve que «les avantages de la réglementation d'emportent sur les coûts et... plus particulièrement... que les ressources limitées dont le gouvernement dispose vont aux secteurs dans lesquels elles procurent les plus grands avantages».
Nous accordons beaucoup d'importance à cette question. Les coûts et le fardeau croissant de la réglementation nous préoccupent. Si la réglementation existante n'est pas allégée, la viabilité de notre industrie pourrait être compromise. À plus long terme, la compétitivité de l'industrie nucléaire pourrait se dégrader à un point tel qu'il deviendrait impossible de réaliser des bénéfices et ce, aussi bien au pays qu'à l'étranger.
En 1993, dans un exposé conjoint présenté au Groupe consultatif sur l'examen réglementaire, nous recommandions que les considérations relatives au rapport coûts/avantages soient intégrées au processus décisionnel de la CCEA. Le groupe consultatif, à son tour, recommandait au ministre des Ressources naturelles l'élaboration de mécanismes servant à examiner l'incidence de ces considérations sur le processus décisionnel.
À l'heure actuelle, le personnel de la CCEA ne semble pas prendre en considération les coûts et les avantages dans ses évaluations; d'ailleurs, ces recommandations ne semblent pas refléter de telles considérations. Nous sommes d'avis que cette façon de faire va à l'encontre de la politique du gouvernement canadien et de l'objectif de tous les intervenants, qui est d'obtenir les plus grands avantages possible pour le Canada.
L'adoption par la CCEA d'une politique ayant pour objet d'intégrer le rapport coûts/avantages aux décisions relatives à la réglementation constitue l'une des mesures pouvant répondre à nos exigences; une telle politique est en voie d'élaboration. Nous sommes d'avis qu'une telle politique doit s'appliquer à toute étape décisionnelle prise en vertu de la loi, et non seulement à l'étape de l'élaboration de la réglementation. La version préliminaire d'une de ces politiques nous a semblé intéressante: celle-ci prévoit l'application du rapport coûts/avantages à toutes les décisions de la CCEA, sauf s'il s'agit d'une question qui n'est pas sujette à interprétation par la commission. Une fois adoptée, cette politique permettra aussi bien au personnel de la CCEA qu'à notre personnel de s'assurer que les coûts sont proportionnés aux avantages obtenus sur le plan de la réduction des risques.
Nous convenons qu'il serait peut-être prématuré d'inclure ce nouveau et important concept dans le projet de loi C-23. Toutefois, il importe de souligner que l'adoption d'une telle politique est conforme à l'objectif de la commission en vertu du projet de loi C-23, c'est-à-dire élaborer une réglementation qui permette d'éliminer le risque inacceptable touchant la santé, la sûreté et l'environnement.
Nous sommes d'avis que cette politique constitue un élément essentiel de la loi et, en conséquence, nous demandons à votre comité d'appuyer l'intégration des évaluations coûts/avantages aux décisions en matière de réglementation.
Plus particulièrement, nous souhaitons que le comité, dans son rapport sur le projet de loi C-23 destiné à la Chambre des communes, recommande l'adoption d'une politique sur l'intégration des considérations coûts/avantages au processus décisionnel de la commission et ce, avant la promulgation de la nouvelle loi.
Nous remercions tous les membres du comité. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, messieurs.
M. Canuel du Bloc québécois posera la première question.
[Français]
M. Canuel (Matapédia - Matane): À la page 4, en français, vous dites ceci:
- Pour donner suite à une directive du Conseil du Trésor, la Commission de contrôle de l'énergie
atomique a établi, en 1990, des règles relatives aux frais liés au recouvrement des coûts. Depuis
lors, ces coûts ont connu une hausse importante.
M. Émard: Le recouvrement des coûts a occasionné pour le coût du permis, entre 1992 et 1996, une augmentation de l'ordre de 89 p. 100 dans le cas précis d'Hydro-Québec pour Gentilly-2. Les augmentations ne sont pas nécessairement égales pour chacune des centrales puisqu'il y a des tarifs différents pour un bloc de quatre tranches de réacteurs ou pour une tranche unique, comme c'est le cas de Gentilly-2.
M. Canuel: Quatre-vingt-neuf pour 100, c'est énorme!
M. Émard: Oui, le coût du permis est passé d'environ 1,2 million à 2,3 millions de dollars.
M. Canuel: Je vois que vous avez présenté un rapport commun. J'espère que ce n'est pas un signe de collusion entre les trois. Cela signifie que vous, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario et le Québec, vous entendez tout à fait sur les recommandations que vous avez faites ici. C'est bien ce que je dois comprendre.
M. Émard: Les trois entreprises ont rédigé leur mémoire en commun. Nous nous accordons tous les trois sur le contenu et les recommandations.
M. Canuel: Compte tenu qu'à Hydro-Québec, il y a depuis quelques mois des coupures draconiennes, celles-ci peuvent-elles avoir une influence sur la sécurité du nucléaire? Vous savez très bien que les coupures sont réelles et dures. Est-ce que cela pourrait diminuer légèrement la sûreté?
On sait très bien que les gens le moindrement avertis ont peur du nucléaire. Je pense que sur ce point, peu importe le coût, il faut protéger nos concitoyens et nos concitoyennes. Est-ce que la sécurité peut être affectée par ces coupures?
M. Émard: Comme vous le dites si bien, en aucun cas la sûreté des installations ne sera compromise. Les coupures ou réductions budgétaires dont on peut parler affectent certaines activités, mais en aucune circonstance on ne compromet la sûreté nucléaire. Celle-ci ne sera jamais compromise.
[Traduction]
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Je vous remercie de votre exposé, monsieur Émard.
En tant que Britano-Colombien, j'ai été quelque peu surpris de constater que B.C. Hydro, qui ne produit pas d'électricité nucléaire, a créé une société pour faire affaire outre-mer avec l'Inde et le Pakistan.
Cela ne devrait peut-être pas me surprendre. Et cela témoigne peut-être de ma méconnaissance de B.C. Hydro ou des compagnies d'électricité en général.
Je me serais attendu, ou je n'aurais pas été surpris, qu'Hydro Québec, Ontario Hydro ou Énergie Nouveau-Brunswick, qui produisent de l'électricité nucléaire, fassent affaire avec des compagnies d'outre-mer.
Je vais donc vous poser la question directement, parce que cela peut avoir une incidence sur le projet de loi C-23 ou les organismes de réglementation: traitez-vous outre-mer avec d'autres compagnies, comme c'est le cas pour Ontario Hydro, Hydro-Québec et Énergie Nouveau-Brunswick, que ce soit dans le domaine nucléaire ou non, ou est-ce que tout passe par - cet organisme - la CCEA?
M. Field: Non, nous avons une filiale distincte, Ontario Hydro International, qui fait affaire avec un grand nombre d'exploitants dans le monde entier, dans les domaines nucléaires et non nucléaires.
M. Ringma: En va-t-il de même pour le Québec?
[Français]
Est-ce que c'est la même chose pour Québec?
M. Émard: À Hydro-Québec, c'est la même chose. Nous avons une société qui s'appelle Hydro-Québec International et nous faisons affaire à l'international au niveau de l'électricité en général dans toutes ses activités, y compris le domaine nucléaire.
[Traduction]
M. Ringma: Merci.
M. Johnson: Oui, Énergie Nouveau-Brunswick est plus petite qu'Hydro-Québec ou Ontario Hydro, mais nous faisons également affaire outre-mer dans les domaines nucléaires et non nucléaires.
M. Ringma: J'ai une deuxième question, monsieur le président, qui n'a absolument rien à voir avec la première. Celle-ci porte sur l'information du public en matière de protection de l'environnement, de sûreté et ainsi de suite. J'estime que l'information du public y occupe une très grande place. Je ne vois rien à ce sujet dans le projet de loi C-23
J'aimerais simplement que vous me disiez dans quelle mesure, le cas échéant, la nouvelle commission devrait jouer un rôle dans ce domaine. Ou devrait-on s'en remettre à vous en tant que compagnie provinciale d'électricité?
M. Johnson: Je vais peut-être commencer par répondre à cela. Je dois admettre que je ne me suis pas demandé si l'organisme de réglementation a joué un rôle dans l'information des Canadiens, même si je crois qu'elle en joue un dans une certaine mesure. Bien sûr que nous, les exploitants, de même que les utilisateurs de l'énergie nucléaire, considérons que nous sommes tenus d'informer les citoyens de notre province. Je pense que cela s'appliquerait aux deux autres pour ce qui est de l'information touchant la technologie et la sécurité nucléaires.
Nous avons un certain nombre de programmes qui varient d'une participation à l'enseignement au Nouveau-Brunswick aux visites d'usines et à d'autres initiatives du même genre. Nous avons notre centre d'information. Je crois que c'est assez commun dans l'industrie nucléaire.
Je crois que l'industrie nucléaire a eu tendance à reconnaître l'importance de convaincre ses clients qu'elle prend les bonnes décisions. Cela devient l'élément moteur de cet aspect.
M. Ringma: Je suppose que l'une des prémisses de ma question c'est que j'ai l'impression que quelqu'un autre peut-être que les seuls producteurs, comme le gouvernement, a une certaine obligation à cet égard, mais je ne sais pas dans quelle mesure le gouvernement exerce le contrôle.
M. Field: Je n'y ai pas vraiment pensé par rapport à la loi, mais il est évident que la réglementation dans le domaine nucléaire joue un très grand rôle. Il est crucial que les gens saisissent bien le rôle du gouvernement à cet égard.
Dans la mesure où la nouvelle commission y jouerait un rôle, je crois que ce serait utile, mais celle-ci devrait avant tout s'attacher à la réglementation.
[Français]
C'est la même chose pour Québec.
[Traduction]
Le président: Mme Cowling et ensuite M. Reed.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.
Ma question porte sur les droits associés à la réglementation. Pourriez-vous dire au comité si ces derniers ont augmenté de façon démesurée au cours des dernières années?
M. Émard: Comme je l'ai dit plus tôt, dans notre cas, une centrale à un seul réacteur, les coûts ont augmenté d'environ 89 p. 100 sur une période de quatre ans.
M. Johnson: Je pense qu'il vaut peut-être la peine de mentionner - cela devrait être manifeste d'après notre mémoire - que nous ne nous opposons pas en principe au recouvrement des coûts. Nous reconnaissons que la hausse des droits est en partie attribuable au recouvrement progressif - le recouvrement complet - des coûts associés à la réglementation.
Le point que nous voulons faire valoir c'est que l'établissement de ces droits se fonde sur les coûts associés au fonctionnement de l'organisme de réglementation; nous aimerions que l'on nous donne l'occasion de voir comment la CCEA dépense son argent et comment elle s'y prend pour exercer efficacement ses activités. Nous estimons que sans cela, il ne reste plus que les visites occasionnelles que le vérificateur général fait à l'organisme de réglementation. Avant que l'on augmente les droits, nous aimerions, en tant qu'utilisateurs et souscripteurs de ces droits, avoir notre mot à dire en ce qui a trait à leur fixation ou à la raison d'être de cette dernière.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Comme je suis député du sud de l'Ontario, je suppose que je devrais poser ma question à M. Field.
D'après les renseignements que nous avons eus, qu'ils soient exacts ou non, lorsque les anciennes centrales nucléaires demandent un renouvellement de licence ou de permis, elles essuient un refus et sont plutôt mises sous surveillance en raison des coûts. Je me demandais si le coût du permis ou de la licence constitue un facteur dans cette décision?
M. Field: Le coût du permis ou de la licence serait un facteur très minime.
Nous somme en train d'essayer de renouveler notre licence pour la station Pickering. Quatre de ces tranches comptent parmi les plus vieilles, et nous espérons obtenir le renouvellement de notre licence plus tard cette année. Nous ne considérons pas que l'âge de la station constitue un obstacle pourvu que nous satisfassions aux conditions de renouvellement du permis, ce dont nous ne doutons pas.
M. Reed: Qu'en est-il de Bruce?
M. Field: La situation est différente ce qui a trait à la centrale de Bruce. Nous sommes en train de fermer et de vider la centrale Bruce 2 de son carburant. La restauration de cette centrale exigerait l'installation'un nouveau générateur de vapeur et de nouveaux tubes de force, une très importante décision d'investissement. Étant donné la situation en Ontario en ce qui a trait à l'électricité, où notre capacité de production dépasse les besoins, où l'accroissement de la demande est assez fixe et où nous nous dirigeons vers un marché concurrentiel, la décision de laisser pour l'instant la centrale Bruce B dans son état actuel a un fondement économique. Ce n'est pas vraiment une question de licence ou de permis. Il nous faudrait faire des investissements importants en ce qui a trait à l'aspect matériel de l'installation.
M. Reed: Qu'en est-il des autres tranches à Bruce? Est-ce qu'elles feront l'objet du même examen lorsque le temps viendra?
M. Field: Toutes ces décisions auront un fondement économique; elles dépendront de la façon dont nous voyons les conditions du marché à ce moment-là. En ce qui a trait à Bruce A, nous devrons attirer quelque 300 millions de dollars d'investissement si nous voulons installer de nouveaux tubes. Lorsque le temps viendra, dans deux ou trois ans, nous prendrons la décision.
M. Reed: Quelle a été votre débit de pointe pendant l'hiver?
M. Field: Ne vous en tenez pas à ce que je dis, mais je crois que c'était autour de22 000 mégawatts.
M. Reed: C'était donc plus élevé par le passé.
M. Field: Oui. Le taux a été très constant pendant presque toutes les années 90.
M. Reed: Je ne devrais peut-être pas vous poser cette question, mais quelle est à votre avis la capacité totale de la centrale à l'heure actuelle?
M. Field: Je crois que c'est un peu plus de 30 000 mégawatts.
M. Reed: Vous avez donc une marge d'environ 8 000 ou 25 p. 100.
M. Field: Oui.
M. Reed: C'est intéressant. Dans les années 70, 25 p. 100 était considéré comme une marge minimale.
M. Field: C'est maintenant le début d'une nouvelle époque.
M. Reed: Quelle serait à votre avis une marge appropriée?
M. Field: Je ne pourrais vous donner de réponse. C'est un domaine qui ne m'est pas très familier récemment.
Vous avez raison de dire que ces chiffres avaient l'habitude de se situer dans cette fourchette, mais je crois que certaines des interconnexions avec d'autres exploitants sont meilleures et que dans la province nous utilisons de plus en plus de générateurs à des fins autres que la production d'électricité. Un certain nombre de facteurs peuvent intervenir. Mais sans aucun doute les marges deviennent plus serrées qu'auparavant.
M. Reed: Ici encore, je ne devrais peut-être pas vous poser cette question. Aujourd'hui, votre politique de prix pour la vente d'électricité est-elle différente de celle qui était en vigueur par exemple il y a 10 ou 15 ans?
M. Field: Je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet.
M. Reed: Non. Je suis désolé, je n'aurais probablement pas dû vous poser cette question.
Prévoit-on des plans d'expansion pour le secteur nucléaire d'Ontario Hydro, si nous partons du principe que la demande de pointe augmentera considérablement?
M. Field: Non, aucun. Cela dépendrait. Si, par exemple, la demande de pointe passait à30 000 mégawatts, l'entreprise devrait examiner les moyens de répondre le plus efficacement et le plus économiquement à cette hausse de la demande. Mais nous n'avons pas de projet pour l'instant. D'après nos prévisions, une expansion n'est pas nécessaire pour l'instant.
M. Reed: En ce qui concerne l'octroi de permis, Hydro-Québec a fait un commentaire au sujet de la hausse du coût des permis. Quelle est votre expérience?
M. Field: Très semblable. Nos chiffres absolus sont un peu plus élevés en raison du nombre de réacteurs que nous avons mais le taux d'augmentation a été semblable.
M. Reed: Le coût est-il déterminé en fonction d'un taux plancher ou du rendement à l'unité?
M. Field: Il est calculé selon une formule.
M. Johnson: J'ignore si c'est le nombre de réacteurs ou... je crois qu'il existe une formule plus complexe pour les réacteurs à plusieurs tranches. Mais je crois que dans notre cas et celui d'Hydro-Québec, le coût est essentiellement le même pour les centrales à tranche unique.
Le président: Monsieur Thalheimer.
M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Est-ce que toutes les centrales nucléaires au Canada sont des CANDU?
M. Johnson: Oui.
M. Thalheimer: Comment se comparent nos règlements sur la sécurité à ceux par exemple en vigueur aux États-Unis? Faites-vous des comparaisons? Manifestement, ils n'ont pas tous des réacteurs CANDU.
M. Field: Ils n'en ont aucun.
Leur régime réglementaire fonctionne différemment, comme nous l'avons déjà dit. La réglementation aux États-Unis est beaucoup plus normative. Dans l'ensemble, ils visent tous le même but, c'est-à-dire assurer l'exploitation sécuritaire des réacteurs. Aux États-Unis, la façon de procéder est simplement différente. Je crois qu'en ce qui concerne les normes, la situation est dans l'ensemble assez analogue.
M. Thalheimer: J'aurais cru que les dispositifs de sécurité des réacteurs nucléaires partout dans le monde seraient uniformisés jusqu'à un certain point, à moins qu'il existe d'autres façons de contrôler la sécurité de ces réacteurs.
Le réacteur à Long Island est un réacteur CANDU, n'est-ce pas?
M. Field: Non.
M. Thalheimer: Les règlements en vigueur là-bas étaient-ils essentiellement semblables à ceux que nous avions à l'époque au Canada? Comment sont-ils réglementés?
M. Johnson: Le régime réglementaire dans différents pays varie en fonction de ce que le pays considère approprié. Je ne suis pas un expert en réglementation... je sais simplement qu'ils ont un organisme de réglementation fédéral, tout comme nous. Comme M. Field l'a mentionné, nous croyons comprendre que l'organisme de réglementation aux États-Unis est beaucoup plus normatif, c'est-à-dire que les règlements sont beaucoup plus détaillés et prescrivent de façon beaucoup plus détaillée ce qui peut et ne peut pas être fait.
Au Canada, l'organisme de réglementation s'est traditionnellement donné comme rôle d'établir des objectifs assez élevés; non pas des objectifs particulièrement de haut niveau mais des objectifs en matière de sécurité, en laissant aux entreprises de service public le soin de les respecter. Cela incite sans doute l'entreprise à faire preuve d'un degré d'initiative et d'engagement pour satisfaire à ces critères d'une façon qui au bout du compte s'avère plus sécuritaire que si l'organisme de réglementation lui prescrivait en détail comment faire son travail.
Je pense que l'industrie britannique, par exemple, joue un rôle analogue à celui du Canada en matière de réglementation. Je ne connais pas bien la situation en Europe, au Japon ou dans d'autres pays qui utilisent l'énergie nucléaire - la France par exemple - mais tous ont adopté de légères variantes dans la façon dont ils exercent leurs activités. Je dirais qu'essentiellement le rôle de l'organisme de réglementation et la qualité de la réglementation sont à peu près équivalents dans la plupart des pays.
M. Thalheimer: Je pense qu'ils devraient être pratiquement identiques car il s'agit des mêmes propriétés.
Si les organismes de réglementation dans divers pays ont des normes qui diffèrent de celles que nous appliquons aux réacteurs CANDU... S'agit-il de normes propres aux réacteurs CANDU ou qui valent pour l'ensemble de l'industrie nucléaire? Il existe différents types de réacteurs et différents types de règlements, mais au bout du compte, en ce qui concerne la sécurité, cela reviendra au même.
En d'autres mots, qu'une catastrophe se produise ici ou en Russie, les conséquences sont les mêmes. Comment sont-ils réglementés? Comment le réacteur de Tchernobyl était-il réglementé? Comment leurs règlements se comparent-ils aux nôtres et vice versa?
M. Field: En ce qui concerne Tchernobyl, à cette époque nos règlements étaient beaucoup plus sévères. Sur le plan de la conception, nos systèmes de confinement sont beaucoup plus efficaces que ceux de ce réacteur russe en particulier. Je sais que lorsqu'on accorde des permis d'exploitation de réacteurs CANDU à d'autres pays, notre organisme de réglementation s'assure que les normes sont comparables.
Je ne prétends pas être un spécialiste de la réglementation des autres pays. Dans notre travail avec certains organismes internationaux, nous visons à assurer des normes comparables à l'échelle mondiale. Vous avez tout à fait raison: un incident qui se produit en Russie a des répercussions sur l'industrie à l'échelle mondiale.
M. Thalheimer: Mais vous venez de mentionner qu'il existe des organismes internationaux qui essaient de contrôler cet aspect de l'industrie nucléaire ou qui essaient de s'assurer que la réglementation est suffisante.
[Français]
M. Émard: La réglementation, c'est une chose, mais comme M. Johnson l'a exprimé, on a souvent des approches différentes dans la façon de faire la réglementation.
D'un autre côté, j'estime important de mentionner que l'industrie nucléaire et les propriétaires de réacteurs en particulier se sont tous donné la main en vue de participer à des échanges avec tous les exploitants, tout au moins les organismes internationaux exploitant des centrales nucléaires.
On appelle ça la dimension «retour d'expériences». Les exploitants de centrales nucléaires échangent énormément sur la façon de faire et sur les pratiques, de sorte qu'on maintienne un niveau de sûreté des plus acceptables dans nos installations.
À titre d'exemple, on a des échanges avec les groupes américains INPO et WANO et, sur le plan canadien, avec COG. C'est une partie de la responsabilisation des exploitants de centrales que de s'assurer qu'on profite des bonnes expériences des gens et qu'on voie à assurer le maintien de la plus haute sûreté dans toutes nos installations, cela même s'il y a des différences entre les réglementations elle-mêmes.
[Traduction]
M. Thalheimer: Il existe donc un mécanisme qui permet l'échange de vues et la mise en commun des expériences.
Le président: Je vous remercie, monsieur Thalheimer.
Messieurs, j'ai quelques questions. J'aimerais aborder entre autres le recouvrement des coûts. Hormis le fait de savoir si les règlements actuellement en vigueur sont nécessaires, une fois que vous vous serez entendus sur ce qui constitue un régime réglementaire approprié, est-ce que vous estimez que l'industrie devra en assumer le coût?
[Français]
M. Émard: Nous acceptons le recouvrement des coûts selon le principe appliqué qui émane du Conseil du Trésor.
D'une façon plus précise, dans nos recommandations, nous mentionnons que nous voulons avoir une tribune par l'entremise de laquelle nous pourrons questionner les augmentations et examiner les façons de faire, de sorte que l'organisme de contrôle soit aussi efficace dans la façon d'exercer son contrôle.
Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, actuellement, pour ce faire, nous n'avons pas de mesures autres que les rapports du vérificateur général, par exemple.
Fondamentalement, nous souhaitons tout simplement qu'il existe un processus par lequel, lorsqu'il y a des augmentations au niveau des permis ou du recouvrement des coûts, nous puissions à la limite nous adresser à un organisme pour questionner ces augmentations. Quant au principe, nous sommes tout à fait d'accord.
[Traduction]
Le président: J'aimerais aborder cette question de façon un peu plus détaillée. Je songe en particulier au point III(b), votre premier paragraphe, où vous donnez l'exemple d'une augmentation de 89 p. 100.
Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas nécessairement d'une augmentation. En 1990, vous avez décidé d'opter pour le recouvrement des coûts. Disons qu'une unité correspond à 1 000 $ pour ce qui est du recouvrement des coûts. Plutôt que de vous fixer 1 000 $ en 1990, l'entente prévoyait - et je crois que cela se fera sur une période de huit ans - que vous commenceriez à assumer le plein recouvrement.
Donc, statistiquement, vous pouvez dire que si vous payez 100 $ ou 125 $ au cours de la première année d'un processus de huit ans pour arriver à 1 000 $, la sixième année, si vous payez 800 $, il s'agit d'une augmentation de 500 p. 100 ou à peu près... mes calculs laissent sans doute à désirer. Mais en réalité, vous ne subissez pas d'augmentation de frais. Vous subissez uniquement la mise en oeuvre graduelle d'une mesure que, selon ce que vous venez d'indiquer, vous considérez légitime. Est-ce que je me trompe? Ai- je omis quelque chose?
[Français]
M. Émard: Dans les faits, vous avez tout à fait raison de dire que le recouvrement des coûts a été réparti sur plusieurs années.
Par contre, il faut aussi mentionner que pendant cette même période, le personnel de la Commission de contrôle a augmenté de façon substantielle. C'est dans cet esprit et pour l'avenir qu'on aimerait avoir une tribune où on pourrait discuter des augmentations de coûts, au même titre que comme organisme de production d'électricité, nous devons répondre à notre clientèle concernant ce qui touche les coûts.
[Traduction]
Le président: Il ne fait aucun doute qu'il faut viser l'efficacité. La tribune que vous proposez aurait-elle un pouvoir de décision ou un rôle plutôt consultatif?
[Français]
M. Émard: Nous croyons qu'il serait avantageux que cet organisme ait un pouvoir de décision.
[Traduction]
Le président: Vous indiquez que pour l'instant les seules mesures dont vous disposez sont les rapports du vérificateur général. Or, je crois que tous ces frais sont publiés dans la Gazette du Canada. Il y a un intervalle entre le moment où ils sont publiés et celui où ils entrent en vigueur. Je soupçonne, bien que je n'en sois pas sûr, que des organisations comme Hydro-Québec ou Ontario Hydro profiterait - et ont profité - de cet intervalle pour présenter des objections. Est-ce que je trompe?
[Français]
M. Émard: Il est vrai qu'on a l'information concernant les augmentations des dernières années et qu'on a un préavis de plusieurs mois. J'en oublie la période exacte.
Par contre, nous souhaiterions que la façon dont on peut questionner ces augmentations de coûts soit différente.
[Traduction]
Le président: Je vais citer un extrait de votre mémoire, à la page 5:
- Si la réglementation existante n'est pas allégée, la viabilité de notre industrie pourrait être
compromise. À plus long terme, la compétitivité de l'industrie nucléaire pourrait se dégrader...
M. Johnson: Oui, je peux peut-être y répondre. Ce n'est pas ce que nous voulons dire. Nous reconnaissons, je tiens à ajouter, qu'une initiative est en cours pour que la réglementation tienne compte de l'aspect coûts-avantages. C'est d'ailleurs ce qu'exige une politique du Conseil du Trésor, en vigueur depuis un certain nombre d'années. Nous ne sommes donc pas en train d'introduire une nouvelle notion. En fait, nous ne faisons que renforcer la position déjà énoncée dans une politique du Conseil du Trésor, selon laquelle la réglementation doit être rentable.
À cet égard, il ne faut pas partir du principe que si les règlements nécessaires nuisent à la compétitivité de l'industrie nucléaire, l'industrie nucléaire ne sera pas compétitive. Ce n'est pas ce nous croyons. Nous croyons que le processus réglementaire risque de nuire à la compétitivité de l'industrie nucléaire sans pour autant en améliorer la sécurité de façon correspondante.
Le président: Donc, selon vous, ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle.
M. Johnson: Non, ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle.
Le président: D'accord, très bien.
J'ai une dernière question et je sais que certains collègues ont aussi des questions.
Je vais à nouveau citer un extrait de votre mémoire. Il se lit comme suit:
- À l'heure actuelle, le personnel de la CCEA ne semble pas prendre en considération les coûts et
les avantages dans ces évaluations; d'ailleurs, ces recommandations ne semblent pas refléter de
telles considérations.
M. Johnson: Oui, je peux vous en donner un exemple et je crois que M. Field peut vous en donner un autre.
Il y a quelques années, l'organisme de réglementation nous a demandé de déplacer les conduites de vapeur à notre centrale. Nous avons jugé que cette mesure n'offrait que des avantages minimes sur le plan de la sécurité. Or, les coûts étaient considérables et se sont en fait élevés à 60 millions de dollars sans compter les coûts entraînés par la fermeture de la centrale.
En ce qui concerne cette affaire en particulier, nous avons exposé notre point de vue à la CCEA même qui a fini par adhérer à notre position. Mais le personnel de la Commission chargé de formuler les recommandations n'a pas semblé prendre en considération l'aspect coûts-avantages, sûrement pas dans une mesure que nous jugions acceptable. Voilà un exemple concret d'une décision en matière de réglementation qui, selon nous, n'a pas pris en considération le rapport coûts-avantages.
Le président: Monsieur Field.
M. Field: Il existe quelques exemples de ce genre de situation. La situation dont j'aimerais vous parler concerne certains déclassements qui ont été effectués à nos unités de la centrale Bruce, que nous nous sommes imposés au début, et le processus très lent et laborieux qu'il a fallu suivre pour rétablir le plein fonctionnement de ces unités qui d'ailleurs ne fonctionnent pas encore à leur pleine capacité. La centrale Bruce A ne fonctionne encore qu'à 75 p. 100 de sa pleine capacité et Bruce B à 90 p. 100. Nous considérons que ce processus a été très long et ardu. À notre avis, dans ce cas-ci, le coût imposé a été beaucoup trop important par rapport aux avantages obtenus sur le plan de la sécurité de l'exploitation du réacteur.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Canuel, avez-vous une question?
[Français]
M. Canuel: Je reviens sur la réglementation. On sait qu'il y a des centrales nucléaires un peu partout et que différents pays peuvent avoir des réacteurs CANDU. Serait-ce rêver en couleur que d'avoir une réglementation internationale pour régler cela une fois pour toutes? Bien sûr, le Canada ne peut pas s'imposer, mais il y a quand même des forums internationaux.
Vous disiez plus tôt que les États-Unis avaient une réglementation plus détaillée; non pas tatillonne, mais plus détaillée.
Ici, on a sûrement un autre problème, tout comme dans d'autres pays. Si elle n'existe pas déjà, ne serait-il pas possible que le Canada propose la création d'une table internationale afin qu'on en arrive à une réglementation?
C'est beau de construire un centrale nucléaire dans un certain pays, mais si ce dernier n'a pas adopté de dispositions réglementaires ou si ces dispositions sont très, très faibles, nous contribuons alors en quelque sorte à la destruction de l'environnement dans ce pays.
Même si nous avons une réglementation remarquable ou correcte, si ce pays n'en a pas, nous avons tous une grande responsabilité, et pas n'importe laquelle. N'y aurait-il pas moyen de constituer une table internationale?
[Traduction]
M. Johnson: Il y a un certain nombre d'initiatives internationales qui ne visent pas nécessairement à uniformiser l'approche internationale en matière de réglementation bien que - et je ne suis pas un spécialiste de la question; l'organisme de réglementation est sans doute mieux placé pour en parler - l'Agence internationale de l'énergie atomique ait mis sur pied un certain nombre d'initiatives destinées à créer une réglementation uniforme et cohérente dans tous les pays qui en sont membres.
En plus d'essayer de promouvoir un cadre réglementaire cohérent, l'agence participe activement à l'évaluation de la sécurité d'autres centrales. Elle a mis sur pied un processus ou un certain nombre de programmes qui consistent à envoyer des spécialistes de partout dans le monde visiter les centrales nucléaires du monde entier et d'en évaluer la sécurité de façon indépendante. Donc, l'agence vérifie effectivement la sécurité des centrales nucléaires. Il s'agit toutefois des centrales ou des pays qui sont membres de l'agence, dont le nombre est assez important.
De plus, à la suite de l'accident qui s'est produit à Tchernobyl, une organisation a été mise sur pied, appelée l'Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires. Il ne s'agit pas d'un organisme de réglementation mais d'une organisation dont les membres représentent, je crois, tous les exploitants de réacteurs nucléaires dans le monde. Le rôle de cette organisation est le suivant: promouvoir la sécurité au moyen d'échange de renseignements, de l'évaluation par ses pairs, donc de vérifications en d'autres mots; en diffusant de l'information sur les pratiques sûres et en examinant les incidents qui se produisent dans leurs centrales respectives. Il existe donc un processus très exhaustif qui se déroule à l'échelle mondiale par lequel tous les exploitants de réacteurs nucléaires ouvrent vraiment leurs portes à leurs homologues d'autres pays.
Je crois que les trois entreprises de service public réunies autour de cette table, par exemple, ont invité des équipes de vérification de l'Association mondiale à leurs centrales. Nous avons pu ainsi profiter de leur expérience de l'exploitation de centrales nucléaires et de leur côté, nos visiteurs ont pu se renseigner sur la façon dont nous assurons l'exploitation sécuritaire de nos centrales.
Je crois qu'à l'échelle mondiale, il existe vraiment une série d'organisations internationales qui cherchent à établir des normes.
Un autre organisme qui joue un rôle très important est la Commission internationale de protection radiologique. Il s'agit d'une organisation internationale qui établit des normes de protection radiologique et qui je crois est également affiliée à l'AIEA.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Je vous remercie, monsieur le président.
Il est évident que le secteur nucléaire de toute entreprise de service public est assujetti à certains coûts qui lui sont propres, qu'il s'agisse d'obtenir un permis d'exploitation d'une unité, de l'inspection, ou du changement de la réglementation qui entraîne des dépenses de 60 millions de dollars pour déplacer des tuyaux d'un endroit à l'autre afin de rendre l'installation plus conforme à la nouvelle notion de sécurité. Lorsque ces coûts sont imposés, comment sont-ils traités? Sont-ils considérés comme des coûts d'exploitation ou des coûts en capital?
M. Field: Cela dépend de la nature des coûts. Dans l'exemple donné par M. Johnson, ces coûts seraient plutôt considérés comme des coûts en capital qui pourraient alors être amortis sur le reste de la durée d'exploitation des centrales. Certains coûts supplémentaires liés à la réglementation aboutissent à de nouvelles procédures qui influent sur l'exploitation courante de la centrale. Cela dépend vraiment du caractère de la réglementation.
Autrefois, je suppose qu'ils auraient fait partie de notre coût de base ce qui pourrait expliquer l'augmentation des coûts. Comme la compétitivité est en train de devenir le mot d'ordre pour notre industrie, nous devrons apprendre à faire face à ces coûts, à devenir plus efficaces ou à les retirer du revenu net, comme devrait le faire toute autre entreprise.
M. Reed: Est-ce que vos évaluations vous permettent de nous indiquer ce que pourraient représenter ces coûts supplémentaires par kilowatt?
M. Field: Non.
M. Johnson: Vous nous demandez d'essayer d'évaluer les charges financières de la réglementation?
M. Reed: Oui.
M. Johnson: Je crois que c'est assez difficile. Le seul coût clair et évident, directement lié à la réglementation est, bien entendu, le coût des permis. Si on commence par environ 2,3 millions de dollars, qui représente le coût de soutien de l'infrastructure réglementaire, il s'agit d'un coût clairement attribuable au fait que nous avons un organisme de réglementation. Il serait très difficile d'évaluer les autres coûts qui découlent des décisions réglementaires, de situations réglementées ou du règlement même.
Ici encore, il faut reconnaître que l'exploitation des centrales est notre responsabilité. Que l'organisme de réglementation existe ou non, nous devons continuer à assumer cette responsabilité. Lorsque nous prenons des décisions concernant la sécurité, ce sont des décisions que nous prendrions de toute façon. L'organisme de réglementation sert donc de mécanisme de contrôle indépendant qui permet de déterminer si nous faisons le nécessaire pour assurer l'exploitation sécuritaire de nos centrales. Je suis persuadé qu'il s'agit d'un rôle légitime que doit jouer tout organisme de réglementation. Nous ne contestons pas le fait qu'il soit nécessaire d'avoir un organisme de réglementation pour l'industrie nucléaire.
Il s'agit en fait d'évaluer si l'organisme de réglementation, dans le cadre de ces activités, tient compte des coûts-avantages. C'est essentiellement le thème de notre mémoire. Nous ne sommes pas contre la réglementation, ni contre le fait d'en assumer le coût. Nous voulons simplement que le processus réglementaire soit plus ouvert et consultatif.
M. Reed: Au bout du compte, je suppose qu'il est possible de déterminer le coût pour chaque kilowatt ajouté. Si vous les imputez au coût en capital, c'est là où ils se trouveront. Par exemple, comme M. Fiels l'a indiqué, Ontario Hydro prendra des décisions concernant les centrales Bruce dans deux ans. Je suppose que vous tiendrez compte de ce genre de coût lorsque vous déterminerez l'avenir de ces centrales.
M. Field: Nous pouvons déduire ces ajouts particuliers ou ces postes réglementaires, mais comme M. Johnson l'a dit, étant donné que l'exploitation sécuritaire est notre responsabilité, nous estimons que dans notre secteur d'activité, l'organisme de réglementation a un rôle très utile à jouer. Il est très difficile de faire la distinction entre les mesures que nous pourrions prendre et le coût réel supplémentaire de la réglementation. Cela fait partie intégrante de nos activités et nous le reconnaissons. Ce que nous demandons, c'est qu'on le fasse d'une manière qui tienne compte des coûts-avantages. Nous ne voulons pas nous mettre à indiquer le montant des coûts attribuables à la réglementation car il est très difficile de faire la distinction entre les mesures que nous prendrions de notre propre initiative et les autres.
M. Reed: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Monsieur Ringma, vous aviez une question.
M. Ringma: Combien de temps avons-nous? Allons-nous manquer de temps?
Le président: Nous allons bientôt entendre le timbre...
M. Ringma: D'un moment à l'autre?
Le président: La sonnerie a été retardée en raison de la déclaration du ministre. Il nous reste donc un tout petit peu de temps mais pas beaucoup.
M. Ringma: D'accord. J'ai une question très brève pour M. Johnson.
J'ai été très heureux d'apprendre que des organisations internationales avaient été créées depuis l'accident survenu à Tchernobyl. Compte tenu des rumeurs qui circulent à propos de l'Inde, que pensez-vous de leur coopération à cet égard? Ou est-ce que l'arme atomique est vraiment une question secondaire par rapport à tout ce qui se passe?
M. Johnson: Je n'ai pas la compétence voulue pour me prononcer là-dessus. Je sais que le gouvernement canadien appuie le soutien que nous offrons à l'Inde et au Pakistan dans les domaines qui se rattachent à la sécurité nucléaire. Nous avons des restrictions très sévères sur le genre d'affaires que nous faisons avec l'Inde et le Pakistan mais dans ce domaine en particulier, lorsqu'une entreprise de service public ou un pays nous demandent de les aider à améliorer la sécurité de ces centrales, nous leur accordons effectivement notre appui, ce que nous avons d'ailleurs déjà fait.
M. Ringma: Pour revenir au projet de loi C-23, j'aimerais simplement savoir dans quelle mesure vous avez été consultés avant l'élaboration du projet de loi.
Je prends comme exemple la recommandation où vous préconisez que l'article 44 soit modifié pour permettre aux exploitants d'être consultés avant que les frais soient établis, ce dont nous venons de discuter. Aviez-vous été consultés à cet égard? Aviez-vous essayé de faire valoir cet argument à l'avance? Votre proposition a-t-elle été repoussée? Ou est-ce une question qui a été soulevée après les consultations d'usage qui ont eu lieu auparavant?
M. Ian Motherwell (avocat général adjoint, Division du droit, Ontario Hydro): Je pourrais peut-être répondre à cette question.
Mon nom est Ian Motherwell. Je fais partie d'Ontario Hydro.
Cette question a été soulevée à l'occasion des discussions avec le personnel de la CCEA, entre autres. Je pourrais ajouter que la consultation a été très fructueuse. Ils nous ont parlé à maintes reprises du déroulement du projet de loi et nous avons discuté de la teneur du projet de loi. Nous leur avons fourni certains commentaires.
Cette question a été abordée avec eux auparavant. Il a été proposé que la CCEA élabore une politique permettant d'atteindre cet objectif. Pour notre part, nous aurions préféré une mesure à caractère plus législatif mais l'élaboration d'une politique serait évidemment un pas dans cette direction.
M. Ringma: J'ai une autre question très brève. Si les recommandations que vous avez présentées étaient mises en oeuvre dans le projet de loi, est-ce que cela vous satisferait?
M. Field: Oui.
Le président: Juste avant de lever la séance, j'aurais une dernière brève question sur le dernier point qui a été soulevé à propos des frais.
Comme vous le savez sans doute, l'alinéa 43(1)b) prévoit un processus d'appel auquel vous pouvez avoir recours si vous n'êtes pas satisfait des frais proposés. Manifestement, cela ne répond pas à votre préoccupation puisque vous avez présenté une autre recommandation. Vous pourriez peut-être me dire pourquoi vous considérez les dispositions de l'alinéa 43(1)b) insuffisantes à cet égard. Si je comprends bien, vous pouvez faire appel de tout décret en conseil, ce qui pourrait inclure une augmentation des frais.
[Français]
M. Gilles Marchand (avocat en chef, contentieux, Hydro-Québec): Je n'ai pas en tête les détails de l'alinéa 43(1)b), mais il s'agit d'un appel qui est interjeté auprès de la Commission elle-même.
M. Émard parlait plus tôt de l'établissement d'un organisme indépendant relativement aux coûts et à l'efficacité de la Commission. On se retrouve ici dans le cadre d'un appel qui est interjeté à l'intérieur même de la Commission. Cela, à première vue, m'apparaît répondre à votre interrogation.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je tiens à vous remercier, messieurs. Je vous remercie de votre patience et d'avoir attendu que le vote à la Chambre ait pris fin. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner. Ces témoignages nous seront très utiles pour notre analyse du projet de loi C-23. En mon nom propre et au nom du comité, je tiens à vous remercier.
La séance est levée.