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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 10 octobre 1996

.1107

[Traduction]

Le président: la séance est ouverte.

Nous sommes à nouveau réunis pour étudier le projet de loi C-23, loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence.

Nous avons le plaisir de recevoir les représentants de trois groupes différents: M. Ménard et M. Dassios du Congrès du travail du Canada, Mlle Arleen Reinsborough et M. Silvester de Citizens Organized for Responsible Process et enfin M. Norman Rubin de Energy Probe Research Foundation. Vous êtes les bienvenus.

Nous allons demander à chacun de ces groupes de faire une déclaration d'ouverture ne dépassant pas 10 minutes. Nous pourrons ensuite avoir un échange de questions et de réponses entre les membres du comité et les témoins.

Je rappelle aux uns comme aux autres de se concentrer sur le projet de loi C-23. C'est lui que nous étudions et, même si la discussion peut se faire de façon assez souple, nous devrions toujours revenir au texte de loi dont nous sommes saisis. Je demanderai donc à tout le monde de ne pas s'écarter du sujet.

Cela dit, quelqu'un veut-il commencer?

M. Chris Dassios (conseiller juridique, Power Workers' Union, Congrès du travail du Canada): Nous vous remercions de nous donner l'occasion d'intervenir devant vous aujourd'hui.

Je ne lirai pas mot pour mot notre mémoire, mais je ferai référence à certaines de ses parties.

Le Congrès du travail du Canada représente 2.2 millions de travailleuses et de travailleurs des secteurs public et privé de l'ensemble du Canada. Plusieurs milliers d'entre eux peuvent être considérés comme des travailleurs du secteur nucléaire selon les termes du projet de loi. Ils travaillent dans l'ensemble du cycle des carburants et de l'énergie nucléaire, depuis l'extraction et le traitement jusqu'à la production d'énergie proprement dite et à l'utilisation de celle-ci dans l'industrie, la médecine et l'agriculture, par exemple dans la production de radio-isotopes.

Le CTC se réjouit, en principe, de la présentation du projet de loi C-23. Nous aimerions qu'il soit adopté aussitôt que possible, principalement pour les deux raisons suivantes.

.1110

Premièrement, la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique a besoin d'une mise à jour. Je ne m'étendrai pas plus longuement là- dessus, mais je pense que c'est une opinion communément partagée. Deuxièmement, en matière de réglementation, la Commission de contrôle de l'énergie atomique est paralysée depuis plus de 10 ans dans l'attente d'une nouvelle loi. Il est grand temps que l'on mette un terme à cette paralysie.

Nous avons toutefois des préoccupations relativement à certaines parties de ce projet de loi, en particulier, comme vous le verrez au deuxième paragraphe de la deuxième page de notre mémoire, en ce qui concerne le pouvoir d'exemption qu'il donne à la nouvelle commission. L'article 7 et l'alinéa 44(1)u) l'autorise à exempter - même de façon permanente, pour ce qui est de l'article 7 - certaines entités, certaines substances, etc. de l'application de certaines parties du projet de loi conformément au règlement correspondant.

Nous ne connaissons évidemment pas encore ce règlement. Puisque le Parlement et la Cour suprême du Canada ont tous deux déclaré que la sécurité nucléaire était une question d'importance nationale, le Parlement devrait déterminer l'étendue de cette préoccupation. Il ne faudrait pas s'en remettre pour cela seulement au règlement ou à la commission, mais les modalités d'examen public en vigueur aujourd'hui devraient continuer de s'appliquer. Si ce projet de loi est adopté sous une forme telle qu'un certain domaine relève du Parlement, c'est celui-ci qui devrait avoir le dernier mois quant aux limites de ce domaine. Ces commentaires s'appliquent aussi bien à l'article 7 qu'à l'alinéa 44(1)u).

De la même façon, l'alinéa 21(1)a) permet à la commission de conclure des accords avec tout organisme de réglementation ou tout ministère d'un gouvernement étranger pour réaliser sa mission. Cette disposition n'est aucunement justifiée par le contexte international dans lequel les principales institutions sont l'Agence internationale de l'énergie atomique des Nations Unies et la Commission internationale de protection radiologique.

Avant de connaître une fin lamentable, le projet de loi C-62, la Loi sur l'efficacité de la réglementation, contenait une disposition analogue, mais il était apparu clairement que le gouvernement avait l'intention de la supprimer pendant son étude par le Parlement. Il faudrait également la retirer du projet de loi C-23.

Pour sa part, l'article 49 énonce que, même en cas de grève légale ou de lock-out, toute personne qui ne se présente pas à son travail dans une installation nucléaire commet une infraction. Cette disposition draconienne, qui vise exclusivement les travailleurs et non pas les employeurs, est contraire au droit des relations de travail et devrait tout simplement être retirée du projet de loi. Je reviendrai sur cette question dans un moment.

Comme nous le disons à la page 2 de notre mémoire, des pouvoirs insuffisants ont été attribués à la commission dans certains domaines.

Il faut renforcer les pouvoirs de ses inspecteurs. L'article 33 du projet de loi indique qu'ils peuvent demander à une personne de leur choix de les accompagner lors des inspections et d'autres activités. L'article 35 leur accorde également de vastes pouvoirs qu'ils peuvent appliquer par voie d'ordonnance si cela leur paraît nécessaire pour atteindre les objectifs de la loi.

De plus, les travailleurs sont protégés contre les sanctions disciplinaires des employeurs aux termes de l'alinéa 48g) et l'alinéa 48h) fait obligation aux employeurs de respecter les conditions d'emploi en ce qui a trait aux doses de rayonnement auxquelles les travailleurs sont exposés.

Le projet de loi ne va cependant pas jusqu'à exiger que les inspecteurs fassent tous les efforts nécessaires pour que les membres du comité mixte de santé et de sécurité au travail ou du comité mixte de l'environnement, s'il y a lieu, les accompagnent durant leur visite des locaux ni pour que ce comité soit associé à leurs activités régulatrices.

Une telle disposition serait tout à fait conforme aux objectifs du projet de loi en matière de santé et de sécurité ainsi qu'au régime de santé et de sécurité en milieu de travail en vigueur au Canada et élaboré au niveau international par l'OIT.

Ces dernières années, l'Agence internationale de l'énergie atomique a également essayé d'associer les travailleurs de ce secteur aux activités reliées à la santé et à la sécurité, l'expérience de Tchernobyl l'ayant amenée à considérer cela essentiel pour assurer une gestion efficace du risque nucléaire. En Ontario, le projet de loi 208, qui a maintenant force de loi, contient des dispositions prévoyant une collaboration entre les inspecteurs et les représentants des travailleurs siégeant au comité mixte.

À notre avis, le plus important dans les inspections est que tous les renseignements et tous les sujets de préoccupation soient signalés aux inspecteurs, y compris ceux des travailleurs et des gestionnaires qui travaillent en première ligne dans l'installation nucléaire et qui sont responsables de la santé et de la sécurité dans les lieux de travail. Les lois fédérales et provinciales correspondantes reconnaissent qu'il est important de disposer d'autant de renseignements que possible dans ce domaine. Il faut que cette norme continue à être respectée par ce projet de loi.

Il est important que les personnes travaillant sur place sentent qu'elles ont des droits et des responsabilités relativement aux problèmes nucléaires survenant dans les lieux de travail. Elles doivent être associées aux initiatives à prendre afin que celles-ci puissent être effectuées aussi efficacement que possible et que les personnes travaillant en première ligne puissent avoir l'impression que cette responsabilité leur est confiée. Comme des événements récents l'ont montré, les gens qui ne sont pas prêts à assumer la responsabilité de leurs actes et de ceux de leurs subordonnés se trouvent parfois contraints de démissionner.

.1115

En outre, pour ce qui est des dispositions du projet de loi C-23 relatives au recouvrement des coûts, nous sommes d'avis que ce recouvrement devrait être appliqué à l'ensemble des activités afin de ne pas encourager les employeurs à essayer de convaincre les inspecteurs de ne pas émettre d'ordonnances.

Enfin, comme nous le disons à la page 3, la principale objection du CTC au projet de loi C-23 porte sur les dispositions visant à confier les règlements, leur administration et leur application aux provinces. Le sommaire du projet de loi précise qu'il autorise le gouverneur en conseil et la commission à déléguer aux autorités provinciales des pouvoirs dans les secteurs où elles sont plus efficaces. Les documents de référence préparés par Ressources naturelles Canada indiquent que ce texte «éliminera les chevauchements et les répétitions inutiles» relativement à l'application du règlement. De plus, aux termes des paragraphes 44(5) à 44(11), les provinces pourront s'occuper de l'application du règlement fédéral; en outre, un règlement provincial pourra être mis en application et des poursuites pourront être intentées en vertu de celui-ci en lieu et place de l'application du droit fédéral.

Les arguments avancés pour justifier cette décision nous paraissent totalement dénués de fondement. En premier lieu, il n'existe aucun cas de chevauchement ou de double emploi en ce qui concerne la réglementation de la sécurité nucléaire ou de la protection contre le rayonnement. Les gouvernements provinciaux réglementent bien entendu certaines questions nucléaires - par exemple les appareils à rayon X et la médecine nucléaire - , mais il n'existe aucun chevauchement entre les activités de la CCEA actuelle et celles des organismes provinciaux. L'article 44 ne peut avoir pour objectif que de réduire l'étendue des pouvoirs de la commission qui succédera à la CCEA.

De plus, il est difficile de comprendre en quoi une réduction de ces pouvoirs pourrait favoriser l'atteinte des objectifs en matière de sécurité nationale et la mise en oeuvre des accords internationaux. Soit les provinces respecteront les préoccupations nationales de la Commission de sécurité nucléaire, auquel cas la décentralisation n'apportera aucune amélioration, soit elles appliqueront des règles moins strictes qu'elles feront respecter moins strictement, ce qui compromettrait l'atteinte des objectifs du projet de loi C-23.

Rien ne permet de dire que les provinces feraient mieux respecter ces règles et le gouvernement ne présente aucun argument dans ce sens. Bien au contraire, des provinces comme l'Alberta et l'Ontario réduisent considérablement la taille et l'efficacité de leurs services de santé et de sécurité ainsi que l'application des règlements. Elles n'ont aucunement le désir d'assumer le fardeau supplémentaire de la réglementation de la sécuritaire nucléaire et de la protection contre le rayonnement et elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour ce faire. Confier aux provinces un secteur présentant des risques élevés nous enfoncerait brutalement dans la plus profonde absurdité.

Comme je l'ai déjà indiqué, le problème est que tout le monde se rend compte que la sécurité nucléaire est une question d'intérêt national. C'est le gouvernement national et lui seul qui devrait se prononcer sur les questions qui s'y rattachent. Les gouvernements provinciaux sont élus pour répondre aux préoccupations des résidents de leur province. Or, nous savons tous que la sécurité nucléaire a des implications transfrontalières et c'est le gouvernement fédéral qui devrait assumer la responsabilité de la réglementation à cet égard.

Nous sommes particulièrement préoccupés par le paragraphe 44(6), à la page 30 du projet de loi, qui permet l'incorporation d'un règlement provincial avec ses modifications successives. Cela veut dire que la réglementation provinciale s'appliquerait automatiquement aux questions nucléaires à moins que le gouvernement fédéral n'intervienne après coup et essaie de remédier aux effets des décisions des provinces. Il ne nous paraît pas satisfaisant de laisser cela entre les mains des provinces en comptant ensuite sur le gouvernement fédéral pour rétablir la situation.

Le dernier élément, auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, figure dans l'article 49, à la page 34 du projet de loi. Il préoccupe particulièrement le mouvement syndical parce qu'il est, à notre connaissance, sans précédent dans ce domaine et a des conséquences plutôt draconiennes. Cet article se lit comme suit:

Nous ne savons pas en quoi consisteront les procédures prévues par les licences, mais je voudrais dire certaines choses à ce sujet.

Premièrement, si un employeur impose un lock-out en contrevenant aux conditions de sa licence, cet article force les employés à se présenter au travail sous peine d'amende ou d'emprisonnement. Ils sont punis pour le fait que l'employeur viole les dispositions de sa licence, ce qui ne paraît pas du tout juste. Aucune sanction n'est alors infligée à l'employeur.

En outre, ils sont tenus de se présenter au travail mais, en cas de lock-out, l'employeur ne leur verse aucune rémunération. Si la loi impose à des gens d'aller travailler, il faudrait s'assurer qu'ils sont rémunérés pour ce travail.

.1120

Aucune sanction n'est prévue pour l'employeur, la société détentrice de la licence, en cas de lock-out en contravention avec les conditions de la licence. Quiconque ne se présente pas au travail peut se voir infliger une amende ou une peine d'emprisonnement. Le détenteur de la licence n'est pas passible d'une telle sanction s'il impose un lock-out en contravention avec sa licence. Il s'agit donc d'une disposition unilatérale.

Nous avons deux préoccupations principales qui nous font douter de la nécessité d'une telle disposition. À notre avis, elle est inutile. On ne connaît aucun cas de fermeture d'une installation nucléaire consécutive à un conflit syndical qui ait entraîné une situation dangereuse et on se demande en quoi cette disposition est le moins du monde nécessaire.

Deuxièmement, si le Parlement craint que la fermeture d'une installation ne crée une situation dangereuse, cet article devrait l'indiquer. Il devrait spécifier que toute personne responsable d'un tel acte est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement. La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires proposée ici ne devrait pas réglementer les relations de travail sauf dans la mesure où elles ont des répercussions directes sur la sûreté et la réglementation, c'est-à-dire seulement dans le cas d'une fermeture pouvant entraîner des conditions dangereuses.

Cet article, si on le laisse dans le projet de loi - et on ne devrait pas l'y laisser - devrait en réalité porter sur les fermetures risquant de causer une situation dangereuse et prévoir des sanctions s'appliquant également aux employeurs et aux employés.

Voilà les idées que nous vous présentons, sous réserve de toute question que vous pourriez vouloir nous poser.

Le président: Merci beaucoup.

Allez-y, madame Reinsborough.

Mme Arleen Reinsborough (représentante, Citizens Organized for Responsible Process): Monsieur le président, madame la greffière, membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités ici aujourd'hui. Citizens Organized for Responsible Process regroupe de simples citoyens. Nous mettrons l'accent dans notre exposé sur le projet de loi C-23, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et la création, dans ce contexte, de la Commission canadienne de sécurité nucléaire.

Même si les intentions de ses auteurs étaient peut-être réellement bonnes, le passage de la théorie à la pratique n'apportera peut-être guère plus que des améliorations apparentes par rapport à la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique de 1946 actuellement en vigueur et à l'organisme quasi judiciaire qu'elle a créé, la CCEA.

Divers articles de ce projet de loi constituent des améliorations potentielles par rapport aux dispositions actuelles. Toutefois, vu l'étendue des pouvoirs discrétionnaires - qui sont toujours une source de problèmes - , ces améliorations potentielles ne se concrétiseront peut-être jamais.

M. Dan Silvester (recherchiste, Citizens Organized for Responsible Process): On ne trouve encore rien dans le projet de loi C-23 qui réponde de façon satisfaisante à certaines préoccupations fondamentales.

Il s'agit notamment, mais pas seulement, de questions comme: premièrement, la pratique de l'autosurveillance par les détenteurs de licences ou de permis; deuxièmement, l'exigence qu'un établissement nucléaire ne puisse être installé quelque part que si tous les résidents locaux sont prêts à l'accueillir; troisièmement, la nécessité d'informer correctement la population de toute modification apportée à une licence existante; quatrièmement, la nécessité de modifier le système de classification des déchets en déchets à haute ou à basse radioactivité, ces catégories étant établies en fonction de la source des déchets au lieu de leur niveau de radioactivité ou de radiotoxicité comme ce devrait être le cas; et, cinquièmement, la nécessité de préciser les rapports qui existeront entre le projet de loi et les dispositions existant déjà, comme la Loi sur la responsabilité nucléaire.

Mme Reinsborough: On constate avec étonnement l'absence dans le projet de loi C-23 d'un mécanisme forçant la commission à rendre compte de ses activités. La crédibilité et l'intégrité de la CCEA n'ayant jamais atteint un niveau aussi bas, il est évident que cet organisme doit pouvoir être supervisé par une tierce partie objective.

[Français]

M. Silvester: De plus, les définitions de certains mots sont problématiques. Il est impératif d'éviter les termes imprécis et d'utiliser un langage plus succinct lorsque c'est approprié. Déterminer ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas occasionnera sans doute un débat. Néanmoins, les décisions et affaires concernant ces points et aussi concernant tous les autres points du projet de loi C-23 devront s'appuyer sur des principes démocratiques.

[Traduction]

Mme Reinsborough: Étant donné la composition actuelle de la CCEA et la façon dont l'installation de traitement des déchets radioactifs de Canatom a pratiquement été imposée à Oakville, il faut également que le public ait voix au chapitre quant au choix des personnes appelées à siéger au sein de la commission proposée. Le projet de loi C-23 accorde de vastes pouvoirs discrétionnaires à cette dernière, ce qui, selon les priorités personnelles ou politiques de ses membres, risque de se traduire par la prise de décisions qui ne seront pas nécessairement dans l'intérêt des habitants de notre planète.

.1125

Les personnes conscientes des problèmes environnementaux et des questions de santé et de sécurité seraient certainement les mieux à même de défendre les intérêts de la population non seulement au niveau national, mais également sur la scène internationale. Un accord international quel qu'il soit - par exemple la proposition d'importer du plutonium 239 MOX au Canada - qui pose un danger potentiel pour l'environnement ou la santé et la sécurité à un endroit quelconque ne sert assurément pas les intérêts de la population de notre planète.

[Français]

M. Silvester: Quand cette commission exerce ses pouvoirs discrétionnaires, les souhaits de l'opinion publique devraient s'imposer et être intégrés ipso facto dans la lettre et l'esprit du décret. Nous croyons que l'étude d'un nouveau projet de loi est un moment propice pour viser à obtenir une plus grande responsabilité financière et pour contester la nature quasi judiciaire de cette organisation de contrôle. Le fait qu'on soit incapable d'agir efficacement, en prenant en considération les meilleurs intérêts du peuple, a été démontré à de multiples reprises.

[Traduction]

Mme Reinsborough: Pour mieux montrer comment l'organisation populaire que nous constituons a évalué le projet de loi C-23, nous avons ajouté un aperçu de certaines des polémiques que suscite constamment l'installation d'Oakville en particulier ou le secteur nucléaire en général.

Voici maintenant un relevé de nos commentaires sur chacun des articles de ce projet de loi.

Alinéa 3a), ligne 9 du projet de loi: l'expression «limitation, à un niveau acceptable, des risques» n'est pas définie.

Article 5: le fait de soustraire le ministère de la Défense nationale, les Forces canadiennes et les navires de guerre à l'application de tout «règlement» établi en vertu de cette loi constitue pour nous un sujet de préoccupation.

Article 7: la commission peut, en conformité avec les règlements, exempter, de façon temporaire ou permanente, une activité, une personne, une catégorie de personnes ou une quantité déterminée de substance nucléaire.

M. Silvester: Article 2: l'expression «installation nucléaire» peut désigner une usine qui traite ou utilise, par année civile, plus de 1015 becquerels de substances nucléaires autres que l'uranium, le thorium ou le plutonium. La quantité ainsi déterminée ne tient pas compte du fait qu'on n'a pas encore établi de niveau sécuritaire d'exposition aux rayonnements et que, la sensibilité de chaque personne à ces rayonnements étant différente, ceux-ci peuvent avoir des effets variant d'une personne à l'autre.

Article 2: dans la définition de «rayonnement», aucune définition du mot «suffisante» n'est donnée en ce qui concerne l'énergie ou l'ionisation. Là encore, la quantification pose un problème.

Mme Reinsborough: Nous ne répéterons pas certaines des explications données par le CTC, car nous sommes d'accord pour dire que les employés devraient avoir le droit de ne retourner au travail que lorsque tout danger leur semble écarté.

Nous allons donc passer à l'alinéa 24(2)c). Les droits de licence ou de permis pourront continuer de constituer une part importante des revenus de la commission. Ils représentent actuellement une proportion de 75 p. 100 et le chiffre de 100 p. 100 est envisagé, ce qui pourrait compromettre l'objectivité de la commission.

Paragraphe 24(4): la commission peut prendre certaines décisions au sujet des licences ou des permis en se fondant sur son propre «avis».

Alinéa 24(4)a): le terme «compétent» n'est pas défini. Le titulaire d'une licence doit-il être expérimenté pour pouvoir être considéré comme compétent?

Paragraphe 24(5): l'accord d'une licence par la commission peut être assujetti au versement d'une garantie financière par le requérant.

Alinéa 26d): il est interdit d'exploiter un service de dosimétrie pour l'application de cette loi. Ceci élimine toute possibilité de vérification par une tierce partie objective ou par des groupes populaires... comme nous qui voudraient contrôler, au niveau municipal ou provincial, ce qui se passe dans notre localité.

Alinéas 27a) et b): les titulaires de licence ou de permis continuent de surveiller eux-mêmes leurs activités sans vérification par une tierce partie objective.

.1130

M. Silvester: Paragraphe 35(1): les inspecteurs sont investis de pouvoirs discrétionnaires. Ils peuvent choisir de préserver la santé ou la sécurité des personnes ou de protéger l'environnement, ou encore de veiller au maintien de la sécurité nationale ou au respect des accords internationaux, par exemple pour ce qui est de l'utilisation et du stockage du plutonium, etc.

Alinéa 39(1)c): un «fonctionnaire désigné» donne la possibilité d'être entendu à toute personne nommée dans un ordre ou visée par celui-ci - on ne sait pas très bien qui cela peut inclure ou exclure - avant de confirmer, modifier, annuler ou remplacer un ordre. Ceci limite les questions à propos desquelles une personne peut être entendue.

Aux termes du paragraphe 39(2), l'alinéa 39(1)c) ne s'applique pas au renouvellement, à la suspension, à la modification, à la révocation ou au remplacement de licence ou de permis demandés par son titulaire. Cette disposition prive les personnes ou les parties intéressées du droit à la justice naturelle alors que ce droit devrait leur être reconnu.

Article 40, la commission donne le droit d'être entendu seulement au sujet des questions relatives à des ordres.

Mme Reinsborough: Alinéa 40(4): la commission fait parvenir une copie de sa décision uniquement à toute personne nommée dans l'ordre ou l'ordonnance ou qui y est visée, dans le cas d'une décision qui porte sur un ordre ou une ordonnance. Cette disposition est beaucoup trop restrictive. Toutes les décisions prises, quelles qu'elles soient, devraient être rendues publiques.

Le paragraphe 42(3), relatif à la responsabilité, stipule:

La portée de ce paragraphe est imprécise.

Article 43: seule une personne directement concernée peut interjeter appel auprès de la commission. Cette disposition est subjective et potentiellement restrictive.

La commission peut, de sa propre initiative, réviser une de ses décisions ou ordonnances. Cela pourrait être positif, mais également négatif, selon la nature de la décision ou de l'ordonnance initiale.

M. Silvester: Article 44: avec l'agrément du gouverneur en conseil, la commission peut établir des règlements sur presque tout. Je pense que cela lui donne beaucoup trop de latitude. Si un règlement favorise la protection de l'environnement ou la préservation de la santé et de la sécurité des personnes, nous en bénéficions tous, que nous en soyons ou non conscients.

S'il penche plutôt en faveur de la protection de la sécurité nationale ou du respect des ententes internationales, cela nous posera de graves problèmes. Le fait est que notre sécurité nationale est et a toujours été un sous-produit des politiques américaines en matière de sécurité nationale.

Pour ce qui est des ententes internationales, par exemple les propositions concernant le stockage et l'utilisation du plutonium, l'importation de plutonium des États-Unis et de la Russie, etc., à la suite de la mise hors service d'armes nucléaires, ces questions appellent un examen beaucoup plus approfondi.

Le paragraphe 44(6) constitue une tentative de placer les lois provinciales sous le contrôle réglementaire de la commission, ce qui ne doit pas se produire même si les provinces sont peu disposées à s'occuper de ces dossiers sous prétexte qu'ils sont de compétence fédérale.

Mme Reinsborough: Paragraphe 47(1): les ordonnances en situation d'urgence sont trop subjectives et peuvent être rendues sans préavis.

Article 48: il est pratiquement impossible d'évaluer avec précision les infractions alléguées étant donné que les installations sont placées sous un régime d'autosurveillance.

Paragraphe 62(1), dommages-intérêts pour la perte de biens ou les dommages à ceux-ci: on ne voit pas très bien comment cette disposition peut s'appliquer au vu de la teneur de la Loi sur la responsabilité nucléaire.

Article 65: en cas de manquement à l'obligation de publication imposée, dans certaines circonstances, par la commission, celle-ci peut procéder elle-même à la publication. C'est trop subjectif.

Article 87: la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique ne portera plus maintenant que sur les questions dont s'occupe normalement l'EACL, par exemple le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire. L'EACL doit également être supervisée par une tierce partie objective.

Paragraphe 89(1): le titre abrégé de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique devient «Loi sur l'énergie nucléaire». Il s'agit là de la dichotomie législative que nous avions prévue en ce qui concerne la réglementation de la CCEA et de l'EACL sous leur forme actuelle.

[Français]

M. Silvester: En terminant, le fait d'accorder des pouvoirs discrétionnaires dans un décret a toujours l'effet de placer les gens affectés à la merci de ceux qui sont au pouvoir. Nos observations et expériences auprès des personnes qui composent la CCEA est qu'elles se rangent toujours du côté du secteur des affaires sans tenir compte de toute autre considération en dépit de l'évidence. Puisque M. R. Murray Duncan et les autres membres de la CCEA hériteront des nouveaux postes créés par les articles 75 et 76 du projet de loi C-23, CORP demeure très sceptique quant à la capacité de ce tribunal d'agir avec justice et impartialité.

.1135

Le fait de remettre à la CCEA des pouvoirs discrétionnaires élargis ainsi que le droit de rédiger sa propre réglementation pourrait entraîner la mort de nombreux citoyens canadiens en permettant la destruction continue d'un écosystème déjà mal en point.

Malheureusement, nous ne nous attendons pas à beaucoup de changements.

[Traduction]

Mme Reinsborough: Il y aurait trois façons de rendre un peu plus efficace ce projet de loi qui, sinon, nous paraît plutôt boiteux; il faudrait permettre une plus grande participation du public et renforcer l'imputabilité dans toutes les phases de la prise de décisions ainsi que relativement à toutes les ententes conclues entre la commission et les demandeurs ou titulaires d'une licence ou d'un permis.

[Français]

M. Silvester: Deuxièmement, il faudrait clarifier le texte de ce passage du décret.

Troisièmement, il faut changer la procédure de nomination aux postes de pouvoir. En effet, les sept personnes choisies pour siéger à ce tribunal ont le pouvoir de décider qui sera nommé membre du panel, inspecteur, analyste, fonctionnaire, etc. Il est évident que ces derniers partageront les valeurs et les opinions de ceux qui les auront désignés. Même les contrats accordés pour la recherche seront donnés à des groupes qui partageront les mêmes opinions sur les points critiques. Ce projet de loi ne fait rien pour éliminer ou même mitiger la nature incestueuse et ésotérique de l'establishment nucléaire. Cela ne servira qu'à entretenir le statu quo et le scénario d'une prophétie qui s'accomplit d'elle-même.

[Traduction]

Mme Reinsborough: Merci de nous avoir permis de présenter cet exposé.

Le président: Merci beaucoup. Je dois vous féliciter: vous avez assurément été très précis, comme nous l'avions demandé.

Monsieur Rubin.

M. Norman Rubin (directeur, Recherche nucléaire, Energy Probe Research Foundation): Merci, monsieur le président. Je représente ici Energy Probe, comme je le fais depuis longtemps, depuis 1978. Je vous signalerai que j'ai à peu près le même âge que la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Energy Probe est aussi assez âgée, c'est le plus ancien projet de notre fondation qui jouit de l'appui de 50 000 personnes dans tout le Canada.

À la première page de mon mémoire, j'ai indiqué certains des principaux changements intervenus dans le monde depuis la naissance de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique et la mienne, surtout en ce qui concerne les domaines directement reliés à la nécessité de modifier cette loi - et, j'ajouterai, d'y apporter des transformations beaucoup plus fondamentales que celles qui sont prévues dans le projet de loi C-23.

Il y a deux domaines dans lesquels le monde s'est profondément transformé: il y a, d'un côté, le rôle de l'énergie nucléaire et l'attitude de la population envers elle et, de l'autre, la réglementation des émissions de substances toxiques et dangereuses qui menacent l'environnement et la santé publique. Ce que nous appelons maintenant la protection de l'environnement est une des nombreuses choses dont on ne parlait pas encore en 1946, mais dont on parle maintenant et depuis longtemps déjà.

.1140

Je signale qu'en 1946, on disait que les centrales nucléaires produiraient de l'énergie à si bon marché qu'on n'aurait plus besoin de compteurs. Je remarque qu'en 1996, on emploie de plus en plus à leur sujet des expressions comme «actifs bloqués» ou «surendettement». Les temps ont changé.

Pour ce qui est de la réglementation et de l'attitude du public envers l'environnement, j'énumère dans mon mémoire divers termes et expressions qui n'existaient pas du tout en 1946 ou qu'on n'employait jamais: les termes «écosystème» et «intervenant»; les expressions «ministre de l'Environnement», «Déclaration des droits de l'environnement», «approche basée sur les écosystèmes», «meilleure technologie utilisable», «meilleure technologie disponible économiquement réalisable», «élimination virtuelle», «liste des substances d'intérêt prioritaire», «principe de prudence» et «substances susceptibles d'être interdites ou progressivement éliminées». Ces expressions sont importantes parce qu'elles constituent désormais la base même des réglementations environnementales démocratiques modernes et éclairées. Je fais toutefois remarquer qu'elles ne constituent pas la base de la réglementation sur les dangers nucléaires puisque la Commission de contrôle de l'énergie atomique n'a pas adopté ces principes.

Quand je constate que ces principes ne figurent pas non plus dans le projet de loi C-23 et que le libellé de ce dernier ne favorise pas leur mise en oeuvre, je trouve que ce projet de loi donne l'impression d'avoir été rédigé au cours des années 60 ou 70 ou de l'avoir été par la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Nous nous trouvons maintenant à un moment décisif et nous avons l'occasion d'adopter une réglementation nucléaire répondant aux besoins des années 90 et de l'avenir. Nous ne devrions pas nous contenter de répondre aux attentes des années 60 ou 70.

Pour la consultation, je remarque que lorsque les employés et les comités consultatifs de la CCEA organisent une consultation sur les changements à apporter à des programmes, ils consultent les titulaires de licences bien avant que le public ne soit même informé de l'éventualité de tels changements. Ceux qui créent les dangers faisant l'objet de la réglementation, les titulaires de licences, peuvent prendre connaissance des avant-projets dès les premières étapes, et plusieurs versions en sont préparées avant d'être présentées au grand public sous forme de prétendus documents de consultation.

Quand nous avons contesté la Loi sur la responsabilité nucléaire, j'ai vu, lors des enquêtes préliminaires, de nombreux exemples de la correspondance échangée entre les titulaires de licences et la commission bien avant d'apprendre, à titre de membre intéressé d'une organisation non gouvernementale, qu'ils étaient en pourparlers. Quand je finis par voir le document de consultation, on dirait généralement que c'est la version définitive - ce qui n'est pas étonnant puisque ce qui est pour moi la première version est en réalité la cinquième ou la sixième. Ce n'est pas ce que les régulateurs environnementaux des pays démocratiques appellent traditionnellement une consultation.

En bref, en ce qui concerne la CCEA et la réglementation nucléaire au Canada, il faut faire plus que changer un nom et accorder plus de pouvoirs aux protecteurs du statu quo. La situation évolue rapidement dans ce domaine. Plus précisément, il faut pouvoir examiner de plus près au palier fédéral et à celui de l'Ontario un système qui fait deux poids deux mesures en permettant que les Canadiennes et les Canadiens soient exposés à des polluants radioactifs entraînant des risques de cancer beaucoup plus élevés que les polluants non radioactifs.

Aux pages 11 et suivantes du mémoire, j'ai inclus quelques documents de base qui montrent que les deux catégories ne sont pas traitées de la même façon. Certains sont malheureusement encore secrets. J'ai apporté la sixième version d'un document intitulé Risk Assessment Methods for Chemical and Radiological Hazards, une étude de cette situation entreprise conjointement par deux ministères fédéraux. Je crois savoir qu'ils en sont maintenant à la douzième version, qu'ils refusent de me remettre. Il se trouve que j'ai pu obtenir un exemplaire de la sixième version, mais pas directement de ses auteurs, et j'en cite certains passages intéressants. Le comité pourra peut-être obtenir cette douzième version, puisque cela m'est impossible. Je suis convaincu qu'elle témoigne d'un esprit d'ouverture beaucoup plus marqué que la sixième version dans laquelle le gouvernement fédéral reconnaissait pour la première fois que l'on faisait deux poids deux mesures.

.1145

On s'intéresse beaucoup plus aux produits chimiques cancérigènes qu'au rayonnement pour ce qui est de la protection de la santé humaine. Bien entendu, aucun de vos électeurs n'a plus envie d'être atteint d'un cancer causé par la pollution radioactive que par une autre forme de pollution. J'espère ne pas passer pour un imbécile en disant quelque chose d'aussi évident, mais ce sont des propos révolutionnaires à Ottawa, surtout quand ils viennent de la CCEA.

J'ai l'impression que le premier affrontement entre Environnement Canada, qui a des principes modernes de protection de l'environnement, et la Commission de contrôle de l'énergie atomique, qui n'en a pas, s'est produit en 1984 au sujet des projets de codes de pratique environnementale. Je cite certains extraits de deux documents aux pages 11 à 14. Ensuite, dans mon mémoire, j'approfondis quelque peu la question de l'existence d'un système faisant deux poids deux mesures. J'ai subi certaines attaques à propos des risques de cancer entraînés par la présence de tritium radioactif dans l'eau potable en Ontario.

Le document clé dans cet affrontement a été celui que j'ai en main, intitulé A Standard for Tritium: A Recommendation to the Minister of the Environment and Energy, rapport préparé en 1994 par le comité consultatif sur les normes environnementales de l'Ontario. En bref, d'après ses recommandations, le risque de cancer posé par la teneur maximale en tritium de l'eau potable de l'Ontario est comparable au risque entraîné par le niveau maximal de substances chimiques cancérigènes dans cette eau - il s'agit de substances chimiques comme la nitrosodiméthylamine, ou NDMA, le benzène ou les trihélométhanes.

Ce rapport recommandait un risque de cancer à vie de un par million et non pas des niveaux pouvant atteindre 0,1 p. 100 ou 0,5 p. 100 sur la vie entière comme c'est traditionnellement le cas en ce qui concerne les agents cancérigènes radioactifs dans notre eau potable. C'était révolutionnaire.

Lorsque ce rapport a été publié, les organismes représentatifs de l'industrie nucléaire sont aussitôt intervenus pour prier instamment le gouvernement de l'Ontario de ne pas protéger la santé des habitants de la province en appliquant cette recommandation; la Commission de contrôle de l'énergie atomique, en particulier, s'est manifestée en des termes très énergiques - que je cite, documents à l'appui, dans ce mémoire - en menaçant de cesser toute coopération avec les bureaucrates ontariens si une recommandation abusivement restrictive devait être adoptée.

Je crois que c'est l'un des quatre cas, que je cite ici avec documents à l'appui, où la Commission de contrôle de l'énergie atomique n'a pas ménagé ses efforts pour empêcher une amélioration de la protection de la santé publique contre les agents cancérigènes radioactifs. C'est, à mon avis, un comportement étrange pour un organisme de réglementation.

Quand on lit la loi, on constate qu'elle encourage ce type de comportement. Elle ne stipule pas qu'un tel organisme a pour rôle de protéger la santé publique et l'environnement. J'y reviendrai dans un moment.

Je voudrais mentionner quelques autres références que je n'ai pas incluses dans mon mémoire. La lettre citée en bas de la page 4... il y a deux lettres là, une à la page 15 et l'autre aux pages 16 à 18. On trouve, aux pages 19 à 23, un extrait du document cité en haut de la page 5 et, enfin, le document cité en haut de la page 6 de mon mémoire - la lettre du président de la CCEA - figure in extenso aux pages 29 à 32.

.1150

Je voudrais que nous parlions maintenant de l'objet de ce projet de loi qui porte, après tout, sur la protection et la réglementation - la protection de la santé publique et de l'environnement et la réglementation d'une activité dangereuse. Comment définit-il son objet? Il s'agit, d'après l'article 3, d'assurer le développement, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire et la production, la possession et l'utilisation des substances nucléaires, etc.

Qui est idiot ici, ce texte ou moi? Ce n'est pas comme cela qu'on rédige l'objet d'une loi réglementant la protection de la santé et de l'environnement - tout au moins pas d'où je viens. Ce sont des termes très étranges. Je ne pense pas que l'on puisse trouver l'équivalent dans n'importe quel autre texte législatif de ce genre.

Nous recommandons que les matières dangereuses pouvant être produites par une installation nucléaire soient réglementées non pas par un organisme appartenant à cette industrie dangereuse, mais par les gens qui ont pour tâche de réglementer les substances dangereuses et cancérigènes produites par des installations dangereuses.

Il n'y a aucune raison de séparer les deux types de pouvoirs en place à cause desquels on pratique ainsi deux poids deux mesures. Il faudrait les réunir. On finira bien par le faire. Si Dieu le veut, nous serons encore vivants quand cela se produira. Vous avez la possibilité d'accélérer le cours des choses et je vous invite à le faire.

J'ai certains commentaires précis au sujet de ce projet de loi au cas où vous décideriez d'y apporter divers aménagements au lieu de le remanier en profondeur et de regrouper ces deux types de réglementation. Je n'en mentionnerai que deux que j'explique dans mon mémoire, preuves à l'appui.

Le premier concerne le deuxième attendu, d'après lequel il est essentiel pour l'intérêt national que les normes internationales soient appliquées de façon uniforme à l'énergie nucléaire. Je ne sais absolument pas qui considère cela comme essentiel pour l'intérêt du Canada, mais ce n'est certainement pas mon avis et j'espère que ce n'est pas non plus le vôtre.

Je remarque également qu'il n'y a apparemment aucune disposition - tout au moins certainement aucune disposition exprès - autorisant la Commission de sûreté nucléaire à accorder une aide financière ou un remboursement de frais aux groupes intervenant devant elle pour protéger l'intérêt public. C'est encore une chose qui me donne l'impression que nous actualisons une loi de 1946 pour l'adapter aux attentes des années 60 ou 70 et non à celles des années 90.

Ce pouvoir pourrait lui être donné dans divers articles, peut- être à l'alinéa 21(1)b). Au lieu de le laisser insérer dans des articles n'ayant apparemment aucun rapport avec cette question, je pense qu'il faudrait accorder ce pouvoir à tous ceux qui organisent des audiences publiques dans ce domaine. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rubin.

Je vais donner la parole au Bloc. Monsieur Deshaies.

[Français]

M. Deshaies (Abitibi): Merci à tous les intervenants. Ma première question s'adressera à M. Dassios. Vous avez déclaré dans votre énoncé qu'à aucun endroit les normes fédérales ne pouvaient être contredites par des normes provinciales puisqu'en général, les normes fédérales devraient être supérieures.

Hier, un intervenant du gouvernement de l'Ontario a raconté à ce comité que les normes du Québec qui s'appliquent aux bouilloires étaient les meilleures qui puissent être et qu'elles devraient faire partie des normes canadiennes dans le secteur nucléaire. Il nous a dit aussi que souvent, les inspecteurs ontariens qui vérifiaient les bouilloires étaient beaucoup plus expérimentés que les inspecteurs de la Commission de contrôle de l'énergie atomique du Canada. En effet, le fédéral n'a qu'une vingtaine d'installations, alors qu'en Ontario, il y a 2 000 bouilloires importantes et plus. Lorsque les fonctionnaires de l'Ontario font l'inspection au nom de la province, ils font preuve d'une plus grande expertise.

Donc, j'aimerais que vous répondiez à cette question. Est-ce qu'il ne serait pas dans l'intérêt du public que l'expérience de ceux qui en ont davantage - dans ce cas-ci, les inspecteurs de la province de l'Ontario - puisse prévaloir sur celle des inspecteurs de la Commission de contrôle de l'énergie atomique du Canada?

.1155

[Traduction]

M. Dassios: Je répondrai deux choses. Les normes québécoises sont peut-être plus élevées; mais malheureusement pas celles de l'Ontario. Là encore, c'est une question d'importance nationale. Une série de normes disparates ne protège pas l'intérêt national en assurant le respect de normes élevées pour la réglementation d'un secteur qui a des répercussions transfrontalières.

Deuxièmement, pour ce qui est de l'expérience des inspecteurs, des dispositions informelles ont déjà été prises à cet égard. En vérité, il n'y a pas besoin de faire quelque chose de plus dans ce domaine pour ce qui est de pouvoirs réglementaires permettant d'adopter pèle-mêle diverses réglementations. Il y a une grande différence entre l'adoption de normes provinciales et le recours à l'expertise des inspecteurs provinciaux, ce qui peut se régler administrativement, au moyen d'une entente entre la CCEA et les organismes provinciaux, sans qu'une réglementation soit nécessaire. Si l'on adopte les normes elles-mêmes, elles risquent d'être édulcorées, surtout dans les provinces qui tentent de se débarrasser de l'obligation de réglementer quoi que ce soit.

[Français]

M. Deshaies: Je suis davantage d'accord sur le point de vue de M. Rubin, point de vue selon lequel après 50 ans, on devrait procéder par un projet de loi à une révision nécessaire de la loi après avoir pris le temps d'aller chercher les meilleures contributions de tous les intervenants. Après 50 ans, je crois qu'on aurait pu utiliser - prenons l'exemple des normes du Québec s'appliquant aux bouilloires - d'autres normes et en faire des normes nationales tout simplement.

Je poserai donc une question à M. Rubin. Je suis intervenu dans d'autres réunions afin qu'on change la structure du conseil d'administration, pour que parmi les cinq membres, l'un vienne du public - naturellement, il aurait la capacité de comprendre la nature et les problèmes d'une usine nucléaire - et un autre du secteur nucléaire, puisque ce secteur doutait lui aussi de pouvoir faire valoir ses droits.

Qu'est-ce que vous en pensez?

[Traduction]

M. Rubin: Je suis d'accord. De nombreux examens parlementaires et autres consacrés à la Commission de contrôle de l'énergie atomique ont produit des recommandations analogues: premièrement, la commission ne devrait pas relever du ministre chargé d'assurer la prospérité de l'industrie nucléaire, comme je le mentionne ici, et, deuxièmement, elle devrait compter parmi ses membres des gens représentant les opinions de la population sur l'énergie nucléaire.

En matière d'énergie nucléaire, les avis des Canadiens sont pour le moins partagés et les gens de ce secteur les considèrent même comme hostiles à son expansion, opinion qui est celle de la Commission de contrôle de l'énergie atomique qui semble appuyer aveuglément ce secteur. Comment cette commission peut-elle nous représenter en faisant son travail, c'est-à-dire en examinant la situation d'un oeil critique, en vérifiant les faits, en imposant des limites et en nous protégeant contre les gens de ce secteur? Comment pouvons-nous lui confier cette tâche alors que les idées qu'elle défend sont tellement différentes des nôtres?

Il est évident que la partie de la population - la majorité - qui a une attitude critique à l'égard de ce secteur ferait beaucoup plus confiance à un organisme qui partagerait certains de nos doutes à cet égard.

[Français]

M. Deshaies: Dans la même ligne de pensée, serait-il préférable de séparer les aspects de la loi qui se rapportent à la sécurité nucléaire et à la réglementation qui s'y rapporte et les aspects qui se rapportent au développement de l'industrie? Les deux lois pourraient dépendre de deux ministères différents; le ministère de l'Environnement serait, il me semble, plus transparent aux yeux du public pour gérer une loi sur la sûreté et la sécurité nucléaires, et le ministère des Ressources naturelles serait tout désigné pour s'occuper d'une loi sur la promotion de l'industrie.

.1200

[Traduction]

M. Rubin: Oui. Pour mieux répondre aux besoins des années 90, je crois que le minimum serait de confier à deux ministres différents les fonctions correspondant aux deux lois, mais je crois qu'il faudrait faire beaucoup plus. Vous sous-entendiez, me semble- t-il, dans votre question que les normes de sécurité devraient faire partie de la loi plutôt que du règlement. Si c'est le cas, je dois dire que je n'ai aucun avis sur cette question pour le moment.

Je pourrais certainement faire certaines suggestions quant à l'endroit où il faudrait placer ces normes, mais j'ai l'impression que le Canada devrait engager une véritable consultation à grande échelle pour établir les niveaux maximum sans se limiter aux substances radioactives et il me paraîtrait logique que ce vaste débat soit organisé par Environnement Canada, par exemple, qui fait traditionnellement preuve d'un esprit d'ouverture envers toutes les organisations, qu'elles soient publiques ou non gouvernementales, alors que ce n'est le cas ni de Ressources naturelles Canada ni de la CCEA.

Ce serait néanmoins assurément un pas dans la bonne direction que de séparer les éléments relatifs à la promotion devant figurer dans la loi sur l'énergie nucléaire et les éléments concernant la réglementation qui devraient former l'essentiel du projet de loi C-23. Ces fonctions sont évidemment très différentes et il faut les séparer. Je dis notamment dans mes commentaires, surtout en ce qui concerne l'objet de la loi, que cette séparation n'a pas été prise suffisamment au sérieux.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters (Athabasca): Merci, monsieur le président.

J'ai été un peu surpris par vos commentaires sur la nécessité de confier entièrement le contrôle de l'industrie nucléaire au gouvernement fédéral plutôt qu'aux gouvernements provinciaux. Je pense qu'on considère généralement dans d'autres régions du Canada que la meilleure façon de protéger l'environnement et les travailleurs est d'effectuer le contrôle en se rapprochant le plus possible des gens concernés alors que vous semblez vouloir faire le contraire.

Je ne nie pas que des normes nationales soient nécessaires - cela a assurément toujours été, dans tous les domaines, la responsabilité du gouvernement fédéral - , mais je me demande pourquoi vous êtes réticents à ce que l'administration des règlements et des inspections soit effectuée par les gouvernements provinciaux.

On a également parlé ici à plusieurs reprises de la nécessité d'une vérification efficace par une tierce partie. Je me demande simplement qui cette tierce devrait être, surtout après avoir entendu hier l'exposé d'un inspecteur municipal de la santé publique. Si on résolvait les problèmes que ces choses lui posent, il constituerait certainement à mon avis une tierce partie très efficace et sensible aux besoins locaux.

Pour finir, comment faudrait-il nommer les membres de la commission pour faire taire vos inquiétudes? Il me paraît tout à fait contre-productif qu'ils soient en majorité soit partisans de l'industrie nucléaire soit de ceux qui voudraient en gros la voir disparaître du Canada. Il me semble que la commission se retrouverait dans une impasse, ce qui ne serait pas très productif.

Vous pouvez peut-être répondre à tout cela.

M. Dassios: Premièrement, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites qu'en laissant cela entre les mains du gouvernement fédéral, on mettrait encore plus la population à l'écart. Le Code du travail du Canada, qui est fédéral, contient des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail. Les banques, les sociétés de transport et le secteur des communications y sont assujettis et je n'ai pas l'impression que n'importe lequel de leurs employés se sente plus tenu à l'écart du gouvernement que ce n'est le cas dans les secteurs réglementés par les provinces.

Le fait de confier la réglementation aux provinces pose un autre problème. Comme vous le savez, les titulaires de licences appartiennent généralement aux provinces. On pourrait penser que le public aurait plus confiance si les propriétaires des centrales et les détenteurs des licences étaient réglementés par un autre palier de gouvernement plutôt que par celui à qui ils appartiennent.

.1205

Mme Reinsborough: J'aimerais vous répondre en m'appuyant sur l'expérience que nous avons acquise en ayant déjà un dépotoir nucléaire à Oakville. En un mois, 3 000 résidents ont dit non et plusieurs milliers d'autres pensaient que cela ne pourrait pas se produire dans leur ville et ils ont conclu qu'il fallait qu'ils soient fous pour ne serait-ce que croire que n'importe qui laisserait cela se faire.

Nous avons essayé d'en parler avec la CCEA, l'organisme fédéral, et, à notre avis, elle ne protège pas la sécurité ou les intérêts de la population locale. Nous devons maintenant vivre avec ce dépotoir nucléaire et nous ne pouvons guère nous faire entendre à propos de la façon de nous en débarrasser. Je suis donc vraiment contente que vous ayez posé cette question parce que nos autorités municipales se sont complètement lavé les mains de ce problème en le laissant entre les mains de la CCEA puisque les arrêtés de zonage n'interdisaient pas une telle utilisation du sol dans notre quartier à 80 p. 100 ethnique.

Nous nous retrouvions donc sans personne pour nous défendre - ni au niveau fédéral, ni, bien entendu, du côté de la province qui préférait ne pas traiter avec nous, même si je crois savoir qu'elle a des spécialistes qui visitent les installations pour voir si tout va bien. Les inspecteurs nous ont dit qu'ils sont seulement habilités à jeter un coup d'oeil dans les locaux et à dire: «Oui, nous pensons que tout ce qui se fait est conforme au règlement.»

Notre autre préoccupation concerne les rapports relatifs à l'application du règlement dans ces installations; ils sont rédigés par les propriétaires qui indiquent ce dont ils jugent bon de faire part à la CCEA. Elle les croit sur parole, à moins d'envoyer un inspecteur chaque fois que nous appelons, ce qu'elle n'a encore jamais fait. Voilà où nous en sommes - personne ne veut assumer notre situation.

M. Silvester: Je pense que chaque fois qu'on remet des pouvoirs à un organisme donné, on crée une situation telle que celui-ci se retrouve avec un monopole en ce qui concerne un certain nombre de questions et de pouvoirs.

J'aimerais que ces pouvoirs restent, au moins en partie, du ressort de la province. Je pense que c'est dans l'intérêt du public, car l'obligation de rendre des comptes est ainsi renforcée. J'hésiterais beaucoup à confier ces pouvoirs à un organisme fédéral en particulier; je ne pense pas que cela soit dans l'intérêt du public.

M. Rubin: Si vous me permettez un bref commentaire, je pense que, à moins de modifier la constitution, certaines de ces choses sont inéluctables. La Cour suprême a, par exemple, établi que les conditions de travail dans l'énergie nucléaire relèvent du gouvernement fédéral et cela ne sera pas facile à changer. Je dois dire que ceux d'entre nous qui constatent que, d'après la constitution, l'énergie nucléaire doit servir les intérêts de nous tous - je ne me rappelle plus exactement la formule figurant dans la Constitution, mais il est question de l'intérêt national et public - doivent se demander, au vu de la réalité, si les mots ont perdu tout leur sens et comment concilier cette réalité et le texte de la Constitution.

Si vos attributions vous permettent d'influencer je ne sais qui pour essayer de modifier ce texte en en retirant cet élément, je pense que cela contribuerait certainement à rendre les choses plus sensées. Mais tant qu'il reste inchangé, de grandes parties du secteur nucléaire continueront de relever des autorités fédérales. Je crois que le mieux serait peut-être que le gouvernement fédéral établisse au moins des normes minimales et permette aux provinces modernes - ce qui a été parfois le cas de l'Ontario et on peut se demander s'il en est encore ainsi avec le gouvernement actuel - de les dépasser, comme le fait maintenant l'Ontario en ce qui concerne la norme relative à la présence de tritium dans l'eau potable.

L'Ontario impose en effet une norme beaucoup plus stricte que la ligne directrice canadienne sur l'eau potable et que n'importe quelle autre province puisse qu'elles se conforment toutes à cette ligne directrice. Les autres provinces vont peut-être faire un bond en avant et rattraper l'Ontario ou les lignes directrices iront même encore plus loin; on verra bien. D'après mon expérience, il est beaucoup plus facile pour un simple citoyen de lutter contre une municipalité que contre le gouvernement fédéral ou la Commission de contrôle de l'énergie atomique.

Le président: Merci.

M. Chatters: Personne n'a abordé la question des modalités présidant à la composition de la commission. J'aimerais savoir comment, à votre avis, on pourrait rendre son fonctionnement plus transparent et la forcer à rendre des comptes.

.1210

M. Silvester: Il est clair que les modalités de sélection des membres de la commission détermineront en fait quelles seront les personnes choisies en fin de compte. Il est évident que l'organisme responsable de la sélection privilégiera certaines qualités et certaines caractéristiques. Je m'inquiète au sujet des qualités et caractéristiques que ces gens-là vont chercher, des partis pris qu'ils auront et, donc, des décisions qui en résulteront.

Je souhaiterais qu'ils soient plus conscients des problèmes concernant la santé, la sécurité et l'environnement. Je pense qu'une telle attitude ne s'est pas encore manifestée et qu'il faudrait qu'elle commence maintenant à se faire jour. Tout ce qui reste en deçà ne me paraît rien de plus qu'un faux-semblant.

M. Chatters: Si les modalités restent inchangées, je crains que la commission ne continue d'être très fortement en faveur du secteur nucléaire vu les compétences que ses membres cherchent...

M. Silvester: C'est ce que l'on a toujours constaté.

M. Chatters: Mais, à mon avis, nombre d'entre vous... Si vous formiez la majorité de la commission, le secteur nucléaire disparaîtrait du Canada.

M. Silvester: Nous serions certainement beaucoup plus conscients des problèmes reliés à la santé, à la sécurité et à l'environnement de notre pays, ce qui nous paraît constituer la priorité principale.

M. Chatters: Il faut donc trouver une sorte d'équilibre dans l'intérêt de toute la population du Canada.

M. Silvester: Oui, dans l'intérêt de toute la population, en tenant compte du fait que la commission compte sept membres et que la majorité d'entre eux auront certaines orientations politiques. Si c'est la sécurité nationale qui se trouve les intéresser particulièrement, c'est là-dessus qu'ils mettront l'accent et les questions touchant l'environnement seront laissées pour compte.

Le président: Madame Cowling.

M. Rubin: Excusez-moi, puis-je répondre à cela? J'ai des renseignements précis...

Le président: Soyez très bref, s'il vous plaît.

M. Rubin: Je pense que si, par exemple, vous demandez en privé aux membres d'un comité d'évaluation environnementale, en buvant une bière avec eux, s'ils aiment ou non l'industrie chimique, ils vous diront peut-être que non, mais cela ne veut pas dire qu'ils font usage de leurs prérogatives pour refuser toutes les demandes dont ils sont saisis ou pour éliminer cette industrie. L'expérience ne confirme pas les craintes selon lesquelles les adversaires d'une industrie sont irrationnels alors que ceux qui sont en sa faveur appliquent la réglementation de façon rationnelle.

Deuxièmement, j'affirme que la procédure établie pour la commission est au moins aussi importante que les êtres humains qui se trouvent en faire partie à n'importe quel moment. La Commission de contrôle de l'énergie atomique a modifié légèrement ses procédures. Elle se réunit par exemple parfois en dehors d'Ottawa. Elle se rend là où les gens sont touchés par des activités faisant l'objet d'une licence. Cela a grandement changé les sujets dont elle est saisie lors de ces réunions et cela a un effet sur la façon dont les membres de cette commission envisagent leur rôle. Il ne peut pas en aller autrement.

Vous pourriez procéder à d'autres réformes en instaurant des procédures du genre de celles qui sont utilisées, par exemple, lors des examens des évaluations environnementales fédéraux ou lors des audiences d'évaluation environnementale de l'Ontario ou de celles de la commission de l'énergie de l'Ontario - je parle de ce que je connais le mieux - où les intervenants ont droit à une aide financière et au remboursement de leurs frais, où ils peuvent procéder au contre-interrogatoire des proposants pour faire ressortir la vérité, où des renseignements doivent être fournis avant une audience pour assurer une bonne information, où on peut se faire représenter par des experts... Ce sont des outils efficaces et un tribunal, quels qu'aient été les penchants de ses membres avant d'être exposés à la vérité, aura tendance à rendre des jugements conformes à cette vérité quand elle lui aura été présentée.

Ce sont des outils très efficaces. Aucun d'entre eux n'est présenté clairement dans le projet de loi C-23. Aucun d'entre eux ne sera autorisé avant longtemps si on laisse la Commission de contrôle de l'énergie atomique actuelle établir ses propres règles.

Le président: Je vais devoir donner la parole à Mme Cowling. Vous pourrez intervenir à nouveau plus tard si vous voulez faire un autre commentaire à ce sujet.

Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.

.1215

Je veux vous remercier tous de votre présence ici ce matin. Je vous demande également de ne pas oublier que notre gouvernement s'intéresse beaucoup à la santé et à la sécurité des gens que nous représentons ainsi qu'à l'aspect environnemental de cette question. Toutes les parties siègent à ce comité et je suis sûr que les députés de l'autre côté font également de cela leur priorité.

Toutefois, en ce qui concerne la Commission de contrôle de l'énergie atomique, j'ai devant moi un rapport sur les rayonnements. Vous me demanderez peut-être pourquoi la CCEA l'a publié. C'était à la demande de gens qui s'inquiétaient de la santé et de la sécurité des habitants de leur ville; des représentants des gouvernements provincial et fédéral, des personnes chargées localement des questions de santé à Ontario Hydro et des résidents locaux ont collaboré à ce travail. C'est un peu comme une station météorologique, cela donne une idée de la quantité de rayonnement auquel certains endroits sont exposés. Je voudrais déposer ce document parce que je pense qu'il montre clairement ce qui se fait dans ce domaine.

Plusieurs témoins qui se sont présentés à cette table ont été en fait unanimes à nous dire que les pouvoirs que le projet de loi C-23 donne à la Commission canadienne de sûreté nucléaire permettront en fait d'améliorer la réglementation de l'industrie nucléaire au Canada. Pourquoi votre groupe est-il, de façon générale, tellement en désaccord avec ce que la majorité des gens ont déclaré à notre comité? Pourquoi vous opposez-vous à l'amélioration de la sécurité nucléaire et de l'énergie nucléaire? Pourquoi vous opposez-vous à ce que disent ces autres groupes? Cela va complètement à l'encontre de ce qu'on nous a dit.

M. Rubin: Nous posez-vous cette question à tous les deux, à Energy Probe et à CORP? Nous mettez-vous dans le même sac?

Le président: Chacun d'entre vous pourrait peut-être répondre.

M. Rubin: Je répondrai aux deux parties de votre question au nom d'Energy Probe; en premier lieu, j'ai plus ou moins consacré ma carrière à l'amélioration de la sécurité nucléaire, entre autres choses. Je ne sais pas qui sont ces autres groupes, mais j'en connais plusieurs qui étaient ici il y a deux jours et je doute qu'il y ait une énorme différence entre ce que je dis et ce qu'ils ont dit, mais je ne sais pas si vous étiez ici mardi.

Il est évident que le rôle que jouent Ottawa et le gouvernement fédéral dans ce domaine est favorable au secteur nucléaire. Qu'il s'agisse des combustibles oxydes mixtes, de la vente de réacteurs CANDU à la Chine ou de n'importe quelle autre question, le gouvernement fédéral appuie apparemment tout autant ses propres entreprises nucléaires et le reste de ce secteur que, par exemple, le gouvernement de l'Ontario le faisait autrefois. Quant à savoir où trouver un palier de gouvernement pouvant réglementer ce secteur de façon crédible, il faudrait qu'il donne une impression d'impartialité. Le gouvernement fédéral est en conflit d'intérêts. Il est clair que quand le régulateur relève du ministre responsable de la prospérité de ce secteur et fait rapport de ses activités auprès de ce ministre ou par son entremise, il est facile pour ceux qui, comme moi, critiquent ce système de convaincre les gens intelligents qu'un problème se pose. C'est extrêmement facile.

Pour ce qui est de votre rapport sur les rayonnements - celui de la Commission de contrôle de l'énergie atomique - , je voudrais attirer votre attention sur la comparaison inévitable que l'on trouve dans ces graphiques et les commentaires correspondants entre les rayonnements auxquels sont exposées les personnes vivant à proximité d'une centrale nucléaire et ceux auxquels ces mêmes personnes sont exposées en vivant sur notre planète à cause des rayons cosmiques et du rayonnement terrestre.

J'attirerai votre attention sur la page 3 de mon mémoire où il est question de l'examen fédéral qui montre la différence entre la réglementation des polluants nucléaires - dans le cadre de laquelle on nous parle constamment de l'impossibilité d'échapper aux rayonnements naturels, comme si cela devait nous amener à accepter plus volontiers que nos voisins nous donnent le cancer - et la réglementation des substances chimique qui n'invoque pas cette radioactivité naturelle pour justifier ce qui constitue un niveau acceptable.

Nous vivons sur une planète où on considère qu'environ trois pour cent ou plus des cancers sont causés par cette radioactivité naturelle, à en croire les coefficients de risque établis par la Commission internationale de protection radiologique. C'est bien dommage. Nous éliminerions tous ces trois pour cent de cancers si nous le pouvions, mais je ne peux pas le faire et vous non plus. Alors pourquoi prendre cela en considération dans une discussion sur un niveau acceptable de risque en ce qui concerne les cancers causés par la pollution radioactive que ma voisine, Ontario Hydro, met dans mon eau potable, dans ce verre de Chalk River? Accepterai- je plus volontiers d'avoir le cancer à cause de ce verre d'eau parce que les rayons cosmiques traversent, en ce moment même, le toit et mon corps? Peut-être vous, mais pas moi.

.1220

Mme Cowling: J'aimerais bien entendre les commentaires de l'autre groupe. Je vous prie de m'excuser, mais je dois maintenant aller prendre la parole à la Chambre; je lierai néanmoins à coup sûr vos commentaires dans le compte rendu.

Merci beaucoup.

Mme Reinsborough: En nous fondant sur notre expérience personnelle, nous ne croyons pas que la Commission de contrôle de l'énergie atomique ait jamais vraiment représenté notre point de vue. Nous mettons en doute que, si vous fabriquez des bonbons et avez tous les pouvoirs - disons que vous êtes en fait très puissant et que vous exercez des fonctions quasi judiciaires en tant que fabricant de bonbons - , vous allez limiter la production de sucre. Nous pensons donc que, dans une commission comme celle- ci, il faut que ceux de ses membres qui sont opposés à l'énergie nucléaire soient aussi déterminés que ceux qui en sont partisans.

Il n'y a rien de mal à avoir des freins et des contrepoids. On jugeait autrefois cela négatif dans tous les comités, mais je suis membre d'un comité de l'industrie chimique appelé CAER. Savez-vous pourquoi j'ai été invitée à en faire partie? C'est parce que je défends activement les intérêts de ma région et participe beaucoup à la vie locale. Ces gens voulaient connaître la face négative de leur industrie afin de pouvoir rectifier les choses et non pas les cacher.

M. Silvester: Une fois de plus, je ne sais pas par où commencer. J'ai simplement trop de choses à dire.

Pourquoi sommes-nous si fermement opposés aux propositions contenues dans le projet de loi C-23? Il permet une série de décisions arbitraires. Dans plusieurs domaines, on se plaît à employer certains mots sans les définir avec précision. À notre avis, cela laisse une marge considérable d'interprétation à n'importe quel organisme, c'est-à-dire, dans ce cas, à la CCEA ou à la commission dont la création est proposée. Nous savons malheureusement par expérience qu'on ne peut pas faire confiance à cet organisme pour prendre des décisions équitables et impartiales. Si c'était le cas, nous ne serions sans doute pas ici aujourd'hui.

Nous doutons considérablement de la capacité des membres de cette nouvelle commission ou de la CCEA actuelle à interpréter les mesures proposées en se souciant de l'environnement et de la santé et de la sécurité des personnes. Ils ont plutôt tendance à privilégier ce qu'on appelle les questions de sécurité nationale, qui sont, pour le moment, très vagues. Je me suis préparé en lisant ce projet de loi - je l'ai examiné au peigne fin - et je peux vous dire sans ambages que je crains qu'il ne regorge de toutes sortes d'échappatoires dont pourront se prévaloir tous ceux qui pourraient être habilités à en appliquer les dispositions.

Le président: Merci.

Monsieur Crawford.

M. Crawford (Kent): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie pour vos mémoires. J'espère avoir le temps d'en prendre connaissance plus tard parce qu'ils contiennent beaucoup de renseignements intéressants.

J'aimerais que M. Dassios réponde à une question ou me donne une explication. On peut lire, à la page 2 de votre mémoire:

S'il y a un débrayage légal - s'il est autorisé - , va-t-on fermer correctement toutes les installations? J'ai déjà participé à de nombreuses grèves - Dieu merci, ce n'était pas dans l'industrie nucléaire - , et la direction n'a jamais eu à fermer toutes les usines et à veiller à tous les détails. Que se passerait-il si les employés s'en allaient, tout simplement, et quittaient une centrale nucléaire en la laissant dans une situation de...? Nous parlons tous de la sécurité et c'est donc quelque chose qui m'inquiète.

.1225

M. Dassios: On a déjà fermé des centrales nucléaires lors de conflits du travail et cela n'a jamais posé aucun danger à ma connaissance.

La Loi sur le contrôle de l'énergie atomique prévoit des désignations spéciales pour les personnes qui travaillent dans les centrales nucléaires, en particulier les opérateurs de machines, il continuerait d'en être ainsi avec la nouvelle loi. Ces gens sont personnellement responsables du fonctionnement des installations et ils prennent cette responsabilité au sérieux.

Des sanctions sont déjà prévues pour toute personne qui ne prend pas cela au sérieux et ferme les installations en négligeant la sécurité. Je peux vous le dire parce que je connais ces gens-là. Ils prennent cette responsabilité au sérieux, à un point tel que peu leur importe ce que leur dit l'employeur ou, a fortiori, le syndicat ou qui que ce soit d'autre. Ils sont responsables des installations et c'est à eux qu'il incombe de veiller à la sécurité. Il existe donc déjà des protections.

Deuxièmement, si la fermeture des installations peut susciter des inquiétudes légitimes en matière de sécurité, c'est ce dont il devrait être question dans cet article et non pas du fait de ne pas se présenter au travail. Nous n'aurions rien à redire si c'est de cela qu'il était question.

M. Crawford: Vous avez tous signalé tout à l'heure que ce projet de loi contient de nombreuses échappatoires et qu'il y a peut-être diverses dispositions que nous devrions rendre plus rigoureuses.

M. Dassios: Dans ce cas, il faudrait mettre l'accent sur le vrai problème. Au lieu d'essayer d'en faire une sorte de règlement concernant les relations de travail, ce projet de loi devrait porter sur les mesures de sécurité à prendre lors de la fermeture des installations. Les gens devraient être chargés de veiller à la sécurité, que l'on ait affaire à un conflit du travail légal ou illégal.

Le président: Merci.

Monsieur Solomon.

M. Solomon (Regina - Lumsden): Merci, monsieur le président.

Je représente une circonscription de la Saskatchewan et, comme vous le savez, on exploite depuis longtemps l'uranium dans cette province. Les gouvernements de l'honorable Allan Blakeney et de l'honorable Roy Romanow se sont occupés de la question de l'uranium tout au long des 25 dernières années. Ils se soucient très fortement de l'environnement et ils accordent une priorité très importante aux lois concernant la santé et la sécurité au travail. En fait, dans chacun de ces domaines, ils sont allés au-delà des normes nationales appliquées par la CCEA et les autres organismes relativement à l'extraction de l'uranium.

Je dirai donc de façon générale que, du point de vue du gouvernement de la Saskatchewan, ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction, même s'il n'est pas à 100 p. 100 aussi satisfaisant qu'il pourrait l'être.

Pour moi, vos interventions d'aujourd'hui - celles des trois organisations que vous représentez - permettent au comité de faire la part des choses. Nous avons lu et entendu de nombreuses dépositions présentant un point de vue différent. Le vôtre n'avait pas encore été défendu devant notre comité et pas non plus devant le Parlement.

Je voulais simplement présenter la situation politique au nom du NPD.

Mes deux questions s'adressent au CTC. Vous affirmez que, lors des visites sur place, les inspecteurs devraient toujours être accompagnés de membres d'un comité mixte de santé et sécurité au travail. Certains disent qu'une telle exigence pourrait retarder les inspections, réduire la productivité ou augmenter le coût de la réglementation, surtout si les membres du comité ne sont pas toujours immédiatement disponibles. Que répondriez-vous à cela? Est-ce un important sujet de préoccupation?

M. Dassios: C'est un important sujet de préoccupation pour les raisons que j'ai expliquées, mais je crois que nous disons dans notre mémoire qu'il faudrait faire tous les efforts raisonnables pour assurer la participation de membres du comité. Il me semble qu'à un moment donné, si tous les efforts nécessaires ont été faits et que les membres du comité ne se présentent pas, on ne pourrait guère reprocher à l'inspecteur de faire son travail si cette inspection présente un caractère d'urgence.

M. Solomon: Mon autre question est plus générale. Dans votre mémoire, vous appuyez le principe du projet de loi C-23, mais vous avez des idées intéressantes concernant des amendements éventuels. S'ils n'étaient pas adoptés, le CTC serait-il toujours en faveur de ce projet de loi?

M. Dassios: Je ne pense pas que le CTC veuille se laisser entraîner à répondre à une telle question hypothétique.

M. Solomon: Vous n'avez pas à y répondre maintenant, mais vous pourrez peut-être le faire après coup, quand nous aurons commencé à essayer d'apporter des amendements au sein du comité. Merci.

Le président: Monsieur Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser quelques questions à chacun des témoins. Je vous remercie tous d'être venus. C'est un plaisir de voir mon vieil ami Norm Rubin, que je connais depuis près de 20 ans.

M. Rubin: Cela fait longtemps.

.1230

M. Reed: Ma première question s'adresse à CORP. Vous avez parlé à plusieurs reprises dans votre exposé d'une tierce partie objective. J'aimerais que vous nous disiez qui vous considéreriez comme une tierce partie objective.

M. Silvester: Avec plaisir. Une tierce partie objective serait une partie indépendante de l'organisme lui-même et de l'organisation qui a initialement créé celui-ci. Elle superviserait ses activités quotidiennes pour s'assurer qu'il fait correctement ce qu'il est censé faire et qu'il prend des décisions équitables et impartiales relativement aux questions sur lesquelles il doit se prononcer.

J'ai signalé qu'à mon avis, Norm Rubin serait une personne tout indiquée pour ce rôle de tierce partie objective. J'ai dit que son groupe pourrait constituer un groupe public de surveillance.

Cela pourrait aussi se faire de diverses autres façons.

Je crois que la CCEA a constamment commis des abus de pouvoir et, malheureusement, pris des décisions inappropriées. Les faits parlent d'eux-mêmes. C'est constamment le cas.

M. Reed: Je dois donc vous poser la question suivante - et c'est pour moi aussi un problème - : qui choisirait la tierce partie indépendante?

M. Silvester: Je pense qu'il devrait probablement y avoir un groupe de citoyens normaux. Je pense qu'ils devraient posséder certaines qualifications et être plus ou moins apolitiques. Je pense que cela serait équivalent à la sélection d'un jury, en faisant beaucoup moins traîner les choses dans ce cas-ci, dont les membres répondraient à certains critères et pourraient évaluer objectivement la capacité d'une personne donnée à faire preuve d'un jugement objectif. Je pense que c'est ce que l'on chercherait.

Mme Reinsborough: Puis-je ajouter quelque chose? Par ailleurs, dans la situation actuelle, cherchiez-vous une solution plus rapide que la création d'un comité? J'ai fait partie du COFAM et je sais ce que c'est que créer un comité pour en former un autre et encore un autre. Il y a des gens, comme certainement les membres d'Energy Probe, dont on sait chez nous qu'ils représentent bien les résidents locaux. Les gens qui se sont déjà préparés et ont fait de gros efforts pour acquérir une telle réputation seraient, de l'avis des groupes écologiques, de bons porte-parole et pourraient intervenir efficacement en notre nom.

Je pense qu'il faudrait chercher des gens qui ont une certaine connaissance de la question pour redresser la situation. On ne peut pas simplement consulter la population locale et dire que les gens qui ne se sont jamais intéressés à cela devraient soudain décider qui va nous représenter.

Ce rôle de surveillance devrait être confié à un simple citoyen, quelqu'un qui s'est bien préparé, qui peut laisser sa marque et auquel chacun peut s'adresser. C'est important parce qu'il n'y a actuellement personne pour défendre nos intérêts.

M. Reed: Je ne veux pas insister trop lourdement là-dessus, car je sais que nous manquons un peu de temps, mais la plupart des gens ont certains antécédents, même Energy Probe.

Une voix: Personne n'est parfait.

M. Reed: C'est ce à quoi je veux en venir. S'agit-il là en fait de pratiquer l'art du possible pour ce qui est de...?

Mme Reinsborough: J'allais vous répondre que, que l'on ait ou non des antécédents antinucléaires ou pronucléaires, on devrait pouvoir occuper un tel poste, parce qu'on essaie en réalité de trouver des gens représentant tous les points de vue, à moins qu'on ne veuille des gens toujours prêts à aller de l'avant sans vouloir écouter la moindre opinion contraire.

Si on a un comité, il faut avoir un groupe de gens qui vont représenter tous les points de vue différents. Si les divergences sont très marquées, il faut régler cela au sein du comité. Avec une personne compétente à la présidence, c'est possible.

Il n'est pas question de former un comité avec des gens qui seront tous en faveur des mesures proposées. Je pense que ce comité doit représenter tous les points de vue différents. Le point de vue qu'on ne retrouve nulle part dans ce projet de loi est celui des localités qui devraient faire face à des problèmes comme le nôtre.

.1235

M. Reed: J'ai juste une brève question à votre intention, madame Reinsborough.

Vous avez parlé du «dépotoir» d'Oakville, et cela m'inquiète beaucoup parce que, quand j'entends le mot «dépotoir», j'imagine un grand trou dans lequel on jette toutes sortes de choses. Est-ce de cela qu'il s'agit?

Mme Reinsborough: Nous avons déjà été attaqués sur ce point. La Commission de contrôle de l'énergie atomique n'accorde pas plus de valeur au mot «étape» qu'au mot «dépotoir». Donc, si elle peut utiliser «étape», nous pouvons utiliser «dépotoir».

M. Reed: Merci beaucoup.

M. Silvester: Je veux simplement faire un commentaire au sujet de la question que vous avez posée tout à l'heure. Il s'agit du fait que la plupart des décisions prises reflètent l'influence politique des grandes entreprises. Nous voulons que l'on mette un terme à cela une fois pour toutes. Nous ne voulons pas être associés à des décisions prises en vertu des préférences politiques des grandes entreprises ou des pressions exercées auprès de certains organismes. Nous voulons que cela cesse et nous allons intervenir très énergiquement dans ce sens.

M. Reed: Merci.

Norm, j'ai remarqué que, dans votre exposé, vous avez négligé quelque chose qui me tient un peu à coeur. Dans un paragraphe de la première page, vous parlez de l'éclatement d'Ontario Hydro et de la possibilité offerte aux consommateurs d'acheter de l'électricité écologique. Je me demandais si vous pourriez expliquer ce que vous entendez par «écologique» et si vous êtes maintenant en faveur de l'énergie écologique.

M. Rubin: Je pense que j'ai toujours été en faveur de ce que je considère comme l'énergie écologique, c'est-à-dire une énergie produite de façon durable, de préférence renouvelable et présentant un bon rendement.

Je pense que, dans les marchés de l'électricité, à commencer par ceux des pays avancés - et je pense que ce sera peut-être bientôt le cas en Ontario - , le choix des consommateurs et la concurrence entre les fournisseurs vont jouer un rôle croissant. C'est, par exemple, ce qu'a dit Energy Probe devant le comité Macdonald en Ontario.

J'étais récemment à Boston et j'ai lu dans les journaux des articles sur une expérience en cours dans différentes villes, dont Boston, où six fournisseurs se font concurrence en offrant des assortiments de services différents à leurs clients. Deux ou trois d'entre eux offrent de l'énergie sous différentes formes reflétant leurs préoccupations sociales ou environnementales en combinant des formes de production renouvelables ou à rendement élevé ou en faisant don d'une partie de leurs bénéfices à des ONG environnementales. Ils se font concurrence en proposant différentes formules Tout comme pour les fonds mutuels ou les fonds syndicaux dont la composition reflète des préoccupations sociales, certaines formules conviennent mieux à diverses catégories de gens et c'est bien ainsi.

Je pense que si un tel choix est offert à la clientèle, par exemple, en Ontario, cela suscitera une plus grande demande pour l'électricité à haut rendement, l'électricité renouvelable et l'électricité d'origine non thermique. Je pense qu'il y a, par exemple, des gens qui choisiront n'importe quelle forme d'électricité la moins chère pourvu qu'elle ne vienne pas d'une centrale thermique ou nucléaire. J'espère que les fournisseurs vont proposer des formules de ce genre - ce ne sera peut-être pas le système le plus écologique, mais pas non plus le plus nocif.

Je pense que cela créera un marché pour les formes d'électricité à haut rendement et renouvelables beaucoup plus vite que n'importe quelle autre solution dont j'aie jamais entendu parler. Certains proposent des quotas, des allocations spéciales ou suggèrent que le gouvernement pourrait décréter qu'on ne peut plus produire que de l'électricité renouvelable, mais je ne pense pas que, dans les conditions réelles, l'une ou l'autre de ces méthodes puisse influencer le marché autant que le choix des consommateurs.

M. Reed: Je me demande comment vous allez découper le réseau pour y parvenir.

M. Rubin: Je pense que presque tout le monde reconnaît que le réseau constitue un monopole naturel et que la mise en commun des sources d'énergie, système que recommande Energy Probe, représente aussi un monopole naturel et que ces monopoles naturels doivent être réglementés par les pouvoirs publics. Les intermédiaires qui interviendront sur ce nouveau marché pour vendre de l'électricité devront aussi l'être, comme les marchés boursiers.

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M. Reed: À l'heure actuelle, je peux vendre de l'électricité écologique, mais je ne peux pas en acheter.

M. Rubin: Non. En fait, à part Ontario Hydro, personne ne peut en vendre, sauf à Ontario Hydro. Vous ne pouvez pas m'en vendre à moi.

M. Reed: Non, mais je peux en vendre à Ontario Hydro.

M. Rubin: Oui, vous pouvez seulement en vendre à Ontario Hydro.

M. Reed: C'est exact, ou je peux en produire pour ma propre consommation.

M. Rubin: En effet. Ontario Hydro n'en achète pas, donc, si vous en offrez sur le marché maintenant, vous ne pourrez pas la vendre. C'est dommage. Il y a seulement un acheteur et il n'achète pas.

M. Reed: Je n'étais pas au courant, monsieur le président.

M. Rubin: À moins d'avoir déjà un contrat, on ne peut pas en vendre à Ontario Hydro.

M. Reed: Ma dernière question s'adresse à M. Dassios.

Ce projet de loi porte bien sûr sur la sécurité nucléaire. Vous avez, au nom du Congrès du travail, présenté une objection au sujet de l'article 49 parce qu'il donne l'impression de s'immiscer dans les relations de travail.

Je pense que le public craint qu'une installation nucléaire ne risque d'être abandonnée sans conserver un personnel suffisant pour en assurer le fonctionnement. À l'inverse, vous avez dit que des modalités de fermeture sont prévues.

Pour ce qui est des implications du terme «sûreté»... Dans l'ensemble de l'Ontario, surtout avec toute la capacité nucléaire existant actuellement, vous pouvez certainement vous rendre compte de ce qu'il adviendrait de la sécurité publique si on fermait une de ces installations. Les centrales hydroélectriques peuvent continuer de fonctionner, cela ne pose pas de problème; il en va de même des centrales utilisant des combustibles fossiles si elles sont surveillées, mais il faut toute une équipe pour maintenir en marche une centrale nucléaire.

Il me semble que la seule autre option à cet égard serait de décider que la production d'énergie électrique constitue un service essentiel.

M. Dassios: Je conteste votre dernière déclaration, mais je ne conteste pas que le grand public ait certaines idées au sujet des choses dont vous parlez, ni qu'il y ait un lien entre les relations de travail et la sécurité.

Je me demande simplement pourquoi on ne mettrait pas l'accent là-dessus en disant qu'il faut procéder à une fermeture sécuritaire? Imposons les mêmes obligations aux employeurs et aux employés plutôt que de parler d'abandon de poste, expression qui reflète certains préjugés. Pourquoi ne pas mettre l'accent sur cette préoccupation légitime et réelle de la population en ce qui concerne la sécurité de la fermeture des installations?

Si vous pensez qu'il est, en conséquence, inutile d'imposer une réglementation à l'employeur, je contesterai également cela. C'est Ontario Hydro qui, à la seule fin de faire pression sur le gouvernement, a commencé à fermer les centrales nucléaires au début de l'année alors que le syndicat disait à l'employeur qu'il n'avait pas l'intention de faire grève ou de fermer les installations. C'est Ontario Hydro qui l'a fait. D'après son analyse, cela devait interrompre la distribution sur le réseau et couper l'électricité dans la province. Elle l'a fait il me semble que cela doit être pris en considération.

M. Reed: Ne pensez-vous pas que le retrait d'un tel article inciterait, par exemple, le gouvernement de l'Ontario à faire précisément ce que j'ai dit, c'est-à-dire déclarer que la production d'énergie électrique constitue un service essentiel? Je ne sais pas combien de mégawatts de puissance brute sont actuellement utilisés.

M. Dassios: Beaucoup.

M. Reed: On peut estimer que cela représente environ les deux tiers de la production.

M. Dassios: Environ 60 p. 100.

M. Reed: La production actuelle est peut-être de 50 p. 100, et c'est beaucoup.

M. Dassios: Oui, c'est beaucoup.

M. Reed: Cela représente l'alimentation des hôpitaux, des moyens de transport - toutes les choses qui sont nécessaires pour assurer la sécurité et le bien-être de la population. Dans cette optique, l'article 49 est-il si choquant?

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M. Dassios: Le problème que pose l'article 49 est qu'il ne traite pas de la situation dont vous parlez. Il n'empêche pas de fermer les centrales nucléaires, mais dit que cela doit se faire en conformité avec les conditions de la licence.

Nous ne savons pas en quoi consisteront ces conditions. Elles stipulent actuellement qu'un arrêt de travail n'est autorisé qu'avec un préavis raisonnable. Cet article ne porte pas sur la question de savoir si la production d'électricité peut être interrompue, mais simplement sur les modalités existant actuellement.

S'il traite des modalités concernant la possibilité de ne pas se présenter au travail, pourquoi ne pas mettre l'accent sur le vrai problème, la protection de la sécurité en cas de fermeture des installations? Le gouvernement de l'Ontario est tout à fait en mesure d'empêcher un lock-out ou une grève s'il considère qu'une telle décision est dans l'intérêt public. Il a déjà adopté des lois imposant le retour au travail. En fait, Ontario Hydro a fait l'objet de la première loi de ce type contenant une disposition d'arbitrage obligatoire il y a déjà plusieurs dizaines d'années. Le gouvernement est tout à fait en mesure de le faire.

Cet article, sous sa forme actuelle, ne porte pas sur cette situation, mais vise les relations de travail alors que le vrai problème est la sécurité de la fermeture des installations.

Je pensais qu'en parlant d'acheter de l'énergie écologique, Energy Probe voulait dire qu'une fois Ontario Hydro privatisée, on aurait accès à beaucoup plus d'électricité produite de façon écologique que ce n'est possible maintenant. Cela entraînera une augmentation des tarifs.

Je ne suis pas d'accord avec nombre des choses qu'a dites M. Rubin au sujet de la privatisation d'Ontario Hydro, même si, à mon avis, personne ne pense que la concurrence serait une mauvaise chose; c'est l'éclatement et la privatisation d'Ontario Hydro qui le seraient.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Je remercie les témoins pour leur présence ici aujourd'hui. Vous complétez certainement les points de vue qui ont été exprimés lors de nos audiences publiques. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir ici. Merci.

La séance est levée.

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