[Enregistrement électronique]
Le lundi 4 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Bonjour, tout le monde, et bienvenue. La séance est ouverte.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité permanent des ressources naturelles poursuit son étude du développement rural. Nous sommes heureux d'être aujourd'hui à Amos pour continuer à parler aux représentants de diverses localités.
C'est la sixième de nos réunions sur ce sujet. Nous poursuivrons notre étude tout le reste de la semaine. Le comité a commencé ses audiences le printemps dernier à Ottawa et a pu entendre des témoins qui ont reflété le point de vue national. Nous sommes en train de voyager dans le pays pour compléter par la perspective locale ce que nous avons entendu sur le plan national. Nous voulons qu'on nous parle des défis particuliers que doivent relever les diverses régions du pays.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et je suis heureux, monsieur Deshaies, que nous puissions visiter votre circonscription et entendre vos témoins. Je vous remercie de tout le travail que vous avez fait pour organiser la rencontre d'aujourd'hui et pour garantir que nous passerions une journée agréable et utile à Amos. Merci.
J'invite donc notre premier témoin, M. Mongrain, de l'UPA, à s'avancer et à faire sa déclaration d'ouverture. Ensuite, les membres du comité pourront lui poser des questions.
[Français]
M. Rosaire Mongrain (président, Fédération de l'UPA d'Abitibi-Témiscamingue): Je n'ai rien compris car tout était en anglais.
Bonjour, mesdames et messieurs. C'est avec grand plaisir que j'ai accepté, au nom des producteurs et productrices agricoles, de venir porter un message sur l'intervention du gouvernement fédéral pour le développement de l'agriculture du Québec.
Je trouvais cette occasion d'autant plus pertinente que le Comité permanent des ressources naturelles tient son activité dans la région où j'habite, où je réalise mes activités de production et dont le développement économique et rural me tient à coeur.
Dans cette région du Québec dite périphérique, les ressources naturelles, soit l'agriculture, la forêt, les mines et l'eau, sont omniprésentes. Malgré ses grandes richesses et ses ressources humaines, la région ne parvient pas à s'épanouir économiquement. La majorité des entreprises exploitant ces ressources ont leur siège social ailleurs, les capitaux viennent d'ailleurs et les profits d'exploitation sont la plupart du temps réinvestis ailleurs.
L'agriculture échappe généralement à ce phénomène. Les propriétaires d'entreprises agricoles vivent dans le milieu rural, là même où ils exploitent les produits de la terre. Leurs activités d'affaires se passent aussi dans l'environnement économique où l'entreprise est installée. La transformation par les PME, actuellement en développement, semble prendre le même chemin.
Les activités d'une entreprise agricole génèrent six emplois directs et indirects. En Abitibi-Témiscamingue, on parle de 1 900 emplois et d'un chiffre d'affaires de 66 millions, qui s'additionnent aux 7 000 emplois et au chiffre d'affaires de 177 millions de l'agroalimentaire régionale.
Notre plein potentiel agricole est cependant bien loin d'être atteint. Plusieurs facteurs influencent son développement ou son sous-développement. Le gouvernement canadien a un grand pouvoir d'influence sur nombre d'entre eux, dont la recherche et le développement.
Tous s'entendent, gouvernements, organismes et entreprises, pour dire qu'il est essentiel d'investir en recherche et en développement pour demeurer compétitif à l'intérieur du Canada et à l'intérieur des marchés internationaux. Cependant, il est impensable qu'une entreprise agricole puisse investir seule dans ce domaine. D'abord, le retour sur le capital investi ne couvre pas les exigences financières d'une telle activité et les risques qu'elle comporte. Ensuite, les résultats d'une telle recherche doivent être partagés avec l'ensemble des entreprises, la survie d'une entreprise étant liée à celle des autres. C'est bien différent de la pharmacologie.
Dans une région comme la nôtre, où l'agriculture a ses caractéristiques et solutions spécifiques, l'argent entre au compte-gouttes et les activités de recherche et transfert technologique se réalisent à la miette. Pourtant, malgré le peu de ressources, nous avons quelques actifs dans ce domaine: silo-meule, étable froide et solaire, drainage taupe, etc.. Ces acquis, nous les devons à la grande collaboration de la Ferme expérimentale de Kapuskasing, à Agriculture et Agroalimentaire Canada et au Conseil de recherche en agroalimentaire de l'Abitibi-Témiscamingue (CRAAT). Faire de la veille technologique, expérimenter ce que l'on perçoit comme adaptable, mettre en place des réseaux d'essais et informer le milieu des résultats, voilà une formule gagnante originale, dont le CRAAT est ici est le pilier.
Sans recherche et transfert technologique, notre très jeune région agricole est condamnée au sous-développement. Le gouvernement canadien doit investir dans la recherche et appuyer des formules économiques efficaces comme celles que nous avons développées en région.
Un autre domaine où le gouvernement fédéral a le pouvoir d'intervenir avec les provinces est celui des sceaux pour l'abattage des animaux. Il y a 11 sceaux au Canada. Pendant que l'on martèle sur les avantages de la mondialisation des marchés, seul le sceau «Approuvé Canada» permet de faire le commerce des viandes entre les provinces. Ce sceau, conçu pour faire du commerce international, particulièrement avec les États-Unis, comporte des exigences telles qu'il a favorisé la concentration de l'abattage des viandes au détriment tant des régions et des producteurs agricoles que du développement des créneaux de marchés qui sont souvent occupés par les PME.
En agroalimentaire, ces PME se développent plus souvent qu'autrement en milieu rural. Dans ce domaine, l'Europe peut nous servir d'exemple.
Un comité national travaille actuellement à l'harmonisation des sceaux. Cette préoccupation n'est pas récente. Il faut mettre la pression nécessaire pour un aboutissement rapide et concret de ces travaux.
Je reviens à la question de la mondialisation des marchés. Lors des dernières négociations du GATT, on y a intégré pour la première fois le secteur agricole. Certes, il fallait régler le problème de la surenchère des subventions à l'exportation des céréales. Pendant ces négociations et encore aujourd'hui, régulièrement, on remet en question nos systèmes de contingentement, dans le lait par exemple, pour ne nommer que celui-ci. On prétend aussi que le consommateur pourrait bénéficier d'une déréglementation de cette production.
Prenons quelques minutes pour voir ce qui se passe sur le marché des viandes de boeuf. Cette production n'a jamais été réglementée. La mondialisation des marchés dans ce secteur de production est une réalité depuis longtemps. Les prix payés aux producteurs vont en dents de scie et n'ont jamais été bons. Actuellement, ils sont à leur plus bas, ayant perdu 2,76$ la livre carcasse depuis trois ans. Les entreprises bovines sont en difficulté financière à un point tel que plusieurs ne réussiront pas à passer à travers cette crise. Toutefois, jamais le consommateur n'a vu de différence.
La loi de la jungle des marchés agricoles ne profite qu'à ceux qui interviennent entre le producteur et le consommateur. Et lorsqu'il n'y a aucun contrôle, ce qui est le cas entre autres dans le boeuf, on vit souvent des situations de dumping. Le gouvernement fédéral doit tout faire pour protéger et faire la promotion de nos systèmes de mise en marché collectifs, dont nos systèmes de contingentement, et s'assurer, dans les productions qui n'ont pas de mécanisme de contrôle, que ce qui entre au pays n'arrive pas à un prix de dumping.
Enfin, il est inévitable que nous devions parler des compressions budgétaires des budgets fédéraux. Le milieu agricole est conscient de l'effort à faire afin de favoriser le redressement des finances publiques, que ce soit celles du Québec ou du Canada. Les milieux agricole et rural sont prêts à faire leur part, mais la façon d'agir du gouvernement fédéral nous fait vivre une période d'étranglement dont nous doutons pouvoir nous relever.
Voyons quelques statistiques provenant d'une analyse faite par l'UPA du budget Martin de mars 1995.
Entre 1987-1988 et 1996-1997, la proportion du budget fédéral allouée à l'agriculture est passée de 3,5 p. 100 à 1,2 p. 100. Entre 1994-1995 et 1997-1998, l'agriculture a subi des compressions de l'ordre de 38 p. 100, alors que la moyenne se situait à 18,9 p. 100 pour les ministères fédéraux. Le terme «désengagement» est très faible dans ces circonstances.
Il faut aussi comprendre l'effet pervers de la disparition de l'aide au transport des grains de l'Ouest dont la région bénéficiait. Tant que l'Ouest n'aura d'autre choix que de développer la production animale pour consommer ses céréales, notre région, où la production animale est la base de notre agriculture, ne pourra pas être concurrence avec l'Ouest, n'étant pas équipée pour faire des céréales. S'il n'y a pas d'intervention massive dans le drainage des terres, c'est le déclin de notre agriculture au profit de celle de l'Ouest qui nous attend.
Est-il nécessaire de rappeler que le processus du GATT est en vigueur et que le Canada est parmi les pays de l'OCDE qui subventionnent le moins leur agriculture, soit 81$ US par hectare en culture comparativement à une moyenne de 298$ US pour l'OCDE.
En terminant, si la démarche que nous faisons ensemble aujourd'hui est sérieuse, si le gouvernement du Canada souhaite sincèrement que le milieu rural profite de la prospérité économique, il doit stimuler et financer la recherche et le transfert technologique en agriculture; bâtir l'harmonisation des sceaux des abattoirs; protéger et promouvoir les systèmes de contingentement des produits agricoles; mettre en place des mesures de contrôle prévenant le dumping; réviser sa façon d'appliquer ses compressions budgétaires en mesurant les conséquences de ses choix sur l'agriculture et le milieu rural, tout en visant un équilibre entre les ministères; et s'ouvrir à l'investissement en drainage dans une région comme la nôtre.
Merci encore une fois de nous avoir invités à comparaître. Si vous avez des questions, il me fera plaisir d'y répondre.
Le président: Thank you very much.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies (Abitibi): Monsieur le président, vu que les intervenants sont de ma région et que je connais en grande partie cette problématique, je préférerais revenir à la fin et laisser maintenant plus de temps à mes collègues.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Le problème, monsieur Mongrain, est que, d'une part, on veut le contrôle et, d'autre part, l'aide du gouvernement. Je constate que dans les marchés des oeufs et des produits laitiers, qui sont bien contrôlés, on entend toujours des contre-arguments disant qu'il y a trop de contrôle et que les consommateurs sont perdants. Ils font valoir leur argument contre d'autres.
Même dans le secteur agricole, nous avons depuis des décennies, dans l'Ouest, la Commission canadienne du blé. Aujourd'hui nous entendons ce même argument: la Commission canadienne du blé doit-elle exercer le contrôle ou devrait-on le lui retirer? Actuellement, en 1996, la réponse varie. D'un côté, on dit: «Oui, nous sommes tout à fait en faveur du contrôle qu'exerce la Commission canadienne du blé», mais de l'autre on dit: «Non, il nous faut avoir un peu de liberté». On veut faire valoir ses propres désirs.
Je comprends votre argument, mais j'aimerais que vous précisiez où sont les limites. Le contrôle doit-il être exercé par le gouvernement fédéral, par le gouvernement provincial ou par vous-mêmes, ou selon une formule mixte fédérale-provinciale??
M. Mongrain: Je prendrai comme exemple le marché du lait. Je le connais un peu mieux, puisque c'est celui où j'oeuvre depuis un certain temps et que j'y ai travaillé comme président de syndicat. En regardant les marchés mondiaux actuels, on constate que le lait vendu aux consommateurs canadiens n'est pas plus cher qu'ailleurs, sinon meilleur marché, et que les producteurs reçoivent une plus grande partie des revenus.
Les contrôles qu'on a mis en vigueur et la manière dont on les applique ont, à mon avis, servi tout le monde jusqu'à présent. On ne peut pas dire qu'il y ait jamais eu de contrôle sur le marché du boeuf. On sait que les producteurs ont toujours besoin d'aide pour réussir à passer à travers. Pour notre part, grâce à notre système dans le marché du lait, nous sommes allés chercher la part qui nous revenait et nous sommes capables d'en vivre.
Notre système s'est avéré efficace et plus avantageux pour les gouvernements, qui ont eu à intervenir moins dans la production laitière que dans toute autre production libre. Si on entrevoit la possibilité de faire davantage d'exportation, je doute que les producteurs de lait du Canada s'y opposeraient.
La façon dont nous avons établi notre contingentement nous a permis de répondre aux demandes du marché. Jamais nous n'avons laissé les Canadiens manquer de ce produit. Notre système s'est donc avéré correct jusqu'à présent.
Le président: D'accord. Merci.
[Traduction]
Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.
Après avoir été deuxième vice-présidente de la principale association agricole du Manitoba et représentante de l'ouest du Canada à la Fédération canadienne de l'agriculture, je peux comprendre le rôle important que joue l'UPA pour ce qui est d'élaborer la politique agricole. Mes questions vont donc porter sur la perspective fédérale.
D'abord, êtes-vous d'accord avec une présence fédérale forte dans les programmes agricoles? D'après votre exposé, j'ai eu l'impression que vous étiez d'accord avec une présence fédérale forte dans les programmes agricoles. Je voudrais que vous précisiez votre pensée pour nous. Appuyez-vous effectivement une présence fédérale forte dans les programmes agricoles?
[Français]
M. Mongrain: Nous devons travailler de concert avec les gouvernements fédéral et provinciaux pour en arriver à un programme agricole dont les producteurs seront satisfaits et dont ils seront capables de vivre.
Nous voulons bien donner de la nourriture aux gens de notre pays, mais il faut donner aux producteurs le moyen de vivre décemment.
Je disais plus tôt que le Canada était l'un des pays qui attribuaient le moins de subventions à l'agriculture. Je ne citais pas des chiffres en l'air, mais des chiffres basés sur les statistiques dont nous disposons. Il est évident que les compressions budgétaires effectuées depuis quelques années dans les programmes ouverts au GATT nous font toujours plus mal. On comprendrait mieux que l'on ait sabré les programmes qui étaient juste sur la marge. Nous pensions qu'on aurait pu maintenir et même améliorer ces programmes.
Nous appuyons l'intervention des gouvernements aux paliers fédéral et provincial en vue de donner aux producteurs agricoles une politique leur permettant de vivre décemment de leur métier.
[Traduction]
Mme Cowling: Merci.
Ma question suivante porte sur la valeur ajoutée et la diversification. Selon vous, le gouvernement fédéral devrait-il offrir des stimulants quelconques pour favoriser les industries de transformation dans les régions rurales?
[Français]
M. Mongrain: Je serais tenté de vous répondre que oui, nous avons tout à gagner à avoir des valeurs ajoutées. Pendant mon intervention, je parlais de l'Europe et plus précisément de certaines régions de la France que l'on connaît un peu plus, qui ont des spécificités et dont les produits ont une valeur ajoutée qui est très valable et qui permet à ces régions de se développer, car elles deviennent plus spécifiques et capables d'offrir sur le marché un produit un peu différent de ceux des autres régions.
[Traduction]
Mme Cowling: Encore sur le même sujet, qu'est-ce que le gouvernement fédéral devrait faire pour aider l'industrie de la transformation? Que pensez-vous que notre comité devrait recommander au gouvernement fédéral pour favoriser la valeur ajoutée et la diversification dans les régions rurales?
[Français]
M. Mongrain: C'est une question très difficile. Les gouvernements devraient être en mesure de s'impliquer et de nous appuyer au niveau des valeurs ajoutées. Ils pourraient accorder des subventions sporadiques qui couvriraient une partie des dépenses engagées par le groupe FRAT en vue d'avoir des valeurs ajoutées et de mettre en marché ces produits. Les gouvernements ont sûrement un rôle à jouer dans ce domaine parce qu'aucun promoteur ne saurait lui-même supporter les frais liés à la valeur ajoutée d'un produit et le mettre en marché. Si l'on veut développer les régions, il faut leur donner cette chance et leur fournir de l'appui. J'en ignore les modalités, mais je suis assuré que cela serait nécessaire.
[Traduction]
Mme Cowling: Merci.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.
Monsieur Mongrain, vous avez parlé de la nécessité d'une intervention massive relative au drainage. De quelle superficie s'agirait-il?
[Français]
M. Mongrain: On parle de 37 000 hectares, je pense, qui mériteraient d'être drainés en Abitibi-Témiscamingue et il n'y a pratiquement pas de drainage qui se fait en Abitibi-Témiscamingue. Il y en a un peu dans le Témiscamingue, mais très peu en Abitibi.
Nos terres ont un bon potentiel quand elles sont bien drainées. Cependant, une terre mal égouttée, et vous le savez sans doute si vous connaissez un peu l'agriculture, est moins productive parce que ses éléments nutritifs sont moins accessibles aux plantes. De ce fait, nos rendements sont moins élevés et nous sommes moins concurrentiels.
J'expliquais dans mon message qu'à l'époque où les programmes de drainage étaient disponibles, nous en étions encore à défricher nos terres. Quand notre région a été prête à entreprendre le drainage souterrain, les programmes n'existaient plus. Ils n'existaient plus pour la province, mais le reste de la province avait eu le temps d'y participer.
L'Ontario aussi a été drainé en grande partie grâce à l'aide gouvernementale, tandis que nous, en Abitibi-Témiscamingue, quand nous avons été prêts à recevoir l'aide gouvernementale, elle n'existait plus. C'est pourquoi je crois que le gouvernement fédéral devrait nous donner un coup de main.
Je vous ai dit que nous bénéficiions d'une subvention pour les grains de l'Ouest qui vient de se terminer. Probablement que des producteurs de l'Ouest vont se tourner vers la production animale afin de pouvoir faire consommer leur grain chez eux et avoir ainsi moins de transport à payer. Je comprends leur point de vue. Cependant, de notre côté, nous avons toujours dépendu un peu du grain de l'Ouest qu'il nous fallait faire venir. Il nous coûtait moins cher parce que nous touchions une subvention, mais nous venons de la perdre.
C'est pourquoi il faudrait maintenant nous donner une aide pour nous aider à réorienter notre agriculture, pour nous permettre de cultiver des céréales. Si nos terres étaient drainées, nous aurions d'excellents rendements. En ce moment, nous n'avons pratiquement pas de terres qui sont drainées. C'est là notre handicap, et je crois qu'il revient au gouvernement de donner un coup de main à notre agriculture pour développer ces terres.
[Traduction]
M. Reed: L'UPA a-t-elle songé à la production agricole non alimentaire, c'est-à-dire à la production de fibres, au lieu de se concentrer uniquement sur les aliments?
Cette année, par exemple, le gouvernement fédéral a fait adopter une loi au Sénat et à la Chambre des communes qui permettra la culture du chanvre industriel. Comme vous le savez, le chanvre est une fibre qui résiste au gel et qui peut donc être cultivée à des latitudes où il y a du gel tous les mois, etc.. Le chanvre semble donc être une culture non alimentaire qui pourrait devenir très importante d'ici quelques années. Je voudrais savoir si l'UPA a songé à de telles possibilités pour une région comme la vôtre.
[Français]
M. Mongrain: Nous avons examiné certaines de ces productions. Cependant, nous n'avions pas, je pense, le savoir-faire suffisant pour poursuivre dans cette voie.
C'est sûr que nous sommes prêts à examiner toutes les possibilités qui s'offrent pour le développement de notre région. C'est sûrement aussi le cas de tous les intervenants de la région. Cependant, on s'appuie sur nos possibilités actuelles. S'il y en a d'autres... On a déjà pensé à cultiver du canola. Quand je parle de drainage, je pense à ce type de cultures.
Mais si vous me parlez de fibres, je pense que c'est une possibilité qui a été examinée. Il est probable que nous n'avions pas suffisamment d'information fiable pour poursuivre dans cette voie, mais si des possibilités s'offrent à nous, nous ne les rejetterons pas. Nous n'en rejetons aucune; nous nous penchons sur toutes les possibilités qui s'offrent pour développer notre région.
[Traduction]
M. Reed: J'ai une dernière question. Vous avez parlé de la nécessité d'harmoniser les sceaux. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur les problèmes que le système actuel vous pose?
[Français]
M. Mongrain: Les sceaux «Approuvé Canada» sont coûteux à administrer. Il y a des normes à respecter. Nous ne sommes pas opposés aux normes, mais les sceaux sont coûteux à administrer. À ce moment-là, il n'y a que les grosses entreprises qui sont capables de se permettre de le faire.
C'est pourquoi tous les petits abattoirs que nous avions n'arrivent pas à survivre; la facture est trop élevée. Si c'est réparti sur un grand nombre de têtes, le coût est minime pour chaque tête. La facture des petits abattoirs, ceux qui ont un nombre restreint de têtes, est pratiquement aussi élevée que celle d'un gros abattoir. Automatiquement, la charge devient trop lourde et les gars ne sont pas capables de passer au travers.
Le sceau «Approuvé Québec» et probablement le sceau «Approuvé Ontario» - il y en a à peu près dans toutes les provinces - sont moins coûteux, mais ils ne nous permettent même pas de commercer entre provinces. Si le sceau «Approuvé Canada» permettait de faire du commerce international, on comprendrait un peu mieux. Et si le sceau «Approuvé Québec» ou celui d'une autre province nous donnait la latitude de commercer entre provinces, les PME qui veulent se développer en région ne se trouveraient pas bloquées.
[Traduction]
Le président: J'ai une brève question à poser. L'un des problèmes dont on nous a parlé dans les autres régions du pays est la diminution de la population des régions rurales. Les jeunes vont s'installer dans les villes et les grands centres urbains. L'une des causes du problème du point de vue de l'agriculture serait, semble-t-il, la difficulté qu'il y a à transférer les fermes d'une génération à l'autre. Autrement dit, les jeunes n'ont pas les moyens de prendre en mains la ferme familiale. Ils n'ont pas les capitaux nécessaires. Ils abandonnent donc la ferme familiale, et les grands propriétaires fonciers commencent à accumuler un grand nombre d'exploitations agricoles. Est-ce un problème dans les régions? Dans l'affirmative, que proposeriez-vous pour résoudre le problème?
[Français]
M. Mongrain: C'est sûr que le transfert des fermes aujourd'hui ne se fait pas comme il y a40 ans. Je vous dirai cependant que ce sont des raisons économiques qui nous ont poussés à avoir des fermes de cette envergure pour arriver à en vivre. Je pourrais vous raconter qu'il y a une quarantaine d'années, quand j'ai commencé en agriculture, une ferme moyenne devait compter de 12 à15 vaches. Aujourd'hui, pour vivre décemment avec un de mes enfants sur la ferme, nous devons avoir 65 vaches qu'il faut traire soir et matin. À moins que cela, nous n'aurions pas le revenu nécessaire pour vivre de l'agriculture.
C'est ce qui nous pousse à engager beaucoup de capitaux sur nos fermes, qui deviennent difficiles à vendre par la suite. C'est sûr que de cette façon, on dépeuple nos régions rurales. En effet, il faudrait des programmes spéciaux pour que les jeunes soient capables de racheter les fermes. Quand un jeune qui sort de l'école essaie d'acheter une ferme qui vaut 600 000$ ou 700 000$, pas une société de financement ou de crédit ne va lui prêter la somme nécessaire, dans des conditions normales. Alors, automatiquement, nos fermes se démantèlent.
Je n'ai pas de solution à vous soumettre aujourd'hui. Je vous exprime plutôt les craintes que nous avons. On voit la façon dont vont les choses et on s'aperçoit qu'on n'a pas la solution entre les mains. Il faudrait pourtant en trouver une parce que le problème est réel. On oblige presque les jeunes à s'en aller vers les centres urbains.
Mais la solution, je ne l'ai pas. À vous de nous la soumettre.
Le président: Thank you.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Monsieur Mongrain, tout ce dont vous avez parlé est bien connu des gens de la région. Ce sont des problèmes concrets. On sait que beaucoup de personnes ont investi de l'argent de leur poche pour faire vivre l'abattoir régional. On a essayé d'avoir le sceau «Approuvé Canada» et cela a été difficile. On n'a pas assez de production. Vous avez aussi d'autres problèmes; parfois les cultivateurs envoyaient leurs bêtes se faire abattre à Montréal à cause des problèmes de transport.
On a présentement, dans le cadre de l'entente de libre-échange, une limite à nos exportations de bois. Il faudra aussi trouver des solutions pour faire d'autres développements et augmenter la plus-value. Est-ce que l'industrie porcine doit prendre de l'expansion étant donné les problèmes qu'elle connaît dans le sud de la province? Les exportations porcines rapportent beaucoup de revenus au Canada. Ici, dans la région, on a de belles grandes terres. Peut-être aurait-on besoin d'un coup de pouce pour l'installation d'une industrie porcine de façon à éliminer certains problèmes qui se posent dans le sud, soit l'épandage de purin sur de grandes surfaces, qui est considéré comme une cause de «pollution».
Croyez-vous que le Témiscamingue soit prêt à recevoir une bonne partie de cette industrie? Est-ce qu'on aurait besoin d'un coup de pouce pour la démarrer?
M. Mongrain: Je pense que si on donnait un coup de pouce au démarrage de la production porcine en région, il y aurait de la place. Nos campagnes ne sont pas aussi peuplées que celles des environs de Saint-Hyacinthe, par exemple. Comme le disait Bernard, nous avons l'espace.
De plus, c'est une région où nous pourrions produire des céréales. C'est ce que nous disions lorsque nous parlions de drainage souterrain tout à l'heure. Plusieurs producteurs pourraient en cultiver et les faire consommer directement à la ferme. Cela créerait des emplois dans notre région tout en aidant à diversifier notre économie.
Notre économie régionale est basée sur le secteur minier, sur le secteur forestier et un peu sur le secteur agricole. L'agriculture a un grand potentiel qui n'a jamais été développé. Ce ne sont pas seulement les promoteurs d'ici qui peuvent le faire. C'est avec les gouvernements qu'on peut mettre au point un projet, qu'on appellera comme on voudra. S'il était possible d'avoir de l'aide pour développer certaines productions, je pense que les entrepreneurs seraient capables de les mettre en train. Il faut le soutien des gouvernements pour démarrer des productions nouvelles dans une région. Pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue, le porc est une production nouvelle.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mongrain. Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de venir nous parler aujourd'hui. Merci.
J'invite notre témoin suivant à s'avancer. Il s'agit de M. Harry McDougall, chef de bande et membre du Conseil de bande Abitibiwinni.
Bienvenue, monsieur McDougall. Nous vous invitons à faire une déclaration d'ouverture, après quoi nous vous poserons des questions.
[Français]
Le chef Harry McDougall (Conseil de bande Abitiwinni): Bonjour. Je m'appelle Harry McDougall. J'aime mieux parler en français parce que je m'exprime mieux en français qui est ma langue seconde.
Pikogan est une petite agglomération située à trois kilomètres au nord d'Amos, sur la route 120, la route de la baie James. La langue parlée à Pikogan est l'algonquin à 80 p. 100. On y parle le français, l'anglais et le cri.
La municipalité a été érigée en 1956 et les premières constructions de maisons datent de 1962. Alors, 35 ans plus tard, Pikogan est aujourd'hui dotée de 120 maisons unifamiliales et de toutes les infrastructures et services.
La superficie de Pikogan est de 90,5 hectares, dont 60 p. 100 sont déjà utilisés pour les résidences unifamiliales. Pikogan est, en plus, signataire d'un traité qu'on appelle le Traité no 9. Les traités numérotés vont de l'Ontario jusque dans l'Ouest. Cependant, une agglomération avait été oubliée, celle des gens de Pikogan. Auparavant, on les appelait les Abitibi Dominion.
Le traité a été signé en 1905 et est entré en vigueur vers 1908. La population de Pikogan est aujourd'hui d'environ 700, dont 450 sont des résidents permanents et 250 vivent hors de la réserve, éparpillés principalement ici, en Abitibi-Témiscamingue.
Selon les normes qui s'appliquent en fonction de la population, chez nous, on aurait encore besoin encore de 110 maisons. Il y a 110 familles qui attendent pour venir habiter cette réserve, mais sa superficie est restreinte; il ne resterait même pas 20 hectares à exploiter par les résidentiels.
Il y a 48 p. 100 de la population de chez nous qui est âgée de moins de 18 ans. Il y a 60 p. 100 de la population qui a moins de 30 ans et seulement 6 p. 100 qui a plus de 50 ans. C'est donc, comme vous pouvez le constater, une population très jeune.
Le taux d'assistés sociaux est de 42 p. 100 chez nous. Il y a un taux de chômage de 26 p. 100, et 32 p. 100 travaillent, selon le conseil de bande qui est le principal employeur.
Si on répartit les revenus, seulement pour 1995, le conseil de bande a versé 1 365 472$ de salaires pour différents emplois; 203 770$ provenaient de diverses allocations, par exemple de la Convention de la Baie-James avec les Cris et des allocations familiales. Il y a 656 000$ qui viennent de l'aide sociale. Cela donne un total de 2 225 228$ qui est sorti de Pikogan puisqu'aucune infrastructure n'assure les services commerciaux ou industriels.
En 1993-1994, Pikogan a commencé des démarches pour demander l'agrandissement de la réserve. Entre autres, on a adressé une demande au gouvernement fédéral pour l'agrandissement du secteur résidentiel et surtout de l'espace pour le développement économique afin d'accueillir les futurs investisseurs, surtout les Cris qui nous demandaient si on avait du territoire ou des terrains à louer, ainsi que les autres nations. J'inclus dans ces autres nations des non-autochtones, soit la ville d'Amos qui est tout près.
Quand on demande l'agrandissement d'une réserve, il y a trop de critères d'imposés, soit par le gouvernement fédéral, soit par les gouvernements provinciaux et municipaux, qui s'en mêlent eux aussi par-dessus le marché. Pikogan, de son côté, pose beaucoup de questions quand les autres ont besoin des terrains, parce que les villes y ont trop facilement accès quand elles veulent agrandir leur territoire.
Les limites de la ville d'Amos nous encerclent. Mais nos limites à nous, celles de Pikogan, où sont-elles? Ce n'est pas nous qui les avons fixées. Elles ont été instaurées sans notre consentement.
Lorsqu'on parle du développement économique, cela veut dire d'abord, pour nous, avoir accès à un territoire. Il y a des millions et des millions de dollars qui sortent de nos territoires sans qu'on y ait accès. Au moins, si on touchait une part des bénéfices de compagnies forestières ou minières qui seraient sensibilisées à notre cause! Nous pourrions alors acheter au moins des terres environnantes, mais l'agrandissement est très compliqué et nos ressources sont limitées.
Ensuite, on vient nous parler de partenariat. Nous nous demandons ce que ce mot veut dire pour vous. Pour nous, le mot signifie partage des ressources, partage du territoire. Je n'ai pas besoin de faire un sermon à ce sujet, car depuis 400 ans, nous le partageons, notre territoire.
Si j'ai décrit Pikogan avec ses faiblesses communautaires, c'est que ces faiblesses deviennent des contraintes importantes pour le développement économique. Par conséquent, la communauté devra se servir de sa stratégie de développement économique afin de minimiser l'impact négatif de ces faiblesses.
Il y a des titres de propriété sur les réserves. Mais, tout comme la plupart des communautés du Québec, la bande Abitibiwinni ne détient aucun titre de propriété sur ses terres. Par conséquent, les membres ne sont pas en mesure d'acquérir, sur la réserve, des titres de propriété qui pourraient leur permettre d'offrir des garanties aux prêteurs. Aussi, les promoteurs autochtones éprouvent d'énormes difficultés pour emprunter pour des projets d'entreprise.
L'absence d'institutions bancaires sur la réserve est une faiblesse en ce sens que la très grande majorité des transactions financières, tant personnelles qu'institutionnelles ou commerciales, se fait à l'extérieur de la communauté.
Les retombées économiques et sociales s'avèrent nulles. L'ouverture d'un comptoir bancaire serait déjà un très grand pas dans l'amélioration des services de la communauté.
Il y a aussi l'absence de capitaux propres. À l'exception des promoteurs autochtones, la communauté dispose, en général, de très peu d'économies personnelles pouvant servir à des fins d'investissement. Aussi des problèmes sont maintes fois rencontrés à diverses étapes du financement et plusieurs projets sont remisés pour cette raison. La mise en place d'un fonds d'aide de démarrage comblerait certainement cette lacune.
Il y a aussi l'absence de commerces et d'entreprises de services dans la communauté, ce qui fait en sorte que les résidents doivent s'approvisionner hors de la réserve, cela même pour les biens de consommation tels que les aliments, les vêtements et l'essence. Cette situation crée un exode des capitaux et des retombées économiques nulles.
Il y a aussi absence, comme je l'ai mentionné plus tôt, d'infrastructures commerciales et industrielles, ce qui freine le démarrage d'entreprises. Il y a absence d'organismes de soutien de financement. Contrairement à la plupart des municipalités importantes au Québec, la communauté de Pikogan ne dispose d'aucun organisme de soutien de financement, tels des sociétés de développement économique ou des centres d'entraide pour les entreprises.
La communauté ne compte actuellement qu'une seule personne qui est agent de développement économique et son action est relativement limitée. Le marché potentiel est restreint. La population de la communauté étant relativement réduite, de même que les revenus communautaires, des recherches exhaustives devront être menées afin de déterminer les occasions d'affaires et les projets susceptibles de répondre aux besoins et aux attentes de la communauté qui seraient économiquement faisables et rentables.
Il y a aussi absence de possibilités d'emploi et de main-d'oeuvre spécialisée comme des électriciens, des mécaniciens et des soudeurs, à cause de la dimension du village.
Je vais terminer là-dessus. J'aime mieux répondre aux questions qu'étaler la situation de la petite communauté que je représente. Merci de votre attention.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Je crois que j'ai bien compris votre histoire, ainsi que les lacunes et les problèmes qui sont le lot d'une communauté jeune comme la vôtre.
Afin d'envisager plus concrètement l'avenir, j'aimerais avoir plus d'information. Je sais bien que vous avez dit avoir besoin de plus de terrains, etc.. Mais quel est le pourcentage de vos gens qui souhaitent rester sur une réserve en menant la vie traditionnelle autochtone? C'est ma première question. Quel est ce pourcentage et est-il compatible avec le territoire dont vous disposez?
Le chef McDougall: Le pourcentage de gens de chez nous qui suivent les pratiques traditionnelles, de gens qui veulent aller dans le bois et qui vivent encore de la trappe et de la chasse, est à peu près de 10 p. 100. Mais ce n'est pas toute la communauté qui est en faveur de l'appellation «réserve indienne». C'est comme un ghetto. La population de Pikogan, que je représente ici, voudrait abolir le terme «réserve indienne».
Par ailleurs, on voudrait avoir accès au territoire sur lequel on a vécu et sur lequel on vit présentement, aux richesses naturelles qui sont exploitées du côté minier ou du côté forestier. Du côté minier, nous n'avons jamais été consultés depuis la création de Pikogan. Même quand il y a eu la création d'Abitibi Dominion, dans le temps, on a établi des réserves à castor, comme on les appelle, où les gens de chez nous ont le droit exclusif d'aller chasser et trapper. Les réserves à castor ont été créées en 1928 et leur statut a été modifié 17 fois sans que jamais les gens de chez nous ne soient consultés.
Actuellement, ils sont en train de définir le mot «chasser», à cause des retombées économiques que la province tire de la chasse sportive. Mais très peu de gens de chez nous vivent encore de chasse et de pêche. Comme je le disais, c'est à peu près 10 p. 100 de la population. Ces activités sont plutôt pratiquées par les gens de descendance crie, qui reçoivent aussi une compensation de la Convention de la Baie-James.
M. Ringma: Si on envisage l'avenir, dans un monde parfait pour vous, vous auriez plus de terrain pour vous accommoder dans le domaine économique. Vous voulez garder ce terrain, mais vous voulez abolir le terme «réserve». Vous ne voulez pas être limités à ce territoire, mais aller partout. Vous voulez pénétrer le monde commercial, que ce soit dans les mines ou l'agriculture.
Le chef McDougall: La plupart des gens de chez nous disent qu'ils n'aiment pas le terme «réserve indienne», mais c'est le seul qui nous garantisse actuellement nos droits autochtones. La Loi sur les Indiens, entre autres, est comme un chien de garde qui nous empêche d'être rayés de la carte.
On parle d'avenir chez nous. Le conseil de bande surtout a les yeux tournés vers l'avenir. Prenons l'exemple des employés de chez nous. On leur donne trois ans pour se perfectionner dans leur domaine. On fait aussi beaucoup la promotion de l'éducation, à cause du potentiel d'emplois que cela pourrait engendrer chez nous pour la jeunesse. Notre population est en effet très jeune.
Cependant, si nous n'avons aucune infrastructure commerciale ou industrielle à cause du manque de terrain, que ferons-nous? Nous finirons par devenir de simples Québécois, peut-être, ou... C'est cela que les gens ne veulent pas.
Ils ne veulent pas non plus conserver l'appellation «réserve indienne» parce que pour nous, elle sert à catégoriser les gens, à les parquer dans des réserves strictement pour les Indiens. Je n'aime pas le terme «réserve indienne». J'aime mieux «communauté autochtone». Cependant, dans le passé, on nous a toujours ignorés. Vous nous avez toujours mis dans une réserve indienne. Ce terme blesse beaucoup les gens de chez nous, surtout les jeunes.
On regarde plutôt vers l'avenir. On cherche à ouvrir le village et à accueillir du monde. Si nous avions du terrain, il nous serait possible de le faire. Sans terrain, nous ne pouvons le faire.
M. Ringma: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Merci, monsieur le président.
Votre exposé m'a bien intéressé. Vous nous avez parlé de la situation démographique chez les Autochtones de tout le Canada et du fait que la population est maintenant beaucoup plus jeune qu'elle ne l'a jamais été. J'ai bien aimé vous entendre dire que vous favorisez l'éducation, parce qu'il semblerait que les perspectives de bon nombre de ces jeunes dépendront de la possibilité pour eux de s'instruire et d'être en mesure de contribuer davantage à leur société.
Quel genre d'incitatif offrez-vous maintenant aux jeunes pour qu'ils deviennent mieux instruits et poursuivent leurs études après l'école secondaire jusqu'au niveau postsecondaire?
[Français]
Le chef McDougall: Vu que la population est très jeune chez nous, on a élaboré différents scénarios. Par exemple, le conseil de bande est doté d'un chef et de ses conseillers. On imite exactement cette structure chez les jeunes. Ils ont un comité des jeunes qui a son chef et ses conseillers. Le conseil de bande les parraine par l'éducation. C'est axé énormément sur l'éducation, pour montrer aux jeunes que ce n'est pas en restant dans la communauté ou la réserve indienne qu'on prépare son avenir.
Il faut s'ouvrir, se tourner vers l'extérieur, repérer les occasions d'emploi qui s'offrent à l'extérieur et essayer de les importer dans la communauté. Les jeunes sont très sensibles à cela. Ils s'engagent beaucoup vis-à-vis du conseil de bande.
On a aussi un problème de langue, parce que la plupart des jeunes de cette génération ne parlent presque pas leur langue maternelle. Ils parlent soit le français, soit l'anglais, ce qui fait que certains jeunes mélangent parfois dans leur discours jusqu'à quatre ou cinq langues dans une même phrase.
C'est une communauté composée de plusieurs autres nations: Cris, Montagnais, etc.. Il y a 10 nations au Québec et la plupart viennent chez nous pour voir comment Pikogan s'est développée au cours des 10 dernières années.
Le conseil de bande tient pour acquis que s'il y a beaucoup de jeunes chez nous, il faut faire une grande place à l'éducation. Il faut enseigner aux jeunes comment faire face à leur avenir, parce que c'est eux qui prendront la relève.
[Traduction]
M. Reed: Vous avez dit que le taux de chômage était d'environ 26 p. 100. Le taux de chômage pour tous les jeunes du Canada est aussi beaucoup trop élevé. Le taux de chômage très élevé dépend-il du fait que la proportion de jeunes est tellement élevée chez les Autochtones que cela fait monter les chiffres, ou y a-t-il une autre raison qui explique que le taux de chômage soit si élevé?
[Français]
Le chef McDougall: Le taux de chômage élevé chez nous s'explique en partie par les critères qui s'appliquent au chômage. Par exemple, seulement dans le secteur de la construction, ce sont toujours les mêmes travailleurs qui ont priorité parce qu'ils ont suivi des cours dans le domaine de la construction. Ils sont donc automatiquement admissibles au programme de construction et les jeunes sont laissés de côté. Donc, à cause des différentes règles qui régissent le chômage, ce sont toujours les mêmes personnes qui retournent au travail dans le secteur de la construction.
Comme il n'y a pas d'industries ou de commerces chez nous, les emplois sont limités. Donc,48 p. 100 de nos jeunes sont au chômage parce qu'ils n'ont pas reçu de formation dans le domaine de la construction. Nos plus grandes contraintes sont dues à la réglementation sur le chômage, entre autres à l'article 25 selon lequel il faut avoir accumulé des périodes de chômage pour être admissible au programme. La plupart des jeunes n'ont pas l'expérience voulue et sont donc éliminés.
[Traduction]
M. Reed: Très bien. Ce que vous dites est très sensé.
Vous avez parlé du manque d'infrastructure. Pourriez-vous nous dire de quel genre d'infrastructure vous auriez le plus besoin à votre avis?
[Français]
Le chef McDougall: Ce sont plutôt des infrastructures commerciales et des entreprises de services. Si nous disposions de plus de terrains, si nous pouvions acquérir des terres avoisinantes, nous pourrions mettre de l'argent sur les infrastructures et essayer d'attirer des investisseurs. Ce pourrait être les communautés cries, la plupart du temps installées à Val-d'Or. Leurs bureaux sont tous dans cette ville.
Lorsqu'ils veulent s'installer dans une ville, par exemple à Val-d'Or, les Cris s'enquièrent des terrains dont on dispose. Ils nous ont souvent dit que si nous avions plus de terrains, ils pourraient venir s'installer chez nous. Nous pourrions alors nous entraider, en ce qui concerne les emplois, par exemple. Comme les points de service de la plupart des Cris sont à Val-d'Or, ils ont maintenant déménagé à Oujé-Bougoumou, qui est à Chibougamau.
Si nous avions disposé de terrains, nous aurions pu les accueillir dans différents secteurs, comme le secteur alimentaire. Entre autres, Servinor Inc. nous en avait fait la demande. Comme nous n'avons pas de terrains, nous ne pouvons pas accueillir d'investisseurs. Les seules infrastructures qu'on a aujourd'hui sont dans le domaine résidentiel. Mais pour ce qui est des commerces et des entreprises de service, on n'en a aucun.
[Traduction]
M. Reed: Pour l'avenir, avez-vous songé à l'infrastructure électronique? Je voulais parler de ce que nous appelons l'autoroute de l'information, à laquelle de plus en plus de gens ont accès et qui permet aux utilisateurs de communiquer, même à partir de leur foyer, avec les bases d'information du monde entier.
Ce sont maintenant les agriculteurs qui sont les plus grands utilisateurs de l'Internet. Au Canada, par exemple, 20 p. 100 des agriculteurs sont reliés à l'Internet parce que cela leur est très utile. Si je ne m'abuse, le taux d'utilisation pour le reste de la population est peut-être de 8 p. 100.
Comment envisagez-vous l'avenir de l'infrastructure électronique, surtout pour vos jeunes?
[Français]
Le chef McDougall: À la dernière réunion des chefs du Québec et du Labrador, nous avons beaucoup parlé de la structure de l'Assemblée des Premières Nations et nous nous sommes demandé pourquoi les 10 nations ne regrouperaient pas tous leurs services sous un même toit afin de desservir les communautés des différentes Nations, entre autres via l'autoroute électronique dont la plupart sont dotées. Par exemple, on parle déjà chez nous d'équiper les étudiants avec l'Internet. Les étudiants nous demandent souvent ce qu'est l'Internet. Nous possédons de nombreux fichiers informatiques auxquels les jeunes ont accès. Mais au niveau de l'Internet, le développement est plutôt restreint.
Les étudiants souhaiteraient avoir accès à l'Internet pour communiquer avec d'autres communautés autochtones au Canada, dans l'Ouest ou dans l'Est, et pas seulement au Québec. Ils s'intéressent au développement économique de ces communautés, sujet auquel ils sont sensibilisés.
M. Reed: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Reed.
Chef McDougall, j'ai relevé certaines de vos observations au sujet de votre capacité d'emprunt. Vous avez parlé du fait que vous ne pouvez pas offrir des biens comme garantie d'emprunt parce que vous ne pouvez pas obtenir le titre de propriété de vos biens selon les lois actuelles, et vous avez dit que cela cause des problèmes lorsque vous voulez financer des projets quelconques.
Le ministre des Affaires indiennes a récemment annoncé qu'il voulait modifier la loi pour permettre aux Autochtones d'obtenir le titre de propriété de leurs biens pour offrir ces biens en garantie. Certains chefs autochtones ont déclaré que c'était épouvantable de proposer une telle chose et que cela ne ferait que permettre à des promoteurs de l'extérieur d'exploiter les collectivités autochtones, etc..
Vu une observation que vous avez faite dans votre témoignage, je voudrais savoir si vous appuyez de tels changements législatifs ou si vous partagez les inquiétudes de ces autres chefs autochtones.
[Français]
Le chef McDougall: Je suis d'accord sur la plupart des amendements proposés, mais moins d'accord en ce qui concerne les terres et la fiscalité. Par exemple, si on voulait aujourd'hui louer à des personnes qui ne sont pas autochtones des terrains à Pikogan, ce sont les droits irréversibles qui s'appliqueraient, parce que la Loi sur les Indiens prévoit que les autochtones n'ont pas le droit de louer ni de vendre un terrain autre qu'à une communauté. C'est sur ce point que la plupart des chefs sont réticents. Ce n'est pas au chapitre des terrains, mais à celui des territoires.
Au Canada, la plupart des chefs signataires d'un traité se sont montrés plus réticents relativement aux territoires, peut-être en raison des droits irréversibles qui s'appliquent. Par exemple, nous avons signé un traité qui accorde un mille carré par famille de cinq membres. À ce jour, je n'ai toujours pas obtenu ces terrains.
Nous avons à peu près une terre et demie sur laquelle habitent 120 familles. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral n'a pas respecté ce traité qu'il a signé. Il l'a complètement ignoré et nous a juste tassés.
Si j'avais aujourd'hui ces terrains, je serais d'accord pour qu'on adopte l'amendement à la Loi sur les Indiens. Il ne faut pas oublier que nombre des articles qu'elle contient sont discriminatoires. De nombreuses femmes autochtones mariées à des hommes non autochtones ont repris leurs droits. Lorsque nous accueillons des personnes non autochtones dans notre communauté, nous ne pouvons pas leur donner tous les services puisque nos subventions se limitent aux personnes membres de notre communauté. C'est nous qui subissons le fardeau du racisme, ce qui est parfois très frustrant. On voudrait donner des services à des personnes non autochtones, mais on reçoit des subventions strictement pour la bande.
[Traduction]
Le président: Certaines des grandes industries extractives de la région ont-elles des programmes proactifs pour embaucher des Autochtones?
[Français]
Le chef McDougall: Non. La plupart des industries minières ou forestières exigent des cartes de compétence ou de construction auxquelles la plupart de nos gens n'ont pas accès. Les cartes dont ils disposent ne sont valables que sur la réserve et ne sont pas reconnues à l'extérieur.
[Traduction]
Le président: Très bien. Merci.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Les communautés ont souvent des budgets qui sont spécialement alloués à leurs fins. Naturellement, ces budgets sont toujours très serrés, comme ceux de n'importe quelle communauté, y compris les municipalités.
Dernièrement, dans le cadre d'un projet de développement de la communauté, nous avons soumis une demande pour un projet de mise en commun des ressources de la ville d'Amos et de la communauté algonquine. Nous aurions embauché une personne à temps plein responsable de maintenir des contacts et de développer le tourisme, une source importante de revenus dans l'avenir pour notre région, axé surtout sur les visiteurs étrangers qui souhaitent avoir le plaisir de goûter à ces grands espaces. Les autochtones sont un attrait, si on peut ainsi dire, pour ces gens. Ils sont dotés de qualités particulières et connaissent l'environnement. Ces visiteurs viennent avec plaisir partager leurs connaissances.
Notre demande a été refusée. On nous suggérait de puiser les fonds à même nos budgets réguliers. On nous disait que nous avions de l'argent à cette fin. Le gouvernement se réjouissait que nous ayons formé des partenariats. Il disait que tout le monde investirait de l'argent, après quoi il pourrait faire de même.
Monsieur McDougall, selon vous, quel devrait être l'apport ou l'engagement du gouvernement dans de telles initiatives?
Le chef McDougall: Dans le cadre du projet que vous venez de décrire, nous avions proposé les services d'un autochtone diplômé en loisirs qui avait travaillé dans différents domaines aux paliers gouvernementaux fédéral et provincial. Nous souhaitions que la ville d'Amos retienne les services de cette personne qui aurait pu travailler dans le domaine du tourisme et organiser entre autres des tournois amérindiens, lesquels attirent beaucoup de communautés et génèrent beaucoup de retombées économiques pour la ville d'Amos. Nous avions mis l'accent là-dessus et avions demandé à la ville d'Amos de former un partenariat avec nous et les gouvernements fédéral et provincial. Trois paliers de gouvernement voulaient mettre ce projet en marche.
Mais, comme cela arrive dans tout gouvernement, les gens se sont dit que si l'autre gouvernement y allait, ils s'embarqueraient. Si le provincial s'embarque, le fédéral s'embarque. Alors, les deux se sont embarqués. Mais là, c'est Pikogan qui s'embarque, et si Pikogan s'embarque, la ville d'Amos va s'embarquer. C'est toujours comme cela quand on demande des budgets.
En fin de compte, on a eu notre budget, mais après une longue attente pour l'acceptation des différents secteurs, entre autres pour l'argent qu'on avait identifié, les timbres de la personne se sont épuisés et elle n'a pas pu participer au programme. Le projet est tombé à l'eau à cause du programme de chômage entre autres. Le monsieur en question a été pénalisé à cause de cela, et le projet a été suspendu. C'était le seul candidat qui était qualifié pour le projet, vu qu'il avait déjà un certificat en loisirs et en tourisme et qu'il avait beaucoup de contacts. Le projet a été suspendu jusqu'à 1997, alors que les critères de chômage seront différents. C'est dans ce cadre-là que la personne va s'embarquer.
Quand on demande des budgets, il faut être patient. Les autochtones sont patients, mais il y a parfois des limites.
M. Deshaies: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de venir témoigner et d'exprimer votre point de vue très important au comité.
J'invite notre témoin suivant à s'avancer. Il s'agit de M. François Lemieux, de Solidarité rurale. Soyez le bienvenu.
[Français]
M. François Lemieux (président, Solidarité rurale): Je m'appelle François Lemieux et je suis président de Solidarité rurale. Je suis producteur de lait et maire de la municipalité rurale de Landrienne, et je suis aussi préfet suppléant à la MRC d'Abitibi.
Je ne vous ai pas préparé de mémoire, parce que j'en ai présenté plusieurs fois dans les domaines dont j'ai eu à m'occuper et dans le cours de votre travail. Vous allez certainement entendre très souvent des sujets dont je suis venu vous parler.
Je voudrais parler avec vous des services gouvernementaux et de la présence du gouvernement dans le monde rural.
Il ne faut pas être un grand génie pour comprendre que la dévitalisation du monde rural n'est pas seulement un phénomène de l'Abitibi, un phénomène québécois: c'est un phénomène qu'on constate partout au Canada.
Une des choses qu'on a identifiées, c'est qu'il y a des raisons économiques à la dévitalisation du monde rural, mais il y a une une différence. Quand on a des industries qui s'en vont, cela fait partie d'une dévitalisation. Quand il y a un déclin de l'agriculture, cela aussi entraîne de la dévitalisation, mais quand le gouvernement s'en va, c'est une chose qu'on peut difficilement remplacer. On ne remplace pas un gouvernement; on ne cherche pas un autre gouvernement. Il y en a qui appellent cela de la trahison; on ne peut pas choisir le gouvernement qu'on veut, mais un des phénomènes de la dévitalisation du monde rural, c'est que le gouvernement s'en va. Le gouvernement, c'est notre chef, notre leader.
Quand on regarde l'histoire du Canada et du développement du pays, on voit qu'il y avait des politiques de développement, d'occupation de territoires et d'enrichissement collectif.
Certains engagements ont été pris à cette époque. On peut prendre l'exemple du chemin de fer qui a servi de lien pour les gens que l'on encourageait à s'installer sur les terres et à exploiter les richesses de cette terre.
Le gouvernement, c'est un lien. Quand on parle de la poste, ce n'est pas seulement un service. On fait partie d'un grand pays qui est unique. La grandeur du Canada, c'est quand même unique. On a développé un service à l'image du pays qu'on habitait, un service efficace.
On parle de l'efficacité de la Société des postes. À un moment donné, j'ai eu la tâche de fermer des bureaux de poste ruraux. J'ai relu un peu l'histoire du service des postes du Canada et j'y ai trouvé des choses étonnantes. En reculant d'une cinquantaine d'années - je ne voudrais pas être nostalgique - si on revient au temps des engins à vapeur, on voit que le bureau de poste était sur le train. On postait une lettre à Montréal ou à Québec, et elle était triée dans le train et distribuée la même journée.
Aujourd'hui, les moyens de communication ont beaucoup évolué, mais il y a des choses qui surprennent quand même. J'ai lu le rapport du comité de la Chambre des communes qui a étudié l'avenir de la Société canadienne des postes, dans lequel on parle de raccourcir les délais, qui sont de deux ou trois jours. Il faut savoir qu'on a déjà été meilleur que ça.
On parle aussi - et j'en ai parlé dans tous les mémoires que j'ai présentés quand il a été question de la fermeture des bureaux de poste - du lien que cela formait entre les gens et le gouvernement. Et comme cela a été bien souligné dans le rapport du comité, le bureau de poste constituait souvent la seule présence gouvernementale.
Je reviens à ce que j'ai mentionné au début, à savoir que lorsque le bureau de poste s'en va, c'est le gouvernement qui s'en va. D'autre part, il ne faut pas aliéner la confiance des gens de la campagne, car il s'agit principalement de confiance en l'avenir que l'on peut transposer à l'économie. Tout, dans notre société, est basé sur la confiance. N'importe qui d'entre nous peut aller dans une banque ou dans une institution financière pour emprunter de l'argent en vue de construire, de développer, de faire des projets d'avenir et de créer de la richesse. Toutes les hypothèques, toutes les transactions, tous les prêts sont basés sur la confiance.
Un banquier va me prêter de l'argent si je lui inspire confiance. Même si je respecte le contrat que j'ai signé et que je fais régulièrement mes remboursements, il peut perdre confiance si mon épouse me jette dehors, si je me mets à boire ou que je fréquente des hôtels. Bien sûr, il me demandera de le rembourser. C'est inscrit dans tous les contrats d'hypothèque.
Quand on assiste au départ des entreprises, comme je l'ai dit tantôt, on peut les remplacer ou on peut en chercher d'autres. On peut chercher d'autres moyens d'assurer notre avenir. Mais quand le gouvernement s'en va, qu'est-ce qu'il reste? Le gouvernement fédéral intervient dans le domaine des communications, comme la poste, les chemins de fer, etc.. Que voit-on dans le monde rural au Canada? On a passé le stade de la création des bureaux de poste.
Quel est l'avenir des bureaux de poste? Je suis très satisfait du travail effectué par le comité de la Chambre des communes, mais cela n'a pas encore été traduit dans une loi. Il n'est pas du tout certain que c'est cela qui va arriver.
En ce qui concerne les chemins de fer, je pense que toutes les municipalités, sans exception, ont connu des difficultés avant d'arriver à parler à un responsable du chemin de fer. Dans notre municipalité, nous avons des traverses et nous devons communiquer avec ces gens-là. C'est incroyable. On appelle à Senneterre, où se trouve le chef des divisions, et on répond à Toronto. Évidemment on ne se comprend pas. Une autre fois, on répond à Montréal. C'est comme ça.
Je ne suis pas un homme qui croit aux miracles, mais maintenant, quand je vois un train passer, je dis à mes enfants: «Ça, c'est un miracle.» Il est en effet pratiquement inconcevable qu'un train puisse fonctionner dans une administration semblable. C'est ce genre de choses qui mine la confiance des gens en l'avenir.
Parlons de télécommunications. Qu'est-ce qu'on a en région? Au moment de l'explosion des communications, l'État avait pris l'engagement de faire en sorte qu'on puisse joindre quiconque, quel que soit l'endroit où il se trouvait dans ce grand pays. Il faut que vous sachiez que, dans les régions, on se demande parfois si on existe encore. On sait que les autres ne savent pas qu'on existe. Qu'est-ce qui se passe avec la télédiffusion, la radio? L'Abitibi-Témiscamingue n'en souffre pas trop parce qu'il n'y a jamais eu de télédiffusion d'État dans notre région. Mais il n'en reste pas moins que la réalité des régions disparaît petit à petit. C'est comme ça dans tous les domaines.
On ne se plaint pas, cependant, de tous les services gouvernementaux. Le gouvernement fournit quand même des services. C'est quand même une réalité. Le gouvernement a quand même une présence, mais j'ai tenu à venir vous parler parce que je suis inquiet. Après tous les mémoires que j'ai présentés dans le passé, soit sur la fermeture des bureaux de poste, soit sur le chemin de fer, soit sur la télédiffusion, je suis un peu inquiet, bien que satisfait du rapport, de la raison pour laquelle on a abouti à de telles conclusions.
On peut lire dans le rapport du comité des postes qu'on devrait garder les bureaux de poste pour promouvoir l'unité nationale. On ne peut pas être contre cette idée. Nous sommes tous conscients qu'il y a, au Canada, un problème d'unité nationale. En écoutant les nouvelles, on est tous partisans, d'un côté ou de l'autre.
Mais il faut reconnaître que le gouvernement fait de la promotion en offrant ses services, en faisant son travail et en respectant ses engagements. C'est une façon de permettre aux gens de sentir qu'ils font partie d'un pays et d'une communauté. Mais il y a un danger si c'est le seul but du gouvernement. Il y a un danger dans le sens que la Société des postes est là pour offrir un service. Il est exact qu'un service gouvernemental doit refléter l'excellence d'un gouvernement et faire en sorte que les gens apprécient un gouvernement. Ce devrait être normal car le gouvernement doit offrir des services et de bons services.
Nous avons connu beaucoup de coupures dans le monde rural, et nous les avons quelquefois mal vécues, surtout en ce qui concerne les bureaux de poste et le chemin de fer. En effet, alors qu'on nous coupait des services, la télévision nous offrait des vignettes sur l'histoire du Canada - très bien faites d'ailleurs - qui étaient payées par la Société des postes. On nous disait que c'était une question de rationalisation et qu'il fallait couper dans les dépenses, mais en même temps, on dépensait de l'argent à des fins autres que celle d'offrir des services. Si on peut offrir partout un service bien fait, je suis tout à fait d'accord pour que l'on en fasse de la promotion et que l'on encourage d'autres domaines. Mais ce n'est pas le cas. C'est un service pourri, un service absent.
Les bureaux de poste fermaient et on prenait des fonds dans les économies provenant des coupures pour faire autre chose. C'était assez compréhensible.
Concernant le chemin de fer, je comprends bien pourquoi le gouvernement a cherché à le privatiser à un moment donné. Je pense que c'est parce que c'était administré d'une façon incompréhensible.
Cependant, nous sommes inquiets de ce qui s'est passé après la transaction. Il restait en effet toutes les propriétés rattachées au chemin de fer qui avaient été concédées, à l'époque de la construction, à des fins ferroviaires. Ce n'est pas réglé. On sait que cela comprend un grand nombre de propriétés dans des centres-villes, tout le long de la voie ferrée. La municipalité régionale de comté m'a demandé de vous glisser un mot là-dessus, parce que ce n'est toujours pas réglé.
Au cours des années, beaucoup de ces propriétés ont été louées aux villes qui bordent la voie de chemin de fer. Des arénas ont été construites sur ces terrains-là, tout comme différentes infrastructures qui auraient occupé beaucoup d'espace au centre-ville. On apprend maintenant que les propriétaires du chemin de fer aimeraient beaucoup avoir ces terrains. Nous vous demandons de ne pas accepter cela aveuglément, sinon vous risqueriez de créer une grande incertitude dans tout le pays.
Si on veut revitaliser les régions, si on veut être fier des parties du pays où l'on vit, la seule façon de le faire est de redonner confiance aux gens. Toutes les décisions, toutes les omissions qui sont faites et qui rendent l'avenir incertain, vont simplement continuer à dévitaliser le monde rural. Ceux qui comprennent un peu le fonctionnement d'une société savent que pas une société ne peut survivre ou prospérer en ayant deux classes de population. C'est une chose impossible. Une société se bâtit à partir d'un projet de société, quand tous les gens travaillent ensemble et sont conscients de la raison pour laquelle ils sont là et de ce qu'ils ont à faire pour atteindre un but commun.
Jusqu'à présent, nous n'avons connu que des incertitudes. Personne ne peut être certain que l'avenir sera plus rose. Il n'y a rien qui nous l'indique, mais cela est fort possible. Quand on regarde l'histoire du Canada aujourd'hui, il faut reconnaître qu'on a été très près de l'éclatement du pays. Je pense qu'on peut en parler. Nous sommes tous des adultes et ce n'est pas la première fois que ça arrive au Canada.
Pensons à la Confédération et à la construction du chemin de fer. Je peux vous rappeler que le Québec ne voulait pas s'en aller à l'époque. C'était plutôt le cas des autres. C'est 100 ans d'histoire! Il a fallu vivre avec ces engagements qui étaient pris d'une façon ou d'une autre!
Aujourd'hui, il ne faudrait pas oublier ces engagements parce qu'ils ont permis aux gens d'avoir confiance en l'avenir, de bâtir et de développer ce pays.
Voilà le message que je voulais vous transmettre. Je ne vous ai pas apporté de mémoire parce que je voulais vous dire tout cela de vive voix afin que vous perceviez clairement ce que nous ressentons chez nous.
L'inquiétude face à l'avenir ne peut pas permettre le développement d'un pays. Et quand je parle d'incertitude, il ne s'agit pas d'incertitude politique, parce que dans n'importe quel pays du monde, on ne sait pas toujours quel gouvernement on va avoir. Ce qui donne la certitude face à l'avenir, c'est l'entourage immédiat. Personnellement, ce qui me rend confiant en l'avenir, ce sont mes voisins, ma terre, mes connaissances personnelles, ma famille. C'est la certitude que le jour où j'aurai des problèmes, le jour où je serai malade, je n'aurai pas à m'inquiéter parce qu'il y aura des gens pour m'aider.
Un pays, une société, c'est quelque chose qui doit être comme ça. Actuellement, on est en train de diviser le monde rural et le reste de la population. Ce n'est pas cela, bâtir un pays ensemble. C'est le message que j'avais à vous transmettre. Je vous remercie beaucoup de votre attention.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Lemieux.
Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma: Merci, monsieur Lemieux.
Vous parlez seulement de gouvernement fédéral, n'est-ce pas?
M. Lemieux: Oui, mais si c'était un autre gouvernement, je tiendrais un langage à peu près semblable.
M. Ringma: Depuis une quarantaine d'années au moins, le gouvernement fédéral prend de plus en plus de pouvoir. Nous en sommes maintenant à 600 milliards de dollars. C'est pour cette raison qu'il doit couper ses programmes.
Maintenant, d'après vous, quels moyens vous permettront de préciser ce qu'il faut faire dans le domaine des ports ou du transport ou dans n'importe quel autre domaine fédéral? D'après moi, les moyens n'existent pas. Il faut qu'il y ait une communication entre les gens comme vous-même et le gouvernement pour constater qu'il y a peut-être du gaspillage ici et là, mais qu'il faut faire des progrès.
M. Lemieux: C'est vrai, il y a du gaspillage, mais ce n'est pas la totalité du problème. C'est vrai que le gouvernement a un déficit énorme et c'est vrai que c'est une dette que chacun, comme citoyen du pays, doit contribuer à effacer.
Je suis d'accord avec vous, mais la solution n'est pas de changer de gouvernement tous les quatre ans. Nos problèmes, on va les régler en commun, mais certainement pas en créant deux, trois ou quatre classes de population. Il est évident que tous les citoyens au pays, tous les citoyens du monde rural sont d'accord que s'il y a moyen de sauver de l'argent quelque part, eh bien oui, on va le faire.
La Société des postes est quand même une société qui a ses utilisateurs-payeurs. Ce n'est pas un service, en principe, qui doit coûter de l'argent au gouvernement. Quand j'envoie quelque chose par la poste, je paie; ce n'est pas pris à même mes taxes.
Quand on parle d'un service gouvernemental, on parle d'un service qui reflète un grand pays. Si le pays était tout petit, s'il était de la grandeur de l'Île-du-Prince-Édouard, on aurait certainement un service postal différent. Mais vu l'éloignement et la grandeur du pays, on doit comprendre qu'on doit avoir un service postal efficace pour se rapprocher les uns des autres.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que le Canada a des problèmes. Des problèmes financiers, le Canada en avait sûrement il y a 100 ans.
Aujourd'hui, on en a un et il est énorme. Comment faire pour le régler? On est quand même un pays riche. On est quand même des gens instruits. Le niveau d'alphabétisation au Canada est quand même assez élevé.
On a des moyens de communication et on est capables de se parler: on a le téléphone chez nous. Selon des statistiques que j'ai recueillies, seulement 10 p. 100 des habitants de la planète ont un téléphone à domicile. Ils ont probablement compté les Indiens de l'Amazonie dans les chiffres, mais c'est quand même une réalité de chez nous. On a un réseau routier et de la technologie, mais on ne s'en sert pas.
On dit qu'on n'a pas d'argent. À mon avis, les banques en sont pleines. Il en sort par les fissures du solage, mais on ne va pas le chercher. Personne ne fait confiance à nos projets, pour toutes sortes de raisons. On a perdu la faculté de travailler ensemble, On a perdu un peu de notre génie, de notre génie quotidien. Un exemple? La Société des postes.
Quand j'étais petit, on envoyait des cartes de Noël aux voisins qui demeuraient peut-être à un quart de mille. On mettait cela dans la boîte postale avec un timbre, et le monsieur qui ramassait le courrier n'apportait pas la lettre au bureau de poste; il prenait son stylo, cochait le timbre et mettait la lettre dans la boîte en passant. Bien sûr, c'était illégal, mais on a perdu cette façon de travailler intelligemment ensemble. On ne comprend plus qu'on a une responsabilité dans la société.
Pourquoi ne serions-nous pas capables de créer de la richesse quand on a les outils nécessaires et qu'on vit dans un pays riche? On ne vit pas dans le désert, mais on a toutes sortes de contraintes, toutes sortes de lois, et ça prend du temps.
Mon ami Harry, qui était ici tout à l'heure, disait qu'il faut avoir l'accord du municipal, du provincial, du fédéral, de l'inspecteur. À part cela, on n'a plus confiance en l'avenir. Où s'en va-t-on?
Quand le gouvernement s'en va, c'est ton père qui s'en va, c'est un abandon. C'est un peu comme lorsque vous êtes en avion, que vous voyez passer le pilote avec un parachute et qu'il dit: «Il n'y a pas de problème, ne bougez pas». Une fois qu'il aura sauté, même si la petite fille essaie de vous dire qu'il n'y a rien, on verra bien qu'il y a un problème.
Une grande partie de nos problèmes financiers, c'est cela. On a perdu ce côté-là. C'est mon avis. Je ne peux pas vous dire que telle chose est la solution et que tous les problèmes vont être réglés. Il y a une chose qui est propre à notre génération: elle pense qu'on ne peut faire des choses qu'avec de l'argent. Ce n'est pas vrai.
Je suis maire d'une petite municipalité, et on fait beaucoup plus de choses sans argent qu'avec de l'argent. On a un peu perdu cela et c'est dommage.
Le Canada s'est-il bâti avec de l'argent? Non, il s'est bâti avec du coeur, avec des gens qui n'avaient pas beaucoup d'instruction, des gens qui n'étaient pas tellement riches. Ils ont bâti un grand pays en peu de temps, avec peu d'argent.
Quand on regarde cela, on trouve une partie de la solution à nos problèmes, mais il reste que le gouvernement, comme État, comme leader, doit démontrer qu'il est de notre côté. L'affaire des bureaux de poste et celle du chemin de fer m'ont rendu amer. On a eu à se battre contre notre gouvernement. C'était un adversaire distant, absent, méprisant; il était loin, inaccessible. Ce n'est pas normal.
Je fais partie de ce pays-là, et mon gouvernement, c'est mon gouvernement. Tant que je travaille comme citoyen de ce club-là, il doit être à mes côtés. On s'éloigne de cela. C'est ce que j'ai à dire.
[Traduction]
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
J'ai bien aimé votre exposé, monsieur Lemieux.
Nos déplacements dans ce vaste pays nous permettent de constater personnellement à quel point le Canada est grand. L'une des choses qu'on nous a dites dans les régions où la population se sent à l'écart du reste du monde, c'est qu'il faudrait commencer à construire une infrastructure pour relier ces collectivités rurales aux grands centres urbains. Qu'en pensez-vous?
Je voudrais aussi vous poser une question au sujet des attitudes et de la façon dont nous pouvons faire en sorte que les gens veuillent aider à développer le pays. C'est une chose que l'on semble négliger à notre époque. On a tendance à adopter des positions extrêmes, alors qu'il fait très bon vivre dans un pays comme le Canada. Comment le gouvernement peut-il favoriser un changement d'attitude pour que l'on puisse améliorer l'infrastructure des régions rurales du Canada, compte tenu du facteur humain?
M. Lemieux: Pour bâtir un pays, il ne faut pas seulement... Le gouvernement d'un pays ne peut pas simplement décider de partir. Il doit rester en communication avec les régions. Je pense que c'est la seule façon pour nous d'assurer notre avenir.
Lorsqu'une entreprise quitte la région, c'est pour diverses raisons. La forêt est disparue, les minerais sont disparus ou le marché est à la baisse. Mais quand le gouvernement quitte la région, qui peut croire que nous avons encore un avenir?
Quel est le rôle d'un gouvernement? Le rôle du gouvernement, c'est de tenir certaines promesses. Le pays n'a pas été développé au petit bonheur. Il a été développé d'après certains plans. Il y a eu la construction du chemin de fer. Les provinces se sont entendues pour améliorer les choses, pour que le pays soit un meilleur endroit où vivre, pour bâtir quelque chose en commun. C'est ainsi que le pays a été bâti.
Qu'arrive-t-il maintenant dans les régions rurales du Canada? Ce qui se passe, comme partout ailleurs, comme dans toutes les villes du Canada, c'est que l'économie tourne au ralenti. Ce sont des choses qui arrivent dans les pays capitalistes. Bien sûr, l'économie tourne au ralenti dans les régions rurales du Canada comme partout ailleurs, mais le gouvernement nous abandonne. Quel banquier acceptera de prêter de l'argent dans la région si même le gouvernement n'y reste pas? Si l'on crée deux classes de population, comment peut-on travailler pour la même chose? C'est impossible. On ne peut pas faire les choses de cette façon.
Si nous habitons dans le même pays, si le Canada a été développé d'après un plan, si le Canada a été développé pour former une société, tous ces éléments sont importants. Je suis agriculteur et je devrais être important. Le médecin doit être important parce que, quand il me soigne, je pourrai lui donner des aliments en retour. C'est ainsi que l'on construit un pays. Il y a maintenant une bonne partie de toutes les régions, et je ne parle pas seulement des gens, mais aussi du territoire, où le gouvernement n'est plus ou ne sera plus bientôt. À cause de cela, il est difficile de croire en l'avenir. Même si je m'entêtais à croire en l'avenir, je ne pourrais jamais en convaincre qui que ce soit d'autre. Je ne pourrais jamais en convaincre mon banquier. Je ne pourrais pas en convaincre mes enfants. Je vieillirai, et je vieillirai seul. Je ne pourrai pas convaincre un médecin de venir ici. Cela fait partie du problème. Nous ne faisons certainement pas partie de la même société dans les régions rurales du pays.
Une dernière chose. Si vous voulez parler de la télévision et de la radio, je vous dirai que je suis maire de ma petite ville et que, s'il y a un incendie à Montréal, je le saurai avant de savoir qu'il y a un incendie dans ma propre ville parce qu'il en sera question à la télévision. S'il y a un incendie dans ma ville, le chef du service des incendies doit attendre que le feu soit éteint avant de me téléphoner.
Le président: Je vais vous poser une brève question et je vous demanderai de répondre brièvement. Je laisserai Bernard terminer, parce que nous sommes en train d'empiéter sur le temps de parole d'un autre témoin...
M. Reed: Je voudrais poser une autre question.
Le président: Nous allons manquer de temps. Je vais vous laisser poser une question si le témoin accepte de répondre brièvement. Je poserai ma question d'abord et je vous donnerai ensuite la parole.
Vous avez parlé de Postes Canada en disant que la Société des postes s'efforçait de recouvrer ses coûts. Je paie 45c. pour les timbres, et quelqu'un à Montréal paie la même chose. Cela nous mène à une question philosophique très importante. Le même timbre de 45c. sert à envoyer une lettre d'un quartier de Montréal à un autre, ou bien de Montréal à Québec, alors que le coût du transport n'est peut-être que de 20c. Vous payez le même prix pour un timbre pour envoyer une lettre d'Amos à Sept-Îles, alors que le transport coûte beaucoup plus cher. Le coût du service est donc plus élevé dans les régions rurales du Canada. Vu qu'un timbre coûte la même chose à Montréal qu'à Amos, c'est essentiellement le Canada urbain qui subventionne dans une certaine mesure le service postal dans les régions rurales du Canada. Trouvez-vous que c'est approprié?
M. Lemieux: Je suis très heureux que vous ayez posé cette question. Que pensez-vous que la région de l'Abitibi-Témiscamingue vaut pour la ville de Montréal? Que pensez-vous que toutes les régions rurales du Canada valent pour les régions urbaines du pays? Nous faisons partie de la même société. Il est vrai que pour ce service particulier, c'est le Canada urbain qui subventionne les régions rurales, mais songez un peu à la valeur qu'a la terre.
Le président: Je suis bien d'accord avec vous là-dessus.
M. Reed: Monsieur Lemieux, je voulais vous remercier et vous dire que vous n'êtes pas simplement maire ou agriculteur, mais aussi philosophe, et que vous avez certainement concentré les idées de notre comité. Ce que vous nous avez dit m'encourage et m'inspire beaucoup parce que vous nous avez permis d'envisager notre travail d'une nouvelle perspective.
Le gouvernement parlait des régions rurales du Canada dans son dernier discours du Trône, et c'est pour cela que nous sommes ici. Nous sommes au courant des défis et des difficultés dont vous nous avez parlé avec beaucoup d'éloquence. Nous essayons de bien comprendre la situation afin de pouvoir proposer des solutions. La plupart d'entre nous représentent des régions rurales, et nous sommes au courant de la division qu'il y a entre les régions urbaines et les régions rurales. C'est la même chose peu importe où nous sommes dans le pays.
Ma femme a enseigné dans une région urbaine, mais j'habite sur une ferme. Ses élèves habitaient à deux kilomètres d'exploitations laitières et ne savaient pas d'où venait le lait. Cela fait trois générations que cette division existe dans notre région. Notre travail consiste en partie à essayer de colmater la brèche et de combler cet écart.
Je tenais simplement à vous remercier. Vous nous avez tous inspirés.
Le président: Merci beaucoup. Merci.
[Français]
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Pour confirmer ce que vous nous avez dit, il ne faut pas nécessairement dans la région des bureaux du CN ou des gros bureaux de poste, mais il nous faut peut-être de la communication pour avoir des services de qualité supérieure à des coûts égaux ou moindres. Quand une lettre part d'Amos pour aller se faire trier à Val-d'Or et revenir à Amos deux jours plus tard, on se pose des questions.
C'est ce que je retiens de votre intervention, qui est toujours habile. François est plus qu'un maire; c'est une personne qui s'implique beaucoup. Il a fait un très bon témoignage et j'espère que le comité retiendra qu'on a surtout besoin d'outils de communication dans les régions, pour que les gens puissent avoir une personne qui leur réponde au bout de la ligne. Que ce par modem, par Internet, par téléphone ou par signal de fumée, il va falloir que quelqu'un leur réponde de façon à ce qu'on se sente confiant dans l'avenir. Merci, François.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants et nous ajoutons nos propos à ce que vient de dire M. Reed. Merci.
Nous accueillons maintenant notre témoin suivant, M. Gratien Gélinas, de l'Association des prospecteurs du Québec. Nous vous invitons à faire votre exposé, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
[Français]
M. Gratien Gélinas (directeur général, Association des prospecteurs du Québec): Bonjour. Je m'appelle Gratien Gélinas et je suis directeur général de l'Association des prospecteurs du Québec. Je ferai une courte présentation d'environ 10 minutes et je serai disponible pour vos questions pour les 20 autres minutes.
Dans un premier temps, je vais vous dire ce qu'on fait en tant qu'association et situer cela dans le contexte du développement minier. Ensuite, je vais vous parler brièvement de l'impact de l'industrie minière et de l'exploration sur l'économie des régions. Je vais terminer par quelques suggestions pour faire en sorte que l'industrie minière puisse jouer un rôle encore plus important dans le développement économique des régions du Québec et du Canada à partir de propositions que nous ferons aux différents paliers de gouvernement.
Dans un premier temps, j'aimerais remercier le comité de nous donner l'occasion de venir lui présenter notre mémoire.
Notre association a pour mission de développer et de défendre l'exploration minière au Québec. Elle représente l'ensemble des gens qui oeuvrent en exploration minière au Québec, tant des personnes que des entreprises et des organismes. Son objectif est de s'assurer que le Québec dispose de règles fiscales, environnementales et d'accès aux territoires parmi les plus compétitives au monde.
J'aimerais vous rappeler brièvement les différentes phases du développement minéral. Notre association intervient principalement dans la première phase, qui est l'exploration, c'est-à-dire l'ensemble des travaux qui conduisent à la découverte d'un indice minéralisé ou d'un gisement. Lorsqu'on a des résultats concrets, il faut faire l'évaluation des caractéristiques physiques du gisement: tonnage, teneur, etc.. Si les résultats sont positifs, on passe à la phase du développement, c'est-à-dire la construction des infrastructures et tout le financement qui est nécessaire pour la mise en production du gisement. Évidemment, la production est toujours liée à une campagne d'exploration permanente pour assurer une durée de vie maximale au gisement.
Maintenant, il y a une phase du développement minéral qui est obligatoire, et c'est la restauration des sites. Lorsqu'une mine s'épuise, il faut remettre le site dans un état équivalent à ce qu'il était avant la mise en production de la mine.
Je vais vous donner quelques caractéristiques de l'industrie minière, parce que c'est important pour situer les différentes recommandations que je vais faire plus loin.
L'industrie minière compose avec la mondialisation de l'économie depuis plusieurs années. Pour l'industrie minière, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Nos sociétés minières, canadiennes et québécoises, sont actives partout dans le monde, et notre expertise est reconnue.
Ce qui est aussi important, c'est que la région minière de l'Abitibi-Témiscamingue n'est pas en compétition avec le nord de l'Ontario, par exemple, ou le Nouveau-Brunswick ou le Manitoba. Les régions minières canadiennes, quelles qu'elles soient, sont en concurrence avec les autres régions minières du monde. C'est ça qui est la réalité. Donc, on ne concurrence pas nécessairement entre nous, mais avec d'autres pays à travers le monde.
La population en général sait que le Canada est une région minière importante, mais une chose est mal connue du grand public: il y a peut-être 80 à 90 p. 100 du territoire canadien qui n'a pas été exploré à fond et il y a encore beaucoup de mines à découvrir.
L'impact économique de l'exploitation au Canada, c'est 4 p. 100 du PIB, 16 p. 100 des exportations, et 2,5 p. 100 des emplois. Vous avez des données sur la valeur de la production, mais ce qu'il est important de retenir, c'est que 115 municipalités dépendent de l'activité minière canadienne.
Les perspectives sont encourageantes, je pense. Il s'est ouvert 21 nouvelles mines en 1995 et les prévisions sont de l'ordre de 24 à 25 pour les prochaines années, ce qui est très encourageant. C'est bien sûr qu'il en y a qui vont fermer à cause de l'épuisement naturel, mais il y aura plus d'ouvertures de mines que de fermetures. Donc, pour les perspectives à moyen terme, c'est excellent.
Au niveau du Québec, c'est 17 500 emplois directs et 35 000 emplois indirects. Encore là, ce qui est encourageant, c'est qu'on prévoit une croissance de la production pour les 10 ou 15 prochaines années. L'industrie minière est présente dans toutes les régions du Québec. Le tableau suivant trace brièvement les activités minières dans différentes régions du Québec. Elles sont dans toutes les régions. C'est bien sûr que les plus importantes sont l'Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord, le nord du Québec. Le nord du Québec part du 49e parallèle. Donc, les mines de Matagami, de Selbaie, de Chibougamau sont dans le nord du Québec. Il y en a aussi en Gaspésie et en Estrie. Il y a des emplois à Montréal. Il y en a beaucoup dans la région de Lanaudière, en Montérégie, près de Montréal, à Saint-Hyacinthe et Sorel. Il y a une grosse activité économique qui est reliée à l'industrie minière dans ces régions qui sont près de Montréal, près d'un grand centre. La population ne sait pas que l'activité minière des régions, que ce soit l'Abitibi, la Côte-Nord, Chibougamau ou le nord du Québec, a une importance économique même pour les grandes régions comme Montréal et Québec.
Je voudrais parler de Québec. Pour le projet Raglan, qui est l'ouverture d'une nouvelle mine au Nouveau-Québec, tout le transbordement du minerai va se faire à Québec de même que la construction de l'usine, qui sera transportée par bateau et par camion jusqu'à Raglan dans la baie d'Ungava. Tout ça est construit dans la région de Québec.
Donc, ça a un impact sur la région de Québec. Même si les gens qui gèrent le projet sont chez Falconbridge, à Rouyn-Noranda, et que la mine est située dans l'Ungava, Québec aura des retombées économiques importantes de ce projet Raglan. Je pense qu'il n'y a pas un citoyen de Québec qui considère qu'il fait partie d'une région minière, et les gens de Québec ne savent pas que l'industrie minière joue un rôle important dans leur économie.
Au sujet de l'impact de l'exploration, il est évident - il faut dire les choses comme elles le sont - que l'exploration minière n'est pas en soi une activité de développement économique. Je considère ça un peu comme de la recherche et du développement dans le sens que ce sont les résultats qui comptent. Lorsqu'on fait de la recherche et qu'il y a des découvertes positives, c'est après qu'on voit l'impact économique. Dans le cas de l'exploration, c'est un un peu semblable.
Tout de même, il est important de rappeler que l'exploration au Canada, c'était 765 millions de dollars en 1995; ce sera près de 900 millions de dollars en 1996. C'est 1 500 emplois par année. Différentes études ont été faites par différents ministères et secteurs. Il est difficile d'obtenir le nombre exact de personnes reliées à l'exploration minière, parce que les gens travaillent en forêt, parce que ce sont souvent des projets de courte durée. Ce qu'on a évalué, c'est que chaque fois qu'il se dépense un million de dollars en exploration sur le territoire canadien, peu importe la région, ça crée entre 18 et 20 emplois par année. Pour dépenser un million de dollars, il faut19 années-personnes.
L'impact de l'exploration, c'est évidemment de nouvelles découvertes, mais c'est aussi l'ouverture de nouveaux territoires, ce qui est très important. Je pense par exemple à la Selbaie, au nord de l'Abitibi, et à Casa Berardi. Selbaie est un territoire où il n'y avait aucune route. Lorsque la mine a été trouvée, on a construit une route.
Donc, ça ouvre le territoire à d'autres activités, notamment au secteur forestier, au tourisme, à la chasse et à la pêche. Donc, il y a des retombées importantes dans d'autres secteurs d'activités.
J'arrive maintenant aux recommandations de l'Association des prospecteurs pour faire en sorte que l'impact de l'industrie minière, au niveau de l'exploration et de l'exploitation, soit encore plus important dans le développement économique des régions.
On a cru bon d'utiliser dans notre mémoire le mot «région» plutôt que «ruralité» parce que ça correspondait mieux à ce qu'on vivait. On parle de régions minières et de données statistiques par région.
Pour ce qui est de l'accès au territoire, l'Association souhaite le maintien des règles fiscales, environnementales et d'accès au territoire, et même l'amélioration de ces règles-là.
Au niveau fiscal, il s'agit de maintenir la compétitivité de la fiscalité minière. C'est un message qui s'adresse au ministre des Finances. Il y a un document qui a paru en avril 1996 et qui s'intitule: «L'industrie minière canadienne, une perspective mondiale». Il a été fait par le ministère des Ressources naturelles. On y fait une comparaison entre la fiscalité minière des différentes provinces canadiennes et celle de différents pays. Je trouve ça pertinent. Il faut que ça continue à se faire.
Souvent, il y a des missions, des sociétés, des nouveaux pays producteurs, des pays en voie de développement qui viennent au Québec, au Canada pour voir nos spécialistes et examiner notre fiscalité et nos lois sur les mines. Ils viennent en quelque sorte les copier. Leur but, c'est de les améliorer afin de devenir plus compétitifs sur le plan de la fiscalité, par exemple.
Il faut que les ministère des Finances du Canada et de chaque province où il y a une industrie minière soient toujours aux aguets pour s'assurer que nos règles fiscales demeurent compétitives, entre autres au niveau de l'exploitation.
Dans les comparaisons, on fait une évaluation très juste de notre fiscalité minière. Lorsqu'on prend un projet qui a un taux de rendement de 10 p. 100 de rendement sur l'investissement, par exemple, la fiscalité de la plupart des provinces canadiennes et du Canada en général est la plus compétitive. Lorsque les taux de rendement estimatifs sont de l'ordre de 25 p. 100, par exemple, on devient moins compétitifs. Donc, cela favorise la mise en production de certains gisements. Si on avait la même fiscalité à 25 p. 100 de rendement qu'à 10 p. 100, peut-être qu'il y a des projets qui ne seraient pas mis en production. Je pense que c'est une excellente approche qu'il faut conserver.
Au niveau de l'exploration, je vais me reporter au rapport que votre comité a fait en décembre 1994. Il y avait différentes recommandations à l'intérieur. Il y en avait deux concernant les actions accréditives, dont une portant sur l'étalement des travaux sur 12 mois, qui a été annoncée au printemps dernier par M. Paul Martin, le ministre des Finances, dans son budget. Cette nouvelle a été très bien reçue et très appréciée par l'industrie minière et de l'exploration.
Il y avait une autre recommandation dans votre document, et c'était de faire en sorte que le prix de base rajusté des actions accréditives soit porté à zéro, comme c'est le cas actuellement au Québec, pour faire en sorte qu'un investisseur ne paie pas d'impôt, entre autres lorsqu'il revend, même à perte. Donc, c'est une recommandation.
Parlons maintenant d'une meilleure harmonisation entre les différents processus d'évaluation environnementale. Je vous donne un exemple. L'industrie minière du Québec est assujettie au processus fédéral d'évaluation environnementale et au processus provincial d'évaluation environnementale.
Il y a, par exemple, les critères d'admissibilité des projets au niveau des métaux de base. Pour du cuivre simple, le tannage minimum pour être assujetti aux critères des deux ordres de gouvernement est de 7 000 tonnes par jour. Par contre, dans le cas d'un projet aurifère, donc d'une mine d'or, le provincial parle de 7 000 tonnes par jour et le fédéral, de 2 000 tonnes par jour. Y aurait-il moyen de s'harmoniser davantage? Je pense qu'il serait normal que l'industrie minière, dans un territoire donné, soit assujettie aux même règles. Cela simplifierait les choses.
Je ne m'aventurerai pas à dire qui doit le faire. Je pense que les deux ordres de gouvernement devraient faire en sorte qu'il n'y ait qu'un processus et que les règles soient les mêmes.
Une autre préoccupation de l'industrie minière, et c'est très important, est l'accès au territoire. Comme je vous le disais au tout début, il y a peut-être 90 p. 100 du territoire canadien et québécois qui n'a pas été exploré à fond, mais il faut avoir accès au territoire.
On sait tous qu'il y a beaucoup de projets de création de parcs, de réserves écologiques, etc.. L'industrie minière ne remet pas cela en question, mais il arrive souvent que l'activité minière soit interdite sur certains territoires sans qu'on ait évalué correctement le potentiel géologique et minier du territoire.
Lorsqu'on projette de soustraire des territoires à l'activité minière, il serait bon et même nécessaire d'en faire une meilleure évaluation géologique.
Je donne l'exemple de la mine Hemlo, en Ontario. Peut-être que plusieurs d'entre vous la connaissent. Avant qu'on ne découvre une mine là, c'était un territoire reconnu comme n'étant pas très propice à l'exploration minière, mais on y a trouvé la plus grosse mine d'or au Canada.
Récemment, Voisey Bay, dans le Labrador, était un territoire où il n'y avait pas eu d'activités. Il y a 10 ans, si quelqu'un avait eu l'idée de faire une réserve écologique et d'interdire l'exploration minière dans ce territoire, je ne pense pas qu'il y aurait eu beaucoup de gens qui auraient protesté parce qu'on ne connaissait pas le potentiel. Un territoire comme celui-là aurait pu être soustrait à l'activité minière pendant 50 ou 100 ans sans qu'on le connaisse bien.
On pense qu'il y a moyen d'harmoniser les activités minières et les autres occupants du territoire. C'est une approche essentielle à l'avenir du développement économique des régions. L'industrie minière est importante et elle a démontré, au cours des dernières années, qu'elle était capable de prendre ses responsabilités sur le plan environnemental et qu'il y a moyen d'harmoniser ses activités avec celles des autres occupants du territoire.
Maintenant, il y a un point très important. Encore là, on rejoint une des recommandations du rapport du comité. C'est le maintien, l'augmentation et l'acquisition de la connaissance géoscientifique dans les territoires. L'entente auxiliaire Canada-Québec sur le développement minéral se termine en 1998, mais je pense que tout l'argent a été dépensé. Une partie de ces sommes qui étaient attribuées au ministère des Ressources naturelles du Québec est affectée à des travaux de cartographie, donc d'acquisition de connaissances géoscientifiques.
Il est très important de continuer l'acquisition de ces connaissances. Cela rejoint encore une des recommandations de votre rapport. Une meilleure connaissance du territoire permet une meilleure diversification des activités économiques. Il y a des territoires qu'on connaît mal ou peu. Ce n'est pas parce qu'il y a de vieilles régions minières comme l'Abitibi ou le nord de l'Ontario qu'il faut cesser l'acquisition de connaissances géoscientifiques.
Souvent, ces territoires ont été développés à partir de l'exploitation de la substance première, par exemple le nickel dans le coin de Sudbury, et l'or, le cuivre et les métaux de base en Abitibi. Cependant, en Abitibi, il n'y a pas eu une très bonne évaluation du potentiel des minéraux industriels. Dans le Nord, on a mis l'accent sur les métaux de base, mais on a oublié les autres substances. Dans l'ensemble du territoire, il y a encore beaucoup de substances qui pourraient être exploitées dans des régions par des entrepreneurs régionaux.
On sait que ce n'est pas une multinationale comme Noranda ou Placer Dome qui sera intéressée à exploiter une tourbière à Saint-Eugène-de-Guigues. On commence à connaître le potentiel de la tourbe dans cette région. Peut-être que des entrepreneurs de la région du Témiscamingue pourraient exploiter cette substance, mais encore faut-il savoir qu'elle existe et faut-il qu'elle soit caractérisée. C'est pour ça que l'acquisition des connaissances géoscientifiques doit se poursuivre. Ce qui a été recommandé dans votre rapport, c'est un programme de remplacement. Je n'entre pas dans les détails.
Ce qui est aussi important dans l'acquisition de connaissances géoscientifiques, c'est qu'on devrait normalement impliquer davantage les intervenants régionaux. Je vous donne un exemple de la façon dont ça fonctionne au Québec. Chaque année, au printemps, le ministère des Ressources naturelles rencontre l'industrie. Ensemble, on priorise les régions où aller acquérir la connaissance. Vous avez tous entendu parler de la découverte du lac Volant récemment, sur la Côte-Nord. C'est une découverte importante parce que c'est un nouveau territoire. L'an passé et il y a deux ans, lors de la consultation du ministère avec l'industrie, à Québec, des gens disaient que le ministère devait aller travailler dans la grande région du lac Manitou. Ces gens pensaient qu'il y avait là un potentiel minier, mais ils ne connaissaient pas assez la région. Le ministère a décidé d'orienter ses travaux dans ces régions à la suite de discussions avec l'industrie.
Il faudrait aussi inviter à des consultations de ce genre les gens des régions. Ce serait intéressant. Je prends l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue que je connais bien. Au printemps, quand le ministère consulte l'industrie pour savoir à quelles région il va donner la priorité dans ses travaux d'acquisition de connaissances géoscientifiques, les gens impliqués dans le développement de la région devraient participer à ces consultations. Il faut que les gouvernements et les ministères aient des budgets pour ce faire. On ne parle pas de centaines de millions de dollars. La fin de l'entente Canada - Québec sur le développement minéral est inquiétante pour les régions minières.
Voici la recommandation au niveau des infrastructures: un programme de remplacement pour permettre la construction ou le développement d'infrastructures reliées à l'industrie minière. Pour nous, il y a une règle de base. C'est que les projets miniers doivent d'abord être rentables en soi. Je prends l'exemple du projet Troïlus, une mine d'or qui est en voie de développement au nord de Chibougamau. La mine est rentable.
Bien sûr, s'il n'y avait pas eu de contribution du gouvernement pour l'aide à la construction de la route ou pour amener l'électricité, ce projet n'aurait pas été rentable. Il faut que l'État continue à intervenir dans le développement de ces infrastructures.
Il est difficile de dire qu'à chaque année, on va donner tel montant. Il faut y aller selon la qualité des projets. Troïlus a démontré sa rentabilité et il y a eu des infrastructures qui ont ouvert le territoire aux autres activités, la forêt, etc..
Voici une autre recommandation: les différents paliers de gouvernement, dans leur intervention, doivent tenir compte davantage des besoins des régions. On pense que les gens les mieux placés pour former une main-d'oeuvre répondant aux besoins des différentes industries des régions sont ceux des régions. Voici un exemple un peu bizarre. En Abitibi-Témiscamingue, actuellement, on a plus de 10 p. 100 de chômage, mais on manque de main-d'oeuvre spécialisée dans le secteur minier. Il y a là un problème. Ce n'est pas normal.
Je vous signale une initiative du CRDAT qui travaille fort pour faire en sorte que la formation de la main-d'oeuvre réponde davantage aux besoins de l'industrie. Je ne voudrais pas entrer dans les détails, mais je pense qu'il faudrait que les régions développent des créneaux d'excellence pour la formation de la main-d'oeuvre en fonction de leur spécificité. Bien sûr, en Abitibi, on est bien placé pour développer la formation de la main-d'oeuvre au niveau minier, mais on on n'est certainement pas doué pour former la main-d'oeuvre au niveau des pêches. Il y a des régions qui sont excellentes pour cela. Une région minière comme la nôtre est bien placée pour la formation de la main-d'oeuvre. C'est la même chose au niveau de la recherche et du développement.
Val-d'Or est une région minière et il est important que les centres de recherche soient dans les régions où a lieu l'activité économique en question. Un centre de recherche sur l'industrie minière a sa place dans les grands centres, mais pour être concret et pratique et répondre aux besoins de l'industrie, il faut qu'il soit en région.
En terminant, je reprends essentiellement ce que je disais. Globalement, au niveau du Québec et du Canada, l'industrie minière pourrait contribuer davantage au développement économique des régions. Il faudrait que les régions prennent davantage conscience de cette possibilité. L'industrie ne fait peut-être pas assez de promotion et ne fait peut-être pas suffisamment connaître son potentiel aux gens des régions. Je pense qu'il y a encore beaucoup de possibilités de développement à partir de l'exploitation des ressources naturelles, toujours dans une perspective de développement durable. Il y a moyen de marier tout cela.
On recommande donc une fiscalité compétitive, des règles environnementales et d'accès au territoire qui nous permettent d'être compétitifs, une meilleure connaissance du territoire, et le soutien de l'État aux infrastructures. La règle est qu'un projet doit être rentable. Il n'est pas question de proposer des programmes de subvention ou d'aide directe pour faire en sorte qu'un projet qui est non rentable le devienne. Cela fait des canards boiteux qui n'ont rien de très positif.
Il faut que les projets soient rentables et ensuite que la contribution au niveau du développement des infrastructures fasse en sorte qu'on puisse exploiter des projets là où ils se trouvent. Il faut des interventions des différents ordres de gouvernement pour répondre aux besoins des régions en fonction de leur spécificité. Merci.
Le président: Thank you very much.
Monsieur Ringma.
M. Ringma: Merci, monsieur Gélinas. J'ai l'impression que vous pourriez aussi être le porte-parole de l'industrie de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan en même temps que celui du Québec.
Est-il vrai qu'il n'y a pas réellement de différences? S'il y a des différences, quelles sont-elles?
M. Gélinas: Comme je le disais au début, la concurrence de l'industrie minière vient des autres régions minières du monde. Les sociétés minières qui font de l'exploration au Québec en font aussi en Colombie-Britannique, au Manitoba, à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick. Les compagnies qui ont une mission se disent: «Moi, je suis une société minière productrice de métaux de base, de cuivre, de zinc.» Elles regardent l'ensemble du territoire canadien et de l'Amérique du Nord et même de la planète et se disent: «Quels sont les endroits où je peux aller explorer pour avoir de meilleures chances d'exploiter une mine rentable?» Elles se disent: «Quelles sont les règles fiscales et environnementales dans les territoires qui existent?» Elles mettent toutes ces choses ensemble et choisissent le territoire qui leur semble le plus propice, qui réunit toutes ces choses-là.
C'est pour cela que les règles du jeu sont à peu près les mêmes en Colombie-Britannique, au Québec ou ailleurs.
M. Ringma: Sans connaître en détail l'industrie, j'ai l'impression que finalement, après des années de tranquillité, vous faites des démarches pour améliorer la situation pour l'industrie.
M. Gélinas: Oui.
M. Ringma: Nous avons tant de potentiel partout au Canada qu'il faut bâtir sur les avantages que nous avons.
M. Gélinas: Oui.
M. Ringma: Dans votre conclusion, vous avez parlé d'une fiscalité compétitive. Par cela, vous voulez dire que les taux d'imposition ne doivent pas écraser l'industrie minière. Quelles autres recommandations devrions-nous suivre pour bâtir l'industrie?
M. Gélinas: On a déjà, dans l'ensemble du Canada, les principales cartes nécessaires pour faire en sorte que l'industrie minière se développe et soit compétitive et, en même temps, développe les régions. À mon avis, il faut partir de tout ce qu'il y a déjà en place et faire du fine tuning, comme on dit.
À moyen et à long termes, la situation la plus inquiétante au niveau minier est peut-être l'accès au territoire. Il y a quelques années, il y a eu un projet très intéressant, le projet Windy Craggy en Colombie-Britannique. Une société minière l'a développé et lorsqu'est venu le temps de commencer la production, cela n'a pas fonctionné. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a décrété que ce territoire-là était un parc - je ne connais pas les détails - et l'entreprise n'a pas pu exploiter le gisement.
L'idée qui a circulé à travers le monde, c'est que le Canada n'est plus un pays aussi ouvert qu'il l'était à l'activité minière. L'industrie souhaite que la situation soit très claire. Il s'agirait de dire que dans une région donnée, peu importe laquelle, lorsqu'on peut faire de l'exploration, on peut aussi faire de l'exploitation.
On sait dans le monde que l'activité d'exploration a peu d'impact sur l'environnement. Si, pour des raisons écologiques ou autres, on dit qu'on ne veut pas qu'il y ait de l'exploitation sur un territoire, comme cela a été le cas à Windy Craggy, on ne doit pas permettre l'exploration sur ce territoire.
Ils ont travaillé pendant des années et investi des centaines de milliers et même des millions de dollars pour connaître le gisement. Lorsque le gisement a été connu, ils sont arrivés à la conclusion qu'il pouvait être exploité de façon rentable, mais on leur a dit: «Non, ça ne marche plus. L'exploitation a trop d'impact sur l'environnement et on s'arrête là.» C'est peut-être le plus grand danger.
Les choses devraient être claires: si le territoire est ouvert à l'exploration, s'il y a découverte d'un gisement, on pourra l'exploiter. C'est une de nos inquiétudes.
Bien sûr, il faut aussi tenir compte des populations autochtones qui font des revendications, mais je suis convaincu que si une société minière s'apprêtait à exploiter un gisement dans les Laurentides ou les Cantons de l'Est, la population de ces régions serait tout aussi curieuse et inquiète de l'impact de l'activité minière que peuvent l'être des populations autochtones dans des territoires peut-être plus éloignés. Donc, en tout temps, il faut que l'industrie fasse sa part, qu'elle soit prête à contacter les gens, mais d'un autre côté, les différents paliers de gouvernement devraient avoir des règles claires sur le plan environnemental, sévères certes, mais compétitives.
Il faut dire que les règles de protection de l'environnement du Canada sont parmi les plus sévères au monde, et c'est correct. Souvent, ces règles sont copiées. Les pays en voie de développement qui n'ont pas de lois minières ou de lois environnementales prennent celles qu'on a ici et les appliquent. Donc, c'est bon signe. Donc, comme je vous le disais, on fait du fine tuning au niveau de la fiscalité et on harmonise les règles environnementales. Au niveau du financement, il y a encore des petites choses à ajuster au niveau des actions accréditives. Enfin, qu'on dise clairement qu'au Canada, lorsqu'on peut faire de l'exploration, on peut faire de l'exploitation.
Je suis très optimiste quant au développement de l'ensemble de l'industrie minière au Canada, au Québec et dans les régions, mais il faut poursuivre l'acquisition de connaissances géoscientifiques.
Je voudrais ouvrir une petite parenthèse à ce sujet. Une des cartes les plus positives du Canada...
[Traduction]
Le président: Je vais vous demander de terminer votre réponse, parce que je dois donner la parole à quelqu'un d'autre.
[Français]
M. Gélinas: Le Canada est peut-être le pays au monde où on a la meilleure connaissance de l'ensemble du territoire. Au Canada, c'est disponible. Dans d'autres pays, c'est souvent chaque société qui garde l'information. C'est une carte majeure.
[Traduction]
Le président: Merci. Madame Cowling.
Mme Cowling: Ma question porte sur les centres d'excellence que vous mentionnez dans votre exposé. Vous avez dit qu'il devrait y avoir des centres d'excellence dans les régions du pays. Je voudrais savoir quels seraient les critères qu'on établirait pour ces centres d'excellence et quels critères on utiliserait pour favoriser un climat de croissance économique et de création d'emplois? Nous avons constaté qu'il y a déjà des emplois disponibles dans bon nombre de régions rurales du Canada. Cependant, on manque de travailleurs spécialisés. Est-ce que cela devrait faire partie des critères?
[Français]
M. Gélinas: Oui, cela doit faire partie des critères. Ce que vous venez de dire, on le vit actuellement en Abitibi. On a beaucoup de chômage et on manque de main-d'oeuvre. Ce qui est intéressant au niveau régional, c'est qu'on tente actuellement d'harmoniser davantage les différents niveaux de formation de la main-d'oeuvre. Par exemple, on forme la main-d'oeuvre sur le plan professionnel, mais il n'y a pas de lien avec la main-d'oeuvre qui est formée sur le plan collégial et le collégial n'a pas nécessairement de lien avec le niveau universitaire.
L'industrie souhaite que les différents niveaux de formation de la main-d'oeuvre s'harmonisent davantage et fassent en sorte qu'à un moment donné, un étudiant qui fait son cours professionnel et qui, après un certain temps, veut continuer au niveau collégial, ne soit pas obligé de recommencer à zéro.
Il doit aussi y avoir plus de formation axée sur des besoins spécifiques. Je vous donne encore un exemple. Nos géologues, qui sont formés dans les universités, ont une excellente connaissance géologique, mais malheureusement, il leur manque de la connaissance au niveau de la gestion de projets. Ce sont des gens qui font de la géologie et ils sont très bons, mais ils ne sont pas habitués à faire de l'exploration minière.
Par exemple, ils ne connaissent pas la Loi sur les mines. Il faut qu'ils sachent que s'ils accordent un contrat de forage à une société, ils doivent aller voir le propriétaire de droit de surface pour lui dire qu'on va aller travailler chez lui. Comment gérer toutes ces choses-là? Le géologue est bon en géologie, mais il n'est pas nécessairement habitué à faire de l'exploration.
Dans les régions minières comme l'Abitibi, on pourrait former les gens pour répondre à des besoins très spécifiques, et compléter la formation. Cela ne veut pas dire nécessairement un autre baccalauréat, mais quelques mois, quelques semaines à temps plein pour compléter la formation. Il est important d'avoir une concertation à cet égard.
[Traduction]
Mme Cowling: Juste un dernier mot. Cette formation devrait-elle être financée conjointement par le gouvernement fédéral, la province et le secteur privé, ou bien encore au niveau municipal? D'où le financement devrait-il venir?
[Français]
M. Gélinas: Je ne le sais pas. Je ne connais pas assez bien toutes les différentes règles de la formation de la main-d'oeuvre. Dans la formation d'un individu, quelle proportion de l'argent vient du niveau provincial, du niveau fédéral? Je ne le sais pas. Cette chose ne m'est pas très familière. Alors, je ne peux pas répondre à votre question, malheureusement. Par contre, je pense que l'industrie pourrait contribuer davantage. Je vous donnais l'exemple de la formation pour répondre à des besoins spécifiques. La formation peut se faire en entreprise. Donc, les entreprises peuvent contribuer.
Le secteur minier est aussi en mesure de mettre de la main-d'oeuvre spécialisée à la disposition du secteur de la formation. Dans les entreprises et dans les différents ministères, on a des experts qui peuvent donner de la formation. Il n'est pas nécessaire que ces gens-là soient des professeurs à temps plein. Il y a d'excellentes personnes dans l'industrie qui peuvent faire de la formation à même leurs tâches de travail; ils vont en profiter, eux aussi. Il y aurait moyen d'avoir une contribution supplémentaire, pas nécessairement en argent, mais en efforts de ce genre-là. Je ne peux pas répondre mieux parce que les détails ne me sont pas assez familiers.
Le président: Thank you.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Je voudrais remercier M. Gélinas pour sa présence et lui dire qu'un autre rapport du comité des Ressources naturelles sur le milieu environnemental sera déposé. Il répondra peut-être aux attentes que vous avez exposées aujourd'hui. Le milieu minier est important partout au Canada. Je suis sûr qu'on va retenir qu'il nous faut des ajustements pour finaliser ce dossier dans lequel le comité des Ressources naturelles a mis beaucoup d'efforts. Je pense que les gens de l'industrie en sont conscients. Il est important aussi qu'on l'ait fait.
Je voyais les investissements au cours des années. J'espère qu'on y est pour quelque chose. On a peut-être donné un signal d'envoi clair, et le ministère des Ressources naturelles du Canada a lui aussi fait beaucoup d'efforts. Dans notre rapport, on pourra dire que ce n'est pas parce que le secteur minier n'a besoin que de fine tuning qu'il est moins important. Il faut que ce soit une présence importante. Il y a encore des petites choses à faire. Merci.
M. Gélinas: Je voudrais faire un dernier commentaire. On dit souvent l'industrie minière peut se passer facilement des régions. Par exemple, si demain matin, toutes les mines d'or du Québec fermaient, je ne pense pas que le prix de l'or baisserait, mais ça irait mal en Abitibi. Il faut être particulièrement à l'écoute des régions qui produisent des substances qui n'ont pas d'impact sur la production mondiale et optimiser leur compétitivité pour qu'on soit en mesure de faire face à la concurrence internationale.
C'est une game internationale, mais le Canada est reconnu comme étant le plus grand expert au monde, tant au niveau de l'exploration qu'à celui de l'exploitation minière.
On peut être fiers de cela. Si on peut faire en sorte que cette expertise contribue en premier lieu au développement de nos régions, on sera bien équipés pour faire un bon bout de chemin. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup de votre témoignage, monsieur Gélinas. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps et la peine de venir nous parler aujourd'hui. Merci.
Nous ferons une pause jusqu'à 13 h 5.
Le président: Nous allons maintenant reprendre la séance et j'invite notre témoin suivant,M. Talbot, de l'Association forestière de l'Abitibi-Témiscamingue à s'avancer. Soyez le bienvenu.
[Français]
M. Normand Talbot (président, Association forestière de l'Abitibi-Témiscamingue): Bonjour.
[Traduction]
Le président: Nous vous demandons de faire une déclaration d'ouverture, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
[Français]
M. Talbot: Je m'appelle Normand Talbot et je suis président de l'Association forestière de l'Abitibi-Témiscamingue.
L'Association forestière est une association à but non lucratif dont le mandat principal est l'éducation en conservation, en milieu forestier et en environnement, principalement auprès de la population scolaire, mais aussi du grand public. On a un centre éducatif forestier et on organise des colloques et des congrès sur des thèmes qui sont toujours d'actualité. Le thème du dernier colloque, en fin de semaine, était «Une forêt à partager».
Tout d'abord, j'aimerais dire que nous avons eu peu de temps pour organiser cette présentation. Ça coïncidait avec l'organisation de notre congrès qu'on avait en fin de semaine. Notre association compte approximativement 450 membres. J'aimerais aussi apporter une précision. Dans mon esprit, quand on parlait du monde rural, je croyais que c'était le monde des paroisses, et non pas les villes d'Amos ou de Rouyn, dans le Nord. Je pensais que c'était exclu, mais on m'a dit que dans votre esprit, Amos était dans le monde rural. C'est pour ça que dans la présentation du document, quand je parle de villes, je parle de villes comme Amos, Val-d'Or ou Rouyn, et non pas de Québec, Montréal et Trois-Rivières.
L'Abitibi-Témiscamingue est une région relativement jeune comparativement au reste de la province de Québec puisque la grande majorité des paroisses rurales ont à peine 75 ans; quelques paroisses au Témiscamingue ont fêté leurs 100 ans. C'est pendant les années de la grande dépression économique de 1930 que la plupart des paroisses rurales ont été créées. Le but était de sortir les familles des grandes villes avec l'espoir de les rendre plus autonomes en milieu agricole, du moins au point de vue de la subsistance. On espérait qu'avec quelques vaches, porcs, poules, jardins et fruits sauvages, les familles seraient soustraites du secours direct des grandes villes.
De l'aide gouvernementale à l'établissement était prévue à cette fin. On fournissait quelques matériaux de construction. On fournissait 400$ pour la main-d'oeuvre. On fournissait un octroi de 20$ pour l'achat d'une vache, d'un cheval et de quelques poules. Il y avait aussi des octrois pour le défrichement, le labour et la mise en production des terres.
Les découvertes minières des années 1940 et 1950 (Val-d'Or, Malartic et Rouyn) et de 1960 (Matagami, Joutel et Chibougamau) ainsi que la construction de l'usine de pâte de papier de Quévillon ont fortement contribué à la désertification des paroisses et sonné la fin de la colonisation pour plusieurs familles.
On a fait la comparaison entre un salaire régulier en industrie et une paie de beurrerie, comme on disait dans le temps. Une paie de beurrerie était la vente de la crème et du lait provenant des vaches. En ce temps-là, il n'y avait pas de mise en marché des patates et des légumes, qui étaient produits uniquement pour la subsistance des familles. Le seul revenu était la vente du lait et de la crème et, dans le langage populaire, on appelait cela la paie de beurrerie.
Vers les années soixante, un programme de relocalisation, lors de la fermeture des rangs et des paroisses, contribua à la désertification du milieu rural. Par la suite, ce furent les fermetures d'églises, d'écoles, de dispensaires, où il y avait des résidences d'infirmières, des bureaux de poste; on ferma des gares de chemin de fer, les magasins généraux, les petites usines de sciage, les coopératives agricoles, les salles paroissiales, etc.. Il y a eu des familles déracinées et des personnes âgées placées en institution dans les villes.
Aujourd'hui, la vie communautaire et sociale n'existe plus dans plusieurs paroisses qui restent, tout cela avec la complicité des gouvernements. Ce bref historique de la situation du monde rural qui prévalait pendant les 40 dernières années apporte une partie de la réponse à la constatation contenue dans le document de travail proposé où l'on peut lire:
- Les secteurs ruraux comptent une plus forte proportion de chômeurs chroniques que les
secteurs urbains et, comparativement, les niveaux plus faibles de qualification et de
scolarisation de leur population continuent à poser un problème. De même, l'infrastructure des
communications et des transports y est en général déficiente, et l'accès aux capitaux difficile.
Comme je le disais tantôt, étant donné le peu de temps, mon intervention est axée uniquement sur cette entente. Mes recommandations porteront donc sur le domaine forestier seulement étant donné mes connaissances limitées des autres activités.
Recherche et développement: Un engagement ferme et soutenu en recherche forestière et un transfert technologique efficace des résultats sont des atouts importants dans la mise en valeur des forêts privées. À cet effet, il serait souhaitable que soit maintenu en vigueur le programme «Essais, expérimentation et transfert technologique en milieu forestier». Il y aurait peut-être lieu de l'axer principalement sur l'aménagement des lots privés et des blocs de lots par les municipalités et les forêts de petite superficie. Il serait souhaitable qu'on ait un programme de transfert technologique afin d'appliquer les résultats en recherche forestière le plus rapidement et le plus efficacement possible, ainsi qu'un programme de recherche visant un aménagement accru de la forêt.
Présentement, on se limite à faire produire de la forêt ici, en région, un mètre cube à l'hectare par année, alors que nos sols argileux, qui sont riches, pourraient facilement, s'ils étaient le moindrement améliorés, produire quatre mètres cubes à l'hectare par année.
Il serait souhaitable que l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue obtienne des fonds pour de la recherche forestière axée sur les forêts en milieu rural et que les scientifiques et les technologues soient encouragés à faire du transfert technologique. C'est une chose qui manque. Les recherches forestières sont surtout axées sur les grandes superficies. Les recherches forestières axées sur les blocs de petite superficie sont déficientes.
Il faudrait que des projets visant l'utilisation et l'occupation multi-ressources soient mis de l'avant.
Il serait souhaitable que l'Association forestière de l'Abitibi-Témiscamingue soit mandatée pour organiser des colloques et des conférences sur les résultats des recherches et des transferts technologiques, et que des fonds accompagnent ce mandat.
Formation et main-d'oeuvre: La prise en charge de l'aménagement forestier par et pour la population rurale passe par la formation de la main-d'oeuvre. Le développement rapide de la technologie réduit la demande de compétence, particulièrement lorsque cette compétence est axée sur un parc de machinerie forestière fortement mécanisée en région. Ici, on a un parc de machinerie forestière pour les grandes exploitations forestières. La machinerie forestière est une technologie qui peut difficilement fonctionner sur les blocs de petite superficie.
La formation devra miser sur l'utilisation de la machinerie miniaturisée et, dans une certaine mesure, sur le recours aux pratiques traditionnelles, c'est-à-dire la petite machinerie, dans certains cas les chevaux, la scie à chaîne, etc..
Les établissements d'enseignement technologique et fonctionnel doivent, au besoin, réviser leurs programmes de formation pour s'assurer qu'ils conviennent bien à la clientèle visée.
Les municipalités et les municipalités régionales de comté devront faire connaître leurs besoins en formation en collaborant avec leurs établissements d'enseignement. Des fonds gouvernementaux devront être affectés à un programme quinquennal.
Les infrastructures: Pour mettre en oeuvre un bon plan d'aménagement forestier et le respecter, il faut construire des infrastructures routières permanentes de manière à pénétrer les blocs forestiers. Les municipalités devront avoir accès au programme des infrastructures.
La région de l'Abitibi est éloignée des marchés et des ports de mer. En conséquence, elle est défavorisée dans sa mise en marché puisque les coûts du transport y sont élevés. Le programme des infrastructures devra permettre l'aménagement du réseau routier pour le rendre accessible par des trains routiers.
Financement: Pour mener à bien un projet de mise en valeur des ressources forestières en milieu rural, il faut pouvoir s'assurer d'un financement sûr et, surtout, facile d'accès. Ainsi, il serait raisonnable et équitable de pouvoir compter sur un juste retour des fruits de la taxation provenant des ressources forestières. À cet effet, il faut garantir les fonds de démarrage d'entreprises auprès des institutions financières; affecter des budgets pour constituer un fonds forestier; favoriser, par des prêts sans intérêt, des démarrages d'entreprises; exempter d'impôt une nouvelle entreprise pendant les cinq premières années; mettre et garantir le capital de risque auprès des entreprises qui oeuvrent en milieu rural pour démarrage ou expansion. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Talbot.
Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma: Monsieur Talbot, quand vous parlez de recherche et de développement, je suppose que c'est plutôt en ce qui a trait à la croissance et à la nourriture des arbres. Ou est-ce aussi du point de vue du développement mécanique ou technologique pour la récolte des arbres ou des choses du genre?
Je viens de la Colombie-Britannique où ils sont en train de faire encore des recherches pour la récolte. Mais plus ils en font dans ce domaine, moins il y a d'emplois dans le secteur des forêts. Il y a plus d'emplois du côté industriel, du côté de la fabrication de machines, etc.. Alors j'aimerais savoir si vous mettez davantage l'accent du côté de la recherche.
M. Talbot: Dans ma présentation, j'ai parlé du problème de notre stock de machinerie mécanisée. C'est de la grosse machinerie; le développement des compagnies manufacturières va toujours dans ce sens-là. C'est beaucoup plus rapide avec toujours moins de main-d'oeuvre. Mais ça, c'est pour exploiter de grands blocs forestiers.
Lorsqu'on arrive dans des petits blocs de lots ou des propriétés privées, on ne peut pas utiliser cette machinerie et on ne peut pas non plus l'utiliser pour faire des traitements appropriés, par exemple des coupes d'éclaircie commerciales.
Cette grosse machinerie n'est pas adaptée pour les bois qui, règle générale, croissent sur ces fermes forestières. On doit privilégier une ou deux éclaircies commerciales avant la coupe finale, alors que les stocks de machinerie, règle générale, sont pour la coupe totale la première année.
En ce qui a trait à la recherche et au développement, on doit viser à miniaturiser ces machines, comme en Europe, pour pouvoir travailler sur de petites superficies.
On doit aussi revenir aux méthodes traditionnelles, à la scie à chaîne, peut-être même au cheval ou à la petite machinerie. Cela demande beaucoup de main-d'oeuvre, et la recherche et le développement doivent être axés sur le développement de machinerie et de pratiques sylvicoles pour fonctionner sur ces petites superficies-là.
Dans le domaine de la recherche et du développement pour la croissance des arbres, si on les laisse aller naturellement par une coupe de protection et de régénération ou si on fait un reboisement, la forêt va produire un mètre cube par hectare par année.
On aimerait avoir des projets de recherche pour faire des traitements, avec des travaux sylvicoles plus intensifs, de façon à faire croître la forêt quatre fois plus rapidement qu'à l'heure actuelle. Cela peut se faire par de la fertilisation, des méthodes de coupe améliorées, des éclaircies commerciales, des essences à croissance rapide. Ça peut être aussi une intervention, dans certains cas, de fertilisation ou de préparation de terrain ou par des méthodes de bois rameau qui commencent à se pratiquer sur une petite échelle.
M. Ringma: Merci bien. Vous avez déjà répondu à ma deuxième question. Vous parlez seulement de recherche forestière, de transfert technologique efficace dans la mise en valeur des forêts privées. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir ce qu'ils ont en Europe? Ayant vécu en Europe pendant un bout de temps, je me suis aperçu qu'il y a des domaines de 10 hectares ou moins où ils font tout ce qu'il faut. Alors je vous encourage à aller dans cette direction. Merci.
M. Talbot: Mon texte porte sur les forêts privées parce que, dans mon esprit, c'était le milieu rural. C'est pour ça que j'ai exclu les grandes forêts publiques où on pratique aujourd'hui les coupes.
[Traduction]
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
Ma question porte directement sur les techniques de gestion forestière et sur les terres et forêts privées. Je voudrais vous poser une question au sujet des ressources humaines, c'est-à-dire les travailleurs et les jeunes. Je voudrais savoir ce que font les propriétaires de terres et de boisés privés pour garder les jeunes dans les régions rurales et trouver des emplois à ces jeunes.
[Français]
M. Talbot: Dans la région ici, les jeunes, règle générale, sont la relève. Le père ou l'oncle a un parc de machinerie, une abatteuse et une débusqueuse et le fils, ou quelquefois même la fille, prend la relève du père dans les opérations forestières. On retrouve principalement les jeunes dans les travaux sylvicoles, le reboisement, les travaux d'éclaircies précommerciales avec des débroussailleuses et l'entretien des plantations. C'est quand même une période courte. Le temps du reboisement peut durer deux ou trois semaines ou un mois, et les travaux de dégagement ou d'entretien des plantations peuvent durer du mois de mai jusqu'au mois d'octobre, au début des neiges.
C'est un travail qui demande beaucoup de résistance physique, surtout lorsqu'on travaille avec un instrument comme une débroussailleuse ou une scie à chaîne. Ça prend aussi des techniques pour se faire un salaire, parce que ça coïncide avec les périodes de chaleur et de mouches noires. Il y a beaucoup de découragement à ce niveau-là.
Règle générale, le personnel qui prend sa retraite n'est pas remplacé à cause de la modernisation des usines. Peu de jeunes ont la chance de remplacer dans les usines; il y a quand même un certain pourcentage de remplacement, mais je n'ai pas les statistiques. Par contre, en milieu rural, au sens de la relève agricole, ce sont des gens habitués à travailler sur des fermes, à travailler plus physiquement que les gens des villes. Avec le projet de mise en valeur des lots intramunicipaux, il va y avoir beaucoup de place pour le travail des jeunes dans ce domaine. C'est pour ça qu'on dit qu'il doit y avoir des cours de formation pour revenir aux techniques traditionnelles de la petite machinerie, de la scie à chaîne, de la débusqueuse à câble, etc..
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
[Traduction]
Mme Cowling: Oui.
Je voudrais poser une autre question, qui porte sur la formation traditionnelle et les pratiques traditionnelles. Selon vous, comment la formation devrait-elle être financée? Le financement devrait-il venir de l'industrie, ou doit-il y avoir une présence fédérale?
[Français]
M. Talbot: Je ne connais pas assez le rôle joué par le fédéral ou le provincial en éducation en ce qui a trait aux sommes d'argent disponibles pour les établissements scolaires et collégiaux pour permettre aux jeunes d'obtenir de la formation dans les techniques d'aménagement et d'exploitation forestière. Il faudrait des programmes afin de permettre l'intégration en milieu forestier d'un jeune qui veut faire du reboisement ou d'autres travaux.
C'est sûr que les premières journées, il ne peut pas se faire un salaire; après une semaine, il a tout pris pour payer son transport et sa nourriture et ses frais de location de scie. Il devrait y avoir un soutien financier, le temps que le travailleur forestier puisse mettre en pratique sa formation technique et développer des muscles et des habitudes de travail.
Il doit, dans les premières semaines, se faire un salaire. Il se décourage, ou l'entrepreneur forestier va engager quelqu'un qui pourra donner un meilleur rendement. Souvent il faut qu'il les transporte sur les lieux du travail, qu'il les nourrisse. Il y a aussi la question des accidents de travail dont les employeurs ont une peur terrible.
S'il avait un salaire, par exemple, de 150$ pour la première semaine et de 90$ pour la deuxième semaine, pour qu'après deux mois, il arrive à zéro et que l'augmentation de son rendement puisse combler son manque, il y aurait moins de découragement. Le premier jour, il travaille fort et le lendemain matin, c'est comme si on lui avait demandé de courir un marathon sans s'être exercé pendant plusieurs semaines. Je pense que le lendemain matin, il n'y aurait pas beaucoup de personnes sur la ligne de départ.
Le président: Thank you.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: M. Talbot dirigeait en fin de semaine un colloque annuel sur l'industrie forestière. Il y avait plusieurs sujets, mais le thème était «Une forêt à partager». Le chef de bande McDougall a lui aussi parlé de terrains à partager et de la philosophie d'utiliser les lots épars, c'est-à-dire toutes les forêts privées, pour en faire une source de création d'emplois. C'est une très bonne idée.
Il est évident que si on veut créer des emplois - et c'est un objectif de tous les gouvernements - on doit offrir des moyens, de la recherche technologique des programmes de formation obligatoires, sinon la personne s'en sort handicapée à cause d'un accident de travail, etc.. Il faut aussi du financement. Ce serait une bonne voie.
J'aimerais remercier M. Talbot d'être venu et je m'excuse de ne pas avoir gardé le ton juste pour le thème «ruralité», qui implique chez nous le développement régional. Je pense qu'il a très bien répondu, malgré cette erreur, sur un sujet spécifique que les gouvernements devraient avoir à l'oeil.
[Traduction]
Le président: Merci. Merci beaucoup, monsieur Talbot, d'avoir pris le temps de venir témoigner. Nous vous en sommes très reconnaissants, surtout que vous avez été très occupé la fin de semaine dernière. Merci beaucoup. Nous vous en sommes très reconnaissants.
M. Talbot: Merci beaucoup. Bonne chance à votre commission.
Le président: Merci.
Nous accueillons maintenant nos témoins suivants, de la Chambre de commerce de Val-d'Or. Bienvenue. Je vous demanderais de vous présenter et de faire votre déclaration d'ouverture. Nous passerons ensuite aux questions.
[Français]
Mme Nicole Brien (directrice générale, Chambre de commerce de Val-d'Or):M. Deschambault, le président de la Chambre de commerce, va faire l'allocution et, s'il y a lieu, je pourrai compléter.
M. Daniel Deschambault (président, Chambre de commerce de Val-d'Or): Mesdames et messieurs les députés, bonjour. Je remercie le comité de nous accorder ce bref moment pour permettre à la Chambre de commerce de Val-d'Or d'exposer ses préoccupations et ses attentes quant à la présence du gouvernement fédéral dans le développement économique de notre région.
Comme vous le savez, l'Abitibi-Témiscamingue, et plus particulièrement la MRC de la Vallée-de-l'Or, est riche en ressources naturelles telles que les mines, les forêts, le tourisme et l'agriculture. Ces richesses ont permis de développer cette merveilleuse région et de donner une qualité de vie à ses citoyens. Mais depuis quelques années, cette qualité de vie a tendance à être réduite par les actions gouvernementales, qui sont la proie des priorités budgétaires, sans qu'il y ait apparence de consultation ou analyse des impacts qui pourraient en résulter pour le milieu.
Le développement de l'économie rurale doit passer par des politiques qui permettent l'assouplissement des règles juridiques et bureaucratiques. Je vais citer deux exemples importants pour notre région.
Tout d'abord, au niveau du développement minier, au milieu des années 1980, le gouvernement a instauré une loi favorisant le développement minier, et on parle ici des actions accréditives qui sont toujours en vigueur présentement mais qui ont beaucoup moins d'impact que dans le passé.
Ces incitatifs ont permis de mettre en valeur des gisements ainsi que de l'expertise minière qui est présentement exportée. Donc, l'expertise qu'on a eu grâce à ces actions accréditives, on l'exporte. On l'exporte présentement en Amérique du Sud et même en Afrique, ce qui nous permet de concurrencer sur le marché international et même d'être en compétition avec les Australiens.
Mais le gouvernement a décidé de diminuer cet incitatif malgré les avantages et les retombées économiques qu'il procurait. Donc, dans les années 1980, on avait les actions accréditives. Il y a eu beaucoup d'effervescence en Abitibi-Témiscamingue, surtout dans la région de Val-d'Or. Le gouvernement a eu tendance à venir réduire cet avantage au détriment de la région. C'est sûr que le gouvernement avait adopté une loi très sévère sur la politique des actions accréditives qui permettait de dépenser avant le 28 février pour que la déduction soit admissible sur leur déclaration d'impôt. Cette loi a été très sévère et a mis fin indirectement au principe des actions accréditives. Le gouvernement n'a pu changer cette loi même s'il y a eu des études prouvant qu'il était avantageux pour le gouvernement de continuer dans cette voie.
La Chambre de commerce recommande qu'il y ait encore d'autres incitatifs de ce genre au niveau des actions accréditives dans le domaine minier. Il y a eu des retombées positives et il pourrait y en avoir d'autres.
Nous recommandons que ces incitatifs soient élargis au domaine forestier et peut-être même au domaine de l'agriculture, ce qui nous permettrait de développer nos ressources, d'améliorer notre qualité de vie et même d'exporter notre ressource, notre richesse et notre expertise.
L'autre phénomène, c'est le fait que le développement économique rural passe par l'accessibilité de ses moyens de transport. Nous voulons mettre en lumière la hausse des tarifs aériens. Ils ont augmenté de plus de 90 p. 100 depuis la déréglementation, c'est-à-dire depuis l'année 1988.
La région de l'Abitibi étant une région limitrophe des grands centres, les hommes et les femmes d'affaires et autres qui la développent doivent utiliser les moyens de transport les plus avantageux en termes de coûts et de temps.
Depuis cette déréglementation, le volume de passagers a diminué de façon dramatique. Je vous donne le chiffre de volume de transport aérien à Val-d'or. Avant les années 1990, il était de 100 000 à 110 000 passagers débarqués. Maintenant le chiffre est d'environ 70 000 à 75 000 passagers embarqués et débarqués.
Il y a eu donc une baisse d'environ 30 p. 100, et un des principaux facteurs a été la déréglementation suivie d'une hausse du coût des billets d'avion. Je vous donne un exemple. Je dois aller à Montréal mercredi. Le billet Val-d'Or - Montréal coûte 510$. On va en Europe pour moins cher.
Le coût des billets devient même un critère de recrutement pour nos professionnels. Vous savez que l'Abitibi-Témiscamingue, contrairement aux grands centres, est pauvre en professionnels. Laissez-moi vous donner un exemple de recrutement médical. Les professionnels ont des familles dans la région de Montréal, et quand on leur parle des coûts de transport pour amener ces gens ici ou pour leur rendre visite, cela devient un critère important dans leur décision.
Indirectement, ça peut brimer notre qualité de vie. Je vais vous donner d'autres exemples, notamment celui de la hausse du coût des billets d'avion des grandes lignes aériennes, le tarif vacance. Nous avons constaté que dans les régions, règle générale, il y a 134$ par billet d'avion qui financent les vacanciers. Et on ne parle pas des vacanciers à l'intérieur du Canada mais de ceux de l'extérieur du pays.
On dit à nos gens de prendre l'avion au coût le moins élevé, d'aller dépenser des sous dans les pays chauds, en Europe, et ce sont les régions qui paieront la note: 134$ par billet d'avion. Pour l'Abitibi-Témiscamingue, on parle de plusieurs millions de dollars.
Au lieu d'avoir un billet à 500$, j'aimerais mieux payer mon billet 350$, ce qui nous permettrait d'avoir une plus grande activité économique, une plus grande richesse en termes de professionnels et une meilleure qualité de vie. Je demande donc de nouveau au gouvernement de légiférer ou d'intervenir auprès des compagnies aériennes pour qu'elles revoient leurs politiques de tarification.
Voici un autre exemple au niveau du coût du billet d'avion. Il y a les fameux points bonis, les Air Miles, les cadeaux. Il y a un coût à ça. Ce n'est pas vrai que c'est gratuit. Ce sont les régions qui paient pour ça.
C'est sûr que les gens des grand centres n'ont pas le problème de se déplacer d'une région à un grand centre, parce qu'ils partent directement de Montréal, Toronto ou Vancouver. C'est nous, qui développons les grands centres par nos exportations des ressources, qui devons aller faire des affaires à Montréal et Toronto.
Il y a présentement une ligne Abitibi-Toronto pour le développement minier. On doit partir de la région pour faire des affaires et on paie le gros prix. On paie toujours le gros prix. On pense que le gouvernement n'est pas à l'écoute de nos problèmes. Nous avons déjà fait nos devoirs. Nous avons déjà fait nos représentations et le gouvernement fait la sourde oreille.
On demande donc au gouvernement de revoir la réglementation au niveau des tarifs pour améliorer la situation des régions en ce sens.
Je parlerai aussi de l'importance du gouvernement régional. Le gouvernement fédéral semble d'une part vouloir garder le développement rural, et d'autre part il se retire des régions. Comment peut-il continuer d'avoir les yeux sur les régions et leur développement économique si, en région, il n'y a plus de fonctionnaires? Bref, il n'y a plus de tête pour que les yeux puissent regarder la région.
Depuis les annonces des différentes compressions budgétaires, les régions se font littéralement voler les ministères au profit des grands centres. Et pourtant, ce sont les régions qui sont dotées de ressources naturelles qui alimentent ces grands centres en produits finis et semi-finis. On se fait retirer nos avoirs.
Prenons l'exemple des dossiers que la Chambre de commerce a traités au cours des deux ou trois dernières années, alors qu'Environnement Canada était bien installé à Val-d'Or. On avait un excellent service qui bénéficiait à l'ensemble de la région, voire même au nord de l'Ontario et au Grand Nord québécois. Du jour au lendemain, c'était «canné». Excusez l'expression. Les fonctionnaires partaient et s'en allaient à l'extérieur pour ouvrir des centres le long de la voie maritime du Saint-Laurent, dont trois à Montréal, Mirabel et Rimouski. Il ne restait plus rien en région, même pas pour la Côte-Nord. Il n'y a pas eu de consultation. On a fait nos représentations, mais la question était déjà réglée.
D'autre part, du jour au lendemain, la Société canadienne d'hypothèques et de logement n'appartenait plus à la région; ce service était dévolu vers Hull. Les fonctionnaires fédéraux quittaient ce coin. C'était pourtant un élément important. On a encore des maisons ici sous la juridiction de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Il faut appeler, encore à nos frais bien souvent, ou se déplacer pour faire des représentations, parce que la ligne 1-800, c'est 1-800-«j'attends». Bien souvent, c'est plus rapide de prendre l'autre ligne, mais c'est toujours aux frais des régions. Je m'excuse, mais on a un fardeau fiscal assez important, et ce sont les régions qui supportent ce fardeau fiscal et le poids des décisions gouvernementales.
Un autre dossier important, qui est le dernier, est celui du centre des ressources humaines. Je céderai la parole à Mme Brien parce que cette question précédait mon mandat à la Chambre de commerce et qu'elle est beaucoup plus au fait de toutes les subtilités auxquelles le gouvernement a pu avoir recours pour réduire ses effectifs et nuire de façon directe et indirecte au développement de la région. Madame Brien.
Mme Brien: C'est un dossier sur lequel je travaillais en collaboration avec M. Deshaies. Ce dossier est récent, il n'est pas terminé et il est encore sous le feu des projecteurs. On va prendre quelques minutes pour vous en parler et vous montrer à quel point l'intervention du gouvernement à ce niveau-là ne tient indéniablement pas compte de la réalité géographique et démographique de notre région.
Je ne sais pas si quelqu'un au cours de la journée a décrit l'Abitibi-Témiscamingue. C'est une grande région qui est faite un petit peu en deux pôles: le Témiscamingue et l'Abitibi. Les circonscriptions fédérales sont d'ailleurs représentatives de ces deux pôles. Chacun de ces deux pôles a des pôles démographiques équivalents. La seule distinction entre le pôle de l'Abitibi et celui du Témiscamingue, ce sont les voies routières qui font de Rouyn-Noranda une ville centre. Mais, outre le phénomène routier, les pôles sont équivalents en termes démographiques.
Quand le fédéral a décidé de créer des centres canadiens des ressources humaines, on réduisait alors les effectifs de tous les centres d'emploi répartis dans la région au profit d'un seul grand centre à Rouyn-Noranda.
Le principe n'est pas mauvais en soi parce que certaines régions peuvent effectivement y voir un avantage. Mais l'Abitibi-Témiscamingue n'est pas comme toutes les régions. Et c'est là qu'on voit que ce sont des mesures «pan-de-mur»; elles sont uniformisées. On a essayé par tous les moyens d'obtenir une application de cette volonté de centraliser les services à Rouyn, en tenant compte de la réalité géographique de l'Abitibi-Témiscamingue.
On a offert au ministre de l'époque, le ministre Axworthy, de reconnaître un centre canadien pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue, mais de le répartir en termes d'effectifs et de services entre deux pôles de développement, deux pôles tout à fait collés à la réalité de la région.
Nous avons soulevé un mouvement d'appui qui a été largement positif à en juger par le nombre d'appuis reçus, soit plus d'une cinquantaine. Une seule ville s'est retirée du débat, bien qu'elle ne se soit pas opposée: c'était Rouyn-Noranda qui était récipiendaire du projet. Nous nous sommes vraiment fait retourner par les hauts fonctionnaires en place qui nous disaient que tant que nous n'aurions pas l'appui de Rouyn-Noranda, nous n'aurions pas recueilli de consensus régional.
C'était un peu malheureux, mais c'était une façon très gentille, très polie de nous dire que quoi que l'on fasse, ça n'aurait pas d'impact. C'est ce qui en est ressorti. Peu importe la réaction des gens dans leur région par rapport aux services qu'on leur donne, le plan de match était déterminé, les dés étaient jetés et la population n'avait qu'à avaler.
Mes propos peuvent paraître quelque peu radicaux, mais dans les faits, ce sont les résultants qu'on a récoltés. On a fait preuve de très peu de réceptivité face à ce qu'on demandait de reconnaître. C'est notre réalité géographique. On ne demande pas un deuxième centre canadien des ressources humaines, mais on demande qu'il soit réparti selon la réalité géographique de l'Abitibi-Témiscamingue.
Le dossier est encore ouvert. On a changé de ministre, mais rien n'a changé. La semaine dernière, nous assistions au départ d'une vingtaine de fonctionnaires. Je suis en mesure de vous fournir l'exemple, puisque je siège à la commission d'arbitrage du centre d'emploi, du dossier d'un bénéficiaire de Val-d'Or qu'on aurait besoin de voir et pour lequel on nous demande de repasser dans trois semaines parce que le dossier est rendu à Rouyn. Est-ce qu'on s'en va vers une république de bananes? Je ne le sais pas, mais quoi qu'il en soit, on doit être conscient que c'est un service de première ligne.
C'est peut-être ce qui fait justement crier davantage les organismes comme les Chambres de commerce lorsqu'on tombe dans les services de première ligne où il est important qu'il y ait une qualité de service. Il y a énormément de millions qui sont investis dans ce ministère. On aurait peut-être raison de se pencher sur les spécificités régionales.
Ça résume le dossier des ressources humaines. S'il y a des avenues pour lesquelles nous n'avons pas suffisamment cogné aux portes, laissez-nous savoir s'il y a lieu de faire quelque chose.
M. Deschambault: Un autre dossier qui peut avoir un impact important sur notre région, à court et moyen termes, c'est le libre-échange. Dans la vision du libre-échange, le gouvernement américain a fixé des règles régissant les quotas de bois d'oeuvre. De fait, ce sont les Américains qui fixent les règles du jeu. Je me demande ce que le gouvernement fédéral a fait ou va faire concernant le bois d'oeuvre. Son action aura un impact direct sur nos régions. Je ne crois pas qu'on ait été consultés et il semble que les décisions aient été prises à Ottawa même s'il y avait des enjeux impliquant l'Ontario et la Colombie-Britannique. Je crains que quand viendra le tour des régions, même en Abitibi-Témiscamingue, on va faire les frais de ce soi-disant libre-échange.
Ainsi se termine notre allocution, l'expression de nos attentes. On attend énormément du gouvernement. Je suis bien conscient qu'on ne peut satisfaire à toutes nos demandes, sinon le déficit doublerait ou triplerait. Je comprends que le gouvernement a ses préoccupations budgétaires, mais avant de prendre une décision ou d'emprunter une voie ou une autre, il doit consulter les régions parce que, règle générale, ce sont les régions qui font les frais des politiques gouvernementales. Pourtant, quand je regarde mon T4, je constate qu'une bonne partie de mes revenus s'en va au gouvernement fédéral et j'aimerais bien avoir un retour direct du montant que j'ai investi dans ce gouvernement.
Merci de votre collaboration et de votre attention.
M. Ringma: J'aimerais d'abord poser une question sur l'élimination des politiciens ou sur un changement de système. Je constate que dans le cadre de ce système, ce comité parlementaire déposera un rapport à la Chambre au printemps. Peut-être qu'on vous aura écoutés, peut-être que non. Nous avons les trois paliers de gouvernements, soit les paliers fédéral, provincial et municipal.
Vous connaissez très bien ce dont vous avez besoin et les voies à emprunter, mais on ne vous écoute pas; c'est là le problème. Selon moi, c'est inhérent au système. Vous avez un contact potentiel direct avec M. Deshaies, ce qui représente peut-être un avantage. Il peut faire une impression auprès du gouvernement, mais ce n'est pas adéquat.
Que pouvons-nous faire tous ensemble? Je suis certain que nous tous ici présents autour de cette table sympathisons avec ce que vous dites et éprouvons la même sympathie pour les témoins de l'Alberta ou du Nouveau-Brunswick. Mais le système est défaillant. Les politiciens peuvent faire et font exactement ce qu'ils veulent pour des raisons politiques plutôt que pour des raisons économiques ou pour le bien-être de tout le pays. Alors, il y a des problèmes relatifs à ce système. Je vous demande, comme citoyens locaux, ce que vous feriez pour améliorer la situation sans faire éclater une révolution.
M. Deschambault: On ne peut pas changer du jour au lendemain la structure gouvernementale en place et la structure des politiciens. Par contre, on devrait voir à ce qu'un politicien se limite à faire de la politique et non de l'ingérence économique. Quand on mêle la politique et l'économie, ça devient irrationnel et ce ne sont sûrement pas les meilleures décisions qui en ressortent.
Mme Brien: J'aimerais ajouter quelque chose aux propos de M. Ringma, qui parlait quasiment d'inventer un insecticide politique. Je ne suis pas sûre que le problème soit vraiment là. Nos politiciens nous écoutent, mais est-ce qu'ils peuvent faire quelque chose avec ce qu'on leur dit? Ça, c'est une autre question. En général, les politiciens sont des gens très sympathiques et bien intentionnés, mais en cours de route il semble que leur marge de manoeuvre soit très réduite.
S'il y a un sujet que je remettrais actuellement en question si le fédéral songe vraiment à une restructuration ou à une réforme, ce serait le pouvoir confié aux fonctionnaires. Je pense qu'il y a là de grands enjeux auxquels nos politiciens sont tenus de s'ajuster et peut-être trop. Je ne suis pas certaine que nos politiciens dirigent tant que ça. C'est un message.
M. Ringma: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Je voudrais parler du libre-échange, surtout en ce qui concerne le bois d'oeuvre. Je ne suis pas expert en la matière, mais je sais qu'en tout domaine où l'on a des rapports avec un autre pays il y a toujours des tiraillements et des compromis.
Dans nos rapports avec les États-Unis pour le commerce du bois d'oeuvre et de certains produits agricoles comme le porc et le lait, les États-Unis ont à certaines reprises demandé au tribunal de trancher sur certaines de nos pratiques commerciales. Le Canada a toujours eu gain de cause. Nous avons eu gain de cause pour le porc. Nous avons gagné le premier conflit portant sur le bois d'oeuvre. Nous avons jusqu'ici eu gain de cause pour les produits laitiers. Nous savons cependant que, parce que les États-Unis sont une grande nation commerçante qui envisage le commerce d'une certaine façon, il y aura toujours des problèmes dans nos rapports avec eux.
Je dois dire à la décharge du ministère qui a négocié l'entente sur le bois d'oeuvre la dernière fois que les États-Unis avaient accepté qu'il y ait une période de paix relative de cinq ans entre nos deux pays à ce sujet.
Je veux dire par là qu'en ce qui concerne ces questions, aussi difficiles qu'elles soient - et parfois elles ont des répercussions locales - il faut toujours faire des compromis. À mon avis, il faudrait envisager ce qui se serait passé s'il n'y avait pas d'accord de libre-échange ou si l'ALENA n'avait pas été conclu. Les États-Unis, qui sont devenus très protectionnistes, auraient réduit la plupart de nos exportations de bois d'oeuvre.
Ainsi donc, nous sommes toujours confrontés à ce problème, qui évolue sans cesse. Je ne pense pas qu'on puisse jamais le régler, car le Canada, plus que tout autre pays dans le monde, est tributaire du commerce. À l'inverse, le géant américain dispose d'un pouvoir énorme qu'il pourrait exercer si nous n'avions pas une entente quelconque et des moyens de régler les éventuels différents.
Nous sommes très sensibles à la question du bois d'oeuvre, croyez-moi. Mais je n'ose pas imaginer ce qui se passerait si nous n'avions pas conclu d'accord avec les Américains.
[Français]
M. Deschambault: Je n'ai pas de boule de cristal qui puisse m'indiquer quels auraient été les impacts en présence ou en l'absence d'un libre-échange. Il faut vivre avec le libre-échange comme tel. Mon intervention sur le bois d'oeuvre portait sur le fait qu'il y a quelques années, les compagnies forestières déboursaient des frais pour exporter du bois d'oeuvre. Elles ont par la suite eu gain de cause et eu droit à des remboursements. On croyait que le dossier était réglé quand, quelques années plus tard, le gouvernement américain est revenu avec la notion des quotas pour le bois d'oeuvre.
On avait précédemment consenti à un règlement et deux ou trois ans plus tard, on est revenu au même système. Qu'est-ce qui se passe? Est-ce que le gouvernement fédéral a fait ses devoirs? L'autre élément dont je parlais à M. Ringma au niveau de l'assurance entre l'économie et la politique portait sur l'établissement des quotas.
Les trois principaux pôles étaient la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec. De fortes pressions politiques ont été exercées au niveau de la répartition des quotas. Normalement, le Québec et l'Ontario auraient dû sortir gagnants de cet échange, plutôt que la Colombie-Britannique comme ce fut le cas. L'Ontario et le Québec avaient fait leurs preuves en matière de développement et de productivité comparativement à la Colombie-Britannique. Et pourtant, c'est la Colombie-Britannique qui est sortie gagnante.
Cette situation me donne matière à réflexion, à savoir que c'est la politique qui a joué dans ce dossier et non pas l'économie.
Je pourrais vous donner un exemple bien précis au niveau des quotas. On me confirme que le quota annuel que l'on attendait de mois en mois vient d'être divulgué.
Une de nos compagnies ici en Abitibi a une cour toute pleine parce qu'elle a déjà dépassé son quota. Elle attendait son quota. Au lieu de réaliser des profits de l'ordre de 100 000$ au cours du trimestre, elle subit des pertes de 10 000$. Cette situation crée une très grande incertitude économique pour cette entreprise et pour son banquier.
Les grosses compagnies et les multinationales n'y voient peut-être pas de problèmes parce qu'elles peuvent faire des valeurs ajoutées et contourner d'une façon très élégante le processus. Mais à plus petite échelle, pour d'autres entreprises locales - et je parle ici des entreprises de ma région - il peut y avoir un impact assez majeur sur leur économie.
[Traduction]
M. Reed: Nous en sommes tout à fait conscients.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Je voudrais revenir à la consultation que vous avez mentionnée dans votre exposé. Je tiens à vous assurer que le gouvernement du Canada, dans le cadre du processus actuel relatif au développement économique rural... découlant du discours du Trône dans lequel le premier ministre s'est clairement engagé en faveur du renouveau économique des régions rurales du Canada. Tel est l'objet du processus.
Pendant trois années d'affilée, le Canada a été proclamé le meilleur pays du monde quant à la qualité de vie. Nous devons cette réputation, ne serait-ce qu'en partie, à nos compatriotes des régions rurales.
À votre avis, qu'est-ce que le gouvernement doit faire pour améliorer sensiblement la qualité de vie dans les régions rurales du pays? Doit-il améliorer l'infrastructure? Doit-il apporter de la valeur ajoutée? Dites-nous ce que vous en pensez, s'il vous plaît.
[Français]
M. Deschambault: Je crois que le gouvernement fédéral devrait redistribuer sa richesse en termes de savoir, de fonctionnarisme et de bureaucratie vers les régions où justement se fait le développement des ressources naturelles.
Il important de ramener vers les régions les centres de recherche et autres ou des services gouvernementaux qui sont actuellement situés dans les grandes régions comme Montréal, Ottawa et Toronto. Il est très difficile d'avoir une écoute ou d'entretenir de meilleures communications avec les régions.
Il y aurait sûrement des avantages pour les deux côtés à ce que ces ressources soient transférées aux régions, où se fait justement le développement des ressources naturelles.
[Traduction]
Mme Cowling: Par exemple, faudrait-il des incitatifs fiscaux pour promouvoir ce processus? Que devrions-nous faire dans ce sens?
[Français]
M. Deschambault: Je crois que les mesures incitatives fiscales pourraient être un élément, mais à la lumière de ce que nous avons déjà vécu, de par leur nature, elles semblent venir et repartir. Elles n'ont pas habituellement une durée de vie très longue.
Je crois que nous avons besoin d'une volonté politique qui reconnaisse que l'Abitibi-Témiscamingue a une expertise dans le domaine minier et qui décide d'aller développer les mines dans cette région plutôt qu'à Ottawa, Montréal ou à Toronto. La même chose est vraie des autres secteurs d'activités, que ce soit le secteur agricole ou forestier. Il ne s'agit pas de dire aux multinationales et aux grosses compagnies qu'elles peuvent jouir de mesures incitatives pour faire de la recherche en Abitibi dans le domaine minier ou qu'on leur accordera des crédits supplémentaires. Oui, il peut paraître intéressant de le faire, mais l'expertise demeure quand même au niveau des fonctionnaires, des scientifiques du gouvernement qui restent actuellement avec un pied-à-terre à Ottawa ou dans un autre grand centre.
Il faut déménager les gens et les rapprocher des recherches comme celles de CANMET, qui en est un exemple à Val-d'Or. Cela démontre une volonté. C'est beaucoup plus proche de l'économie minière que si le développement se faisait à Ottawa. Cela pourrait se faire dans d'autres secteurs économiques tels l'agriculture, les forêts, etc..
Il faut une décision politique, une volonté politique pour faire changer le cours des choses, et non pas seulement des incitatifs fiscaux.
[Traduction]
Le président: J'ai quelques questions brèves concernant l'appui du gouvernement fédéral. Je veux comprendre quelque chose dans cette région et faire le lien avec d'autres régions, surtout en raison du fait que votre chambre de commerce défend essentiellement les intérêts des gens d'affaires, ce qui est normal.
La Banque de développement du Canada travaille-t-elle dans ce domaine et aide-t-elle vos membres?
[Français]
M. Deschambault: Oui. La Banque de développement du Canada a des bureaux à Rouyn-Noranda. Je suis comptable agréé pour une firme nationale et certains de mes clients font affaire avec la Banque de développement du Canada en ce qui a trait à différents dossiers.
La Banque de développement du Canada est une banque et, comme les autres banques, elle assume un certain risque financier. Elle a certains créneaux de nature bancaire. Dans certains cas, elle va être accessible et dans d'autres, moins. C'est une question de rendement de son portefeuille d'investissement. Je pense qu'elle gère ses choses au même titre qu'une autre banque et c'est tout à fait correct, mais elle est présente dans le milieu.
[Traduction]
Le président: Les sociétés d'aide au développement des collectivités travaillent-elles dans ce domaine? Accordent-elles des petits prêts de 75 000$ et moins...
[Français]
M. Deschambault: Oui, les SADC sont très présentes et ont beaucoup d'actifs. À Amos, elles ont un bon actif et à Senneterre, un très gros actif. Elles sont très impliquées dans le milieu et je pense qu'elles vont prendre un essor important.
Elles auraient avantage, étant donné la limite de 75 000$ par prêt par entreprise, à augmenter la valeur de leurs prêts en faisant un genre de joint venture avec les SADC et en prenant un plus gros risque. Cela pourrait peut-être améliorer certains projets que, bien souvent, une banque traditionnelle ne financera pas à cause du risque. Cela aurait pour effet d'améliorer le développement économique de la région.
Le BFDR(Q), le Bureau fédéral de développement régional (Québec), comme tout autre organisme gouvernemental, va subir ou est en train de subir différentes coupures budgétaires. Le bureau est quand même très actif en région. À Val-d'Or, si je ne m'abuse, il sera le seul bureau fédéral. Je pense qu'il est important de le conserver.
Quelques petites coupures s'en viennent très bientôt, mais je pense que son implication est très importante et il serait malheureux ou désavantageux pour la région que ce bureau quitte pour des régions comme Ottawa ou Montréal. Cela limiterait son intervention en région et limiterait son écoute à la région. Je pense que c'est important qu'il soit situé à Val-d'Or. C'est tout ce qui va rester. Donc on espère au moins le garder pour qu'il soit vraiment proche des investisseurs et des différents projets en région.
[Traduction]
Le président: La Chambre de commerce de Val-d'Or offre une perspective que j'appuie, car je crois à l'importance de la participation du gouvernement fédéral au développement rural. Cela me tient beaucoup à coeur. Cependant, je dois dire que le témoignage de votre chambre de commerce est différent de ceux des autres chambres de commerce ailleurs au pays, qui estiment que la participation du gouvernement doit être réduite ou nulle, s'il y a lieu.
Il est intéressant de voir que votre organisation a une vue très différente, ou assez différente, de l'importance d'une présence fédérale, et peut-être même provinciale, dans les régions.
[Français]
M. Deschambault: Oui, notre position est beaucoup plus régionale, beaucoup plus locale, parce que je crois qu'il est important d'avoir des liens avec nos gouvernements sur différents points, comparativement à la Chambre de commerce de Montréal, qui est déjà directement reliée au gouvernement. Donc, la communication se fait très rapidement. C'est plus ou moins important qu'elle soit là. La porte leur est déjà ouverte.
Prenons, par exemple, les tarifs aériens. Je vais revenir là-dessus. Il y avait un consensus de toutes les régions pour faire front commun en vue de la baisse des tarifs et de l'intervention du gouvernement dans ce dossier-là. Montréal n'avait aucun intérêt à en faire partie. C'était même une épine dans le pied pour eux. On n'a pas eu l'appui direct de la Chambre de commerce du Québec ou de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Mme Brien: En fait, M. Deschambault veut expliquer qu'il y a eu une coalition des chambres de commerce régionales, et c'est très représentatif de ce qui se passe sur d'autres scènes politiques. Les régions ont une vision nettement différente de ce qui se passe dans les grands centres, et c'est vrai aussi dans le mouvement des chambres de commerce.
Jusqu'à tout récemment, on visait encore des différences de prises de position par les chambres de commerce du Québec et du Canada dans de grands dossiers d'enjeux nationaux, pour la simple et bonne raison que, dans les régions, on ne vit pas la même réalité que dans les grands centres.
Les tarifs aériens en sont peut-être le meilleur exemple. Si vous souhaitez avoir l'étude, nous pourrions vous l'acheminer. Il s'agit d'une étude pancanadienne qui démontre que ce sont toutes les régions du Canada qui subventionnent les billets d'avions pour les passagers vacanciers qui vont à l'extérieur du Canada. Quand on arrive avec une équation comme celle-là, c'est faramineux, les millions de dollars que cela représente.
Cependant, je vous assure que, compte tenu des intérêts qui sont visés, il est évident qu'on n'a pas réussi à obtenir l'appui des grands lobbys du pouvoir. C'est malheureux, mais c'est un fait. Peut-être que c'est à ce niveau-là que le gouvernement pourrait épauler certaines décisions s'il y avait nécessité d'une intervention objective et constructive.
[Traduction]
Le président: Je suis tout à fait d'accord en ce qui concerne les billets d'avion. Ma femme et moi, nous payons le même montant pour un voyage à Londres, en Angleterre, que pour un voyage aller et retour à Sudbury. Par conséquent, nous avons exactement le même problème dans le nord de l'Ontario.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Je vous remercie, monsieur Deschambault et madame Brien, d'être venus. Je laisserai parler mes collègues, parce que je connais beaucoup ma région. J'espère qu'ils pourront connaître nos besoins.
Un élément revient souvent. Je pense que François Lemieux en a parlé aussi. Il a parlé de communications, lorsqu'on essaie de se débattre pour les bureaux de postes ruraux, lorsqu'on essaie de rejoindre quelqu'un au CN. Comme il le disait, comment voulez-vous qu'on se retrouve, qu'il y ait un sentiment de sécurité lorsqu'on n'est plus capable de rejoindre qui que ce soit et que personne n'est responsable? Naturellement, j'essaie de souligner un passage important de chaque intervenant.
Votre intervention visait-elle à obtenir une accessibilité de la communication avec les décideurs? C'est peut-être ce que veulent les régions pour qu'on puisse faire nos démarches dans le but d'en arriver à quelque chose qui est bon pour notre région.
M. Deschambault: Je crois que cela va plus loin qu'un simple lien de communication. On peut favoriser un lien de communication, mais si les gens ne se déplacent pas pour voir la réalité des régions, cela devient un problème.
Je peux vous citer un exemple concret, que je vis avec les fonctionnaires fédéraux au niveau du ministère du Revenu. Lorsque vient le temps de capitaliser ou de ne pas capitaliser une dépense, ils n'ont jamais vu une machine forestière.
Donc, ils n'ont aucun intérêt à savoir si ce sera une dépense ou de la capitalisation. C'est un exemple très simple. Si les fonctionnaires ministériels ne se déplacent pas en région ou n'instaurent pas un processus de visionnement des régions autre que celui de leurs bureaux, on va toujours avoir le même problème de communication, même si on dégage des lignes 1-800 sur le réseau téléphonique.
M. Deshaies: Donc, on essaierait d'oublier les lignes 1-800 pour une présence sur place. Dans les régions, c'est ce qu'on attend.
M. Deschambault: Je crois que la présence sur place est importante en fonction des sphères d'activités que développe chacune des régions. Ici, on parle de mines et forêts. Donc, le ministère responsable des mines et des forêts devrait être au moins sur place, dans notre territoire. Au lieu de devoir faire nos valises pour nous rendre à Ottawa afin de faire nos représentations, c'est l'inverse qui devrait se produire.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu témoigner.
Le témoin suivant représente l'Association touristique régionale. Bienvenue, monsieur Laliberté. Veuillez présenter votre exposé liminaire avant de répondre aux questions des membres du comité.
[Français]
M. Louis Laliberté (directeur général, Association touristique régionale): Je m'appelle Louis Laliberté. Comme vous le savez, je suis directeur général de l'Association touristique régionale de l'Abitibi-Témiscamingue. Je vais vous brosser un tableau de l'industrie touristique en tant que nouvel outil de développement rural pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
L'Abitibi-Témiscamingue est la benjamine des régions et son histoire est étroitement reliée au développement de ses ressources naturelles. La forêt, les mines, l'agriculture, voilà quelles étaient jadis les fers de lance de notre économie régionale. Si ces trois industries continuent à jouer leur important rôle aujourd'hui, il y en a une qui pointe depuis peu. Vous avez compris, bien sûr, que je parle ici de l'industrie touristique.
La région de l'Abitibi-Témiscamingue s'est dotée récemment d'un plan de développement stratégique de son industrie touristique. Je me permets de vous dresser aujourd'hui un portrait sommaire et de vous indiquer comment nous sommes convaincus que l'industrie touristique est une avenue de diversification de l'économie, non seulement intéressante, mais aussi prometteuse pour la région. Vous trouverez, en annexe de la copie du mémoire que j'ai remis, une version abrégée de notre plan de développement.
Lorsque nous avons complété le diagnostic de l'industrie, nous avons constaté que le tourisme est une activité qui, chez nous, est au stade de l'émergence. Cet état se manifeste par trois problématiques, entre autres par le fait que la conception du produit touristique régional reste inachevée. Bien que la région dispose d'attraits naturels dignes d'intérêt sur le plan touristique, cette matière première n'est pas organisée et présentée sous une forme que le client touristique peut consommer.
Cette première constatation, à elle seule, nous ouvrait une panoplie de possibilités, puisque parmi les tendances lourdes en tourisme mondial, il nous faut reconnaître la croissance constante de la demande pour des expériences liées à la nature et à la découverte de grands espaces.
Il est aussi une deuxième tendance majeure significative, soit celle concernant la recherche de contacts authentiques avec le milieu visité. Ces deux tendances, liées au diagnostic de l'industrie, nous ont donc permis de positionner les axes de développement de notre industrie de la façon suivante: nature, culture, activité. Découlant de ces axes, cinq produits touristiques ont été identifiés; ils sont le séjour en pourvoirie, l'aventure, la motoneige, les événements et, enfin, les circuits.
Comme le temps file rapidement, monsieur le président, je me permets maintenant de faire le lien avec l'étude de votre comité.
L'Abitibi-Témiscamingue, c'est 116 500 kilomètres carrés de territoire et quelque 100 000 lacs et rivières, pour une population de 155 000 habitants. Ces statistiques, qui sont aussi notre réalité et notre histoire, nous positionnent de façon particulièrement avantageuse pour répondre à la demande de destinations nature et grands espaces.
Enfin, la capacité d'accueil et de contact authentique n'est plus à prouver. C'est donc dire que, pour l'industrie touristique régionale, l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler le secteur des ressources naturelles est d'une importance cruciale.
Si je vous dis que sans la forêt et nos lacs, il ne saurait y avoir de chasse et de pêche, et encore moins de séjours en pourvoirie, je ne vous apprends certainement rien. Par contre, si je vous dis que, sans l'industrie minière, forestière et agroalimentaire, il ne saurait y avoir de circuits touristiques, miniers ou forestiers, de visites industrielles, de sites touristiques comme la Cité de l'or ou encore de visites de fermes, etc., que direz-vous?
Voilà, monsieur le président, toute l'importance des ressources naturelles pour l'industrie touristique régionale. Elle ne vient pas seulement, par exemple, de l'arbre, mais aussi de sa transformation et de l'histoire de sa transformation. Notre discours ne va donc pas à l'encontre du développement et de l'exploitation des ressources naturelles de la région. Nous croyons plutôt qu'il vient compléter le développement et l'exploitation de ces ressources.
Concrètement, une industrie touristique régionale en développement vient stimuler le milieu rural et l'aide à se prendre en charge par la mise sur pied de projets touristiques qui le concernent et qu'il a la capacité de bâtir et de gérer. L'industrie touristique n'est pas cyclique. Elle a la capacité de développer des produits destinés aux quatre saisons. La formation en tourisme est peu dispendieuse, et la mise de fonds nécessaire au démarrage de projets est relativement modeste.
La situation peut vous paraître, somme toute, plutôt rose, mais il y a encore des embûches à surmonter. Afin que l'industrie touristique puisse pleinement jouer son rôle et permettre une saine diversification de l'économie rurale, deux points majeurs doivent être pris en considération.
Premièrement, il est important que les promoteurs ruraux puissent accéder à des capitaux afin de voir naître leurs projets. Présentement, le manque de connaissances face à l'industrie touristique a pour effet de rendre le marché financier sceptique et craintif face aux projets touristiques.
Enfin, et on ne le dira jamais assez, il est primordial de s'assurer d'un développement convenable des ressources humaines afin d'outiller les promoteurs et de leur donner toutes les chances de succès. Toute action permettant d'aplanir ces difficultés, ou encore susceptible de créer des conditions favorables à l'aplanissement, serait certainement un pas dans la bonne direction.
Permettez-moi, monsieur le président, de vous remercier de nous avoir permis d'exposer notre pensée. Nous serons, bien sûr, disponibles pour vos questions.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma: Monsieur Laliberté, merci.
De plus en plus, les grands espaces du Canada sont attrayants pour les gens des autres pays. Qu'ils soient de l'Allemagne ou du Japon, ils sont réellement attirés par ce que nous avons chez nous et que nous considérons naturel.
Dans votre secteur, est-ce que vous recevez maintenant les touristes d'outre-mer, et sinon, pourquoi pas? Est-ce que c'est la faute du gouvernement, fédéral ou provincial? Qu'est-ce qu'il faut faire pour encourager les activités?
M. Laliberté: Pour vous dresser un tableau très rapide de la fréquentation touristique de la région, 95 p. 100 de notre clientèle touristique provient de la province de Québec, quelque 8 à10 p. 100 du Canada et, bien sûr, on a un pourcentage qui provient de divers pays. Mis à part les États-Unis, les touristes d'outre-mer qui viennent chez nous proviennent surtout de la France.
Il est intéressant que vous ayez mentionné tout à l'heure l'Allemagne et le Japon, car on sait très bien que ce sont là deux marchés qui ont été identifiés, entre autres à la Commission canadienne du tourisme, comme étant des marchés sur lesquels ont doit travailler très fortement. Et peut-être encore là vous avez un petit schisme, car chez nous, l'Allemagne n'est pas un marché prioritaire et le Japon non plus.
Pour vous donner un exemple et pour compléter mon pourcentage, on parle de 1 p. 100 de notre fréquentation touristique qui provient de la France. Et pourtant, plusieurs personnes remarquent un nombre de plus en plus croissant de touristes français. Tout le monde trouve cela merveilleux, et on est prêts à en accueillir d'autres, c'est évident.
Par contre, on n'a pas encore commencé à travailler des marchés comme l'Allemagne ou le Japon. Alors, nous allons nous concentrer sur des marchés qui sont plus proches géographiquement et qui nous sont déjà, en partie, acquis. Je vais vous donner, par ordre de priorité pour nous, les marchés géographiques sur lesquels nous travaillons.
Il y a le Québec, dans un premier temps; l'Ontario, dans un deuxième temps, puisque nous sommes très proches de la frontière ontarienne; dans un troisième temps, les États-Unis, et ici, on parle surtout d'États comme l'Ohio et la Pennsylvanie; et dans un quatrième temps, la France.
Vous pouvez constater que l'on ne s'est pas du tout occupés de l'Allemagne ni du Japon. Ce n'est pas parce que l'on considère que ce ne sont pas des marchés intéressants, mais parce que la relative jeunesse de la région et le peu de capital disponible ne nous permettent pas toujours de faire de la mise en marché sur ces marchés extérieurs qui, sachez-le, sont très onéreux. Je reçois les bulletins de la CCT, la Commission canadienne du tourisme, et on en discute avec d'autres collègues d'autres régions. Pour être à la table à la CCT, il faut beaucoup de dollars, et ce n'est pas à la portée de toutes les bourses.
D'autres régions ont peut-être des intervenants comme Intrawest qui peuvent se permettre d'aller siéger auprès de ces gens-là et de mettre des 50 000$, 75 000$ ou 100 000$. Cent mille dollars, c'est l'ensemble de ce que toute la région, présentement, dépense en efforts de promotion par année, tous marchés géographiques confondus et tous produits confondus.
Alors, vous voyez qu'il y a une inadéquation entre ce qu'il nous est possible de faire et ce qu'il faut pour embarquer dans la cour des grands, to play with the big boys. Nous ne sommes peut-être pas encore rendus là au niveau de l'âge et au niveau de la capacité financière.
Est-ce que je réponds à votre question?
M. Ringma: Oui.
Je vois sur l'enseigne dehors: «Bienvenue, chasseurs: caribou, orignal». Parfait. Cela attire certaines gens. Chez moi, en Colombie-Britannique, il y a un petit village le long du chemin. Ils ont perdu l'industrie complètement. Ils ont décidé qu'ils allaient faire quelque chose pour attirer les touristes. Ils ont fait de grandes peintures murales un peu partout. Cela a pris des années. Ils ont fait cela réellement sans argent. Mais ils l'ont fait si adéquatement qu'ils ont commencé à attirer l'attention des autres. Maintenant, c'est visité toute l'année par des gens venus de toutes parts. C'est seulement après, je crois, qu'ils ont eu le soutien du gouvernement provincial et peut-être même un peu du fédéral. Ils ont fait cela d'eux-mêmes.
Je crois que vous avez beaucoup ici, pas seulement les caribous, l'orignal, mais les espaces ouverts, l'air frais, de l'eau parfaite, sans chlore. C'est quelque chose! Vous avez la base, c'est certain. Et s'il y a des moyens pour les gouvernements de vous aider, j'espère qu'ils vont le faire. Mais vous avez certainement la base pour bâtir votre industrie.
[Traduction]
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Merci, monsieur le président.
Dans votre exposé liminaire, vous avez fait une observation des plus intéressantes sur la compatibilité entre le tourisme, les mines, l'agriculture et la foresterie - des activités historiques dans votre région. J'aimerais qu'un jour, vous communiquiez votre message à tous ceux qui travaillent pour le gouvernement car l'un de nos défis consiste à convaincre des citoyens, surtout ceux des villes, que ces activités peuvent être compatibles, et que pour profiter des grands espaces, il ne faut pas nécessairement être totalement préservationniste. Je vous remercie donc pour ces observations. Elles sont très bien reçues.
À l'évidence, votre budget est limité et vous avez dû établir des priorités en ce qui concerne les clientèles que vous ciblez. Demandez-vous au gouvernement provincial ou au gouvernement du Canada de vous aider, par exemple, à communiquer votre message dans leurs publications destinées à d'autres régions du monde? Le faites-vous?
M. Laliberté: Oui, monsieur le président. Nous travaillons en collaboration avec les gouvernements provincial et fédéral. Dans la mesure du possible, nous essayons de faire diffuser notre message dans leurs brochures. Cela n'est pas toujours facile, car du point de vue des gouvernements, notre message est assez pointu ou limité. Nous représentons une petite partie du pays, si vous voulez, alors que dans leurs brochures, les gouvernements veulent donner un aperçu général du Canada ou du Québec. Il nous est difficile de dire que nous avons de grands espaces quand les gens du nord-est ou du nord-ouest de l'Ontario pourraient dire la même chose. Quelle est la différence?
Ainsi donc, nous essayons de communiquer ce message en faisant ressortir ce qui nous distingue, mais ce n'est pas toujours facile.
Pour revenir à ce que vous avez dit au sujet des forêts et des mines, vous remarquerez que je n'ai pas dit que c'était toujours facile. Néanmoins, cela peut être fait.
M. Reed: Évidemment. Cependant, le fait que vous adoptiez une démarche pragmatique signifie que vous trouvez des moyens de travailler ensemble.
M. Laliberté: En fait, c'était un pur hasard. Les gens nous disaient qu'ils aimeraient bien visiter une mine, car ils n'en avaient jamais vu. Bien des gens ont commencé à y réfléchir et à se demander pourquoi pas. Si nous ne posons pas la question, nous n'aurons jamais de réponse.
C'est donc ainsi que nous avons débuté. Je dois dire que le processus a été long. Je pense que, pour une fois, cette région est plus avancée que beaucoup d'autres au Québec et au Canada.
M. Reed: La plupart des industries vous ont-elles appuyés?
M. Laliberté: Dans mon mémoire, j'ai parlé d'un projet appelé la Cité de l'or, qui a été lancé à Val d'Or, et qui permet au touriste de descendre à 264 pieds sous terre pour visiter une ancienne mine d'or qui a fonctionné jusqu'en 1985.
Ce projet a été financé par les gouvernements, bien entendu, mais aussi par l'industrie minière. Nous avons estimé que c'était un bon projet parce que nous avons un passé, nous avons une histoire, et nous pouvons dire de bonnes choses de l'industrie minière, comme nous pouvons dire de bonnes choses de l'industrie forestière.
M. Reed: Je ne veux pas insister trop longuement sur le sujet, mais je pense qu'il s'agit là d'un des moyens de concilier les régions rurales et urbaines du Canada. On a dit tout à l'heure que nous en sommes maintenant à la troisième génération de citadins qui ne connaissent pas l'agriculture ni le mode de vie agricole. À quelques rares exceptions près, les enfants de cette génération ont pratiquement perdu toute idée de la campagne. Pour eux, il s'agit d'un mythe.
En Ontario, on entend le terme «peuplement vieux», et l'on imagine le fermier portant une salopette et un chapeau de paille, et mâchant un morceau d'herbe. Ce mythe existe encore. Nous avons le grand défi de briser ce mythe, car ce n'est qu'à ce moment-là que les gens accepteront et comprendront l'importance des mines, des forêts, etc..
Je pense donc que vous êtes sur la bonne voie.
M. Laliberté: Monsieur le député, ce que vous dites là comporte un risque. Je me ferai l'écho de M. Deschambault, qui a comparu avant moi, quand il a dit que nous avons les connaissances et le savoir-faire nécessaires. Nous assistons à l'émergence d'un phénomène autour des grandes villes: on est en train de recréer l'agriculteur et les grands espaces, apparemment parce que les gens ne veulent pas se déplacer, parce que c'est plus pratique et que sais-je encore, et puis, il faut le dire, c'est là que se trouve la population.
C'est bien beau. Nous pouvons trouver toutes sortes d'excuses. Je pense donc qu'il y a un risque à ce niveau.
Je comprends votre point de vue. Comme l'a dit M. Deschambault, cela nous ramène à cette région. Nous avons l'expertise. Nous ne sommes pas obligés de recréer le milieu, nous l'avons pour de vrai.
M. Reed: Vous avez tout ce qu'il faut. Je vous remercie.
Le président: Monsieur Laliberté, l'industrie de la motoneige est-elle présente dans cette région du Québec? Misez-vous sur elle pour promouvoir le tourisme?
M. Laliberté: Oui, elle est présente. Nous avons plus de 3 000 kilomètres de pistes de motoneige dans la région, ce qui fait de nous la plus grande région de la province de Québec à cet égard. Nous avons aussi la plus forte proportion de motoneigistes par habitant dans la province de Québec, avec 9 000 membres appartenant à 12 clubs. Depuis deux ans, je siège au Conseil régional du tourisme, et il y a deux ans, ce n'était pas pareil. En tant que région, nous développons le marché de la motoneige depuis quatre ans, et les résultats sont extraordinaires; ce secteur a progressé à pas de géant.
Chaque hiver, le climat est excellent: nous avons beaucoup de neige pendant plus longtemps. Par conséquent, nous en profitons; c'est l'un de nos points forts.
Chaque hiver, nous recevons de plus en plus de visiteurs venant des États-Unis, de l'Ontario, de la province de Québec, et même beaucoup de touristes français qui n'ont jamais chevauché ce qu'ils appellent «un scooter des neiges»; ils utilisent la motoneige pour la première fois et ils adorent l'expérience. Dans quelques années, nous aurons du mal à déterminer, entre l'été et l'hiver, la meilleure saison touristique. En tout cas, j'aimerais bien être confronté à ce choix.
Le président: Avez-vous reçu une aide fédérale ou provinciale pour créer ou entretenir vos pistes de motoneige?
M. Laliberté: Voici comment nous entretenons le réseau de pistes. Lorsque les motoneigistes obtiennent leur permis, ils paient des droits ou des frais au gouvernement provincial; celui-ci les verse à l'Association provinciale des motoneigistes qui, à son tour, les répartit entre les clubs selon le nombre de kilomètres de pistes qu'ils doivent entretenir.
Monsieur le président, je dois vous signaler que ces 3 000 kilomètres de pistes dans la région sont entretenus par des bénévoles qui ne sont pas payés et qui le font pour le plaisir. Cependant, les clubs reçoivent effectivement un peu d'argent en retour, ce qui les aide à acheter les machines et à assumer le coût de l'entretien; mais cet argent ne couvre pas - et j'insiste là-dessus - toutes les dépenses. En effet, les clubs reçoivent peut-être 55 ou 57$ par an par kilomètre de piste, alors que l'entretien coûte 300$ par saison. Il y a donc un grand écart.
Le président: À votre avis, les entreprises touristiques de cette région ont-elles du mal à accéder aux capitaux?
M. Laliberté: Oui, et je l'ai mentionné dans le mémoire, car c'est l'une des conséquences de l'ancienne structure de notre économie. En effet, dans la région, tous les intervenants du secteur financier sont assez capables d'apprécier un projet dans les domaines forestier, minier ou agroalimentaire, par exemple, mais quand il s'agit d'un projet touristique, ils sont un peu déroutés parce qu'ils ne connaissent pas notre secteur.
Nous déployons de grands efforts pour faire connaître cette jeune industrie et faire d'elle la quatrième patte de la table pour ainsi dire. Mais ce n'est pas toujours facile, et nous serions heureux de pouvoir compter sur l'aide du gouvernement fédéral pour diffuser l'information, recueillir des données statistiques ou économiques et les transmettre au marché financier. Je suis certain qu'il en va de même dans tout le Canada - il faut que tous les intervenants du marché financier connaissent l'industrie du tourisme et aient confiance en sa valeur; c'est une industrie qui fonctionne bien.
Le président: Une dernière question. La Commission canadienne du tourisme vous est-elle de quelque utilité dans la région?
M. Laliberté: Elle est distante. C'est une bonne source d'informations; c'est une véritable mine d'informations. Malheureusement, entre 80 et 85 p. 100 de celles-ci ne s'appliquent pas à nous et cela pour deux grandes raisons. Ses intérêts ne sont pas les nôtres. Quand nous parcourons toute la documentation - et je la reçois depuis quelque temps déjà - je note qu'on y met l'accent sur les problèmes de la région de l'ouest du Canada et qu'on met peu l'accent sur les problèmes auxquels nous nous heurtons au Québec ou dans l'Est.
C'est l'une des raisons, mais il y a aussi tout l'aspect du marché lui-même. J'ai parlé du marché allemand. J'ai parlé du marché japonais. Le marché allemand n'est pas un marché que nous pouvons convoiter car, soyons réalistes - et rien de ce que je vais dire n'a de connotation politique - les Allemands ne parlent pas le français, ils parlent l'anglais. Ainsi, lorsqu'ils choisissent leur destination au Canada, ils préfèrent aller là où les gens parlent anglais, tandis que les Français choisissent une destination où la population parle français, ce qui est bien normal.
Mais à l'échelle nationale, quand une province dit: «Nous voudrions concentrer nos efforts sur la France, pas que l'Allemagne ne nous intéresse pas, mais c'est un pays moins intéressant pour nous», et que les neuf autres provinces disent: «L'Allemagne est le pays qui nous intéresse», on est un peu laissé de côté. Je le répète, je n'essaye pas de faire de déclaration politique ici, c'est un simple énoncé de la réalité, des faits. Ainsi, pour nous, en tant que région, la CCT c'est bien beau, c'est bien intéressant.
La deuxième raison, c'est que cela nous coûte trop cher. Nous ne sommes pas dans la même ligue. Quand on s'appelle Intrawest, je l'ai déjà dit, on peut mettre 75 000 ou 100 000$ dans la cagnotte et dire: «allez-y avec cette campagne de publicité, les gars». Il n'y a personne dans la région ici qui ait les moyens de faire cela.
Le président: Excellent commentaire. Je dirais cependant que cette question de la taille critique nécessaire pour traiter avec la CCT est un problème commun à tout le Canada rural.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Cela me fait plaisir que vous ayez parlé de l'intégration du monde touristique avec l'industrie. Quelqu'un me disait récemment, en parlant de l'industrie forestière, que le moulin à scie de M. Olivier, à Villemontel, est peut-être le seul à fonctionner à l'ancienne façon mécanisée, mais il fonctionne. On pourrait en faire faire une visite vivante.
Quel outil spécifique vous permettrait de remplacer les fonds non disponibles pour parler spécifiquement de notre région?
M. Laliberté: On ne s'est pas penchés particulièrement sur cette question-là. Il faudrait presque arriver à demander au gouvernement canadien s'il y a moyen, malgré le pourcentage de population que le Québec représente, malgré tout ce que l'on connaît, d'occuper une place plus prépondérante par rapport aux neuf autres provinces parce que, présentement, la majorité de la documentation, la majorité des marchés travaillés, tout se fait selon leur réalité.
Nous sommes en train de demander au gouvernement canadien, même s'il ne met pas d'argent, si, dans ses moyens, que ce soit par Internet ou d'autres moyens de mise en marché comme des CD-ROM, des brochures, des documents qu'il a déjà produits, il serait possible de nous accorder un peu plus de prépondérance, parce que nos marchés sont distincts et qu'on ne travaille pas de la même façon.
Ce serait peut-être un palliatif, mais il s'agit là d'une ébauche de réponse, monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Merci beaucoup.
M. Ringma: Dites-moi, est-ce que vous êtes sur l'Internet?
M. Laliberté: Oui, nous avons déjà un site et nous travaillons à la deuxième génération, c'est-à-dire à notre deuxième site.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Laliberté. Nous avons bien apprécié votre témoignage.
J'aimerais maintenant inviter notre prochain témoin du Conseil de développement régional d'Abitibi-Témiscamingue, André Brunet. Bienvenue. J'aimerais que vous fassiez votre exposé liminaire, après quoi nous passerons aux questions.
[Français]
M. André Brunet (président, Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue): Merci.
Je m'appelle André Brunet et je suis maire de cette belle ville où vous êtes actuellement. Je suis aussi président du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue et je sors d'un sommet sur l'économie et l'emploi qui a eu lieu à Montréal la semaine dernière, où je présidais un comité sur les régions et les municipalités.
J'ai donc tout fraîche à la mémoire une grande consultation que j'ai faite à la grandeur du Québec et qui m'amène à me positionner de façon peut-être différente. J'ai reçu tellement d'information ces derniers temps que j'ai forcément adopté une pensée différente au niveau du développement de l'économie et de l'emploi dans l'ensemble des régions du Québec.
Il faut toujours se rappeler que le Canada, dès les années 1970, a subi l'influence assez profonde d'un rapport qui avait été demandé par M. Trudeau à l'époque, qui est le rapport Higgins-Martin-Raynauld. Ce rapport, aujourd'hui encore, a une influence profonde sur le développement économique du Canada. Que disait ce rapport Higgins-Martin-Raynauld? Il y avait la théorie du grand cercle concentrique, à savoir développons les grands pôles au Canada et le reste va suivre.
C'était la belle théorie de l'époque, et on vit encore aujourd'hui avec les résidus de cette grande théorie qui a forcé le développement de grands pôles économiques que sont les grandes villes du Canada, et je vous dirai que le reste n'a pas nécessairement suivi.
Un autre grand principe a été mis de l'avant depuis les années 1970, le principe du développement égal, c'est-à-dire essayer de donner la même chance à l'ensemble des régions du Canada de mettre en place des mécanismes et des façons d'intervenir très égalitaires. On était dans une société très social-démocrate et on avait tendance à intervenir partout pour donner des chances à tout le monde. On a eu, à ce moment-là, la création du ministère de l'Expansion économique régionale qui, au fil des années, est devenu le BFDR(Q). Le principe était de dire qu'il faut agir partout, de façon égalitaire, pour que l'ensemble du Canada, dans le fond, prenne de l'expansion.
Ces deux grandes théories qui ont prévalu des années 1970 à nos jours doivent, à mon avis, être requestionnées, réexaminées, afin de voir si on ne peut pas regarder le développement de l'ensemble d'une façon différente. C'est le défi des années à venir, de voir s'il n'y a pas une nouvelle approche. Votre commission me permet ici aujourd'hui de vous donner un peu ma réflexion sur ce qui devrait à l'avenir nous servir de fondement quant à nos façons d'intervenir au niveau du développement, surtout dans la partie rurale.
Je dirais que les années à venir devraient être les années de l'initiative locale. Vous savez, les régions sont très différentes les unes des autres, qui s'agisse des régions de l'Ouest, qui sont des régions agricoles en grande partie, des régions de l'Est, qui sont des régions de pêche, ou des régions comme la nôtre, qui sont forestières, minières et en partie agricoles.
Dans l'ensemble de ces régions-là, il y a des leaders, mais il y a aussi des gens plein d'idées, d'intentions, de façons de faire du développement, et cette façon égalitaire a brimé ces gens-là de la façon suivante. Il y avait un programme et de l'argent, avec un mode d'emploi pour faire telle ou telle affaire. Si on ne s'inscrivait pas dans ce programme rigide, on n'avait pas voix au chapitre. On était comme exclus. Donc, on a souvent brimé des entrepreneurs.
On a souvent brimé des nouvelles façons de faire les choses parce qu'on les a mises dans une série de boîtes rigides; si on doit conserver les boîtes, essayons de les faire en caoutchouc pour être capables de les ajuster aux individus, si on doit conserver les programmes. Si toutefois on pouvait se passer de ces programmes d'intervention, je pense qu'on libérerait les idées créatrices et de nouvelles façons de faire.
Si le gouvernement veut toujours mettre de l'argent dans le développement, qu'il ne le mette pas dans des programmes et d'une façon égalitaire coast to coast au Canada, mais plutôt dans des outils. Qu'il donne des outils aux gens pour qu'eux-mêmes, à partir de ces outils, créent une nouvelle économie.
La technologie change énormément. Nous avons maintenant une ouverture sur le monde. Peu importe où on se trouve au monde, si on est raccordé à l'autoroute de l'information, on est au coeur du monde.
Je vous donnerai un exemple pour illustrer mon propos. Dans le coin de Rouyn, dans une petite municipalité de 200 habitants, dans le sous-sol d'une de ces maisons, il y a un serveur sur l'autoroute de l'information qui contient toutes les annonces des restaurants de Paris.
Il y a donc une entreprise à Paris qui recueille les menus des restaurants de la ville de Paris. Les restaurants payent un certain montant d'argent pour être sur ce serveur, et le serveur se trouve dans une petite municipalité de 200 habitants, à 40 kilomètres au sud de Rouyn.
Le serveur est dans le sous-sol de la maison, et les gens qui voyagent sur l'autoroute de l'information ne le savent pas du tout. Ils ont l'impression d'être dans Paris lorsqu'ils arrivent dans ce serveur, mais ils sont dans cette petite municipalité à 40 kilomètres au sud de Rouyn.
Avec l'autoroute de l'information, on est maintenant au coeur du monde si on est raccordé. Donc, l'économie va changer. On a eu, depuis une centaine d'années, une économie qui était basée sur le papier; parce qu'on s'échangeait du papier, on avait besoin de mettre les gens les uns à côté des autres.
Aujourd'hui, on s'échange des zéro et des un. On peut être n'importe où au monde pour s'échanger des zéro et des un. Il faut voir là une révolution qui va changer les tendances. Il faut donner les outils aux gens et laisser les gens prendre des initiatives et développer leur propre façon de faire de l'économie.
Les régions souvent ont été campées comme étant des pourvoyeurs de richesses naturelles. Les régions ne sont pas que des pourvoyeurs de richesses naturelles. Il y a d'autres choses que des richesses naturelles dans les régions.
Ici, à Amos, nous avons une jeune entreprise formée d'une vingtaine de jeunes ingénieurs en informatique et cette compagnie, qui s'appelle Syst-M, a mis au point l'automatisation des moulins à scie.
Leur expertise est tellement reconnue à travers le monde que leur dernier contrat était l'automatisation d'une scierie au Japon. Quand les gens d'Amos automatisent les usines du Japon, il y a là d'autres choses à exporter que de la «pitoune». On peut exporter de la connaissance, un savoir-faire et de la matière grise.
Arrêtez de camper les régions, les zones rurales comme étant strictement génératrices de matières premières; ce sont aussi des gens qui ont de l'imagination, qui ont de la créativité et qui sont capables d'exporter d'autres choses.
Je dis de laisser les initiatives aux gens, de leur donner des outils. Regardons un peu ce qui se passe actuellement au Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick a plus qu'une mission de pêche et d'agriculture; qu'on soit de Vancouver ou de Saint-Jean de Terre-Neuve, lorsqu'on appelle Eaton ou Simpson, ça répond au Nouveau-Brunswick. On ne le sait pas. C'est virtuel. Ces gens sont devenus le centre du monde, parce qu'ils ont réussi à s'y placer avec ces nouvelles technologies.
Il n'y a pas de petits villages, il n'y a pas de petites municipalités, il n'y a pas d'endroits au monde qui soient à plus d'un lien avec l'autoroute de l'information, avec les échanges de zéro et de un.
Cessez de camper les régions dans des rôles de pourvoyeurs de richesses naturelles; permettez-leur, par des outils, de faire des développements importants et libérez-les d'une espèce de modèle national. Vous allez voir que, de ces régions-là, il sortira des développements économiques importants.
Vous parlez beaucoup d'agriculture et d'outils. On avait ici, en Abitibi, une agriculture qui avait de la difficulté à prendre de l'expansion. Il y a eu à Kapuskasing un centre de recherche canadien en agriculture qui faisait de la recherche sur l'agriculture nordique. Ce centre de recherche de Kapuskasing qui, vu d'Ottawa, pouvait peut-être sembler insignifiant, a été l'innovateur le plus fort dans les changements au niveau de l'agriculture.
Promenez-vous en Abitibi et vous verrez que toute l'agriculture a subi l'effet des recherches de ce centre. Il n'y a plus une ferme aujourd'hui qui ne fonctionne pas avec les grands principes qui ont été émis par ce centre de recherche. Il y avait là une créativité et on a fait des inventions tout à fait extraordinaires, des innovations dans le monde de l'agriculture. Vous pourrez voir le long des routes, à peu près partout maintenant, les récoltes qui sont mises dans des sacs de plastique, qu'ils soient blancs, verts, etc.. Et ça vient d'où? Ça vient de ce centre de recherche qui a mis ça au point. Tout le procédé pour nourrir les bêtes vient de ce centre de recherche.
Lorsque ce centre de recherche a été fermé, tout le monde de l'agriculture a arrêté d'évoluer. Je trouve qu'il y a là un outil important. S'il vous reste de l'argent, mettez-le dans des choses comme ça. Ne fermez pas des centres de recherche qui font évoluer tout un domaine de l'économie.
Lorsqu'on parle d'outils, on parle possiblement de fonds nouveaux. Je ne sais pas si c'est la venue d'une élection qui fait que vous trouvez des fonds nouveaux, mais s'il y a des fonds nouveaux, mettez-les dans des outils. L'inforoute en est un; qui dit nouvelles technologies dit centres de recherche. Je viens de donner des exemples de la très grande influence de ce centre de recherche. Je vous signalerai qu'il existe en Abitibi-Témiscamingue, au niveau de l'Université du Québec en région, des centres de recherche, que ce soit dans le monde forestier ou dans le monde minier, où il s'est fait, avec très peu de moyens, des découvertes importantes qui ont eu une influence majeure sur le monde minier et sur le monde forestier.
Si le gouvernement veut être utile à quelque chose, qu'il laisse les gens prendre les initiatives, qu'il leur donne des outils au niveau de la recherche de nouvelles façons de faire les choses.
Ce centre de recherche de l'Université du Québec est un centre de recherche qui est collé sur une réalité. Ce ne sont pas des gens déconnectés, mais des gens collés sur le monde forestier, sur le monde minier. Leurs recherches, ils les font coller à cette réalité des gens de la région. Je pense à toutes les découvertes qu'ils ont faites au niveau environnemental. Il y a là une mine pour exporter une technologie à travers le monde. Il y a des pays à dépolluer actuellement, et le centre de recherche de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue nous donne des nouvelles façons d'aborder la dépollution. On pourrait, en Abitibi, exporter ce savoir-faire à travers le monde. Vous voyez, les régions peuvent aussi exporter leur matière grise.
L'inquiétude, c'est cette poussée en avant de la productivité ou de l'hyperproductivité, où on nous met toujours en face de la concurrence mondiale.
Lorsque les gens choisissent d'habiter des régions éloignées comme la nôtre ou les autres régions du Québec ou du Canada, c'est par goût. Je peux vous dire que jamais je n'irai rester dans des grandes villes, parce que ma qualité de vie ici est plus grande que celle que je trouverais dans les grandes villes.
C'est inévitable, nous sommes en concurrence avec le monde, et nous le reconnaissons. Les salaires dans les pays avec lesquels on fait concurrence sont 30 fois moins élevés que les nôtres. Il va donc falloir mettre 30 fois plus d'intelligence dans les produits qu'on fabrique. C'est tout.
On ne doit pas produire 30 fois plus, mais fabriquer des produits avec 30 fois plus d'intelligence que les pays qui payent 30 fois moins que nous. C'est comme ça qu'on va s'en sortir.
Si l'orientation consiste à dire qu'il faut produire 30 fois plus parce que les gens de ces pays sont payés 30 fois moins que les nôtres, on ne s'en sortira pas. Il va y avoir une situation désastreuse pour la qualité de vie et, à mon avis, les gens des régions considèrent leur qualité de vie comme un facteur important.
Des gens que je rencontre dans mes déplacements provinciaux me demandent quand je m'en viens à Montréal, à Québec. Jamais! Vous n'avez rien à m'offrir pour que j'aille là. Il n'y a pas de prix pour que j'aille travailler à Montréal ou à Québec. J'aime ma région. J'aime vivre en région. Allez voir les gens des régions et posez-leur la question. Ces gens-là ne veulent pas déménager à Montréal ou dans les autres grands centres. Ces gens-là ne veulent pas que les grands centres déménagent chez eux. Ces gens-là veulent trouver la façon de faire ici une économie qui va contribuer à l'essor du Canada mais dans laquelle ils pourront conserver leur qualité de vie.
Je regardais vos propositions. Je me dis qu'il existe déjà des choses et qu'il faudrait respecter ce qui a été mis en place.
On a mis en place, au fil des années, au fil des gens qui étaient là, au fil des lois, des règlements, des façons de faire chez nous. Il serait important de respecter ces façons de faire au lieu d'essayer d'en inventer d'autres.
Prenez les SADC, par exemple. On est obligé de «beurrer» les SADC de drapeaux rouges et de mettre ça sur les en-têtes de lettres; on s'organise avec ça. Quand quelqu'un du fédéral s'annonce, on sort les drapeaux; quand il est reparti, on les rentre. Vous comprenez, il y a des outils qui sont mis en place; essayez donc de composer avec les outils qui existent au lieu de créer de nouvelles choses.
C'est le danger des structures. Chaque fois qu'on pense à quelque chose de nouveau, on crée une structure. Il y a déjà des gens qui sont en place. La SADC est gérée par des administrateurs locaux qui comprennent bien les problèmes. Si vous avez à faire des choses différentes ou nouvelles, additionnez-les à des choses qui existent. Grossissons la pelote de laine qu'on a déjà plutôt que de recréer des pelotes de laine. Les gens vont se retrouver beaucoup mieux
C'est un des reproches qu'on a eus souvent: on vient d'avoir des nouvelles idées, on va créer de nouvelles affaires. Essayez de composer avec ce qu'il y a là. Je pense qu'on a réussi à les rendre efficaces.
Les régions ont aussi développé des façons de faire qui combattent les systèmes. Ce serait plaisant d'être capable de faire des choses qui vont dans le sens des systèmes.
On a mis sur pied dernièrement des SOLIDE avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Je ne sais pas si vous connaissez ce concept-là au Québec.
Les SOLIDE, ce sont les fonds dans lesquels des grandes institutions et le monde municipal mettent de l'argent. Avec ces sommes d'argent, on investit dans la petite entreprise située dans des petites municipalités. Ces fonds d'intervention s'appellent des SOLIDE.
Ce sont donc des fonds municipaux, provinciaux et des fonds privés, et à Amos, on a une spécialité. Le SADC est devenu pour nous l'endroit où on retrouve les banquiers, les comptables, donc les gens qui approchent les fonds et, parce que le fédéral avait mis des fonds dans les SADC, on a confié la SOLIDE au SADC.
Vous voyez comment on peut être «flyé» dans les régions. On est «flyé» parce qu'on cherche l'efficacité. On s'est dit qu'on ne commencerait pas à créer plein de structures pour gérer des fonds. Comme on n'est pas assez nombreux, on s'est dit qu'on allait mettre l'argent là, ce qui serait plus efficace.
Si vous analysez cela, vous pourrez nous traîner en cour n'importe quand; nos affaires sont complètement illégales, mais c'est ça, les régions. Les régions doivent parfois être dans l'illégalité pour être efficaces. Si vous ne pouvez pas nous aider, ne nous nuisez pas.
Essayez de respecter ce que les gens ont mis en place, leurs façons de faire les choses. Au lieu de passer des lois du haut vers le bas, essayez de regarder ce qu'il y a en bas. Voyez ce que les gens veulent et adoptez des lois en conséquence.
C'est un peu le message que je voulais vous transmettre aujourd'hui. Ça ne correspond pas nécessairement au mémoire du CRD, mais je pense que ça exprime bien ma vision de ce que devrait être le développement économique des régions, du monde rural.
Il y a là beaucoup d'intelligence et beaucoup de débrouillardise; ces gens-là n'attendent pas les autres et les grandes villes pour faire des choses. Ils les font parce qu'ils sentent que c'est important.
Vous parlez dans votre document de faire de la publicité ou, en tout cas, de convaincre le monde urbain que le monde rural, c'est du bon monde.
N'essayez pas ça! On va perdre encore 10 belles années de notre vie à essayer de le prouver. Ce n'est pas ce qu'on vous demande. Si vous voulez convaincre quelqu'un que le monde rural, c'est un monde intéressant, dépensez votre argent à convaincre d'abord les hauts fonctionnaires que le monde rural, c'est un monde intéressant. Ce n'est pas nécessairement le monde urbain qui est notre problème.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Reed): Merci, monsieur Brunet. Je vais permettre aux députés de vous poser maintenant des questions. J'aimerais plus tard faire une petite intervention.
Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma: Je dois dire, monsieur Brunet, que je suis impressionné et complètement d'accord sur vos principes. J'ai voyagé il y a presque deux ans avec le comité des Communes sur le bien-être. Nous avons visité des endroits comme Lévis et Rivière-du-Loup.
Les gens de là disaient, en parlant du bien-être, d'enlever les contrôles d'Ottawa et de Québec et de les laisser faire, car ils pouvaient faire plus avec moins. Je constate que vous avancez précisément le même argument ici et je suis d'accord, spécialement quand vous parlez des outils qui sont disponibles aujourd'hui et qui ne l'étaient pas il y a 10 ans.
Vous allez précisément dans la bonne direction. Alors, parlons un peu de la questions des outils. Je suis d'accord que le gouvernement fédéral, et même provincial, doit encourager l'exportation d'expertise et de technologie qu'on peut développer dans des endroits précis. Que ce soit dans le domaine forestier, minier ou autre, c'est ici que c'est développé.
Parlons des outils que fournit le gouvernement pour bâtir l'inforoute ou y placer plus d'argent. Pourquoi faire cela et encourager l'exportation des technologies? Que pouvez-vous nous dire là-dessus?
M. Brunet: Vous parlez de l'inforoute. Je peux vous dire qu'actuellement, tout ce qui touche la communication est hautement compétitif. On a les câblodistributeurs, les compagnies de téléphone et bientôt les satellites. Je pense qu'à ce niveau-là, la libéralisation des moyens de communication et l'ouverture que le gouvernement a mise en place et que le CRTC a autorisée, permettent aujourd'hui à des régions comme la nôtre d'être sur l'autoroute de l'information, parce que tout le monde veut nous avoir, que ce soit les satellites, les câblodistributeurs ou les compagnies de téléphone.
Je pense donc qu'il est souhaitable de laisser la libre entreprise jouer son rôle. Le gouvernement n'a pas nécessairement à intervenir dans les moyens de communications.
J'ai fait une intervention, il y a 15 jours, à la commission provinciale qui s'interrogeait sur l'autoroute de l'information. Je disais qu'il faut respecter ce que sont les régions du point de vue de l'aide que l'on veut leur apporter ou pas. Ne considérons pas les critères nationaux pour évaluer une aide quelconque pour fabriquer des serveurs. Je vais vous donner un exemple pour illustrer mon propos.
Pour l'autoroute de l'information, il y a un fonds de 50 millions de dollars au Québec. On met donc de l'argent pour aider des gens qui veulent créer du contenu au niveau de l'autoroute de l'information. Pour obtenir cette aide, un centre de recherche qui veut monter un serveur doit avoir au moins cinq chercheurs. C'est un petit critère qui correspond d'ailleurs à des petits caractères au bas d'une page. À l'échelle du Québec, les seuls centres de recherche qui ont cinq chercheurs et plus sont tous à Montréal. Donc, les centres de recherche comme ceux qu'on a en Abitibi, où il y a deux ou trois chercheurs, ne sont pas admissibles. On vient encore une fois, avec une petite norme insignifiante dans un bas de page, décider que dorénavant, il n'y a que les grands centres qui peuvent être porteurs de contenu dans le domaine des serveurs.
C'est du cybercolonialisme. Avec l'autoroute de l'information, vos prétentions font que les régions ne peuvent pas fournir de l'information et qu'on va encore une fois aller chercher l'information dans les grands centres.
Beaucoup de recherche de pointe se fait dans les régions et on vient d'enlever la possibilité aux régions de s'exprimer avec de petits critères comme ceux-là. On a, en Abitibi, un centre de recherche sur les maux de dos. Trois chercheurs associés à deux chercheurs français, un de Marseille et un autre de l'Université de Grenoble, qui ont mis au point quelque chose qui est reconnu mondialement ne peuvent pas présenter de demande d'aide parce qu'ils ne sont pas assez importants. On leur a dit de s'associer avec une firme de Montréal pour présenter une demande.
Vous voyez que, là aussi, on a une approche de cybercolonisation lorsqu'on parle de l'autoroute de l'information. Il s'agit donc de toute cette préoccupation d'aborder les demandes des régions avec une vision région, et non une vision grand centre. Dans les régions, les moyens sont différents, mais cela ne veut pas dire que les résultats ne sont pas intéressants.
M. Ringma: Merci.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Reed): Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
Nous avons traversé tout l'Ouest en partant de Yellowknife et nous sommes maintenant ici dans votre ville. Les gens que nous avons rencontrés nous ont dit à maintes et maintes reprises qu'il nous faut une vision régionale. Vous vous faites donc l'écho de ce que nous avons entendu ailleurs dans le pays.
J'aimerais revenir à l'idée de donner aux gens les moyens de réaliser des initiatives locales. Quand nous soumettrons notre rapport à la Chambre des communes, quelle devrait être à votre avis la priorité que nous devrions accorder à ces moyens d'action. Vous avez parlé de recherche et de développement. Est-ce une priorité pour la réalisation d'une initiative locale?
[Français]
M. Brunet: La recherche et le développement, c'est l'avenir. Si on regarde l'impact qu'a eu le centre de recherche en agriculture nordique, on peut dire que c'est incommensurable par rapport à l'argent qui a pu y être dépensé. Ils ont transformé toute l'agriculture.
Donc, lorsqu'on a à prendre des décisions en termes d'investissement du peu d'argent qui reste, il vaut mieux bien l'investir. Le centre de recherche est un exemple. Il faut investir en pensant aux conséquences que cela aura sur l'avenir.
Il faut donner de l'argent aux jeunes. Si on veut continuer à obtenir des produits qui demandent 30 fois plus d'imagination que de transpiration, il faudra se diriger vers des créneaux où on pourra produire des biens et des services 30 fois plus innovateurs que ceux des pays avec lesquels nous sommes en concurrence. Il est certain que cela passe par la recherche et le développement. C'est donc un outil fondamental.
Il faut faire de la recherche un des éléments du développement économique. Regardez ce que font les autres pays du monde. Regardez ce que fait, en particulier, le Japon concernant la recherche et le développement. On comprend où ils sont arrivés quand on voit tous les efforts qu'ils ont mis dans la recherche. C'est un outil important.
J'ai également voulu illustrer que les centres de recherche ne sont pas seulement à Montréal, à Toronto ou à Ottawa. Il y a aussi des centres de recherche dans le nord de l'Ontario. C'était peut-être un petit centre de recherche, selon la vision du gouvernement, mais si vous saviez l'impact qu'il a eu! Les chercheurs, en Abitibi, sont peut-être de petits chercheurs dans les grands enjeux canadiens, mais si vous saviez ce qu'ils sont en train de faire comme découvertes au niveau, par exemple, de l'environnement minier! Je ne vois pas comment on pourrait faire de la recherche et du développement dans l'environnement minier à Toronto.
En Abitibi-Témiscamingue, lorsqu'on fait de la recherche en environnement minier, on a les deux pieds dedans. C'est ici, en Abitibi-Témiscamingue, qu'on trouve les plus grands dépôts de résidus miniers. Si on veut faire de la recherche pointue là-dessus, ce n'est pas seulement pour régler les problèmes de l'Abitibi, mais aussi pour être capable de développer une expertise qu'on va exporter à travers le monde entier. On va aller régler les problèmes en Chine. On va aller régler les problèmes aux États-Unis ou en ex-URSS. Il y a des pays qui réclament des interventions en termes d'environnement.
La recherche est vraiment le fondement, si on comprend que les produits qu'on doit exporter doivent contenir 30 fois plus d'imagination que ceux des pays qui produisent actuellement des biens avec des salaires 30 fois inférieurs aux nôtres. La recherche et le développement sont donc des outils de base. Il y a d'autres outils.
J'ai dit tantôt que, si vous aviez des fonds disponibles, il ne faudrait pas les mettre dans les programmes. Cessons de mettre des fonds dans des programmes. Mettons les fonds à la disposition des régions en leur demandant ce qu'elles ont l'intention de faire avec cet argent-là. Aidons-les à faire ce qu'elles veulent faire, mais pas pour des programmes parachutés d'ailleurs dont quelqu'un a pensé que c'était une bonne idée.
Il est donc souhaitable de donner l'argent aux régions, de discuter avec les gens et d'intervenir selon les priorités. Ce sont là les outils qui vont permettre aux régions de se développer.
[Traduction]
Mme Cowling: Merci.
Le président suppléant (M. Reed): Merci, madame Cowling. Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: J'ai eu le plaisir d'entendre André à de nombreuses occasions. Il m'étonne chaque fois. Il me révèle des côtés intéressants de sa personnalité et j'apprends des tas de choses sur ma propre région. On sait qu'André est très impliqué et je le remercie d'avoir accepté, après presque un mois de travail très intensif au Sommet économique du Québec, de se présenter ici pour nous faire un très bon exposé comme à l'habitude. Merci, André.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Reed): Si vous me le permettez, j'aimerais faire une observation. Je suis membre de ce comité permanent depuis mon élection. Je suis membre d'un autre comité permanent. Les deux ont fait une étude assez approfondie du développement rural. J'oserais dire que nous sommes en plein milieu d'une révolution dont le début remonte à la création de la micropuce. Monsieur Brunet, quand vous parlez des moyens d'action, d'utiliser les outils disponibles, il me semble que tous ces outils nous ramènent à la puce ou au semi-conducteur. Ça aurait été inimaginable il y a dix ans.
Je suis en politique depuis assez longtemps, depuis 1975, pour me rappeler de l'époque où mon bureau fonctionnait avec une machine à écrire, du papier carbone et du papier pelure. Il n'y a pas si longtemps de cela. Je commence à peine à mesurer où nous en sommes et quelles sont les possibilités qui s'ouvrent à nous pour l'avenir.
Je vous remercie de vos commentaires, Votre Honneur. Je vous remercie de la contribution que vous avez faite à nos travaux. Merci.
[Français]
M. Brunet: Je vous remercie d'avoir pris le temps d'écouter les régions.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Reed): Notre prochain témoin est de la Chambre de commerce d'Amos, Patrice Maltais.
Normalement, nous demandons à nos témoins de nous dire quelques mots après quoi nous passons aux questions des membres du comité. Vous avez la parole, monsieur. Bienvenue.
[Français]
M. Patrice Maltais (président, Chambre de commerce d'Amos-Région): Merci beaucoup, monsieur le président. Messieurs et mesdames les députés, je vais commencer par lire mon document.
Dans les régions de faible densité de population telle l'Abitibi-Témiscamingue, le développement rural passe par le développement des ressources naturelles. On sait que notre région produit 99 p. 100 de l'or, 95 p. 100 du zinc et 70 p. 100 du cuivre du Québec. Les ressources naturelles ont été exploitées jusqu'à l'épuisement, parfois sans qu'il y ait de politique adéquate pour les protéger.
L'Abitibi ne jouit que d'une existence récente, soit 75 ans environ. Notre région est peuplée de gens en provenance de toute la province, tant du milieu urbain que du milieu régional. En fait, le gouvernement provincial a incité nos ancêtres à s'établir ici en promettant une meilleure vie, une espérance économique meilleure et la possibilité d'acquérir des propriétés et des terres pour les développer.
En effet, en Abitibi, la terre, les forêts et les mines ont été développées ou exploitées à partir de 1910. Ces colons abitibiens et tous ceux qui les suivront après sont assistés et encouragés par les sociétés de colonisation. La première fut créée à Ottawa en 1884 par le ministère de la Colonisation. En 1930, d'autres plans agricoles et un boom minier contribuent au développement de l'axe industriel et urbain. La crise minière de 1948 amène le gouvernement fédéral à voter une loi d'urgence sur l'aide aux mines d'or, et le développement minier se dirige vers le nord, à Matagami et Joutel. Certaines villes sont créées directement par les gouvernements, telles que Cadillac et Malartic.
Dans l'industrie forestière, on a tellement coupé de bois qu'on se rend compte maintenant que la forêt est une ressource épuisable. Le gouvernement consacre des budgets de plus en plus importants aux travaux sylvicoles contribuant au reboisement de nos forêts.
Il est important de faire le constat suivant: autant dans le domaine de la colonisation que dans ceux de la forêt et des mines, les divers niveaux de gouvernement ont contribué à leur développement primaire mais non durable. Les citoyens et citoyennes ont été laissés pour compte après avoir reçu les premières subventions. La recherche et le développement de ces ressources par nos gouvernements n'ont pas visé le développement durable.
Par ailleurs, dès 1912, le train transcontinental reliait Moncton au Nouveau-Brunswick et Winnipeg au Manitoba en passant par le nord du Québec et de l'Ontario.
Faut-il mentionner que notre région est grande comme la France? Les moyens de transport appropriés sont essentiels à notre développement. De plus, la région possède des eskers qui nous donnent notre «or bleu», l'eau. Les recherches dans ce domaine n'en sont même pas au stade des balbutiements.
La ressource qu'est le capital humain de ces défricheurs et développeurs n'a été que très peu mise à profit. Dans notre région, on constate actuellement un indice de pauvreté, de toxicomanie, de dépendance aux régimes sociaux, que ce soit l'assistance sociale ou l'assurance-emploi, d'environ 35 p. 100 de la population. La maladie mentale atteint des niveaux impressionnants. La relève ne voit pas l'espoir d'avoir sa place, son emploi, ce qui contribue à la dignité humaine.
Avec l'écoulement du temps, nous pouvons conclure que les autorités politiques nous ont laissés pour compte. Notre population vieillit, le capital humain ne se renouvelle pas et aucun incitatif n'est mis sur pied pour inciter les jeunes au retour en région, à l'exception de quelques cas isolés comme ici, à Amos où nous disons «Place aux jeunes».
On ne parle plus de développement mais de décadence. C'est là que l'interventionnisme de l'État nous a conduits dans une région comme l'Abitibi, un interventionnisme contraire à la prise en main de la région par la région, pour la région et avec les personnes de la région.
Problématique: Au niveau des mines et de la forêt, nous sommes une terre d'extraction. Les usines de transformation, la manufacture et la production des matières finies sont trop rares. On n'a pas appliqué, dans ce secteur, le principe du retour à la région. La province et le pays sont débiteurs et ont été largement tributaires depuis des années de l'extraction de matières du sol, et les incitatifs de transformation de la matière sur place sont insuffisants. Qui plus est, les grands pôles décisionnels sont concentrés à Montréal et à Toronto.
Au premier constat, il y a carence au niveau politique dans la recherche et le développement, la mise en valeur et la gestion des ressources naturelles.
On constate aussi une déficience de recherche et de développement technologiques reliés aux ressources naturelles. La conséquence est la difficulté de faire face à la mondialisation des marchés.
Au niveau du capital humain, outre ce qui est développé au niveau de l'historique, il est évident que trop peu de politiques viennent mettre en relief les secteurs de la recherche et du développement et des institutions spécialisées.
En fait, on réduit les bureaux gouvernementaux et on jumelle notre région avec des centres ayant trop peu de communauté d'intérêts avec la nôtre. De plus, il y a absence de cohésion avec différentes formes de développement, soit le développement économique, le développement social et le développement humain. Il y a sous-utilisation du capital humain, sous-valorisation de la recherche et du développement reliés aux ressources naturelles ou autres, sous-scolarisation du capital humain des régions et exode de la relève.
Au niveau de l'utilisation des capitaux, on constate l'absence de leviers d'intervention régionaux qui permettent l'utilisation des capitaux pour les régions, par les régions et avec les régions. Cette situation entraîne une morosité face à l'économie. Il y a par conséquent de la concurrence à l'intérieur des régions plutôt que de la concertation.
Des grands projets n'ont pas tenu compte de la présence de la région, et les axes de transport, les communications, les sièges sociaux, les bureaux et la recherche sont centrés sur les milieux urbains. Ces bailleurs de fonds méconnaissent les régions et manquent de confiance dans les régions à cause de la faible densité de population et de budgets limités.
Plutôt que de consolider le transport en général ou de l'amoindrir, on n'a pas de politique à moyen terme concernant les chemins de fer, le fret aérien ou le transport routier. Plus grave encore, le gouvernement fédéral est absent, pour ne pas dire invisible, en région. Il s'est retiré et il n'a fait que concentrer ses ressources à Rouyn, Montréal ou ailleurs, au lieu de maintenir une présence en région. Les bureaux des mines, douanes, GRC, accises, postes, développement des ressources humaines sont fermés, regroupés ou miniaturisés.
Conclusion et pistes de solution: Il faudrait créer une régie des ressources naturelles par région rurale qui chapeauterait des centres de recherche et de développement favorisant la concertation intrarégionale.
Vous avez un exemple ci-dessous, celui d'une régie des ressources naturelles de l'Abitibi-Témiscamingue. Comme vous pouvez le voir, on a quatre axes, Val-d'Or, Rouyn, La Sarre et Amos. Val-d'Or est axée beaucoup plus sur la forêt, Rouyn-Noranda sur les mines, et La Sarre sur l'agriculture et l'eau. Ce centre de recherche et développement aurait comme objectif la mise en valeur de la richesse que représente l'eau. Des investissements doivent être faits pour créer des bassins et canaliser nos grandes rivières vers le sud de façon à approvisionner cette partie dans une vingtaine d'années.
Cette régie obtiendrait du gouvernement fédéral un fonds régional de 300 millions de dollars pour cinq ans, un fonds de capital de risque administré par les régions, pour les régions et avec des personnes de la région. Cette régie deviendrait un guichet unique pour administrer tous les capitaux investis en région.
Il faudrait obliger les secteurs des mines et des forêts à participer à la capitalisation de ce fonds régional; forcer les banques et les institutions de placement à réinjecter un pourcentage de l'épargne prélevée en région; taxer les projets des banques; créer des missions économiques régionales pour faire connaître les ressources et les capacités productives; développer le transport adéquat et approprié pour le maintien et le développement des régions et de leurs ressources naturelles; étudier la possibilité d'un partenariat avec le secteur privé sans le développement du transport.
Ce qui apparaît impératif au niveau de cette consultation, c'est que les deux paliers de gouvernement, provincial et fédéral, unissent leurs efforts pour proposer des moyens complémentaires et solidaires pour favoriser le développement rural au lieu de créer des dédoublements et d'investir des fonds dans le développement sans concertation du milieu.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Maltais.
Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma: Monsieur Maltais, vos recommandations sont très claires. J'espère que le gouvernement prêtera l'oreille. Je me demande si vous étiez ici quand M. Brunet a fait sa présentation. Ce que vous avez dit est certainement différent, mais je trouve qu'il y a une certaine complémentarité entre les deux exposés.
Êtes-vous d'accord avec M. Brunet?
M. Maltais: Je suis entièrement d'accord avec M. Brunet.
M. Ringma: Je vois que ça va dans la même direction. C'est tout. Merci.
M. Maltais: Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous poser quelques questions sur la valeur ajoutée et la diversification. Que devrions-nous recommander au gouvernement fédéral pour qu'il favorise la production à valeur ajoutée et la diversification?
[Français]
M. Maltais: Votre question est très pertinente. Quand on me parle de valeur ajoutée, je me demande ce que cela apporte de plus à une région.
On a entendu plusieurs personnes parler des mines et des forêts. En région, la grosse valeur ajoutée que l'on a, c'est l'eau. Je m'arrête à l'eau parce que c'est un dossier que je connais bien.
Vous savez que d'ici une vingtaine d'années, ce qui n'est pas si lointain, nos amis du sud, les Américains vont manquer d'eau parce que leur nappe phréatique est très basse. Ici, on a ce qu'il faut. On a de l'eau et ça déborde même. Étant un administrateur d'Hydro-Québec, je sais qu'on a beaucoup d'eau. C'est la plus-value de notre région.
Pour nous aider, le gouvernement fédéral pourrait prendre en considération les projets que nous avons à propos de l'eau et qui sont sur la table, et nous fournir ce qui nous manque, en particulier des fonds.
L'eau, c'est l'avenir. On a travaillé les forêts, on a travaillé les mines, et on sait que l'eau, c'est l'avenir. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin dans ma réponse aujourd'hui et je m'en excuse. Je pourrai sans doute répondre plus complètement à votre question bientôt.
[Traduction]
Mme Cowling: Merci.
Le président: J'aimerais vous poser quelques questions sur votre mémoire. La première découle peut-être d'un problème de traduction. Si vous vous reportez à la page où se trouvent vos conclusions, on peut lire «taxer le projet de banque». Est-ce que cela signifie taxer les profits de la banque? Est-ce ce que vous recommandez? Je vois mal ce que vous entendez par taxer les projets de la banque.
[Français]
M. Maltais: Pour ce qui est de taxer les projets des banques, il faut bien dire que les banques sont très riches. Elles font des millions et des millions de dollars de profits. En fin de compte, c'est notre argent et l'argent des entreprises, et nous disons qu'il devrait y avoir une taxe sur les profits des banques et que ces sommes devraient être envoyées aux régions. On a la Banque nationale et on Banque Scotia qu'on pourrait garder dans les régions.
En région, on est désavantagés parce qu'on a beaucoup de difficultés pour investir ou faire démarrer une PME. Il est certain que dans les grands centres comme Montréal ou Ottawa, c'est plus facile.
Si on instaurait une taxe sur les profits de nos banques, taxe qui resterait dans notre région, en Abitibi, cela nous permettrait de bâtir des projets et de fonctionner. Est-ce que ça répond à votre question?
[Traduction]
Le président: Oui, c'est bien taxer; donc j'avais bien compris. Vous suggérez que les entreprises du secteur des ressources naturelles qui font affaire dans le secteur contribuent quelque chose à un fonds de développement. Si j'ai bien interprété le texte, je crois que c'est ce que vous suggérez.
D'autres ailleurs au pays nous ont fait la même suggestion. Suggérez-vous quelque chose qui ressemblerait à des droits de coupe ou quelque chose du genre? Autrement dit, la somme que les entreprises seraient tenues de réinvestir dans l'économie locale serait calculée sur le chiffre d'affaires ou sur le profit, est-ce bien cela?
[Français]
M. Maltais: Je pense que ce devrait être au prorata des profits qu'elles font et que ça devrait rester ici, en région. Si une compagnie fait de l'argent en région, on devrait en réserver un certain montant pour le développement.
Il arrive souvent qu'une compagnie fait du développement ici en prenant nos matières premières dans le sol ou la forêt et réinvestit ailleurs l'argent ainsi gagné. Les compagnies ne réinvestissent pas ici. Il y a eu beaucoup de compagnies comme la Normick Perron qui sont venues travailler et qui ont ensuite fermé. Il n'y a pas eu de redevances versées à la région.
Je voudrais donc proposer qu'on oblige le secteur des mines et des forêts à verser dans un fonds un certain montant de ses profits et à l'investir ici, en région, au lieu d'aller investir en Afrique ou au Zaïre.
[Traduction]
Le président: Je sais pourquoi vous formulez cette suggestion. L'une des réserves - et c'est une idée que je lance - c'est que si une entreprise envisage d'investir dans votre région et qu'elle apprend que vous exigez que x p. 100 des bénéfices soient réinvestis dans la communauté locale ou qu'un fonds en fiducie soit créé comme condition d'implantation dans la région, elle pourrait décider d'aller investir ailleurs.
Que feriez-vous pour empêcher pareille réaction?
[Français]
M. Maltais: Je peux répondre en partie à la question. Une compagnie forestière vient investir ici pour la bonne raison qu'on a du bois. À Montréal, on n'a pas de bois. Je ne pense pas qu'il faille craindre que l'entreprise aille s'installer ailleurs si, en Abitibi, on lui disait dès le départ qu'elle sera obligée de mettre 4 ou 5 millions de dollars ou 25 millions de dollars dans un fonds.
On a les mines, le sol et la forêt dont ils ont besoin. Il y a du bois en Abitibi. À Montréal et à Ottawa, il n'y en a pas. Il est certain que l'on peut avoir la concurrence de la Gaspésie, de la Matapédia et de l'Outaouais. Je pense qu'il faut prendre des risques.
[Traduction]
Le président: L'idée que l'on attende de ceux qui dégagent un bénéfice d'une région donnée qu'ils réinvestissent dans cette région est tout à fait valable. La meilleure façon d'y parvenir reste à déterminer. Mais je pense que l'idée que vous avancez est valable et je vous remercie de l'avoir soulevée.
[Français]
M. Deshaies: Effectivement, les gens des régions, pas seulement de l'Abitibi-Témiscamingue, ont vu de grosses compagnies prendre le meilleur de leurs arbres et de leurs mines pour ensuite disparaître. Quand ces compagnies sont dans la région, tout va bien, mais dès qu'elles ont vendu et qu'elles partent, la deuxième ou la troisième génération se retrouve sans emploi.
J'ai demandé à Patrice d'intervenir un peu à la dernière minute parce qu'il représente spécifiquement la collectivité d'Amos. Je voudrais donc le remercier d'avoir bien voulu préparer cet exposé.
Je remarque que, dans son intervention, il parle souvent de problèmes de communication. On sait que, dans les banques du Sud, il y a beaucoup d'argent provenant de l'épargne des générations avant la nôtre, alors qu'on a des problèmes à financer des projets de développement en région. On sait que les banques ont beaucoup d'argent. Même M. Bérard, au Sommet québécois, disait qu'il y avait de l'argent et qu'on pouvait nous en prêter, mais qu'il ne fallait pas que les régions s'adressent aux directeurs des banques qui ne sont là que pour répondre au téléphone et non pas pour prendre des décisions. En fait, comme tous les autre intervenants l'ont dit précédemment, on nous suggère de nous adresser directement aux décideurs par l'intermédiaire d'un téléphone rouge pour faire valoir nos demandes.
Je ne sais pas si Patrice est le dernier intervenant, mais on a pu remarquer, et on va le souligner, que les régions ont surtout besoin d'outils de communication, de prise de décisions. M. Brunet a dit qu'on était capables de faire des choses, mais que les gens des régions ne veulent pas quêter de l'argent. Patrice vient de dire que l'argent est là et qu'il peut se développer. Donnons donc les outils aux régions et laissons-les se prendre en mains, de façon à ce que le gouvernement ne soit pas toujours obligé de donner des subventions. C'est le message que notre région voulait transmettre aujourd'hui. J'espère que nous allons avoir des résultats.
M. Maltais: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci de votre témoignage et de vos recommandations très précises. Le comité vous en est très reconnaissant.
J'aimerais inviter notre dernier témoin de la journée, Lucie Blais, qui est conseillère à la Municipalité de Sullivan et qui a été très patiente toute la journée.
[Français]
Mme Lucie Blais (conseillère, Municipalité de Sullivan, témoigne à titre personnel): Bonjour. C'est à titre de simple citoyenne que je suis ici, mais je tiens à préciser que j'ai toujours été préoccupée par le développement social et économique de mes concitoyens.
Dans notre région ici, on peut sentir, comme d'autres intervenants précédents l'ont dit, un désengagement de l'État. J'ai préparé quelques petites notes et je tiens à m'excuser de ne pas les avoir mises par écrit ou présentées dans un rapport. Je vais vous faire une description de ce que je vois, de ce que j'ai entendu et de ce qui est véhiculé dans la collectivité.
Dans un premier temps, je tiens à féliciter le Comité des ressources naturelles. Grâce à votre participation et à votre implication ces deux dernières années, le gouvernement fédéral a finalement été à l'écoute de la problématique du domaine minier et, lors du budget de 1996, le gouvernement a finalement accepté qu'on étale les travaux miniers sur 12 mois.
Je parle en fonction de mon expérience et de mon milieu naturel. Les choses que je vais partager avec vous ne sont pas nécessairement des choses qui seraient écrites dans un document. Pour moi, la règle gouvernementale du ministre des Finances selon laquelle il fallait dépenser l'argent avant le 28 février constituait un gaspillage. C'était un gaspillage d'argent dans le sens où les gens s'impliquent dans les actions accréditives et le font avant le 31 décembre, parce qu'ils ne veulent pas payer d'impôts ou essaient d'éviter d'en payer. Le temps est très court pour faire des travaux à cause de la température qui règne dans notre région, et j'imagine que c'est la même chose dans les 125 ou 150 autres villes minières.
J'ai vu, dans le cadre de mon travail, des jeunes abandonner l'école pour aller travailler dans l'exploration minière. Ces jeunes ont quitté l'école. Compte tenu du salaire qu'ils allaient gagner, et croyant pouvoir travailler longtemps, ils se sont endettés pour s'acheter des voitures neuves. Mais le travail s'étant arrêté à cause des conditions atmosphériques, ils étaient à la charge de l'État et de tous les contribuables puisqu'ils bénéficiaient de l'assurance-chômage. En fait, c'étaient des travailleurs saisonniers.
Vos travaux ont permis de faire comprendre à Finances Canada l'importance du 12 mois. Au lieu de payer huit mois de chômage, on en paiera peut-être deux ou quatre durant les périodes d'hiver.
Je suis 100 p. 100 d'accord sur les positions gouvernementales et sur les réformes, mais il faut les réaliser d'une façon réfléchie, en pensant non pas strictement au déficit financier et à la dette nationale, mais aussi au déficit humain, parce que ces réformes engendreront des problèmes.
Dans la province de Québec et dans notre région, on a parlé de la formation de la main-d'oeuvre. Je suis 100 p. 100 d'accord avec ceux qui disent que l'enseignement doit être près des besoins d'une région et près de l'entreprise. Ceci ne veut pas dire qu'il faille tout chambarder, mais il y a une certaine préoccupation.
Ayant lu beaucoup de documentation, je pense que le gouvernement canadien - on l'a entendu au Sommet économique et social qui vient d'avoir lieu à Québec, où on parlait d'essayer de faire de la formation en entreprise - parle d'essayer de faire de la formation en entreprise. Je me demande pourquoi nos gouvernements n'ont pas travaillé plus tôt à faire un peu comme on a fait en Allemagne, soit une partie d'école et une partie de formation, ce qui permettrait à nos jeunes d'être qualifiés pour répondre aux besoins de l'entreprise.
Les mines et la forêt pourraient être de bons endroits pour la formation. Je demande aussi au comité que, lorsqu'il fera ses recommandations en ce qui a trait aux richesses naturelles, il recommande le maintien du centre de recherche CANMET ici, dans notre région. Je n'étais pas ici à la présentation de Jules Arsenault, ce matin, mais je sais que le secteur minier désire une formation adéquate pour les ingénieurs miniers pour pouvoir répondre aux besoins de la main-d'oeuvre.
Nos gouvernements devraient suivre de près ce champ-là. On ne dit pas de fermer McGill ou Laval, mais il pourrait y avoir des partenariats au niveau de la formation des adultes. Un de mes amis, qui est dans le domaine minier, m'a fait cette recommandation, et je ne me souviens pas si M. Gratien Gélinas l'a insérée dans son document. On demande le maintien d'un accès aux ressources naturelles des terres de la Couronne, etc., avec moins de réglementation et l'harmonisation dans chacune des provinces, y compris le Québec.
La Chambre de commerce de Val-d'Or - en écoutant les autres, j'ai noté des messages que je voulais vous transmettre - vous a présenté le portrait de la présence fédérale dans notre région. En ce qui a trait aux ressources naturelles, il y avait ici antérieurement un ingénieur forestier au bureau de Forêts Canada. Il n'est plus ici maintenant. Les motifs de son départ, malgré certaines interventions, avaient trait à l'économie.
J'aimerais dire aux membres du comité que l'ingénieur forestier qui était sur place coûtait à l'État 20 000$. C'était un échange avec le Bureau fédéral de développement régional. Cet ingénieur forestier est maintenant rendu à Québec, dans un grand centre, alors que la forêt est plutôt ici et dans la région du Lac-Saint-Jean. À long terme - et j'ai hâte de voir des résultats l'an prochain - cette décision aura causé une dépense additionnelle au gouvernement au lieu d'une économie de 20 000$.
Également, une rumeur veut que le CN disparaisse de la région. La privatisation du CN est une préoccupation pour les gens du monde rural et des régions. Je sais que certains comités travailleront très fort afin que le transport des passagers soit prolongé.
Mais ma préoccupation n'est pas tellement le transport de passagers. Le CN amène les passagers jusqu'à Senneterre. Avec l'hôtellerie, on pourrait, comme dans d'autres régions, mettre sur pied un autre moyen de transport pour amener les gens à Amos, La Sarre ou Rouyn. D'ailleurs, le temps de transport des passagers entre Montréal et Senneterre est assez long. Si on va plus vers le nord, ce sera encore plus long.
J'ose espérer que les membres du comité sont préoccupés, tout comme moi, par le transport par train de la marchandise ou, en tout cas, par son maintien. Il y aurait ainsi moins de dépenses pour les infrastructures, les routes, etc. plus tard. Si vous ne connaissez pas la région minière ici, avant de prendre l'avion, regardez ce que nous appelons ici les «trucks de muck». C'est assez lourd et cela endommage les routes. Le maintien des rails serait peut-être un meilleur investissement.
Je ne parlerai pas de l'aéroport et du coût des billets. Mon collègue de la Chambre de commerce de Québec en a parlé.
Ma collègue, Nicole Brien, a parlé du bureau des ressources humaines. C'est inacceptable qu'un gouvernement qui se dit à l'écoute de ses concitoyens n'ait pas su écouter les gens de la région.
Et en ce qui a trait au programme, je n'ai pas eu la chance de lire le document que vous nous avez fait parvenir pour la consultation. Moi qui ai travaillé très fort dans le domaine communautaire dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, je trouve cela triste, et peut-être devrais-je dire au ministre du Développement des ressources humaines qu'il n'y a plus de programmes accessibles pour le monde communautaire. Cela peut être très controversé chez certains politiciens, l'entreprise privée ou le contribuable. Dans le monde communautaire, on dispense des services de première ligne et les travailleurs de ces groupes-là sont bien souvent payés au salaire minimum. Ils sont très utiles à la société.
Il n'y a plus de programme PDE. Ce genre de programme auquel les groupes communautaires avaient accès n'existe plus. Les groupes communautaires faisaient de la formation et préparaient la main-d'oeuvre pour le marché du travail. Ce n'est pas une école conventionnelle; on n'accorde pas de diplôme. C'est plutôt une école de réinsertion et d'intégration. Le gouvernement devrait se pencher là-dessus, spécialement en ce qui a trait aux régions comme la nôtre, et d'autres à travers le pays.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Vous avez touché beaucoup de sujets, entre autres la formation, l'éducation, la main-d'oeuvre, etc..
Étant donné que selon notre Constitution, l'éducation est du domaine des provinces, mais que le gouvernement fédéral entre dans ce champ comme dans beaucoup d'autres, je suis d'accord sur ce que vous avez dit. Il faut avoir un programme qui ait du bon sens, qui est pratique pour les gens, comme cela se fait en Europe.
Mais étant donné qu'il y a tant de niveaux et tant d'organisations d'impliquées dans tout cela, quelles seraient vos suggestions pour résoudre ces problèmes-là?
Mme Blais: Premièrement, je crois que le gouvernement fédéral devrait encore maintenir une certain main dans le domaine de l'éducation, tout en prenant le temps d'écouter les besoins des régions. Dans la population canadienne, il y a encore des Québécois. En ce qui a trait à la mobilité des travailleurs, je crois qu'on devrait avoir un minimum de normes, un peu dans le sens de la Loi canadienne sur la santé. Je me suis opposée au block funding, au transfert des paiements parce que pour moi, c'est inquiétant de donner trop de responsabilités à l'une par rapport aux autres. Il risque d'y avoir trop de diversité entre les provinces. Ce n'est pas cela qui fait un Canada uni.
M. Ringma: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Merci, monsieur le président.
Vous avez parlé de la formation de la main-d'oeuvre. J'ai un problème dans la circonscription que je représente parce qu'il y a une pénurie d'ouvriers qualifiés. Si vous êtes machiniste d'avions, soudeur-chaudronnier ou outilleur dans la circonscription de Halton - Peel, vous pouvez vous trouver du travail n'importe quand. J'ai fait ma petite enquête pour connaître la cause de ce problème et j'ai tiré deux conclusions. Je crois que les deux ont quelque validité et je ne sais pas si l'une est plus importante que l'autre.
L'une concerne la population et l'idée qu'elle se fait de la dignité du travail. Dans la région où je vis, il y a beaucoup d'immigrants venus d'Europe, par exemple, qui ont trimé dur toute leur vie et qui ont bien réussi. Certains sont propriétaires de leur propre entreprise de construction. Certains travaillent encore pour autrui. Ils sont réticents à encourager leurs enfants à travailler comme ouvriers ou manoeuvres. Je n'essaie pas de rejeter tout le blâme sur l'immigration. Ceux parmi nous qui sont de la quatrième ou de la cinquième génération dans ce pays ont fait la même chose. Nous avons encouragé nos enfants à prendre des cours d'arts, à devenir avocats ou quoi encore, et nous avons manifesté un certain mépris pour ces métiers.
L'autre problème - et je me trompe peut-être pour ce qui est du Québec - c'est que les syndicats en sont venus à croire que la formation en apprentissage leur est réservée exclusivement. Voilà les deux problèmes que j'ai décelés.
En Ontario, quand les collèges communautaires sont apparus, ils avaient en partie la responsabilité d'enseigner les métiers manuels. Cependant, au fil des ans, les collèges ont cessé d'offrir ces cours. Cet enseignement ne se donne plus. Les collèges communautaires constatent maintenant que cela pose un problème et ils tentent de nouer des partenariats avec l'industrie pour rétablir l'enseignement des métiers manuels. Y a-t-il une situation parallèle ici?
Mme Blais: Je vais vous donner mon propre sentiment. Ce n'est pas le résultat de recherches que j'ai réalisées.
Si vous voulez postuler un emploi d'éboueur, vous devez avoir un secondaire V. Je connais un jeune d'environ 25 ans - je suis une grand-mère - qui ne sait pas lire ni écrire un chèque - c'est sa petite amie qui le fait pour lui. Nous sommes en 1996. Ce garçon est très habile de ses mains et peut faire ce qu'il veut d'un moteur. Il est mécanicien, moteur diesel ou régulier et il ne réussit pas à se trouver du travail parce qu'il n'a pas les papiers requis. Je vous parie qu'il pourrait travailler dans n'importe quelle entreprise de Val d'Or ou de cette région ou même de votre région. Il a les compétences voulues mais pas de papiers.
Quand vous parlez des syndicats cela nous ramène aux papiers. Des syndicats comme ceux du secteur de la construction... Je connais beaucoup de garçons qui peuvent travailler avec un marteau et un tournevis. Ils savent manier ces outils-là. Faut-il aller à l'université pour pouvoir trouver du travail?
Voilà pourquoi j'ai parlé de formation près de l'industrie parce que l'industrie peut peut-être trouver un garçon de 15 ou de 16 ans qui réussit mal à l'école et qui veut faire un travail manuel. Ça vaut peut-être la peine de le prendre en charge, de lui donner une allocation. Ce ne serait pas un chèque de bien-être. Donnez-lui une allocation pour qu'il apprenne le métier. À moyen terme nous pourrions avoir des gens qui auraient les compétences voulues pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre de l'entreprise.
Oui, il nous faut des professionnels. Mais comme dans l'exemple que vous donniez d'immigrants qui ont maintenant des grosses maisons et qui ne veulent pas que leurs enfants fassent des métiers manuels... Les médias, les documents du gouvernement - nous parlons toujours des emplois de haute technologie. La haute technologie par-ci et la haute technologie par-là, mais ce n'est pas ce qui met du pain et du beurre sur la table. Nous devons redonner de la dignité aux gens.
M. Reed: Merci.
Ai-je le temps de faire un commentaire très rapidement sur le service ferroviaire?
Le président: Très rapidement.
M. Reed: En Ontario, quand les compagnies ferroviaires abandonnaient certains tronçons, il s'est créé ici et là des compagnies de chemin de fer d'intérêt local. Dans l'ensemble, elles ont très bien réussi. Ces lignes ferroviaires étaient abandonnées parce que l'on croyait que le marché était en déclin, mais quand les exploitants de chemin de fer d'intérêt local ont pris la relève, ils ont pu rétablir le tonnage à ses niveaux antérieurs et parfois même l'augmenter tout simplement en faisant un meilleur marketing.
Pour ce qui est de l'avenir du service ferroviaire dans ce pays, n'y a-t-il pas des possibilités à exploiter?
Mme Blais: Je crois que oui. Quand nous parlons de privatisation, faut-il que nous vendions à des intérêts étrangers ou pouvons-nous vendre à des employés qui connaissent la voie et les conditions? S'ils deviennent propriétaires, c'est toute la collectivité qui en bénéficie parce qu'elle a besoin de ces emplois. Les gens ont besoin de travailler, n'est-ce pas?
M. Reed: Merci.
Le président: Monsieur Deshaies.
Mme Blais: Avant...
[Français]
Vous avez posé une question à Mme Brien en ce qui a trait à ce qu'on pourrait changer dans nos gouvernements et elle vous a répondu que ce devrait être les fonctionnaires. Je suis convaincue que vous vous comprendrez, car vous êtes tous des politiciens. C'est vrai que nos fonctionnaires, dans leurs tours, à Ottawa, à Québec ou dans d'autres provinces, sont très loin des régions. Ils sont une entrave aux changements qui doivent se produire à travers le Canada.
M. Deshaies: Je ne connais pas tous les dossiers dont vous avez parlé, mais j'en connais quelques-uns. En ce qui a trait aux organismes à but lucratif, qui pourront difficilement utiliser les dispositions de l'article 25, cette problématique a été soulevée auprès du directeur régional. Des groupes sociaux d'ici dispensent des services qui ne coûtent presque rien, parce qu'ils vivent tous de petits salaires et qu'il y a beaucoup de bénévolat et d'argent du milieu. Ils dispensent de très grands services dans la région.
Dans le passé, le gouvernement fédéral a taxé, mais en promettant de répartir cet argent pour le développement régional. Il faut se souvenir de cela.
Mme Blais a été beaucoup impliquée avec Centraide. C'est pour cela qu'elle est proche des gens. Je voudrais aussi glisser un petit mot de ce dont M. Reed a parlé. Ici, dans la région, pour le CN, il y a un CFIL dont les employés ont pris en main la gestion. Le trafic a presque quintuplé.
Le problème n'est pas que le CFIL ne fait pas d'argent. Cependant, les employés se demandent où va l'argent. En gardera-t-on au moins une partie pour l'entretien de nos rails, pour que dans cinq ou dix ans, le transport ferroviaire puisse encore fonctionner? Ils diront bien qu'ils nous le laisseront, mais les rails sont tous finis.
D'ailleurs, le ministère des Transports a forcé la restauration des rails sur la ligne Senneterre-Rouyn parce que le train ne pouvait pas faire plus de 20 à 25 milles à l'heure à cause du danger que cela représentait. Donc, vous pouvez imaginer les conditions avec lesquelles nous devons composer, alors que la vie économique de la région est basée sur le transport lourd des minerais et du bois. Donc, le rail est très important.
Il est important que les profits, d'après un plan quinquennal, soient injectés dans la région pour la restauration de nos rails, ce qui pourrait aussi créer des emplois.
Les employés ont fait beaucoup de concessions. Le problème du CN était que certains employés coûtaient très cher. Les gens trouvent qu'ils sont bien payés mais, pour cela, ils doivent travailler des heures de fous. On est prêts à créer des emplois selon des horaires plus raisonnables, mais on voudrait aussi qu'on consacre de l'argent à la sécurité des rails, qu'on ait de bons rails et qu'on puisse rouler au moins à 50 milles à l'heure. Cinquante milles à l'heure, ce n'est pas vite. C'est pour cela qu'on n'a pas de train de passagers. C'est trop lent.
Donc, madame Blais, je vous remercie de votre intervention. J'espère que dans le rapport, on tiendra compte des besoins de notre région. Merci.
[Traduction]
Le président: Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie et je vous félicite de la patience dont vous avez fait preuve en écoutant toute la séance. Je vous en suis reconnaissant comme d'ailleurs les autres membres du comité, j'en suis certain. Merci.
La séance est levée jusqu'à demain 9 h 30.