[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 novembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Bonjour à tout le monde, et soyez les bienvenus. Je suis ravi que le Comité des ressources naturelles se réunisse aujourd'hui ici, à Sydney, dans le cadre de son étude du développement rural.
Comme certains d'entre vous le savent, le comité a commencé ce travail au printemps, avec d'abord l'audition de témoins à Ottawa, et l'a reprise à l'automne, et nous sillonnons actuellement le pays pour consulter les Canadiens là où ils vivent, afin d'entendre de première main les avis de ceux-là mêmes qui sont confrontés dans leur quotidien à ces défis inhérents à la vie rurale au Canada.
Comme je l'ai dit, nous sommes ravis de siéger ici aujourd'hui et de recevoir comme premier témoin, M. Sampson, du Cape Breton Board of Trade. Je vous souhaite chaleureusement la bienvenue, monsieur Sampson. Nous apprécions votre présence parmi nous. Je vous invite à faire une déclaration liminaire et je donnerai ensuite la parole aux membres du comité afin qu'ils vous posent leurs questions. Vous avez la parole.
M. Robert Sampson (président, Industrial Cape Breton Board of Trade): Je vous remercie, monsieur le président.
Ainsi que vous l'avez dit, je me nomme Robert Sampson et j'ai le plaisir, à l'heure actuelle, de présider la Chambre de commerce. Mon travail de jour, en quelque sorte, ou du moins j'essaie d'en faire mon travail de jour, est celui d'avocat. J'exerce dans cette région depuis 15 ans. Comme d'autres membres de mon cabinet juridique, j'ai consacré une somme de temps considérable au développement communautaire.
Parmi le petit nombre de choses dont nous avons sincèrement lieu d'être fiers figure le travail de pionnier que nous avons effectué avec nos initiatives en matière de développement communautaire. On vous citera peut-être, dans le courant de la journée, plusieurs exemples de réussite véritable. Malheureusement, ces succès ne sont pas d'une envergure propre à régler le problème du chômage dans cette région. J'apprécie donc l'interaction et ai très conscience de l'impératif d'une interaction au sein de la communauté et des avantages qu'elle peut apporter. Je vais passer en revue un certain nombre d'aspects.
J'ai fait distribuer le texte de mon mémoire. Il représente ce que j'ai pu faire de mieux à si bref préavis. Je n'ai été averti que la semaine dernière. J'ai lu un petit document que l'on m'a fait parvenir et j'espère avoir répondu aux questions essentielles que le comité se pose. Si ce n'est pas le cas, j'espère que mes propos susciteront néanmoins votre intérêt.
Je ne sais pas trop comment procéder. J'ai fait distribuer mon texte et j'aimerais ajouter quelques remarques, monsieur le président. Je suppose que j'ai la latitude de faire ces remarques et de répondre ensuite à vos questions, s'il y en a. Est-ce que cela convient?
Le président: De manière générale, nous vous demandons de limiter votre exposé à dix minutes environ, ce qui laissera 20 minutes pour les questions et réponses.
M. Sampson: Très bien.
Pour commencer, j'applaudis à vos efforts, ou en tout cas aux efforts du Parlement fédéral avec la mise en place de ce comité. Mais, surtout, quelqu'un a été assez avisé pour vous dire de sortir d'Ottawa et de vos bureaux et d'aller sur place écouter les Canadiens. J'ai l'impression que, à la fin de ces travaux, c'est cela qui s'avérera avoir été l'un des aspects les plus précieux de toute cette épreuve.
Pour ce qui est de la région dont je vais parler, mes propos ne vont pas couvrir seulement le Cap-Breton industriel, mais toute l'île. Si North Sydney et Glace Bay, qui sont des centres bancaires et commerciaux, se considèrent comme urbains par définition, car ceux qui vivent dans les alentours les voient comme tels, toute la population en dehors de ces centres peut être considérée comme rurale.
À bien des égards, toute cette région est urbaine. Et je ne pense pas que ce soit très différent de ce que l'on voit ces derniers temps dans beaucoup d'autres endroits du pays. Pendant longtemps, c'est la notion de centralisation qui a prédominé dans la pensée tant des gouvernements que des entreprises. Les économies d'échelle étaient telles que l'on a créé de grosses agglomérations comme Ottawa, Toronto, Vancouver, Calgary et Halifax et, par voie de conséquence, d'autres régions qui étaient considérées comme plutôt urbaines sont devenues aujourd'hui quasi rurales. On trouvait dans ces localités beaucoup de choses il y a dix ans qui n'existent plus aujourd'hui.
Je ne veux pas dire par là que nous vivons tous dans le fond du bois, mais mes propos aujourd'hui portent sur l'ensemble de notre collectivité. Très franchement, le gouvernement fédéral, par certaines de ses initiatives... L'une était la création, il y a plusieurs années, des Sociétés d'aide aux entreprises, une initiative rurale. De fait, la seule qui fonctionne dans une zone urbaine, puisque par définition il s'agit d'aider les entreprises rurales, se trouve à Sydney. C'est dû au taux de chômage élevé qui sévit depuis de nombreuses années et aux différentes façons dont on a essayé de résoudre ce problème, habituellement par le biais de programmes gouvernementaux, avec le manque de succès que l'on sait.
Je vous prie d'accepter ma présentation. Elle ne se limite pas à la partie rurale de Glace Bay. Elle porte sur Sydney, sur Glace Bay et sur l'île tout entière.
Pour ce qui est de nos ressources naturelles, je suppose que vous connaissez bien l'histoire du Cap-Breton. Au début du siècle, le charbon et l'acier étaient les industries dominantes et elles le sont devenues encore plus avec l'entrée en guerre du pays. Auparavant, et à la même époque, la pêche et l'agriculture étaient des activités importantes, mais elles n'ont jamais été considérées comme prédominantes.
Le charbon et l'acier sont devenus interdépendants. Le charbon était consommé par l'aciérie. Tout marchait ensemble. Nous avions une aciérie qui employait près de 5 000 personnes. On a toujours considéré l'aciérie comme l'industrie prédominante mais, en fait, les mines de charbon employaient elles aussi un nombre important de personnes.
Il n'y avait rien de mal à cela. Il faut bien voir que cette grosse industrie avait des retombées économiques qui se faisaient sentir jusque dans les campagnes. Beaucoup de gens ont pu abandonner le mode de vie agricole traditionnel. Leur père était peut-être encore agriculteur, mais eux partaient travailler dans l'aciérie. Ils avaient peut-être un plus long trajet à faire pour se rendre à leur travail, mais ils pouvaient conserver leur maison etc. La présence de cette industrie apportait donc des avantages substantiels qui se faisaient sentir dans toute la collectivité.
Après la guerre, et à une époque plus récente, et particulièrement au cours des 20 dernières années, les marchés ont changé. L'économie mondiale a évolué. La préférence donnée à la centralisation et le surcroît de compétitivité conféré à d'autres producteurs par leur plus grande proximité des marchés ont fait que l'aciérie n'est plus aussi économiquement viable. Ce n'est pas que notre produit ne soit pas d'aussi bonne qualité. Les problèmes sont un peu différents dans le cas du charbon, car c'est là une ressource dont vous ne contrôlez pas toujours l'environnement. Ce n'est pas vous qui décidez des dangers que présente une mine à un moment donné ni de sa propension à connaître des inondations.
Mais parlons un instant de l'aciérie. Ce que j'ai pu constater, au long de ma vie ici, c'est que les gouvernements tendent à réagir - c'est dans la nature politique - aux clameurs d'inquiétude des gens. Mon père a travaillé dans l'aciérie pendant 47 ans. Il est toujours en vie, et il se souvient donc de la belle époque, de même que pas mal d'entreprises toujours en activité. L'aciérie - la principale industrie - peinait. Si vous fermez les yeux, vous pouvez vous souvenir de toutes sortes de localités du pays tributaires d'une grande industrie - pas forcément de la sidérurgie. La réaction instinctive était de soutenir cette industrie lorsqu'elle trébuchait, en refusant de voir la réalité, à savoir que l'on a beau les porter à bout de bras tant que l'on veut, il y a aujourd'hui des usines concurrentes qui sont plus compétitives parce qu'elles sont plus proches du marché, ou à cause de la manière dont les transports ont évolué et qui font que ces industries anciennes ne sont tout simplement plus profitables.
Les politiciens réagissaient à ces cris d'angoisse et engloutissaient davantage d'argent dans une usine qui, en fin de compte, aussi moderne ou efficiente qu'on la rendait, ne pouvait être compétitive. Donc, les politiciens, et c'est normal, réagissaient à cette inquiétude. Il ne s'agit pas de distribuer des blâmes, il s'agit d'essayer de comprendre pourquoi nous nous sommes tant égarés au cours des 20 dernières années et pourquoi tant d'énergie a été investie pratiquement en pure perte, comme on le constate aujourd'hui.
Une fois que l'on a commencé à prendre lentement conscience de la réalité, on s'est dit qu'il fallait créer à la place une autre grande industrie. Je repense toujours avec nostalgie à l'époque où nous avions une industrie principale qui faisait tourner tout le reste. Nous nous sommes donc mis en quête - nous, en tant que collectivité locale et comme beaucoup d'autres dans la même situation, et vous, en tant que gouvernement, comme beaucoup d'autres gouvernements avant vous - nous sommes mis en quête de quelque autre méga-projet, parce que tout le monde pensait que c'était la seule solution. Et pendant tout ce temps, on ne s'arrêtait pas un instant à l'idée d'une industrie artisanale. Ce n'était pas du tout une idée à la mode; on ne parlait que de «méga», car nous n'avions rien connu d'autre.
Très franchement, les mêmes problèmes commerciaux que ceux de l'aciérie - le problème n'a jamais résidé dans la fabrication, mais plutôt dans les canaux de distribution vers un marché en évolution - se poseraient à toute autre méga-industrie. Néanmoins, le gouvernement réagissait aux cris de la collectivité, et nous sommes donc passés par cette phase pendant quelque temps.
Il a fallu attendre les années récentes pour que quelqu'un s'empare de la notion de développement communautaire. Je n'attends pas de vous que vous veniez ici résoudre mes problèmes. C'est un peu comme lorsque j'ai un problème dans ma maison: je dois le régler moi-même. Je pense que l'on a enfin pris conscience que ce n'est pas aux politiciens d'Ottawa de trouver des solutions pour une collectivité dont ils ne savent pas comment elle fonctionne, dont ils ne sentent pas le pouls et l'histoire. Peut-être faut-il laisser les gens sur place trouver leurs propres solutions. C'est toujours le vieil adage voulant que l'on respecte davantage quelque chose que l'on a réalisé soi-même - on s'en occupe mieux et on veut que cela marche.
Voilà donc l'histoire. Bien entendu, nous avons vécu des secousses, ici, comme tout le monde. La pêche est restée vivace jusqu'à ces dernières années, lorsqu'il a fallu réduire les prises pour la préserver, pour mes enfants j'espère. Bien sûr, nous avons eu des problèmes avec les mines qui ont également nui à cette industrie. Dans leur cas, ce ne sont pas tant les canaux de distribution qui sont en cause, car nous pouvons toujours vendre le charbon sur le marché européen. Les difficultés résident plutôt dans les conditions naturelles d'extraction, l'état de la mine.
En ce moment, mesdames et messieurs - je ne suis pas alarmiste, je pense être réaliste - je sais que l'économie locale est incroyablement stagnante. Si vous m'aviez dit il y a cinq ans que je pourrais emprunter à 5 p. 100 d'intérêt, j'aurais été tellement enthousiasmé que j'aurais vite trouvé une idée pour en tirer parti, même si je n'y avais jamais réfléchi auparavant. Or, nous sommes dans une situation ici - et partout dans le pays, très franchement - où les taux d'intérêt sont manifestement à un niveau tel que vous pouvez entreprendre, mais personne n'entreprend. Je ne sais pas trop pourquoi, mais les raisons sont complexes.
Nous vivons à une époque de grande incertitude, et l'incertitude, pour moi, signifie toujours que quelqu'un d'autre exerce le contrôle, car lorsque c'est moi qui suis aux commandes, j'ai une certitude. Je suis soit certain de perdre, soit certain de gagner, soit encore certain de pouvoir calculer le risque. L'incertitude, c'est lorsque ma vie ou mes décisions dépendent de quelqu'un d'autre.
Encore une fois, je dis ces choses parce que mon message principal est que les gens doivent sortir de ce cadre mental de la dépendance à l'égard d'un gouvernement dont on attend tout. Vous pouvez faciliter et aider, et c'est important. Je pense que c'est une tâche importante et certaines des questions que vous posez, sur ce que votre comité peut faire, sont importantes. Mais vous ne devez pas être perçus comme le catalyseur ou la figure dominante. Je dois vous respecter pour l'aide que vous apportez, je dois savoir quelle peut être cette aide, mais si vous ne voulez pas la donner, ne le faites pas, sinon c'est de l'autopunition. Voilà la réalité. Les gens doivent se retrousser les manches et se mettre à la tâche.
Si l'on veut un changement positif en matière de développement rural, il faut que l'initiative vienne de la collectivité concernée. Il faut un processus permettant de déterminer les options possibles en vue d'emplois durables, à long terme. C'est là mon deuxième slogan, en quelque sorte. Si vous n'allez vous souvenir que d'une chose que je dis, c'est celle-ci: développement économique et emplois durables. Il va sans dire que c'est ce à quoi tout le monde aspire.
Dans toute collectivité, il existe des richesses naturelles, terme qui recouvre beaucoup de choses. Très franchement, dans notre cas aussi, vous avez peut-être des connaissances, ou accès à des connaissances, permettant d'identifier des richesses naturelles que nous-mêmes n'avons pas encore découvertes. Le rôle de facilitateur est donc positif. Il y a énormément de gens qui sont capables de gérer une affaire mais qui, pour quelque raison, n'ont pas réussi à conceptualiser l'idée.
Cela m'amène à la notion du besoin de compétences entrepreneuriales. Peut-on fabriquer un entrepreneur? Je pense que oui, car on a trop tendance à croire qu'un entrepreneur est un homme d'affaires et un homme d'affaires un entrepreneur. Ce sont deux espèces très différentes. J'ai beaucoup de clients qui ont des serviettes remplies d'idées, et qui peuvent mener ces idées jusqu'au point de la concrétisation, mais qui ne savent pas gérer une entreprise. Ils n'ont tout simplement pas les aptitudes voulues pour la gestion au quotidien. À l'inverse, vous avez toutes sortes de gens qui sont d'excellents gestionnaires dans la routine, mais qui ne savent pas voir plus loin que leur porte ni diversifier leur activité.
On pense toujours qu'un homme d'affaires est automatiquement un entrepreneur, mais ce n'est pas vrai. Si je suis bon homme d'affaires, vous n'avez pas besoin de me transformer en entrepreneur, mais vous pouvez m'aider en m'apportant des idées. Donc, s'agissant du développement rural, le processus qui doit intervenir au tout début en est un de détermination des bonnes possibilités de diversification.
Je pense aussi, à ce sujet, qu'il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Si quelque chose marche bien ailleurs, autant l'essayer aussi chez nous. Lorsque les gens parlent d'idées novatrices et nouvelles, ils songent tout de suite à quelque chose qui n'existe encore nulle part dans le monde. Lorsque je parle d'idées novatrices et nouvelles, c'est quelque chose qui n'existe pas encore chez nous, mais qui peut bien exister partout ailleurs. C'est peut-être cela qu'il faut montrer aux gens. Je pense que ce processus, par lui-même, est un élément du développement économique.
Je vous demande d'accepter de reconnaître d'emblée comme une donnée incontournable que le développement économique en région rurale coûte plus cher. Lorsque vous implantez une entreprise à proximité d'un centre urbain, toutes les ressources sont à portée. Les matériaux de construction sont à portée de main, les lignes téléphoniques voulues aussi. Il faut donc bien réaliser d'emblée qu'il faudra peut-être payer plus avant de voir des résultats.
Le gouvernement s'est lancé sur la piste de l'infrastructure. C'est un ingrédient essentiel. Je pense que toute cette notion d'infrastructure, englobant l'infrastructure intellectuelle, est un élément important. Mais je ne peux pas le faire. Si je vis dans une collectivité rurale, je n'ai pas les moyens - et je n'y songerais même pas - d'installer le réseau de fibres optiques ou le réseau téléphonique dans ma campagne. Pourtant, je veux vivre dans ma localité et je suis peut-être tout à fait en mesure de créer des emplois qui feront vivre un certain nombre de gens dans cette localité.
Là où le gouvernement peut donc jouer un rôle, ce n'est pas tant en créant mon entreprise ou en me donnant l'idée. J'ai les outils et je suis prêt à prendre les risques et à investir l'argent, mais il y a des éléments d'infrastructure qui sont tout simplement hors de ma portée. Je pense que le gouvernement est sur la bonne voie, mais je ne sais pas trop où il va avec ce programme d'infrastructure. D'après ce que j'entends, le premier ministre hésite pas mal en ce moment. Il se demande si c'est à cela qu'il faudrait consacrer les crédits ou s'il faudrait plutôt faire autre chose.
Mon message, c'est que s'il y a une volonté sincère de stimuler le développement économique rural, cela doit être votre point de départ. Déterminez quelles sont les ressources et, s'il y a une possibilité de les exploiter, déterminez quelle infrastructure est requise pour cela.
Mais il faut reconnaître que le coût de démarrage d'une entreprise est plus important, à cause des coûts d'infrastructure. S'il ne m'en coûte pas plus cher pour vous appeler de Mabou que de Toronto, je peux concurrencer le type de Toronto. La seule différence, c'est qu'il lui en coûte infiniment moins pour avoir sa ligne téléphonique qu'à moi. Le téléphone, le service postal - il y a quantité de choses dont vous, le gouvernement, vous occupez déjà. Je pense qu'elles justifieront votre existence si vous y regardez de plus près.
Permettez-moi de vous donner un exemple d'intérêt un peu plus local. Je ne sais pas combien de membres du comité sont déjà venus ici, mais nous avons une ressource qui s'appelle le lac du Bras d'Or. C'est le plus grand lac intérieur d'eau salée d'Amérique du Nord et il est à peu près inexploité.
L'un de mes amis, un collègue du bureau, me parlait souvent de la Floride. Il se demandait comment nous pourrions jamais espérer concurrencer la Floride, sur le plan des saisons touristiques. Eh bien, si vous y réfléchissez, la saison touristique en Floride ne va que de décembre à avril. Vous y avez tous été. En mai, tout le monde s'en va. Ici, en Nouvelle-Écosse, ou même à Ottawa, inutile de songer à mai. Le temps en mai est toujours très aléatoire. Mais en juin, juillet, août, septembre et octobre... Il y a des gens ici qui vous diront qu'octobre est le plus beau mois. Donc, le climat est différent chez nous, mais nous avons cinq bons mois et en Floride ils ont cinq bons mois. Et je n'essaie pas d'être facétieux en disant que nous pouvons concurrencer la Floride pied à pied; je dis que les gens pensent, psychologiquement, que si l'on n'a pas le soleil des tropiques, on ne peut rivaliser. Mais nous pouvons.
Songez, par exemple, au nombre de gens qui vont en Floride pour jouer au golf. Il n'est pas indispensable qu'il fasse 90 degrés pour cela. En réalité, on pourrait même dire que notre climat est meilleur pour le golf que le leur. S'il s'agit de faire de la voile, du bateau et de pêcher, il n'est pas indispensable de le faire sous un soleil de plomb. C'est ce qui déplaît à beaucoup de gens en Floride. Mais nous n'avons pas réellement pris conscience de cela et mis à profit nos ressources.
Nous avons donc ici le lac du Bras d'Or. Le lac jouxte virtuellement chaque collectivité de cette île. Si vous regardez la carte, vous voyez qu'il baigne pratiquement tout le Cap-Breton rural. Si, par exemple, on mettait en valeur ce genre de ressource naturelle... Ce n'est que dans les toutes dernières années que nous avons pris conscience - et je dis cela en tant que président de la Chambre de commerce - de cette richesse naturelle qui peut véritablement nous faire sortir du marasme, grâce au tourisme. Nous avons la beauté des paysages, nous avons les plages, nous avons les hautes terres, et personne ne peut venir nous les enlever. Il peut pleuvoir, il peut neiger, ces ressources resteront là, durablement. La difficulté se situe au niveau de la mise en valeur de ces richesses naturelles, et cela nous ramène à l'infrastructure.
Si j'habite en bordure du lac Bras d'Or, que puis-je faire à plus grande échelle? Je ne puis ensemencer le lac, je n'en ai pas les moyens. Je ne puis acheter une flottille de bateaux pour que, lorsque les gens de Toronto veulent sortir de chez eux comme ils en ont envie tout autant que moi, ils viennent chez nous dépenser des dollars canadiens au lieu d'aller le faire dans les Îles Vierges britanniques. C'est là le genre de perspectives qui, si quelqu'un prenait réellement le temps...
Bien entendu, vous devez toujours maximiser le rendement de chaque dollar, mais quelle autre perspective offrirait autant d'avantages à tant de localités? C'est pourquoi je cite cela comme exemple du type de développement rural qui, si quelqu'un voulait investir sérieusement dans l'infrastructure, pourrait bénéficier à beaucoup de gens dans une industrie de type artisanal, car ils pourraient créer des camps de pêche, ou louer des bateaux ou ouvrir de petits motels. Pour les Américains, ce serait une destination touristique d'excellent rapport qualité-prix. Notre problème, c'est que nous sommes si réticents à parler de nous, à vanter ce que nous avons.
Un autre aspect, monsieur le président, est que pendant 11 ans je me suis occupé d'une société de développement économique communautaire qui a été créée ici, à Sydney. Lorsqu'on m'a demandé de participer, je n'avais pas la moindre idée de ce que c'était. Quoi qu'il en soit, c'étaient là des créatures... Vous savez, vous autres - lorsque je dis vous autres, j'entends les politiciens - semblez toujours vouloir changer le nom de la bête, pour qu'on pense que c'est votre oeuvre. Je ne sais pas comment on appelait ces organismes au début, mais je crois que maintenant c'est Société de développement économique communautaire. Mais je veux vous dire que j'ai travaillé là bénévolement pendant 11 ans. Ils ont également choisi un architecte et un ingénieur, et je suppose que nous pensions tous, au début, que c'était quelque chose de plus prestigieux. Nous avons tous donné notre accord, mais personne ne savait réellement de quoi il s'agissait.
En substance, ce que faisait le gouvernement, c'est qu'il fournissait des crédits pour des investissements et un plus petit montant pour les frais de fonctionnement, et nous avons employé là trois personnes pendant ces 11 années - deux titulaires de MBA et du personnel de soutien. Le conseil d'administration est entièrement composé de bénévoles. Je reçois mon certificat-cadeau de 50 $ à Noël, pour un déjeuner gratuit quelque part. C'est tout, rien de plus.
Nous nous réunissons chaque mois. Sur le plan des recettes, nous avons touché 7 millions de dollars depuis le début, en provenance du gouvernement. Voici ce que nous en avons fait: nous avons accordé des prêts à 260 entreprises. Jusqu'au mois dernier, nous avons créé 800 emplois, 800 emplois réels occupés par 800 personnes en chair et en os. Notre coût net par emploi est de 3 005 $. Le coût brut par emploi est de 8 800 $, mais il faut en soustraire les remboursements, car il ne s'agit pas là de dons. De temps à autre nous prenons une participation, mais la plupart du temps le montage prévoit des actions privilégiées ou des dividendes, et nous travaillons maintenant depuis 11 ans. Cette année, par exemple, nos frais de fonctionnement et d'administration étaient de 330 000 $ et nos recettes de 344 000 $. Nous avons donc en quelque sorte passé le cap. En outre, notre société entièrement composée de bénévoles administre des programmes individuels d'autodémarrage pour le compte du DRHC.
Je diverge peut-être un peu du sujet, mais lorsque vous ferez votre rapport, vous devrez dire ce que vous pensez pouvoir faire. Vous devrez indiquer également qui va administrer les mesures, qui va faire le travail. Mon message ici est donc de vous dire que mon expérience au sein de cette société de développement est extrêmement positive.
Si vous venez nous voir pour un prêt, monsieur le président, quelqu'un à notre conseil vous connaît. Quelqu'un vit dans la même localité que vous. Ce ne sera peut-être pas moi, mais un des membres du conseil vous connaîtra et aura une connaissance intuitive, un sixième sens. Nous avons de la chance qu'il n'y ait jamais de différends personnels. Vous vous demandez peut-être ce qui se passe si un candidat me connaît et ne m'aime pas, mais à ma connaissance le cas ne s'est jamais présenté. Mais grâce à cette familiarité, vous pourrez entendre dire autour de notre table que tel ou tel a peut-être une excellente idée, mais n'est pas capable de la réaliser. Dans ce cas, nous dépêchons un membre de notre personnel et lui disons que la condition du prêt est que nous lui tenions la main pendant six mois.
Nous dépêchons notre personnel - nous avons deux titulaires de MBA - et nous lui disons de donner un coup de main à la personne; en effet, le démarrage est souvent le moment critique... C'est au moment du démarrage que vous dépensez tout votre capital, devez prendre les bonnes décisions d'achat de matériel, choisir les bons emplacements. Les gens ne se rendent pas compte combien il est important, pour un commerce, d'être situé du bon côté de la rue.
Quoi qu'il en soit, voilà un véhicule qui fonctionne bien, selon notre expérience. Vous aurez besoin d'un véhicule. Vous avez des gens du cru qui ont un bon sixième sens sur ce dont leur localité a besoin, sur ce qui est légitime et sur qui, dans la collectivité, a les capacités. Étant donné que ce n'est pas une fonction rémunérée, je n'ai personnellement rien à gagner ou à perdre en faisant ce travail.
Une autre chose en laquelle je crois personnellement... Nous avons fait l'expérience du crédit fiscal du Cap-Breton. Nous en avons fait l'expérience pendant une courte période avec Entreprise Cap-Breton, qui est une société auxiliaire de l'APECA, en quelque sorte, et qui a été mise sur pied pour aider cette région à surmonter la crise de l'industrie ou quelque chose du genre. Vous lirez toutes sortes de rapports sur le crédit fiscal et votre conclusion sera qu'au mieux les résultats sont mitigés.
Lorsqu'il a été introduit, il a attiré un grand nombre de grosses sociétés, de très loin. Je n'ai pas besoin de vous le dire, si vous avez déjà travaillé pour une grosse société, il y a des vice-présidents qui sont spécifiquement chargés de tirer parti de tous les avantages fiscaux. Ils sont arrivés et ont semé des millions. Ils ont construit des bâtiments. Je pourrais vous emmener faire un tour en voiture et vous montrer des usines énormes, magnifiques, aussi belles que tout ce que vous trouvez à Ottawa, ou Toronto ou n'importe où ailleurs.
Le problème est que le crédit d'impôt était conçu de telle façon que c'était une goutte d'eau dans la mer. Pour être admissible, il fallait rester en activité ici pendant deux ans, mais le résultat était que vous pouviez construire l'usine, rester deux ans, toucher le crédit d'impôt, et partir en laissant tout en plan et toujours en sortir gagnant. Celui qui a conçu ce plan devait être sérieusement drogué, car les valves de sécurité étaient absentes.
Je peux également vous emmener faire un tour et vous montrer le grand nombre de gens d'ici qui, vers la fin seulement, ont pigé le truc. Ils se sont dit, bon Dieu, c'est quelque chose que je peux faire. Je peux vous emmener et vous montrer le gros pourcentage de ces entreprises qui fonctionnent toujours, avec des emplois durables.
Si je vis ici, je ne voudrais pas que les autres me voient, ou voient mes enfants, comme ayant réussi un bon coup, ayant monté une espèce d'affaire douteuse juste pour... Nous sommes tous humains. C'est différent pour la personne en Ontario. Ce n'est pas une vraie personne. C'est une grosse société et qui est gérée par quelqu'un d'autre que le propriétaire, par quelqu'un qui n'a pas de lien avec la population locale.
C'était donc un programme excellent dans son principe. Malheureusement, les gens d'ici n'ont réalisé qu'ils pouvaient s'en servir que vers la fin. À ce moment-là, toute l'énergie, à mon sens, était concentrée sur les gros.
Souvenez-vous de ce que j'ai dit au début. On en était encore, à cette époque, à rechercher une méga-industrie pour prendre la place de l'aciérie. C'était ce que les gens visaient. Ils ne savaient pas que ce n'était pas la chose à faire. Il fallait remplacer la sidérurgie et le charbon. Aussi, le gouvernement, par le biais de ses organismes, a réagi à cette demande. Et toute son énergie est allée aux gros bonnets de l'Ontario. Mais très franchement, les gros bonnets étaient intéressés uniquement parce qu'il y avait de gros crédits d'impôt à la clé.
Je le déplore, mais politiquement les gens ont peur de mentionner un tel programme; et je ne le déplore pas seulement pour ma région. C'est vrai pour toutes les régions rurales. Tout le monde a une région rurale. Je sais que, dans votre rapport, vous ne pourrez pas faire de différence entre les régions rurales. Il y a un impératif d'équité. Ce que l'on accorde à une région, il faut le donner à toutes les autres du pays.
Une des choses dont vous pourrez parler à M. Martin dans votre rapport, et j'espère que cela lui fera sortir un peu d'argent de ses poches, c'est une espèce d'allégement fiscal mérité pour les régions rurales. Rien ne donne de meilleurs résultats. La seule condition, c'est qu'il faut le structurer de façon à ce que ce soit une récompense du succès. Ne donnez pas l'argent au départ.
Nous devrions vivre dans un environnement tel que nous obtenons ce que nous méritons, et il faut que ce soit administré par Revenu Canada. De nos jours, les gens n'ont plus peur de grand- chose, mais ils ont toujours peur de Revenu Canada. Il faut montrer que le gouvernement veut administrer cela avec sérieux. Il ne faudrait pas créer d'organismes auxiliaires pour administrer les incitations fiscales. Revenu Canada est là pour cela. Le ministère est en train de renforcer ses effectifs de contrôle.
Mais n'hésitez surtout pas à recommander des incitations fiscales, pourvu qu'elles soient méritées. Soyez assez audacieux pour réaliser que si je reçois un allégement fiscal parce que j'ai donné des emplois durables à 15 personnes, quel que soit le montant que vous m'accorderez, vous en récupérerez le double, car ces 15 personnes ne seront plus à la charge de votre système. Non seulement ne seront-elles plus à charge, mais elles contribueront à une économie rurale.
Cela étant dit, une autre chose que je dois vous dire en matière de développement rural, c'est que les banques ne jouent pas leur rôle. Elles vous diront qu'elles le font, mais les banques sont... Écoutez, elles vont prêter à quelqu'un d'aisé, contre sa garantie personnelle, la garantie personnelle de sa mère, 20 hypothèques grevant tout ce qu'il possède... et en disant: «Je vous prête 300 000 $, à condition que vous mettiez 100 000 $ de votre poche». C'est absolument ridicule. Ensuite, vous aurez tous ces vice-présidents de banque qui se répandent en affirmant: «Oui, nous faisons ce que le gouvernement nous demande».
De temps en temps, le gouvernement fédéral tape sur les banques, fait baisser les taux d'intérêt et se dit que son travail est terminé.
Je n'ai rien contre le fait que les banques fassent du profit. Ce sont des entreprises. Mais vous devriez oser les concurrencer. Pourquoi continuez-vous à taper sur les banques? Vous avez votre propre banque. Vous avez la Banque fédérale de développement, aujourd'hui appelée Banque de développement du Canada. Utilisez-la. Dites aux banques d'aller au diable. Concurrencez-les. Vous verrez avec quelle rapidité elles vont se mettre au pas.
Utilisez donc votre banque à la place. Lorsque je dis votre banque, ce n'est rien de personnel, car je sais bien qu'aucun de vous n'en fait partie; d'après mon expérience personnelle, oui, je peux m'adresser à votre banque et vous offrez une gamme de services que je ne trouve pas dans la banque traditionnelle. Mais ils coûtent plus cher. Je vous paie au moins 1 ou 2 p. 100 de plus. Est-ce que vous essayez de défier la logique? Pourquoi irais-je emprunter chez vous à 2 p. 100 de plus? La personne va donc dire: «Je dois payer plus pour emprunter là-bas, et les autres ne veulent pas me donner de crédit, je préfère laisser tomber».
Je vous dis donc que, en matière de développement rural, vous devriez concurrencer les banques si vous voulez les faire marcher droit. Oubliez donc cette idée de leur taper sur les doigts une fois de temps en temps. Bon Dieu, cela n'a rien donné pendant 20 ans. Quelqu'un devrait se réveiller et réaliser que cela ne marchera pas l'année prochaine.
En conclusion, si vous allez transmettre l'un de mes messages, c'est surtout le dernier que j'aimerais vous voir transmettre à quelqu'un qui va l'écouter, je l'espère. Le gouvernement fédéral nous demande à tous, très agressivement, d'admettre qu'il doit mettre de l'ordre dans ses comptes. Tout le monde l'accepte, dans une certaine mesure. Moi-même je l'admets bien volontiers. Le gouvernement fédéral dit aussi qu'avec l'avènement de la technologie, les temps ont changé. Je suis sûr que, dans votre rapport, vous conclurez qu'il est possible de développer aujourd'hui des entreprises dans les régions rurales grâce aux nouvelles technologies.
Mais il y a un vieil adage qui dit que vous ne pouvez souffler et aspirer en même temps. Il y a dix ans, on ne se préoccupait pas de décentralisation, car il était économiquement plus rentable de tout centraliser. C'était logique. Aujourd'hui, vous ne pouvez dire d'une part qu'avec l'avènement de la technologie on peut monter des affaires partout et, en même temps, refuser que le gouvernement suive la même prémisse. Ce n'est pas logique.
Frank McKenna le sait. Il réalise des choses dans cette partie du pays auxquelles on n'aurait même pas songé il y a dix ans. Vous avez donc de nouveau un problème politique. Vous avez des politiciens qui sont trop terrifiés pour seulement murmurer le mot «décentralisation», car ceux qui hurlent le plus fort lorsqu'ils entendent le murmure sont les citadins qui jouissent aujourd'hui de l'avantage d'avoir une industrie très solide et durable dans leur ville. Ce sont eux qui hurlent le plus fort, par le biais des éditoriaux, par le biais des politiciens qui représentent ces régions.
Mais il faut bien voir que la valeur... L'État se désengage et les administrations qui resteront sont celles qui sont nécessaires. L'administration publique est considérée comme l'industrie la plus stable. Elle est un bon employeur. Avez-vous idée de ce que cela pourrait apporter au Cap-Breton, par exemple, comme point de départ? Je ne vous demande pas de localiser une administration ici à titre de faveur politique. Mais avez-vous idée de l'effet psychologique qu'aurait l'implantation ici d'une source d'emplois à long terme?
Beaucoup d'administrations sont situées à Ottawa et on peut dire, avec les technologies nouvelles, qu'elles n'ont plus lieu d'être installées à Ottawa, car la plus grande part de leur activité se fait dans d'autres régions du pays. Prenez les parcs nationaux. La plupart des parcs nationaux sont situés aux extrémités du pays. Mais vous autres, vous les gérez à partir d'Ottawa. Je ne sais pas pourquoi. Pourquoi ne pourraient-ils pas être gérés à partir d'ici? Avec la technologie, le courrier électronique et tout cela, il est facile de communiquer avec le reste du pays.
Je dis que si le gouvernement veut tout remettre à plat, il doit mettre également ceci sur la table de négociation; c'est l'un des éléments. D'autres installations existent déjà ici, comme le Collège de la Garde côtière canadienne et d'autres ressources naturelles, qu'il y aura lieu en même temps d'identifier et dont le potentiel pourra être accru par ce biais.
La façon de procéder en vue de la diversification... Je ne pense pas que ce soit politiquement faisable; j'ai assez de bon sens pour savoir que ce n'est pas gagnable. Mais l'une des choses dans lesquelles le gouvernement peut s'engager, c'est la diversification marginale, consistant à ne pas diversifier ce qui existe déjà, uniquement ce qui va apparaître. L'appareil d'État évolue sans cesse, on identifie sans cesse des besoins nouveaux. S'il accepte ce concept, bon, on ne touche pas à ce qui existe, mais tous les organismes nouveaux vont être décentralisés vers des collectivités rurales, alors c'est politiquement faisable, c'est économiquement faisable et c'est une solution pratique.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sampson. Je dois dire que j'avais presque l'impression que vous avez voyagé avec nous et décidé de saisir une occasion pour résumer les témoignages que nous avons entendus à travers le pays, car c'est à peu près ce que vous avez fait.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies (Abitibi): J'ai davantage un commentaire qu'une question, car je n'ai plus beaucoup de temps pour écouter votre réponse.
Vous avez dit beaucoup de choses que nous avons déjà entendues. Votre situation paraît similaire à celle de ma région, le nord-ouest du Québec, et celle du Nouveau-Brunswick. Pensez-vous avoir besoin d'outils autres que des programmes fixes établis par le gouvernement fédéral? Vous avez un budget. Pouvez-vous faire davantage avec ce budget qu'avec des programmes fixes?
M. Sampson: Parlez-vous d'un paiement en une seule fois?
M. Deshaies: Pas nécessairement. Un programme fixe est assorti de certaines conditions... Préférez-vous, pour votre région, recevoir 100 000 $, choisir vos objectifs et faire de votre mieux avec cette somme? Est-ce une meilleure façon que d'obtenir un programme et de travailler dans le cadre de ce programme?
M. Sampson: Je pense que, fondamentalement, le but devrait être que je cesse d'être votre remorque aussi vite que possible. En d'autres termes, vous voulez me voir devenir indépendant de tout lien avec le gouvernement aussi vite que possible. C'est mon sentiment.
Il est à espérer que je n'aie besoin de vous qu'au début, et qu'ensuite, périodiquement, j'aie besoin de faire appel à quelques ressources gouvernementales lorsque j'ai des problèmes d'échanges commerciaux ou quelque chose du genre. Mais lorsqu'il s'agit de créer mon emploi, de me mettre le pied à l'étrier et de me rendre autonome, plus vite vous et moi nous nous dirons au revoir - et je le dis sans offense - plus longtemps je serai susceptible de survivre.
Cette interdépendance constante fait partie du gros problème. C'est comme les jeunes qu'il faut finir par mettre à la porte de la maison de leurs parents. Une fois qu'ils sont partis, ils se débrouillent - il s'agit seulement d'arriver à les mettre dehors. Je ne sais pas si cela vous aide ou non.
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Je ne sais presque pas où commencer, mais j'ai essayé de résumer vos propos. Vous parlez d'un processus impulsé depuis la base plutôt que depuis le haut.
M. Sampson: Absolument.
M. Ringma: Nous avons déjà entendu cela. Je l'ai entendu même dans d'autres provinces, et pas seulement à ce comité. Je l'ai entendu au sujet des ressources humaines, où les gens dans les collectivités nous ont dit: «Pour l'amour du ciel, laissez-nous faire. Nous pouvons faire beaucoup plus que vous, car nous connaissons la situation locale mieux que vous, à Ottawa».
Ce que je retiens de votre thèse c'est que le gouvernement devrait faciliter les choses plutôt que faire les choses, c'est-à- dire créer les conditions pour que vous puissiez faire le travail ici. Nous devrions assurer les communications de...
M. Sampson: L'infrastructure.
M. Ringma: Oui, vous avez parlé d'infrastructure physique et intellectuelle, le savoir. En matière de financement, vous avez demandé le recours à la Banque fédérale de développement ou quelque organisme du genre. Livrez concurrence aux banques privées. Vous avez mentionné également la décentralisation et les incitations fiscales. Qu'est-ce que j'ai omis? J'ai des suggestions et je vais...
M. Sampson: Il y a aussi le mécanisme de la Société de développement communautaire.
M. Ringma: Oui, je l'avais noté.
M. Sampson: Vous avez eu tout le reste.
M. Ringma: Bien, je vous remercie.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je vous remercie, monsieur le président.
Vous aviez absolument raison lorsque vous avez dit que notre comité prend le pouls des régions rurales du pays. C'est exactement ce que nous sommes venus faire.
Je dois vous dire que lorsque nous sommes arrivés à Sydney aujourd'hui et lorsque je suis entrée dans cette salle, j'ai vu quelque chose de sensiblement différent des autres réunions que nous avons tenues. Nous sommes dans une très grande salle, mais nous avons aussi une très petite table, ce qui témoigne du caractère chaleureux des habitants du Cap-Breton.
Pour clore son travail, notre comité va devoir présenter quelques recommandations précises au gouvernement. L'une des questions dont on nous a parlé sans cesse, c'est l'infrastructure et des choses de cet ordre, et vous l'avez fait vous-même.
Vous avez évoqué le tourisme. Serait-ce là l'une des priorités que nous devrions présenter au gouvernement?
M. Sampson: Sans aucun doute. Je pense que cette collectivité met ses espoirs dans le tourisme, car c'est une richesse naturelle évidente. Les gens sont assez intelligents pour comprendre que lorsqu'on a une ressource durable, la probabilité est beaucoup plus grande de fonder une activité elle-même durable. Les gens voient bien qu'il faut diversifier, ne plus se limiter à l'aciérie traditionnelle, à l'exploitation minière et, bien sûr, à la pêche. Actuellement, ce sont là les principales activités au Cap-Breton.
Nous avons également une université. J'ai passé pas mal de temps à Dalhousie et j'y ai enseigné pendant quelques années. Cette université est davantage imbriquée à la collectivité que la plupart. Les gens ont compris ce que l'université peut faire, sur le plan de l'assistance haut de gamme. Donc, outre le tourisme, il y a la viabilité de cette université, et je pense qu'elle se débrouille bien, très franchement.
M. Reed (Halton - Peel): Pourrais-je faire une très brève remarque?
Le président: Absolument, monsieur Reed.
M. Reed: Je veux simplement mettre mon grain de sel.
Je n'en reviens pas de voir à quel point les Canadiens de tout le pays, des parties plus rurales de ce pays, disent tous la même chose. Les avis que vous avez exprimés ce matin - et que le président a résumés - résument très bien ce consensus que nous avons observé.
M. Sampson: Je serais ravi d'aller avec vous et d'en faire part au ministre directement.
Le président: Merci infiniment, monsieur Sampson, et je veux moi aussi vous féliciter. Dans ma circonscription, il existe trois sociétés d'aide au développement des collectivités. Je sais exactement combien les bénévoles travaillent fort. Que vous ayez persisté pendant 11 ans est étonnant. Dans notre région, les bénévoles tendent à être brûlés après deux ou trois années au conseil, car ce rôle exige beaucoup de travail et de dévouement. Toutes mes félicitations.
Je reconnais l'importance de ce moteur de croissance. Dans ma région, je pense qu'ils ont 2 millions de dollars distribués à l'heure actuelle, lesquels ont créé environ 180 emplois. C'est une excellente organisation et je suis pleinement d'avis - et on nous a dit la même chose partout dans le pays - que ce doit être là l'un des mécanismes d'exécution.
Nous venons juste de négocier un accord, en Ontario, entre l'une des banques à charte et la société d'aide au développement. La banque fournit à cette dernière le financement, des fonds additionnels, à un taux inférieur au taux directeur, à charge pour elle de reprêter aux petites entreprises comme bon lui semble. C'est réellement un mariage entre celui qui a du capital et celui qui a le réseau d'exécution, au profit des petites entreprises.
Permettez-moi de vous féliciter et, encore une fois, merci de votre témoignage ici. Il nous est certainement des plus utiles.
M. Sampson: Merci d'être venus à Sydney.
Le président: J'invite maintenant à la table nos témoins suivants, de la Strait Highlands Regional Development Agency, René Aucoin et M. Gillies.
Soyez les bienvenus, messieurs. Je vous demande de faire un exposé liminaire, et nous passerons ensuite aux questions.
[Français]
M. René Aucoin (agent de développement économique, Strait Highlands Regional Development Agency): Bonjour. Je m'appelle René Aucoin et je suis natif du village de Chéticamp sur la côte ouest de l'île du Cap-Breton, qui est bien connue partout au Canada, surtout parmi les francophones, j'espère.
Bien que je travaille dans un centre urbain, je vis encore dans mon village car j'y suis très attaché. Je pense d'ailleurs que nous sommes tous ici pour les mêmes raisons: nous voulons voir nos villages se développer et non décliner. Je vais demander à Francis de se présenter.
[Traduction]
M. A. Francis Gillies (Développement des ressources naturelles, Strait Highlands Regional Development Agency): Je suis de la partie ouest du Cap-Breton. Je suis d'une localité écossaise du nom de Port Hood, lieu d'origine de Al McGinnis, des St. Louis Blues. Elle est également proche de celle de la famille Rankin, Natalie McMaster et Ashley MacIsaac.
René va poursuivre avec notre exposé.
[Français]
M. Aucoin: Nous représentons une commission de développement économique qui couvre cinq municipalités rurales: celle du comté d'Inverness, celle du comté de Victoria, celle du comté de Richmond, la ville de Port Hawkesbury et la ville de Mulgrave.
[Traduction]
Vous constaterez que notre analyse est succincte, c'est le moins que l'on puisse dire, vu le peu de temps que nous avons eu, mais nous espérons que vous jugerez pertinentes certaines de nos suggestions et recommandations.
[Français]
Notre présentation sera un peu différente. Je vais en présenter une partie en français et Francis présentera l'autre partie en anglais.
[Traduction]
Nous ne pouvons vous offrir de traduction ni de notre texte ni de notre exposé oral.
[Français]
Est-ce que nous pouvons commencer tout de suite?
[Traduction]
Le président: Veuillez poursuivre.
[Français]
M. Aucoin: Merci beaucoup.
Les communautés rurales du Canada font face à des changements fondamentaux amenés par des tendances régionales, nationales, globales et cumulatives. Par exemple, le transfert des services gouvernementaux des communautés rurales aux centres urbains a des effets collatéraux.
Une fois à la ville, pourquoi ne pas y faire son magasinage, la réparation de sa voiture et avoir recours à bien d'autres services que l'on pouvait trouver auparavant dans les petits villages?
Dans le passé, les communautés rurales pouvaient toujours dépendre des industries oeuvrant dans le secteur primaire, soit les ressources naturelles telles que la pêche ou l'industrie forestière.
Grâce à des politiques inadéquates et sans vision, établies bien souvent à Ottawa et à Halifax, nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation désastreuse dans la pêche, par exemple. Un peu comme l'alcoolique qui doit premièrement admettre qu'il est malade avant de pouvoir se guérir, les gouvernements, et peut-être aussi la population, doivent assumer une part de la responsabilité du déclin des secteurs de ressources naturelles.
Dans les années 1990, nous avons été témoins de l'effondrement du secteur de la pêche. Qu'est-ce qui va empêcher la même chose d'arriver dans le secteur forestier ou dans le secteur agricole?
S'il vous plaît, n'interprétez pas ceci comme une attaque envers le gouvernement, car ce n'est pas cela. C'est tout simplement une analyse sociale qui veut démontrer que les changements cosmétiques ne sont pas suffisants pour régler les problèmes économiques des communautés rurales.
Le Canada rural et le Canada urbain ne fonctionnent pas selon les mêmes systèmes de développement ou sur la même musique. Un exemple classique est le débat concernant la Loi sur l'enregistrement des armes à feu. À ce sujet, les populations rurales sont généralement opposées à ce projet de loi tandis que les communautés urbaines le voient comme une mesure positive.
Je vais maintenant céder la parole à Francis pour la partie anglaise.
[Traduction]
M. Gillies: Dans notre exposé, nous mettons l'accent d'abord sur des politiques souples tenant compte des spécificités des régions rurales. Les politiques fédérales et provinciales intéressant les richesses naturelles devraient refléter les différences entre les villes et les campagnes. Ces politiques sont généralement décidées dans les bureaux régionaux ou centraux, sont souvent rigides et ne répondent aux besoins ni du secteur lucratif ni du secteur non lucratif des collectivités rurales.
Par exemple, avec la disparition de la morue de l'Atlantique, les gouvernements fédéral et provincial ont imposé un moratoire à la délivrance de nouveaux permis d'usine de conditionnement de poisson. Or, à la même époque, la Strait Highlands RDA avait conclu une entente avec une coentreprise canado-féroïenne en vue de la construction d'une usine de conditionnement de la crevette à Mulgrave. Bien que ce projet n'ait eu absolument rien à voir avec la morue, la délivrance du permis a été retardée pendant plus de neuf mois et a exigé un lobbying intense avant que les gouvernements respectifs ne donnent finalement leur accord. Heureusement, les investisseurs ont bien voulu attendre, si bien qu'un investissement de 2 millions de dollars, et les 25 emplois qui l'accompagnent, n'ont pas été perdus. Proportionnellement, ce chiffre d'emploi chez nous correspond à environ 2 500 emplois créés à Toronto.
Notre organisation, de concert avec une association locale de développement communautaire, se penche actuellement sur la viabilité d'un projet de terrain de golf sur la côte ouest du Cap- Breton. Là encore, nous nous heurtons à une autre politique régionale de l'APECA. Vu que l'accès au capital-risque est maintenant très limité, ainsi que nous le verrons au point deux, et du fait que l'APECA, en raison de sa politique régionale, n'est pas disposée à appuyer le projet, une autre excellente occasion de créer des emplois risque d'être perdue.
Le point deux de notre exposé intéresse l'accès au capital. Ce dernier, particulièrement s'agissant de capital-risque, est généralement très piètre dans le Canada Atlantique, et plus encore dans les régions rurales. En Ontario, un projet de 5 millions de dollars peut être financé avec un apport propre de seulement quelques centaines de milliers de dollars, le reste étant une combinaison de crédits publics, privés, bancaires et de capital- risque. Un projet similaire dans notre région exigerait probablement une mise de fonds propre de 2 millions à 3 millions de dollars. De ce fait, maints projets de valeur, exigeant des montants bien inférieurs à ceux précités, ne verront tout simplement jamais le jour.
Il est par conséquent crucial que des organismes comme Entreprise Cap-Breton et l'APECA continuent de faciliter la création d'entreprises dans les campagnes et que leurs politiques soient réaménagées et conçues de manière à répondre aux besoins particuliers des régions rurales.
Le point trois de notre exposé concerne la pêche. Jusqu'à très récemment, la pêche était considérée comme une ressource renouvelable. Cela a certes changé aujourd'hui, mais sans que l'on modifie pour autant les politiques gouvernementales fondamentales.
Lorsque la pêche sera rouverte, une bonne partie de cette production continuera d'être exportée brute, sans valeur ajoutée, vers les États-Unis et le reste du monde. L'accent est donc mis sur la quantité, non la qualité.
L'obligation de conditionner le poisson dans un certain rayon autour du point de débarquement limiterait automatiquement la prise, puisque les usines de conditionnement locales ne peuvent traiter qu'une quantité limitée de poisson. Il en résulterait un produit de meilleure qualité et une hausse spectaculaire du nombre d'emplois dans cette industrie.
Le poisson, comme beaucoup d'autres ressources naturelles, est actuellement vendu au plus offrant. Bien entendu, les plus offrants sont généralement situés dans les grands centres d'autres provinces ou pays. Étant donné que les petites entreprises rurales n'ont pas les ressources financières pour concurrencer les grosses, elles sont les perdantes dans une guerre d'enchères.
C'est ainsi que les choses se sont passées au cours des 20 dernières années, mais n'oubliez pas que quelque chose de très fondamental a changé. Nous savons aujourd'hui que cette ressource est limitée et pas aussi facilement renouvelable qu'on le pensait jadis. Cette donne nouvelle n'a-t-elle pas modifié la logique qui sous-tendait les politiques antérieures concernant l'exploitation de ressources naturelles? Et si cette logique a changé, les politiques elles-mêmes ne devraient-elles pas être modifiées?
[Français]
M. Aucoin: Le secteur forestier présente plusieurs des symptômes du secteur de la pêche. C'est une ressource naturelle qui subit d'énormes pressions. On commence tout juste à découvrir que cette ressource n'est pas aussi renouvelable qu'on le voudrait.
Le mot clé, encore une fois, c'est la valeur ajoutée. Aussi longtemps que nos ressources naturelles seront vendues à l'extérieur de la région ou à l'extérieur de notre pays sans valeur ajoutée, les communautés rurales vont continuer de perdre leur base économique.
Sur la scène locale, on devrait encourager le secteur privé à investir dans des projets avec valeur ajoutée. En Nouvelle-Écosse, nous avons depuis cet été un programme d'investissement communautaire. Un programme semblable au niveau fédéral pourrait certainement encourager le développement communautaire.
L'agriculture et l'aquaculture: En 1920, au-delà de 130 000 acres ou arpents de terre étaient cultivés dans le comté d'Inverness, une de nos cinq unités municipales. Aujourd'hui, ce chiffre n'est que de 13 000.
L'industrie laitière est la seule activité agricole que l'on peut compter comme étant un secteur fort de notre économie. Aujourd'hui, celle-ci est menacée par l'entente de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. On pourrait perdre, pour quelques cents de moins par litre de lait, un secteur complet de notre économie rurale.
L'aquaculture fait face à d'autres problèmes, dont le plus sérieux est la jungle de ministères et de réglementations provinciaux et fédéraux qui doit être surmontée avant même de pouvoir démarrer un projet. On nous dit qu'il faut maintenant environ deux ans pour mettre un projet sur pied dans le secteur agricole.
Une simplification du processus réglementaire fédéral et provincial serait un pas très positif dans le développement de l'industrie de l'aquaculture.
Un accès plus facile à du capital est primordial pour cette industrie ainsi que pour le secteur agricole et serait une composante essentielle.
[Traduction]
Le point suivant intéresse l'activité minière.
M. Gillies: Le Cap-Breton a la chance de posséder d'importants gisements, particulièrement de gypse et de charbon. L'extraction de ces minéraux continue à assurer un nombre important d'emplois durant toute l'année, dans nombre de nos localités. Attention de ne pas les confondre avec la DEVCO. Ce sont là des mines totalement privées, qui existent depuis de nombreuses années et qui font partie intégrante de l'économie rurale de la région de Strait- Highlands.
L'exploitation minière n'est plus le mouton noir qu'elle était jadis. Aujourd'hui, elle se fait de manière très écologique et les responsables n'ont que trop conscience de la publicité négative qui a entouré le désastre de Westray et d'autres.
En dépit de leur image positive dans nos campagnes, les mines sont perçues de façon beaucoup plus négative dans les centres urbains, là où on les connaît moins. Le lobby écologiste est très puissant et, bien entendu, s'oppose avec virulence à toute initiative minière.
En 1995, un comité mis sur pied par le gouvernement de Nouvelle-Écosse a proposé la création de 31 zones nationales protégées dans la province. Malheureusement, l'une d'entre elles est également très riche en métaux communs, en or, cuivre, argent, etc., potentiellement exploitables. L'Association de développement locale, avec un soutien presque unanime de la collectivité locale, fait pression depuis lors sur le gouvernement afin d'exclure ce secteur de la liste des parcs et zones protégés.
Des millions de dollars d'investissement dans la prospection minière passée et future risquent d'être perdus, de même que 75 à 150 emplois potentiels qui pourraient être créés si une petite mine s'avérait possible.
Comme c'est souvent le cas de projets similaires dans les pays développés, nous voyons des extrémistes bien intentionnés, mais mal informés et parfois mal conseillés, peser sur les autorités d'un poids disproportionné par rapport à leur nombre et la valeur de leurs arguments.
Il importe également, pour l'économie des régions rurales, d'améliorer et de développer l'infrastructure, qu'il s'agisse de routes goudronnées ou d'autoroutes de l'information. Vu le faible nombre d'électeurs dans les campagnes, même l'entretien de l'infrastructure existante est difficile à obtenir. Les accords de coopération fédéraux-provinciaux ont été une manne venue du ciel. Il faudrait les maintenir et les intensifier. La suppression de certains de ces accords, notamment les accords de gestion forestière, auront certainement des répercussions à court et long terme négatives sur cette activité et sur les collectivités rurales de Nouvelle-Écosse.
M. Aucoin: Je présenterai la conclusion en anglais.
Les analyses, arguments et suggestions que nous avons formulés ici sont pour le moins schématiques, mais nous pensons avoir mis en évidence les faiblesses fondamentales du système actuel intéressant les ressources naturelles.
Les solutions que nous avons préconisées ne sont pas aussi faciles à mettre en oeuvre que nous avons pu le donner à entendre. Dans certains cas, les modifications de politique seraient relativement simples, mais elles exigeraient une révision fondamentale des conceptions gouvernementales actuelles intéressant les richesses naturelles du Canada. C'est là que réside le plus grand défi qui confronte non seulement le Canada rural, mais aussi le Canada tout entier.
Nous vous remercions grandement de nous avoir invités à exprimer nos vues sur ce sujet particulièrement important.
[Français]
Merci de nous avoir donné l'occasion de présenter nos opinions sur un sujet très important pour nos communautés rurales.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, messieurs.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Monsieur Aucoin, on a entendu beaucoup de témoignages et ils reviennent tous à peu près à la même chose. Chez vous, qu'est-ce qui fait le plus mal? Est-ce que c'est de ne pas avoir son garage local, le dépanneur, le bureau de poste? Un intervenant nous disait: «Si le gouvernement s'en va, comment pourrons-nous nous sentir en sécurité?»
M. Aucoin: En ce qui nous concerne, nous n'avons jamais eu cette présence gouvernementale. Ce n'est donc pas une chose qui nous touche. Ce qu'on a eu dans le passé et qu'on n'a plus aujourd'hui, c'est la valeur ajoutée dont j'ai parlé. Il y a 30 ans, tout le poisson qui était débarqué était transformé localement. On avait en quelque sorte une petite industrie. Mais avec le développement de l'industrie est venue la demande. Aujourd'hui, dans le secteur des pêcheries, on peut dire que 60, 70 ou même 90 p. 100 de la ressource est envoyée ailleurs avant d'être transformée. Par conséquent, on a vu les emplois disparaître.
M. Deshaies: Quels efforts faudrait-il déployer pour recréer les outils du développement?
M. Aucoin: Aujourd'hui, c'est la loi du marché. Celui qui a le plus d'argent va pouvoir acheter le poisson. Ce que le gouvernement peut faire, c'est un changement de politique, mais ce n'est pas si facile. Le changement de politique nécessite un changement de philosophie. Je prends l'exemple du poisson, mais ce pourrait être autre chose.
M. Deshaies: Avec le libre-échange, les États-Unis nous ont mis des quotas. Mais si on ouvre notre marché pour être plus compétitifs sur le marché du lait, mes producteurs, en Abitibi, vont perdre deux cents et de nombreux emplois vont disparaître.
M. Aucoin: C'est exactement ça. Pour nous, c'est au niveau de la transformation. Si le poisson était transformé localement, cela empêcherait le déclin de la pêche parce que, d'une part on a beaucoup moins de poisson et que, d'autre part, ce serait une solution au problème des emplois. Il est certain qu'une fois que la pêche va reprendre, les problèmes vont resurgir.
M. Deshaies: Alors, il faut prendre des décisions.
M. Aucoin: Je pense que oui.
[Traduction]
Nous sommes obligés, à toutes fins pratiques, de vendre aux plus offrants. C'est ce que font les pêcheurs, par exemple. À moins qu'il y ait une politique fédérale ou provinciale disant, par exemple - et j'utilise la pêche comme exemple - que la transformation doit être faite localement, les collectivités rurales n'ont que très peu de perspectives de survivre.
Un argument que nous avons fait valoir est que la situation a radicalement changé: la pêche n'est plus une ressource illimitée comme on le pensait jadis, pas plus que la forêt, ni l'agriculture. Je pense que l'on continue à agir comme si c'était des ressources renouvelables qui existeront toujours. Si l'on prend enfin conscience que tel n'est pas le cas, alors on pourra considérer ces ressources dans une optique différente dans nos régions et décréter qu'il faut les utiliser à 100 p. 100 sur place avant de les expédier ailleurs.
C'est l'aspect principal que j'ai essayé de faire ressortir et c'est là qu'est intervenue la plus grosse perte d'emplois dans les collectivités rurales. C'est un élément de la problématique: le transfert de la valeur ajoutée de la campagne vers d'autres régions et d'autres pays.
M. Deshaies: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Ringma.
[Français]
M. Ringma: Pour mieux comprendre la relation que vous voyez entre le gouvernement et votre région, j'aimerais reprendre l'exemple des pêcheries pour l'examiner.
[Traduction]
Du fait que j'aimerais réellement vous voir participer, monsieur Gillies, je vais poser mes questions en anglais. Ce sera plus facile. Je crois que M. Aucoin comprend très bien l'anglais.
Prenons la pêche. Vous avez tous deux critiqué les politiques dans ce domaine. Vous dites que ce n'est plus une ressource renouvelable et qu'il faut faire beaucoup plus de transformation à valeur ajoutée ici, sur place. Je vois mal pourquoi vous ne pouvez prendre ces initiatives vous-mêmes.
D'ailleurs, j'ai lu, dans le numéro d'hier, je crois, du Telegraph-Journal de Saint John, un article d'une pleine page traitant de l'économie du Canada Atlantique. On y disait que, dans le secteur de la pêche, vous réalisez beaucoup de progrès par vous- mêmes, de par votre propre initiative. J'essaie de départager entre ce que vous pouvez faire vous-mêmes et ce pour quoi vous dépendez du gouvernement.
En ce qui concerne la pêche, je me pose plusieurs questions. L'une est que le MPO est situé à Ottawa. Je suis de Colombie- Britannique et je trouve un peu malcommode pour la pêche de la côte ouest que le ministère ait son siège à Ottawa, plutôt que sur la côte.
Je cite une phrase de votre mémoire: «Il est crucial que les organismes comme la SECD et l'APECA maintiennent leurs politiques mais en tenant compte des besoins particuliers des régions rurales». Les témoins précédents nous ont également parlé de décentralisation à partir d'Ottawa. J'aimerais votre opinion sur Pêches et Océans. Pourrait-on faire plus en décentralisant l'administration de la pêche d'Ottawa vers les deux côtes? Est-ce que cela faciliterait d'autres choses, telles que l'aide financière et les modalités de distribution de cette aide au secteur de la pêche?
M. Aucoin: Je pourrais peut-être répondre à une partie de la question et laisser Francis répondre à l'autre.
Si vous n'avez pas vécu comme moi dans un village de pêcheurs, pour voir comment fonctionne le système à l'heure actuelle... C'est en fait très simple. Les pêcheurs partent en mer et ramènent leur prise au quai. Là, 20 acheteurs les attendent et le poisson est vendu au plus offrant. Ces 20 acheteurs - et c'est là que réside le problème - représentent une société de Boston, une société japonaise, une société d'ici et de là. Le poisson peut être vendu à qui l'on veut, et il est évidemment aussitôt expédié.
Vous avez demandé si nous pouvions faire quelque chose nous- mêmes pour y remédier. C'est très difficile. Une chose que nous pourrions faire, je suppose, c'est d'aller jeter à l'eau quelques- uns de ces acheteurs. C'est ce que je dis. Réellement, étant né dans un village de pêche et ayant vécu toute ma vie dans un village de pêche, je ne vois pas d'autre option. On peut essayer d'autres méthodes, mais ce sont des solutions cosmétiques, pas des solutions réelles.
C'est pourquoi je dis qu'il faut un changement de philosophie. Les solutions sont réellement simples, mais la philosophie, qui n'est pas simple, doit changer.
M. Ringma: Mais allons au-delà de la philosophie et regardons des choses très pragmatiques. Si la philosophie du MPO, de Pêches et Océans, change, que pourrait-il faire concrètement pour rectifier ce problème des acheteurs qui emportent le poisson brut?
M. Gillies: Je suppose que s'ils encadrent le marché libre... Si vous êtes un acheteur local et qu'un acheteur de l'extérieur, du Japon ou du Nouveau-Brunswick, comme c'est le cas dans notre région, arrive et offre un prix supérieur de 50c. et que l'acheteur local ne peut suivre ou ne trouve pas le capital pour acheter le produit parce que... À plusieurs reprises, les pêcheurs se sont retrouvés le bec dans l'eau lorsqu'ils ont décidé de vendre à de nouveaux acheteurs qui essayaient de s'implanter mais n'y sont pas parvenus à cause des marchés. Ils ont fait faillite et n'ont pu payer les pêcheurs.
Je sais que, l'année dernière, l'usine de conditionnement d'Inverness et celle de Cheticamp ne pouvaient se procurer suffisamment de crabe local, bien qu'on en débarquait beaucoup sur les quais. Le crabe était expédié directement au Nouveau-Brunswick, le même jour, sans la moindre manipulation dans le comté d'Inverness. Ce sont là les problèmes que nous rencontrons.
On nous oppose parfois l'argument que... Nos pêcheurs disent qu'ils n'obtiennent pas leur juste part du contingent de crabe à cause des permis de pêche semi-hauturière. Seuls deux des 189 permis de la région du golfe appartiennent à la Nouvelle-Écosse. Il n'y en a pas du tout dans l'Île-du-Prince-Édouard. Le crabe est sans doute la pêcherie la plus lucrative du golfe en ce moment. Bien qu'on le pêche à 20 milles au large de nos côtes, nos pêcheurs n'y ont pas accès à cause de la flotte semi-hauturière.
M. Aucoin: J'ajouterais que ce ne sont pas là des accidents de la nature. Ces inégalités, 189 comparés à... Je ne sais pas qui, ici, est du Nouveau-Brunswick, mais je pense que Roméo LeBlanc était le ministre des Pêches à l'époque et que c'est pour cela que le Nouveau-Brunswick a obtenu tous les permis. Nous le savons.
Pour répondre à votre question sur la décentralisation du MPO, je pense que vous avez touché juste. Il est très difficile de voir ce qu'une collectivité veut et requiert, depuis Ottawa. En ce sens, la décentralisation vers les côtes... Il ne fait aucun doute dans mon esprit que, plus on est éloigné des centres de décision et moins on a d'influence. Vous avez raison à 100 p. 100. Nous sommes du même avis.
M. Ringma: N'est-il pas implicite dans votre argumentation qu'il faudrait créer un office de commercialisation pour toute la gamme de production, depuis l'aquiculture jusqu'au crabe, en passant par le homard, la morue et tout le reste, ou bien préférez- vous ne pas vous engager dans cette voie?
M. Gillies: Cela créerait un autre inconvénient, à savoir que l'office de commercialisation contrôlerait le prix de tous les produits ou de toutes les espèces pêchées, et je ne sais pas si c'est la bonne solution. Il est difficile de donner du travail à davantage de monde dans les usines de poisson. Si le crabe était débarqué de manière plus étalée dans le temps...
C'est une partie du problème. Tous les pêcheurs locaux veulent sortir en mer le premier jour. Ils peuvent prendre leur contingent de crabe en l'espace de dix jours et ils inondent les quais pendant ces dix jours, alors que si leur pêche était étalée sur six semaines, si différents éléments de la flotte étaient autorisés à sortir à des moments différents, l'industrie du conditionnement pourrait s'approvisionner en crabe sur une période plus longue.
Pour ce qui est des offices de commercialisation, je pense que les pêcheurs y seraient très opposés.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Je vous remercie, monsieur le président.
Vous avez dit dans votre exposé qu'il faut un changement de philosophie, au niveau du gouvernement et au niveau local. J'aimerais parler de l'aquiculture, car nous avons reçu à la Chambre des communes un groupe des provinces de l'Atlantique qui nous a donné beaucoup de renseignements sur ce domaine.
L'une des doléances de nombreux témoins, d'un bout à l'autre du pays, concerne la duplication des services, si bien qu'il faudrait peut-être envisager l'harmonisation de certains d'entre eux. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, et si nous devrions recommander à notre gouvernement l'approche du guichet unique.
M. Aucoin: Il est difficile de traiter de l'harmonisation, car c'est un vaste sujet. Mais je peux peut-être vous relater une petite expérience que j'ai vécue lorsque j'ai commencé à travailler pour la RDA, notre organisme de développement régional. J'ai trouvé qu'il était très difficile d'obtenir des renseignements, tant auprès du gouvernement provincial que du gouvernement fédéral. À moins de savoir à qui s'adresser, de connaître le numéro de téléphone du responsable, il était extrêmement difficile, tant au niveau fédéral que provincial, d'obtenir quoi que ce soit.
Je pense que le terme que j'utiliserais, c'est la convivialité. Cela se fait beaucoup en informatique, mais je pense que cela s'applique également à l'administration. En aquiculture, par exemple, il y a un service responsable auquel je peux m'adresser. Je n'ai pas besoin de faire le tour de 15 services différents et de voir 15 personnes différentes.
L'information n'est souvent pas disponible et je ne sais pas à qui m'adresser. Parfois, il suffirait de publier des brochures pour renseigner les gens sur ce qu'ils doivent faire, leur dire à qui s'adresser, quels permis sont requis. Il y a donc deux éléments: informer le public et rendre l'administration plus conviviale par une loi d'harmonisation. Ce serait certainement quelque chose de positif. J'ai vu une évolution très nette en ce sens au cours des trois ou quatre dernières années, depuis que je travaille pour la RDA, mais je pense qu'il faut aller encore plus loin.
Mme Cowling: Je vous remercie.
M. Aucoin: Merci.
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Nous apprécions beaucoup votre témoignage et en particulier ce que vous avez dit de la valeur ajoutée. C'est un sujet qui a souvent été abordé au cours de notre voyage à travers le pays, et nous vous sommes reconnaissants de vos idées à ce sujet. Merci beaucoup.
M. Gillies: Une remarque que j'aimerais faire, c'est que lorsque nous avons reçu l'avis, nous avons été très surpris de voir que, bien que votre sujet d'étude soit l'économie rurale et les richesses naturelles, vous tenez cette réunion dans une ville. Il y a beaucoup de localités rurales du Cap-Breton qui auraient pu vous recevoir. Je m'en suis plaint à Ottawa, mais...
Le président: C'est une bonne remarque. Nous avons dû faire des compromis entre nos besoins stratégiques, pour essayer de faire neuf villes d'un bout à l'autre du Canada, et notre désir de nous arrêter dans des régions rurales spécifiques. Nous comprenons votre point de vue et nous avons conscience que les gens doivent se déplacer pour venir nous voir. Nous prenons bonne note de votre remarque.
M. Gillies: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie.
J'invite maintenant à la table notre témoin suivant, M. Steven Drake, du syndicat United Mine Workers of America. Soyez le bienvenu, monsieur Drake.
M. Steven Drake (président, United Mine Workers of America): Comment allez-vous ce matin?
Le président: Pas trop mal. Vous-même?
M. Drake: Pas mal.
Le président: Bien. Je vous demanderais de faire une déclaration liminaire et les membres du comité vous poseront ensuite leurs questions.
M. Drake: Ce que nous aimerions faire aujourd'hui, c'est réellement faire comprendre au comité et au gouvernement fédéral que ce qui est dit dans le document d'information émanant de votre comité, à savoir que les régions rurales du pays sont confrontées à un ensemble de défis économiques particuliers, est réellement vrai. C'est pourquoi nous avons besoin d'un ensemble de solutions particulières à certains des problèmes que nous rencontrons.
Votre document indique également que nous continuons à dépendre de l'exploitation minière et de la pêche, les industries traditionnelles, et c'est vrai. Au Cap-Breton, les industries traditionnelles telles que la pêche, l'agriculture, les mines de charbon et la sidérurgie connaissent actuellement le marasme le plus complet. Ce que nous attendons du gouvernement fédéral, c'est un moyen de stabiliser ces activités, et peut-être de les développer à l'avenir.
Le gouvernement fédéral a dépensé au début des années 1980 80 millions de dollars de l'argent du contribuable en études pour une nouvelle mine de charbon, un projet intitulé Donkin-Morien Colliery. Les études d'ingénierie qui ont été faites sur le gisement Donkin restent encore valides. Rien n'a changé dans ce bassin. Nous avons 1,5 milliard de tonnes de réserves de charbon dans le gisement Donkin. C'est presque le double de ce que nous avons extrait de tout le bassin houiller de Sydney au cours des 300 dernières années. Selon les études d'ingénierie qui sont en la possession du ministère des Ressources naturelles, 50 p. 100 de ce charbon est exploitable avec la technologie minière d'aujourd'hui; et c'est mentionné dans le rapport.
Nous disons au gouvernement fédéral que s'il veut réellement stimuler l'économie de l'île du Cap-Breton, il devrait agir sérieusement pour stimuler l'industrie minière de l'île du Cap- Breton. Nous avons essayé quantité d'autres approches. Elles n'ont pas donné de résultats. Si l'on veut créer des emplois nouveaux, il est insensé d'éliminer 715 emplois dans l'industrie houillère et les remplacer par 300 emplois à 7 $ ou 8 $ de l'heure. Stabilisez ce que nous avons déjà, avec la Société de développement du Cap- Breton, et tout le reste sera un surcroît net. Autrement, il n'y aura pas de gain d'emplois net.
Nous allons formuler quelques recommandations, mais je voudrais tout d'abord projeter quelques transparents.
Le premier intéresse l'emploi dans le secteur minier de Nouvelle-Écosse. En 1994, l'industrie houillère employait 2 320 personnes, dont 2 000 à 2 100 chez DEVCO. Selon les études économiques de la Société de développement du Cap-Breton, notre industrie a injecté près de 1 milliard de dollars dans l'économie, et c'est là un apport régulier. Les emplois directs dans le secteur houiller et les emplois dérivés ont un très gros impact sur l'économie de Nouvelle-Écosse en général.
Ensuite, nous voyons les estimations des réserves de combustibles fossiles existant dans le monde. Si vous regardez le pétrole, nous avons des réserves pour environ 48 ans. Les réserves de gaz naturel suffiront pour une soixantaine d'années. Dans le cas du charbon, c'est proche de 250 années de réserves au taux actuel de production. C'est plus du double du pétrole et du gaz naturel combinés. Nous disons, et nous nous appuyons pour cela sur des études de l'Association charbonnière du Canada et celles de divers autres groupes de réflexion qui travaillent en conjonction avec l'industrie charbonnière, que le charbon sera et devrait être le combustible de l'avenir.
Ici, nous voyons les importations mondiales de charbon thermique. C'est le segment du marché dont nous parlons. Nous sommes une entreprise largement exportatrice: 50 p. 100 de notre production a été exportée en 1991, je crois. Depuis lors, nous avons réduit nos exportations.
Le graphique montre qu'en 1994-1995, les importations mondiales de charbon thermique avoisineront 235 millions de tonnes. Il suffit à la Société de développement du Cap-Breton, pour vivre, de fournir 2 millions de tonnes de ce total. Si nous pouvons rétablir nos niveaux de production à ce qu'ils étaient, soit 4 millions de tonnes par an, nous pourrons retrouver ce débouché.
Parallèlement, et toujours selon l'Association charbonnière du Canada et Statistique Canada, notre pays a importé l'an dernier 9,29 millions de tonnes de charbon bitumineux. C'est ce que nous produisons ici. Les mineurs des charbonnages canadiens sont au chômage, alors que le Canada importe du charbon en provenance de pays comme les États-Unis et la Colombie. Nous disons que ce n'est pas un procédé équitable. Si nous prétendons être Canadiens, nous devrions acheter Canadien, ce qui signifie acheter du charbon canadien et de limiter les importations de charbon étranger.
Le prochain diagramme montre les marchés desservis par la Société de développement du Cap-Breton au cours des dix dernières années. Le Cap-Breton, la Nouvelle-Écosse, à gauche du diagramme, est l'un des fournisseurs les plus proches de l'Europe occidentale. Nous alimentons la Suède, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique, la France et le Royaume-Uni. Les acheteurs qui se fournissent dans l'île du Cap-Breton se montrent très satisfaits de notre produit. Ils savent également que lorsqu'ils s'adressent à nous, nous pourrons répondre à leur demande. Nous avons une main-d'oeuvre très stable et une grande stabilité politique.
Le dernier diagramme montre l'avenir du charbon au Cap-Breton. La grande case montre les réserves de charbon de la Nouvelle- Écosse, et celle intitulée «278 restants» - c'est en dehors des gisements de Sydney - signifie que l'ensemble de la province de Nouvelle-Écosse a en sus 278 millions de tonnes de charbon. C'est ce que nous exploitons depuis près de 300 ans. Les autres lignes qui indiquent Sydney, avec 850 millions de tonnes, c'est ce que nous avons exploité dans le gisement de Sydney depuis environ 300 ans. Nous exploitons toujours cet autre bloc de Sydney.
Plus bas, vous voyez la mine Donkin avec 1,578 million de tonnes. Si vous regardez le diagramme, c'est très impressionnant. Voici le gisement Donkin. Si vous parlez d'exploiter pleinement les richesses naturelles de l'île du Cap-Breton et du Canada rural, vous devez sérieusement envisager d'ouvrir la mine Donkin. Voilà le message que nous essayons de faire parvenir au gouvernement fédéral. Si l'industrie houillère doit survivre, il faut ouvrir la mine Donkin et cela aurait déjà dû être fait hier.
Nous allons formuler trois recommandations, avant de conclure.
Premièrement, le gouvernement fédéral devrait prendre des mesures immédiates en vue du démarrage du charbonnage Donkin- Morien. Nous avons des installations portuaires de 15 millions de dollars situées à proximité stratégique de débouchés avérés, en Europe occidentale. D'ailleurs, la France, l'un de nos vieux clients, met hors service toutes ses mines de charbon. Elle va importer tout son charbon pour la production d'électricité d'ici l'an 2004.
Il existe un procédé pour produire du méthanol ou du gazole propre dans une raffinerie de gazole à la mine Donkin. Voici un extrait d'un rapport de la Société de charbon et de gaz de Nouvelle-Écosse sur la mine Donkin, daté de novembre 1990: «Le gisement houiller de Sydney abrite une quantité immense de méthane». Le méthane est un sous-produit naturel du charbon. Là encore, l'utilisation de ce méthane compléterait l'exploitation de nos ressources naturelles, ici au Cap-Breton.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait prendre les mesures voulues pour limiter les importations de charbon étranger au Canada. Nous avons des mineurs de charbon au chômage.
Il y a deux semaines, un navire charbonnier est arrivé à Belledune, au Nouveau-Brunswick. Nous avons des mineurs de charbon au Nouveau-Brunswick. Ce navire transportait 80 000 tonnes de charbon colombien. L'équipage de ce navire comptait des enfants de 12 et 13 ans. Je ne sais pas combien ils gagnent par jour, mais leur salaire horaire tourne autour de 58c.
Les ouvriers canadiens ne peuvent rivaliser avec de pareils procédés. Ils ne le veulent pas non plus. Ce navire a déchargé 80 000 tonnes de charbon la semaine même où la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick - qui exploite le charbon au Nouveau-Brunswick - a annoncé le licenciement de 58 mineurs. C'est un tiers de l'effectif. Ce navire charbonnier est parti avec un chèque d'environ 2 millions de dollars qu'il a déposés dans une banque colombienne. Ce chèque n'a pas été placé dans une banque canadienne. Ce chèque n'a pas stimulé l'économie canadienne. Ce genre de choses ne devrait pas arriver dans notre pays. Si l'on veut stimuler l'économie, il faut que les Canadiens puissent travailler.
Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait établir des programmes de recherche ou des projets pilotes similaires à ceux en préparation ou déjà exécutés dans d'autres pays producteurs de charbon, comme l'Australie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États- Unis et le Japon. Ces pays sont en train de nous dépasser. Nous avons mis au point par le passé des technologies pour l'industrie houillère que nous étions les premiers à posséder.
La première usine de méthane a été construite au Cap-Breton à une dizaine de milles d'ici. C'était une technologie de pointe. Elle n'a jamais été mise en service. Cette technologie a été exportée partout ailleurs, et ces pays l'utilisent.
Par exemple, prenez certains des projets de recherche. Le charbon peut être employé pour la cokéfaction et les sous-produits de celle-ci, tels que l'ammoniaque ou les huiles légères. Selon l'Association charbonnière du Canada, l'Ontario possède quatre usines de cokéfaction, actuellement en service.
La liquéfaction du charbon est un processus viable depuis le XVIIIe siècle. On produit de cette façon des produits chimiques tels que le méthanol, l'ammoniaque et le kérosène, aux États-Unis, en Allemagne et au Japon. S'ils peuvent le faire là-bas, nous pouvons le faire ici au Cap-Breton et au Canada.
Le méthane est un sous-produit direct de l'extraction du charbon et peut être vendu directement ou servir à la production d'électricité ou à la micro-cogénération.
Encore une fois, vous avez des renseignements ici montrant que United Mine Workers est intervenu auprès du ministère des Ressources naturelles au sujet de la cogénération et de l'utilisation du méthane en tant que sous-produit. C'est une richesse naturelle et nous en sommes propriétaires, et nous devrions l'utiliser. À l'heure actuelle, on laisse le méthane se dissiper dans l'atmosphère.
Nous pourrions aborder beaucoup d'autres aspects encore de l'industrie houillère au Cap-Breton, pour en souligner l'importance et l'intérêt économique. Tous ces renseignements ont déjà été communiqués au ministère des Ressources naturelles. Chacun de ces renseignements a également été transmis au comité sénatorial. Il est inutile de tout passer en revue ici aujourd'hui. Nous n'avons pas le temps aujourd'hui, je suppose. Mais nous avons tout réuni ici, si le comité veut y jeter un coup d'oeil. Anne McLellan connaît parfaitement bien notre position.
Voici un livre intitulé Creating Opportunity: A Plan for Cape Breton. Encore une fois, il fait partie du paquet de documents que nous vous remettons.
Nous avons dressé un plan dont nous pensons qu'il peut stabiliser cette industrie. Il est à votre disposition. Nous sommes les experts dans ce domaine. Nous avons 300 années d'expérience de l'extraction du charbon. Lorsque nous parlons d'ouvrir une mine de charbon, ce ne sont pas là des paroles d'illuminés. Nous avons des solutions aux problèmes actuels de l'industrie charbonnière du Cap- Breton et nous voulons que nos représentants à Ottawa nous écoutent.
S'il est un message que vous pouvez ramener à Ottawa, c'est bien que la mine Donkin doit faire partie de l'avenir de l'industrie houillère du Cap-Breton.
Je cite David Dingwall: «Les Canadiens, en ce moment, en ont ras le bol du gouvernement fédéral».
En un mot comme en cent, nous voulons travailler. C'est tout. Nous ne demandons rien d'autre. Nous ne demandons pas la charité au gouvernement fédéral. Nous voulons du travail.
Le Cap-Breton, comme vous le savez bien, affiche un taux de chômage officiel de 24 p. 100. En réalité, il est de 50 p. 100. Jadis, Glace Bay était la principale ville charbonnière d'Amérique du Nord. Elle a aujourd'hui 50 p. 100 de chômeurs. Si le gouvernement fédéral veut sérieusement assurer du travail ici, il devra sérieusement assurer que l'industrie houillère reste viable et se développe.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: J'ai une question rapide. D'après vos recommandations, vos besoins sont réellement précis.
Je viens d'une région minière du nord-ouest du Québec, mais je connais mal l'industrie houillère. Que fera votre industrie pour informer le public? Vous savez, vous n'avez pas bonne réputation chez les écologistes. Je ne sais pas dans quelle mesure elle est justifiée ou non, mais que fera votre industrie pour informer le restant du Canada au sujet de ses effets sur l'environnement? Ce qui compte, c'est l'impression du public.
M. Drake: Mettons les choses ainsi. L'information est à la disposition de quiconque veut en prendre connaissance. Pour ce qui est de savoir ce que fait l'industrie charbonnière pour l'environnement, regardez ce rapport détaillé de l'Association charbonnière du Canada, qui est publié chaque année. C'est un document public. Le ministère des Ressources naturelles en reçoit une copie chaque année.
Voilà donc une source; nous avons essayé de modifier l'image de l'industrie charbonnière, afin qu'elle ne soit plus vue comme un monstre sale et polluant mais exactement comme ce qu'elle est: une machine à créer des emplois, une industrie hautement technique. Les mineurs n'extraient plus le charbon aujourd'hui avec des pics et des pelles. Nous utilisons du matériel de haute technologie. Nous savons même réparer les pièces électroniques.
Nous parlons ici de brûler du charbon plus propre, à faible teneur en soufre. Nous avons une installation de lessivage ici, au Cap-Breton. Nous envisageons actuellement l'extraction sélective, selon un procédé sur lequel Travaux publics Canada s'est penché il y a 18 mois environ. Ce procédé consiste à laisser le charbon de piètre qualité et à n'enlever que le charbon de haute qualité, de façon à brûler un meilleur produit. La réduction des émissions, au moyen d'épurateurs par exemple - un type d'épurateur a été mis au point aux États-Unis et est en service dans ce pays, en Europe et au Japon, qui extrait environ 95 p. 100 du dioxyde de soufre.
La combustion à lit fluidisé est un autre procédé permettant de brûler le charbon plus proprement, sans contribuer à la dégradation de l'environnement. Nous avons à Point Aconi une centrale électrique utilisant la combustion à lit fluidisé, et aussi un procédé de combustion à cycle mixte gaz-charbon. Là encore, ce procédé produit des émissions moins volatiles, moins nocives pour l'environnement.
Tout cela est du domaine public, et la transformation de l'image de l'industrie charbonnière canadienne, afin qu'elle ne soit plus perçue comme une source de pollution mais comme un moteur économique écologiquement responsable, me paraît être une tâche opportune pour le gouvernement fédéral et je pense que le ministère des Ressources naturelles pourrait y contribuer immensément.
La technologie existe. Je pense que l'industrie houillère est écologiquement très responsable.
M. Deshaies: Oui. Je dis cela car je suis le critique officiel pour le secteur minier. Je souhaite voir cette industrie se développer et je pense qu'il importe que ces résultats soient davantage portés à la connaissance du public. Ce n'est qu'une suggestion. Il faut modifier à bref délai la perception du public.
M. Drake: Voici un intéressant petit diagramme, émanant aussi de l'Association charbonnière du Canada. Il dit: «Le charbon est plus qu'un combustible» - et vous pouvez vous le procurer par l'intermédiaire de Ressources naturelles. Vous y voyez un arbre, et la partie centrale est un bloc de charbon. Il montre que le charbon est utilisé pour produire du gaz, produire des pneus, produire du coke, des huiles légères, du mazout lourd, du kérosène, du diluant de peinture, du révélateur photographique, des parfums, des batteries, des décolorants, des bardeaux de toiture. Ce n'est pas juste un combustible. Ces technologies existent et elles sont utilisées dans le monde entier.
Le Canada, à un moment donné, était à la fine pointe de ces technologies, mais il ne l'est plus. Le charbon, selon les chercheurs et les données statistiques, sera le combustible de l'avenir. Si nous l'abandonnons aujourd'hui en faveur des grosses compagnies pétrolières et gazières, nous commettrons une erreur tragique, terrible.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Monsieur Drake, la principale chose que votre exposé m'a apprise, c'est combien je suis ignorant de toute l'industrie du charbon. Je suis peut-être un représentant type du public canadien, mais j'avais pratiquement la bouche pendante en écoutant certains de vos... Je ne savais pas, par exemple, que nous importons du charbon au Canada.
M. Drake: L'année dernière, en 1995, c'était 9,29 millions de tonnes.
M. Ringma: Je suis de Colombie-Britannique et nous avons beaucoup de charbon dans les Rocheuses, que nous exportons. C'est tout ce que je sais.
M. Drake: Vous développez également votre industrie, en Colombie-Britannique.
M. Ringma: Dites-moi, pourquoi importons-nous? Est-ce un marché direct...? Votre exemple du cargo colombien - est-ce parce que c'est du charbon à bas prix que nous l'importons?
M. Drake: La réponse est qu'il ne coûte pas cher. Un de mes amis est monté à bord de ce navire charbonnier colombien il y a deux semaines et a vu un jeune garçon de 12 ou 13 ans y travailler. C'est de la main-d'oeuvre enfantine, quelle que soit la définition que vous en donnez. Les Canadiens ne peuvent concurrencer cela. Nous ne le voulons pas. Nos enfants devraient aller à l'école, et non pas travailler sur un charbonnier ou dans une mine de charbon. Voilà le premier point.
S'ils disent que c'est moins cher, je ne suis pas d'accord. C'est peut-être moins cher à la tonne, à la livraison; c'est peut- être 40 $ la tonne, ou un chiffre de cet ordre. Cependant, il y a un autre coût en jeu. Si vous considérez ce charbonnier colombien - ou peu importe sa provenance - il vient de l'étranger. Lorsque cet argent quitte le Canada, il ne stimule pas notre économie. Si ces 2 millions de dollars partent à l'étranger, alors que nous avons des mineurs au chômage, il y a un coût pour notre économie. Premièrement, ces mineurs ne contribuent pas à l'économie, par le biais des retombées économiques qu'ils engendreraient en dépensant leur chèque de paie au Canada. Deuxièmement, ils ponctionnent le système. Ils sont chômeurs. S'ils ne trouvent pas d'autre emploi, et sachant qu'ils sont mineurs... Certains d'entre eux ont 25 ans d'ancienneté. À quoi allez-vous former un mineur de charbon ayant 25 ans d'ancienneté et âgé de 50 ou 52 ans? Ils ne stimulent pas l'économie.
Le Canada ne gagne rien à importer ce charbon à meilleur prix; cela lui coûte plus cher. Il y a un coût humain. Le Canada est le Canada, c'est pourquoi nous vivons ici. Le Canada s'occupe des Canadiens. Ce produit moins cher que l'on importe ne coûte pas moins cher en réalité. Il y a un autre coût. Cet argent quitte le Canada. Il ne stimule pas notre économie.
M. Ringma: Je dois essayer de ravaler des questions, car je pourrais passer toute la matinée à vous en poser.
M. Drake: Allez-y. Je peux passer la matinée à y répondre.
M. Ringma: Donnez-moi une réponse très rapide. Pourquoi la France cesse-t-elle de produire du charbon?
M. Drake: C'est à cause du produit. C'est difficile; j'ai les renseignements et j'ai apporté avec moi tout ce que je pouvais. La France cesse de produire du charbon, je crois, parce qu'elle peut l'acheter moins cher ailleurs. En outre, son charbon est à haute teneur en soufre et en cendre, il est difficile à brûler parce qu'il endommage les générateurs électriques - les turbines et ce genre d'équipement. Son charbon n'est pas aussi bon que le nôtre.
Nous vendons à la France, comme je l'ai dit. Vous avez les données dans les documents d'information. Ils sont très satisfaits de notre produit et nous sommes juste de l'autre côté de la porte. Nous avons porte ouverte entre le Cap-Breton et la France. C'est bon pour l'industrie houillère canadienne. Si la France cesse de produire du charbon - et c'est ce qu'elle prévoit - il y a là un marché grand ouvert pour nous.
Ce serait une erreur terrible que d'abandonner notre marché d'exportation, car alors nous serions captifs d'un seul client - Nova Scotia Power. Dans tout domaine, si vous êtes captif d'un client, celui-ci peut vous dicter les prix.
M. Ringma: Merci beaucoup. Je conclurai en disant que je vais faire mes devoirs afin de mieux m'informer.
M. Drake: Si vous trouvez des idées, nous serions heureux de les entendre.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Je vous remercie, monsieur le président.
Je connais un peu les technologies et les retombées économiques de la production de charbon. Beaucoup de ces technologies ont leur origine dans la Seconde Guerre mondiale, etc. J'ai une question un peu élémentaire. Si ces technologies sont viables aujourd'hui, dans le marché d'aujourd'hui, pourquoi ne sont-elles pas employées?
M. Drake: Disons les choses ainsi: elles sont employées. J'en ai d'ailleurs mentionné trois ou quatre. La liquéfaction du charbon se fait déjà. C'est un procédé viable aux États-Unis, en Allemagne et au Japon. Ces pays utilisent ces technologies en ce moment même.
M. Reed: Ma question est plutôt de savoir pourquoi cela ne se fait pas chez nous?
M. Drake: Pourquoi pas au Canada? C'est la question à 60 000 $. Je ne pense pas pouvoir y répondre. C'est ce que nous faisons depuis deux ans: expliquer que le charbon n'est pas juste du charbon. Le charbon crée des emplois dans d'autres secteurs - dans le domaine de la technologie, du génie.
J'ai déjà essayé de l'expliquer, j'ai dû mal m'y prendre. Nos mineurs travaillent sous terre aujourd'hui avec des machines de 2 millions et 3 millions de dollars, commandées à distance. Tout se fait électroniquement aujourd'hui, et si cette machine tombe en panne, nos mineurs peuvent la réparer. Ils savent trouver la panne et la réparer. C'est une industrie de haute technologie.
M. Reed: Il doit bien y avoir des entrepreneurs qui voient le potentiel que vous esquissez dans votre mémoire...
M. Drake: Absolument.
M. Reed: ...sur le plan de la liquéfaction, de la production de kérosène etc. J'en reviens à ma question. Pourquoi pas? Pourquoi est-ce que cela ne se fait pas?
M. Drake: Posez la question à 60 000 $ au gouvernement fédéral. Alastair Gillespie se démène pour le projet de carburant synthétique à Port Hawkesbury depuis plus de 15 ans - c'est ce que l'on me dit - et il n'a toujours rien obtenu. Il a comparu devant le comité sénatorial. Cette usine brûlerait environ 400 000 tonnes de charbon de Donkin. Pourquoi n'a-t-on par exploré ce projet? Pourquoi le gouvernement fédéral ne s'est-il pas penché sérieusement sur ce projet? Je ne peux pas répondre à cette question. Seul le gouvernement fédéral connaît la réponse.
M. Reed: Est-ce parce que cela exigerait une importante intervention gouvernementale?
M. Drake: Par «intervention gouvernementale», voulez-vous dire...
M. Reed: De l'argent.
M. Drake: ...de l'argent? Il faudrait vérifier le procès- verbal de la comparution de M. Gillespie au Sénat. Je ne pense pas que M. Gillespie attende un gros apport financier du gouvernement fédéral. Vous trouverez probablement une réponse plus précise dans le procès-verbal du comité sénatorial, mais je ne pense pas qu'il demande beaucoup d'argent au gouvernement.
Nous non plus. Nous avons soumis une proposition au gouvernement fédéral, en vue de l'adoption de méthodes d'extraction améliorées, de relations patronales-syndicales améliorées, une commercialisation améliorée, une meilleure utilisation de notre produit, telle que la cogénération au méthane ou la vente directe de méthane. Nous avons soumis tout cela au gouvernement fédéral. Chacun de ces éléments réduit notre coût par tonne; et c'est le coût par tonne qui pose problème. Si notre coût est de 80 $ ou 90 $ la tonne, c'est trop cher pour être compétitif, mais si, au moyen de toutes ces propositions, nous pouvons faire baisser le coût par tonne à 50 $ ou 52 $ ou 32 $, selon le cas, nous pouvons soutenir la concurrence de n'importe qui. Mesdames et messieurs, au Cap- Breton, nous avons les meilleurs mineurs de charbon du monde.
M. Reed: Je n'en doute pas un instant. La question est de savoir pourquoi le secteur privé ne se précipite pas pour exploiter ces possibilités, ou même les syndicats. Qu'en est-il des fonds de capital-risque des syndicats? Le Congrès du Travail du Canada a une cagnotte de 800 millions de dollars.
M. Drake: Revenons-en à la question initiale de ce monsieur, celle de l'image de l'industrie houillère. Il faut modifier cette image et le gouvernement fédéral doit y contribuer. Si l'image de l'industrie houillère est celle d'un gouffre où s'engloutit l'argent - ce n'est pas mon avis, mais si c'est l'image et l'impression qui règnent - il sera très difficile d'amener les investisseurs privés à s'y intéresser.
Sur un aspect auxiliaire de votre question, nous n'avons rien contre l'entreprise privée. Mais la fonction principale de l'entreprise privée est de réaliser un profit. Si l'industrie houillère dominée par une société d'État, comme c'est le cas chez nous avec DEVCO, emploie 2 000 personnes et si nous pouvons montrer au gouvernement fédéral comment rendre cette industrie viable et profitable tout en conservant ces 2 000 emplois, pourquoi le gouvernement fédéral voudrait-il privatiser? Il n'y a aucune raison. Cela ne coûte rien aux contribuables. En revanche, si des investisseurs privés arrivent et prélèvent des profits, chaque million de dollars de profit qui sera prélevé et non réinvesti directement nous coûtera des emplois.
Donc, pourquoi pousserions-nous dans le sens d'une privatisation? Je ne le ferai pas. Je ne peux pas.
Si nous pouvons montrer au gouvernement fédéral... et nous lui avons montré. Donnez-nous l'occasion de prouver que cette industrie peut être viable et autosuffisante, sans crédits publics. Donnez- nous l'occasion de vous le prouver, et nous ferons de notre mieux. Et si nous y parvenons, que DEVCO reste une société d'État et conserve les emplois encore subsistants au Cap-Breton. Voilà notre option.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Soyez le bienvenu à notre comité, monsieur Drake.
M. Drake: Je vous remercie. C'est un plaisir que d'être ici.
Mme Cowling: L'une des choses que maints témoins nous ont dites d'un bout à l'autre du pays, c'est que l'emploi et la croissance économique doivent procéder de l'initiative locale, de l'initiative de la base plutôt que du sommet. Je tiens à bien préciser que la ministre McLellan est résolue à assurer le développement durable et la survie économique du Canada rural, et c'est bien entendu pour cette raison que nous procédons à ces consultations avec des personnes comme vous-même.
Lorsque le gouvernement fédéral a approuvé le plan d'entreprise de DEVCO en mai 1996, il lui a accordé un prêt pour combler son déficit de trésorerie jusqu'en 1999. Il s'attend à ce que DEVCO soit en mesure de commencer à rembourser à partir de 1999-2000.
J'aimerais revenir à une question posée par M. Reed, car elle me paraît extrêmement importante. Je vais reprendre l'une des expressions que vous avez employées.
Si les mineurs de charbon de la région sont les meilleurs du monde - et nous n'avons aucune raison d'en douter - pourquoi ne pouvez-vous prouver que vous êtes capables de soutenir la concurrence de ces autres régions? À l'évidence, le ministre est résolu à vous aider, par le biais de recherches et d'autres moyens. Mais c'est à vous qu'il appartient de prouver que vous pouvez établir le type de climat d'affaires susceptible d'accroître l'emploi dans la région.
M. Drake: Premièrement, lorsque je dis que les mineurs du Cap- Breton sont les meilleurs du monde, c'est un fait avéré. Nous avons battu tous les records d'exploitation sous-marine imaginables au cours des 50 dernières années - et c'est inscrit dans le livre des records du Canada. Chaque fois qu'il est question de la Société de développement du Cap-Breton, hormis les difficultés que nous traversons en ce moment, c'est pour annoncer que DEVCO bat un nouveau record, que les mineurs de Lingan battent un nouveau record, que les mineurs de Prince Colliery battent un nouveau record, que les mineurs de Phalen produisent 80 000 tonnes de charbon en une semaine. Ce sont des records du monde d'extraction sous-marine. Vous ne pouvez nous comparer avec une mine à ciel ouvert - il n'y a aucune comparaison. Vous ne pouvez nous comparer avec une mine qui s'enfonce dans le flanc d'une montagne, où les conditions d'extraction sont optimales. Il faut comparer les pommes aux pommes, et non pas les pommes aux oranges. Voilà le premier point.
Deuxièmement, pourquoi ne pouvons-nous le prouver? Les faits parlent pour eux-mêmes. Nous subissons actuellement les pires conditions d'extraction que nous ayons jamais vues.
Êtes-vous jamais allée sous terre dans une mine de charbon du Cap-Breton, une mine sous-marine?
Mme Cowling: Non.
M. Drake: Nous connaissons les pires conditions géologiques que nous ayons jamais vues. Nos gars prouvent chaque jour qu'ils sont compétitifs. Mère nature est contre nous en ce moment, et nous avons besoin d'un coup de pouce - et ce coup de pouce est la mine Donkin. J'espère que cela répond à votre question.
Mme Cowling: Avec le soutien financier temporaire que le gouvernement fédéral vous accorde, nous vous souhaitons beaucoup de succès.
M. Drake: Dites au gouvernement fédéral de prendre une partie de ces 79 millions de dollars - c'est lui le patron et c'est lui qui tire les ficelles - et de les placer dans la mine Donkin. C'est un bon investissement dans l'avenir du Canada.
Mme Cowling: Je pense qu'il importe que le témoin comprenne ce que de nombreux témoins nous ont dit à travers le pays, et je le répète encore. Je ne pense pas me tromper en disant que la majorité de ces témoins nous ont fait savoir clairement que l'impulsion devait provenir de la population locale - il doit s'agir d'initiatives locales - et non pas venir d'en haut.
Votre message semble quelque peu différent. Votre message semble être que le gouvernement fédéral devrait agir depuis le sommet, sans que l'initiative vienne de la base. Il faut que les choses soient bien claires, car lorsque nous rédigerons notre rapport, si nous voulons bien traduire le point de vue des personnes que nous avons écoutées, nous devons savoir quelle est votre position.
Il me semble que votre position est très ambiguë. Vous parlez de comparaison entre des pommes et des oranges, mais je pense aussi que votre exposé est équivoque. Il ne nous donne rien de précis, et c'est ce dont le comité a besoin.
M. Drake: Je ne sais pas ce que vous entendez lorsque vous dites que mon message est équivoque. Mon message était très clair: si vous voulez stimuler l'économie de l'île du Cap-Breton, vous devez stimuler l'industrie houillère.
Pour ce qui est des positions que vous avez entendues à travers le Canada, tout dépend à qui vous vous adressez. Si vous parlez d'un groupe de réflexion qui est largement financé par des contrats avec le gouvernement, il va vous donner les réponses que veut entendre le gouvernement. Si vous parlez au grand patronat, celui-ci va défendre ses propres intérêts.
Ce que j'exprime ici, aujourd'hui, représente l'avis de travailleurs canadiens ordinaires. Nous sommes une région rurale avec un taux de chômage de 24 p. 100. Ce que préconisent les personnes dont vous avez parlé n'a pas marché ici, au Cap-Breton. Nous avons toujours 24 p. 100 de chômeurs, et encore ce sont les chiffres de Statistique Canada. Ils ne traduisent pas la situation réelle. La situation réelle, ici, est un taux de chômage de 50 p. 100.
Nous élisons le gouvernement, nous lui donnons le pouvoir d'utiliser l'argent de nos impôts au mieux, dans l'intérêt des travailleurs canadiens ordinaires. Au Cap-Breton, en ce moment, nous avons besoin que le gouvernement continue de soutenir l'économie du Cap-Breton, par le biais de la Société de développement du Cap-Breton.
Nous avons présenté des options. Le ministère des Ressources naturelles les a, le Bureau du premier ministre les a, le Sénat les a et vous les avez entendues aujourd'hui. Nous présentons des options montrant que DEVCO peut devenir viable en l'espace de cinq ans et ne plus coûter un sou aux contribuables. Je ne vois pas ce qu'il y a d'équivoque là-dedans et je ne vois rien de répréhensible dans ce message.
Lorsque vous sillonnez le pays avec un comité comme celui-ci, vous allez entendre toutes sortes d'avis divergents. Vous n'allez pas entendre un seul message. Si vous escomptez entendre un certain message avant même de partir, il ne sert à rien de tenir des audiences. Notre message, encore une fois, vient de travailleurs canadiens ordinaires. Nous voulons travailler et nous pensons avoir des solutions qui le permettent. Nous avons un plan.
Mme Cowling: Je vais peut-être laisser le président vous expliquer qui nous avons écouté.
M. Drake: Certainement. Cela m'intéresse.
Le président: Nous avons entendu des gens très divers. Pendant nos déplacements, nous avons reçu des Canadiens ordinaires - pas le grand patronat, pas les groupes de réflexion, etc. - y compris des personnes travaillant dans l'exploitation des richesses naturelles, dans diverses régions du pays. Mais peu importe.
Je crois comprendre ce que vous dites, et rectifiez si je me trompe. Le meilleur rendement sur l'investissement au Cap-Breton est dans l'industrie houillère, et c'est là qu'il faudrait placer les crédits car c'est là que l'on créera le plus d'emplois le plus rapidement. Est-ce là ce que vous dites?
M. Drake: En un sens, oui, mais nous ne disons pas que vous devez mettre tous vos oeufs dans le panier du charbon. Nous disons qu'il y a presque 2 000 personnes qui travaillent dans cette industrie aujourd'hui, et que c'est très bénéfique pour l'île en ce moment.
Si l'on continue à entamer ce pilier de l'économie, cette assise économique - le gouvernement fédéral nous a donné le mandat de supprimer 715 emplois - cela n'apportera rien de bon à l'île du Cap-Breton. Les emplois que vous dites vouloir créer ne paieront pas 17 $, 18 $ ou 19 $ de l'heure - ils paieront 7 $, 8 $ ou 9 $ de l'heure. C'est l'évidence. C'est ce qu'on voit partout dans le pays.
Nous disons qu'il faut soutenir cette industrie, l'étayer et préserver ces emplois. C'est possible. Ensuite, tout le surcroît sera un gain net. C'est ce que j'ai dit tout au début. Si nous pouvons obtenir 350 ou 450 emplois de plus, dans le secteur privé ou par le biais de la décentralisation de services gouvernementaux - une autre promesse faite à l'île du Cap-Breton qui n'a pas été tenue - ce seront des emplois qui viendront s'ajouter à ceux que nous avons déjà. Est-il rationnel de commencer par supprimer 700 emplois et d'en créer ensuite 350 autres? Est-ce rationnel? Est-ce que cela aiderait notre économie? Je pose une question.
Le président: Je comprends votre point de vue. J'ai une autre question pour vous. Il y a là un dilemme, et j'aimerais avoir votre avis.
M. Drake: Oui, il y a certainement un dilemme.
Le président: D'une part, vous dites que pour être viables vous avez besoin d'exporter votre produit. Vous avez besoin de débouchés dans le monde, et plus vous avez de débouchés, évidemment, et plus vous pouvez vendre et plus viable sera cette activité. C'est parfaitement logique.
Mais parallèlement, vous dites que nous devons restreindre les importations de charbon au Canada. Il serait probablement très malaisé de dire à la communauté internationale que nous voulons l'accès à ses marchés, et limiter en même temps l'accès de l'étranger à notre marché. J'imagine que la communauté internationale prendrait ombrage d'une telle politique.
Je ne sais pas si c'est exactement cela que vous préconisez. Dans l'affirmative, expliquez-nous comment nous pourrions faire accepter cela.
M. Drake: Ce n'est pas moi qui décide la politique gouvernementale, mais je suppose qu'à titre de contribuable et d'électeur j'ai un mot à dire. Nous considérons d'abord l'exportation de charbon, et vous avez raison de dire que c'est un élément viable de notre industrie. Si nous pouvons exporter deux millions de tonnes de charbon, nous n'aurons pas à limiter les importations canadiennes. Mais si nous ne pouvons pas exporter de charbon... et je pense que c'est en janvier 1996 que le gouvernement fédéral a approuvé le plan de la Société de développement du Cap-Breton qui prévoit la suppression des exportations pendant les quatre prochaines années, ce qui nous met dans une situation très précaire. Nous sommes à la merci d'un seul client, Nova Scotia Power.
Il est totalement illogique de fermer le marché d'exportation de la Société de développement du Cap-Breton, et d'importer en même temps du charbon au Canada. Si nous voulons conserver les emplois de nos mineurs, nous avons besoin de débouchés pour notre charbon. Si ces débouchés sont au Canada, merveilleux. Achetez du charbon canadien. C'est ce que devraient faire les producteurs d'électricité canadiens. Sinon, nous avons besoin d'exporter.
Je ne sais pas si vous avez lu le rapport du ministère des Ressources naturelles sur la Société de développement du Cap- Breton, mais aucune exportation n'est prévue pendant les quatre prochaines années. Cela réduit automatiquement notre production de deux millions de tonnes, et élimine à toutes fins pratiques les emplois liés à cette production de deux millions de tonnes.
Comme je l'ai dit, ce n'est pas moi qui décide les politiques, mais c'est l'un ou l'autre. Il nous faut un marché pour notre charbon. On ne peut nous limiter à un seul client, et on ne peut nous limiter à une production de deux millions de tonnes de charbon.
Le président: Vous dites donc, en substance, que si vous avez l'accès aux marchés étrangers, vous n'êtes pas opposé à ce que les pays étrangers aient accès au nôtre.
M. Drake: Eh bien, mettons les choses ainsi. Je vais essayer d'être clair. Je ne me rendais pas compte que ce que j'ai dit tout à l'heure n'était pas clair.
Je suis totalement en désaccord avec l'importation de charbon colombien au Canada et avec le fait que des gamins de 12 ans travaillent sur ces navires au lieu d'aller à l'école - totalement, à 100 p. 100. Je ne pense pas que le gouvernement canadien devrait autoriser cela. Je ne vois pas comment je pourrais être plus clair.
Le président: Eh bien, vous n'avez toujours pas dit si nous devrions contrôler l'importation de charbon étranger.
M. Drake: Je pense qu'il faut revoir l'ALENA. Je pense que c'était une autre promesse du gouvernement fédéral. Il me semble que Dave Dingwall avait dit qu'il mettrait l'ALENA au rancart, n'est-ce pas?
Le président: Je n'ai nulle idée de ce que Dave a dit ici.
M. Drake: Il jouait à la balançoire, n'est-ce pas? Bon.
Le président: Vous êtes un politicien adroit, monsieur Drake.
M. Drake: Merci beaucoup. J'espère que je peux considérer cela comme un compliment.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Oui, c'est un compliment.
L'une des raisons pour lesquelles nous sommes venus au Cap- Breton est l'importance de l'industrie charbonnière. C'est un volet important de l'économie rurale. Il nous importait beaucoup d'entendre votre point de vue et celui des hommes et femmes que vous représentez.
Il se trouve que j'ai habité à Elliot Lake et ai eu de nombreux contacts avec les Métallurgistes unis, le syndicat qui représentait les mineurs d'uranium. Je sais combien ces syndicalistes se démenaient pour défendre ces mineurs. Sur une période de 30 ans, ils ont réussi à doter cette industrie, auparavant très dangereuse et difficile, de la sécurité que les mineurs méritent et à établir un meilleur milieu de travail.
J'ai l'impression que vous représentez vos membres, les hommes et les femmes qui travaillent dans les mines, aussi bien que ce syndicat le faisait là-haut. Je sais que c'est un travail difficile et j'apprécie que vous ayez pris le temps de venir nous exprimer votre point de vue.
Mme Cowling: Monsieur le président, j'aimerais personnellement remercier M. Drake d'être venu.
Je veux également vous assurer de la détermination de notre ministre. Elle a tellement à coeur cette région en particulier qu'elle a envoyé avec nous son adjoint législatif, qui est assis au fond de la salle. Elle est résolue à oeuvrer pour le renouvellement du Canada rural. C'est à son initiative que nous avons entrepris cette étude. Nous sommes donc déterminés à assurer la viabilité économique du Canada rural.
M. Drake: Nous, à l'UMW, apprécions que vous vous soyez déplacés jusqu'ici et en comprenons l'importance. Je suppose qu'au printemps, lorsque vous présenterez votre rapport final, tous ceux qui ont comparu devant vous, dans tout le Canada, verront leur point de vue reflété.
J'aimerais simplement répéter une chose. L'industrie charbonnière au Cap-Breton est un élément vital de notre économie. De l'avis des mineurs de la base, du travailleur moyen au fond de la mine de charbon - et c'est un Canadien moyen, payant ses impôts - si l'industrie charbonnière doit survivre au Cap-Breton, la mine Donkin doit être ouverte dans l'avenir immédiat.
Si certains de mes propos ont pu vous paraître un peu obscurs, c'est peut-être de ma faute; je ne sais pas. Mais si vous devez retenir un message, que ce soit celui que la mine Donkin est indispensable à notre avenir.
Je vous remercie de votre invitation et vous souhaite bonne chance.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à notre témoin suivant: M. Fraser Hunter, de l'Inverness and Victoria County Federation of Agriculture. Soyez le bienvenu, monsieur Hunter. Je vous demande de faire une déclaration liminaire et nous aurons ensuite une période de questions.
M. Fraser Hunter (directeur, Inverness and Victoria Federation of Agriculture): Je me nomme Fraser Hunter. Je suis un producteur laitier du comté d'Inverness, près de Mabou, au Cap-Breton. Je représente ici la fédération de l'agriculture des comtés d'Inverness et de Victoria.
Nous apprécions cette invitation à exprimer nos vues au comité. C'est par Francis Gillies, de la RDA, qui a déjà comparu, que nous avons appris que le comité allait siéger dans la région. Nous apprécions cette possibilité de vous faire part de nos vues sur le développement rural.
Nous avons jugé très important, lorsque nous avons examiné votre plan de travail et vos objectifs d'étude, dans les comtés d'Inverness et de Victoria - c'est la région que nous appelons le Cap-Breton rural, comme M. Gillies vous l'a déjà expliqué - de voir que le comité espère sensibiliser le public canadien aux secteurs d'exploitation des richesses naturelles, dont la contribution n'est pas toujours bien connue ou comprise. C'est une lacune que nous ressentons profondément, nous, les agriculteurs de cette partie de l'île.
Pour passer maintenant au texte que je vous ai remis, l'Inverness and Victoria Counties Federation of Agriculture compte 150 exploitations parmi ses membres actifs. L'agriculture dans ces deux comtés ne représente pas une grosse part du secteur à l'échelle de la Nouvelle-Écosse, mais dans notre région, c'est l'une des activités principales, avec l'exploitation forestière et la pêche.
Nos comtés ont une production agricole d'environ 5 millions de dollars. L'activité est très diversifiée, englobe la production laitière, la volaille sous forme de production d'oeufs, le boeuf, le mouton, les petits fruits - principalement bleuets, framboises et fraises - , le sirop d'érable, l'élevage du renard et du vison, les céréales et fourrages et la culture maraîchère.
Dans cette région, les exploitations sont surtout de type familial et il n'y a guère de grosses exploitations. La plupart des agriculteurs à plein temps sont producteurs laitiers, ceux à temps partiel complètent leur revenu en conduisant les autobus scolaires, en travaillant à l'entretien des routes, dans la pêche, l'exploitation forestière et le tourisme.
Un aspect à souligner, c'est que les agriculteurs de notre région ne dépendent pas des prestations AE, c'est-à-dire le nouveau système d'assurance-chômage, pour compléter leur revenu, c'est-à- dire qu'ils sont actifs 12 mois sur 12.
La fédération approuve pleinement maintes remarques concernant l'économie rurale contenues dans le document d'information de votre comité. Ce n'est que depuis peu que l'économie urbaine est sensibilisée à l'importance de l'économie rurale. Si vous prenez le Royaume-Uni, il est intéressant qu'il ait fallu la crise de la maladie de la vache folle pour que l'agriculture devienne plus visible. La population urbaine de ce pays a pris conscience avec rudesse de l'importance du secteur primaire pour l'économie.
La fédération, dans son mémoire, ne va pas faire assaut de chiffres. Je suis sûr que votre comité peut se procurer facilement les statistiques. Elle veut plutôt souligner les particularités de l'agriculture dans la micro-économie de notre région, qui n'est certainement pas très différente de la macro-économie du Canada rural.
On emploie souvent des termes à la mode dans le domaine économique. L'un de ces termes est petite entreprise et entrepreneuriat. C'est l'un des pans de l'économie que l'on salue comme devant faire partie de la nouvelle économie. Pourtant, les agriculteurs se disent qu'il n'y a là rien de nouveau. Les agriculteurs gèrent des petites entreprises depuis des années. Pourquoi ne s'en rend-on pas compte?
Notre rôle dans l'économie étant quasiment ignoré, les programmes gouvernementaux nous oublient. Nous ne pouvons obtenir des prêts sans intérêts. Nous ne pouvons obtenir des garanties de prêt. Nous ne pouvons obtenir des réductions de taux d'intérêt comme beaucoup d'autres secteurs de l'économie. Ces programmes ne sont pas offerts aux producteurs du secteur primaire, qu'ils travaillent dans l'agriculture, l'exploitation forestière ou la pêche.
Il faut que le secteur primaire produise pour que le secteur secondaire ait des matières premières à transformer. Si le secteur primaire ne produit rien, il n'y a rien à transformer. Il n'y a rien à quoi ajouter de la valeur. Le secteur des ressources naturelles - pêche, agriculture et exploitation forestière - a été oublié. Tout, dans les programmes, est axé sur les industries secondaires.
Un autre mot à la mode est «valeur ajoutée». Cela fait des années que nous faisons de la valeur ajoutée. Qu'est-ce qui ajoute de la valeur plus que la conversion du sol en herbe, employée pour nourrir une vache et produire du lait, que vous consommez tous? Si ce n'est pas de la valeur ajoutée, je ne sais pas ce que c'est. Certes, le produit brut quitte notre exploitation sous forme de lait, mais nous avons ajouté énormément de valeur au sol avant le stade du lait. On semble l'oublier.
Soit dit en passant, le Canada est renommé dans le monde entier pour la qualité de son bétail, exporté partout. C'est dû à la bonne situation sanitaire chez nous. Nous ajoutons de la valeur en produisant des reproducteurs de haute qualité. On va supprimer les programmes qui facilitent cette production, sous forme de pedigrees. Non, nous ne voulons pas être des parasites, mais ces programmes ne doivent être démantelés que graduellement afin que nous puissions préserver les pedigrees qui sont si nécessaires à la production de ces reproducteurs de haute qualité.
La diversification est un autre terme à la mode. Encore une fois, l'agriculture diversifie depuis longtemps, en quête de cultures nouvelles et viables pour produire de la nourriture pour les hommes et les animaux.
Pour ce qui est de la technologie, quelle autre industrie composée de petits entrepreneurs applique les progrès technologiques plus rapidement que les cultivateurs, avec la biogénétique animale et végétale? Songez au transfert d'embryons etc. Nous sommes certainement à l'avant-garde. La technologie la plus récente, bien entendu, est celle des satellites alliés aux ordinateurs, qui nous permet d'enregistrer sur nos tracteurs les rendements de sections individuelles d'un champ, de façon à appliquer nos intrants de manière plus stratégique.
Oui, monsieur le président, nous convenons qu'il faut accroître quelque peu la visibilité de l'agriculture, de même que de la foresterie, de la pêche et des producteurs primaires. Il faut accroître quelque peu la visibilité des campagnes.
Pour ce qui est de l'avenir, les industries rurales ne sont pas coupées les unes des autres, elles sont très interdépendantes. Lorsqu'on établit des industries isolées, elles sont vouées à l'échec.
Dans les régions rurales, les intrants primaires de la production que nous vendons sont la terre et l'eau. Si l'on songe à revenir à des industries autonomes, il suffit de regarder le passé pour voir les résultats. Lorsque les ruraux combinaient l'exploitation forestière, la pêche et l'agriculture, ils avaient un revenu très viable et ont encore un revenu très viable. Mais si vous considérez la pêche comme activité isolée, alors vous avez des problèmes. Il vous suffit de remonter au rapport Kirby du milieu des années 1980. Lorsque les pêcheurs dépendaient totalement de cette ressource, ils avaient des problèmes.
Les régisseurs de la terre et de l'eau sont les agriculteurs, les pêcheurs et les forestiers, et dans bien des cas c'est une seule et même personne. Le bien-être et la viabilité économiques des campagnes dépendront de la valeur que nous saurons ajouter à ces produits. Si nous ne savons pas gérer ces intrants, il en résultera la faillite économique. Nous devons protéger ces intrants au mieux de notre capacité.
Songez aux Autochtones. Pour eux, la terre et l'eau ont une dimension spirituelle. Nous, les Canadiens, devons revenir à cette façon de considérer nos terres et nos eaux. Nous ne pouvons les emmener avec nous, et si nous ne les protégeons pas maintenant, nous aurons des problèmes. Trop souvent, nous avons violé ces ressources. Cela a été le cas de la pêche et des forêts. Quelque chose de similaire peut arriver en agriculture.
À l'heure actuelle, la part de profit du régisseur est mince. Je me suis penché sur l'exemple d'un producteur laitier ayant un investissement de 650 000 $. Il a un chiffre d'affaires brut de 140 000 $ par an. Le lait quitte son exploitation au prix de 52c. le litre, et de 24 à 48 heures plus tard, il est vendu au détaillant à 1,30 $ le litre. Le détaillant touche une ristourne de 19 p. 100, soit 25c. le litre. Le détaillant fait rouler ce 1,30 $ une centaine de fois par an, avec un profit brut de 25 $, pour un investissement de 1,30 $. Le producteur primaire, le gardien, ne reçoit pas grand-chose pour son investissement.
De la même façon, le bûcheron qui coupe le bois dans la forêt touche probablement 12 $ de l'heure, à raison de 12 $ la corde. Ce bûcheron doit couper le bois avant que d'autres puissent y ajouter de la valeur. On ne nous paie pas un rendement équitable.
Le producteur primaire doit pouvoir contrôler davantage la commercialisation de son produit, que ce soit dans l'agriculture, la pêche ou l'exploitation forestière. Le premier témoin a indiqué qu'il incombe au gouvernement fédéral d'établir le cadre. Nous voulons un cadre tel que le producteur primaire puisse de nouveau exercer quelque contrôle sur la commercialisation de son produit.
C'est devenu très centralisé. Vous avez parlé tout à l'heure de décentralisation des services gouvernementaux. L'industrie de la transformation devient de plus en plus centralisée. Si on la décentralisait de nouveau vers les régions rurales, nous pourrions faire de la valeur ajoutée. Chez nous, il existait jadis des crémeries. Il y avait de petites usines de transformation. Ailleurs dans le monde, on voit se construire de telles petites usines, pour décentraliser la transformation, et cela signifie que l'on transporte par route un produit fini plutôt qu'un produit brut. Si vous regardez le lait que vous avez bu aujourd'hui, il est soit de marque Farmers soit de marque Cape Breton Dairymen. Le lait Farmers est produit à Antigonish. Si vous connaissez la province, vous savez qu'une partie est produite à Antigonish, transportée par camion jusqu'à Halifax et ramenée ici. Le lait Farmers au moins est produit au Cap-Breton et acheminé jusqu'à Sydney pour traitement. Mais nous acheminons du produit brut entre quantité d'endroits.
Un élément mentionné dans votre plan de travail est l'interaction entre régions urbaines et rurales. Les industries primaires que sont l'agriculture, l'exploitation forestière et la pêche créent les richesses si nécessaires à la vie d'une économie urbaine. Mais considérez ceci. Dans nos deux comtés, nous avons une population d'environ 25 000 habitants qui font vivre 11 écoles secondaires. Ces 11 écoles secondaires voient sortir chaque année environ 275 finissants. Notre taux d'abandon scolaire est faible: d'une part, parce que la fréquentation de ces écoles est largement une affaire familiale, d'autre part parce que nous n'avons pas de MacDonald's, de Burger Kings ou de Wendy's où pourraient aller travailler les élèves s'ils arrêtaient leurs études.
La majorité de ces élèves font au moins trois années d'études supérieures. Par conséquent, à tout moment, près de 825 étudiants venant de ces comtés sont dans des établissements d'études supérieures. Avec un coût moyen par an de 10 000 $ sous forme de droits de scolarité et de pension, cela signifie que 8,25 millions de dollars quittent notre économie au profit des villes, chaque année. C'est de l'argent qui ne sera pas réinvesti chez nous. C'est un gros avantage pour l'économie urbaine, qu'il s'agisse de celle de Sydney, de Halifax ou d'Antigonish.
Les villes ont également besoin des campagnes pour leurs loisirs et l'entreposage de leurs déchets. Les pouvoirs publics peuvent faire partie d'une équipe d'aide au développement. Financièrement, ils peuvent assurer l'égalité des programmes entre les secteurs primaire et secondaire. Le premier témoin a mentionné que le crédit d'impôt pour investissement au Cap-Breton a beaucoup aidé l'agriculture dans notre région, en ce sens qu'il nous a aidés à nous réoutiller, au moyen des profits. Ce programme a bien marché, car celui qui gagne de l'argent récupère de l'argent. Les programmes qui prévoient des subventions initiales ne marchent très souvent pas, comme ce monsieur l'a dit, parce qu'il est difficile d'exercer un contrôle.
Nous aimerions également recevoir un crédit d'impôt pour éducation secondaire, afin que nous retirions quelque chose de ces 8,25 millions de dollars. C'est la moitié des impôts payés par notre région. Nous aimerions en récupérer une partie, pour pouvoir dépenser cet argent à d'autres fins.
En matière de recherche-développement, le gouvernement a certainement un rôle à jouer. Nous n'avons pas assez de ressources localement pour cela. Inspirez-vous des programmes de la Finlande et de la CEE pour les régions moins favorisées et la place relative occupée par les régions rurales dans leur économie d'ensemble.
Nous sommes reconnaissants de pouvoir présenter ces quelques observations ici. Les autres sujets évoqués dans le plan de travail de votre comité sont nombreux et divers, et nous pourrions prendre position sur tous.
En ce qui concerne le coût du transport, nous produisons dans notre région du bétail de boucherie, qu'il faut acheminer jusqu'à Truro ou Moncton. Ce transport nous coûte 50 $ par tête. Ces 50 $ représentent de 10c. à 15c. par livre de viande. Nous-mêmes ne touchons aujourd'hui que 85c. par livre. Aussi, une fois que nous payons ce transport, il ne reste plus de marge bénéficiaire du tout.
Les communications sont mauvaises. Vous parlez de haute technologie, de courrier électronique et de tout cela, mais nous avons encore des lignes téléphoniques partagées. Nous ne pouvons donc utiliser l'ordinateur. Nous ne pouvons utiliser le courrier électronique. Les pouvoirs publics devraient mettre en place cette infrastructure afin que nous soyons au moins compétitifs. Voilà un domaine où je dirais que le gouvernement devrait payer. Donnez-nous l'infrastructure, et vous verrez une réaction instantanée.
En fait, je possède un ordinateur et nous envoyons et recevons des fax. J'ai demandé une ligne privée et l'ai obtenue. J'ai téléphoné à mon voisin pour le féliciter d'avoir obtenu lui aussi une ligne privée, mais tout ce que la compagnie de téléphone a fait a été de l'enlever de ma ligne et de le rajouter à celle de quelqu'un d'autre.
Le sommet du G-7 s'est tenu à Halifax. MT&T et les autres chefs de file du monde des télécommunications étaient là. Mais venez à Mabou et au Cap-Breton, et vous pourrez écouter les conversations téléphoniques et savoir ce qui se passe dans la vie de chacun. Au moins, nous avons le téléphone.
Dans ce mémoire, nous avons énoncé les avis de 105 exploitations agricoles des comtés d'Inverness et de Victoria, de l'île du Cap-Breton. Nous nous considérons, avec les exploitants forestiers et les pêcheurs, comme les régisseurs de deux ressources durables, à condition qu'elles soient correctement gérées: la terre et l'eau. Sans ces régisseurs, la viabilité de l'économie ne peut être assurée, et je songe non seulement à l'agriculture, à la pêche et à la sylviculture, mais également au tourisme. Votre plan de travail mentionne que ce dernier secteur pourrait être un facteur de dynamisme qui fasse avancer le reste.
L'un de nos voisins qualifie le tourisme de pétrole du large venu à terre. Nous attendons depuis des années et des années que le pétrole du large vienne à terre au Cap-Breton et en Nouvelle- Écosse, et nous ne cessons de pomper de l'argent dans le pétrole du large. On pompe aussi de l'argent dans le tourisme depuis des années et des années. S'il n'y a plus les pêcheurs, les exploitants forestiers et les agriculteurs dans les campagnes pour s'occuper de la terre et de l'eau, il n'y aura plus rien à voir pour les touristes. N'oubliez pas, l'agriculture dure 12 mois par an. Le tourisme ne dure que quatre mois par an.
Les activités économiques sont la pêche, l'exploitation forestière et l'agriculture, et aussi le tourisme, ce dernier n'étant qu'une autre façon d'ajouter de la valeur aux productions précédentes.
Monsieur le président, au nom de l'Inverness and Victoria County Federation of Agriculture, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant vous.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hunter.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Je veux vous remercier de nous avoir rappelé que l'économie est assise sur l'agriculture, car dans ma région nous avons les mêmes problèmes que ceux que vous avez expliqués. Nous avons des agriculteurs qui ont du mal à s'en sortir, parce que le prix du boeuf est si bas. Mais en même temps, nous avons un prix stable pour les producteurs de lait, car au Québec nous avons une politique par laquelle le prix du lait est fixe. Je pense que vous avez la même.
M. Hunter: Oui.
M. Deshaies: Mais vous avez expliqué que vos besoins ne s'arrêtent pas là. Vous avez dit que vous avez besoin de politiques particulières pour ceux qui vivent de la terre. Est-ce exact?
M. Hunter: Nous avons besoin, en particulier, d'être placés sur un pied d'égalité. Si vous regardez les accords de développement, il y a très peu de choses pour les industries d'exploitation des ressources. Tous les crédits vont aux industries urbaines. Cela signifie que les jeunes quittent les campagnes pour prendre ces emplois et s'installer en ville. Cela ne fait que recommencer tout le cycle: un exode qui fait qu'il y a toujours moins de population pour financer notre infrastructure, c'est-à- dire l'éducation, les routes etc.
Nous n'avons pas besoin nécessairement de politiques spéciales, plutôt de politiques similaires. Si l'on nous donnait seulement les mêmes avantages, sur le plan des prêts sans intérêt, des prêts à intérêt réduit et des garanties de prêt, nous serions compétitifs lorsqu'il s'agit de développer nos industries en concurrence avec les villes.
Comme vous le savez, l'agriculture, l'exploitation forestière et la pêche sont des secteurs à forte capitalisation. Si vous prenez mon exploitation, il nous faut quatre années et demie de revenus pour réaliser le capital installé. Nous avons besoin de capitaux à bon marché.
Le pays doit réaliser qu'il a besoin de ces régisseurs dans les régions rurales. Il en coûtera quelque chose au pays pour maintenir en place ces producteurs dans les campagnes, pour produire les matières premières auxquelles on pourra ensuite ajouter de la valeur afin de créer les emplois du futur.
M. Deshaies: Puis-je donc résumer votre idée? Si vous avez l'égalité au niveau de l'outillage, votre industrie peut réussir aussi bien ou mieux que n'importe quelle autre.
M. Hunter: Nous pensons que si l'on donnait à l'agriculture les mêmes outils... C'est comme lorsqu'il s'agit d'enlever un écrou d'une roue. Si l'on donne à l'un une clé de trois quarts de pouce pour démonter un écrou de trois quarts de pouce et qu'à nous on ne donne qu'une clé d'un quart de pouce, nous avons un réel problème.
Dans bien des cas, nos jeunes s'en vont parce qu'ils voient miroiter de l'or dans d'autres régions. Ils nous entendent dire que nous n'avons pas l'égalité des chances. Ils quittent la région. Si nous avions tous les mêmes outils et s'il y avait égalité entre toutes les industries, je pense que l'agriculture canadienne pourrait être aussi compétitive que n'importe qui d'autre.
Nous commençons à affronter la concurrence. Il y a l'ALENA. Avec le GATT, oui, nous avons obtenu de cinq à dix ans pour nous adapter avec les droits de douane encore imposés. L'industrie laitière a pris l'initiative. Considérez le P6. Nous vendons maintenant notre lait dans six provinces canadiennes, à l'est du Manitoba. Nous commençons à démanteler les barrières interprovinciales et à avancer. On nous a donné ce délai de grâce.
Nous pouvons rivaliser avec les Américains ou n'importe qui au monde à condition que l'on nous donne les mêmes outils qu'à tous les autres dans le monde. Si l'on nous donne les mêmes outils, nous pouvons concurrencer les autres industries à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale.
M. Deshaies: Avant de céder la parole à mon voisin, considérez-vous que le gouvernement, au fil du temps, a oublié de traiter votre industrie comme une industrie?
M. Hunter: Oui, il nous a certainement oubliés. Parce que nous n'avons pas un grand poids électoral, il nous a complètement oubliés. Les agriculteurs sont oubliés un peu partout dans le monde. On oublie les industries primaires. Il est intéressant qu'au Royaume-Uni, avec la crise de la vache folle, on s'est soudain souvenu que le boeuf engendre énormément d'emplois dans l'économie. Demandez aux économistes. Ils disent que chaque dollar agricole engendre six autres dollars. Énormément d'emplois sont issus des revenus de l'agriculture, des forêts et de la pêche.
M. Ringma: Monsieur Hunter, nous avons bien enregistré la substance de votre exposé, à savoir que vous réclamez l'équité et l'écoute. Mais j'aimerais avoir quelque chose d'un peu plus précis pour m'aider à me souvenir de votre argumentation.
Un des éléments précis que j'ai accrochés au passage est l'exode des étudiants et ce que cela coûte à votre collectivité, et les allégements fiscaux. Mais voyons d'un peu plus près la recherche-développement. Quelle sorte de programmes de R-D souhaiteriez-vous voir dans le secteur laitier ou dans l'agriculture, par ici?
M. Hunter: Considérons tout l'aspect rural, au lieu de seulement l'agriculture. Je pense que nous devons être tenus au courant de ce qui se fait chez nos concurrents. Prenez la Finlande. Il y a là-bas des programmes pour aider les gens à vivre dans une région donnée.
Oui, nous avons eu un crédit d'impôt sans exigence d'investissement pendant quelque temps pour les habitants de ces régions. On les paie pour être les régisseurs de ces terres. Prenez la CEE et les régions défavorisées. Leurs habitants reçoivent des avantages financiers pour la mise en place de certains équipements. Une étable laitière de 40 ou 50 vaches coûte aujourd'hui 400 000 $. Nous avons besoin d'encouragements sous forme - pas nécessairement de subventions - d'incitations fiscales, de prêts garantis et de prêts sans intérêt pour construire cette infrastructure.
M. Ringma: Donc, lorsque vous parlez de R-D, vous parlez surtout de recherche sociale plutôt que de recherche technologique. J'ai saisi. Je vous remercie.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Je vous remercie, monsieur le président. Au risque d'être rappelé à l'ordre, la première chose que je voudrais faire, c'est de remercier les agriculteurs du Cap-Breton d'avoir, à toutes fins pratiques, sauvé ma famille en 1834, lorsqu'elle a abordé à ce rivage et que les agriculteurs du Cap-Breton sont arrivés sur le bateau avec du lait et des légumes. Les immigrants avaient épuisé tous leurs vivres à cause de la durée de la traversée et le capitaine avait essayé de leur vendre des oeufs de poisson pourris, et ils ont donc été submergés de reconnaissance. De ce fait, j'ai toujours un faible pour eux.
M. Hunter: J'ai vu la même situation se présenter ce matin, c'est pourquoi je vous ai apporté du lait.
M. Reed: Je vous remercie.
Je suis intéressé par vos propos sur l'infrastructure de communications, car c'est un fil commun que nous avons entendu d'un bout à l'autre du pays. Le Canada rural n'a pas encore rattrapé son retard, et c'est pourquoi des agriculteurs d'avant-garde comme vous n'ont pas encore l'outil de l'Internet. Je sais que lorsqu'ils disposent de ces outils, les agriculteurs en sont les plus gros usagers per capita, et nous avons donc reçu ce message haut et clair.
Nous sommes encouragés de voir que la technologie de transmission sans fil fait maintenant l'objet de licences d'exploitation dans certaines régions rurales, et nous allons favoriser cette expansion. Lorsque les premières licences ont été octroyées, tout récemment, elles ne concernaient que les zones urbaines, mais nous tenions, au sein de notre caucus, à assurer que des licences rurales soient accordées, et nous attendons avec impatience cette expansion.
Je ne sais pas comment se fait la commercialisation du lait au Cap-Breton, mais je suppose que vous avez un office de commercialisation du lait.
M. Hunter: Nous avons la Nova Scotia Dairy Commission, qui est similaire à un office de commercialisation du lait, avec quelques différences.
M. Reed: Est-ce qu'il fonctionne à votre satisfaction? Pensez- vous que les agriculteurs contrôlent la mise en marché?
M. Hunter: Personnellement, je ne pense pas que nous ayons la maîtrise de la commercialisation de nos produits. Si vous regardez la marge commerciale qui intervient en l'espace de 48 heures... Nous n'avons pas de points de vente directe du lait aux consommateurs. Le mécanisme instauré était nécessaire à l'époque - des coopératives de commercialisation ont été mises sur pied - mais je pense que nous devons faire preuve de plus d'esprit d'entreprise au niveau de la commercialisation et de l'écoulement de notre produit, de façon à ce que le producteur puisse traiter directement avec le consommateur. Dans bien des cas, l'agriculteur ne traite pas directement avec le consommateur. En Ontario, il y a au moins les marchés de cultivateurs, où le consommateur peut acheter directement auprès du producteur.
M. Reed: C'est vrai.
M. Hunter: Il faut rapprocher le producteur du consommateur dans le cas de tous nos produits, car le consommateur n'a pas idée d'où vient le produit. Qu'il s'agisse du poisson, des produits agricoles ou du bois, la plupart des consommateurs ne savent pas que le bûcheron touche 12 $ de l'heure, et si vous faites ce travail en mai et juin, lorsque les moustiques sont presque aussi gros que ceux du Manitoba, c'est pas mal pénible.
M. Reed: Certains d'entre nous viennent de régions où la vente directe se pratique. Je suis d'une banlieue de Toronto, par exemple, où la vente directe de légumes et de fruits gagne en popularité. Mais vous êtes défavorisés ici, à cause de la distance.
M. Hunter: La faiblesse de la population fait une grosse différence. Notre gros marché le plus proche sont les États de Nouvelle-Angleterre, plutôt que le centre du Canada, mais même là les frais de transport sont élevés. Nous n'avons pas de problème à produire, mais c'est au niveau du transport jusqu'au marché où nous avons certainement besoin d'une aide.
M. Reed: Qu'en est-il des nouvelles cultures? Avez-vous envisagé les cultures non alimentaires?
M. Hunter: Par cultures non alimentaires, entendez-vous l'activité touristique?
M. Reed: Non. Cette année, le Sénat et la Chambre des communes ont adopté une loi qui distingue entre la production de chanvre industriel et la culture de la marijuana, et d'ici l'année prochaine, un cultivateur pourra obtenir un permis pour cultiver du chanvre industriel.
M. Hunter: Voyez-vous, ce sont des renseignements que nous n'avons pas, car nous n'avons pas de système de communication. J'ai lu dans un article, quelque part, que l'on produit du chanvre au Royaume-Uni, mais je ne savais pas que la loi avait été modifiée chez nous. Si nous pouvions nous brancher sur l'Internet, le soir, au lieu de regarder la télévision, alors nous pourrions commencer à nous saisir de toutes ces idées. Mais nous sommes tellement divorcés de cela dans les campagnes, simplement parce que nous n'avons pas l'accès.
M. Reed: Nous prenons bonne note de vos propos et vous exprimez un thème que nous avons entendu à maintes reprises.
M. Hunter: J'en suis heureux.
Le président: Je vous remercie, monsieur Hunter. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner et de passer la matinée à écouter les témoignages des autres. Je vous remercie.
M. Hunter: Je vous remercie de l'invitation.
Le président: Le comité va faire une pause.
Le président: La séance est rouverte.
Nous entendons maintenant M. MacDonald, de la Guysborough County Regional Development Authority. Soyez le bienvenu. Je vous invite à faire un exposé liminaire et les membres du comité vous poseront ensuite des questions.
M. Gordon MacDonald (directeur exécutif, Guysborough County Regional Development Authority): Monsieur le président et membres du comité, je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous.
Étant donné le sujet de la réunion d'aujourd'hui, je peux vous dire que, de tous les comtés de la Nouvelle-Écosse, il n'y en pas de plus rural que Guysborough County. Il recouvre plus de 4 000 kilomètres carrés, pour une population d'environ 11 000 habitants. Aucune localité ne compte plus de 1 000 habitants. Nous sommes très fortement dépendants du secteur des ressources - traditionnellement, l'exploitation forestière et la pêche. J'espère qu'au cours des 25 à 40 prochaines années et au-delà, nous serons connus comme étant le site du projet énergétique extracôtier de l'Île-des-Sables, lequel représente un gros espoir pour notre région.
J'aimerais commencer par faire un survol du comté du Guysborough, avant d'aborder certains points d'intérêt particulier et de conclure.
Si l'on veut comprendre l'ampleur des défis posés aux localités rurales de Nouvelle-Écosse et de tout le Canada, il faut d'abord voir comment cette situation a évolué. Pour effectuer la transition entre l'ancienne économie, axée sur les richesses naturelles non renouvelables, vers la nouvelle économie et les technologies informatiques, les politiques des gouvernements fédéral et provinciaux seront cruciales pour la survie de ces localités rurales. Les collectivités rurales comme le comté de Guysborough n'ont pas grand-chose à espérer si l'on continue à les traiter comme au cours des deux ou trois dernières décennies.
Un bref survol de la situation actuelle fait apparaître un tableau plutôt sombre. Le comté de Guysborough comporte 4 136 ménages, pour une population de 11 488 personnes. La population active actuelle est de 5 093 personnes. Le revenu personnel total du comté est de 161,8 millions de dollars, et alimente 3 044 emplois. Le revenu annuel moyen par ménage, situé aux alentours de 17 700 $, est le plus faible de tous les comtés de Nouvelle-Écosse.
De 1991 à 1996, la population du comté a baissé de 2,43 p. 100. L'emploi est en recul de 4,75 p. 100 et le revenu d'emploi de 13,3 p. 100. Le taux de chômage actuel dépasse 26 p. 100, et le taux réel est certainement plus élevé que cela, une fois pris en compte les bénéficiaires du programme LSPA et les assistés sociaux.
L'exode rural est le plus marqué de tous les comtés du Canada. La structure de comté est différente à Terre-Neuve, mais nous avons le taux de dépopulation le plus élevé du Canada.
Nous avons également le plus fort taux d'analphabétisme de la province. Le niveau d'instruction de la main-d'oeuvre est inférieur à la moyenne nationale: 27 p. 100 des travailleurs n'ont pas achevé la neuvième année, 8 p. 100 ont terminé l'école secondaire et seuls 25 p. 100 ont une formation professionnelle et technique. La dépendance à l'égard des activités d'exploitation des ressources naturelles, telles que les forêts et la pêche, est extrêmement forte. Quelque 700 résidents du comté de Guysborough sont actuellement bénéficiaires du programme LSPA, qui, comme vous le savez, expire en 1998.
Les prévisions à long terme pour le comté annoncent une perte modeste, un scénario d'agonie lente. Canmac Economics, un cabinet de prévisions économiques, prévoit que le taux de chômage atteindra 35,4 p. 100 en l'an 2006 et que la population totale tombera à 11 245.
Maintes raisons expliquent que l'économie du comté de Guysborough soit en retard sur celle des autres régions. Il n'en a pas toujours été ainsi. Au début des années 1900, Guysborough avait une économie dynamique et était très actif dans l'industrie minière. On a extrait davantage d'or du comté de Guysborough que du Yukon. À cette époque, la population dépassait 20 000 personnes.
Ce qui nous a empêchés de croître au rythme des collectivités avoisinantes est le manque d'infrastructure, pensons-nous. Le service ferroviaire, un lien crucial avec les marchés du reste du Canada et de Nouvelle-Angleterre, est devenu un enjeu politique dans le comté de Guysborough, jusqu'à son abandon en 1933. Au moment de la fermeture du chantier, la voie n'était qu'aux deux tiers terminée. L'infrastructure routière était, elle aussi, très en retard. Tout le réseau routier du comté de Guysborough était conçu de façon à inciter la population à quitter le comté. Il n'y avait pas de liaison est-ouest reliant les principales localités du comté. Dans tout le comté, nous n'avons que 800 mètres de route de série 100, et nous sommes le deuxième plus grand comté de Nouvelle- Écosse, en superficie.
Si le comté de Guysborough et d'autres collectivités rurales du pays veulent éviter de disparaître dans le gouffre dans lequel nous nous débattons depuis 50 ans, il faut éviter de répéter les mêmes erreurs. Il ne faut plus tolérer les disparités entre les collectivités rurales et urbaines. Les perspectives offertes par l'économie nouvelle favorisent de façon disproportionnée les centres urbains. Les communications en ligne et la technologie de l'information sont essentielles pour bénéficier de la nouvelle économie, mais le terrain de jeu n'est pas égal. Nous craignons d'être coupés de la nouvelle économie pour les mêmes raisons que nous avons été coupés de l'ancienne.
L'accès aux communications en ligne est très limité. Nous avons un réseau téléphonique comptant 14 circonscriptions de taxe, dont quatre seulement ont un point de destination commun sans taxe, et cela pour une population légèrement supérieure à 11 000 personnes. De ce fait, maintes régions toujours desservies par l'ancien système analogique n'ont pas d'accès sans frais à l'Internet.
Maritime Tel & Tel voudrait vous faire croire qu'elle fournit des services de télécommunication à la pointe du progrès en Nouvelle-Écosse, mais ce n'est vrai que dans les centres urbains en général, en particulier dans le centre-ville de Halifax. En outre, MT&T a récemment demandé une hausse des tarifs au CRTC, ostensiblement pour instaurer un taux plus équitable pour les clients. Si le CRTC donne son aval, les tarifs augmenteront dans les régions rurales. Le but de cette majoration est d'éviter que les centres urbains n'aient à subventionner les tarifs des zones rurales - le principe d'un même tarif pour un même service. Si les campagnes avaient le même niveau de service, ce principe serait tout à fait acceptable, mais ce n'est manifestement pas le cas.
L'aquiculture fait partie des nombreux secteurs prometteurs d'un développement futur dans le comté de Guysborough. Nous avons près de 513 kilomètres de côte immaculée, et nous constatons une croissance réelle dans ce domaine. Nous voyons là une occasion pour le comté de jouer un rôle de premier plan dans la province. Mais il faut pour cela mettre beaucoup plus l'accent sur la formation et la commercialisation.
L'aquiculture diffère considérablement de la pêche traditionnelle. Elle est beaucoup plus proche de l'agriculture et, pour être un bon aquiculteur, il faut beaucoup plus de connaissances scientifiques et commerciales. La formation devrait être concrète, combinant la théorie et les applications pratiques. Il y a là une perspective de développement durable dans une région rurale.
Les administrations de développement régional ont été créées suite à un changement de conception, combiné sans nul doute aux réalités financières auxquelles tous les gouvernements du pays sont confrontés. Nous sommes passé par une période où l'on pensait régler les problèmes en déversant des crédits. Cette méthode n'a guère donné de résultats positifs dans le comté de Guysborough, pas plus qu'ailleurs. La conception actuelle des gouvernements fédéral et provinciaux semble être que le développement économique doit émaner de la collectivité elle-même. La collectivité doit se doter d'un plan stratégique, énonçant des objectifs, et travailler à sa mise en oeuvre.
C'est une conception que la Guysborough County Regional Development Authority approuve. Le comté a mis sur pied une forte organisation de bénévoles résolus à relever les nombreux défis auxquels nous faisons face. La GCRDA s'est dotée d'une structure de sous-comités. Nous avons plus de 200 bénévoles oeuvrant au sein de divers sous-comités: infrastructure/technologie, pêche/RADAC, recrutement d'entreprise, tourisme et éducation.
Ce degré de participation du public est essentiel. Au cours de l'année écoulée, les membres des sous-comités ont pu constater les résultats de leur travail. Le projet énergétique extracôtier de l'Île-des-Sables est un exemple de projet où notre sous-comité de l'infrastructure/technologie a joué un rôle non négligeable.
Le problème que nous avons constaté est que si les ministères gouvernementaux privilégient une approche du développement économique communautaire où l'impulsion vient de la base, le financement des programmes va rarement dans ce sens. Nous en voyons de maints exemples, notamment le Fonds des emplois de transition de Développement des ressources humaines Canada et le financement des projets spéciaux d'aide au développement rural, qui est cofinancé par la Nova Scotia Economic Renewal Agency et l'APECA. On semble ne pas se fier à la philosophie déclarée - à savoir que la collectivité sait le mieux comment se développer - et être réticent à lâcher les rênes et laisser agir les collectivités locales. On semble constamment vouloir frapper des grands coups au lieu de se concentrer sur la création de cinq à dix emplois à la fois.
Un autre élément que j'aimerais ajouter ici est que tous ces programmes semblent liés au chiffre de population. Pour un comté comme le nôtre, qui a un taux de dépopulation extrêmement fort, cela ne fait que perpétuer le problème, car nous perdons constamment notre population.
Le comté de Guysborough a constaté le phénomène à maintes reprises, l'exemple le plus récent étant une installation d'élevage de pétoncles à Whitehead. Une grosse société multinationale a touché environ 6 millions de dollars pour ouvrir cette installation. Deux années plus tard, lorsque la manne a pris fin, le centre a fermé et 19 personnes se sont retrouvées sans emploi.
Dans le même temps, nous avons du mal à convaincre les gouvernements fédéral et provincial que nous sommes capables d'administrer 150 000 $ de crédits de projets spéciaux. Cela revient à faire parvenir aux membres du conseil un message très déconcertant, qui va totalement à l'encontre de la philosophie déclarée.
Pour des collectivités comme le comté de Guysborough, la qualité de vie devient un argument de promotion de plus en plus intéressant. Les gens sont de plus en plus intéressés à élever leur famille dans un milieu sûr et tranquille. Nous voyons arriver des personnes désireuses de monter des entreprises mettant à profit l'environnement immaculé, les eaux cristallines et les sentiers de randonnée sillonnant le comté. Le tourisme en général, et l'écotourisme en particulier, deviennent des éléments d'importance croissante dans notre économie.
Il convient de mettre de plus en plus l'accent sur la valorisation de nos produits. Nous devons fileter, fumer, mettre en conserve le poisson sur place, avant qu'il soit vendu. Il faut transformer plus avant les produits forestiers, avant expédition. Les techniques d'abattage dans le secteur forestier épuisent la ressource de manière très similaire à l'effet qu'ont eu les chalutiers sur la pêche. Cette mécanisation de l'industrie a également considérablement réduit la main-d'oeuvre requise pour l'abattage du bois.
En conclusion, nous sommes ravis de voir que le gouvernement veut privilégier le développement rural et déterminer les problèmes des collectivités rurales. Il est temps que les gouvernements fédéral et provinciaux reconnaissent l'impératif de satisfaire les besoins de ces collectivités rurales en chargeant un ministre de cette responsabilité.
On commence à prendre conscience de l'interdépendance réelle qui existe entre collectivités urbaines et rurales. Les unes ne peuvent continuer à exister sans les autres. On semble néanmoins méconnaître l'impact d'opportunités qui peuvent paraître insignifiantes en région urbaine mais qui apporteraient des avantages réels à une collectivité rurale comme le comté de Guysborough. Même le fait que cette réunion d'aujourd'hui se tienne en ville souligne une méconnaissance des problèmes de développement rural. Votre présence dans le village de Guysborough, ou à Sherbrooke ou dans la ville de Canso, aurait en toute probabilité occupé toutes les chambres disponibles et aurait eu un impact non négligeable sur les entreprises de services qui ont du mal à survivre.
En conclusion, nous vous souhaitons des travaux fructueux et serions ravis de participer plus avant en vue de créer des perspectives de développement durable dans les campagnes canadiennes.
Le président: Je vous remercie, monsieur MacDonald.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Je vous remercie. Pourriez-vous essayer de m'expliquer quelques phrases de votre exposé? Vous dites qu'une installation d'élevage de pétoncles à Whitehead, une société multinationale, a reçu près de 6 millions de dollars et a fermé au bout de deux ans. Est-ce que le marché s'est effondré?
M. MacDonald: Voici ce que l'on nous a dit jusqu'à présent. Ce centre utilisait un nouveau procédé de fixation des pétoncles qui n'avait pas fait ses preuves et il n'a pas très bien fonctionné. Il avait été mis à l'essai dans un environnement contrôlé et tout avait bien marché. Mais lorsqu'ils l'ont essayé en mer, les pétoncles tout d'un coup sont devenus la proie des étoiles de mer et d'autres prédateurs dont ils n'avaient pas eu à s'inquiéter dans l'environnement contrôlé. D'après ce que l'on nous a dit, le coût de production des pétoncles était de l'ordre de 22 $ la livre. La technique n'a jamais été maîtrisée.
M. Deshaies: Appartenant moi-même au milieu des affaires
[Inaudible], j'ai moi-même vendu des pétoncles, mais elles ne coûtaient pas si cher.
M. MacDonald: Vous ne payiez pas 22 $ la livre?
Des voix: Oh, oh!
M. Deshaies: Vous dites plus loin que cela fait parvenir un message très déconcertant aux bénévoles. Je n'ai pas saisi...
M. MacDonald: Au début du dernier exercice de notre administration de développement régional, on nous avait assurés, ou du moins donné à entendre, que 150 000 $ de crédits pour des projets seraient attribués à chaque administration. Ce que je veux dire par là, c'est que pour ces membres des conseils d'administration, à qui l'on demande de contribuer bénévolement une énorme somme de temps, lorsqu'ils voient que l'on engloutit une pareille somme dans un projet comme celui-ci... On a englouti 6 millions de dollars là-dedans, mais tout d'un coup ces mêmes personnes qui font don de tout leur temps...
M. Deshaies: Ce n'était pas une décision de la collectivité d'injecter 6 millions de dollars dans ce centre d'aquiculture?
M. MacDonald: Non.
M. Deshaies: Quelle était votre préférence?
M. MacDonald: Ce projet a démarré avant la création des administrations de développement régional, et je ne sais donc pas dans quelle mesure la collectivité a réellement été consultée concernant le projet de Whitehead.
M. Deshaies: Mais il n'est pas sage d'attribuer autant d'argent à un seul projet. D'autres témoins nous ont dit que les collectivités rurales veulent qu'on leur confie les fonds et qu'on les laisse décider comment les utiliser au mieux. Ils disent qu'ils sont mieux en mesure de décider et d'obtenir de meilleurs résultats.
M. MacDonald: Exactement. Pour 6 millions de dollars, notre conseil d'administration bénévole aurait créé beaucoup plus que 19 emplois.
M. Deshaies: Vous devez dire au gouvernement que si, à l'avenir, il a de l'argent à distribuer, il devrait laisser la collectivité rurale décider des orientations. Elle peut le faire comme Montréal, Toronto ou Ottawa.
M. MacDonald: C'est véritablement respecter la philosophie voulant que les priorités de la collectivité et ses priorités de développement émanent de la base au lieu d'être décidées d'en haut.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Monsieur MacDonald, j'aimerais vous demander votre patience et peut-être essayer de m'aider à préciser une idée. Il me semble que le système politique vous dessert. Je ne veux pas faire intervenir ici la politique partisane, ce n'est pas mon intention. Mais si le système politique vous dessert et que vous n'obtenez pas les solutions que vous attendez du gouvernement...
D'autres témoins nous ont dit que vous avez besoin de la présence du gouvernement fédéral ici, sous forme de bureaux de poste et ce genre de choses. Une idée m'a traversé l'esprit. Je me demande s'il ne faudrait pas apporter un changement, avoir une forme de représentation non politique du gouvernement fédéral dans des régions comme celle-ci, afin que la population locale puisse être en contact direct avec ce représentant, lequel aurait les pouvoirs voulus pour parler directement au ministre.
Je vois que l'une de vos recommandations, dans votre conclusion, est de désigner un ministre du cabinet. Eh bien, Anne McLellan est probablement ce qui se rapproche le plus d'un portefeuille spécifique, car elle est responsable des Ressources naturelles. Mais encore une fois, je crains que ce soit la nature du système politique qui paralyse le processus.
Dans votre esprit, y a-t-il une amorce de solution dans cette idée d'avoir une représentation fédérale autre que politique au niveau des collectivités?
M. MacDonald: Nous avons assisté à un réel désengagement tant du gouvernement fédéral que du gouvernement provincial. Il y a une forte tendance à la régionalisation et à la décentralisation. Dans notre région, les transferts se sont effectués au profit des services régionaux, si bien que ce sont les centres de services, les villes, qui se portent déjà assez bien, qui semblent en bénéficier. Même le ministère des Pêches, les services correctionnels et tout le reste, quittent la région et tendent à se concentrer au niveau régional.
Le danger et les répercussions pour nous ne sont pas seulement d'ordre économique; il y a aussi une dimension sociale. Les employés que nous perdons de cette façon sont parmi les plus instruits et les mieux payés, ceux qui ont le plus à offrir à la collectivité du point de vue de leur participation, que ce soit par le biais du Lions Club, de l'église ou autrement. Même dans l'enseignement, bon nombre des enseignants habitent l'une des agglomérations et font le déplacement chaque jour pour venir travailler.
Tout ce qui peut nous amener des emplois sur place... et comme vous l'avez indiqué, il n'est pas nécessaire que ce soit des emplois politiques. Le centre de TPS à Summerside - toute administration de ce genre nous amènerait une population qui contribuerait non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan social.
M. Ringma: Je ne songeais pas seulement à la décentralisation des bureaux régionaux vers les régions. Je pensais à un autre système.
Si je me mets à votre place, je me demande qui seraient mes interlocuteurs. Vous avez un recours auprès de ce comité et on peut espérer qu'il va répercuter vos idées, les intégrer à son rapport et que le gouvernement donnera suite. Mais quel autre recours avez- vous? Je me demande s'il n'y a pas une meilleure façon de faire les choses.
M. MacDonald: Nous avons déjà indiqué que l'octroi d'une aide à la collectivité est utile, même par le biais de l'APECA. Il y a quelques années, le comté de Guysborough a connu la crise de la fermeture de l'usine de poisson de Canso. Le gouvernement a créé un fonds de 6 millions de dollars en vue de la création d'emplois dans ces localités. L'efficacité a été limitée, ce qui montre que ce n'est pas toujours une question d'argent.
Ce fonds de développement communautaire particulier a été organisé de telle façon que 70 p. 100 devaient être réservés à la ville de Canso et 30 p. 100 seulement pouvaient être dépensés dans le restant du comté, chaque année. Certaines années, il a fallu financer de piètres projets à Canso rien que pour pouvoir accéder aux 30 p. 100 prévus pour le restant du comté.
M. Ringma: Je repartirai avec la conclusion que ce que vous souhaitez vraiment, c'est l'application de la philosophie voulant que l'initiative vienne d'en bas.
M. MacDonald: Oui, mais si nous voulons réussir, il nous faut l'infrastructure. C'est à cela que tout revient, qu'il s'agisse d'améliorer le réseau routier ou de mettre en place la technologie de l'information.
Nous semblons constamment accuser un retard technologique de cinq à dix ans. Si nous avions, dans les campagnes, le même accès que les villes, je suis sûr que quantité de gens qui gèrent des entreprises à partir de Toronto et de Montréal et d'ailleurs préféreraient vivre à la campagne. La fiscalité y est plus légère et vous n'avez pas à vous battre dans la circulation pendant une heure chaque jour. Nous le constatons déjà dans certaines poches du comté de Guysborough. Nous avons des Suisses qui sont venus s'installer à Guysborough, qui conçoivent des logiciels informatiques qu'ils vendent dans le monde entier, mais l'accès aux communications en ligne est très limité.
C'est l'élément qui nous aiderait le plus, à quoi il faut ajouter l'amélioration du réseau routier et de l'infrastructure. Nous espérons voir un deuxième programme d'infrastructure et qu'il sera efficace.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: Monsieur MacDonald, je représente une circonscription rurale du Manitoba et je connais le problème de longue date. Vous avez dit dans votre exposé qu'il ne suffit pas de déverser de l'argent et de prier pour que cela marche. À mon avis, c'est là une solution à court terme alors qu'il faudrait plutôt réfléchir à long terme. Au sein de ce comité, nous voulons réfléchir à la viabilité à long terme du Canada rural, à la façon de ranimer le Canada rural.
La question me semble être de savoir comment passer d'un stade à l'autre. Il faut une étape de transition pour passer d'un stade à l'autre.
D'autres témoins nous ont dit que le gouvernement doit être à l'écoute des populations qui vont effectuer cette transition, et qu'il doit également y avoir une récompense. Si nous voulons instaurer un climat de croissance économique et de création d'emplois, et si nous voulons que les campagnes mettent ce climat à profit pour se développer, il faut offrir également une récompense, sous forme, par exemple, d'un avantage fiscal. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, et comment opérer la transition.
Je sais quelle est la situation actuelle dans les campagnes canadiennes et qu'il faut agir assez vite. Mais on ne peut attendre des gens qu'ils fassent le plongeon sans avoir un minimum de soutien pour opérer la transition. J'aimerais votre point de vue à ce sujet.
M. MacDonald: Vous avez fait quelques remarques judicieuses, dans la situation actuelle. Il y a pas mal d'années, en Nouvelle- Écosse, il y avait un programme gouvernemental pour faciliter le raccordement des campagnes au réseau électrique. Il me semble qu'il faudrait quelque chose de ce type pour les télécommunications. Des incitations fiscales pour amener les entreprises à s'établir dans les campagnes seraient certainement utiles. Nous espérons que quelque chose surviendra, du type du projet de l'Île-de-Sable. Nous espérons que cela servira de moteur pour la réalisation de ces améliorations d'infrastructure.
Je n'ai pas de suggestion concrète sur la façon de structurer ces incitations fiscales. Nous n'en avons jamais réellement parlé. Mais toute mesure, qu'il s'agisse d'un allégement fiscal ou d'encouragement aux entreprises à s'établir dans les collectivités rurales, serait utile.
Un autre volet est la formation de la main-d'oeuvre pour ces entreprises.
Je suis désolé. Je n'ai pas de proposition concrète concernant le type d'incitation fiscale à instaurer.
Mme Cowling: Vous avez mentionné dans votre exposé l'infrastructure et le tourisme. Un programme qui a été très bien accueilli dans ma circonscription est le programme d'infrastructure, car il a contribué à former des partenariats solides entre tous les paliers de gouvernement. Lorsque vous avez mentionné le tourisme, je me suis demandée si nous ne devrions pas envisager un nouveau programme d'infrastructure. J'aimerais savoir quelles sont les possibilités et si vous recommanderiez de lier tourisme et infrastructure.
M. MacDonald: Nous espérons en tout cas que vous le ferez. Nous pensons avoir plusieurs atouts sur le plan du tourisme culturel. La musique est très vivace dans toute la Nouvelle-Écosse, et c'est particulièrement vrai ici, au Cap-Breton et dans le comté de Guysborough. Nous avons quelques idées intéressantes sur le plan du tourisme culturel.
Il y a aussi l'écotourisme. On a commencé à établir chez nous des sentiers de randonnée. J'ai été heureux de lire dans le journal, l'autre jour, l'ouverture d'une liaison aérienne d'Air Canada avec Francfort. Le nombre des touristes allemands a nettement augmenté et c'est de bon augure pour nous. Je pense que nous pouvons commencer à faire un peu plus sur le plan de l'écotourisme en mettant en place un peu plus d'infrastructures, telles que les sentiers de randonnée.
Avec les clubs de plongée, nous avons entrepris un projet de cartographie côtière du comté de Guysborough, et je crois savoir que Shelburne est la seule autre région de Nouvelle-Écosse qui a achevé sa carte côtière. Nous la publions sur format CD-ROM et nous allons l'envoyer en Allemagne. Nous commençons à en voir quelques résultats.
L'année dernière, dans le comté de Guysborough, plus de 200 propriétés ont été rachetées par des Allemands. Ils ne se contentent pas de les acheter, ils en font quelque chose. Cela aussi est positif pour nous.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Je vous remercie, monsieur le président. À titre de renseignement, en quelle année le projet d'élevage de pétoncles a- t-il été réalisé?
M. MacDonald: C'était en 1994, et il a fonctionné un peu plus de deux ans.
M. Reed: Quand la décision a-t-elle été prise de lancer ce projet?
M. MacDonald: Il a ouvert en 1994 et je pense que la décision a été prise vers le milieu ou la fin 1993. Il est devenu opérationnel en 1994.
M. Reed: Je vois la difficulté évidente que vous rencontrez ici. Vous parlez de la nécessité de communications en ligne etc. On nous a dit la même chose presque partout dans le pays.
M. MacDonald: C'est le thème récurrent.
M. Reed: C'est le thème récurrent partout.
Vous avez parlé également de l'importance croissante de l'aquiculture. Il faut une formation pour les deux. L'utilisation des communications en ligne exige une formation, mais vous avez ce problème d'un très faible taux d'alphabétisme. A-t-on conscience de ce problème au niveau des écoles, de façon à former ceux qui peuvent l'être à l'emploi de ces outils?
M. MacDonald: Oui. Encore une fois, la difficulté est la taille du comté et la faible densité de sa population. Il y a presque quatre poches de population situées aux quatre coins du comté. Cela fait qu'il est difficile d'avoir assez d'élèves dans une même école pour dispenser les programmes d'enseignement qui sont aujourd'hui nécessaires.
Le conseil scolaire a élaboré un plan. Malheureusement, il pourrait bien nécessiter la fermeture de quelques écoles. Ce n'est certainement pas une mesure très populaire. Il y a toujours ce choix difficile entre l'impact que la fermeture d'une école exerce sur la localité et la nécessité d'assurer un meilleur enseignement.
Pour nous, le problème est celui de l'exode rural. Je ne pense pas que le système éducatif soit si mauvais. Simplement, dans les activités traditionnelles, que ce soit la pêche ou l'exploitation forestière, il n'était pas indispensable de faire de longues études. Lorsque je fréquentais l'école, arrivé en neuvième ou dixième année, si l'un de mes camarades de classe savait qu'il irait pêcher avec son père ou pensait savoir ce qu'il ferait pendant le reste de sa vie, l'éducation n'avait pas grande importance. Poursuivre les études représentait plusieurs années de revenu perdu.
Le problème n'est pas tant le système éducatif du comté que l'absence d'emplois pour les gens instruits. Nous étions sept enfants dans ma famille et je suis le seul qui habite encore le comté. C'est une situation très courante.
M. Reed: C'est juste. La question est de savoir si les entreprises et l'industrie devraient jouer un rôle dans ce processus de formation. C'était un peu le sens de la question de Mme Cowling.
M. MacDonald: Oui, on commence à voir cela un peu plus. On le voit dans le secteur du tourisme, en particulier, où les entreprises s'occupent beaucoup plus de former les employés.
Le plus gros employeur de tout le comté n'a qu'un effectif de 300 personnes et c'est l'usine de conditionnement du poisson.
M. Reed: Pensez-vous que les habitants du comté de Guysborough ont aujourd'hui davantage conscience de la nécessité d'une éducation plus poussée?
M. MacDonald: Oh, oui. Cela ne fait aucun doute, comparé à il y a dix ou 15 ans.
Le président: Je vous remercie. J'ai quelques questions pour vous, monsieur MacDonald.
L'un des problèmes dont vous avez fait état est l'exode de la population. Il existe une stratégie employée dans d'autres régions et je me demande si vous y avez recours. Il s'agit de repérer des personnes originaires de votre comté qui ont réussi dans le monde des affaires. Souvent, ces personnes sont parties non parce qu'elles le désiraient. Elles aiment la qualité de vie et sont nostalgiques du lieu de leur enfance. L'idée est de repérer ceux qui ont réussi dans les affaires ailleurs et de les inciter à revenir. Avez-vous entrepris ce genre d'initiative?
M. MacDonald: Non. Encore une fois, c'est l'une des difficultés que nous avons dans le comté car la plupart des données disponibles, qu'elles proviennent de Statistique Canada ou de DRHC étaient tabulées sur une base régionale. Il n'y a absolument rien qui soit propre au comté lui-même.
Dans la perspective du projet de l'Île-de-Sable, nous essayons de dresser un inventaire détaillé des qualifications disponibles dans tout le comté, et nous faisons pour cela un recensement porte à porte. En même temps, nous dresserons un inventaire non seulement des habitants actuels du comté, mais également de ceux qui ont été scolarisés dans le comté et des membres des familles qui sont partis pour travailler en Alberta, ou en Colombie-Britannique, peu importe. Nous allons concevoir ce programme de façon à ce qu'il puisse être mis sur CD-ROM et on pourra donc y trouver ce genre de renseignement. Mais, à l'heure actuelle, ils ne sont disponibles ni auprès de Statistique Canada ni auprès de DRHC.
Le président: Vous avez mentionné le problème du manque de télécommunications. J'aimerais explorer avec vous ce que pourrait être le rôle du gouvernement fédéral à cet égard. À votre avis, faudrait-il imposer par une loi aux compagnies de téléphone privées d'offrir un certain niveau de service?
M. MacDonald: Je ne vois aucun autre moyen de jamais y parvenir. Nous nous battons depuis six mois pour seulement obtenir un entretien avec la compagnie téléphonique.
Le président: Elle ne veut même pas vous rencontrer.
Est-ce que, dans votre optique, la construction de l'infrastructure serait financée par des fonds publics ou bien s'agirait-il d'un investissement privé?
M. MacDonald: J'envisage quelque chose de similaire à ce qui a été fait pour l'électrification. Il se pourrait bien que des fonds publics soient nécessaires. Sinon, je ne vois pas comment cela se ferait en Nouvelle-Écosse.
Le président: J'ai relevé dans votre mémoire que votre compagnie téléphonique locale, MT&T, a demandé une majoration de tarifs, afin de rééquilibrer ses tarifs entre les villes et les campagnes, comme Bell Canada l'a fait dans les provinces centrales. Mais, dans le centre du Canada, Bell Canada a fait quelque chose de plus. Elle a dressé un plan d'équipement des régions rurales, qui prévoit un investissement de 180 millions de dollars, je crois. Elle a demandé une majoration des tarifs ruraux qui servirait expressément à financer ce programme. Seriez-vous en faveur de cela, si vous aviez l'assurance que le revenu provenant de cette majoration servirait strictement à améliorer l'infrastructure rurale?
M. MacDonald: Oui, à condition qu'il y ait un échéancier garanti.
Le président: Vous avez parlé de l'aquiculture et de son potentiel. Pensez-vous qu'il devrait s'agir là d'un investissement strictement privé? Serait-ce un investissement public? Ou bien envisagez-vous un partenariat? Quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral en vue d'encourager la création de cette industrie dans votre comté?
M. MacDonald: Nous avons élaboré une proposition, qui est actuellement à l'étude dans le cadre de l'accord de coopération, qui verrait la création de 204 emplois dans le comté de Guysborough. Il répondrait à un problème qui se pose dans toute la province, en ce sens que la proposition comporte un programme de formation d'aquiculteur. Ainsi, quiconque dans la province de Nouvelle-Écosse voudrait obtenir une formation en aquiculture, viendrait la suivre dans le comté de Guysborough.
Nous avons travaillé avec le ministère des Pêches provincial à la conception de ce programme. Le coût en serait partagé. Nous aurions certainement une participation financière et le secteur privé en aurait une également.
Le président: J'aimerais dire un mot de conclusion, avec lequel mes collègues pourront être d'accord ou non. Je pense que les chiffres que vous citez à la page 1 de votre mémoire démontrent clairement les raisons pour lesquelles notre comité entreprend cette étude et l'urgence qu'il y a pour le comité et le gouvernement à agir sur toute cette question du développement rural. La situation dépeinte par ces chiffres est horrifiante et, malheureusement, n'existe pas seulement dans votre comté. Je pense qu'il y a une obligation et, je crois, une grande volonté de la part du gouvernement fédéral de s'attaquer aux problèmes concrets que ces chiffres mettent en évidence.
Je veux vous remercier de votre témoignage d'aujourd'hui. Il nous a beaucoup éclairés et nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir.
M. MacDonald: Je vous remercie de nous écouter. Nous avons été invités il y a quelque temps par le caucus provincial, et même les députés de la province, je pense, ont été quelque peu surpris par ces chiffres. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons faire une pause de cinq minutes.
Le président: J'aimerais rouvrir la séance et souhaiter la bienvenue aux témoins suivants, de New Dawn Enterprises. Il s'agit de M. MacSween et de Mme Jacobs. Bienvenue. Si j'ai bien compris, quelqu'un d'autre va se joindre à vous d'ici quelques instants. Je vous invite à nous faire votre déclaration liminaire, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
M. Rankin MacSween (président, New Dawn Enterprises): Merci beaucoup. Nous sommes très heureux d'être ici parmi vous.
Tout d'abord, nous aimerions vous expliquer un petit peu qui nous sommes. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, nous représentons New Dawn Enterprises Ltd., qui a son siège au Cap- Breton. New Dawn est une société de développement communautaire. En gros, cela signifie que notre structure est semblable à celle d'une entreprise, à l'exception que nos profits doivent être reversés à la société ou à la collectivité. Le conseil d'administration est composé de bénévoles qui n'en retirent aucun avantage matériel.
New Dawn existe depuis environ 20 ans. Sa renommée s'explique du fait qu'il s'agit de la plus ancienne et de l'une des plus grosses sociétés de développement communautaire au Canada.
Comme nous le soulignons dans notre mémoire, l'une des réalisations de la société est qu'elle est privée... nous parlons d'un «tiers secteur». En d'autres termes, nous nous efforçons d'emprunter certaines caractéristiques au secteur privé en matière de méthodologie, en ce qui concerne, surtout, l'efficience et la rentabilité, tout en adoptant certaines des caractéristiques du secteur public, par exemple l'imputabilité. Nous essayons de combiner toutes ces choses.
Ce qu'il est intéressant de souligner, monsieur le président, c'est que c'est dans une grande mesure le gouvernement du Canada qui a déclenché la création de New Dawn. Comme vous vous en souviendrez peut-être, vers la fin des années 1960 et au début des années 1970, l'une des perspectives du gouvernement du Canada était le concept de «pôle de croissance». En gros, ce qui avait été prévu à l'époque, c'est qu'un certain nombre de centres urbains du pays soient désignés comme centres devant connaître la croissance. Le Cap-Breton, en tout cas cette région-ci du Cap-Breton, n'a pas figuré parmi leur nombre.
La société New Dawn a été créée en réaction à cela. En gros, il est devenu clair que si la localité devait avoir un avenir, alors il nous fallait trouver de nouveaux instruments grâce auxquels elle pourrait prendre en mains sa propre destinée.
Je pense qu'il y a eu deux bonnes nouvelles. Il me semble que la simple existence du comité ici réuni témoigne du fait que le concept de pôle de croissance a fonctionné, dans le sens que le Canada urbain semble assez bien se débrouiller alors que ce n'est pas du tout le cas du Canada rural. L'autre bonne nouvelle est que New Dawn a survécu pendant 20 ans, ce qui, dans le contexte d'une localité rétrécissante, d'une localité appauvrie, est toute une réalisation.
Au lieu de vous entretenir aujourd'hui de tactiques particulières, nous aimerions vous exposer notre concept de ce qui va être critique quant à la revitalisation du Canada rural.
L'autre chose que je tiens à dire très clairement est que de notre point de vue il existe en réalité deux Canada: le Canada urbain et le Canada rural. Lorsqu'on se penche sur le cas du Canada urbain, on a l'impression qu'il se débrouille plutôt bien sur le plan économique. En tout cas, c'est ce que je vois lorsque je me rends à Toronto. Mais lorsque vous examinez le Canada rural - et je dirais de tout le Cap-Breton qu'il est rural - il y existe un certain nombre de problèmes plutôt graves.
Il y a plusieurs années, lorsque le gouvernement Mulroney était au pouvoir, nous avons eu ici à Sydney la visite de John Crosbie. M. Crosbie a prononcé un discours qui a été suivi d'une conférence de presse à laquelle certains d'entre nous avons pu assister. Lors de cette conférence de presse, quelqu'un a demandé au ministre Crosbie comment il se faisait qu'en Nouvelle-Écosse le gros de l'aide financière distribuée par l'EPECA était destinée à Halifax, étant donné qu'Halifax avait un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale tandis que la plupart des autres régions de la province, y compris le Cap-Breton, avaient un taux de chômage moyen nettement supérieur à tous ceux enregistrés ailleurs au pays.
J'avais trouvé la réponse du ministre plutôt intéressante. Il a dit que cela était tout à fait juste et qu'il constatait la même chose à Terre-Neuve, où le gros du financement consenti par l'APECA était destiné à la ville de St. John's. La seule explication qu'il voyait était qu'il y avait beaucoup plus de demandes émanant de Halifax et de St. John's, et que la structure de l'APECA ne lui permettait que de réagir aux demandes qu'elle recevait.
Je pense que ce même schéma existe encore aujourd'hui en 1996. En gros, l'argent du gouvernement continue d'être acheminé aux centres urbains, où il ne joue pas un rôle aussi critique en ce qui concerne la vitalité économique et où l'apport d'argent pose moins problème. Alors que se passe-t-il? À quoi tout cela rime-t-il?
L'explication que je trouve la plus utile est celle donnée par Alexis de Tocqueville en 1832. Comme vous le savez, Alexis de Tocqueville avait de sérieux doutes à l'égard de la démocratie: vu ce qu'il avait vécu en France, il ne voyait pas comment cela pouvait fonctionner. Il se demandait qui allait s'occuper du bien public. En France, c'était la noblesse qui s'en préoccupait. Tous les autres étaient si occupés à essayer de savoir comment faire pour survivre qu'ils n'avaient pas le temps de s'inquiéter du bien public. Il se demandait donc qui, en Amérique, allait se préoccuper du bien public, étant donné qu'il n'y aurait plus de nobles.
Il s'est rendu en Amérique, et, à sa grande surprise, il a constaté ce nouveau phénomène appelé «associations». Ce qu'il a constaté, c'est qu'en Amérique, chaque fois que des gens voulaient faire quelque chose, ils formaient une association. S'ils voulaient construire une église, ils formaient une association. S'ils voulaient construire une école, ils formaient une association. S'ils voulaient lancer une entreprise, ils formaient une association. Il s'est dit que c'était là la réponse, que c'était ainsi que la démocratie allait pouvoir fonctionner. Plus la démocratie est forte, plus les associations sont nombreuses et plus ces associations doivent être fortes.
Il me semble qu'en ce qui concerne la ligne de démarcation entre le Canada urbain et le Canada rural, vous trouverez, en région urbaine, beaucoup plus d'associations fortes incarnées par le secteur privé. Le secteur privé est fort. Le gouvernement du Canada peut par conséquent avoir des groupes de gens d'affaires comme partenaires pour réaliser certaines choses. En région rurale, il n'y a pas ces associations du secteur privé. D'ailleurs, il ne s'y trouve pas beaucoup d'associations de quelque forme que ce soit. Je mets quiconque ici au défi de nommer une association communautaire forte dans l'île du Cap-Breton qui est capable d'obtenir que des choses se fassent, exception faite d'une toute petite poignée de regroupements, dont New Dawn.
Il me semble que si le gouvernement du Canada veut vraiment résoudre les problèmes du Canada rural, il lui faut comprendre que le XXIe siècle sera le siècle des organisations. Le monde est trop complexe. L'individu, tout seul dans son coin, ne peut plus rien faire. Il faut faire partie d'une association qui a à sa disposition une vaste gamme de capacités et de talents. C'est pourquoi New Dawn a été séduit par le modèle corporatif. C'est un type de modèle corporatif différent, mais c'est néanmoins un modèle corporatif.
Il me semble que si le gouvernement du Canada veut vraiment s'attaquer aux problèmes des régions rurales, il lui faut chercher des moyens de véritablement nourrir et encourager le développement d'associations. Je ne pense pas qu'il va s'agir d'associations du secteur privé. Il faudra se tourner du côté d'associations du tiers secteur. New Dawn est un modèle, un type d'association du tiers secteur. Il existe quantité d'autres modèles.
Il est intéressant de noter que chez nos voisins américains ce mouvement du tiers secteur prend de plus en plus d'ampleur depuis 40 ans. Vous trouvez dans les ghettos des organisations du tiers secteur qui tentent de reconstruire ces communautés ravagées.
Ce qu'il y a de vraiment intéressant dans les relations qu'entretient le gouvernement fédéral américain avec ces associations est qu'il leur dit que s'il va être un partenaire à l'appui des activités organisées par ces groupes du tiers secteur, alors ces derniers doivent non seulement parler, mais également agir. Il leur dit qu'il leur faut montrer qu'ils peuvent réussir un projet, qu'il s'agisse d'un projet immobilier, d'un projet d'entreprise ou d'un projet social. Une fois que vous avez montré que vous êtes sérieux et que vous pouvez faire le nécessaire, alors vous vous présentez à la table et il trouvera un formule appropriée pour vous appuyer et être votre partenaire. C'est alors qu'intervient ce que l'on appelle le «financement global».
C'est une grosse question que celle de la revitalisation du Canada rural. Il serait certainement impossible, en l'espace d'une demi-heure, de traiter dans le détail de la façon de s'y prendre ou des tactiques qui pourraient être employées. Ces tactiques varieraient sans doute d'une province à l'autre, d'une région à l'autre, d'une localité rurale à l'autre. Néanmoins, il me semble que le travail que vous faites en la matière est extrêmement important.
Nous sommes ici au bord d'un précipice. Le bord, c'est la question de savoir si le Canada sera un Canada composé uniquement de régions urbaines fortes ou s'il y aura également dans le Canada du XXIe siècle de la place pour de solides communautés rurales, comme celles du Cap-Breton. C'est là la grosse question. Mesdames et messieurs, s'il est une question qui a jamais mérité de bénéficier de leadership national, c'est bien celle-ci. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Merci beaucoup. J'ai beaucoup apprécié votre discours, car je pense qu'il y a de l'espoir pour du bon développement à l'avenir grâce à l'intervention de nombreux types d'associations. Les habitants d'une petite localité ou de plusieurs petites localités réunies ensemble sont en train de définir...
J'habite le nord-ouest du Québec. Il arrive qu'il y ait des petites bagarres au sujet d'une activité fédérale ou provinciale. Certains auront tous les bureaux de la localité et il ne restera plus rien pour les autres. Le but doit être de vivre et de laisser vivre. Pensez-vous que, dans l'ensemble, les résidents des régions rurales sont prêts à s'associer en vue de réaliser cet objectif?
M. MacSween: Je ne suis pas certain que nous soyons prêts, mais j'ignore quelles sont les options envisageables. Il est remarquable de constater ce que les gens sont en mesure d'accomplir lorsqu'ils se trouvent confrontés à un défi.
New Dawn s'est vu lancer un défi lorsque le gouvernement du Canada a mis en oeuvre son concept de pôles de croissance. En gros, le message était que le Cap-Breton était dehors et que Halifax était dedans. Il est devenu clair à ce moment-là dans notre histoire qu'il y avait un défi à relever. Nous n'étions sans doute pas prêts, mais lorsqu'on vous lance un défi, quel que soit le moment où cela intervient, vous faites de votre mieux.
L'autre chose au sujet de laquelle j'aimerais être très clair est que l'on ne parle pas ici de former tout simplement une petite association à vocation unique. L'on parle ici de former et de mettre en place des associations capables de faire aboutir des choses.
J'ai été quelque peu frappé par l'annonce faite la semaine dernière par le gouvernement relativement à ce prêt sans intérêt consenti à Bombardier. Cela m'a paru logique. Il s'agit d'une entreprise qui est en mesure de faire beaucoup de choses et de créer beaucoup d'emplois et de développement économique. Eh bien, dans mon esprit, Bombardier est une association. Il s'agit d'une association du secteur privé dotée de capacités.
Dans les régions rurales du Canada, il nous faut des associations dotées de capacités. Ce qui nous enthousiasme chez New Dawn c'est que nous avons pu montrer quel impact des associations de ce genre peuvent avoir. Ce n'est pas que nous avons sauvé le Cap-Breton ou que nous allons pouvoir le sauver, mais je pense que New Dawn fait une contribution importante. Elle le fait en tant qu'entité indépendante et autosuffisante. Nous nous voyons dans une certaine mesure comme des pionniers dans cette nouvelle orientation, et cela est pour nous très excitant.
M. Deshaies: Un leader du nord-ouest du Québec a dit qu'ils ont la capacité nécessaire pour développer leur région, mais qu'il leur faut peut-être quelques outils. Ils ne demandent pas qu'on mette en place des programmes fixes dans le cadre desquels nous engager.
Par exemple, pour avoir un programme spécial visant la création d'une page web sur l'Internet, il vous faut à peu près cinq personnes de la R-D. Dans le nord-ouest du Québec, à Rouyn- Noranda, seules trois personnes s'y consacrent. Mais seuls Montréal ou Toronto bénéficieront de ce programme, ou en tout cas ils enverront cela à Montréal. Pourquoi ces trois personnes n'auraient- elles pas la capacité de faire un bon travail en région rurale? Je suis certain que vous pourriez trouver ici une personne capable de concevoir quelque chose d'acceptable.
Vous dit-on la même chose? Peuvent-ils se développer si nous leur donnons les outils que nous nous choisissons et non pas les outils qu'Ottawa ou que Halifax veulent vous donner? Vous voulez des outils du Cap-Breton. Vous serez en mesure de produire dix fois plus si vous avez vos propres programmes.
M. MacSween: Un ami à moi avait l'habitude de dire que l'une des erreurs que font les gouvernements, c'est qu'ils ont tendance à vouloir vendre leurs programmes au détail, alors qu'ils devraient s'en tenir au commerce en gros.
Lorsqu'un gouvernement s'installe dans une localité et essaie d'aligner un programme d'une façon donnée, cela pose de très réels problèmes. Il est beaucoup plus logique pour les gouvernements d'avoir des relations davantage contractuelles avec les localités. Le gouvernement est donc un partenaire avec la localité, mais en ce qui concerne les tactiques à employer pour élaborer quelque chose ou réaliser tel ou tel objectif visé, c'est vraiment la localité qui doit déterminer, dans le détail, ce qu'il lui faut.
M. Deshaies: Vous savez que le Québec veut éliminer sa dette provinciale. Il a les mêmes besoins. Les gens dans ma circonscription ont dit qu'ils veulent pouvoir communiquer directement par téléphone avec la personne qui décide et qui choisit la voie à emprunter. Je vais conclure mon intervention avec la question que voici: pensez-vous que ce dont les habitants des régions rurales ont le plus besoin c'est une personne avec laquelle ils peuvent communiquer directement par téléphone pour obtenir une réponse?
M. MacSween: Voulez-vous répondre à cette question-là?
M. Ora McManus (gestionnaire, Projets spéciaux, New Dawn Enterprises): Non, allez-y. Vous êtes lancé. Je ferai une observation plus tard.
M. MacSween: Je ne sais pas si c'est une question de communication par téléphone ou de simple accès à une personne.
Dans ce domaine, ce que je souhaiterais c'est que le gouvernement du Canada change de perspective. Il devrait commencer à essayer de comprendre que le seul moyen pour le gouvernement du Canada d'être fort et de diriger un pays fort est d'avoir des communautés qui soient fortes. Le pays a des communautés urbaines qui sont fortes, mais le potentiel d'avoir des communautés rurales qui soient fortes existe lui aussi. Il importe cependant que ces communautés rurales développent leurs capacités, et cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Cela va demander du temps. Lorsque vous parlez de construire une communauté, c'est un peu comme élever un enfant. L'on doit se situer dans le long terme.
New Dawn oeuvre dans ce domaine depuis 20 ans, et dans notre esprit, nous sommes encore dans l'adolescence. On parle ici de travail à long terme. C'est une question de perspective.
Je ne fais pas partie du gouvernement; je suis à l'extérieur et j'essaie de voir ce qui se passe dedans. Je pense que le gouvernement du Canada a traditionnellement été enclin à essayer de régler les problèmes lui-même. Il commence, en règle générale, par s'attaquer aux problèmes avec de l'argent. Je ne pense plus que cela fonctionne. Le gouvernement du Canada a besoin de beaucoup de partenaires pour résoudre les problèmes, et comptent parmi ces partenaires les communautés. Mais le gouvernement ne sait pas traiter avec des personnes à l'intérieur de ces communautés. Le gouvernement du Canada est une grosse institution. Il ne sait traiter qu'avec d'autres institutions et organisations, ce à quoi le Canada rural n'a en ce moment pas accès. Les campagnes canadiennes ont besoin des leurs.
M. McManus: Si vous avez lu notre document ou si vous avez eu l'occasion d'en faire l'examen, vous y aurez trouvé la réponse à votre question. En gros, le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de traiter avec des individus. Il ne sert à rien que le gouvernement fédéral appelle un individu à Dingwall - je ne parle pas ici de M. Dingwall mais de la localité de Dingwall, qui est un port de pêche du nord du Cap-Breton. Cela ne sert à rien.
Monsieur Ringma, cela fait quelque temps que vous participez à la vie politique fédérale.
M. Ringma: Trois années, presque jour pour jour.
M. McManus: Je vois. Vous êtes Réformiste.
M. Ringma: Je suis Réformiste.
M. McManus: Oui, j'ai reconnu le nom.
Le problème est que vous n'êtes pas en mesure de traiter avec des personnes. Comme l'a dit Rankin, vous devez traiter avec des localités, et c'est ce que vous souhaitez faire, en tant que Comité permanent des ressources naturelles, dans le cadre de cet examen de la situation des régions rurales du pays. Je ne sais même pas si vous avez le mandat de le faire. Mais à supposer que votre mandat vous autorise à essayer de déterminer de quelle façon vous pourriez renforcer les campagnes canadiennes, vous ne pourrez pas y parvenir en traitant avec des individus. Vous pouvez traiter avec les grosses entreprises de ressources naturelles, comme vous le faites, et qui sont actives dans les secteurs minier, forestier et des pêches. Mais si vous voulez vraiment renforcer le Canada rural, alors il vous faut passer à l'étape suivante, soit le développement des gens et des communautés.
Vous ne pouvez être présents dans ces communautés que par le biais d'organisations communautaires locales qui peuvent s'asseoir à la table et vous parler comme nous le faisons ici. Nous sommes une organisation qui parle à une grosse organisation, mais nous sommes une organisation. Il ne sert à rien de parler à des individus, car ce ne sont pas des individus qui pourront vous aider. Vous vous sentirez peut-être mieux sur le coup, mais vous ne pourrez pas les aider et eux ne pourront pas vous aider non plus.
M. Deshaies: Ma question concernait non pas les individus, mais bien les groupes. Lorsque vous parlez, vous parlez au nom d'un groupe, d'une communauté, et non pas en votre nom propre. Peut-être que je me suis mal exprimé.
M. McManus: J'avais compris que vous disiez qu'il était important de pouvoir appeler la personne.
M. Deshaies: Non, pas la personne. Nous parlons ici de définitions.
M. Ringma: Je vais commencer par faire une déclaration, monsieur MacSween, monsieur McManus et madame Jacobs. Tout d'abord, le comité, en l'espace de ces quelques jours, a déjà entendu de nombreux témoignages selon lesquels le gouvernement devrait cesser d'être le fournisseur et devenir plutôt le facilitateur. Cela résume bien une partie de ce que vous faites.
Voici maintenant ma question. Vous avez parlé de la genèse de votre propre organisation du tiers secteur et de son lancement. Je me demande s'il n'y a pas une tendance pour ces organisations de se former dans les localités rurales plutôt que dans les villes? Existe-t-il un mouvement spontané en ce sens ailleurs, comme par exemple aux États-Unis - et je pense que vous l'avez mentionné - ainsi qu'au Canada?
M. MacSween: En ce qui concerne l'expérience américaine, les organisations de ce genre se sont regroupées dans les ghettos des grosses villes. On les retrouve dans le sud des États-Unis, surtout là où sévit la pauvreté.
Au Canada, rares sont les organisations de ce genre qui ont vu le jour, mais cela commence à changer. Plusieurs essais ont été tentés, mais peu ont réussi. Ces organisations ont en règle générale mordu la poussière à cause de problèmes financiers. Il y a néanmoins eu des exceptions au cours des dernières années. Quelques organisations tout à fait fascinantes commencent à émerger dans des réserves autochtones. Il semble que ce soit dans les localités autochtones que cela commence à bouger au Canada.
Il existe néanmoins certaines exceptions. Il y a une organisation intéressante à La Ronge, en Saskatchewan. Il y a également un groupe à Halifax, HRDA, qui s'intéresse à la partie nord de Halifax et aux bénéficiaires d'aide sociale. Mais ces organisations ressemblent davantage aux créations américaines, l'accent étant mis sur un groupe particulier à l'intérieur d'une région urbaine donnée. Aux États-Unis, le gros de ces organisations se retrouvent dans les quartiers pauvres des grandes villes.
M. Ringma: Pour que ces organisations réussissent, il leur faut un soutien local. Vous pourriez peut-être nous dire quelques mots sur votre propre expérience en la matière.
Encore une fois, les gens nous disent qu'ils s'intéressent à leur propre localité. Il y a beaucoup de bénévoles qui sont disponibles, et nous en avons entendu bon nombre qui sont venus comparaître devant le comité. J'imagine que ce qu'il faut c'est une certaine masse critique, ou autre, pour ouvrir le bal.
M. MacSween: Il faut, certes, un leader. Il faut toujours un leader pour lancer quelque chose.
J'envisage cette organisation comme une entreprise. Il faut un solide leader pour lancer les choses. New Dawn a été lancé par Greg MacLeod, qui va, je pense, comparaître devant vous plus tard dans l'après-midi pour vous entretenir d'autre chose.
New Dawn a eu le grand privilège de bénéficier d'un bon soutien communautaire. Je pense néanmoins que cet appui est en grande partie attribuable au fait que New Dawn a tendance à résoudre les problèmes. Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque New Dawn a vu le jour vers la fin des années 1960, l'un des gros problèmes ici était que nous n'avions que trois dentistes. Lorsque j'ai quitté l'Ontario en 1977 pour revenir au Cap-Breton, il y avait deux ou trois dentistes qui exerçaient dans ce que l'on appelait la zone industrielle. Je suis parti à la recherche d'un dentiste. J'avais à choisir entre deux possibilités: attendre trois ans pour avoir un rendez-vous ou bien me rendre à Halifax.
New Dawn a commencé à travailler bien avant que je ne m'y associe, alors je vous raconte les histoires que j'ai entendues. Je n'ai pas moi-même participé à la résolution du problème que je viens d'évoquer.
Ce qu'a fait New Dawn est tout à fait conforme à sa façon de faire habituelle. La société a examiné le problème et a décidé de faire construire une clinique dentaire. Elle l'a équipée, puis elle est partie à Dalhousie recruter des dentistes nouvellement diplômés. Elle leur a offert un bail intéressant avec option d'achat. C'est ainsi qu'elle a réussi à faire venir un dentiste. Puis elle a fait construire une autre clinique et a fait venir encore un autre dentiste. Et il y a eu encore une autre clinique, et encore un autre dentiste. Petit à petit, la chose a pris son envol.
La démarche de New Dawn est de demander quel est le problème puis de demander comment une entreprise essaierait de le résoudre, et, enfin, de négocier la transaction et d'en évaluer les résultats par la suite. New Dawn s'est attaqué à quantité d'autres problèmes de la même façon. Elle part toujours de la question suivante: quel est le problème communautaire? Le Cap-Breton a beaucoup de problèmes, mais vous essayez de déterminer lequel, parmi toute la montagne de problèmes, vous seriez en mesure de résoudre tout de suite. Et vous vous lancez.
Les groupes communautaires sont nombreux à se pencher sur le gros problème, qui devient vite accablant. Plus vous en parlez, plus cela sape votre énergie. Au bout d'un certain temps, vous êtes convaincu que vous ne pouvez rien faire. New Dawn s'en est toujours tenue à des stratégies très pratiques. Réglez ceci. Prenez cette initiative maintenant. Nous sommes là-dedans pour le long terme. Nous n'allons pas résoudre tous les problèmes, c'est vrai, mais en agissant tout de suite pour corriger tel ou tel problème, nous améliorons un petit peu les choses.
M. Ringma: Je conclurai en disant qu'il semble que ce genre d'organisation a beaucoup de mérite, mais que cela ne peut pas être imposé du haut vers le bas. Il ne sert à rien que vous disiez aux autorités fédérales qu'elles devraient être en train d'établir ce genre de choses. Ce qui doit se passer, j'imagine, c'est qu'une fois que vous avez établi ces organes, il faut qu'on vous écoute. C'est cela, n'est-ce pas?
Mme Lisa Jacobs (recherchiste, New Dawn Enterprises): Bien qu'il soit important que le développement communautaire commence au niveau de la communauté elle-même, je pense que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de leader et lancer un appel aux localités rurales qui n'ont pas encore d'infrastructure pour que celles-ci commencent à se développer.
Je ne pense pas que cela signifie que le gouvernement fédéral peut véritablement dicter aux communautés quoi faire, mais il peut commencer à les aborder. D'une certaine façon, si les communautés apprenaient du gouvernement fédéral que celui-ci serait prêt à travailler avec elles, cela les encouragerait peut-être à commencer à s'organiser.
M. Ringma: Mais en un sens, l'exercice dans lequel nous sommes lancés ici est le début de cela.
Mme Jacobs: Oui.
M. McManus: Si vous me permettez, il s'agit ici d'une question politique et constitutionnelle très complexe. Je ne sais pas moi- même si toutes les ramifications ont été examinées. Je n'en reviens toujours pas que le gouvernement fédéral puisse envisager d'aller dans des municipalités rurales qui relèvent du gouvernement provincial. En d'autres termes, le gouvernement fédéral traite avec la province, et la province traite avec les municipalités. Le gouvernement fédéral n'a pas le droit de sauter par-dessus la province et de s'y lancer directement.
M. Ringma: Cela arrive avec les organisations.
M. McManus: Peut-être bien. Je ne dis pas que cela n'arrive jamais. Les gens peuvent se tromper ou faire des choses toutes à fait opportunes. Je ne conteste pas cela. Tout ce que je dis, c'est que vous ne pouvez pas avoir cette politique - vous pouvez peut- être faire cela à l'occasion - parce que vous allez déchirer le pays au sujet d'encore une autre question provinciale-fédérale.
Lisa a dit que vous avez un important rôle de leader à jouer. Vous pouvez trouver toutes sortes de cas, partout au pays, où le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de leader. Il ne s'agit pas de quelque chose qui doit venir d'en haut, mais bien d'une initiative en coparticipation, tout le monde assis autour de la même table.
Nommez un domaine où le gouvernement fédéral a une présence et où le gouvernement provincial n'intervient pas beaucoup. Cela existe. Prenez, par exemple, les parcs provinciaux. Il n'y a aucune raison pour laquelle le gouvernement fédéral ne pourrait pas reconnaître qu'il est important pour lui, en tant qu'institution, dans une région donnée, d'avoir de bons rapports de partenariat avec la communauté rurale locale. Nous savons que, traditionnellement, cela n'a pas été le cas. Je sais qu'il y a de petits comités de relations publiques qui ont été créés de-ci de- là, mais la politique n'est pas d'être un bon voisin ni un bon partenaire qui peut s'asseoir avec l'autre et partager en vue d'aider la communauté locale.
Reconnaissons-le... les personnes instruites se trouvent au gouvernement fédéral. Elles vont dans les parcs provinciaux. Elles ont toutes des maîtrises. Ce sont des gens qualifiés, formés, instruits. Or, il n'y a pas moyen d'avoir des relations de soutien dans une communauté qui, bien souvent, ne compte que très peu de gens qui sont des professionnels. Au lieu de les dominer, il existe des méthodes plus délicates d'intervenir pour offrir du soutien, pour les encourager à s'organiser et pour les aider à frayer leur chemin.
Il y a donc quantité de choses que pourrait faire le gouvernement fédéral sans imposer une politique d'en haut. Qu'on songe au travail de relations publiques. Qu'on songe au bon jugement. Comme Rankin l'a laissé entendre tout à l'heure, c'est essentiellement une question d'attitude. C'est la façon d'entretenir des rapports avec son voisin.
J'ignore s'il y en a parmi vous qui sont historiens, je ne sais pas dans quel domaine vous avez étudié, mais si l'on remonte à l'époque de la Confédération, Sir John A. MacDonald et les autres ne voulaient pas de gouvernements municipaux forts. Ils ne voulaient pas que les gens se réunissent, s'associent et leur imposent quelque chose, car ils avaient été horrifiés par la guerre civile américaine et par tout ce qui s'était passé là-bas. L'idée première, donc, était de contrôler les gens. Le droit de rassemblement et tout le reste ont vraiment été mis à leur place. Je ne vais pas me lancer là-dedans, mais vous voyez ce que je veux dire. C'est un important morceau de notre histoire, et les régions rurales de certaines parties du pays souffrent toujours de cette crainte initiale du gouvernement central que les petites communautés, les villes et les villages se réunissent et deviennent forts.
Comme l'a dit Rankin, si les villages et petites villes des municipalités rurales ne deviennent pas forts, ils n'auront rien. Ils ne vont pas alimenter les quelques grosses régions urbaines que compte le pays. S'ils n'alimentent pas les gros centres urbains, ceux-ci connaîtront le sort de tous les autres grands centres urbains, que ce soit Rome ou une autre grande ville, que cela prenne 50 ou 100 ans: ils péricliteront. Il vous faut vraiment nourrir les racines d'un pays pour avoir une région urbaine solide et puissante et, partant, un pays solide et puissant.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Monsieur McManus, j'aimerais dire, pour vous rassurer, que je ne pense pas que le gouvernement fédéral veuille s'immiscer dans des questions qui relèvent historiquement des provinces, en vertu de la Constitution ou autre.
Il est néanmoins certaines choses qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. Par exemple, nous avons au pays un système de communication à réglementation fédérale. L'un de nos objectifs en tant que comité est de cerner ces domaines pour lesquels le gouvernement fédéral a une responsabilité et de déterminer comment il peut s'acquitter de cette responsabilité. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit des régions rurales. C'est pourquoi le comité sillonne le pays pour parler avec des citoyens de partout.
Chose intéressante, l'un des messages qu'on nous a renvoyés concernait la nécessité d'une infrastructure de communication remaniée et mise à jour, étant donné les faiblesses qui la caractérisent à l'heure actuelle. Peut-être que l'on pourra mettre fin aux services téléphoniques à ligne partagée afin que les agriculteurs, par exemple, puissent avoir accès à l'Internet. La réglementation de tout cela et l'octroi de licences relèvent du gouvernement fédéral.
M. McManus: Je pensais que notre comité était un comité des ressources naturelles.
M. Reed: Oui.
M. McManus: Et vous parlez de...
M. Reed: Développement rural.
M. McManus: ...communications. Cela fait-il partie de votre mandat?
M. Reed: Cela fait, certes, partie du mandat fédéral, et ce serait négligent de notre part de ne pas inclure cela dans notre discussion.
M. McManus: Je suis tout simplement confus.
M. Reed: À mon avis, le ministère des Ressources naturelles s'intéresse, bien sûr, au secteur forestier, aux mines, aux ressources énergétiques, et de façon accessoire, à l'agriculture, et à tout le reste. La plupart des bases de ces ressources sont rurales. C'est là que nous intervenons. Que fait-on lorsqu'une mine ferme ses portes? Vous avez dans le nord de l'Ontario une ville à industrie unique, et tout d'un coup, au bout de 25 ans, la mine ferme. Comment devons-nous contrer l'incidence néfaste de la fermeture de la mine? Voilà le genre de choses dont nous nous occupons.
Monsieur MacSween, vous avez soulevé un point très intéressant. Vous avez dit que pour qu'une association soit forte, il faut qu'il y ait un certain leadership. Nous avons aujourd'hui entendu un exposé dans lequel on nous a expliqué que dans une région donnée les personnes les plus instruites sont en train de partir. Il y a dans certaines régions un très haut taux d'analphabétisme. Je me demande si vous voyez là un problème. Dans l'affirmative, avez-vous des idées sur la façon dont vous allez vivre cette transition, afin qu'il en ressorte un certain nombre de leaders?
M. MacSween: Nous avons tendance à définir le Cap-Breton comme une communauté épuisée. Compte parmi les caractéristiques de cet épuisement l'épuisement économique exprimé dans le niveau de participation de la population active. C'est une communauté épuisée sur le plan social, en ce sens que l'on n'y trouve pas du tout le niveau d'infrastructure sociale auquel on s'attendrait dans une communauté énergique de même population. Il y a également l'épuisement sur le plan ressources humaines que vous venez à l'instant d'évoquer. Voilà à quoi se résume le problème. Dans une certaine mesure, c'est là la raison d'être de New Dawn.
Ce n'est pas dans les localités où l'économie est porteuse, où l'infrastructure sociale est bonne et où les jeunes gens restent que l'on a tendance à trouver des organisations ou des sociétés de développement communautaire. Dans ce genre de localités, c'est en règle générale le secteur privé qui fait bouger les choses. Or, nous sommes justement aux prises avec ces gros problèmes et ces grosses questions.
Il y a quelques années, j'ai eu une discussion avec un bon ami à moi sur l'état du pays, et l'on parlait beaucoup à l'époque de la Constitution. Le consensus, dans le cadre de notre discussion, était qu'il fallait que le gouvernement fédéral commence à s'occuper de l'économie, et je lui avais demandé ce qu'il aurait voulu que le pouvoir fédéral fasse. Il m'a répondu qu'il n'était pas nécessaire qu'il fasse quoi que ce soit; selon lui, il suffisait qu'il commence à en parler et qu'il envoie comme signal que l'économie est importante.
Il me semble que depuis la fin des années 1960 et le début des années 1970, le signal donné par le gouvernement fédéral est que les centres urbains sont importants. Cela a commencé avec les centres de croissance. Je pense qu'il y a toute une gamme de choses que le gouvernement fédéral pourrait faire pour dire que le Canada rural est important. Le simple fait de commencer à le dire aurait une incroyable incidence symbolique sur le pays. D'une façon ou d'une autre vous allez implicitement - et j'utilise ce mot au sens péjoratif ici - dire aux jeunes gens que leur avenir se trouve dans les centres urbains. C'est là le message... C'est là qu'il faut aller. Allez-y et votre carrière pourra démarrer.
Je pense que nous pourrions commencer à envoyer quantité d'autres signaux aux gens pour leur dire que le fait de rester dans leur localité et d'y construire quelque chose est important et satisfaisant.
Le président: Merci. J'aurais quelques observations à faire.
Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne votre dernière remarque, et c'est pourquoi, dans le discours du Trône prononcé en mars, le premier ministre a parlé directement au Canada rural et de lui. Il me faudra paraphraser ses propos, car je n'ai pas le texte devant les yeux, mais il demandait au gouvernement de se concentrer sur la revitalisation du Canada rural et il reconnaissait que le Canada rural se trouvait confronté à des défis - sur le plan de ses ressources humaines et autres - différents de ceux du Canada urbain. Toute solution retenue doit respecter ces différences.
Au début, il avait parlé de la nécessité d'en reconnaître l'importance. C'était une reconnaissance importante. Vous connaissez tous le système politique canadien, et vous savez donc qu'il y a une grande concurrence quant à savoir ce qui va être inclus dans le discours du Trône, qui est, essentiellement, un énoncé des principes premiers du gouvernement. Voilà pourquoi je pense que cela était important.
Monsieur McManus, je pense que vous avez par inadvertance très bien exposé la situation lorsque vous avez demandé pourquoi le Comité des ressources naturelles s'occupe de développement rural. L'une des questions, bien sûr, est de déterminer qui devrait s'occuper de quoi. Est-ce que ce devrait être le Comité de l'agriculture? Est-ce que ce devrait être le Comité qui s'occupe des communications? Est-ce que ce devrait être le Comité des ressources naturelles? Est-ce que ce devrait être le Comité de l'industrie? Voilà l'une de nos difficultés en tant que gouvernement fédéral: la nécessité de concentrer et d'attribuer le dossier rural. À l'heure actuelle, il est éparpillé à l'échelle du gouvernement, et il se trouve enterré dans les différents ministères, à tour de rôle, par les préoccupations urbaines.
Le troisième point que j'aimerais soulever, et il est, je pense, important, est que vous avez présenté au comité une structure qui fonctionne et qui devrait, selon vous, si je vous ai bien compris, être reproduit ailleurs. Ce que doit faire le gouvernement fédéral, je pense - et c'est ce sur quoi se penche le comité - c'est fournir les leviers sur lesquels pourra tirer la structure de développement rural, selon les circonstances.
Dans votre mémoire, vous donnez un bon exemple de cela lorsque vous parlez de votre désir de négocier avec les banques à charte canadiennes une stratégie pour l'investissement communautaire. Il s'agit là d'un des leviers que le gouvernement fédéral pourrait, s'il le voulait, fournir des groupes comme le vôtre, dans le Canada rural. Voilà donc comment s'opère le lien.
Je vais vous lire le texte:
- Le gouvernement a pris un engagement à l'égard du renouveau économique du Canada rural.
Le gouvernement s'attaquera aux problèmes auxquels se trouvent confrontés les Canadiens
ruraux d'une façon qui soit adaptée à leurs besoins. Le Canada rural est riche en ressources
naturelles et humaines et se trouve confronté à des défis différents de ceux des régions urbaines.
Le gouvernement prendra, dans le courant de la session qui débute, des mesures visant à veiller
à ce que tous les Canadiens bénéficient de la prospérité économique.
M. McManus: Il me faut revenir sur ceci: il importe de tout décortiquer. Je ne vois pas du tout comment le gouvernement fédéral pourrait participer directement en assumant une responsabilité exhaustive, d'un océan à l'autre, à l'égard de l'établissement en région rurale de communautés qui soient fortes. J'ai peut-être tort. J'aimerais bien entendre quelqu'un me dire le contraire, avec force éléments de preuve. Je ne pense pas que vous puissiez le faire. Ce n'est pas de cette façon que cela va venir. Il faut que cela précède la responsabilité qu'ont les gouvernements provinciaux à l'égard des habitants de leur province. C'est un point de départ.
Si vous voulez un point de départ, ce n'est pas ainsi que vous allez construire un Canada rural fort. Vous pouvez y ouvrir une mine et faire toutes sortes d'autres choses, mais cela ne créera pas pour autant une communauté forte. Extraire du minerai ou autre chose, c'est une activité bien précise, et une fois qu'elle est terminée, s'il s'agit d'une localité à activité unique sans infrastructure, alors celle-ci s'effondre. La grosse question est celle de savoir comment construire un environnement social et économique durable pour les habitants des régions rurales du pays.
Le président: Absolument, monsieur McManus. Mais si le gouvernement fédéral ne fournit pas les stratégies et les leviers, les collectivités elles-mêmes auront bien du mal à le faire. Par exemple, si nous ne poursuivons pas des stratégies visant à permettre l'exportation de nos ressources naturelles, alors ces localités rurales qui dépendent des ressources naturelles auront bien du mal à survivre. Si nous n'assurons pas un environnement à l'intérieur duquel les institutions financières du pays appuieront des entrepreneurs ruraux, alors ceux-ci connaîtront bien des difficultés.
Personne n'est en train de dire que votre rôle, que ce que vous faites à l'intérieur des communautés, peut être assumé par le gouvernement fédéral. Ce que nous disons, c'est que le gouvernement fédéral peut poursuivre des politiques qui vous doteront des outils dont vous avez besoin pour vous acquitter plus efficacement de vos tâches.
Là-dessus, il y a d'autres témoins qui attendent. Nous pourrions sans doute, vous et moi, avoir ensemble une conversation formidable, des heures durant.
M. McManus: J'espère que ce sera le cas, car vous avez soulevé ici une énorme question et le pays se tourne vers vous pour avoir du leadership. Cet exercice semblait être une ouverture, mais je vous ai vu sans cesse vous éloigner de la démarche organisationnelle, qui est une démarche axée sur un changement d'attitude.
Des voix: Non, non, non.
M. McManus: Je m'en tiendrai à ce que je viens d'avancer tant qu'on ne m'aura pas prouvé le contraire. Lorsque je verrai un changement d'attitude, lorsque vous serez prêts à vous asseoir avec le responsable provincial ou municipal et vos personnes-ressources, et que tout le monde pourra travailler ensemble pour le bien de tous, alors j'y verrai le signe qu'il se passe quelque chose de vraiment bien.
Le président: Nous nous y appliquerons, afin que cela puisse porter fruit. Merci.
M. McManus: Merci beaucoup.
Le président suppléant (M. Reed): Il semble qu'on m'ait relégué à la présidence.
Le témoin suivant est M. Greg MacLeod, de la BCA Holdings. Nous vous souhaitons, monsieur, la bienvenue, et vous invitons à nous faire vos remarques liminaires.
M. Greg MacLeod (directeur, Tompkins Institute, University College of Cape Breton): Je suis président d'une société de financement communautaire qui lève des fonds en vue d'investissements. Je m'occupe également de développement économique dans des régions non métropolitaines du Mexique, auprès de groupes communautaires. J'ai prononcé un discours la semaine dernière en Saskatchewan à l'occasion de la Prairie Forum. J'ai ici un mémoire d'une page auquel est joint le texte du discours que j'ai présenté à l'occasion du Prairie Forum. Le thème intéresse ce que vous faites.
[Français]
Vous pourrez me poser des questions en français ou en anglais.
[Traduction]
J'aimerais que le gouvernement fédéral se lance et traite directement avec les municipalités. En fait, je préférerais que nous n'ayons qu'un gouvernement fédéral et des municipalités. Je peux dire cela car je ne suis pas politicien: je ne fais pas beaucoup confiance aux provinces. Le système n'a pas été très bon pour l'économie rurale.
J'aimerais faire quelques commentaires. J'ai participé à une mission d'étude de l'OCDE en Europe, il y a de cela quelques années. Il s'agissait de nous pencher sur la création d'emplois en région non métropolitaine. J'aimerais insister ici sur la distinction à faire entre région métropolitaine et région non métropolitaine.
Il me semble que pour qu'une région soit considérée comme métropolitaine elle doit compter au moins 200 000 habitants et recouvrir un maximum de 400 milles carrés. Tout le reste est non métropolitain. La définition ne renvoie pas uniquement à des chiffres. Il est généralement entendu qu'une métropole sera dotée d'institutions financières, universitaires et politiques. En Nouvelle-Écosse, et peut-être même dans l'ensemble de la région Atlantique, nous n'avons qu'une seule métropole, Halifax.
Jusqu'à présent, le gouvernement a perçu le Canada comme étant un système économique unique, mais il existe clairement deux économies: l'économie métropolitaine et l'économie non métropolitaine. L'économie non métropolitaine s'appuie manifestement sur les ressources, et cela a toujours été le cas. Le Canada non métropolitain souffre d'appauvrissement et d'émigration, ce qui est mauvais pour le Canada non métropolitain et pour le Canada métropolitain où les gens sont trop entassés.
Si nous prenons la Nouvelle-Écosse, c'est Halifax la région métropolitaine. Le taux de chômage y est d'environ 8 p. 100 inférieur à la moyenne nationale. Dans le reste de la Nouvelle- Écosse, au Cap-Breton et à Yarmouth, le taux de chômage est d'environ 22 p. 100, c'est-à-dire le double ou le triple, et ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale. Vous constaterez peut-être que dans d'autres provinces les régions métropolitaines se portent très bien. Au niveau des politiques, l'APECA et les organes fédéraux considèrent la région de l'Atlantique comme un tout. La plupart des subventions destinées à la Nouvelle-Écosse sont versées à Halifax, car c'est là que se trouvent tous les comptables, avocats et spécialistes. Ces gens-là sont mieux équipés pour traiter avec le gouvernement, préparer des demandes et tout le reste. L'on ne peut pas parler d'un terrain de jeu égal. Il faut être concurrentiel, mais nous ne pouvons pas concurrencer la région métropolitaine. Dès qu'il est question de concurrence, nous sommes toujours les perdants. Et il en est sans doute de même avec le Fonds de diversification de l'économie de l'Ouest.
J'aimerais vous soumettre quelques recommandations bien précises. Tout d'abord, la reconnaissance de l'existence de deux économies. Cela veut dire deux programmes gouvernementaux à orientation différente. Deuxièmement, j'aimerais que soient instaurées un certain nombre de choses bien précises, par exemple des quotas communautaires pour les pêches, ce de façon à permettre aux collectivités côtières de survivre. J'y crois beaucoup, à cette idée-là.
Troisièmement, il faudrait favoriser les industries à valeur ajoutée en région non métropolitaine. Je songe ici tout particulièrement à la préparation de produits alimentaires à partir de poissons et de légumes et à la fabrication de meubles en utilisant du bois, du placoplâtre et du gypse. Le gouvernement fédéral a donné beaucoup d'argent à une compagnie de gypse américaine afin que celle-ci puisse faire du dragage pour accueillir de plus gros navires transportant notre gypse. Ce gypse s'en va là-bas au moment même où nous parlons. J'aimerais les encourager à faire davantage dans la valeur ajoutée et à produire du placoplâtre ici au lieu que le gypse s'en aille tout simplement. Je suis heureux que nous ayons des emplois dans le secteur minier, mais je préférerais que l'on fasse davantage de travail à valeur ajoutée.
Quatrièmement, j'aimerais qu'il y ait des fonds d'investissement pour les régions non métropolitaines. Industrie Canada a créé un programme et nous avons essayé d'en obtenir quelque chose, mais c'est Halifax qui l'a emporté. Nous ne pouvons pas gagner contre la ville de Halifax car c'est elle qui a les banques, les avocats, tout. Comme je l'ai déjà dit, une si grosse part des fonds gouvernementaux va aux régions métropolitaines qu'il faudrait une catégorie distincte pour les régions non métropolitaines.
Cinquièmement, j'aimerais voir adopter une politique de promotion des sociétés commerciales communautaires genre entreprises et(ou) coopératives communautaires, ces deux entités étant très ressemblantes. Je fais partie du mouvement coopératif et de ce que j'appellerais le nouveau mouvement communautaire pour l'entreprise, dont New Dawn et notre société de financement sont des acteurs.
Voilà les points essentiels que je voulais soulever, mais j'aurais encore une autre idée à vous soumettre. Je suis actif au sein de la Great Northern Peninsula Development Corporation, dans le nord de Terre-Neuve. Je rencontre là-bas des gens qui vivent dans de toutes petites localités. Ils y construisent leurs maisons et ils congèlent le poisson et le gibier qu'ils prennent, et ils arrivent à survivre, de façon décente, avec, peut-être, 10 000 $ par an. Mon idée est que s'il y avait moyen de verser aux gens une indemnité d'isolement, 10 000 $ ou 12 000 $, ce serait moins coûteux pour le gouvernement fédéral que d'essayer de transplanter des pêcheurs et des bûcherons à Toronto ou à Halifax en s'attendant à ce qu'ils y survivent. Ils finiront dans des ghettos ou d'autres endroits du genre. Je pense que c'est ridicule de faire ce que nous faisons, de prendre des pêcheurs âgés de 45 ans et de leur apprendre à utiliser un ordinateur, de les envoyer à Toronto ou à Halifax et de s'attendre à ce qu'ils fassent concurrence à des diplômés d'école secondaire ou d'université. Je préférerais qu'on envisage une indemnité spéciale.
Le document que je vous ai fait distribuer est un petit peu plus détaillé, mais j'y souligne ce que vous savez déjà. En l'an 2020 environ, 90 p. 100 des Canadiens vivront dans les gros centres métropolitains. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour le pays. J'ai participé à un voyage d'étude organisé par l'OCDE, et je me souviens de l'Autriche et de la rencontre que nous avons eue avec le gouvernement autrichien. Il y a de tout petits villages dans la montagne, et la politique du gouvernement est d'accepter qu'il lui faut subventionner ces villages dans certains endroits. Ils disent que s'ils laissaient tout simplement libre cours aux forces du marché, tous ces villages disparaîtraient et l'Autriche se résumerait à peut-être deux villes et une grosse métropole. Ils disent que ce ne serait plus l'Autriche. Le caractère, la personnalité et l'essence de l'Autriche s'appuient sur une population rurale et non métropolitaine, et le gouvernement de ce pays le reconnaît.
Ce que je dis, c'est que si le Canada reconnaissait que la nature du Canada exige l'existence d'une population non métropolitaine, alors nous ferions les adaptations nécessaires pour que ce soit faisable. Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur. Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Après vous avoir entendu ainsi que les témoins qui vous ont précédé, on peut se demander jusqu'à quel point on doit octroyer des subventions pour maintenir une population chez elle, cela de manière profitable. Je vous donne un petit exemple. Jusqu'où doit-on subventionner le prix du litre de lait pour ne pas tuer notre industrie et acheter ensuite le lait des États-Unis? Une personne qui a parlé juste avant vous nous a dit que la solution devait venir des gens d'ici et qu'il fallait leur donner des outils.
Donc, parlez-vous d'outils ou d'autre chose? C'est très délicat parce que le gouvernement se fait dire qu'il ne faut pas donner de subventions, qu'il y a la globalisation des marchés, qu'il faut vivre et laisser vivre, alors qu'on sait qu'il serait stupide de ne pas donner deux cents pour un litre de lait quand on veut recevoir des millions en retombées économiques de la part de l'industrie laitière.
M. MacLeod: Pour ma part, je vois toujours le développement économique en termes «organiques». Je ne suis pas d'avis que l'on peut changer un système du jour au lendemain. C'est peut-être plus facile pour un système industriel.
Aujourd'hui, l'agriculture connaît les mêmes problèmes en Europe, mais en Europe ça marche mieux, parce qu'on essaie de faire des transformations plus progressives. Ici, nous avons le libre-échange. En Europe, il y a toujours des fonds sociaux et on peut faire des ajustements. C'est un problème complexe. Je ne suis pas d'accord sur ce que vous dites, parce que cela paraît trop simple. Ce n'est pas simplement une question de deux ou trois cents pour les subventions. Je crois qu'il faut avoir des plans quinquennaux.
Il est pratiquement impossible pour le Canada de conserver un système de subventions. Dans tous les autres pays, il y a des changements. Je ne suis pas d'accord sur le fait qu'il faille simplement ouvrir le système canadien au marché libre. Je crois que ça doit être plus subtil. Ici, j'aime le système des crédits d'impôt. Je crois qu'on doit avoir un mélange de choses. Peut-être qu'en agriculture, c'était trop simple, mais je suis sûr qu'il faut procéder par étape. Il est intéressant de voir qu'il y a dans l'Ouest, en Saskatchewan ou dans d'autres provinces, des systèmes de contrôle, des
[Traduction]
commissions du blé et de la Saskatchewan Wheat Pool.
[Français]
Je suis fortement en faveur de cela. Il y a un mouvement contre les wheat boards. On peut avoir des changements, mais il faut trouver les vraies réponses.
J'insiste aussi sur le fait qu'il est du devoir et de la responsabilité du gouvernement fédéral d'établir une politique et des systèmes stratégiques pour garde la population rurale sur place, parce que je pense que le Canada doit garder une population rurale.
[Traduction]
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Monsieur MacLeod, vous avez très bien défendu l'idée qu'il y a ici deux mondes...
M. MacLeod: Économies.
M. Ringma: ...le métropolitain et le non-métropolitain. D'autres fourniraient des descriptions différentes. Par exemple, un témoin qui vous a précédé a dit que c'était une question de groupes de pression. Il n'a pas utilisé l'expression «groupe de pression», mais l'on peut dire que l'argent ira aux associations, et que les associations puissantes se trouvent dans les villes. Cela revient à ce que vous vous dites, même si c'est exprimé différemment. Vous dites que les villes, et celle de Halifax dans ce cas-ci, comptent les plus grosses et les plus puissantes associations. Partant, la politique de l'APECA, que vous avez mentionnée, vise un problème en Nouvelle-Écosse plutôt que...
M. MacLeod: Le global.
M. Ringma: Oui. Je pourrais vous décrire l'iniquité dans un contexte politique, en disant que l'APECA et d'autres suivent ce que dictent les pressions politiques.
Étant donné que vous êtes expert en la matière, je me demande si vous seriez en mesure de résoudre les problèmes. Pourriez-vous dire: voici le métropolitain et le non-métropolitain, et voici les autres façons de décrire cela? Pouvez-vous rationaliser tous ces éléments, ou non? Vous en tiendriez-vous à dire que c'est métropolitain et non métropolitain, ou bien y a-t-il des degrés?
M. MacLeod: Il va sans dire qu'il y a toujours les autres facteurs imputables aux groupes politiques et aux groupes de pression.
Permettez-moi de sauter tout de suite à l'élément économique. Pour une multinationale, qui a des succursales à différents endroits, peu importe qu'elle maintienne une usine ici ou là ou ailleurs. Si j'habite une région rurale de la Saskatchewan, de Terre-Neuve ou du Cap-Breton, il est dans mon intérêt que la société reste là, alors il est clair que nos intérêts ne coïncident pas.
Ce que je dis, c'est que pour assurer la survie des régions non métropolitaines, il nous faut créer ces nouvelles structures d'entreprise. Il nous faut rêver à quelque chose de nouveau. Sur le plan politique, il est évident que les centres plus importants l'emporteront. J'aimerais qu'Halifax réussisse et j'aimerais que Toronto et Montréal réussissent, mais les chiffres sont tels que ces villes jouissent déjà d'un préjugé favorable.
Au Canada, nous avons tenté de corriger cela. Autrefois, l'idée - qui surgissait tout le temps - était d'assurer un équilibre en procédant par territoire ou par région. On s'est efforcé de ne pas se lancer dans des schémas politiques où tout se faisait par tête d'habitant, car cela aurait vraiment été extrême. Cela aurait voulu dire que Toronto et une poignée d'autres villes auraient tout dirigé, et, culturellement, nous reconnaissons cela au Canada.
Je reconnais donc que les choses sont ainsi, et j'essaie de discuter avec des politiciens ainsi qu'avec de simples citoyens. J'ai organisé un atelier à Halifax la semaine dernière et j'ai essayé d'y dire que ce serait avantageux pour Halifax qu'il y ait du développement en région non métropolitaine. Sans cela, on ira s'établir à Halifax, on deviendra des cas problèmes et on sera des assistés sociaux là-bas, comme ce serait le cas à Toronto. C'est tout à fait à l'avantage de ces gros centres urbains, ces centres métropolitains, de promouvoir le développement ailleurs.
Au Canada, par exemple, le fait que l'on ait différents niveaux dans l'assurance-chômage reconnaît cette différence. J'étais contre les changements à l'assurance-chômage car je considère que l'économie non métropolitaine est en règle générale saisonnière, et l'assurance-chômage servait principalement - il y avait, bien sûr, des abus - de tampon pour les économies saisonnières. Cela ne vaut pas pour les économies industrielles. Voilà pourquoi j'ai pensé qu'au Canada nous devrions avoir deux régimes d'assurance-chômage, l'un pour les régions métropolitaines et l'autre pour les régions non métropolitaines.
Je pense que nous reconnaissons en partie cela, ici au Canada, dans certains de nos programmes, mais il s'agit d'un point très important. Dès que vous acceptez qu'il existe deux systèmes économiques différents, vous acceptez qu'il doit y avoir deux stratégies et deux systèmes de programme différents. Lorsque je vous ai parlé de l'Autriche, je vous ai expliqué que le pays reconnaît que l'existence de villages sur son territoire participe de la nature même du pays. Je pense qu'au Canada plus qu'aux États- Unis, les citadins conviendraient qu'il est dans la nature du pays d'avoir une culture non métropolitaine.
M. Ringma: Il est facile pour moi d'accepter vos deux systèmes, vos deux stratégies. Ils seraient gratuits. Mais la question est de savoir quoi faire. Comment forcer le gouvernement central à reconnaître cela? Le comité ici réuni fait partie de la solution. J'espère qu'en entendant des témoignages comme le vôtre, Ottawa sera sensibilisé au fait qu'il se passe quelque chose et qu'il lui faut réagir. Selon vous, quel serait le meilleur levier pour obtenir du gouvernement qu'il bouge?
M. MacLeod: Je continue de penser pour les gouvernements, l'argent et la finance sont des moyens formidables d'influer sur les choses, surtout dans le cadre de politiques fiscales. Par exemple, parce qu'en Saskatchewan il y avait des gens des États du Midwest américain, je sais qu'aux États-Unis les organisations agricoles vont se lancer dans la valeur ajoutée. Les cultivateurs de maïs vont commencer à élever des poules, etc. Je trouve que c'est là une évolution très intéressante.
Une façon pour le gouvernement d'encourager l'agriculture à valeur ajoutée au Canada serait d'accorder des crédits d'impôt. Par exemple, l'exploitant d'une grosse ferme pourrait toucher d'intéressants crédits d'impôt s'il se lance dans tel ou tel genre de nouvelle activité. Je pense que les crédits d'impôt sont un levier important.
Vous n'exercez pas d'influence en ce qui concerne les taxes foncières. Les gens parlent de fonds fonciers, en vertu desquels l'on rassemblerait des terres pour aider de jeunes agriculteurs à se lancer. J'en ai parlé avec un groupe de personnes. Les gens possèdent beaucoup de terres et ils en louent une partie à une entreprise communautaire. Cela simplifierait de beaucoup les choses pour les jeunes agriculteurs qui veulent se lancer et qui n'auraient ainsi pas à trouver tout de suite tout ce capital. Toutes ces choses pourraient être facilitées par le biais du régime fiscal.
Le président: Très bien. Merci beaucoup.
Madame Cowling.
Mme Cowling: Monsieur MacLeod, je représente une circonscription rurale du Manitoba qui longe la frontière avec la Saskatchewan. Nous vivons traditionnellement de l'agriculture. C'est une exploitation céréalière de troisième génération. Ce qui s'est passé dans la région - et qui ressemble beaucoup à ce que vous avez constaté en Saskatchewan - c'est qu'il y a eu un dépeuplement et un abandon de la communauté rurale.
J'aime vos recommandations. Cependant, la recommandation 6, portant sur une indemnité d'isolement pour les familles en localité isolée, me préoccupe. J'y vois une forme de polarisation. Étant donné que les habitants des communautés rurales se sentent toujours isolés, cela les intimidera peut-être, leur donnant le sentiment qu'ils sont toujours tout seuls dans leur coin. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je sais que dans le cadre de notre examen en vue du renouveau du Canada rural, il nous faut nous rendre du point A au point B. Il y a une transition à faire et un pont à construire pour aider ces communautés à se revitaliser. Je ne suis pas certaine que l'on puisse revitaliser certaines des localités rurales. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette polarisation?
M. MacLeod: Lorsque vous dites polarisation, entendez-vous par là qu'au sein des régions rurales on trouve des personnes qui sont à l'aise financièrement et des personnes qui le sont moins?
Mme Cowling: Oui.
M. MacLeod: On m'invite normalement à me rendre dans des régions non métropolitaines, car je m'occupe de certaines de ces choses. Lorsque j'ai donné un atelier dans le nord de l'Alberta il y a deux ans, j'ai été très heureux de voir à quel point certains des gros agriculteurs aisés craignaient de perdre la population et étaient prêts à faire leur maximum pour aider les gens à rester. Leur attitude était différente de celle que vous trouveriez en région urbaine, où un gros industriel vous dirait: «J'ai réussi; j'ai fait fortune tout seul». C'est comme au poker: je gagne, vous perdez. Certains de ces agriculteurs sont de gros entrepreneurs, comme vous le savez. Ils ont du matériel qui vaut plusieurs millions de dollars. J'ai donc constaté une attitude culturelle très différente, et que j'ai trouvée très encourageante.
Je mets beaucoup l'accent sur l'organisation et l'établissement de structures. Peut-être que l'une des choses les plus importantes pour tout le monde est d'appartenir à quelque chose, de faire partie de quelque chose. En un sens, les localités rurales sont défavorisées du fait que leurs habitants sont loin de tout. Or, il existe des avantages du côté social. L'une des choses dont je m'occupe c'est d'essayer de transformer cet aspect social en un atout financier.
Je suis président d'une société financière et au Cap-Breton nous avons levé des fonds. Nous nous promenons un peu partout et nous demandons aux gens d'investir de l'argent. Nous leur disons: «Vous êtes du Cap-Breton; investissez un peu d'argent et nous ferons quelque chose ensemble». Je trouve que je ne peux pas utiliser cet argument à Toronto. C'est peut-être naturel. Ici, la plupart des gens se connaissent, ont les mêmes cousins, sont allés à l'école ensemble, tandis que la plupart des gens qui habitent Halifax n'y sont pas nés. Ils y sont venus d'ailleurs.
Ma suggestion en ce qui concerne certaines de ces choses est que nous transformions notre solidarité sociale en un atout économique. Je suis intéressé par les organisations financières.
Pour revenir sur ce que je disais au sujet des fonds fonciers, j'ai trouvé intéressant qu'il y avait de vieux fermiers qui étaient prêts à louer des parcelles à un groupe de personnes. Ils ne vont pas donner leurs terres - ils n'aiment pas faire de dons - mais ils sont prêts à les louer pour x années. Dans les grandes villes, si vous demandiez aux responsables d'entreprises industrielles s'ils seraient prêts à céder leur usine, s'ils n'en ont pas besoin, à tel groupe communautaire pour le laisser y fabriquer des chaises ou autre chose du genre... je ne pense pas que vous trouveriez la même chose.
Les régions rurales non métropolitaines ont donc certains atouts. Le principal, c'est le social, dans lequel vous pouvez puiser. Il est plus facile d'obtenir des gens qu'ils se portent volontaires et qu'ils offrent leurs compétences et leurs connaissances pour lancer quelque chose. Il s'agit là d'une ressource économique formidable. En favorisant cela, vous leur donnez également de la dignité, car les gens font des choses par eux-mêmes. Là-dessus, je suis d'accord avec Rankin et Ora.
En ce qui concerne la nécessité de stratégie et de politiques fiscales gouvernementales, j'y crois fermement. Je voyage beaucoup et j'ai constaté que l'on ne peut pas y arriver sans le gouvernement. Il faut qu'il y ait un partenariat. Il s'agit de trouver le bon équilibre. Je pense que cela évolue dans le temps. Ce qui a peut-être fonctionné à une époque ne fonctionnera pas dans une autre. Il nous faut sans cesse remanier, refondre les choses.
Un hôtel a fait faillite et notre société financière l'a achetée. Une usine de fabrication de cordage a fait faillite et nous l'avons achetée aussi. Les gens disaient qu'on ne pourrait pas la faire tourner et qu'elle ferait faillite, mais nous vendons 30p. 100 de nos cordages à la Colombie-Britannique. On nous avait dit qu'il allait falloir que ce soit à Halifax. On nous avait dit que l'usine n'allait pas fonctionner là où elle se trouve étant donné qu'on était trop loin de tout, qu'il fallait qu'elle soit installée à Halifax, là où tout est à portée de la main. On s'est battu et on l'a lancée ici. On vend environ 30 p. 100 de nos cordages à la Colombie-Britannique et peut-être 25 p. 100 aux États de la Nouvelle-Angleterre. L'emplacement de l'usine n'a rien changé.
J'ai un autre exemple formidable, celui-ci dans le pays Basque, en Espagne. Le plus gros fabricant de réfrigérateurs et de cuisinières en Espagne est la Société Mondragon, en pays Basque. Elle produit du mobilier, des boîtes numériques pour General Electric aux États-Unis, et elle vient tout juste de construire une usine clés en mains au Brésil. La ville où la société est installée ne compte que 20 000 habitants. Il s'agit véritablement d'un comté rural. Il n'y a pas de chemin de fer, pas d'aéroport, pas de port. Il n'y a que de petites routes de montagne et tout le transport doit se faire par camion.
Ici, en Nouvelle-Écosse, tout le monde nous disait qu'au Cap- Breton les lois économiques disent qu'on ne peut pas implanter d'entreprise ou d'industrie ici, qu'il faut le faire dans un gros centre métropolitain. Je me suis donc efforcé de trouver des exemples démontrant le contraire.
Ils avaient dit que notre petite compagnie de cordage ne pourrait pas réussir. Notre petite société financière fonctionne elle aussi. Nous venons tout juste d'acheter une station de radio. Une société de l'extérieur était propriétaire de toutes les stations de radio des environs, et la dernière station indépendante a fait faillite. Il y a eu un appui communautaire phénoménal. Nous nous sommes dits que nous ne pouvions pas tout perdre, alors nous avons créé un groupe et nous avons repris la station de radio.
Ce que j'essaie de dire c'est qu'il est possible de faire des choses si l'on considère les gens comme étant une ressource. C'est quelque chose que n'ont pas les grosses régions métropolitaines. Elles ont les banques et tout le reste, mais elles n'ont pas ce même genre de solidarité dans laquelle nous pouvons puiser.
J'aimerais que les politiques gouvernementales encouragent et favorisent ce genre de choses. Comme je l'ai déjà dit, des crédits d'impôt nous aideraient beaucoup en ce sens. Que vous obteniez de l'argent auprès de personnes... La Nouvelle-Écosse fait cela un peu, et il y a les fonds de croissance au Manitoba et d'autres choses du genre. J'aimerais que ces possibilités se multiplient.
Le président: Merci beaucoup, monsieur MacLeod. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venu témoigner devant nous.
M. MacLeod: Merci.
Le président: J'invite maintenant Mike Gurstein à venir s'asseoir.
Merci d'être venu ici aujourd'hui. Je vous demanderai de faire une brève déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions.
M. Michael Gurstein (directeur, Centre for Community and Enterprise Networking, University College of Cape Breton): Merci. J'ai appris il y a à peine une heure que j'allais comparaître ici. Je voyage beaucoup et je pense que cela explique ma confusion. Je m'excuse à l'avance de l'agitation dont vous serez peut-être témoins chez moi. Merci de m'avoir donné l'occasion de venir vous rencontrer.
Permettez-moi de commencer par vous expliquer un peu qui je suis et ce que je fais. Il me semble que ce serait utile. J'ai ce que l'on appelle une chaire de gestion de la technologie à l'University College of Cape Breton. Le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire du CRSNG et du CRSH, a, en vue de promouvoir la gestion de la technologie en tant que discipline dans les écoles commerciales, établi un programme de promotion de la gestion des technologies qui est offert dans les écoles de commerce de tout le pays. Il y avait 12 chaires.
La mienne est la seule qui soit située en région non métropolitaine et la seule à ne pas être associée à l'un des principaux complexes industriels du pays: secteur bancaire, industrie pétrochimique, etc. Je pense qu'il est révélateur qu'à l'ère de la gestion de la technologie, 11 chaires visent les régions métropolitaines et les entreprises axées sur elles, et une seule se préoccupe des autres 50 p. 100 de la population et de toutes les personnes qui n'ont pas de lien avec les principaux complexes industriels.
Lorsque je participe à des réunions, je dis à mes collègues que nous nous occupons des problèmes qu'ils créent. Le titulaire de l'une des autres chaires travaille avec le secteur bancaire pour l'aider à faire en sorte que les guichets automatiques bancaires soient plus efficaces. L'un des problèmes est qu'il n'y a pas de banque dans de nombreuses localités rurales du Cap-Breton, alors les gens utilisent des guichets automatiques bancaires. Pendant que ce type est à Guelph en train d'essayer de voir comment l'on pourrait avoir des machines bancaires plus efficaces, nous, nous devons essayer de déterminer la marche à suivre pour obtenir des facilités de crédit pour les résidents de petites localités qui ne peuvent s'adresser à personne pour parler crédit. Je pense que cela est assez représentatif de certains des problèmes que d'autres intervenants, comme Greg MacLeod, ont invoqués.
J'ai grandi dans une petite ville de la Saskatchewan. J'ignore d'où vous venez, mais moi j'ai grandi dans un endroit appelé Melfort. Je trouve qu'il y a beaucoup de points communs entre ma ville natale et le Cap-Breton - il y a quelques différences, mais il y a beaucoup de ressemblances.
Depuis que je suis ici, je travaille en vue de la promotion de l'accès communautaire. Mes propres antécédents sont ceux d'expert- conseil en gestion dans le domaine technologique. Ce que j'ai commencé à faire ici, dans la région, c'est faciliter l'accès à l'Internet, surtout pour les localités rurales du Cap-Breton et, dans une moindre mesure, le reste de la Nouvelle-Écosse.
Nous avons constaté dans toutes les localités un intérêt énorme à l'égard des possibilités d'accès aux technologies d'information et de communication comme solution de rechange pour une base économique qui a connu un rapide déclin et qui est en voie de disparition. Nous avons créé ici le Centre for Community and Enterprise Networking. Le nombre d'activités qui nous viennent, du fait de l'énorme fossé qui existe, est tel que nous nous sentons quelque peu inondés. Il semble que les localités rurales ont des besoins énormes en ce qui concerne les possibilités qu'offrent l'Internet et ce genre de réseau mondial, mais il n'existe à la campagne presque pas d'institutions qui sont en mesure de les proposer. Les principales universités de la Nouvelle-Écosse ne s'intéressent pas aux régions rurales.
Le comité d'accès communautaire de la province nous a demandé de monter un petit programme de formation en accès communautaire pour les gens de la région. Tout d'un coup, le programme a réuni 60 étudiants pendant l'été dans des sites d'accès communautaire, et le total va bientôt passer à 200 participants dans 200 sites un peu partout en Nouvelle-Écosse. Il est question de l'élargir pour englober plusieurs milliers de personnes à l'échelle du pays.
L'accès communautaire à l'Internet est l'une des possibilités qu'ont à leur disposition les localités rurales. C'est un moyen pour elles d'obtenir et de diffuser des renseignements, de renforcer leurs institutions locales et de devenir des partenaires égaux dans la nouvelle économie.
S'il me fallait faire une recommandation, ce serait que le programme d'accès communautaire et que la facilitation de l'accès pour les régions rurales deviennent une priorité pour le gouvernement du Canada. C'est une façon d'aplanir le terrain de jeu pour les localités rurales, car où que vous vous trouviez, si vous avez accès à l'Internet, vous pouvez participer à l'économie mondiale de l'information et au réseau mondial de l'information.
J'aimerais vous raconter encore quelques petites anecdotes relativement à l'accès communautaire. L'un des éléments du Programme d'accès communautaire du ministère de l'Industrie est le Projet d'accès communautaire. Je discutais avec un fonctionnaire du ministère de la difficulté que nous avions à trouver des fonds à l'appui de ces projets dans certaines régions rurales, et il m'a dit que nous devrions trouver des partenaires dans le secteur privé. Je lui ai dit, bien sûr, mais où allons-nous trouver ces partenaires dans le secteur privé? Il m'a dit de m'adresser à ceux et celles qui essaient de vendre des services ou des fournitures. Mais dans une localité de 400 ou 500 habitants, dont 250 sont des pêcheurs au chômage, qui dans le secteur privé va être intéressé à travailler en partenariat avec nous pour assurer un accès communautaire? La notion de partenariat ne signifie pas grand-chose dans les régions où il n'y a à toutes fins pratiques pas de secteur privé.
La chaire que j'occupe est coparrainée. La notion de coparrainage des chaires repose sur la participation d'un partenaire industriel en tant que coparrain. Les parrains industriels de mon collègue sont tous en train de se retirer. Heureusement, mon parrain industriel est l'Enterprise Cape Breton Corporation. Je peux donc espérer que ma chaire et que mes activités continueront d'être appuyées.
Dans le coeur du pays, il n'existe pas ces partenaires industriels que l'on trouve en région métropolitaine. IBM n'est pas intéressé à être un partenaire avec le centre d'entreprise à L'Ardoise, un petit village de pêcheurs situé à 60 milles d'ici, où le taux de chômage est de 40 p. 100. IBM n'est pas intéressé et la Banque de Montréal ne l'est pas non plus. Personne n'est intéressé à travailler en partenariat avec ces gens-là.
J'aimerais vous envoyer un certain nombre de documents sur des choses que nous faisons. Je pense qu'ils pourraient vous être utiles lors de la rédaction de votre rapport.
Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions. En bref, je m'intéresse tout particulièrement à l'utilisation de la technologie comme moyen d'aplanir le terrain de jeu pour les régions rurales.
Le président: Merci. Nous vous encourageons à déposer ces documents auprès de nous.
M. Gurstein: Je le ferai.
Le président: Monsieur Ringma.
M. Ringma: Je ne pense pas que vous aurez de problème pour convaincre les gens autour de cette table qu'il doit y avoir une ouverture de l'accès à l'Internet en région rurale, pour tous ces gens. La grosse question est de savoir comment s'y prendre. Vous avez dit que dans la région il n'existe tout simplement pas de partenaires industriels, alors j'imagine que la seule façon sera d'obtenir un appui financier auprès des gouvernements fédéral et provinciaux. Vous pourriez nous dire ce que vous pensez de cela.
Des témoins nous ont également dit que MT&T ne remplit pas les obligations qui lui reviennent selon les gens. Par conséquent, ce qu'il faudrait peut-être, ce serait une loi lui disant qu'il lui faut, en vertu de ses obligations générales ici... J'aimerais savoir comment vous réagissez à cela.
M. Gurstein: Il y a énormément d'énergie, de créativité et de talents dans les communautés rurales, et avec un apport de travail, elles pourraient assurer le genre de partenariat qui est nécessaire. Mais il leur faut un montant d'argent minimal pour aller plus loin. En ce qui concerne la question de chercher des partenaires industriels, que Greg MacLeod a mentionnée, il s'agit en fait de... le partenariat vient de ce que la communauté assume la responsabilité de ses propres efforts.
Dans le domaine des télécommunications l'on tend vers une réduction de la subvention requise pour maintenir une égalité relative d'accès. Faute d'une égalité d'accès aux télécommunications, je pense que ce sera la mort pour le Canada rural. La vitesse à laquelle toutes les activités liées à l'information, y compris la distribution de renseignements émanant du gouvernement, migrent vers la forme électronique est absolument époustouflante. À moins que les gens aient le même accès à cela d'un bout à l'autre du pays, il y aura d'énormes inégalités. Je pense qu'il est primordial que cela soit exigé par la loi.
En ce qui concerne MT&T, j'ai entendu des histoires d'épouvante comme tout le monde, mais je ne pense pas que cette société soit meilleure ou pire que qui que ce soit d'autre. L'important est d'établir un cadre législatif réglementaire à l'intérieur duquel elle pourra fonctionner en assurant un accès égal partout au pays. Il y a eu un accès égal en ce qui concerne l'électricité et le téléphone. Le danger est qu'avec la privatisation et la déréglementation, des inégalités commencent à poindre. Ce qui importe, en ce qui concerne les régions non métropolitaines, c'est qu'au fur et à mesure que vous déréglementez, vous devez néanmoins veiller à ce qu'il y ait un cadre réglementaire tel que l'égalité en matière d'accès est garantie.
Le président: Merci, monsieur Ringma. Monsieur Reed.
M. Reed: Professeur Gurstein, je pense qu'il a été clairement déterminé que l'un de nos défis est le système de communications. Il ne devrait pas être impossible de le relever. Nous l'avons déjà fait. Nous l'avons fait avec l'électrification des campagnes ainsi qu'avec le réseau routier. Il me semble que ce dont il est question ici c'est d'un autre genre de route, et ce message, le comité l'a très bien reçu au cours de ses pérégrinations des derniers jours.
Cependant, y a-t-il un autre obstacle à surmonter, celui de l'analphabétisme? On nous a fourni certaines statistiques qui nous ont quelque peu bouleversés. Il y a des régions - dans ce cas-ci, au Cap-Breton, mais cela n'est pas rare dans d'autres parties du pays - où les personnes les plus instruites ont quitté la localité et où, en conséquence, sur le plan statistique à tout le moins, le taux d'analphabétisme est plutôt tragique. Avez-vous été confronté à ce problème?
M. Gurstein: Il existe toutes sortes de types d'analphabétisme. Il y a...
M. Reed: Vous avez raison. Je suis analphabète de l'informatique.
M. Gurstein: Oui, et moi je suis analphabète de la cuisine.
Il y a différents types d'analphabétisme. Nous nous sommes efforcés de régler certains des problèmes de l'analphabétisme technique. Nous nous efforçons de créer des possibilités pour que nos jeunes gens utilisent une partie de leur énergie pour combler le fossé entre la technologie, qui est quelque chose d'étranger pour beaucoup de gens, et la population générale.
Nous avons remporté un succès énorme cet été avec notre programme pour étudiants. Nous avons pris des étudiants extrêmement créatifs et pleins d'énergie et d'imagination, nous les avons placés dans un contexte où ils allaient être appuyés et formés, et nous leur avons donné la possibilité de faire du travail de diffusion dans leurs localités, faisant venir la localité dans la pièce avec une boîte.
Les réactions ont été phénoménales. Nous venons de faire les totaux et nous avons appris que les 60 étudiants en question ont sans doute appris à 5 000 résidents des régions rurales de la Nouvelle-Écosse et à près de 350 entreprises comment utiliser l'Internet. Tout cela a été rendu possible par l'argent qu'on a réussi à obtenir auprès de sources diverses, et les participants étaient des étudiants qui travaillaient pour un peu plus que le salaire minimum, mais qui ont ainsi pu acquérir énormément d'expérience.
Je pense que la leçon à tirer de cela est que les jeunes gens ont énormément d'énergie. Ce qu'il leur faut c'est un cadre pour la canaliser. On parle de culture informatique, mais c'est un peu la même chose avec la culture linguistique. Il s'agit de créer les structures appropriées à l'intérieur desquelles travailler. Frontier College, par exemple, avec lequel j'ai travaillé il y a quelques années, avait une formule qui était très efficace. La question est peut-être de trouver des moyens d'étendre cette formule dans ces autres secteurs. Nous envisageons d'ailleurs de travailler avec Frontier College dans ce domaine.
M. Reed: Vous méritez d'être félicité pour le travail que vous avez fait.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling: En parcourant le pays, nous avons constaté qu'un grand nombre de membres des premières nations habitent des régions isolées et du nord du pays. Comment peut-on les aider à bâtir à partir de certaines de leurs forces, comme leur culture, par exemple? Nous savons tous que nous ne pouvons pas mettre tout le monde dans le même moule. Comment aborder leurs préoccupations en ce qui concerne la technologie?
M. Gurstein: Si j'avais un avertissement à vous faire, il me faudrait... J'ai reçu hier soir par l'Internet un petit mot de gens d'Iqaluit, m'annonçant très fièrement qu'ils viennent tout juste de se brancher sur l'Internet et qu'ils ont un groupe d'étudiants du secondaire qui est en train d'apprendre aux membres de la communauté à s'en servir. C'était un message formidable, et je l'ai envoyé à toutes sortes de personnes, parce que j'ai trouvé cela remarquable. En fait, le message m'a été envoyé de Rankin, très au Nord.
Je ne veux pas dire que l'Internet va sauver le monde. Il se trouve que j'y travaille, alors j'y réfléchis beaucoup. Je pense que les premières nations peuvent utiliser la technologie d'une façon... Je ne vois pas la technologie comme un sauveur, mais bien comme un levier, un outil, un instrument qui facilite les choses, et la technologie est là pour qu'on s'en serve.
En fait, aujourd'hui, j'ai rencontré le responsable de la Mi'kMaq Education Authority et nous avons parlé de faire du travail ensemble. Cette organisation parle de créer un programme en Mi'kMaq qui puisse être utilisé dans toutes les écoles Mi'kMaq de la province. Les responsables veulent produire des CD-ROM. Il est question d'un CD-ROM sur les traditions de pêche MI'kMaq. Les frais de reproduction sont minimes. Ces outils seraient alors mis à la disposition des écoles de tout le pays pour expliquer aux étudiants comment utiliser ces pratiques traditionnelles. Il serait possible d'utiliser le World Wide Web en tant qu'outil de préservation de la langue et même d'enseignement de celle-ci.
Ma recommandation serait que l'on encourage ce genre d'efforts - qui se multiplient - et que l'on veille à ce qu'ils soient reconnus comme étant dignes de soutien financier et à ce que les structures nécessaires soient mises en place en vue d'assurer cette reconnaissance.
J'imagine qu'il nous faut compter que les gens utiliseront les outils une fois qu'on leur aura appris à s'en servir. Ce qu'il nous faut faire c'est mettre en place des mécanismes pour veiller à ce que ces outils soient mis à leur disposition et à ce qu'on leur apprenne à s'en servir. Je pense que c'est là une vérité universelle.
Je ne sais trop si j'ai répondu à votre question. Ce que je veux dire, c'est que je pense qu'il se passe des choses intéressantes et utiles et qu'il existe des moyens de les encourager et de les intégrer au mécanisme de soutien gouvernemental permanent.
Il importe notamment de reconnaître que le gouvernement lui- même peut commencer à se percevoir d'une façon décentralisée. Il n'y a aucune raison pour laquelle un programme scolaire Mi'kmaq ne pourrait pas être créé dans les 14 écoles de langue Mi'kmaq qui existent dans la province, pas plus qu'il n'y a de raison que de tels programmes soient créés à Halifax ou à Sydney. Il n'y a aucune raison pour laquelle la documentation en matière de santé pour les réserves des Premières nations doive être créée au ministère de la Santé à Ottawa. Cela pourrait être créé ici, ou à Regina, ou à Red Deer. Ce peut être créé n'importe où puis consolidé et présenté comme il se doit.
Si vous cherchez des moyens de revitaliser ou de maintenir la vitalité des régions rurales, commencez par réfléchir à la façon dont nous pourrions commencer à recréer ces institutions en les décentralisant, en transférant aux régions rurales la responsabilité et les ressources correspondant à ce genre d'activités créatives.
C'est vraiment cela que nous essayons de faire ici. J'essaie de saisir certaines de ces activités et de les lancer ici, car cela est tout à fait réalisable ici. Il existe ici les ressources humaines et les ressources techniques nécessaires. Si nous pouvions obtenir les ressources financières et le soutien requis, alors ce pourrait être fait ici. Et si cela peut être fait ici, cela peut être fait à Truro ou à Melfort, d'où je viens, ou dans n'importe laquelle des milliers de localités du genre qui existent au pays. Il est vraiment question ici de commencer à envisager la possibilité de transférer la responsabilité et les ressources nécessaires pour faire ce genre de choses aux régions rurales concernées.
Je sais que c'est difficile lorsque vous êtes à Ottawa. J'ai vécu pendant longtemps à Ottawa, et je sais qu'il est difficile de réfléchir à tout cela à partir d'Ottawa.
M. Reed: C'est pourquoi nous sommes ici.
M. Gurstein: Très bien.
Le président: Merci beaucoup, professeur. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de préparer tout cela pour nous, étant donné surtout le court préavis que vous avez eu.
M. Gurstein: Tout est bien. Je suis toujours ravi de pouvoir vous parler.
Le président: Nous attendons avec impatience que vous nous fournissiez ces compléments d'information.
M. Gurstein: Je le ferai.
Le président: Nous reprenons demain à Goose Bay. La séance est levée.