[Enregistrement électronique]
Le jeudi 21 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Je m'excuse d'être un peu en retard. Je vous remercie de votre patience.
Le comité est heureux de poursuivre son étude sur le développement rural, d'autant plus qu'il reçoit aujourd'hui les représentants d'Industrie Canada. Lors des audiences que nous avons tenues dans tout le pays, de même que dans les témoignages que nous avons entendus ici à Ottawa, les inquiétudes qui ont été exprimées et les problèmes qui ont été soulevés avaient souvent trait aux programmes, existants ou éventuels, du ministère de l'Industrie. Il va donc sans dire que nous sommes heureux d'avoir avec nous aujourd'hui les représentants du ministère.
Nous vous prions de vous présenter vous-mêmes, puis de faire votre déclaration préliminaire. Les membres du comité pourront ensuite vous poser des questions. Veuillez commencer, s'il vous plaît.
M. Peter Sagar (directeur général, Bureau de l'entrepreneurship et de la petite entreprise, Industrie Canada): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui. On m'a prévenu qu'il fallait que je dise cela quels que soient mes véritables sentiments, mais, en l'occurrence, je suis authentiquement heureux d'être avec vous.
Le président: Nous sommes des gens sympathiques.
M. Sagar: Je suis accompagné de M. Peter Webber, chef d'équipe, et de M. Dean Knudson, membre de l'équipe responsable du financement de la petite entreprise au sein du Bureau de l'entrepreneurship et de la petite entreprise à Industrie Canada.
On m'a demandé de venir vous parler surtout de la Banque de développement du Canada, que vous connaissez déjà fort bien, j'en suis sûr. Je ne m'y attarderai donc pas très longtemps. Je dois vous parler aussi d'un programme que nous appelons le Plan d'investissement communautaire du Canada et de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Mais j'aimerais dès le départ faire quelques mises au point, car je présume que vos préoccupations vont bien au-delà de ces trois sujets et que vous aimeriez peut-être que nous parlions d'autres questions que celles-là.
D'abord, vous allez sans doute nous poser des questions auxquelles nous ne pourrons pas répondre aujourd'hui même, mais nous serons heureux d'en prendre note et de vous transmettre la réponse le plus tôt possible. Je sais que cela se produira, car pratiquement partout où je vais on me pose des questions auxquelles je ne suis pas en mesure de répondre.
Ensuite, je vous signale que les questions relatives au financement des petites et moyennes entreprises sont de notre ressort, mais que nous ne sommes pas particulièrement experts en agriculture. Je sais que vous avez entendu un tas de témoignages à propos du financement des entreprises agricoles. Quant à nous, nous ne sommes pas vraiment en mesure de traiter de ces questions aujourd'hui.
Enfin, j'insiste sur le point suivant. Les questions de financement dont nous parlerons aujourd'hui ne représentent qu'une petite partie de ce que nous trouvons important pour le développement des petites entreprises au Canada, tant en milieu rural qu'en milieu urbain. Il y a beaucoup d'autres questions qui ne présentent pas moins d'intérêt, mais qui souvent n'obtiennent pas la même attention que les questions de financement parce que ces dernières sont plus «vendables», comme on dirait dans les milieux politiques.
Cela dit, depuis 1993, on a porté énormément d'attention à la question du financement des petites entreprises. En réalité, cet intérêt remonte à bien avant 1993, comme vous allez le constater. La Loi sur les prêts aux petites entreprises, dont je vais vous entretenir un peu plus tard, a été adoptée en 1961, et j'ai l'impression que des programmes de cette nature existaient même avant la Confédération.
Le gouvernement, avec l'aide du Comité permanent de l'industrie notamment, a travaillé en collaboration particulièrement étroite avec les banques à l'amélioration des services bancaires aux petites entreprises. Nos efforts ont donné des résultats passablement intéressants. Toutes les grandes banques ont établi un code de conduite relatif aux prêts aux petites entreprises. Elles ont mis en place des structures parallèles pour le traitement des plaintes. Chaque banque a prévu une procédure d'examen des différends, et elles ont créé des postes de protecteur des clients.
En outre, l'industrie bancaire dans son ensemble a créé un poste d'ombudsman central, dont le titulaire actuel est M. Michael Lauber. À ce qu'on nous a dit, son mandat sera élargi en 1997 pour lui permettre de traiter non seulement les plaintes des petites entreprises mais également celles des clients en général.
Cette collaboration avec les banques notamment, de même que les pressions exercées par le Comité de l'industrie ont donné lieu à deux réalisations qui, à notre avis, sont particulièrement importantes pour l'immédiat et pour l'avenir. Premièrement, il a été décidé de publier une série de rapports financiers sur les opérations des banques, avec mise à jour trimestrielle. Ces rapports nous fournissent un tableau, aussi détaillé qu'on peut l'espérer à ce stade-ci, des prêts bancaires consentis aux petites entreprises. Deuxièmement, on a publié les résultats d'un sondage mené auprès des clients des banques pour connaître leur degré de satisfaction à propos de la manière dont les banques mènent leurs opérations. Effectué sous la direction de Thompson Lightstone, ce sondage donne une excellente idée de la façon dont fonctionne le système dans son ensemble et de la mesure dans laquelle chacune des banques réussit à répondre aux attentes de ses clients.
Il importe de signaler qu'une des principales constatations de l'étude de Thompson Lightstone est qu'à toutes fins pratiques aucune des banques ne respecte le code de conduite qu'elle s'est donné, au moins sur un aspect particulier, à savoir qu'elles ne prennent pas soin de diriger vers d'autres sources de financement les clients auxquels elles ne sont pas en mesure de consentir un prêt. Nous croyons que cela est important, car les entreprises vont avoir une foule de besoins financiers auxquels les banques ne pourront pas répondre alors que d'autres pourraient le faire.
Ces rapports nous montrent que les sept principales banques à charte ont autorisé des prêts d'une valeur d'au-delà de 52 milliards de dollars aux secteurs de l'agriculture, du bois de coupe, des forêts et des mines. Cela représente environ 12 p. 100 de l'ensemble de leurs prêts, et je crois qu'il s'agit surtout de prêts accordés en milieu rural. Ces statistiques ne donnent toutefois pas la répartition des prêts entre les secteurs rural et urbain, et je ne suis pas sûr qu'on pourrait nous fournir cette ventilation, mais c'est peut-être un élément que vous tiendrez à obtenir autrement.
Nous savons que malgré le formidable effort des banques pour répondre à ces besoins, les petites entreprises font encore face à des problèmes et à des défis. Je vais vous parler de trois importants programmes que le gouvernement a mis en oeuvre pour tenter de combler ces lacunes. Ces programmes ne sont toutefois pas les seuls programmes pertinents qu'offre le gouvernement.
Le premier de ces trois programmes est la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Cette loi a été adoptée en 1961 pour donner aux petites entreprises accès à des prêts pour immobilisations. En vertu de ce programme, le gouvernement offre aux sociétés prêteuses du secteur privé une garantie sur les prêts qu'elles consentent aux petites entreprises pour l'achat de terrains, pour la construction ou l'agrandissement d'immeubles, ou pour la modernisation de biens de production. De tels prêts sont accessibles à pratiquement toutes les petites entreprises à but lucratif dont le revenu brut annuel est inférieur à 5 millions de dollars.
Dans les milieux internationaux qui financent les petites entreprises, ce programme est considéré comme le modèle idéal. Il est mis à exécution par le secteur privé. Au total, notre personnel responsable de l'administration de ce programme à Ottawa, qui traite actuellement des prêts d'une valeur de quelque 11 milliards de dollars, comprend seulement 20 employés qui s'occupent d'examiner les demandes et d'enregistrer les prêts. Pratiquement tout le travail s'effectue à l'extérieur de l'appareil gouvernemental. Au moyen d'amendements que nous avons apportés à cette loi l'an dernier, le programme pourra pratiquement s'autofinancer. Nous prévoyons que les frais exigés de l'emprunteur compenseront les pertes pour mauvaises créances.
Depuis avril 1993, des prêts d'une valeur d'un peu moins de 3 milliards de dollars ont été consentis aux petites entreprises du Canada rural grâce à la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Comparativement, des prêts d'une valeur de 1,6 milliard de dollars ont été accordés au secteur agricole au cours de la même période en vertu de la Loi sur les prêts destinés aux améliorations agricoles et à la commercialisation selon la formule coopérative - loi dont il n'est pas facile de retenir le nom.
[Français]
Pour les membres francophones du comité, je dois dire que le nom de cette loi est vraiment intéressant; c'est la Loi sur les prêts destinés aux améliorations agricoles et à la commercialisation selon la formule coopérative. Il faut presque une journée et demie pour l'apprendre.
[Traduction]
En 1995, comme vous le savez, la Banque fédérale de développement est devenue la Banque de développement du Canada et on lui a donné comme nouveau mandat de soutenir la croissance canadienne en accordant des prêts aux entreprises principalement exportatrices et aux entreprises de matière grise, tout en continuant de servir sa clientèle traditionnelle. Les produits financiers de la BDC sont spécialement adaptés aux besoins et aux réalités de la petite entreprise et viennent compléter le financement offert par les prêteurs du secteur privé.
Comme le signalent ses représentants dans leur témoignage, la BDC a conclu des ententes avec plusieurs banques à charte et travaille en partenariat avec elles pour le partage des risques, notamment dans les cas de prêts à des entreprises de matière grise. La BDC coopère également avec un certain nombre d'agences régionales au Canada pour les aider à réaliser leurs programmes plus efficacement.
En 1995-1996, la BDC a autorisé des prêts d'une valeur d'au- delà de 400 millions de dollars à des entreprises du Canada rural. Ce montant représente 43 p. 100 de la valeur totale des prêts accordés par la BDC. Moins de 1 p. 100 de ces prêts ont été consentis au secteur agricole, lequel, bien sûr, profite par ailleurs des services offerts par la Société du crédit agricole et par d'autres institutions.
Sur l'ordre du comité sénatorial présidé par le sénateur Kirby, nous avons établi un programme visant à chercher, de concert avec les quatre principales institutions financières d'État - la Banque de développement du Canada, la Société du crédit agricole, la Société pour l'expansion des exportations, et la Corporation commerciale canadienne - des façons de les amener à collaborer ensemble plus efficacement, à rationaliser leurs opérations et à offrir de meilleurs services à leurs clientèles qu'elles ont parfois en commun.
J'aimerais maintenant passer de la question de l'accessibilité du crédit à celle de nos efforts pour aider les entreprises en expansion à obtenir du financement par actions. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont uni leurs efforts pour stimuler l'accumulation rapide de capital de risque en favorisant la création de sociétés de gestion de fonds de capital de risque de travailleurs.
L'industrie du capital de risque gérait à la fin de 1995 tout près de 6 milliards de dollars d'actif, une augmentation de 20 p. 100 sur l'exercice précédent. De ces actifs, un bon 2,3 milliards de dollars étaient disponibles pour investissement à la fin du dernier exercice. C'est donc dire que l'industrie du capital de risque dispose actuellement d'énormes ressources. Il semblerait qu'il y ait même trop de capital de risque actuellement, une situation qui ne s'est pas vue depuis fort longtemps.
Le Plan d'investissement communautaire du Canada est un autre élément de nos efforts pour améliorer les possibilités de financement des entreprises. Ce plan vise à encourager les initiatives communautaires ayant pour objectif d'identifier et de mobiliser les agents locaux aptes à attirer les capitaux nécessaires à la satisfaction des besoins des entreprises locales. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral travaillera de concert avec les représentants des collectivités sélectionnées, avec des petites et moyennes entreprises et avec des spécialistes du développement économique pour les aider à accroître leur capacité d'attirer et de promouvoir l'investissement.
Ce plan prévoit que le gouvernement fédéral partagera le coût de mise en oeuvre de 20 projets dans diverses collectivités d'un peu partout au Canada. Le premier groupe de projets sélectionnés a été annoncé il y a un peu plus d'un mois. Pour le deuxième groupe, les demandes devront avoir été soumises au plus tard le 15 janvier. Les projets qui seront alors retenus subiront ensuite une deuxième épreuve d'évaluation, et nous pourrons annoncer les gagnants de ce deuxième groupe de collectivités au début du printemps.
Le coeur du problème de l'accès au capital de risque tient en partie à l'insuffisance de l'information. Dans le cadre du Plan d'investissement communautaire du Canada, nous avons élaboré un programme d'acquisition de connaissances en matière d'investissement qui aidera les collectivités, les conseillers financiers et les entreprises à mieux connaître et évaluer leurs besoins financiers et à trouver les sources appropriées de capitaux.
Nous avons également appuyé la création de la Coalition canadienne des réseaux d'affaires, un programme qui met à contribution pratiquement toutes les principales associations d'entreprises du Canada. Ce programme a trois objectifs. Il a d'abord été conçu pour favoriser la création d'une cohorte d'experts-conseils et autres conseillers d'entreprise ayant les connaissances voulues pour créer des réseaux d'affaires. Un réseau d'affaires est en quelque sorte une grappe d'entreprises réunies dans un but commun. L'entreprise coopérative en est peut-être le modèle qui nous est le plus familier. Ce genre de réseau est très important pour la petite et la moyenne entreprise, pour lui permettre d'atteindre une masse critique dans certains domaines: la commercialisation, la recherche, voire l'achat de marchandises ou le perfectionnement du personnel.
Le deuxième objectif du programme est d'appuyer une trentaine ou une quarantaine de réseaux pilotes dans tout le Canada, et d'observer et d'évaluer leurs progrès dans la poursuite de leurs objectifs.
Le projet a pour troisième objectif de faire connaître et de promouvoir les réseaux d'affaires dans tout le Canada. Dans la poursuite de cet objectif, nous pouvons compter sur les efforts de plus de 80 membres d'associations d'entreprises qui font partie de la coalition, comme on l'appelle. Ce volet a été confié à la Chambre de commerce du Canada. Nous estimons que cette opération se révèle déjà un excellent moyen de promouvoir cet important outil auprès des entreprises canadiennes.
Par ailleurs, vous connaissez peut-être déjà le site Strategis d'Industrie Canada sur Internet. Nous sommes tout à fait conscients que la majorité des petites entreprises, tout comme la plupart des collectivités, n'ont pas encore accès à Internet. Mais, d'après la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, quelque 20 p. 100 de ses membres y ont déjà accès. On s'attend à ce que ce pourcentage atteigne plus du double en-dedans d'un an et que le nombre de nouveaux adhérents s'accroisse de manière exponentielle par la suite.
Nous savons que l'élément clé pour un grand nombre d'entreprises dans l'obtention de financement est la question de la connaissance et de la compréhension de leurs besoins, des marchés qu'ils veulent servir, et des sources de financement. Nous avons vu que les institutions financières se mettent résolument sur le rail d'Internet. Nous prévoyons donc que les abonnés d'Internet auront accès à beaucoup d'autres services financiers dans l'avenir. De même, bien d'autres services gouvernementaux seront offerts sur ce support. Nous appuyons nous-mêmes fortement ce projet, et nous allons concevoir de nouvelles sources de financement et de nouveaux outils d'information pour faciliter l'accès à Internet. Nous allons travailler en collaboration avec les banques et avec d'autres milieux intéressés pour promouvoir son utilisation par les entreprises.
L'un des volets de cet effort de promotion d'Internet est connu sous le nom de Programme d'accès communautaire. On s'attend que, grâce à ce programme, 380 nouvelles collectivités de tout le Canada pourront être pleinement branchées à Internet d'ici dix-huit mois. Notre objectif est de faire en sorte que 1 500 nouvelles collectivités y soient reliées d'ici 1998.
Par ailleurs, nous sommes à concevoir des outils, par exemple des repères, pour permettre aux usagers d'Internet de mieux s'y retrouver parmi les sites. Dans le cadre de notre programme Internet en milieu scolaire, nous avons branché des écoles dans tout le Canada. Grâce à ce programme, nous pourrons facilement, par exemple, offrir à toutes les écoles reliées au réseau Internet des outils de formation en entrepreneurship et en gestion d'entreprise.
La question de l'accès au capital pour la petite entreprise a fait l'objet d'un débat soutenu. Nous croyons qu'il y a encore un manque de compréhension mutuelle entre utilisateurs et fournisseurs de capitaux, ce qui entraîne des carences sur les marchés. Nos efforts présents et futurs viseront à remédier à ces lacunes, à améliorer la capacité des institutions financières à répondre aux besoins de leurs clients, à amener les gouvernements à combler les besoins de financement que les institutions financières ne peuvent satisfaire, et à fournir aux entreprises l'information dont elles ont besoin pour les aider à croître et à obtenir du financement.
Pour les entreprises du Canada rural, des outils comme Internet offrent un formidable potentiel d'élimination de ce que d'aucuns ont appelé la «tyrannie de la distance» ou la «tyrannie de l'isolement». Nous croyons être sur la bonne voie.
[Français]
Monsieur le président, je dois aussi vous dire que même si j'ai fait toute ma présentation en anglais, je pourrai quand même répondre aux questions en français.
[Traduction]
Si vous êtes d'accord, j'aimerais que nous passions maintenant à la période de questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies (Abitibi): Premièrement, je veux vous remercier au nom d'un de mes concitoyens qui a voulu que je transmette à Industrie Canada des félicitations au sujet du Programme d'Accès communautaire. Ce programme a eu des effets multiplicateurs et a permis la formation et l'éducation dans un très grand nombre de sites dans la région de l'Abitibi.
L'intervenant disait qu'il fallait féliciter le gouvernement et qu'il pourrait y avoir une phase II qui serait sûrement appréciée et qui aurait des effets multiplicateurs.
Au sujet du financement, vous avez dit que le principal outil des régions rurales était sûrement le PPE, le prêt aux petites entreprises. Combien coûte au Canada la garantie pour ces prêts?
M. Sagar: Pour les petites et moyennes entreprises?
M. Deshaies: Oui.
M. Sagar: C'est un programme qui est simple, mais assez complexe dans les détails. Les pertes ne coûtent pas tellement cher maintenant. Je crois qu'on a des chiffres.
M. Peter Webber (chef d'équipe, Bureau de l'entrepreneurship et de la petite entreprise, ministère de l'Industrie): En ce moment, les pertes de ce programme seraient pratiquement nulles pour les nouveaux prêts. Historiquement, nous avons eu un taux de pertes de 4,5 p. 100 du total des prêts. Ce taux est plus ou moins le même en ce moment, mais les revenus de ce programme couvrent toutes les pertes.
M. Deshaies: On peut dire que la majorité des gens qui font une demande estiment que le PPE est un outil efficace pour obtenir un prêt, mais si ces mêmes personnes avaient frappé à la porte des banques avec les mêmes conditions, elles auraient sûrement pu avoir un prêt sans nécessairement demander le PPE.
Est-ce seulement une différence psychologique? Pourquoi l'emprunteur pense-t-il que ce sera plus facile de demander un PPE?
M. Sagar: En effet, c'est plus facile, parce que les banques ont besoin de faire moins d'évaluations. Elles peuvent prendre plus de risques parce qu'il y a une garantie derrière cela. Nous sommes un partenaire de la banque pour les prêts.
Mais pour les entrepreneurs, c'est presque la même chose. Ils se mettent en contact avec leur banque, et la banque décide si ce sera un PPE ou un prêt normal.
La différence, c'est que le PPE va lui coûter un peu plus cher. Il faut payer les frais d'administration et tout ça.
M. Deshaies: Vous avez très peu de pertes et le client paie plus cher. La banque fait moins de recherche et accorde un PPE. Les statistiques disent que les clients sont relativement solvables et que leur expérience de crédit est bonne. À mon avis, la principale qualité du PPE, c'est qu'il a une belle image.
M. Sagar: Ce n'est pas tout a fait cela. Les pertes globales des banques sur les prêts au PME sont de l'ordre de 0,8 p. 100.
M. Deshaies: C'est peu.
M. Sagar: C'est peu. Dans le cas du PPE, c'est environ 5 p. 100. Ces prêts sont beaucoup plus à risque que les prêts ordinaires des banques. Ils coûtent plus cher, mais moins maintenant à cause des frais d'administration appliquées sur les prêts. Ils sont censés nous coûter 5 ou 6 p. 100. Ça veut dire que sur un total de 6 à 10 milliards de dollars, ça va nous coûter très cher, soit 600 millions de dollars. Cependant, les frais d'administration nous aident beaucoup.
M. Deshaies: Mais la création de ces entreprises-là apporte des profits au gouvernement. On peut donc faire l'exercice...
M. Sagar: Oui, au niveau des impôts. En effet, c'est un programme très efficace.
M. Deshaies: Pour ce qui est de l'étude qui nous touche, vous avez dit aussi qu'on avait beaucoup de capital de risque dans certains programmes, mais le PPE n'est pas du capital de risque ou très peu.
M. Sagar: Non, ce ne sont pas les PPE qui sont en train d'accroître le capital de risque. C'est essentiel, et c'est toujours identifié dans le domaine des études canadiennes comme étant vraiment une faiblesse pour nous comparativement aux Américains, par exemple.
Avec... [Inaudible - La rédactrice] ...des fonds de capital de risque maintenant, on est beaucoup mieux placés. On a beaucoup plus de gens qui s'occupent de cette question et les fonds...
[Traduction]
M. Deshaies: En pourcentage, comment nous comparons-nous à cet égard avec les États-Unis? Peut-on parler d'un écart de 20 p. 100, de 40 p. 100, ou de je ne sais combien, en défaveur du Canada dans ce domaine?
M. Webber: Naturellement, dans le cas des entreprises du milieu rural, il existe aux États-Unis, comme au Canada d'ailleurs, des programmes d'aide gouvernementaux, mais pour le démarrage de petites ou moyennes entreprises, la principale source de capital de risque en Amérique du Nord demeure le marché hors bourse de la NASDAQ. À cet égard, l'accès au financement pour les entreprises est comparable dans les deux pays. C'est la principale source de capitaux sur le marché public.
Comme autre source de financement, il y a, bien sûr, les fonds de capital de risque qui, depuis trois ans, ont fourni au-delà de 6 milliards de dollars aux petites, moyennes et grandes entreprises canadiennes. Nos fonds de capital de risque sont actuellement largement excédentaires par rapport à la demande, ce qui n'empêche toutefois pas les gens de continuer à y placer leur argent.
M. Deshaies: J'ai une autre question brève à poser.
Le président: Oui, allez-y, brièvement, monsieur Deshaies.
M. Deshaies: Croyez-vous qu'il est plus facile de lancer une nouvelle entreprise aux États-Unis qu'au Canada parce que l'accès au financement y est plus facile...?
M. Webber: C'est une question intéressante.
M. Deshaies: Vous croyez?
M. Sagar: Oui, c'est une question intéressante. Nous avons assisté ces dernières années au Canada à une prodigieuse croissance du nombre de nouvelles entreprises, de même qu'à une augmentation du nombre d'entreprises qui acquièrent le statut de personne morale. Je ne suis donc pas sûr que le défi à relever réside actuellement dans le démarrage des petites entreprises. Il consiste bien davantage à les aider à se maintenir et prendre de l'expansion.
Les études poussées menées par notre ministère et par Statistique Canada sur le secteur de la petite entreprise montrent que le gros de notre croissance se situe en réalité au niveau du démarrage des entreprises. Ces études montrent en outre que les moyennes entreprises, ou les petites entreprises déjà établies, ne connaissent pas une croissance supérieure aux grandes entreprises. Certaines d'entre elles croissent et d'autres déclinent. La plupart demeurent stationnaires. En un sens, le plus grand défi pour l'économie canadienne consiste davantage à favoriser la croissance des entreprises déjà établies qu'à encourager le démarrage de nouvelles entreprises.
M. Deshaies: Merci.
Le président: Monsieur Stinson.
M. Stinson (Okanagan - Shuswap): J'ai seulement deux ou trois questions à poser. Une foule de petites entreprises qui aimeraient prendre de l'expansion - du moins d'après les gens à qui j'ai parlé - ne semblent pas trop savoir comment présenter un projet de financement à une institution financière. Avez-vous des outils à leur fournir à cet égard? Y a-t-il un endroit où elles peuvent s'adresser pour obtenir de l'information ou de l'aide pour formuler leur proposition?
M. Sagar: Oui. Je vais demander à Peter de répondre à votre question dans une minute, mais, on peut dire, de façon générale, que c'est effectivement de longue date qu'on se plaint de cette supposée lacune. Pourtant, pratiquement toutes les institutions financières canadiennes ont quelque prospectus ou logiciel - et certains de ces logiciels sont exemplaires - sur la façon de préparer un plan d'entreprise. Il y a des logiciels qu'on n'a qu'à charger dans l'ordinateur. Il suffit de répondre aux questions qui apparaissent à l'écran et, à partir des réponses, l'ordinateur crée un tableur électronique où figure le plan d'entreprise. Tout se fait automatiquement.
Par ailleurs, il y a dans chaque province des Centres de services aux entreprises du Canada auxquels le futur entrepreneur peut s'adresser pour obtenir l'information relative à cette étape fondamentale qu'est le démarrage de son entreprise. De même, il existe dans la plupart des collectivités un groupe dont la mission est de fournir ce genre d'information de base aux gens qui veulent se lancer en affaires. Ces groupes jouent vraiment bien leur rôle. À vrai dire, mon bureau n'a pas à remplir cette fonction, car le marché regorge de ce genre d'information.
Si tel est le souhait des membres du comité, nous pourrons vous fournir les numéros de téléphone de tous les Centres de services aux entreprises du Canada. Tous ces centres ont un numéro sans frais que les gens peuvent composer pour obtenir des renseignements.
M. Webber: Je vous signale d'ailleurs que je ne serais pas surpris que M. Mowat ait abordé cette question quand il a comparu devant vous cette semaine. La Banque de développement du Canada offre, du moins à ses clients, un programme complet d'aide à l'établissement de la stratégie et du plan d'entreprise.
Je tiens également à souligner que, dans le cadre du Plan d'investissement communautaire du Canada, on est en train de mettre en place un programme d'acquisition de connaissances en matière d'investissement qui sera offert sur Internet et qui portera précisément sur la question de l'accès au capital de risque. C'est un programme d'auto-apprentissage en 24 modules qui permettra aux entrepreneurs, aux spécialistes de la gestion d'entreprise et du développement économique, ainsi qu'à quiconque désire acquérir ces connaissances de savoir comment s'y prendre pour investir dans les entreprises locales ou accéder aux sources existantes de capital de risque.
Comme l'a souligné Peter tout à l'heure, il y a actuellement un énorme excédent de capitaux qui n'attendent que les occasions d'investissement. La qualité des placements sera peut-être meilleure grâce à ce programme de formation. Je le rappelle, ce programme est en voie d'élaboration et il sera accessible sur le site Strategis d'Internet au début du printemps prochain.
M. Stinson: Devra-t-on payer pour y avoir accès?
M. Webber: Il sera gratuit.
On s'attend à ce qu'il entraîne la tenue, sur demande, de séminaires qui permettraient d'approfondir des sujets précis. Pour compenser les coûts d'administration de tels séminaires, des frais d'inscription seraient alors probablement exigés des participants. Il s'agit là d'un autre projet qu'on envisage de réaliser dans le cadre du Plan d'investissement communautaire du Canada.
M. Stinson: Vous avez par ailleurs affirmé que vous prévoyez permettre à 1 500 nouvelles collectivités de se brancher à Internet d'ici 1998. Du train où vont les choses, croyez-vous pouvoir atteindre cet objectif?
M. Sagar: Je crois que oui, mais, comme ce n'est pas moi qui suis en charge de ce programme, je ne saurais vous le dire avec certitude.
M. Stinson: Y a-t-il une façon dont je pourrais le savoir?
M. Webber: Oui.
M. Sagar: Tout à fait. Nous vous obtiendrons ce renseignement.
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais dire aux membres du comité que j'ai ici des brochures concernant Strategis, le site d'Industrie Canada sur Internet. D'après une enquête récente, Strategis se classe parmi les 4 p. 100 de sites d'Internet les plus accessibles et les plus actifs au monde, et sa popularité augmente rapidement.
À l'intérieur de ce site Internet, il y a une zone appelée «Contact» dont je suis particulièrement fier étant donné qu'elle a été créée par mon groupe. Contact est une source d'information de gestion qui touche à tout, depuis le démarrage d'une entreprise jusqu'à sa croissance, ses activités d'exportation, etc. On y indique où obtenir de l'aide, et on y offre une panoplie de documents sur les pratiques de gestion et sur les exigences de la bonne gestion. Nous croyons que ce site peut être très utile à quiconque veut ce genre d'information de base. Je crois vraiment que vous auriez tous avantage à vous en servir dans vos bureaux pour répondre aux demandes de renseignements de vos électeurs.
M. Stinson: Je n'ai qu'une autre brève question concernant le volet agricole. Vous avez affirmé que vous ne vous êtes pas beaucoup occupé du secteur agricole jusqu'à présent, mais que vous avez entrepris de le faire davantage. Vous ai-je bien ou mal compris?
M. Sagar: Vous m'avez mal interprété. Notre mandat englobe tout ce qui touche la petite entreprise. Au sein du gouvernement, il y a des spécialistes qui s'occupent exclusivement d'agriculture, du développement du Canada rural, etc., et qui se préoccupent directement des besoins particuliers de ce secteur. Notre champ d'intérêt est plus étendu. Nous nous occupons d'analyse et de coordination d'ensemble, non de questions précises.
M. Stinson: D'accord. Merci.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.
Une chose que nous pouvons constater, je crois, c'est qu'on en revient à l'importance essentielle de la communication et de la nécessité pour le Canada rural de rattraper son retard en matière de communication et de capacité d'accès... À ce que j'ai compris, cet outil, Internet, provoque ou s'apprête à provoquer une véritable révolution dans notre pays, et le Canada rural a encore des faiblesses auxquelles il doit remédier avant de pouvoir rattraper complètement son retard. Je tiens à le souligner pour le compte rendu.
Vous avez mentionné que les fonds de capital de risque de travailleurs ont en réserve2,3 milliards de dollars de capitaux qui n'attendent qu'à être placés. Savez-vous, seulement à titre d'information, de combien de capitaux, en gros, ils disposent au total.
M. Webber: Ces fonds ont, au total, quelque 6 milliards de dollars d'investis, précisément5,98 milliards de dollars, je crois.
M. Sagar: C'est pour l'industrie dans son ensemble.
M. Webber: Oui, pour l'industrie dans son ensemble.
Quant aux sociétés de gestion de fonds de capital de risque de travailleurs, je suis désolé, mais je n'ai pas les statistiques en main. Nous pourrons toutefois vous les obtenir.
M. Reed: Je vous en serais très reconnaissant, car, d'après les renseignements dont je dispose, ces fonds ne sont pas vraiment bien répartis, ni utilisés principalement par les petites entreprises comme ils étaient censés l'être.
M. Sagar: Deux choses se sont produites. Premièrement, au début, il a fallu bien plus de temps qu'on ne l'aurait souhaité pour investir ces fonds. Placer le capital de risque est une entreprise fort délicate. Elle nécessite le concours de professionnels expérimentés, et il faut du temps pour trouver les bonnes personnes et leur permettre d'acquérir l'expérience voulue.
Deuxièmement, en raison des avantages fiscaux liés à ces investissements, une foule de gens ont souscrit à ces fonds, si bien qu'il a fallu dans le dernier budget prendre des mesures pour freiner cet engouement. J'ai appris hier, sauf erreur en lisant un article de journal, que le Fonds de relance économique qui, je crois, est le plus important de ces fonds, a été condamné à payer une pénalité, et qu'il paiera effectivement une pénalité au gouvernement, pour n'avoir pas investi complètement les fonds qui lui avaient été confiés. Parallèlement, toutefois, nous sommes témoins d'une expansion spectaculaire du niveau de placement des fonds de capital de risque au Canada.
Je crois, Peter, que vous avez des statistiques à ce sujet pour la dernière année.
M. Webber: Je puis vous confirmer ces chiffres, monsieur le président, mais, si j'ai bonne mémoire, les placements de capital de risque - je veux parler de l'ensemble des fonds et non pas seulement des fonds de capital de risque de travailleurs - ont servi à répondre à quelque700 demandes de financement, à divers stades de financement.
Il n'est pas rare que les placements de capital de risque soient effectués par tranches. Généralement, les premiers versements sont relativement minimes. Puis, dix-huit mois ou deux ans plus tard, on investira un plus gros montant pour financer la croissance rapide d'une entreprise. Il importe donc de prendre en considération non seulement les sommes totales investies, mais également le stade auquel ces investissements ont été effectués. Dans une très large mesure, dans une proportion de 45 p. 100, je crois, ces 700 investissements, ou presque, ont été effectués au stade du démarrage de l'entreprise ou peu de temps après. On doit s'attendre qu'avec le temps ces placements en arriveront à leur stade final.
Je crois cependant que l'idée que vous vous faites des fonds de capital de risque de travailleurs au Canada n'est pas juste.
M. Reed: Il paraîtrait, par ailleurs, qu'il est plus facile d'obtenir 5 millions de dollars qu'un million.
M. Webber: Il est même plus facile d'obtenir 1 million que 750 000 $. C'est dommage, mais c'est comme ça.
La diligence raisonnable dans le cas d'un placement de capital de risque coûte très cher. C'est l'une des raisons qui ont incité la Banque de développement du Canada à conclure un certain nombre d'ententes de partenariat avec des gestionnaires de fonds de capital de risque, avec qui elle partage les coûts de cette diligence raisonnable. On conclut aussi de telles ententes de partenariat lorsqu'il s'agit de financement par actions. C'est un modèle qui semble très bien fonctionner, notamment dans le secteur de la haute technologie.
M. Reed: Qu'arrive-t-il lorsque ni la Banque de développement du Canada ni d'autres ne peuvent répondre à une demande? Votre ministère peut-il, en ce qui a trait à la diligence raisonnable, aider la petite entreprise à diminuer ses coûts? Je suis conscient que cette aide peut être très coûteuse, mais n'oublions pas que beaucoup d'entrepreneurs se lancent en affaires ou s'administrent avec 1 million de dollars et moins.
M. Webber: Naturellement, si le PICC offre aux entrepreneurs le programme d'acquisition de connaissances en matière d'investissement dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est pour les inciter à acquérir la capacité de réduire eux-mêmes les coûts de la diligence raisonnable. Ce programme vise à les sensibiliser aux conditions auxquelles ils doivent satisfaire pour obtenir du capital de risque provenant de fonds placés en fiducie. Par «fonds placés en fiducie», j'entends l'argent des autres. Ce n'est pas comme si moi-même je décidais de faire un placement dans votre entreprise. Je sais qui vous êtes et vous savez qui je suis, et c'est mon argent qui est en jeu, de sorte que la diligence raisonnable est presque intuitive. Bien entendu, lorsqu'il s'agit de fonds de capital de risque de travailleurs ou d'autres fonds de capital de risque, un examen beaucoup plus approfondi et professionnel s'impose.
C'est l'une des raisons pour lesquelles le programme d'acquisition des connaissances en matière d'investissement aidera les petits entrepreneurs à réduire eux-mêmes le coût de cette diligence raisonnable. Étant au fait des conditions d'obtention de tels capitaux, ils seront mieux préparés pour répondre aux questions. Ils sauront comment s'y prendre pour que cette diligence raisonnable leur coûte moins cher, et, partant, pour exposer à de moindres risques ceux qui ont investi leur argent dans ces fonds de capital de risque.
M. Sagar: Outre ce programme, un certain nombre d'initiatives qui ont été mises en oeuvre il y a un certain temps en sont encore au stade de l'expérimentation. Entre autres projets, il y a celui du Centre canadien d'innovation à l'Université de Waterloo, qui fournit au Centre un local pour évaluer les risques techniques que présentent les produits et les procédés innovateurs. Il s'agit là d'un domaine où l'industrie du financement n'est vraiment pas apte à mesurer les risques. Il faut dire qu'il en coûte excessivement cher pour faire une bonne évaluation technique de ce genre de produits.
Une autre fonction que nous avons entrepris de remplir, c'est de fournir des données et de l'information sur le taux de rendement auquel on devrait raisonnablement s'attendre dans le cas d'une petite entreprise d'un secteur particulier dans une région donnée. Dans le cas de la grande entreprise, c'est essentiel. Comment peut- on évaluer un risque financier, si on n'est même pas en mesure d'évaluer un plan d'entreprise?
À cet égard, l'un des projets sur lesquels nous travaillons actuellement en collaboration avec Statistique Canada est la Base de données sur la petite entreprise. Même si cet outil est encore loin d'être au point, nous croyons qu'il offre de formidables possibilités. En examinant les dossiers d'impôt des petites entreprises, nous pouvons obtenir des données de référence vraiment utiles sur leur rendement financier, leur bilan et l'état de leurs résultats pour une certaine période. Ces données de référence permettront aux institutions financières d'évaluer leur risque et aux entrepreneurs de juger de leur potentiel de réussite. Nous savons que beaucoup d'entrepreneurs croient qu'ils n'ont qu'à se lancer tout bonnement en affaires pour obtenir des taux de rendement bien supérieurs à la moyenne de l'industrie. Ils sont invariablement surpris lorsqu'ils constatent combien il est difficile de gagner leur première BMW. Ce n'est pas facile.
M. Reed: Il ne saurait être question de se procurer une BMW en partant.
M. Sagar: Non, pas dès le départ. Il faut compter au moins deux ou trois ans.
Une voix: La première est toujours la plus difficile à gagner.
Le président: Monsieur Calder.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci, monsieur le président.
Peter et Dean, j'ai visité l'été dernier les conseils des 26 municipalités de ma circonscription, et, croyez-moi, les agents de développement économique de toutes ces municipalités connaissent maintenant très bien Strategis parce que je me suis fait un devoir de leur en montrer les possibilités. Nous les avons renseignés sur la SEE de même que sur le service d'information rural, ce qui leur a paru très utile. J'ai parlé de Strategis tellement de fois que je le connais maintenant par coeur, à ce point que je n'aurai pas besoin de consulter votre prospectus. Ce site est vraiment intéressant.
Une recommandation que j'aurais à vous faire, toutefois, ce serait d'établir, sur Internet, une sorte de répertoire - peut- être en existe-t-il déjà un - qu'on pourrait consulter directement pour trouver quels sites sont offerts sous la rubrique «exportation», par exemple, ou sous la rubrique «petite entreprise», etc.
M. Webber: Je puis vous dire où en sont les choses à cet égard. L'agent principal d'information d'Industrie Canada a déjà été saisi d'une telle recommandation, et il est en train de mettre au point un menu qui aidera l'utilisateur à trouver le chemin d'accès aux sites qui l'intéressent sur Internet. À l'aide de la commande «recherche», il pourra repérer les sites où il est question d'exportations, de marketing, de services de gestion, de financement, etc., de sorte qu'il n'aura pas à faire défiler l'un après l'autre tous ces sites pour trouver ce qu'il cherche. Oui, nous sommes conscients de ce besoin. Réaliser un tel projet n'est toutefois pas aussi simple qu'il n'y paraît...
M. Calder: Je vois.
M. Webber: ...c'est bien sûr, mais sachez que nous y travaillons.
M. Calder: Un tel outil vaudrait mieux que le meilleur des prospectus. Pour ma part, il me serait très précieux.
M. Webber: Vous avez raison.
M. Calder: La question que j'aimerais maintenant aborder avec vous - et je remarque que vous avez le prospectus devant vous - est celle des Centres d'aide aux entreprises, les CAE, comme on les appelle. En 1994, j'ai fait une tournée avec Andy au moment où nous faisions partie du groupe de travail chargé d'examiner la question de l'accès au capital pour la petite entreprise. L'une des choses que nous avons constatées à ce moment-là, c'est que les CAE refusaient entre 3 et 7 p. 100 des demandes de prêts qui leur étaient soumises par les petites entreprises, ce qui serait beaucoup trop, à notre connaissance, pour une banque, car les banques ne peuvent normalement en refuser plus de0,5 p. 100. Mais, pour regarder le revers de la médaille, nous sommes allés contre- interroger les banques et leur avons demandé comment elles s'évaluaient elles-mêmes en ce qui concerne le nombre de prêts qu'elles refusaient. Or, dans une proportion de 93 à 97 p. 100, les demandes de prêts qu'elles refusaient étaient acceptées par les CAE. Vu sous cet angle, j'estime que la notation du rendement des banques est très faible. Il aurait été concevable qu'elles fassent erreur dans 20 p. 100 des cas, mais non dans 93 à 97 p. 100 des cas.
Comme première question, j'aimerais savoir si les CAE se sont améliorés à cet égard? J'aurai ensuite une autre question à propos des CAE.
M. Sagar: Je crois que les CAE ont un excellent taux d'acceptation de prêts, mais il faut dire que nous sommes dans une période particulièrement stable - je ne dirais pas vigoureuse, mais stable - sur le plan économique. Les taux d'intérêt ont chuté considérablement, ce qui a aidé un bon nombre d'entreprises.
Les CAE ont des provisions pour perte de 0,9 p. 100 sur ces prêts, comparativement à 0,8 p. 100 pour les banques à charte.
Le président: Je regrette de devoir vous interrompre, mais je crois que M. Calder ne veut pas parler de la Banque de développement du Canada, mais plutôt de ce qu'on appelait les Centres d'aide aux entreprises dans le cadre de l'ancien Programme de développement des collectivités...
M. Sagar: Désolé.
Le président: ...qui relève maintenant d'Industrie Canada.
M. Sagar: Oui.
Permettez-moi d'examiner la chose à l'inverse. Je ne sais pas à quel taux d'erreur du deuxième type on devrait normalement s'attendre de la part des banques; j'entends par là les erreurs consistant à refuser des prêts qui auraient dû être acceptés. Étant donné que les banques, comme vous le savez, n'ont jamais eu la prétention de prendre plus de risques qu'il n'en faut, on peut se demander si vraiment elles auraient dû accepter 93 p. 100 des prêts qui leur paraissaient trop risqués. Comme on l'a signalé, les choses se sont améliorées à cet égard.
M. Calder: D'accord. Pour reprendre ma question de façon un peu plus claire, avez-vous noté une amélioration de la part des banques? Estimez-vous que les banques acceptent maintenant des prêts un peu plus risqués qu'elles ne le faisaient en 1994? Vraiment, à ce moment-là, la façon dont elles évaluaient les demandes de prêts était proprement inacceptable. Avez-vous noté une amélioration?
M. Sagar: De mon point de vue, la réponse est simple, car je n'ai noté aucune amélioration, mais il faut dire que je n'en attendais pas non plus.
M. Calder: Ça va.
M. Sagar: Ce genre d'analyse serait très difficile à faire sérieusement. Nous serons mieux en mesure d'en juger quand nous aurons pris connaissance des rapports périodiques des banques et que nous aurons pu suivre l'évolution de leurs opérations, mais il est probablement encore trop tôt pour se prononcer là-dessus.
M. Calder: D'accord. Toujours à propos des CAE, dès qu'ils ont été établis, et encore aujourd'hui, ils semblent, pour employer une expression courante dans le domaine de la volaille, avoir fait leur nid dans différents secteurs et s'être arrêtés là. On constate actuellement, spécialement dans la province d'Ontario, qu'il y a des secteurs où ils prêtent et d'autres où ils ne prêtent pas. Cela dépend des secteurs. Dans ma circonscription, il y avait au moins deux secteurs qui avaient été oubliés. J'ai fait le nécessaire dans un cas, mais l'autre cas n'est toujours pas réglé. Mais je constate que lorsque je réussis à faire lever les barrières, l'argent ne suit pas. C'est pourquoi les responsables de ces centres d'aide offrent de nouvelles résistances, car s'ils élargissent leur clientèle ils manqueront de fonds disponibles, ce qui leur causera des difficultés.
Fait-on quelque chose actuellement pour essayer de régler ce problème? Nous souhaiterions vraiment que ces Centres d'aide aux entreprises offrent leurs services également à tout le monde.
M. Webber: Je vous l'ai dit clairement, les Centres d'aide aux entreprises ne relèvent pas principalement de notre groupe. Quant aux intentions d'Industrie Canada concernant les CAE, je sais que certains d'entre eux ont récemment conclu des ententes avec la Banque Scotia en matière de refinancement, ce dont vous étiez déjà au courant, j'en suis sûr. Je suis donc porté à croire qu'on entend maintenir le modèle des CAE. Quant à savoir si le Ministère entend leur donner de l'expansion, il faudrait que nous trouvions quelqu'un d'autre pour vous répondre de manière précise sur cette question, car nous ne sommes actuellement pas en mesure de le faire nous-mêmes. J'en suis désolé.
Le président: Madame Cowling.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.
Le comité a entendu un certain nombre de témoins d'un peu partout au Canada, et nous nous sommes rendus nous-mêmes dans quelques régions. Un certain nombre de personnes nous ont fait remarquer que dans le secteur des ressources naturelles, qu'il s'agisse des mines, des forêts, de l'énergie ou de l'agriculture, bien des gens se sentent très isolés.
C'est ce qui m'amène à revenir sur une affirmation que vous avez faite, à savoir que vous avez comme objectif de brancher sur Internet 1 500 collectivités d'ici 1998. Je me demande, compte tenu de l'immensité de notre pays et du fait que certaines régions sont très éloignées des grands centres, ce que vous envisagez dans leur cas?
Je n'avais jusqu'alors jamais entendu les expressions Canada du Nord et Canada du Sud, mais les gens du Canada du Nord ont tendance à se sentir tenus à l'écart de ce qui se passe dans notre pays. Dans quelle mesure entendez-vous brancher ces gens sur Internet, et combien de temps cela prendra-t-il? Songez-vous vraiment à brancher ces régions? Dans une large proportion, ces gens font partie des Premières nations.
M. Sagar: Je suis sûr d'avoir déjà entendu quelqu'un dire que l'Internet contribuerait à vaincre la tyrannie des distances. Nous avons vraiment comme objectif de faire en sorte qu'à l'aube du prochain siècle, le Canada soit - je crois que c'est la position officielle du gouvernement - le chef de file sur l'autoroute électronique. Pour cela, nous allons devoir brancher de vastes régions du Canada qui autrement ne présenteraient pas forcément d'intérêt pour les technologues et les fournisseurs de services. Voilà ce que nous entendons par accès communautaire - mettre les gens en ligne.
Les avantages que pourrait en tirer le Canada sont énormes. L'impression de documents comme ceux-ci coûte très cher. Chaque fois que nous imprimons un guide concernant nos programmes, il nous en coûte très cher. Si nous pouvions emmagasiner cette information sur Internet, les gens y auraient librement accès pratiquement gratuitement. Notre objectif premier, c'est de transmettre cette information aux gens qui ne l'obtiendraient pas autrement. Le nombre d'abonnements à Internet augmente à un rythme incroyable.
Voici une anecdote pour illustrer mon propos. Ayant décidé d'agrandir un peu mon chalet qui est situé dans une région rurale du Québec, j'ai demandé à un entrepreneur de la ville et à un groupe local qui se limitait, à mes yeux, à trois garçons et un camion de me faire une offre pour ces travaux. Le type de la ville est sorti de son beau camion et m'a remis une feuille sur laquelle il avait inscrit son prix à la main. Les trois copains, eux, sont retournés dans le bois de l'autre côté de la colline et me sont revenus deux jours plus tard avec en main un plan informatisé de mon projet et, sur leur petit carnet de notes, une ventilation du prix qu'ils me demandaient. J'ai trouvé cela extraordinaire. Je leur ai accordé le contrat même si leur prix était sensiblement le même que celui de l'autre soumissionnaire.
Je crois que de telles situations sont de plus en plus fréquentes. Les cas les plus impressionnants arrivent souvent là où on s'y attend le moins. Notre objectif est de faire en sorte que cette tendance s'accentue.
M. Webber: En ce qui a trait au Programme d'accès communautaire, j'aimerais ajouter que notre objectif est bel et bien de brancher 1 500 collectivités sur Internet, mais aussi que ces collectivités seront sélectionnées en fonction de la qualité des projets communautaires pertinents qu'elles nous auront soumis. Les collectivités ont été invitées à soumettre leur demande à Industrie Canada en y faisant valoir comment elles sauraient profiter du Programme d'accès communautaire si elles étaient sélectionnées.
Autrement dit, nous essayons du même coup de nous servir de ce programme pour susciter des initiatives communautaires. Sauf erreur, la première période d'appel de projets s'est terminée à l'automne, et il y en aura une autre incessamment. Il ne s'agit pas pour Industrie Canada de choisir indifféremment telle ou telle collectivité, mais plutôt d'amener les collectivités à dire pourquoi elles veulent être branchées à Internet et ce qu'elles entendent faire pour l'utiliser de manière optimale.
Mme Cowling: Ma prochaine question porte sur l'accessibilité d'Internet à nos jeunes et au milieu scolaire. Vous avez parlé de la pénétration d'Internet en milieu scolaire. Prévoyez-vous qu'à long terme la réalisation de ce projet permettra aux étudiants qui souhaiteraient vivre en milieu rural, mais qui normalement ne le pourraient pas, faute d'emploi, de rester dans leur collectivité rurale?
M. Sagar: Quand vient le temps de faire des pronostics, j'aime mieux me montrer prudent. Nous avons interrogé les augures à propos de l'impact qu'auront les technologies de l'information sur ce qu'on désigne comme le problème de la centralisation, à savoir si cette technologie accentuera l'exode vers les villes ou, au contraire, permettra aux gens de rester là où ils sont et d'accomplir leur travail à l'endroit de leur choix. Nous ne connaissons pas encore la réponse. Chose certaine, cette technologie permet à quiconque de travailler pratiquement là où il l'entend. Pour ceux d'entre nous qui sont branchés dans leur bureau, ce facteur n'est pas nécessairement positif, mais pour ceux qui veulent travailler à la maison, c'est un avantage formidable. Ces progrès auront normalement cette conséquence, mais on ne saurait le prédire avec certitude.
J'aimerais revenir sur votre question précédente concernant les Premières nations et les Autochtones. Certains éléments du Programme d'entreprise autochtone Canada visent à mettre en ligne les collectivités autochtones et à les inciter à utiliser Internet. Par exemple, on s'efforce actuellement d'amener les Autochtones à offrir leurs produits sur un cybermarché. Il y a donc actuellement du travail qui se fait sur ce chapitre en collaboration avec la collectivité autochtone, notamment pour l'amener à jouer le rôle qui lui revient dans ce secteur.
Le président: Merci.
Mme Cowling: Aimeriez-vous répondre à ma question vous aussi, monsieur Webber?
M. Webber: Il y a deux choses que j'aimerais vous communiquer à propos de l'utilisation d'Internet pour le développement de possibilités d'affaires dans les régions rurales. J'ai lu récemment dans Harrowsmith qu'un ancien résidant du plein coeur de Toronto, qui a fui vers le sud de l'Ontario, s'était servi du réseau Internet pour monter un projet touristique à la campagne. Il s'agit d'une entreprise qui connaît une croissance fulgurante, qui emploie des gens des collectivités rurales du sud de l'Ontario et qui se sert surtout d'Internet pour faire la promotion de son produit. Cette anecdote montre comment des Canadiens des régions rurales peuvent profiter d'Internet.
Pour ce qui est des jeunes, je tiens également à faire mention d'un programme dont nous ne vous avons pas encore parlé, mais qui ne fait pas moins partie de nos réalisations. Le programme de mise en ligne des étudiants a permis à des étudiants ayant les connaissances techniques voulues de communiquer avec des petites entreprises d'un peu partout au Canada qui souhaitent se brancher au réseau Internet et utiliser plus efficacement les technologies de l'information.
Le programme de mise en ligne des étudiants a été pratiquement privatisé. Industrie Canada l'a lancé, mais il est maintenant principalement sous la responsabilité des universités et des collèges communautaires de tout le pays et de leur service de placement. En ce sens, nous misons sur l'enthousiasme des jeunes pour Internet pour aider les petites entreprises à joindre le réseau.
Le président: Merci, monsieur Webber.
J'ai deux ou trois questions à poser sur ce sujet avant que nous passions à nos prochains témoins.
Je tiens d'abord à vous signaler que, bien que j'aie peut-être des idées préconçues à cet égard, je ne crois pas que la multitude d'initiatives lancées par Industrie Canada ait donné lieu à bien des plaintes. Certains des programmes dont vous nous avez parlé aujourd'hui revêtent une grande importance. Ce qui préoccupe le comité - c'est certes mon cas, et je présume qu'il en va de même pour les autres membres du comité - , c'est la façon dont on applique ces programmes dans le Canada rural. C'est dans cet esprit que je vais poser certaines de mes questions.
D'abord, vous avez signalé que le Comité de l'industrie a persuadé les institutions financières de fournir certaines données statistiques. J'imagine qu'en réalité les éléments en cause se chiffrent par dizaine de milliers. Je vais vous poser une question très précise. Le Ministère analyse-t-il les résultats de ces statistiques?
M. Sagar: Oui, nous le faisons. Mais nous venons tout juste de commencer à les recevoir. Tant que nous n'aurons pas pris un peu de recul, il nous sera très difficile de tirer des conclusions par rapport à une norme.
Le président: On vous a déjà communiqué les statistiques pour cinq trimestres. Les avez-vous analysées?
M. Sagar: Non. Les avons-nous vraiment pour cinq trimestres?
Le président: Oui, cinq trimestres.
M. Dean Knudson (conseiller en politiques, Bureau de l'entrepreneurship et de la petite entreprise, Industrie Canada): Cependant, comme vous le savez sans doute, les statistiques ne sont pas utilisables comme telles. Autrement dit, on y a additionné, par exemple, les données de la Banque de Hongkong, celles de différents secteurs...
Le président: Si vous leur demandez de supprimer celles qui ne sont pas pertinentes, comme je l'ai fait moi-même - et je suis sûr que le ministère pourrait le leur demander - , vous pourriez voir ce qu'il en est pour les cinq grandes banques au cours de ces cinq trimestres.
M. Knudson: Absolument.
Le président: L'avez-vous fait?
M. Knudson: Ce que nous avons - ce que j'ai moi-même en main ici - , ce sont les statistiques pour la période se terminant le 31 décembre, celles du dernier trimestre de 1995. On y trouve ventilées les activités par secteur, par région, par banque, puis certaines données cumulatives. Ce que nous voulions faire, c'était de nous donner d'abord un point de référence.
Notre idée, c'est de pouvoir éventuellement analyser les tendances, car ce sont bien sûr les tendances qui nous intéressent. Cette idée remonte aux années 1991 et 1992, au moment où il y avait resserrement du crédit et où on avait du mal à analyser les tendances, faute de données pertinentes. Nous voulons remédier à cette carence.
Le président: Ce que vous dites au fond, c'est que vous ne faites pas encore ce genre d'analyse parce que les données dont vous disposez ne sont pas suffisantes.
M. Knudson: Non, ce que je dis, c'est que nous nous sommes donné un point de référence. Nous avons photographié la situation au dernier trimestre de 1995, et notre intention, c'est de faire de même pour le trimestre suivant et ainsi de suite, pour être en mesure d'analyser les tendances.
Le président: Votre analyse porte-t-elle aussi sur la situation en milieu rural?
M. Knudson: L'Association des banquiers canadiens, l'ABC, nous a fait savoir que, dès son prochain relevé, elle publiera des statistiques distinctes pour le milieu urbain et pour le milieu rural. Jusqu'à maintenant, elle ne fournissait pas cette information.
Le président: Les statistiques de l'ABC sont pourtant ventilées. On peut, par exemple, isoler les opérations se rapportant à l'agriculture et déterminer si le nombre de prêts a augmenté ou diminué d'un trimestre à l'autre dans le secteur agricole.
M. Knudson: Bien sûr.
Le président: L'avez-vous fait?
M. Knudson: Comme je viens de le dire, nous avons photographié la situation dans le secteur agricole pour un semestre donné. Ce que nous pouvons faire, et ce que nous avons l'intention de faire, ce sont des analyses périodiques par secteur. Ainsi, nous pourrons...
Le président: Donc, Industrie Canada nous fournira des relevés qui nous permettront de constater si le Canada rural a eu davantage ou moins accès au capital. Ces statistiques seront ventilées de façon que...
M. Knudson: Pour chacun des secteurs.
Le président: Pour chacun des secteurs. C'est bien.
Par ailleurs, Industrie Canada s'est-il engagé à continuer d'assurer le financement de base des sociétés de développement des collectivités dans les régions rurales du Canada? S'y est-on engagé et, si oui, pour combien d'années?
M. Sagar: Je vous le rappelle, ce programme ne relève pas de notre groupe. Je ne suis donc pas en mesure de répondre à cette question.
Le président: Mais là encore, vous vous ferez un plaisir de nous obtenir cette information, n'est-ce pas?
M. Sagar: Naturellement. Je vous signale cependant, à propos de l'analyse statistique, que nous avons fourni au Comité de l'industrie un premier volet d'analyse, ou plutôt un état de la situation telle qu'elle existait à ce moment-là. Nous lui avons promis de lui fournir ce genre d'analyse dans l'avenir. J'invite votre comité à nous faire savoir quel genre d'analyses il aimerait que nous fassions à partir de ces données, et nous les effectuerons pour vous.
Le président: Je vais m'assurer qu'on vous le fasse savoir dans les heures qui viennent.
M. Sagar: Très bien.
M. Webber: Nous ne pouvons toutefois vous garantir que les résultats de nos analyses vous seront communiqués en-dedans de quelques heures.
Le président: À propos du PICC - vous avez annoncé une série de projets - , quelle est la plus petite localité qui bénéficiera d'un de ces projets?
M. Sagar: Canmore, en Alberta, qui compte, je crois, 5 000 habitants.
M. Webber: C'est bien cela, 5 000.
Le président: Quelle est la population moyenne des localités sélectionnées?
M. Webber: Autour de 100 000 habitants, sauf erreur.
Le président: Je suis content que la localité de Canmore ait été sélectionnée, mais si l'on jette un coup d'oeil sur la liste des projets qui ont été approuvés dans le cadre de ce programme, le problème - et je suis sûr que vous en êtes conscient - , c'est qu'en région rurale, il y en a vraiment peu qui ont été acceptés, au moins cette fois-ci.
M. Sagar: Je vous avouerai bien honnêtement qu'il ne s'agit pas d'un programme conçu pour les petites localités. Compte tenu du niveau d'aide que nous accordons, c'est un programme qui est d'abord axé sur les collectivités qui veulent être solidaires et qui ont une masse stratégique d'entreprises en expansion. C'est ce à quoi doit servir ce financement. Nous offrons d'autres programmes, mais c'est l'objectif que poursuit celui-ci.
Je ne prévois pas qu'il y ait énormément de petites localités comme Canmore qui bénéficieront de ce programme. C'est ainsi qu'il a été conçu, et...
Le président: Donc, ce qu'il nous faudra proposer quand nous formulerons nos recommandations, c'est un programme propre à faciliter l'accès au capital de risque en milieu rural.
M. Sagar: Je pense qu'à cette fin le programme d'acquisition de connaissances en matière d'investissement serait celui qui conviendrait le mieux à toutes ces localités. J'encourage le comité à envisager la possibilité d'inciter un certain nombre de petites localités dans une région donnée à s'unir pour donner plus de poids à leurs demandes et pour mettre en commun leurs expériences et leurs atouts dans divers secteurs d'activités.
Le président: Vous nous avez donné une ventilation des prêts consentis par la Banque de développement du Canada et vous nous avez dit qu'un peu plus de 40 p. 100 de ces prêts avaient été accordés en milieu rural. Je ne vous demande pas de le faire immédiatement, car nous sommes pressés par l'horaire, mais pourriez-vous m'indiquer sur quelle définition du Canada rural repose cette répartition? Avez-vous une telle ventilation en ce qui concerne les prêts consentis en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises? Combien de ces prêts ont été accordés en milieu rural et comment définit-on le milieu rural aux fins de ce programme? Auriez-vous un pourcentage à l'esprit?
M. Knudson: Par coeur, je ne me souviens pas du pourcentage, mais je suis sûr que Peter en a parlé dans son exposé. Entre-temps, je peux vous dire quelle définition a été utilisée. En réalité, à cause des échéances ou des contraintes temporelles, nous avons décidé, en collaboration avec Statistique Canada et Postes Canada, de prendre le deuxième caractère du code postal. À partir des données recueillies par le bureau chargé d'administrer la LPPE, nous avons jugé que c'était le seul critère pratique pour établir la proportion de prêts consentis en milieu rural dans le cadre du programme. Autrement dit, si le deuxième caractère est un zéro, Postes Canada considère qu'il s'agit d'une région rurale. C'est ce critère que nous avons utilisé pour déterminer où avait été consenti chacun des prêts.
Le président: Je vois. Depuis 1993, 3 milliards de dollars, ou 30 p. 100 des fonds du programme, sont allés au milieu rural. Pourriez-vous maintenant me dire à combien s'élève à l'heure actuelle le solde global des prêts consentis en milieu rural ainsi que le pourcentage qu'il représente par rapport à l'ensemble des prêts? Est-il possible d'avoir ces chiffres?
M. Sagar: Peut-être. Nous allons vérifier. Il suffira de voir quel type d'information il est possible de tirer du système que nous avons au ministère, mais nous allons vérifier.
Le président: Parmi les principaux services offerts par la Banque de développement du Canada, il y a le service d'encadrement. Savez-vous quel pourcentage des dépenses de la Banque de développement du Canada est consacré aux services d'encadrement dans les régions rurales?
M. Webber: Non. Nous devrons vous obtenir ce renseignement également.
Le président: J'aurais bien d'autres questions à vous poser. Je tiens à insister sur ceci: ce n'est pas que les programmes ne sont pas valables, mais il y a une chose qui nous préoccupe ici - et mes collègues du comité m'interrompront s'ils estiment que je commets un impair - , c'est de trouver le moyen de faire en sorte qu'on tienne compte des régions rurales dans la conception des programmes de ce genre. Il faut changer les perceptions, les mentalités, obliger les décideurs à s'interroger sur les conséquences des politiques qu'ils adoptent et à se demander si celles-ci vont vraiment aider les Canadiens des régions rurales. À mon avis, c'est tout à fait essentiel.
Votre ministère offre certes d'excellents programmes qui aident vraiment les petits entrepreneurs, mais je suis d'avis qu'il faudrait s'assurer que cette aide atteigne tout autant les habitants des petites localités que ceux des grands centres. Cela m'apparaît primordial. C'est d'ailleurs une des choses que nous espérons obtenir grâce à cette étude.
M. Sagar: Si vous me permettez cette digression, monsieur le président, je vous assure qu'il n'y a pas de meilleur moyen de se rafraîchir la mémoire que de comparaître devant votre comité. C'est notre cas aujourd'hui.
J'aimerais revenir... Les ministères ont énormément de difficulté, comme vous en êtes sans doute conscient, à mettre en oeuvre des programmes dans les régions rurales du Canada, à cause des coûts qui y sont généralement plus élevés. Mais pour autant que nous entendons nous servir de plus en plus de l'autoroute de l'information pour mieux atteindre notre clientèle et, notamment, pour donner aux collectivités dont vous parlez davantage accès à nos programmes, nous allons, je crois, pouvoir remédier à cette lacune. Mais vous avez quand même bien fait de nous rappeler cette réalité.
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous livrer votre témoignage, et nous savons à quel point ce genre d'échange vous plaît. Merci encore une fois.
Je vais maintenant passer la parole à notre deuxième groupe de témoins, l'Office canadien de commercialisation des poulets. Les témoins pourraient-ils s'approcher? Je ne saurais dire avec certitude qui fait partie de votre délégation aujourd'hui. M. Sandercock, M. Maaskant et M. André Gravel.
Bienvenue messieurs. Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Je vous prierais de vous présenter et de faire votre exposé. Ensuite, nous redonnerons la parole aux membres du comité pour leur permettre de poser des questions.
M. Lloyd Sandercock (président, Office canadien de commercialisation des poulets): Merci, monsieur le président. Au nom de l'Office canadien de commercialisation des poulets, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité.
Je suis producteur de poulets en Saskatchewan et également président de l'association des producteurs de poulets du Canada. Je vis à Fort Qu'Appelle, une localité de moins de 2 000 habitants. C'est là que se trouve mon exploitation et que je réinvestis les bénéfices de mon entreprise. Les montants ainsi réinvestis servent à créer des emplois et des revenus qui contribuent à la prospérité et au dynamisme de la collectivité. C'est également là que ma femme et moi vivons et avons élevé nos deux enfants, qui sont maintenant adultes et qui vivent dans de petites localités du nord de la Saskatchewan. En plus de ma ferme, je possède une entreprise d'engrais qui compte huit employés, à Buchanan, une autre petite localité de cette province.
Je crois que c'est cela le développement rural: des Canadiens et des Canadiennes du milieu rural qui investissent dans leur propre entreprise et qui créent des emplois durables dans leur collectivité. Mesdames et messieurs, c'est de cela dont nous voulons vous parler aujourd'hui.
Permettez-moi de vous présenter mes collègues membres du comité de direction. M. John Maaskant est premier vice-président de l'OCCP; il est de Ben Miller, en Ontario. M. André Gravel est deuxième vice-président et habite Saint-Jean-de-Matha, à environ 30 kilomètres de Joliette, au Québec. Notre quatrième membre du comité de direction est M. Marcel Michaud, qui vit tout près de Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Malheureusement, M. Michaud ne peut être présent aujourd'hui. Avec moi au poste de président, les quatre régions du pays sont représentées de manière équilibrée au sein du comité.
Permettez-moi également de vous présenter Mme Cynthia Currie, la directrice générale de l'Office, ainsi que M. Mike Dungate, chef de la Section du commerce, des politiques et de l'économique.
Maintenant que les présentations sont faites et avant de passer à la partie centrale de notre exposé, je tiens d'abord à féliciter le comité de reconnaître que la prospérité économique générale du Canada dépend en grande partie du développement économique rural et d'avoir eu l'initiative de tenir aux quatre coins du pays des audiences sur le renouvellement économique du Canada rural. Nous espérons que le mémoire que nous vous avons fait parvenir et que notre exposé d'aujourd'hui vous aideront dans l'accomplissement de votre tâche.
L'OCCP est un organisme national dirigé par des agriculteurs. Il a été créé en 1978. Nous représentons quelque 2 000 producteurs de poulets établis dans les dix provinces canadiennes. Je suis fier de dire que je représente l'un des membres de votre comité, Murray Calder, qui est aussi producteur de poulets.
Notre principale responsabilité consiste à administrer un système de commercialisation ordonnée et de veiller à ce que la production canadienne de poulets réponde aux besoins de notre marché. Nous sommes d'avis que le système de commercialisation ordonnée a contribué à la stabilité de l'économie rurale du Canada et, en fait, à la création d'une industrie qui est le pilier d'un grand nombre de collectivités. Notre système de commercialisation ordonnée a contribué à la création et au maintien de nombreux emplois au Canada.
Le nombre d'éleveurs de poulets a augmenté de 25 p. 100 au Canada au cours des dix dernières années, tandis que, dans l'ensemble, le nombre d'exploitations agricoles a diminué de 14 p. 100. Parallèlement, la production de poulets a augmenté de 45 p. 100, ce qui veut dire que les exploitations sont non seulement plus nombreuses, mais également plus efficaces. En 1995, la production de poulets a procuré du travail à plus de 15 000 personnes au Canada et rapporté au-delà d'un milliard de dollars en recettes agricoles.
L'industrie du poulet est indéniablement une industrie d'avenir, qui contribue à la croissance et à la vigueur des collectivités rurales. Cette croissance a des retombées positives dans tous les secteurs de cette industrie et dans les collectivités au sein desquelles s'exercent ces activités, tant en milieu rural que dans les régions urbaines, où les transformateurs, les distributeurs et les restaurateurs profitent d'un approvisionnement local constant de produits de poulet frais et de haute qualité.
La transformation primaire et secondaire du poulet se fait dans toutes les régions du pays. L'an dernier, le secteur de la transformation, qui emploie quelque 11 000 Canadiens a enregistré des ventes de l'ordre de 1,06 milliard de dollars au gros et de 2,6 milliards au détail. Outre les15 000 personnes et plus qui travaillent dans des fermes et des usines de transformation d'un bout à l'autre du pays, des milliers de Canadiens et de Canadiennes occupent des emplois connexes dans les couvoirs, les provenderies, le secteur des transports, la restauration et la vente au détail.
Le poulet est en train de devenir la viande de choix des Canadiens et des Canadiennes de toutes origines, y compris des communautés culturelles, qui sont en pleine croissance, car la popularité du poulet transcende les barrières culturelles et religieuses.
Les chaînes de restaurants spécialisés dans les mets à base de poulet continuent d'être d'importants promoteurs de notre produit. Vous connaissez ces établissements: Chalet Suisse, St-Hubert, PFK. De nouveaux restaurants de ce genre voient le jour tous les ans et, chaque jour, d'autres restaurants ajoutent à leur menu des plats à base de poulet. Il se crée ainsi de nouveaux emplois.
Ce que je veux dire, c'est que du moment où de nouveaux produits apparaissent sur les étals d'une épicerie ou sur le menu d'un restaurant cela signifie de nouveaux emplois. Il se crée donc des emplois, mais pas uniquement dans les épiceries et les restaurants. N'oublions pas que la production d'aliments commence à la ferme. Les producteurs de provendes et les exploitants de couvoirs nous fournissent les aliments pour animaux et les poussins. Nous nous occupons de l'élevage des volatiles. Les usines de transformation fabriquent les produits que nous consommons et les distributeurs en assurent la livraison aux épiceries et aux restaurants.
L'incidence d'une industrie du poulet en expansion s'étend donc au-delà de la ferme et de la vente au détail. L'impact se fait sentir dans tous les secteurs de l'industrie, tant en milieu rural que dans les grands centres urbains. La croissance de notre industrie est donc bénéfique pour l'ensemble de la population canadienne.
J'inviterai maintenant John Maaskant, un producteur de poulets de Ben Miller, en Ontario, à vous adresser la parole.
M. John Maaskant (premier vice-président, Office de commercialisation des poulets): Merci, Lloyd.
Ma famille exploite une ferme depuis 1956. En fait, il y a 31 ans, mon père a été l'un des membres fondateurs de la Commission ontarienne de la commercialisation du poulet. Notre entreprise familiale de production de poulets est située près des villages de Ben Miller et de Goderich en Ontario, dans la circonscription fédérale de Huron - Bruce, au coeur même de cette région agricole. Les comtés de Huron et de Bruce, avec des recettes monétaires agricoles atteignent plus de 640 millions de dollars, sont probablement deux des comtés agricoles les plus productifs du Canada. On y pratique l'élevage de poulets, la production d'oeufs et de lait, l'élevage de bovins de boucherie et de dindes, la culture commerciale des fruits et légumes, etc. L'agriculture et l'élevage y sont vraiment diversifiés.
Outre notre exploitation agricole familiale, il y a, dans notre circonscription, 133 autres fermes d'élevage qui produisent 32 millions de kilogrammes de poulet chaque année, pour une valeur totale de 39,5 millions de dollars.
Ma femme et moi avons sept enfants. Deux de nos enfants ont quitté la ferme et cinq demeurent toujours avec nous. J'ai beaucoup travaillé pour parvenir à créer une entreprise indépendante florissante et il est important pour moi que mes enfants aient la possibilité de rester en milieu rural au Canada et d'y gagner leur vie si tel est leur choix.
Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de ce qui se passe au-delà de nos frontières. Notre industrie a également commencé à pénétrer le marché mondial du poulet, qui est un marché en croissance. En 1995, le Canada a exporté 33 millions de kilos de poulet, pour une valeur de plus de40 millions de dollars.
Le 3 octobre 1996, le conseil de direction de l'OCCP a adopté à l'unanimité une politique d'exportation, une première dans notre industrie. L'objectif principal de cette politique, élaborée en étroite coopération avec le secteur de la transformation, est de promouvoir les exportations sans nuire à notre marché intérieur. Cette politique incite les transformateurs à exporter des produits de poulet à valeur ajoutée. Elle entrera en vigueur le 16 mars 1997. En encourageant les transformateurs à tirer profit de la demande croissante de poulet à l'échelle mondiale, cette politique d'exportation permettra à l'industrie canadienne du poulet de devenir plus compétitive grâce aux économies d'échelle qui seront réalisées tant au niveau des fermes que dans les usines de transformation.
Toutefois, j'aimerais ajouter que le commerce international peut également constituer une menace potentielle pour notre industrie. Nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour vous parler de l'importance de l'industrie du poulet et de sa contribution à une économie rurale dynamique. Nous n'entrerons pas dans les détails, puisque le mémoire que nous avons fait parvenir à votre comité aborde déjà cette question assez longuement, mais disons qu'une défaite devant le groupe spécial chargé d'appliquer le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA, qui devra se prononcer sur la légitimité des tarifs du Canada relativement aux importations de volailles, d'oeufs et de produits laitiers des États-Unis, pourrait entraîner la disparition d'un nombre important d'emplois au Canada rural.
Une étude menée par Informetrica Ltd. arrivait à la conclusion que si les producteurs de lait, d'oeufs et de volaille échouent, «l'onde de choc risquerait de frapper durement leurs voisins et leurs collectivités, et pourrait se révéler catastrophique pour de nombreuses régions rurales.»
J'invite maintenant M. André Gravel, éleveur de poulets de Saint-Jean-de-Matha, à s'adresser aux membres du comité.
Merci.
[Français]
M. André Gravel (deuxième vice-président, Office canadien de commercialisation des poulets): Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. C'est un plaisir pour moi de prendre quelques minutes de votre temps pour vous dire que le développement rural peut prendre plusieurs formes.
Chez nous, l'industrie du poulet joue un rôle très important dans le succès du secteur rural. Dans le comté fédéral de Berthier - Montcalm, l'industrie du poulet fait vivre 138 producteurs et leurs familles à la ferme.
Ces familles produisent au-delà de 60 millions de kilogrammes de poulet. C'est plus de20 p. 100 de la production de la province du Québec. Cela représente au-delà de 60 millions de dollars en recettes à la ferme. C'est environ 25 p. 100 des ventes totales de produits agricoles dans le comté de Berthier - Montcalm.
C'est aussi dans mon comté que se trouvent les plus gros abattoirs au Québec: un à Berthier, qui emploie 271 travailleurs et travailleuses, un autre à Joliette, également propriété de la compagnie Flamingo, qui emploie 305 personnes. On y compte aussi plusieurs meuneries d'importance et couvoirs et plusieurs poulaillers de poules de reproduction.
Ce sont des centaines d'autres emplois qui se rattachent directement au secteur de la production du poulet au grain. Je vous remercie, messieurs, mesdames.
[Traduction]
M. Sandercock: Merci, John et André.
J'ai mentionné au début de mon exposé que, malheureusement, M. Marcel Michaud, représentant de la région atlantique au sein du comité de direction, ne pouvait pas être ici avec nous aujourd'hui. Cependant, je sais que s'il avait pu être présent, il nous aurait parlé de Saint-François-de-Madawaska, une petite localité du nord du Nouveau-Brunswick qui est le coeur de l'industrie du poulet de cette province.
À Saint-François, vous avez deux choix lorsqu'il s'agit de trouver du travail: le poulet ou le meuble, deux produits fort différents qui dépendent tous deux du secteur primaire. Pour ce qui est du poulet, Saint-François possède la seule usine importante de transformation de poulets de la province. Il y a également une provenderie. Un couvoir, qui fournira les poussins aux 20 éleveurs de poulets de la région, est sur le point d'entrer en exploitation.
Vingt éleveurs de poulets. C'est presque la moitié des producteurs de poulets du Nouveau-Brunswick. Sans l'industrie du poulet dans cette localité, presque un travailleur sur deux de cette industrie dans la province pourrait être sans travail.
Les éleveurs de poulets de Saint-François ne veulent pas de subvention. Ce qu'ils demandent, c'est que les lois dont ils ont besoin pour faire fonctionner leur système de commercialisation ordonnée demeurent en place, afin qu'ils puissent conserver leur emploi et soutenir leur famille et leur collectivité.
Ce que John, André et moi-même avons essayé de vous dire, c'est à quel point notre industrie est importante pour les collectivités rurales et, ce qui compte peut-être encore davantage, combien les économies rurale et urbaine sont liées entre elles en ce qui a trait à la production et à la transformation des denrées alimentaires. Notre système de commercialisation ordonnée a contribué à la stabilité et à la croissance des collectivités rurales dans les dix provinces du pays. Il a également fourni une base solide à partir de laquelle cette industrie a pu croître dans notre pays et, plus récemment, amorcer la conquête des marchés étrangers.
Alors que l'industrie canadienne du poulet poursuit ses efforts en vue d'accroître son efficacité, il est impératif que le gouvernement continue de plaider en faveur du maintien de notre système de commercialisation ordonnée et notamment de défendre le droit que nous avons obtenu de haute lutte à l'échelle internationale de conserver nos tarifs douaniers. Une politique stable permettra à notre industrie de continuer à contribuer au dynamisme de l'économie rurale du Canada.
En résumé, nous sommes une industrie en pleine croissance qui crée des emplois dans les régions rurales du Canada. Nous employons directement plus de 15 000 personnes, nous générons des ventes au détail de 2,6 milliards de dollars et nous ne faisons que commencer à viser le marché des exportations.
Au nom des 2 800 producteurs de poulets du Canada, nous tenons à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de lui présenter les points de vue de l'OCCP sur le développement rural. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Deshaies.
[Français]
M. Deshaies: Vous avez clairement indiqué à quoi pouvait servir l'industrie agricole du poulet dans les régions. Vous y vivez...
[Traduction]
Je vais poursuivre en anglais, car M. Dungate a des difficultés. Je vais essayer de parler en anglais pour vous faciliter les choses.
Vous expliquez clairement dans votre exposé comment votre industrie peut créer des emplois dans les régions rurales. Je n'ai pas besoin d'en savoir davantage à ce sujet, car je viens moi-même d'une région rurale. Ma famille a eu durant vingt ans un commerce de vente en gros de produits maraîchers et de viande. Pendant nombre d'années, nous avons acheté des produits chez Flamingo.
Ne trouvez-vous pas problématique de transférer...? Dans ma région, celle de l'Abitibi, il n'est pas facile d'acquérir un quota pour produire du poulet. Il faut acheter le quota avant même de se lancer en affaires. En général, les gens du nord doivent acheter leurs produits auprès de fournisseurs du sud. C'est ce que l'on constate dans la province de Québec, mais est-ce le cas dans chacune des provinces? Par exemple, vous qui venez de la Saskatchewan, vendez-vous vos produits aux gens du sud? Où livrez- vous vos produits?
M. Sandercock: La Saskatchewan, comme vous le savez, occupe une grande étendue mais est peu peuplée. Nous avons une usine de transformation au coeur de la province, dans le sud, là où habitent les gens. C'est compliqué, car les distances à parcourir sont grandes pour livrer notre produit. Cela pose problème. Mais cette situation n'est pas particulière à ma province; on la retrouve dans toutes les provinces canadiennes. Le transport est un problème partout au Canada, un pays dynamique et immense, mais relativement peu peuplé.
M. Deshaies: Vous faudrait-il un projet de loi spécial ou des règles administratives spéciales pour obtenir une usine de transformation dans le nord? Est-ce vrai qu'il vous faudrait des experts pour effectuer des vérifications et que le gouvernement n'a aucun budget pour cela, de sorte que vous n'avez pas le choix d'envoyer vos poulets dans le sud?
Croyez-vous qu'il serait souhaitable d'avoir une usine de transformation dans le nord de votre province? N'oubliez pas que dans l'avenir vous allez devoir faire face à la concurrence des producteurs américains. Dans ma région, en tout cas, ce serait une bonne chose que d'envisager de multiples moyens d'affronter la concurrence des producteurs américains. Pensez-vous que nous aurons un jour d'autres choix que d'envoyer nos produits dans le sud? D'ailleurs, si un programme spécial, modeste mais efficace, était établi à cette fin, il permettrait du même souffle de créer des emplois dans les régions rurales du nord.
M. Sandercock: J'imagine qu'au fur et à mesure que nous serons plus compétitifs sur le marché mondial et que la production et la consommation augmenteront au Canada, nous pourrons avoir des usines de transformation ailleurs que dans le sud. Même s'il n'est pas toujours avantageux d'opter pour l'expansion, il reste que les économies d'échelle qui résulteront du fait d'avoir des usines de transformation non seulement de plus grande taille mais en plus en grand nombre profiteront à toutes les industries des régions rurales et à toutes les collectivités rurales. Par contre, en transportant nos produits sur de plus longues distances, nous créons des emplois dans des secteurs connexes, notamment dans celui du camionnage.
Je pense que ce problème de transport est particulier au Canada. Même si le transport crée des emplois dans les régions rurales, il n'en constitue pas moins un des inconvénients de l'immensité de notre pays. Notre industrie procure de l'emploi non seulement dans le secteur de la transformation, mais aussi dans les provenderies, dans les couvoirs et dans d'autres entreprises subsidiaires qui sont installés à demeure dans les petites localités rurales.
M. Deshaies: Merci.
Le président: Monsieur Stinson.
M. Stinson: À vrai dire, je n'ai pas de question à poser, mais j'aimerais simplement vous signaler que dans la région d'où je viens il se produit beaucoup de poulets. Mon épouse elle-même travaille dans une usine de ce secteur. Je sais que c'est une industrie en pleine expansion. Je me rappelle qu'au début, quand cette entreprise a démarré, elle produisait 24 volatiles à la minute alors qu'elle en produit maintenant environ 42 à la minute, et ce, après quelques années à peine. C'est un important secteur de notre économie, qui rapporte beaucoup, cela ne fait aucun doute.
Je n'ai vraiment pas de question.
Le président: Merci. Monsieur Calder.
M. Calder: Merci, monsieur le président.
Bienvenue Lloyd, Cynthia, André et Mike.
Quand Andy et moi parcourions la campagne en 1994 au moment où nous faisions partie du groupe de travail chargé d'examiner la question de l'accès au capital, j'ai fait de mon mieux. Je l'ai informé de tout ce qu'il voulait savoir à propos de l'élevage des poulets et qu'il n'osait pas demander.
Ce que j'attends de vous, c'est que vous dissipiez certains mythes. Il s'agira en quelque sorte d'un exercice de sensibilisation.
J'ai été très peiné de lire récemment que notre fameux type de l'Arkansas est décédé du cancer, et c'est bien malheureux. Ce gentleman était venu à plusieurs reprises au Canada, à nos assemblées annuelles, pour nous parler de la situation dans l'industrie du poulet aux États-Unis. Ce qu'il nous a dit nous a permis de comparer les avantages de notre système de gestion de l'offre par rapport à ce qui existe dans l'industrie du poulet aux États-Unis. Voilà le premier point à propos duquel j'aimerais entendre vos commentaires.
L'autre point concerne la manière dont les consommateurs américains perçoivent notre système de gestion de l'offre. On raconte là-bas qu'il permet notamment à nos producteurs de fixer les prix comme ils l'entendent, que c'est un système inefficace, qui, en partant, coûte très cher aux consommateurs parce qu'il permet aux producteurs de contrôler l'offre... Pourtant, je sais que la dernière fois que je suis allé à l'épicerie avec mon épouse Brenda, nous pouvions encore nous réjouir de constater que le poulet demeurait la moins chère de toutes les viandes offertes dans le magasin. J'aimerais que vous nous parliez un peu de cet aspect de la question.
M. Maaskant: Je vais d'abord répondre à votre dernière question. Le prix de détail des produits alimentaires canadiens a augmenté de 33 p. 100 depuis 1985. Je parle de l'ensemble des produits alimentaires. Au cours de la même période, le prix de détail du poulet entier a augmenté deux fois moins. Notre système est donc très avantageux, puisqu'il permet d'offrir aux consommateurs des produits de bonne qualité à un prix raisonnable, tout en contribuant à la prospérité des régions productrices dans ce secteur. Grâce à ce système, les éleveurs de poulets et les autres entrepreneurs subsidiaires peuvent sauvegarder leur indépendance.
M. Calder: Pourquoi en est-il ainsi, John? Comment expliquer que le prix des autres denrées qui ne sont pas assujetties à un système de gestion de l'offre ait tellement grimpé comparativement à celui du poulet, alors que l'offre du poulet, elle, est contrôlée?
M. Maaskant: Une caractéristique de notre industrie, c'est qu'elle est en tout point transparente. Parce qu'on y applique un système de gestion de l'offre, tout ce qui se passe dans le secteur de la production est connu. Tout le monde peut voir ce que nous faisons, quels sont nos prix et comment ils sont établis, quels sont nos coûts de production et à quoi ils sont attribuables. Rien n'est caché. Et de par la loi qui nous régit, nous sommes tenus de rendre compte au gouvernement de la façon dont nous fonctionnons et dont nous respectons les règles. Nous devons justifier tout ce que nous faisons, et nous n'avons pas de mal à le faire. Autrement dit, nous faisons tout à ciel ouvert.
Je ne saurais témoigner de ce qu'il en est dans les autres secteurs.
M. Calder: Juste une autre question, puis je vous laisse poursuivre. Notre industrie est-elle exposée au même titre que toutes les autres semblent l'être aux cycles d'expansion et de ralentissement, qui font qu'on se retrouve tantôt avec un surplus tantôt avec une pénurie de produits? Aurait-on établi le système de gestion de l'offre en partie pour prévenir de telles fluctuations?
M. Maaskant: Naturellement, la stabilité et la prévisibilité qui caractérisent notre industrie aident chacun des secteurs à planifier ses opérations et, partant, à être plus efficace. Les déséquilibres attribuables à des cycles d'expansion et de ralentissement dans la production des denrées coûtent très cher à la société. Cela ne fait aucun doute.
Quant à votre autre question à propos de l'industrie américaine et de ses différences avec la nôtre, j'en aurais long à vous dire à ce sujet. Dès le départ, au Canada - et c'est vraiment unique au monde - , la loi qui nous régit nous permet d'effectuer des opérations d'une façon ordonnée au nom des producteurs. En fait, nous négocions les prix et les volumes au nom des producteurs et gérons ensuite pour eux leur production. C'est unique au monde.
Aux États-Unis, le producteur de poulets n'a vraiment pas voix au chapitre. Il travaille à contrat. Ces contrats finissent d'ailleurs par faire de ces producteurs des quasi-esclaves. C'est vraiment ainsi que les choses se passent dans la plupart des pays où l'on produit du poulet: les éleveurs élèvent leurs poulets en vertu d'ententes contractuelles conclues avec une industrie verticalement intégrée dominée par les secteurs des provendes et de la transformation. Ce qui est particulier aux États-Unis, c'est qu'il y est tout à fait acceptable de profiter des gens autant qu'on le peut. En Europe, la plupart des contrats d'élevage sont un peu moins impitoyables, mais aux États-Unis, les affaires sont les affaires, et on y va aussi loin qu'on peut se le permettre. Je pense que c'est bien compris.
La principale différence, c'est qu'aux États-Unis le producteur gagne très peu, ne contrôle rien et n'a aucune dignité. Il peut très difficilement contribuer aux mieux-être de sa collectivité parce qu'il est très pauvre et qu'on le maintient résolument dans cette condition. Ce n'est pas le genre de système que nous jugeons responsable. Ce n'est pas non plus une façon responsable de gérer l'environnement, car généralement, les producteurs ne peuvent se payer le luxe de se soucier de l'environnement. Ce n'est pas non plus une façon responsable d'assurer la salubrité des aliments, car les producteurs n'ont vraiment pas les moyens de s'en préoccuper.
Je ne suis pas certain que ce mode de fonctionnement soit forcément plus efficace. D'autres facteurs expliquent que leurs coûts soient inférieurs aux nôtres. Quand on vit dans le sud, naturellement, les provendes coûtent moins cher et les bâtiments aussi. Un des facteurs qu'il nous faut toutefois reconnaître, c'est que, même si nous pouvons produire au même coût - d'ailleurs, producteur pour producteur, nous les talonnons de près - , nous sommes en concurrence avec des industries gigantesques intégrées verticalement. Les principales sociétés de ce secteur y ont chacune une taille comparable à l'ensemble de notre industrie. Il ne leur est même pas nécessaire de produire à un coût plus inférieur au nôtre. Pour nous, c'est comme se battre à un contre dix. C'est joliment pénible, car nous luttons vraiment à armes inégales.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à vos questions.
Le président: Merci. Madame Cowling.
Mme Cowling: Merci, monsieur le président.
Parmi les recommandations qui ont été présentées à notre comité par des groupes comme le vôtre, il y a celle de créer un poste de ministre, ou de secrétaire d'État ou quelque autre poste de ce genre dont le titulaire serait responsable des régions rurales. Je me demande ce que vous en pensez et si vous appuieriez une telle proposition. S'il y avait un tel ministre, quel serait son mandat?
M. Sandercock: Je ne tiens pas tellement à me prononcer sur ce genre de question. Certes, nous, du Canada rural, nous avons indéniablement besoin d'être le mieux représentés possible. Mais je tiens à vous signaler que l'actuel ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire travaille très fort pour nous et a fait beaucoup pour notre industrie. Il a bien défendu notre industrie et notre système de mise en marché, mais je sais qu'il est terriblement surchargé de travail et que peut-être il aurait besoin qu'on lui prête main-forte. Nul doute qu'il serait utile d'avoir un autre ministre pour s'occuper du développement rural.
Je ne sais pas si j'ai répondu convenablement à votre question.
Mme Cowling: Êtes-vous plutôt en faveur d'une telle idée?
M. Sandercock: Oui.
Mme Cowling: C'est une proposition que vous appuieriez. Quel mandat aurait ce ministre? Notre comité s'intéresse à tous les secteurs, à toutes les ressources naturelles du Canada, qu'il s'agisse des mines, de la forêt, de l'énergie ou de l'agriculture. Comment verriez-vous le rôle d'un ministre du développement rural? Avez-vous déjà eu l'occasion d'en discuter?
M. Sandercock: Non, nous n'en avons jamais discuté. Je serais donc mal venu, je pense, de vous dire quelle serait la politique de notre groupe à cet égard. J'ai des idées personnelles à ce sujet, mais peut-être pourrions-nous en discuter à un autre moment.
Mme Cowling: Bien sûr.
Mon autre question concerne le système de commercialisation ordonnée. On a mentionné à notre comité à plusieurs reprises que nous devrions appuyer le maintien de solides systèmes de commercialisation ordonnée. J'imagine qu'il en sera question dans nos conclusions et que nous en ferons même une recommandation.
J'aimerais que vous nous en parliez encore un peu, car je pense que vous nous en avez donné une assez bonne description. Qu'arriverait-il à votre industrie, aux emplois dans notre pays, notamment dans les régions rurales, si des gens comme vous n'étaient pas protégés par ce système de commercialisation ordonnée?
M. Sandercock: L'abolition de ce système aurait des conséquences proprement dévastatrices dans nos régions rurales. Nous y perdrions en cinq ans, si j'ai bonne mémoire, quelque38 000 années-personnes. Non seulement le producteur de poulets devrait-il renoncer à son gagne-pain, mais son épouse aussi, si jamais elle travaillait dans une entreprise locale. Il leur faudrait aller s'établir ailleurs, car il n'y aurait plus aucun moyen de gagner sa vie dans cette localité.
Le producteur de poulets, qui était peut-être membre actif d'un groupe communautaire ou, qui sait, pompier volontaire, serait obligé d'emménager ailleurs, avec ses enfants. L'élimination du système de commercialisation ordonnée aurait bien d'autres conséquences. Non seulement le producteur perdrait-il son exploitation agricole, ce qui serait désastreux, mais il perdrait aussi sa maison et ses amis qui sont comme lui intégrés dans cette collectivité.
Ce serait indéniablement catastrophique pour le Canada rural, mais ce le serait aussi pour les villes. Quand il se perd des emplois dans une région rurale, on en subit les conséquences dans les régions urbaines. Celui qui perd son emploi en campagne n'achète pas de camion ni de réfrigérateur en ville. Il ne dépense plus. Dans la région rurale d'où je viens en Saskatchewan... Chaque dollar qu'on donne à un agriculteur au Canada rural circule en moyenne dix fois. Ce dollar n'ira plus dans les régions rurales. Il ira s'engloutir aux États-Unis où on l'utilisera pour faire du dumping sur nos marchés.
Une autre chose que je tiens à rappeler, c'est que ces volatiles mangent des provendes, et que nous sommes aussi producteurs de provendes. Par conséquent, nous n'aurions plus besoin d'en produire puisque nous importerions des volatiles que nous n'aurions pas eu à nourrir. Par conséquent, nous perdrions aussi ce secteur agricole. Nous perdrions des emplois dans l'industrie du camionnage et de l'agriculture. La population diminuerait dans nos localités, car nos gens s'en iraient ailleurs. Les localités et les régions rurales s'en trouveraient ruinées. Ce serait un désastre pour le Canada.
Mme Cowling: J'aurais une autre question, monsieur le président.
Plusieurs des témoins qui ont comparu devant notre comité semblent avoir indiqué qu'il y a de la concurrence entre les régions rurales et les régions urbaines au Canada, et qu'il y aurait peut-être lieu de modifier les règles du jeu de manière à les adapter aux besoins des régions rurales pour favoriser leur développement économique. Très souvent, le point de départ en milieu rural se situe bien loin derrière ce qu'il est dans les centres urbains. Qu'en pensez-vous?
M. Sandercock: Il me faudrait y penser un peu. J'habite une région rurale, comme vous le savez, et je m'y plais beaucoup. À mon avis, tous les Canadiens devraient être traités équitablement et également, et je pense que je peux très bien me tirer d'affaire en milieu rural. J'estime cependant que la loi sur le système de gestion de l'offre, qui nous a si bien servis jusqu'à maintenant, doit être maintenue. Il nous faut la garder pour que je puisse conserver ma maison, continuer de faire partie d'une collectivité rurale dynamique et y réinvestir mon argent.
Je ne pense pas qu'il faille nous accorder un traitement de faveur. Tout ce dont j'ai besoin, c'est qu'on maintienne cette loi pour me permettre de continuer de faire ce que je fais.
Mme Cowling: Ça va. Merci.
Le président: Monsieur Reed.
M. Reed: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis très heureux que vous ayez fait valoir ces points de vue devant notre comité aujourd'hui. Nous constatons qu'à bien des égards nos intérêts se recoupent. Notre comité s'occupe des ressources naturelles. Ce n'est pas le Comité de l'agriculture. Mais le développement rural englobe tout cela. Il est donc très important que vous transmettiez aussi le message à notre comité.
Une des choses que nous avons découvertes en parcourant le Canada c'est que parfois les intérêts des uns et des autres se confondent, et que s'il n'y avait pas de secteur rural dynamique, il n'y aurait pas non plus de secteur urbain prospère.
Mme Cowling parlait des règles du jeu sur le plan législatif, mais peut-être qu'elles ne touchent pas aussi directement l'industrie du poulet, par exemple, que d'autres secteurs d'activité économique en milieu rural. Quand on essaie d'établir des règles visant à permettre le développement des ressources propres au secteur rural, qu'il s'agisse des mines ou de quelque autre secteur... on a tendance à se laisser par trop influencer par les pressions qu'exercent les régions urbaines.
On dit souvent que le nord de l'Ontario - et cela vaut notamment pour l'industrie de la forêt - est fréquemment dominé par des gens qui vivent au sud de l'autoroute 401. C'est ce que voulait dire Mme Cowling, je pense. Nous nous demandons donc vraiment s'il ne serait pas souhaitable de permettre au milieu rural de fixer ses propres règles et de ne pas se laisser mener de la sorte par le milieu urbain.
C'est contre nature en politique, car la politique est dans une large part l'affaire de la majorité, j'en suis conscient. Encore que, tôt ou tard, les milieux urbains vont devoir se réveiller et se faire à l'idée que sans un secteur rural dynamique, sans le solide apport des industries du secteur des ressources, nos villes n'auraient pas d'avenir.
Maintenant que je vous ai transmis le fonds de ma pensée sur cela... Encore un peu, et je faisais un discours.
La question de l'exportation de vos produits, qui n'en serait, à ce que j'ai compris, qu'à ses tout débuts, m'intrigue. Simplement pour éclairer les membres du comité, pourriez-vous nous dire où vous exportez vos produits et quel genre de produits vous exportez? Quelle est la réaction dans les pays où nous exportons?
M. Sandercock: Je suis heureux que vous souleviez la question des exportations, mais si vous me permettez de revenir un peu... En allant visiter d'autres pays un peu partout dans le monde, spécialement celui situé au sud de notre frontière, nous avons l'occasion de traverser d'un bout à l'autre les régions rurales des États-Unis et du Canada. Pour avoir parcouru de long en large les campagnes du Manitoba, de l'Ontario et du Québec et vu à quel point les agriculteurs canadiens ont l'orgueil de leurs fermes, et surtout sont soucieux de l'environnement, je puis vous assurer que je suis fier d'être canadien.
Je crois que les agriculteurs canadiens sont de très bons gardiens de l'environnement. S'il est une chose que nous attendons de vous, c'est que vous défendiez notre droit d'exploiter nos entreprises agricoles et de continuer de faire ce que nous faisons. S'il faut une loi pour cela, qu'on nous donne une loi qui confirmera notre droit de continuer de fournir aux Canadiens des produits de qualité. Les Canadiens exigent des produits de qualité, et nous demandons qu'on nous donne le droit leur en procurer en toute liberté, compte tenu, je le répète, que nous sommes d'excellents gardiens de l'environnement.
Je ne pouvais laisser passer cela.
M. Reed: C'est merveilleux.
M. Sandercock: Je suis fier d'être canadien, même très fier. Pour avoir vécu ailleurs, je suis heureux de ce que nous avons ici et j'en suis très fier.
Vous me demandiez où nous exportions nos produits. Vers des endroits comme Cuba - nous connaissons les problèmes que cela pose ces temps-ci - , l'Afrique du Sud, la Russie, la Chine. Les gens de ces pays sont contents d'avoir des produits canadiens de qualité. Nous ne pesons pas très lourd sur ce marché, comme vous êtes à même de constater - notre éléphantesque voisin du sud s'y tire vraiment mieux d'affaire que nous - , mais nous emménageons notre créneau sur le marché canadien et sur le marché d'exportation, et ce, sans aucune subvention.
M. Reed: Et vous n'avez pas encore été menacé par Jesse Helms?
M. Sandercock: Il se trouve que je vends des engrais pour Sheriff, donc...
M. Calder: Rappelez-vous du Texas.
M. Reed: Ça m'intrigue.
M. Maaskant: Je pense qu'avec le temps... Nous allons tendre à planifier nos exportations. Jusqu'à maintenant, nous nous sommes généralement contentés d'exporter nos produits pour répondre à des urgences ou pour profiter d'occasions intéressantes. Une fois que nos exportations seront planifiées, nous serons, je crois, en meilleure position, car nous vendrons surtout des produits à valeur ajoutée, ce qui, bien sûr, est bien plus intéressant en termes d'emplois. Voilà précisément le genre d'orientation que nous devrions prendre.
Nous pourrons, je crois, exporter certains produits vers les États-Unis. Nous avons des produits exclusifs de très haute qualité qui pourraient percer sur le marché américain.
M. Reed: Quel genre de produits exportez-vous actuellement?
M. Maaskant: Aux États-Unis?
M. Reed: N'importe où, à Cuba, en Chine...
M. Maaskant: Généralement des viandes brunes. C'est traditionnellement ce qui arrive en Amérique du Nord: la viande brune est exportée, car il se consomme plus de viande blanche sur le marché intérieur. Dans d'autres régions du monde, on préfère la viande brune. C'est d'ailleurs de cette façon que l'industrie américaine équilibre elle aussi son marché.
Le président: J'aurais deux petites questions. Votre association demande-t-elle à ses membres, ou leur suggère-t-elle - j'imagine que vous devez au moins le leur suggérer - d'acheter leurs biens et services auprès de fournisseurs du Canada rural et de se procurer leurs intrants auprès d'industries qui ont choisi de s'établir en milieu rural? Votre association a-t-elle une politique proactive de ce genre?
M. Sandercock: Je pense que nous avons spontanément à cet égard une politique nettement proactive. Elle n'émane pas de notre association comme telle, mais des producteurs eux-mêmes. Les producteurs, les offices de commercialisation du poulet et les provinces font la promotion de l'achat dans les localités rurales, car c'est là que nous gagnons notre vie. Ma réponse serait donc oui.
Le président: Pourrait-on en dire autant de...
M. Maaskant: J'ajouterai à cela que, de par la nature même de notre industrie, une telle politique est inévitable. Nous n'aurions pas avantage à aller acheter nos poussins et nos provendes trop loin, car nous les y paierions plus cher.
Le président: Je vois. Mais laissez-moi vous poser ma question à propos des services aux entreprises. Vous employez tous des comptables et des avocats, je présume. Diriez-vous qu'ils viennent tous du Canada rural.
M. Maaskant: C'est généralement le cas, car ce ne serait tout simplement ni pratique ni souhaitable de me procurer ces services à Toronto si j'habite à deux heures de cette ville. On a facilement accès à ce genre de services dans les régions rurales. Les professionnels qui les offrent peuvent y faire d'excellentes affaires et y faire une carrière intéressante.
Le président: Les membres du comité s'étaient demandé si les producteurs de ressources naturelles, dans les secteurs agricole ou minier, prenaient soin de se procurer en milieu rural les services de soutien nécessaires à la bonne marche de leurs entreprises, et si les producteurs du secteur primaire, comme vous, tenaient à faire leur part pour que les professionnels qui sont établis en milieu rural et y offrent ces services y trouvent des clients en nombre suffisant pour avoir intérêt à y rester. Je suis heureux de vous entendre dire que votre association partage cette vision, de même que ses membres.
Comme il est 13 heures, nous allons devoir mettre fin à notre séance. J'aimerais vous remercier tous chaleureusement d'être venus ici aujourd'hui pour nous faire part de votre témoignage. Nous vous en sommes fort reconnaissants. Le comité reprendra ses travaux à 11 heures mardi prochain.
La séance est levée.