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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 avril 1997

.1105

[Traduction]

Le président (M. Andy Mitchell (Parry Sound - Muskoka, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Avant de passer à notre séance officielle, j'aimerais donner la parole à M. Reed.

M. Julian Reed (Halton - Peel, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de ne pas juger mon commentaire irrecevable.

J'aimerais reconnaître de façon officielle la présence avec nous ce matin du Forum des jeunes Canadiens. J'ai eu le privilège de rencontrer certains de ces jeunes et j'ai pu participer à leur banquet hier soir.

Il y a peu d'activités plus valables ici que celles qui s'effectuent dans le cadre du Forum des jeunes Canadiens. Nous vous sommes reconnaissants de venir ici pour vous informer de la vie politique et nous osons espérer que certains d'entre vous choisiront de briguer les suffrages pour vous mettre au service de votre pays.

Je vous souhaite la bienvenue au nom de nous tous. Il y a unanimité là-dessus, j'en suis convaincu.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci beaucoup, monsieur Reed.

Pour tous ceux qui sont ici présents, je précise que nous étudions aujourd'hui en comité un projet de loi qui nous a été renvoyé, à savoir le projet de loi C-249, Loi modifiant la Loi sur la responsabilité nucléaire. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été déposé devant la Chambre, a franchi l'étape de la deuxième lecture et a maintenant été renvoyé au comité compétent, à savoir le nôtre.

Comme nous le faisons normalement dans ce genre de situation, nous avons demandé aux responsables de notre ministère compétent, le ministère des Ressources naturelles, de comparaître pour nous donner leurs vues sur le projet de loi.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui comme témoins principaux M. Bob Morrison, conseiller spécial, et M. McManus, deux personnes qui ont déjà comparu devant notre comité. Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau. Je vais vous céder la parole pour des commentaires liminaires et ensuite nous allons passer aux questions.

M. Bob Morrison (conseiller spécial, Division de l'uranium et de l'énergie nucléaire, Direction des ressources énergétiques, ministère des Ressources naturelles): Merci beaucoup, monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais remercier les membres du comité de l'intérêt qu'ils ont manifesté et du soutien qu'ils ont accordé pour ce qui est de l'adoption de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, qui contribuera grandement à la réglementation du secteur nucléaire au Canada au cours des années à venir.

Pour ce qui est du projet de loi C-249, nous en appuyons les objectifs, qui consistent essentiellement, d'après nous, à améliorer l'indemnisation des victimes dans l'éventualité peu probable d'un accident nucléaire grave. Cependant, le projet de loi C-249 ne touche qu'à un aspect de la loi et ce, isolément des autres aspects.

Selon nous, nous devons mettre à jour et moderniser complètement, la Loi sur la responsabilité nucléaire pour répondre à nos besoins intérieurs et nous adapter aux pratiques internationales. Si le projet de loi est adopté tel quel, nous craignons que ne soit compromis le processus d'examen que nous avons amorcé pour en arriver à une modification en profondeur de la loi. Ce processus est passablement avancé et nous estimons être en mesure de donner au nouveau gouvernement des propositions très précises et très complètes.

Aujourd'hui, j'ai l'intention de vous présenter un aperçu de la Loi sur la responsabilité nucléaire, de nos activités dans le cadre de l'examen en cours et de nos propositions préliminaires de modification intégrée en profondeur.

L'objet de la Loi sur la responsabilité nucléaire consiste à assurer la disponibilité de fonds pour l'indemnisation des victimes d'un accident éventuel ainsi que d'un mécanisme d'accès simple et juste à ces fonds. Il consiste également à mettre en place un régime de responsabilité stable et prévisible pour le secteur nucléaire et ses fournisseurs.

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Les principales dispositions de la loi sont les suivantes. Tout d'abord, le caractère absolu de la responsabilité. C'est l'exploitant qui est responsable et il n'y a aucun besoin de prouver la négligence pour pouvoir demander l'indemnisation.

Également, la responsabilité de l'exploitant est exclusive. Les exploitants sont les seuls responsables et ils sont entièrement responsables. Ainsi, les fournisseurs de matériel à un exploitant d'installations nucléaires comme Hydro Ontario ne peuvent être poursuivis par l'exploitant ou par des tiers. C'est Hydro Ontario qui assume l'entière responsabilité de la sécurité de ses centrales nucléaires.

L'assurance est obligatoire pour l'exploitant, jusqu'à une limite précisée. L'une des dispositions du projet de loi C-249 porte justement là-dessus.

Également, la responsabilité de l'exploitant est limitée dans sa durée aussi bien que dans sa valeur.

La loi comporte un régime d'assurance. La Commission canadienne de l'énergie atomique - mon collègue John McManus précisera sous peu quels sont les intérêts de la commission - , qui agit à titre d'organisme de réglementation fédéral, désigne les installations et détermine les niveaux d'assurance obligatoires. L'assurance est fournie par la Nucluear Insurance Association of Canada. Notre ministre, le ministre des Ressources naturelles, doit approuver l'assureur. Le gouvernement fédéral supplée à l'assurance de la NIAC par une réassurance. De plus, la loi actuelle prévoit une indemnisation implicite par le gouvernement fédéral au-delà de la limite de responsabilité.

La loi prévoit qu'une Commission des réparations des dommages nucléaires peut être proclamée par le gouverneur en conseil si les dommages résultant de l'accident dépassent la limite de responsabilité ou s'il est jugé dans l'intérêt public de créer une telle commission. La commission créerait un système administratif pour le règlement d'un grand nombre de demandes d'indemnisation. Elle remplacerait le système judiciaire, dans le cadre duquel les poursuites seraient intentées selon les règles de droit applicables aux préjudices. Nous estimons qu'en cas d'accident, cette façon de faire assurerait un processus efficace et équitable de règlement et permettrait d'éviter des procès.

Pour ce qui est du processus de l'examen de la LRN, au moment de la promulgation de cette loi en 1976, le ministre avait précisé qu'un examen devrait avoir lieu après cinq ans. En 1982, la CCEA a entrepris l'examen de la LRN. En 1990, la CCEA a présenté son rapport au ministre. Le ministère qui nous a précédés, Énergie, Mines et Ressources, a alors assumé la responsabilité et poursuivi l'examen.

En 1991, nous avons créé un comité d'examen. Cependant, en 1993, nous étions devant les tribunaux, relativement à une poursuite qui avait été intentée en 1987. Nous avons constaté à ce moment-là que nous ne disposions pas des ressources voulues pour mener de front l'examen de la loi et l'affaire devant les tribunaux. De plus, il était difficile de défendre la mesure législative devant les tribunaux tout en en faisant l'examen. Nous avons donc laissé tomber le processus d'examen durant un certain nombre d'années et nous l'avons repris en 1995.

Permettez-moi de vous résumer brièvement le déroulement du litige. Les plaignants étaient Energy Probe, un groupe environnemental, la ville de Toronto et Rosalie Berthell, une personne qui s'oppose au nucléaire à cause des dangers du rayonnement. La partie défenderesse était le procureur général du Canada. Hydro Ontario et Énergie Nouveau-Brunswick participaient comme intervenants.

Essentiellement, la thèse des plaignants consistait à dire que la loi n'était pas valable puisqu'elle contrevenait à la Loi constitutionnelle, à la Charte canadienne des droits et à la Déclaration canadienne des droits. Le tribunal a décidé de rejeter la poursuite avec dépens. Il a défendu fermement la constitutionnalité de la loi. Les plaignants ont déposé un avis d'appel mais par la suite, en mai, ils ont décidé d'abandonner l'appel. Nous poursuivons donc l'examen de la Loi.

Nous avons tenu des consultations interministérielles sur les propositions préliminaires de révision en 1995 et jusqu'au printemps de 1996. En juillet 1996, nous avons transmis ces propositions aux principaux intéressés: les provinces dotées d'installations nucléaires, les exploitants d'installations nucléaires, et les personnes concernées dans le milieu de l'assurance. Les consultations ont eu lieu à l'automne de l'an dernier. Les intéressés nous ont transmis leurs commentaires écrits en décembre et nous sommes à préparer un document contenant les révisions recommandées, que nous espérons être en mesure de soumettre à l'attention du ministre de RNCan, avec les modifications à la loi recommandées en juin de cette année, dans quelques mois. L'ensemble des mesures proposées pourra être soumis au prochain gouvernement dès son entrée en fonction. À ce moment-là, le gouvernement décidera du processus de consultation opportun avant de soumettre le projet de loi au Parlement.

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J'aimerais maintenant passer à nos propositions préliminaires de modification de la loi. Elles tombent dans quatre catégories. Tout d'abord, l'amélioration de l'indemnisation des victimes. Comme c'est le cas pour le projet de loi C-249, nous souhaitons accroître les limites de responsabilité et les niveaux d'indemnisation des victimes. Nous souhaitons modifier le délai de prescription et simplifier le processus d'indemnisation. Nous souhaitons en outre élargir certaines des dispositions actuelles de manière à définir le processus d'indemnisation avant qu'un accident ne se produise plutôt qu'après. Selon la loi actuelle, la Commission des répartitions ou la réglementation pertinente ne serait établie qu'après un accident, ce qui n'est pas nécessairement le meilleur moment pour le faire. Nous voulons faire en sorte que cela se fasse avant en le prévoyant dans la loi.

Deuxièmement, nous devons également définir les dommages nucléaires avec plus de précision.

Un troisième objectif est de réduire la responsabilité financière du fédéral par l'assouplissement des exigences en matière de réassurance et en exigeant également que certains organismes fédéraux, comme Énergie atomique du Canada Limitée, contractent des assurances pour alléger d'autant le fardeau du contribuable.

Quatrièmement, il y a un certain nombre de problèmes techniques dans la loi. Nous pensons que le libellé doit être précisé et que certaines ententes sur les assurances doivent être révisées.

Voilà l'ensemble de nos objectifs lorsque nous proposons des modifications à la loi. Je vais les passer en revue rapidement d'une façon un peu plus détaillée.

Le premier objectif est d'améliorer l'indemnisation des victimes, et c'est également un objectif du projet de loi C-249. Mais je le répète, il importe de procéder de façon exhaustive et de réviser l'ensemble de la loi car il serait contre-productif de s'occuper de ce seul élément d'une façon isolée. S'il est nécessaire d'améliorer l'indemnisation des victimes, c'est que la limite actuelle de 75 millions de dollars remonte à 1976. À l'époque, c'était conforme à la capacité d'assurance disponible et il s'agissait d'un type d'assurance qui était très innovateur. Cette limite s'est dévaluée avec l'inflation, et aujourd'hui, parmi les pays du G-7, le Canada est un de ceux qui a la plus faible limite de responsabilité. Nous pensons que d'autres formes de sécurité financière pourraient être envisagées, et on devrait les conjuguer de façon à optimiser la couverture tout en limitant la responsabilité financière de l'exploitant. Un certain nombre d'exploitants ont suggéré, entre autres, le principe de l'autoassurance.

Nous pensons qu'il est possible de créer des réserves nationales et internationales financées à la fois par les États et par les exploitants pour augmenter la limite sans pour autant accroître le fardeau imposé individuellement aux intéressés. Nous voulons discuter avec les provinces de la possibilité d'un financement provincial et plus spécifiquement de la responsabilité fédérale telle que définie dans la législation.

Nous pensons qu'il faudrait également reconsidérer les périodes d'indemnisation. Un certain nombre de cancers peuvent rester latents pendant 30 ans après un accident, et par conséquent, ils échapperaient à la limite actuelle de 10 ans. C'est une chose qui mérite d'être réexaminée.

Nous pensons également que le processus d'indemnisation des victimes devrait être simplifié. Un système administratif est probablement la meilleure solution. Les règlements et les méthodes de cette commission des réparations devraient être précisés, comme je l'ai dit, avant qu'un accident ne se produise pour éviter de devoir régler ces détails en période de crise.

Quant à l'élargissement des dispositions actuelles, nous voulons examiner les modalités de fonctionnement de la Commission des réparations et élaborer d'avance des règles et règlements. Lorsque la loi révisée aura obtenu la sanction royale, évidemment, il faudra adopter des règles de procédure et des règlements sur les modalités d'indemnisation et également sur les paiements provisionnels qui pourraient être nécessaires en situation d'urgence. Nous voulons nous assurer que les dispositions nécessaires à ce genre de mesures figurent dans la loi.

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Également, nous voulons faire en sorte que les règles et règlements soient tenus à jour. Par exemple, si certains règlements de la loi actuelle nous autorisaient à réviser la limite de responsabilité d'une façon périodique, il ne serait pas nécessaire de réviser la loi chaque fois que cela doit être fait.

Nous voulons également réviser la définition des dommages nucléaires de façon à y inclure les dommages à l'environnement, les mesures préventives et les pertes monétaires pures, là encore, en vue d'améliorer le régime d'indemnisation en même temps.

Nous voulons réduire la responsabilité du fédéral. On pourrait le faire en imposant aux exploitants une limite de responsabilité plus élevée. Ils assumeraient donc une part plus importante du fardeau, leur limite étant plus élevée, et en même temps, le gouvernement fédéral continuerait à assumer la responsabilité à un niveau inférieur, ce qui correspond mieux à ses capacités.

Nous voulons étudier la possibilité de suppléer l'assurance et la réassurance pour tenter d'atteindre des niveaux de couverture qui reflètent davantage les risques liés à chaque type d'installation. À l'heure actuelle, la limite est de 75 millions de dollars pour chaque installation, quelle que soit sa taille, pour les réacteurs de recherche dans les universités, etc. Nous pensons qu'il devrait y avoir une limite distincte pour chaque type d'installation, une limite qui tienne compte des dommages possibles. Nous voudrions également préciser davantage les responsabilités en vertu de la loi pour réduire le recours à la réassurance fédérale. Nous voulons renégocier la convention de réassurance avec la NIAC pour définir clairement les responsabilités fédérales. Enfin, nous voulons obliger les installations nucléaires fédérales à avoir des assurances privées ou une autre forme de sécurité financière.

Enfin, il y a dans la loi un certain nombre de problèmes techniques. Si vous avez essayé de la lire, vous y aurez sans doute trouvé des passages difficiles à lire et à comprendre. Nous aimerions rendre cet instrument plus lisible, supprimer les ambiguïtés.

Comme je l'ai dit, nous voulons élaborer des dispositions facilitant la mise à jour pour n'être pas forcés de s'adresser au Parlement pour réviser les sommes prévues. Une formule devrait être adoptée pour permettre de suivre l'inflation.

Nous voulons également réviser les ententes sur les assurances et resserrer les liens entre le gouvernement fédéral et les assureurs.

De manière générale, nous souscrivons aux objectifs du projet de loi C-249. Cependant, ce projet de loi ne vise qu'un des aspects de la loi, à savoir, augmenter les niveaux d'indemnisation. Nous pensons qu'il serait plus efficace d'aborder ce point dans le cadre du processus global d'examen en cours au gouvernement. Les principes fondamentaux sur lesquels repose la loi demeurent pertinents. Il est toutefois nécessaire de procéder à un examen approfondi pour mettre la législation à jour.

L'un des principaux objectifs de l'examen de la loi est d'améliorer les dispositions visant l'indemnisation des victimes. Nous pensons donc que les objectifs généraux du projet de loi C-249 pourraient figurer dans notre examen global car tout cela est compatible. Il s'agit entre autres d'augmenter les limites de responsabilité et les périodes d'indemnisation.

Comme je l'ai dit, la première série de consultations auprès des intéressés est terminée et notre comité d'examen interministériel compte soumettre des recommandations concernant la modification de la loi cet été. Cela sera prêt à temps pour le nouveau gouvernement.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Morrison.

Nous passons maintenant aux questions. Pour commencer, monsieur Canuel, du Bloc.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia - Matane, BQ): Le Bloc québécois étant d'accord sur le projet de loi C-249, je n'aurai que quelques précisions à vous demander.

Vous avez sûrement eu des commentaires favorables quant à ce projet de loi - ce ne sont pas forcément ceux-là qui m'intéressent - de même que des commentaires défavorables. Quels sont ceux qui sont le plus défavorables? Je ne parle pas de commentaires de la part de compagnies qui auraient avantage à payer le moins possible. Avez-vous reçu des commentaires défavorables ayant trait à des aspects autres que pécuniaires?

M. Morrison: Non. L'aspect pécuniaire est la plus grande préoccupation des compagnies et des services publics. Ce sont les commentaires les plus sérieux que nous avons reçus. Au niveau provincial, il y a certaines préoccupations quant au fonctionnement des plans d'urgence et à leur relation avec notre système de compensation.

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C'est une préoccupation pour nous aussi, parce que ce qu'on serait obligés de payer dépendrait des mesures prises par les autorités provinciales après la déclaration d'un état d'urgence. Donc, on a tous intérêt à régler cette question.

M. René Canuel: Y a-t-il, selon vous, des compagnies qui vous n'auraient pas les moyens financiers de passer de 75 millions à 500 millions de dollars? La compagnie pourrait bien dire oui, mais à un moment donné, on pourrait s'apercevoir qu'elle n'a les fonds nécessaires en fiducie pour que ce soit une garantie sérieuse. Cela peut-il se produire? Certaines compagnies disent-elles qu'elles ne peuvent se rendre jusque-là?

M. Morrison: Non. Nous croyons que toutes les compagnies touchées par cette loi seraient capables de payer. Ce sont surtout les installations nucléaires d'une certaine envergure qui sont touchées, comme les centrales nucléaires et les mines d'uranium. On va tâcher d'améliorer le régime pour elles. L'une des choses que nous aimerions serait de ne pas avoir une limite de 500 millions de dollars pour toutes les installations, mais plutôt une limite proportionnelle au danger possible.

Nous croyons que les grandes compagnies, soit les mines d'uranium et les compagnies de service public comme Ontario Hydro, auront les moyens de payer ce qu'il faut. Comme je le disais plus tôt, nous aimerions agir de façon à améliorer la compensation sans imposer un fardeau proportionnel aux compagnies. Il y a d'autres moyens d'assurance qu'on pourrait combiner: les pools, l'auto-assurance, etc. Ce n'est pas comme si tout le fardeau devait retomber proportionnellement sur les compagnies.

M. René Canuel: Ce projet de loi n'augmente-t-il pas considérablement la responsabilité civile du gouvernement?

M. Morrison: Du gouvernement fédéral?

M. René Canuel: Oui, du gouvernement fédéral.

M. Morrison: Non, nous ne le croyons pas, mais j'ai peut-être mal compris votre question.

M. René Canuel: Si une compagnie ne pouvait pas payer, le gouvernement serait-il forcé de prendre la relève?

M. Morrison: Non, je crois que les compagnies devraient payer. Une compagnie de service public qui produit de l'électricité a un revenu presque garanti. Elle pourrait toujours avoir accès à ce revenu. Les sommes en ce qui a trait à l'assurance ne sont pas énormes.

M. René Canuel: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ringma.

[Français]

M. Bob Ringma (Nanaïmo - Cowichan, Réf.): Je crois avoir compris la préoccupation deM. Canuel. Cela s'ajoute à la question que j'aimerais poser.

[Traduction]

Tout comme M. Canuel, je dois dire que le Parti réformiste approuvé les objectifs de cette loi. D'autre part, monsieur Morrison, ce que vous dites au sujet de la possibilité d'en étendre la portée, les propositions que vous aurez pour le gouvernement entre le mois de juin... tout cela semble très exhaustif. Vous posez des actes responsables car vous êtes un organisme compétent, vous connaissez tous les aspects qui doivent être pris en considération. Nous sommes donc sur la bonne voie.

Cependant, si j'ai bien compris l'idée que M. Canuel avait derrière la tête, c'est certainement là où je veux en venir, je songe à des situations comme Tchernobyl en URSS. C'était là une grande catastrophe. Je me demande dans quelle mesure vous avez, dans votre examen qui me semble très exhaustif, envisagé une solution en deux étapes. D'une part les catastrophes ordinaires, si vous me le permettez, ceux qui peuvent aller jusqu'à 500 millions de dollars, soit une situation tout à fait envisageable. Mais au-delà de cela, il pourrait y avoir une deuxième étape, pour les catastrophes vraiment énormes. Comme nous le savons tous, en matière d'énergie nucléaire, quand les choses vont de travers, les répercussions sont énormes.

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Donc, avez-vous réfléchi à une sorte de procédure à deux volets, d'une part les catastrophes ordinaires, mais au-delà de ce volet, l'intervention inévitable du gouvernement du Canada?

M. Morrison: Oui, et la législation actuelle a toujours reposé sur cette hypothèse. En fait, dans la nouvelle loi, il faudrait peut-être essayer de préciser quelque peu les paramètres de la responsabilité gouvernementale. Ce serait certainement nécessaire si nous voulons nous associer à des réserves ou à des conventions internationales.

Tous les pays s'engageraient à offrir certains niveaux de financement. Au départ, il y aurait une contribution des exploitants sous une forme quelconque, probablement dans le cadre de contrats d'assurance. Il pourrait y avoir aussi une mesure d'autoassurance. Les exploitants pourraient ensuite mettre leurs ressources en commun, comme cela se fait aux États-Unis, ce qui leur permettrait de s'entraider en cas d'accident. Au-delà de ce volet-là, il faudrait faire appel au gouvernement national, et ensuite, la réserve des gouvernements nationaux pourrait intervenir. Au total, cela finit par faire pas mal de ressources.

À notre avis, un accident du genre de Tchernobyl ne pourrait pas se produire au Canada. Nous avons une loi, la LSCN, que votre comité a examinée, comme je l'ai dit plus tôt, et qui vise notamment à garantir que nous avons de bons règlements et que des accidents aussi graves ne puissent pas se produire. En cas d'accident grave, ce qui est très peu probable, la loi définirait les mesures à prendre.

Si jamais nous faisions face à une catastrophe de l'envergure de Tchernobyl à cause d'un accident nucléaire ou autre, cela aurait une telle importance politique que le Parlement lui-même s'en occuperait. Nous ne prévoyons pas explicitement d'accident qui puisse coûter de dizaines de milliards de dollars comme celui de Tchernobyl parce que nous sommes convaincus, dans le cas très peu probable où il y en aurait un, que le Parlement lui-même devrait décider des mesures à prendre compte tenu de l'endroit où l'accident s'est produit, des personnes touchées, et ainsi de suite.

Je devrais peut-être demander à mes collègues de la commission si c'est aussi leur avis.

M. J. G. McManus (conseiller spécial auprès du directeur général du Secrétariat, Commission de contrôle de l'énergie atomique): Oui, nous sommes bien d'accord qu'un tel accident est fort peu probable à cause de toutes les différences qu'il y a entre la situation au Canada et celle qui existait en Union soviétique. Je ne veux pas parler seulement des différences de conception et de structure réglementaire, mais aussi de la différence dans les mesures prises pour atténuer les conséquences d'un tel accident et surtout à cause des barrières de confinement supplémentaires qui existent dans les systèmes canadiens.

M. Bob Ringma: Je suis bien d'accord qu'un tel accident est fort peu probable au Canada, à cause de nos règlements et de notre sens des responsabilités et vu aussi que la situation en Union soviétique était très différente à l'époque de la situation qui existe au Canada. À part les considérations philosophiques, pensez-vous que nous avons tiré des leçons de Tchernobyl relativement à nos lois?

M. Morrison: Quant au régime d'indemnisation, un tel régime n'existait pas en Union soviétique ni en Ukraine. Une chose que nous avons apprise, je pense, c'est qu'il est bon d'avoir un tel régime.

M. Bob Ringma: Oui. C'est aussi une bonne chose d'avoir un différent régime gouvernemental.

M. Morrison: En effet, et je pense que l'une des leçons que nous avons apprises c'est que certains des problèmes dans le cas de Tchernobyl venaient du régime gouvernemental qui existait à l'époque.

Quand nous avons remanié et remis la loi à jour, nous songions effectivement à l'accident de Tchernobyl, c'est-à-dire aux dommages causés à l'environnement et à la nécessité d'avoir des ententes internationales parce que la radiation traverse les frontières. Nous avons effectivement appris bien des choses de cet accident. Par ailleurs, nos lois visent surtout des accidents un peu moins graves que celui de Tchernobyl parce que nous sommes convaincus qu'il est beaucoup plus probable que nous devions nous occuper d'accidents de ce genre.

M. Bob Ringma: Je vois. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Reed, pour les ministériels.

M. Julian Reed: Je voudrais poser une question au sujet des consortiums d'assureurs dans un contexte de collaboration internationale. Est-ce que cela ne veut pas dire qu'il faudrait évaluer d'une façon quelconque les technologies utilisées? Il me semble beaucoup moins probable vu la technologie que nous avons au Canada qu'il se produise un accident aussi catastrophique que l'accident de Tchernobyl en Russie ou aux États-Unis où il y a eu l'accident à Three Mile Island, par exemple, à cause des réacteurs à eau légère.

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Un consortium international ne défavoriserait-il pas le Canada vu que nous avons une technologie aussi sûre?

M. Morrison: Oui, c'est certes une chose que nous devrions examiner. À l'heure actuelle, nous ne faisons pas partie de consortiums internationaux sauf dans la mesure où l'industrie des assurances est une industrie internationale. Cela veut dire que, lorsqu'une compagnie veut s'assurer, les assureurs eux-mêmes mettent leurs ressources en commun à l'échelle internationale. Vous avez tout à fait raison de dire que si nous nous joignions à une convention ou à un consortium international, nous devrions évaluer très attentivement quels autres pays en font partie.

D'autre part, on peut aussi affirmer que le fait de renforcer une convention internationale ou un regroupement international de ressources aiderait à relever les normes dans d'autres pays. L'un des problèmes que nous aurons à aider des pays comme ceux de l'Europe de l'Est à rehausser leurs normes de sûreté, c'est que les fournisseurs occidentaux ont hésité jusqu'ici à faire affaire avec ces pays justement parce que ces pays n'ont pas instauré de régime de responsabilité, car ils n'ont pas signé les conventions internationales. Pour l'instant, le Canada ne fait pas partie non plus de conventions internationales. Ce sera très intéressant plus tard de peser le pour et le contre de faire partie de telles conventions.

M. Julian Reed: Sans vouloir trop insister là-dessus, il me semble qu'il y a, bien sûr, possibilité d'incidents que l'on pourrait comparer à des catastrophes supernaturelles. Cela n'arrive pas très souvent, mais lorsqu'un tel incident se produit, c'est très grave. Supposons que nous ayons conclu une entente ferme avec la Russie au moment de Tchernobyl. Quelles auraient été nos obligations en tant que pays si nous avions fait partie d'un consortium à l'époque?

M. Morrison: Cela dépendrait beaucoup de la façon dont les consortiums sont organisés, comment ils fonctionnaient et du consortium dont nous faisons partie. Mon collègue David McCauley s'est occupé de cette question et voudra peut-être ajouter quelque chose. Je sais que si nous avions fait partie d'une convention internationale quelconque au moment de Tchernobyl, nous aurions probablement dû verser une indemnisation de plusieurs dizaines de millions de dollars. D'autre part, comme les autres pays occidentaux, nous aurions aussi probablement pu inciter ces pays à relever leurs normes de sécurité plus rapidement. Cela aurait certainement été très avantageux pour les habitants de l'Ukraine et du Bélarus, qui ont été le plus directement touchés par cet accident, si un régime international avait pu leur venir en aide à l'époque. Cela nous aurait coûté quelque chose, bien sûr, mais cela aurait probablement amélioré sensiblement le régime international de sécurité et d'indemnisation. Cela aurait donc eu des bons et des mauvais côtés.

M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Bélair.

M. Réginald Bélair (Cochrane - Supérieur, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir brièvement sur l'historique de l'examen. Il a fallu une quinzaine d'années avant qu'on formule des recommandations au ministre. Il me semble qu'on a dû entre-temps soumettre d'autres recommandations aux divers ministres qui se sont succédé. Avez-vous un échéancier quelconque pour l'examen que vous faites maintenant?

M. Morrison: Oui. Comme je l'ai dit, nous espérons pouvoir présenter des recommandations complètes au ministre d'ici à la fin de juin pour qu'un nouveau gouvernement puisse s'en occuper.

M. Réginald Bélair: Merci.

Ma deuxième question porte sur les propositions énumérées à la page 7, où l'on dit qu'il faudrait une définition plus explicite des dommages nucléaires. Sans être un expert en la matière, il me semble que ce sera extrêmement difficile de définir les possibilités de dommages nucléaires. Il y a aussi la définition de la contamination à court terme et à long terme. Plus loin dans votre mémoire, vous parlez de 30 ans. Est-ce assez long?

M. Morrison: Ce sont de bonnes questions. C'est justement ce que nous devons essayer de définir un peu plus précisément pour que ce ne soit pas contesté devant les tribunaux.

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M. Réginald Bélair: Oui, parce que, en cas de fusion du coeur du réacteur, ce qu'on appelle d'habitude le syndrome chinois, on n'aurait certainement pas assez de 75 millions de dollars pour couvrir toutes les dépenses. Je songe d'abord aux dommages matériels, par exemple, si une ville disparaissait de la carte, sinon au moment de l'accident, du moins à cause de la contamination par la suite, et ensuite l'indemnisation pour les êtres humains.

Comment pensez-vous définir ces dommages, d'abord pour les décès qu'il y aurait certainement en cas de fusion du coeur du réacteur et, ensuite, pour les dommages permanents que cela pourrait causer? Avez-vous certaines lignes directrices au sujet des définitions que vous voudriez appliquer dans un avenir rapproché?

M. Morrison: Nous ne songeons pas surtout à la possibilité de fusion du coeur du réacteur. Nous songeons plutôt aux dommages causés à des tiers hors du site de l'accident.

Les risques d'accident sont minimes, mais le type d'accident le plus probable serait de la radiation hors du site de l'accident; il n'y aurait pas nécessairement de dommages matériels, mais il pourrait y avoir une fuite de radiation qui tombe sur une ville voisine. Le genre de régime d'indemnisation que nous voudrions instaurer s'appliquerait en cas d'évacuation de la population avoisinante ou de l'évacuation permanente d'un secteur...

M. Réginald Bélair: Mais ce serait quelque chose de mineur, monsieur Morrison. Je veux parler de...

M. Morrison: Pour l'industrie nucléaire et pour les organismes de réglementation, toute radiation extérieure qui peut toucher la population constitue un accident très grave. C'est ce que nous considérons comme étant un manquement grave à ses responsabilités de la part de l'exploitant. L'exploitant doit s'assurer qu'il n'y a pas de radiations extérieures.

M. Réginald Bélair: J'en conviens, mais il pourrait y avoir des accidents beaucoup plus graves. C'est tout ce que je veux dire.

M. Morrison: Plus un accident serait grave, moins il est probable qu'il se produise. C'est le compromis que nous cherchons à atteindre.

M. Réginald Bélair: Si nous comparons la situation au Canada à celle qui existe dans d'autres pays du monde... Autrement dit, vous dites que les réacteurs CANDU fabriqués par le Canada sont de bien meilleure qualité et qu'il est donc beaucoup moins probable que se produise une fusion du coeur du réacteur ou un accident comme ceux de Tchernobyl ou de Three Mile Island.

M. Morrison: Oui.

M. Réginald Bélair: Vous êtes très optimiste.

M. Morrison: Notre optimisme ne vient pas uniquement de la conception du réacteur, que nous jugeons, d'ailleurs, très bonne. Il vient aussi des habitudes de sécurité que nous avons dans nos centrales nucléaires, de la formation donnée aux employés, des mesures prises par l'organisme de réglementation et de la force de nos lois. Tout cela se traduit par une culture de sécurité qui empêcherait, à notre avis, que se produise un accident aussi grave que celui de Tchernobyl.

M. Réginald Bélair: Ma deuxième question a trait aux déchets nucléaires. Si j'ai bien compris, il n'en est pas question dans le projet de loi d'initiative parlementaire.

M. Morrison: Il en serait question uniquement si les installations de traitement des déchets nucléaires étaient visées par le projet de loi et je ne crois pas que ce soit le cas.

M. McManus: Le traitement des déchets nucléaires est une autre activité qui doit être régie par un système de licence, mais nous en sommes encore aux premières étapes de l'élaboration de ce régime. Les dommages causés par le combustible irradié sont visés par la Loi sur la responsabilité nucléaire, que ce soit dans la centrale, dans un lieu d'entreposage provisoire ou au site final. Le combustible irradié est visé à toutes ces étapes par la loi.

M. Réginald Bélair: Cela s'applique au transport et à l'entreposage.

M. McManus: Oui.

M. Réginald Bélair: Comme dernière question, pourquoi le Japon prévoit-il une limite de responsabilité de 350 millions de dollars alors que le Canada n'a une limite que de 75 millions de dollars?

M. Morrison: Quand nous avons fixé la limite en 1976, la norme internationale était de75 millions de dollars. C'est justement pour cela que nous voulons maintenant relever cette limite à la norme courante, qui se situe entre 350 et 500 ou 600 millions de dollars.

M. Réginald Bélair: Quand la limite japonaise a-t-elle été fixée? De quand date-t-elle?

M. Morrison: Elle a probablement été fixée au cours des dix dernières années. Il faudrait le vérifier, mais nous pouvons le faire.

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La limite a augmenté régulièrement, en partie à cause de l'inflation, mais aussi en partie à cause d'incidents comme celui de Tchernobyl. Elle a certainement augmenté depuis Tchernobyl.

M. Réginald Bélair: Avez-vous déjà fixé une limite dans votre esprit que vous voudriez proposer au ministre?

M. Morrison: Oui. Je pense que la limite de responsabilité devrait être d'environ 500 millions de dollars.

M. Réginald Bélair: Vous croyez que c'est suffisant.

M. Morrison: Oui. Nous songeons aussi à maximiser la couverture grâce à des mises en commun.

Le président: Avant de laisser nos témoins partir, je voudrais poser quelques questions moi-même. L'une d'elles découle de la question posée par M. Bélair parce que je voudrais obtenir des renseignements très précis à ce sujet pour le compte rendu.

Les recommandations que vous pourrez formuler au ministre à la fin de juin seront telles que, si le ministre décide de le faire, il pourrait tout de suite déposer un projet de loi à la Chambre.

M. Morrison: Non, si je ne m'abuse, le ministre doit d'abord demander l'approbation du Cabinet.

Le président: Non, je sais qu'il doit le faire. Ce que je veux savoir, c'est si les conseils que vous fournirez au ministre seront formulés d'une façon telle que le ministre pourra tout de suite faire le nécessaire pour qu'un projet de loi soit présenté à la Chambre.

M. Morrison: Oui, mais ce ne serait pas rédigé en termes juridiques. Une fois qu'on aurait obtenu l'approbation nécessaire, la mesure passerait par les mains de rédacteurs juridiques. Ceux-ci prennent un certain temps à rédiger...

Le président: Je sais, mais sur le plan bureaucratique, vous aurez terminé votre travail à vous d'ici à la fin de juin. Cela devient ensuite un travail politique et plus tard, un travail de rédaction.

M. Morrison: C'est ce que nous voulons faire. Une fois que la mesure a atteint l'étape de l'examen politique, il faut tenir compte de diverses considérations. Je ne pense pas que la mesure ne nous reviendra jamais après la fin de juin.

Le président: D'accord, mais je voudrais que ce soit bien clair pour le compte rendu, que du point de vue bureaucratique, Ressources naturelles Canada pourra fournir au ministre d'ici à la fin de juin des conseils qui lui permettront d'entamer les processus politiques nécessaires pour qu'un projet de loi soit présenté à la Chambre.

M. Morrison: C'est ce que nous voulons, effectivement.

Le président: Ma deuxième question est la suivante. Vous dites avoir consulté les intéressés. Avez-vous aussi consulté ceux que j'appellerais, de façon générale, les groupes environnementaux?

M. Morrison: Non, et c'est une chose qui peut aussi avoir des conséquences, au niveau de votre première question. Je pense avoir dit dans mon exposé qu'une fois que nous aurons formulé nos recommandations au ministre, après nos consultations interministérielles et auprès des intervenants, ce sera au ministre à décider quel genre de processus de consultations publiques il voudrait engager.

Le président: Troisièmement, vous avez mentionné un chiffre à M. Bélair comme cible possible. Pour poser la question un peu différemment, ce chiffre dépend-il du montant de la couverture qui pourrait être disponible ou d'une analyse de la responsabilité possible?

M. Morrison: Cela dépend en partie de la couverture que nous considérons disponible.

Pour ce qui est d'analyser la responsabilité possible... Si vous jetez un coup d'oeil au graphique, il faut voir quelles seraient les probabilités que le chiffre passe de 100 ou 500 millions de dollars à plusieurs milliards. Selon nous, et sans entrer dans les détails de cette courbe, si vous avez un certain niveau de probabilités qu'un accident de 100 millions de dollars se produise, les probabilités seront moindres pour un accident de 500 millions de dollars, encore moins élevées pour un accident d'un milliard de dollars, et ainsi de suite. Il s'agit donc de déterminer jusqu'où on peut aller. Les probabilités qu'il se produise au Canada un accident aussi grave que celui de Tchernobyl, sont relativement minimes. Certains membres de l'industrie nous reprochent déjà de vouloir dépenser de l'argent pour quelque chose qui ne risque pas d'arriver si nous adoptons un tel projet de loi.

Il faut donc en arriver à un compromis. Nous considérons qu'une limite de 500 millions de dollars correspond à la norme internationale, mais nous pourrions relever la couverture grâce à des mises en commun.

Le président: Ai-je raison de supposer que le montant de l'assurance que devrait offrir une installation quelconque ferait partie de sa licence et que ce serait l'une des choses qui vous permettrait d'exercer un certain contrôle puisque vous ne délivreriez pas de licence à moins que l'exploitant ne soit assuré?

M. Morrison: Je pense que oui.

M. McManus: C'est ce qui se passe maintenant, mais ce ne sera peut-être pas nécessairement la même chose selon la nouvelle loi. C'est ainsi que fonctionne la loi à l'heure actuelle.

Le président: Quelle que soit la méthode utilisée, je suppose que vous pourriez refuser votre permis d'exploitation. Vous allez vous arranger pour que la loi vous donne les pouvoirs voulus, vous autorisant à refuser la mise en service d'une installation nucléaire, si l'assurance n'est pas suffisante.

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M. McManus: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, monsieur le président, de lier la question de la responsabilité sur le plan de l'assurance à celle de l'octroi d'une licence d'exploitation. Il y a d'autres façons de s'assurer que la Loi sur la responsabilité nucléaire est appliquée comme il convient.

Le président: Si je comprends bien, vous aimeriez qu'il y ait une clause d'indexation automatique prenant en compte le facteur d'inflation, et qui s'applique aux 500 millions de dollars.

M. Morrison: C'est ce que nous souhaitons; il serait bon que ce soit inscrit dans la réglementation, car de cette façon, il ne serait pas nécessaire à chaque fois de saisir le Parlement.

Le président: Nous allons attendre avec impatience de voir vos propositions noir sur blanc, avant de décider s'il serait effectivement bon d'inscrire ça dans la réglementation.

M. Morrison: J'aimerais revenir à une chose. Je ne veux pas donner l'impression que pour nous 500 millions est le maximum assurable en matière d'accident nucléaire. Nous pensons au contraire qu'il y a toujours quelque probabilité, même petite, pour qu'un accident plus grave ait lieu. La courbe de probabilités ne s'arrête pas à 500 millions de dollars.

Mais ce que nous disons, c'est que la loi doit permettre de faire face de façon réaliste aux accidents que nous pouvons raisonnablement envisager. C'est à dire que l'on serait armé pour faire face aux accidents les plus graves, mais comme je l'ai dit dans ma réponse à M. Ringma, à partir du moment où il s'agit de plusieurs milliards de dollars, l'accident se transforme en problème politique grave qu'il appartient alors au Parlement de régler, selon ses propres méthodes.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Morrison et monsieur McManus. Merci pour votre témoignage.

Avant de clore la séance, je dirais que les choses tombent bien puisque le comité a justement été saisi hier d'une motion de M. Ringma, concernant EACL. Il s'agissait du budget. Je vous demanderais donc de ne pas partir, pour pouvoir prendre connaissance de l'information qui va nous être fournie.

Récapitulons rapidement: M. Ringma a déposé une motion concernant le crédit 20, et demandant une réduction de celui-ci de 1,3 million de dollars. M. Ringma, dans la défense de sa motion, nous a renvoyés à un certain nombre de tableaux du budget. L'un concernant notamment des dépenses en immobilisations secondaires, et l'autre, certaines subventions.

Est-ce que tous les membres du comité ont l'information complémentaire qui a été préparée à votre intention? On est en train de la distribuer.

Nous en avons déjà discuté hier. Bob, vous voulez peut-être ajouter quelques explications, et nous pourrons ensuite en discuter.

M. Bob Ringma: Ce que j'ai à dire me paraît relativement important, et je demande à nos témoins d'Énergie atomique de bien vouloir m'accorder quelques minutes pour quelques explications liminaires.

Ma proposition de réduction du budget d'EACL, de 1,3 million de dollars, est d'une certaine manière symbolique. Mais dès que j'ai fait ma proposition, un député du parti ministériel m'a demandé de justifier cette réduction. Autrement dit, c'était à moi de justifier une demande de réduction de 1,3 million de dollars.

J'aimerais vous faire remarquer que c'est le monde à l'envers. Remontons quelques siècles en arrière... Je suis en train ici d'examiner l'ensemble du régime parlementaire. Si l'on remonte quelques siècles en arrière, le roi avait le droit de fixer la charge fiscale, et l'on n'avait plus ensuite qu'à s'exécuter. Ça n'était pas très agréable, et comme nous le savons, au fil du temps, les Communes, en particulier, ont pris de l'importance et ont pu remettre en cause le droit du roi à lever des impôts. La chose nous a ensuite été transmise et ça nous est parvenu sous cette forme perfectionnée du budget annuel.

Il y a environ 30 ans, le Parlement examinait ce budget, c'est-à-dire la demande de subsides, en détail, à telle enseigne que les députés réagirent à ce sentiment d'être coincés, et de ne pas pouvoir demander de réductions. C'est ainsi que le système a évolué. C'est à dire qu'on est passé de l'examen en comité plénier à la discussion en comité tel que celui-ci, pour le détail du budget.

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Je vais vous faire une citation, mais avant cela, je vais peut-être proposer à tout le monde...

Le président: Madame Cowling, un rappel au Règlement.

Mme Marlene Cowling (Dauphin - Swan River, Lib.): Monsieur le président, je croyais comprendre que M. Ringma allait nous donner une documentation complémentaire, et quelques éléments d'analyse pour étayer sa motion. Je n'ai rien reçu à mon bureau et je me demande si certaines choses ont été distribuées à mon insu.

M. Bob Ringma: Ce que j'expose ici, monsieur le président, me paraît être une argumentation sensée de ce qui est d'une importance cruciale pour le Parlement, pour ce comité et pour toutes les législatures à venir. Je pense que c'est important. Ne tergiversons pas et n'essayez pas de m'acculer à la défensive, en me reprochant de ne pas avoir fourni suffisamment...

Je vous demande de bien vouloir écouter. Ça ne va pas être long. Et si vous voulez des choses écrites, j'ai justement quelque chose à vous citer.

Le président: Bob, le président va vous laisser exposer vos raisons, et nous pourrons ensuite en discuter. Essayez d'être concis, si vous le voulez bien. Mais allez-y.

M. Bob Ringma: L'idée est celle-ci: ça n'est pas à moi de prouver que l'on devrait réduire ce budget de 1,3 million de dollars. C'est plutôt l'inverse. La façon dont notre régime parlementaire fonctionne exigerait normalement que ce soit ailleurs que l'on ait à expliquer pourquoi l'on a besoin de 40 millions de dollars ou autres, ou même de 1,3 million de dollars, s'il s'agit d'un détail du budget. Et plus particulièrement, je rappelle que nous sommes dans le rouge pour 600 milliards de dollars, justement parce que les choses sont passées du comité plénier aux comités comme celui-ci et que le budget reste toujours en l'état. Nous n'examinons pas les postes budgétaires comme il convient, ce qui serait notre responsabilité.

La revue Parliamentary Government est dirigée par l'honorable Mitchell Sharp, dont vous reconnaîtrez, je l'espère, le nom. Je lis également les noms de Doug Fisher, Herb Gray, le sénateur Macdonald, Nelson Riis pour le NPD. Je vais citer rapidement un article - il s'agit de janvier 1994 - de Peter Dobell, nom que les membres du comité connaissent également. Il écrit:

La convention britannique, dont le Canada a hérité, veut que l'exécutif n'engage de dépenses qu'après avoir eu l'autorisation de l'organe législatif. Dans l'exercice de cette prérogative, le Parlement canadien a manqué d'efficacité, et son pouvoir d'influencer les dépenses est resté insignifiant.

En effet, depuis 1969, la réduction totale du budget, suite à l'examen parlementaire annuel

- ce que précisément nous prétendons vouloir faire ici -

M. Dobell ne le dit pas, mais je le répète, c'est exactement pourquoi notre pays est en difficulté.

Une dernière citation de l'article de M. Dobell:

L'examen du budget par la Chambre des communes est donc resté sans effet, et de ce fait, les nouveaux députés n'ont pas de modèle dont ils puissent s'inspirer. Du temps, beaucoup de travail de la part des membres des comités, un esprit de collaboration entre le parti ministériel et les députés de l'opposition au sein des comités, un travail bien organisé, et un bon personnel de soutien, sont les conditions d'une plus grande efficacité du système des comités. Les leçons...

M. Benoît Serré (Timiskaming - French River, Lib.): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Nous ne sommes pas ici pour une leçon d'histoire. Pour cela il y a l'université. Nous avons tous fait de l'histoire, et nous ne sommes pas ici pour discuter de philosophie politique. Nous sommes ici pour discuter du budget. Si le député a quelque chose à proposer, votons. Je ne vais pas rester ici une autre demi-heure pour écouter...

Le président: Je ne vais pas non plus laisser les choses traîner une autre demi-heure, je ne crois pas non plus que ce soit l'intention de Bob.

M. Bob Ringma: Certainement pas. C'est la fin d'ailleurs des citations. Je peux maintenant passer à ce qui m'intéresse plus particulièrement, et nous pourrons voter. Je m'en ferai un plaisir.

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Le détail vous l'avez ici. Je ne suis pas en train de vous accuser, messieurs, ni même votre organisation; simplement, c'est tout à fait symptomatique de ce qui se passe. Le Budget des dépenses principal pour 1995-1996 d'Énergie atomique du Canada au chapitre des dépenses secondaires en capital était de 661 000 $. En fait, ces 661 000 $ sont devenus 1 394 000 $. Si l'on se reporte au budget pour 1996-1997, on retrouve ce même chiffre de 661 000 $. Pour 1997-1998, à nouveau 661 000 $. On a donc l'impression que c'est un petit peu par habitude que l'on a réinscrit ce chiffre, sans plus d'examen, que je sache; et voilà pourquoi je dis que c'est de façon symbolique que je m'attaque à ce chiffre, en demandant au comité de voter une réduction. Ce que je veux dire en même temps, de façon implicite, c'est que les membres du comité, nous, représentant la Chambre, aurions beaucoup plus de travail à faire chez nous pour pouvoir discuter de ces chiffres. J'en ai fait un petit peu, je ne sais pas si mes collègues l'ont également fait.

Mon argument ici est donc celui-ci: si l'on regarde les documents passés, on voit que ces 661 000 $ sont un chiffre symbolique, que je propose de faire disparaître, en même temps que l'autre somme de 605 000 $ pour les paiements de transferts, dont je ne suis pas sûr qu'ils en vaillent vraiment la peine.

Voilà, merci, monsieur le président.

Le président: Avez-vous des observations? Monsieur Reed.

M. Julian Reed: Monsieur le président, j'accueille toujours avec bienveillance l'idée selon laquelle nous pourrions améliorer la façon dont nous examinons le budget, la façon dont nous l'approuvons et prenons nos décisions. Il y a toujours des possibilités d'amélioration. Mais je dirai à M. Ringma qu'il a toute latitude pour consulter tous les documents des comptes publics, aussi loin qu'il veuille remonter, et il peut même, s'il le désire, consulter les comptes publics relatifs à un ministère particulier, nous les apporter et les comparer au budget qui nous est soumis.

Je suppose que M. Ringma aimerait examiner le budget, et l'approuver avant qu'il ne soit voté à la Chambre, etc., un petit peu comme ce qu'on fait aux États-Unis, j'imagine.

Mais pour cela, Bob, il faudrait ouvrir tout un débat, à un autre moment, puisque c'est un petit peu le système dans son ensemble qui est en cause. Pour revenir à la motion qui nous est soumise, je ne peux pas l'appuyer comme vous l'avez présentée ici. Mais à l'avenir, si vous voulez soumettre une proposition de modification de notre procédure d'examen du budget, qui puisse l'améliorer, je n'y serai pas opposé.

M. Bob Ringma: Ma réponse sera très courte. Je vous remercie pour votre intervention, Julian.

Le président: Bob, M. Canuel avait déjà demandé la parole.

M. Bob Ringma: Excusez-moi. Je croyais que j'avais le feu vert...

[Français]

M. René Canuel: Je remercie mon collègue. Je partage complètement l'avis que c'est un débat de fond. C'est très important et j'aimerais que le Comité permanent des ressources naturelles puisse obtenir un éventail autre. Quand on accordera des crédits quelque part, il faudra peut-être être conscients qu'on aura des propositions à faire.

Depuis un certain temps, on parle du monde rural, de la foresterie, des mines, etc. Personnellement, je ne sais pas par quel mécanisme j'aimerais y contribuer et dire exactement ce qu'on pourrait faire avec cela. Cependant, tout en respectant cette proposition, j'aimerais qu'on en discute davantage au début de la prochaine session ou à l'automne si le Parlement continue de siéger. J'aimerais qu'on tienne un débat de fond là-dessus.

.1205

Quant à moi, je vais m'abstenir de voter sur cette motion parce qu'il me manque des données. Je n'en fais pas une motion, mais j'aimerais proposer que l'on tienne un débat de fond sur la question.

[Traduction]

M. Réginald Bélair: Mais ça c'est une nouvelle motion.

Le président: Ça n'est pas vraiment une motion, plutôt une suggestion.

M. Réginald Bélair: Mais en français, «proposer» c'est beaucoup plus que «suggérer».

[Français]

M. René Canuel: En tout cas, je ne proposais pas une motion.

M. Réginald Bélair: Vous ne présentez pas une motion?

M. René Canuel: Non, parce que je veux en proposer une à l'automne.

M. Réginald Bélair: Vous faites une suggestion.

M. René Canuel: C'est cela. Je proposerai une motion à l'automne.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ringma.

M. Bob Ringma: Ma réaction aux interventions de M. Canuel et de M. Bélair est tout à fait positive. Vous comprenez très bien ce que je vise. Ce n'est pas ce crédit budgétaire en particulier, mais plutôt mon désir de faire avancer les choses dans la bonne direction. Je vous remercie tous les deux.

Nous pouvons toujours voter. Je ne vais pas m'en trouver profondément affecté. Votons, et réglons l'affaire. Nous pourrons alors peut-être congédier nos représentants d'EACL.

Mme Marlene Cowling: J'aimerais demander qu'à l'avenir, lorsque des motions sont soumises au comité, nous ayons toute l'information et la documentation voulues relatives à la motion, préparées à l'avance et distribuées à tous les membres du comité pour que nous sachions de quoi il s'agit.

Je vois monsieur Ringma que vous voulez modifier certaines choses. Cependant, et par égard pour les membres du comité, la motion devrait être accompagnée d'une documentation appropriée.

Cela dit, monsieur le président, je ne peux certainement pas appuyer la motion, et j'aimerais que nous passions rapidement à autre chose.

Le président: C'est ce que nous allons faire. Monsieur Bélair.

M. Réginald Bélair: M. Ringma propose deux choses différentes ce matin, d'après ce qui nous a été expliqué. À bien des égards c'est une coïncidence heureuse, puisque nos témoins de ce matin sont directement concernés par ce qui nous est proposé. Il en a été question dans leur exposé, et au cours de la discussion. Tout est donc là.

Deuxièmement, si M. Ringma veut un débat de fond, comme M. Canuel l'a dit il y a quelques instants, c'est au Comité des affaires de la Chambre qu'il conviendrait de se pencher là-dessus. C'est là que le débat devrait avoir lieu, et non pas ici.

La motion porte par ailleurs sur le fond, et non pas sur une question de procédure.

Le président: Je suis d'accord.

Pour clore le débat, comme je l'ai dit hier, le comité de liaison a pris acte de la question qui a été soulevée ici. En qualité de président, je peux m'engager à faire connaître à la prochaine réunion du comité de liaison ce que nous pensons de cette question de l'examen du budget. Je lui en ferai part. Nous en reparlerons donc à l'automne. Et tout le monde est d'accord pour dire que lorsque nous sommes saisis de questions comme celles-là, nous avons besoin de toute l'information voulue.

La motion est rejetée

Le président: La séance est levée.

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