[Enregistrement électronique]
Le mardi 16 avril 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Commençons donc par souhaiter la bienvenue à M. Lawrence O'Brien, le député nouvellement élu dans la circonscription de Labrador. Bienvenue, Lawrence.
Je pense qu'un autre nouveau député, M. Gerry Byrne, de Humber - Sainte-Barbe - Baie-Verte, va également se joindre à nous dans le courant de la matinée.
Nous reprenons ce matin nos audiences sur les droits des services maritimes de la Garde côtière et la politique en matière de transport. Avant d'accueillir M. Robert Bergevin, directeur de la politique en matière de transport du gouvernement de l'Ontario, je tiens à souligner que nous avons prévu une heure par témoin. Nous aimerions nous y tenir, autant que cela est humainement possible, car si nous nous écartons de l'horaire prévu, nous serons encore ici à 1 heure du matin.
Les témoins sont libres de décider de la façon dont ils veulent procéder: ils peuvent nous faire lecture de leur mémoire ou bien en faire le résumé et répondre à nos questions. Les témoins sont entièrement libres de faire comme bon leur semble. Si vous voulez des questions, alors c'est très bien. Dans ce cas-là, il y aura une courte présentation, puis les questions. Si vous tenez à ce que votre mémoire soit lu intégralement afin qu'il figure au procès-verbal, c'est à vous de choisir, mais tout le monde a déjà les textes des différents mémoires et va de toute façon les lire et les examiner. Chaque témoin, lorsque ce sera son tour, décidera de ce qu'il veut faire, mais nous allons coller à l'horaire, car nous ne voulons pas prendre de retard.
Nous allons donc commencer par M. Robert Bergevin, directeur. Bienvenue au comité. Nous sommes prêts à vous entendre.
M. Robert Bergevin (directeur, Politique en matière de transport, ministère des Transports de l'Ontario): Merci, monsieur le président. Je vais vous situer un petit peu le contexte, mais permettez-moi tout d'abord de m'excuser de ce que les documents fournis ne soient qu'en anglais. Nos services de traduction accusent un certain retard et ont accumulé un arriéré de demandes de traduction par suite du récent conflit de travail. Voilà pourquoi la version française n'est pas disponible ce matin.
Nous tenons tout d'abord à remercier le comité de nous avoir permis de comparaître devant lui. Nous pensons que la question dont il est saisi est très importante. Le ministre m'a demandé de vous transmettre ses excuses. Comme vous le savez peut-être, l'Assemblée législative siège à l'heure actuelle, et il est donc difficile pour le ministre de s'absenter, étant donné certaines choses qui se passent présentement en Ontario, à la veille du budget.
Cela étant dit, je ne compte pas lire le court exposé dont vous avez le texte devant vous. Ce que j'aimerais faire c'est en résumer le ou les points saillants, et je le ferai le plus rapidement possible. Cela devrait me prendre environ cinq minutes, peut-être dix si je suis prolixe, après quoi je pourrai répondre à vos questions.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je préciserai que mon titre est celui de directeur de la Direction de la politique en matière de transport au ministère des Transports. J'ai pour responsabilités de conseiller le gouvernement et le ministre et de diriger, dans ma direction, des analyses sur toutes les questions liées au transport des voyageurs et des marchandises. Vous verrez donc dans le mémoire quelques mots au sujet de la navigation de plaisance et des discussions que nous avons eues avec la Garde côtière à ce sujet. Nous avons également pour fonction de conseiller le gouvernement et le ministre sur les questions touchant le camionnage, les chemins de fer, le transport maritime bien sûr, la marine marchande, les services d'autobus interurbains et quantité d'autres questions qui ne cessent de nous divertir.
Quoi qu'il en soit, je remercie à nouveau le comité permanent du chaleureux accueil qu'il nous a réservé.
Vous savez sans doute que l'Ontario a une longue histoire de participation aux questions touchant le transport maritime... Loi sur le transport du grain de l'Ouest, etc. Le transport par eau est selon nous un élément clé de notre système de transport.
Si vous faites un calcul simpliste... et pardonnez-moi les erreurs qui pourraient intervenir du fait d'arrondir... Si vous prenez le tonnage transporté par le système et si vous le divisez par le tonnage raisonnable que pourrait transporter un camion, il y a sans doute près d'un million et demi à deux millions de chargements de camion de marchandises qui transitent à l'heure actuelle par le système des Grands lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent.
Pour mettre les choses encore mieux en perspective, c'est tout le trafic camion entre l'Ontario et le Québec, que les marchandises soient destinées à l'Ontario ou au Québec ou que ces provinces servent de pont terrestre avec les Maritimes, l'Ouest ou les États-Unis. Il s'agit pour nous d'un gros système qui est important pour notre industrie.
Nous sommes depuis le tout début actifs dans le débat sur la politique maritime, et nous en appuyons toujours le gros des éléments, et je songe tout particulièrement à la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent. Nous attendons avec impatience les résultats de l'examen du pilotage, car il s'agit pour nous là d'un important élément du coût du transport sur les Grands lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent. Nous suivons avec intérêt le dessaisissement des ports en Ontario et les politiques relatives aux ports à l'échelle du pays. Enfin, nous nous intéressons depuis toujours à la récupération des coûts des services de la Garde côtière, et c'est à cette question que je vais maintenant consacrer quelques minutes.
Notre principe de base - et notre ministre y croit fermement - est le suivant: l'Ontario estime que la réduction des coûts doit précéder la récupération des coûts. En fait, il s'agit là d'un engagement que l'Ontario pense avoir obtenu au cours des dernières années du gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de Transports Canada et du ministre des Transports. Dans la dernière ronde de recouvrement des coûts, qui remonte à il y a environ cinq ans, c'était là encore notre principe directeur, et c'est toujours le cas aujourd'hui.
Nous savons à quelles pressions financières se trouvera confrontée la Garde côtière si elle n'obtient pas les 20 premiers millions de dollars cette année auprès des usagers, ce, donc, pour 1995-1996. Il y a tout lieu de croire que le gouvernement se tournera vers la Garde côtière et lui dira qu'il lui faut trouver cet argent dans ses propres programmes, auquel cas l'Ontario répondra qu'il faudra bien passer par là.
Nous croyons par ailleurs que le déplacement de la Garde côtière canadienne du ministère des Transports à Pêches et Océans, au moment où celui-ci est intervenu, a quelque peu compromis l'entente qui était selon nous intervenue dans ce domaine, ou l'a peut-être tout simplement ignorée. D'après ce que j'ai compris, le ministre a rappelé à ses collègues fédéraux, dans le cadre de correspondance et de discussions avec le ministre des Transports, que nous continuons de nous intéresser de très près non seulement à la façon dont la Garde côtière s'y prend pour imposer des droits et les établir, mais également à ce qui se passe du côté coûts de l'équation. C'est cela qui nous intéresse surtout.
Nous faisons quelques observations dans notre court mémoire sur les mécanismes de récupération des coûts, et nous avons choisi de nous concentrer - mais le terme est peut-être mal choisi - uniquement sur le traitement national versus le traitement régional. Pour l'heure, tout ce que nous pouvons dire, c'est que nous sommes plutôt mal à l'aise face à l'approche actuelle. Cela est, je pense, dû, surtout au fait que nous ne soyons pas très certains de la rigueur qui la sous-tend. Je vous laisse le soin de lire ce que nous avons à en dire dans notre document. Nous ne croyons pas qu'il soit opportun pour nous de nous lancer dans des discussions au sujet de jauge nette, de cargaison et de distance et autres, car cela revient en fait à placer les boeufs très loin devant la charrue, dans ce cas-ci.
Soulignant le désir de l'Ontario de s'en tenir, dans toute cette discussion, aux principes de base - et nous sommes très heureux que le comité ait semblé écouter lorsque ce message venait d'autres témoins - il nous faut revenir aux principes fondamentaux: savoir quels services sont nécessaires et s'ils cadrent ou non avec le besoin déterminé. C'est sans doute là une chose dont vous avez beaucoup entendu parler. Je ne saurais trop insister sur l'importance qu'accorde à cela le gouvernement de l'Ontario.
À moins que des réponses rigoureuses ne soient données à ces questions au préalable, alors la répartition devient selon nous arbitraire. En un sens, c'est déjà, selon nous, quelque peu arbitraire de répartir le coût différemment selon qu'il s'agit d'un bien public ou d'un bien consommé par un particulier, et je reviendrai un petit peu là-dessus dans quelques instants lorsque j'aborderai la question suivante.
Nous traitons également dans notre mémoire de la question de la navigation de plaisance et de l'enregistrement des bateaux comme mécanisme de récupération des coûts. Vous n'êtes peut-être pas au courant, mais nous y faisons allusion dans notre mémoire. Par l'intermédiaire du service que je dirige, le gouvernement de l'Ontario et la Garde côtière canadienne ont entrepris toute une série de consultations publiques qui a demandé près d'un an et qui a été bouclée en février de cette année. On parlait avec les gens de la sécurité des bateaux de plaisance.
En fait, un membre de mon personnel va cette semaine comparaître dans le cadre d'une enquête de coroner. L'Ontario s'intéresse depuis toujours à la sécurité des bateaux. Nous tentons, avec les différentes parties prenantes en Ontario, de déterminer le meilleur moyen d'obtenir des revenus pour la sécurité. Nous avons entrepris ce travail de bonne foi avec la Garde côtière et je pense que cette bonne foi était réciproque. Je tiens à souligner cela. D'ailleurs, tout programme dans ce domaine traiterait de la question formation opérateurs et de l'immatriculation des embarcations elles-mêmes en recourant au système de délivrance de permis de navire du ministère des Transports. Cela semble très bien coller.
Cependant, au fur et à mesure du processus, il est devenu clair pour nous que la Garde côtière avait de plus grandes ambitions pour le mécanisme de récupération des coûts et qu'elle espérait en fait recouvrer les coûts correspondant à d'autres programmes encore. Cela aurait été tout à fait inacceptable pour les parties prenantes avec qui nous avions discuté en Ontario et pour le gouvernement ontarien.
Je dois dire que j'ai vu des documents relativement récents de la Garde côtière et nous en avons discuté avec de ces administrateurs haut placés, mais jusqu'à tout récemment, la Garde côtière avait laissé entendre que la coopération provinciale était à toutes fins pratiques assurée. Elle avait laissé entendre que nous servirions de système hôte pour un système d'immatriculation. Je tiens à être très clair là-dessus: ce n'est pas le cas.
D'autre part, je pense que les attentes de bénéfices fortuits susceptibles d'atténuer la nécessité de rationaliser les programmes - message que nous avons reçu et des Pêches et de la Garde côtière - sont, au mieux, fantasques - et je pèse mes mots, monsieur le président - car l'Ontario s'est récemment lancé dans ce programme avec l'intention de s'occuper strictement de la sécurité des bateaux. Je pense que c'est dans cette même optique que la Garde côtière s'y était lancée au départ.
Notre processus de consultation est maintenant terminé, et le gouvernement de l'Ontario ne s'est aucunement engagé à appliquer son système d'immatriculation des véhicules automobiles aux bateaux. J'utilise cela à titre d'exemple, car nous avons les mêmes préoccupations du côté commercial: la production de revenus pourrait, en fait, être un moyen d'éviter la rationalisation. C'est sans doute là le trou que nous aimerions que le comité aide la Garde côtière à éviter.
En Ontario, nous avons placé en tête de liste dans tous les ministères la réduction des coûts à l'extrême, et cela se poursuivra. Le gouvernement de l'Ontario se refuse à opter pour toute une série de frais d'utilisation sans d'abord avoir réduit les coûts.
Cela intéressera peut-être le comité de savoir que les plaisanciers réclament eux aussi une comptabilisation des services qu'ils se verront «obligés de payer» - c'est en ces termes qu'ils ont parlé - avant qu'on ne vienne leur demander de les payer. Je pense donc que les usagers tant commerciaux que sportifs vont exiger la transparence pour ce qui est des coûts de la Garde côtière et la preuve qu'il y aura de véritables réductions des coûts à l'avenir.
En conclusion, donc, l'Ontario ne s'oppose pas à la récupération des coûts en principe. Nous avons toujours dit et défendu cela, même au tout début lorsque nous avons reçu du gouvernement fédéral ce que nous avions interprété comme étant un engagement à donner la priorité à la réduction des coûts par opposition à la récupération des coûts.
Nous nous opposons vigoureusement au programme actuel. Nous ne sommes pas convaincus qu'on a pris les mesures nécessaires côté coûts, et c'est là le principal message contenu dans notre mémoire.
Il est facile de critiquer les exercices de consultation. Le comité doit savoir qu'il semble que je consacre la moitié de ma vie à des exercices de consultation, chose que nous prenons très au sérieux. C'est facile d'être critiqué. C'est plus facile de critiquer. Cela étant dit, nous demeurons convaincus que la Garde côtière et que le gouvernement fédéral ont encore du travail à faire pour veiller à ce que la consultation débouche sur un régime qui soit juste, à l'échelle tant nationale que régionale. Nous pensons que cela doit se faire avant qu'on ne prenne des décisions de politique de cette envergure.
Au début de la réunion, le président a mentionné que vous êtes très pris par le temps. J'en ai terminé avec mes remarques liminaires, mais je ferai de mon mieux pour répondre aux questions que vous voudrez me poser. Si vous voulez qu'on parle camions, c'est tout à fait possible également.
Le président: Merci, monsieur Bergevin.
Avant de donner la parole à M. Bernier, j'aimerais vous poser une question: avez-vous bien dit que la Garde côtière va cet été lancer un programme de sécurité nautique?
M. Bergevin: Je pense que oui. Nous avons lancé un projet conjoint pour déterminer quelle orientation devrait prendre un programme de sécurité nautique et si un système d'immatriculation serait un bon moyen d'obtenir les revenus nécessaires pour financer pareille chose. La Garde côtière...
Le président: À combien s'élèverait le coût?
M. Bergevin: Une projection de coût raisonnable serait environ 5 millions de dollars pour l'Ontario: ce serait là le revenu net qu'il faudrait avoir pour augmenter le travail d'application, qui est selon nous la pierre angulaire de la sécurité de la navigation de plaisance... il faudrait envisager une présence policière sur les voies navigables, un peu à la manière du programme RIDE, qui a eu un effet positif sur l'incidence de conduite en état d'ébriété sur les routes.
Le président: Serait-ce là le coût fédéral?
M. Bergevin: Non, ce serait le coût du programme, qu'il soit payé par les usagers par l'intermédiaire d'un système d'immatriculation des bateaux... Comme je l'ai dit, les prévisions en matière de revenu fournies par la Garde côtière et par le ministère des Pêches varient de 35 à 100 millions de dollars par an, ce qui nous a fait réfléchir. Nous ne pensions pas que cela était envisageable pour nous tout de suite ni même à l'avenir, et nous avons donc laissé tomber complètement.
Le président: Très bien.
Monsieur Bernier.
[Français]
M. Bernier (Gaspé): Je voudrais tout d'abord saluer le témoin et lui demander de me redire son titre et sa fonction. parce que c'est la première fois que je rencontre une personne du ministère des Transports de l'Ontario. Je crois avoir compris que ce n'est pas un politicien, mais je voudrais qu'il me dise si le ministre des Transports de l'Ontario a eu l'occasion de rencontrer le ministre des Pêches et des Océans pour lui transmettre ces mêmes recommandations, car j'aimerais être sûr que cela a été fait.
[Traduction]
M. Bergevin: Je suis fonctionnaire. Je ne fais pas de politique. Notre ministre avait écrit aux ministres et des Transports et des Pêches de l'époque. Il y a donné suite, réexpliquant notre position aux nouveaux ministres. Nous avons également discuté, au niveau fonctionnaire, avec le sous-ministre des Pêches. Notre ministre a rencontré le ministre des Transports vendredi dernier. Il n'a pas encore rencontré le ministre des Pêches, et si j'ai bien compris aucune réunion n'a à ce jour été prévue. Cependant, je pense que la correspondance qu'il a envoyée et que son désir de comparaître et de saisir le comité du point de vue de l'Ontario... étant donné l'enchaînement des événements, nous avons pensé qu'il était important d'exposer tout cela au comité. Quant à la possibilité qu'il rencontre le ministre des Pêches, j'imagine que c'est à eux deux de décider.
[Français]
M. Bernier: Vous me dites que votre ministre a rencontré le sous-ministre des Pêches et des Océans, mais est-ce que vous parlez de M. Rowat ou bien du haut commissaire de la Garde côtière, M. John Thomas? Je voudrais savoir si l'Ontario a eu la chance de participer pleinement à ce que j'appelle les consultations que M. Thomas a conduites pour construire sa grille tarifaire, parce que je pense que s'il vous avait entendu avant, il n'aurait pas déposé dans ce sens.
Dans le rapport Thomas, on n'a pas du tout abordé les questions des services de base répondant aux besoins des clients, comme toute la série de principes de base que vous avez énoncée tout à l'heure. En quoi consistaient ces relations? Est-ce qu'il y a eu une rencontre officielle entre le haut commissaire et votre ministère en Ontario? Lors du dépôt de la dernière grille tarifaire, M. Thomas est venu à Montréal et ensuite il est allé à Halifax. Je voudrais donc savoir s'il y a eu des rencontres proprement dites avec l'Ontario.
[Traduction]
M. Bergevin: Très bien. J'ai rencontré M. Thomas personnellement et j'ai discuté avec lui des préoccupations de l'Ontario. Lors de cette rencontre, qui a eu lieu en janvier, nous avions convenu que le ministre des Transports de l'Ontario allait s'asseoir avec les gens de la Garde côtière et passer en revue leurs plans de réduction des coûts. Comme je l'ai déjà dit, nous avons eu des conflits de travail en Ontario. Nous avons rencontré mon sous-ministre des Pêches et notre sous-ministre des Ressources naturelles pour parler de ces choses. C'étaient des réunions officielles. Dans le cadre de la consultation avec M. Thomas, nous n'avons pas parlé abondamment du processus d'établissement des barèmes tarifaires.
Pour ce qui est des réunions officielles à Montréal et dont vous avez parlé, nous avions reçu une invitation à assister à une réunion à Montréal. J'y ai envoyé un membre de mon personnel. C'était à l'époque des conflits de travail en Ontario, et nous avions tous un certain nombre de responsabilités relativement à la grève. Cette personne était disponible. Elle était très au courant du domaine. Nous avons toujours entretenu des relations très étroites avec nos homologues au Québec, et nous discutons régulièrement de ce genre de questions.
Lorsque nous nous sommes présentés à l'endroit désigné, sur l'invitation de la Garde côtière à Montréal, nous avons constaté qu'il s'agissait d'un immeuble du ministère des Transports de la province de Québec. Les gens là-bas, que nous connaissons très bien, étaient très surpris d'y voir un membre de mon équipe. On lui a demandé pourquoi il était là et il a expliqué que c'était pour la réunion avec la Garde côtière. Le Québec avait eu l'impression que c'était lui qui avait une réunion avec la Garde côtière. Le fonctionnaire de mon ministère a discuté avec mon homologue ainsi qu'avec le sous-ministre et le sous-ministre adjoint, et il fut décidé qu'il serait tout à fait approprié pour l'Ontario d'assister à la réunion, qui était dirigée par M. Thomas de la Garde côtière et par certains de ses collègues. Nous nous sommes en quelque sorte invités à cette réunion.
[Français]
M. Bernier: Si j'ai bien compris les propos du ministère de l'Ontario, malgré tous les problèmes de timing et les grèves qui ont eu lieu, vous avez quand même essayé de faire passer votre message au haut commissaire. Il me semble cependant que les propositions qu'il a déposées ne tiennent pas compte de ce que vous avez déclaré. Pouvez-vous me dire si vous avez l'intention d'en reparler avec votre ministre et de faire passer la discussion au niveau supérieur de façon à ce que M. Mifflin, le ministre des Pêches et des Océans et responsable de la Garde côtière, vous écoute? En ce moment, il me semble que le haut commissaire veut prendre rapidement une décision pour établir une tarification. Je dois vous dire qu'en ce moment, nous travaillons un peu comme si nous étions en sursis puisqu'on nous a donné jusqu'au 19 avril. Si vous maintenez les propos de votre mémoire, dois-je comprendre que vous allez aussi influer sur la politique de votre province pour faire en sorte que M. Mifflin comprenne le message, à savoir qu'il faut absolument mettre un moratoire là-dessus cette année, procéder aux études d'impact et voir quelle rationalisation des services va être effectuée?
[Traduction]
M. Bergevin: Merci. Le ministre a rencontré les gens de l'industrie en Ontario, comme il le fait au sujet de nombreuses questions, et notre intention n'est pas de tout simplement faire un exposé au beau comité ici réuni et de nous en tenir là.
Le ministre compte poursuivre cette initiative et défendre la position de l'Ontario avec toute la vigueur requise. Il s'agit d'une question extrêmement importante et pour le gouvernement de l'Ontario et pour notre ministre. Il l'a d'ailleurs fait savoir à ses homologues fédéraux, et il continuera de le faire.
Je lui ferai un rapport, à lui et à son personnel politique, dès mon retour, et ils décideront des mesures à prendre par la suite. Mais, comme je l'ai dit au tout début, il s'agit d'un élément extrêmement important de notre système de transport.
Le président: Monsieur Wells.
M. Wells (South Shore): Merci, monsieur le président.
Je vais vous demander quelques éclaircissements sur certaines des déclarations faites dans votre mémoire, et je songe tout particulièrement à ce que vous avez dit sur l'approche régionale telle qu'établie dans la dernière proposition. Je ne sais pas si le fait d'être «mal à l'aise» face à cette chose signifie que vous n'êtes pas d'accord.
M. Bergevin: Je pense que, comme pour bon nombre des recommandations émanant de la Garde côtière, il n'y a pas eu suffisamment de rigueur dans la détermination de l'incidence économique que cela pourrait avoir dans les différentes régions du pays. Il y a eu des discussions sur tout le rapport qui a été fait pour la Garde côtière. Nous préférerions une analyse plus approfondie de ce que cela signifierait pour les expéditeurs ontariens et les transporteurs dans le centre du Canada, les expéditeurs et transporteurs étant ceux qui auront à subir cette partie du fardeau. Nous ne savons même pas si la répartition des chiffres a été bien faite. Nous ne disons donc pas que nous sommes tout de suite contre, mais nous sommes prêts à dire que nous aimerions en faire un examen attentif ainsi qu'une analyse économique plus rigoureuse.
M. Wells: Mais vous dites dans votre mémoire - toujours à la page 4 - que seuls ceux qui utilisent le service devraient le payer; que ceux qui ne s'en servent pas ne devraient pas payer. D'un point de vue régional, et c'est pourquoi j'aimerais rattacher cela à ce que vous avez dit au sujet du fait de ne pas aimer - ou d'être mal à l'aise, selon l'interprétation que vous donnez - l'approche régionale, si l'étude était faite et si l'on constatait que cela coûtait moins cher de faire affaire, par exemple, sur la côte Ouest, votre position serait-elle que les frais devraient être équilibrés, pour éviter que cela ne nuise à l'économie du centre du pays, et que la côte Ouest devrait subventionner le système?
M. Bergevin: Je pense que la réponse la plus simple que je puisse vous donner est que oui, en principe. Cependant, toute la question des droits et de la récupération des coûts doit tenir compte de la capacité de payer et d'un certain nombre d'autres choses qu'on retrouve dans d'autres débats survenus dans d'autres secteurs des transports et dans d'autres secteurs de l'économie au Canada, grain de l'Ouest ou autre chose.
Je pense qu'au fond notre philosophie est la suivante: si vous pouvez déterminer de façon rigoureuse un service non discrétionnaire requis par un utilisateur, alors très bien. Mais je ne pense pas que notre rigueur d'analyse soit telle que nous puissions d'ores et déjà dire: «Stelco, voici ce que vous utilisez, voici ce que vous allez payer, et voici de quelle façon tous ces coûts vont vous être imputés».
M. Wells: J'essaie tout simplement de vous situer, philosophiquement. En d'autres termes, acceptez-vous que la côte Ouest subventionne le centre du Canada, ou acceptez-vous ce que vous semblez dire, soit que si quelqu'un n'utilise pas le service, il ne devrait pas être obligé de le payer? Il y a, il me semble, une contradiction entre vos deux paragraphes à la page 4, et j'essaie tout simplement de déterminer de quel côté vous vous placez.
M. Bergevin: Quant à savoir s'il y a ou non contradiction, la philosophie de base est que si vous utilisez le service et s'il est possible de déterminer que la différence qu'il vous faut payer correspond à ce que vous utilisez et à ce que vous devez utiliser, alors, oui, vous pouvez la payer. À l'heure actuelle, nous sommes mal à l'aise face à l'approche régionale, car nous ne pensons pas qu'il y ait là suffisamment de rigueur, et pour l'instant, nous ne savons pas très bien non plus qui subventionne qui.
M. Wells: Je comprends cela. Mais une fois cette évaluation effectuée, vous avez dit dans votre réponse qu'un facteur serait la capacité de payer, par opposition à l'idée de ne payer le service que si vous l'utilisez.
M. Bergevin: Cela est devenu un élément de l'équation. Je ne vous réponds peut-être pas très directement. Je pense que la réponse directe...
M. Wells: J'essaie d'obtenir une réponse directe à la question de savoir si vous croyez vraiment ou non que la côte Ouest devrait subventionner le centre du pays ou si vous épousez le concept de l'utilisateur-payeur.
M. Bergevin: Nous épousons le concept de l'utilisateur-payeur. Nous ne savons pas très bien qui subventionne qui, mais je pense qu'avant de parler mécanique, avant de parler traitement national ou traitement régional, il est important de répondre à ces questions. Une fois les réponses trouvées, si l'on constate qu'une approche régionale sera plus juste pour tout le monde au pays, alors je ne pense pas que l'Ontario y voie la moindre difficulté.
M. Wells: Si donc il était démontré que les coûts sur la côte Ouest et ceux sur la côte Est étaient inférieurs aux coûts dans le centre du pays, vous accepteriez une approche régionale pour le barème tarifaire?
M. Bergevin: À condition que, quel qu'ils soient, les coûts soient inévitables et que les services soient assurés de la façon la plus efficiente possible. Or, même cela fait l'objet d'un dilemme à l'heure actuelle, car nous ne sommes pas convaincus que le nécessaire soit en train d'être fait.
M. Wells: Merci.
Le président: La parole est maintenant à M. Culbert.
M. Culbert (Carleton - Charlotte): Bienvenue.
Vous avez dit que plusieurs questions relatives au transport dans votre ministère étaient sur la table, qu'il s'agisse d'autoroutes, de chemins de fer, de transport maritime... il y en a beaucoup. Votre ministère ou votre service ont-ils effectué des études récentes sur le transport maritime... et sur notre compétitivité, non seulement à l'intérieur du Canada ou de l'Ontario, mais également vis-à-vis des États-Unis ou d'autres parties du globe? Dans l'affirmative, que disent les résultats?
M. Bergevin: Oui, nous en avons effectuées. Avant d'assumer le poste que j'occupe présentement, j'étais gérant du Bureau du transport maritime, et nous nous sommes beaucoup occupés du réseau Grands Lacs-Voie maritime du Saint-Laurent, aux côtés de divers groupes avec lesquels nous avons entrepris des analyses comparatives, la plupart liées au débat sur la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Aux environs de l'année 1989, nous avons établi le prix de tous les éléments de coût du réseau des Grands lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent, des frais d'élévateur au transport du grain par les lacs et le fleuve, en passant par les services d'élévateur à Québec et le transbordement, pour comparer les coûts correspondant à d'autres circuits, y compris la côte Ouest, Churchill, le Mississipi, etc.
En 1991, nous nous sommes penchés sur les questions de politique auxquelles se trouvait confronté le gouvernement fédéral relativement au système des Grands lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent, en vue de déterminer quelles politiques modifier pour permettre au système d'être concurrentiel. Je ne pense pas que quiconque assure un service à l'intérieur du système ou s'en sert souhaite autre chose que cela. Si cela vous intéresse, je pourrais fournir au comité plusieurs de ces études.
Un grand nombre de ces études ont été réalisées en coparticipation avec d'autres groupes, y compris d'autres provinces. En fait, nous venons tout juste de terminer une étude portant sur les différentes options pour le transport du grain: Mississipi ou Voie maritime du Saint-Laurent. Nous ne sommes qu'un petit élément d'un très gros consortium, mais nous nous intéressons de très près au transport par eau depuis de nombreuses années, en fait depuis les années 1970. Si le comité aimerait voir certains de ces rapports, je ferai le nécessaire pour les lui faire parvenir.
M. Culbert: Merci.
Toujours dans la même veine - et je ne m'attends pas à ce que vous ayez ces rapports ici aujourd'hui - de façon générale, vous souvenez-vous si nous étions raisonnablement compétitifs, très compétitifs ou pas du tout compétitifs par rapport à nos voisins du Sud?
M. Bergevin: Nous le devenons rapidement moins, et ce pour plusieurs raisons. Par exemple, la façon dont nos voisins américains appliquent, pour le système du Mississipi, les frais pour le transport du grain par barge... la côte Ouest et le Canada ont augmenté la capacité de manutention de grain. Cela a changé le rapport économique et nous pensons que les modifications à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest ont eu une incidence favorable, sur le plan financier, sur la Voie maritime du Saint-Laurent.
Les propriétaires de navire eux-mêmes ont apporté des améliorations au système en vue d'amener une réduction des coûts: par exemple, consolidation de flottes, adoption de nouvelles technologies et réduction des équipages. Nous constatons cette tendance depuis plusieurs années. Nous avons également constaté une concurrence accrue de la part du secteur ferroviaire sous la forme de trains-blocs transportant du grain aux ports de mer, que ce soit Montréal ou l'emplacement le long de la rive Nord, où de nouveaux services d'élévateur ont été installés. Les élévateurs de Québec ont maintenant une capacité de nettoyage.
La dynamique du coût du transport - quelle voie est la meilleure - continue d'évoluer, et à l'heure actuelle, je pense que le transport, dans son ensemble, qu'on parle camions, trains ou bateaux, est extrêmement concurrentiel. Je ne prétendrai pas qu'une part importante du volume peut être détournée sur un autre mode, mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de marge de manoeuvre dans les budgets de transport de nombre des usagers de services de transport ni dans les budgets de ceux qui assurent le service.
Nous constatons depuis dix ans une réduction progressive des coûts, que ce soit dans le secteur du camionnage, dans celui du transport par eau ou ailleurs. Chacun veut obtenir de ses marchés le maximum, par tonne, car il y a des produits qui nous arrivent de l'étranger et tout le reste.
M. Culbert: J'apprécie beaucoup vos explications, et s'il devait y avoir un quelconque consensus pour ce qui est du transport par eau, il serait bon que vous faxiez la documentation au greffier du comité.
J'aimerais maintenant passer à une autre question, dont M. Wells a fait état dans sa discussion avec vous. Voici une partie de la citation: «L'imposition de frais de services non requis ou non demandés par les usagers serait considérée par l'Ontario comme étant tout simplement une nouvelle taxe et serait jugée complètement inacceptable». Étant donné cette déclaration, je me demande si une quelconque position a été formulée relativement aux services requis aux fins de sécurité ou à l'aide dont pourraient avoir besoin les usagers. D'autre part, comment les besoins des transporteurs commerciaux se comparent-ils à ceux des plaisanciers? Je pense vous avoir entendu dire que vous convenez que les usagers devraient payer pour ces services, à condition, bien sûr, que du côté commercial... Nous tenons bien évidemment à ce que les transporteurs maritimes demeurent compétitifs.
M. Bergevin: Je pense que toute la question du travail de recherche et de sauvetage et des autres interventions qui sont le fait des incidents qui surviennent n'a pas été mise sur la table par la Garde côtière pour ce qui est de la récupération des coûts. À moins que je ne fasse erreur, je pense que cela a été retranché.
D'autres usagers du système... C'est à ce sujet qu'on a eu certaines discussions avec la Garde côtière quant à la façon de répartir ce qui, en matière d'aides à la navigation, est utilisé pour des raisons de sécurité par les utilisateurs sportifs, qui semblent se mettre en difficulté beaucoup plus souvent - peut-être parce qu'ils sont plus nombreux - que les utilisateurs commerciaux. Je ne pense pas qu'on puisse pour l'instant couper cela en deux à travers le milieu. D'ailleurs, bien franchement, je ne sais pas du tout comment je ferais le partage. Mais pour l'heure, comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, nous sommes quelque peu préoccupés par ce qui pourrait être perçu comme une répartition arbitraire des coûts.
Je ne suis pas convaincu que quiconque sache véritablement de quoi a besoin le transport commercial en matière d'aides à la navigation, qu'il s'agisse d'eaux côtières ou d'eaux intérieures, et ce qui resterait, par conséquent, pour les usagers récréatifs. Ce que je pense, c'est qu'avec les progrès technologiques, les propriétaires de navires commerciaux n'auront bientôt plus besoin d'aides à la navigation. Leur recours annuel aux services de recherche et de sauvetage dans les eaux intérieures, sauf quelques exceptions notoires, bien sûr, est vraiment très minime. Ce sont les plaisanciers qui sont les principaux consommateurs de ces services.
M. Culbert: Les études menées ou examinées par votre ministère en matière de sécurité nautique, que l'on parle bateaux commerciaux ou bateaux de plaisance, ne font en fait ressortir aucun consensus sur les exigences ou les besoins actuels.
M. Bergevin: En effet. Nos études sur la navigation de plaisance portent sur les façons d'améliorer les compétences des pilotes, et non pas sur l'immatriculation des bateaux, car nous ne pouvons pas nous occuper de cela. Elles traitent de l'amélioration des compétences des pilotes, de l'application de règlements en matière de pilotage en état d'ébriété, de programmes de sensibilisation et d'autres choses du genre, laissant de côté les aides à la navigation, car ces dernières ne relèvent pas de la province.
Nous ne pensons pas que ce soit à ce niveau-là que ça paie. Si vous examinez les accidents tragiques de navigation survenus en Ontario et ailleurs au pays, vous verrez que les aides à la navigation n'y sont pas un gros facteur. La consommation d'alcool, la vitesse et le pilotage dans la noirceur, choses qui dépendent de l'attitude du pilote, et la présence d'agents de surveillance pour intervenir sur-le-champ... c'est là-dessus que nous nous sommes concentrés.
M. Culbert: Merci.
Le président: Monsieur Scott, du Parti réformiste.
M. Scott (Skeena): Il semble que vous nous donnez deux messages distincts. Tout d'abord, vous craignez que l'industrie ne connaisse pas les coûts réels de la Garde côtière dans la prestation de ses services, et comme nous l'ont dit d'autres témoins, il y a plusieurs services ou aides à la navigation qui sont en place mais qui ne sont pas nécessaires. Craignez-vous que les gens qui font affaires en Ontario finissent par payer pour des choses dont ils n'ont pas besoin et estimez-vous que la Garde côtière devrait mettre de l'ordre dans ses affaires avant qu'elle ne commence à percevoir des frais d'utilisation? Nous avons entendu un grand nombre de témoins et je pense que la plupart des gens seraient d'accord là-dessus.
D'un autre côté, vous semblez dire que tant que cela n'a pas été fait, les frais d'utilisation ne devraient pas être ventilés au niveau régional. Pensez-vous que les droits devraient être appliqués de la même façon d'un bout à l'autre du pays?
M. Bergevin: Nous pensons qu'il ne devrait pas y avoir de droits à payer du tout. Toute la discussion sur les mécanismes et sur la façon de procéder doit intervenir une fois que vous avez réglé la première partie de votre question, et ce n'est qu'à ce moment-là que vous pourrez entreprendre une analyse rigoureuse de la répartition nationale, régionale ou autre qu'il convient de faire.
Nous sommes mal à l'aise face à l'idée de l'application régionale d'une chose qui demeure toujours un mystère pour la plupart des usagers etc... et vous y avez fait allusion dans la première partie de votre question. Voilà pourquoi je ne pense pas qu'il y ait là incohérence. Nous disons que nous sommes mal à l'aise avec les discussions en cours au sujet d'une méthode nationale ou régionale, mais notre prise de position au départ est que nous ne pensons pas que le gouvernement fédéral puisse décider que c'est maintenant qu'il faut imposer des frais d'utilisation.
M. Scott: Je pense vous comprendre. Vous dites que le gouvernement est en train de mettre la charrue devant les boeufs en tentant de percevoir des droits d'utilisation avant d'avoir défini le service et les besoins et avant que les expéditeurs et que ceux qui finiront par payer ces droits n'aient eu l'occasion d'examiner la chose et de déterminer quels services ils pourraient assurer eux-mêmes dans le but de réduire les coûts.
M. Bergevin: Précisément.
M. Scott: À condition qu'il y ait une analyse approfondie avant l'imposition de droits quelconques, d'un point de vue philosophique, pour poursuivre dans la même veine que M. Wells, vous ne voyez pas de problème avec le concept d'un véritable système d'utilisateur-payeur une fois la Garde côtière rationalisée à un point tel que les expéditeurs sont confiants qu'ils obtiennent en échange de l'argent qu'ils versent uniquement les services dont ils ont véritablement besoin.
M. Bergevin: Oui, mais, encore une fois, il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres éléments à examiner avant de fixer le barème tarifaire, par exemple la capacité de payer, l'incidence économique et l'impact sur la société dans son ensemble. Mais je suis dans l'ensemble d'accord avec vous là-dessus.
M. Scott: Je reçois des messages contradictoires. D'un côté, je pense que vous êtes en train de dire que, sur le plan philosophique, vous acceptez l'idée d'un véritable système d'utilisateur-payeur, mais de l'autre côté, vous dites que cela devrait être fonction de la capacité de payer.
Or, le principe de l'usager payant est aveugle. Si vous utilisez le service, vous devez le payer. Ce n'est pas du tout fonction de votre capacité de payer. Ce n'est fonction de rien d'autre que de l'utilisation que vous faites du service. Si vous utilisez le service, vous devez le payer, un point c'est tout. Il existe des milliers de choses ou de services que nous payons et dont nous avons besoin, que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif. La capacité de payer est une chose qu'il nous faut déterminer au niveau individuel ou collectif. Ici, le principe veut que si vous avez besoin d'un service, vous devez le payer. Le message me paraît donc quelque peu contradictoire.
M. Bergevin: Je ne suis pas convaincu que ce soit contradictoire. C'est une croyance que dans certaines circonstances il revient au consommateur de payer le coût intégral d'un service offert lorsqu'il en jouit pleinement. C'est peut-être là l'élément qui manque dans la discussion.
Comme c'est le cas d'autres biens dans l'économie, il y a des biens publics qui profitent à bien plus de personnes que celles qui les utilisent à un moment bien précis. Cela peut se discuter. Par exemple, si vous imposiez des droits d'utilisation aux usagers d'un système de transport en commun dans une grosse municipalité qui ne pourrait pas fonctionner sans - en d'autres termes, c'est la personne qui passe dans le tourniquet qui paie le tout - vous perdriez peut-être et le système de transport et tous les avantages que celui-ci procure, du simple fait de son existence, aux gens qui ne s'en servent pas.
M. Scott: Permettez-moi d'expliquer l'origine de ma question. Le port de Prince Rupert se trouve dans ma circonscription. Ce port est très efficace en matière d'aide à la navigation. C'est presque déjà à toutes fins pratiques le large. D'autre part, le port est doté d'un terminal de grain d'avant-garde construit il y a 13 ou 14 ans. Il s'agit à l'heure actuelle d'un des terminaux à grain les plus efficients du pays. Il est utilisé bien en dessous de sa capacité car le grain est expédié par l'intermédiaire d'autres ports.
Si vous prenez le grain qui passe par Thunder Bay, où il existe des terminaux... Si vous aviez un scénario où Prince Rupert payait des droits d'utilisation partiellement subventionnés par les terminaux à Thunder Bay, ne conviendriez-vous pas que ce serait une situation injuste en ce qui concerne la compétitivité de Prince Rupert et sa capacité d'attirer du trafic céréalier pour son terminal?
M. Bergevin: A priori, oui. Mais si l'on tient compte de l'histoire du développement du transport du grain au Canada, de l'incidence de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, du taux de la Passe du Nid-de-Corbeau et de l'effet de tout cela sur le développement de la capacité le long de la côte Ouest... Choisir un moment précis dans le temps et demander quelle part va à Prince Rupert et quelle part va à Thunder Bay... je pense qu'il s'agit là d'une question critique de politique dont devront débattre les gouvernements. Je pense que c'est là l'étape suivante logique dans toute cette question. Je ne pense pas que ces discussions aient eu lieu. C'est pourquoi notre gouvernement estime qu'il existe un énorme potentiel d'iniquités. En fait, la portion qu'on demandera peut-être au système des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent de payer a peut-être été sous-estimée. Nous ne le savons pas.
Pour l'Ontario, tant que la question des coûts n'a pas été examinée, tant qu'il n'y a pas eu ces discussions sur la façon juste de répartir les coûts, il est prématuré de discuter des mécanismes et de la question de savoir si ce doit être national ou régional.
M. Scott: Merci.
Le président: Monsieur Bernier.
[Français]
M. Bernier: Si j'ai bien compris, le ministère de l'Ontario nous dit qu'il faut refaire les devoirs. Pour l'instant, nous avons un problème politique puisque le ministre s'apprête à imposer une grille tarifaire. Dans votre recommandation, vous proposez un moratoire complet sur la grille tarifaire, c'est-à-dire pas d'imposition de droits tant et aussi longtemps que les études d'impact n'auront pas été faites et qu'on n'aura pas essayé d'y voir plus clair. Vous n'avez donc aucune solution intermédiaire à proposer. Je vous ferai remarquer que quelqu'un va bientôt se retrouver le dos au mur parce que le ministère fédéral va décider de l'imposer.
[Traduction]
M. Bergevin: C'est exact.
Le président: Auriez-vous, monsieur, des observations à dire en conclusion, avant de nous quitter?
M. Bergevin: Non. Je tâcherai de faire parvenir le plus rapidement possible au comité les documents qu'a demandés M. Culbert.
Le président: Très bien. Un petit éclaircissement. Vous n'aviez pas été invités à la réunion de Montréal?
M. Bergevin: Il me faudra vérifier mon dossier là-dessus. Nous avions reçu une invitation de la Garde côtière. Il y avait une réunion de l'industrie le matin et une réunion du gouvernement l'après-midi. Lorsque nous sommes arrivés à la réunion du gouvernement, les représentants du gouvernement du Québec étaient étonnés de nous voir là. Je ne sais donc pas s'il y a tout simplement eu un problème de communication, mais comme ils sont toujours des hôtes des plus gracieux - et je dis cela tout à fait sincèrement - ils ont fait tous les efforts possibles pour nous mettre à l'aise et nous faire participer à la réunion.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre les représentants de la compagnie minière IOC, de la Société du port de Halifax et de Wabush Mines.
Vous êtes nombreux. Vous devriez peut-être vous présenter à nous et nous dire qui vous représentez ici.
M. Francis Sheehan (contrôleur adjoint, Wabush Mines): Je m'appelle Francis Sheehan et je représente Wabush Mines.
[Français]
M. Louis Provost (trésorier, Compagnie minière Québec Cartier): Louis Provost de Québec Cartier.
[Traduction]
M. Keith Eldridge (vice-président, Administration et qualité, Compagnie minière IOC): Keith Eldridge, Compagnie minière IOC.
M. Derek Rance (président-directeur général, Compagnie minière IOC): Derek Rance, Compagnie minière IOC.
M. David Bellefontaine (président-directeur général, Société du port de Halifax): David Bellefontaine, Société du port de Halifax.
Le capitaine Randall Sherman (directeur des Opérations, directeur de port, Société du port de Halifax): Randall Sherman, Société du port de Halifax.
Mme Patricia McDermott (vice-présidente, Commercialisation, Société du port de Halifax): Patricia McDermott, Société du port de Halifax.
Le président: Merci beaucoup. Nous disposons d'une heure. Pour être justes, nous avons prévu une demi-heure pour la Société du port de Halifax et une demi-heure pour les représentants de la Compagnie minière IOC. À vous de décider de la façon dont vous voulez utiliser le temps qui vous est alloué. Découpez-le comme bon vous semble pour faire votre exposé ou répondre aux questions.
Nous allons commencer par M. Eldridge, de la Compagnie minière IOC.
M. Rance: C'est moi qui vais parler au nom de la Compagnie minière IOC.
Le président: Monsieur Rance.
M. Rance: Vous avez notre mémoire sur les trois mines de minerai de fer, alors je ne vais pas vous en faire lecture. Si vous avez des questions, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.
En ce qui concerne plus particulièrement la Compagnie minière IOC, nous sommes non seulement l'un des plus gros producteurs de minerai de fer au monde, mais en termes de tonnage expédié, nous sommes également l'un des plus gros expéditeurs au Canada.
Pas moins de 73 p. 100 de notre production sont exportés sur le marché mondial, là où nous sommes en compétition directe avec des producteurs de minerai dont la capacité est deux ou trois fois plus grande que la nôtre et qui exploitent des gisements dont la teneur est beaucoup plus riche que ceux du Canada.
La domination de ces grands producteurs étrangers s'étend également sur les prix établis pour le minerai vendu sur le marché mondial. Conséquemment, toute hausse affectant nos coûts de production d'expédition est entièrement assumée par l'IOC, ce qui réduit d'autant sa profitabilité et sa compétitivité à l'échelle internationale.
Comme les réserves mondiales de minerai de fer suffisent amplement pour répondre à la demande, une pression à la baisse vis-à-vis des prix de vente du minerai s'exerce constamment.
Dans le cas des boulettes acides par exemple, depuis l'arrivée des producteurs brésiliens sur ce marché, les prix ont chuté de 33,5 p. 100, passant de 47,57 dollars US la tonne en 1982 à 31,67 dollars US la tonne en 1995. Au cours de la même période, les coûts de production des boulettes à la Compagnie minière IOC ont été réduits de 14,1 p. 100 (la réduction se chiffre à 41,7 p. 100 si l'on tient compte de l'inflation). Malgré tout, il est évident que les marges de profit sont devenues maigres au cours de cette période.
Puisque les tonnages expédiés par la Compagnie minière IOC sont très importants, la nouvelle tarification proposée par la Garde côtière entraînerait des coûts de 1,3 million de dollars la première année et de près de 4 millions de dollars la dernière année, selon le plan proposé. Plus de 70 p. 100 du trafic maritime de la Compagnie minière IOC vise des destinations outre-mer. L'IOC devrait débourser 925 000 dollars la première année et 2,8 millions de dollars une fois le programme de récupération des coûts de 60 millions de dollars pleinement en place. Ces dépenses viseraient simplement à permettre à la Garde côtière d'assurer le bon fonctionnement d'une bouée à l'entrée de la Baie de Sept-Îles, qui est en fait la seule aide à la navigation vraiment utile aux navires.
De fait, les capitaines de tous les navires océaniques nous assurent qu'ils n'utilisent aucune aide à la navigation offerte par la Garde côtière. La seule raison pour laquelle ils utilisent le service-radio de courte distance est que la Garde côtière exige que les navires se déclarent lors de leur arrivée.
J'ai donc informé l'honorable Fred Mifflin que l'IOC était disposée à prendre en charge la responsabilité de la bouée de Sept-Îles, et cela sans aucun frais.
Vu que nous ne disposons pas de beaucoup de temps, je n'aborderai pas la question du déglaçage de la Baie de Sept-Îles. Je soulignerai seulement qu'au cours des hivers 1994 et 1995, un faible nombre de navires, dix en l'occurrence, ont eu besoin d'à peine 135 heures d'assistance au déglaçage effectué par la Garde côtière.
Si ce service devait être intégré au principe de partage des coûts, des évaluations préliminaires nous indiquent que l'IOC subirait un impact financier direct chaque fois qu'un navire nécessiterait les services de déglaçage pour circuler. L'IOC choisirait alors de ne pas expédier ses produits durant la période où le déglaçage est requis mais bâtirait son inventaire grâce à la forte capacité d'entreposage dont elle dispose à son terminus d'expédition ce Sept-Îles.
Pour parler franchement, ce qui est proposé n'est pas un programme de partage des coûts mais plutôt une taxe déguisée. Ce qui est proposé ne consiste pas à couvrir le coût des services effectivement utilisés puisque les frais imposés n'auront aucun rapport avec les besoins ni avec les services effectivement utilisés.
Notre opinion est que la Garde côtière, malgré sa longue et respectable tradition, n'est pas en affaires face à des services compétitifs. Il s'agit d'un monopole et, de ce fait, elle est inefficace.
Si les autorités canadiennes sont vraiment sérieuses dans leur intention d'appliquer le principe de l'utilisateur-payeur - principe que nous appuyons - il faudrait dans un premier temps définir précisément quels sont les services requis et, dans un deuxième temps, les confier par contrat au secteur privé afin de réaliser les meilleures économies possibles.
Nous comprenons parfaitement la philosophie canadienne qui vise à éviter la discrimination sur une base régionale. Il reste cependant que la solution à ce problème ne réside pas dans l'imposition de frais supplémentaires à des industries dont la marge de profit est déjà faible.
Le président: Un modèle de concision.
Monsieur Provost.
[Français]
M. Provost: La situation de la Compagnie minière Québec Cartier est très près de celle que vient de vous décrire M. Rance. Les volumes d'activités et les marchés sont les mêmes. Je ne crois pas utile de répéter ce qu'il vient de vous dire si clairement et je ne peux que l'appuyer dans ce qu'il a dit. Nous attendons des questions plus précises. Merci.
[Traduction]
M. Sheehan: Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je représente Wabush Mines. Nous sommes la plus petite des trois compagnies productrices de minerai de fer qui sont ici représentées. Nous expédions chaque année 5,5 millions de tonnes de boulettes.
En vertu de la formule proposée de récupération des coûts correspondant aux services d'aide à la navigation, nous aurions en 1996 une facture de près de 600 000 dollars. Si les mêmes principes directeurs vont être utilisés par la Garde côtière en ce qui concerne les frais de brise-glaces, nous nous retrouverions peut-être avec une note annuelle de près de 2 millions de dollars. Pour mettre cela en contexte, une toute petite compagnie, si l'on tient compte de la valeur totale des marchandises transportées au Canada, aurait à payer 3 p. 100 de l'ensemble des frais de services maritimes.
Notre port est libre de glace pendant le gros de l'hiver. Il n'y a dans notre région que très peu d'aides à la navigation. Les navires océaniques qui sont chargés à notre quai sont solides et n'ont que très rarement besoin de services de déglaçage. Les navires entrants, c'est-à-dire ceux qui arrivent du lac, ne commencent à bouger qu'une fois la glace sortie dans le golfe du Saint-Laurent.
L'actuelle proposition n'est pas réaliste et elle favorise certaines régions au détriment d'autres. Pour élaborer une formule juste et équitable de récupération des droits de services maritimes, une étude d'impact exhaustive s'impose. En l'absence d'une telle étude, nous nous retrouverons avec des droits injustes et non équitables qui auront une très grave incidence sur les frais de transport du minerai de fer et nuiront sérieusement à notre compétitivité.
Pour les produits lourds à faible valeur comme le minerai de fer, un changement sur le plan compétitivité signifierait moins de ventes canadiennes de minerai de fer et davantage de ventes pour les pays qui nous livrent concurrence.
Les pertes de revenus pour le Trésor canadien qui en découleraient pourraient fort bien être supérieures au revenu produit par les droits des services maritimes. Voilà pourquoi je tiens à répéter qu'il importe qu'il y ait d'abord une étude d'impact et que la formule retenue par la suite soit aussi juste que possible.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
La parole est maintenant à M. Bellefontaine, du port de Halifax.
M. Bellefontaine: Merci beaucoup, monsieur le président. Je devrai faire appel à votre patience car le mémoire que j'ai est un petit peu plus long que les deux que vous venez d'entendre.
Je tiens à préciser, pour que les choses soient bien claires, que Patricia McDermott est vice-présidente, Commercialisation, et que le capitaine Randall Sherman est notre directeur des Opérations, directeur de port. Ce sont eux les spécialistes.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous avoir permis de venir comparaître devant vous aujourd'hui. Les droits des services maritimes auraient de graves conséquences pour le port de Halifax et nous aimerions vous en entretenir.
Tout d'abord, la Société du port de Halifax est une société d'État créée en 1984 par le ministre des Transports.
Notre mission est de développer, de commercialiser et de gérer le port de Halifax en vue de favoriser et de promouvoir le commerce et le transport et de servir de catalyseur pour les économies locale, régionale et nationale.
Les retombées économiques du port prennent la forme de 7 000 emplois, de recettes supérieures à 300 millions de dollars et de plus de 240 millions de dollars en incidences directes sur le revenu. Le port a donc une très forte incidence sur l'économie.
Les activités du port se font sentir partout dans la région Atlantique. La vaste gamme de services de transport maritimes qui font escale à Halifax bénéficient énormément aux exportateurs de la région Atlantique, notamment les exportateurs de poisson, de produits forestiers et de fruits et légumes. La grande diversité des services de transport maritime offrent aux expéditeurs locaux un accès fréquent et rentable à de nombreux marchés d'exportation.
Côté importations, un grand nombre des manufacturiers de la région, comme par exemple Michelin et Volvo, comptent eux aussi sur le port.
Il est clair que l'avenir du port de Halifax aura une incidence sur l'ensemble des exportations, sur l'activité manufacturière et sur l'économie de toute la région.
Nous sommes le troisième port canadien en importance pour le trafic conteneurisé, et nous sommes la seule porte d'entrée sur la côte Est du pays qui offre la profondeur et les marées nécessaires pour accueillir les navires post-Panamax, une nouvelle génération de navires de haute mer.
L'an dernier, le port a traité 13 millions de tonnes de marchandises, dont 3,6 millions de tonnes de marchandises générales comprenant des conteneurs et des marchandises dégroupées, et 9,5 millions de tonnes de marchandises en vrac, surtout du pétrole, des facultés et du gypse. Nous avons également accueilli des passagers de paquebots de croisière - quelque 30 000 l'an dernier - et environ 40 000 véhicules automobiles sont passés par les installations automobiles du port.
Tout au long de la discussion sur les droits des services maritimes, on a beaucoup fait état du trafic international de conteneurs du port. Même si celui-ci ne représente que 23 p. 100 de notre tonnage total, il compte pour les deux tiers de nos revenus et c'est cette catégorie de cargaison qui a la plus forte incidence sur l'économie.
Il est par ailleurs très vulnérable, vu qu'il est assujetti à une très vive concurrence. L'expérience passée nous a montré qu'il existe des solutions de rechange très compétitives aux transporteurs maritimes qui font escale dans le port. Ces solutions de rechange existent au sud de la frontière.
Pour votre gouverne, les ports américains n'imposent pas de redevances semblables à ce qui est proposé au Canada pour les aides à la navigation.
Depuis plusieurs années déjà, divers fournisseurs de services portuaires à Halifax consentent d'importantes concessions financières pour maintenir le niveau d'activité du port. La Société du port de Halifax n'a pas augmenté les frais de port depuis six ans, malgré le fait que l'IPC ait connu une hausse de 16 p. 100.
Nous avons par ailleurs autorisé des concessions financières en vu d'attirer de nouveaux transporteurs de marchandises. La main-d'oeuvre travaillant au port a elle aussi fait des concessions dans ce domaine. La ville de Halifax a consenti des allégements fiscaux et la Nouvelle-Écosse a fait un important investissement dans du matériel ferroviaire.
Le port de Halifax, qui est l'un des plus importants ports naturels au monde, est libre de glace et ses eaux sont très profondes. On est situé à seulement six milles du large, ce qui est un très net avantage si l'on veut attirer les transporteurs maritimes empruntant la route du grand cercle, comme on l'appelle, entre l'Europe et l'Amérique du Nord. Les avantages naturels du port laissent également entrevoir que le recours à des aides à la navigation par les navires commerciaux à Halifax serait minime.
En même temps, les marchés intérieurs du port sont relativement éloignés. Montréal est à 800 milles, Toronto à 1 100 milles et Chicago à 1 600 milles. Ce sont là nos trois principaux marchés.
Monsieur le président, ce qui compte surtout pour nous c'est que Halifax demeure une porte d'entrée concurrentielle pour le commerce international canadien. Pour ce, il est essentiel que l'emplacement géographique du port se traduise par des avantages économiques pour les utilisateurs qui doivent payer des coûts de transport intérieurs considérables pour acheminer leurs cargaisons à leur lieu de destination final.
À ma connaissance, monsieur le président, la question de l'imposition de droits pour les services maritimes est à l'étude depuis 1974. Si j'ai bonne mémoire, nous suivons ce dossier depuis 1989, lorsque Transports Canada s'y est penché pour en faire l'objet de ce que l'on a appelé le document de discussion de la phase deux.
En mars 1995, nous avons fait connaître nos opinions sur la question au Comité permanent des transports, alors présidé par M. Stan Keyes, dont l'examen a débouché sur un rapport intitulé Une stratégie maritime nationale, paru en mai dernier.
Enfin, nous participons intensément aux discussions des derniers mois, en fait depuis la parution du document de la Garde côtière intitulé Public Consultation Paper: Proposed Options for a Marine Services Fee, publié en octobre dernier.
En ce qui concerne les consultations et les propositions des derniers mois, je peux dire deux choses. Tout d'abord, les utilisateurs du port de Halifax et d'autres intérêts dans la région, y compris la Société du port de Halifax, sont extrêmement mécontents du processus de consultation suivi à ce jour. Deuxièmement, nous considérons que le résultat de ce processus, soit la proposition qui est maintenant sur la table, est tout à fait inacceptable. Si vous me permettez, j'aimerais dire quelques mots sur ces deux points.
Je tiens à souligner que la Garde côtière a, de son propre aveu, compté très largement sur les conseils de la Commission consultative maritime dans le choix de la méthode d'application de ces droits. Or, cette Commission consultative maritime, qui est composée de 23 membres, ne comptait aucun représentant ni de Halifax ni de la province de Nouvelle-Écosse.
Je comprends qu'on est en train de prendre des mesures pour corriger la situation. Nous croyons néanmoins que le programme tel qu'il a été établi est le fruit d'un processus de consultation défectueux. Nous aurions dû être là pour représenter les intérêts de la Nouvelle-Écosse et de Halifax.
Quant au résultat, plusieurs propositions ont été faites depuis octobre, chacune supposant des conséquences financières très différentes pour Halifax. Je vais vous donner un exemple.
Plusieurs options en matière de récupération des coûts ont été proposées en octobre. Halifax penchait en faveur de droits calculés sur la base d'une tonne-mille cargo. Avec une telle formule, le coût pour un navire porte-conteneurs typique à Halifax serait de 140 dollars par escale, ce qui a été jugé très acceptable.
Depuis, trois autres propositions ont été faites: pour le même navire, les droits sont passés de6 000 dollars à 500 dollars, pour retomber à environ 1 000 dollars. Avec la proposition à l'examen à l'heure actuelle, une ligne de transport par conteneur à Halifax devrait payer jusqu'à 1 400 dollars par escale.
La situation, avec des droits de 17,6 c. par tonne de marchandise, serait inacceptable. Si vous ne connaissez pas bien la proposition, il s'agit d'une taxe ou d'une redevance uniforme pour l'ensemble des ports canadiens de l'Atlantique, fondée sur un objectif régional de récupération des coûts. L'objectif n'est pas lié aux coûts véritables des aides à la navigation enregistrés dans les différents ports.
L'approche, fondée sur l'interfinancement des ports de la région, a réussi à faire intervenir un élément très chargé politiquement dans un processus déjà controversé, montant de petits ports régionaux, qui dépendent des services de la Garde côtière pour leur développement économique, contre les plus gros ports commerciaux, qui sont vulnérables face aux forces concurrentielles.
D'autre part, cette approche régionale, fondée sur les niveaux actuels de tonnage et non pas sur les coûts véritables, expose l'industrie à une énorme incertitude quant aux niveaux futurs des droits qui seront imposés. Les fluctuations dans les volumes de cargaison à Come By Chance ou à Port Hawkesbury, par exemple, auraient une incidence dramatique sur le résultat.
La situation serait inacceptable pour les utilisateurs du port de Halifax pour trois raisons. Tout d'abord, le résultat n'est aucunement lié aux coûts de services.
Deuxièmement, les montants sont tout simplement trop élevés. Troisièmement, il y a l'incertitude concernant le montant des redevances futures, ce qui est une entrave au développement futur.
J'aimerais prendre quelques instants pour expliquer notre position générale concernant le recouvrement des coûts, que nous avons adoptée en 1989. De manière générale, nous sommes partisans d'un recouvrement des coûts des services maritimes. Des objectifs nationaux de réduction de la dette s'imposent de toute évidence. Nous convenons également que certain niveau de recouvrement des coûts, à condition de respecter le principe de l'usager payeur-décideur, amènera une meilleure maîtrise des coûts et une plus grande discipline pour ce qui est de la demande de services.
Cependant, si l'on va procéder à un recouvrement des coûts, les droits payés doivent être en rapport avec les services utilisés. Cela signifie que les sociétés commerciales qui n'utilisent pas de services de déglaçage, par exemple, n'aient pas à les payer.
Les redevances pour les aides à la navigation devraient être proportionnelles à l'utilisation. Par exemple, à Halifax, qui est située à six milles de l'océan, la redevance devrait refléter la consommation moindre d'aides à la navigation, comparé aux ports de l'intérieur situés à des centaines de milles à l'intérieur des terres.
Je voudrais vous rappeler la recommandation 23 du rapport du comité permanent de mai 1995, où on lit:
- Aucun programme national de recouvrement des coûts ne devrait être mis en application avant
que la Garde côtière n'ait clairement déterminé les coûts de ses services et leur importance à
l'avenir, et qu'elle ait prouvé sa capacité de maintenir les coûts au plus bas niveau
d'exploitation possible.
Vu l'absence de données transparentes sur les coûts, les usagers du port de Halifax ont souscrit à la notion que le principe de la prise en compte du coût du service pourrait être respecté en intégrant à la formule de calcul le facteur distance.
La Garde côtière a proposé diverses options dans son document de discussion d'octobre 1995, et seule celle d'un droit par tonne-mille de fret appliqué à l'échelle nationale tient compte de l'usage proportionnel. Elle intègre ce principe.
Cette option avait l'appui de Halifax, mais elle a été rejetée par la Garde côtière comme étant trop complexe à administrer. Or, si vous relisez un document de discussion de la phase deux de Transports Canada, datant de 1990, portant sur le recouvrement des coûts, vous verrez que cette même formule y est préconisée:
Dans le cas de la navigation internationale, le principe du coût du service pourrait être satisfait par l'inclusion d'un facteur distance.
En outre:
L'administration des redevances envisagées ne serait pas complexe. Les droits relatifs au transport maritime international pourraient être calculés facilement en appliquant les distances standard de trajets particuliers au tonnage de chaque type de fret chargé ou déchargé.
Il est clair que, depuis 1990, la Garde côtière a renoncé à la notion d'usager payant au profit d'une taxe générale, car la proposition la plus récente revient en pratique à imposer une taxe générale.
Ainsi, les usagers ne sauront pas ce pour quoi ils paient et ne pourront déterminer si la redevance est équitable. Cette méthode ne fait rien pour modérer la demande des usagers ni ne favorise la réduction du coût des services de la Garde côtière.
L'activité de notre port englobe un autre segment particulier, les navires de croisière. Selon la dernière proposition, les navires de croisière paieront mensuellement 19 ¢ par TJB, et cela ne va pas sans nous préoccuper.
Le secteur des croisières est perçu comme une activité en expansion pour la région Atlantique et nous pensons que la politique gouvernementale devrait encourager le développement de cette activité sur la côte Atlantique.
Je signale que les croisières offrent des avantages économiques importants pour la région. Cette année, les retombées seront de l'ordre de 3 millions de dollars rien que pour Halifax.
Nous recevrons, en 1996, 46 paquebots. Du fait que la redevance est payée chaque mois quel que soit le nombre d'escales dans des ports canadiens, les conséquences financières varieront.
Nous avons l'exemple du QE II, qui fait escale à Halifax; il paiera 13 000 dollars par escale canadienne.
Une autre grande compagnie de croisières qui a Halifax pour seule escale dans les eaux canadiennes, avec 21 visites, paiera 36 000 dollars de droits de navigation. Elle nous a informés la semaine dernière qu'elle va reconsidérer son escale canadienne en 1997 en raison de cette redevance.
Pour nous, c'est très sérieux. Nous demandons que cette formule soit revue de façon à distinguer entre les paquebots faisant escale dans des ports multiples et ceux faisant escale dans un seul port canadien. Nous avons saisi la Garde côtière de ce problème.
Enfin, monsieur le président, quiconque représente Halifax se doit de dire un mot du déglaçage, et ce sera le dernier point que nous aborderons.
La Garde côtière n'a pas encore déposé de projet concernant les droits de déglaçage. Nous croyons savoir que son objectif de recouvrement des coûts ultime de 60 millions de dollars englobera un chiffre cible de 27 millions de dollars pour le déglaçage. De ce fait, les droits relatifs aux aides à la navigation, avec un objectif actuel de 28 millions de dollars ne devraient pas sensiblement augmenter.
Cependant, il apparaît aujourd'hui que l'achèvement d'une étude d'incidence économique va précéder la mise en place de toute redevance de déglaçage.
Nous recommandons fortement au comité d'exiger la réalisation d'une analyse économique exhaustive avant l'entrée en vigueur de toute redevance et que les droits relatifs aux aides à la navigation et ceux relatifs au déglaçage soient introduits simultanément afin que tous les usagers puissent déterminer les répercussions à court, moyen et long terme pour leur entreprise.
En conclusion et en guise de résumé, nous demandons respectueusement à votre comité de recommander au ministre des Pêches et des Océans la suspension du processus inacceptable actuellement en cours jusqu'à l'achèvement d'une évaluation des coûts port par port et d'une analyse d'incidences socio-économiques serrée. Nous pensons qu'il faudrait donner ordre à la Garde côtière d'adopter les principes de l'usager payeur-décideur à l'égard des objectifs futurs de recouvrement des coûts.
Monsieur le président, je vous prie d'excuser la longueur de cet exposé, mais j'ai pensé qu'il serait utile pour le comité d'entendre l'ensemble de nos arguments. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Bellefontaine.
Quelqu'un d'autre souhaite-t-il la parole avant que nous passions aux questions?
Nous commencerons par M. Bernier.
[Français]
M. Bernier: Je voudrais tout d'abord remercier les témoins. Nous avons un groupe important de témoins et, même s'ils viennent de régions différentes, il me semble qu'ils arrivent tous à la même conclusion. Tout le monde a l'air d'être d'accord sur le fait qu'il est nécessaire de faire des études d'impact. En ce qui concerne les aides à la navigation, il faut voir plus loin que le mois de juin.
Je ne sais pas si ce sont les messieurs des Mines Wabush ou ceux de la Compagnie minière IOC qui répondront à ma question.
Les chiffres qui sont cités représentent quel pourcentage? Comme je suis un profane dans le domaine du transport, quel pourcentage représente ce chiffre d'affaires de 2,8 millions de dollars pour votre entreprise?
On dit que vous êtes dans un contexte de mondialisation des marchés, mais chaque fois que la Garde côtière avance dans les coûts qui sont transférés aux industries - vous êtes des utilisateurs - quel en est l'impact? Peut-on parler de 1 p. 100, 2 p. 100, 5 p. 100?
Pouvez-vous nous indiquer aussi quelle est la marge des bénéfices bruts pour les entreprises minières comme la Compagnie minière IOC? Est-ce 5 p. 100, ou 10 p. 100? Cela nous permettrait peut-être de mieux comprendre.
M. Provost: Je peux essayer. Si on se réfère à l'annexe 1 de notre mémoire, on peut voir l'importance de l'industrie du minerai de fer pour le transport dans le golfe. On parle d'une industrie qui emploie un peu plus de 5 000 employés.
On expédie manuellement à partir des ports de Port-Cartier et de Sept-Îles un peu plus de 37 millions de tonnes dont environ 30 p. 100 remontent le fleuve et 70 p. 100 constituent du trafic maritime pour lequel on partage les mêmes problèmes que le port d'Halifax. On peut donc voir que très peu de services sont directement reçus de la Garde côtière.
La valeur des expéditions de nos trois compagnies se chiffre aux environs de 1,4 milliard de dollars.
Donc, par rapport au revenu, on peut dire que la charge éventuelle de la Garde côtière ne constitue pas un pourcentage important. Par contre, par rapport aux profits qui sont dégagés, cette marge-là est beaucoup plus faible.
En effet, les profits qui ont été déclarés par la Compagnie minière IOC l'an dernier se chiffrent à environ 31 millions de dollars américains. Ceux qui ont été déclarés par la Compagnie minière Québec Cartier se chiffrent à environ 23 millions de dollars canadiens.
En ce qui concerne les Mines Wabush, qui sont un joint venture, la notion de profit est totalement différente: c'est un partage de coûts entre les participants. C'est donc plus difficile à décrire.
M. Bernier: Est-ce que les 2,8 millions de dollars dont il est question dans le document concernent seulement la Compagnie IOC?
M. Provost: La Compagnie IOC seulement.
M. Bernier: C'est bien elle qui a fait à peu près 30 millions de dollars de bénéfices l'an passé?
M. Provost: Oui.
M. Bernier: Donc, si j'arrondis, 3 millions de dollars sur 30 millions de dollars, ça fait 1 p. 100?
M. Provost: Non, 10 p. 100. Cela peut représenter 10 p. 100.
M. Eldridge: Cela ne concerne que les aides à la navigation. On ne parle pas des brise-glaces. Le premier document qui a été émis au mois d'octobre de l'année passée par la Garde côtière indiquait des coûts d'à peu près 6 millions de dollars pour les brise-glaces et les aides à la navigation, ce qui représente un peu plus de 20 p. 100 de notre bénéfice net de l'année dernière.
[Traduction]
Environ 20 p. 100 du profit net réalisé par IOC en 1995 aurait été prélevé par les redevances proposées par la Garde côtière dans le document d'octobre, comprenant le déglaçage et les aides à la navigation.
M. Rance: C'était une bonne année. Les années précédentes étaient très maigres.
[Français]
M. Provost: Ce qui est valable pour IOC est aussi valable pour Québec Cartier, dont les bénéfices de 23 millions de dollars l'an dernier suivaient des bénéfices de 13 millions de dollars l'année précédente, ce qui suivait deux années de pertes à peu près équivalentes. Globalement, au cours des quatre dernières années, chez Québec Cartier, le bénéfice total a été aux environs de 0. Alors, 0 p. 100 de 0...
Au cours des quatre dernières années, Québec Cartier a perdu 24 millions de dollars et 13 millions de dollars, puis a fait des bénéfices de 12 millions et 23 millions de dollars.
M. Bernier: Donc, c'est cette année que la Garde côtière doit vous faire payer. C'est cela que je comprends. Vous n'utilisez pas beaucoup de leurs services non plus.
M. Provost: Oui, mais notre marché est cyclique et on peut penser que ces bonnes années vont disparaître. On profite d'une vague où les prix sont élevés et où le dollar canadien est faible, comme vous le savez tous. Ce sont des avantages pour nous, c'est certain, mais les avantages concurrentiels dont on dispose par rapport à notre concurrence internationale sont très faibles. On extrait un minerai qui est à faible teneur et qu'il faut enrichir. Nos coûts ne correspondent pas aux meilleurs coûts du marché, dans le marché libre. Il y a 400 millions de tonnes de minerai de fer qui sont passent en transit et l'industrie du fer canadienne ne joue pas un rôle majeur. On vend environ 30 millions de tonnes par année sur le marché mondial. Cela constitue une portion...
M. Bernier: Moins de 10 p. 100?
M. Provost: ...de moins de 10 p. 100 du marché global. Pour ce que nous vendons sur le marché, nous sommes soumis à un prix mondial qui est déterminé sur la base du minerai livré à Rotterdam et sur lequel on doit concurrencer. Alors, n'importe quel impact sur n'importe quelle portion de nos coûts affecte directement notre rentabilité. Que ce soit sur le transport maritime, le fret, les frais liés aux aides à la navigation ou les coûts internes, c'est la même chose. Tout cela va affecter directement nos bénéfices et n'affectera pas notre client qui va nous renvoyer toutes ces charges.
M. Bernier: À la lumière de cet exposé, je pense pouvoir vous demander ce que vous attendez maintenant du ministère. J'ai demandé un moratoire et vous ne sembliez pas contre l'idée de participer à un certain paiement, de faire une certaine contribution. Pouvez-vous donc nous dire rapidement quelle serait la position de l'industrie minière actuellement par rapport à l'échéance qui est devant nous? Doit-on adopter le moratoire ou bien avez-vous quelque chose dans votre chapeau de magicien qui permettrait au ministre de s'en tirer pour le moment?
Deuxièmement, je crois comprendre que vous voulez voir des études d'impact économique. Est-ce que cela concerne tout ce que Transports Canada a l'intention de mettre en place dans sa nouvelle politique de transport? Vous voulez connaître les impacts à moyen terme, mais nous devons considérer le court terme car l'échéance tombe à la fin de la semaine et nous devons savoir ce que nous allons dire au ministre.
M. Provost: Nous pouvons dire au ministre que dans notre industrie, nous avons l'impression de payer une part trop importante de ce que le ministre cherche à recouvrer comme frais. Nous sommes dans une industrie à faible valeur ajoutée, une industrie primaire d'exportation, et nous jugeons que les études qui ont été faites jusqu'à maintenant ne sont pas assez développées pour soutenir l'approche préconisée par la Garde côtière.
Nous proposons donc que la Garde côtière entreprenne une étude économique qui couvre tous les aspects, et non pas une étude comme celle qui a été présentée en octobre dernier. Il faut que ce soit une étude économique qui couvrira les effets non seulement sur l'industrie du transport mais aussi sur l'industrie minérale canadienne et toutes les industries qui utilisent le transport et qui sont des clients captifs des voies maritimes du Canada.
Il nous semble que cela devrait être fait avant l'application de frais spécifiques. Cependant, si le besoin de fonds du gouvernement est si important qu'il faille absolument percevoir chez les utilisateurs du transport maritime des frais ou une contribution, nous sommes d'avis que cette contribution devrait être effectuée à un niveau national et d'une manière égale entre tous les participants.
M. Bernier: Parce qu'il n'y a rien pour justifier une division.
M. Provost: Exactement.
M. Bernier: Mais comment faire maintenant? Je pense que maintenant, on va avoir l'autre syndrome, celui que j'appelle le «pas dans ma cour». Certaines gens vont dire qu'ils aiment mieux cet endroit et qu'ils sont satisfaits du tarif régional et d'autres diront que cela ne fait pas leur affaire. Lorsqu'on demande de l'argent à quelqu'un, les arguments que l'on utilise à Halifax ne seront sûrement pas ceux que l'on pourra utiliser à Vancouver. Et les arguments appliqués à Halifax seront aussi différents de ceux concernant le Port de Montréal.
M. Provost: C'est pour cela que nous sommes venus. Je pense que l'on n'est jamais si bien servi que par soi-même. C'est pourquoi nous avons choisi de faire nos propres représentations plutôt que de laisser les gens du Port de Montréal représenter la région des Laurentides.
Jusqu'à maintenant, la Garde côtière a régionalisé. Elle l'a fait à la suite d'une première demande venant de la côte ouest qui voulait d'abord avoir deux structures de tarif pour ensuite en avoir trois et quatre. Si on veut s'aligner sur cette approche, pourquoi ne pas faire une étude port par port? Chaque port a des conditions de fonctionnement différentes et un marché différent.
Pour notre part, nous sommes regroupés - aussi bien le Port de Sept-Îles que le Port de Port-Cartier - dans la région administrative Laurentides, c'est-à-dire Eastern Land, dans laquelle nous nous reconnaissons très peu, parce que nous nous situons dans le golfe et offrons des services qui ressemblent beaucoup à ceux du Port d'Halifax en termes d'aide à la navigation.
M. Rance a mentionné tout à l'heure une seule bouée. C'est vrai pour Port-Cartier aussi, et nous avons offert de l'acheter à la Garde côtière. Mais les différences régionales existent aussi à l'intérieur des régions, et la proposition que la Garde côtière nous a faite ne reconnaît pas le niveau de service et n'est pas du tout axée sur des frais d'utilisation à l'usager spécifique; c'est tout simplement la régionalisation d'un tarif national.
Le Saint-Laurent est aussi composé de plusieurs sous-régions. Le Saint-Laurent fluvial commence - et les pilotes du Saint-Laurent peuvent vous en parler - aux environs des Escoumins ou de Tadoussac. C'est là que les aides à la navigation deviennent vraiment importantes, à tel point que le pilotage est nécessaire.
Du côté est, ce n'est pas le même cas. On a une eau profonde.
[Traduction]
Le président: Monsieur Scott, je vous prie.
M. Scott: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à quiconque veut y répondre.
Connaissez-vous le projet de loi C-98, le texte de loi dont nous étions saisis avant la prorogation de la Chambre? Il confiait en pratique au ministre des Pêches et des Océans la responsabilité de la Garde côtière. Le projet de loi contenait des dispositions intéressant le recouvrement des coûts de la Garde côtière.
M. Eldridge: Je connais les dispositions que vous venez de décrire. Nous croyons savoir que le projet de loi sera présenté en troisième lecture à la Chambre plus tard cette semaine.
M. Scott: Oui.
M. Eldridge: Il nous semble que la Garde côtière a la possibilité de percevoir les droits de services maritimes au titre de la LGFP, la Loi sur la gestion des finances publiques, ou bien en vertu d'une annexe au projet de loi C-98, la Loi sur les océans, ou encore dans le cadre du droit de la mer. Je ne sais rien de plus du projet de loi que ce que je viens d'indiquer.
M. Scott: Sous la forme actuelle du projet de loi... et nous ne savons pas sous quelle forme il sera réintroduit, mais dans la dernière version que le comité a étudiée, il ne prévoyait pas vraiment les modalités de recouvrement des coûts. Il laissait beaucoup de latitude. La garde côtière devait établir une structure de recouvrement en dehors du cadre de la Loi. Pensez-vous que ce soit la bonne façon de procéder ou bien préféreriez-vous voir dans la Loi des dispositions assurant que la Garde côtière: a) soit gérée de manière efficiente et b) perçoive les droits sur une base juste et équitable?
En d'autres termes, pensez-vous que la loi soit un mécanisme approprié pour assurer que vos préoccupations soient prises en compte, et le soient dans le corps du texte de la Loi, ou bien considérez-vous qu'il vaut mieux régler toutes ces questions au moyen d'une concertation avec la Garde côtière après l'adoption de la Loi?
M. Eldridge: Monsieur Scott, à notre sens, et je pense que M. Bellefontaine du port de Halifax a dit la même chose, l'examen effectué par la Garde côtière laisse à désirer.
L'industrie minière de la côte Nord, de même que les autres industries de la côte Nord, et notamment celles de la papeterie et de l'aluminium, n'ont pas été englobées dans l'examen initial effectué par M. Thomas et ses collègues. Ce n'est que par la suite, après la publication du rapport d'octobre, que nous avons commencé à avoir quelques contacts avec la Garde côtière.
Notre position, et c'est ce que nous disons dans le mémoire, est qu'une véritable étude socio-économique des répercussions sur les ports et les industries de la région doit être effectuée. Le rapport IBI présenté fin décembre ne constituait pas, à notre avis, une analyse suffisante des répercussions pour l'industrie. Avant de parler du projet de loi C-98, nous pensons que des consultations plus poussées sont requises de la part de la Garde côtière.
M. Scott: Je comprends très bien votre position voulant que la Garde côtière mette de l'ordre chez elle ou qu'une étude convenable des impacts ou une analyse coûts-bénéfices soit menée etc. Le comité a déjà entendu quantité de témoignages à cet effet et je suis très ouvert à cette idée.
Mais la réalité qui confronte notre comité et la Chambre est que ce projet de loi - il aura un autre numéro, mais ce sera toujours la Loi sur les Océans - va être réintroduit. Du fait qu'il contient des dispositions sur le recouvrement des coûts par la Garde côtière, avez-vous aujourd'hui une position à ce sujet? Avez-vous des préoccupations concernant la forme actuelle du projet de loi?
Je ne sais pas si c'est le cas de votre société, mais je sais que d'autres ont formulé des recommandations intéressant les articles 41 à 49 du projet de loi. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Eldridge: J'ai essayé de vous donner une réponse à ce sujet précédemment, monsieur Scott, réponse qui n'était peut-être pas assez claire, mais nous préférerions que le projet de loi ne soit pas adopté à ce stade.
M. Scott: Bien.
M. Eldridge: Nous ne pensons pas que le projet de loi doive être adopté tant que la question des droits de services maritimes n'aura pas été réglée, puisque le projet de loi contient des dispositions à ce sujet.
M. Scott: J'ai une autre question encore pour vous.
Vous dites dans votre mémoire, et vous l'avez dit dans votre exposé, que si vous allez devoir payer pour le déglaçage - et je ne sais pas si les autres témoins ont la même position - vous choisirez de stocker le minerai et d'attendre pour le transporter jusqu'après la saison des glaces. Est-ce quelque chose qui va causer des difficultés à votre société ou bien est-ce sans grandes conséquences?
M. Eldridge: Les difficultés toucheront surtout nos employés. Si nous fermons notre terminal de Sept-Îles entre le moment de la fermeture de la Voie maritime en décembre jusqu'à la fin mars, il se passera trois mois pendant lesquels nous n'aurons pas besoin de la plupart de nos employés du terminal de Sept-Îles.
Une voix: S'agit-il d'employés saisonniers?
M. Eldridge: J'ajoute que nous avons non seulement des capacités de stockage à Sept-Îles, mais que nous avons également déjà eu des pourparlers avec nos clients concernant un stockage à Rotterdam ou en d'autres lieux d'Asie. Nous pouvons y accumuler des stocks en consignation. Cela montre bien...
M. Scott: Vous avez donc des employés qui travaillent actuellement toute l'année et qui seraient touchés par cela, qui se retrouveraient...
M. Eldridge: C'est juste, monsieur. Il y a des employés du terminal portuaire qui conduisent les machines de chargement des navires que nous chargeons entre janvier et la fin mars.
M. Scott: Combien d'employés seraient touchés?
M. Rance: Environ 160, mais j'ajouterais une chose. Je répète que les droits de déglaçage tels qu'ils ont été proposés dans les discussions préliminaires, s'ils sont appliqués à un navire, signifieraient pour nous une perte d'exploitation directe pour chaque chargement.
En d'autres termes, avec la redevance qui a été proposée, il serait insensé pour nous d'effectuer une expédition à un moment où le déglaçage est nécessaire. Nous avons chiffré cette perte à 20 000 dollars par navire, dans certains cas.
M. Scott: Oui, je vois.
Le président: Au tour du parti gouvernemental. Monsieur O'Brien, voulez-vous commencer?
M. O'Brien (Labrador): Je suis un néophyte dans ce travail. J'ai commencé seulement hier. Je suis très intéressé d'entendre l'avis de IEC et de Wabush Mines. Je représente le Labrador et cette question m'intéresse de près, ainsi que mes mandants. Vous êtes dans ma circonscription.
Je voudrais demander à M. Rance, le représentant de Wabush Mines, quelles répercussions directes ce plan aurait sur les mineurs de Labrador City et de Wabush.
J'ai entendu ce que vous venez de dire concernant le terminal de Sept-Îles. Si vous deviez stocker, cela aurait-il des répercussions directes sur Wabush et Labrador City? Si oui, lesquelles? Abstraction faite de l'étude d'impact économique, si le gouvernement mettait en oeuvre la politique telle que projetée, qu'en résulterait-il pour l'exploitation d'ensemble de ces mines, du point de vue des incertitudes que cela ferait planer?
M. Sheehan: Si je puis répondre pour Wabush Mines, nous n'effectuons pas de transport à partir de Wabush Lake en hiver. Nous pouvons stocker un certain volume, près de trois millions de tonnes, ce qui nous mène probablement jusqu'à fin mars ou mi-avril. Si on va nous faire payer le déglaçage jusqu'au 31 mai et décidons de ne rien expédier jusque-là, tant pis, nous devrons fermer la mine pendant deux mois.
M. O'Brien: Ainsi donc, Wabush Mines serait fermée pendant deux mois avec une redevance telle que celle envisagée ici.
M. Sheehan: Oui, certainement. Nous ne pourrons pas vendre à l'Europe à cause du prix du transport. Nos clients choisiront un autre fournisseur. C'est mon point de vue.
M. Rance: Pour ce qui est d'Iron Ore Company, il y aurait des conséquences. Il est difficile de les chiffrer. La société ne sera certainement pas acculée à la faillite, mais chaque débouché marginal - nos ventes en Chine, par exemple, sont extrêmement marginales; même chose pour Taïwan et la Corée. Ces clients ne voudront certainement pas payer le minerai de fer plus cher que le prix des minerais australiens situés à proximité.
Nous devrons donc réduire notre prix très sensiblement pour vendre notre produit dans ces régions. Cela rend ces débouchés marginaux.
Quel sera l'impact? Je ne sais pas jusqu'où nous accepterons de voir notre marge bénéficiaire réduite, mais nous n'allons certainement pas exploiter à perte. Je pense qu'il y aura certaines répercussions, mais sans doute pas aussi fortes que sur Wabush Mines.
M. O'Brien: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Culbert.
M. Culbert: Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs, et soyez les bienvenus. Je vais tout d'abord m'attaquer à mes collègues de l'Atlantique, en particulier du port de Halifax, si vous le permettez.
Je voudrais particulièrement parler d'un domaine que mes autres collègues n'ont pas évoqué, à savoir les paquebots de croisière et leur importance pour le tourisme du Canada atlantique et les économies du Canada atlantique. Comme nous le savons tous, ces navires ont injecté beaucoup d'argent ces dernières années et, très franchement, nous devons veiller à ce que nous soyons et restions compétitifs par rapport aux escales américaines.
Je vais aborder quatre ou cinq sujets, monsieur le président, et je vais peut-être poser mes questions tout de suite.
L'autre élément était l'accent que vous avez placé sur les frais et services de déglaçage. Je déduis de vos propos que vous seriez réellement opposés à assumer quelque part que ce soit des frais de déglaçage puisque vous n'avez pas besoin de ces services; nous n'en avons pas besoin non plus dans la Baie de Fundy, du côté Nouveau-Brunswick, pour vous parler très franchement. J'aimerais que vous précisiez votre position à ce sujet.
Par ailleurs, avez-vous connaissance d'aides à la navigation dont les navires commerciaux n'ont pas besoin, autre que celles exigées par des considérations de sécurité ou les normes de sécurité?
L'autre aspect que je veux aborder met peut-être en jeu tout le monde. Un certain nombre de témoins, avant le congé de Pâques, ont dit qu'il faudrait effectuer une étude d'impact économique. Plusieurs usagers se sont dit désireux et disposés à participer à ce travail, sous deux formes: d'un point de vue économique ou financier et d'un point de vue participation ou «particip-action».
Enfin, j'ai été très intéressé par l'idée que, dans certains cas, les usagers pourraient acquérir et entretenir eux-mêmes les bouées dont ils ont besoin.
Voilà suffisamment de matière à réflexion, me semble-t-il, et nous pouvons peut-être commencer.
M. Bellefontaine: Je vais répondre à ces questions un peu dans le désordre.
Premièrement, pour ce qui est du déglaçage, il est hors de question que nous payions pour cela. Halifax est un port libre de glace. Cela fait de nombreuses années que nous craignons de devoir contribuer à une redevance régionale pour les services de déglaçage. C'est l'une de nos objections à l'approche régionale de cette redevance de la Garde côtière. En aucun cas ne devrions-nous payer pour le déglaçage.
Pour ce qui est des navires de croisière, Patricia pourrait peut-être vous parler des retombées.
Mme McDermott: Je ne sais pas trop quelle était la question posée sur les navires de croisière.
M. Culbert: La question est celle de notre compétitivité vis-à-vis des escales américaines possibles pour ces navires de croisière, afin qu'ils continuent à faire escale chez nous et les multiplient à l'avenir, car je pense que ce secteur deviendra de plus en plus viable et que les croisières gagneront en popularité.
Mme McDermott: Je pense que c'est vrai. C'est un secteur en expansion sur la côte Atlantique. Halifax est la seule escale canadienne des paquebots de croisière. Leur point de départ est sur la côte Est des États-Unis et ils font un arrêt au Canada comme point d'escale à l'étranger. De la manière dont la redevance est structurée actuellement, ces navires paieront dès qu'ils entrent dans les eaux canadiennes. Des paquebots comme le Queen Elizabeth II paieront 13 000 dollars à chaque escale, et c'est certainement un niveau qui risque de les faire fuir.
M. Bellefontaine: Puis-je demander au capitaine Sherman de répondre au sujet des balises, des aides à la navigation?
Capt Sherman: Pour ce qui est des aides à la navigation, j'en ai parlé avec les pilotes de Halifax et nous avons un peu plus de 50 aides de courte portée - je parle là des bouées, des feux de direction, des phares. Nous en avons isolé 26 qui sont utilisés régulièrement par les transporteurs commerciaux, c'est-à-dire qu'un navire commercial en a besoin réellement de 26. Le restant sert principalement aux bateaux de plaisance et aux petits bateaux de pêche.
M. Bellefontaine: Ce que nous disons, c'est qu'un certain nombre de bouées pourraient être enlevées, si l'on ne considère que l'exploitation commerciale du port - probablement la moitié. Celles qui resteraient en place serviraient en grande partie aussi aux embarcations non commerciales, telles que les bateaux de plaisance.
Capt Sherman: Oui, les restantes seraient utilisées conjointement par tous les usagers, et pas seulement par les usagers commerciaux. Cela ne nuirait en rien à la sécurité.
M. Culbert: Je pourrais peut-être vous poser cette question. Envisagez-vous d'acquérir et d'entretenir vous-mêmes les bouées et peut-être d'autres aides à la navigation? Serait-ce une option?
M. Bellefontaine: Absolument. D'ailleurs, nous avons écrit à John Thomas, je pense que c'était au début de l'année, pour lui dire que le port de Halifax envisageait la possibilité de prendre en charge tous les services de garde côtière dans le port. Je parle là des aides à la navigation et des services du trafic maritime. Nous devons rencontrer la Garde côtière pour voir dans quelle mesure elle est intéressée, mais nous avons lancé l'idée.
M. Culbert: L'autre question s'adresse à tous, j'imagine. Il s'agissait de la participation à une étude d'impact économique, tant à sa réalisation qu'à son financement.
Mme McDermott: L'étude d'impact économique est l'un des grands sujets de débat dans toute cette discussion avec la Garde côtière. Un autre est une évaluation appropriée des coûts port par port. Des représentants du port de Halifax se sont réunis à différentes reprises avec des parties intéressées du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse. L'impression que j'ai retirée de ces discussions est que nul autour de la table ne serait opposé à une évaluation des coûts port par port et que tous seraient prêts à s'attaquer à cette question, que ce soit dans une perspective commerciale ou dans une perspective de développement économique.
Avec le regroupement régional actuel, la redevance proposée est uniforme. Cela aboutit à dresser les ports les uns contre les autres. Nul ne sait quels sont ses coûts propres, nul ne sait si la part que chacun paie est équitable. Étant donné les conséquences pour la survie de chacun, cela engendre beaucoup d'acrimonie. À l'évidence, chacun veut une analyse économique de la situation, mais chacun tient également à ce que les frais soient répartis de façon juste et fiable, port par port. Voilà le point de départ sur lequel tout le monde semble s'entendre dans tout ce débat.
Le président: Monsieur Wells, pour le peu de temps qui nous reste.
M. Wells: Combien de temps?
Le président: Très peu.
M. Wells: J'ai quelques questions. Je vais les adresser initialement à David.
Est-ce que votre mémoire est représentatif de tous les intérêts du port de Halifax? Ou bien est-ce uniquement le point de vue de votre organisation? Je sais que nous allons entendre plus tard... et je pourrais poser les mêmes questions aux autres représentants de Halifax.
M. Bellefontaine: Oui, monsieur Wells, je pense que les mémoires d'autres groupes du port sont très proches du nôtre pour ce qui est de la redevance d'usager, du calcul des coûts pour chaque port et de la nécessité d'études économiques préalables. Je pense que vous constaterez que ces positions sont très largement partagées.
M. Wells: Qu'en est-il du reste des ports de Nouvelle-Écosse, particulièrement les petits? Je songe à des ports comme Shelburne, Liverpool et Bridgewater. Je songe à certains des ports plus petits, situés peut-être moins à l'intérieur des terres que Port Hawkesbury. Avez-vous eu des contacts avec ces groupes?
Mme McDermott: Oui. Comme je l'ai dit, la redevance uniforme touche les ports individuels de manière différente. Nous avons eu quelques contacts avec ces groupes et, comme je l'ai dit, ils sont prêts à aborder la question sous l'angle des coûts individuels, mais leurs préoccupations peuvent varier d'un port à l'autre.
M. Wells: Selon leur situation propre, bien entendu.
Mme McDermott: Oui.
M. Wells: Qu'en est-il de l'analyse économique? Avez-vous effectué une analyse économique pour votre propre compte?
M. Bellefontaine: Tout dépend de ce que vous entendez par là. Nous avons fait des analyses par compagnie maritime. Suite à la dernière proposition, au vu de ces analyses, une grosse compagnie nous a fait savoir qu'elle reconsidérerait son escale de Halifax si ce régime était appliqué. En ce sens, c'est une analyse économique, mais nous n'avons pas chiffré les conséquences sur l'emploi et ce genre de choses.
M. Wells: Mais c'est le genre d'analyse que vous aimeriez voir avant la mise en oeuvre.
M. Bellefontaine: C'est juste.
M. Wells: Pour ce qui est des 26 aides que vous utilisez, avez-vous une idée de ce qu'elles coûtent? La Garde côtière vous a-t-elle donné des renseignements...
Capt Sherman: Nous avons posé la question, mais elle n'a pu nous fournir les chiffres concernant ces aides.
M. Wells: Sur ces 26, vous en avez mentionné trois ou quatre. Avez-vous besoin de toutes les 26? Vous avez besoin de ces 26. Vous ai-je bien compris?
Capt Sherman: C'est juste. Cela revient à éliminer environ 50 p. 100 des bouées de Halifax pour l'usage commercial.
M. Wells: Vous avez parlé d'assumer l'ensemble des coûts, y compris ces 26 aides. Vous en prendriez tout simplement le contrôle.
M. Bellefontaine: C'est juste... l'entretien.
M. Wells: Avez-vous calculé combien cela vous coûterait?
M. Bellefontaine: Pas encore. Nous y travaillons.
Capt Sherman: Nous étudions cela en ce moment.
M. Wells: Est-il sage de faire une telle offre sans savoir combien cela va vous coûter?
M. Bellefontaine: Nous n'avons pas fait d'offre. Nous avons dit que nous étudiions la possibilité. Nous avons été très prudents.
M. Wells: Bien.
Mme McDermott: Je pourrais peut-être ajouter un complément de réponse. Nous avons eu quantité de discussions sur le coût des aides à la navigation à Halifax. En fait, à chaque réunion, nous passons probablement une heure à discuter pour essayer de déterminer ce que peuvent être ces coûts.
La question déterminante pour les usagers commerciaux de Halifax est de savoir quelle proportion du coût doit être imputée à la navigation commerciale. En ce qui concerne le système STM de Halifax, l'année dernière il y a eu quelque 55 000 utilisations du système, dont 3 500 étaient des navires commerciaux. Voilà la question déterminante. Quelle proportion du coût faut-il imputer à la navigation commerciale?
Dans les discussions que nous avons eues avec la Garde côtière, le coût total des services à Halifax a été chiffré à quelque chose comme 3,5 millions de dollars. C'est un chiffre hautement contestable. Beaucoup de gens le situent plutôt aux alentours de 500 000 dollars. Je parle là du coût total du système, et il ne faut pas oublier que l'utilisation commerciale représente environ 6 p. 100 du total.
M. Wells: Sur les 20 millions de dollars que l'on veut recouvrer au moyen de cette redevance, combien proviendraient de Halifax et combien de Nouvelle-Écosse?
Mme McDermott: On ne peut toujours calculer cela pour chaque port, car un droit différent s'applique aux navires canadiens et aux navires étrangers. On chiffre à 1,6 million de dollars le recouvrement opéré à Halifax sur les navires étrangers. Il faut ajouter à cette somme 1,5 million de dollars payés par les navires battant pavillon canadien.
M. Wells: Est-ce que ces chiffres englobent les paquebots de croisière?
Mme McDermott: Oui.
M. Wells: Ils sont englobés dans les chiffres internationaux.
Mme McDermott: Désolée. Cela englobe les navires canadiens et les navires étrangers, y compris les paquebots de croisière. Mais ce montant de 1,5 million de dollars ne peut être appliqué directement à Halifax, car certains des navires canadiens peuvent faire escale dans d'autres ports. Mais, pour la navigation internationale, c'est environ 1,7 million de dollars.
M. Bellefontaine: Si je puis ajouter une précision, cela montre que Halifax va payer près de 100 p. 100 de ses coûts, et non 30 p. 100. C'est 100 p. 100. Si le coût réel se situe entre 3 millions et 3,5 millions de dollars et que les redevances sont basées sur un recouvrement de 3 millions de dollars, cela fait presque 100 p. 100 de recouvrement.
Le président: Le temps imparti est écoulé. Je tiens à vous remercier tous d'être venus. Vous avez très bien présenté vos mémoires. Nous allons essayer de tirer au clair l'histoire de cette seule bouée à Sept-Îles et de ce qu'elle coûte. Merci à tous.
J'invite maintenant à la table les représentants de la Halifax Longshoremen's Association, de Secunda Marine Services Limited et de North Atlantic Refining Limited.
Pourriez-vous vous présenter, je vous prie? Nous commencerons par la Halifax Longshoremen's Association.
M. David Nauss (président, Halifax Longshoremen's Association): Bonjour. Je me nomme David Nauss et je suis président de la Halifax Longshoremen's Association. Je suis accompagné de George Briand, le vice-président.
M. Donald A. MacLeod (vice-président, Secunda Marine Services Limited): Je suis Don MacLeod, vice-président de Secunda Marine Services. Je suis également membre de la Canadian Offshore Vessel Operators Association.
Le président: Et un nom que nous connaissons bien: M. Mifflin.
Des voix: Oh, oh!
M. Glenn Mifflin (North Atlantic Refining Limited): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis Glenn Mifflin, de North Atlantic Refining Limited.
Le président: Nous allons donner d'abord la parole à M. Nauss. Vous avez une heure, à vous trois, pour vos exposés. Je vous remercie.
M. Nauss: Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant cet éminent comité pour faire connaître nos vues.
La Halifax Longshoremen's Association est la plus grande organisation de travailleuses et de travailleurs du secteur maritime dans la région Atlantique. Elle compte 375 membres et emploie régulièrement près de 450 personnes, sur une base hebdomadaire.
La Halifax Longshoremen's Association, soit la section 269 de l'International Longshoremen's Association, s'intéresse de longue date au développement du port de Halifax. Les membres professionnels de cette section syndicale, qui travaillent quotidiennement dans ce secteur, en connaissent bien la nature et les problèmes qui le confrontent. La section 269 est très préoccupée par la sécurité et la viabilité du transport maritime dans le port de Halifax.
Les hommes et les femmes de notre syndicat ont collaboré étroitement avec les compagnies maritimes et les agents d'expédition, de même qu'avec les employeurs non portuaires, pour créer un port reconnu dans le monde entier comme l'un des plus efficients et des plus productifs.
Le port de Halifax crée directement et indirectement plus de 6 000 emplois dans la région. Toute entrave à son activité ne peut qu'avoir de profonds retentissements sur l'économie de la région. Ce sont les graves répercussions que nous prévoyons qui nous amènent à comparaître ici.
Il suffit de vous rappeler que le port de Halifax ne jouit que de deux avantages manifestes. L'un est son excellente main-d'oeuvre, et le deuxième sa situation géographique. Les principaux concurrents de Halifax sont les ports du littoral atlantique américain, et particulièrement New York, l'un des plus grands ports du monde.
Si Halifax perd sa compétitivité, il ne sera pas difficile aux compagnies maritimes de cesser de faire escale à Halifax et de se rendre directement à New York. Pratiquement toutes les compagnies de navigation qui touchent à Halifax le font également à New York. Il est impératif de faire escale à New York, mais il n'est pas nécessaire de le faire dans un port comme Halifax.
Ces navires viennent à Halifax à cause des avantages que nous leur offrons. Si les coûts deviennent prohibitifs dans le port de Halifax, ils cesseront de venir. N'oubliez pas que New York est 700 milles plus près de Montréal que Halifax et 1 100 milles plus près de Toronto que Halifax. Il est même 1 000 milles plus proche de Chicago que Halifax.
Cependant, du fait de l'étroite coopération entre les syndicats et le patronat dans le port de Halifax, et grâce à l'ouverture du tunnel de Sarnia, les conteneurs déchargés à Halifax arrivent à Chicago plus rapidement que s'ils transitaient par New York.
Mais pour amener les lignes maritimes à utiliser Halifax comme point de transbordement de cargaisons à destination du midwest américain, les syndicats doivent faire des concessions. Les retombées économiques de l'activité du port de Halifax sont importantes pour la région de Halifax, la province de Nouvelle-Écosse et même le gouvernement du Canada.
L'équilibre précaire avec lequel les employeurs doivent jongler et dont nous, les travailleurs, avons parfaitement conscience, est toujours menacé lorsqu'il y a une majoration des coûts d'exploitation. Nous considérons que les droits de services maritimes projetés, relatifs aux aides à la navigation, sont l'un de ces facteurs qui mettent en péril la viabilité financière du port de Halifax.
J'aimerais expliquer notre position. Si nous admettons que la Garde côtière canadienne doit recouvrer le coût de ses aides à la navigation, nous, les débardeurs de Halifax, proposons les solutions suivantes:
Premièrement, la redevance doit être fondée sur le coût réel et l'utilisation effective des services.
Deuxièmement, un système fondé sur le millage devrait être mis en place.
Pour ce qui est de la première option, la section 269 estime que tout barème ne tenant pas compte de la situation géographique du port est éminemment injuste. Nous pensons que le port de Halifax doit rester compétitif et qu'il ne faut en aucun cas lui infliger le fardeau des frais d'exploitation d'autres ports.
La part des recettes payée par le port de Halifax devrait être fondée sur la part du coût total national des aides à la navigation imputable aux ports.
La Garde côtière canadienne connaît le coût véritable de l'entretien de ses aides à la navigation dans le port de Halifax. Le coût de ces aides à la navigation devrait être pris en charge directement par les usagers du port de Halifax, à condition qu'un système très viable de vérification de ces coûts puisse être introduit.
Si la décision est prise d'intégrer le port de Halifax dans une formule régionale, notre position reste la même: la formule régionale doit être fondée sur le coût réel dans chaque port.
Par conséquent, pour résumer nos vues sur la première option, la Halifax Longshoremen's Association a pour position que les coûts réels attribuables aux aides à la navigation dans le port de Halifax doivent former la base de la part des recettes totales visées que paient les usagers du port de Halifax.
Le port de Halifax ne devrait en aucune façon être tenu responsable des coûts encourus dans un autre port. Il va sans dire que la même formule appliquée au port de Halifax doit l'être à tous les autres ports du Canada.
Pour ce qui est de la deuxième option, à défaut de la première, la Halifax Longshoremen's Association, section 269, propose que la redevance d'usager soit fondée non sur le coût effectif des aides à la navigation, mais sur l'usage réel qu'en fait un navire. À cet égard, la distance est le facteur principal.
Le principe qui avait été proposé par le passé, à savoir un taux régional commun pour la région Atlantique, est totalement inacceptable. En effet, il ignore les variations considérables d'utilisation des aides à la navigation d'un port à l'autre. Une formule port par port est la seule solution à retenir.
Les droits d'atterrissage dans les aéroports diffèrent, les droits de quayage dans les ports diffèrent, les droits de pilotage dans les ports diffèrent. Pourquoi y aurait-il uniformité dans le cas des droits de services de navigation? Halifax souffrirait grandement si les redevances payables par les compagnies maritimes étaient majorées.
Une compagnie maritime en particulier a annoncé, dans une lettre au commissaire John Thomas de la Garde côtière canadienne en date du 30 janvier 1996 que «...Halifax sera carrément rayée de notre liste d'escales et le fret actuel dérouté par New York...»
Lorsque le port de Halifax et son syndicat étaient confrontés à la concurrence accrue des ports américains, les autres ports canadiens ne sont pas venus à son secours. C'est le port de Halifax lui-même qui a dû apporter les corrections nécessaires à ses méthodes d'exploitation.
C'est ainsi que Halifax, dans ses heures les plus sombres, a pu convaincre les grandes compagnies maritimes à rester à Halifax, mais pour cela toutes les parties intéressées ont dû modifier leurs pratiques d'exploitation pour rester mondialement concurrentielles.
Le port de Halifax a été seul à en payer le prix. On demande maintenant au port de Halifax d'assumer le coût des aides à la navigation dans d'autres ports. C'est à la fois injuste et déloyal.
Si vous réfléchissez à la question, vous serez convaincu que pour traiter tout le monde sur un pied d'égalité du point de vue des aides à la navigation, il faut disposer d'un système équitable pour mesurer les coûts à imputer à chaque partie. C'est pourquoi nous recommandons comme solution de rechange une formule basée sur la distance.
Notre proposition répond à la volonté du gouvernement de réduire son déficit, en plaçant le fardeau économique sur les personnes qui utilisent le service et sans favoriser ou défavoriser injustement aucune partie.
Permettez-moi de passer à d'autres considérations. Pour des raisons de cohérence et de justice, il faut introduire simultanément les redevances pour le déglaçage et celles pour les aides à la navigation.
En conclusion, nous considérons que la recommandation que fera votre comité doit tenir compte de six facteurs.
Premièrement, elle doit tenir compte de la fragilité économique du port de Halifax.
Deuxièmement, elle doit reconnaître que tout système mis en place devra répondre à l'impératif de l'équité et de l'égalité de traitement.
Troisièmement, elle doit reconnaître que le seul système viable est une redevance basée sur l'utilisation.
Quatrièmement, la répartition de l'objectif de recettes globales doit se faire sur la base du coût réel d'exploitation des aides à la navigation du port de Halifax.
Cinquièmement, à défaut de la quatrième option, les coûts doivent être basés sur la distance parcourue, ce qui donne un chiffre similaire à celui de la quatrième option.
Sixièmement, le port de Halifax devrait être représenté au sein de la Commission consultative maritime lorsqu'il s'agit de déterminer le taux facturé pour l'utilisation des aides à la navigation dans le port de Halifax.
Je vous remercie de nous offrir cette occasion d'exprimer nos vues. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions tout à l'heure, si vous en avez.
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais simplement vous rappeler, monsieur Mifflin et monsieur MacLeod, que vous avez tous deux des exposés très étoffés à présenter. Nous n'avons qu'une heure pour vous entendre tous les trois, et vous pouvez soit présenter vos textes intégralement soit les résumer afin que nous puissions passer aux questions plus rapidement. Le choix vous appartient.
M. MacLeod: Je vous remercie, monsieur le président. Je vais présenter sous forme lapidaire les éléments saillants de notre mémoire.
Je représente Secunda Marine Services Limited, une société qui exploite des navires de ravitaillement en haute mer et s'occupe de renflouement d'épaves, de remorquage d'assistance et d'autres services connexes sur la côte est du Canada et ailleurs dans le monde.
J'aimerais dire quelques mots de notre société et de notre industrie, aborder les principes généraux et le processus qui sous-tendent cette proposition de la Garde côtière concernant les aides à la navigation et les frais de déglaçage, vous rappeler les propositions initiales qui ont - Dieu merci - été modifiées suite aux consultations et, enfin, aborder certains problèmes spécifiques posés par la proposition actuelle et qui sont pour nous une grande source de préoccupation.
Tout d'abord, pour ce qui est de notre société, Secunda Marine Services est une espèce en voie de disparition parmi les plus menacées. Nous sommes une compagnie maritime du Canada atlantique exploitant, à partir du Canada, des navires battant principalement pavillon canadien. C'est ce qui fait notre rareté.
Notre genèse a été l'activité de forage pétrolier en mer il y a une dizaine d'années, lorsque celle-ci était très intense sur la côte Est.
La nécessité nous a obligés à diversifier, tant sur le plan géographique que sur le plan de nos services en offrant des services de renflouement, de remorquage en haute mer, etc. L'un de nos exploits les plus récents, dont vous avez peut-être entendu parler, a été le sauvetage du pétrolier grec Amphion, qui a été abandonné en haute mer en février dernier. C'est notre société qui est allé le récupérer et qui l'a remorqué après l'évacuation de l'équipage par la Garde côtière.
Nous travaillons dans le monde entier. Nous avons actuellement des navires en Afrique, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes, la mer du Nord et, bien entendu, sur la côte est du Canada.
J'ai indiqué dans mon mémoire que nous sommes le seul membre survivant de la Canadian Offshore Vessel Operators Association, la COVOA. Il y a une dizaine d'années, l'association comptait une quarantaine de navires hauturiers battant pavillon canadien basés sur la côte est du Canada, et était alors une organisation très dynamique. Aujourd'hui, nous sommes tout ce qui reste.
Il faut espérer que, dans les années qui viennent, avec les grandes perspectives qui s'ouvrent sur la côte est du Canada, nous verrons une reprise de l'activité et que l'association retrouvera un peu plus de vigueur.
Pour ce qui est des aides à la navigation et des redevances de déglaçage projetées, ces frais représenteront pour nous un coût d'exploitation supplémentaire direct qui va peser sur notre compétitivité internationale. Cependant, par les temps qui courent, et vu les contraintes budgétaires, nous reconnaissons que les pouvoirs publics sont obligés de rationaliser leurs services et de les faire payer. Nous ne sommes pas opposés au principe de payer les services que nous utilisons.
J'aimerais exprimer cinq grandes préoccupations, dont certaines sont de nature générale et ont déjà été formulées par des témoins précédents, et dont d'autres nous sont propres. Je parlerai d'abord du processus de consultation. La Commission consultative maritime, à laquelle le ministre et la Garde côtière soumettaient les diverses propositions qui ont été élaborées, ne comptait pas au départ de représentant de la Nouvelle-Écosse. En outre, tous les autres membres du Canada atlantique représentaient des industries ou des associations nationales dont la plus grande partie de l'activité se déroule ailleurs que dans la région Atlantique. Donc, dès le départ, la représentativité de cette Commission laissait à désirer et il en a résulté un processus de consultation défectueux.
Nous trouvons encourageant que M. Thomas et la Garde côtière aient admis la nécessité de revoir la composition de la Commission et d'y ajouter des représentants du Canada atlantique.
Juste pour vous donner une indication concrète des répercussions que ce processus vicié pourrait avoir sur une société et une industrie comme la nôtre, tout notre secteur d'activité hauturier a été négligé dans le processus. Notre type de navire n'a été pris en considération à aucun moment. Notre type de navire a été totalement oublié.
À peu près à mi-chemin de la consultation, une proposition a soudainement émergé qui prévoyait que les remorqueurs canadiens se verraient facturer un taux de 23 dollars par tonne de jauge brute, alors que les chalands qu'ils remorquent seraient exonérés.
Cela pouvait être rationnel sur la côte Ouest du Canada où il y a un important secteur de remorquage de chalands, où les remorqueurs sont petits et les chalands de grande taille. Mais, sur la côte atlantique, il n'y a pas de remorquage de chalands. Nous avons des navires de ravitaillement en mer et des remorqueurs d'assistance hauturiers ayant un chiffre de jauge brute très élevé. De ce fait, les redevances qui nous auraient été imposées avec le système initialement prévu se seraient montées à près de 255 000 dollars au lieu que nous soyons traités comme les autres navires qui paient environ 50 000 dollars.
Dieu merci, la Garde côtière a écouté nos protestations et convenu de traiter les remorqueurs de la même façon que tous les autres navires de la côte atlantique. Mais cela montre bien les faiblesses du processus et le fait que, parce qu'une industrie comme la nôtre n'était pas représentée dans un organisme influent, ses intérêts n'ont pas été pris en compte dans le processus de consultation.
La deuxième grande question a déjà été abordée par virtuellement tous les autres témoins jusqu'à présent. Il s'agit des études d'incidence et des répercussions que ces redevances de services maritimes auront sur la compétitivité canadienne.
La Garde côtière agit dans l'isolement, sans s'interroger sur les répercussions, que ce soit sur les navires canadiens, les exportateurs, les industries canadiennes. Elle a reçu pour instruction de percevoir un montant x, et elle n'a pas eu mission de réfléchir aux répercussions économiques. Je suppose que c'est à quelque autre service gouvernemental de s'en préoccuper.
Mais lorsqu'on s'adresse à la Garde côtière et qu'on lui demande quel est le coût de tel ou tel service, elle ne peut vous le dire. Il me semble que si l'on va devoir payer un service, le moins que l'on puisse exiger est que l'on vous dise combien ce service coûte.
Nous pensons donc qu'une étude ou analyse exhaustive des répercussions économiques devrait être faite afin que l'on connaisse l'impact avant d'introduire des redevances qui pourraient avoir des conséquences dramatiques et dévastatrices. La Garde côtière s'est engagée à le faire avant d'introduire les redevances de la deuxième année, mais les dégâts auront peut-être déjà été causés.
Le troisième élément concerne la notion d'usager payeur. En gros, nous acceptons de payer les services que nous utilisons effectivement. Nous sommes en faveur de redevances calculées port par port. Nous pensons que c'est la seule façon de vraiment comptabiliser les frais.
À l'heure actuelle, la Garde côtière établit sont budget pour ces droits en partant de ses bases opérationnelles, pour établir ensuite un budget régional, puis un budget national. Mais elle ne peut procéder dans l'ordre inverse et nous dire qu'un arrêt dans le port de Halifax va coûter tant parce que notre navire aura utilisé x aides à la navigation. Or, nous pensons que la Garde côtière devrait pouvoir nous donner cette ventilation avant d'imposer un droit arbitraire.
L'autre aspect de la question est de savoir si le service et les aides à la navigation sont fournis de manière rentable et économique. À nos yeux, la Garde côtière, du fait qu'elle est en train de se muer en une sorte d'organisme de services au lieu d'être un organe gouvernemental, possède un monopole. Il n'y a pas de discipline commerciale. Il n'existe pas d'étalon auquel comparer son service.
La Garde côtière est comme un service public. Elle jouit d'un monopole pour la prestation de ses services mais sans la tutelle d'aucun organe ayant un droit de regard auquel elle doive rendre compte, présenter ses projets puis défendre ses coûts, son niveau de service et ses tarifs.
Donc, avant que des droits ne soient imposés, nous voulons savoir combien il lui en coûte de fournir les services qu'elle nous demande de payer. Cela nous paraît la moindre des choses.
La question suivante, ou l'élément suivant dans toute cette affaire, est celle du pistage des mouvements des navires canadiens. Je signale que le traitement est différent selon qu'il s'agit d'un navire battant pavillon étranger ou d'un navire canadien.
Dans la région Atlantique, nous sommes en faveur de lier la redevance aux services utilisés, position déjà défendue par le port de Halifax. Parmi toutes les propositions soumises, la meilleure est celle fondée sur le tonnage, ce qui permet de voir la distance parcourue, les aides utilisées et, à partir de là, établir un barème.
Pour ce qui est de la flotte intérieure, la Garde côtière ne distingue pas entre la région centrale et la région Atlantique. Elle a fixé un chiffre pour tous les navires canadiens de Thunder Bay jusqu'à St. John's, à Terre-Neuve. Elle a pris le nombre de navires comme point de départ, divisé le chiffre de recettes recherchées par ce nombre et défini ainsi une redevance à payer par les navires battant pavillon canadien.
Mais si vous prenez notre type d'activité, par exemple, lorsque nous procédons à une opération de renflouement, le navire peut n'effectuer qu'un, deux ou trois déplacements dans l'année, s'il s'agit d'un gros travail. Mais un vraquier des Grands Lacs va effectuer un grand nombre de voyages et va payer le même taux sur la base de son tonnage de jauge brute.
L'une des raisons, selon la Garde côtière, pour laquelle elle ne peut calculer les redevances selon l'utilisation dans le cas des navires battant pavillon canadien serait l'impossibilité de retracer les mouvements de chacun d'eux. Ce serait possible pour les navires étrangers car ceux-ci remplissent un bordereau de douane indiquant la destination lorsqu'ils quittent le port. Eh bien, je réfute cette affirmation car, chaque fois qu'un navire se déplace, il doit appeler le centre de contrôle de la circulation pour lui indiquer sa destination, le centre inscrivant ce mouvement dans un registre. Ou bien on peut rétablir le système de licence côtière qui existait par le passé. Il me semble, en tout cas, que la Garde côtière peut suivre les mouvements des navires canadiens aussi bien que ceux des navires étrangers pour déterminer quelle redevance il est raisonnable de leur imposer.
Dernière remarque à ce sujet, je ne vois pas, si la redevance est plafonnée pour un navire étranger et qu'on lui applique un taux par TJB de 19 ¢, contre 4,34 dollars pour nous, pourquoi nous ne pourrions pas bénéficier du même traitement? C'est probablement trop simple.
Quoi qu'il en soit, l'une de nos recommandations est que la Garde côtière, sa flotte et ses aides à la navigation soient privatisées. Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible. Je vais vous montrer une photo. Voici la photo d'un de nos navires. Nous en avons deux, en fait. Celui-ci a été construit à Marystown et c'est un ravitailleur standard. La Garde côtière possède un navire identique à celui-ci, du nom de Mary Hichens.
Si je regarde par ma fenêtre, à Dartmouth, de l'autre côté de la baie, je vois le quai de la Garde côtière et les navires rouges qui y sont amarrés. Je vois le Mary Hichens et je compare ses sorties en mer à celles de notre navire. Notre activité à nous est commerciale, car nous acceptons toutes les missions pour lesquelles nous pouvons employer le navire, au lieu de le réserver à un ensemble précis de services comme c'est le cas de ceux de la Garde côtière.
Donc, pendant que le navire de la Garde côtière reste à quai, avec un équipage probablement trois ou quatre fois supérieur au nôtre... Par exemple, nous avons un équipage de dix personnes; la Garde côtière en a probablement 30. Vous pouvez voir tout de suite l'inefficacité d'une flotte exploitée sur une base gouvernementale au lieu d'être régie par des impératifs commerciaux.
Il y a tellement d'autres problèmes dont je pourrais parler - le fiasco avec le renflouement de l'Irving Whale, par exemple. Nous avons le seul navire battant pavillon canadien de soutien de plongée muni d'un système de positionnement dynamique. Ce navire était idéal pour constituer la plate-forme de plongée pour cette opération. La Garde côtière a imposé un régime... Nous nous occupons accessoirement de renflouement et nous connaissons un peu le domaine. Nous n'avons pu leur faire admettre qu'il y avait un problème de responsabilité civile.
Lorsqu'il s'est agi de choisir la plate-forme de plongée... notre navire peut maintenir une position précise grâce à ses systèmes de référence hautement perfectionnés, quelles que soient les conditions météorologiques etc. Il coûte plus cher que le navire qu'ils ont utilisé, mais ils ont dépensé 8 millions de dollars et n'ont pas pu plonger parce que le temps était trop mauvais. S'ils avaient utilisé notre navire, nous aurions sans doute pu le faire en beaucoup moins de temps que ce qu'ils avaient initialement prévu et l'Irving Whale serait aujourd'hui renfloué.
Ce ne sont là que quelques exemples de ce que l'on pourrait faire si l'on avait des gens compétents motivés par les bonnes considérations - des considérations commerciales - afin d'éviter ce genre de fiasco et de gaspillage d'argent. Lorsqu'on voit 8 millions de dollars jetés par la fenêtre et que l'on vous demande ensuite de payer le même montant sous forme de redevances pour les aides à la navigation, on se demande si cela est bien raisonnable ou juste. Je vous laisse tirer vos propres conclusions.
Pour terminer, en tant qu'exploitant canadien qui doit travailler à l'échelle internationale, toutes ces redevances gonflent nos coûts d'exploitation, ce qui nous rend moins compétitifs. Nous admettons que des droits soient imposés, mais il faut qu'ils soient justes et que l'on nous dise combien il en coûte de fournir les services que nous utilisons.
Deux petites remarques avant de conclure. En ce qui concerne la proposition la plus récente, à savoir que les navires de ravitaillement en mer et les remorqueurs de la région Atlantique soient traités comme tous les autres navires, nous voulons que les redevances soient calculées au pro rata - sur une base mensuelle. Si l'on travaille un mois ou que l'on travaille deux jours pendant ce mois, on paie pour tout le mois. Mais si le navire part et travaille outre-mer pendant six mois, il ne devrait payer que pour les six mois où il se trouve au Canada.
Ils proposent le même traitement dans le cas des navires battant pavillon étranger entrant au Canada avec une exemption de pavillon temporaire. Ils paient le tarif intérieur, au pro rata du temps passé au Canada, et lorsqu'ils repartent ils cessent de payer.
Nous pensons qu'il serait injuste qu'un navire battant pavillon canadien doive payer l'année complète s'il n'est là que pendant six mois, pour la seule raison qu'il est canadien.
Je pense avoir couvert la plupart des points. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie.
M. Glenn Mifflin (North Atlantic Refining Limited): Monsieur le président et membres du comité, j'ai distribué un récapitulatif des points que je veux aborder ce matin. Il y en a trois principaux dont on ne vous a probablement pas encore parlé. L'un est le processus de consultation. Je veux parler des répercussions économiques sur le raffinage dans l'Atlantique Nord et d'une approche des questions soulevées par les droits de services maritimes.
Le contexte est clair. Je tiens à souligner que la Garde côtière canadienne a présenté le recouvrement des coûts comme non négociable. À toutes fins pratiques, elle a reçu l'ordre de percevoir ces redevances dans le cadre du processus budgétaire fédéral.
En outre, John Thomas a indiqué ici que les propositions du 15 mars, qui ont été considérablement remaniées depuis lors, avaient été élaborées à partir des avis recueillis lors d'un processus de concertation et qu'elles reflétaient un large consensus dans le secteur privé.
Pour ce qui est de l'impact de cette proposition, c'est-à-dire de la première phase d'une proposition de 60 millions de dollars, sur l'industrie du raffinage, il avait été estimé à 700 000 dollars. Or, en réalité, cet impact était de 2,6 millions de dollars. Ces chiffres ont depuis été révisés.
Un certain nombre d'autres témoins ce matin ont formulé les mêmes observations que nous concernant le processus de consultation. Nous pensons que tout le processus était fondamentalement vicié. Le port de Halifax et la Nouvelle-Écosse ont fait valoir qu'ils n'étaient pas représentés au Conseil consultatif du transport maritime, et nous sommes dans le même cas.
En outre, la Garde côtière canadienne, par le biais de son cabinet d'experts-conseils IBI, qui lui a fourni ces renseignements - sa consultation à Terre-Neuve consistait en un appel téléphonique de 15 minutes avec un représentant de Corner Brook Pulp and Paper. Ce n'est pas là un processus de consultation reflétant un large consensus au sein de l'industrie.
Nous ne pensons pas que ce processus autorisait une véritable évaluation des répercussions économiques, financières ou sociales de ces redevances sur la région Atlantique. Ces droits sont destinés à rapporter 20 millions de dollars. On leur donne le nom de «droits de services maritimes», mais il ne s'agit de rien d'autre que d'une taxe déguisée de 20 millions de dollars.
Pour ce qui est de l'impact économique sur le raffinage dans l'Atlantique Nord, la proposition initiale se chiffrait à 2,5 millions de dollars rien que la première année. La proposition la plus récente, que nous avons reçue jeudi, a ramené le montant estimatif à 1,1 million de dollars. Franchement, cela aura un effet négatif sur tout avantage concurrentiel dont notre raffinerie pouvait bénéficier.
La Garde côtière ne s'était pas rendu compte que l'effet serait si grand. Lorsqu'elle a fait ses calculs, elle a utilisé les chiffres de 1994. Or, c'est un fait bien connu qu'en 1994 la raffinerie a rencontré de graves difficultés financières et a été fermée. Nous avions 50 employés qui n'étaient pas payés. Ils faisaient don de leurs services, espérant que la raffinerie puisse être sauvée et trouve un nouvel actionnaire, ce qui a été le cas.
Ce sont les chiffres de cette année là qu'ils ont utilisés pour déterminer nos volumes de fret. Au même moment, nous discutions avec la Garde côtière des droits d'organisation des interventions environnementales. Nous disions à la Garde côtière que nos volumes de fret, au moment de l'introduction de la redevance, seraient de huit millions de tonnes, mais ils ont néanmoins utilisé pour nous un chiffre voisin de trois millions de tonnes.
Ils ont proposé ensuite plusieurs barèmes de droits successifs, dont l'impact allait de 1,2 million de dollars à 2,7 millions de dollars. Après des réunions avec John Thomas à Terre-Neuve, ils ont reconnu que leurs chiffres étaient erronés, ils les ont donc révisés et proposé une nouvelle formule. Nous l'avons reçue jeudi dernier. Ils disent qu'elle équivaut pour nous à une redevance de 552 000 dollars, mais nous disons que le chiffre est plutôt de 1,1 million de dollars.
Si nous prenons les propositions de droits du 15 mars et du 10 avril, en appliquant le barème pour la région Atlantique, nous paierons 1,1 million de dollars, mais avec le barème pour la région centre, qui va jusqu'à Montréal, nous ne paierions que 900 000 dollars. Si nous utilisons le barème pour la côte Ouest du Canada, nous paierons entre 500 000 et 600 000 dollars. Il y a donc un avantage de 200 000 dollars à acheminer le pétrole brut jusqu'à Montréal et réexpédier le produit raffiné, par opposition à l'acheminement jusqu'à Come By Chance.
Nous faisons valoir également que l'effet cumulatif des droits de services maritimes, ajoutés aux frais portuaires, aux frais d'organisation des interventions environnementales, aux droits de pilotage et aux frais de dragage n'a pas été pris en compte par la Garde côtière, et qu'ils auront un effet dévastateur sur nous et sur l'industrie des services maritimes de la région Atlantique et de tout le Canada.
L'étude menée par la Garde côtière elle-même indiquait que l'industrie pétrolière est vulnérable. Comme celle du minerai de fer, dont les représentants ont comparu précédemment, elle est caractérisée par des volumes importants et de très faibles marges bénéficiaires.
En outre, les exportations constituent un élément important et vital de l'économie des provinces atlantiques et sont l'une des pierres angulaires sur lesquelles table le Canada. Le gouvernement va répétant que c'est grâce à sa compétitivité que le Canada connaît une expansion économique et peut réduire son déficit.
Nous ne pouvons répercuter sur nos prix de vente les coûts supplémentaires imposés à notre raffinerie. Le prix des produits pétroliers à destination dans le port de Boston est le même, que ces produits viennent de Trinidad, du Venezuela ou de Terre-Neuve. Ces redevances sortiront directement de notre poche. Nous ne pouvons les répercuter sur les consommateurs canadiens ou sur nos clients américains.
Nous pensons que ce projet d'imposer des redevances additionnelles va gravement nuire à la compétitivité des fabricants canadiens sur le marché international. Par exemple, pour un navire de40 000 tonnes arrivant à Come By Chance, nous payons actuellement, en excluant les droits d'organisation des interventions environnementales et ces droits de services maritimes projetés, un montant comparable au port de Boston. La redevance de services maritimes pour ce seul navire représentera 7 000 dollars. Dans la pratique, ce navire paiera 24 p. 100 de plus pour aborder dans notre port que dans celui de Boston. C'est un handicap concurrentiel.
Si vous ajoutez à cela les droits d'organisation des interventions environnementales qui sont supérieurs aux droits de services maritimes, un navire circulant dans les eaux canadiennes est fortement désavantagé dans la concurrence. Il est économiquement insensé de faire ce genre de choses.
L'avantage géographique naturel de Terre-Neuve sera amoindri par l'imposition du système de recouvrement des coûts proposé, qui réduira la compétitivité des produits canadiens sur les marchés mondiaux et alourdira encore les frais de transport déjà élevés que paient les entreprises de Terre-Neuve.
Qu'en pensons-nous? Nous sommes opposés à l'idée de droits distincts pour les régions ouest, centre et est du Canada. Nous ne sommes pas en faveur de barèmes de droits régionaux. Si des redevances doivent être imposées, qu'elles le soient sur une base nationale, forfaitaire, et uniquement une fois toutes les réductions de dépenses possibles mises en oeuvre.
Secunda Marine a parlé d'un navire amarré de l'autre côté du port. Nous avons donné à la Garde côtière des exemples similaires de gaspillage qui lui permettraient d'économiser, rien qu'à Terre-Neuve, les 20 millions de dollars qu'elle veut prendre dans la poche des exportateurs canadiens.
Nous appuyons les mesures gouvernementales visant à réduire le déficit par le biais de compressions de dépenses. Les redevances d'usagers peuvent être un moyen efficace de commercialiser les programmes fédéraux, mais uniquement si ces services sont efficients et fournis à un niveau que les usagers acceptent de payer. Malheureusement, on impose à l'industrie le pouvoir monopolistique des ministères gouvernementaux fédéraux. Ils font grimper le coût d'observation des règlements par les entreprises, en dépit de l'engagement du gouvernement de réduire le fardeau réglementaire. Ils vont freiner la création d'emplois, l'investissement et l'innovation de la part des entreprises canadiennes.
Parlons du critère de l'incidence sur les entreprises. Nous sommes partisans d'une telle étude. D'ailleurs, le ministre des Approvisionnements et Services, dans un discours prononcé l'an dernier, avait indiqué que dès 1996, tous les ministères fédéraux procéderaient à une étude d'incidence sur les entreprises au sujet de toute grande modification de la réglementation à partir de 1996. L'étude d'incidence effectuée par le groupe IBI ne constituait pas une analyse de cette sorte.
En résumé, nous ne pensons pas qu'il soit opportun d'imposer à ce stade ces redevances. Elles vont nuire gravement à notre compétitivité. Elles vont alourdir nos coûts et ceux de toutes les entreprises canadiennes exportatrices et mettre à mal notre situation concurrentielle. Je vous remercie de votre attention.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Wells.
M. Wells: Je vais essayer d'être bref.
Monsieur Nauss, j'ai quelques questions concernant votre exposé. Vous avez parlé des frais de main-d'oeuvre et de certaines des concessions que votre syndicat a consenties pour rendre le port plus viable. Avez-vous une idée du niveau de vos frais de main-d'oeuvre comparés à ceux d'autres ports canadiens, particulièrement dans le centre et l'ouest du Canada?
M. Nauss: Je ne pense pas qu'il y ait une grande différence sur le plan des salaires. Dans le centre du Canada, certains des syndicats ont des conventions collectives garantissant les salaires, je pense, si bien que les frais de main-d'oeuvre sont sans doute, à cause de cela, nettement supérieurs. Il en est de même aux États-Unis, mais les garanties ont tendance à y être grignotées, si bien que ces ports deviennent beaucoup plus compétitifs. Nous n'avons pas d'avantage net sur eux.
M. Wells: Pouvez-vous me donner des précisions concernant le deuxième paragraphe de la page 6 de votre mémoire? Vous dites que Halifax se ressentirait considérablement d'une hausse des redevances et vous faites état d'une compagnie de transport maritime en particulier ayant indiqué qu'elle délaisserait Halifax au profit de New York. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Quelle est cette compagnie? A-t-elle une forte présence à Halifax?
M. Nauss: La plupart des compagnies maritimes qui s'arrêtent à Halifax desservent également New York, si bien qu'elles considèrent Halifax comme un port optionnel. Elles pourraient sans difficulté transférer la totalité de leurs activités à New York car c'est déjà un port d'escale pour elles. Je pense que celles qui ont fait cette remarque étaient Zim Container Service et Atlantic Container Line. Elles envisageaient de faire de Halifax un centre de distribution, mais si ces redevances prennent effet et que nos coûts deviennent plus élevés que ceux de New York, elles pourront rapidement transférer leur activité à New York.
M. Wells: Pensez-vous qu'il s'agisse là d'une menace creuse? Pensez-vous que cela pourrait arriver?
M. Nauss: Je pense qu'elles parlent très sérieusement. Elles ont eu des pourparlers avec le premier ministre de Nouvelle-Écosse et avec nous-mêmes, et les coûts seront prohibitifs si elles ne peuvent rester compétitives. La différence de coût est déjà si mince entre New York et Halifax. Il en coûte encore davantage pour le transport par rail jusque dans le midwest américain, c'est pourquoi elles continuent à passer par Halifax.
M. Wells: Depuis cette lettre - je pense que la lettre dont vous parlez est datée du 30 janvier - n'y a-t-il pas eu un changement du barème tarifaire?
M. Nauss: Oui, mais c'est devenu encore pire. Il y a eu trois ou quatre propositions. Je pense que la toute dernière est également néfaste.
M. Wells: La lettre à laquelle vous faites référence concerne l'ancien barème. Nous ne savons pas ce que les compagnies... J'essaie de voir quelle serait leur position avec le nouveau...
M. Nauss: Quelle serait leur position avec le barème actuel? Je ne sais pas, car celui-ci nous a seulement été communiqué ces derniers jours. Nous n'avons pu en parler avec personne encore.
M. Wells: Le chiffre a changé et parfois il est difficile de s'y retrouver. Je ne pense pas que nous ayons été mis au courant de la proposition la plus récente, bien que j'aie lu certaines choses à son sujet dans les journaux.
Monsieur MacLeod, avez-vous une idée de ce que la proposition la plus récente coûterait à votre compagnie? Je pense que vous avez dit combien vous aurait coûté la proposition initiale.
M. MacLeod: La proposition la plus récente, une fois ventilée... Initialement j'avais fait un calcul séparé pour notre flotte de remorqueurs et les autres navires, mais maintenant tous sont imposés de la même façon. Si on considère la flotte complète sur la base de... Tout cela est tellement compliqué que c'est difficile à dire. Pour l'année qui vient, ils utilisent un taux de 3,4, mais l'année suivante, ils vont passer à 4,4, et je vais donc utiliser ce chiffre. Le coût total serait de 71 000 dollars.
M. Wells: Par comparaison à la proposition initiale, qui coûtait 255 000 dollars?
M. MacLeod: Le coût total de la proposition initiale aurait été de 263 000 dollars.
M. Wells: Si bien qu'il y a là une baisse considérable pour votre société.
M. MacLeod: C'est juste.
M. Wells: Quel serait l'impact de cette redevance de 71 000 dollars pour votre compagnie?
M. MacLeod: C'est comme me le dit mon vice-président responsable des finances. Il me dit: «Don, lorsque vous avez des frais, il faut dix fois plus de recettes pour les couvrir». Cela signifie qu'il faut aller chercher 700 000 dollars de recettes supplémentaires pour couvrir cette dépense additionnelle.
M. Wells: Comment la redevance projetée se compare-t-elle à...? Vous dites que vous êtes actif à l'échelle internationale. Payez-vous pour les aides à la navigation dans les autres pays du monde?
M. MacLeod: C'est une question intéressante. Je ne l'ai pas étudiée. Je ne connais pas la réponse. J'imagine que c'est lié aux services utilisés. Lorsque vous faites relâche dans un port étranger, vous payez des droits portuaires, etc. Je ne sais pas si le coût des aides à la navigation y est englobé.
Dans notre cas, on va nous demander de payer une redevance forfaitaire quels que soient les services que nous utilisons, à quel endroit nous les utilisons et avec quelle fréquence. Par exemple, dans notre cas, lorsqu'un de nos navires quitte Halifax pour ravitailler la plate-forme de l'île de Sable, au large de la Nouvelle-Écosse, il ne fait que sortir et rentrer. Vous pouvez compter les bouées, on peut les voir. C'est clairement défini. Mais nous allons payer un taux basé sur un chiffre cible fixé par la Garde côtière pour toutes les aides et toute la navigation dans le centre du Canada et la région Atlantique.
M. Wells: Parmi les services - les aides à la navigation - qui sont fournis, desquels avez-vous besoin et lesquels utilisez-vous effectivement?
M. MacLeod: C'est une bonne question. Je suppose que...
M. Wells: Deux d'affilée, c'est un bon score.
M. MacLeod: Oui. Il y a les balises indispensables. Vous avez entendu les gens de Halifax dire qu'ils peuvent réduire le nombre de moitié. Une fois que l'on aura le système SATNAV, on pourra probablement éliminer une grande quantité d'autres balises. Il y a encore celles du contrôle de la circulation de Halifax, et c'est à peu près tout.
M. Wells: Quelles balises?
M. MacLeod: Les balises du contrôle de la circulation de Halifax, qui servent à enregistrer les mouvements des navires à l'entrée et à la sortie du port.
M. Wells: Les autres gens disent qu'ils en utilisent 26; vous en utilisez deux.
M. MacLeod: Non. Il y a les balises et puis il y a le système de contrôle de la circulation des navires, qui est... À Chebucto Head, ils ont un système de radar sur lequel vous apparaissez... C'est là que l'on contrôle la circulation à l'entrée et à la sortie du port, et ils vous disent quels sont les navires à proximité et où vous vous situez par rapport à tout le reste.
M. Wells: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Wells. Monsieur Bernier.
[Français]
M. Bernier: Les mémoires des trois groupes qui sont en face de nous sont très explicites. D'après ce que je vois, les gens demandent tous des études d'impact, et demandent que la Garde côtière fasse d'abord le ménage chez elle. Mais je ne vois pas de prise de position réelle. Nous devons remettre un rapport au ministre d'ici la fin de la semaine. Qu'allons-nous lui dire? Vous voulez avoir un moratoire tant et aussi longtemps que cela n'aura pas été fait?
D'autre part, en ce qui concerne l'urgence pour M. John Thomas de recouvrer les 20 millions de dollars, avez-vous un plan à court terme à lui proposer? Ou bien voulez-vous lui dire que vous voulez le moratoire et que vous ne paierez que lorsque les études d'impact auront été faites et qu'il aura fait son ménage? Ou bien encore, avez-vous quelque chose à lui proposer pour passer au travers de l'année qui s'en vient et qui est notre échéance? D'après ce que j'ai pu entendre, tout le monde veut que le ménage soit fait, mais l'échéance est vendredi. Comment doivent-ils organiser leur grille tarifaire? Est-ce qu'on met un moratoire sur la grille tarifaire ou si vous avez autre chose à proposer pour l'année charnière?
Pouvez-vous maintenant répondre brièvement à ces trois questions?
[Traduction]
M. Mifflin: Je vais répondre en premier. Je pense, franchement, que ce serait une erreur que d'imposer une redevance, un point c'est tout. Un moratoire n'apportera pas grand-chose. La redevance nuit à notre secteur, elle nuit à la compétitivité canadienne et il ne faut l'imposer en aucun cas, moratoire ou pas.
Si la Garde côtière veut recouvrer 20 millions de dollars cette année, je pense qu'elle peut très bien économiser cette somme par d'autres moyens. Ce n'est pas là une chose à infliger à l'industrie canadienne. Bon nombre de ces services sont des biens publics. Si la Garde côtière a besoin de mettre de l'ordre chez elle, qu'elle commence par là. Mais que la Garde côtière puisse mettre de l'ordre chez elle d'abord ou non, l'imposition de cette redevance est néfaste.
Les seules hausses que la raffinerie ait connues au cours des deux dernières années sont celles des redevances gouvernementales. Nos employés n'ont touché aucune hausse de salaire, nos fournisseurs n'ont pas majoré leurs prix. Nous avons vécu une crise financière en 1994. Nous avons un nouvel actionnaire. Nous essayons de construire une entreprise. Nous n'avons pas dégagé de profit et l'imposition de cette redevance nous nuit. Il ne devrait pas y avoir de redevance.
Je vous remercie.
M. MacLeod: Anticipant votre question, monsieur Bernier, que vous avez déjà posée à d'autres, j'ai noté quatre points.
Je pense que le gouvernement du Canada devrait déterminer l'incidence de cette redevance pour toute l'industrie. La Garde côtière devrait nous dire quel est le coût des services. Les usagers ne devraient payer que pour les services qu'ils utilisent et, si l'on nous dit combien coûtent les services, nous saurons si le tarif est juste, raisonnable et acceptable et pourrons mettre en place les procédures nécessaires pour garantir qu'elles le soient. La redevance devrait être calculée port par port.
M. Bernier: Les autres témoins pensent-ils de même?
M. Nauss: Nous pensons que le processus était vicié dès le départ, qu'il convient de donner un coup d'arrêt et mener une étude d'incidence. Nous ne sommes pas opposés à l'idée du recouvrement des coûts en tant que tel, à la notion que les usagers paient les services qu'ils utilisent, mais nous pensons que ces éléments doivent être déterminés avant que la redevance ne prenne effet.
M. Scott: Je voudrais remercier les témoins de leur comparution à notre comité aujourd'hui. J'ai apprécié les points de vue qu'ils ont exprimés. Je n'ai qu'une question, qui s'adresse à M. Mifflin.
Vous disiez que vous êtes carrément opposé à la redevance. J'admets sans réserve certains des arguments que vous faites valoir, notamment que la Garde côtière ne devrait pas imposer de redevance avant de connaître ses coûts et avant de pouvoir prouver qu'elle possède une organisation efficiente et que ceux qui vont payer ou à qui on va imposer ces droits ne paieront que les services dont ils ont effectivement besoin. Mais vous allez au-delà, vous rejetez toute la notion d'usager payant.
Pensez-vous que les contribuables canadiens devraient subventionner les ports, comme ils l'ont fait jusqu'à maintenant, ou acceptez-vous le principe de l'usager payant? Voilà ma première question.
Ma deuxième porte sur l'idée d'une redevance nationale uniforme. Ne convenez-vous pas que cela résulterait en un interfinancement, tel que certains ports paieraient une redevance artificiellement gonflée et d'autres une redevance artificiellement faible, alors que dans ces différents ports il peut y avoir des expéditeurs en concurrence les uns avec les autres?
M. Mifflin: Permettez-moi de parler d'abord des redevances d'usagers.
On a enrobé cela sous le manteau des aides à la navigation, mais, franchement, je pense que ce n'est là qu'un titre commode pour opérer un camouflage. Les véritables utilisateurs de ces services sont les consommateurs canadiens. Le transport maritime n'est qu'un moyen de transport parmi d'autres desservant le Canada. Les marchandises peuvent être expédiées par route, par rail ou par eau, et ce que l'on fait ici c'est frapper d'une taxe la voie de transport maritime, parce que c'est commode, et non pas les autres voies de transport.
Deuxièmement, dans une certaine mesure, les redevances d'usagers sont un moyen efficace de privatiser des services publics. Le gouvernement se rendra probablement compte, au fur et à mesure qu'il impose ces redevances d'usagers, que les utilisateurs préféreront les privatiser et fournir ces services eux-mêmes. Cela équivaut à un processus de consultation que de dire: «Voici un ensemble de services, voyons s'il est réellement nécessaire et, si l'on n'en a pas besoin, nous pouvons les réduire».
Pour ce qui est de l'interfinancement, franchement, nous pensons qu'il s'agit là d'un bien public. C'est autant un bien public que les autres voies de transport, au nord du soixantième parallèle, au sud du soixantième parallèle. Tout l'avantage concurrentiel canadien consiste à fournir une infrastructure canadienne qui permette aux entreprises canadiennes de livrer concurrence de manière juste et loyale dans tout le Canada.
Vous pouvez toujours enfoncer un coin pour tronçonner le pays et dire, par exemple, que Terre-Neuve a une petite population disséminée à travers cette île énorme, alors qu'à Montréal ou Toronto on a une forte concentration... une forte population parmi laquelle répartir ces coûts. On peut toujours arguer que les usagers devraient payer les services. Toronto sera avantagé parce que chacun paiera un sou. À Terre-Neuve, chacun paiera 10 dollars. C'est un coin que l'on peut enfoncer n'importe où au Canada. Vous pouvez choisir de le faire avec n'importe quel service.
Il y a certains biens publics qu'il faut mettre en commun, au niveau national; c'est le pays tout entier qui doit les payer parce que c'est bon pour le pays. Vous allez rendre les entreprises canadiennes, particulièrement dans la région Atlantique, non concurrentielles. L'Ontario s'en tirera. On peut y transporter les marchandises par les routes publiques, qui ne sont frappées d'aucun péage.
Donc, pour répondre à votre question, oui, il se peut que certaines régions du Canada en subventionneront d'autres. Avec la proposition la plus récente, le restant des Canadiens va subventionner ceux au nord du soixantième parallèle. Cela fait partie de notre devoir de Canadiens que de fournir un niveau d'infrastructure dans tout le pays tel que toutes les entreprises canadiennes puissent livrer concurrence dans le monde, sur un pied d'égalité.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Scott: D'une certaine façon, oui. La difficulté que je vois dans votre prémisse est que, dans la situation actuelle, et dans celle qui va s'appliquer au nord du soixantième, les ports du Sud ne vont pas subventionner ceux du Nord. Ce seront les contribuables canadiens. Si c'est fait en partant du principe que c'est dans l'intérêt public, comme vous le dites - et je ne conteste pas cela. Je pense que, parfois, il faut savoir considérer le tableau d'ensemble et lui donner la priorité sur les éléments constitutifs. Mais s'agissant d'une redevance d'usager frappant des ports au sud du soixantième parallèle, les ports de la côte atlantique, les ports de Colombie-Britannique, etc., vous pouvez voir facilement que si la redevance était imposée selon un barème uniforme, certains ports en subventionneraient d'autres. La redevance serait la même pour tout le monde, mais dans certains ports le coût des services est plus élevé que dans d'autres, selon la situation géographique de chacun d'eux.
M. Mifflin: Vous avez raison. Mais ce qui va se passer en réalité, si on impose cette redevance - et on nous appelle les usagers car nous nous trouvons être une cible commode - les véritables usagers... si vous êtes un consommateur canadien de la région Atlantique, ces redevances, c'est vous qui finirez par les payer. Au lieu de vous appeler contribuable, on vous appellera consommateur. Ce sont les bénéficiaires de ces biens de consommation situés de l'autre côté de ces voies de navigation qui vont subventionner ou payer ces services, non «le contribuable canadien».
Les usagers du service, qui sont les entreprises canadiennes exportant à l'étranger, ne pourront répercuter ces frais sur leurs prix et vont absorber le coût eux-mêmes. D'une certaine façon, vous avez raison. Les usagers de ces services vont payer leur juste part et vont finir par disparaître; ils ne paieront leur part d'impôts et ne survivront peut-être pas.
Le secteur du transport maritime canadien a rétréci comme peau de chagrin depuis les années 1970 au point qu'il ne reste plus qu'une seule compagnie en 1996. Un jour, il n'y aura plus que cette seule compagnie... qui deviendra l'usager de tous ces services de la Garde côtière. Ce n'est pas normal. C'est le contribuable canadien, le consommateur canadien, qui est l'usager de ces services. Ce que vous faites, c'est de pousser à la faillite les entreprises mêmes qui sont le moteur économique du Canada en ce moment, c'est-à-dire les exportateurs, et particulièrement les producteurs de denrées comme le minerai de fer, le pétrole et le grain. Le grain et tous ces autres produits doivent affronter la concurrence dans un marché international.
Je reviens à mon exemple de la redevance frappant un navire de 40 000 tonnes déchargeant à Come By Chance ou Boston. Avant que soient imposés les frais d'organisation des interventions environnementales ou ces droits de services maritimes projetés, ou les redevances de dragage ou droits portuaires proposés - avant tout cela, nous étions à égalité, à Come By Chance, avec Boston, sur le plan des coûts. J'étais donc à égalité avec mes concurrents du Venezuela et du Trinidad qui livrent du pétrole à Boston. Le coût était le même.
Ces droits de services maritimes, à eux seuls, vont coûter 7 000 dollars à ce navire, soit une hausse de 24 p. 100 pour nous. Cela nous rend non concurrentiels. Ajoutez à cela les droits d'organisation des interventions environnementales, qui représentent plus de 24 p. 100, et tout d'un coup nous allons nous demander ce que nous faisons là. C'est économiquement insensé, alors que je peux acheminer le pétrole jusqu'à Boston pour x dollars.
Allons-nous être un usager de ces services? Oui, nous serons un usager de ces services et paierons la redevance jusqu'à ce qu'ils déménagent l'entreprise aux États-Unis et alors il n'y aura plus personne pour payer. Il n'y aura plus non plus d'emplois.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mifflin. Vous avez eu le mot de la fin.
M. Briand: Monsieur le président, je ne sais pas si nous avons répondu à la question de M. Bernier lorsqu'il demandait si nous étions en faveur d'études, et je précise que nous, les débardeurs du port de Halifax, sommes en faveur d'études pour analyser les répercussions potentielles des redevances, monsieur le président. Il faudrait en mener d'autres encore - je pourrais en dresser une longue liste - sur les aides à la navigation et les services de déglaçage. Nous sommes en faveur de ces études, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Je sais qu'il y aurait encore beaucoup de questions à poser, mais nous sommes limités par le temps. Nous devrons nous fier à vos textes. Je tiens à vous remercier tous de cette séance des plus intéressantes.
J'invite maintenant les représentants de l'Institut canadien des engrais et de la Saint John Port Corporation à prendre place à la table.
Monsieur Larson, je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Monsieur Krauter, vous pourriez peut-être faire de même.
Vous disposez d'une heure. Nous commencerons avec les exposés dès que chacun aura été présenté.
Monsieur Larson, c'est à vous.
M. Roger Larson (directeur, Institut canadien des engrais): Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis accompagné de M. Bud Foley, le vice-président chargé de la planification et de la distribution de la Potash Company of Canada; de Brian Murphy, directeur des opérations de transport de la Potash Corporation of Saskatchewan.
Ces sociétés exploitent des mines de potasse au Nouveau-Brunswick et, dans le cas de PCS, plusieurs autres mines en Saskatchewan. M. Walter Rozum, responsable des transports chez Nutrite, un gros importateur d'engrais basé à Montréal, avait prévu également de faire partie de notre délégation ici. Malheureusement, il souffre de la grippe. Il a contribué à la rédaction de ce mémoire.
L'Institut canadien des engrais représente les fabricants et exportateurs et la plupart des détaillants et distributeurs ou importateurs d'engrais à base d'azote, de potasse, de phosphate et de sulfate. Je veux souligner le caractère national de notre industrie: nous comptons parmi nos membres des usagers de ports des Grands Lacs et du Saint-Laurent, de même que des côtes Est et Ouest.
En 1995, les membres de l'Institut ont utilisé les services de transport maritimes pour exporter 5,7 millions de tonnes de potasse et plus de 300 000 tonnes d'urée et autres engrais azotés. Ils ont également importé 850 000 tonnes d'engrais à l'azote et au phosphate de provenances autres que l'Amérique du Nord et presque 300 000 tonnes d'engrais phosphaté venant du sud-est des États-Unis, dont une bonne partie est transportée par eau jusque dans la région du Saint-Laurent.
Un chiffre estimatif de deux millions de tonnes est expédié à partir de la région Atlantique, principalement via Saint John; 500 000 à 750 000 tonnes à partir des zones portuaires de Hamilton et Montréal; 200 000 tonnes par Kitimat; presque tout le reste, aux alentours de 4,5 millions de tonnes, est chargé à Vancouver.
L'ICE a suivi de près les propositions successives faites par la Garde côtière canadienne en 1995 et 1996. Nous avons écrit au commissaire, John Thomas, en date du 7 décembre 1995 et à l'ancien ministre des Pêches et des Océans, Brian Tobin, en date du 20 décembre 1995. Dans ces lettres, nous exprimions nos préoccupations face aux propositions et demandions l'adoption de certains principes directeurs qui nous paraissent essentiels si l'on veut mettre sur pied un programme de recouvrement des coûts raisonnable. Ces lettres sont jointes à notre mémoire.
Dans la lettre qu'il nous a adressée en mars 1996, le commissaire Thomas a réagi à plusieurs des préoccupations de l'ICE. Nous reconnaissons que certains efforts ont été consentis pour régler les problèmes que nous soulevions. L'ICE estime que d'autres efforts restent requis pour affiner les propositions de la Garde côtière de façon à renforcer la compétitivité internationale du Canada. Nous préconisons l'adoption des principes suivants:
1. Le coût des services requis devrait être chiffré de façon aussi précise que possible, région par région et même port par port. C'est indispensable si l'on veut que seuls ceux qui bénéficient des services aient à en assumer le coût.
2. Il est vital que chaque région ne paie pas plus que l'objectif de recouvrement national, sur la base de ses propres coûts. Par exemple, si l'objectif de recouvrement national est de 30 p. 100 du coût commercial total, aucune région ne devrait être amenée à payer plus que 30 p. 100 de son propre coût commercial.
3. Le droit d'entretien portuaire américain appliqué aux cargaisons exportées a été déclaré anticonstitutionnel. Ce jugement est actuellement en appel. Cependant, il souligne la nécessité pour le Canada de ne pas perdre de vue la compétitivité internationale de nos ports.
4. Des conseils consultatifs régionaux, auxquels siégeraient les principaux intéressés, tels qu'armateurs, agents, ports, expéditeurs etc., devraient être créés. Ces conseils régionaux contribueraient à déterminer quels services maritimes sont requis, de même que les méthodes de prestation les plus rentables.
5. Dans la mesure où la Garde côtière peut réduire le coût de la prestation de ses services, ces réductions devraient - il faudrait peut-être dire «doivent» - servir à minimiser les objectifs de recouvrement des coûts, et ces économies bénéficier à toutes les parties prenantes.
Monsieur le président, l'ICE est très reconnaissant au comité de l'intérêt qu'il porte à cette question. Nous pensons que votre rapport devrait aider le ministre des Pêches et des Océans, M. Fred Mifflin, ainsi que la Garde côtière, à mettre en oeuvre les droits de services maritimes d'une manière propre à minimiser les répercussions sur les coûts d'exploitation des expéditeurs canadiens et qui soit conforme aux principes de recouvrement des coûts du gouvernement.
Je réserve mes commentaires plus détaillés pour la période des questions. Je vous remercie de votre attention, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, monsieur Larson.
Monsieur Krauter.
M. Kenneth R. Krauter (directeur général, Saint John Port Corporation): Je vous remercie.
Monsieur le président et membres du comité permanent, je tiens à vous remercier, au nom de la Saint John Port Corporation, de votre invitation à comparaître et à vous soumettre notre mémoire. Je félicite le ministre des Pêches et des Océans d'avoir lancé cet examen des propositions de recouvrement des coûts et d'imposition de droits de services maritimes de la Garde côtière. Nous sommes reconnaissants de voir que, par le biais des audiences organisées par le comité permanent, nous avons l'occasion d'exprimer nos vues et de contribuer à l'élaboration d'un mécanisme juste et équitable de mise en oeuvre des initiatives de recouvrement des coûts de la Garde côtière et des droits de services maritimes qui en découlent.
Monsieur le président, nous savons que le comité tient des audiences et entend les avis d'un grand nombre d'organisations. Nous nous efforcerons d'apporter des avis constructifs sur les questions intéressant votre mandat. Mais, avant d'aborder cette partie de notre exposé, nous voulons donner au comité un bref aperçu de la Saint John Port Corporation.
Nous sommes une société d'État fédéral créée le 31 décembre 1986 conformément à la Loi sur la Société canadienne des ports. Notre société est chargée de la gestion et de l'administration du port de Saint John. Ce port comporte toute la gamme des installations de manutention de vrac liquide, de vrac sec, de conteneurs et de fret général. Elle possède des actifs d'une valeur comptable d'environ 64 millions de dollars, comprenant sept terminaux en eau profonde, près de 5 000 mètres de quai d'amarrage, 120 hectares de terrains et une superficie portuaire de 230 kilomètres carrés.
La croissance et le développement du port sont déterminés non seulement par son infrastructure, mais aussi par sa capacité à servir les marchés internationaux. Le port de Saint John est utilisé par les importateurs et exportateurs des provinces maritimes, de l'Ontario, du Québec et des États de Nouvelle-Angleterre. Les compagnies de transport maritime faisant escale à Saint John servent les marchés internationaux au Royaume-Uni, en Europe du Nord, en Méditerranée, dans les Caraïbes, en Amérique centrale, en Afrique australe, en Asie du Sud-Est et en Extrême-Orient.
Saint John est l'un des grands ports du Canada. En 1995, 18,7 millions de tonnes de fret ont transité par lui, volume qui le place au quatrième rang des ports canadiens.
Pour ce qui est des défis que nous avons eu à relever, au cours des huit années depuis notre incorporation, nous avons surmonté un ensemble de circonstances très difficiles et, avec l'appui d'un conseil d'administration composé de personnalités locales travaillant en équipe avec la direction du port, nous avons pu accomplir beaucoup et apporter une valeur ajoutée à notre actionnaire - le gouvernement fédéral.
Nous sommes sans cesse confrontés aux défis d'un marché mondial en mutation perpétuelle et avons démontré notre capacité à relever ces défis et à remplir notre mission à l'appui du commerce international canadien. Cependant, notre compétitivité se ressentira de la majoration des coûts encourus par les usagers par suite du recouvrement des coûts de la Garde côtière. Nous sommes particulièrement désireux de voir les droits de services maritimes appliqués d'une manière qui tienne compte des caractéristiques de notre région et qui ne défavorise pas le port de Saint John par rapport à d'autres ports de l'est du Canada et du littoral atlantique des États-Unis.
Au cours des sept dernières années, l'économie du transport dans les Maritimes a été considérablement bouleversée par l'évolution de la politique gouvernementale en matière de subventions aux transports et de réglementation du transport. Avec l'abandon des subventions et de l'intervention réglementaire, au profit d'un environnement déréglementé davantage déterminé par le marché, le système de transport régional a connu d'importants changements financiers et logistiques.
La suppression de la subvention ferroviaire pour le transport du grain vers l'Atlantique et l'Est a largement contribué à la perte par le port de Saint John de toutes ses exportations de céréales et la fermeture ultérieure de la ligne de CP Rail reliant Montréal à Saint John. La suppression des subventions régionales au titre de la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la région Atlantique et de la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes a entraîné des majorations de coût sensibles pour les producteurs des Maritimes expédiant leurs marchandises vers le centre du Canada, ajoutant des millions de dollars par an à la facture de transport des expéditeurs régionaux.
En février de cette année, la Saint John Port Corporation a été avisée que la Garde côtière allait cesser de financer le dragage des chenaux à partir du 31 mars 1996. Le coût annuel moyen du dragage des chenaux principaux desservant le port est d'environ 1,8 million de dollars. Nous n'avons pas une surface financière suffisante pour absorber des coûts supplémentaires de cette ampleur. Tout en comprenant que la Garde côtière soit déterminée à recouvrer une partie accrue de ces coûts, nous pensons que c'est là une politique déraisonnable si elle doit sérieusement menacer l'avenir de l'un des grands ports du Canada.
Une autre source de préoccupation touchant le recouvrement des coûts est la majoration considérable envisagée par Environnement Canada des droits de rejet en mer des sédiments de dragage. Une estimation récente est que les droits de contrôle environnemental intéressant l'élimination des sédiments provenant des postes à quai va passer à 18 000 dollars par an. La redevance annexe pour le dragage du chenal principal devrait se monter à 60 000 dollars par an. Ce seront donc presque 80 000 dollars que nous devrons débourser à l'avenir, comparé à 24 000 dollars à l'heure actuelle.
Ces changements soulignent les réalités du transport dans les Maritimes. Le gouvernement fédéral a cessé de subventionner ces coûts et les provinces Maritimes ont été contraintes de s'adapter.
Pour ce qui est des principes régissant le recouvrement des coûts par la Garde côtière, la Saint John Port Corporation préconise l'adoption des principes suivants concernant la mise en oeuvre du recouvrement des coûts de la Garde côtière et les droits de services maritimes.
Tout d'abord, il y a le principe de l'usager payeur-décideur. Il devrait exister un lien direct entre les services fournis par la Garde côtière, le coût de la prestation de ces services et les usagers qui en bénéficient. Pour dire les choses simplement, les usagers ne devraient pas avoir à payer pour des services qu'ils n'utilisent pas ou dont ils n'ont pas besoin. Si l'on veut réellement donner expression à ce principe, il faut instaurer une concertation ouverte et concrète entre la Garde côtière, en tant que fournisseur des services, et tous les intervenants dans le transport maritime qui les utilisent.
Deuxièmement, pour ce qui est du découpage des régions, un certain nombre de propositions ont été formulées ces derniers mois touchant la base géographique à partir de laquelle seraient perçus les droits de services maritimes. À notre sens, il faudrait distinguer des régions ayant des caractéristiques similaires sur le plan des besoins navigationnels. Cela permettra également de voir des régions homogènes sur le plan des caractéristiques commerciales et des facteurs de concurrence, minimisant ainsi l'interfinancement entre régions et autorisant une concertation plus étroite avec les usagers.
À cet égard, la création d'une région des Maritimes est un pas dans la bonne direction. Cependant, nous pensons qu'il faudrait affiner encore le découpage. Notre préférence irait à la création d'une région de la Baie de Fundy regroupant un certain nombre des ports de la Baie, puis de travailler avec la Garde côtière à l'établissement d'une région propre pour notre port.
Le troisième principe est le partage équitable des coûts. La Garde côtière a chiffré à 97,8 millions de dollars pour 1995-1996 le coût global des services de navigation fournis aux transporteurs commerciaux, dont 29,4 millions de dollars sont alloués à la région Atlantique. Les chiffres de recettes cibles ont été initialement alloués aux trois régions sur la base de leur part respective du coût des aides à la navigation. Cette analyse de coût indique que chaque région paierait un pourcentage égal à 28 p. 100 environ de l'objectif de recettes annuelles nationales pour les services de navigation attribuables au transport commercial.
Cela établit un principe important qui devrait être appliqué à tout le recouvrement des coûts: chaque région devrait payer la même part en pourcentage, c'est-à-dire le même taux de recouvrement des coûts pour les services offerts dans la région.
Quatrièmement, pour ce qui est de la représentation régionale, nos préconisons la démarche de l'usager payeur-décideur axée sur la région locale. L'adoption de ces principes devrait donner lieu à la création d'une commission consultative maritime pour la région du littoral atlantique qui soit représentative des intérêts des expéditeurs commerciaux de la région. Cette commission collaborerait avec la Garde côtière et les milieux du transport pour déterminer un niveau minimal requis de services de navigation, de même que les coûts y afférent, et les modalités mutuellement acceptables de prestation des services et d'administration du recouvrement des coûts.
Le groupe de travail sur le recouvrement des coûts du Saint John Gateway Council a récemment soumis à la Garde côtière des propositions relatives à la composition de cette commission, propositions auxquelles la Garde côtière semble avoir fait bon accueil.
Cinquièmement, avec des barèmes tarifaires régionaux, les usagers devraient n'être tenus que de contribuer au coût des services requis. Il est évident que les navires parcourant de longues distances dans les eaux supervisées par la Garde côtière utiliseront davantage de services que ceux parcourant de courtes distances. Le trajet jusque dans les ports des Grands lacs, par exemple, exige davantage de services de la Garde côtière que le trajet jusqu'à Saint John.
Il est déraisonnable d'imposer un barème qui obligerait les ports de la côte atlantique à subventionner les ports du centre du Canada, lesquels jouissent de frais de transport terrestre nettement inférieurs, au détriment des ports maritimes. C'est pour cette raison que nous sommes fortement opposés à toute structure tarifaire nationale qui étalerait le coût élevé des services dans la région du centre et des Grands lacs au détriment des régions côtières.
Sixièmement, pour ce qui est de l'étude d'impact économique, la mise en oeuvre par la Garde côtière de ses politiques de recouvrement des coûts et des droits de services maritimes entraînera de fortes répercussions pour le transport commercial. Mais d'autres initiatives gouvernementales auront également des conséquences pour les expéditeurs et les transporteurs. L'effet cumulatif de ces initiatives pourrait engendrer des disparités entre les régions du Canada, alourdissant les coûts de transport pour les expéditeurs, créant des conditions de concurrence inégales entre les ports et pénalisant les ports canadiens par rapport aux ports américains.
Pour toutes ces raisons, il importe que le gouvernement réalise une étude de l'impact socio-économique de ces initiatives. Nous avons été heureux d'apprendre récemment que cette étude allait prochainement être commandée.
Pour conclure, les membres du groupe de travail sur le recouvrement des coûts du Saint John Gateway Council comparaîtront devant le comité plus tard cette semaine. Ce groupe de travail se compose de représentants des expéditeurs et des compagnies maritimes utilisant le port de Saint John. Le groupe mettra l'accent sur un certain nombre de ces mêmes principes concernant les droits de services maritimes, à l'intention du comité.
Je tiens à remercier le comité de son invitation et je vous souhaite des délibérations fructueuses.
J'ai deux remarques à faire avant de terminer. Nous croyons savoir que la Garde côtière a l'intention de procéder à la publication de son projet de barème tarifaire dans la partie I de la Gazette. Nous croyons savoir qu'elle envisage d'entreprendre une étude d'incidences économiques, dont les paramètres seraient sur le point d'être finalisés, mais qui ne devrait être achevée qu'en septembre de cette année.
Troisièmement, j'imagine que, à la suite de ces audiences, votre comité va publier un rapport dans un délai assez court. S'il va y avoir une étude d'incidences économiques et si le Comité permanent des pêches et des océans va publier un rapport dans un avenir proche, il conviendrait peut-être de retarder la mise en oeuvre de la redevance et la publication dans la Gazette, jusqu'à ce que les transporteurs, expéditeurs et ports du pays aient connaissance de ce rapport. C'est là un sujet important qui mérite une réflexion sérieuse.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître.
Le président: Je vous remercie, monsieur Krauter. Pour ce qui est de la publication dans la Gazette, est-ce quelqu'un du ministère qui vous a dit que la procédure était en cours?
M. Krauter: C'est ce que nous avons cru comprendre lors d'une réunion avec des représentants de la Garde côtière, la semaine dernière, à Saint John. Ils semblent vouloir accélérer la publication dans la Gazette.
Le président: Monsieur Bernier.
[Français]
M. Bernier: Je suis content d'avoir entendu les propos du dernier témoin. Même s'il est dans le domaine maritime depuis plus longtemps que moi et qu'il a probablement plus d'amis que moi dans la Garde côtière, il arrive aux mêmes conclusions que nous, à savoir qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs; c'est-à-dire que les études d'impact sont nécessaires avant l'émission de la grille tarifaire. Je comprends d'ailleurs son émoi lorsqu'il apprend que la Garde côtière s'apprête à aller plus vite. C'est pourquoi le Comité permanent des pêches et des océans a choisi de rencontrer les gens de l'industrie de façon à sensibiliser les élus et le ministre et, de concert avec les membres de l'industrie, à alerter en même temps les gens de la presse.
Tout ce que vous avez dit ce matin, tout ce que les gens ont dit avant vous et tout ce que les gens vont dire cette semaine va être rapporté au grand public. J'espère que, de cette façon, il sera de plus en plus difficile pour la Garde côtière de procéder de façon unilatérale.
En effet, personne ne comprend pourquoi on est si pressé et tout le monde est d'accord sur le fait qu'il y a encore du ménage à faire dans la Garde côtière. Chacun voudrait avoir son mot à dire. L'utilisateur-payeur veut avoir son mot à dire sur la question.
Je voudrais poser une dernière question au dernier client qui a une position différente de tout ce que nous avons entendu ce matin. Il est d'accord pour demander une étude d'impact et un moratoire tant et aussi longtemps qu'il le faudra, et cela pourrait vouloir dire un an de sursis, mais je crois avoir compris qu'il ne souhaite pas une structure de coûts au niveau national. Or, si on n'a pas une structure de coûts au niveau national, j'aimerais que l'on puisse comparer. Il est vrai qu'on ne connaît pas encore les impacts, mais quand on les connaîtra, il pourra arriver que certaines régions soient désavantagées parce que cela va leur coûter plus cher qu'à d'autres.
Vous nous dites ici que vous souhaiteriez un coût régional, a regional fee structure, et les autres témoins ont aussi souhaité qu'il y ait des études de coût par port et par région. Comment pourrait-on concilier cela? Je pose peut-être mal la question et c'est peut-être ma façon de mettre la charrue avant les boeufs, mais il est certain que nous allons trouver des différences régionales et des différences pour chaque port. Comment pourra-t-on concilier cela, dans l'avenir, avec l'aspect compétitif que chacun voudra conserver?
J'aimerais connaître le point de vue de nos témoins car il va sûrement y avoir des différences lorsque l'on va connaître les coûts par région. Je m'attends à ce qu'il y ait de grandes différences. Comment va-t-on concilier tout cela par la suite? Comment vont-ils pouvoir conserver leur compétitivité? Peut-être que le monsieur du Port de Saint John pourrait commencer et que les gens de l'Institut canadien des engrais pourraient suivre.
[Traduction]
M. Krauter: Merci beaucoup.
L'un des principes fondamentaux que nous avons avancés - et ce n'est pas seulement la Saint John Port Corporation mais aussi l'ensemble des expéditeurs et transporteurs qui utilisent le port -est celui de l'usager payeur et décideur, et ce directement en rapport avec les services fournis dans notre région.
Comme je l'ai indiqué, l'idée d'avoir une région séparée pour la Baie de Fundy rencontre beaucoup d'appuis localement, pensons-nous. Nous savons, d'après nos discussions et consultations avec la Garde côtière et au sein de notre port, que les aides à la navigation et les services de navigation fournis dans la Baie sont couramment utilisés par les ports qui s'y trouvent, c'est-à-dire non seulement Saint John mais aussi les ports de Bayside et Hantsport, si bien que nous pensons qu'il y a là une forte communauté d'intérêts sur le plan des services fournis.
En tant que communauté de transporteurs maritimes et que communauté portuaire de la Baie de Fundy, nous voulons mettre l'éclairage sur les aides dont nous avons besoin pour l'accès des navires hauturiers commerciaux aux ports de la Baie de Fundy, et c'est pour ces aides que nous sommes prêts à payer sur la base du taux de recouvrement national. Si c'est un taux de recouvrement de 30 p. 100, c'est tout ce que nous admettons de payer comme pourcentage du coût des services de navigation requis dans la Baie de Fundy.
Évidemment, il y a beaucoup de services dans la Baie qui nous paraissent inutiles et nous pensons que des réductions de coût majeures y sont possibles.
D'après les entretiens que nous avons eus avec d'autres parties intéressées des Maritimes et des ports de la Baie des Chaleurs, ils poursuivent des objectifs similaires. Les ports du nord de la province veulent eux aussi centrer la redevance sur leurs besoins propres en matière d'aides à la navigation et ne payer que pour celles dont ils ont besoin, toujours au pro rata de la part nationale. Nous pensons que c'est éminemment équitable et juste.
[Français]
M. Bernier: Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris parce que votre présentation était un peu rapide.
À la page 4 de votre document, au dernier paragraphe, on mentionne que ça pourrait coûter environ 600 000 $ par année. Est-ce cela correspond au coût de dragage du port de Saint John?
Mettons que le dragage du port de Saint John coûte 600 000 $. Je sais que pour le moment, la grille tarifaire ne va concerner que les aides à la navigation. Cependant, je pense que c'est le principe que la Garde côtière veut établir, et lorsque le principe sera établi, ne pensez-vous pas que ça pourra désavantager le port de Saint John si vous avez une facture de 600 000 $ ou 30 p. 100 de 600 000 à payer$ ? On pourra comparer cela à un autre port comme celui d'Halifax, qui n'a certainement pas ces coûts à payer. Il pourrait donc y avoir des désavantages.
Je ne sais pas si ma question est plus claire maintenant.
[Traduction]
M. Krauter: Pour préciser ce qu'il en est du dragage, deux types de dragage sont effectués dans le port. Il y a, d'une part, le dragage des postes à quai, qui est effectué chaque année par la Saint John Port Corporation, et ce depuis de nombreuses années. Il coûte environ 600 000 dollars par an.
Le second programme de dragage intéresse les chenaux principaux. Il relève de la Garde côtière canadienne et est organisé pour son compte par le ministère des Travaux publics, au moyen d'un processus d'appels d'offres adressé à des sociétés de dragage privées. Ce dragage coûte, en moyenne, 1,8 million de dollars par an. Il est d'importance vitale pour le port. Une dizaine de millions de tonnes de notre fret empruntent les chenaux principaux.
Nous avons fait savoir au commissaire de la Garde côtière, très fermement et très clairement, que la Saint John Port Corporation n'a pas les moyens de payer 1,8 million de dollars pour le dragage des chenaux principaux. Nous ne possédons tout simplement pas les ressources financières pour cela. Dans ces conditions, il nous faudrait recouvrer ce moment, 1,8 million de dollars par an auprès des usagers du port. Je pense que cela met en question toute la politique de recouvrement des coûts... Si vous poussez le recouvrement des coûts jusqu'à sa limite ultime, c'est-à-dire en y assujettissant non seulement les services de la Garde côtière mais également toute la gamme des services gouvernementaux, vous constaterez, à notre avis, que certaines entités, certaines entreprises et activités cesseront tout simplement d'être économiquement viables.
Nous pensons que le port de Saint John est un port important pour notre pays. Si on continue à lui faire prendre en charge des coûts supplémentaires, on menacera sa viabilité et celle de tous ses usagers, notamment les expéditeurs de potasse qui sont représentés ici aujourd'hui.
Je pense qu'il faut considérer également ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, aux États-Unis. Tout récemment, le président de l'association américaine des administrations portuaires a comparu devant le Sous-comité de l'énergie et de l'eau du Comité des affectations budgétaires de la Chambre des représentants. Il y a souligné l'importance du dragage des chenaux principaux et la nécessité d'en assurer le financement afin que les ports commerciaux puissent conserver toute leur profondeur initiale. Donc, contrairement à ce qui se passe chez nous, on reconnaît aux États-Unis que les ports en eau profonde sont un bien d'intérêt national et que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans leur entretien. Ces ports sont essentiels à la viabilité du commerce national.
Je pense que c'est un principe que le gouvernement canadien devrait retenir. Il ne peut continuer à nous faire assumer tous ces coûts, l'un après l'autre, comme il le fait en ce moment en cascade, particulièrement dans la région Atlantique - nous disons qu'il doit y avoir une limite.
Ce qui nous indigne particulièrement dans le cas du dragage des chenaux principaux, c'est que nous avons été avertis avec un préavis extrêmement court que ce service, fourni depuis des années et des années, serait interrompu à partir du 31 mars, que la Garde côtière n'assurerait plus le dragage des chenaux principaux, que dorénavant nous devions nous débrouiller seuls, à Saint John.
Nous pensons que c'est déraisonnable. Il n'y a eu de consultation d'aucune sorte. Cela a été une décision tout à fait unilatérale qui impose un lourd handicap économique aux usagers du port. Il faudrait commencer par réfléchir aux répercussions.
Le président: Monsieur Murphy, voulez-vous répondre à cela?
M. Brian Murphy (Institut canadien des engrais): Nous, chez PCS, expédions à partir des deux côtes et par Thunder Bay. Notre position générale est que les différences entre ces régions immenses sont simplement trop grandes pour que l'on puisse avoir un tarif national. Notre grande crainte est qu'un tarif national ne devienne très rapidement rien d'autre qu'une source de revenus, sans rapport ou presque avec les coûts à recouvrer.
Nous appuyons la position adoptée par l'ICE, à savoir que tout recouvrement doit être fondé sur les coûts réels dans la région et sur la possibilité pour cette région de décider, en collaboration avec la Garde côtière, le niveau de services qui y est requis.
Nous pensons qu'il y a une autre possibilité. Nous savons qu'il y a un domaine d'intérêt public, ainsi que M. Krauter vient de le mentionner, qui peut exiger un traitement différent. Mais, dans le cas des aides à la navigation, comme de beaucoup d'autres services assujettis au recouvrement des coûts, nous sommes convaincus que la seule façon rationnelle de procéder est de délimiter des régions ayant des problèmes et des perspectives similaires et laisser la concurrence jouer entre les régions.
Le président: Merci beaucoup. Madame Wayne.
Mme Wayne (Saint John): Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Krauter, lorsque M. Thomas a comparu devant notre comité, il a déclaré que le Saint John Gateway Council et que le port de Saint John ont accepté la redevance de dragage de 1,8 million de dollars. Je constate, en vous écoutant, que tel n'est pas le cas. Avez-vous vérifié la position du Saint John Gateway Council, qui doit présenter un mémoire ici cette semaine, si je ne me trompe?
M. Krauter: Nous avons exprimé avec beaucoup de force notre position sur le dragage des chenaux principaux à M. Thomas. Nous lui avons écrit le 7 mars, en indiquant que sa position est totalement inacceptable pour le port de Saint John. Les membres du Saint John Gateway Council ont également écrit une lettre. Je pense qu'elle exprime une position peut-être un peu ambiguë ou ambivalente.
Je tiens à dire très clairement que la Saint John Port Corporation - et je pense pouvoir parler au nom de toute la communauté du port de Saint John - juge inacceptable la position de la Garde côtière canadienne concernant le dragage des chenaux principaux. Ce point de vue est partagé non seulement par la communauté portuaire de Saint John, mais également par les députés fédéraux, les députés provinciaux et la Chambre de commerce de Saint John. Nous avons donc de nombreux appuis dans notre opposition à la position prise par M. Thomas et la Garde côtière sur le dragage des chenaux principaux.
Mme Wayne: Ma seule autre remarque pour le moment sera pour dire que je suis gravement préoccupée - et vous aussi, monsieur le président, j'en suis sûre - par ce que M. Krauter nous a dit concernant la publication de la grille tarifaire dans la Gazette.
Je me demande, Ken, est-ce lors de la réunion tenue à la bibliothèque de Saint John que cela a été...
M. Krauter: Oui.
Mme Wayne: Dans ce cas, monsieur le président, je vous demande de tirer cela au clair et d'informer chacun des membres du résultat.
Le président: Je vais demander tout de suite aux représentants de la Garde côtière s'ils peuvent répondre.
Diane, voulez-vous vous approcher de la table et répondre?
Mme Diane Cofsky (chef d'équipe, Production de recettes, Garde côtière canadienne): Il est vrai que M. Thomas a rencontré les représentants de l'industrie la semaine dernière à Saint John. Il maintient son projet d'introduire les redevances le 1er juin. Sinon, l'année serait trop courte pour amortir la totalité des 20 millions de dollars.
Mme Wayne: Dans ce cas, que faisons-nous ici, monsieur le président?
Le président: C'est une bonne question.
Mme Cofsky: Il ne prendra pas de décision avant le rapport du comité.
Le président: Que fait-il?
Mme Cofsky: Il va attendre le rapport du comité, qui est prévu pour le 19, et procéder à la publication la semaine suivante.
Le président: Dans quelles conditions - quel que soit le contenu du rapport?
Mme Cofsky: Évidemment non.
Le président: Qu'a-t-il donc dit réellement à M. Krauter, dans ce cas?
Mme Cofsky: Selon ce que dira le rapport de votre comité, et si la redevance va être imposée, il vise le 1er juin.
Le président: Si la redevance, comme il l'a indiqué antérieurement...
Mme Wayne: Monsieur le président, je pense qu'il est essentiel que le gouvernement comprenne bien qu'une étude d'incidences économiques doit être entreprise, et elle ne sera pas achevée avant septembre 1996. Comment pourrait-on publier dans la Gazette un barème et des redevances à ce stade, avant de voir l'étude d'incidences économiques, qui pourrait montrer que la redevance dévastera votre région, monsieur le président, et toutes nos régions, là-bas dans l'Est? Comment pourrait-il se lancer avant de savoir cela?
Ce que tous les témoins nous ont dit ce matin revient précisément à cela, au fait que l'étude d'incidences économiques doit être réalisée et que rien ne doit être décidé dans l'intervalle, jusqu'à ce que l'on sache si cela va avoir des retombées négatives, ou pas de conséquences, ou bien des répercussions positives. Je pense que ce que nous disent les témoins, c'est que cela va avoir un impact diablement négatif.
Nous devons vous demander, monsieur le président, d'intervenir et de ne rien laisser faire, aucune publication dans la Gazette, tant que nous n'aurons pas le rapport de l'étude d'incidences économiques.
Le président: J'avais cru comprendre que le ministère ne ferait rien avant le rapport du comité. Que M. Thomas veuille agir ou non...
Vous faites non de la tête; il ne va rien faire avant d'avoir reçu le rapport.
Mme Cofsky: Non, évidemment pas. C'est une décision ministérielle et le ministre attendra le rapport de votre comité.
Mme Wayne: De notre comité. Et qu'en est-il du rapport de l'étude d'incidences économiques de septembre?
Le président: Notre recommandation concernant l'étude d'incidences fera partie de notre rapport.
Allez-y, monsieur Culbert.
M. Culbert: Merci beaucoup, monsieur le président.
Soyez le bienvenu, M. Krauter, même si vous êtes une épine dans le flanc, soyez le bienvenu. Il est bon de vous voir ici, à Ottawa. J'ai été très intéressé par votre exposé, particulièrement ce que vous avez dit de la région de la Baie de Fundy et votre mention du port de Bayside etc. Je signale que c'est là un port en eau profonde qui n'a pratiquement jamais besoin de dragage. Je tenais à ce que ce soit dit, voyez-vous.
Tout d'abord, depuis la création de la société portuaire, je sais que vous avez fait toutes sortes de choses pour assurer la compétitivité du port par rapport à nos concurrents du littoral américain. Nous savons que Boston et New York sont toujours là à guetter par-dessus notre épaule pour voir quel marché ils pourraient bien nous enlever. Ils sont nos concurrents, nous ne devons jamais l'oublier.
Est-ce que votre société portuaire a effectué des comparaisons, des analyses des retombées économiques? Je serais intéressé de savoir quelles sont les retombées économiques pour chaque navire qui charge ou décharge dans le port. Avez-vous analysé ce que cela rapporte économiquement à la ville et à la région, et à toute la province du Nouveau-Brunswick?
M. Krauter: Oui. Nous avons effectué une série d'études d'incidences économiques. Je n'ai pas ces chiffres ici mais je me ferai un plaisir de les faire parvenir au comité dans les meilleurs délais, d'ici un jour ou deux.
M. Culbert: Mais vous souvenez-vous, de façon générale, quelles sont les retombées économiques, par exemple sur le plan des emplois associés au chargement et au déchargement ou aux autres retombées économiques?
M. Krauter: Les activités du port de Saint John engendrent, directement ou indirectement, de3 000 à 4 000 emplois. Si l'on évalue les retombées économiques sur le plan des taxes immobilières, des impôts sur le revenu et des impôts sur les sociétés, cela se chiffre à plusieurs centaines de millions de dollars.
Le port de Saint John est un important moteur économique, non seulement pour la ville de Saint John et le sud-est du Nouveau-Brunswick, mais aussi pour la province tout entière. Il est d'importance vitale pour de nombreux producteurs de notre région, dans le secteur du pétrole, de la potasse et de l'exploitation forestière.
Je me ferai donc un plaisir de vous fournir ces études d'incidences économiques.
M. Culbert: Excellent.
Certains des intervenants précédents ont estimé que les services actuellement fournis par la Garde côtière pourraient être privatisés. Ils ont même indiqué, dans certains cas, qu'ils seraient prêts à absorber le coût intégral, 100 p. 100, des balises et de leur entretien. Bien entendu, comme vous le savez, les ports de notre région, la Baie de Fundy sont libres de glace et n'ont pas besoin de déglaçage, mais ont besoin d'autres services.
Avez-vous jamais réfléchi à cela, ou bien la société portuaire a-t-elle jamais envisagé cela au long de tout ce processus?
M. Krauter: C'est effectivement un sujet d'actualité. Nous avons rencontré justement la semaine dernière les représentants régionaux de la Garde côtière pour passer en revue les services individuels et les aides à la navigation fournis dans la Baie de Fundy, notamment les aides à longue portée et à courte portée et les systèmes de communications maritimes.
Pour ce qui est des aides à longue portée, il s'agit surtout du système LORAN-C. Les représentants des compagnies maritimes présents ont dit en substance que les navires commerciaux n'utilisent pas le LORAN-C. Je pense donc que des économies réellement substantielles pourraient être réalisées à cet égard.
Pour ce qui est des aides à la navigation à courte portée, il s'agit de différentes balises, de bouées à sifflet et à cloche, de bouées lumineuses, ce genre de choses. Là encore, les armateurs ont dit que le nombre pourrait en être sensiblement réduit.
S'agissant des services de communications maritimes, la Garde côtière a indiqué que certains des systèmes à haute couverture, et particulièrement les systèmes radar, sont très coûteux parce qu'ils exigent du personnel. Là encore, des réductions sont possibles.
Donc, lorsque nous avons passé en revue les divers services actuellement fournis par la Garde côtière, je pense que l'on était d'accord de part et d'autre pour dire que des économies substantielles pourraient être réalisées et, deuxièmement, que bon nombre de ces services, et particulièrement l'entretien des bouées, pourraient être assurés par le secteur privé. Par exemple, il y a un nombre de remorqueurs non négligeable stationnés directement à Saint John. À certains moments, ils sont immobiles et ils pourraient certainement servir à l'entretien des aides à la navigation. Je pense que des économies substantielles sont possibles.
Nous comptons évidemment là-dessus. Le recouvrement des coûts doit aller de pair avec la réduction des services et la diminution du coût des services fournis. Nous n'avons pas mis l'accent là-dessus dans notre exposé, car c'est implicite. Cela va sans dire. Nous comptons qu'il y ait des réductions de coût. La Garde côtière, de son propre aveu, dit que des réductions de coût importantes sont possibles, dans l'intérêt de tout le programme de recouvrement des coûts, et particulièrement celui des expéditeurs et usagers des ports.
M. Culbert: Si vous me permettez, lorsque vous avez parlé du principe de l'usager payeur-décideur, le message que j'en ai retiré est que vous tenez à une participation, une participation directe. Je suppose aussi - car d'autres intervenants ont dit la même chose - que vous aimeriez la possibilité d'une «particip-action» à l'occasion de toute étude économique, tout d'abord en participant directement à la définition des paramètres de l'étude puis, en tant que partenaire, en absorbant une partie de son coût. Ai-je raison de penser que vous êtes également en faveur de ce genre de scénario?
M. Krauter: Nous sommes certainement de grands partisans d'une étude de l'incidence économique. Nous sommes nombreux à penser qu'elle aurait dû être entreprise beaucoup plus tôt. Une étude des répercussions économiques a été faite un peu plus tôt mais les représentants des ports et de l'industrie l'ont jugée tout à fait insuffisante.
Pour en avoir parlé avec des gens de la région de Saint John, je sais que beaucoup n'ont pas été consultés ou n'ont bénéficié que d'un très court préavis, et que parfois les contacts se limitaient à un entretien téléphonique. En tout cas, l'étude laissait à désirer sur le plan de sa portée et aussi des consultations auxquelles elle a donné lieu.
Nous demandons donc que cette étude socio-économique soit réalisée le plus rapidement possible. Nous aimerions que les résultats en soient communiqués à l'industrie et au comité avant que des décisions irrévocables ne soient prises sur la mise en place des droits de services maritimes.
M. Culbert: Enfin, monsieur le président, et ce sera ma dernière question et elle concerne un domaine qui n'a pas encore été abordé mais qui me tient très à coeur, comme vous le savez sans doute, le tourisme joue dans nos économies un rôle très important, un rôle croissant, surtout dans la région Atlantique et plus particulièrement au Nouveau-Brunswick. Je songe de ce fait aux navires de croisière qui viennent dans nos régions.
Pourriez-vous parler brièvement des avantages économiques qui accompagnent la présence de ces navires de croisière dans nos régions?
M. Krauter: Ces dernières années, le nombre croissant de navires de croisière faisant escale dans le port de Bayside et celui de Saint John nous a été bénéfique. C'est une évolution qui a été très bien accueillie et qui a l'appui de nos municipalités respectives et de la province. Elle a bénéficié au commerce de détail et contribué et favorisé les visites de retour, un autre avantage important et peut-être méconnu du tourisme de croisière. À Saint John, il est passé de presque rien il y a quelques années à un stade où il est devenu un centre de profits pour la société portuaire. Je suis sûr qu'il en est de même à Bayside.
Nous avons donc très conscience des effets que ces droits de services maritimes pourraient avoir sur l'activité de croisière et nous ne voudrions certainement pas qu'ils dissuadent les navires de croisière de fréquenter des ports comme Bayside et Saint John. Évidemment, cet aspect a beaucoup moins suscité l'attention que le fret et les autres activités commerciales jusqu'à présent dans ce débat.
M. Culbert: Mais vous pensez qu'il y aura des répercussions.
M. Krauter: Oui. C'est un secteur sensible aux prix.
Le président: Monsieur Foley, nous vous avons oublié. Vous vouliez intervenir il y a un moment.
M. Bud Foley (Institut canadien des engrais): Oui. En fait, je voulais répondre à la question précédente de M. Bernier concernant la nécessité de préserver la concurrence entre les divers usagers. À mon sens, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas nécessaire et peut-être le gouvernement ne devrait-il pas s'en mêler du tout... ou du moins le moins possible. C'est le marché qui devrait dicter la compétitivité.
Permettez-moi de faire une analogie. Nous produisons de la potasse et l'expédions à partir du Nouveau-Brunswick. On en produit aussi en Saskatchewan. Les producteurs de Saskatchewan vendent au Japon. Moi, je ne peux pas, car mes frais de transport sont trop élevés. Il y a un marché qui détermine où je peux vendre mon produit, sur la base de mes frais de transport.
Si on extrapole et compare Saint John, au Nouveau-Brunswick, ou tout port de la côte Est avec un port de l'intérieur et que l'on laisse le marché dicter les coûts associés au transport et leur distribution entre ces ports, le gouvernement pourrait cesser d'intervenir et peut-être laisser certains des services fournis dans un port de l'intérieur être transférés sur la côte Est - ou n'importe où ailleurs, d'ailleurs. Laissons le marché décider ce que seront les coûts de transport et laissons les usagers de ces canaux de distribution, comme moi-même ou d'autres, prendre leurs décisions économiques concernant les services qu'ils veulent utiliser et l'endroit où ils seront situés.
Je sais que les pouvoirs publics ont tendance tout naturellement à intervenir dans ce type de décisions. La Voie maritime du Saint-Laurent en est un exemple. Elle a été construite pour de bonnes raisons, des raisons très valides, à l'époque. Mais je pense que l'objectif devrait être de minimiser cette intervention autant que possible. Économiquement, je ne pense pas que le gouvernement devrait imposer aux ports maritimes de l'Atlantique ou aux ports maritimes de Vancouver de subventionner quiconque d'autre. Ce n'est pas nécessaire.
[Français]
M. Bernier: Je suis content de connaître votre point de vue. Je dois vous avouer que je suis plutôt pour l'entreprise privée. Je ne suis pas nécessairement à gauche, mais je suis plutôt pour l'entreprise privée.
Avant de conclure, monsieur le président, je voudrais poser une autre question aux représentants de l'Institut canadien des engrais. En ce qui concerne le travail que nous avons à faire cette semaine, quelle est la position de l'Institut concernant la grille tarifaire proposée au niveau des aides à la navigation? De nombreux témoins nous ont demandé un moratoire tant et aussi longtemps que des études ne seront pas faites.
Je remarque que, dans votre mémoire, vous demandez aussi que des études régionales soient effectuées et même des études pour chaque port. Ces données ne sont pas disponibles pour l'instant et on n'a pas l'impact socio-économique de ces coûts sur les différentes industries. Quelle est votre position ce matin, si vous en avez une? Demandez-vous un moratoire pur et simple ou êtes-vous prêts à payer une partie de la facture et, si oui, comment? On peut voir que le commissaire est prêt et qu'il n'attend que le feu vert pour appuyer sur le bouton.
[Traduction]
M. Foley: Nous n'avons pas vraiment pris position sur l'étude d'incidences et le report. Si je devais me prononcer tout de suite, je dirais qu'il vaudrait mieux reporter l'entrée en vigueur des droits. Je pense que nous aurions un meilleur mécanisme si c'était le cas.
Nous avons abordé un certain nombre de choses et dit que nous voulions ceci et cela. Mais pour réunir tous ces éléments, franchement, je pense qu'il vaudrait mieux faire davantage de travail préalable. Dans le délai qui était imparti, et d'autant plus que l'on nous a également parlé de cette échéance du 15 avril, nous savions que certaines de nos suggestions ne pourraient pas être adéquatement étudiées.
Donc, s'il fallait reporter l'entrée en vigueur, nous ne viendrions pas nous plaindre. Nous ne trépignons pas d'impatience pour payer des frais supplémentaires.
M. Murphy: Je suis d'accord. Nous sommes tout à fait d'avis que... Nous pensions ne pas disposer de beaucoup de temps, mais si on peut reporter... Il vaut mieux faire les choses bien la première fois plutôt que d'essayer de réparer continuellement après coup, car si on ne fait pas les choses bien la première fois, ce sera impossible ensuite.
Le président: Je rappelle aux membres du comité que M. Thomas reviendra ici jeudi soir comme dernier témoin, et si vous voulez lui expliquer cela clairement, il serait bon que vous veniez à cette séance pour le faire.
Mme Wayne: Monsieur le président, j'ai une précision à demander. M. Thomas, lorsqu'il a comparu ici, a indiqué que la redevance coûterait 3 800 dollars par navire de croisière. Je sais que le QE II est beaucoup plus gros qu'un navire de croisière ordinaire, mais nous avons entendu aujourd'hui que ce navire paierait 13 000 dollars. Est-ce que M. Krauter a des chiffres concernant la redevance que paieraient ces navires de croisière pour faire escale dans le port de Saint John selon cette formule?
M. Krauter: Je pense que le port de Halifax a fait état de 13 000 dollars pour le QE II. Celui-ci fait également escale à Saint John. Nous en sommes ravis.
Mme Wayne: Ce n'est pas 3 800 dollars.
M. Krauter: Non, certainement pas. Le taux qu'il paierait à Halifax, si c'est sur une base forfaitaire, serait le même qu'à Saint John. Je pense que si vous étiez la compagnie Cunard et étiez confronté à 13 000 dollars par escale, vous réfléchiriez un moment à votre itinéraire pour voir s'il vaut est rentable de venir au Canada atlantique.
Mme Wayne: Ken, savez-vous combien il en coûterait aux autres navires de croisière qui ne sont pas aussi gros?
M. Krauter: Je n'ai pas de chiffres précis. Cela varie considérablement, selon la taille du navire.
Mme Wayne: Cela varie. C'est ce que je pensais. Ce n'est pas uniforme.
M. Krauter: L'une des difficultés que l'industrie rencontre dans tout ce processus est que l'on est toujours acculé par une échéance. La question est de savoir pourquoi il y a cette échéance, qui l'impose et si elle est vraiment sacro-sainte ou non.
À cela s'ajoute la succession des propositions. Dans certaines de nos réunions, si on avait demandé aux gens autour de la table de dire quelle était la proposition la plus récente, certains auraient eu bien du mal à l'énoncer, car elle venait de changer dans les derniers jours ou la semaine passée.
Nous sommes donc toujours bousculés par le temps, il y a une guillotine, les propositions ne cessent de changer et l'industrie passe son temps à essayer de voir ce que la proposition la plus récente signifie pour un expéditeur ou une compagnie maritime ou un port, et quelles seraient les subventions inter-régionales ou d'autres conséquences qui pourraient résulter de la dernière proposition. Il est très difficile pour l'industrie et les représentants des ports de cerner ce processus mouvant tout en essayant de s'occuper de leurs autres affaires.
Le président: Quelqu'un souhaite-t-il dire quelques mots de conclusion?
M. Larson: Sur le même sujet, nous nous sommes efforcés, en tant qu'industrie, de définir quelques principes directeurs, tels que le chiffrage des coûts port par port - l'idée qu'il ne faut pas voir dans cette redevance une source de revenus mais plutôt un recouvrement des coûts et que si des économies sont réalisées, elles doivent remonter la chaîne et bénéficier à toutes les parties intéressées.
Si une étude détaillée est entreprise pour analyser les coûts et dégager un consensus sur une proposition, nous nous ferons un plaisir de recommander des participants des différentes régions en mesure de contribuer à ce travail. Nous espérons que la Garde côtière recherchera une large participation aux fins de l'élaboration de ce type de programme.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Merci à tous d'être venus.
Nous nous retrouvons demain dans la même salle à 15 h 30. La séance est levée.