[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 mars 1997
[Français]
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)): J'aimerais vous remercier tous pour votre patience. Je sais que Mme Bedros a un avion à prendre. Pour ne pas la retarder, nous allons commencer par entendre les deux présentations l'une à la suite de l'autre, que nous ferons suivre par la période des questions. Madame Bedros, voulez-vous commencer?
Mme Vicky Bedros (directrice générale, Victoria Communications): Avec plaisir. Madame la coprésidente, monsieur le coprésident, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Le but de mon témoignage d'aujourd'hui est de faire le tour des questions relatives à l'affichage commercial et à la prestation de service bilingues à Ottawa, de leur justification, ainsi que de leurs avantages et conséquences pour les parties concernées, c'est-à-dire les commerçants et la communauté francophone.
Pour aborder ces questions, je me suis basée sur les données et les témoignages recueillis au cours de trois projets initiés et réalisés par notre entreprise de marketing et de communication d'entreprises.
Le premier projet a consisté en une enquête conduite en septembre 1995 sur l'usage des deux langues officielles dans le secteur économique privé. En effet, la remise en question permanente du bilinguisme officiel au Canada, les colloques organisés par les pouvoirs publics, l'intérêt manifesté par certains universitaires et économistes et le manque de données chiffrées sur le bilinguisme dans le secteur privé nous ont naturellement amenés à sonder les entreprises privées afin de mieux capter les réalités sur le terrain.
Un questionnaire de quatre pages a été soumis à un échantillon représentatif de 2 000 entreprises privées, toutes tailles et tous secteurs confondus, réparties dans plusieurs provinces canadiennes. Les résultats de cette enquête sont publiés dans le Guide d'affaires Optima, que voici. C'est le second projet dont je voudrais vous parler et dont un exemplaire est à la disposition de chaque membre du comité. Je vous laisserai le soin de le lire par la suite.
Ce second projet a découlé des résultats de l'enquête dans laquelle la majorité des répondants ont manifesté le besoin d'un outil de communication relatif à ces questions. C'est ainsi que nous avons décidé de créer un ouvrage de référence consacré au rôle des langues dans les entreprises privées du Canada.
Le troisième projet - auquel Mme Guarnieri a d'ailleurs participé en octobre dernier - a conduit à la création du Prix d'honneur Optima, rendant hommage sur la place publique aux entreprises ayant fait preuve d'excellence en communications et services bilingues.
Les enseignements et les conclusions tirés de ces divers projets peuvent être résumés en ces quelques points:
La langue est de plus en plus perçue comme paramètre économique par les dirigeants d'entreprises canadiens, avec ses propres coûts et bénéfices.
L'instauration et le développement d'une politique bilingue au sein de l'entreprise requiert un investissement substantiel en termes de ressources humaines, d'outils de communication et de budget d'exploitation. Mais, comme l'indique clairement le président d'Assurances Forest Ltée, compagnie basée au Manitoba:
- Les statistiques et les études de coût ne suffiront pas à illustrer de façon tangible les avantages
qu'une entreprise retire de la qualité de l'accueil et du contact établis dans la langue du client.
Langue et entregent ne font qu'un en affaires. Valoriser cet aspect des choses, c'est augmenter
le rayonnement de l'entreprise, attirer la sympathie du client et la retenir.
- Compétence linguistique et productivité forment une équation qui ne fait aucun doute dans mon
esprit. Les coûts? Il y a un coût à toute chose, notamment aux erreurs et aux retards engendrés
par de mauvaises communications.
Le monde des affaires adopte une approche pragmatique dénuée de toute émotion quant à la question du bilinguisme. Il considère le bilinguisme comme un atout commercial ayant des répercussions directes en termes de développement de parts de marché.
Le dirigeant d'entreprise placé aujourd'hui dans un environnement concurrentiel féroce, tant sur le marché local que sur les marchés internationaux, est conscient du fait qu'il doit être à l'écoute aussi bien de sa clientèle existante que de celle qu'il doit prospecter, attirer et garder.
Or, le consommateur d'aujourd'hui exige de plus en plus d'être servi dans la langue de son choix. Il lui est beaucoup plus facile et pratique de s'exprimer dans sa propre langue, quand bien même il en connaîtrait d'autres. De plus, parler et communiquer dans sa propre langue met le consommateur à l'aise et en confiance dans sa relation avec le vendeur, ce qui est avantageux pour les deux parties.
L'image de marque de l'entreprise ou du commerce n'en sort en fin de compte que plus brillante puisque le consommateur se sent pris en considération et respecté. C'est un gage de la fidélité tant recherchée par les entreprises.
Ces faits entraînent les entreprises vers l'instauration d'une politique de communications et de services bilingues. Un nombre croissant d'industries se mettent au diapason dans la pratique du bilinguisme. Les institutions financières, les télécommunications, la technologie de l'information, l'industrie touristique et les professions libérales n'en sont que quelques exemples.
On constate aussi la propension de certaines entreprises à afficher leur bilinguisme par souci d'avoir une image corporative moderne, reflétant le dynamisme, l'ouverture d'esprit et la qualité de ses ressources humaines.
La dualité linguistique déclenche par ailleurs une dynamique économique significative dans le contexte actuel de la circulation de biens et de personnes, tant dans le marché commun canadien que dans les marchés internationaux.
Les entreprises canadiennes bilingues jouent un rôle proéminent dans l'essor économique du pays de par la promotion de leurs compétences linguistiques, la qualité de leurs services à la clientèle et leurs performances commerciales. Elles bénéficient d'une situation privilégiée sur la scène internationale en matière d'échanges économiques, de transfert, d'exploitation et de commercialisation de leur expertise dans le domaine de la gestion et de la formation linguistique.
À la lueur de ces différents constats, il serait approprié de retourner à la question du début: l'affichage bilingue à Ottawa, sa justification, ses avantages et ses conséquences.
En ce qui concerne sa justification, les chiffres parleront d'eux-mêmes: environ 35 p. 100 de la population d'Ottawa est francophone; 2 782 000 entrées ont été recensées en provenance de la province du Québec vers l'Ontario en 1994; 200 000 visiteurs francophones en provenance de l'Europe (France, Suisse, Belgique) se sont rendus en Ontario en 1995. Les deux derniers chiffres viennent de Statistique Canada.
En ce qui concerne les avantages, toutes les parties concernées en bénéficient. Le consommateur francophone et, par extension, sa communauté bénéficient d'un traitement juste et équitable et obtiennent tout le respect et la considération qui leur sont dus. Pour les commerçants, l'affichage bilingue entraînera certes des coûts, mais ils pourront les amortir et réaliser un retour sur investissement grâce à l'augmentation de leur part de marché, à la fidélisation de leur clientèle et à l'amélioration de leur image de marque. À terme, tout cela se traduira, pour les commerçants évidemment, en dividendes.
Comme l'a si bien résumé M. Bruce Douglas, le président de Neopost Canada:
[Traduction]
«Le bilinguisme est un actif, pas un passif.»
[Français]
L'affichage commercial bilingue dans les régions à forte densité de population bilingue est donc légitime, d'autant plus qu'il présente des avantages en termes de développement, de profit et d'enrichissement pour les entreprises.
Toutefois, en guise de conclusion, j'aimerais souligner que l'enrichissement d'une entreprise ne doit pas se mesurer uniquement en chiffres sur le bilan de fin d'année. Outre la dimension financière, l'enrichissement de l'entreprise comporte une dimension sociale, les deux n'étant pas incompatibles comme on pourrait le croire.
Les réalités de cette fin de siècle sont telles que la responsabilité sociale de l'entreprise, le profit et l'intérêt public se retrouvent étroitement liés.
«La citoyenneté de l'entreprise est aujourd'hui un ingrédient vital du leadership en affaires», comme l'a récemment indiqué David Simon, président de British Petroleum, lors de la conférence organisée sur ce thème par le Fonds monétaire international.
L'entreprise citoyenne est celle qui adhère aux normes en matière d'éthique commerciale et qui s'engage dans la vie communautaire et sociale. Elle respecte et valorise la diversité culturelle et linguistique des communautés au sein desquelles elle est implantée. Merci.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Merci, madame Bedros. Sans attendre, je vais donner la parole à M. Leroux.
M. Rhéal Leroux (président, Leroux et Associés): Mes résultats ne sont pas basés sur la recherche, comme ceux de ma consoeur, mais plutôt sur les constatations et les conclusions d'un entrepreneur réaliste vivant la réalité quotidienne de cette région et de la jungle du monde de l'entreprise privée.
Notre firme est une firme locale qui compte environ 25 employés permanents et 14 employés à temps partiel, c'est-à-dire 40 employés, tous bilingues. Dans une proportion de 65 p. 100, notre entreprise est active sur la scène internationale, dans 10 à 12 pays, et nous avons une succursale en Suisse. En Suisse, il n'y a pas deux langues, mais bien quatre langues. Cela nous apporte des avantages, puisqu'avec nos partenaires suisses, on a des bulletins en quatre langues et pas seulement bilingues.
Je voudrais vous dire comment les agents qui m'entourent dans l'entreprise et moi-même voyons le bilinguisme. Je pense que le bilinguisme dans la région de la Capitale nationale se résume à deux mots pour l'entreprise privée: c'est une valeur ajoutée et c'est un service à la clientèle. Pour nous, le service à la clientèle et une clientèle bien servie signifient une meilleure clientèle, plus de clientèle et, par conséquent, plus de profits.
Je vais donc me permettre de contredire tous ceux qui disent que le bilinguisme coûte très cher. Ce n'est pas vrai. Être bilingue ne coûte pas cher. Le mythe des coûts du bilinguisme est toujours répandu par ceux qui, le plus souvent, ne réussissent pas dans l'entreprise privée.
Vous avez tous entendu parler de l'affichage bilingue dans cette région. Devant mon édifice, par exemple, il y a une affiche de quatre mètres par un demi-mètre. Savez-vous combien coûte une affiche de cette taille en anglais dans la région de la Capitale nationale? Trois mille dollars. Vous savez combien coûte une affiche de même dimension en français? Trois mille dollars. Vous savez combien coûte une affiche bilingue de même dimension? Trois mille dollars.
À ceux qui nous disent qu'afficher dans les deux langues occasionne des coûts supplémentaires à l'entreprise, je réponds, en tant qu'homme d'entreprise privée, que je ne mets pas un sou de plus que n'importe qui dans cette région pour mon affichage, qui est bilingue, parce que je pense que cela fait partie du service à la clientèle.
Mesdames et messieurs, il y a dans cette région des entreprises qui ont connu du succès tout simplement parce qu'elles ont réussi à comprendre l'utilité du bilinguisme. Il y a des groupes d'assurance comme Welton Beauchamp Nixon Inc., qui est maintenant la deuxième plus grosse entreprise du genre au Canada alors qu'elle n'existe que depuis 12 ans, dont toute la publicité, tous les dépliants et tout le personnel sont bilingues. Cet effort de bilinguisme ne l'a pas appauvrie, loin de là.
Dans d'autres entreprises comptables comme Marcil Lavallée Loyer & Associés, tout est bilingue, que ce soit le service à la clientèle ou l'affichage.
La firme Ginsberg Gingras et Associés, syndics de faillite, a un bureau à Hull et un bureau à Ottawa dont tout le personnel est complètement bilingues.
Ce sont des entreprises de plus de 70 employés qui ont décidé d'être bilingues pour servir leur clientèle.
Ce choix des coûts de traduction ne doit pas être considéré comme de nouvelles dépenses pour une entreprise. C'est une stratégie de marketing.
Alors, à ceux qui disent que produire une brochure en anglais et une en français occasionne un double coût, je répondrai que c'est faux. Dans ma société, cela me rapporte plutôt de l'argent des deux côtés. En homme d'affaires avisé, je ne voudrais pas être évincé d'un marché pour une question linguistique.
Et à ceux qui disent que le personnel coûte plus cher, je répondrai aussi que c'est faux, puisque chez nous, un agent de projets, un directeur des communications ou un agent de relations publiques est payé le même prix, qu'il soit bilingue ou unilingue. Par contre, s'il est bilingue, cela rapporte deux fois plus à notre société.
Il y a dans cette région des gens et des sociétés qui, depuis 20 ans, n'ont jamais respecté le fait bilingue. Je vais vous donner un exemple: la fameuse équipe de football des Ottawa Rough Riders, qui a refusé pendant 20 ans de faire de la publicité dans les deux langues. Ils sont partis, peut-être pour des raisons autres que linguistiques, mais cela a certainement été une des causes de leur départ. Vous pouvez ainsi voir qu'il suffit quelquefois de seulement 5 p. 100 pour faire la différence entre la rentabilité et la non-rentabilité. S'ils avaient su attirer une population francophone du côté québécois et franco-ontarienne de l'autre côté au cours de ces 20 années, ils auraient sûrement fait des bénéfices. Quand il y a 1 000 ou 2 000 spectateurs en moins à une partie de football, cela fait la différence entre la rentabilité et la non-rentabilité.
Je pense donc que les gens d'affaires, en particulier dans une région comme celle-ci, devraient être capables de servir les clients et d'afficher dans les deux langues. Je peux vous assurer que cela n'occasionne aucun coût supplémentaire. Je dirais plutôt que c'est une dépense qui nous rapporte d'une façon extraordinaire.
Finalement, j'aimerais vous parler un peu de l'affichage bilingue dans la région de la Capitale nationale. L'affichage bilingue dans la capitale est important et je pense que le fédéral a un rôle à jouer. C'est une question d'image nationale et d'image internationale. C'est une question de service aux visiteurs, aux touristes, aux gens d'affaires. Et je vais encore plus loin en disant que c'est une question de recrutement d'entreprises pour la région et également de recrutement de personnel.
S'il y a des mouvements qui se créent actuellement comme celui de l'hôpital Montfort, ce n'est pas une question de soins de santé; c'est une question de recrutement d'employés bilingues ou multilingues car on a besoin de services dans les deux langues. L'hôpital Montfort est un exemple de cela.
C'est aussi une question de qualité de vie. L'affichage bilingue ne fait qu'enrichir les entreprises et le gouvernement dans cette région. Finalement, je pense que certaines organisations qui relèvent du fédéral doivent jouer un rôle plus important: la Commission de la Capitale nationale ou le ministère des Travaux publics, dans cette région ou ailleurs. Ces organisations louent des locaux à des sociétés qui signent des baux mais qui ne respectent pas toujours leur engagement à utiliser l'affichage bilingue.
Je vous demanderais, en tant que membres du comité, de voir à ce que ce règlement soit respecté. Tantôt je vous ai donné le coût d'une affiche bilingue. Vous avez pu voir que cela ne coûte pas plus cher qu'une affiche en français seulement ou en anglais seulement. Quant aux locaux qui sont loués par la CCN, ils se louent comme n'importe quel local. Quand vous visitez des maisons, vous regardez, vous demandez la superficie, les services et les rénovations dont vous avez besoin et enfin le prix, et vous décidez si vous prenez la maison ou non.
Les organismes du gouvernement fédéral qui louent des locaux mettent des conditions et il faudrait que ceux qui veulent les louer respectent ces conditions. S'ils ne sont pas prêts à les respecter, ils peuvent aller louer ailleurs. C'est tout ce que j'avais à dire. C'était un petit commentaire d'un homme d'affaires de la région.
Je vous remercie.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Merci. Je vois que tout le monde est en train de réfléchir.
Sénateur Beaudoin, voulez-vous commencer la période de questions?
Le sénateur Gérald A. Beaudoin (Rigaud, PC): J'ai une question pour Mme Bedros. Vous avez parlé de deux millions d'entrées en Ontario. Qu'est-ce que vous vouliez dire au juste par ça?
Mme Bedros: Ce sont deux millions d'entrées de voyageurs venant du Québec en Ontario chaque année.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Voyageurs?
Mme Bedros: Oui.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Ce ne sont pas des gens qui changent de province. Ce sont des touristes?
Mme Bedros: Non, pas nécessairement des touristes. Ce sont des gens qui viennent soit pour des raisons d'affaires, soit pour des raisons touristiques, soit pour d'autres raisons.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: À partir du Québec?
Mme Bedros: À partir du Québec, chaque année.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: C'est très élevé.
Mme Bedros: C'est très élevé, en effet. C'est pourquoi j'ai parlé de voyages et non pas de visiteurs, d'individus. Un individu peut faire 5, 10 ou 15 voyages par an. Donc, ce sont les voyages qui sont comptés, les déplacements d'une province à l'autre. C'est le nombre de déplacements d'une province à l'autre.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Ce n'est pas un changement de province.
Mme Bedros: Non.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Ce sont des voyages d'une province à l'autre.
Mme Bedros: C'est ça.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Il y a évidemment énormément de gens d'affaires qui voyagent tous les jours entre Montréal et Toronto.
Mme Bedros: Oui, c'est ça. C'est comptabilisé dans ces deux millions.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Et à Ottawa?
Mme Bedros: Également. Dans tout l'Ontario.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Bien. C'était ma première question.
Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur Leroux. Vous dites que le bilinguisme, et j'en suis agréablement surpris, ne coûte pas plus cher en soi. Mais quand on se penche sur la qualité de la langue française ou anglaise selon le cas, est-ce que ça n'a pas une influence directe sur les coûts? Autrement dit, une excellente traduction ou une excellente interprétation doit tout de même coûter plus cher que pas d'interprétation du tout. Je ne doute pas une seconde de ce que vous affirmez, mais j'aimerais comprendre pourquoi il en est ainsi. Je voudrais vous faire remarquer que je m'en réjouis.
M. Leroux: Sénateur, il y a deux choses. Premièrement, dans notre région, il y a toute une série d'entreprises, dans le domaine de la restauration ou de l'hôtellerie, où les coûts de traduction ne reviennent pas très souvent. En effet, on ne fait pas la traduction du dépliant de l'hôtel Westin ou du Château Laurier tous les jours. Dans les restaurants où le menu est dans les deux langues, le coût n'est pas non plus très répétitif. Il est évident qu'une firme de communications comme la nôtre a plus de frais car il faut chaque fois publier une brochure bilingue. Mais je ne dirais pas que ce sont des frais parce que le fait de faire une brochure dans les deux langues, c'est comme décider d'embaucher une personne pour faire du marketing direct. C'est une stratégie de marketing. C'est donc un coût, mais il n'est pas associé au fait d'être bilingue. On fait par là du recrutement de nouveaux clients ou bien on rend service à nos clients. Une journée au golf avec un client coûte 1 000 $. Traduire pour faire plaisir aux clients peut coûter 500 $. Il ne faut donc pas considérer la traduction comme une dépense supplémentaire, mais comme une chose associée à l'entreprise. Ceux qui pensent que c'est un coût manquent souvent une occasion d'augmenter leur chiffre d'affaires.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Personnellement, je viens du secteur juridique.
M. Leroux: Ça, ça coûte plus cher.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: C'est bien ce que je pense. Nous avons ici à Ottawa deux équipes au ministère de la Justice. Les lois sont adoptées dans les deux langues. L'équipe de juristes qui fait la version française est différente de celle qui fait la version anglaise. Autrefois, on faisait les lois et on les traduisait. C'est fini, ce système. Aujourd'hui, on a deux équipes, une équipe française et une équipe anglaise. Les deux équipes sont composées d'excellents juristes, des jurilinguistes, qui font un travail merveilleux, à mon avis, mais ça doit tout de même coûter quelque chose.
M. Leroux: Monsieur le sénateur, je vous dirai que mes avocats sont chez Scott & Aylen. Quand j'achète une propriété ou que je signe un contrat, je leur demande de le faire en français, et ce n'est pas plus cher qu'en anglais. Quand j'ai un client francophone et que j'ai à rédiger un contrat en français, c'est le même prix qu'en anglais.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, c'est vrai.
M. Leroux: Le bilinguisme ne veut pas dire que l'on traduit tout. Dans l'entreprise, on n'a pas besoin d'avoir une traduction pour tout.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: C'est vrai. Que vous fassiez un contrat en français ou en anglais, c'est la même chose. Je pense que vous avez raison.
Mais si vous faites une loi dans les deux langues ou encore un message dans les deux langues, ça doit tout de même coûter quelque chose.
M. Leroux: Encore une fois, si j'ai à faire de la publicité à la télévision, c'est une question de stratégie de marketing et non pas une question de bilinguisme. Si je décide de placer 10 000 $ à CHOT et de placer ensuite 20 000 $ à CJOH, ce n'est pas une politique de bilinguisme, mais une stratégie de marketing pour aider nos entreprises à faire connaître le produit dont je fais la promotion.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Ça, ça ne coûte pas plus cher.
M. Leroux: Absolument pas.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Non, vous avez raison. Mais supposons que vous ayez une manifestation publique et que vous deviez avoir des affiches bilingues. Vous me dites que ça ne coûte pas vraiment plus d'avoir une affiche bilingue qu'une affiche uniquement en français ou en anglais. C'est bien ça?
M. Leroux: Pour la grande majorité des affiches, on le fait recto-verso.
Le sénateur Louis Robichaud (L'Acadie, Lib.): Soit 3 000 $ et 3 000 $.
M. Leroux: Je parlais tantôt de l'affichage extérieur de mon entreprise. Ce sont les grands panneaux que vous connaissez. Je disais que c'était un choix d'entreprise. Quand j'arrive chez un producteur d'affiches extérieures et que je lui dis que je veux une affiche extérieure illuminée de quatre mètres par un demi-mètre, elle me coûtera le même prix, qu'elle soit en français, en anglais ou bilingue.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Elle coûte le même prix?
M. Leroux: Absolument. Maintenant, si j'ajoute un mètre de plus dans l'une ou l'autre langue, ce n'est plus la même chose.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Non, mais à proportions égales?
M. Leroux: À proportions égales, ça coûte la même chose.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: La même chose?
M. Leroux: Absolument.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Mais ça suppose, chez la personne qui conçoit l'affiche, une compétence dans plus d'une langue.
M. Leroux: Là encore, je dirais que celui qui fait l'affiche dans les deux langues et qui offre des services bilingues a un avantage sur celui qui est unilingue.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Alors, tant mieux. Je ne peux pas dire autre chose que «tant mieux».
Mme Bedros: Est-ce que je peux ajouter un autre élément à cette question-là? Dans l'enquête qui a été faite, on a posé cette question concernant les coûts de prestation des services bilingues, comme les coûts de traduction, de recrutement, etc., et nous avons été surpris par les réponses. Tout d'abord, toutes les entreprises n'ont pas pu nous donner des chiffres précis, parce que, comme vous l'avez dit, elles incorporent ces frais dans leur stratégie générale de marketing. Elles n'ont pas vraiment chiffré ces frais à part.
Par contre, chez les entreprises qui l'ont fait, on a constaté que les entreprises qui ont un chiffre d'affaires de plus de 100 millions de dollars par an ont un coût moyen d'à peu près 85 000 $ par an pour les services bilingues. Vous pouvez donc constater que ce n'est pas vraiment beaucoup pour une entreprise qui fait plus de 100 millions de dollars de bénéfices. Et c'est une moyenne.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Seulement 85 000 $?
Mme Bedros: Oui. C'est ce qui est ressorti de l'enquête.
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Tant mieux encore.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Merci, sénateur. Madame Maheu.
La sénatrice Shirley Maheu (Rougemont, Lib.): Je voudrais appuyer ce que M. Leroux vient de nous dire.
Dans votre guide Optima, il y a une lettre d'un représentant d'une firme internationale canadienne qui a des bureaux au moins en Ontario et au Québec et dans une autre province que je ne vais pas identifier. Il parle des coûts. Malheureusement, cette firme-là et ses commentaires sont difficilement crédibles. Cette firme a un bureau au Québec, où tout se fait se fait totalement en français. Il n'y a donc pas de coûts de traduction, car c'est fait là. Cela est fourni par la maison mère de l'entreprise sans que cela lui coûte quoi que ce soit. On voit souvent un manque de bonne volonté chez les gens qui en ont contre les coûts du bilinguisme.
Je voulais tout d'abord, madame Bedros, savoir comment il se fait qu'elle soit imprimée, alors que c'est totalement faux si on s'arrête au nom de l'entreprise.
Mme Bedros: Vous voulez peut-être me dire le nom de l'entreprise, s'il vous plaît? Parce qu'il y a plusieurs interviews...
La sénatrice Shirley Maheu: C'est à la page 84, en français.
Mme Bedros: D'accord. Eh bien, oui, c'est sûr. Justement, je l'avais citée au début.
La sénatrice Shirley Maheu: Au dernier paragraphe.
Mme Bedros: Voilà, tout à fait. En fait, lui, au contraire, il apporte de l'eau à notre moulin. Il dit tout simplement que des coûts sont encourus, ce qui est normal. Il y a des coûts de traduction ou autres. Toutefois, il ne faut pas en faire une affaire d'État. Il faut simplement incorporer ces coût dans une stratégie générale de marketing. Comme il le dit, il y a un coût pour tout. C'est dans ce sens-là qu'il...
La sénatrice Shirley Maheu: En général, mais pas dans son cas.
Mme Bedros: Lui, il est tout à fait pour, je dois vous dire.
La sénatrice Shirley Maheu: Non, non, je ne critique pas.
Mme Bedros: Oui, oui, il est tout à fait pour. Il est très fier du catalogue bilingue qu'il a produit au Nouveau-Brunswick. En fait, il distribue même son catalogue dans les écoles pour qu'on y apprenne le français à l'aide de ce catalogue. C'est vous dire à quel point il est vraiment très fier de son catalogue bilingue.
En fait, s'il a parlé des coûts, c'est parce qu'on lui a posé la question. Et comme il est un homme d'affaires, un président, il a dit que c'était la réalité. Il a parlé de la réalité, en fait.
La sénatrice Shirley Maheu: Est-ce que je pourrais poser une question supplémentaire que j'adresserais à M. Leroux?
Vous avez signalé les possibilités qui s'offrent à ceux qui louent les édifices et les bureaux du gouvernement fédéral. Est-ce qu'il y a autre chose que notre ministère du Patrimoine canadien, par exemple, pourrait faire pour encourager et aider les entreprises qui veulent le faire, ou bien si, comme semble l'indiquer votre intervention, les coûts en seraient augmentés? J'aimerais approfondir un peu la question.
M. Leroux: Je pense, madame, que c'est une modalité qui suit les règles du commerce. Les agences qui louent au nom du gouvernement fédéral doivent respecter la Loi sur les langues officielles. Dans tous les édifices situés sur les rues Sussex, Wellington, Sparks ou autres, cette loi doit être respectée et je pense que c'est dans leur contrat. Je suis même certain que le contrat comporte une clause sur l'affichage bilingue. C'est parce qu'au cours des années on n'a pas su faire respecter la loi que les locataires viennent nous dire aujourd'hui que changer leurs affiches leur coûterait quelque chose. Je m'excuse, mais c'était dans les règlements. Les règles du jeu étaient connues. Donc, elles doivent être respectées.
Si quelqu'un vient louer un local pour lequel je demande 8,50 $ le mètre carré ou le pied carré, il ne peut pas dire, après avoir loué, qu'il veut payer 4 $. Je m'excuse, mais les règles du jeu étaient connues.
C'est comme pour ceux qui veulent qu'on apporte des améliorations de 25 000 $ au local qu'ils ont loué. Eh bien, ces coûts seront ajoutés à leur coût de location. C'est une décision d'affaires. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait des sous ou des raisons pour subventionner les locataires. Ce sont les règles du jeu de l'entreprise privée qui s'appliquent.
Il est plus coûteux d'être sur la rue Sparks que dans un parc industriel. Si on choisit d'être là, qu'on en paie le prix et qu'on respecte les règles.
La sénatrice Shirley Maheu: Merci.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Monsieur Serré.
M. Benoît Serré (Timiskaming - French River, Lib.): Premièrement, j'aimerais féliciter nos deux témoins. Je pense qu'ils ont frappé dans le mille avec leur façon de traiter le problème. Votre expérience pratique est confirmée par l'étude de Mme Bedros.
Je suis complètement d'accord sur tout ce que vous avez dit et je vous encourage à l'exprimer fréquemment et fortement. Je pense que le problème, c'est que les gens d'affaires ne savent pas que le bilinguisme n'est pas un coût, mais plutôt un avantage qui peut être payant. Je m'en rapporte à la situation d'un politicien. Dans ma circonscription, 40 p. 100 de la population est francophone. Je ne pourrai jamais me faire élire et me constituer un capital politique si je ne suis pas bilingue. Ce sera impossible. C'est la même chose pour l'homme d'affaires, et vous l'avez prouvé et bien démontré.
Le problème, c'est qu'on n'arrive pas à le faire comprendre aux gens, tant du côté des consommateurs que du côté des gens d'affaires. J'ai toujours dit que c'est par la «piastre» qu'on peut convaincre les gens. C'est bien beau, l'objectif du bilinguisme, les grandes idées et les visions d'avenir, mais je pense que quand ça paie et qu'on peut le démontrer, on a de grandes chances de faire avancer la question.
Avant de vous poser ma question, je veux seulement faire un commentaire au sujet des baux de la Commission de la Capitale nationale, parce que vous en avez parlé. Nous avons reçu le président de la CCN, M. Beaudry, à ce comité. Franchement, je l'ai dit et je le répète, j'ai été très déçu de son attitude et des réponses qu'il nous a données. Il nous a plus ou moins dit que parce que cela n'avait pas été mis en vigueur dans le passé, les avis juridiques qu'on lui donnait indiquaient que cela ne pouvait l'être aujourd'hui.
Je suis totalement en désaccord. D'ailleurs, je pense que nous avons obtenu des opinions juridiques différentes. Je pense que M. Beaudry a totalement manqué le bateau. Je me demande vraiment s'il occupe le bon poste ou s'il ne devrait pas être remplacé. C'est aussi simple que ça.
J'ai une question que j'aimerais vous adresser à tous les deux. Étant donné que nous nous accordons pour reconnaître que le bilinguisme est payant et que la personne d'affaires qui affiche dans les deux langues et qui offre le service dans les deux langues va en récolter des bénéfices, des profits additionnels, que peut-on faire, en tant que membres du comité ou simplement comme membres de la communauté, pour faire entrer cela dans la tête des gens d'affaires?
M. Leroux: J'ai une suggestion à vous faire. À Patrimoine Canada, on fait de l'excellent travail depuis des années dans différents domaines, notamment ceux de la culture et des langues. C'est rare, toutefois, qu'on soit venu s'adresser aux gens d'affaires. Je pense que, dans ce cadre-ci, sur le plan des communications par exemple, il y a peut-être un travail que Patrimoine Canada pourrait faire vis-à-vis de l'entreprise privée. Tous ne penseront pas comme moi, j'en suis sûr. Par contre, il y a des choses à faire connaître. Je pense que Patrimoine Canada a un rôle à jouer.
Les politiciens et les élus doivent aussi jouer un rôle, en ce sens qu'ils doivent parler ouvertement et inviter les gens d'affaires à des tribunes où ils pourraient répéter ce que je vous dis aujourd'hui. Quand on imprime notre carte d'affaires, monsieur le sénateur, ce n'est pas plus cher d'imprimer un texte bilingue. Je vois des en-têtes de lettres à deux côtés, un côté anglais et un côté français; elles ne coûtent pas plus cher.
D'abord, il ne faut pas se le cacher: on n'a pas fait souvent affaire avec des gens d'affaires. En tout cas, c'est la première fois que je viens ici. Je pense que les gens d'affaires ont toujours été très éloignés de Patrimoine Canada et du gouvernement, pour toutes sortes de raisons. On dit souvent que ce n'est pas l'endroit où faire de l'argent.
Cependant, il y a peut-être un rapprochement à effectuer dans ce sens. Sans dépenser trop de sous, il y a peut-être des programmes ou encore des gens qui peuvent porter témoignage. Il y a sûrement une relation à établir entre Patrimoine Canada et le monde de l'entreprise privée pour expliquer...
Dans les journaux, j'ai pris connaissance des commentaires de l'Ottawa-Carleton Board of Trade sur l'affichage. Honnêtement, et je m'en excuse, je les ai trouvés un peu arriérés. C'est vieux jeu. «Le gouvernement n'a pas d'affaire dans nos affaires», dit-on. Peut-être, mais d'un autre côté, c'est le siège social du gouvernement du Canada. C'est notre capitale.
Mme Bedros: J'abonde dans le même sens. Je crois beaucoup aux campagnes de sensibilisation et d'information. Cela peut se faire de plusieurs façons. Cela peut se faire d'abord par une communication de masse auprès des gens d'affaires parce que c'est vrai que ce sont eux qu'il faut sensibiliser le plus.
La preuve qu'ils écoutent parfois ce qu'on leur dit, c'est que certains commerçants de Montréal et certains commerçants du mail de la rue Sparks d'Ottawa, en août dernier, ont écouté la clientèle et ont apposé des affiches bilingues. Ce n'est pas la majorité, c'est vrai, mais il y en a qui écoutent.
Le sénateur Louis Robichaud: Est-ce que ce n'est vraiment pas la majorité?
Mme Bedros: Ce n'est pas la majorité des commerçants qui ont fait ce geste, mais il y en a certains qui l'ont fait, n'est-ce pas? Du moins, c'est ce que je crois.
Le sénateur Louis Robichaud: Dans La Presse, on a dit que c'était la majorité.
Mme Bedros: Ici? Eh bien, c'est encore mieux.
Par contre, je pense aussi à la concertation entre les différents acteurs sociaux, c'est-à-dire à des forums où de temps en temps les gens d'affaires peuvent être assis à côté des représentants des communautés où leurs entreprises sont implantées pour essayer de voir un peu ce que demandent ces communautés, pour être à l'écoute de ces communautés et peut-être aussi - et ce serait là le rôle du politicien - pour mener une campagne d'information, de sensibilisation et de communication.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Sénateur Robichaud, vous avez une dernière question?
Le sénateur Louis Robichaud: La question que j'aimerais poser a peut-être reçu une réponse pendant mon absence. J'ai été très impressionné par la valeur et la qualité intellectuelle des deux présentations qui nous ont été faites cet après-midi. J'aime beaucoup leur ouverture d'esprit et je me demande si l'un ou l'autre pourrait répondre à ceci.
On parle de la région de la Capitale nationale. On a près de nous le Québec et le Nouveau-Brunswick qui sont dans des situations différentes. Est-ce que l'Ontario n'est pas dans une situation un peu désavantagée du fait que le secteur privé doit dépenser davantage pour attirer du personnel bilingue que le Québec et le Nouveau-Brunswick, qui ont tous les outils nécessaires pour préparer du personnel bilingue? Est-ce que l'Ontario n'est pas défavorisé en ce sens?
Mme Bedros: Oui. En tout cas, c'est ce qui ressort de notre enquête. Peut-être que M. Leroux ne sera pas tout à fait d'accord à partir de son expérience particulière. L'enquête conduite auprès de plusieurs entreprises ontariennes fait ressortir cette problématique particulièrement en Ontario, qui se trouve désavantagé du point de vue concurrentiel par rapport aux provinces du Québec et du Nouveau-Brunswick.
C'est vrai. Il paraît qu'en général, les entreprises rémunèrent 12 p. 100 de plus le personnel bilingue qualifié au niveau des cadres. Ils paient 12 p. 100 de plus pour attirer ces gens-là, pour qu'ils viennent travailler en Ontario. Donc, c'est vrai qu'il y a ici une problématique de formation linguistique du personnel.
C'est un problème dont on a parlé avec l'Association of Professional Placement Agencies and Consultants. Ils nous ont confirmé ceci en nous disant que la majorité des entreprises ontariennes avaient de la difficulté à trouver du personnel bilingue qualifié, pas simplement bilingue mais aussi qualifié pour certaines fonctions.
Le sénateur Louis Robichaud: Alors c'est un désavantage marqué.
M. Leroux: Attention! Attention!
Le sénateur Louis Robichaud: Je ne voudrais pas entrer en contradiction avec notre interlocuteur, M. Leroux, qui m'a énervé, en tout cas.
Il semble y avoir une contradiction avec ce qui a été dit, à savoir que cela ne coûtait pas plus cher d'être bilingue en Ontario qu'au Nouveau-Brunswick ou au Québec.
M. Leroux: Il faut bien penser, sénateur Robichaud, que l'Ontario, c'est grand. La France est contenue cinq fois dans le territoire de l'Ontario. Quand on parle de pénurie de main-d'oeuvre bilingue en Ontario, c'est à la suite d'une enquête trop généralisée faite à l'échelle de toute la province. Cependant, dans la région de la Capitale nationale et dans l'est de l'Ontario, c'est différent. On trouve 85 000 francophones dans Prescott-Russell et 140 000 francophones dans Ottawa-Carleton. On a deux, trois ou quatre ponts - certains en voudraient cinq - qui nous relient au côté québécois, lequel compte encore 140 000 francophones. On parle d'un bassin de 300 000 personnes qui parlent français dans cette région.
Il y a peut-être une pénurie de personnes compétentes dans le domaine de la haute technologie, mais cela mis à part, il n'y a pas de pénurie dans notre région. Celui ou celle qui est propriétaire d'un restaurant, d'un salon de coiffure ou d'un hôtel qui vient nous dire qu'il n'y a pas de personnes bilingues ici n'a certainement pas bien cherché. Dans cette région, on n'a pas de mal à trouver des jeunes, francophones ou anglophones, qui parlent les deux langues officielles. Mais l'Ontario, c'est grand. Il existe un problème à Toronto, je pense.
Le sénateur Louis Robichaud: C'est dû à un manque de recherche ou à un manque de bonne volonté?
M. Leroux: Dans la région ici, si quelqu'un dit qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre de qualité bilingue, c'est un manque de bonne volonté. À Toronto, ce serait une autre paire de manches.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Sur cette déclaration, nous allons terminer. J'aimerais vous remercier d'être venus nous parler des avantages économiques du bilinguisme.
Nous allons prendre cinq minutes de repos. Nous devons disposer d'une motion, celle dont nous avons discuté à huis clos la semaine dernière. Merci.
Je pense que vous allez pouvoir attraper votre avion.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Monsieur Serré, vous avez une motion à nous proposer?
M. Benoît Serré: Oui, madame la présidente. On a fait mention à huis clos du problème de l'hôpital Montfort et on en a discuté un peu. Il y avait consensus à ce moment-là sur le fait que nous avions quand même un rôle à jouer en tant que Comité mixte des langues officielles. Tout en reconnaissant que l'administration des hôpitaux et des services de santé de la province de l'Ontario relève du gouvernement provincial, nous nous accordions pour reconnaître que nous avions à tout le moins la responsabilité morale de nous engager dans ce dossier.
Nous avions donc décidé de remettre la discussion à cette réunion-ci et de proposer un projet de résolution. Le personnel nous a aidé à le rédiger. Je vais le lire rapidement et on pourra en discuter ensuite avant de passer au vote.
- ATTENDU qu'à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles le gouvernement du Canada
s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada,
- ATTENDU que le Comité mixte permanent des langues officielles est chargé de suivre
l'application de la Loi sur les langues officielles,
- ATTENDU que l'hôpital Montfort est le seul hôpital offrant une gamme complète de services
spécialisés en français en Ontario et que, de ce fait, il dessert non seulement la population qui
réside dans son aire de service, mais aussi les francophones de l'ensemble de la province
désireux d'être soignés dans un établissement de langue française,
- ATTENDU que la disparition de l'hôpital Montfort, qui est le seul hôpital d'enseignement et de
formation des professionnels de la santé en français en Ontario, aurait des conséquences
néfastes sur l'avenir des services de santé en français en Ontario,
- ATTENDU que le Comité mixte permanent des langues officielles partage les inquiétudes de la
communauté franco-ontarienne et accorde son appui au comité S.O.S. Montfort.
- IL EST RÉSOLU que tout en reconnaissant que la restructuration des soins de santé est de
compétence provinciale, le Comité mixte permanent des langues officielles demande au
premier ministre de l'Ontario de tenir compte de la situation particulière de l'hôpital Montfort
et de la valeur symbolique que sa fermeture revêtirait aux yeux des minorités de langue
officielle dans l'ensemble du pays et le prie instamment d'intervenir auprès de la Commission
de restructuration des services de santé de l'Ontario afin de permettre à la communauté
franco-ontarienne de conserver son hôpital de langue française.
La sénatrice Shirley Maheu: Non, mais j'aurais peut-être un commentaire à faire. J'ai tenté de suivre la version anglaise. Il faudrait l'envoyer dans les deux langues au premier ministre Harris.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Oui. Merci. Alors, a-t-on un vote unanime?
Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, c'est unanime.
Le sénateur Louis Robichaud: Est-ce que je pourrais faire une toute petite remarque? La presse nous a indiqué que le premier ministre de l'Ontario n'avait rien à voir dans cette prise de décision. C'est la commission qui a pris la décision, et la décision de la commission est irrévocable. J'oserais dire devant le comité dont je fais partie que j'ai été premier ministre d'une province et que je sais fort bien que le premier ministre pourrait agir s'il le voulait.
La sénatrice Shirley Maheu: Eh bien, oui. D'ailleurs, c'est ce qu'on lui demande.
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): Merci de votre commentaire. Alors la motion est acceptée à l'unanimité?
La motion est adoptée
La coprésidente (Mme Albina Guarnieri): La séance est levée.