[Enregistrement électronique]
Le mercredi 23 octobre 1996
[Traduction]
Le président: Commençons. Soyez les bienvenus à la 27e réunion d'examen de ce projet de loi qui est aussi la dernière journée des réunions que nous aurons au cours de nos déplacements. Des audiences supplémentaires seront tenues à Ottawa avant que nous passions à l'examen article par article.
Si les témoins veulent bien patienter un instant, je voudrais préciser un point à l'intention des membres du comité.
À cause du volume de matériel qui a été rassemblé et aussi parce que nous voudrions passer à l'examen article par article au début de novembre, je serais obligé à nos recherchistes de nous communiquer le matériel qu'ils ont réuni et l'analyse faite à ce point de l'information fournie par les témoins, de manière à ce que les membres puissent continuer à étudier certaines des modifications qu'ils pourraient éventuellement vouloir apporter au projet de loi. Au lieu d'attendre que les audiences prennent fin et que toute la documentation soit rassemblée et présentée en bloc, nous proposons de le faire dans son état actuel. Les membres du comité sont-ils d'accord?
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Nous sommes d'accord pour collaborer en ce sens. Il est certain, cependant, que c'est seulement à partir du moment où on aura en main le tableau de tous les amendements possibles qu'on pourra dire quand on peut commencer à travailler. Si le document est mis à notre disposition demain ou vendredi, sans nécessairement qu'il y en ait une traduction complète, mais au moins un tableau synoptique complet des amendements possibles, nous pourrons commencer notre analyse pour être en mesure, dès la semaine suivante, de prévoir ce qui s'en vient.
Si jamais on ne l'avait que la fin de la semaine prochaine ou au milieu de la semaine prochaine, cela aurait une certaine influence sur les dates. Dans le présent contexte, on peut fonctionner malgré cela.
[Traduction]
Le président: Absolument. Merci, monsieur Crête. Je comprends votre préoccupation. Nous essayerons de vous en fournir autant que... Bien entendu, tout cela va évoluer en fonction des témoignages que nous n'avons pas encore entendus.
Avez-vous d'autres remarques à faire? Sommes-nous d'accord sur ce point? Monsieur Gouk, merci. Merci à tout le monde.
Le premier témoin de la journée représente un endroit qui s'appelle, je crois, la Société du port de Montréal...
Des voix: Oh, oh!
Le président: ... il s'agit de M. Lemay, président, et de M. Taddeo.
Soyez les bienvenus. Nous vous demanderons de vous en tenir à peu près à dix minutes pour résumer toutes les perles de sagesse contenues dans ce véritable annuaire téléphonique. Cela permettra aux membres de vous poser des questions.
M. Raymond Lemay (président, Société du port de Montréal): Voulez-vous que je lise, monsieur le président?
Le président: Comme vous voulez, monsieur, libre à vous de résumer, d'improviser ou de lire.
M. Lemay: Ce mémoire ressemble en effet un peu à un annuaire téléphonique à cette différence près qu'il ne contient aucun numéro de téléphone.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je ne sais pas... J'ai parlé à quelqu'un pas plus tard qu'hier soir.
M. Lemay: Cela reste à voir, je suppose.
[Français]
Monsieur le président, distingués membres du comité, je présume que vous avez en main une version anglaise, qui vous a été distribuée au préalable. Je suis confiant qu'il n'y aura pas de différence entre le texte anglais et le texte français. Vous constaterez que je suis plus à l'aise en français, mais je suis disposé à répondre aussi en anglais.
Je m'appelle Raymond Lemay et je suis le président du conseil d'administration de la Société du Port de Montréal. Notre président-directeur général, M. Dominic Taddeo, va également prendre part à cette présentation. Nous sommes accompagnés de quelques membres du conseil d'administration et de cadres supérieurs de notre entreprise.
Avant de débuter notre présentation, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à participer à ces audiences du comité sur l'étude de la nouvelle Politique maritime canadienne et, plus spécifiquement, sur le projet de loi C-44 déposé au Parlement par l'honorable David Anderson, ministre des Transports.
En guise d'introduction, vous me permettrez de rappeler brièvement le mandat et certaines réalisations de la Société du Port de Montréal. Le mandat de la Société du Port de Montréal consiste essentiellement à faciliter le commerce intérieur et international et à contribuer ainsi à la réalisation des objectifs socioéconomiques de la collectivité sur les plans local, régional et national.
Dans le cadre de notre mandat, nous nous sommes donné comme mission de fournir des installations et des services portuaires propres à satisfaire les besoins d'une clientèle de lignes maritimes, d'arrimeurs et de chargeurs et de stimuler l'activité sur les quais en prenant les moyens pour accroître et faire valoir les avantages de notre port.
Notre conseil d'administration est composé de sept membres qui possèdent une longue expérience du domaine des affaires ou de l'administration publique. Tous résident à Montréal ou dans sa banlieue et tous ont une connaissance profonde de la réalité montréalaise. Ce conseil est, comme les autres qui l'ont précédé, on ne peut plus montréalais, si nous pouvons nous exprimer ainsi.
Vous trouverez à la fin de notre mémoire la composition de notre conseil d'administration actuel et un tableau donnant un échantillonnage des gens d'affaires qui ont été membres des diverses administrations portuaires de Montréal depuis 1958.
Nous avons procédé à un examen détaillé du projet de loi C-44 en révisant chacun de ses articles. Voici les principaux sujets qui feront l'objet de commentaires: la modification de la capacité et des pouvoirs des administrations portuaires; la clarification du statut fédéral de l'administration portuaire; le statut général de la taxation qui s'appliquera à l'administration portuaire; la composition du conseil d'administration et son processus de nomination; les pouvoirs d'emprunt et les modes de financement de l'administration portuaire; la sécurité et les services de police sur le territoire ainsi que le lien avec l'agent de l'autorité et, finalement, le paiement des dividendes.
J'invite maintenant le président-directeur général de notre corporation, M. Dominic Taddeo, à poursuivre brièvement l'exposé.
M. Dominic J. Taddeo (président-directeur général, Société du Port de Montréal): Merci beaucoup, monsieur Lemay.
Monsieur le président et messieurs les membres du comité, comme nous l'avons mentionné lors de notre comparution devant le comité le 13 février 1995, la Société du Port de Montréal, créée en juillet 1983, s'est toujours fait un devoir d'exploiter son entreprise sur une base commerciale, efficace et rentable.
Je tiens ici à rappeler que nous sommes une société de la Couronne financièrement autonome. Durant la période de 1984 à 1995, nous avons généré un bénéfice net total de 148,4 millions de dollars, alors que les fonds autogénérés ont été de 264,5 millions de dollars. Durant cette même période, nous avons investi un montant total de 180 millions de dollars dans l'expansion et le réaménagement de nos installations: terminaux en conteneurs, réseau ferroviaire, installations céréalières et autres installations. Nos infrastructures sont donc des plus modernes et efficaces.
J'aimerais aussi souligner que le Port de Montréal se porte très bien merci, le trafic de l'ensemble des marchandises manutentionnées affichant un gain de l'ordre de 3,2 p. 100 à la fin du mois de septembre et le trafic des conteneurs affichant, quant à lui, une hausse de 6,2 p. 100. Et pour les neuf premiers mois de l'année financière en cours, notre bénéfice net s'élève à 6,8 millions de dollars. Nous ne nous arrêtons pas au succès du Port de Montréal. Nous suivons de très près la mise en place de la nouvelle politique maritime canadienne car nous voulons nous assurer que la nouvelle loi répondra vraiment à nos besoins et qu'elle favorisera une orientation encore plus commerciale, efficace et rentable.
Nous avons procédé à un examen exhaustif du projet de loi et, avant de vous faire part de nos commentaires, nous tenons à transmettre nos félicitations aux personnes qui en sont responsables pour le travail et les efforts qu'elles ont déployés dans ce dossier.
D'entrée de jeu, nous désirons vous faire part que nous sommes d'accord sur le projet de loi dans son ensemble. Conséquemment, nos commentaires ne porteront que sur certains sujets spécifiques. Je vous présente donc notre position sur les points énumérés par M. Lemay.
Capacités et pouvoirs: En ce qui nous concerne, il s'agit là de la clé du succès de la mise en place de la nouvelle Politique maritime canadienne. Alors que l'objectif principal de l'exercice est d'accorder une plus grande autonomie de fonctionnement aux administrations portuaires, selon notre interprétation, le paragraphe 24(2) du projet de loi, tel que proposé, diminue nos pouvoirs par rapport à ceux que nous possédons actuellement en vertu de la Loi sur la Société canadienne des ports.
Sous la loi actuelle, la Société du Port de Montréal a le pouvoir de s'engager dans des activités qui sont directement ou non reliées aux activités portuaires. Nous avons des entreprises qui utilisent nos infrastructures à des fins autres que portuaires, par exemple les compagnies Canada Maltage et ADM Agri-Industrie Ltée; des ententes de dessertes ferroviaires avec plusieurs entreprises, dont Sucre Lantic Limitée et Sifto Salt; et des servitudes de passage avec des entreprises telles que Les Pipe-Lines Montréal Limitée ou Ultramar Inc., permettant à ces dernières de transporter leur pétrole de leurs usines vers leur clientèle. Il s'agit là d'activités qui ne sont pas directement liées à des activités portuaires au sens du projet de loi, mais qui contribuent à l'activité portuaire tout en constituant un atout pour l'économie de la ville de Montréal et de sa région.
L'application stricte des pouvoirs prévus au projet de loi nous empêchera de poursuivre ce type d'opérations. Il est donc essentiel que le projet de loi soit révisé pour tout au moins nous attribuer toute la flexibilité que nous possédons actuellement, sinon nous en accorder encore plus. Cela respectera le voeu du ministre qui est d'accorder une plus grande autonomie de fonctionnement à la Société du Port de Montréal.
Statut des administrations: Dans le projet de loi C-44, le statut de l'administration portuaire est ambigu et nous demandons que lui soit octroyé le statut d'agence fédérale. Il est important de rappeler que la Société du Port de Montréal, en tant que société d'État, bénéficie de droits qui, malheureusement, ne se retrouvent pas dans le nouveau projet de loi. Notre position est claire: il est essentiel que la Société du Port de Montréal conserve ses droits. En effet, ce statut d'agence fédérale nous permettra de maintenir nos privilèges actuels d'immunité, alors que l'élimination de notre statut aura un impact négatif majeur et direct sur notre situation compétitive.
J'aimerais rappeler au comité que le rapport Keyes intitulé Une stratégie maritime nationale, déposé en mai 1995, recommandait que les ports soient désignés comme des agences fédérales similaires aux commissions portuaires. Les administrations portuaires auront besoin d'un statut qui leur permette, quand c'est possible, de soutenir la concurrence américaine qui est subventionnée.
Taxation: Tant sous le régime du Conseil des ports nationaux que sous celui de la Loi sur la Société canadienne des ports, la Société du Port de Montréal a toujours été assujettie à la Loi sur les subventions aux municipalités et a toujours payé les octrois tenant lieu de taxes. Nous avons le souci d'agir en bons citoyens corporatifs. Nous devons contribuer au bien-être de la région et, conséquemment, nous recommandons que les administrations portuaires demeurent assujetties à la Loi sur les subventions aux municipalités et continuent à payer des octrois tenant lieu de taxes. D'ailleurs, nous considérons que la méthode utilisée actuellement pour établir les octrois tenant lieu de taxes est juste et raisonnable.
En terminant sur ce point, nous désirons vous signaler que certaines autorités portuaires de la côte est américaine avec qui nous sommes en concurrence jouissent de subventions provenant de leur ville et de leur État. Aussi, il ne faudrait surtout pas augmenter notre fardeau fiscal et ainsi amenuiser notre position concurrentielle.
Paiement de dividendes et de redevances: Depuis 1986, la Société du Port de Montréal paie des dividendes au gouvernement fédéral, dont le calcul est basé sur le bénéfice net de l'entreprise. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une pratique normale pour une entreprise que de payer des dividendes à son actionnaire, et nous recommandons que cette pratique se poursuive sur une base similaire sous la nouvelle loi.
Les biens immobiliers: L'approche retenue par le législateur dans le projet de loi C-44 est de procéder à l'enregistrement des droits immobiliers aux lettres patentes, d'exiger des lettres patentes supplémentaires pour chaque transaction d'achat ou de vente de biens immobiliers et de créer une distinction entre les terrains fédéraux et ceux appartenant aux ports qui, au fil des années, recevront un traitement juridique différent selon leur statut.
Cette approche nous semble aller à l'encontre du but visé, qui est d'éliminer la bureaucratie et d'assouplir la gestion des administrations portuaires. Lors de la création des sociétés de port locales sous le régime actuel, le législateur a procédé par simple dévolution en mentionnant dans la loi que tous les biens mobiliers et immobiliers qui étaient sous le régime du Conseil des ports nationaux seraient dorénavant sous l'autorité de la société de port locale.
C'est pourquoi nous croyons qu'il faut procéder soit par une déclaration de dévolution à la loi soit par le biais d'un transfert de régie et d'administration en faveur de la Société du Port de Montréal aux termes d'un décret du gouverneur en conseil. L'un ou l'autre des processus répondra adéquatement à nos besoins, produira l'effet juridique recherché et permettra au ministre de conserver son pouvoir de supervision.
Gestion financière: Concurremment à l'objectif d'autonomie et de transfert des décisions aux intérêts locaux des utilisateurs, il est absolument essentiel que la Société du Port de Montréal se voie transmettre les outils nécessaires. Nous recherchons donc la flexibilité de financement des entreprises privées et les mécanismes qui s'y rattachent.
Conséquemment, nous croyons que la Société du Port de Montréal devrait se voir accorder le pouvoir de grever ses actifs, y compris, avec l'autorisation du ministre, les biens immobiliers. De plus, nous considérons que nous devrions avoir le droit de maintenir ou de créer des filiales à 100 p. 100 ou non afin d'avoir la flexibilité nécessaire à nos opérations. Cela nous accordera également la latitude de mettre en place de nouveaux projets qui impliqueraient, directement ou non, une tierce partie.
Sécurité et services de police - agent de l'autorité:- La loi prévoit que le ministre détiendra le pouvoir de nommer un agent de l'autorité dont l'étendue des pouvoirs est énumérée aux articles 96 à 108 inclusivement. De plus, ce dernier relèverait directement du ministre. Certes, en raison des pouvoirs qui sont conférés à l'agent de l'autorité, l'administration portuaire ne peut avoir le pouvoir de le nommer. Toutefois, nous croyons qu'il serait juste et raisonnable que cette nomination par le ministre se fasse après consultation avec l'administration portuaire de qui relèverait l'agent.
De par nos expériences antérieures, nous recommandons donc que la loi soit clarifiée afin d'établir sans équivoque que l'agent de l'autorité sera nommé par le ministre sur recommandation de l'administration portuaire et que cet agent relèvera directement de cette dernière.
De plus, la Loi sur la Société canadienne des ports prévoit actuellement que c'est la société de port locale qui a l'autorité pour les procédures de détention des navires ou de saisie de marchandises, la vente des marchandises pour non-paiement ainsi que toute procédure qui se rattache à chacune de ces démarches judiciaires.
Le droit rattaché à ces procédures a toujours relevé directement de la Société du Port de Montréal et non pas d'un employé de cette dernière et nous considérons essentiel de maintenir le statu quo à cet effet. Conséquemment, nous sommes d'avis que le projet de loi doit être modifié pour établir que ces droits de détention, saisie et vente en justice continuent de relever directement de l'administration portuaire.
Pilotage: Nous aimerions dire au comité qu'après avoir examiné la partie VII du projet de loi C-44 traitant des modifications à la Loi sur le pilotage, nous sommes d'accord sur l'ensemble des modifications proposées et appuyons plus spécifiquement celles qui traitent de la révision du processus de tarification et du processus de révision pour chacune des administrations de pilotage. Comme vous le savez, la révision des conditions à remplir pour l'obtention d'un certificat de pilotage, l'attribution des licences de pilote, les zones de pilotage obligatoire, l'autosuffisance financière et les réductions des coûts seront prévues au paragraphe 53(1) de la Loi sur le pilotage. Nous considérons que cet exercice satisfera aux attentes des utilisateurs et contribuera à l'efficacité des opérations tout en assurant la sécurité des biens et des personnes.
Finalement, nous tenons à vous signaler que nous sommes en faveur de l'inclusion dans la loi d'un mécanisme de résolution des différends et ce, afin d'assurer en tout temps la continuité des services dans un contexte de vive concurrence.
En guise de conclusion, il est important de vous rappeler que nos commentaires vont dans le sens de soutenir une plus grande autonomie ainsi qu'une vocation encore plus commerciale, comme nous l'avions exprimé au comité lors de notre comparution du 13 février 1995.
Je cède maintenant la parole à M. Lemay.
M. Lemay: Merci, monsieur Taddeo. Brièvement, j'aimerais traiter du paragraphe 12(1) du projet de loi, qui régit la composition du conseil d'administration.
Depuis 1983, notre conseil d'administration est composé de sept membres qui possèdent une longue expérience du domaine des affaires ou de l'administration publique. L'analyse de l'histoire de la composition des conseils démontre que la Société du Port de Montréal a toujours eu des conseils représentatifs du domaine des affaires et de la communauté locale et régionale, conformément, déjà, à l'esprit du nouveau projet de loi.
Nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral, en sa qualité de seul actionnaire du Port de Montréal, devrait être mieux représenté au conseil d'administration que ne le prévoit le projet de loi C-44. Selon nous, il irait de soi que le gouvernement fédéral se voie attribuer au minimum deux sièges au conseil d'administration. De plus, l'expérience du premier dirigeant ainsi que sa vision de l'avenir du port constituent un avantage majeur pour la Société du Port de Montréal, et nous sommes d'avis qu'il devrait faire partie intégrante de la composition de notre conseil d'administration.
Compte tenu de la tendance actuelle des entreprises à réduire le nombre d'administrateurs membres des conseils d'administration, nous recommandons que la composition du conseil d'administration se limite à neuf membres plutôt qu'à onze.
Monsieur le président, distingués membres du comité, nous vous remercions de l'attention que vous avez portée à notre présentation et nous vous prions de nous accorder le maximum d'autonomie possible, nous fournissant ainsi les outils nécessaires pour assurer l'essor du Port de Montréal. Cela nous permettra notamment de faire en sorte que le Port de Montréal demeure le premier port à conteneurs au Canada et un leader sur l'Atlantique Nord, de maintenir notre situation compétitive, de solidifier notre rôle sur la scène internationale et de continuer à contribuer à l'activité économique de la ville de Montréal et de sa grande région métropolitaine. L'activité portuaire de Montréal protège 14 000 emplois directs et induits et génère des retombées économiques de 1,2 milliard de dollars par année.
Nous vous soumettons par la présente une copie de l'analyse détaillée que nous avons faite du projet de loi avec les amendements que nous vous proposons et les commentaires qui les accompagnent. Ceci termine notre présentation. J'ai reçu l'assentiment de notre conseil d'administration lors de sa réunion régulière du 2 octobre 1996. Merci, monsieur le président et messieurs les membres du comité.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup monsieur Lemay et monsieur Taddeo. Monsieur Keyes.
M. Keyes (Hamilton-Ouest): Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs. Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui. Je vous félicite d'avoir préparé un rapport aussi complet. Le sommaire que vous nous avez fourni est particulièrement utile. Je vous félicite également d'avoir réussi à accéder à l'autonomie financière.
J'aimerais parler brièvement de trois questions. Je ne voudrais pas accaparer tout le temps réservé aux questions.
L'adoption de ce projet de loi entraîne la dissolution de la Société canadienne des ports et avec elle, celle de la Police de ports Canada. J'ai tenu compte de ce que vous avez dit au sujet de l'habilitation de l'agent de l'autorité, mais l'autre jour, lorsque l'Association canadienne des policiers a comparu devant nous, elle a déclaré que ce serait un manquement au devoir de ne pas fournir de services de police portuaires. Actuellement, bien sûr, ces services fonctionnent dans six ports environ et comprennent 89 membres.
Jusqu'à présent, seul le port de Vancouver a soulevé la question des services de police. D'autres ports, tel que celui de Québec, disent qu'il leur est possible de collaborer avec leurs municipalités pour fournir les services de sécurité complets et nécessaires et de laisser le soin à des services de sécurité privés employés dans les différentes installations du secteur privé de s'occuper des ports, ce qui permettra d'économiser des dizaines de milliers de dollars.
Le port de Montréal a-t-il résolu la question? En a-t-il discuté avec la police de Montréal?
[Français]
M. Taddeo: Effectivement, le ministre Young nous avait demandé l'an passé d'examiner avec la GRC, la CUM et la Sûreté du Québec, et avec moi en tant que président, tout l'aspect de la police et de la sécurité au Port de Montréal. Le comité s'est réuni à trois occasions et nous avons soumis notre rapport au ministre Young, rapport qui a reçu l'assentiment du conseil d'administration. La position du conseil est qu'au Port de Montréal, il y aura un service de police et on pourra travailler facilement avec la Ville de Montréal; même que la Ville de Montréal nous a fait une proposition. Des documents qui sont censés être privilégiés, etc. d'une façon ou d'une autre se sont retrouvés sur le bureau des médias.
J'ai été interviewé la semaine passée. Il ne faut pas s'en cacher. J'ai demandé aux médias comment ils avaient pu obtenir une information étampée «confidentielle», mais ils l'ont quand même eue. La position du conseil du Port de Montréal est que
[Traduction]
Oui, il y aura des services de police.
[Français]
Nous sommes d'avis que nous pourrons rendre ces services d'une façon encore plus moderne et efficace et prendre avantage de la connaissance et de l'expérience de la SPCUM. Compte tenu du fait qu'on va toujours avoir le système CARE et qu'on va toujours avoir des liens directs avec la GRC, les Douanes et Agriculture Canada, il va de soi qu'il faut qu'il y ait une sécurité au Port de Montréal.
Il faut que la sécurité au Port de Montréal soit plus dirigée vers les besoins du Port de Montréal. Je pense qu'aujourd'hui, une force policière dite nationale n'est pas aussi nécessaire qu'il y a 15, 20 ou 25 ans.
[Traduction]
Mais nous demeurerons toujours présents. Nous maintiendrons notre visibilité. Une fois que nous y aurons été autorisés, nous avons l'intention de créer le poste d'agent de liaison, un agent de l'autorité portuaire qui relèvera directement du port, de moi et de mes vice-présidents par l'intermédiaire du conseil.
M. Keyes: Ce projet de loi a bien entendu été présenté par le ministre. Lorsqu'il l'a fait, il a déclaré que cela permettrait aux ports de fonctionner plus facilement conformément aux principes des entreprises.
Dans les divers ports, on a beaucoup discuté de la rémunération et de la question de savoir si, comme le prévoit le projet de loi, celle-ci devrait être calculée d'après le brut ou, comme l'ont suggéré certains ports, sur le net. Bien entendu, certains d'entre nous préféreraient le brut, sous réserve peut-être de pouvoir dire «en fonction de la possibilité ou de la capacité du port de payer». Et certains ont fait valoir que le paiement en fonction du net est plus logique. Quelle est la position du port de Montréal?
[Français]
M. Taddeo: Notre position à ce sujet est très claire aussi. Dans toutes les entreprises d'affaires, c'est toujours basé sur les bénéfices nets selon les principes comptables généralement reconnus, generally accepted accounting principles. On paie des dividendes parce que les états financiers sont certifiés par les vérificateurs. On ne peut pas inclure des dépenses farfelues dans nos dépenses pour essayer de réduire le bénéfice net.
Si on prend le bénéfice net de la période de 1990 à 1995 au Port de Montréal et qu'on totalise les bénéfices de ces années, on arrive à 53,3 millions de dollars; on a payé des dividendes de 13,6 millions au gouvernement fédéral. Si on prenait le revenu brut d'exploitation... Dans le revenu brut, vous allez sans doute exclure les revenus de placements. C'est ce que je comprends. Par contre, les revenus de placements sont inclus dans les bénéfices nets.
Si on prend les revenus bruts d'exploitation du port pour cette même période de 1990-1995 et qu'on les additionne, on a un montant total de 326,3 millions de dollars. Si on prend une redevance de 4 p. 100, ça nous donne 13 millions de dollars et si on prend une redevance de 5 p. 100, on a 16 millions de dollars. D'après mon expérience et tous les états financiers que je vois, les déclarations de dividendes sont toujours basées sur le bénéfice net. C'est pour cette raison que nous, au port, recommandons fortement que ce soit basé sur le bénéfice net.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Keyes. Monsieur Jordan.
M. Jordan (Leeds - Grenville): Je vous félicite pour la qualité de votre exposé. M. Keyes a évoqué un point que je voulais moi-même soulever, je passerai donc à autre chose.
Monsieur Taddeo, vous êtes directeur général de l'administration portuaire de Montréal. Êtes-vous membre votant?
M. Taddeo: Non, monsieur, pas dans le système actuel.
M. Jordan: Les deux options ont été proposées. Ils voulaient, dans certains cas, que le directeur général soit un des membres votants. Vous ne l'êtes pas vous-même. Voudriez-vous l'être?
M. Taddeo: Oui, absolument. Au CN, Paul Tellier est un membre votant, À Air Canada, M. Durrett est un membre votant et à Domtar, il est membre votant. Dans les autres grandes sociétés, le directeur général est membre votant du conseil d'administration et il me semble donc que puisque je prends une part active au fonctionnement du port, je devrais avoir droit de vote.
M. Jordan: Oui, je comprends bien ce que vous voulez dire. Pensez-vous que vous perdriez un peu de votre objectivité de premier dirigeant si vous étiez membre votant?
M. Taddeo: Non, pas du tout.
M. Jordan: Le projet de loi a fait l'objet de quelques critiques qui ont porté sur les propositions relatives au pilotage. Certains ont même dit que nous nous sommes contentés d'effectuer la question ou de bricoler quelque chose et que nous n'avions pas réellement... Vous sembliez dire que ce que nous proposons au sujet du pilotage est acceptable, que vous n'y changeriez pratiquement rien. J'ai remarqué que vous avez un mécanisme de sélection des offres ou quelque chose de ce genre, qui est destiné à empêcher les pilotes de paralyser l'industrie, mais pour l'essentiel, vous êtes d'accord avec les modifications proposées par le projet de loi C-44 en ce qui concerne le pilotage.
M. Taddeo: Oui.
M. Jordan: Bien. Nous n'avons pas toujours obtenu la même réaction ailleurs. La plupart des gens ont l'impression que nous n'avons rien fait.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Comuzzi, une brève question.
M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Lemay. À la page 20 de votre rapport, vous parlez des principes qui inspirent la composition de votre conseil d'administration, qui est constitué de représentants du domaine des affaires et de la communauté locale et régionale. Comme vous le savez, la voie maritime du Saint-Laurent a beaucoup d'importance pour Québec et Montréal, et certains voudraient que son administration soit exclusivement confiée aux utilisateurs. Ce point de vue est diamétralement opposé aux principes auxquels vous êtes attaché en ce qui a trait à la composition du conseil d'administration. C'est bien cela? Ce que vous dites est diamétralement opposé à ce qui est proposé pour les Grands Lacs et pour la voie maritime du Saint-Laurent.
[Français]
M. Lemay: Vous faites allusion à la page 20?
[Traduction]
Vous parlez de la composition du conseil d'administration.
M. Comuzzi: Oui, de votre conseil d'administration.
M. Lemay: Oh, de mon conseil. Je croyais que vous parliez toujours du pilotage.
M. Comuzzi: Non. Ces gens-là parlaient des pilotes. Je n'ai rien à voir avec eux.
[Français]
M. Lemay: Le point de vue que je vais vous exposer a reçu l'approbation de notre conseil d'administration. Le gouvernement fédéral étant le seul et unique propriétaire des lieux, nous trouvons un peu inhabituel ou même étrange qu'il soit représenté par une seule personne au conseil d'administration et qu'il soit totalement en minorité au sein du conseil d'administration, surtout que le représentant du fédéral, qui était nommé automatiquement président du conseil d'administration, ce qui lui conférait une certaine autorité, n'est plus nommé par le gouvernement fédéral mais sera élu parmi ses confrères. Il pourrait donc se produire des situations un peu inhabituelles. Par exemple, si le représentant du gouvernement fédéral est absent pour une raison ou pour une autre à un conseil d'administration, le conseil d'administration peut siéger sans le représentant du propriétaire des lieux.
Je crois qu'il est important que le propriétaire des lieux soit représenté par au moins une personne à chaque réunion du conseil. On ne peut pas demander à la même personne d'assister à toutes les assemblées, parce que c'est parfois absolument impossible.
C'est pourquoi nous nous sommes dit qu'il fallait deux personnes pour assurer une présence permanente du propriétaire des lieux au conseil d'administration. Nous disons qu'il faut une personne pour représenter les intérêts du gouvernement fédéral et, si le président-directeur général nommé par ses confrères est également au conseil d'administration, cela permettra un meilleur équilibre à ce conseil d'administration et, surtout, une meilleure représentativité, ce qui n'existe pas dans le contexte que vous proposez ici. Nous voulons éviter d'avoir des usagers qui seraient présents d'une façon permanente, ce qui affaiblirait notre majorité.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Comuzzi. Monsieur Crête.
M. Comuzzi: Je ne suis pas certain qu'on ait vraiment répondu à ma question, monsieur le président.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Crête: À la lecture de votre mémoire, je vois que que vous êtes d'accord sur le principe du projet de loi, mais je vois aussi revenir plusieurs fois la mention d'amendement nécessaire. On parle, entre autres, du statut d'agence fédérale pour les opérations autres que celles qui sont limitées directement à l'activité du port et aussi de toute la question de la taxation.
Si ces amendements n'étaient pas apportés au projet de loi C-44, est-ce que vous préféreriez le statu quo ou bien garder quand même le projet de loi C-44 sans ces amendements-là?
M. Taddeo: M. Keyes a fait son rapport original, et on ne retrouve pas, dans le projet de loi C-44, les recommandations du rapport de M. Keyes.
Nous voulons une autonomie accrue. Nous voulons être plus libres commercialement. En ce qui concerne le statu quo, si on nous laisse demeurer une société de la Couronne et si on nous donne les pleins pouvoirs, ça va. Nous voulons surtout avoir plus d'autonomie et éliminer la bureaucratie comme celle de Ports Canada qui nous a coûté, au fil des ans, de 2 à 3 millions de dollars par année. Il y avait une superstructure qui n'apportait aucune plus-value. C'est la raison pour laquelle on a essayé de commercialiser le port, de le rentabiliser, non pas pour l'amour de faire des profits - on fait des profits depuis 1988 - mais pour être capables de réinvestir, de permettre au port de continuer à être concurrentiel et de ne pas être un fardeau pour les contribuables.
M. Crête: Vous partagez le point de vue qui nous a été présenté à plusieurs reprises selon lequel le projet de loi C-44 ne reflète pas vraiment le rapport Keyes.
M. Taddeo: Effectivement, et c'est la raison pour laquelle nous proposons des amendements qui nous donneront toute la latitude qu'à mon avis nous devrions avoir. Quand j'ai posé la question de savoir s'il se pourrait que nous soyons vraiment privatisés, on m'a répondu qu'il n'en était pas question pour l'instant.
Aujourd'hui, on nous donne plus d'autonomie, mais il y a toujours un lien avec Ottawa. Nous voudrions obtenir la pleine latitude qui existe déjà pour d'autres entreprises. C'est pour cela qu'on veut avoir une agence fédérale.
M. Crête: Je crois comprendre que l'autonomie dont vous disposez actuellement est quand même supérieure à celle que le projet de loi C-44 vous donnerait si on n'y apportait pas d'amendements.
M. Taddeo: Dans certains cas, oui, effectivement.
M. Crête: D'accord.
Je suis bien content de vous entendre dire cela et j'espère que les amendements libéraux seront libellés en conséquence.
J'ai une question plus précise. Dans votre mémoire, aux articles 47 à 49 qui traitent du contrôle de la navigation dans les ports, vous dites qu'étant donné qu'un règlement existe déjà, il faudrait abolir toute une série d'articles. Est-ce que c'est une question technique ou est-ce parce qu'il y a des éléments qui pourraient vous gêner par rapport à l'autonomie?
M. Taddeo: Pour l'instant, nous bénéficions d'un champ d'action très large et nous disposons d'une grande liberté. Aussi trouvons-nous absurde l'idée de préciser dans la loi la façon de faire des saisies ou des détentions.
M. Crête: Si vous deviez nous présenter les perspectives d'avenir du Port de Montréal pour les cinq ou dix prochaines années, nous diriez-vous que les marchés qui vous intéressent particulièrement sont du côté de la Nouvelle-Angleterre et de Chicago ou si vous parleriez plutôt d'un développement nord-sud ou est-ouest?
M. Taddeo: Je suis content que vous posiez la question. Vous connaissez tout le débat qu'il y a eu avec l'ALENA, le libre-échange etc. Sans vouloir nous en vanter, je vous rappelle que le Port de Montréal a été un des précurseurs du libre-échange. Depuis 1980, nous avons pénétré davantage en Ontario et aux États-Unis. Dans le document que vous avez, nous avons mis, à la fin, notre vision pour la période 1997-2001. Nous prévoyons en effet que le sort du Port de Montréal, toutes choses étant égales et tous les intervenants continuant leurs efforts, ne connaîtra ni embûches, ni problèmes, ni difficultés.
L'avenir du Port de Montréal est très intéressant. On va continuer notre pénétration, surtout aux États-Unis. Les lignes maritimes qui partent de Montréal utilisent avec confiance notre réseau maritime, ferroviaire et terrestre. Canada Maritime vient de dépenser au-delà de 150 millions de dollars pour construire pour le Port de Montréal des navires spécialement destinés à naviguer sur le Saint-Laurent. Et aujourd'hui on examine de très près la possibilité de construire trois autres navires d'une capacité de 2 600 conteneurs, qui seraient mis en service en 1998, pour concurrencer les plus gros navires qui vont aux ports de New York, Baltimore et Halifax.
M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): Tantôt, vous avez fait une comparaison avec ADM. Vous avez dit qu'ADM avait un lien avec le gouvernement. Or, je peux vous dire qu'à ADM, il n'y a aucun représentant du gouvernement. D'ailleurs, quand le ministre est critiqué concernant une décision d'ADM, il répond qu'ADM a une autonomie totale et que le gouvernement ne prend aucune part à ses décisions.
M. Taddeo: À moins que je me trompe, je sais qu'ils ont signé un bail de 60 ans. Donc, c'est dans cet esprit qu'il y a un lien.
M. Mercier: Et dans 60 ans, ils pourront le résilier.
[Traduction]
Le président: Monsieur Gouk.
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs. Je serai assez bref.
Ce qui m'étonne, c'est que chaque fois, le Bloc commence par demander si vous voulez le statu quo, un projet de loi C-44 sans modifications. Nous savons tous qu'il y en aura. J'ai déjà rédigé beaucoup de celles que je proposerai. Et vous serez probablement heureux de savoir que ces modifications concordent généralement avec ce que vous demandez et que tout le monde dans cette salle ou à peu près, partage ce sentiment. Le projet de loi va donc subir des modifications profondes qui, dans la plupart des cas, correspondront à vos recommandations ou à vos demandes.
Il y a cependant quelques différences subtiles. Je voudrais vous parler de l'une d'entre elles, qui a trait à la possibilité d'hypothéquer ou de nantir vos biens, y compris les biens immobiliers appartenant au port, qu'ils aient été achetés avant ou après l'entrée en vigueur de cette loi, et de nantir les biens immobiliers fédéraux avec l'autorisation du ministre.
Vous avez essentiellement laissé toute la responsabilité au ministre. Préféreriez-vous que l'on adopte la formule proposée par vous ou aimeriez-vous mieux pouvoir hypothéquer immédiatement tous les biens immobiliers que vous possédez, à l'exclusion des biens fédéraux, sans l'autorisation du ministre?
M. Taddeo: Nous avions l'impression que tout continuerait à être fédéral même après avoir obtenu notre statut. Puisque vous avez posé la question, je dirai que si nous obtenons des pouvoirs grâce auxquels tout ajout après le premier jour appartiendrait uniquement à la communauté de Montréal, nous serions prêts à utiliser les deux types de biens immobiliers comme sûreté.
Nous partons du principe que nous continuerons à être une agence fédérale et que pour tout achat effectué après l'obtention de notre statut, nous continuerons à nous adresser au ministre. Je ne pense pas qu'il y ait de problème à ce que le ministre nous donne son autorisation.
M. Gouk: En dehors des terres fédérales, y a-t-il des biens immobiliers qui ont été achetés par l'administration portuaire?
M. Taddeo: Non, notre statut actuel nous l'interdit. Tout ce que nous faisons actuellement doit être approuvé par le Conseil du Trésor. Nous avons acheté des terres au cours des 25 années pendant lesquelles j'ai travaillé pour le port. Nous avons acheté des terres terrain à Contrecoeur et sur l'île de Montréal, mais nous avons toujours été obligés de demander l'autorisation du Conseil du Trésor. Ce que nous voulons, c'est que ce processus soit éliminé.
M. Gouk: Bien.
M. Lemay: Puis-je ajouter que peu importe le système, il serait préférable que nous puissions hypothéquer nos biens immobiliers, même les biens fédéraux, avec l'autorisation du gouvernement fédéral? Sur le plan financier, il sera plus économique de procéder ainsi que d'utiliser notre revenu, car le taux d'intérêt serait plus bas sur une hypothèque. Il nous serait plus facile de nous adresser à la banque et de faire ce que nous avons à faire.
M. Gouk: Autrement dit, il pourrait non seulement être moins coûteux d'obtenir un crédit hypothécaire, ce serait aussi possible.
M. Lemay: Il serait plus facile d'hypothéquer nos biens que d'utiliser notre revenu.
M. Gouk: Bien.
Le président: Merci, monsieur Gouk.
Messieurs, je dois préciser que je viens de ce grand port qu'est la ville de Winnipeg...
Des voix: Oh, oh!
Le président: ... mais nous nous intéressons aussi beaucoup au port de Montréal. Beaucoup de marchandises des Prairies transitent par ce port et nous trouvons qu'il est extrêmement bien géré. Il importe donc pour nous qu'il fonctionne de manière efficace et économique. Je vous félicite pour la qualité de la gestion actuelle du port. Nous verrons ce que nous pourrons faire pour répondre à certaines des préoccupations que vous avez exprimées.
M. Lemay: Merci beaucoup, monsieur le président, messieurs.
Le président: Merci beaucoup.
De la ville de Montréal, nous allons entendre monsieur Melançon.
Soyez le bienvenu. Vous noterez deux choses. Si vous étiez ici au tout début, vous m'avez certainement entendu dire que nous demandons aux témoins de ne pas dépasser dix minutes de manière à ce que l'ensemble de l'exposé n'excède pas 30 minutes. Nous avons enfreint cette règle dès le premier intervenant. Nous vous demanderons donc d'être bref afin que nos membres puissent poser des questions, mais à cette réserve près, nous ferons en sorte que vous disposiez de tout le temps nécessaire.
[Français]
M. Pierre-Yves Melançon (membre du comité exécutif, Ville de Montréal): Merci. Je remercie les membres du comité d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui. Je vais essayer d'être respectueux du temps, à la fois pour les membres du comité et pour ceux qui nous suivront.
La présentation de la Ville de Montréal abordera surtout les questions relatives à la constitution des administrations portuaires canadiennes, puisque nous savons déjà que la gestion du Port de Montréal sera confiée à une telle entité.
C'est évidemment sous l'égide de l'ancien ministre fédéral des Transports, M. Douglas Young, que fut esquissée la Politique maritime nationale. Les grandes lignes directrices ont toutefois été retirées du rapport consultatif du Comité permanent des transports présidé par le député Stan Keyes.
Le rapport Keyes recommandait clairement la dissolution de la Société canadienne des ports et la rationalisation du système portuaire national selon des principes commerciaux tout en maintenant des responsabilités gouvernementales envers celui-ci. Il était aussi proposé de procéder à la commercialisation de la Voie maritime.
Le ministre des Transports David Anderson a déposé, en juin 1996, la Loi maritime du Canada à la Chambre des communes. Toutefois, cela n'empêche pas le ministère de mettre en oeuvre, avant que le projet de loi ne soit adopté, le programme de la Politique maritime nationale. En effet, on a déjà amorcé des négociations et des ententes de cession des ports régionaux et locaux. Par ailleurs, le ministre a signé en juillet 1996 une déclaration d'intention pour le transfert des opérations de la Voie maritime du Saint-Laurent à un groupe d'utilisateurs.
Parlons de l'importance, pour la Ville de Montréal, de la vocation portuaire de celle-ci. Évidemment, des milliers d'emplois sont liés de façon directe et indirecte aux activités du Port de Montréal. L'ensemble de la vitalité économique de la région tient autre autres à la bonne santé économique et au dynamisme du Port de Montréal. La Ville tient à souligner que depuis la création, en 1983, de la Société du Port de Montréal, celle-ci a su s'acquitter convenablement, pour ne pas dire plus, de son mandat de faciliter le commerce intérieur et international ainsi que de réaliser des objectifs socioéconomiques auprès de la collectivité tout en se soumettant à une discipline commerciale et ainsi parvenir à une autosuffisance financière.
L'un des faits saillants du projet de loi C-44 est certes la mise en place du système législatif entourant la constitution des administrations portuaires canadiennes. Les administrations portuaires canadiennes formeront les maillons principaux du réseau portuaire canadien. À l'heure actuelle, les candidats sont au nombre de huit. En principe, plusieurs candidatures sont évidemment les bienvenues, en autant qu'elles satisfassent aux conditions relatives à leur viabilité financière, à leur importance stratégique, à leur accessibilité terrestre et à la diversification de leurs activités. Dans les faits, la plupart des autres ports canadiens se trouvent écartés du peloton en raison soit de leur faible rentabilité, soit de leur fort degré de spécialisation.
En constituant le réseau des administrations portuaires canadiennes, le gouvernement fédéral vise spécifiquement à instaurer une discipline commerciale et à forcer l'autosuffisance financière du réseau portuaire primaire. Il se défend ainsi de tout engagement à l'égard de son financement.
Le régime proposé permet vraisemblablement de simplifier la structure du réseau portuaire canadien. En raison des caprices de l'histoire, ont évolué et coexisté divers régimes réglementaires avec chacun leurs propres mandats, structures de coût et règlements de fonctionnement.
Le Port de Montréal, actuellement administré par une société portuaire locale, deviendrait obligatoirement une administration portuaire canadienne. Sans l'ombre d'un doute, le Port de Montréal réunit les conditions imposées par le ministre pour faire partie du groupe. Le port est financièrement autonome et le demeurera, compte tenu de sa grande compétitivité à l'échelle continentale. Il présente une importante stratégie pour le commerce extérieur canadien, étant le principal port d'attache entre le Canada et l'Europe, tant au point de vue des importations qu'à celui des exportations. De plus, il fait figure de modèle d'intégration modale entre la terre et la mer.
Quant à la diversification de ses activités, elle est de plus en plus manifeste avec l'extraordinaire croissance du trafic des marchandises générales, appuyée par un trafic vraquier stable.
La communauté montréalaise accueille favorablement une plus grande autonomie pour le Port de Montréal. Toutefois, elle déplore certaines lacunes, notamment à propos du contrôle local.
Je vais aborder maintenant le sujet de la représentativité au conseil d'administration. La Loi maritime du Canada se montre réticente quant à la représentation de la communauté locale au conseil d'administration portuaire. Selon l'article 12, on accorde aux trois paliers de gouvernement, le fédéral, le provincial et le municipal, le privilège de nommer chacun un administrateur. Le premier dirigeant est désigné par les autres administrateurs. Les utilisateurs, en contrepartie, obtiennent la part du lion, pouvant proposer la nomination des cinq autres membres, même si la décision finale incombe au gouvernement du Canada. En définitive, la région urbaine n'a qu'une seule voix au chapitre.
Cette formule de représentation se démarque nettement de celle qui est préconisée dans le cas des réseaux aéroportuaires, où les ententes prévoient de véritables cessions au contrôle local. Dans le cas de la région de Montréal, le pouvoir de nomination a été octroyé aux deux municipalités principales, des regroupements de banlieues, à un organisme paramunicipal et à la Chambre de commerce. Afin d'éviter les conflits d'intérêts, les utilisateurs, notamment les transporteurs aériens, sont dépourvus de pouvoir de nomination.
La nouvelle loi traduit sans équivoque un maintien des liens entre le gouvernement fédéral et les administrations portuaires canadiennes aux dépens d'une réelle implication locale. En fait, à cet égard, il y a très peu de changements entre la formule proposée et celle déjà en vigueur, selon laquelle tous les membres sont nommés par le gouvernement du Canada.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral accorde une voix prépondérante aux utilisateurs. La loi soumise laisse la grande majorité des sièges du conseil d'administration au monde des usagers. On ne peut que se questionner sur les risques de conflit d'intérêts et sur les impacts sur la latitude commerciale des ports. Les grands ports du pays transigent souvent avec un nombre restreint de transporteurs et d'arrimeurs, qui comptent chacun pour une bonne part des activités du port.
L'indépendance actuelle entre l'autorité portuaire et ses clients permet déjà une collaboration saine, notamment pour l'aménagement physique des installations et les stratégies commerciales. Le port a intérêt à être à l'écoute des utilisateurs. Il apparaît donc superflu que les administrations portuaires soient contrôlées majoritairement par les clients de manière directe ou indirecte.
La Ville de Montréal propose donc de modifier la formule de représentation tout en maintenant la logique de la représentativité.
Nous suggérons donc que le gouvernement fédéral conserve la nomination d'un membre. Il en va de même pour le gouvernement provincial.
Dans le cas des municipalités, nous proposons deux membres. Ce qui apparaît assez important dans ce dossier, c'est que, dans la mesure où le Port de Montréal est situé en grande partie sur le territoire de la Ville de Montréal, ils seraient nommés par la Ville de Montréal en concertation avec les autres municipalités concernées.
Deux membres seraient choisis par la Chambre de commerce de la région urbaine et deux membres seraient choisis par le gouvernement fédéral à partir d'une liste de candidatures soumise par les utilisateurs. Finalement, le premier dirigeant serait désigné par les huit autres membres.
De cette manière, ni les gouvernements ni les usagers n'auraient la stricte majorité. Par contre, cette formule assure une majorité de membres issus du monde des affaires de même qu'une meilleure représentation des intérêts régionaux.
La proposition montréalaise se distingue aussi par le fait que les utilisateurs se chargent eux-mêmes d'identifier les candidats pour ensuite les soumettre au ministre. Dans l'actuel projet de loi, le processus est inverse, le gouverneur en conseil soumettant les candidatures et demandant l'approbation des utilisateurs.
La Ville de Montréal, d'autre part, s'interroge sur la pertinence de l'article 14, entre autres concernant l'opportunité d'exclure les candidats qui occupent déjà les fonctions de maire, conseiller, dirigeant ou employé des municipalités mentionnées dans les lettres patentes. Cette remarque s'adresse de manière équivalente aux candidats issus des sphères fédérale et provinciale. Les compétences, de même que l'implication dans le milieu, devraient être le critère discriminant plutôt que le titre et l'affiliation.
Je me permets de faire une parenthèse. Dans la mesure où on demande à une autorité gouvernementale ou municipale de nommer quelqu'un, cette municipalité ou ce gouvernement devrait avoir toute la latitude de nommer qui il veut, qu'il soit un fonctionnaire, une personne nommée ou une personne qui représente le milieu des affaires ou autre. Je pense que l'autonomie de ceux qui doivent nommer doit être respectée.
Maintenant, je vais aborder la question de la propriété. Le maintien des administrations portuaires canadiennes dans le giron fédéral est de nouveau exprimé dans les dispositions ayant trait à la propriété des biens et immeubles, notamment à l'alinéa 10(3)b) qui consacre la continuité de la propriété au gouvernement canadien.
Le paragraphe 27(3) prévoit par ailleurs que l'administration portuaire ne peut grever les biens d'une hypothèque en raison de la propriété fédérale de ces biens. Elle peut toutefois donner en gage ces biens, mais seulement à une valeur égale du revenu qu'ils génèrent. Une telle disposition semble passablement limiter le pouvoir d'emprunt de l'autorité portuaire, particulièrement lorsque des investissements majeurs sont requis. De plus, les marchés financiers leur seront inaccessibles car, en vertu de leur statut de sociétés à but non lucratif, elles ne pourront émettre d'actions.
En ce qui a trait aux redevances, de façon générale, nous souhaitons que les revenus portuaires soient complètement réinvestis dans le maintien et le développement des installations, de manière à garantir la compétitivité du port à long terme. Nous souhaitons donc qu'on élimine la redevance auprès du gouvernement fédéral.
L'article 24 traite, entre autres, des restrictions relatives aux activités portuaires. On précise que l'administration portuaire doit se consacrer à l'exploitation du port et que cette autorisation est restreinte aux activités de navigation, de transport, de manutention et d'entreposage. D'une manière générale, cette restriction nous apparaît acceptable car elle empêche les administrations portuaires de s'écarter significativement de leur mandat.
Néanmoins, compte tenu que nul ne peut prévoir l'avenir, la formulation de l'article devrait laisser un peu de latitude pour autoriser d'éventuelles activités connexes en autant qu'elles ne contreviennent au mandat et à la licence du port, ainsi qu'à la réglementation municipale.
La fiscalité municipale: Les municipalités portuaires canadiennes, dont la Ville de Montréal, ont fait front commun pour s'opposer à l'octroi de ce privilège injustifié qui est, de plus, inéquitable envers les autres contribuables. L'application d'un régime négocié contreviendrait de surcroît à la pratique actuelle, graduellement élaborée au cours des décennies, en vertu de laquelle le gouvernement du Canada administre un programme de subventions tenant lieu de taxes, quasi équivalentes à une pleine taxation foncière. Enfin, cela irait à l'encontre de l'entente conclue en mars 1996 par un comité conjoint formé des représentants de Travaux Publics et Services gouvernementaux canadiens, du Conseil du Trésor du Canada et de la Fédération canadienne des municipalités. Le rapport qui en a résulté réaffirmait le principe fondamental de la fiscalité municipale voulant que les municipalités financent les services qu'elles offrent en distribuant les coûts entre les propriétaires proportionnellement à la valeur des propriétés et non à la consommation des services. En ce sens, on souhaite que la Loi maritime du Canada contienne une disposition qui confirme clairement que les administrations portuaires canadiennes sont assujetties au même régime fiscal municipal, comme tout organisme fédéral, c'est-à-dire le régime de compensations tenant lieu de taxes.
Comme M. Taddeo l'a dit plus tôt, la municipalité négocie avec le Port de Montréal et le service policier le retrait graduel de la GRC.
En ce qui a trait à l'utilisation du sol, nous souhaitons que les administrations portuaires obtiennent une autorisation spéciale de la municipalité pour toute initiative en dérogation des plaintes et règlements municipaux en vigueur.
Je termine en mentionnant qu'il y a dans notre mémoire quelques commentaires portant sur les ports régionaux et locaux et sur la Voie maritime. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Je vous remercie de la brièveté de vos remarques.
Monsieur Mercier.
[Français]
M. Mercier: Monsieur Melançon, j'aurais deux questions à vous poser. La première porte sur le conseil d'administration tel que vous voudriez qu'il soit constitué. Vous dites que, parmi les neuf membres, il y en aurait deux choisis par la ou les municipalités où est situé le port. Pourriez-vous me rappeler quelles sont les autres municipalités concernées?
M. Melançon: Il y a Montréal-Est, par exemple, dont le maire est déjà membre du conseil d'administration.
M. Mercier: Seulement Montréal-Est?
M. Melançon: Je ne parle pas des maires des autres municipalités, comme Contrecoeur, par exemple, mais pour ce qui est de l'île de Montréal, c'est Montréal-Est qui est là.
M. Mercier: Donc, ce que vous considérez dans ce projet, c'est Montréal-Est?
M. Melançon: Ce serait Montréal-Est, mais si les activités s'étendaient éventuellement sur la rive sud de façon beaucoup plus significative et importante, il y aurait peut-être une possibilité de concertation avec les maires de Contrecoeur et d'autres municipalités.
M. Mercier: Quand vous dites «concertation», quel sens précis donnez-vous au mot? Est-ce que cette concertation est plus qu'une consultation? En d'autres mots, est-ce que ces autres municipalités auraient un certain pouvoir ou si vous ne feriez que les consulter?
M. Melançon: Une concertation avec les autres municipalités se fait un peu comme sur le territoire de la communauté urbaine. Il s'agit évidemment de se parler, de voir s'il y a lieu de ne nommer que des gens qui proviendraient de la ville de Montréal ou si, compte tenu des activités portuaires qui se tiennent à Montréal-Est, par exemple, il y aurait lieu de s'entendre sur des noms qui pourraient être acceptables à toutes les parties.
La majorité des activités se font sur le territoire de la Ville de Montréal. On vous dit qu'on va consulter les autres municipalités afin qu'elles s'entendent, s'il y a lieu, pour qu'on puisse identifier deux personnes qui pourraient siéger au conseil d'administration. Espérons qu'il n'y aura pas de conflits entre les vocations. Je suppose que non.
M. Mercier: Je crois comprendre qu'actuellement vous payez des taxes municipales...
M. Melançon: Le port, oui.
M. Mercier: ...et que vous préféreriez payer des compensations tenant lieu de...
M. Melançon: Non, non. On souhaite que le statut fiscal ne soit pas changé, que le gouvernement fédéral donne des subventions tenant lieu de taxes et qu'il n'y ait pas de modifications sur le plan de la fiscalité municipale. On avait parlé, entre autres, de faire en sorte que le Port de Montréal ne puisse payer que pour les services obtenus. Nous sommes tout à fait contre cela. Il me semble qu'il y aurait là iniquité à l'égard des autres contribuables corporatifs et résidentiels.
M. Mercier: À la page 8 je lis:
- Par conséquent, la Ville de Montréal demande que:
- (3) La Loi maritime du Canada contienne une disposition qui confirme clairement que les
Administrations portuaires canadiennes seront assujetties au même régime fiscal que tout
organisme fédéral, c'est-à-dire le régime de compensation tenant lieu de taxes.
M. Mercier: Ah, bon! J'allais vous demander si vous payiez des taxes.
M. Melançon: Comme municipalité, Montréal reçoit des compensations de l'ordre d'environ trois millions de dollars mais, de façon générale, il y a aussi un impôt d'environ trois millions de dollars par année pour la propriété du port local.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Mercier.
Il y a un point que je voudrais comprendre. Lorsque l'on combine les octrois tenant lieu de taxes et les taxes perçues auprès des locataires du port, vous recevez actuellement entre 10 et 10,5 millions de dollars.
[Français]
M. Stéphane Brice (agent de recherche, Service de développement économique, Ville de Montréal): Actuellement, le compte de taxes est de près de trois millions de dollars pour la société de port locale. Mais d'autres municipalités en reçoivent, notamment Montréal-Est. Il ne faut pas confondre. Les locataires du port paient aussi des taxes. Les chiffres sont souvent confondus.
[Traduction]
Le président: Monsieur Keyes voudrait peut-être répondre.
M. Keyes: Oui, allons au fond des choses. Les octrois tenant lieu de taxes sont légèrement supérieurs à 6 millions de dollars, chiffre auquel il faut ajouter 4 593 000 $ au titre des taxes municipales acquittées par les locataires du port. Vous recouvrez donc une somme de plus de 10 millions de dollars auprès du port de Montréal.
[Français]
M. Brice: Non, actuellement, ce n'est pas 6 millions de dollars du port de Montréal. Il y a déjà eu un compte...
[Traduction]
M. Keyes: Non, les octrois tenant lieu de taxes consentis à la municipalité représentent 6 millions de dollars. Vous n'êtes pas d'accord?
[Français]
M. Brice: Je n'ai pas ces chiffres-là.
[Traduction]
M. Keyes: D'accord. Je fournirai aux témoins les chiffres s'ils le veulent, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Keyes. Monsieur Cullen.
[Français]
M. Cullen (Etobicoke-Nord): Monsieur Melançon, monsieur Brice,
[Traduction]
Je parlerai en anglais parce qu'il y a là des nuances que j'aurais des difficultés à exprimer en français.
Je voulais préciser deux points. Le premier concerne les activités de port. Vous en avez parlé, et si j'ai bien compris, vous avez dit que dans ce domaine, les dispositions du projet de loi C-44 ne vous posent pas de problème majeur tant qu'elles ne sont pas contraires à la mission d'ensemble de l'APC.
La question que je me posais concerne les entreprises ou activités accessoires. Par exemple, le port pourrait faire valoir que sa mission consiste à tirer le maximum de ses biens immobiliers et à développer des biens qui lui rapportent de l'argent. Comment serait-il possible, selon vous, de définir de façon plus précise la mission du port de manière à ce que vous soyez d'accord avec les activités qui s'y dérouleraient? Comment le feriez-vous pour que cela soit conforme à vos objectifs?
[Français]
M. Melançon: À l'heure actuelle, les relations entre la Ville de Montréal et le Port de Montréal sont, de façon générale, excellentes. Il va de soi que le port, compte tenu de sa situation géographique sur le territoire de la ville de Montréal, a un impact urbain. On reconnaît le port comme étant une entité fondamentale au développement économique de l'île et de la région, et donc on doit s'assurer que son développement puisse se faire dans les meilleures conditions possibles.
Cependant, comme municipalité, il faut aussi convenir que par un accroissement de l'achalandage ou de la manutention des marchandises, cela a un impact sur le camionnage local. Il faut donc essayer de trouver une façon de limiter les impacts négatifs de l'accroissement des activités, par exemple pour le camionnage.
Compte tenu du volume de marchandises, le Port de Montréal pourrait avoir besoin de plus d'espace et serait donc obligé de s'entendre avec la ville pour procéder à des expropriations dans sa zone principale. Ces relations, jusqu'à présent, sont assez bonnes. Un comité Ville-Port a été constitué. Comme municipalité localement responsable, il est important de bien soutenir le caractère compétitif du Port de Montréal, de soutenir le port dans son développement et d'en minimiser les impacts négatifs sur la vie urbaine dans l'île de Montréal.
[Traduction]
M. Cullen: Merci. Considérez-vous donc qu'avec cette loi, les lettres patentes et la nature de vos rapports avec le port, vous réussirez à vous mettre d'accord avec l'APC?
[Français]
M. Melançon: De façon générale, je dirais oui, mais je dirais que ce serait encore mieux si le conseil d'administration reflétait davantage les intérêts de la communauté locale.
[Traduction]
M. Cullen: Merci.
Le président: Messieurs, je vous remercie d'être venus.
[Français]
M. Melançon: Merci.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il un représentant de Transport 2000 ici?
Bonjour, je regrette de ne pas avoir les noms sur ma liste.
[Français]
M. Luc Côté (président et conseil d'administration, Transport 2000 Québec): Bonjour. Je m'appelle Luc Côté et je suis président du conseil d'administration de Transport 2000 Québec. Je suis accompagné de mon collègue Richard Beaulieu, directeur de la recherche à Transport 2000 Québec.
[Traduction]
Le président: Je ne sais pas si vous savez comment nous procédons ici. Vous disposez d'une demi-heure. Si vous pouvez limiter vos remarques à une dizaine de minutes, cela nous permettra de vous poser quelques questions.
M. Côté: Bien. Je me contenterai de lire notre mémoire.
[Français]
Dans un premier temps, je voudrais vous remercier de nous accueillir ici. Je vais commencer à faire la lecture du résumé de notre mémoire.
Dans une économie décentralisée, le rôle de l'État consiste à dispenser des infrastructures de transport qui assurent la libre circulation des personnes et des marchandises. On remarque aussi que, dans la plupart des pays industrialisés, les réseaux de chemins de fer constituent l'ossature, l'épine dorsale du système national de transport. Le transport est une activité de soutien pour l'économie et la vie sociale et culturelle, et le tourisme est un aspect clé.
Les infrastructures représentent un investissement structurant et jouent un rôle moteur pour la croissance du secteur privé, l'emploi, la valeur ajoutée et, plus particulièrement, les infrastructures de transport collectif.
Dans un contexte continental, la politique américaine des transports favorise l'intermodalité, c'est-à-dire l'intégration de tous les modes de transport ruraux et urbains, depuis près de cinq ans. Tous les niveaux de gouvernement participent à l'effort, et l'économie atteint presque le niveau de plein emploi.
Au Canada, il n'y a pas de contribution fédérale aux immobilisations du transport terrestre, et le réseau VIA Rail, qui contribue à l'essor touristique, voit réduire son financement à l'exploitation depuis près de six ans. La nouvelle Loi sur les transports du Canada, adoptée en juin, n'a rien prévu pour l'acquisition des emprises ferroviaires dont CN et CP tentent de se départir.
Donc, voici ce que nous privilégions. Une planification centralisée et une gestion décentralisée sont les ingrédients essentiels d'un système intermodal de transport efficace. Les infrastructures de transport doivent être considérées, qu'elles soient ferroviaires ou routières, comme des équipements collectifs d'utilité publique. La tarification des infrastructures ne constitue pas une initiative de gestion déraisonnable, mais doit s'appliquer dans une perspective d'internalisation des coûts externes.
Le réseau ferroviaire représente un investissement touristique de première importance. Il peut contribuer, si on en fait une promotion active, à réduire le tourisme expéditeur et à accroître le tourisme récepteur en générant des retombées économiques sur le plan intérieur. L'État ne saurait faire abstraction de ses responsabilités sociales dans un système national de transport.
Enfin, sans politique nationale de transport, le Canada accusera un retard sur son principal concurrent commercial, les États-Unis. Une telle politique est donc essentielle d'ici les prochaines années. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Gouk.
M. Gouk: Bonjour. Il y a deux ou trois questions que je voudrais examiner.
Je n'ai certes pas l'intention de défendre les documents du gouvernement, mais vous avez dit que le projet de loi C-14 ne prévoyait rien en ce qui concerne l'acquisition des emprises ferroviaires. J'estime au contraire, qu'il le fait. Premièrement, si la compagnie ferroviaire a utilisé le terrain appartenant au gouvernement - je crois que ce sont les termes utilisés - la seule façon de procéder consisterait à le rendre au gouvernement.
Dans tous les autres cas, s'il n'est pas vendu comme ligne active, il doit être d'abord offert au gouvernement fédéral, puis au gouvernement provincial et enfin aux gouvernements régionaux locaux, à un prix correspondant à la valeur de récupération nette. C'est donc prévu par le projet de loi - autant que faire se peut.
Vous avez également dit qu'à cause de la contribution de VIA Rail à l'essor touristique, vous craignez que ses subventions ne soient supprimées.
Je viens de Colombie-Britannique, et dans notre province, nous avions une ligne de chemin de fer touristique exploitée par VIA qui a perdu beaucoup d'argent. VIA a fini par la vendre au secteur privé. À l'époque, cette ligne transportait 6 000 voyageurs par an. Voilà le genre d'essor touristique auquel contribuait VIA. Maintenant que la ligne est exploitée par une entreprise privée, elle est devenue très profitable sur le plan des taxes nettes. Cette année, elle a transporté 42 000 voyageurs.
Pourtant, la solution ne consiste pas à donner de l'argent à VIA mais à tout confier au secteur privé, qui est capable de commercialiser l'opération comme il se faut. Peut-être aurez-vous alors à un véritable essor touristique, comme cela s'est produit en Colombie-Britannique.
M. Côté: Parlez-vous de l'ancienne ligne du CN, du train qui reliait Calgary à Vancouver en passant par Banff?
M. Gouk: Oui. On l'appelle aujourd'hui le Montagnard des Rocheuses.
M. Côté: Le Montagnard des Rocheuses, très bien.
[Français]
Il faudrait peut-être rappeler les faits. Ces services étaient exploités par VIA Rail auparavant et il n'y avait pas d'investissements pour moderniser les équipements. Il y a quelques années, le gouvernement a fait un facelift au Canadien, qui passe maintenant par Edmonton et Jasper. Sur certains tronçons, ce service génère des profits. C'est le but de notre intervention. Il faut continuer à investir dans les équipements. C'est bien beau de donner cela au secteur privé, mais il faut aussi y ajouter des investissements. Merci.
[Traduction]
M. Gouk: En conclusion, je dirais que dans le cas du Montagnard des Rocheuses, le secteur privé a effectué des investissements importants sans que cela en coûte un sou aux contribuables et en fait, comme je l'ai dit, l'opération est rentable sur le plan fiscal. Elle a fait des merveilles pour le tourisme en Colombie-Britannique. J'aimerais que la même possibilité vous soit offerte ici.
[Français]
M. Côté: C'est un service qu'on pourrait appeler un Love Boat on rail. C'est un service touristique. Nous, on parle d'investir dans VIA Rail, mais aussi pour les Canadiens et pas uniquement pour les touristes japonais et américains qui viennent voir les montagnes Rocheuses.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Gouk.
[Français]
Monsieur Crête.
M. Crête: J'aimerais que vous me donniez votre point de vue sur la réalité vécue maintenant par suite de la modification de pratiques ferroviaires de la loi de l'année passée. Maintenant les compagnies peuvent fermer leurs livres sans avoir à tenir des audiences publiques. Je vous donnerai l'exemple concret de la Gaspésie.
Il y a deux ans, on avait projeté de fermer VIA Rail entre Matapédia et Gaspé. Il y a eu des audiences communautaires, des audiences dans le milieu des représentations, et finalement on avait réussi à gagner le maintien du train. Avec la nouvelle loi, il n'y a plus d'audiences. Le Canadien National annonce qu'il ferme la ligne. Il vend la ligne entre Matapédia et Chandler parce qu'il y a un acheteur et d'autres utilisateurs. C'est une situation comme on en voit dans plusieurs parties du pays.
Lorsqu'il n'y a qu'un utilisateur qui est VIA Rail, le CN offre à VIA Rail d'acheter, et VIA Rail ne peut pas le faire parce que ce n'est pas rentable. Est-ce que vous croyez qu'il y a une responsabilité gouvernementale à assumer dans ces cas-là, particulièrement lorsqu'il s'agit de lignes comme celle de la Gaspésie qui sont souvent le seul lien de communication qui peut exister pendant les mois d'hiver, notamment pour la population qui doit se rendre dans les grands centres à cause de problèmes de santé, etc.?
M. Côté: Je crois que le public doit continuer à être consulté dans ces dossiers. Avec la nouvelle réglementation, ce sera offert très rapidement aux municipalités. Les municipalités ne sont pas intéressées à acheter cela parce qu'elles se disent que c'est du pelletage de la part des gouvernements supérieurs. Alors, il faut prévoir un fonds pour offrir ces services aux municipalités.
Par exemple, dans l'État de New York, le service Adirondak vient jusqu'à Montréal. Il est subventionné par l'État au niveau de l'exploitation, et c'est ce qui permet de poursuivre le service.
Si, au niveau provincial, et on peut parler du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, on pouvait investir dans l'exploitation et les infrastructures, ça serait très très apprécié. On parle du cas du Chaleur, mais il y a aussi la gare de Lévis. Même si les infrastructures sont offertes aux municipalités de Lévis et Charny, ces municipalités-là ne semblent pas très intéressées à ce qu'on poursuive le service ferroviaire; cependant, elles seraient peut-être intéressées à acheter les emprises pour en faire une piste cyclable.
M. Crête: Dans le cas de Lévis, effectivement, la municipalité était plus intéressée à faire une piste cyclable.
M. Côté: Mon opinion personnelle est qu'on ne peut pas transformer toutes les emprises ferroviaires du Canada en pistes cyclables.
M. Crête: On s'aperçoit de l'utilité des voies de chemin de fer lorsqu'on les a perdues.
M. Côté: En effet.
M. Crête: Il y a un exemple comme celui-là qui nous touche très directement. On l'a vu hier au comité. Une voie qui passait entre Rivière-du-Loup et Edmonton est devenue une piste cyclable, et aujourd'hui il y a tellement de transport lourd sur la route que la route ne répond plus aux besoins.
M. Richard Beaulieu (directeur de la recherche, Transport 2000 Québec): On a parlé d'un corridor intégré pour les Rocheuses. D'une certaine façon, c'est un peu multifonctionnel. Il y a un marché touristique très concentré dans les Rocheuses et à Vancouver. Donc, dans ce cas, il y a des bénéfices apparents.
Dans le cas de la Gaspésie, c'est toujours une question de savoir si on doit privatiser ou non. S'agit-il d'un produit de même nature et donc peut-on le privatiser? Je suis sûr que les gens de la Gaspésie se réjouiraient d'avoir un réseau touristique bien intégré, un corridor un peu fermé. Actuellement, en Gaspésie, tout l'arrière-pays dépend de ce service-là. Pourrait-on penser en même temps à bonifier le tourisme?
Dans les médias, la semaine passée, j'ai vu qu'il y avait une partie assez importante des touristes qui passaient par la Gaspésie et qui aimaient prendre VIA Rail. Le service qu'on leur donne comme touristes n'existe pas dans leur pays. Pour eux, il est intéressant de visiter le Canada d'est en ouest parce qu'ils peuvent le visiter par les voies de chemins de fer et ainsi voir toutes sortes de paysages, s'arrêter dans les communautés, profiter des restaurants pendant quelques jours et repartir. Pour eux, visiter un pays de la dimension du nôtre en chemin de fer constitue une expérience unique au monde. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Cullen.
[Français]
M. Cullen: Messieurs Côté et Beaulieu, merci. Peut-être pourriez-vous m'aider. À votre avis, y a-t-il une différence entre un système national de transport et une politique nationale de transport?
M. Côté: Le système national de transport, c'est les infrastructures qu'on peut retrouver sur le terrain, alors que la politique, c'est davantage les grandes orientations. Une politique peut prévoir un fonds consacré aux infrastructures, aux immobilisations. C'est la différence que je vois.
M. Beaulieu: Ce qu'on entend par une politique nationale des transports, comme celle dont on parle de plus en plus aux États-Unis, c'est une politique intégrée, c'est-à-dire un réseau interurbain bien intégré aux réseaux urbains, qui ont des problèmes.
Je me concentre spécifiquement sur nos trois grandes régions métropolitaines, Toronto, Montréal et Vancouver où il y a des problèmes. Si je peux passer un petit message, je crois qu'un groupe comme Transport 2000 Québec apprécierait qu'un comité comme le vôtre se concentre aussi sur la problématique de nos trois grandes régions métropolitaines. Il y a des problèmes. À Toronto, dans le urban core, 31 p. 100 des gens ne possèdent pas d'automobile alors qu'à Montréal, ce taux est de 47 ou même 52 p. 100.
Il y a donc des réseaux urbains qu'on veut intégrer à une politique nationale pour régler justement leurs différents problèmes.
Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Jordan.
M. Jordan: Merci, monsieur le président.
Monsieur Côté, en ce qui concerne l'aliénation des emprises de ces voies abandonnées, je crois qu'il pourrait y avoir des problèmes si le projet de loi avait vraiment précisé ce qu'il fallait en faire. Vous perdriez alors toute latitude, ne le croyez-vous pas? Mais si vous pensez que la question n'a pas été réglée de manière satisfaisante, qu'aurait-il fallu faire?
Premièrement, il n'y a aucune obligation de s'en dessaisir. Vous pouvez les conserver, et si vous pensez ne plus en avoir besoin, la marche à suivre consiste à les offrir d'abord aux organismes fédéraux, et si ceux-ci n'en veulent pas, aux organismes provinciaux. Si ceux-ci n'en veulent pas non plus, on passe aux municipalités. Si cela n'intéresse personne, vous pouvez vous en dessaisir.
C'est un processus assez long et assez difficile à manier lorsqu'on ne sait pas exactement ce que l'on veut faire, mais ne croyez-vous pas que c'est vous qui seriez perdant si vous définissiez de manière trop précise la méthode d'aliénation?
Je crois qu'il est bon de laisser régner une certaine ambiguïté de manière à ce que les autorités locales puissent, elles aussi, avoir leur chance. Autrement, vous risquez de vous trouver liés par le règlement ou la loi. Je crois que c'est la raison pour laquelle on a procédé de cette manière. Comment pensez-vous que l'on devrait procéder?
[Français]
M. Côté: Il n'y a pas de politique intégrée des transports au Canada. On dispose d'emprises ferroviaires qui pourraient être très utiles et qui pourraient contribuer à améliorer la productivité économique du Canada.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on peut les offrir aux municipalités et aux gouvernements provinciaux, mais ils voient encore là du pelletage de factures ou d'infrastructures. Faire une vente de feu n'est peut-être pas la meilleure façon d'être productif.
[Traduction]
M. Jordan: Bien entendu, ni la province ni la municipalité ne sont pas obligées de reprendre la ligne. Pas du tout. Ce serait seulement...
[Français]
M. Côté: Non, ils ne sont pas obligés de les prendre. Dans la loi, on leur offre l'occasion d'acquérir ces emprises-là, mais il n'y a pas de montant. S'il y avait au moins un montant pour refaire les infrastructures, ce serait peut-être plus alléchant pour les municipalités et les gouvernements provinciaux.
Il faut aussi voir que c'est un réseau. Dans le cas de la subdivision Harlaka, il y a plusieurs municipalités. Si une municipalité décidait d'acheter l'emprise ferroviaire et que la municipalité voisine décidait de ne pas l'acheter, on se retrouverait devant rien.
M. Beaulieu: Monsieur Jordan, je ne suis pas complètement en désaccord avec vous. À partir du moment où vous n'avez pas de politique intégrée, la façon dont vous procédez dans la loi est peut-être cohérente avec votre philosophie d'approche. Je suis peut-être un peu d'accord avec vous.
Nous vous proposons cependant comme philosophie d'adopter une politique intégrée et ensuite d'agir selon cette philosophie-là. Laisser les différents niveaux encaisser les étapes, ce n'est pas nécessairement incohérent, mais nous vous proposons plutôt d'adopter d'abord une politique intégrée des transports et ensuite d'agir selon cette philosophie-là.
[Traduction]
M. Jordan: Merci.
Le président: Merci, messieurs. Je ne sais pas si le moment est bien choisi pour vous raconter des histoires, mais un de nos experts-conseils, M. Cuthbertson, nous presse depuis un certain temps d'examiner la question du transport voyageurs. Il se peut donc que nous vous demandions de revenir bientôt. Merci.
Voilà, David, ce que vous avez dit est inscrit au compte rendu.
M. Jordan: C'est au compte rendu. Cela vous fait-il plaisir?
Le président: Cela nous amène à l'Association canadienne des pâtes et papiers représentée par M. David Church, Mark Mazerolle, James Black, Russ Lewis et Melvert Nunweiler.
Une voix: M. Nunweiler n'est pas là.
Le président: Bien. Mais il y a aussi un certain James Foran. Bonjour, Jim.
Pour la gouverne des membres du comité, je vous signale que M. Foran est de Winnipeg, alors, méfiez-vous.
Messieurs, vous disposez de 30 minutes que vous pouvez utiliser de diverses manières. Nous vous recommandons d'essayer de limiter vos remarques à 10 minutes afin de réserver le plus de temps possible aux questions. Mais c'est à vous de décider; vous avez la parole.
M. David W. Church (directeur, Transports, Recyclage et Achats, Association canadienne des pâtes et papiers): ???? Merci, monsieur le président.
Bonjour, je suis directeur des transports, du recyclage et des achats de l'Association canadienne des pâtes et papiers. Nous vous remercions de nous offrir cette occasion de comparaître devant le comité pour parler du projet de loi C-44, la Loi maritime du Canada proposée.
Les personnes qui m'accompagnent sont Jim Black, vice-président de MC Forest Products à Vancouver, société qui a des activités en Colombie-Britannique et en Alberta. Il est également président du comité chargé des questions maritimes à l'ACPP. M. Russ Lewis est directeur des transports pour la Stone-Consolidated Corporation and Stone Container (Canada) à Montréal, qui a des activités au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. Mark Mazerolle est directeur de la logistique de la société Abitibi-Price à Toronto, qui a des activités au Québec, en Ontario et à Terre-Neuve, et qui a également deux usines aux États-Unis. Jim Foran est le conseiller juridique en matière de transports de l'ACPP depuis 25 ans.
Vous avez reçu des exemplaires du mémoire de l'ACPP dans les deux langues officielles. J'en parlerai brièvement. Nous avons également déposé ce matin un mémoire supplémentaire dans les deux langues officielles. Il traite de manière plus détaillée de la création et du fonctionnement des administrations portuaires canadiennes. Il porte aussi sur certaines questions fondamentales que le ministre des Transports vous a demandé d'étudier lors de sa comparution récente devant vous. M. Foran commentera notre mémoire supplémentaire.
Comme nous l'indiquons à la première page de notre mémoire, l'ACPP est une association nationale qui représente 51 sociétés membres de partout au Canada. Le Canada est le plus grand exportateur de pâtes et papiers au monde. Nous en exportons environ 11 millions de tonnes par an vers les marchés d'outre-mer ou par eau, aux États-Unis.
L'ACPP appuie l'établissement d'administrations portuaires canadiennes prévu dans la partie I du projet de loi, mais nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont les administrateurs seront nommés. Les utilisateurs devraient pouvoir proposer des candidatures d'après une liste établie par eux. En outre, il ne devrait pas être interdit aux utilisateurs de siéger au conseil d'administration.
En ce qui concerne la partie II et les ports publics, nous déclarons à la page 7 qu'au moins 21 ports régionaux ou locaux font l'objet d'une utilisation assidue par les usines de notre industrie et que la fermeture d'un certain nombre de ces ports porterait préjudice à la compétitivité de ces usines. En outre, les usines sont parfois implantées dans des collectivités qui sont tributaires de leur existence. La fermeture de ports publics pourrait donc avoir un effet négatif important sur ces collectivités et sur les régions où elles se trouvent. Nous recommandons donc qu'on donne compétence à l'agence canadienne des transports pour recommander qu'un port public ne soit pas fermé lorsqu'elle juge qu'il est dans l'intérêt public de le maintenir en service.
À la page 8, nous mentionnons les aides à la navigation et les services de déglaçage fournis par la Garde côtière canadienne qui sont assujettis au recouvrement des coûts ou le seront dans un bref avenir. Bien que l'ACPP approuve le principe du recouvrement des coûts pour de tels services, on ignore encore quelles seront les répercussions sur les membres de notre industrie. C'est une question qui préoccupe au plus haut point ceux de nos membres qui ont besoin de services de déglaçage, en particulier ceux dont les usines se trouvent à Terre-Neuve, dans le nord du Nouveau-Brunswick et sur le golfe du Saint-Laurent.
Comme nous l'indiquons au haut de la page 9, tant que les coûts de ces services n'auront pas été déterminés, il est impossible de savoir si un port sera économiquement viable dans le secteur privé. Nous recommandons donc de ne pas adopter l'article 61 de la loi tant que le processus de consultation ne sera pas terminé et que tant les coûts ne seront pas connus.
En ce qui concerne les services de pilotage, nous sommes fortement partisans des recommandations faites par le comité dans sa Stratégie maritime nationale de mai 1995, et nous vous pressons de recommander à la Chambre des communes que les recommandations relatives au pilotage contenues dans ce document soient mises en oeuvre sans plus tarder.
Je vais demander maintenant à M. Foran de vous parler des préoccupations spécifiques de l'ACPP présentées dans son mémoire supplémentaire.
M. James E. Foran (Association canadienne des pâtes et papiers): Monsieur le président et membres du comité, l'ACPP est favorable à la commercialisation des administrations portuaires du Canada afin d'améliorer nos résultats commerciaux sur les marchés internationaux et notre compétitivité vis-à-vis des ports des États-Unis. L'ACPP craint cependant que le projet de loi C-44 ne crée pas l'environnement approprié pour l'atteinte de ces objectifs. Les dispositions concernant la création et l'exploitation des administrations portuaires canadiennes sont ambiguës, contradictoires et très probablement inapplicables.
La partie I du projet de loi C-44 tente de combiner deux structures d'entreprise incompatibles. Aux termes de la Loi sur les sociétés par actions, la constitution en société exige un certificat et des statuts de constitution. Une telle société a la capacité et les pouvoirs et privilèges d'une personne physique et peut exercer une activité commerciale quelle qu'elle soit à moins que celle-ci ne lui soit spécifiquement interdite. La LCSA est la loi fédérale qui s'applique aux sociétés par action.
La loi fédérale d'application générale aux sociétés sans capital-actions est constituée par la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes, qui prévoit la constitution en société par lettres patentes. Ce type de société ne peut avoir d'autres activités que celles que ces lettres patentes l'autorisent d'avoir ou des activités raisonnablement connexes. La société peut être mise en liquidation ou dissoute si elle ne respecte pas ces contraintes.
Le projet de loi C-44 prévoit la constitution en société par lettres patentes comme cela se fait pour une société de la partie II de la LCA en utilisant les dispositions de la LCSA. Le projet de loi ne prévoit rien pour les membres ou les actionnaires de la société, ce qui est à mon avis sans précédent, et rend la situation encore plus confuse à cause des restrictions contenues dans les articles 24 à 28. En combinant les dispositions de la LCSA et de la LCA pour la constitution en société d'une administration portuaire canadienne, le projet de loi met la pièce à côté du trou.
En vertu du paragraphe 27.3 du projet de loi, l'administration portuaire ne peut emprunter d'argent qu'en donnant en gage une somme égale à ses revenus. Pourtant, le ministre, dans les lettres patentes de constitution en société, est tenu d'imposer une charge ou des frais sur le revenu brut ou une formule permettant de déterminer cette charge ou ces frais qui peuvent être augmentés par des lettres patentes supplémentaires.
Conformément à l'article 46 du projet de loi, l'administration portuaire peut être liquidée ou dissoute n'importe quand. Aucun crédit ni garantie ne peut être accordé à l'administration portuaire par le gouvernement fédéral, en vertu des articles 21 et 22 du projet de loi. Il est donc fort douteux qu'une institution financière soit disposée à consentir un prêt à une administration portuaire dans de telles circonstances.
L'administration portuaire sera contrainte d'assumer tous les passifs de son prédécesseur et sera responsable de toutes les obligations antérieures, quelles qu'elles soient, sans recours devant le gouvernement fédéral ni aide de celui-ci. C'est ce que prévoient les articles 10 et 20 à 22. En dépit de ces obstacles, une administration portuaire est tenue d'être une entreprise commercialement viable. Les dispositions actuelles du projet de loi rendent un tel objectif probablement impossible à atteindre.
L'ACPP demande donc instamment au Comité permanent des transports de recommander que les modifications présentées aux pages 7 à 10 de notre mémoire supplémentaire soient mises en oeuvre.
Je vous remercie, monsieur le président.
M. Church: Monsieur le président, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Je commencerai par dire que nous nous réjouissons de votre présence. Nous voulions en effet obtenir plus de commentaires des utilisateurs des ports sur certaines des questions que vous venez d'évoquer aujourd'hui.
Monsieur Gouk va poser la première question.
M. Gouk: Merci, monsieur le président.
Cela va nous demander un certain temps pour assimiler toute l'information que vous nous avez fournie ce matin, mais je peux vous assurer que nous l'étudierons tous de très près.
Il y a deux points sur lesquels je voudrais plus particulièrement vous interroger. Le premier concerne la nomination d'utilisateurs au conseil d'administration. Selon le projet de loi, le ministre désignera les membres du conseil d'administration après avoir consulté les utilisateurs. Je ne saisis pas exactement ce que cela signifie. Je suppose que cela veut dire qu'il en discutera avec les utilisateurs sans qu'il soit nécessairement obligé de tenir compte de leurs recommandations. Cependant, lorsque le ministre a comparu devant le comité, il a déclaré qu'il nommera les membres du conseil d'administration à partir d'une liste présentée par les utilisateurs. Je crois qu'il est indispensable de modifier le projet de loi pour en tenir compte, mais j'aimerais savoir si vous trouvez acceptable que la désignation et la nomination des membres du conseil d'administration soit faite après que le ministre ait consulté les utilisateurs ou si vous estimez que les utilisateurs eux-mêmes devraient pouvoir désigner les membres du conseil d'administration.
M. Russ Lewis (Association canadienne des pâtes et papiers): Monsieur Gouk, je voudrais faire deux remarques. Premièrement, nous considérons que les utilisateurs devraient proposer les noms et que le ministre devrait se contenter de confirmer leur nomination. Cela ne devrait pas être laissé à la discrétion du ministre.
Les utilisateurs devraient également comprendre les expéditeurs et les exportateurs qui utilisent le port. Ceux-ci ne devraient pas être exclus, comme c'est actuellement le cas dans le projet de loi. Nous pensons que l'expéditeur qui utilise le port est très compétent dans le domaine des transports et qu'il peut donc jouer un rôle utile au conseil. Il ne devrait pas être exclu ou empêché de siéger au conseil d'administration d'un port.
Je crois que cela répond à votre question, monsieur.
M. Gouk: Oui, en effet.
Je voudrais également vous poser une question sur un autre point dont le projet de loi ne fait pas mention. La plupart des témoins qui ont comparu devant nous n'en ont pas non plus parlé. À ma grande surprise, je dois le dire. Dans le cas des expéditions par chemin de fer, les utilisateurs, les expéditeurs, ont un mécanisme de règlement de différends en cas de conflit entre la compagnie de chemin de fer, dans ce cas particulier, et les expéditeurs. Dans le cas qui nous intéresse ici, il n'y a pas de mécanisme de règlement des différends entre les utilisateurs - les expéditeurs - et les autorités portuaires, qui constituent essentiellement un monopole, car vous êtes obligés de passer par elles à moins, bien entendu, de faire vos expéditions d'un port étranger. Cela ne constitue-t-il pas un problème pour vous? Ne voudriez-vous pas que le projet de loi prévoie un mécanisme au cas où vous ne pourriez pas vous mettre d'accord avec une administration portuaire?
M. Church: Monsieur Gouk, sur le plan des principes, nous ne sommes pas vraiment hostiles à un mécanisme qui offrirait des options supplémentaires aux expéditeurs mais je crois que nous devrions délibérer de la question de savoir si nous avons vraiment besoin d'un processus d'arbitrage. En tout cas, sur le plan des principes, nous n'y sommes pas opposés.
M. Gouk: Pour conclure, je vous signale que j'ai l'intention de présenter une modification dans cet esprit, et je peux vous assurer que, bien qu'il soit fondé sur l'article de la Loi canadienne sur les transports, le paragraphe 27.(2) ne figurera pas dans la modification proposée par moi.
M. Church: Bravo, bravo! C'est quelque chose que nous sommes tout à fait prêts à appuyer.
Le président: Pourrait-on aller jusqu'à dire que nous repartons à zéro, monsieur Gouk?
M. Gouk: Il faut bien que quelqu'un le fasse, monsieur le président.
Le président: M. Lewis, vous parliez d'un article du projet de loi que nous examinons. Il soulève, d'après nous, certaines questions. D'un côté, le comité - et je crois que nous sommes pratiquement unanimes sur ce point - souhaiterait beaucoup avoir le genre de représentation dont vous parlez: des gens qui défendent les intérêts commerciaux et qui connaissent très bien le système. C'est bien là ce que préconise M. Keyes. Je me demande toutefois si, compte tenu de l'importance et de la diversité des intérêts que l'on retrouve dans la communauté des chargeurs, cela ne risque pas de créer des conflits et de nuire à la concurrence lorsqu'on choisit une personne qui exploite une entreprise dans cette collectivité? Supposons qu'un de vos concurrents soit membre du conseil d'administration du port dont vous utilisez les services; ne pensez-vous pas que ce concurrent aurait accès à des renseignements qui pourraient lui procurer un avantage sur vous? Ce que vous voyez là vise en partie à résoudre ce genre de problèmes. Voulez-vous répondre à cet argument?
M. Lewis: M. Alcock, je crois que, lorsqu'on cherche des administrateurs et des personnes qui vont s'occuper de ces questions, il faut choisir les candidats les mieux qualifiés. Je ne pense pas qu'il faille écarter qui que ce soit lorsque l'on fait ce genre de choix. Les personnes qui vont exercer les fonctions d'administrateurs sont tenues d'aborder les questions de façon impartiale. C'est, je crois, le droit qui l'exige. Il y a peut-être un membre du panel qui connaît mieux les questions juridiques et qui pourrait nous en parler. Mais je dirais que, d'une façon générale, les personnes qui acceptent ce genre de poste savent qu'elles doivent laisser de côté leurs intérêts personnels et examiner les questions qui intéressent la société de façon impartiale.
M. Foran: Monsieur le président, je pourrais peut-être compléter cette réponse. J'aimerais rappeler au comité l'existence du paragraphe 122(1) de la Loi sur les sociétés par actions qui porte:
- Les administrateurs et les dirigeants doivent, dans l'exercice de leurs fonctions, agir:
Il n'est pas rare, monsieur le président, de voir des utilisateurs de services de transport siéger au conseil d'administration d'entreprises de transport. On vient de faire remarquer que le président de General Motors est un administrateur du CN. Ces personnes tiennent compte des obligations que leur impose la Loi sur les sociétés par actions et elles savent quelles sont leurs fonctions et elles les exercent honnêtement et conformément à la loi.
Le président: Par conséquent, si deux sociétés de pâtes et papiers utilisaient activement un même port et qu'une d'entre elles faisait nommer un de ses représentants au conseil d'administration, vous me dites qu'en tant que chargeur, cela ne vous inquiéterait pas.
M. Church: Je dirais que cela ne nous préoccupe aucunement. Je crois que les gens qui occupent des fonctions de président ou de dirigeant dans les sociétés de pâtes et papiers au sein de notre industrie sauraient quelles sont leurs responsabilités en tant qu'administrateur d'autres sociétés. Nous ne pensons pas qu'il y ait là un problème.
Le président: Merci. Cela est très intéressant. C'est la raison d'être d'une partie de l'article de la loi dont nous parlons.
Monsieur Cullen.
M. Cullen: Merci, monsieur le président.
Messieurs, je me suis occupé du secteur des produits forestiers pendant des années avant d'être député. En fait, je faisais partie lundi d'un panel avec Mme Lachapelle à Ottawa. Mais je sais qu'avant mon élection au mois de mars, on a beaucoup parlé de la Loi sur les transports et des droits de circulation. Nous ne parlons peut-être pas tout à fait de cela à l'heure actuelle mais, en tant que nouveau membre du comité, j'aimerais que, pour ma gouverne, vous fassiez le point sur cette question.
Sur la question des frais payables à la Couronne, dont vous avez parlé dans votre mémoire, il y a eu beaucoup de discussions pour savoir si ces frais devaient se calculer en fonction du bénéfice net, des bénéfices ou des dividendes. Je ne sais pas si ce que vous pensez de cela. Vous dites que cette somme pourrait faire l'objet de négociations avec l'administration portuaire tous les cinq ans au moins. Je me demande si vous pourriez apporter des précisions sur ce sujet et dire si vous avez envisagé de négocier le montant de ces frais en vous fondant sur les résultats financiers antérieurs. Quels sont les paramètres de cette question?
M. Church: Ce qui nous inquiète, c'est le fait que ce soit le gouvernement fédéral ou Transports Canada qui détermine le montant de ces frais, c'est du moins ainsi que nous avions compris le projet de loi; le gouvernement fédéral va fixer lui-même le montant de ces frais annuels et l'autorité portuaire sera obligée de les lui verser. Nous n'avons rien contre l'idée de rembourser aux contribuables les sommes qu'ils ont déjà investies dans les ports. Ce sont les restrictions qui nous préoccupent - et nous l'avons indiqué dans notre mémoire supplémentaire concernant les restrictions apportées à la capacité de générer des recettes et d'emprunter des fonds auprès du secteur privé - ces frais pourraient influencer la rentabilité du port et nous estimons qu'ils devraient être fixés après négociations.
Quant à savoir si les négociations devraient être basées sur les activités, les recettes et les coûts d'exploitation du port des cinq dernières années... Il me semble que cela pourrait bien sûr faire partie du processus de négociation, mais il faudrait également tenir compte des projets que l'administration portuaire pourrait se donner pour l'avenir. Si l'administration estime qu'elle va devoir étendre ses opérations, que ce soit dans le domaine des grains ou autrement, pour se procurer des recettes additionnelles, cela devrait faire également partie du processus de négociation. Ce ne devrait pas être un montant fixé par le gouvernement. Nous n'avons pas examiné en détail la façon dont cette idée pourrait être mise en pratique.
M. Cullen: Vous ne proposez pas que ces frais soient fixés de façon rétroactive parce que le fait de ne pas en connaître le montant serait très gênant pour un prêteur. Il faudrait en fixer le montant et le réviser ensuite.
M. Church: C'est exact. Il faudrait fixer, disons en l'an 2000, le montant des frais pour les cinq années à venir.
Je pourrais peut-être demander à monsieur Foran de parler de cette question.
M. Foran: M. Cullen, il nous paraît difficile de concilier la rentabilité des administrations portuaires canadiennes et la façon dont ce projet de loi est rédigé. L'administration va demander de l'argent à une banque pour financer ses activités et la seule garantie qu'elle puisse fournir à la banque est de lui donner en gage une somme égale à ses recettes. Aux termes des lettres patentes, l'administration portuaire doit verser des frais au ministre, que celui-ci peut modifier à sa guise par lettres patentes supplémentaires. Si l'administration ne se conforme pas aux lettres patentes, elle pourrait être dissoute ou liquidée si le gouverneur en conseil en décide ainsi.
Elles ne peuvent donner aucune sûreté. Personne ne va leur prêter de l'argent. D'où vont venir les fonds nécessaires? Ils vont venir des utilisateurs. C'est la difficulté que soulève, d'après moi, la façon dont est rédigé le projet de loi actuellement. Les administrations n'ont aucune sûreté à offrir.
M. Cullen: Merci.
Le président: Monsieur Jordan.
M. Jordan: J'aimerais aborder rapidement quelques sujets.
Il me paraît tout à fait naturel que vous vous préoccupiez d'éléments comme les frais de brise-glace et comment ces frais vont influencer votre rentabilité et cela est normal. Mais ne pensez-vous pas qu'il s'agit là du genre de questions dont il faudrait discuter avec les utilisateurs? Il est peut-être difficile d'en arriver immédiatement à une répartition de ces coûts mais il me paraît sage d'y penser. Vous ne voulez pas absorber des coûts qui ne vous reviennent pas.
La difficulté est toutefois de préciser tout cela à l'avance. Cela n'est pas possible. Je ne vois pas comment vous pourriez le faire. Même avec les meilleures intentions et la collaboration de tous, ce n'est pas un coût qu'il est facile de fixer à l'avance et nous espérons que vous allez demeurer flexible sur cette question et essayer d'évaluer l'ensemble du problème, en sachant qu'au départ, ce sont les utilisateurs qui doivent assumer ces coûts. Cela sera difficile.
Ce n'était pas ma question principale.
M. Mark Mazerolle (directeur, Logistique, Abitibi Price Inc.): Je peux répondre à cela. Mon nom est Mark Mazerolle, d'Abitibi Price.
Nous utilisons beaucoup les services maritimes, notamment les brise-glace et les aides à la navigation, dans le cadre de nos activités à Terre-Neuve et nous suivons de près les discussions qui ont lieu au sein du Conseil consultatif du transport maritime au sujet de la détermination de la partie du coût des services maritimes qui est attribuable aux utilisateurs commerciaux.
Mais d'un autre côté, il est très difficile pour nous d'évaluer la véritable valeur commerciale des services offerts par un port isolé, par lequel transitent le gros de notre production. Il nous est difficile de prendre une décision économique en nous basant sur la véritable valeur de ces services, sans connaître ce que sera à long terme le montant des coûts et des recettes.
Nous avons eu certaines conversations préliminaires avec des représentants locaux de Transports Canada mais sans ces chiffres, il nous est difficile d'aller de l'avant et d'évaluer les services offerts par le port.
Nous aimerions que l'on déclare un moratoire sur la privatisation des administrations portuaires locales, tant qu'on n'aura pas fixé ces droits.
M. Jordan: Oui, ou du moins ralentir un peu.
M. Mazerolle: Oui, monsieur.
M. Jordan: Je peux comprendre votre position.
L'autre chose que je ne comprends pas bien est que vous soyez favorables aux modifications qu'apporte le projet à la Loi sur le pilotage. Tout cela inquiète beaucoup les armateurs. Les droits de pilotage représentent une très grosse part de leurs activités. Je peux comprendre votre point de vue. Vous voulez que vos produits arrivent à bon port et le pilotage est un élément important de cet objectif.
Il nous semble difficile de justifier de nos jours les compétences que l'on exige des personnes qui souhaitent obtenir un brevet de pilote, compte tenu du fait que l'évolution de la technologie a fait disparaître une bonne partie des tâches qu'exécutait auparavant le pilote. On dirait que cette activité est une chasse assez bien gardée. J'espère simplement que vous allez faire preuve de souplesse dans ce domaine.
Je ne pense pas qu'on ait tenté de diminuer l'importance du travail des pilotes ou celle du pilotage, ou la nécessité d'avoir des personnes compétentes pour effectuer ces opérations. C'est le processus utilisé pour décerner un brevet de pilote au Canada que l'on critique. Ils estiment que le projet de loi n'aborde pas cet aspect du pilotage.
M. Church: Nous savons très bien que le pilotage est un élément très important pour la sécurité des employés et la protection de l'environnement. Nous pensons également qu'il serait bon que les services de pilotage soient commercialisés. Malgré l'aspect sécurité, nous estimons qu'il est possible de commercialiser ou du moins d'introduire une certaine concurrence dans les zones où le pilotage est obligatoire. Il existe des navires, d'après ce que m'ont indiqué les membres de l'ACPP, qui peuvent se passer des services d'un pilote, en raison notamment des nouveaux appareils dont ils disposent.
Si tel est bien le cas, nous estimons, comme l'a recommandé le comité permanent, qu'il faudrait examiner la question du pilotage obligatoire pour déterminer s'il n'existe pas des zones ou des situations précises pour lesquelles le pilotage obligatoire n'est pas justifié. Nous invitons le gouvernement à mettre en oeuvre les mesures qui ont été présentées au comité permanent.
Le président: Merci, monsieur Jordan.
[Français]
Monsieur Crête.
M. Crête: J'aimerais vous remercier pour la qualité de votre mémoire. Je sais que le président l'a déjà dit, mais j'aimerais répéter qu'il est important que les usagers nous donnent des messagers clairs, comme ceux exprimés dans ce mémoire. C'est très intéressant parce que vous démontrez très clairement que le gouvernement est en train d'accoucher d'un animal à deux têtes et qu'il ne s'est pas clairement branché. Il peut choisir de faire une commercialisation du secteur, selon la proposition que vous faites. Vous faites notamment allusion à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Je pense que c'est une avenue qu'il faut explorer, et on va certainement prendre le temps de le faire de façon approfondie.
Vous faites aussi une recommandation sur la nomination des membres. Vous dites que le ministre devrait avoir l'obligation de nommer des gens que les usagers ont recommandés. C'est une recommandation intéressante. Ma question va porter sur la partie qui porte sur les ports publics. Je suis de la circonscription de Kamouraska - Rivière-du-Loup, où il y a un de vos membres, F.F. Soucy, qui est dans cette situation-là. Il y a le port de Cacouna, et c'est une des réalités qui sont exprimées là. Je trouve que vous le précisez assez bien dans votre conclusion quand vous dites:
- L'ACPP soutient le principe selon lequel les ports qui ne peuvent être économiquement viables
dans un cadre fédéral devraient être cédés au secteur privé ou aux provinces pour assurer le
maintien de leurs activités de façon rentable.
[Traduction]
M. Church: Nous pourrions vous fournir la liste de ces 21 ports et je pourrais vous en nommer quelques-uns, si vous le souhaitez, pour que cela figure au procès-verbal.
[Français]
M. Crête: Donnez-moi quelques exemples.
[Traduction]
M. Church: Il y a Stephenville, Botwood et Corner Brook à Terre-Neuve; Bathurst et Miramichi au Nouveau-Brunswick; Liverpool et Port Hawkesbury en Nouvelle-Écosse; Baie-Comeau, Chandler et Matane au Québec; Campbell River, Crofton, Gold River, Powell River, Nanaimo, Port Alberni...
[Français]
M. Crête: Est-ce que dans la plupart de ces endroits, vous êtes l'utilisateur principal du port ou si cela varie d'un endroit à l'autre?
[Traduction]
M. Mazerolle: Je peux intervenir sur ce point. Dans les ports publics que nous utilisons, à savoir Stephenville et Chandler sur la péninsule de Gaspé, nous représentons probablement plus de 90 p. 100 des marchandises qui transitent par ces ports. Cela représente beaucoup pour nous.
Nous dépendons totalement des ports de Terre-Neuve pour l'exportation de nos produits parce que ces usines desservent uniquement les marchés étrangers et nous dépendons totalement de ces ports locaux - en particulier, de Gaspé. Pour ce qui est de Chandler, il existe d'autres solutions mais la façon la plus rentable pour nous d'expédier nos produits vers ces marchés étrangers est d'utiliser le port local.
Je reviens à ma première remarque pour vous dire que nous dépendons de ces ports locaux, nous avons besoin qu'ils continuent à opérer mais notre principale préoccupation est de pouvoir comprendre quels seront les coûts et les recettes pour que nous puissions prendre les décisions économiques qui s'imposent. Je ne pense pas que nous ayons encore accès à cette information.
[Français]
M. Crête: Il serait très intéressant qu'on ait une espèce de tableau sur les secteurs et leur lien avec votre secteur industriel, si ce n'est trop vous demander. L'avenir des ports régionaux est très imprécis dans la loi. Il n'y a pas vraiment de précisions. Il faut trouver quelque chose à mettre dans le projet de loi qui soit plus encadrant à cet égard. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Monsieur Keyes.
M. Keyes: J'aimerais ajouter une brève question à celle de M. Crête. Comme vous l'avez dit, M. Mazerolle, vous représentez 80 p. 100 de l'activité de certains ports. Certaines grandes sociétés qui opèrent dans des ports importants dont elles sont l'utilisateur unique se sont déclarées intéressées à acheter ces ports au gouvernement fédéral et à prendre en charge leur exploitation.
Abitibi-Price a-t-elle envisagé d'acheter carrément un quai ou un bassin puisque c'est elle qui, de toute façon, l'utilise à 80 p. 100 et de le mettre à son nom?
M. Mazerolle: À l'heure actuelle, nous possédons l'entrepôt et le quai du port de Botwood. C'est Abitibi-Price qui est propriétaire de ces installations. Nous ne possédons aucune des installations des ports de Chandler et de Stephenville, ce qui nous place aujourd'hui dans une situation délicate. Oui, c'est quelque chose que nous pourrions envisager mais je dois vous répéter que notre objectif essentiel, en tant qu'industrie à très forte intensité de capital, est d'investir nos ressources dans la fabrication du papier. Pour vous parler franchement, je dirais que l'acquisition de ports n'est pas une de nos priorités.
Si nous envisagions d'investir dans un port, ce serait parce que nous y sommes obligés. D'après ce qu'indique le projet de loi pour ce qui nous concerne, cela va devenir une nécessité. Mais pour que nous puissions évaluer correctement la valeur d'un port, il nous faut savoir quels seront les coûts d'exploitation et les recettes à l'avenir. Nous ne sommes pas disposés à discuter sérieusement de cette question tant que nous ne saurons pas exactement quels seront ces coûts et ces recettes.
M. Keyes: Merci.
Le président: Oui, merci beaucoup. Je suis heureux que vous ayez pris le temps de venir. Votre mémoire nous sera fort utile. Nous allons devoir réfléchir davantage à la question de la composition du conseil. Je ne savais pas que, dans un monde aussi compétitif, il était possible de collaborer de cette façon.
M. Foran, c'est toujours un plaisir. Je ne m'étais pas rendu compte que vous aviez 25 ans d'expérience dans ce domaine. Mais évidemment, à en juger par la qualité de vos interventions, il est rare que...
M. Foran: Je suis encore jeune de coeur.
Le président: Merci.
M. Foran: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons entendre le grand chef Joseph Norton et le chef Billy Two Rivers du Conseil mohawk de Kahnawake.
Il s'agit de deux groupes distincts qui ont accepté de présenter ensemble leur exposé parce qu'ils souhaitent parler, pour l'essentiel, de la même question, monsieur Jordan, et nous voulions aborder ce sujet. Nous leur avons donc accordé une heure au lieu de la demi-heure habituelle.
Bienvenus. Nous avons hâte de vous entendre parce que vous allez parler précisément de la commercialisation de la voie maritime du Saint-Laurent, un des aspects de ce projet de loi qui traite de la commercialisation des ports. M. Comuzzi a déjà travaillé sur cette question et je sais que tous les membres du comité sont très intéressés à entendre ce que vous avez à dire.
J'ai toutefois certaines choses à vous communiquer. Avant de venir ici, vous m'avez envoyé un certain nombre de lettres et soulevé plusieurs questions. Certaines de ces questions figuraient dans des résolutions qui avaient été adoptées par divers conseils. Nous les avons transmises au ministre pour qu'il y réponde et j'ai effectivement reçu une lettre du ministre qui traite d'un des aspects que vous avez soulevés. J'aimerais vous la lire et nous vous en remettrons une copie à la fin de la séance. C'est M. Keyes qui a suivi cette question. M. Keyes est le secrétaire parlementaire du ministre et c'est lui qui a présenté la question au ministre.
Je vous écris pour répondre à votre télécopie du 16 octobre 1996 et à la lettre jointe du Conseil mohawk de Kahnawake envoyée à M. Reg Alcock... concernant la commercialisation de la voie maritime du Saint-Laurent.
Je dois vous signaler au départ que la commercialisation du fonctionnement de la voie maritime du Saint-Laurent ne va pas modifier les responsabilités fédérales à l'égard des Premières nations. La commercialisation va uniquement consister à créer une société à but non lucratif qui sera chargée d'administrer les activités quotidiennes de cette voie de transport maritime. Les terres et les immobilisations de la voie maritime demeureront la propriété de la Couronne fédérale aux termes de l'accord qui interviendra avec les groupes d'utilisateurs; par conséquent, cette commercialisation ne devrait pas toucher les activités des Mohawks de Kahnawake. Je pense que cette mesure permettra à la voie maritime de mieux répondre aux défis commerciaux auxquels elle devra répondre à l'avenir.
Je vais veiller à ce que vous receviez une copie de cette lettre. J'ai pensé qu'il serait bon que vous ayiez cette information dès le début.
Chef Norton, voulez-vous commencer?
Le grand chef Joseph Tokwiro Norton (Conseil mohawk de Kahnawake): [Le témoin parle en mohawk].
Nous sommes venus ici ce matin dans le cadre du processus qui a été mis en place pour examiner la question de l'avenir de la voie maritime et de sa privatisation. Les gens de Kahnawake sont fort inquiets de la situation. Nos frères et nos soeurs d'Akwesasne sont aussi préoccupés que nous de la situation et nous sommes venus ici aujourd'hui vous présenter nos idées, nos positions et nos opinions sur ce qui se passe à l'heure actuelle et ce qui va arriver par la suite.
Le projet de transférer, si on peut utiliser ce mot, d'un organisme public à un organisme privé la responsabilité de cette voie nous intéresse et nous préoccupe, tout comme la mise en oeuvre de ce projet. Je ne vais pas refaire en détail l'historique de la situation de Kahnawake - ce qui s'est produit au cours des années - mais il est important d'examiner la situation en en tenant compte. Vous avez peut-être entendu des témoins venant de différentes régions du pays qui vous ont présenté une perspective fort différente parce qu'ils peuvent tirer avantage de cette initiative sur le plan commercial et c'est peut-être là tout ce qu'ils vous ont dit ou montré. Vous avez peut-être eu des groupes environnementaux qui vous ont donné leurs opinions, leurs idées, et vous les entendrez peut-être à nouveau par la suite.
Les membres de la nation Mohawk qui habitent le long du fleuve depuis des temps immémoriaux, depuis que le Créateur nous y a placés, ont une position fort différente. Il est peut-être vrai que l'histoire se répète dans une certaine mesure et la première expropriation de la voie maritime, la construction initiale, est encore toute fraîche à nos mémoires. Je n'avais que six ans lorsque cela s'est produit dans les années 50 mais il y en a qui étaient des hommes jeunes à cette époque. Ils vont vous parler et vous dire ce qu'ils ont vécu à ce moment et il y a beaucoup de nos parents, de nos grands-parents et de nos arrière-grands-parents qui vivent encore et nous ont expliqué ce qui était arrivé à l'époque et parlé des répercussions qui se font encore sentir de nos jours.
Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour essayer de remédier aux erreurs du passé mais je dirais que nous sommes venus aujourd'hui vous indiquer très clairement que nous ne voulons pas que l'histoire se répète. La situation de Kahnawake est telle que la voie maritime est là et c'est une réalité. On nous avait dit dans le passé - je l'ai appris des anciens de la collectivité et de mes parents, qui sont encore vivants et qui étaient là lorsqu'on a exproprié les terres, lorsqu'on a établi la voie maritime - que tout cela serait pour notre bien. On nous avait dit que cela renforcerait la collectivité. En fait, cela n'a causé que des problèmes et beaucoup de souffrances.
Une des raisons pour lesquelles nous sommes venus ici pour parler au comité est que nous souhaitions vous faire comprendre que la voie maritime est une réalité et qu'avec cette évolution, il faut tenir compte de certains droits qui sont les nôtres à ce moment et qui ne semblent pas se retrouver dans votre loi.
Il y a la question des droits ancestraux et issus de traité, la question de notre droit d'essayer de régler certaines difficultés que nous avons connues avec la voie maritime. Nous conservons ce droit; nous n'y avons jamais renoncé.
Au sujet des mesures qui pourraient être prises à l'avenir, nous tenons également à ce que le comité sache que nous sommes très vigilants et suivons de près la question de ce que vous appelleriez les revendications territoriales. Il y a des terrains là-bas qui ont été englobés dans cette expropriation. Officiellement, ils n'étaient pas considérés comme faisant partie de Kahnawake mais nous sommes en train d'en arriver à un règlement avec le Canada et le Québec sur la question des terres qui se trouvent à l'extérieur des limites identifiables actuelles de Kahnawake et qui font partie de la voie maritime. C'est une question qui n'est toujours pas résolue, d'après nous. Je fais référence à ce que nous appelons la Seigneurie de Sault St. Louis. Je ne sais pas si cela risque d'influencer le changement qui est en train de se produire en ce moment mais le comité devrait savoir ces choses. Ce sont des renseignements que nous tenions à lui transmettre.
Nous ne pensons pas que le processus auquel nous participons permettra de régler tous les problèmes que nous avons eus à l'égard de ce qui nous est arrivé dans le passé, de ce qui se passe aujourd'hui et de ce qui passera à l'avenir. Nous avons toutefois estimé que c'était là pour nous l'occasion de faire connaître officiellement certaines choses pour que tous les intéressés puissent éventuellement s'y référer au moment opportun. Cela s'adresse au gouvernement du pays, et pas seulement aux partisans du changement qui est en train de se produire, et précisément au ministère des Transports ou aux autres parties intéressées. Nous nous adressons à l'ensemble du gouvernement du Canada ainsi qu'à l'ensemble de la société canadienne et québécoise, si l'on veut, pour qu'ils comprennent bien quelle est notre situation.
Il faut également tenir compte de la dimension historique. J'ai amené avec moi une reproduction de ce que l'on appelle dans notre langue le Kahswentha Tekeni Teioha:te - ou, comme on le décrit en français, le wampum à deux rangs. C'est une réplique de la ceinture du traité original, si l'on peut l'appeler ainsi, qui correspond à une entente qui avait été conclue initialement entre les Hollandais, ensuite les Français, ensuite les Britanniques, ensuite les Américains, et dans une certaine mesure le Canada - même si le Canada n'a jamais complètement accepté cette notion et c'est peut-être pourquoi nous nous trouvons ici aujourd'hui. Si cela s'était produit, il n'y aurait peut-être pas de voie maritime qui passe par le territoire mohawk.
Essentiellement, les deux rangées représentent les deux sociétés. Cette rangée représente la voie de notre peuple, le peuple iroquois, le peuple mohawk, dans son navire, dans son canot, avec toutes les choses qui lui sont chères, avec toute la religion, toutes les lois, tous leurs gens, toute leur spiritualité et tout ce qu'ils considèrent comme faisant partie de leur culture et de leur société - dans un navire, dans une rangée. L'autre rangée représente l'Européen, qui à l'époque était un visiteur dans notre territoire, avec toutes ses lois, tous ses gens, toutes ses religions, et tout ce qu'il chérit dans ce navire, dans ce grand navire. Le fond est blanc, il représente la terre, il représente l'Amérique du Nord ou l'île de la Tortue, comme nous l'appelons, ainsi que la vie qui coule entre les deux rangées, sans arrêt et à jamais.
La ceinture elle-même comporte des cordons que l'on peut utiliser et qui représentent l'éternité durant laquelle les deux sociétés devaient vivre côte à côte: les deux sociétés vivant côte à côte, à jamais et voyageant de concert sur la rivière de la vie, sans que l'une abuse de l'autre. Nous n'irons pas dans votre navire et vous n'irez pas dans notre navire nous imposer vos lois, votre religion ou quoi que ce soit du genre. Vous ne nous prendrez rien, et nous ne vous prendrons rien. Cela constitue une chaîne continue, pour aussi longtemps qu'il y aura ce que nous appelons l'onkwehonweh, ou nos gens sur ce navire, et aussi longtemps que vous continuerez d'être ici, nous voyagerons ensemble.
Cette chaîne relie les deux et si nous voulons établir une relation, ce sera par l'entremise de cette chaîne - il faut que la chaîne soit polie par les deux parties. En d'autres termes, nous parlons de conclure des traités les uns avec les autres, et si nous ne polissons pas cette chaîne, elle va rouiller et se rompre, et cela veut dire qu'il y aura la guerre entre les deux parties. Ce sont nos ancêtres qui ont présenté ce symbole, cette philosophie, à vos ancêtres pour veiller à ce que nous vivions en harmonie et en paix pendant toute votre existence et toute notre existence, dans ce que vous considérez être l'Amérique du Nord et ce que nous appelons l'île de la Tortue.
Nous suivons toujours ces principes. Nous suivons toujours ces idées. Nous croyons encore profondément en elles. Nous considérons toujours que le Canada, ou cette partie du pays, fait partie du territoire de la nation mohawk. Nous considérons toujours que le territoire beaucoup plus vaste qui est celui de la Confédération des Iroquois est notre territoire. Malheureusement, le Canada, le Québec et l'Ontario et d'autres encore ont ajouté leurs conceptions aux nôtres et ont déclaré que c'était maintenant leur territoire. Au Québec, c'est maintenant maîtres chez nous.
Nous croyons toujours très profondément à cette idée ici, elle est fondée sur cette relation, parce que c'est une relation de coexistence qui remonte à plus de 400 ans, nous sommes assis ici aujourd'hui en train de vous expliquer comment nous voyons le problème qui est apparu. Dans ce cas-ci, il s'agit de la relation avec la voie maritime. Pour vous, la voie maritime est peut-être une opération exécutée, un fait accompli. C'est terminé, c'est là, cela existe. Pour nous, c'est un problème et cela a toujours été un problème.
Aujourd'hui, nous n'avons aucun accès au fleuve; on nous a pris cinq milles de rive. Nous pouvions auparavant aller jusqu'à la rivière sans avoir à traverser aucune frontière, aucune limite, mais aujourd'hui cela n'est pas possible. On a restreint l'usage que nous pouvons faire du fleuve.
Je ne suis pas venu ici pour vous dire qu'il faut trouver le moyen de nous permettre d'utiliser les rives du fleuve comme nous le faisions auparavant mais je suis venu vous expliquer que c'est un exemple de ce qui s'est produit pour nous, et qu'il y a beaucoup de choses qui ont mal tourné dans d'autres parties. Cela a même profondément changé la mentalité des gens, avec la voie maritime et le fait qu'on nous l'ait imposé. Cela a rompu l'accord que nous avions avec notre peuple, parce que le Canada avait garanti à notre peuple, à nos grands-pères et à nos pères et à nos grands-parents, qu'il n'abuserait jamais de nous et ne prendrait pas nos terres, ce qui ne les a pas empêchés d'exproprier nos terres, unilatéralement. Nous avons lutté contre cela. Notre peuple a saisi les Nations Unies de cette question. Nous avons été partout et aujourd'hui encore, nous n'acceptons pas la légitimité de cette expropriation. Mais cela s'est produit. Cela est fait.
Nous sommes ici aujourd'hui pour parler de notre position au sujet de la voie maritime et de ce que l'avenir nous réserve. Nous sommes inquiets des modifications physiques que l'on pourrait apporter à la voie maritime elle-même, pour ce qui est de l'élargir, de la creuser, et d'envisager de prendre d'autres terres, que nous considérons comme notre territoire. Nous ne voyons rien dans la loi qui nous protège, ou qui nous donne au moins la possibilité d'utiliser votre loi d'aujourd'hui pour protéger ce que nous avons à Kahnawake et ailleurs.
L'avenir économique de Kahnawake est lié à la voie maritime. Nous la considérons comme un bien dont nous pourrions tirer un avantage parce que cela fait trop longtemps, depuis qu'elle a été créée, qu'on nous refuse la possibilité d'utiliser la voie maritime à notre avantage. On nous avait dit que cela allait aider notre collectivité. Nous allions obtenir tant de choses grâce à elle, mais cela ne s'est pas produit.
D'un autre côté, nous sommes en train de prendre un virage économique. On pourrait faire beaucoup de choses pour que nous puissions utiliser les infrastructures à Kahnawake et la voie maritime fait partie de ces infrastructures. Nous avons des ponts, des routes, des lignes électriques et des chemins de fer, tout cela traverse notre territoire. La voie maritime fait partie de cette infrastructure. Elle pourrait devenir une partie essentielle de notre développement économique. On pourrait faire beaucoup de choses pour qu'elle transporte des marchandises pour notre compte. Nous ne voulons pas que sa privatisation nous empêche d'exercer ce droit. Depuis trop longtemps déjà, on nous interdit plus ou moins d'utiliser la voie maritime pour améliorer notre situation économique.
Il existe d'autres choses que nous considérons comme étant importantes et essentielles pour notre avenir. Nous faisons des préparatifs pour rencontrer les membres du comité qui représentent les neuf sociétés qui administrent ou opèrent, si vous voulez, la voie maritime. Nous sommes disposés à rencontrer le ministre des Transports pour discuter de ces questions. Nous voulons que les gens comprennent que nous sommes sérieux et sincères lorsque nous parlons de la situation actuelle.
Il y a des griefs très anciens et nous ne nous attendons pas à ce que le comité les résolve. Nous ne nous attendons pas non plus à ce que la société ou le groupe qui va reprendre les choses en main les résolve mais nous ne les abandonnons pas non plus. Un jour, nous trouverons la façon de régler ces griefs, un peu plus tard, dans un avenir très proche.
Je vais m'arrêter ici et je vais demander à mon collègue, le chef Two Rivers de présenter l'autre partie de l'exposé.
Le chef Billy Two Rivers (Conseil mohawk de Kahnawake): Je m'appelle Kaientarokwen, Billy Two Rivers. Je suis heureux de pouvoir m'adresser au conseil, à M. Alcock et aux autres membres.
J'ai assisté à l'audience d'un tribunal la semaine dernière encore où l'on discutait d'une de nos questions, que nous estimons être notre droit inhérent, devant un tribunal à Ottawa. Dans un communiqué de presse, le procureur de la Couronne a déclaré que les Mohawks étaient naïfs et qu'ils avaient été un peu stupides de croire ce que leur disait l'homme blanc et ce qu'il leur avait promis. C'est avec cette attitude que je viens m'asseoir ici. Nous sommes obligés d'aborder ce processus avec un certain scepticisme.
En ce qui me concerne, je retrouve ici le processus intéressé qui existe dans ce pays pour le bénéfice de la société dominante. J'entends encore la voix de ce grand prometteur, Lionel Chevrier. Il est venu à Kahnawake et il a dit: «Laissez-nous exproprier vos terres. Laissez-nous venir ici. Laissez s'établir la voie maritime et vous aurez ceci et vous aurez cela.» Aucune des promesses que le ministre a faites à l'époque n'a été respectée jusqu'ici.
Nous nous intéressons à deux aspects de la situation actuelle. Il y a d'abord l'aspect administratif. Pour moi l'aspect administratif, c'est cette nouvelle société, ce nouveau groupe de financiers qui viennent ici. Et je les considère comme des gens très dangereux parce que leur priorité, c'est de faire des bénéfices. Je me demande encore une fois si ces bénéfices vont être réalisés aux dépens des autochtones et de leurs terres? Je dis non et notre collectivité dit non, et notre nation dit non. Cela ne veut pas dire que nous allons cesser d'avoir des relations de travail avec les autres mais il nous faut défendre les intérêts du peuple mohawk et c'est notre responsabilité.
Sur le plan administratif, l'obligation de rentabiliser les opérations va finalement bénéficier au gouvernement fédéral, pour ce qui est des possibilités d'élargissement ou d'approfondissement de la voie maritime, etc. Comment cela va-t-il affecter nos terres? Cela nous inquiète.
Lorsque je suis arrivé dans la salle, je crois que l'on parlait - et corrigez-moi, si j'ai tort - de la possibilité de prendre le contrôle de certaines parties de ports ou de havres, que je crois relever du gouvernement fédéral. Dans nos collectivités, cela nous inquiète.
Lorsqu'on examine le projet de loi, on aborde le côté politique. Je trouve insultant qu'après coup, après qu'on ait présenté nos positions, le gouvernement ait eu la bonté de peut-être tenir compte dans une certaine mesure des préoccupations des Mohawks d'Akwesasne et de Kahnawake et qu'il indiquerait dans ce projet de loi qu'il souhaitait préserver l'obligation à titre de fiduciaire qui existait au moment où a été opérée la première expropriation pour la voie maritime. Je me pose des questions. Je me demande si nos terres sont en danger.
Nous devons continuer à nous rappeler qu'une fois de plus, cet avocat de la défense pour la Couronne avait raison, et que nous avons peut-être été naïfs. Mais je peux vous garantir que nous ne sommes plus naïfs aujourd'hui.
Je vois encore des photographies d'une des dernières familles qui ait été expulsée par les autorités de la voie maritime. Leur seul lien avec la terre ferme, ce qui était devenu la terre ferme, était une planche qu'ils empruntaient pour accéder à leur terrain. On leur a dit que s'ils n'étaient pas partis le lendemain matin, on amènerait les bulldozers pour les faire partir. C'est la famille Diabo que l'on voit là. Nous n'oublions pas ces choses et nous ne sommes plus naïfs.
Je crois que nous allons entrer dans le XXIe siècle comme un peuple qui va participer, à part entière, au développement économique de ses propres terres et de ses propres ressources et la voie maritime est une ressource que nous avons l'intention d'utiliser. Nous aimerions avoir la collaboration de ce nouvel organisme administratif qui va être créé. J'espère évidemment qu'ils ne vont pas penser que nous allons jouer un rôle secondaire, pour ce qui est du développement et de la croissance économique, parce que nous avons l'intention de participer pleinement à ce changement.
En ce qui concerne le gouvernement fédéral, nous nous posons des questions au sujet du projet de loi C-44, notamment parce qu'il ne mentionne aucunement l'existence d'une responsabilité à l'égard de la relation entre la Couronne canadienne et la nation mohawk. J'aime bien les mots. Chevrier existe encore quelque part - et même, peut-être ici, je n'en sais rien - mais j'entends encore ses paroles lorsqu'il est venu à Kahnawake et qu'il a fait les promesses que nous avons naïvement acceptées à l'époque.
Messieurs, nous ne sommes pas venus ici pour une confrontation, mais nous sommes venus vous rappeler à chacun d'entre vous que nous existons, que nous ne sommes pas un oubli qu'il faut réparer et que nous ne sommes pas un simple article ajouté à un accord ou un rappel du ministre des Affaires indiennes indiquant qu'il va protéger nos intérêts. Cela fait trop longtemps que nous voyons le gouvernement dire qu'il va protéger nos intérêts et qu'il ne s'en occupe pas du tout et c'est finalement notre responsabilité de protéger nos intérêts. C'est ce que nous ferons aujourd'hui et demain.
Nous ne sommes pas venus proférer des menaces. Nous sommes venus présenter des faits, le fait que nous existons et que nous sommes ici pour longtemps. Il est peut-être temps de dérider les visages sérieux que je vois là-bas et de vous faire un peu sourire en vous disant que, malgré la situation actuelle, malgré les bouleversements politiques survenus au Québec, je crois que les Mohawks peuvent vous garantir que tous nos frères blancs pourront utiliser la voie maritime, parce qu'elle passe à travers nos patries, sauf si nous nous disputons et alors, ça ira mal pour vous!
Merci pour le sourire.
Le président: J'aimerais dire quelques mots avant de donner la parole aux autres membres du comité. Tout d'abord, j'ai noté, chef Two Rivers et chef Norton, que vous avez tous les deux parlé au début en langue mohawk. Je crois, chef Two Rivers, que vous nous avez donné votre nom. J'espère que vous serez gentil avec mon nom de famille si vous décidez un jour de le traduire en mohawk.
J'ai passé beaucoup de temps avec les Cris du nord du Manitoba à négocier et à travailler avec eux sur diverses questions. Ils ont choisi de m'appeler le grand gars qui a une souris sous le nez.
Je suis heureux que vous ayiez soulevé ces questions. Je ne les comprends pas. Je ne prétends pas bien connaître ce qu'elles veulent dire par rapport à la situation des Mohawks. J'ai constaté que les décisions du gouvernement fédéral avaient, dans d'autres régions du pays, suscité des réactions semblables.
Nous irons à Kahnawake. J'irai personnellement à Kahnawake et d'autres membres du comité seront invités à le faire pour voir eux-mêmes la situation et je peux vous assurer que nous transmettrons vos préoccupations dans le rapport que nous allons faire sur ce projet de loi.
J'aimerais donner la parole aux membres du comité. J'aimerais commencer par M. Comuzzi parce que M. Comuzzi s'intéresse beaucoup à la voie maritime. Il vient de... Oh, excusez-moi.
Le grand chef Norton: Puis-je vous suggérer de demander au grand chef qui représente le Conseil mohawk d'Akwesasne de prendre la parole?
Le président: Je suis désolé, je ne savais pas que nous avions le... Allez-y, je vous en prie.
Puis-je faire un commentaire? Nous avons déjà presque utilisé 40 minutes. Si nous voulons poser des questions - et je sais que M. Comuzzi veut parler de certains aspects avec vous, tout comme MM. Crête et Gouk - nous allons manquer de temps.
Je suis désolé, chef Roundpoint, je ne savais pas que le chef Two Rivers n'était pas d'Akwesasne.
Le grand chef Russell Roundpoint (Conseil mohawk d'Akwesasne):
[Le témoin parle en mohawk].
Je suis heureux de transmettre au comité les salutations et les souhaits les plus chaleureux du peuple d'Akwesasne.
Ce texte a été rédigé d'avance. Je vais le survoler, en faire ressortir les principaux points et je vais ensuite m'en écarter pour aborder certains sujets qui ressortent particulièrement, compte tenu du fait qu'il faut nous parler de personne à personne, sur le plan personnel, et non pas comme s'il s'agissait d'un dialogue entre deux gouvernements.
La position de la nation mohawk, que nous partageons, a été communiquée aux représentants du Canada, y compris au gouverneur général et à quelques ministres du cabinet. Nous essayons de faire comprendre que nous nous opposons au projet de loi C-44. Ce n'est un secret pour personne que nous continuons à maintenir et à affirmer que nous possédons la souveraineté sur ces terres. Nous continuons d'affirmer que nous possédons des pouvoirs sur nos terres traditionnelles.
Le projet de loi C-44 il ne va pas permettre de résoudre les difficultés que nous avons connues, les griefs que nous avons en tant que Mohawks, en particulier ceux d'Akwesasne mais aussi ceux de Kahnawake, et qui remontent à près de 50 ans. Le projet de loi C-44 ne tient aucun compte de nos pouvoirs et de nos droits. Avant d'aller plus loin, je propose au nom des Mohawks d'Akwesasne que nous prenions le temps de résoudre ces anciens griefs.
Mon collègue, le grand chef Norton, a mentionné que la voie maritime n'avait rien apporté aux Mohawks de Kahnawake. Je pourrais reprendre à mon compte cette déclaration. Lorsque la voie maritime a été établie à Akwesasne, au lieu de venir nous voir et de consulter les gens qui se trouvaient là à l'époque, il y a un maître d'oeuvre qui a parlé à quelqu'un à Ottawa qui prétendait représenter les Mohawks d'Akwesasne et ils ont utilisé ensuite les bulldozers, sans tenir aucun compte des conséquences et des effets que cela pourrait avoir pour les gens de la collectivité d'Akwesasne ou de Kahnawake.
L'infrastructure qui en a résulté, qui a été établie pour l'avantage - c'est un peu une relation de cause à effet - de la société européenne, a eu des effets dévastateurs sur le peuple mohawk. Les répercussions qu'a connues Akwesasne ont été si profondes qu'elles ont absolument tout changé. Tout a été bouleversé.
Dans notre société, nous n'utilisions guère l'argent. Tout se faisait par troc entre voisins. Cela a changé du jour au lendemain. La réalisation des projets hydroélectriques a fait monter le niveau des eaux. Une bonne partie de notre territoire a été submergé. Personne n'a pensé à nous indemniser. Mais je ne suis pas venu ici parler d'argent. Je suis venu parler d'honneur.
Nous disons depuis près de 50 ans qu'il y a des choses qu'il faut résoudre. Nous voyons de gros navires passer dans notre territoire, et ils causent des problèmes graves d'érosion sur les îles qui nous restent.
Je dis que ce projet a eu des effets dévastateurs sur Akwesasne et sur le peuple mohawk, mais si je voulais vous faire une comparaison pour vous permettre de vous rendre compte, je dirais que pour causer tous ces bouleversements dans votre société il faudrait supprimer tous vos moyens de transport modernes. Que se passerait-il si vous n'aviez plus de véhicule, plus de voiture, plus de train, plus d'avion pour vous déplacer? Il y aurait une confusion énorme et des difficultés que vous ne pouvez même pas imaginer. Voilà ce qui est arrivé à Akwesasne et c'est arrivé sur nos terres, des terres qui continuent à nous appartenir.
Je n'ai que de maigres ressources mais je suis prêt à vous donner un dollar et vous dire que si vous voulez nous privatiser, privatisez cela aussi avec nous. Nous sommes les propriétaires. Vous ne pouvez pas donner cela à une société multinationale qui s'intéresse uniquement à la ligne des résultats de son état des profits et pertes. C'est Akwesasne qui possède ces terres.
Il y a dans la voie maritime des installations qui nous appartiennent. On gagne des millions de dollars chaque année grâce à ces installations. Rien ne revient à Akwesasne, pas même un sou. C'est une honte.
Lorsque nous parlons de nous réunir, de travailler en collaboration, de suivre l'esprit et l'intention du Kahswentha, le wampum à deux rangs, il semble qu'il n'y a d'honneur que d'un seul côté. Je crois que le temps est venu maintenant de nous réunir et de dire «Il faut redonner un peu de dignité à tout cela. Voyons l'effet qu'a eu la voie maritime sur Akwesasne depuis 50 ans. Faisons quelque chose pour remédier à ces difficultés.»
Bien souvent, il suffirait de perreyer les rives abîmées par la circulation sur la voie maritime. Pensez-vous que nous pourrions obtenir cela? Absolument pas. On nous dit à chaque fois «Ce n'est pas notre faute, ce n'est pas nous qui en sommes la cause».
Lorsque le projet hydroélectrique a été réalisé et a commencé à fabriquer de l'électricité bon marché, les grandes sociétés multinationales ont commencé à s'établir sur les côtés américain et canadien du fleuve. Tout cela a eu des effets dévastateurs.
Je me souviens que quand j'étais enfant, j'allais pêcher tous les jours l'été. Je pêchais tous les jours et ramenais du poisson à la maison. La plupart du temps, nous le mangions ou le donnions à mes grands-parents ou à d'autres anciens ou à nos voisins. Mais aujourd'hui, si je laissais mes enfants aller pêcher et si je mangeais ce poisson tous les jours... je serais mort en moins de cinq ans.
La rivière dont nous parlons, la Cataraqui, voulait dire avant «la nappe de belle eau». On ne pourrait pas décrire de cette façon le fleuve Saint-Laurent de nos jours, à cause de tout ce qui est arrivé. Ce n'est pas en étant ici que tout cela partira. Je sais que les moules zébrées travaillent très forts à purifier l'eau. Il m'arrive parfois de voir le fond de l'eau maintenant. Il y a des choses qui ne changeront pas mais d'autres pourront être résolues.
À cause de tout cela, Akwesasne propose de créer une commission conjointe qui serait chargée de résoudre les difficultés que soulève le projet de loi C-44. Nous souhaitons également corriger la situation qui perdure depuis 50 ans. Il faut que cela se fasse. Il y va de l'honneur du Canada.
Il y a eu des bouleversements dans la situation des autochtones au Canada ces dernières années. On a beaucoup parlé du fait que les autochtones faisaient ceci et que les autochtones faisaient cela. Il semble qu'on ait orchestré une campagne de presse négative disant que nous étions gâtés et que nous demandions toujours quelque chose. Tout ce que nous voulons, c'est notre juste part.
Il ne faut pas oublier d'où viennent les ressources. Il ne faut pas oublier qui sont les véritables propriétaires de ces biens. Nous en sommes arrivés à un point où ce sont les locataires qui disent maintenant aux propriétaires ce qu'il faut faire. Il faut faire l'effort de travailler ensemble, de résoudre ces questions et d'aller de l'avant, parce que nos ancêtres ont accueilli les Européens et leur ont offert leur amitié pour les aider. Les Européens n'auraient pas survécu autrement. Ils ne leur ont pas dit «Bienvenus, vous restez combien de temps?» Ils ont dit «Bienvenus, frères». Avec le temps le frère est devenu mes enfants, enfants du roi, mais ce n'est qu'après que vous ayiez pris tout ce que nous avions.
Il est temps maintenant de repartir sur un pied d'égalité, sur une association entre égaux, pour résoudre ce qui se passe.
Je parlais l'autre jour à un ancien de la collectivité et je lui disais que j'allais venir ici parler de la privatisation de la voie maritime. J'ai trouvé qu'avec sa remarque, l'ancien avait tapé dans le mile - il a dit que le Canada semblait être à vendre. Il y a des choses qui sont en vente dans ce pays. Air Canada a été mis en vente et maintenant, c'est la voie maritime.
Mesdames et messieurs, et je m'adresse à tout le monde ici, les terres des Mohawks ne sont pas à vendre. Il ne nous en reste pas suffisamment. Il faut nous réunir et discuter. Je le redis: il en va de l'honneur du Canada. Et nous espérons bien sûr que l'on va respecter les principes du Kahswentha à l'avenir.
Le président: Chef Mitchell, je note que vous figurez également sur la liste des intervenants. Avez-vous quelque chose à ajouter?
Le chef Mike Mitchell (Conseil mohawk d'Akwesasne): Cela ne prendra qu'une minute.
Je tiens à préciser la façon dont il faut comprendre le sens du Kahswentha ou du wampum à deux rangs. Il est également le symbole de la coexistence des peuples, des nations et que, lorsqu'il y a des différences, elles vont être reliées par une chaîne et il y aura un temps d'arrêt. Cela veut dire qu'ils vont s'asseoir et délibérer et réparer ce qui ne va pas.
D'une façon générale, nous sommes venus ici signaler les choses qui, d'après nous, ne vont pas. Nous voyons là l'occasion d'entamer un dialogue. Nous savons également que nous devons défendre notre position. Nous devons défendre nos générations futures. C'est pourquoi, compte tenu de tout cela, ce que l'ancien a dit, que nous allions coexister, est important pour nous. Aujourd'hui, je crois que la nécessité de la coexistence et du dialogue devrait être un aspect important pour tout le monde.
Pour ce qui est des photos qu'a apportées le chef Billy Two Rivers, je demande qu'elles figurent au procès-verbal.
Le président: Allez-vous nous en laisser une série?
Commençons par monsieur Comuzzi.
M. Comuzzi: Merci, mesdames et messieurs, de votre excellente intervention et du point de vue que vous nous apportez.
Monsieur le président, nous étions en train de parler ensemble en revenant de l'aéroport hier soir du fait qu'il est toujours bon de vérifier les hypothèses de base avant de commencer à se disputer.
Vous tous qui êtes venus ici aujourd'hui pensez que les membres du comité savent ce qui se passe. On nous a demandé de tenir des audiences dans toutes les régions du pays au sujet du projet de loi C-44. Le projet de loi C-44 comprend un article qui traite du réseau des Grands Lacs et de la voie maritime du Saint-Laurent. Personne ne nous a dit - je sais que M. Jordan et M. Cullen n'en ont pas été informés, je n'en suis pas certain pour ce qui est de MM. Keyes, Alcock et Crête, mais je suis sûr que M. Gouk ne le sait pas - que, pour ce qui est du point quatre, le ministre des Transports avait conclu un accord de principe avec neuf personnes en vue de leur remettre le contrôle exclusif de la voie maritime. Cela, nous le savons de façon non officielle; nous n'avons pas été avertis officiellement.
Monsieur Gouk, est-ce bien cela? Monsieur Jordan, est-ce bien cela? Monsieur Cullen?
À part cette lettre qui vient de nous être montrée et qui est datée du 22 octobre, c'est-à-dire hier, c'est le premier document que nous voyons indiquant que le ministre des Transports a conclu une entente de principe avec ce qu'on appelle le groupe des utilisateurs en vue de la prise en main par celui-ci du réseau des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
C'est pourquoi, lorsque vous dites que vous êtes différents de nous, je dirais que, dans certains cas, ce n'est pas tout à fait exact, parce que nous n'avons été ni informés, ni consultés au sujet de la question du réseau des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
Monsieur le président, étiez-vous au courant de cela?
Le président: Je n'aime pas admettre que je suis aussi ignorant que vous, monsieur Comuzzi, mais je n'en ai pas été informé.
M. Comuzzi: Nous sommes donc réunis pour déterminer ce qui se passe dans ce domaine si important. Vous en savez peut-être davantage que le Comité permanent des transports.
Le grand chef Roundpoint: Monsieur le président, j'aimerais que les membres du comité se familiarisent avec cette question et je les invite tous à venir nous rendre visite à Akwesasne. Je suis sûr que mon collègue, le grand chef Norton, va également les inviter. Nous pourrons voir directement les effets dévastateurs dont nous parlons et nous pourrons vous fournir des renseignements qui vous permettront de mieux comprendre la position mohawk.
M. Comuzzi: J'accepte. J'aimerais le faire, monsieur le président. Le plus tôt possible, je crois que cela serait une bonne chose.
J'aimerais poser quelques questions générales. À titre d'information. Quels sont vos rapports avec les tribus qui se trouvent aux États-Unis - veuillez m'excuser si je n'emploie pas les bons mots - avec les Mohawks des États-Unis, de l'autre côté du fleuve?
Le grand chef Roundpoint: Akwesasne est une collectivité unique mais ce n'est qu'une des collectivités de la nation mohawk. Il y en a beaucoup. Il y a Kahnawake, Kanesatake et plusieurs autres. Notre gouvernement traditionnel, celui qui était en place au moment de l'arrivée des Européens, c'est la nation mohawk. Il existe encore. C'est le gouvernement national des Mohawks.
Comme je l'ai dit, Akwesasne est une collectivité unique dans la mesure où notre territoire comprend des terres qui relèvent, selon ce que certains prétendent, de l'Ontario, du Québec et de l'État de New York. Il y a cinq autorités extérieures qui prétendent exercer leur pouvoir à Akwesasne.
Les rapports que nous entretenons avec nos frères mohawks du côté américain sont pour l'essentiel ceux de membres d'une même famille. Les frontières qui ont été placées dans cette région-là n'ont pas eu pour effet de nous séparer. Nous constituons une même famille et nous nous réunissons souvent et nous nous entendons sur la façon de faire les choses.
M. Comuzzi: Oui, monsieur.
Le chef Mitchell: Il y a un conseil tribunal élu du côté américain. Sur cette question, sur la nation mohawk, Hydro Ontario, la voie maritime, nous avons constitué une entité unique qui est chargée d'examiner tout cela et avec le conseil de la nation mohawk, il y a des comités qui constituent une entité qui examine tous les problèmes, des deux côtés. Nous espérons que cela clarifie un peu les choses.
M. Comuzzi: Très bien. La position adoptée par les deux côtés, les Américains et les Canadiens, est donc, pour l'essentiel, identique.
Parlons des 15 écluses - les deux qui se trouvent du côté américain et les 13 du côté canadien. À quelle distance êtes-vous de ces régions - je parle de la région de Cornwall, de celle de St. Catharines et des chutes du Niagara - où se trouvent la majorité de ces écluses?
Le grand chef Roundpoint: Voulez-vous savoir si nous participons au fonctionnement des écluses?
M. Comuzzi: Faute de mieux, je voudrais savoir si votre «revendication territoriale» touche les zones où sont situées ces écluses. Prenons, par exemple, St. Catharines. Est-ce trop éloigné de la région dont nous parlons, chef Two Rivers?
Le chef Two Rivers: J'aimerais que vous précisiez votre question, Parlez-vous de l'écluse de la Côte Ste Catherine, la deuxième écluse de la voie maritime - St. Lambert, Côte Ste Catherine, Beauharnois? Parlez-vous de l'écluse de la Côte Ste Catherine?
M. Comuzzi: Oui.
Le chef Two Rivers: Elle est sur notre territoire, au Québec.
M. Comuzzi: Et celle de St. Catharines, juste en face de l'État de New York?
Le chef Two Rivers: Vous parlez de l'Ontario. Nous parlons de...
M. Comuzzi: Vous parlez du Québec.
Le chef Two Rivers: Nous parlons de Kahnawake.
M. Comuzzi: Passons à l'Ontario.
Le chef Two Rivers: Ce sont mes frères qui vont vous répondre alors.
M. Comuzzi: Allez-vous nous expliquer cela lorsque nous irons vous rendre visite? Allez-vous nous montrer tout cela?
Le chef Two Rivers: Bien sûr.
Le grand chef Roundpoint: À titre d'indication, les zones où se partage la responsabilité entre Akwesasne et Kahnawake, le point auquel Akwesasne commence à assumer certaines responsabilités sur le territoire vers l'ouest est situé à Beauharnois. Dans cette zone, les installations font parties du territoire mohawk d'Akwesasne.
M. Comuzzi: J'ai beaucoup de questions à poser, monsieur le président, mais je n'ai pas suffisamment de temps. Il faudra le faire une autre fois.
Le président: M. Comuzzi, j'apprécie votre participation. J'ai déjà indiqué que j'allais me rendre dans ces collectivités et nous pourrions peut-être préparer ce voyage ensemble. Bien évidemment, l'invitation s'adresse également aux membres de l'opposition qui souhaiteraient nous accompagner. Pour ce qui est d'aujourd'hui... Je sais que M. Keyes a une question supplémentaire qui porte sur un des sujets que vous avez soulevés, M. Crête a manifesté le désir d'intervenir et M. Gouk a également certaines questions à poser. Je note que le temps va nous manquer.
Le chef Two Rivers: Pas à nous.
Le président: Historiquement, vous êtes ici depuis plus longtemps que nous. Votre sens du temps remonte beaucoup plus loin que le mien.
Le chef Two Rivers: Comme je l'ai dit, l'invitation est lancée. Nous aimerions que vous vous décidiez le plus rapidement possible - étant donné les questions que vous et les autres membres du comité n'ont pas pu poser. Je trouve qu'il y a déjà un élément de confrontation lorsque vous étendez l'invitation à l'opposition. Je pensais que vous faisiez tous partie de la même équipe. Votre parti politique et tout ça...
Le président: Chef, j'aime votre remarque et Dieu sait que cela fait longtemps que j'invite MM. Crête et Mercier à se joindre à nous.
Le chef Two Rivers: J'espère que vous pourrez venir le plus tôt possible.
Le président: Certainement.
Le chef Two Rivers: Prenez vos dispositions et nous choisirons des sujets pour avoir une bonne discussion.
M. Comuzzi: Monsieur le président, avant d'aller là-bas, vous avez dit que vous ne souhaitiez pas empêcher le progrès et que vous vouliez participer à l'avenir. Si l'avenir devait prendre la forme d'un organisme dont feraient partie nos amis, aux États-Unis et au Canada, qui s'occupent de la voie maritime, ainsi que vous, bien évidemment, pour qui cette question est vitale, une sorte d'entente tripartite qui administrerait les choses de la voie maritime - je vous demande seulement d'enregistrer l'idée et de voir si elle offre un intérêt.
Le grand chef Roundpoint: C'est ce que nous avions en tête lorsque nous avons proposé la commission conjointe. Pour ce qui est d'aller plus loin, je devrais signaler aux membres du comité que nous avons déjà accueilli à Akwesasne un comité permanent du Parlement, qui avait été invité conjointement par Kahnawake, la nation mohawk et le conseil tribal. Nous avons déjà accueilli le comité autochtone à Akwesasne, un comité y a donc déjà siégé officiellement et je vous invite à faire de même.
M. Comuzzi: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Comuzzi.
M. Keyes, vous aviez une question supplémentaire.
M. Keyes: Oui, monsieur le président, c'est effectivement le cas. Je tenais simplement à apporter une correction au procès-verbal. M. Comuzzi, mon excellent collègue et ami, qui connaît beaucoup mieux la vie que moi...
M. Comuzzi: Il veut dire que je suis plus vieux que lui, monsieur le président.
Le président: Je sais parfaitement ce qu'il veut dire.
M. Keyes: Je voulais simplement préciser certaines choses à nos témoins et aux personnes qui ont entendu les commentaires de M. Comuzzi. En fait, le ministre des Transports a publié un communiqué de presse lorsque le gouvernement du Canada a décidé d'entamer des négociations avec un groupe d'utilisateurs pour lui confier la gestion de la voie maritime du Saint-Laurent. Cela a été rendu public.
Je sais que M. Comuzzi est impatient d'obtenir cette lettre d'intention en particulier et de voir exactement ce qu'elle propose, etc., mais je dois dire que légalement ce sont des sujets qui font encore l'objet de négociations entre le groupe en question et le ministre. Ce processus doit demeurer encore confidentiel. Il y a eu une déclaration publique concernant cette lettre d'intention et l'identité des intéressés, dont un vient de la ville de Hamilton.
Cela dit, monsieur le président, je tiens à remercier le chef Joe Norton, le chef Billy Two Rivers, le grand chef Roundpoint et le chef Mitchell de leur intervention passionnée, c'est peut-être l'intervention la plus passionnée que le comité ait entendue. Cela va me sensibiliser davantage à leurs préoccupations et je comprends mieux ce que représente leur patrimoine. Le temps, comme vous le savez fort bien, est notre meilleur professeur et l'histoire nous enseigne qu'il n'est jamais bon de refuser d'écouter ceux qui veulent nous parler et qu'il faut être rassembleur et non sectaire.
Je tiens à garantir aux témoins que rien ne va changer. Le projet de loi C-44 a pour unique effet de modifier la façon dont va être exploitée la voie maritime. Il existe des questions plus larges qui doivent être résolues et qui concernent les premières nations et le Canada. Bien entendu, ce projet de loi n'a pas pour but de renégocier ou de résoudre l'histoire de ces relations, avec les ports et la voie maritime, mais je tiens à le répéter, le désir de commercialiser l'exploitation de la voie maritime du Saint-Laurent ne va pas modifier, ne va toucher d'aucune façon, ni mettre en danger d'aucune façon, les responsabilités fédérales à l'égard des premières nations.
M. Comuzzi: Monsieur le président, je devrais prendre la parole pour me défendre sur ce point.
Le président: Pourquoi pas?
M. Comuzzi: Je m'en fiche. Je ne peux entendre ces inepties sans réagir.
Il faut savoir que M. Keyes est le secrétaire parlementaire du ministre des Transports et qu'il est dont tenu de faire siennes ses opinions car sinon il ne conserverait pas son poste. Il peut défendre le ministre autant qu'il le veut sur ce point mais cela est tout à fait inacceptable. Je ne tiens pas à savoir ce que dit la lettre d'intention, s'il veut me la communiquer ou non. Cela n'a rien à voir. On nous a confié la mission d'examiner un projet de loi et nous avons besoin d'avoir accès à tous les documents qui s'y rapportent, pour pouvoir en arriver à une décision raisonnée, rationnelle et logique.
M. Keyes: C'est ce que vous êtes en train de faire, M. Comuzzi. C'est exactement ce que vous êtes en train de faire avec ce projet de loi. Vous avez toutes les possibilités que vous voulez.
Le président: Comme vous pouvez le constater, messieurs, c'est nous qui sommes divisés sur cette question.
Je note que c'est une question controversée. Je sais que vous avez adopté une certaine position et que M. Keyes en a adopté une autre; c'est un débat que nous allons essayer de poursuivre de façon ordonnée.
J'aimerais donner au chef Roundpoint la possibilité de répondre.
Le grand chef Roundpoint: Avant d'aller plus loin, j'aimerais demander à ce que notre exposé écrit et les pièces jointes soient consignés au dossier officiel. En effet, je n'ai pu consigner tous ces éléments au procès-verbal à cause de problème de temps.
Pour ce qui est du projet de loi C-44, il y a des articles du projet qui, je dois le dire très franchement, nous insultent et dans une certaine mesure, nous font peur. Une des parties les plus controversées de ce projet est que le ministre aura le pouvoir d'exproprier des terrains supplémentaires. Je ne recherche pas la confrontation mais je dois dire que cela ne se fera jamais. Cela ne peut pas se faire. C'est pourquoi nous allons dire dès le départ que nous nous opposons à ce pouvoir.
J'espère que nous allons poursuivre en essayant de nous comprendre et d'en arriver à une sorte d'entente, tout en faisant des efforts pour résoudre les griefs passés et pour aller de l'avant.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Crête.
M. Crête: Le début de la présentation m'a donné le goût d'apprendre la langue mohawk. Si jamais il y en a qui voulaient faire des échanges, je pense qu'on pourrait facilement vous donner des notions de français et recevoir de vous des notions de mohawk. Ce serait intéressant.
Vous avez soulevé une question importante, et la preuve en est faite par le côté un peu imbroglio de la situation. Moi, je trouve que la lettre du ministre n'est sécurisante d'aucune façon pour vous, surtout quand il dit que les activités des Mohawks ne devraient pas être affectées par le projet de commercialisation. C'est évident que quand on dit «ne devraient pas», ce n'est pas la même chose que «ne seront pas». Je comprends donc vos réclamations et je crois que la question est tellement importante qu'il faudrait absolument aller faire la visite avant de procéder à l'étude article par article du projet de loi.
Cette étude est prévue pour le 5 novembre, mais étant donné l'importance de cette question-là, il serait important qu'on puisse aller vous rencontrer avant de la commencer pour éviter de s'embarquer dans un processus qui soit inutile.
J'en arrive à ma question. Je pense qu'on a la preuve ce matin que le Canada est un pays qui ne réussit jamais à régler ses problèmes. Vous en avez fait la démonstration de façon assez évidente. Je voudrais savoir si la commission conjointe que vous proposez dans le modèle est une commission tripartite du Canada, des États-Unis et des Mohawks ou s'il s'agit d'un autre type de commission. Quel genre d'intervention verriez-vous dans ce type de situation-là pour qu'on puisse avoir au moins une idée préliminaire de votre vision des choses à cet égard?
Je voudrais ajouter un dernier commentaire. Si jamais le gouvernement adoptait le projet de loi C-44 sans tenir compte de vos suggestions, utiliseriez-vous d'autres moyens pour obtenir justice selon votre vision des choses?
[Traduction]
Le grand chef Roundpoint: Merci beaucoup, monsieur. J'apprécie de savoir que vous aimeriez apprendre le mohawk. C'est une langue très difficile, tout comme je trouve que le français est une langue difficile.
La commission, le comité, ou la table ronde ou l'organisme proposé serait le cadre qui nous permettrait le mieux d'arriver à une résolution équitable des difficultés. Cet organisme devrait avoir le pouvoir d'agir au nom du Canada, d'agir au nom des Mohawks, y compris des Mohawks qui résident à l'heure actuelle sur ce que vous considérez comme étant les États-Unis, parce que nous ne voulons pas agir de façon individuelle. Lorsque nous nous décidons, nous nous prononçons pour l'ensemble des Mohawks.
Nous devons tous travailler de bonne foi et ne pas oublier que ce que nous faisons doit être bon pour les sept générations qui vont nous suivre. Ce que nous décidons ne peut pas avoir de répercussions négatives pour les enfants à venir. De sorte que quelle que soit la forme que vous préférez, je suis tout à fait prêt à accueillir vos suggestions.
Il y a une chose que j'aimerais, c'est que nous mettions sur pied cette commission, ce comité ou quel que soit le nom que nous allons lui donner, assez rapidement. J'espère qu'il pourra commencer à siéger avant l'arrivée de la saison de Noël.
Pour répondre à votre autre question, je dirais que nous avons d'autres recours. Nous connaissons tous le système judiciaire et les autres systèmes mais je suis tellement optimiste que je ne voudrais pas explorer davantage ces solutions parce que j'estime qu'entre gens raisonnables, il devrait être possible de résoudre les difficultés qui peuvent nous séparer. Merci.
[Français]
M. Crête: Je crois comprendre de vos représentations que vous êtes en faveur d'une relation de nation à nation au sein d'une commission plutôt que d'un modèle où des intervenants privés prendraient la gestion de la Voie maritime; à ce moment-là, l'intervention des États serait beaucoup moins importante.
Je répète ma dernière question, que vous avez peut-être oubliée. Si le projet de loi C-44 était adopté tel quel, prendriez-vous prendre d'autres mesures pour faire respecter vos droits?
[Traduction]
Le grand chef Roundpoint: Pour faire bien reconnaître nos droits, nous sommes prêts à frapper à toutes les portes qui s'offrent à nous, et même à celles qui ne s'offrent pas. Lorsque je parle des droits, je parle des droits de l'avenir et des droits du passé.
Je ne saurais trop insister sur ce point. En ce moment, j'ai beaucoup d'espoir. J'ai beaucoup d'espoir que grâce à des discussions, nous allons trouver des solutions mutuellement satisfaisantes à ces difficultés. Vous m'avez demandé si je prendrais d'autres mesures si cela était nécessaire. Pour défendre le peuple d'Akwesasne, je crains devoir vous dire que oui, nous prendrons toutes les mesures qu'il faudra pour régler ceci.
Le président: Merci.
Le grand chef Roundpoint: Bien entendu, une des possibilités est le recours aux tribunaux canadiens.
Le président: Absolument. Chef Mitchell, voulez-vous répondre à cela?
Le chef Mitchell: Oui. Il y a des choses qui vont changer. À l'heure actuelle, il faut que vous sachiez qu'il y a déjà eu des changements importants devant le tribunal dont parle le grand chef. La semaine dernière ou à peu près, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Adams, une affaire de pêche, à Akwesasne a été rendue publique et elle a réaffirmé le droit autochtone, ce qui va nous permettre de remettre en question certaines choses plus vigoureusement qu'avant. Je suis à l'heure actuelle à Ottawa au niveau de la Cour fédérale au sujet du passage des frontières. Il y a d'autres choses qui vont se préciser.
D'une façon ou d'une autre, si quelqu'un voulait avancer trop vite dans ce dossier, il faudrait qu'il sache que la nation mohawk prendra des mesures vigoureuses, que ce soit par les tribunaux ou à d'autres niveaux. Et sur cette question, cela peut aller jusqu'au niveau des Nations Unies, au niveau international.
Mais nous sommes venus ici pour dire, entamons un dialogue dans le cadre d'une commission et voyons jusqu'où nous pouvons aller en échangeant des informations et en décrivant nos préoccupations respectives.
Le président: J'apprécie le fait que vous ne souleviez pas les autres questions et que vous soyez venus en fait ici à notre demande.
Le grand chef Norton: J'aurais une brève remarque à faire au sujet du commentaire de M. Crête et de la discussion générale qui se déroule ici.
La lettre qu'a envoyée M. Anderson à M. Keyes ne nous donne pas le genre d'assurance que nous recherchons pour ce qui est de nous expliquer ou du moins de nous garantir que le projet de loi C-44 va refléter ce qui se trouve dans la lettre de M. Anderson.
En fait, nous avons reçu d'autres documents. Voici un communiqué dont un paragraphe indique que la commercialisation de la loi maritime ne va pas modifier les responsabilités fédérales à l'égard des premières nations, notamment, pour ce qui est de la reconnaissance constitutionnelle des droits issus de traités et qu'elle ne va pas non plus toucher les ententes fédérales actuelles ni la capacité de négocier d'autres ententes avec les premières nations. Cela figure dans un communiqué émanant de M. Anderson. Il a été publié le 10 juin, si je ne m'abuse.
Nous venons de prendre connaissance de ceci tout récemment. En fait, nous venons de découvrir ceci aujourd'hui. Cela ne figurait pas dans le communiqué original qui a été publié le 10 juin. Nous venons d'apprendre ceci aujourd'hui. C'est fort bien de voir le ministère de M. Anderson affirmer ces choses mais, d'un autre côté, cela ne se retrouve pas dans le projet de loi. Vous pouvez en faire une politique mais les politiques peuvent être modifiées et dans 10 ans d'ici, lorsque les groupes d'utilisateurs demanderont autre chose...
Et toute cette idée de société à but non lucratif est excellente - il est possible que cette société ne fasse pas de bénéfices mais ce sont les utilisateurs qui vont en faire. Par rapport au projet de loi qui va être adopté, cela ne nous donne aucune garantie. Les choses que l'on vient d'inclure en ce moment pour ce qui est de la politique - ainsi que la lettre émanant du ministre lui-même - ne nous rassurent aucunement.
Le président: Je sais que M. Gouk a une question à poser et je tiens ensuite à revenir sur un point avant de terminer.
M. Gouk: Mesdames et messieurs, je suis très heureux d'avoir pu vous entendre aujourd'hui. Je viens de la Colombie-Britannique qui se trouve peut-être aussi loin qu'il est possible de l'être de ce problème, tout en faisant partie du même pays. Il est très facile de regarder ceci de l'extérieur et d'écarter le genre de choses que nous entendons et le genre de revendications que vous faites. Même aujourd'hui en me préparant pour cette audience, j'avais tendance à penser que votre comparution n'allait guère influencer les choses.
Vous avez fait de l'excellent travail. Vous avez présenté votre position d'une façon inattendue pour moi. Cela va m'obliger à réfléchir sérieusement à toute cette question. De toute évidence, elle est plus complexe qu'il n'y paraît. J'aimerais penser que je me trouve dans une zone très éloignée et qui n'est pas touchée par tout cela. La façon dont vous avez présenté les choses aujourd'hui m'a paru très raisonnable et, comme je l'ai dit, tout à fait imprévue. Nous allons devoir parler beaucoup plus de toute cette question. Je ne dirais pas que je souscris à tout ce que vous dites mais après vous avoir entendu aujourd'hui, je ne vais certainement pas dire non plus que je suis contre tout ce que vous avez dit.
J'aurais peut-être deux questions. Premièrement, si le projet de loi contenait un article qui reprendrait ce qui se trouve dans le communiqué mais pas dans le projet, si cela se retrouvait dans le corps du projet de loi... Je comprends que vous souhaitez faire déboucher cette question, que vous commencez à vous impatienter avec ce que donnent les autres méthodes et que vous aimeriez utiliser ceci comme un catalyseur qui ferait bouger les choses. Mais si l'on vous garantissait que ce projet de loi ne réduirait pas ou supprimerait quoi que ce soit qui vous appartient, cela ne réglerait-il pas la question que soulève le projet de loi C-44 à l'heure actuelle?
Le grand chef Roundpoint: J'estime malheureusement que non parce qu'il y a aussi 50 ans de griefs accumulés qui doivent être réglés. L'adoption du projet de loi C-44 ne ferait que compliquer la résolution de tous ces griefs accumulés.
Pour peut-être aider le comité, je suggérerais que la commission que nous allons former essaie d'établir un traité moderne. Il existe un précédent. Il s'agit de la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales qui a été conclu entre vous et les États-Unis.
Excusez-moi de mentionner que cette fois-ci, nous allons insister pour que le projet de loi adopté garantisse ce que vous avez convenu de faire, il faut tenir compte de l'histoire, je le regrette.
le grand chef Norton: Si vous le permettez, je vais vous fournir une réponse qui se fonde davantage sur des principes ou des idées que des mesures concrètes, bien qu'elle puisse déboucher également sur cela.
Lorsqu'on examine les lois qui ont été adoptées dans ce pays d'une façon générale, on constate que l'on s'intéresse parfois trop rapidement à leur effet immédiat. Il y a une cause et il y a un effet. Nous examinons l'effet immédiat pour ensuite examiner l'effet à long terme du passé. Je veux en venir au fait que, même dans la constitution du pays, dans un certain sens, qui contient un article sur les droits autochtones et issus de traités, nous aimerions voir quelque chose qui empêche les gouvernements et les grandes sociétés de nous imposer des choses. Je crois que c'est cela que nous recherchons avec ce projet de loi.
Il existe un processus qui permet au chef Roundpoint et au chef Norton et à qui que ce soit d'autre de s'entendre, il existe un processus qui nous permet de régler notre situation dans des circonstances bien différentes de celle que vous connaissez avec la collectivité non autochtone qui se trouve à 10 milles de chez nous en amont ou à 10 milles de chez nous en aval. Les circonstances sont différentes.
Nous recherchons une façon qui permettrait de résoudre les problèmes de façon plus précise et de créer de meilleurs rapports. Cela vous paraît-il logique?
M. Gouk: Oui, tout à fait. J'ai lu aussi vite que je pouvais votre documentation. Il y a beaucoup de questions qui me sont immédiatement venues à l'esprit mais après votre exposé, je crois que je vais réfléchir un peu à tout cela et nous aurons ensuite d'autres discussions sur cette question.
Le président: J'aimerais aborder un point et ensuite, poser une dernière question. Cela va au-delà... Je crois que M. Keyes a fait remarquer à juste titre que le comité s'était vu confier des responsabilités très limitées à l'égard de ce projet de loi.
Le peuple mohawk a une relation spéciale avec le gouvernement fédéral. Il a de nombreuses ententes avec le gouvernement fédéral et de nombreuses garanties de certains droits qu'il appartient également au ministre Irwin de connaître. Je vais parler au ministre Irwin et j'ai parlé au greffier de communiquer avec le président de ce comité, parce qu'il y a plus d'une entité d'impliquée par ce genre de questions et nous voulons être sûrs d'avoir abordé tous les aspects pour ne pas avoir à faire face de nouveau à ce genre de choses. Nous avons l'intention d'aborder des questions très simples comme la commercialisation des activités portuaires et ce genre de choses.
Vous parlez du projet de loi C-44 parce que ce projet porte sur la voie maritime mais vous ne posez pas de questions au sujet du port de Montréal, de Québec ou de Halifax. Vos préoccupations visent uniquement la voie maritime du Saint-Laurent à l'endroit où elle passe à travers vos terres ou est visée par une autre entente historique. Il me paraît important d'établir cette distinction parce que la voie maritime n'est qu'une partie d'un projet de loi plus vaste.
Le grand chef Norton: Eh bien, Montréal fait partie de notre territoire, de sorte que...
Des voix: Bravo, bravo.
Le président: Monsieur Cullen, voulez-vous faire un commentaire?
M. Cullen: Merci, monsieur le président. Je tiens également à remercier les chefs de leur intervention. Je l'ai trouvée très convaincante et riche d'enseignements.
Je voudrais revenir sur un commentaire qu'a fait un de mes collègues d'en face, du Bloc québécois. J'ai été frappé par la générosité d'esprit qui semblait émaner de l'autre côté de la table et j'espère que... Je suis sûr que je vais suivre ces choses, tout comme vont le faire les premières nations, pour voir si l'on retrouve cette même générosité d'esprit dans les discussions qui vont suivre, parce qu'à ma connaissance, il ne semble pas qu'on la retrouve dans les autres politiques qu'ont adoptées leurs collègues de la ville de Québec.
J'aimerais aussi noter, pour le procès-verbal, que je ne pense pas qu'au aurait dû vous demander ce que vous feriez si l'on ne tenait pas compte de vos préoccupations, parce que c'est justement la raison pour laquelle vous êtes ici et pour laquelle nous voulons continuer à discuter de ces choses. J'apprécie donc votre modération et je suis content de savoir que nous allons poursuivre ces discussions.
Le président: Monsieur Keyes, aviez-vous un autre commentaire?
M. Keyes: Je veux que tout le monde sache que nous avons une copie du communiqué de presse qui a été émis par le ministre des Transports au sujet de la lettre d'intention conclue avec le groupe d'utilisateurs et le...
M. Comuzzi, vouliez-vous lever la main et poser une question?
M. Comuzzi: Allez-y donc.
M. Keyes: Monsieur Comuzzi, je ne tiens pas du tout à faire de la propagande. J'essaie uniquement de clarifier un point que vous avez soulevé, à savoir que nous en savions aussi peu que nos témoins. Le fait est que le 17 juillet, le ministre a publié un communiqué de presse qui contient les renseignements qui ont été remis non seulement à la presse mais bien entendu aux députés. J'en remettrai un à tous ceux qui le demandent.
Le président: Merci, monsieur Keyes.
Merci beaucoup. Voilà du temps qui a été bien utilisé.
Le grand chef Roundpoint: Merci.
Le président: Pour votre information, messieurs les membres du comité, nous allons faire une pause maintenant et nous réunir à 13 heures sous la présidence de M. Comuzzi.
[Français]
Le président suppléant (M. Cullen): Nous allons commencer. Bienvenue à Mme Brisson et à M. Paré d'Air Canada.
[Traduction]
La façon dont nous fonctionnons est que nous vous demandons de limiter vos commentaires à une dizaine de minutes, si cela est possible, pour laisser du temps pour les questions. Mais en fait vous avez la parole pour une demi-heure environ, si c'est ce que vous souhaitez. Nous aimerions bien avoir un peu de temps pour entamer une discussion. Veuillez donc...
Mme Christiane Brisson (directeur général, participation du personnel, Air Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Bon après-midi, mesdames et messieurs.
[Français]
Je ne devrais pas dire «mesdames», car il n'y a pas de dames à la table.
[Traduction]
Avant d'aller plus loin, j'aimerais tout d'abord m'excuser auprès des membres francophones du comité.
[Français]
Malheureusement, on a eu un problème d'ordinateur très grave. On a perdu beaucoup de nos logiciels et on n'a pas pu obtenir les copies françaises pour vous cet après-midi. Toutes nos excuses.
Une voix: On peut composer avec cela, madame.
Mme Brisson: Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Je voudrais d'abord, au nom des employés d'Air Canada, vous remercier de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui.
Chez Air Canada, j'ai comme mandat d'amener les employés à participer aux activités de la société d'une manière telle qu'ils comprennent bien sa mission et contribuent à l'atteinte de ses objectifs. Je suis également chargée de faire connaître les vues et les intérêts des employés et de leurs familles aux décideurs et autres intervenants.
C'est ce deuxième volet de mon mandat qui m'amène ici aujourd'hui. Je voudrais faire valoir en quoi la nouvelle politique canadienne sur le transport aérien international et les décisions prises depuis son adoption, en décembre 1994, ont affecté mes 20 000 collègues d'Air Canada et leurs familles.
Je crois utile de reconnaître avant toute chose les efforts substantiels consentis en 1994 par le ministre Young et son équipe de Transports Canada pour résoudre les problèmes qui empoisonnaient le secteur du transport aérien au Canada alors que l'ancienne politique de partage du monde était en vigueur.
Après presque deux ans, nous constatons que les résultats de cette nouvelle politique sont très variables. D'un côté, nous découvrons certaines initiatives notables pour rendre l'industrie aéroportée canadienne plus compétitive et plus sensible aux fluctuations du marché. On peut citer ici comme exemple de réussite le traité canado-américain sur l'ouverture des espaces aériens. D'autre part, je peux affirmer honnêtement, au nom des employés d'Air Canada, que la politique sur le transport aérien international de 1994, laquelle visait à rendre l'industrie canadienne du transport aérien plus compétitive et plus sensible aux exigences du marché, n'a pas réussi à soustraire aux influences politiques les décisions du gouvernement qui ont une incidence sur l'industrie.
Selon nous, l'industrie canadienne du transport aérien demeure polarisée et aussi inspirée par des impératifs politiques qu'elle l'était lorsque le programme de partage du monde était en vigueur. J'irais même jusqu'à dire que l'antagonisme est-ouest s'en est trouvé renforcé. Sans l'ombre d'un doute, l'emplacement du siège social d'une compagnie aérienne et des locaux réservés à ses employés est plus important que le service au public voyageur, que la contribution à la croissance économique et que la concurrence.
La nouvelle politique sur le transport aérien international a renforcé l'influence du lobbying et des milieux politiques sur la réussite des compagnies aériennes au lieu de développer leur capacité de lancer de nouveaux services, de créer des emplois et de devenir une source de profit pour les Canadiens et les Canadiennes. Je vous invite à jeter un coup d'«il au document qui cite les avantages économiques que peut tirer le Canada d'une augmentation de la fréquence des vols à destination de Hong Kong. Seulement trois vols de plus par semaine, et vous verriez le nombre d'emplois que l'on pourrait créer!
Je ne veux pas m'appesantir sur les aspects négatifs. Je voudrais plutôt profiter de l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui pour résumer les étapes que nous, les employés d'Air Canada, prions ce comité d'examiner, pour que la politique sur le transport aérien international du Canada puisse atteindre son altitude de croisière.
Reconnaissons d'abord que toutes les compagnies aériennes ont été privatisées dans ce pays. Nous sommes donc en présence d'une industrie financée à 100 p. 100 par le secteur privé. Nous, qui sommes dans l'industrie aérienne, n'avons ménagé ni nos efforts ni notre peine pour en arriver là. Nous vous prions donc instamment de donner à cette industrie privée les moyens de devenir pleinement concurrentielle et de faire ses affaires sans ingérence gouvernementale.
Arrêtons de protéger les compagnies aériennes de leurs concurrents ou de favoriser les transporteurs étrangers au détriment des compagnies canadiennes. L'exemple le plus patent est sans contredit l'intervention du gouvernement canadien sur la route de Hong Kong, où Cathay Pacific, la compagnie d'État de Hong Kong, se classe au premier rang avec 26 vols par semaine. Les Lignes aériennes Canadien International offrent neuf vols par semaine alors qu'Air Canada s'est vu imposer une limite de quatre vols par semaine. Deuxièmement, Air Canada ne peut desservir Tokyo, le plus gros marché du Japon. Il s'agit là de deux contraintes imposées à Air Canada par le ministre des Transports.
Veuillez s'il vous plaît accorder toute votre attention à Air Canada et à d'autres transporteurs comme Air Transat et Air Club, pour n'en nommer que deux, qui ont exprimé leurs préoccupations par rapport à la politique et qui espèrent un changement pour le mieux.
Reconnaissons que, dans l'industrie du transport aérien, le contingentement imposé pour l'octroi des droits de désignation de second transporteur prive abusivement le Canada d'emplois, de services et d'une juste concurrence. À tout le moins, faisons donc, du seuil de 300 000 passagers servant à la désignation double un instrument stable et équitable, non pas un outil de discrimination à l'endroit de certaines compagnies aériennes.
Cette stratégie d'établissement de seuils ne se limite pas à un seul itinéraire. Cette forme d'ingérence gouvernementale prend des allures d'épidémie. Comme les seuils imposés ne s'appliquent qu'aux passagers prenant des vols réguliers et excluent tout le trafic des vols nolisés, Air Canada se voit interdire l'accès du Mexique, un membre à part entière de l'ALENA. Air Canada n'a pas non plus accès à l'Italie, à la Chine, à Taïwan, à la Thaïlande, à tous les pays d'Amérique latine ni à Amsterdam même si, en nous fondant sur les critères de la politique sur le transport aérien international, on peut facilement défendre le dossier de la compagnie aérienne sur toutes ces routes.
Essayons également de rendre la politique canadienne sur le transport aérien international équitable, ouverte, transparente et facilement compréhensible pour les employés des compagnies aériennes canadiennes. En d'autres termes, tous les transporteurs canadiens qui offrent des vols réguliers, devraient avoir une chance égale de poser leur candidature à la double désignation. En outre, les demandes de service devraient être accessibles au public, pour examen. Enfin, l'évaluation des demandes de service des transporteurs devrait être confiée à un organisme gouvernemental comme l'Agence canadienne des transports, avant que le ministre ne soit saisi du dossier.
Cela signifie que les décisions sur les demandes de service des transporteurs devraient être fondées sur des preuves et sur une argumentation pour que chacun, dans l'univers du transport aérien, comprenne ce qui a motivé la décision et voie clairement les avantages que le Canada et les transporteurs canadiens en retireront. Enfin, chose non négligeable, cela réduirait les aspects discrétionnaires et subjectifs de la décision du ministre et renforcerait la responsabilité de ce dernier.
Toutes ces mesures visent l'atteinte d'un objectif unique: amener le gouvernement fédéral à se retirer du dossier du transport aérien international. Cela permettrait aux transporteurs aériens internationaux de bénéficier de la même garantie d'intégrité que celle dont jouissent les transporteurs domestiques et transfrontaliers.
Nous devons reconnaître que seules les compagnies aériennes canadiennes peuvent créer des emplois et des investissements dans notre pays... pas les sociétés étrangères. Seules les lignes aériennes canadiennes peuvent contribuer de cette façon au développement économique. Le meilleur exemple est le rachat, par Air Canada, des avions à réaction de transport régional de Canadair. À n'en pas douter, la politique canadienne sur le transport aérien international devrait admettre ce fait, et nos compagnies aériennes devraient avoir une chance au moins égale d'accéder à la totalité des marchés mondiaux.
Je vous invite à examiner le nombre d'emplois créés par Air Canada et ses employés, les profits, les échanges commerciaux et touristiques, là où les règles du jeu sont équitables - aux États-Unis, en Europe ou au Canada.
Au cours des deux dernières années, j'ai eu des entretiens avec des centaines d'employés d'Air Canada d'un bout à l'autre du pays. Jusqu'ici, personne ne comprend pourquoi le gouvernement fédéral continue à protéger certaines lignes aériennes de la concurrence dans notre pays et empêche en même temps d'autres sociétés d'offrir au Canada des avantages économiques dignes de mention.
Lors d'une récente conférence internationale intitulée Mondialisation des économies et compétitivité... enjeux, mythes et réalité, qui s'est tenue à Montréal le 10 juin 1996, les principaux ministres fédéraux ont réaffirmé l'engagement du gouvernement à élaborer des politiques qui encouragent la concurrence.
Dans ce contexte, la position du gouvernement canadien dans le secteur du transport aérien, particulièrement en ce qui a trait au transport international, demeure hautement restrictive. Les choses doivent changer. Le gouvernement doit se retirer du dossier du transport aérien international comme il l'a fait les secteurs du transport aérien domestique et transfrontalier.
C'est sur cette question que je termine mon exposé; je vous remercie de votre présence et de votre intérêt.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, madame Brisson.
Monsieur Paré, voulez-vous ajouter quelque chose à ce mémoire?
M. Jacques Paré (chef de service - Affaires internationales et de l'industrie, Air Canada): Pas vraiment monsieur le président, nous serons heureux de répondre à vos questions si vous en avez.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Keyes.
M. Keyes: Madame Brisson, avez-vous une idée de ce que sont les accords bilatéraux de trafic aérien?
Mme Brisson: Oui, monsieur. Je ne fais pas partie de la direction des affaires internationales d'Air Canada - contrairement à M. Paré - mais oui, j'ai très souvent affaire dans ce secteur et ils me tiennent au courant.
M. Keyes: Ces ententes bilatérales sont-elles des choses simples, risquées ou compliquées?
Mme Brisson: Non, pas du tout.
M. Keyes: S'agit-il juste de prendre le téléphone, d'appeler Hong Kong et de dire: «Je veux cinq vols à destination de Hong Kong»?
Mme Brisson: Non, monsieur Keyes.
Si vous voulez me donner un exemple précis, je vous répondrai.
M. Keyes: Utilisons donc l'exemple de Hong Kong. Quel est l'accord bilatéral et comment a-t-il pris forme entre les deux pays?
Mme Brisson: Il y a eu une négociation. Le gouvernement de Hong Kong n'avait pas d'objection à ce qu'Air Canada ait un vol quotidien vers Hong Kong, mais la limite de quatre vols a été expressément demandée à l'époque par le ministre Young, et le ministre Anderson l'a maintenue.
M. Keyes: Quelle fréquence de vol Air Canada avait-il exigée, à l'origine, pour desservir Hong Kong?
Mme Brisson: Quand Air Canada a demandé l'autorisation d'aller à Hong Kong, il y a de nombreuses années, Cathay Pacific n'avait pas 26 vols par semaine et Canadien n'en avait pas 9. Ils en ont eu jusqu'à 13, à un moment donné.
Les restrictions imposées à Air Canada pour les vols à destination de Hong Kong viennent du ministre lui-même.
M. Keyes: Mais vous n'avez pas répondu à ma question. À quelle fréquence Air Canada voulait-il voler à l'origine?
Mme Brisson: À l'époque, monsieur, Air Canada avait demandé quatre vols, mais ce n'était pas une disposition législative et ce n'était pas coulé dans le béton.
M. Keyes: Combien d'accords bilatéraux le Canada a-t-il négociés avec d'autres nations? Êtes-vous au courant?
Mme Brisson: Non, monsieur, je ne pourrais pas vous le dire.
M. Keyes: Monsieur Paré, le savez-vous?
M. Paré: J'hésiterais à vous citer un chiffre précis, mais je dirais que le Canada a des accords bilatéraux avec la plupart des pays de la planète, à l'exception peut-être de l'Afrique.
M. Keyes: Bon! Nous parlons donc d'environ 65?
M. Paré: J'allais dire environ 60, oui.
M. Keyes: Dans combien de ces 60 traités Air Canada intervient-il?
Mme Brisson: Je ne pourrais pas vous répondre.
M. Keyes: C'est pourtant important de savoir combien. Vous ignorez combien d'accords bilatéraux Air Canada a signés? Je trouve cela assez étrange.
Mme Brisson: Monsieur Keyes, je ne sais pas où vous voulez en venir précisément avec vos questions.
M. Keyes: Je pose juste une question. Combien d'accords bilatéraux Air Canada a-t-il signés avec d'autres pays?
Mme Brisson: Qu'est-ce que cela apporterait au comité si nous vous donnions le chiffre exact à l'instant même?
M. Keyes: J'essaie d'obtenir certains renseignements des témoins.
Mme Brisson: Nous abordons ici des questions fort problématiques et au sujet desquelles le ministre des Transports en particulier est injuste envers Air Canada. Je ne parle pas des accords bilatéraux, qui sont équitables pour tous les transporteurs qui offrent des services à l'extérieur du Canada sur la scène internationale.
M. Keyes: Monsieur le président, tout ce que j'essaie de faire, c'est de glaner certains renseignements. Selon notre entendement, le Canada a signé environ 65 accords bilatéraux avec d'autres pays. De toute évidence, les cadres de direction d'Air Canada sauraient combien...
Le vice-président (M. Comuzzi): Voulez-vous entreprendre les démarches requises pour fournir ces renseignements au comité?
Mme Brisson: Certainement monsieur. Nous fournirons ces renseignements au comité.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je voudrais vérifier si je comprends bien, monsieur Keyes. La question est la suivante: combien d'accords bilatéraux le Canada a-t-il conclus avec d'autres pays, combien de ces accords sont toujours en vigueur et pour quelles destinations.
M. Keyes: En outre, il serait utile à la bonne marche des travaux du comité d'obtenir du témoin l'information complémentaire suivante: «Quel pourcentage des vols régis par ces accords Air Canada gère-t-il lui-même»?
Le vice-président (M. Comuzzi): Pouvez-vous donner suite à cette demande, madame Brisson?
Mme Brisson: Oui.
Le vice-président (M. Comuzzi): Ce serait utile.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Merci, monsieur le président.
À l'heure actuelle, 13 vols par semaine sont offerts par des transporteurs canadiens à destination de Hong Kong.
Mme Brisson: C'est exact, monsieur.
M. Gouk: Il y en a 9 pour Canadien et 4 pour vous. Si vous en aviez plus, seraient-ils inclus dans ces 13 vols, ou ajoutés?
Mme Brisson: Ce serait en plus des 13. Cela ne changerait rien pour les compagnies aériennes canadiennes. Canadien a un accès libre à Hong Kong. La compagnie pourrait mettre 25 vols à l'horaire demain matin si elle le voulait. Il y a des...
M. Gouk: Il y a des créneaux de temps disponibles dans...
Mme Brisson: S'ils ont le droit de voler, monsieur, ils peuvent négocier des créneaux - aucun doute à ce sujet.
M. Gouk: Ça équivaut à prétendre que nous pouvons négocier des vols à destination de l'aéroport Kennedy - nous pouvons négocier n'importe quoi; s'il n'y a pas de créneau disponible, nous n'irons pas à Kennedy.
Mme Brisson: Monsieur Gouk, je peux vous dire qu'à chaque calendrier de l'IATA, Air Canada essaie d'obtenir ces créneaux au cas où le ministère des Transports lui accorderait, au nom du gouvernement, le droit de mettre plus de trois vols à l'horaire. Ainsi, si nous pouvons obtenir ces créneaux... - puisque nous n'avons pas le droit d'y aller maintenant, nous prenons ces mesures juste au cas où... Je pense que Canadien a le droit de négocier un plus grand nombre de vols. En fait, auparavant, ils offraient 13 vols. Ils avaient même l'intention d'offrir 17 vols à un certain moment. S'ils ont choisi de ne pas le faire, c'est dû à des considérations commerciales; ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas autorisés à le faire, soit à cause du manque de créneaux, soit à cause des traités bilatéraux.
M. Gouk: Dans quels pays d'Europe non desservis par Canadien vous rendez-vous?
Mme Brisson: Aucun.
M. Gouk: Aucun?
Mme Brisson: Voulez-vous parler des destinations desservies par Air Canada?
M. Gouk: C'est exact.
Mme Brisson: Vous voulez dire des marchés d'envergure?
M. Gouk: Oui, des grands marchés, comme Paris.
Mme Brisson: Air Canada est autorisé à aller à Paris. Nos dirigeants ont simplement décidé de se retirer du marché français. Nous avons les mêmes droits à destination de l'Allemagne et nous allons au Royaume-Uni. Tous les autres marchés d'Europe sont sous le seuil des 300 000 passagers.
M. Gouk: Tel que je le comprends, vous avez fait allusion dans votre exposé d'aujourd'hui au programme de partage du monde. À ce moment-là, l'entente prévoyait que certains pays seraient desservis en exclusivité par Air Canada.
Mme Brisson: À l'époque, monsieur.
M. Gouk: Et Canadien bénéficiait, en exclusivité, du même droit d'accès à certains marchés.
Mme Brisson: C'est exact.
M. Gouk: Le marché asiatique était l'une des destinations que Canadien pouvait desservir et annoncer en exclusivité. Ce n'était pas particulièrement lucratif à l'époque, mais c'était son choix, quel qu'en soit le motif.
L'accès à un bon nombre des destinations européennes - voire à la plupart d'entre elles - a été obtenu grâce à l'achat de nouvelles compagnies aériennes au moment même où la situation financière de la société auraient dû écarter de telles transactions. On est néanmoins allé de l'avant, et c'est en rachetant une société aérienne comme Wardair qu'on a eu accès de nouvelles destinations, n'est-ce-pas?
Mme Brisson: On peut être plus précis. Les destinations convoitées étaient au nombre de trois: la France, le R.-U. et l'Allemagne.
M. Gouk: Oui. De telle sorte qu'Air Canada et Canadien ont développé parallèlement leurs propres marchés. Écoutez, corrigez-moi si j'ai tort, mais je comprends qu'Air Canada veut maintenant récupérer les marchés que la compagnie Canadien a ouverts et que vous avez quittés au moment où vous cherchiez d'autres débouchés. Ce sont de toute évidence des marchés très lucratifs actuellement. Personne n'aurait sans doute pu prévoir cela à l'époque. C'est le dilemme dans lequel je me sens pris moi-même. Nous voulons être justes, ouverts et équitables, mais il faut admettre que les ententes précédentes ont créé une situation où vous aviez accès à certains marchés et les autres transporteurs à d'autres. Vos concurrents ont ouvert leurs propres marchés et vous avez ouvert les vôtres. Et maintenant, ils ont accès à un marché particulièrement lucratif.
Mme Brisson: D'accord.
M. Gouk: Si les débouchés sont si nombreux sur ces marchés que vous pourriez vous y installer et avoir des vols viables, ne vous semble-t-il pas raisonnable que votre concurrente ajoute d'autres vols pour s'emparer de cette nouvelle part de marché? Je suis certain qu'ils n'ont pas l'intention de laisser échapper des possibilités d'affaires.
Mme Brisson: Non, mais c'est une décision qui doit découler de l'étude de marché. Vous devriez aller leur poser la question, monsieur. Si la politique est passée du partage du monde à ces nouvelles dispositions fondées sur un seuil de 300 000 passagers, c'est parce qu'il y avait une demande. Maintenant que toutes les compagnies aériennes sont privatisées, un peu partout dans le monde, nous devons fonder les décisions sur les marchés. Autrement, aucune compagnie aérienne ne pourra tenir le coup. Ce n'est pas parce que nous volons vers Paris, Londres et l'Allemagne aujourd'hui que nous pouvons être sûrs de réussir.
M. Gouk: Je n'ignore pas que les temps changent.
Mme Brisson: Vous parlez...
M. Gouk: Vous avez fait valoir certains points intéressants mais, de toute évidence, nous devrons interroger vos concurrents pour obtenir leur version.
Le vice-président (M. Comuzzi): Nous sommes légèrement en retard sur notre horaire et je sais que vous avez encore beaucoup de questions monsieur Gouk, mais nous y répondrons après la séance.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête: On voit comment le procès d'Air Canada se fait dans le gouvernement canadien actuel.
Je vous remercie de la clarté de votre présentation et de la manifestation de l'exaspération d'Air Canada. Il faut qu'une compagnie ait du courage pour venir ici et dire au gouvernement les choses telles qu'elles sont.
Les questions de M. Keyes m'indiquent que le Comité des transports aurait peut-être intérêt à se pencher là-dessus de façon approfondie. Est-ce que vous vous opposeriez à ce que le Comité des transports demande à Air Canada et à Canadien de venir expliquer leurs deux positions pour qu'on puisse voir, au nom de l'ensemble des Canadiens, quelle est la réalité vécue? Il ne s'agit pas nécessairement de faire le procès d'Air Canada ici, mais d'analyser la situation globale pour voir s'il n'y a pas une compétition indue qui est attribuable à des interférences politiques, qu'on connaît très bien, dont on connaît les raisons d'ailleurs et qui sont directement liées à la caisse électorale du parti libéral.
Cela dit, pour que les gens comprennent bien, est-ce que vous pourriez, madame Brisson, nous préciser qui sont les propriétaires d'Air Canada?
[Traduction]
M. Keyes: C'est inadmissible, monsieur le président. Tout à fait inadmissible.
Voulez-vous qu'on commence à faire intervenir des considérations politiques sur cette question? C'est vraiment ça que vous voulez? On peut commencer tout de suite...
Le vice-président (M. Comuzzi): Juste une minute, monsieur Keyes.
[Français]
M. Crête: Monsieur Keyes, je vous ai laissé parler tantôt. Taisez-vous donc! Vous avez dit toutes sortes de bêtises. Vous avez été très agressif envers Mme Brisson et vous allez accepter maintenant que je pose ma question.
[Traduction]
M. Keyes: Je n'ai pas fait valoir d'argument politique. C'est vous qui l'avez fait.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Keyes, monsieur Keyes.
Avez-vous une question à poser?
[Français]
M. Crête: Vous êtes vous-même political jusque-là! Vous vous organisez pour que Canadien reste en vie artificiellement.
[Traduction]
M. Keyes: De toute évidence, vous êtes très frustré.
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête: Oui, très frustré par cette situation-là.
[Traduction]
M. Keyes: Oui, cela se voit.
[Français]
M. Crête: Donc, je vais revenir à ma question à Mme Brisson.
Est-ce que vous pouvez nous dire qui est propriétaire d'Air Canada pour qu'on voie bien que ce ne sont pas des intérêts séparatistes ou une situation de ce type-là? Qui est Air Canada?
Deuxièmement, est-ce que vous vous opposez à ce qu'on fasse le tour de l'ensemble de cette situation au comité parlementaire pour faire une fois pour toutes la lumière sur ça?
Mme Brisson: Monsieur Crête, d'abord, je voudrais vous dire que c'est la volonté des employés d'Air Canada d'être ici aujourd'hui.
Je reconnais que notre compagnie est très libérale en acceptant que les employés se donnent une voix, mais je crois que c'est important dans un environnement où on est complètement privatisé.
Je crois qu'Air Canada a 65 000 ou 68 000 actionnaires. Je ne vous jure pas que c'est le bon chiffre. Je crois que c'est à peu près ça. En plus, quelque 67 p. 100 des employés d'Air Canada sont actionnaires de leur compagnie.
Alors, il est important pour nous de nous assurer que notre compagnie est traitée justement par le ministère des Transports. C'est très important. En ce moment, on sait très bien qu'il y a du protectionnisme, qu'on se sert de la politique internationale pour protéger un transporteur de la concurrence, d'une concurrence saine, dois-je ajouter. Chez Air Canada, on travaille fort.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Mercier.
[Français]
M. Mercier: Cela me ferait plaisir d'accéder à la demande de M. Keyes qu'on n'emploie pas le mot «politique» ici, mais quand on parle des relations entre le gouvernement et Air Canada, il est pratiquement impossible d'éviter le mot qui explique toutes les motivations.
Votre demande de désengager le gouvernement fédéral de toute intervention dans le transport aérien international, nous l'approuvons tout à fait. Nous voulons que les aspects rationnels et économiques passent avant les aspects - j'éviterai le mot «politique» - partisans.
Maintenant, vous avez parlé de Hong Kong; c'est une preuve évidente. Pourriez-vous commenter une décision plus récente concernant Prague?
Mme Brisson: Il y a une chose que je voudrais ajouter. C'est que tout ce qu'on veut vraiment chez Air Canada, et je suis certaine que les gens de la direction diraient la même chose, c'est avoir la chance de concurrencer. Ce qu'on fait le mieux, chez Air Canada, c'est embarquer des gens sur un avion et les amener à destination de façon sécuritaire avec le meilleur service possible et avec la fierté canadienne. On n'a pas toujours la chance de le faire, mais on veut aller jusqu'au bout de nos moyens.
La question de la Tchécoslovaquie est une question un peu délicate. Ça touche cette politique internationale où on dit que lorsqu'on vous donne une désignation d'un pays où il y a 300 000 passagers ou moins, une fois qu'on vous accorde la désignation, vous avez un an pour mettre cette nouvelle route en opération.
Il ne faut pas oublier que dans l'aviation, on travaille dans un milieu très changeant. Il n'y a pas si longtemps, on avait une entente internationale avec Air France. On a changé et on a maintenant une entente élaborée avec Lufthansa. Avant qu'on ait l'entente avec Lufthansa, on ne pouvait mettre sur pied l'opération de la Tchécoslovaquie. C'était impossible.
De plus, la négociation bilatérale entre la Tchécoslovaquie et le Canada n'était pas finalisée. Au mois de mars dernier, si je ne me trompe pas, il y a eu une rencontre pour finaliser cette négociation bilatérale. En réalité, ce n'est qu'un an après la fin de la négociation qu'on peut exploiter une route.
Donc, premièrement, la négociation n'était pas complétée. Deuxièmement, Air Canada n'avait pas son partenaire international pour exploiter la route. Une fois qu'on a eu un partenaire, on n'a pas pu annoncer dans un délai de 24 heures qu'on allait desservir la Tchécoslovaquie en passant par Francfort, Francfort étant la plaque de transit. Il fallait que l'Allemagne accepte, que Lufthansa accepte, et que ce soit la même chose du côté de la Tchécoslovaquie. Cela prend du temps, car c'est très élaboré.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Je vous remercie de cette réponse complète, madame Brisson.
[Français]
M. Mercier: Avez-vous pu expliquer cela au gouvernement à Ottawa?
Mme Brisson: J'espère que les gens d'Air Canada aux Affaires internationale ont pu le faire. Est-ce qu'ils ont été entendus? Ça, c'est une autre chose.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.
Pour ceux qui n'étaient pas ici ce matin, je voudrais signaler que MM. Crête et Keyes ont eu un différend. Vous devriez tous deux être conscients du fait que si vous continuez à ergoter, vous devrez assumer la présidence.
M. Keyes: Je n'y suis pas autorisé.
Des voix: Oh, oh!
Le vice-président (M. Comuzzi): Très intéressant.
Madame Brisson, vous avez pris note de certaines des questions posées et je comprends que vous nous fournirez les réponses. Je pense que la position de M. Crête donnera lieu à une forme quelconque de suivi. Je ne crois pas que MM. Cullen et Jordan aient quelque chose à ajouter au débat. Vous avez bien fait de soumettre ce mémoire à notre attention et je vous remercie du temps que vous nous avez consacré.
Mme Brisson: Je vous remercie monsieur le président. Puis-je juste ajouter quelques mots?
Le vice-président (M. Comuzzi): Vous avez 30 secondes.
Mme Brisson: On parle beaucoup de création d'emplois et en plus, cela fait partie du mandat du Parti libéral. Trois vols supplémentaires à destination de Hong Kong créeraient 85 emplois très bien rémunérés à Vancouver. Les employés d'Air Canada établis à Vancouver méritent le respect. Ils vivent dans l'Ouest du Canada. Ce sont des gens de qualité, des professionnels. Il faut leur donner leur chance.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.
Je ne vais pas souvent à Hong Kong, mais si vous pouviez arranger un vol vers Rome ou Milan, je l'apprécierais.
Mme Brisson: Nous aimerions vous obliger monsieur. Si vous réglez le problème, nous vous transporterons à Rome.
Des voix: Oh, oh!
Le vice-président (M. Comuzzi): La seule solution irréprochable, madame Brisson, ce serait d'offrir le voyage à Rome à tout le comité.
Des voix: Oh, oh!
Mme Brisson: Nous le ferions, monsieur le président.
Le vice-président (M. Comuzzi): Eh bien, voilà. Applaudissons la présidence.
Mme Brisson: Merci infiniment.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci.
Les prochains témoins représentent le groupe Oméga. MM. Savard et Verdi.
Bienvenue, messieurs. Connaissez-vous la procédure? On commence généralement par un exposé de dix minutes. Cela laisse ensuite assez de temps aux membres du comité pour vous poser quelques questions. Merci.
[Français]
M. Serge Savard (vice-président, action politique, Section locale TCA-Québec, Groupe Oméga): Monsieur le président, membres du comité, bonjour. Je m'appelle Serge Savard et je suis délégué à l'action politique de notre groupe, le Groupe Oméga, qui représente le comité exécutif de la section locale 4334 du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile. Nous représentons les travailleurs et travailleuses de CN Intermodal, ainsi que les employés d'autres secteurs d'activité au CN.
Notre groupe remercie le comité de lui donner l'occasion d'exprimer notre point de vue et surtout nos préoccupations sur la situation actuelle des transports au Canada.
Il s'agit ici d'un bref propos et non d'un mémoire comme tel sur le projet de Loi maritime du Canada. Plus modestement, nous voulons souligner quelques aspects du contexte géopolitique créé par l'Accord de libre-échange qui sont susceptibles d'affecter le développement de l'industrie portuaire et qui nous apparaissent comme des éléments de la plus haute importance dont toute loi dans le domaine du transport devrait tenir compte.
Nous sommes des travailleurs et travailleuses des chemins de fer. Notre groupe a développé une certaine expertise dans le domaine du transport intermodal. Nous nous sommes également appliqués à dégager une analyse globale de la situation actuelle des transports au Canada qui oriente notre action en faveur d'une politique de transport intégrée dans ce pays.
Messieurs et mesdames les membres du comité, notre groupe est fermement convaincu que le développement de l'industrie portuaire, surtout dans l'est du pays, sera assuré par une intégration poussée de ses activités avec celles des chemins de fer dans un contexte d'intermodalité.
Nous croyons que ces deux modes de transport sont en effet interdépendants et nous militons ardemment en faveur d'une politique qui mettrait en place des conditions favorables au développement et à l'expansion d'un réseau intégré maritime-ferroviaire, aussi bien en fonction des besoins des régions qu'aux fins du trafic d'import-export.
Cependant, et relativement à l'idée de la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent dont il est entre autres question dans le projet de loi C-44, notre groupe est hautement préoccupé du fait que depuis la privatisation des Chemins de fer nationaux, le CN, au moins 55 p. 100 des actions de la compagnie sont détenues par des groupes américains. À cela il faut ajouter que ce sont encore des groupes américains qui se sont portés acquéreurs des lignes ferroviaires qui ont été mises en vente ces dernières années par les compagnies canadiennes de chemins de fer aussi bien dans les Maritimes que dans l'ouest du pays.
On peut donc d'ores et déjà parler en principe d'une mainmise américaine sur l'industrie ferroviaire canadienne. Il convient également de considérer que les échanges ont, d'une manière générale, évolué dans un axe nord-sud, surtout depuis la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, et que les stratégies commerciales des entreprises de chemins de fer au Canada sont déterminées au premier chef par la pénétration du marché américain. Les investissements importants pour l'achat et l'aménagement par le CN d'un terminal intermodal à Chicago ainsi que le creusage du tunnel St. Clair, dans la région de Sarnia, ne sont que des exemples.
L'an dernier, près de 135 000 wagons du CN ont transité par Chicago, ce qui représente une augmentation de 23 p. 100 par rapport à 1994.
Il nous apparaît donc évident, dans ce domaine particulier des transports, que la politique actuelle nous mène tout droit à l'intégration de l'économie canadienne dans le système économique des États-Unis.
En jetant un simple coup d'oeil sur la carte du réseau ferroviaire canadien, il est facile de se rendre compte incidemment que les axes majeurs de transport des marchandises par rail au Canada, que ce soit dans le corridor Montréal-Windsor, près de Détroit, ou celui qui relie l'ouest du pays à Duluth, au Minnesota, aux États-Unis, sur le lac Supérieur, convergent vers Chicago, plus au sud, véritable plaque tournante continentale des chemins de fer nord-américains.
Il nous apparaît donc à propos de soulever ici l'idée qu'en vertu de ces données géopolitiques, l'industrie américaine semble maintenant en position de force pour orienter les axes d'échanges dans le nord-est du continent par rapport à l'import-export, ce qui serait bien sûr à l'avantage de l'industrie américaine du transport, comme par exemple une stratégie commerciale consistant à favoriser la concurrence des ports américains de la côte atlantique par rapport à Halifax, Québec ou Montréal. Est-il seulement besoin de rappeler à ce propos la concurrence historique qui a existé entre Portland, sur la côte du Maine, et les ports du Saint-Laurent, en particulier à l'époque de l'édification du chemin de fer au Canada?
Toutefois, cette concurrence entre les ports américains de la côte est et les ports canadiens du Saint-Laurent existe toujours. Nous le savons tous. Ce ne sont pas là des faits nouveaux. Comme travailleurs de l'Intermodal, nous sommes à même de mesurer les variations des flux de trafic qui interviennent selon les décisions des compagnies maritimes de choisir tel ou tel port d'entrée.
Jetons un autre coup d'oeil sur la carte du réseau ferroviaire. Nous pourrons facilement nous rendre compte que Portland sur la côte du Maine, pour ne citer que cet exemple, pourrait présenter, du strict point de vue géographique, certains avantages aux yeux des transporteurs internationaux par rapport à Halifax ou Montréal.
À l'heure où nous croyons, en tant que citoyens de ce pays, qu'il nous faudrait reprendre possession des outils que sont les chemins de fer, la question n'est pas de savoir si la commercialisation de la Voie maritime sera une bonne chose ou non. À notre avis, la question est de savoir si cette commercialisation contribuera au développement de nos activités portuaires ou à l'économie américaine.
Nous avons eu la commercialisation du CN et sa privatisation. Mais pendant que l'entreprise créait 44 emplois à Chicago, son P.-D.G., M. Paul Tellier, en éliminait plus de 10 000 au Canada. La privatisation du CN a été une bonne affaire pour les Américains, qui en ont empoché les bénéfices, mais pas pour les Canadiens, qui se sont retrouvés sans emplois, et surtout pas pour les régions comme Montréal, où les effets du démantèlement des infrastructures ferroviaires et des transferts d'effectifs se sont fait cruellement sentir.
On reste perplexe et on sourit, même s'il n'y a vraiment rien de drôle là-dedans, à l'idée que ce sont les plus grands propagandistes du fédéralisme canadien qui ont ainsi vendu le chemin de fer, qui, est-il besoin de le mentionner, est à la source même de la confédération canadienne, de notre histoire et de nos infrastructures économiques.
Nous tenons donc à exprimer nos plus vives inquiétudes au comité sur la portée du projet de loi à moyen et à long termes dans ce contexte de mainmise étrangère sur nos infrastructures de transport. Nous croyons que le développement des activités portuaires dans l'est du Canada dépend au premier chef d'une politique canadienne cohérente de transport intégré, où le chemin de fer a un rôle primordial à jouer.
Messieurs et mesdames les membres du comité, nous devons reprendre possession de nos outils, mais surtout sauvegarder ceux qui nous restent, sauvegarder la maison et les outils que nos pères nous ont laissés.
Je remercie encore une fois le comité de nous avoir permis d'exprimer notre point de vue sur un aspect fondamental de l'industrie des transports au Canada. Il s'agit évidemment d'une modeste contribution à un débat qui reste à faire sur la scène politique canadienne. Nous n'avons pas la prétention de représenter le point de vue de l'ensemble des associations syndicales, notre propos étant plutôt celui d'un groupe de travailleurs des chemins de fer intéressés et impliqués dans le développement des activités du transport dans ce pays.
En dernière analyse, ce sont les moyens d'échange et de communication qui ont façonné ce pays tel qu'il est aujourd'hui. L'appropriation et le contrôle de ces moyens par des groupes étrangers pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l'économie et la politique canadiennes.
Merci et bonne fin de journée.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Savard. Bonne journée à vous également.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête: Je vous remercie pour votre présentation, parce qu'une approche géopolitique ou intégrée, comme vous dites, nous fait réfléchir sur la situation.
Est-ce que vous auriez des chiffres ou des données sur le Canadien National en termes de ventes? Qu'est-il arrivé lorsqu'on a vendu les actions? On avait dit dans la loi qu'il ne fallait pas qu'un propriétaire possède plus de 15 p. 100 des actions, mais cela n'a pas empêché trois ou quatre groupes américains différents d'aller chercher chacun 15 p. 100. Avez-vous des données là-dessus?
Deuxièmement, j'aimerais que vous élaboriez sur la question de la concurrence qui pourrait nous venir des ports américains, peut-être dans le cadre de la question de l'intermodalité.
M. Grey Verdi (responsable de l'information, Groupe Oméga, Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile (Québec): Je pourrais tenter de répondre à votre question. Quand la privatisation du CN est survenue, naturellement, la loi prévoyait de limiter l'appropriation des actions à 15 p. 100 pour chaque acheteur.
Maintenant, si on regarde cela d'un point de vue plus global et de l'aveu même de M. Paul Tellier, qui est président-directeur général du CN, dans une déclaration assez récente qu'il aurait faite, au moins 55 p. 100 des actions sont actuellement détenues par l'industrie américaine, par les transporteurs.
M. Crête: Les Américains seraient propriétaires à 55 p. 100 du CN.
M. Verdi: Des actions globales du CN. Même si aucun des groupes américains n'en possède plus de 15 p. 100, il reste que l'industrie américaine détient la majorité des actions de cette compagnie canadienne de chemins de fer.
Par rapport à la question des ports américains, notre propos est de souligner le fait que si la commercialisation de la Voie maritime ou des installations portuaires va dans le même sens que celle du CN, il est évident que ce seront les États-Unis qui vont détenir le contrôle de nos infrastructures de transport ici au Canada. Ils seront en mesure d'orienter le développement des échanges, surtout si on considère qu'actuellement, le CN, le CP, enfin toutes les compagnies nationales de chemins de fer de classe 1, investissent beaucoup dans le développement de ces axes-là.
Le CN a fait beaucoup d'investissements pour des installations intermodales à Chicago même. La majeure partie de l'investissement vise à développer un corridor nord-sud, ce qui va complètement à l'encontre de notre histoire, comme on le sait, dans laquelle le chemin de fer a joué un rôle d'unification.
Ce qui nous inquiète, c'est la mainmise étrangère sur nos infrastructures qui, éventuellement, va se refléter au niveau de la politique sociale du gouvernement.
M. Crête: Merci. Sur la question de la Voie maritime, si vous aviez à choisir entre le statu quo quant à la forme d'organisation, une structure binationale où le Canada et les États-Unis seraient parties prenantes à 50-50, et un modèle comme celui que le ministre privilégie présentement, qui est de remettre l'infrastructure aux usagers, lequel vous semblerait le plus favorable ou le plus dangereux?
M. Verdi: On n'est pas, en principe, contre la question de la commercialisation si cela peut aider à développer toute notre industrie de base, le transport maritime.
Ce projet de loi-là doit être envisagé dans le cadre plus global d'une vraie politique intégrée de transport. Actuellement, on a souvent l'impression que les activités de transport dans le domaine maritime ne sont pas tellement liées aux activités dans le transport ferroviaire. Nous, c'est ce qu'on préconise.
On est des travailleurs de l'Intermodal. C'est-à-dire qu'on fait intervenir plusieurs modes de transport dans les opérations. C'est sûr qu'on prêche pour notre paroisse, le chemin de fer, parce qu'on sait qu'il y a un démantèlement du réseau ferroviaire. D'une manière générale, si on veut préserver notre identité nationale en tant que citoyens canadiens et en tant qu'investisseurs canadiens, toute politique dans n'importe quel domaine doit tenir compte de ces faits-là. On peut développer un réseau avec des partenaires qui peuvent être des partenaires publics, des partenaires privés, et même des syndicats, des groupes de travail. Il y en a partout dans les municipalités et dans les régions qui sont vraiment intéressées à s'impliquer dans une politique de ce genre-là.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Crête.
Merci messieurs Savard et Verdi de votre présence ici et de votre exposé. Celui-ci sera étudié avec la même attention que tous les autres exposés faits ici à Montréal.
[Français]
M. Savard: Merci, monsieur le président. Notre section locale n'avait pas les effectifs pour faire la traduction du document. J'ai demandé à la personne à l'entrée s'il était possible de faire traduire le document et de nous le faire parvenir à notre section locale pour qu'on puisse le remettre aux anglophones qui travaillent avec nous.
On a aussi déposé un vidéo. C'est la dame qui est à l'entrée qui l'a reçu.
M. Crête: Je l'ai vu, ce vidéo-là. Il dure une douzaine de minutes. C'est sur l'intermodalité. C'est très, très intéressant et ce n'est pas partisan d'aucune façon.
M. Savard: Monsieur le président, c'est un vidéo du CN. Cela nous a un peu mis mal à l'aise qu'il n'y ait pas aujourd'hui un vidéo avec une télé pour présenter le document. On nous a dit que cela coûtait trop cher. J'ai trouvé cela un peu triste. C'est pour cela que je voulais le mentionner. Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Nous avons à Ottawa l'équipement requis pour regarder cette vidéo. Nous vous en remercions. C'est un mode de présentation différent. Nous veillerons à ce que M. Crête y donne suite et à ce que nous visionnions votre vidéo, et nous jugerons s'il s'agit d'un document partisan.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Crête: C'est le Canadien National. Si c'est partisan, ce n'est pas de mon bord.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Voici M. Michaud des Travailleurs unis des transports. Bienvenue, monsieur Michaud. Pouvez-vous nous dire qui vous accompagne?
M. Robert Michaud (président, Comité législatif du Québec, Travailleurs unis des transports): Je suis accompagné de M. Don Tennant.
[Français]
M. Tennant occupe le même poste que moi dans sa province. Il est président du comité législatif de la province du Manitoba pour les Travailleurs unis des transports.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Continuez. Allez-y.
M. Michaud: J'étais en train de me demander - il n'y a pas beaucoup de monde ici.
M. Keyes: Il s'agit d'un (processus) permanent...
[Français]
M. Michaud: Oui, je le sais. Comme je vous le disais, je m'appelle Robert Michaud. Je suis représentant syndical des Travailleurs unis des transports. Je vais lire une partie du mémoire.
[Traduction]
Je m'en éloignerai probablement à plusieurs reprises.
[Français]
J'ai remarqué que M. Savard et M. Verdi ont touché à des points qui nous intéressent. Ce qui est surprenant, c'est que Mme Brisson d'Air Canada touche aussi à des points qui nous intéressent. Ce qui est encore surprenant, c'est que ce sont toujours des compagnies ou des intérêts canadiens qui touchent à des points qui nous intéressent. M. Verdi a souligné le fait qu'il y avait beaucoup d'autres investisseurs qui venaient de l'étranger. Nous avons toujours l'impression qu'on donne tout à rabais.
Quoi qu'il en soit, je vais revenir à ce que j'ai écrit et vous me poserez des questions si vous le voulez bien. Donc, j'occupe les fonctions de directeur législatif canadien substitut. Je suis président provincial. Don fait la même chose au Manitoba.
Premièrement, je vous remercie de nous avoir reçus aujourd'hui afin que nous puissions vous présenter notre opinion. Nous ne représentons personne du Port de Montréal, mais nous représentons des gens de ports au Québec. On a déjà représenté des gens du Port de Montréal, mais ils sont maintenant avec les l'Association internationale des débardeurs.
À Montréal, l'infrastructure ferroviaire dépend totalement ou en grande partie du Port de Montréal. On a beaucoup de notre trafic qui vient du Port de Montréal et des autres ports. Donc, le rail dépend des ports pour assurer sa viabilité économique et maintenir des emplois.
Initialement, notre intérêt était motivé par notre souci d'éviter aux ports ce qui est arrivé au secteur ferroviaire. M. Verdi en a parlé tout à l'heure. On n'a pas encore digéré notre privatisation, notre déréglementation, notre vente à rabais. Je travaille maintenant pour une compagnie américaine, qui est le CN. Je ne crois pas que cela va aider l'avenir du rail au Canada. Aujourd'hui, notre présentation est plutôt liée au fait qu'il y a une relation entre le rail et...
L'année passée, dans les documents qui nous ont été fournis au début, on avait l'impression que la réforme du pilotage, des brise-glaces et de la Voie maritime aurait un impact majeur sur les coûts du transbordage à Montréal et entraînerait une augmentation de coûts importante pour les associations maritimes et pour les affréteurs, qu'elle aurait pour effet qu'il n'y ait plus de conteneurs et d'intermodalité à Montréal.
Cet aspect a un peu disparu. Nous croyons que votre réforme semble viser l'année 1998 pour évaluer ces aspects et voir quelles seront les répercussions au niveau des ports et comment seront limités ces frais. Nous souhaitons donc que le coût de ces réformes ne soit pas attribué qu'à une seule partie, au niveau du fleuve Saint-Laurent, c'est-à-dire Montréal.
Comme vous le savez sans doute, Montréal est encore un centre ferroviaire très important au Canada, voire même en Amérique du Nord. Il y a moins de quatre ans, par suite de différentes réformes, Montréal a perdu ce statut. Les services maritimes à prix compétitif bénéficieront au Port de Montréal et au secteur ferroviaire. Je ne veux pas me lancer dans la question des syndicats et des contrats. Je ne veux même pas en parler plus tard.
Les ports du Canada dépendent de cet aspect. Je ne sais pas si vous en êtes conscients - je regardais M. Keyes qui regardait la carte des TCA tout à l'heure - , mais le Port de Vancouver, le Port de Halifax et le Port de Montréal dépendent du rail et dépendent du fait que les compagnies du rail choisissent ces ports. Présentement, on a un coût de transbordement qui est économique par rapport à celui des États-Unis, mais c'est temporaire. Ça va durer aussi longtemps que vous allez permettre que ça dure et aussi longtemps que notre dollar sera à rabais.
Donc, j'espère que votre réforme n'aura pas pour effet de nuire à cette compétitivité.
L'article 25 du projet de loi énumère les pouvoirs des ports en matière ferroviaire. J'ai écrit ce document-là ce matin et j'ai oublié d'ajouter un paragraphe. On craint qu'on étende ces pouvoirs ferroviaire à des CFIL existants qui rayonneraient un peu plus largement.
Comme je l'ai déjà souligné, les récentes réformes dans le rail ont presque éliminé la prédominance qu'avaient le CN et CP à ce chapitre. Nous croyons donc qu'il est important que le Port de Montréal, tout comme les autres ports canadiens, ait l'obligation de favoriser les partenaires canadiens.
Pourquoi? Plusieurs compagnies ferroviaires peuvent accéder à Montréal: le CN, le CP, le St. Lawrence & Hudson Railway, le Delaware and Hudson Railway, Railtex, Conrail et même plusieurs CFIL qui existent, qui vont exister, qui sont en train d'être mis sur pied.
J'ai remis deux articles. Je ne sais pas si vous y avez eu accès. Un article souligne que Conrail disait, il y a deux ans, que son plus grand marché pour l'avenir était Montréal, à cause du port. Ils ont décidé de se retirer du port en 1994-1995 et ils remettent maintenant leur ligne en état. À la suite de la fusion avec BN, on se retrouve avec un conglomérat ferroviaire qui va avoir directement accès à Montréal, qui va vouloir faire de Montréal un point important de sa structure.
Je n'ai rien contre le fait que cette compagnie américaine vienne là, mais j'aimerais que nos ports canadiens entretiennent plutôt un partenariat avec des entités canadiennes. Si on leur laisse la liberté d'entretenir un partenariat avec une compagnie qui est complètement américaine, c'est-à-dire identifiée comme telle, il devrait y avoir un dispositif qui ferait qu'il y aurait là des emplois pour les Canadiens.
Nous n'avons aucune garantie que les emplois ferroviaires canadiens seront maintenus car notre Loi sur l'immigration est quelque peu déficiente au niveau du transport.
Présentement, tout le transport ferroviaire à 125 ou 200 milles de la ligne de frontière américaine peut être fait par des compagnies américaines sans aucun problème. Tant qu'il n'y a pas de transbordage interne au Canada, la compagnie américaine peut faire ce qu'elle veut au Canada. Donc, il faut soit qu'il y ait des dispositifs, soit entretenir un partenariat entre les compagnies canadiennes et les ports.
Le Comité des transports et le Comité sur la rationalisation de la vente du CN nous ont tellement dit qu'il fallait que le CN soit compétitif et productif. Cette approche-là permettrait au moins au CN et au CP d'entretenir des liens qui leur permettraient d'être plus viables économiquement à l'avenir.
Par ailleurs, en notre capacité de syndicat, il est de notre devoir de signaler que nulle part dans le projet de loi C-44, on ne parle de maintien d'emplois ou de la représentation des travailleurs dans ces nouvelles entités que seront les nouveaux ports. Il s'agit, à notre avis, d'une lacune importante.
Comme vos audiences touchent aussi aux secteurs du tourisme, du transport et du commerce, nous aimerions vous souligner que le transport de voyageurs par train est un secteur d'activité important pour le Québec et le Canada. Nous croyons que le service passager de VIA devrait être maintenu.
Nous sommes inquiets quant à cet aspect des audiences qui n'a pas été réellement défini publiquement. Nous croyons qu'aucune décision ou recommandation ne peut émaner de ce volet des audiences sans que tous les intervenants puissent prendre connaissance des enjeux qui sont peut-être sur la table aujourd'hui. Eh bien, on n'a pas confiance. On a vu tout à l'heure l'échange sur les ententes au niveau aérien et la position d'Air Canada.
Je vous remercie de nous avoir entendus. Si vous avez des questions, nous sommes prêts à y répondre.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Mercier.
[Français]
M. Mercier: Vous dites que le Port de Hamilton considère que sa prospérité dépend pour une bonne part du rail.
M. Michaud: Quel port? Le port de...
M. Mercier: Le Port de Halifax, pardon.
M. Michaud: Oui, il y a un lien important avec le...
M. Mercier: Nous sommes allés à Halifax et nous y avons reçu des mémoires, notamment du Port de Halifax, qui nous disaient qu'ils étaient inquiets au sujet de la liaison ferroviaire Halifax-Montréal. Ils souhaitaient que ce soit maintenu.
M. Michaud: Présentement, Halifax dépend du CN pour son trafic. Si le CN disparaît en tant qu'entité ou si Halifax ne privilégie pas le CN, ces deux structures ne pourront survivre dans l'est du Canada. Au niveau de Montréal, présentement, on pourrait dire que le plus gros partenaire du Port de Montréal est le CP. À l'avenir, ce pourrait être Conrail et le CN, pas totalement, mais pour une partie du trafic.
S'il n'y a pas de partenariat, le CN ou le CP... Le CP est rendu juste à Montréal. Il va disparaître et le Port de Montréal se retrouvera sans partenaire ou sera obligé de prendre un partenaire américain temporaire, le temps que le partenaire américain reste avec nous. Les Américains ne nous laissent pas jouer longtemps avec leurs profits. On l'a vu avec Railtex et tout ce qui se passe dans le Vermont.
Vancouver dépend du CN. Il y a des liens importants avec Vancouver pour aller chercher le marché de l'Ouest canadien. Le port est complètement lié à ça.
M. Mercier: Au sujet du projet de loi C-44, vous dites que nulle part on ne parle de la représentation des travailleurs dans la nouvelle entité que seront les ports. Vous ne faites pas de recommandations spécifiques. Peut-on comprendre que vous aimeriez que les conseils d'administration comprennent au moins un représentant des travailleurs?
M. Michaud: Il y a un choix qui est fait. Je ne suis pas dans cette structure. Je pense qu'il serait important que dans la nouvelle structure, que même le ministre nous vendait en disant qu'il fallait être proactif, etc., les travailleurs ou les syndicats devraient avoir une représentation. Je crois que c'est une lacune importante que de ne pas en tenir compte.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Monsieur Keyes.
M. Keyes: Je désire remercier le témoin pour son exposé. Bien sûr, cela semble un peu plus philosophique que si c'était directement lié à...
M. Michaud: C'est tout ce qui nous reste. Toute l'infrastructure s'effrite lentement. Alors, la philosophie... c'est du connu.
M. Keyes: Je voudrais juste me sentir libre de verser dans l'éloquence. Par exemple, en vous renvoyant à l'opinion du ministre des Transports Anderson pour qui un système de transport maritime solide, plus efficace, améliorera la performance commerciale du Canada à l'échelle internationale et permettra de créer des emplois.
Ainsi, pour reprendre le thème que vous nous avez présenté aujourd'hui, une entreprise ne peut réussir que si elle répond aux besoins de sa clientèle, n'est-ce-pas? Et bien entendu, les ports canadiens ne sont pas une exception. Ainsi, grâce au projet de loi C-44, à la rationalisation du cadre réglementaire, au renforcement de l'autonomie, à la simplification de la bureaucratie et de la paperasserie et à la réduction des frais généraux qui découlent de ce projet de loi, les ports deviendront plus compétitifs. Cela veut dire naturellement que leur achalandage augmentera. Et si leur clientèle augmente, il en ira de même de leurs liens avec la collectivité tout entière, y compris avec les chemins de fer et les réseaux routiers desservant ces localités, qui sont les artères vitales conduisant à ces ports. Les autorités portuaires en sont parfaitement conscientes.
M. Michaud: Que répondre à cela? C'est fondamentalement...
Le vice-président (M. Comuzzi): On ne peut pas répondre à une question philosophique.
M. Michaud: Je peux commenter cela très aisément. Nous avons pris une certaine direction lorsque nous avons abordé la question de la déréglementation des chemins de fer avec la vente du CN. MM. Young et Mulroney, et tout le monde au début, versaient abondamment dans les grands principes. Mais en ce moment, il ne reste pas grand-chose à Montréal. Les emplois et l'infrastructure s'effritent lentement.
M. Keyes: Pourquoi est-ce le cas?
M. Michaud: Quelqu'un a décidé de les faire transférer ailleurs. C'est aussi simple que ça.
M. Keyes: Nous ne voulons pas aborder les motifs philosophiques de la désertification de Montréal.
M. Michaud: Dans l'est du Canada, l'un des plus grands centres de matériel ferroviaire installé à Québec a disparu. Il va disparaître complètement. Il s'agit d'un choix délibéré.
J'ai un dossier entre les mains, et c'est une société américaine qui fait tout le travail à Québec. Nous ne harcelons pas la société américaine; c'est seulement une question de sécurité. N'empêche que le travail était fait naguère par des employés canadiens, pas par des américains. Je suppose que c'est la vie. C'est la conséquence de la déréglementation.
Ce que nous disons dans le fond, c'est que la compétitivité est importante. Sans doute ne devrions-nous pas occulter l'importance d'une politique favorable aux sociétés canadiennes qui offrent des emplois. Si nous ne pouvons y parvenir en restant dans le secteur des chemins de fer, passons en revue la Loi sur l'immigration pour faire travailler des Canadiens et des Canadiennes sur les trains américains.
M. Keyes: Je pense que le témoin et moi-même sommes d'accord sur un point, à savoir que si on veut être concurrentiel et servir sa clientèle au mieux de sa capacité, il vient un moment où la rationalisation est inévitable. Il faut examiner l'ensemble de la situation et rationaliser en tenant compte de cette image globale. On ne peut plus se contenter, dans le contexte compétitif où nous sommes à l'échelle planétaire, de continuer à subventionner les lignes sous-utilisées qui grugent les profits d'une société de transport. L'absence de rationalisation mène à la faillite.
M. Michaud: Comme l'a dit M. Comuzzi, je pense qu'il serait préférable de ne pas aborder cette question. En 1994, j'accompagnais le vice-président du CN, qui répétait à qui voulait l'entendre que tout le nord du Québec était la source d'une hémorragie financière inextinguible. Maintenant, ils y font des millions. C'est devenu une division du CN. Ils ont coupé quelques emplois. Et ils font plus d'argent qu'ils n'en ont jamais fait. Ils ont la même densité de trafic, et ils font de l'argent. Vous n'avez pas changé grand chose là-bas. Ils veulent faire la même chose avec la rive sud. Et là aussi, ils feront des profits.
Il s'agit là d'une façon particulière - philosophique - de saisir la réalité. Si on analyse la perte du CN en 1992, qui était d'un milliard de dollars dans ce secteur, cette même somme est toujours, en 1994, dans son compte en banque. Tout débat sur ces questions est superflu. Les décisions politiques ont été prises et c'est là que nous en sommes. Ce que nous vous demandons aujourd'hui, c'est d'adopter une stratégie de protection des ports et de maintenir leurs coûts d'exploitation à un niveau normal. Ne leur imposez de trop gros fardeaux. En même temps, protégez les acquis, donnez-nous une place de choix dans l'industrie des chemins de fer canadiens.
Le vice-président (M. Comuzzi): Merci, monsieur Michaud. Cette conversation pourrait se poursuivre ad infinitum.
M. Michaud: En êtes-vous certain?
Le vice-président (M. Comuzzi): Tout à fait! Je vous remercie, vous-même et vos collègues, de votre exposé. Malheureusement, nous sommes toujours limités par le temps, particulièrement à cette heure du jour où d'autres devoirs nous appellent.
[Français]
M. Michaud: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le vice-président (M. Comuzzi): Nous accueillons maintenant M. Roger L. Spack. Vous avez une demi-heure. Vous pouvez lire votre mémoire ou le résumer et donner aux membres la possibilité de vous poser des questions.
M. Roger L. Spack (Consultant en transports): Merci, monsieur le président. J'espère que les membres ont eu le temps de jeter un coup d'«il à mon mémoire. Je ne vais pas vous le lire, mais plutôt le commenter et mettre en valeur certains éléments du texte.
Monsieur le président, j'apprécie particulièrement que le comité ait organisé ces audiences. J'espère très sincèrement qu'il en sortira quelque chose de positif. J'ai l'impression, alors que je suis les faits et gestes du gouvernement, que les comités parlementaires ont parfois quelque influence, mais moins toutefois que je ne l'aurais escompté. Je pense que c'est un des grands avantages du système américain: les comités du Congrès semblent avoir une influence beaucoup plus considérable que les comités de notre Chambre des communes.
Il me reste à espérer que les travaux du comité porteront fruit, monsieur le président.
Le vice-président (M. Comuzzi): C'est une observation fort avisée que vous venez de faire.
M. Spack: Si je peux me permettre, c'est une des frustrations du comité.
M. Keyes: Je suis sûr que notre comité sera très efficace.
Le vice-président (M. Comuzzi): S'il reste, au terme de nos séances, un membre vivant pour en témoigner.
M. Spack: Lorsque je rédigeais ce mémoire, j'essayais de trouver les mots justes pour le qualifier. Ma préoccupation rejoint peut-être celle du premier ministre de l'Ontario quand il a lancé l'idée de la «révolution du bon sens», une expression qui lui a valu de gagner les élections.
Si je me fie aux travaux qui se poursuivent ici, la question de la rénovation de notre réseau routier national m'apparaît comme une priorité pour le comité. J'aimerais donc intervenir énergiquement sur cette question, puisque le soutien financier du gouvernement fédéral dans ce dossier laisse plutôt à désirer aujourd'hui en dépit du fait qu'il ait encaissé environ deux milliards de dollars, sous forme de taxes sur le carburant et le combustible.
Le vice-président (M. Comuzzi): Il s'agit plutôt de quatre milliards.
M. Spack: Est-ce quatre milliards? Merci, monsieur le président. Je dois avouer qu'à moins d'être prêt à y passer des semaines, il est difficile d'obtenir les bons chiffres. Cela inclut la TPS, je présume.
Le vice-président (M. Comuzzi): Je n'ai pas vérifié cela.
M. Spack: D'accord.
À propos de la question de la rénovation du réseau routier national et de l'intervention possible du gouvernement fédéral dans le dossier, je pense que quiconque s'aventure sur ce réseau - ce qui m'arrive rarement, puisque je prends le train aussi souvent que possible - se heurte illico à de sérieux problèmes.
Le réseau routier sert au tourisme, au commerce, au transport, etc. Mais si je prends le temps d'étudier les statistiques, je découvre que notre réseau routier est un système que le contribuable subventionne dans une très forte proportion. Je n'ai pas encore pu obtenir les statistiques pour le Québec, mais j'ai quelques chiffres approximatifs pour l'Ontario. Ces chiffres indiquent que si on s'arrêtait à évaluer les services offerts, et à calculer le coût de la dette, etc., nous devrions probablement conclure à un déficit provincial de deux milliards de dollars en Ontario. Je soupçonne à partir de chiffres que j'ai glanés ailleurs, que le déficit total du Québec n'est guère moins élevé.
Laissez-moi citer un autre chiffre établi il y a 25 ans en Alberta; il s'agit d'une statistique officielle (un déficit de 900 millions de dollars). On peut donc présumer que ce manque à gagner se rapproche aujourd'hui des deux milliards de dollars estimés pour l'Ontario.
En d'autres termes, le réseau routier gruge considérablement nos impôts généraux. Ce n'est un secret pour personne et le gouvernement actuel, qui réussit relativement bien dans le dossier de la réduction du déficit, ne devrait-il pas en matière de transport, faire montre de bon sens? En fait, ce que le bon sens nous dit, c'est qu'il faut équilibrer le budget du réseau routier. Si on prend les chiffres que j'ai cités, particulièrement pour la province de Québec, on se situe quelque part entre le tiers et la moitié du déficit total de la province.
Qui profite de cette situation? Je ne peux naturellement pas nier que j'aime, de temps en temps, me promener en voiture - pas aussi souvent toutefois que beaucoup d'autres. C'est une expérience agréable. Mais si ce réseau sert au tourisme, il avantage aussi le camionnage. Dans le dossier du transport par camion, les transporteurs doivent maintenant observer, pour des raisons pratiques, des limites de poids de 70 tonnes quand leur engin mesure 70 pieds de long. Vous est-il arrivé, récemment, de doubler ou d'essayer de doubler un de ces mastodontes sur l'autoroute. Vous est-il arrivé de voir grossir dans votre rétroviseur un camion qui vous talonne à 110 ou 120 km/h pour vous «encourager» à céder le passage? Cela m'est arrivé deux ou trois fois sur la route qui m'amenait à Ottawa l'autre jour.
Le vice-président (M. Comuzzi): Nous n'avons pas vécu cela, M. Spack, mais il nous est arrivé la semaine dernière de voir un pneu de camion s'approcher à toute allure de notre autobus et le heurter. Nous savons donc de quoi vous parlez.
M. Spack: Vous savez de quoi je parle. Il y a aussi le taux de défaillance mécanique. Lorsque les vérifications de sécurité ne seront faites qu'occasionnellement par les provinces, quelque 30 ou 40 p. 100 des plus gros camions ont des défauts structurels.
J'exhorte ici les gens au bon sens sur cette question des transports parce que l'industrie du camionnage est subventionnée - jusqu'à un milliard de dollars par année dans les deux principales provinces canadiennes, on peut le présumer, du simple fait que les transporteurs ne payent pas les coûts du réseau routier.
Il faut, je pense, dans ce dossier, se pencher sur les statistiques qui résultent de recherches menées à bien partout dans le monde, particulièrement aux États-Unis. En compilant les résultats de plusieurs rapports, certains de mes amis, très prolifiques sur la question, me disent que le bon vieux camion de 70 tonnes fait 29 000 fois plus de dommages que votre automobile au réseau routier. En d'autres termes, plus brutaux, cela signifie que 1 000 poids lourds de taille moyenne qui se déplacent le même jour sur une voie fortement détériorée de l'autoroute font autant de dommages à la chaussée que si des voitures particulières y défilaient sans interruption pendant un an.
Nous sommes donc en présence d'un déficit provenant du réseau routier et d'un système de camionnage fortement subventionné - d'après ce que je viens de comprendre - et je pense que ce monsieur sera d'accord avec moi. C'est ce que nous sommes en train de faire et cela n'a aucun sens.
Autre aspect de cette situation: le gouvernement du Canada a sollicité l'appui des sociétés ferroviaires pour réduire le réseau. Je comprends les problèmes qu'éprouvent les chemins de fer à équilibrer leur budget et j'y compatis - j'ai une expérience de travail dans ce secteur. Toutefois, il me semble que nous sommes ici dans un cercle vicieux: nous avons un réseau routier bien fourni et nous acceptons sans réticence que n'importe qui s'en serve. Nous sommes heureux de voir nos taxes en payer les coûts. Nous ne nous objectons pas à ce que les camions empruntent nos autoroutes. Si je comprends bien, grâce aux dispositions de l'ALENA, nous aurons sur nos routes des camions plus lourds, plus difficiles à faire passer partout, qui nous bousculeront un peu plus, perdront davantage de roues et tueront plus de gens. Si je ne m'abuse, au Canada, 640 personnes en moyenne sont blessées ou tuées, annuellement, dans des accidents provoqués par des camions.
Au moment même où nos lignes de chemins de fer disparaissent graduellement, un peu partout au pays, nous disposons en principe d'un réseau ferroviaire gratuit et largement inutilisé. Nous avons subventionné des routes qui accueillent le transport par camion, qui tuent du monde, sont peu sécuritaires et privées de surveillance policière et de règlements. Est-ce que ça tient debout? Ces chemins de fer continuent d'une certaine façon à payer leur droit de passage même s'ils sont en pleine décroissance. Est-ce que tout ça est logique?
J'ai l'impression en parcourant la documentation préparée pour ce comité que ce qu'on cherche ici, ce sont des moyens de renforcer le réseau routier. Assurons-nous toutefois, avant que le gouvernement fédéral n'affecte un seul autre sous à l'amélioration du réseau routier, que le budget des provinces est équilibré, particulièrement dans le domaine du transport par route.
Il me semble qu'il est ridicule d'ajouter de l'asphalte sur des routes qui exigeront ensuite davantage de réparations, qui devront accueillir un plus grand nombre de camions ou augmenteront le déficit, et de demander ensuite au gouvernement fédéral de nous donner un coup de main. C'est parfaitement illogique. Le bon sens commande d'examiner les résultats réels. Arrêtons donc de subventionner les routes. Mon permis de conduire et mon droit d'immatriculation de véhicule augmenteront, ainsi que le vôtre, je dois l'admettre, si on adopte cette stratégie.
Toutefois, les transporteurs commenceront enfin à payer leur juste droit de passage. Ainsi, le nombre de camions diminuera quelque peu. Je réalise que même si la qualité des services de camionnage est la plupart du temps supérieure à celle du transport par rail, nous pouvons tenter de rapatrier une partie du trafic dans ce réseau de transport pratiquement gratuit - les chemins de fer, ou ce qu'il en restera au moment du transfert - un réseau actuellement taxé comparativement à un réseau routier sans droits de péage, qui n'en représente pas moins, fort probablement, la plus grande source d'hémorragie fiscale immobilière au pays.
Je suggère fortement qu'avant de rien entreprendre dans ce secteur, on commence par exercer un contrôle plus rigoureux sur le réseau routier et que l'on fasse ainsi du transport par route une entreprise un peu plus acceptable.
Je pense que nous devrions aller de l'avant - parce que j'ai une certaine réticence à aller plus loin que ça - , et en admettant que nous réussissions, que ferions-nous ensuite? D'un point de vue économique, je pense que nous devons laisser les chemins de fer respirer - oui, les chemins de fer, quelques-unes des plus grandes sociétés de notre pays, ont besoin qu'on les laisse en paix.
Dans l'ensemble, le gouvernement du Canada a été la plupart du temps très injuste envers les chemins de fer au cours des 30 ou 40 dernières années. Je pense qu'en disant ça, on reste très poli. Je réalise que la bureaucratie de Transports Canada - si j'en juge par les commentaires de ceux que j'ai rencontrés, presque tous - n'hésiterait pas à dénigrer les chemins de fer plus souvent qu'autrement. Nous ne débattrons pas ici du pour et du contre de cette position, mais je crois que ça se confirmerait si on allait vérifier auprès du personnel en place.
Ce que je dis, c'est qu'il faut arrêter de nuire au transport ferroviaire de marchandises. Pour donner au rail une chance égale dans le monde des transports - je sais que la province a ici un grand rôle à jouer - éliminons les taxes provinciales et fédérales sur le carburant et les taxes sur la propriété immobilière imposées aux chemins de fer et rétablissons l'équilibre. Je crois qu'ils le méritent. D'après moi, il s'agirait d'une diminution de l'ordre de 5 à 6 p. 100 des dépenses des chemins de fer qui leur suffirait sans doute à récupérer une partie du trafic qui envahit nos routes et prend des vies.
Je voudrais aller plus loin que ça - même si certains sont d'avis que ça devient pas mal compliqué - , et dire ceci: lorsqu'on se penche sur la question du réseau routier et du transport, on doit reconnaître que le secteur le plus touché dans l'ensemble du processus est le transport ferroviaire de passagers. Je suis un défenseur acharné des trains de voyageurs. J'ai travaillé dans cette industrie et j'ai pu examiner de nombreuses facettes de la situation.
Sans l'ombre d'un doute, beaucoup de choses pourraient être améliorées dans ce secteur riche en possibilités. Et il est intéressant de noter qu'au cours des quelques dernières années, VIA Rail s'est retroussé les manches et a fait du bon boulot. Mais en même temps, la compagnie doit faire face à un grave problème de sous-financement et j'ignore combien de temps cela peut encore durer, probablement même pas jusqu'aux prochaines élections. On pourrait faire face à un vrai problème financier chez VIA Rail avant les prochaines élections, une situation que le gouvernement, à mon avis, veut éviter puisqu'il demande à VIA Rail de rehausser ses revenus de façon spectaculaire. Si je faisais partie de l'équipe de mise en marché de VIA Rail aujourd'hui, je ne saurais vraiment pas comment m'y prendre. J'ai travaillé en publicité dans ce domaine il y a 25 ans et je ne crois pas que le problème ait tellement évolué.
Selon moi, il faudrait que nous sortions d'une situation qui favorise le transport routier au détriment du transport ferroviaire. Affectons à l'ensemble de l'industrie du rail, tout en évitant de renforcer la bureaucratie, les économies qui peuvent être réalisées en éliminant les taxes provinciales et fédérales sur le carburant et les taxes sur les transactions immobilières dans le secteur du rail afin de financer l'amélioration des services offerts par VIA Rail Canada dans l'ensemble du pays, sans insister sur les endroits où ce niveau de service n'est pas nécessaire. Toutefois, puisque nous sommes une nation, je pense que nous devrions offrir les services au public de Halifax à Vancouver, sans toutefois tenter de tout rationaliser jusqu'au moindre détail. Construisons également un corridor de service considérablement amélioré comprenant une voie à haute vitesse entre Montréal, Ottawa et Toronto.
Si on examine les études qui ont été menées à bien sur le sujet, un tel changement serait particulièrement rentable. Je sais que les investissements sont élevés mais que les retours sur l'investissement - si certains d'entre vous sont au courant - ne le sont guère. Je parle des sommes que l'on pourrait économiser si on arrêtait de pénaliser les chemins de fer et si on diminuait ainsi leurs coûts d'exploitation; une stratégie qui réduirait les frais de port des marchandises, y compris pour le grain dont une partie transite actuellement par les États-Unis. Certaines personnes, dans l'industrie du rail, disent que, chaque jour, cinq trains traversent les États-Unis de l'Ouest du Canada à la Côte du Pacifique à cause des problèmes que nous pose le traitement des dépenses dans le secteur ferroviaire.
Je propose que nous affections ces fonds à l'amélioration du service de VIA Rail autant pour améliorer l'infrastructure que l'équipement destiné aux passagers du rail ainsi que pour rénover les voies d'un océan à l'autre, particulièrement dans le corridor central Québec-Windsor où une voie à haute vitesse serait aménagée. Cet argent rembourserait une grande partie des coûts de ces travaux.
En plus de cela, nous aurons également besoin de quelques passages à niveau supplémentaires et de quelques nouvelles emprises de voies ferrées. Confions cela aux provinces.
Si vous examinez mon mémoire en détail - si vous voulez obtenir de plus amples renseignements sur le sujet, je serai très heureux de vous les fournir - , vous devriez en dégager les principes avant d'aller plus loin et vous constaterez que vous pouvez transformer toute la problématique en déterminant ce que les provinces et ce que le fédéral devraient financer.
Étant donné la situation d'aval qui pourrait fort bien se produire dans environ 12 ou 10 ans, si nous prenons de bonnes décisions nous disposerons d'un système ferroviaire revitalisé. Nous aurons un corridor central doté d'une ligne à haute vitesse. Nous aurons une entreprise - VIA Rail - qui pourra payer la totalité ou la majorité de ses dépenses. Et dans ce processus, je propose que les provinces - les huit provinces qui offrent un service de transport ferroviaire de passagers - participent à titre de cogestionnaires, agissant collectivement comme les véritables dirigeants de VIA, et que le gouvernement fédéral se retire graduellement de ce secteur ou qu'il n'y ait plus qu'un rôle symbolique.
Je sais que le transfert d'obligations financières à d'autres instances est, de nos jours, un sport particulièrement populaire à tous les paliers de gouvernement. Je recommande que les provinces interviennent pour que nous ayons un meilleur système de transport terrestre au Canada. Le gouvernement fédéral a fait tout son possible pour le transport aérien et je ne suis pas certain que c'est suffisant quand j'examine leur bilan, mais nous sommes ici en présence d'une possibilité d'affecter des fonds pour s'éloigner d'un système fortement orienté vers le transport routier et pour donner une chance aux chemins de fer et aux voyageurs qui prennent le train. Si on examine les études réalisées, on constate qu'il y a une clientèle pour ces trains. Et lorsque le comité se penchera sur la question du tourisme, souvenez-vous que c'est dans des endroits comme l'Est et l'Ouest du Canada que l'on a besoin de trains pour amener les touristes au coeur du pays.
Si nous examinons la question du transport local dans ce pays, nous constatons que le secteur du transport par autobus dévale la pente à une allure vertigineuse, j'en ai peur. La coopération entre les secteurs du transport par autobus et par train, à l'échelle interprovinciale, contribuera largement à assurer un certain niveau de mobilité - équivalent à celui d'il y a 10 ou 15 ans - pour les gens qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas utiliser une automobile, ou qui ne peuvent pas se le permettre financièrement. On parle de 10 à 15 p. 100 de la population. Cette stratégie permettrait de rehausser le niveau d'utilisation des moyens de transport locaux et interprovinciaux, à peu de frais pour le gouvernement. Si mes chiffres sont exacts, le financement de VIA n'entraînera que très peu de dépenses de la part du gouvernement fédéral ou même des provinces, à moins bien sûr que l'un ou l'autre de ces deux paliers de gouvernement n'insiste pour subventionner le service.
C'est là l'essence de mon exposé, monsieur le président. J'espère qu'il s'agit d'une révolution du bon sens. Je n'entends guère de monde aborder ce sujet et je pense qu'il fallait que quelqu'un le fasse.
Le président intérimaire (M. Jordan): Je vous remercie infiniment, M. Spack. Comme vous le savez, je n'étais pas ici quand vous avez commencé votre exposé. Ce que j'ai entendu m'a semblé très concis et je pense qu'il reste beaucoup de place à la discussion.
M. Spack, mon texte va de la page 7 à la page 9. Est-ce qu'il me manque quelque chose?
M. Spack: Non. On trouve les détails du mémoire aux pages 2 à 7. La première page est la lettre au comité.
Le président intérimaire (M. Jordan): D'accord. Je ne voudrais rien manquer. Il y a là de quoi alimenter la discussion entre nos membres.
M. Cullen, y a-t-il un aspect...
M. Cullen: Merci, monsieur le président.
Je vous prie de m'excuser. J'ai moi aussi manqué la première partie, mais j'ai lu votre mémoire en diagonale. En ce qui a trait à la section qui décrit le financement proposé, pensez-vous que le secteur privé pourrait jouer un rôle dans le financement de quelques-unes des idées que vous nous avez soumises aujourd'hui?
M. Spack: Dans le sens où si les coûts qui sont imposés par le gouvernement - des droits qui sont en quelque sorte imposés à titre punitif pour la manutention du fret ferroviaire - étaient appliqués partout dans les chemins de fer... et je ne parle pas ici d'une autre bureaucratie, mais si une entente était conclue avec les chemins de fer pour qu'ils effectuent la plus grosse partie du travail, il s'agirait de ce que j'appelle la participation du secteur privé.
Vous pourriez vous demander s'il est préférable de remettre l'exploitation de VIA Rail entre leurs mains. Je suis, quant à moi, fortement en faveur de la délégation de cette tâche à un noyau de spécialistes du marketing, faute de quoi on s'expose à un échec. Les chemins de fer ont perdu tout intérêt pour les services de transport des passagers il y a environ 30 ans, et à juste titre, je pense. Et c'est donc ici que le secteur privé interviendrait à mon sens, selon mon modèle. Je suis également certain que des gens comme Bombardier tireraient profit de ce changement. Je me poserais la question de savoir s'ils seraient prêts à investir dans l'entreprise.
M. Cullen: Merci.
Le président intérimaire (M. Jordan): Nous pouvons déduire de certaines des choses que vous avez dites que vous avez une certaine expérience des chemins de fer et qu'il est tout à fait normal qu'un pays comme le nôtre reste attaché à ce mode de transport.
M. Spack: Oui. Et je crois vraiment, monsieur le président, qu'il y a un tas de gens... pas des millions, mais qu'il y a des gens, un peu partout au pays, qui sont privés de tout moyen de transport public parce que les gouvernements fédéral et provinciaux ont complètement échoué dans leur tentative de régler l'ensemble du problème des transports.
Si on examine la situation de VIA Rail par exemple, et si on tient compte des chiffres que j'ai soumis... j'ai examiné la question. J'étais employé par cette société à un moment donné. Si je me souviens bien, une somme d'environ 2 milliards de dollars sur 7 ou 8 milliards dépensés en subventions à VIA Rail n'aurait pas dû être dépensée. Ce sont des dollars que le gouvernement a d'abord octroyés ou investis ou n'importe quel autre mot qui vous convient... Le gouvernement et le ministère des Transports ont gaspillé cet argent.
Le président intérimaire (M. Jordan): Monsieur Keyes.
M. Keyes: Oui, monsieur le président, ce sont les mêmes revendications à propos du réseau routier que nous présente ce témoin qui prétend que nous n'en faisons pas assez. Nous avons eu le même appel du rail, particulièrement dans le secteur du transport des passagers quand ils sont venus nous dire que nous devions les aider à en faire plus. Nous l'avons fait et naturellement notre aide a été graduellement réduite puisque VIA est maintenant remis sur pied financièrement.
M. Spack: Mais je vous préviens qu'il y a une limite à ne pas franchir dans le domaine de la compression des effectifs. Je pense vraiment qu'ils ont fait du beau travail. J'étais à VIA alors que l'organisme était empêtré dans la lourdeur bureaucratique. Je pense qu'ils en sont sortis.
M. Keyes: C'est juste. Nous les avons aidés à passer le cap et nous...
M. Spack: Mais par ailleurs, en vue de compenser ces coupures, il faut faire de grands efforts sur le plan du marketing. Je regarde la mise en marché comme le ferait un partenaire de l'extérieur et je dois avouer que je ne m'y risquerais certainement pas. Je ne saurais vraiment pas quoi faire. J'ai échangé de façon informelle avec les gens qui sont en bas de la hiérarchie à VIA et ils m'ont tous dit la même chose: «Je ne sais pas que faire. Je dois augmenter mon budget de marketing. Comment diable puis-je le faire?» Ils disent qu'ils ne savent pas comment. Ils disent qu'ils ne disposent d'aucun outil acceptable, à part baisser les prix. Les réductions de tarif permettent d'allonger les trains. Vous transportez plus de monde mais vous n'augmentez pas votre rentabilité.
Si vous examinez le problème de l'extérieur, d'un point de vue de spécialiste de la mise en marché, je pense que pour trouver votre meilleure option, il faut essayer d'optimaliser presque entièrement votre revenu à certains endroits là où vos dépenses seront le mieux équilibrées par les recettes.
Je pense pouvoir affirmer que les gens de VIA ont fait un excellent travail ici. Ils sont très proches du sommet de la courbe.
Le président intérimaire (M. Jordan): Êtes-vous satisfait, M. Keyes?
M. Keyes: Merci, monsieur le président.
Le président intérimaire (M. Jordan): Je vous remercie infiniment, M. Spack, et merci d'avoir respecté notre horaire. Nous l'apprécions également.
M. Spack: Merci, monsieur le président.
Le président intérimaire (M. Jordan): Le prochain groupe - je pense qu'il en reste un autre - est la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada. MM. Redfern et Facette sont-ils ici?
Une voix: Il semble qu'ils viennent d'Ottawa, monsieur le président et ils sont censés être ici à 15 h. Ils ne sont pas encore arrivés. Il serait peut-être approprié de prendre une pause.
Le président intérimaire (M. Jordan): Levons la séance jusqu'à 15 h. S'ils ne sont pas ici à 15 h, nous les rencontrerons à Ottawa.
Le président intérimaire (M. Jordan): Je pense que nous sommes prêts à continuer. Nous avons annoncé une suspension de séance de quelques minutes pour que tout le monde puisse être présent, et je pense que tout le monde est là.
Les derniers intervenants cet après-midi sont MM. John Redfern et Jim Facette de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada.
Nous disposons d'une demi-heure messieurs, pour vous écouter, après quoi nous pourrons vous poser des questions. Allez-y, vous avez la parole.
M. John Redfern (président, Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada): Bien, j'ai la parole. Merci beaucoup, monsieur le président. J'espère que nous n'utiliserons pas toute la demi-heure qui est mise à notre disposition. Notre exposé sera bref, ce qui laissera plus de temps pour les questions.
Nous voudrions vous remercier de nous donner l'occasion de discuter d'un actif trop souvent ignoré de l'économie canadienne, notre réseau routier national. Je comprends que vous mettez aujourd'hui le point final à des séances portant sur deux questions. Vos efforts ne sont pas passés inaperçus. La CRIC vous félicite pour le temps et l'énergie que vous avez consacrés à l'établissement d'un système de transport efficient au Canada.
Je veux expliquer comment nous comptons procéder, étant donné le temps qui nous est alloué; laissez-moi toutefois vous présenter d'abord Jim Facette, président et secrétaire de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada. Comme je l'ai dit précédemment, nous avons l'intention d'être brefs. Je crois qu'il est important de garder autant de temps que possible pour les questions et pour un dialogue constructif. En conséquence, je voudrais vous informer tout d'abord sur la nature du CRIC et présenter certaines des lignes de force de notre mémoire, qui a été, je pense, distribué d'avance aux membres du comité.
Depuis 1991, la CRIC se fait la voix d'une vaste coalition prônant le financement du réseau routier, une infrastructure importante au Canada. Au cours des trois dernières années, la nécessité de mettre au point un projet national concernant le réseau routier canadien a été le centre de nos préoccupations. À titre de vaste coalition composée d'entreprises provenant de tous les secteurs de l'économie, la CRIC est réellement préoccupée par le problème de la détérioration du réseau routier et par les répercussions négatives de cette détérioration sur la compétitivité économique du Canada.
Les Canadiens et les Canadiennes gaspillent leur carburant, leur temps et leur argent. Ils mettent en péril leur santé, leur environnement et leur compétitivité sur la scène économique mondiale. La détérioration des routes ajoute des coûts superflus aux opérations des sociétés canadiennes et la réduction de notre capacité concurrentielle qui en découle a une incidence négative sur la demande de produits canadiens.
Lorsque la CRIC a reçu votre demande de comparution devant ce comité, nous avons constaté avec plaisir que vous aviez choisi de faire porter votre examen initial sur les répercussions du renouvellement du réseau routier national sur le commerce et le tourisme. Dans le contexte des récents travaux d'élaboration de politiques sur le transport aérien, ferroviaire et maritime, les routes constituent la dernière pièce du casse-tête que constituent les transports au Canada et il convient d'étudier ce dossier comme il se doit.
Dans le secteur commercial, le commerce intérieur au Canada totalisait, en 1995, quelque 31,5 milliards de dollars, ce qui représentait 20 p. 100 du PIB et presque 2 millions d'emplois. L'importance du commerce international dans l'économie canadienne grandit chaque année. Des chiffres récents de Statistique Canada indiquent que 1995 a été une année record et que le surplus commercial du Canada est passé de 15,4 milliards de dollars à 28,3 milliards en 1994, soit environ 32,4 p. 100 du produit national brut. Statistiquement, les recettes des transporteurs routiers représentent environ 42 p. 100 de tous les revenus d'exploitation des transporteurs et les routes dominent le transport des passagers au Canada, quelque 90 p. 100 de tous les déplacements s'effectuant en automobile.
Les répercussions que le secteur du tourisme a sur l'économie canadienne continue d'augmenter. Au Canada, l'ensemble des dépenses reliées au tourisme ont atteint 41,8 milliards de dollars en 1995. Cela représente une augmentation de 69 p. 100 par rapport à 1986.
En 1994, les Canadiens ont effectué 76,6 millions de voyages de plus d'une journée, dont 68,5 millions (89 p. 100) en automobile. Il y a eu cette année-là 16 millions de touristes étrangers, dont 76 p. 100 provenaient des États-Unis et le reste, d'outre-mer. Environ 60 p. 100 des visiteurs américains voyageaient en automobile.
Lorsque l'administration libérale actuelle était dans l'opposition, le groupe de travail libéral sur les infrastructures a reconnu l'importance du réseau routier pour notre économie. Il a recommandé que le gouvernement fédéral s'engage à procéder à la réfection et au développement de la route transcanadienne. Citation du groupe de travail:
- ... les conséquences économiques du piètre état du réseau routier sont renversantes. Des études
ont révélé que la productivité d'une région dépend en grande partie de son réseau de transport.
Les bouchons de circulation augmentent le coût du transport des matériaux, et réduisent le
caractère concurrentiel des secteurs économiques touchés... Des routes en mauvais état... ont
aussi un effet négatif sur le tourisme, qui est un important secteur de l'économie canadienne.
Aux yeux de la CRIC, il reste deux défis à relever: qui a la responsabilité des routes nationales et comment rémunérer les travaux nécessaires. Nous proposons que la responsabilité du réseau routier national soit partagée entre les administrations fédérale et provinciales, pour les motifs qui suivent.
Premièrement, les accords sur le commerce international sont signés par le gouvernement fédéral et les accords sur le commerce interprovincial sont signés conjointement par les gouvernements fédéral et provinciaux. Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit promouvoir le tourisme et les investissements au Canada et dans le monde; les provinces doivent promouvoir le tourisme sur leur territoire respectif. Dans notre mémoire, nous avons précisé que l'intervention du gouvernement fédéral dans le dossier du réseau routier n'est pas nouvelle et le fait que le gouvernement fédéral contribue effectivement au réseau routier national du Canada est un troisième motif de gestion conjointe. La contribution actuelle du palier fédéral comporte deux volets: ses investissements dans le réseau routier par le biais de sept ententes bilatérales séparées et sa participation active, de concert avec les diverses administrations provinciales concernées, à la promotion et au développement du projet de réseau routier national.
Quel est la meilleure façon de financer le programme de mise en valeur du réseau routier national? Après avoir examiné les avis d'experts, y compris celui du gouvernement, nous proposons que les gouvernements continuent à contribuer à la maintenance du réseau routier national du Canada. Les gouvernements sont les principaux propriétaires des infrastructures publiques, y compris le réseau routier. Les gouvernements confrontés à la question du financement des travaux d'infrastructure et d'entretien se posent de plus en plus souvent la question suivante: comment nous, propriétaires du secteur public, pouvons-nous assurer la maintenance des infrastructures traditionnelles tout en faisant payer tout ou partie de ces travaux par d'autres intervenants?
Suis-je le seul de cet avis?
Lorsque les gouvernements examinent la nature du financement des infrastructures, ils se tournent de plus en plus souvent vers le secteur privé pour obtenir de l'aide sous forme de partenariats. La définition la plus communément acceptée de partenariat entre les secteurs public et privé, c'est le transfert de la responsabilité des organismes publics vers les propriétaires privés. Les propriétaires du secteur privé gèrent alors les installations publiques en vue de tirer profit de la vente des services qu'offre l'installation. En d'autres termes, ce sont les consommateurs qui paient le service offert ou l'utilisation de l'installation.
Néanmoins, la construction et la maintenance du réseau routier national du Canada par les gouvernements fédéral et provinciaux ont toujours été, et sont encore, payées à même les recettes fiscales. Malheureusement, il n'y a aucun lien direct entre ce que le gouvernement fédéral perçoit en taxes sur l'essence et ce qu'il investit dans notre réseau de routes national, contrairement à ce qui se passe actuellement aux États-Unis. En d'autres termes, nous n'affectons pas de fonds réservés au financement des routes.
Le gouvernement fédéral perçoit 13,7 ¢ par litre d'essence. En 1995, Ottawa a encaissé 5 milliards de dollars sous forme de taxes sur la vente de l'essence. Au cours de l'année financière 1996-1997, Transports Canada ne dépensera que 5 p. 100 de cette somme.
Messieurs les membres du comité, le financement d'un programme de mise en valeur du réseau routier national peut se faire de deux façons: continuer à puiser dans les recettes fiscales ou négocier des partenariats avec le secteur privé qui entraîneront la mise en oeuvre d'un système de perception de droits de péage liés directement à l'utilisation du réseau. Il est également possible de combiner ces deux options, mais les gouvernements doivent être prêts à adopter des systèmes de tarification sur les autoroutes dont l'usage est maintenant gratuit. Des travaux récents de Transports Canada et l'étude entreprise dans le cadre de la National Highway Review Policy Study démontrent que les possibilités d'application de système de péage au réseau routier national sont limitées.
La Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada présente en conséquence les cinq recommandations suivantes au comité:
La première est que le gouvernement fédéral devrait, par une loi du Parlement, établir le réseau national du Canada de la façon prescrite par le National Highway Review Policy Report. Cela permettrait d'assurer le maintien d'un système actuellement reconnu et de tirer profit du travail considérable effectué par les deux paliers de gouvernement.
Aux termes de la deuxième recommandation, le gouvernement fédéral devrait adopter une politique à long terme concernant le réseau routier national et superviser les améliorations futures, l'entretien et le développement du réseau routier national du Canada. Cela faciliterait l'affectation efficace de l'argent des contribuables au financement des infrastructures.
La troisième recommandation vise à ce que le gouvernement fédéral, pour répondre aux besoins immédiats du réseau national du Canada, mette sur pied un programme de réfection du réseau routier national.
Selon la quatrième recommandation, le gouvernement fédéral devrait augmenter le pourcentage des recettes fiscales tirées de l'essence qui sont investies dans le réseau routier, afin de répondre aux besoins immédiats du réseau routier national du Canada. La CRIC suggère d'affecter à ce dernier deux cents par litre des recettes perçues.
La cinquième recommandation vise à ce que le gouvernement fédéral crée un fonds d'affectation spéciale destiné au réseau routier où seraient déposés les fonds alloués, un système en vigueur chez nos partenaires de l'ALENA.
Toutes les questions qui concernent l'état du réseau routier national du Canada ont été posées: le quoi, le où et le pourquoi... il ne reste que le quand.
Personne ne niera que le commerce et le tourisme dépendent d'un réseau routier convenable et efficace. Sans avoir entendu tous les exposés faits devant le comité sur cet important sujet, la CRIC n'aurait sans doute pas tort en affirmant qu'il faut s'occuper sur-le-champ du système du réseau routier national du Canada.
Comment financer un programme de mise en valeur du réseau routier national? C'est là le problème. Le groupe de travail libéral sur les infrastructures a recommandé en 1990 qu'on étudie la question de l'affectation des recettes fiscales provenant du carburant à la construction et à l'entretien des routes.
Je me propose d'arrêter ici et d'utiliser le reste du temps que vous m'avez alloué pour répondre à vos questions.
Le président intérimaire (M. Jordan): Je vous remercie d'avoir résumé votre rapport.
Je remarque au deuxième paragraphe, page 22, que vous avez fait valoir un point très intéressant: la prolongation de la route 416 à partir de la capitale nationale jusqu'à l'autoroute 401. C'est une question qui m'intéresse particulièrement et je suis heureux que vous l'ayez mise en évidence.
M. Redfern: J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Dans notre exposé, nous avons parlé de la possibilité de recourir à certains partenariats privés et de la capacité limitée qu'aurait, selon la plupart des spécialistes, le réseau routier national. Dans certains des réseaux où vous construisez de nouvelles routes, il est possible d'envisager une autre solution que le financement par l'usager. Je pense par exemple à l'autoroute 407, aux environs de Toronto, et aux secteurs où la population peut choisir de payer le coût du mode de transport le plus efficace pour aller de A à B ou emprunter un parcours plus lent.
Je crois que c'est faisable ici et là sur l'ensemble du réseau routier national, mais dans la plupart des cas il n'existe pas de route parallèle pour...
Le président suppléant (M. Jordan): Je suis d'accord.
Monsieur Cullen.
M. Cullen: Monsieur Redfern et monsieur Facette, dans votre mémoire vous mentionnez un rapport, une étude ou une publication de l'Association des transports du Canada, Highways Financing, Theory and Practice, et vous énumérez les diverses méthodes qu'on peut appliquer au financement des autoroutes. Vous nommez entre autres les partenariats publics-privés, dont vous nous avez brièvement entretenus. J'ai certainement l'intention de consulter moi-même ce document, mais je vous demanderais de nous en dire un peu plus au sujet des partenariats publics-privés.
Est-ce que, par exemple, vous devez vous en tenir aux nouvelles autoroutes et aux routes à péage? Pourriez-vous recourir à un partenariat public-privé pour la réfection et l'exploitation d'une route existante? Pourriez-vous - et je me fais l'avocat du diable, je réfléchis à haute voix - privatiser le réseau routier national, en tout ou en partie? Je ne prétends pas qu'il s'agit d'une politique nationale valable. Je cherche simplement à préciser l'éventail des possibilités. Je vous serais reconnaissant de me fournir plus de détails à ce sujet.
M. Redfern: Tout est possible. Comme nous l'avons indiqué dans le résumé et dans le rapport, de fortes pressions seraient exercées sur les corps politiques si par exemple on réparait une route existante, peut-être pour la rendre conforme aux normes, avant de dire à la population qu'à l'avenir, les usagers devront payer pour emprunter cette route. Je suppose que c'est ce qu'on a l'intention de faire pour la route de la vallée de Wentworth, en Nouvelle-Écosse.
En gros, les partenariats privés-publics signifient que des droits seront perçus et, quand il s'agit de percevoir des droits, les coûts à prévoir pour arrêter les voitures et faire payer les usagers ont toujours fait problème. À l'avenir, si nous disposons d'une méthode électronique efficace pour percevoir les droits, je crois que la chose serait faisable.
Nous avons pourtant déjà un moyen très simple de percevoir des droits auprès des usagers. Si l'on prend une partie des taxes sur les carburants - le système est déjà en place - les taxes sont déjà perçues. J'imagine qu'au taux d'un cent par litre d'essence vous recueillez environ 400 millions de dollars par année. C'est une façon de faire payer l'usager des routes en général, sans mettre sur pied tout un système de collecte et sans soulever de protestations de la part de ceux qui empruntent une route depuis des années sans avoir à payer de droits spécifiques.
Tout est possible. C'est une question de politique, d'efficacité de la perception, de volume...
L'autoroute 407, à Toronto, a probablement un des plus grands potentiels en Amérique du Nord, mais si vous pensez à certains segments dans le nord de l'Ontario, aux routes de campagne, à celles de l'Ouest et de l'Est, vous aurez beaucoup de difficulté à percevoir suffisamment d'argent pour payer entièrement les travaux. Le principe n'a guère d'attrait quand la circulation est faible.
M. Cullen: Merci.
Je suis de plus en plus conscient que la politique et les politiques gouvernementales ne vont pas toujours main dans la main. Mais votre argument concernant le contribuable qui se demande pourquoi il doit encore payer puisque la route est déjà construite, il a un côté irrationnel, en quelque sorte. Il y a des coûts d'immobilisation et des coûts d'entretien pour chaque route. Si on accepte le principe du financement par l'usager dans le cas d'une nouvelle route, il faut l'accepter aussi pour l'entretien de la route. Je suis cependant tout à fait d'accord avec vous, la politique est un aspect très particulier de la question.
Si vous considérez l'ensemble du réseau et les tronçons qui sont le plus encombrés ou utilisés, est-ce possible... En Colombie-Britannique, quand je suis allé visiter B.C. Ferry, on envisageait la privatisation. Fondamentalement, on affirmait que c'était tout ou rien, sinon les usagers pourraient s'en tenir uniquement aux bonnes routes.
M. Redfern: C'est exact.
M. Cullen: Pouvez-vous faire le même raisonnement? Notre réseau routier national est immense. C'est quelque chose de gigantesque. Le financement d'un tel système à lui seul pose d'énormes problèmes. Est-ce possible d'examiner ainsi la question, globalement, et de déclarer que c'est tout ou rien?
M. Redfern: Je crois que oui. Je crois que la route de Coquihalla ou l'autoroute 407 ont été choisies au hasard. C'est une idée neuve. Quant à dire qu'il y a d'abord eu des coûts d'immobilisation et qu'il y a maintenant des frais d'entretien, surtout si la charge et le nombre de véhicules augmentent et que vous essayez de respecter les normes en vigueur, il est certainement possible d'arguer qu'il y a aussi des coûts permanents.
Un des avantages d'un programme à long terme où les exigences techniques et les caractéristiques nominales standard sont fixées, c'est que vous pouvez utiliser plus efficacement vos fonds parce que vous savez que la charge de travail sera constante. Vous savez que vous travaillerez pendant longtemps.
L'autre partie de l'argument, c'est que l'entretien du système routier n'est pas une dépense discrétionnaire. Ce n'est pas une activité que l'on peut reporter en raison de difficultés financières. C'est une priorité incontestable si nous voulons une économie efficace et compétitive.
La difficulté que pose la question des coûts, c'est que vous ne pouvez pas reporter pendant des années l'entretien et les dépenses que nécessitent les routes, parce que vous aurez alors non seulement le problème d'un réseau routier inefficace mais aussi des coûts finalement plus élevés. Si vous devez refaire le toit de votre maison mais que vous attendez que l'eau s'infiltre et la structure se dégrade, il ne vous suffira pas de refaire le toit. Vous devrez aussi réparer la structure. C'est un peu la même chose dans le cas des routes.
La façon la plus économique d'aborder la question des routes, c'est d'abord et avant tout de bien les concevoir et de bien les construire, puis de les entretenir régulièrement. Si vous reportez l'entretien, vous multipliez les coûts par deux ou par trois. S'il vous faut les reconstruire, il vous en coûtera cinq ou dix fois plus. À mon avis, nous devons convenir que personne ne songe remettre en question le caractère nécessaire du réseau routier.
Quelle est la façon la plus économique et la plus efficace de procéder? C'est à cette question que répondait la proposition de création d'un réseau routier national. Les spécialistes du gouvernement fédéral et les provinces ont travaillé de concert pendant trois ou quatre ans et en sont arrivés à cette proposition pour nous doter de l'ensemble des normes nécessaires à la mise en place d'un réseau de routes principales qui ne serait pas une collection aléatoire de tronçons de route, mais un système bien conçu.
Selon moi, le principal intérêt des partenariats privés réside dans le concept même. Si vous retenez l'idée du partenariat privé, vous déclarez que vous voulez investir un montant donné et obtenir un résultat précis de l'entreprise. Vous établissez un rapport coûts-bénéfices et vous l'étalez sur un certain nombre d'années. Si nous avions procédé ainsi pour un certain nombre de nos grandes routes, si nous avions déclaré que nous voulions une route qui allait durer x années avec un minimum d'entretien et que, pour ce faire, il fallait procéder de telle manière, nous aurions utilisé nos fonds de façon optimale. Trop souvent, toutefois, nos programmes de voirie sont un peu des cadeaux, des programmes du type «qu'allons-nous faire cette année?», des programmes que nous mettons de côté pendant deux ou trois ans pour ensuite les oublier. Vous finissez par très mal utiliser vos budgets d'infrastructure.
Le président suppléant (M. Jordan): Monsieur Mercier.
[Français]
M. Mercier: J'ai ici la version française de votre mémoire. Je le trouve très intéressant. Il y a beaucoup de chiffres et d'information. Je me permettrai seulement de m'étonner qu'ici, à Montréal, il n'y ait pas eu au moins une partie de ce mémoire qui nous ait été présentée en français.
J'ai deux questions. La première est une question de pure information. Je vois ici, dans la liste des routes nationales, l'autoroute 10 de Montréal à Sherbrooke. Je me rappelle très bien qu'il y avait un péage provincial sur cette autoroute. Je me suis occupé de l'abolition de ce péage. J'avais cru jusqu'à présent que c'était une route provinciale.
M. Redfern: Oui.
M. Mercier: Dans vos cinq recommandations, vous ne parlez pas du péage, ni pour l'entretien des routes actuelles ni pour la construction de nouvelles routes. J'aimerais savoir comment vous voyez le péage comme moyen de financement.
M. Redfern: Premièrement, toutes les routes au Canada sont la propriété des provinces. La première grande entreprise est l'autoroute nationale du Canada. Le fédéral a donné la moitié dans ce cas, soit 90 p. 100 du coût de la construction, et ensuite c'est la province qui est devenue propriétaire. C'est à la province de payer l'entretien.
C'est la même chose pour the national highway plan. De cette manière, nous aurons un standard national qui sera le même partout et nous n'aurons pas besoin d'arrêter les camions à chaque frontière parce que la réglementation de chaque province sera différente.
Je ne pense pas que le gouvernement fédéral veut être propriétaire d'une autoroute au Québec ou en Ontario. C'est simplement pour le bénéfice de la route nationale, des standards nationaux et de l'économie nationale. C'est pour des raisons de ce genre qu'il perçoit chaque année des taxes sur l'essence. L'année dernière, il a perçu 5 milliards de dollars.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Jordan): Monsieur Comuzzi.
M. Comuzzi: Monsieur Redfern, votre groupe est représenté par un nombre important de fournisseurs de matériaux de voirie et de constructeurs de routes. Chaque fois que nous discutons des routes, les intervenants nous disent que s'ils se lancent dans une entreprise en collaboration ou si les programmes sont privatisés, ils veulent y participer dès l'étape de la conception et de la construction de la route, pour pouvoir mettre leur expertise à profit.
Quelque chose me gêne, et vous y avez fait allusion il y a un instant. Pourquoi n'avons-nous pas, jusqu'à maintenant, convoqué les concepteurs et les entrepreneurs qui s'intéressent à la construction de ces routes pour profiter de leur expérience?
M. Redfern: Je l'ignore. En fait, jusqu'à maintenant, du moins au Canada, tous les travaux de voirie relèvent des administrations municipales et des gouvernements provinciaux et, par leur entremise, du gouvernement fédéral.
La plupart des concepteurs de routes travaillent pour des organismes gouvernementaux. On peut maintenant trouver des ingénieurs civils et des ingénieurs de structure qui travaillent pour le secteur privé. Mais même dans le cas de l'autoroute 407, vous constaterez que le ministère ontarien des Transports a participé à la phase de conception de ce projet à titre d'«optant» de dernier recours, qui ne devait appliquer son expérience et prendre la route en charge qu'au bout d'une période donnée.
Je ne crois pas que ce soit faute de capacité de conception dans les ministères des Transports fédéral ou provinciaux. Nous devons nous demander quelle serait la structure routière la plus efficace en fonction du total des coûts annuels au mille, et utiliser ce critère.
De fait, l'un des principaux objectifs du groupe fédéral-provincial qui a consacré trois ou quatre ans à l'élaboration de ce plan était de maximiser le critère de calcul, le tracé des routes et la façon de veiller au respect d'une norme uniforme dans l'ensemble du pays.
M. Comuzzi: J'aimerais qu'on m'accorde encore une petite question, parce que je n'aurai peut-être plus jamais l'occasion de la poser à M. Redfern.
Vous travaillez chez Lafarge. Je me suis souvent demandé pourquoi, quand on construisait une nouvelle route, on choisissait le béton ou l'asphalte. Quelle est la vie utile de ces matériaux? Évidemment, c'est une question d'entretien. Quelle est la différence du coût au mille entre le béton et l'asphalte? À votre avis, de quoi faut-il tenir compte?
Le président suppléant (M. Jordan): En effet c'est une question brève. Est-ce que la réponse peut, elle aussi, être brève? Nous avons encore un groupe de témoins à entendre aujourd'hui. Les témoins ne commencent pas toujours à l'heure, mais nous, nous finissons toujours à l'heure.
M. Redfern: C'est le critère dont je parle.
Disons que cela varie. Jusqu'à tout récemment, la plupart des services de voirie avaient des budgets distincts pour les immobilisations et pour l'entretien. Ils ne voulaient pas les fusionner. Ce qui s'est produit, c'est qu'en raison du volume de trafic et des coûts du granulat et du compactage, le coût au mille est sans doute à peu près équivalent à long terme, ou un peu moindre dans le cas du béton.
Le coût immédiat, à court terme, est probablement inférieur si vous utilisez l'asphalte, mais les coûts d'entretien seront alors plus élevés. Vous aurez des problèmes techniques, une déformation marquée de l'asphalte ou un phénomène d'orniérage, par exemple.
Autrefois, nous n'avions pas assez d'expérience de la façon de construire correctement les routes en béton. On en a construit dans les années 30, puis la technique a été abandonnée et on n'y est pas revenu. Aujourd'hui, grâce entre autres aux nouveaux équipements, nous nous y remettons.
À mon avis, il ne s'agit pas de déterminer si on veut de l'asphalte ou du béton. Il faut choisir ce qui convient le mieux. Je crois que vous pouvez construire de bonnes routes avec l'un ou l'autre de ces matériaux. Il suffit de savoir dès le départ lequel on utilisera.
Le président suppléant (M. Jordan): Merci, monsieur Comuzzi. Monsieur Keyes.
M. Keyes: J'ai deux courtes questions à poser. Avez-vous établi dans quelle mesure la population accepterait une augmentation de deux cents par litre, destinés à un fonds spécial, plutôt qu'un prélèvement sur les recettes existantes?
M. Redfern: Comme nous l'avons expliqué dans notre préambule, nous étudions la question depuis près de quatre ans. En fait, nous avons demandé au ministère des Transports il y a quelques années la raison pour laquelle nous ne poussions pas ce dossier de l'augmentation...
M. Keyes: De quel ministère parlez-vous?
M. Redfern: Du ministère fédéral des Transports.
M. Keyes: Fédéral?
M. Redfern: Oui.
Nous avons demandé «Pourquoi n'envisageons-nous pas une taxe supplémentaire sur les carburants, soit comme taxe réservée, soit simplement pour accroître les recettes?» On nous a répondu que ce serait peut-être réalisable, mais qu'il nous fallait contribuer à faire accepter l'idée. Un peu plus tard, on nous a informés que cette option n'était pas viable, que le gouvernement ne voulait pas augmenter les taxes. Et cette même année, la taxe sur les carburants a été augmentée de deux cents, au bénéfice des recettes générales.
Posez directement la question à n'importe qui: êtes-vous prêt à payer deux cents de plus au litre? Vous verrez que la mesure ne serait pas populaire. Mais si vous précisez d'abord que c'est pour faire de meilleures routes, la réaction sera plus favorable, puisque c'est la seule façon d'obtenir ce résultat.
M. Keyes: Si c'est un fonds réservé aux routes...
M. Redfern: En effet. Je sais bien que le ministère des finances et les responsables des finances n'aiment guère les fonds réservés. C'est ce qui se fait aux États-Unis, dans le cadre du programme ISTEA. La méthode a été utilisée avec succès dans d'autres pays. Qu'il s'agisse de fonds réservés en réalité ou en théorie, on prend au moins la décision d'y inscrire x dollars et non pas de verser cet argent tout simplement dans le fonds général.
M. Keyes: J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Qu'est-ce que vous répondriez si quelqu'un vous disait - en particulier au sujet de la 407, compte tenu de l'état actuel des routes - qu'il éprouve une certaine amertume quand il voit les gens nantis quitter Hamilton, par exemple, et filer sur une belle autoroute pour arriver au centre-ville de Toronto en 45 minutes alors que lui, parce qu'il n'a pas beaucoup d'argent, doit se contenter de la 401, qui est en mauvais état et où les voitures se traînent les unes derrière les autres. Qu'est-ce que vous pouvez répondre à cette personne?
M. Redfern: Je lui dirais que tout le monde y gagne. Vous avez le choix: ou vous construisez la 407 ou vous ne la construisez pas. Si vous ne la construisez pas, toutes les voitures se retrouvent sur la vieille route. Si vous la construisez, vous aurez au moins une circulation beaucoup plus fluide sur la vieille route. Vous ne ferez pas face au même trafic. Je crois qu'on gagne sur les deux tableaux. Il faudra payer pour utiliser la 407, mais la 401 sera gratuite.
Pour ce qui est de l'entretien, à savoir s'il faut la faire ou pas, je crois que cela fait partie du programme de voirie. Il faut entretenir la route parce qu'autrement, vous perdrez tout votre investissement.
M. Keyes: Si les travaux sont bien coordonnés, plutôt que d'avoir une 407 qui permettra aux nantis de se catapulter à Toronto... Bien coordonné, cela serait possible. Prenez la 401 actuelle, encombrée parce qu'elle est trop étroite en certains points à Mississauga, ajoutez-y une voie dans chaque direction s'il le faut - ou trouvez une autre façon de mieux canaliser la circulation - utilisez les fonds d'un partenariat du secteur privé et instaurez un péage pour une période donnée.
Tous nos ponts, le Skyway à Hamilton par exemple, ont été à péage jusqu'à ce que le secteur privé ait recouvré tous ses fonds - et même un peu plus. Puis les postes de péage ont été éliminés. Une action plus concertée...
M. Redfern: En 1958 et en 1959, je construisais des routes en Ontario. Le ministère des Transports était basé à Downsview. Il s'était installé là parce que c'était à l'extérieur de Toronto et que les quatre voies de la 401 devaient répondre à tous les besoins de circulation qu'on pouvait envisager - pour toujours.
Aujourd'hui, on arrive à 16 voies à certains endroits. Quand vous devez ajouter des voies, je ne crois pas que vous puissiez économiser beaucoup d'argent en construisant deux ou trois voies supplémentaires, en élargissant l'emprise et les ponts, en réaménageant les sauts-de-mouton.
Je crois qu'il est tout aussi rentable d'affecter les fonds à la construction d'une voie rapide. Vous ne pouvez pas efficacement transformer une 401 élargie en voie rapide. Vous aurez encore le problème des accès et des sorties.
Je suis convaincu qu'il est plus efficace de construire la 407 et que ceux qui ne paient pas en bénéficieront quand même parce que le volume de trafic sur la 401 diminuera.
M. Keyes: Merci, monsieur.
Le président suppléant (M. Jordan): Merci. Nous pourrions en parler encore longtemps, mais nous devons maintenant nous interrompre. Il est 15 h 30. Merci infiniment de votre exposé.
Messieurs mes collègues du comité, on me dit que nous nous réunissons à nouveau demain matin à Ottawa, à 8 h 30.
M. Redfern: Je remercie les membres du comité. Nous vous sommes reconnaissants de venir nous rencontrer ici. Bonne chance pour demain et pour les jours suivants.
Le président suppléant (M. Jordan): La séance est levée.