[Enregistrement électronique]
Le mardi 19 novembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Bienvenue. J'essaie de m'orienter. Nous venons de terminer l'étude d'un très gros projet de loi et nous en revenons maintenant à notre étude sur le transport, le commerce et le tourisme.
Les premiers témoins sont Stephen Grundy et Nathalie Racine, de Vie Active.
J'ignore si vous avez déjà comparu devant le comité, mais je tiens à vous signaler que nous disposons d'une demi-heure en tout. Si vous pouviez vous en tenir, pour votre présentation, à une dizaine de minutes, cela nous laisserait du temps pour poser quelques questions et avoir un échange avec vous.
[Français]
Mme Nathalie Racine (gestionnaire de projets, Vie active - Bouger, c'est dans ma nature!): Bonjour à tous. Je m'appelle Nathalie Racine. Je suis gestionnaire de projets pour le programme Bouger, c'est dans ma nature! et je suis très heureuse d'être ici ce matin.
Bouger, c'est dans ma nature! est un programme national axé sur les actions communautaires qui combine l'activité physique en plein air et le souci d'améliorer, de restaurer et de protéger l'environnement. Notre organisme est en tête du transport actif au Canada. Plus de 1 000 communautés canadiennes ont participé à des activités initiées par Bouger, c'est dans ma nature! Un partenaire coordonne le programme dans chaque province et territoire.
Nous avons fait nos preuves en termes de promotion et d'éducation dans le domaine du transport actif. Nous avons eu une influence sur l'ancien programme d'infrastructures, offert des ateliers sur le transport actif dans plus de 20 communautés canadiennes, développé des publications qui aident à éliminer les obstacles à la marche et à l'utilisation du vélo dans nos communautés, et créé des partenariats avec différents organismes nationaux, provinciaux et communautaires.
De plus, plusieurs de nos publications et de nos activités ont été approuvées par la Fédération canadienne des municipalités, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, l'Institut canadien des urbanistes, Environnement Canada et Santé Canada. Nous avons récemment été invités à participer à deux comités de l'Association des transports du Canada, le premier sur l'environnement et l'autre relié au transport urbain. De par notre implication et notre engagement dans le domaine du transport actif, nous avons élaboré des recommandations que nous voulons vous proposer.
J'aimerais maintenant vous présenter Stephen Grundy, directeur exécutif du programme, qui vous fera part de ces recommandations. Merci.
[Traduction]
M. Stephen Grundy (directeur exécutif, Vie Active - Bouger, c'est dans ma nature!): Merci, Nathalie.
Honorables députés, mesdames et messieurs, merci de nous avoir donné l'occasion de participer à ce processus de consultation. Nous allons, dans le courant de notre exposé, nous reporter à des transparences. Le texte de toutes les transparences est contenu dans la documentation qui vous a été distribuée.
Vous entendrez vraisemblablement dans le cadre de ces audiences des avis très différents et très divergents sur les orientations qu'il faudrait prendre en matière de transport à la veille du XXIe siècle.
En ce qui concerne la relation qui existe entre le transport, le commerce et le tourisme, beaucoup vous diront qu'il nous faudrait paver le monde. D'autres vous diront qu'il faudrait interdire carrément l'automobile. Comment trouver un terrain d'entente entre deux opinions si divergentes?
Vie Active - Bouger, c'est dans ma nature!, conjointement avec ses 12 partenaires provinciaux et territoriaux, a élaboré des stratégies fondées sur le bon sens et des outils conçus en vue de trouver ce terrain d'entente grâce au développement des collectivités favorables au transport actif.
Vie Active! estime que le développement de collectivités favorables au transport actif cadre avec la nouvelle vision en matière de transport urbain qui a été endossée par l'Association des transports du Canada et ses différents partenaires, à tous les niveaux. Le transport actif, c'est la marche, le cyclisme, le patinage et toutes les autres formes de transport où l'énergie utilisée est d'origine humaine.
En développant des collectivités favorables au transport actif, l'on mettra en application six des 13 principes de prise de décision adoptés par l'Association des transports du Canada. Vous les avez devant vous sur la transparence, en caractères gras.
Nous prévoyons des densités accrues et une occupation mixte des espaces. Nous préconisons la marche comme mode de transport préféré pour les déplacements individuels. Nous prônons la multiplication des possibilités de cyclisme en tant que mode de transport. Nous appuyons l'établissement de connexions intermodales. Nous concevons et exploitons des systèmes de transport pouvant être utilisés par les personnes ayant une déficience physique. Et, plus important encore, nous veillons à ce que les décisions en matière de transport urbain protègent et revalorisent l'environnement.
Le développement de collectivités favorables au transport actif contribue à l'amélioration de la santé des personnes, des collectivités et de l'économie. Bouger, c'est dans ma nature! aimerait vous soumettre pour examen quatre recommandations bien précises.
La première est que l'on crée un fonds dans lequel on versera 5 p. 100 des sommes consacrées au financement des travaux de construction et de rénovation et que celui-ci ne soit utilisé que pour l'amélioration d'infrastructures qui favorisent la marche, le cyclisme et les autres formes de transport actif.
La deuxième recommandation est que tous les paliers de gouvernement adoptent des mécanismes pour protéger les emprises ferroviaires abandonnées au Canada.
La troisième recommandation est que des stratégies soient mises en oeuvre pour les institutions communautaires, par exemple lieux de travail, écoles et commerces, afin d'améliorer l'efficacité des déplacements des gens et des biens et services grâce au transport actif.
Enfin, notre quatrième recommandation est que les gouvernements et le secteur privé collaborent à reconnaître l'impact économique substantiel et durable de la création d'installations de tourisme actif, aux échelles régionale et nationale, et qu'ils collaborent à la conception, à la création et à l'entretien de ces installations de transport comme composantes importantes du développement économique régional en matière d'écotourisme et de tourisme en général - et je vais revenir sur chacun de ces éléments.
Je vais examiner ces recommandations en ordre inverse afin de conclure par ce que je considère comme étant le plus important.
Premièrement, pourquoi créer des installations améliorées pour le tourisme actif?
L'implantation d'infrastructures de transport actif permettra aux visiteurs ainsi qu'aux résidents de vivre l'histoire et la culture du Canada, au lieu de tout simplement les apercevoir en roulant à 80 kilomètres à l'heure sur une grand route. Encourager le tourisme actif au Canada présente un potentiel énorme sur les plans développement régional et divergence économique à l'intérieur du pays.
Le tourisme mondial est une industrie de 2 billions de dollars par an. L'écotourisme produit à l'échelle de la planète des bienfaits économiques variant chaque année entre 500 milliards et 1 billion de dollars.
Au cours des dix dernières années, les préférences du touriste ont marqué un net changement. Le tourisme culturel et l'écotourisme sont les catégories qui connaissent la croissance la plus rapide.
La transparence numéro 6 montre ce qui compte pour le touriste qui est en train d'organiser un voyage. Comme vous pouvez le constater, aujourd'hui, les gens veulent davantage explorer et comprendre de nouvelles cultures et histoires, quitter les sentiers battus et apprécier la beauté naturelle d'une région donnée. Les gens veulent voir, toucher, apprendre et vivre leurs lieux de destination.
Les touristes qui privilégient des modes de tourisme actif sont à la recherche de services qui ont une incidence importante sur nos économies locales. Ils restent plus longtemps dans une région et ils dépensent plus d'argent que le touriste moyen. Ils ont davantage tendance à descendre dans un hôtel ou un motel et à faire des achats, mais ils exigent des services d'infrastructure axés sur le transport actif. Vélo Québec estime que pour chaque dollar investi dans ces types d'améliorations d'infrastructure, par exemple aménagement de sentiers, 16 $ à 41 $ seront reversés à l'économie locale. L'aménagement de sentiers et d'autres éléments d'infrastructure qui favorisent le tourisme actif pourront nous aider à garder au Canada les dollars des touristes canadiens et à faire venir le reste du monde chez nous.
Dans notre troisième recommandation, nous suggérons des stratégies à mettre en oeuvre dans les institutions communautaires, y compris lieux de travail, écoles, et commerces, ce afin d'améliorer l'efficience du mouvement des personnes et des produits grâce à des stratégies axées sur le transport actif. Au Canada, les gens qui se déplacent pour aller au travail font chaque semaine 100 millions de déplacements, soit cinq milliards de voyages par an. De ce total, 76 p. 100 sont faits en voiture, 15 p. 100 en empruntant les transports en commun, 2 p. 100 en vélo et 9 p. 100 à pied. Un pourcentage élevé de Canadiens seraient néanmoins tout à fait prêts à faire deux déplacements supplémentaires par semaine à pied ou en vélo plutôt qu'en voiture. Près de 73 p. 100 des Canadiens disent qu'ils seraient prêts à le faire.
Le transport actif est un moyen de déplacement très efficient pendant la journée de travail et peut faire baisser les dépenses de transport. Les coûts dus à la congestion des routes en Ontario atteindront vraisemblablement les 6,4 milliards de dollars par an d'ici l'an 2001.
Les Canadiens n'adoptent pas des modes de transport actif à moins que ne disparaissent les obstacles imputables à l'infrastructure. Il importera d'éliminer plusieurs obstacles du genre en vue de faciliter le déplacement actif des gens pour se rendre à leur lieu de travail. Vous en trouverez la liste dans la documentation qui vous a été remise.
En ce qui concerne les déplacements effectués par les écoliers et étudiants, je sais que vous allez entendre un exposé là-dessus un peu plus tard aujourd'hui, alors je me contenterai de dire que Bouger, c'est dans la nature! appuie les recommandations de l'Association canadienne pour la santé, l'éducation physique, le loisir et la danse.
Les accidents de la route sont la plus importante cause de décès chez les jeunes âgés de 1 à 24 ans, et 40 p. 100 des jeunes Canadiens ont au moins un facteur risque pour les maladies coronariennes: l'inactivité physique. Il nous faut donc développer des communautés axées sur le transport actif qui permettent aux jeunes de se rendre à l'école à pied, en vélo ou en patins à roulettes ou autre, tout comme vous et moi l'avons fait. La seule façon d'y parvenir est d'établir des environnements physiques et sociaux sûrs.
La deuxième recommandation est que tous les paliers de gouvernement mettent en place des mécanismes pour protéger les emprises ferroviaires abandonnées au Canada. La question est la suivante. Le Canada est à la veille d'un abandon massif de ses voies ferrées. Selon certaines estimations, plus de 50 p. 100 des lignes actuelles seront abandonnées d'ici la fin du siècle. Par exemple, CN va abandonner 3 400 kilomètres de lignes de chemin de fer au cours des trois prochaines années.
Les voies ferrées sont d'importants moyens d'accès. Leurs plates-formes solides et leurs faibles pentes offrent des surfaces susceptibles d'accueillir une vaste gamme d'utilisateurs, y compris les personnes handicapées. La marche à pied, le cyclisme et l'équitation peuvent y être pratiqués simultanément. Les lignes de chemin de fer assurent souvent à l'intérieur et entre des collectivités des liaisons qui sont idéales pour le transport actif. Cependant, une fois détruits, ces talus et les ouvrages de génie tels les ponts à chevalets, l'utilité des corridors ferroviaires à cette fin est quasi inexistante.
L'on pourrait vous raconter plusieurs histoires d'initiatives qui ont réussi. Terre-Neuve a acheté 1 200 kilomètres de couloirs ferroviaires en vue d'en faire un parc provincial linéaire. L'Île- du-Prince-Édouard a acheté toutes ses voies ferrées, puis a vendu les gares ferroviaires de marchandises de Charlottetown en vue de financer de sentiers un peu partout dans la province. Son objectif est d'établir sur ces anciennes lignes des installations touristiques de classe mondiale. Le Nouveau-Brunswick s'est quant à lui fixé comme objectif 2 000 kilomètres d'ici l'an 2000. La plupart de ces sentiers courront dans d'anciens couloirs ferroviaires. Le problème est qu'à moins que des mesures ne soient prises rapidement dans le reste du pays, ces emprises seront peut- être perdues à jamais.
Enfin, mesdames et messieurs, notre première et plus importante recommandation est que5 p. 100 du financement consacré à la construction ou à la remise en état d'infrastructures de transport soient réservés à des améliorations d'infrastructure qui favorisent la marche, le cyclisme et d'autres modes de transport actif. Les études qui ont été effectuées montrent que dans les localités dotées d'infrastructures de marche et de cyclisme bien développées, les gens s'adonnent beaucoup plus à la marche et au cyclisme.
Par conséquent, si l'on veut supprimer les barrières au transport actif, il faudra consacrer des ressources à l'élaboration d'infrastructures favorables. Cette approche a donné de bons résultats aux États-Unis, où la plus importante mesure gouvernementale à l'appui des piétons et des cyclistes a été l'Intermodal Surface Transportation Efficiency Act, ou ISTEA, de 1991. L'ISTEA offre des sources de financement pour les infrastructures, les organisations de planification métropolitaine et les coordonnateurs des différents États en ce qui concerne la marche et le cyclisme.
Le versement de 5 p. 100 des activités de financement consacrées aux infrastructures à l'appui du transport actif au Canada, bien que sensiblement inférieur aux 10 p. 100 réservés à cette fin aux États-Unis, serait réalisable dans le cadre des budgets actuels. Ce chiffre de 5 p. 100 cadre avec les niveaux d'investissement actuels dans l'infrastructure.
La transparence que vous voyez maintenant et les deux graphiques qui l'accompagnent, et qui figurent dans la documentation qui vous a été distribuée, donnent le pourcentage des budgets d'infrastructure consacré aux installations de transport actif dans le cadre de l'ancien plan d'infrastructure. La moyenne nationale était de 5 p. 100, mais vous constaterez des variations importantes entre les différentes provinces. En fait, si vous retranchez de ces totaux les chiffres correspondant au Québec - car le Québec a tendance à déformer le tableau, étant donné qu'il a lancé une démarche très positive et très progressiste en faveur du transport actif - , la moyenne nationale passe à 1,8 p. 100 des dépenses d'infrastructure pour les installations destinées aux piétons et aux cyclistes.
En fixant à 5 p. 100 le seuil minimal dans chaque province, le transport plus efficace et plus efficient des personnes et des marchandises devient possible. Les possibilités de diversification économique sont multipliées et des possibilités de tourisme durable sont créées dans un contexte régionalement équitable et nationalement durable. En prenant la même approche fondée sur les systèmes, ces objectifs peuvent être réalisés en parallèle avec une amélioration de la santé individuelle et communautaire, une réduction des impacts environnementaux, un renforcement de notre sensibilisation à l'histoire et à la culture et la création d'emplois durables.
Merci. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Merci pour votre présentation que j'ai trouvée très intéressante, en particulier parce que j'y vois une vision d'avenir qui tient compte des facteurs environnementaux.
J'aimerais que vous élaboriez sur l'expérience vécue aux États-Unis. Vous parlez de la loi sur l'efficacité du transport intermodal de surface. Est-ce que vous avez des copies de cette loi et surtout une évaluation de son efficacité? Cela fait maintenant cinq ans que cette loi a été adoptée et je voudrais savoir si on a commencé à voir des résultats significatifs.
D'autre part, qu'attendez-vous du gouvernement fédéral par rapport à ça? Est-ce que ce serait le même type d'approche, évidemment dans le respect des juridictions contenues dans la Constitution canadienne, c'est-à-dire une loi fédérale qui viserait à peu près les mêmes objectifs?
[Traduction]
M. Grundy: Oui. Nous préconisons une approche semblable à celle empruntée dans le cadre de cette loi, mais une approche faite au Canada. En gros, l'ISTEA a réussi à inscrire la marche, le cyclisme et le développement de collectivités autour de ces activités au programme de tous les gouvernements aux États-Unis, aux niveaux national, municipal et des États.
La réussite de cette démarche est manifestée par le nombre de coordonnateurs d'État qui ont été mis en place et par le nombre d'organisations de planification municipale qui ont été créées. En effet, cette initiative a débouché sur la création de 360 organisations de planification municipale. Lorsque vous regardez les villes où ces installations ont été implantées, vous voyez le taux de réussite de ces différentes initiatives, et dans les villes dotées d'infrastructures favorables à la marche et au cyclisme, l'utilisation de l'automobile a marqué un sérieux recul.
Pour prendre un exemple canadien, à Toronto, dans le centre- ville, où il existe des installations favorisant la marche et le cyclisme, seuls 50 p. 100 environ des résidents possèdent une automobile. Il est donc éminemment clair que des changements d'infrastructure ont une incidence sur nos habitudes de déplacement.
[Français]
M. Crête: Vous avez parlé d'infrastructures par rapport aux voies de chemin de fer qui vont être abandonnées. Ce n'est pas nécessairement une remise en question de la politique canadienne. Quelles garanties devrait-on exiger des compagnies de chemins de fer lorsqu'elles vendent une voie ou de l'acheteur de la voie, pour qu'on soit sûr de ne pas avoir à reconstruire à moyen terme des ponceaux ou autres? Dans ma circonscription, il y a une piste cyclable d'au moins 150 kilomètres entre Edmundston et Rivière-du-Loup, et on a maintenu les infrastructures comme les ponts, etc. Qu'est-ce que vous attendez du gouvernement fédéral de ce côté-là?
[Traduction]
M. Grundy: Je vais demander à ma collègue, Ann Robinson, qui est directrice exécutive du Réseau canadien des corridors verts, de répondre à cette question.
Mme Ann Robinson (directrice exécutive, Réseau canadien des corridors verts): Voici, si j'ai bien compris la question. Que peut faire le gouvernement fédéral pour veiller à ce que les ponts et ponceaux ne soient pas démolis? Je pense que cela pourra se faire aisément par le biais de lois ainsi que lors de la négociation de l'achat d'emprises ferroviaires abandonnées... et leur préservation, de sorte que cela ne soit pas supprimé.
Les craintes des sociétés ferroviaires, et je pense que cela est tout à fait légitime, concernent leur responsabilité. Aux États-Unis, on pratique ce que l'on appelle la mise en banque des corridors ferroviaires. Le gouvernement en accepte la responsabilité jusqu'à ce que leur utilisation future soit décidée. De cette façon, l'infrastructure demeure intacte et cela convient à tout le monde. Le corridor est ainsi préservé.
Certains ont contourné la chose. L'Île-du-Prince-Édouard est, je pense, un merveilleux exemple, et c'est l'une des provinces les plus avancées à cet égard. Elle a décidé de créer des installations touristiques de classe mondiale. Elle a acheté les quelque 400 kilomètres qui existaient et elle poursuit le recyclage de ses lignes ferroviaires comme sentiers parcourant l'île.
[Français]
M. Crête: Il y a projet semblable au Québec, qui est la Route verte. Je crois qu'il serait important que vous fassiez faire par vos intervenants locaux le même genre de démarche auprès de chacun des députés de la Chambre des communes. Vous êtes en train de vendre une idée qui est encore neuve pour les parlementaires. On a la possibilité de sensibiliser les gens en leur donnant de l'information. Le cyclisme, particulièrement, est souvent considéré comme un peu folklorique et non pas comme le moyen de transport de l'avenir pour réduire la pollution.
[Traduction]
M. Grundy: Au Québec, nous continuons de travailler très étroitement avec Vélo Québec et Kino-Québec, et nous avons des systèmes d'exécution semblables dans chacun des territoires et provinces... des partenariats.
Mme Robinson: Permettez-moi d'ajouter que je porte un autre chapeau que celui du Réseau canadien des corridors verts. Je suis membre du conseil dans une petite localité. Les gens conviennent, je pense, qu'il s'agit bel et bien d'une collectivité - il n'y a aucun doute là-dessus - et il se trouve que c'est en région rurale. Le gros de l'argent est consacré à l'entretien des routes et des ponts, ainsi qu'aux caniveaux, etc. Cela ne veut pas dire que le reste n'est pas important. Je pense que c'est une merveilleuse occasion d'utiliser l'argent devant être consacré aux infrastructures comme incitation pour lancer tout cela.
Je vais vous donner un petit exemple. Un monsieur plutôt âgé est venu me voir il y a deux ans. Il avait été dans un grave accident de la route et la thérapie recommandée était la marche, mais nos trottoirs étaient en très mauvais état et nous n'avions pas de sentiers. Nous avons rectifié les choses depuis, et, ce qui est incroyable, je vois qu'il y a de plus en plus de gens, surtout parmi les personnes âgées, qui marchent. Je pense que c'est cela le résultat sur le terrain.
Le président: Bien sûr, dans ma province, on se promène surtout en dessous du terrain ces jours-ci.
Jim.
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Je pense que l'initiative que vous venez d'exposer au comité est bonne. Je ne dirai pas que je recule d'horreur, mais j'ai quelques appréhensions quant à ce genre d'initiatives.
Je viens moi aussi d'une région rurale, mais la mienne est très différente de la vôtre. Je viens du sud-est de la Colombie- Britannique, et nous avons beaucoup de... ce que vous appelez des montagnes, nous appelons des petites collines. Nous avons de vraies montagnes, et les régions parcourues par les chemins de fer sont incroyablement accidentées.
Nous avons une région dans laquelle nous essayons d'aménager un sentier, mais nous avons des ponts et le facteur risque est significatif. Nous avons des éboulements. Il y a des tronçons de l'ancienne emprise qui sont déjà ensevelis. C'était justement là l'un des problèmes des chemins de fer.
Nous avons un certain nombre de pistes cyclables dans nos villes. Nous avons des sentiers pédestres. Mais en région rurale, nous ne pouvons même pas mettre en place un système viable de transport par autobus, car il n'y a tout simplement pas la population requise, à moins de recourir à de très lourdes subventions. Par conséquent, lorsque nous regardons nos dépenses en matière d'infrastructure, il nous faut nous pencher sur les principaux facteurs de transport en ce qui concerne les automobiles, les routes et l'asphalte, car il s'agit là de besoins essentiels pour les gens de la région.
Je ne dévalorise aucunement ce que vous avancez. J'apprécie votre initiative en venant nous voir. Mais il vous faut reconnaître qu'il y en a parmi nous qui, bien qu'étant tentés d'appuyer ce que vous faites, se trouvent confrontés à d'autres contraintes qui nous empêchent, au moins en partie, de le faire.
M. Grundy: C'est là l'une des raisons pour lesquelles nous avons, je pense, abordé la question comme nous l'avons fait, en ce sens que nous ne sommes pas anti-automobiles. Nous disons que nous sommes pro- un certain nombre d'autres choses.
Notre démarche à l'égard du programme d'infrastructure est de vous dire que vous avez une possibilité d'agir ici qui ne vous coûtera pas un dollar de plus. Si vous prenez le programme d'infrastructure qui était en cours la dernière fois, vous avez déjà dépensé 5 p. 100 au titre d'installations pour piétons et cyclistes au Canada. Ce que nous disons, c'est qu'il faudrait assurer un peu plus d'équité en la matière au pays et faire en sorte que ce soit davantage une priorité pour tous les pouvoirs publics. Ne dépensons pas forcément plus d'argent, mais soulignons le fait qu'il s'agit d'un important élément des infrastructures des collectivités.
Lorsque nous regardons nos collectivités, il nous faut décider dans quel genre de communauté nous voulons vivre, car le fait de marcher et de prendre son vélo a une incidence non seulement sur le transport, mais également sur la sécurité de la localité, de nos jeunes gens, du développement économique, de l'environnement et de quantité d'autres choses. Ce que nous essayons de dire c'est qu'il y a moyen de faire des choses positives sans dépenser de nouveaux fonds.
Mme Robinson: J'aimerais également dire que je reconnais la différence qui existe par rapport aux régions rurales, et je sais que l'on ne peut pas tout simplement retenir une application et l'y mettre en oeuvre. Et, oui, la région rurale dont je suis originaire est peut-être plus peuplée. Mais même le simple fait de paver les bas-côtés des routes a une incidence favorable, en encourageant le cyclisme et en améliorant la sécurité des cyclistes.
Je trouve l'approche ici merveilleuse, car elle ne dit pas non, il vous faut choisir telle orientation. Cela vient réellement compléter l'infrastructure existante.
Le président: Roy.
M. Cullen (Etobicoke-Nord): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présentation. Je tiens à dire que je suis un fervent partisan de la conversion de lignes ferroviaires abandonnées en pistes cyclables, dans tous les cas où cela est faisable. Il y en a une que j'emprunte beaucoup à Toronto. La Belt Line Trail derrière Chaplin Crescent est une très belle piste. Si quelqu'un me disait qu'il me faudrait payer 1 $ chaque fois que je l'emprunte, je ne pense pas que je m'en plaindrais. Pensez-vous qu'il y ait de la place pour une formule de frais d'utilisateur pour certains de ces sentiers récréatifs?
Mme Robinson: Tout à fait. Certains groupes se débrouillent mieux que d'autres. Je suis certaine que vous connaissez les groupes d'amateurs de motoneige qui prélèvent des frais de permis et qui ont ainsi ramassé des millions de dollars. Il a été plus difficile, sur le plan pratique, pour d'autres groupes de faire de même.
Les groupes d'utilisateurs de sentiers ont tendance à demander des frais d'adhésion. Lorsque le terrain est plus rude, ils demandent des volontaires pour dégager les pistes. Mais cela ne fonctionne pas lorsqu'il vous faut quelqu'un à la grille pour ramasser l'argent. Il y a peut-être certains exemples ici avec le canal, où vous installez des boîtes et vous invitez les gens à faire un don.
Il me semble que le problème n'est pas tant que les gens s'y opposeraient; c'est plutôt trouver un moyen moins coûteux. Je sais que Vélo Québec a envisagé l'imposition d'une surtaxe sur les casques de cycliste.
M. Grundy: Il existe peut-être des moyens très intéressants et très novateurs de payer pour certaines de ces choses, mais il faut néanmoins tenir compte du fait qu'un ménage sur cinq au Canada ne possède pas de voiture, bien que ces familles paient les mêmes taxes que toutes les autres. Elles paient pour les routes. Est-il donc possible de veiller à ce qu'il y ait des routes pour tout le monde et des chemins pour les cyclistes et les piétons?
M. Cullen: Si vous optiez pour une formule de frais d'utilisation pour le réseau routier, par exemple, ou en tout cas si vous mettiez davantage l'accent là-dessus, je suppose que ce serait défendable. Y a-t-il moyen, au niveau local, de faire intervenir un concept d'utilisateur-payeur? Y a-t-il quelque chose que l'on puisse faire au niveau national ou provincial pour amener ce genre de réflexion ou d'effort? Ou bien cela ne va-t-il se faire qu'au niveau local?
M. Grundy: C'est là, certes, l'approche que nous avons suivie. Nous avons tenté d'appuyer les localités dans leurs efforts visant à faire ce genre de choses. C'est là l'une des raisons pour lesquelles nous avons dit que si les budgets d'infrastructure de demain sont équivalents à ceux d'hier, les localités devraient essayer d'en consacrer une partie à ce genre de choses.
Je pense qu'il y a beaucoup de place pour la créativité dans le cadre de tout ce processus. Le Réseau canadien des corridors verts a fait du travail en ce sens. Il y a eu beaucoup de campagnes de levées de fonds à l'échelle locale pour faire aboutir ces projets.
Je pense que les localités sont à la recherche de moyens de réaliser ce genre de choses. C'est une priorité pour elles. Je pense qu'elles sont à la recherche des incitations et du soutien que nous et vous, en tant que gouvernement, pouvons assurer pour donner un coup d'envoi à ces différents projets.
M. Cullen: Merci.
M. Grundy: Merci. Nous sommes heureux d'avoir pu venir vous rencontrer ici.
Le président: Nous allons maintenant accueillir, de l'Association des chemins de fer du Canada, M. Ballantyne et M. Cameron.
Vous connaissez la formule. Nous disposons d'environ une demi- heure. Je vous demanderais de vous en tenir à une dizaine de minutes pour votre exposé, afin que les députés aient l'occasion de vous poser des questions. Des copies de votre mémoire ont été distribuées.
M. Robert Ballantyne (président, Association des chemins de fer du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous apprécions l'occasion qui nous est ici donnée de saisir le comité du point de vue du secteur ferroviaire. M'accompagne aujourd'hui mon collègue, Roger Cameron, qui est directeur général des affaires publiques.
Nous sommes heureux que le comité ait entrepris cet examen exhaustif des transports, du commerce et du tourisme. Même si son examen porte au départ sur l'infrastructure routière, nous espérons qu'il ne s'agit que de la première étape dans un examen exhaustif de tous les modes de transport dans le contexte du marché continental nord-américain.
Mon collègue, Roger Cameron, va vous faire un bref exposé, résumant le mémoire écrit que nous vous avons fourni. Une fois son exposé terminé, nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions que voudront nous poser les membres du comité.
M. Roger Cameron (directeur général, Affaires publiques, Association des chemins de fer du Canada): Merci beaucoup. Comme Bob vient de vous le dire, je vais résumer les éléments saillants de notre mémoire.
Les chemins de fer du Canada doivent concurrencer d'importantes sociétés ferroviaires américaines sur le marché continental. Les taxes qu'imposent les États-Unis à ses chemins de fer sont néanmoins inférieures, et le pays investit dans des liaisons intermodales rail-camion et rail-eau. Des frais d'utilisateur sont en vigueur dans les ports, les aéroports et les trains canadiens. Les sociétés de chemin de fer construisent et entretiennent néanmoins leur propre infrastructure et doivent concurrencer un secteur du camionnage qui utilise un réseau routier subventionné à raison de5,5 milliards de dollars par an. Le fait d'autoriser des camions encore plus gros aurait pour effet de détourner encore plus de marchandises du rail en faveur du transport routier, réduirait l'agrément des chauffeurs et automobilistes, augmenterait la congestion routière ainsi que la pollution et la demande d'investissements supplémentaires dans le réseau routier. Nous sommes d'avis qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de programme d'infrastructure routière à moins d'appliquer au camionnage une politique de paiement par l'usager, car un terrain de jeu égal entre le camionnage et le transport ferroviaire aboutirait à un système plus efficient pour tous. Tout nouveau programme d'infrastructure doit également comporter des terminaux intermodaux, des liaisons rail-port et des liaisons train de banlieue-transport en commun. En effet, l'infrastructure de transport, c'est beaucoup plus que des routes.
Le service ferroviaire est un élément vital pour plus de 25 000 expéditeurs canadiens dans tous les secteurs de l'économie, ainsi que pour les corridors commerciaux Est-Ouest, les ports canadiens et le commerce Nord-Sud. Ensemble, ceux-ci ont un effet multiplicateur économique important. L'économie canadienne dépend plus du transport ferroviaire que n'en dépend l'économie américaine. L'importance économique des chemins de fer canadiens s'étend à tous les aspects de l'économie canadienne.
Près des deux tiers des marchandises transportées par nos chemins de fer relèvent du commerce international. D'autre part, le rail est le seul mode de transport qui finance entièrement sa propre infrastructure. CN et CP, par exemple, ont investi près de 1 milliard de dollars dans l'amélioration de leurs tunnels le long des lignes principales entre Toronto, Windsor et Chicago, ainsi que dans les Rocheuses. Ces investissements ont rendu plus concurrentiels les itinéraires commerciaux internationaux qui traversent le Canada.
Le commerce Nord-Sud se fait cependant dans les deux sens. Les chemins de fer canadiens et leurs clients sont exposés à un marché continental, et c'est le cas même à l'intérieur de nos propres frontières. Les chemins de fer canadiens doivent livrer concurrence aux chemins de fer et au gouvernement américains, bien que les taxes soient inférieures aux États-Unis. Par exemple, les chemins de fer américains nous font concurrence pour le transport de conteneurs importés de la côte Pacifique en Ontario et au Québec. Or, les chemins de fer canadiens paient des taxes sur le carburant et des taxes foncières supérieures. Le régime fiscal en matière d'amortissement est deux fois plus avantageux pour les chemins de fer américains.
Ce terrain de jeu inégal avec les Américains non seulement nuit aux chemins de fer, mais tue des emplois dans différents secteurs de l'économie, notamment du côté des industries axées sur les exportations et qui ont une importance stratégique pour le tissu industriel de l'économie canadienne. Ces industries misent très largement sur le commerce international et sont également durement frappées par les éléments taxes des frais de transport.
Les transporteurs ferroviaires canadiens doivent concurrencer non seulement les gouvernements et les grosses sociétés ferroviaires américaines, mais également les gouvernements canadiens qui subventionnent les routes pour le camionnage. Les taxes sur le carburant et les frais de licence pour les véhicules automobiles au Canada étaient inférieurs de 5,5 milliards de dollars aux coûts routiers en 1993. Or, les chemins de fer canadiens paient l'intégralité de leur infrastructure ainsi que des taxes sur le carburant et des taxes foncières. Les taxes sur le carburant payées par les semi-remorques couvrent 42 p. 100 des coûts d'entretien routier qu'occasionnent les camions. D'autre part, les taux d'amortissement pour les remorques tirées par les camions sont un tiers plus favorables que ceux appliqués aux conteneurs intermodaux à utilisation identique.
L'absence d'un terrain de jeu égal et un mauvais barème tarifaire pour les routes amènent une demande excessive en matière de camionnage, d'expansion du réseau routier et de réinvestissement. Les propositions visant le financement d'un programme d'infrastructure routière à même les deniers publics mineront encore davantage la compétitivité des chemins de fer canadiens, qui doivent couvrir leurs propres frais. Les milliards de dollars requis pour réparer les routes et les ponts qui se détériorent pourraient être en partie réduits par l'imposition au camionnage d'un barème de tarifs approprié. Un déplacement de 20 p. 100 des volumes de marchandises du chemin de fer en faveur du camionnage augmenterait de 1,1 milliard de dollars les coûts annuels attribuables aux routes et au trafic routier, tandis qu'un déplacement de 20 p. 100 dans l'autre sens réduirait ces mêmes coûts de 482 milliards de dollars.
Les décisions du gouvernement devraient refléter la nature multimodale du transport nord-américain car la politique routière est en même temps la politique ferroviaire. L'incidence de l'augmentation de la taille et du poids des camions sur le secteur ferroviaire a été très nette dans l'Est du pays, où le trafic a progressivement quitté les lignes ferroviaires à financement privé en faveur des routes, financées par les pouvoirs publics.
Pour que ce soit bien clair, «l'Est du pays» signifie, dans ce contexte, tout ce qu'il y a à l'est du Manitoba.
Ce sont les opérations ferroviaires de l'Ontario, du Québec et des Maritimes qui seraient le plus touchées par une accusation des déplacements de trafic entre les modes. Chose ironique, c'est dans ces provinces que les investissements de l'industrie dans des systèmes et des services de transport modernes font le plus pour réduire la congestion routière, le stress des automobilistes et l'usure des routes. Si l'on autorise des camions à remorques multiples à franchir librement la frontière, ceux-ci pourraient sérieusement entamer le trafic passant par les tunnels ferroviaires de Sarnia et de Windsor, où les compagnies ferroviaires ont investi des fonds privés pour améliorer le service et réduire la congestion routière. Des propositions autorisant des camions plus gros en l'absence d'une politique de pleine récupération des coûts mineraient encore davantage la compétitivité des chemins de fer canadiens. De telles mesures déplaceraient par ailleurs du trafic marchandises du système ferroviaire axé sur le principe de l'utilisateur-payeur en faveur du système routier, qui est subventionné et qui est déjà congestionné.
De plus en plus de personnes s'établissent dans les grosses régions métropolitaines, augmentant la demande de biens et de transport personnel à l'intérieur et à destination de ces régions. Les trains intervilles et les trains de banlieue à Montréal, Toronto et Vancouver transportent 33 millions de passagers par an sur les voies ferrées existantes, ce qui réduit le fardeau de l'encombrement des routes, de l'élargissement du réseau routier ainsi que des accidents et de la pollution. Il existe encore d'autres possibilités d'utiliser l'infrastructure ferroviaire actuelle pour des services de banlieue.
Les grandes routes sont elles aussi d'importants conduits pour les visiteurs américains qui viennent au Canada. Les membres de la génération du baby-boom, à l'aise et vieillissants, seront un marché cible très important pour le tourisme. L'augmentation proposée de la taille admissible des camions aura une incidence néfaste sur l'automobilisme d'agrément et les membres de la génération vieillissante du baby-boom seront moins à l'aise sur des routes toujours plus encombrées. Les trains de voyageurs sont importants pour attirer au Canada des visiteurs étrangers et leur argent.
En conclusion, les compagnies ferroviaires canadiennes doivent concurrencer les compagnies ferroviaires américaines dans un marché continental. Les taxes imposées aux compagnies de chemin de fer américaines sont inférieures et les États-Unis investissent dans des liaisons intermodales rail-camion et rail-eau. Le principe de l'utilisateur-payeur s'applique au Canada aux ports, aux aéroports et aux chemins de fer. Les compagnies de chemin de fer, qui construisent et entretiennent leurs propres infrastructures, doivent concurrencer le camionnage, qui utilise un système routier subventionné à raison de 5,5 milliards de dollars par an. Le fait d'autoriser des camions de plus grande taille déplacera des marchandises du rail aux routes et multipliera les accidents, la pollution et les dépenses de voirie. Cela nuirait également au tourisme en diminuant l'agrément de la conduite automobile et en augmentant les inquiétudes des automobilistes face à l'encombrement croissant des routes.
Nous pensons que tout programme d'infrastructure routière devra être géré selon une formule d'utilisateur-payeur. Le Canada doit gérer ses routes de façon responsable et abordable. Un terrain de jeu égal pour les camions et les trains créerait un système plus efficient en assurant une meilleure utilisation de l'infrastructure ferroviaire existante. Si une nouvelle infrastructure doit être mise en place, nous pensons qu'elle devra aller au-delà d'une simple infrastructure routière pour comporter des terminaux intermodaux ainsi que des liaisons rail-port et rail-camion, et que les services de train de banlieue devraient être mieux intégrés au réseau de transport en commun.
Merci beaucoup. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cameron.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Un sujet que j'aimerais aborder est celui des taxes sur le carburant. Je suis de façon générale d'accord avec vous, en ce sens que je pense que les revenus du gouvernement fédéral devraient provenir de l'impôt sur le revenu à moins qu'il y ait une dépense bien précise à faire et qu'il lui faille donc prélever des droits particuliers. En ce qui concerne les taxes sur le carburant pour les chemins de fer, je pense que leur perception est très peu justifiée, et vous avez justement soulevé cela.
Vous avez parlé de subventions. En ce qui concerne le réseau routier, avez-vous mis cela en équilibre avec le fait que le gouvernement fédéral - et nous ne parlons ici que du niveau fédéral - consacre chaque année environ 300 millions de dollars à l'amélioration des routes? Il perçoit près de 5 milliards de dollars au titre de la taxe sur le carburant auprès des usagers de ces routes. Lorsque vous parlez du subventionnement du réseau routier en tant que tel comparativement aux chemins de fer, tenez- vous compte de cet argent-là?
M. Cameron: Oui, nous tenons compte de ce que font tous les paliers de gouvernement. Le déficit de 5,5 milliards de dollars est mentionné dans un des rapports qu'a publiés Transports Canada cet été. En gros, les dépenses au titre des routes sont de l'ordre de 15 milliards de dollars, tandis que les revenus correspondants se chiffrent à près de 10,5 milliards de dollars. Cela vous donne une idée de l'ordre de grandeur.
Ce que nous disons, monsieur, est en fait très simple. Il y a des choix à faire et ces choix sont principalement motivés par des décisions politiques. Un bon exemple serait celui du réseau des Iron Road Railways, un groupe de compagnies qui exploitent des lignes courtes et qui n'existaient pas il y a deux ans. Je dirais, à l'intention de ceux qui les connaissent peut-être sous d'autres noms, que l'ancienne Dominion Atlantic Railway en fait partie. Il s'agit maintenant de la Windsor and Hantsport Railway, en Nouvelle- Écosse. Les lignes ferroviaires entre le Nord-Est américain et le Sud-Est québécois, au départ, mais plus récemment Delson et Côte- Saint-Luc, font partie de ce réseau.
Il s'agit d'une compagnie de courtes lignes qui n'existait pas il y a deux ans. D'ici la fin de l'année, elle assurera le transport de 100 000 wagons de marchandises, ce qui revient à retirer des routes quelque 275 000 gros camions. Cela réduira de 120 millions de dollars par an les taxes et les dépenses des différents paliers de gouvernement, et la compagnie va, en plus, payer de l'impôt sur le revenu. Il ne s'agit là que d'une seule compagnie, mais il existe d'autres exemples du genre. Il y a différentes options, et c'est là un exemple d'option réussie.
M. Gouk: J'aimerais, certes, voir maintenue la viabilité des chemins de fer. La ligne ferroviaire dans ma région de la Colombie- Britannique est marginalement rentable, et je ne voudrais pas qu'on la perde. J'aimerais voir des solutions en vue d'améliorer la viabilité directe des chemins de fer, par opposition à l'imposition de toutes sortes de nouveaux coûts au camionnage. Oui, cela amènera un certain déplacement du camionnage au transport ferroviaire, mais il y a d'autres cas pour lesquels le chemin de fer ne serait pas viable. Il y a différents types d'activités pour lesquels le camionnage est nécessaire, et nous sommes tous d'accord là-dessus. Je ne voudrais donc pas régler le problème des chemins de fer en créant un problème du côté du camionnage et de ceux qui continuent d'en avoir besoin.
Il nous faut maintenir un équilibre. Nous ne pouvons pas tout simplement dire, de façon arbitraire, qu'un tel ne paie pas sa juste part et qu'il nous faut donc faire augmenter son prix, ce qui va donner beaucoup d'activité aux chemins de fer. Je pense qu'il nous faut nous concentrer sur les facteurs coûts des chemins de fer eux-mêmes et aborder le problème de ce point de vue-là, sans quoi l'on réglera peut-être un problème pour en créer un plus gros ailleurs.
M. Cameron: Je ne vous contredirai pas là-dessus, monsieur, mais nous ne disons pas que les camions n'ont pas de rôle à jouer. Bien sûr qu'ils en ont, et dans bien des cas, il y a des partenariats entre le secteur ferroviaire et le camionnage. C'est tout particulièrement le cas des opérations intermodales, et je songe, par exemple, aux ports de Vancouver, de Halifax et de Montréal qui ont beaucoup bénéficié du fait de pouvoir utiliser des conteneurs import-export et des améliorations connexes pour le transport de marchandises entre continents, marchandises qui dans certains cas utilisent le Canada comme pont direct vers les marchés du centre des États-Unis.
L'important ici est que dans certains cas, et à l'intérieur du territoire canadien et dans le cadre d'opérations transfrontalières, les sociétés de camionnage utilisent des conteneurs et de la technologie proprement canadiens. Comme je l'ai déjà dit, le recours au rail pour le transport sur de longues distances et au camion pour le ramassage et la livraison sur de petites distances réduit la consommation de carburant pour tout le monde et multiplie les économies. Le fait d'utiliser des camions pour le ramassage et la livraison locaux aide le secteur du camionnage à surmonter des taux de roulement chez les camionneurs qui sont souvent très élevés.
Il est évident qu'il peut y avoir des avantages pour tout le monde. Dans le cas du financement du matériel, par exemple, il y a des changements compétitifs qui peuvent et qui doivent être faits.
Le président: Merci, monsieur Cameron.
Monsieur Jordan.
M. Jordan (Leeds - Grenville): Je pense que les membres du comité ici réuni, et sans doute la plupart des Canadiens, conviendraient que nos routes sont dans un état lamentable. On ne cesse de nous le dire et nous le savons nous-mêmes, les ayant parcourues. Le problème est énorme, et si nous ne commençons pas bientôt à les réparer...
Personnellement, je conviens que les dommages causés aux routes et leur détérioration sont largement le fait de camions - même si je n'ai pas envie de dire que les camions font un usage excessif de nos routes - les expéditeurs ayant abandonné le chemin de fer en faveur du camionnage. Il me semble que les camions sont chaque année plus gros. Comme je l'ai déjà mentionné, le problème a peut-être commencé lorsqu'on a autorisé ces gros camions.
Ne pensez-vous pas que cela donnerait lieu à des calculs quelque peu difficiles d'établir la portion à payer par l'utilisateur, étant donné que les camions ne sont pas les seuls véhicules à sillonner les routes? Il y a des vélos, des motos et des automobiles de tous genres. Il y a vraiment de tout. Comment feriez-vous...? Vous appuieriez-vous sur le produit brut transporté ou quelque chose du genre? Il vous faudrait tenir compte de la distance parcourue et peut-être même de l'époque de l'année. À certaines périodes de l'année, les routes sont beaucoup plus vulnérables qu'à d'autres, et cela varie d'une région à l'autre du pays.
C'est un joli concept, et je l'approuve, mais j'aimerais bien que vous me disiez comment vous compteriez établir ce que cela coûte d'avoir des camions sur nos routes.
M. Cameron: Pour répondre brièvement - et Bob aurait quelques observations à faire là-dessus - la question de l'usure est celle sur laquelle il vous faudrait vous concentrer. Les automobiles et les vélos utilisent eux aussi le réseau routier, comme il se doit, mais c'est au niveau de l'usure que la différence ressort véritablement. Il y a amplement de preuves pour étoffer cela. Il existe quantité de données là-dessus, et celles-ci sont très faciles à obtenir.
Je pense que l'une des difficultés est que tout le monde est d'accord pour dire que l'argument est juste. Là où cela achoppe, c'est lorsqu'il s'agit de passer à l'étape suivante, à celle des mesures à prendre.
M. Ballantyne: C'est un calcul qu'il est difficile de réaliser. Ce n'est pas un calcul inhabituel en affaires. Beaucoup d'entreprises qui ont des lignes multiproduits sont bien sûr confrontées au problème de l'allocation des coûts de leur usine, qu'il s'agisse d'une fabrique ou d'autre chose, entre leurs différentes lignes de produits. Les chemins de fer doivent faire cette gymnastique tous les jours, selon qu'ils établissent le prix de leurs services pour la manutention du charbon ou pour la manutention d'automobiles ou autres.
Un certain travail a été fait là-dessus par l'Association des transports du Canada, qui est en relation étroite avec le Conseil canadien des ministres du Transport. Ils se débattent avec cette question depuis quelque temps déjà. Il a en tout cas été question de faire des études plus poussées en vue de tenter de répartir les coûts de la voirie, d'une façon qui soit équitable, entre les différents groupes d'usagers.
Nous espérons voir ce travail se poursuivre par l'intermédiaire de l'Association des transports du Canada au cours des six mois à venir.
M. Jordan: J'imagine que vous ne voudriez pas tout simplement laisser les camionneurs faire ce calcul.
M. Ballantyne: Non. L'Association des transports du Canada est un groupe à vaste représentation. Il compte parmi ses membres des représentants du ministère des Transports et de tous les ministères provinciaux, qui, nous le savons, sont très indépendants et ont un avis très équilibré sur tout, ainsi que des représentants des secteurs ferroviaire et du camionnage et des constructeurs de routes.
M. Jordan: Merci.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Cullen: Merci, monsieur le président.
Messieurs, si j'ai bien compris, il est question d'une consolidation ou d'une rationalisation de CN et CP dans l'Est du Canada. Vous pourriez peut-être nous faire une petite mise à jour là-dessus, sans pour autant parler pour le compte de CN ou de CP. Si cela doit se faire, ou si cela se fait à l'heure où nous parlons, cela aura-t-il une incidence sur l'infrastructure ferroviaire de l'Est du pays?
M. Cameron: Vous avez raison en ce qui concerne le premier point. Toute discussion de cet ordre serait une discussion commerciale entre CN et CP. Cependant, nous avons, tout comme vous, vu les rapports dans la presse. La question est en grande partie celle de la viabilité du secteur ferroviaire dans l'Est canadien, et tout particulièrement entre l'Ontario et le Québec. En fait, les questions qui ont amené ces compagnies ferroviaires à discuter de ce genre de choses sont précisément celles dont nous discutons ici.
C'est une question dont on parle de plus en plus depuis un quart de siècle. Les augmentations dans ce domaine ont toujours tendance à se situer au niveau supérieur, mais je pense que le jour approche où certaines de ces questions devront être abordées dans un contexte plus large pour ce qui est de l'allocation des coûts. Bob a fait allusion au symposium portant sur cette question et parrainé par l'Association des transports du Canada, et qui doit avoir lieu à Ottawa au printemps prochain. L'on y discutera précisément de ce genre de questions.
Il est difficile de traiter du passé, mais il conviendrait d'en tirer des leçons pour l'avenir.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête: Dans votre mémoire, vous faites allusion à la loi américaine sur l'efficacité du transport intermodal de surface. Est-ce que cela ne reflète pas le fait qu'on a un problème au Canada, parce qu'on n'a pas eu de stratégie intégrée de transport? Dans le passé, en effet, il semble que chacun des niveaux de gouvernement ait agi selon ses compétences, mais sans qu'il y ait eu de coordination entre les gens.
Ma deuxième question sera de vous demander quel effet vous pensez que cela va avoir sur la structure des entreprises de chemin de fer comme le Canadien National, le Canadien Pacifique et peut-être d'autres. Est-ce que la nouvelle approche continentale nord-sud et l'accord de libre échange vont avoir un impact sur la structure des compagnies? Est-ce qu'il y a déjà eu des impacts et quel sera la signification de tout ceci à l'avenir? C'est une question à deux volets.
[Traduction]
M. Cameron: Je comprends parfaitement ce que vous dites. Le fait est que les deux... vraisemblablement CN et CP, bien que cela s'étende à l'Algoma Central Railway, qui a fusionné avec la Wisconsin Central et d'autres lignes canado-américaines qui assurent des liaisons transfrontalières.
Le problème auquel se trouve confrontée l'industrie ferroviaire canadienne est qu'elle doit affronter la concurrence des deux côtés de la frontière ainsi qu'à l'échelle continentale. Ce terrain de jeu n'est pas égal non plus. C'est un concept merveilleux que d'encourager la libre concurrence, mais lorsqu'on a une main attachée dans le dos, la lutte est moins juste qu'on aurait pensé.
L'on devrait bien évidemment tirer des leçons d'autres expériences, et cela revient à une question d'équité entre les industries et les paliers de gouvernement. N'oubliez pas que j'ai dit 30 p. 100... Je n'ai pas mentionné de montant précis, mais environ 30 p. 100 du trafic de conteneurs à destination du marché du centre du Canada arrivent par les ports de la côte Ouest américaine.
L'une des raisons à cela - mais pas la seule - est la différence sur les plans coûts, taxes et toutes sortes d'autres éléments qui entrent en jeu. Le dirigeant d'une des grosses lignes de transport par conteneur a abordé cette question lors de la conférence pan-pacifique tenue plus tôt cette année à Vancouver. Alors qu'on aborde des questions de ce genre, il se dessine la possibilité pour un plus grand nombre d'entreprises de passer par des ports canadiens, de se faire servir par des employés canadiens, avec tous les avantages qui en découlent. Si vous n'avez pas vu sa présentation, je me ferai un plaisir de vous en envoyer une copie. C'est vraiment très intéressant, et il s'agit de l'une de ces questions pour lesquelles il est parfois très utile de savoir comment d'autres vous perçoivent. L'auteur du mémoire met tout de suite le doigt sur la nature des problèmes que vit le Canada et sur les possibilités qui existent pour les résoudre.
[Français]
M. Crête: Dans l'étude, est-ce qu'il y a des exemples des résultats obtenus par les États-Unis? Et est-ce que votre association aurait publié quelques résultats plus détaillés concernant les différences qui existent entre le Canada et les États-Unis? Si c'était le cas, est-ce que vous pourriez mettre ces résultats à la disposition du comité? Je me demandais aussi si vous n'auriez pas de la documentation plus précise qui nous donnerait une liste de 10, 12 ou 15 points pour nous permettre de faire la comparaison entre les deux.
[Traduction]
M. Ballantyne: Un important travail a été fait par divers groupes au sein du secteur ferroviaire et ailleurs. Nous pourrions très certainement rassembler une partie de ces renseignements.
Une étude plutôt bonne sur la taxation du secteur des transports a été effectuée en 1993 par l'Association des transports du Canada. Cette étude examine dans le détail une vaste gamme de questions fiscales, et montre, incidemment, que le secteur ferroviaire canadien est beaucoup plus imposé que tous les autres modes de transport canadiens et que l'ensemble des modes américains, ainsi que l'ensemble des autres industries.
Si vous voulez, nous pourrions essayer de réunir certains renseignements là-dessus, en puisant dans diverses sources.
[Français]
M. Crête: Ce serait très apprécié. Mais je crois que vous ne m'avez pas répondu au sujet de l'impact de la nouvelle approche continentale sur la structure des compagnies. Est-ce que vous pensez que le Canadien Pacifique ou le Canadien National vont devoir procéder à des modifications de structures administratives pour tenir compte des nouvelles approches nord-sud, ou si vous croyez que cela va pouvoir se faire dans le même cadre?
[Traduction]
M. Ballantyne: Il est difficile de voir comment cela va se faire. Je pense que le fait que nous vivions une ère de libre- échange et que l'économie du continent soit en train de devenir de plus en plus intégrée a une incidence sur la façon dont toutes les entreprises fonctionnent, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. Il est donc possible que cela ait une certaine incidence.
Je pense que les deux principaux chemins de fer - et je signale en passant qu'il y a 34 compagnies ferroviaires en exploitation au Canada et que leur nombre augmente presque chaque semaine au fur et à mesure que de nouvelles lignes courtes viennent s'ajouter - ont apporté d'importants changements à la façon dont ils administrent leurs affaires. Ils le font essentiellement de façon à rester en exploitation et à réussir à concurrencer les chemins de fer américains.
Ils ont également négocié des alliances stratégiques avec des chemins de fer américains, ce qui a eu différents effets. Cela les aide à élargir leur portée du point de vue commercialisation, mais les aide également à maintenir leur identité sociale et leur contrôle d'un point de vue canadien.
Le président: J'aurais une observation à faire. Lors de la conférence tenue plus tôt cette année à Charlottetown par l'Association des transports, un conférencier a fait, à l'occasion d'un atelier, une présentation qui pourrait vous intéresser ou vous être utile.
L'exemple auquel je songe concerne un nouveau terminal intermodal en Nouvelle-Angleterre, visant particulièrement le trafic entre cet endroit et Chicago, qui est le principal point d'interconnexion pour le trafic ferroviaire en Amérique du Nord, bien franchement, et en tout cas aux États-Unis.
L'exposé en question traitait du genre d'avantages sociaux qui existent, qui peuvent être quantifiés mais dont le public ne tient en général pas compte lorsqu'il songe aux coûts et à l'équité.
L'une des choses que nous avons réussi à faire dans le cadre de cette étude a été d'expliquer les économies sur le plan carburant, par exemple, les différentes questions en matière d'utilisation des terrains qui entrent en ligne de compte et les autres avantages que présente le transport ferroviaire. Si cela vous intéresse, je pourrai vous fournir cette documentation.
[Français]
M. Crête: J'ai une dernière petite chose à vous demander. Cela nous aiderait beaucoup, en tant que parlementaires, qu'il y ait une campagne sur l'impact des chemins de fer menée directement par les gens de l'Association des chemins de fer du Canada. Étant député depuis trois ans seulement, je peux vous dire que l'information recueillie là-dessus nous donne une vision différente de celle des citoyens du Canada en général, qui peuvent avoir une vision un peu folklorique du chemin de fer. Je pense donc qu'il est de votre responsabilité de transmettre tous les arguments que vous nous avez donnés aujourd'hui à un plus large public.
[Traduction]
M. Ballantyne: Merci beaucoup. Cette observation est intéressante et utile. Nous faisons ce que nous pouvons dans ce domaine, mais il est certain que nous pouvons faire plus. Il s'agit, certes, d'un secteur qui est aussi techniquement avancé que l'aérospatiale. La technologie est une technologie de pointe, et il nous faudrait peut-être faire passer ce message.
Nous publions chaque année ce petit cahier statistique, que nous avons envoyé à tous les députés et qui dresse un portrait d'ensemble. Nous en faisons une très large distribution, mais il nous faudrait peut-être faire plus que cela.
[Français]
M. Crête: Je parlais du très grand public.
[Traduction]
Le président: Merci, messieurs.
Nous allons maintenant entendre, de l'Ontario Road Builders Association, M. Robert Bradford. Bienvenue. Vous disposez d'environ une demi-heure. Je vous demanderai de limiter vos remarques liminaires à quelque dix minutes, afin que nous ayons le temps de poser des questions. Comme vous avez pu le constater, il y a toujours de l'interaction.
M. Robert Bradford (directeur général, Ontario Road Builders Association ): Tout à fait. Merci beaucoup. Vous avez mentionné que je représente l'Ontario Road Builders Association, alors vous aurez tout de suite deviné où réside mon intérêt.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de venir comparaître devant vous. Notre mémoire vous a, je pense, été distribué il y a de cela quelques mois et d'autres copies sont disponibles ici aujourd'hui. L'examen du comité porte sur les liens entre l'investissement dans notre réseau routier national et le commerce et le tourisme. Notre mémoire au comité traite de ces avantages-là et d'autres que procure l'investissement dans le réseau routier national, et je vais prendre quelques minutes pour vous les exposer brièvement. Je ne suis pas certain que ce soit là la question dont nous soyons véritablement saisis aujourd'hui.
Les nombreuses études effectuées au cours des ans et les mémoires que vous avez reçus de la part de groupes comme la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada et la Better Roads Coalition de l'Ontario font clairement ressortir les très nets avantages sociaux et économiques que procure l'investissement dans le réseau routier national. Nous croyons par ailleurs que ces liens sont en général bien compris et acceptés par tous les paliers de gouvernement. La question qui reste sur la table est donc peut-être celle du financement.
Au titre des avantages que procure l'investissement dans notre réseau routier national, mentionnons, comme nous le faisons dans notre mémoire, la dépendance de l'économie canadienne à l'égard des exportations et le fait que la plupart des marchandises destinées à l'exportation sont transportées par camion.
Nous avons montré que le trafic sur nos grandes routes les plus achalandées a augmenté de10 p. 100 par an depuis 1980, tandis que le réseau routier n'a connu qu'une croissance de 3,4 p. 100 pendant ce même intervalle.
Nous citons également des études qui montrent que les autoroutes encombrées coûtent des milliards de dollars par an en productivité et en profits perdus.
Un réseau routier adéquat est très haut sur la liste des priorités des entreprises cherchant à s'implanter ou à s'élargir. Celles-ci doivent pouvoir recevoir leur inventaire juste à temps et elles doivent pouvoir livrer leurs produits finis sur le marché à un coût rentable. Si ces possibilités ne leur sont pas offertes, elles feront affaire ailleurs, et nous connaissons des exemples d'entreprises qui ont choisi de ne pas faire affaires au Canada du simple fait de l'état insatisfaisant du réseau de transport routier.
Nous poursuivons en traitant des avantages que procure l'investissement dans un réseau routier national sur les plans sécurité publique et coûts de soins de santé, croissance économique, création d'emplois, réduction des coûts pour les utilisateurs et responsabilité environnementale. Je me ferai un plaisir de fournir au comité des explications supplémentaires sur un quelconque de ces aspects.
Il me faudrait peut-être maintenant dire quelques mots au sujet de la question des emplois, car l'on entend dire de plus en plus ces jours-ci que les emplois créés par les projets de construction routière sont des emplois artificiels. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Si vous avez un engagement permanent envers un programme routier, vous créez un bassin d'emplois à long terme. Tous ces gens vont travailler chaque année. Ce seront des emplois bien rémunérés. Les emplois dans le secteur de la construction donnent lieu à davantage de retombées économiques que ceux qui existent dans la plupart des autres industries, et il s'agit d'emplois qui exigent des compétences spécialisées.
J'ai dit au départ que nous croyons que tous ces liens à des avantages sociaux et économiques ont été bien établis et généralement acceptés. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais j'ai discuté avec des membres du comité et avec d'autres personnes au gouvernement et j'ai bien l'impression que la plupart des gens sont convaincus de l'importance d'un réseau routier national adéquat.
La question, donc, est celle de savoir d'où doit provenir l'argent. Je n'ai pas de solution miracle, et je n'en ai pas entendu récemment, mais je vous dirai, aujourd'hui, que c'est une question de responsabilité et de priorités.
Premièrement, tous les paliers de gouvernement, y compris le gouvernement fédéral, doivent accepter leur part de responsabilité dans le financement d'un réseau routier national. Nous avons entendu des représentants fédéraux déclarer que les grandes routes ne sont pas du ressort du fédéral selon la Constitution.
À notre avis, si nous acceptons que l'existence d'un système routier national est fondamentale pour nos intérêts nationaux, alors la question constitutionnelle est un faux problème fort pratique. Il incombe au gouvernement fédéral d'accepter sa part de responsabilité à l'égard du réseau routier national et d'agir le plus rapidement possible pour exécuter ces responsabilités.
Une fois ces responsabilités assumées, alors la question devient celle de priorités. L'actuel gouvernement, comme tous les gouvernements, doit composer avec les réalités de la campagne de réduction du déficit, mais il lui faut néanmoins prendre des décisions relativement à ses priorités en matière de financement. Ayant reconnu les énormes avantages que procure un réseau routier national efficient, nous croyons que le gouvernement doit mettre le financement de ce réseau très haut dans sa liste de priorités. Qu'est-ce qu'il y a de plus fondamental dans les responsabilités du gouvernement que de fournir et de maintenir l'infrastructure essentielle dont nous avons besoin pour croître et prospérer?
À l'heure actuelle, le gouvernement ramasse plus de 5 milliards de dollars par an au titre de taxes sur l'utilisation des routes; or, moins de 5 p. 100 de ces revenus sont réinvestis dans le réseau routier. Consacrer ne serait-ce que 2c. le litre sur l'ensemble des taxes fédérales sur le carburant - ce qui représenterait à peu près 20 p. 100 des recettes fédérales totales à la pompe - ferait beaucoup pour financer un programme routier national permanent garantissant notre capacité de maintenir le réseau en conformité des normes. Les usagers des routes estiment déjà qu'ils assurent ce financement. Malheureusement, il n'y en a qu'une très petite part qui aboutit dans le réseau routier.
Le message que nous voulons vous transmettre aujourd'hui est qu'il importe que le gouvernement fédéral s'engage à l'égard de notre réseau routier national. Nous venons donc ajouter nos voix à celles des autres que vous avez sans doute entendues récemment demandant que 2c. par litre prélevés à même la taxe fédérale sur le carburant soient directement consacrés au réseau routier national. Je pense que ce message vous a déjà été livré par l'Association canadienne des automobilistes et par la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada, et nous faisons partie de ce groupe.
Avant de conclure, je pense qu'il est important de comprendre les conséquences de la détérioration continue de notre réseau routier national. Près de la moitié de l'actuel réseau est bien en deçà des normes acceptables.
Les grandes routes sont conçues pour durer 15 à 20 ans. Si vous faites les travaux d'entretien préventifs au moment opportun, il vous en coûte à peu près 1 000 $ par kilomètre-voie et l'espérance de vie du revêtement peut être prolongée de plusieurs années. Si vous attendez deux ou trois années au-delà du moment idéal pour intervenir, il faut alors des travaux de remise en état dont le coût se chiffre à l'heure actuelle à environ 80 000 $ par kilomètre-voie. Si vous attendez encore quelques années - et deux ou trois années de plus suffisent - , si vous laissez la route se détériorer au-delà de ce seuil auquel vous pouvez toujours la récupérer, alors la seule possibilité c'est de la reconstruire, et il vous en coûtera alors près de 250 000 $ le kilomètre.
À l'heure actuelle, une part importante du réseau routier national a atteint un état de détérioration tel que l'entretien préventif n'est plus envisageable, et certains tronçons exigeront d'être reconstruits. Chaque année qui s'écoule en l'absence d'un programme routier national financé comme il se doit participe d'une érosion exponentielle d'un bien public précieux et de coûts inutiles énormes lorsque le problème devient si grave que l'on ne peut plus l'ignorer. Le vieil adage «Payez-moi maintenant ou payez- moi plus tard» acquiert une toute nouvelle signification lorsqu'on parle de l'entretien des routes. Dans ce cas-ci, c'est payez-moi 1 $ maintenant, payez-moi 80$ d'ici trois ans ou payez-moi 250 $ dans cinq ou six ans. C'est à nous de choisir.
Voilà les observations que je tenais à faire et je vous fournirai avec plaisir des explications supplémentaires, si vous le désirez.
Le président: Merci, monsieur Bradford.
Nous allons commencer par M. Cullen.
M. Cullen: Merci, monsieur le président.
Monsieur Bradford, vous nous avez fourni un mémoire très exhaustif, et je compte le lire dans les jours qui suivent.
Dans la partie où vous traitez du financement d'un programme routier national, vous exhortez le comité permanent à enquêter sur le rôle important que pourrait jouer le secteur privé dans le financement d'un tel programme. Il s'agit là d'une chose sur laquelle nous nous penchons.
La gamme des options envisageables est assez vaste, et je me demandais si vous auriez quelque chose à ajouter là-dessus ici aujourd'hui et si, dans le cadre de nos délibérations, nous pourrions faire appel à vous pour obtenir des renseignements ou des données qui nous permettent d'avancer avec ce dossier.
M. Bradford: Tout d'abord, nous nous ferons un plaisir de travailler avec vous comme vous le jugerez opportun.
Nous réfléchissons beaucoup à toute la question de la participation du secteur public au réseau routier national. Je sais que M. Alcock a lancé un défi à l'Île-du-Prince-Édouard lorsqu'il nous a dit qu'il faudrait peut-être que le secteur privé intervienne et il nous a demandé de trouver quelques bonnes idées.
La situation est quelque peu difficile, car il est question ici, essentiellement, de routes déjà construites. Pour qu'il y ait participation du secteur privé, il faudrait élaborer un genre de cheminement de revenus. Cela fonctionne merveilleusement bien dans le cas de nouvelles routes. Vous avez l'exemple de la 407, qui ne relève plus du secteur privé, mais qui a commencé dans ce contexte, et cela pourrait très certainement fonctionner de cette façon. Le pont à l'Île-du-Prince-Édouard est un autre bon exemple. Mais le secteur privé doit avoir des sources de revenus, alors la question devient la suivante: comment mettre en place un système de génération de revenus dans le cas d'une route qui a déjà été construite? Vous allez demander à une entreprise privée de l'entretenir, d'y consacrer son matériel, et il faut qu'il y ait un certain rendement. C'est cela qu'il nous faut trouver.
En Ontario, j'ai tout récemment entendu une bonne idée, ou en tout cas une idée que j'ai jugée bonne. Notre ministre des Transports, M. Palladini, est en train d'examiner la possibilité d'annonces publicitaires sur les panneaux de signalisation. Il y aurait apparemment d'importants revenus à en retirer, bien qu'il faille tenir compte des aspects sécurité de la chose. Je ne sais où regarder ailleurs que là. Nous avons le long des grandes routes des emprises qui appartiennent au gouvernement. Il y a des services à offrir au public. Il y a certainement des revenus qui pourraient être produits grâce à des activités du genre.
Oui, je pense que cela est possible. Mais j'estime que nous nous leurrons si nous pensons pouvoir nous tourner vers le secteur privé et lui demander de s'occuper du réseau routier national. Cela va exiger un financement gouvernemental permanent, et je ne pense pas qu'il y ait moyen de contourner cela.
M. Cullen: Si nous avions posé la même question à M. Palladini lorsqu'il est venu nous rencontrer à Hamilton il n'y a pas très longtemps, si nous lui avions demandé s'il serait envisageable de transformer des routes déjà construites en routes à péage... Il a fait la même observation... Je pense qu'il a abordé la question d'un point de vue politique. Il a dit que, sur le plan politique, il serait très difficile de transformer des routes existantes en routes à péage.
L'une des idées auxquelles nous réfléchissons est que si vous pouviez offrir un service amélioré, que ce soit une amélioration de la route, ou des limites de vitesse supérieures, ou la possibilité de se rendre plus rapidement du point A au point B... Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que s'il ne s'agit que d'une route existante qui n'a subi aucune amélioration, alors c'est très difficile à vendre sur le plan politique. Mais s'il y a un service ou un rendement supérieur, pensez-vous qu'il soit possible d'imposer un régime de frais d'utilisation?
M. Bradford: Le public est très certainement prêt à payer pour pouvoir se déplacer plus rapidement et de façon plus pratique. Le secteur commercial apprécierait très certainement toute amélioration du réseau routier qui lui permettrait de transporter plus rapidement ses produits d'un point à un autre, car c'est là la clé par les temps qui courent: il faut déplacer les choses rapidement. Certaines possibilités existent donc de ce côté-là.
Je ferai néanmoins une petite mise en garde. Dans notre association, nous sommes des constructeurs de routes, mais nous ne sommes par forcément favorables à l'idée de transformer toutes les routes du pays en routes à péage. Notre politique jusqu'ici a été de dire oui à l'installation de péages sur les nouvelles routes, lorsque le public a un choix. Cela n'est bien sûr pas gravé dans la pierre. S'il nous faut installer des postes de péage pour obtenir l'argent dont nous avons besoin pour entretenir nos routes, alors il nous faudra bien passer par là. Il ne faut cependant pas oublier que l'usager des routes paie déjà très cher. Il estime qu'il finance déjà directement les grandes routes. Si vous installez des postes de péage, les gens vont avoir l'impression de payer deux fois, et cela deviendra un problème politique.
M. Cullen: Je suis certain qu'il serait utile de poursuivre cette discussion, et nous le ferons peut-être un petit peu plus tard. Merci.
Le président: Monsieur Jordan.
M. Jordan: Il me faut me ranger à votre avis quant à la possibilité d'une participation financière importante de la part du secteur privé. Cela m'intrigue de savoir comment cela pourrait se faire pour des routes existantes et quelles incitations pourraient être offertes.
Vous avez dit penser que le public serait prêt à payer, et qu'il paie déjà. Pensez-vous qu'il serait prêt à payer s'il y avait une taxe clairement délimitée - une taxe sur le carburant, par exemple - et qui ne pourrait servir qu'à l'entretien ou à la construction de routes?
M. Bradford: Je pense que le public serait prêt à payer pour cela. Plus important encore, je pense qu'une part importante des contribuables estiment que c'est déjà ce qui se passe. Lorsque nous discutons avec les gens de la taxe prélevée à la pompe, ils nous regardent pleins d'étonnement lorsque nous leur disons qu'il n'y a pas beaucoup d'argent là-dessus qui est réinvesti dans les routes.
M. Jordan: Il y en a une partie.
M. Bradford: Une partie, oui.
M. Jordan: Je sais que sur les 2 milliards de dollars que le gouvernement fédéral a mis dans le programme d'infrastructure, il n'y en a pas beaucoup qui a été consacré aux routes, mais il y en a tout de même eu un peu.
M. Bradford: Le programme d'infrastructure était, certes, une anomalie, qui a d'ailleurs été très bien accueillie.
M. Jordan: Nous avons ce matin discuté de deux modes de transport. Tout d'abord, les chemins de fer, qui sont sous- utilisés, et, maintenant, les grandes routes, dont vous dites qu'elles sont surutilisées. Au lieu d'améliorer les routes - ce que vous demandez - pour que celles-ci satisfassent les besoins de tout un chacun, ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu de mettre un petit peu plus l'accent sur l'autre mode de transport, qui existe, et qui n'est pas utilisé autant qu'il pourrait l'être, selon les compagnies de chemin de fer?
M. Bradford: Je n'ai pas une grande expérience des chemins de fer, mais au risque d'aliéner les gens de mon secteur, je dirais que s'il y a de la place à l'intérieur du réseau ferroviaire pour transporter davantage de personnes ou de marchandises de façon efficace et rentable, alors il conviendrait de s'y pencher. Cela allégerait notre fardeau s'il y avait un peu moins de voitures sur les routes. Cela ne ferait pas baisser la demande de routes ni la nécessité de les maintenir en état, mais cela nous aiderait peut- être à transporter de façon plus efficiente les gens et les marchandises.
M. Jordan: Vous vous occupez tous deux du transport de personnes et de marchandises. Il me semble qu'un mode travaille trop fort et que l'autre ne travaille pas assez. Il doit certainement y avoir moyen pour vous de vous entendre, dans l'intérêt des gens et du pays.
M. Bradford: Ce que vous dites est intéressant. Je pense que ce qu'il nous faudrait faire en premier c'est élaborer une politique ou une orientation pour un réseau routier national. Nous avons une politique pour le secteur ferroviaire. Si nous en avions une pour le réseau routier, peut-être qu'il y aurait moyen de mettre les deux choses ensemble et de voir comment elles pourraient s'imbriquer l'une dans l'autre.
M. Jordan: Merci.
Le président: Merci, monsieur Bradford et monsieur Jordan.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Merci, monsieur le président.
Comme vous le savez sans doute, monsieur Bradford - mais vous ne savez pas forcément que je l'ai écrite - notre parti a une politique sur les recettes consacrées en ce qui concerne les taxes sur le carburant. Nous pensons que ces prélèvements devraient être gardés à part et n'être versés qu'à l'industrie d'où ils sont tirés.
Je suis tout à fait au courant de la politique de l'ACA en ce qui concerne les 2c., qui ne correspondent qu'à une partie de l'argent que prélève le gouvernement fédéral. Lorsque nous étions dans l'Est du pays, nous avons entendu des témoins nous dire qu'il y avait eu une taxe supplémentaire à une époque - comme l'a mentionné M. Jordan - qui avait pour objet de financer la construction routière. Les gens là-bas nous ont dit que cela n'a pas fonctionné du simple fait que cela était tout simplement retranché au montant d'argent qui allait être dépensé. Cette taxe supplémentaire leur a donc procuré de l'argent en plus, mais ils n'ont fait que retrancher l'équivalent à ce qu'ils avaient jusqu'alors dépensé, et les résultats n'ont pas été meilleurs.
Envisageriez-vous d'un oeil favorable ces 2c. versés par le gouvernement fédéral, avec une contribution équivalente du gouvernement provincial, et peut-être encore 2c., s'il y avait en place des lois fédérales et provinciales établissant que ces deux paliers doivent y consacrer le même montant qu'auparavant, en plus de ces fonds réservés? En d'autres termes, ce serait à part. Cela réglerait-il bon nombre des problèmes dont nous ont saisis les constructeurs de routes de l'Est du pays?
M. Bradford: Je pense que ce genre d'idée pourrait déboucher sur les sommes d'argent qu'il faudrait pour faire le travail correctement. J'ignore quelle serait la position de notre ministre des Transports ou d'un quelconque autre ministre provincial des Transports. Nous serions bien sûr favorables à l'idée que les deux paliers de gouvernement versent des fonds de contrepartie et que les provinces contribuent des fonds nouveaux. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'appui pour cela au niveau provincial, mais si le gouvernement fédéral en lançait l'idée, nous ferions tout notre possible pour que cela soit accepté en Ontario.
M. Gouk: L'une des autres choses que vous avez mentionnées est cette question de savoir si le gouvernement fédéral est ou non responsable de la reconstruction. Il y a deux façons de voir les choses. Vous avez dit que ou le gouvernement fédéral l'est ou il devrait l'être. L'autre solution...
L'une des choses qui me posent problème est tout ce concept de la façon dont fonctionnent nos finances dans ce pays. Le gouvernement fédéral enlève de l'argent, au moyen de taxes, aux provinces et aux régions et nous oblige - nous qui sommes les contribuables, et la seule source d'argent - à quémander pour récupérer notre propre argent. Au lieu d'être responsable de l'infrastructure routière, ne serait-il pas préférable que le gouvernement fédéral cède tout simplement une partie de la taxe fédérale sur le carburant en autorisant en même temps les provinces à en imposer une à sa place? Auriez-vous des inquiétudes à ce sujet au niveau provincial? Cela reviendrait-il tout simplement à déplacer un problème du gouvernement fédéral au gouvernement provincial, ou bien croyez-vous que ce serait un pas dans la bonne direction pour résoudre les problèmes de notre infrastructure routière?
M. Bradford: Je pense que ce serait une façon de faire, mais je crois vraiment que le gouvernement fédéral doit reconnaître que c'est en partie sa responsabilité. On parle ici du réseau routier national. Le gouvernement fédéral doit le construire et l'entretenir d'une façon intégrée. Sa responsabilité va au-delà du simple financement du réseau. Il nous faut tenir compte de l'ensemble des avantages pour le Canada dans son ensemble, et pas uniquement pour les différentes régions. Quelle incidence de telles choses faites ici ont-elles sur ce que nous faisons là-bas? Votre idée est un début de solution au problème de financement que je vois, mais je pense qu'il doit y avoir un engagement réel au-delà d'un simple engagement financier.
M. Gouk: Il y a une dernière question qui me préoccupe. En ce qui concerne les routes à péage, ma position a toujours été qu'il ne devrait y avoir de péage que pour des routes nouvelles ou très largement reconstruites, et ce uniquement lorsqu'il y a une autre route viable que les gens peuvent emprunter. Nous avons un exemple de cela en Colombie-Britannique, où ce n'est pas le secteur privé qui est intervenu. Nous avons la Coquihalla Highway, et il y a d'autres routes que peuvent prendre ceux qui ne veulent pas payer 8 $ ou autre. Entrevoyez-vous des possibilités, ici en Ontario, de routes ou de ponts à péage ou autres qui pourraient construits par le secteur privé mais qui pourraient toujours être contournés en empruntant un autre itinéraire?
M. Bradford: Je pense que la plupart des grandes routes ontariennes qui servent au transport interprovincial et international... Je n'en vois a priori pas qui ne pourraient pas être jumelées. Tout comme la 407 a enlevé un peu de trafic à la 401 - ou en tout cas le fera - je pense que si le besoin est là, il est possible de le faire avec n'importe quelle grande route.
Je ne suis néanmoins pas convaincu que la construction de nouvelles routes soit la solution dans la plupart des cas. Il est bien souvent beaucoup plus facile et beaucoup plus rentable de tout simplement ajouter quelques voies ou élargir une grande route, mais il existe certaines possibilités.
M. Gouk: Une dernière chose, au sujet des péages. Est-il pratique d'avoir des voies rapides à péage ou autres dans le cadre d'un réseau routier, même s'il y a jumelage?
M. Bradford: Je ne sais trop comment vous pourriez imposer ce genre de choses. Je m'excuse, mais je n'y ai pas beaucoup réfléchi. C'est la première fois qu'il en est question. Je ne sais trop comment vous entretiendriez une voie rapide. Il y a des gens, surtout en Ontario, qui vous diraient que la limite de vitesse sur nos grandes routes est déjà trop élevée. Nous avons les voies rapides, mais personne ne paie pour les emprunter.
M. Gouk: Je ne sais pas moi non plus. C'est juste une idée qui a été soulevée.
M. Bradford: A priori, ça ne semble pas très pratique, mais je n'écarterai pas la possibilité avant de l'avoir examinée de plus près.
Le président: Merci, monsieur Gouk, et merci, monsieur Bradford. Nous avons entendu des représentants des chemins de fer et nous venons d'entendre des représentants des constructeurs de routes. Les deux groupes ont soulevé la question de savoir comment payer pour tout cela. La réponse va maintenant nous être fournie par le Conseil canadien des sociétés publiques-privées.
Monsieur Stephen, vous aurez pu constater que nous attendons avec impatience une solution à ce problème fort difficile.
M. Terry L. Stephen (président, Conseil canadien des sociétés publiques-privées): Je vous remercie, monsieur le président. Le texte qui vient de vous être distribué porte le nom de notre président, l'honorable Donald Macdonald. Votre ordre du jour indique que nous serons représentés par notre directrice exécutive, Cathy Boynton. Je vous prie d'excuser toute cette confusion. J'espère que les choses iront mieux à partir de maintenant.
Nous sommes une organisation composée surtout de bénévoles. Nous avons deux employés à temps partiel. Professionnellement, je suis associé du cabinet Price Waterhouse, à Toronto, et responsable du financement d'entreprises. Nous constatons que l'objet de notre association est un sujet qui suscite un grand intérêt dans le pays, et qui va peut-être croissant. Les choses commencent à bouger un peu.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître. Nous pensons que beaucoup de projets sont réalisables. Il s'agit simplement de faire accepter par les parties intéressées, y compris le public, certaines des structures que l'on peut imaginer.
Mon conseil est une organisation non partisane et sans but lucratif. Nous représentons un vaste éventail d'organisations publiques et privées de toutes les régions du Canada. Notre mission est d'essayer de définir des mécanismes de coopération entre les secteurs public et privé en vue du financement et de la prestation de services et d'infrastructures publics. En quelque sorte, nous cherchons à définir des modalités d'action, c'est-à-dire des moyens de résoudre concrètement ces problèmes.
Nous avons comparu devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes en décembre dernier et, plus récemment, le 8 novembre. Nous y avons fait ressortir la nécessité d'accélérer le rythme de la création de partenariats entre secteurs public et privé.
Nous sommes venus aujourd'hui proposer de nouveau des mesures concrètes par lesquelles votre comité pourrait réaliser certains de ses objectifs. Le secteur des transports se prête particulièrement bien à la création de partenariats. C'est sans doute le secteur le plus actif d'Amérique du Nord sur ce plan.
Nous pensons que l'investissement privé crée des emplois au Canada. Il permet également d'entreprendre des projets qui seraient autrement irréalisables. Nous savons, en effet, que les pouvoirs publics ont des ressources limitées. L'initiative privée peut également apporter des recettes fiscales supplémentaires. Nous savons que l'argent ne surgit pas de nulle part. En fin de compte, il n'y a qu'un seul payeur, qu'on l'appelle usager ou contribuable ou tout ce que vous voudrez. Nous recherchons donc des mécanismes novateurs. Il n'y a pas de Père Noël, pas de trésor enterré au pied de l'arc-en-ciel.
À Ottawa, le ministère des Transports fédéral a été l'un des plus actifs dans le recours à cette approche, avec sa politique aéroportuaire nationale, qui prévoit le transfert de 26 aéroports nationaux et de 76 aéroports régionaux à des administrations locales, certains de ces transferts ayant déjà été opérés. En outre, il réfléchit activement, me dit-on, à un service ferroviaire à haute vitesse, éventuellement sous forme d'un partenariat; il procède à la privatisation de CN Rail et a mis en place une nouvelle structure de navigation aérienne. Ce sont là des modèles novateurs, pensons-nous. Tous ne font pas apparaître de nouvelles sources de capitaux, mais ils représentent des approches novatrices telles que chaque intervenant se concentre sur son rôle propre, et ils sont susceptibles d'engendrer un surcroît d'activité économique. Au niveau provincial - on en a déjà fait état aujourd'hui - il y a la route 407 en Ontario, la route 104 en Nouvelle-Écosse, le pont Charleswood à Winnipeg et beaucoup d'autres projets sont en cours ailleurs.
Ces mécanismes peuvent être employés pour beaucoup d'autres projets dans les secteurs du transport, du commerce et du tourisme et dans d'autres secteurs publics encore. À un moment où les capitaux privés cherchent à se placer - et c'est un enjeu réel en cette sortie de récession - partout on cherche du travail. C'est vrai aussi bien des particuliers que des sociétés. Il faut donc établir des conditions propices à l'investissement et renforcer nos services publics et l'infrastructure nationale. Il est donc essentiel, pour créer ces conditions, d'avoir une politique et une stratégie cohérentes en vue de la mise sur pied de partenariats entre secteurs public et privé.
Une telle stratégie, comme celle que nous esquissons dans notre mémoire - vous la trouverez juste après la page 11, je pense - doit comporter deux éléments fondamentaux. L'un est la création d'un environnement propice ou d'autres projets et services se prêtant à de nouveaux mécanismes d'exécution et à une participation du secteur privé sur le plan de la prestation et du financement. L'autre élément est une réforme législative et réglementaire destinée à faciliter la réalisation rapide de nouvelles initiatives potentielles. Ce modèle a déjà été mis en oeuvre avec succès par d'autres instances, tant au Canada qu'à l'étranger.
En conclusion, nous recommandons la création d'un portefeuille de ministre des partenariats, ainsi que d'un secrétariat et d'un cadre législatif approprié. Notre conseil, pour sa part, serait prêt à jouer un rôle de conseiller au sein de ce secrétariat, s'il y est invité.
Il faut continuer à répertorier les exemples les plus réussis. Il serait sage, intéressant et instructif, je crois, vu l'activité dans le secteur des transports à Ottawa, de recenser de façon rigoureuse les difficultés qui ont été surmontées et celles qui subsistent. Nous pourrions réaliser une telle étude de concert avec votre groupe ou d'autres.
Nous pensons que le programme d'infrastructure, s'il doit y en avoir un nouveau, devrait à tout le moins envisager sérieusement une participation financière accrue du secteur privé. Cela vous donnerait un effet de levier accru. À l'heure actuelle, pour chaque dollar fédéral, les provinces et municipalités apportent 2 $, et si vous pouviez accroître ce rapport, l'effet multiplicateur serait d'autant plus grand.
Notre conseil sera prêt à jouer un rôle de facilitateur à cet égard, en offrant l'expérience et le savoir-faire de ses membres. Nous combinons les optiques tant du secteur public que du secteur privé et n'avons aucune attache partisane. Notre démarche est très particulière, entièrement axée sur les problèmes concrets. Nous pensons donc être très bien placés pour déceler les possibilités de partenariats, de mécanismes nouveaux de prestation et de financement de services, par le biais de nos 140 membres des secteurs public et privé et de nos activités coparrainées par les pouvoirs publics.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stephen.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Bonjour, monsieur Stephen. Il se trouve que j'ai lu récemment des renseignements sur vous. J'ai eu en mains votre CV, pour une raison bien précise que vous n'ignorez certainement pas.
Je n'ai parcouru votre mémoire que très rapidement. Je vais devoir prendre plus de temps et le lire attentivement. Votre CV avait déjà piqué ma curiosité.
Je pense que l'idée de l'effet multiplicateur est excellente et c'est l'une des choses sur lesquelles il convient de se pencher de très près. Il n'est pas indispensable d'injecter davantage de crédits fédéraux dans l'infrastructure routière. Ce serait une bonne façon de réunir le maximum de capitaux et de rendre ces dépenses moins lourdes pour le gouvernement.
Je siège ici dans l'opposition et le parti au pouvoir siège en face, mais nous n'accomplirons rien si je ne peux pas proposer, de mon côté, une idée que le gouvernement puisse appuyer, et collaborer avec le gouvernement lorsque celui-ci a des idées. Il est bien joli de faire assaut de rhétorique politique, mais au bout du compte ce n'est que par la coopération, ici au premier chef, que nous pourrons adopter des lois favorables et collaborer ensuite avec le secteur privé.
Je pense qu'à l'avenir votre organisation pourrait nous être très utile. Je lirai votre texte avec intérêt.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Cullen: Je vous remercie, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Stephen. Je dois avouer mon ignorance. Je ne connaissais pas l'existence de votre conseil, alors qu'il semble être très actif et faire de l'excellent travail.
Les études que vous mentionnez à la fin sur les modèles exemplaires, et les rapports sur les accords de partenariats - nous serait-il possible d'en obtenir des copies, monsieur le président?
M. Stephen: Certainement, nous enverrons une documentation au greffier.
M. Cullen: Je vous remercie.
M. Donald Macdonald, nous le savons, a récemment présidé la Commission royale sur Hydro Ontario. Je suppose qu'il a été détaché ou prêté par... ou bien en a-t-il été chargé en sa capacité de président de ce conseil?
M. Stephen: Je ne pense pas, pas particulièrement. Manifestement, c'est un domaine qui l'intéresse et sur lequel il s'est penché, mais je pense que le gouvernement l'a chargé de cette commission en raison de sa réputation d'objectivité et d'intégrité. Mais il serait flatteur pour nous de penser qu'il a été choisi à cause de nous.
M. Cullen: J'ai suivi cela avec intérêt car, dans le secteur des ressources naturelles, nous nous sommes penchés sur Hydro Ontario et avons comparé la politique et l'infrastructure énergétiques du Canada à celles des États-Unis: les types d'avantages concurrentiels, la façon dont les services publics sont organisés aux États-Unis et leur interaction avec les industries d'exploitation des richesses naturelles. J'ai trouvé que ses recommandations étaient avisées.
Comme vous le savez probablement, nous envisageons de recourir à des mécanismes mixtes privés-publics pour le programme routier national. J'espère que nous pourrons dialoguer avec vous plus avant à ce sujet. L'une des difficultés... et c'est une question d'ordre un peu philosophique, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous vous êtes probablement déjà débattu avec elle au fil du temps. Il s'agit de toute la question du bien public par opposition au bien privé et du poids respectif accordé à chacun dans cette sorte de modèle.
M. Stephen: Je pense que le conseil a pour position que le bien public a préséance. Il ne faut jamais perdre de vue l'intérêt public. La difficulté est de le définir à un moment donné dans le temps. Il faut commencer par là.
L'expérience nous a enseigné l'avantage qu'il y a à être rigoureux. Si, par quelque analyse rigoureuse d'un tronçon de route donné, vous constatez que le secteur privé ne peut rien apporter de particulier en dehors du travail de construction ordinaire, rejetez le partenariat. Nous ne sommes pas des partisans de la privatisation à tout prix. C'est moins une affaire d'idéologie que de spécialisation et d'échéancier, face à la tendance à la spécialisation partout dans le monde. Parfois, comme dans le cas de l'autoroute 407, vous pouvez réaliser quelque chose en l'espace de quatre ans qui en prendrait autrement 22. Dans le secteur privé, le temps c'est de l'argent et l'on commence à s'en rendre compte aussi dans le secteur public.
Notre point de départ, c'est une analyse rigoureuse. Nous avons mené une étude sur une route à péage au Nouveau-Brunswick, par exemple, qui a porté sur tous les aspects de la perception de péages. En Californie, il y a une route à l'intérieur d'une route, qui s'appelle la route 91. Tout dépend des circonstances. Dans le cas de cette route, il y avait de la place au milieu de la bande de séparation pour quatre voies supplémentaires qui sont maintenant à péage, et l'automobiliste qui veut rouler gratuitement peut prendre les voies extérieures. Évidemment, il y a là-bas des densités de trafic énormes, dont nous ne bénéficions pas toujours ici, même si nous nous plaignons parfois d'embouteillages.
Une voix: «Bénificions» n'est pas le mot juste.
M. Cullen: Pour rester sur ce sujet, rien que les termes employés sont intéressants, partenariats par opposition à... Vous avez fait mention de la privatisation ontarienne. Je pense que trop souvent l'on confond les deux choses. S'agissant de la Voie maritime, par exemple, la participation des usagers à l'exploitation de la Voie maritime... On a tendance à qualifier cela de privatisation, mais ce n'est pas le bon qualificatif, à mon sens. Votre terme «partenariat» me semble plus approprié; il est de sens plus large et englobe la privatisation, mais il est également...
M. Stephen: S'il reste un intérêt public résiduel, je ne pense pas que vous puissiez le vendre à quiconque d'autre. Il y a donc une notion de partenariat, que celui-ci soit d'ordre financier, ou moral ou juridique.
M. Cullen: Bien. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Cullen.
Monsieur Stephen, vous avez fait état d'une étude sur une route à péage au Nouveau-Brunswick.
M. Stephen: C'est une étude de Price Waterhouse. Je peux demander si elle peut vous être communiquée. Son existence est connue, mais je ne pense pas que ce soit un document public.
Le président: S'il l'est, nous serions intéressés à en prendre connaissance.
L'une des choses qu'il convient d'examiner en est une à laquelle nous allons consacrer quelque temps. Lorsqu'on parle du rôle du secteur privé dans le réseau routier, les gens pensent automatiquement péage. Pourtant, il y a quelques exemples, comme le pont de Charleswood que vous avez mentionné, où il n'y a pas de péage. Il existe d'autres modalités de paiements qui ne comportent pas de péage mais une participation dans la chaîne conception- construction-propriété-exploitation, la participation d'entités du secteur privé à la création ou la gestion d'une infrastructure publique.
La question ici - et les modèles «enveloppants» en sont un exemple - au sujet de la cession à bail d'infrastructures existantes et de l'exploitation d'infrastructures existantes... l'une des grosses critiques ou inquiétudes à cet égard est la réaction négative du public devant l'imposition de péages sur des routes déjà existantes.
M. Stephen: En Europe, et peut-être même dans le cas du pont de l'Île-du-Prince-Édouard, il y a ce que l'on appelle des «péages fantômes», c'est-à-dire que les pouvoirs publics complètent les péages prélevés auprès des usagers, de façon à équilibrer les comptes.
Il y a donc différentes sortes de péages. Les gros obstacles sont probablement d'ordre politique. Il existe aujourd'hui une technologie qui permet d'enregistrer électroniquement les passages de voitures, même à pleine vitesse, et de facturer l'usager. On sait comment faire tout cela, mais il y a toujours la crainte de la réaction du public qui peut estimer qu'on lui fait payer deux fois la même chose. Il s'agit d'obtenir l'adhésion du public. Mais les moyens techniques existent.
Le président: Monsieur Jordan.
M. Jordan: Je pense que le plus difficile, c'est de faire admettre au public qu'on ne va pas le faire payer deux fois. Très souvent, il se dira qu'il a déjà payé pour cette route et qu'on lui demande maintenant de payer une deuxième fois. Je suppose que c'est vrai, mais il ne faut pas oublier tout le coût de l'entretien et de la reconstruction périodique de la route.
Je suis comme M. Cullen. Je n'avais jamais entendu parler de votre organisation, mais je vois un réel besoin à son existence, rien que pour faire admettre cette idée au public. C'est comme le président l'a dit. Il y a une conception pas mal étroite des péages. Particulièrement ici, au Canada, où nous n'y sommes guère accoutumés. Quiconque a un peu circulé aux États-Unis sait qu'il faut passer son temps à fouiller dans ses poches pour trouver de la monnaie à jeter dans le panier aux postes de péage. Nous n'en avons pas beaucoup chez nous, et il faudra pas mal de temps avant d'en faire accepter l'idée au public.
Je ne pense pas que l'on obtienne jamais que tout le monde admette de payer des péages, mais je suis heureux de voir qu'il existe une organisation comme la vôtre qui s'en préoccupe, car ce sera une tâche extrêmement longue et difficile.
M. Stephen: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Stephen, merci infiniment. J'apprécie que vous ayez pris le temps de venir nous voir aujourd'hui.
Notre prochain témoin est l'honorable Donald R. Downe.
C'est un plaisir tout particulier. J'ai eu plusieurs entretiens privés au sujet de la 104, et je suis donc ravi d'en entendre parler de la bouche du cheval, en quelque sorte.
En tout cas, on vous crédite d'avoir créé l'un des véritables partenariats publics-privés du Canada. Vous êtes donc le bienvenu.
L'hon. Don R. Downe (ministre, Department of Transportation and Public Works, Government of Nova Scotia): Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Vous avez plus qu'un peu d'expérience de la comparution devant des comités comme le nôtre.
M. Downe: En fait, tout le plaisir est pour moi.
Je vous présente Jim Vance, qui est le conseiller principal en politiques de mon ministère.
Nous sommes ravis de cette possibilité d'exprimer la position de la Nouvelle-Écosse sur une question économique cruciale qui est manifestement liée à tout le domaine des transports et de l'infrastructure des transports.
Je suis né à Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard, ai vécu à Ottawa quelques années, ai grandi en Colombie-Britannique, dans la vallée du Fraser, avant de retourner en Nouvelle-Écosse. J'ai donc pris conscience de l'importance du transport dans le contexte national. De même, en tant que député d'une circonscription rurale, je suis bien placé pour savoir qu'un bon réseau de transport à l'échelle de la province et du pays est encore plus impératif.
Je représente ici la province et m'exprime non seulement au nom du ministre responsable du Renouveau économique et du Tourisme, Richard Mann, mais aussi du premier ministre de Nouvelle-Écosse, John Savage, qui m'a demandé expressément d'aborder certains des points dont je vais vous entretenir.
Le ministre des Transports Anderson a qualifié le transport d'atout stratégique susceptible d'être le moteur de l'économie canadienne. Je suis d'accord. M. Anderson, d'après un certain nombre de discussions et d'entretiens que j'ai eus avec lui, semble avoir le zèle du nouveau converti, en ce qui concerne l'importance du transport pour la structure nationale du Canada et en tant que moteur d'une économie dynamique et autonome à l'intérieur de nos frontières nationales.
Un meilleur accès et une meilleure infrastructure en matière de transport sont des impératifs absolument vitaux. Le développement économique de la Nouvelle-Écosse et de tout le pays en dépend. Le secteur des transports est lui-même une source d'emplois et de création de richesses. À un moment où nous tous sommes confrontés à de graves déficits budgétaires, nous devons veiller à ce que les conditions de la création d'emplois et de richesses soient réunies si nous voulons que notre province et notre pays progressent.
Une nation qui sous-investit dans son réseau de transport laisse s'effriter les piliers indispensables à sa survie économique.
Je pense que vous avez déjà entendu un certain nombre de témoins de notre région, tels que l'Alliance of Manufacturers and Exporters of Canada. Nous partageons nous-mêmes la position que cette dernière a exprimée. Nous disons sans ambages qu'il est indispensable de maintenir la liaison par traversier dans le sud- ouest de la Nouvelle-Écosse et que les petits ports sont essentiels aux industries de transformation.
Je manquerais à mon devoir si je ne mentionnais pas l'adjudication récente à Northumberland Ferries, suite à une demande de proposition, de la desserte de la liaison entre Digby et Saint John et entre Yarmouth et Bar Harbor, et ce 12 mois sur 12.
J'exprime notre vive inquiétude devant le fait que le service d'hiver entre Yarmouth et Bar Harbor ne soit pas garanti. Cela nous préoccupe beaucoup. Nous avons été pleinement partisans du transfert de ce service au secteur privé. Nous avons conscience de l'importance de cette liaison et notre premier ministre et notre province considèrent que le service hivernal, en tout cas entre Yarmouth et Bar Harbor, sinon pendant tout l'hiver mais au moins pendant la période la plus critique de l'année, entre octobre et janvier, doit absolument être assuré.
La Tourism Industry Association of Nova Scotia, TIANS, a comparu également ici et souligné l'importance des plages, de la culture, des randonnées pédestres et en kayak, des restaurants etc. pour l'économie de notre province. Ce secteur rapporte près de 1 milliard de dollars par an. Mais l'association a bien montré que si les consommateurs ne peuvent se rendre à ces destinations particulières, tous ces efforts sont vains.
La Commission des Transports des provinces de l'Atlantique a également comparu ici. Elle a dit très clairement que les changements décidés devront favoriser, et non entraver, le développement économique régional et la compétitivité industrielle de notre province.
Leur position à tous - et il y a consensus entre les intervenants - revient à dire qu'il est impératif de préserver et d'améliorer non seulement la Voie maritime, mais aussi les réseaux routiers, aériens et ferroviaires de notre province.
Je parlerai donc aujourd'hui de ces trois éléments, si vous le permettez, monsieur le président.
La première question est celle des ports, qui sont réellement un point de passage vital entre le continent nord-américain et la communauté européenne. Ils sont un facteur énorme de l'économie de la Nouvelle-Écosse et représentent un lien crucial pour le bien- être économique de notre province.
Le port de Halifax est manifestement d'intérêt national. Plus de 60 p. 100 du trafic de conteneurs transitant par Halifax est en provenance ou à destination de l'Ontario, du Québec ou du marché très lucratif du Midwest américain.
C'est le seul port canadien de la côte qui soit bien placé pour mettre à profit les tendances internationales du transport maritime. Je songe en particulier à l'avènement de navires de type post-Panamax. Il y a là une fenêtre d'opportunité pour notre région. Il faut voir grand, sinon on se condamne à stagner.
À nos yeux, le statu quo n'est plus une option. La fenêtre d'opportunité est là, à nous de la mettre à profit. Nous pensons que la multiplication de navires de taille supérieure à la classe Panamax et d'autres évolutions sont une occasion de doubler le potentiel du port de Halifax.
Il s'agit donc de bien réfléchir à la structure dont on va doter le port. Nous savons que nous devrons investir environ 600 millions de dollars pour mettre le port à niveau.
Nous savons bien que le gouvernement fédéral n'a guère les moyens, même si nous apprécierions toute contribution qu'il pourrait nous apporter...
Nous avons besoin de créer un environnement dynamique. Sous le régime actuel, nous ne pouvons utiliser les actifs du port pour attirer de nouveaux capitaux en vue de la réalisation de ce potentiel. C'est là pour nous une grosse difficulté.
Le port nous rapporte environ 25 millions de dollars de recettes par an, du point de vue des flux de trésorerie. C'est le maximum que nous pouvons attendre. S'agissant d'une dépense avoisinant 500 millions de dollars ou plus, 25 millions de dollars par an ne représentent pas un revenu suffisant pour financer les équipements nécessaires. Donc, si nous voulons découpler le processus et saisir cette occasion de croissance économique, nous avons besoin d'une flexibilité suffisante au niveau du système et du port.
Nous savons que le port de Vancouver est dans une situation probablement similaire. Nous ne demandons pas un avantage concurrentiel inéquitable. Nous recherchons la possibilité d'insuffler un peu d'esprit d'entreprise dans la gestion du port, afin de mettre à profit ces possibilités d'expansion. Manifestement, nous devons pour cela rechercher de nouveaux mécanismes de financement, avec des apports extérieurs.
Nous pensons avoir une vision très réaliste. Le fait que nous ayons un port libre de glace et en eau profonde signifie que nous sommes stratégiquement bien placés, en tant que tremplin vers les États-Unis et la communauté européenne.
Nous avons également collaboré très étroitement avec CN Rail. J'ai été heureux d'entendre ce qui a été dit plus tôt dans la matinée, au sujet de la nécessité d'instaurer un traitement fiscal favorable. Notre province a conscience de l'importance de CN. Très franchement, sans CN, nous n'aurions pas de port et sans port, il n'y aurait pas de CN. Chacun est indispensable à l'autre. La collaboration et les relations de travail sont excellentes, sur le plan du développement du port, par le recours à tous les procédés possibles, depuis la création de lignes ferroviaires pouvant recevoir des wagons porte-conteneurs à deux niveaux jusqu'à la desserte du Midwest américain.
Il faut instaurer un terrain de jeu égal, avec un service conteneurs et des droits de services maritimes compétitifs pour éviter les désavantages déloyaux qui nous pénalisent actuellement.
Nous sommes partisans d'une redevance d'usager véritable, calculée selon le coût port par port. Les droits relatifs aux aides à la navigation que nous payons en Nouvelle-Écosse à l'égard des navires étrangers entrant dans notre port sont de 17,6c. par tonne. Or, ces mêmes navires étrangers peuvent aller jusqu'à Montréal ou Thunder Bay au prix de 14c. par tonne.
Il faut donc jeter un coup d'oeil sur la carte, faire preuve d'un peu de bon sens et admettre que si nous devons avoir un terrain de jeu égal et être compétitifs - nous demandons à devenir financièrement autonomes - on ne peut nous défavoriser au moyen de redevances inéquitables qui pénalisent manifestement notre port.
Nous saluons la création d'un conseil consultatif pour conseiller la Garde côtière en vue de l'établissement des droits portuaires. Je crois savoir qu'il commencera ses travaux en avril 1997.
Certes, on peut et doit déplorer que cette décision intervienne seulement après le fait, mais j'applaudis néanmoins le processus instauré par le gouvernement fédéral.
Nous suivons également de très près toute la question des redevances de déglaçage, d'autant que Halifax et Canso sont à peu près libres de glace. Nous escomptons certainement que les redevances perçues pour ces services correspondent à leur coût réel.
En effet, c'est là l'avantage naturel comparatif que nous avons, l'un des rares que possède la Nouvelle-Écosse. Nous pensons avoir beaucoup d'avantages naturels, mais c'est là véritablement un avantage naturel comparatif et il ne doit pas nous être enlevé. Nous voulons donc nous assurer que nous n'aurons pas à subventionner le déglaçage dans d'autres régions du Canada. Nous sommes donc partisans des redevances d'usager, à condition qu'elles soient équitables et justes et instaurent un terrain de jeu égal.
Pour ce qui est des aéroports, notre Aéroport international de Halifax est une autre porte d'accès, mais qui requiert aussi des investissements majeurs. L'Aéroport international de Halifax est l'un des aéroports canadiens qui connaît l'expansion la plus rapide. Il est extrêmement important pour nous qu'il puisse poursuivre son expansion, en conservant sa place actuelle dans la structure. Il est l'une des plaques tournantes et nous voulons qu'il le reste. À l'intérieur de la classification des aéroports du pays, nous pensons être un aéroport de deuxième niveau, ceux de première catégorie étant les aéroports à très gros volume comme Vancouver, Calgary et quelques autres.
Nous ne sommes pas nécessairement en désaccord avec la décision du gouvernement fédéral de privatiser. Nous y voyons des avantages. Notre réserve a toujours porté sur la manière désordonnée dont ces privatisations ont été négociées, ponctuellement, avec l'Aéroport de Vancouver et d'autres. C'est peut-être très bien pour les aéroports à gros volume, mais ce moule ne convient pas nécessairement aux aéroports de deuxième niveau comme l'Aéroport international de Halifax.
Nous avons une administration aéroportuaire qui est disposée, capable... et poursuit très agressivement la négociation d'un accord. Mais lorsqu'on entre dans des négociations sur cette base, surtout à ce niveau, il faut s'assurer que l'infrastructure aéroportuaire soit placée sur un pied d'égalité avec celle des autres aéroports dont la privatisation a été négociée antérieurement. Nous pensons qu'il faudra réaliser pour quelque 150 millions de dollars de travaux pour que cet aéroport puisse survivre et croître aux mains du secteur privé ou aux mains d'une administration aéroportuaire.
Nous pensons - et j'ai transmis le même message au ministre Anderson - que la structure des programmes de financement est très biaisée en faveur du gouvernement fédéral. Nous en reconnaissons certes la nécessité, mais nous voulons nous assurer en même temps que le facteur de pondération ne soit pas tel que l'aéroport soit entravé par un problème de flux de trésorerie négatif et ne puisse pas de ce fait préserver la structure existante.
Nous demandons l'égalité de traitement. Nous pensons que le fait que nous ayons besoin de meilleures installations de manutention des bagages, afin qu'elles puissent recevoir les volumes requis, et de meilleures installations pour les voyageurs est très important, également d'un point de vue économique. Nous considérons l'Aéroport international de Halifax comme un atout majeur pour le tourisme, l'activité économique et le développement. Nous travaillerons en collaboration très étroite avec le gouvernement fédéral pour réaliser ces possibilités. Nous pensons que l'aéroport est une importante porte d'entrée au Canada en provenance de la communauté européenne et, certainement, des États- Unis.
Nous jugeons bénéfique le processus de concertation avec les transporteurs aériens. C'est très important, et nous voulons être présents à l'avant-ligne de ce processus. Nous devons être présents afin de frayer la voie aux compagnies aériennes qui sont désireuses de desservir la Nouvelle-Écosse, car nous considérons cela comme un moteur de l'économie.
Le troisième point que je veux aborder est l'infrastructure routière, mais si vous permettez, ayant écouté les conversations précédentes... l'idée des Corridors verts est intéressante. Lorsque j'étais ministre des Ressources naturelles de Nouvelle-Écosse, nous avons négocié avec CN pendant deux ans et demi en vue de l'acquisition des voies ferrées abandonnées. J'aimerais simplement dire un mot en faveur de ces gens. Je pense qu'il y a là des possibilités sur le plan de l'écotourisme, de la création de parcs pour les villes... la liste est sans fin. J'ai trouvé que bon nombre des interventions étaient très judicieuses. Nous travaillons en collaboration très étroite avec les associations Corridors verts de la province pour réaliser un projet similaire.
J'en viens maintenant aux routes. Quelqu'un a fait remarquer tout à l'heure que le système routier est dans une situation absolument critique dans tout le pays. Les routes, et particulièrement dans les régions rurales de ce pays et certainement en Nouvelle-Écosse, sont dans un état déplorable.
Nous apprécions le soutien énorme que nous avons reçu du gouvernement fédéral sous diverses formes, telles que les programmes d'infrastructure routière et le programme d'aide au transport des céréales fourragères. Mais nous avons 26 000 kilomètres de routes en Nouvelle-Écosse. Ces dernières couvrent littéralement quatre ou cinq fois la distance entre nous et Vancouver. Nous avons 3 400 ponts. C'est une infrastructure énorme à entretenir avec le budget très limité dont nous disposons en Nouvelle-Écosse.
L'infrastructure se détériore au point que l'on estime à 750 millions de dollars le coût de sa mise aux normes routières nationales actuelles.
Comme je l'ai indiqué, un problème similaire est en train de surgir sur nos axes et routes secondaires de Nouvelle-Écosse. Cela a un effet énorme sur le tourisme et sur l'acheminement de produits de l'agriculture, de l'exploitation forestière, de l'extraction minière, de la pêche et des industries de fabrication depuis les régions rurales jusqu'aux points de vente. Nous nous apercevons que près de 5 000 kilomètres de routes de campagne vont nécessiter des rénovations majeures et nous n'avons tout simplement pas les moyens voulus dans notre structure budgétaire actuelle.
Un retard dans ces travaux ne fera qu'alourdir le coût total et nous allons tous devoir payer plus dans les années futures, au niveau national et au niveau provincial, si nous ne nous attaquons pas à ce très grave problème.
Lors de l'exercice 1995-1996, le gouvernement fédéral a contribué moins de 25 millions de dollars au programme d'investissement routier de la Nouvelle-Écosse. Or, dans le même temps, il a touché environ 125 millions de dollars ou plus sous forme de taxes d'accise sur l'essence et le gazole. Je suis heureux de voir que cette année le chiffre va passer à 38,3 millions de dollars du fait des programmes additionnels qui viennent d'être annoncés, mais ce surcroît ne sera malheureusement que temporaire.
À l'évidence, il nous faut un plan à long terme pour notre réseau routier, que ce soit sous forme d'un programme de développement infrastructurel ou d'un système routier national. L'un ou l'autre de ces deux mécanismes nous convient, à condition d'assurer une certaine continuité. Nous avons besoin d'une carte routière ou d'un plan directeur de façon à ce que chacun de nous, dans les différentes régions géographiques du pays, puisse avoir un programme d'entretien de notre réseau routier, lequel est un facteur essentiel, tant au niveau national que provincial, si nous voulons pouvoir actionner nos leviers économiques, qui n'attendent que cela.
À l'échelle nationale, vos contraintes ne sont évidemment pas différentes des nôtres. Il nous faut créer des emplois, il nous faut équilibrer nos budgets, il nous faut mettre de l'ordre dans nos finances, et veiller en même temps à retirer le meilleur rendement possible de l'argent que nous dépensons. Nous recherchons tous les solutions les plus bénéfiques et, pour notre part, nous pensons qu'un programme de construction d'infrastructure routière serait à la fois créateur d'emplois et un facteur de développement économique.
À titre de comparaison, le budget total du ministère des Transports de Nouvelle-Écosse est d'environ 250 millions de dollars, soit un peu plus de 90 p. 100 des recettes totales des taxes sur les carburants. Donc, si l'on considère que nous réinvestissons près de 90 p. 100 de nos recettes dans l'infrastructure routière, et que le gouvernement fédéral ne réinvestit qu'un cinquième ou 25 p. 100, on voit qu'un réalignement s'impose. C'est ce que nous recommandons vivement.
On a parlé aujourd'hui de partenariats publics-privés. La Nouvelle-Écosse a été la première, et jusqu'à présent la seule province du Canada, à conclure un partenariat public-privé qui couvre non seulement la conception, la construction et l'exploitation, mais aussi l'aspect financier. La province, qui cherche à limiter son endettement, a opté pour ce programme de développement hors bilan.
La 407 autour de Toronto est une initiative de très grande envergure, mais elle a été financée par la province et je pense que le vérificateur général a souligné l'énormité de la dépense, se demandant s'il s'agissait du meilleur investissement possible. En Nouvelle-Écosse, il s'agit d'un projet hors bilan, d'un programme véritablement novateur qui nous engage dans une direction nouvelle et je crois savoir que le ministre fédéral est très désireux de s'en inspirer.
Il s'agit d'un partenariat. Il faut se montrer un peu plus créatif, avec les ressources limitées dont nous disposons. Cette initiative a suscité beaucoup d'intérêt et une certaine controverse politique. Ce mécanisme nous permet de construire une route 104 plus sûre, plus rapide et coûtant environ20 millions de dollars de moins aux consommateurs et aux contribuables de Nouvelle-Écosse.
D'ailleurs, la route est en train d'être goudronnée à l'heure où nous parlons. Non, il pleut aujourd'hui chez nous, et ils ne vont donc pas goudronner aujourd'hui. Mais la route ouvrira en novembre 1997. Autrement, il se serait passé encore cinq à dix ans avant que ce projet ne puisse être achevé.
Les partenariats publics-privés sont à nos yeux un mécanisme intéressant, et nous serions ravis de répondre à vos questions à cet égard.
Le sujet suivant est le financement. Comment faire pour payer tout cela?
J'ai déjà couvert beaucoup de terrain, mais la distance est longue entre notre vieille Nouvelle-Écosse et la capitale fédérale et lorsque les contribuables me paient le voyage, ils veulent être certains que je vais exprimer leur position haut et clair. J'apprécierais donc que vous fassiez preuve d'un peu d'indulgence à mon égard, monsieur le président.
Comment payer tout cela? Je pourrais simplement vous demander plus d'argent, mais vous savez que nous avons besoin de plus d'argent et vos ressources aussi sont très limitées.
Des initiatives en matière de taxe sur les carburants qui pourraient être prises sont l'une des possibilités. La deuxième possibilité de financer ces chantiers serait un programme de développement infrastructurel. Nous serions très intéressés par un tel programme, car il permet de multiplier chaque dollar par trois - municipalités, province et gouvernement fédéral. Un tel programme représenterait à nos yeux une initiative positive.
Le dernier programme d'infrastructure a donné de très bons résultats en Nouvelle-Écosse et nous remercions le gouvernement fédéral de l'avoir entrepris. Il a créé des emplois et permis de construire des équipements solides, fiables et qui nous serviront longtemps.
Pour conclure, le réseau de transport est le passage obligé d'un avenir réaliste. Le port est important pour nous. Nous le considérons comme un moteur économique crucial. Si l'on effectue les investissements voulus au bon moment, l'emploi dans le port pourrait doubler au cours des cinq ou dix prochaines années. D'un point de vue stratégique, nous cherchons à créer un système de concertation avec l'industrie et les utilisateurs de façon à dresser des plans solides et réalistes pour mettre à profit les atouts économiques de ce port.
L'aéroport a besoin d'une injection de capitaux. Nous voulons garantir un terrain de jeu égal avant d'entamer et conclure ces négociations. Qu'il s'agisse d'un apport de capitaux initial ou étalé dans le temps, il est indispensable que l'aéroport dispose de flux de trésorerie suffisants pour pouvoir réinvestir. L'aéroport a été construit à la même époque que celui d'Ottawa, selon le même modèle cubique élémentaire. Vous pouvez voir comment l'aéroport d'Ottawa a changé. Venez à Halifax et nous vous montrerons les besoins de notre aéroport, du point de vue du cadre général et des installations de manutention des bagages et des locaux du personnel.
Nous pensons que la collaboration ouvre des perspectives nouvelles. Je peux donner l'assurance aux membres de ce comité que la province de Nouvelle-Écosse est tout à fait prête à collaborer avec le gouvernement pour trouver des solutions et nous avons des idées sur la façon d'y parvenir.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Je remarque que M. Regan est là.
Je peux vous dire que votre exposé, consistant à essayer de faire passer le plus de projets possible par la même porte, ressemble à ce que M. Regan et le caucus de l'Atlantique font ici chaque semaine. Ceux d'entre nous qui venons de provinces, disons plus alanguies du pays, sommes toujours surpris par la capacité des députés de l'Atlantique à faire bouger les choses.
Avant de donner la parole aux membres, j'aimerais vous poser une question. J'ai suivi avec intérêt ce que vous avez dit de la route 104 et suis tout à fait d'accord avec vous. Ce projet est un modèle de partenariat entre secteurs privé et public. Je pense qu'il a été examiné par le cabinet Moody, qui a déterminé qu'il n'y a pas lieu de le comptabiliser dans la dette provinciale.
Vous avez dit que la réalisation du projet aujourd'hui apporte une économie de 20 millions de dollars. Pourriez-vous nous dire en quoi consiste cette économie?
M. Downe: C'est un calcul économique tenant compte de la valeur nette de cet argent aujourd'hui par opposition à une réalisation ultérieure.
L'autre aspect, qui est réellement important, est que le secteur privé a participé à la conception des travaux. Il a trouvé des façons novatrices de construire cette route pour moins cher, tout en respectant les contraintes environnementales. En outre, il construit en sachant qu'il sera tenu d'assurer le bon entretien de cette route, ce qui garantit qu'il ne va pas rogner sur la qualité. Donc, en travaillant avec le secteur privé, nous avons trouvé des solutions créatives.
C'est comme les alliances stratégiques. Vous rassemblez tout le monde. Vous-même pouvez avoir une vision claire d'une petite partie du tableau, et une vision floue d'une autre petite partie, mais une grande partie du tableau d'ensemble vous échappe. C'est à cela que servent les alliances stratégiques et, en favorisant des alliances dans le secteur privé, en collaborant avec le consortium, nous avons pu trouver des solutions novatrices, des méthodes stratégiques économiquement bénéfiques.
Mais je dois dire que ce projet de route 104 a été un énorme défi. C'est le tout premier du genre. Nous avons fait un travail de pionnier et je pense que ce sera un modèle pour beaucoup d'autres provinces, dont le Nouveau-Brunswick, au fil du temps.
Nous pourrions venir tout simplement vous dire: donnez-nous un chèque de 700 millions de dollars pour nous aider à construire nos routes, et vous répondriez très poliment, merci beaucoup, monsieur Downe. Autant construire des châteaux en Espagne. La réalité, c'est que vous avez peut-être un peu d'argent, nous avons peut-être un peu d'argent et si nous mettons nos ressources en commun, nous pourrons réaliser ensemble ce que nous voulons.
La vision dont nous parlons tous ici est très claire. C'est là-dessus que nous devons nous concentrer. Le député de Colombie- Britannique a parlé de l'approche coopérative. La question est de savoir comment concrétiser cette vision. Si nous sommes prêts à travailler ensemble, je pense que nous pouvons y parvenir, et c'est ce qui s'est passé avec le projet de la route 104.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Regan.
M. Regan (Halifax-Ouest): Je vous remercie, monsieur le président. Personne d'autre ne demande la parole avant moi? Je suis ravi de pouvoir intervenir ici. Les membres du comité ont l'amabilité de me permettre de poser une question au ministre, auquel je souhaite la bienvenue ici. Je ne suis pas membre du comité, et les autres membres ont eu la générosité de m'autoriser à participer à cette séance.
Je veux évidemment soulever la question de l'Aéroport international de Halifax, qui se trouve dans ma circonscription. Le port est dans une circonscription voisine et constitue lui aussi un sujet de très haute importance. Mais je voudrais tout d'abord parler de l'Aéroport international de Halifax.
De la façon dont je vois les choses, les aéroports d'Edmonton et d'Ottawa - qui ont un volume de trafic comparable et qui ont été construits à peu près à la même époque - ont bénéficié, avant leur transfert, d'importants travaux d'amélioration. Cela n'a pas été le cas à Halifax. C'est une préoccupation que je partage avec le ministre.
Quelles autres options envisagez-vous pour ce qui est de partenariats entre secteurs privé et public dans son cas? Voyez- vous d'autres options, hormis un apport de crédits fédéraux pour financer les travaux d'agrandissement de l'Aéroport international de Halifax?
M. Downe: Monsieur le président, j'apprécie beaucoup la question de M. Regan. Il se dépense énormément pour l'infrastructure de la province de Nouvelle-Écosse, notamment pour l'aéroport.
Nous avons besoin de travaux d'amélioration à hauteur de 150 millions de dollars et le gouvernement fédéral doit reconnaître ce besoin, surtout comparé à ce qui a été fait pour des aéroports comparables, comme Ottawa, Winnipeg et Québec et d'autres encore.
Nous aimerions une mise de fonds initiale. Dans l'éventualité où cela ne serait pas possible, alors il faut négocier une formule telle que l'administration aéroportuaire dispose des flux de trésorerie nécessaires pour financer les améliorations requises et si le gouvernement fédéral, dans les négociations, va limiter cette capacité d'autofinancement, cela reviendra à empêcher l'Aéroport international de Halifax de devenir la plaque tournante qu'il pourrait être.
Comme je l'ai dit, il est le sixième ou septième du Canada par ordre d'importance. Nous le considérons comme un aéroport en expansion, offrant un excellent placement, et nous devons veiller à ce que le gouvernement fédéral lui permette de réaliser ce potentiel d'une façon ou d'une autre.
Évidemment, nous aimerions voir une mise de fonds initiale, mais si c'est impossible, il faut prévoir un mécanisme tel que l'aéroport nous fournisse les liquidités voulues pour financer les travaux requis.
M. Regan: Monsieur le président, j'aurais encore une question, si vous le permettez.
Vous pourriez peut-être me donner les chiffres que vous possédez sur les flux de revenus, les flux qui ont déjà été dépensés à Québec et pour d'autres aéroports de taille similaire. Je crois savoir que Transports Canada a convenu d'un flux de revenu de 12 millions de dollars pour l'aéroport de Halifax au cours des années futures. Évidemment, c'est loin de suffire pour financer les travaux d'agrandissement requis. Quels sont les chiffres pour les autres aéroports?
M. Downe: Désolé, je ne les ai pas ici. J'ai rencontré le groupe qui formera l'administration aéroportuaire de Halifax, l'équipe qui s'est constituée. Il m'a donné les chiffres il y a deux mois environ, mais je ne les ai pas ici.
M. Regan: Si je disais 30 millions de dollars l'année dernière pour l'aéroport de Québec, est-ce que cela sonne juste?
M. Downe: Vous pourriez dire 30 millions de dollars au minimum, mais je pense que c'est un chiffre assez voisin.
Le président: Je vous remercie, monsieur Regan.
M. Regan: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci de votre intervention. Je vous parlerai de cela plus tard, au nom de Winnipeg.
Monsieur Cullen.
M. Cullen: Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je tiens beaucoup à parler de la route 104, car je suis convaincu, moi aussi, que c'est une expérience unique dont nous pouvons tous nous inspirer.
Je dirai quelques mots sur l'aéroport de Halifax, car il me semble que l'accord Ciels ouverts a engendré des perspectives incroyables pour des aéroports comme Vancouver et Toronto, si nous pouvons convaincre la population locale que l'aéroport peut coexister avec tous les autres dans la région de Toronto. J'aimerais savoir si Ciels ouverts va apporter des perspectives à Halifax et si cela ne rendra pas un peu plus radieuse la situation économique de cet aéroport.
Je vais peut-être laisser cela en suspens et passer tout de suite à la route 104. Vous avez parlé de l'économie de 20 millions de dollars engendrée par la réalisation immédiate et aussi, j'imagine, l'achèvement des travaux dans un délai plus court. Il me semble qu'il doit y avoir quelques économies opérationnelles également lorsqu'un chantier est achevé en deux ans, au lieu de cinq, six ou sept. Pourriez-vous nous en dire un plus à cet égard, car c'est un aspect important pour nous qui considérons le problème à plus grande échelle.
Pour ce qui est de l'entretien de la route, si j'ai bien suivi, vous êtes tout à fait disposé à le privatiser, d'une certaine façon. Ai-je raison de penser que le ministère des Transports provincial sous-traite en partie l'entretien au secteur privé pour des raisons de masse critique et pour rentabiliser le projet aux yeux du secteur privé, ou bien le secteur privé va-t-il assurer seul la totalité de l'entretien?
M. Downe: Il y a là trois ou quatre questions. Vous autres, de Toronto, posez toujours les questions en rafales.
Soit dit en passant, ma femme est de Winnipeg, et j'entends donc tout le temps parler de l'aéroport de Winnipeg.
M. Cullen: Nous ne sommes pas censés le faire à Toronto, non plus.
M. Downe: Pour en revenir à toute la question de l'aéroport et de l'accord Ciels ouverts - je l'ai mentionné tout à l'heure mais j'ai seulement effleuré le sujet car je ne voulais pas prendre trop de temps et me faire interrompre - le processus de concertation avec les transporteurs aériens est très important pour nous. Nous venons de finaliser un accord avec Icelandair et d'autres transporteurs aériens de la région. Nous devons être présents dans cette concertation pour déterminer ce que recherchent les transporteurs aériens et comment répondre à leurs besoins.
C'est une chose pour le gouvernement que d'imposer toutes ces conditions, ces coûts et ces barrières aux compagnies aériennes, mais nous devons pouvoir montrer aux compagnies que nous sommes prêts à les accueillir en Nouvelle-Écosse et donc être représentés dans ce processus.
Tout semble aller à Toronto. Toronto est la plaque tournante de tout le Canada, et c'est très bien. Toronto est une belle ville.
M. Cullen: Je n'avais pas remarqué dernièrement.
M. Downe: Ma soeur vit à Barrie et j'aurais bien aimé pouvoir faire le détour.
Mais il y a d'autres plaques tournantes à différents niveaux, et il faut veiller à ce que ces plaques tournantes stratégiques soient préservées et renforcées. Nous ne pouvons tenir pour acquis que les compagnies aériennes vont vouloir desservir Halifax uniquement parce que c'est une destination naturelle. Il faut leur montrer que Halifax leur offre des possibilités, et c'est pourquoi nous devons être à l'avant-poste dans ces discussions.
Pour ce qui est de la route 104, on est en train de travailler sur les chiffres et je suis sûr que ce travail de chiffrage sera fait. Nous avons une équipe qui travaille sur tout le projet d'alignement à l'ouest de la route 104. Nous vous communiquerons volontiers tous ces chiffres le moment venu. L'un des avantages est que le secteur privé peut construire la route pour moins cher. Il la construit selon les normes les plus rigoureuses possible. L'une des principales économies tient à la capacité du secteur privé de construire la route à moindre frais que si le gouvernement le faisait.
Pour ce qui est de l'entretien, le secteur privé est responsable de l'entretien, et c'est un élément essentiel du processus.
Dans un partenariat entre secteurs public et privé, le but du premier est de faire un profit. S'il ne faisait pas de profit, personne n'accepterait de lui prêter les capitaux nécessaires. Si les entrepreneurs n'escomptaient pas des profits, ils n'entreprendraient pas le projet. Ils ne le font pas pour se tenir occupés, ils le font pour dégager des profits. Si vous ne lui imposez pas des contraintes telles qu'ils risquent de se brûler, et je songe là à l'entretien, il y a lieu de s'inquiéter.
Nous, contrôlant les cordons de la bourse en Nouvelle-Écosse, avons trouvé le mécanisme pour cela, puisque le secteur privé est responsable de l'entretien de la route. Il a donc tout intérêt à construire cette route correctement.
L'autre aspect des négociations a porté sur l'intégrité environnementale. Nous construisons une infrastructure majeure. Dans le cas de la 407, un projet se chiffrant en milliards de dollars, 10 p. 100 du coût a été consacré aux mesures de protection environnementale. Nous-mêmes allons sans doute dépenser plus de 10 p. 100 à ce titre pour la 104, car la route traverse un terrain assez difficile.
Tous ces éléments sont donc très importants du point de vue de l'ensemble du projet.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen.
Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré (Louis-Hébert): Comme vous le savez, nous avons entendu ce matin des choses très surprenantes. Le ministre semble être dans la position très confortable du demandeur, et je vais suggérer au ministre des Transports du Québec de prendre la même place car cela semble être une position extraordinaire. Je ne sais pas si l'inflation qui existe dans les provinces Maritimes est le fait de l'harmonisation de la TPS avec la taxe de vente.
D'autre part, M. Regan a posé le problème de l'aéroport de Québec et je veux bien en parler un petit peu. On fait tout un plat d'un investissement d'environ 30 millions de dollars, alors qu'on n'a pas investi un cent dans cet aéroport depuis 40 ans. Dès qu'on investit un petit peu dans un aéroport comme celui de Québec, on en fait toute une histoire.
Avant l'agrandissement minime de 4 000 mètres carrés que l'on vient de faire, l'aéroport de Québec avait 7 000 mètres carrés. Celui d'Ottawa a 18 000 mètres carrés, celui de Halifax, 24 000 mètres carrés, celui de Winnipeg, 24 000 mètres carrés également, et celui d'Edmonton, 36 000 mètres carrés. Alors, qu'on ne vienne pas nous faire des histoires parce que le gouvernement fédéral investit enfin, avec 40 ans de retard, dans un aéroport!
On investit ici seulement 30 millions de dollars, alors que le ministre des Transports demande pour l'aéroport de Vancouver des fonds de 150 millions de dollars. Le port de Québec aurait besoin d'un investissement de 150 millions de dollars et celui de Halifax de 600 millions de dollars. Je trouve que l'inflation est extrêmement importante et je trouve choquant d'entendre ces propos ce matin.
D'autre part, le ministre des Transport nous dit que son ministère ne veut pas participer au déglaçage du port de Halifax parce que celui-ci n'est pas touché par les glaces. Je comprends donc qu'il veut avoir tous les avantages. Chaque fois qu'il y a un inconvénient, il faut que ce soit le reste du pays qui paie. Quand il y a des inconvénients, on les refile aux autres, mais quand il s'agit d'avantages, on ne veut pas les partager.
On sait bien que toute la question du déglaçage est injuste, non seulement pour les ports du Québec, mais également pour ceux de l'Ontario. On se prépare à diviser le Canada - je pense que c'est déjà fait - en trois zones: deux zones où les aides à la navigation posent peu de problèmes, alors que pour la voie maritime du Saint-Laurent, qui est au coeur du développement économique du Québec et de l'Ontario, les utilisateurs devront payer des frais que les autres n'auront pas à payer.
Je pense que c'est une vision étriquée du Canada qui ne conduit nulle part.
Je voudrais terminer par une question très précise. Monsieur le ministre, lorsque vous avez comparé les frais imposés aux ports de Québec et de Thunder Bay par rapport au port de Halifax, vous avez dit que, pour chaque tonne de matériel transporté ou déplacé, les frais étaient plus importants à Halifax que dans les autres ports.
J'aimerais que vous m'expliquiez quels sont les frais qui seraient plus importants pour le port de Halifax que pour les ports de Québec et de Thunder Bay.
[Traduction]
M. Downe: Je trouve très intéressant tout le bruit fait autour de l'argent investi dans l'aéroport de Québec. C'est un investissement qui était nécessaire. Je dis simplement que nous aussi avons besoin d'investissements dans notre aéroport. J'ai parlé au ministre des Transports du Québec. Nous partageons bon nombre de préoccupations. En gros, nous sommes d'accord pour soumettre nos préoccupations concernant les deux initiatives au ministre fédéral des Transports, M. Anderson.
Pour ce qui est de l'inflation des chiffres, je ne pense pas qu'il y ait lieu de se livrer ici à des attaques rhétoriques; nous sommes là pour parler de faits.
S'agissant du port, il nous faut environ 600 millions de dollars pour mettre en place des grues pour les navires post- Panamax, et c'est manifestement un investissement très substantiel. L'une des raisons qui font que les navires post-Panamax sont un avantage pour notre région, c'est que nous possédons un port en eau profonde. Nous avons là un avantage comparatif naturel, et le trafic post-Panamax est l'une des options que nous retenons pour nous doter d'un port plus solide et autonome.
S'agissant du coût de 17,6c. comparé à 14c., il y a lieu de se demander pourquoi cette différence existe. Si vous regardez les aides à la navigation, je ne pense pas qu'un navire en utilise davantage pour relier l'Europe à Halifax que pour relier l'Europe à Montréal et Thunder Bay. Je pose donc la même question: pourquoi paierions-nous 17,6c. par tonne en redevances d'aide à la navigation, comparé à ce que paient d'autres ports le long du Saint-Laurent? Nous allons certainement nous pencher sur la question et veiller à ne pas être pénalisés. Lorsqu'un port dispose d'un avantage naturel, il n'y a aucune raison de le pénaliser sur un autre plan.
Deuxièmement, lorsque vous avez un avantage comparatif naturel, tel que l'absence de glace, quel facteur faudrait-il prendre en considération? Le port fait face à une vive concurrence et il est d'une importance extrêmement grande pour la survie économique de notre province, tout comme les autres modes de transport. Nous ne pouvons nous permettre d'être pénalisés, sur le plan de la création d'emplois, alors que nous avons un avantage naturel.
Il y a d'autres mécanismes et d'autres instances - et je ne veux pas ouvrir ici le dossier de l'unité nationale - où nous collaborons de très près pour édifier un système national, mais nous disons simplement qu'il n'y a pas lieu de nous pénaliser à cause de notre situation géographique.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Gouk, pour une question efficiente et intéressante.
M. Gouk: Je serai très efficient, comme je l'ai été toute la matinée, et ne prendrai pas plus de temps que les autres partis, monsieur le président.
Premièrement, je dois commencer par dire que je suis toujours étonné lorsque le Bloc se montre opposé à la division lorsque cela ne l'avantage pas, alors que sa raison d'être ici, au Parlement, est la division.
J'aimerais intervenir sur trois domaines. Vous avez parlé des routes, des aéroports et des ports, et je vais les passer en revue - très rapidement dans le cas de deux sujets - et vous inviter à réagir.
S'agissant des routes, tout ce que j'ai à dire, c'est que nous allons rédiger un rapport suite à notre étude et il de mon intention - je suis sûr que le président n'en sera pas surpris - nous allons demander dans ce rapport qu'une partie des recettes de la taxe sur les carburants soit réservée au financement des routes.
En ce qui concerne les aéroports - et ce que je vais dire intéressera le député de Halifax - l'introduction d'une redevance aéroportuaire comme celle que perçoit Vancouver vous donnerait les revenus suffisants pour financer vos travaux. Je ne pense pas que ce soit un problème. C'est un mécanisme possible qui présente un potentiel réel, mais le programme national des aéroports - à mon avis, et de l'avis de quelques experts très réputés, et notamment de celui que l'aéroport de Halifax a engagé - n'est rien d'autre que 26 désastres financiers en suspens.
Deux des aéroports en cours de privatisation, Calgary et Edmonton, sont déjà financièrement insolvables à cause de la structure des redevances payables au gouvernement fédéral. Elles sont calculées sur la base des recettes brutes de l'aéroport et sur la base de recettes et de dépenses théoriques, un modèle totalement inouï et impraticable. Les experts-conseils de l'aéroport de Halifax, s'ils ne vous ont pas déjà remis un rapport à ce sujet, le feront bientôt. Ils vous conseilleront de ne pas signer.
Mon autre intervention concerne les ports. Je suis très inquiet de voir, et ce sera également le cas de Halifax, que le projet de loi C-44, qui a maintenant été adopté au comité et renvoyé à la Chambre des communes pour adoption, prévoit la perception de redevances auprès des ports encore une fois sur la base des revenus bruts. Un rapport a été rédigé qui explique les modalités. Je n'en ai pris connaissance qu'hier et n'ai pas eu le temps de l'étudier, mais je nourris les mêmes préoccupations dans le cas des ports que dans le cas des aéroports - dans le cas des aéroports, on voit déjà que c'est financièrement impraticable.
M. Downe: Merci beaucoup. J'apprécie de vous voir défendre si résolument l'infrastructure routière dont nous avons besoin. L'ACA, avec qui nous nous sommes entretenus dans la belle ville de Halifax il n'y a pas si longtemps, parlera elle aussi de l'impératif d'attribuer des fonds au réseau routier. J'apprécie votre soutien.
J'ajouterai que le ministre fédéral, M. Anderson, est un partisan très fervent d'un bon réseau routier dans notre pays. J'ai été extrêmement impressionné par sa connaissance de l'infrastructure routière et de tous les problèmes de transport, ainsi que par son dévouement et sa détermination. Vous avez beaucoup de chance d'avoir un député de Colombie-Britannique de ce calibre. Il s'est certainement montré très conscient de la nécessité de prévoir des crédits pour l'infrastructure de transport...
M. Gouk: Il sera intéressant de voir ce qu'il en sortira.
M. Downe: Pour ce qui est de la taxation de l'aéroport et du port sur les revenus bruts... cela nous préoccupe. D'après les chiffres que nous avons vus, la formule laissera 25 millions de dollars de bénéfices au port. Cela ne suffit pas à financer l'opération. Cela ne suffit pas pour effectuer les investissements requis, et si vous n'avez pas les mécanismes de financement des investissements dont vous avez besoin, le port ne peut survivre. Nous avons donc quelques préoccupations très légitimes.
Calgary - et je ne parlerai pas des autres aéroports - a un plus gros volume de passagers; il a une plus grosse capacité. Je me souviens avoir payé la redevance de 10 $ chaque fois que je suis passé par l'aéroport de Vancouver, ce qui m'arrive régulièrement à intervalles de quelques mois. Évidemment, cela lui apporte pas mal de ressources, mais il jouit du volume de voyageurs voulu. Mais en l'absence de ce volume, vous avez beau imposer la redevance que vous voulez, cela ne marchera sans doute pas.
Notre situation à Halifax est différente. Nous avons un certain volume, mais il ne suffit pas pour financer de cette façon les travaux. Nous devons nous montrer un peu plus créatifs dans les négociations de façon à ce que nous puissions devenir autonomes et économiquement en mesure de financer les initiatives requises. Vous serez d'accord avec moi.
M. Gouk: En fait, je n'ai pas vu les chiffres du volume de voyageurs et ne peux savoir s'il peut vous donner les recettes dont vous avez besoin sous forme d'une redevance de passager, mais il faudrait déjà que ces revenus ne soient pas siphonnés à l'autre bout.
M. Downe: Oui, c'est juste.
Le président: Je vous remercie, monsieur Gouk.
Je vous remercie, monsieur le ministre. J'apprécie réellement votre visite. Nous avons suivi le projet de la 104 avec pas mal d'intérêt. Je pense que l'un des groupes qui a participé au montage financier comparaîtra la semaine prochaine et pourra nous en parler selon son optique.
M. Downe: Monsieur le président, je vous remercie infiniment du temps supplémentaire que vous m'avez généreusement accordé. Je l'apprécie beaucoup.
Nous vous avons fait parvenir un mémoire sur le projet de loi C-44 énonçant notre position, comme vous le savez. Nous n'avons pu venir le présenter en personne. Nous avons essayé de couvrir certains de ces éléments aujourd'hui. Je vous encourage à poursuivre vos efforts et n'oubliez pas que l'infrastructure est l'élément le plus important aujourd'hui sur le plan de la création d'emplois et de la capacité de nos industries - l'exploitation forestière, l'exploitation minière, l'agriculture, la pêche, la fabrication - à acheminer leurs produits jusqu'au marché, de façon à créer de nouvelles richesses pour notre pays et notre province.
Je vous remercie.
Le président: Voilà une citation que nous pourrions utiliser dans le rapport. Merci.
Nous entendons maintenant l'un de ces petits groupes d'intérêts régionaux, l'Association des automobilistes canadiens, avec ses 3,2 millions de membres. Président Brian Hunt, monsieur Richard Godding et monsieur David Leonhardt, c'est un plaisir que de vous revoir.
M. Brian Hunt (président et directeur général, Association des automobilistes canadiens): Merci infiniment, monsieur le président. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour exprimer le point de vue des automobilistes sur le réseau routier national. Je suis accompagné de l'un de nos vice-présidents, Richard Godding, et de notre directeur des relations gouvernementales, David Leonhardt.
Je veux commencer par remercier le président, M. Alcock, de s'être joint à nous la semaine dernière, lorsque notre expédition «On fait du chemin» s'est arrêtée à Ottawa pour présenter son rapport sur sa traversée du Canada, de Victoria à Saint John. Il a été très encourageant de l'entendre dire que votre comité est prêt à soumettre quelques propositions en vue d'un programme routier national dont le pays a tant besoin.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissaient pas notre projet «On fait du chemin», l'ACA a organisé une expédition transcanadienne pour parler avec les Canadiens du problème du réseau routier national. La campagne a donné à beaucoup de gens l'occasion d'exprimer leurs vues sur cette importante question. Nous avons été encouragés de voir l'intensité du soutien que nous avons reçu d'une côte à l'autre.
Je pourrais parler pendant des heures de l'importance que revêtent nos principales voies commerciales et touristiques pour notre économie et la création d'emplois. Cependant, je pense que la plupart des députés en ont déjà conscience, et les membres de votre comité plus que la majorité. Par conséquent, je limiterai mes propos sur cet aspect aux résultats d'un récent sondage Angus Reid- Southam.
Les enquêteurs ont indiqué aux personnes interrogées que le gouvernement fédéral a dépassé cette année son objectif de réduction du déficit et leur a demandé ce qu'il conviendrait de faire de l'excédent. Le choix le plus fréquent a été d'utiliser l'argent pour la création d'emplois et, en deuxième position, pour les soins de santé.
Un programme routier national créerait des emplois à long terme dans les secteurs du tourisme, de la fabrication et du transport. Il réduirait également le nombre des blessures accidentelles de 2 300 et le nombre de décès accidentels de 160, avec les économies hospitalières correspondantes, sans parler des avantages économiques et sur le plan de la mobilité.
Au mois de septembre dernier, l'ACA a lancé une campagne de sensibilisation sur le thème «Nous faisons notre part». Nous y demandions au gouvernement fédéral de consacrer au moins 2c. par litre de la taxe d'accise actuelle sur l'essence au programme fédéral-provincial à frais partagés, en vue de reconstruire notre réseau routier national. Cet argent existe déjà. En d'autres termes, il devrait être prélevé sur les recettes actuelles.
L'ACA considère que cette proposition est raisonnable, équitable et, surtout, qu'elle correspond à ce que souhaitent les entreprises et les consommateurs - obtenir la contrepartie de l'argent qu'ils paient déjà. L'ACA estime que la meilleure option existante consiste à utiliser les recettes existantes pour financer notre réseau routier national. Les Canadiens perçoivent la taxe d'accise sur l'essence comme une redevance d'utilisation. Lorsqu'ils la paient, ils pensent qu'ils achètent de meilleures routes. Nous estimons que les 10c. par litre actuellement prélevés par le gouvernement fédéral devraient être intégralement investis dans les routes. Cependant, si le gouvernement fédéral commençait par verser son écot de 2c. les Canadiens seraient en passe d'avoir la voie beaucoup plus libre.
Par le passé, l'ACA a déjà proposé la création d'un fonds fiduciaire routier. Dans un sondage récent, 93 p. 100 des automobilistes se sont exprimés en faveur d'un tel mécanisme. Le ministère des Finances doit respecter les contraintes de la comptabilité publique et éviter de réserver des recettes fiscales à des programmes spécifiques, par crainte d'une mauvaise affectation des fonds.
Tout le monde conviendra qu'il s'agit là d'un problème difficile. Cependant, d'une façon ou d'une autre, nous devons trouver le moyen de payer pour nos routes avant que nous soyons confrontés à un problème de financement encore plus grave à l'avenir. Que ce soit par le biais de fonds fiduciaires, ou sous forme d'une affectation de crédits provenant des recettes générales, nos routes exigent une action immédiate et l'argent doit provenir des recettes existantes.
Plusieurs options ont été proposées en vue du financement de nos routes et l'ACA a pris position, à divers moments, sur chacune d'elles. Permettez-moi de commencer par dire que la majoration de la taxe sur l'essence serait mal accueillie par les Canadiens ou par l'association. Les automobilistes ne sont pas prêts à supporter une nouvelle majoration de la taxe alors qu'ils paient déjà très cher pour ce qui leur semble être des routes en état de délabrement avancé.
On a également proposé l'idée de péages. Encore une fois, nous y sommes opposés par principe, car les automobilistes paient déjà tellement plus pour les routes que ce qu'on leur donne en échange. Nous avons également des doutes quant à la viabilité de péages sur la plupart des routes. À notre avis, les péages ne marchent que dans des régions à haute densité de population comme Toronto ou Vancouver, mais pas sur la plus grande partie de notre réseau routier national. En gros, les péages ne sont pas adaptés à ce problème et ne représentent pas une solution.
Une autre idée méritant examen serait la création d'une administration routière nationale. Le gouvernement actuel, et votre comité lui-même, a fait un travail créatif avec la mise en place d'administrations aéroportuaires, qui semblent donner d'assez bons résultats jusqu'à présent. Votre collègue, M. Nault, de Kenora, a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire en ce sens lors de la dernière législature. Une telle administration pourrait canaliser les fonds tant du gouvernement fédéral que des gouvernements provinciaux.
Ce qui nous a toujours paru étrange dans la comptabilité publique est qu'elle ignore la valeur des équipements publics ou de l'investissement de l'État dans les immobilisations.
Une route en construction n'est considérée que comme un élément de passif, car elle représente des dépenses, alors qu'elle engendre également un avoir équivalent et maints avantages à long terme. Mais les comptes publics n'en tiennent pas compte. Si c'était le cas, je suis sûr que nous trouverions toutes sortes de façons créatives de réparer et d'améliorer notre réseau routier sans alourdir le déficit et sans taxer davantage des automobilistes déjà lourdement mis à contribution.
Le gouvernement ne peut peut-être pas amortir, mais pourquoi pas une société d'État? Pourquoi pas une administration routière nationale? Elle pourrait acheter une route et en amortir le coût. Elle pourrait inscrire une route comme élément d'actif. Elle pourrait établir des réserves. Il suffirait que le gouvernement fédéral transfère à cet organisme nouveau les recettes perçues auprès des automobilistes. Une telle structure garantirait à long terme le bon état de nos routes commerciales et touristiques et assurerait la création d'emplois et la sécurité publique dans le futur.
Avec chaque jour qui passe, notre déficit routier augmente. Avec chaque jour qui passe, la situation devient plus urgente.
Le budget fédéral de 1995 a augmenté la taxe d'accise sur l'essence de 1,5c. par litre. À l'époque, M. Martin avait indiqué que c'était là un coussin au cas où ses prévisions de dépenses ne seraient pas atteintes. Or, ses prévisions de dépenses ont été atteintes et maintenant que le déficit budgétaire a été réduit plus que prévu, restituons cette majoration de la taxe sur l'essence à nos routes, qui auraient dû en être les bénéficiaires en premier lieu.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hunt.
Monsieur Gouk, aimeriez-vous commencer?
M. Gouk: Je vous remercie, monsieur le président.
Je pense que vous êtes bien informé du fait que nous sommes en faveur non seulement du programme de 2c., mais de toute la notion de recettes réservées. C'est quelque chose qui apparaîtra lorsque nous rédigerons le rapport.
J'ai critiqué, mettons, des comités antérieurs qui ont tenu des audiences, entendu des avis majoritaires ou très fermes de la part des témoins, et qui ensuite ne font pas leurs ces recommandations. Je me demande alors pourquoi se donner la peine de tenir ces audiences.
J'ai bon espoir que le comité vous écoute. Dans beaucoup de secteurs et d'industries, on nous a réclamé des «recettes réservées», et j'espère que cela se retrouvera dans notre rapport. Si ce n'est pas le cas, alors il faudra que vous vous fassiez mieux entendre.
Il m'est arrivé si souvent d'avoir des divergences d'opinions avec le gouvernement. Je suis allé voir les intéressés, ceux qui vont être directement touchés, et leur ai dit: «Je ne pense pas que cela soit dans votre intérêt. Allez-vous faire quelque chose? Allez-vous me soutenir dans ce que j'essaie de faire pour vous?», et la réponse que j'obtenais était: «Eh bien, nous ne voulons pas faire tanguer le bateau. Nous ne voulons pas que le gouvernement nous en veuille».
Je pense que la première étape est de voir si nous pouvons rédiger un rapport qui reflète votre opinion et celle d'autres témoins ayant comparu ici. Si ce n'est pas le cas, alors, comme vous l'avez indiqué, vous avez 3,8 millions de membres. Êtes-vous prêt à leur dire que certains partis sont d'accord avec eux, mais que le gouvernement ne l'est pas, et utiliser l'influence que vous donnent3,8 millions de membres? Ou bien, très franchement, allez- vous courber l'échine et vous laisser faire, si les choses tournent ainsi?
M. Hunt: Nous apprécions votre soutien à l'idée de réserver des recettes fiscales. Si le comité recommandait cela, nous en serions très heureux.
La crise de notre réseau routier, à notre sens, met en danger le bien-être économique du pays, la création d'emplois et d'autres choses encore. Je pense que notre défi, si le gouvernement ne réagit pas en lui réservant des fonds ou par quelque autre moyen de financer le réseau routier national... Nous n'avons pas l'intention de cesser notre action, de changer d'objectif ou de ne plus faire entendre notre voix, car ce serait une erreur pour l'ACA, pour nos membres et pour le pays.
J'imagine donc que nous prendrons nos 3,8 millions de membres - nous le leur ferons savoir. Nous espérons que ce chiffre va grimper à 6 ou 7 millions de membres, si bien que nous aurons encore plus de poids auprès du gouvernement.
M. Gouk: C'est tout. Je vous remercie.
C'était succinct, comme vous me le demandiez.
Le président: Je vous remercie, monsieur Gouk. Vous avez établi un précédent qui sera suivi à l'avenir, je l'espère, par tous les membres du comité.
Monsieur Cullen.
M. Cullen: Je vous remercie, monsieur le président. Je n'ai pas saisi la subtilité de cet échange. Je suis un peu lent ce matin.
Je vous remercie, messieurs. J'ai deux questions. Elles seront brèves.
Si je trouve intéressante l'idée d'un fonds fiduciaire, je ne peux oublier le passé. Quantité de fonds fiduciaires ont déjà été mis sur pied et n'ont eu qu'une vie éphémère, en dépit des meilleures intentions. En Nouvelle-Écosse, nous dit-on, un fonds routier a été créé, qui a duré quelque temps mais n'a pas survécu... En Colombie-Britannique, ainsi que mon collègue d'en face le sait, différents fonds ont été constitués pour la gestion forestière et ont péri de leur belle mort.
Comment structurer cela afin que le fonds soit durable?
M. Hunt: Il doit être structuré de façon à ce que les capitaux soient investis régulièrement dans les routes, et le fonds doit être géré.
Chez nos voisins du Sud, il y a aussi des fonds fiduciaires. Beaucoup d'argent dort dans ces fonds, sans être investi dans les routes. Ils servent, non à d'autres fins, mais... À nos yeux, ils ont pour seule utilité de réduire le calcul du déficit du gouvernement américain. Je pense qu'une fois le fonds constitué, il doit être géré selon un système approprié, avec obligation d'investir l'argent dans les routes.
M. Cullen: Pour ce qui est de l'idée d'une administration routière nationale, je crois savoir que certains pays ont adopté ce modèle. Les dépenses routières sont ainsi retirées du bilan. Les investissements peuvent être amortis de la manière que vous avez évoquée.
Jim, il me semble que le gouvernement de Colombie-Britannique a été critiqué pour avoir retranché de son bilan une partie de sa dette et... Vous pourriez peut-être nous en dire un mot.
Pour ce qui est des péages - ou des redevances d'usager, car je pense que les péages font partie de la notion de redevance d'usager - vous avez recueilli l'avis de vos membres à différents moments et, manifestement, ils ne sont guère en faveur de cette idée.
Je saisis bien ce que vous dites au sujet des régions à forte densité. C'est un mécanisme plus adapté à ces endroits. Mais s'il était possible de créer des ensembles régionaux, avec interdiction de pratiquer des péages sélectifs... On interdirait l'utilisation sélective de péages seulement dans les régions à forte densité de population, et les péages ne pourraient être imposés que lorsque les usagers ont un itinéraire de rechange. Pensez-vous que, dans ces conditions, l'idée serait plus attrayante ou bien est-ce que vos membres sont radicalement opposés au principe?
M. Hunt: Vous pouvez imposer un péage sur une route à condition qu'il y ait un itinéraire de rechange gratuit. C'est ce que disent nos membres. Je suppose que nous abordons la question du point de vue des régions à faible densité. Prenez la route reliant Sudbury à Thunder Bay, par exemple. Si vous avez une route à péage et un itinéraire de rechange dans une région à faible densité de population, je ne vois pas de justification économique à la construction d'une route à péage, ni comment elle pourra jamais être payée. Je suppose que les automobilistes opteraient pour la route gratuite.
Nous pensons donc que, sur certains tronçons du réseau routier national, les péages sont tout simplement impraticables, dès lors qu'il y a une alternative gratuite. Et s'il n'y a pas d'alternative gratuite, de l'avis de nos membres, le péage est inacceptable et il y aurait une levée de boucliers. Dans la mesure où il y a un itinéraire de remplacement gratuit, nous ne pensons pas qu'une route à péage puisse être rentable, sauf dans une région à densité de population assez élevée.
Pour répondre à ce que vous disiez d'une administration routière, si ce qui retient le gouvernement de débloquer des crédits... Il s'agit de reconstruire tout le réseau routier national. Nous savons que beaucoup de gens réclament des crédits et que les ressources budgétaires du gouvernement sont limitées, alors que la reconstruction du réseau routier national va exiger, au cours des dix prochaines années, entre 14 milliards et 18 milliards de dollars, selon diverses estimations.
Nous pensons qu'il est tellement urgent d'agir, et de contourner les principes de la comptabilité publique, en quelque sorte pour confier cette tâche à une administration qui pourra s'adresser au secteur privé et construire une route dont on sait qu'elle durera de 15 à 30 ans, que... De façon à pouvoir entreprendre cette tâche sans délai et bénéficier dès aujourd'hui des retombées économiques, des avantages sur le plan de la sécurité etc... Nous pensons que cela mérite d'être étudié.
Le président: Je vous remercie, monsieur Cullen.
Je vous remercie, monsieur Hunt.
Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré: Une petite question sur la question des routes à péage. Quel est le volume minimum nécessaire pour qu'un mécanisme de péage soit rentable?
Vous avez sans doute une réponse à cette question. Combien faut-il de véhicules à l'heure ou par jour?
[Traduction]
M. Hunt: Je pense que certaines conditions économiques doivent être réunies. Si vous considérez la 407, au nord de Toronto, ou le projet de la 104 en Nouvelle-Écosse, vous calculez combien cela va coûter par mille de route, comparé au revenu que vous allez retirer annuellement, et vous voyez alors si cela est économiquement viable ou non. Nous pensons que cela peut l'être dans les régions à haute densité de population, mais cela dépend s'il s'agit d'une route à deux voies ou d'une route à quatre voies. Dans une région à faible densité de population, nous craignons que même une route à péage à deux voies ne soit pas économiquement viable.
Je pense que c'est à déterminer cas par cas. Je ne pense pas qu'il y ait de règles standards, du genre x nombre de voitures par heure.
M. Richard Godding (vice-président, Affaires internes et affaires publiques, Association canadienne des automobilistes): Pourrais-je faire une remarque sur la question des péages, monsieur le président? Je pense que cette question des péages revient toujours sur le tapis parce que l'on y voit un moyen de lever davantage de fonds. Or, nous considérons les taxes sur le carburant comme un péage, et sans doute le péage le plus efficient qui soit. Si vous parlez d'imposer des péages sur des tronçons particuliers de routes, vous créez un système déséquilibré parce que vous faites payer certains automobilistes et non pas d'autres. C'est ce que l'on a vu au Québec, par exemple, avec les péages sur l'autoroute au nord de Montréal. La pression du public est devenue telle que le gouvernement a dû les enlever.
Nous considérons que la taxe sur le carburant est déjà un péage.
Le président: Permettez-moi de vous poser juste quelques questions. Certaines n'étaient pas contenues dans notre mandat initial, et vous n'êtes peut-être pas en mesure d'y répondre, mais j'aimerais que vous nous donniez votre réponse ultérieurement si vous n'êtes pas en mesure de le faire tout de suite.
Tout d'abord, je veux vous remercier du travail que vous avez accompli. L'ACA se montre très active sur cette question depuis pas mal de temps. Je trouve que le programme «On fait du chemin» a très bien réussi à susciter l'attention du public. Différents députés me disent qu'ils ont déjà dans leurs bureaux de gros sacs de pièces de 1c. L'un d'eux l'a même exprimé en termes très colorés, que je ne répéterai pas ici.
Mais vous ne demandez pas seulement au gouvernement fédéral de verser 2c., vous en demandez autant aux provinces. Je sais qu'un certain nombre de ministres provinciaux ont participé à la campagne. Quelle a été la réaction des provinces? Est-ce que toutes les provinces ont accepté de payer une part de 2c.?
M. Hunt: Nous pourrons vous répondre de façon plus détaillée ultérieurement, mais je crois savoir que la majorité des provinces, sinon toutes, ont appuyé notre campagne au fur et à mesure que notre expédition avançait dans le pays.
Le président: Bien.
La deuxième question porte sur l'aspect abordé par M. Cullen - c'en est un que nous examinons sous divers angles - à savoir la création de quelque entité, une fiducie ou quelque chose du genre. Avez-vous retiré l'impression, dans vos contacts avec les provinces, qu'elles seraient prêtes à participer à quelque entité fédérale-provinciale tierce, indépendante, qui gérerait cela?
M. Hunt: Nous nous ferons un plaisir de vous donner une réponse plus détaillée ultérieurement. Notre impression, pendant que nous sillonnions le pays, est que chacun reconnaît l'existence d'un besoin. Tout le monde recherche la meilleure solution.
D'après les conversations que j'ai eues - j'ai été à Halifax m'entretenir avec le témoin précédent, j'ai été en Ontario, j'ai été en Colombie-Britannique et j'ai rencontré les divers ministres des Transports provinciaux - je pense qu'ils sont très ouverts à cette idée. Mais nous pouvons leur poser la question directement et vous transmettre les réponses ultérieurement.
Le président: D'accord.
L'autre question est la suivante. Quelqu'un a demandé pourquoi le gouvernement fédéral ne réduirait pas tout simplement sa taxe sur les carburants de 2c., permettant aux gouvernements provinciaux d'augmenter leur taxe de 2c., et confier toute la responsabilité aux provinces?
M. Hunt: Si c'est une option, elle est envisageable. Il faudrait s'assurer que les 2c. que les provinces récupéreraient seront bien consacrés aux routes. C'est à voir. Cela pourrait marcher.
M. David Leonhardt (directeur, Relations publiques et gouvernementales, Association canadienne des automobilistes): L'une des raisons pour lesquelles il faut un programme national et que nous n'allons pas voir les provinces individuellement pour leur dire: «Mettez un peu plus d'argent dans les routes», c'est qu'il faut un certain degré de planification et de coordination à l'échelle nationale. Par exemple, on a pas mal investi dans les routes nord-sud reliant Winnipeg aux États-Unis, mais lorsqu'une compagnie du Manitoba veut acheminer sa marchandise jusqu'au marché de Vancouver ou de Toronto, elle doit quand même traverser la Saskatchewan et l'Ontario, et ces provinces aussi privilégient peut-être leurs routes nord-sud, et non leurs routes est-ouest. On voit la même chose en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et au Québec.
Le président: C'est là le coeur du débat, la question de savoir s'il faut un rôle fédéral pour assurer la continuité - pas sur toutes les routes, évidemment, uniquement sur le réseau national. Mais cela suppose quelque entité fédérale-provinciale, idée qui n'aura peut-être pas un large appui.
La dernière question porte sur le camionnage. Nombre d'études indiquent que les camions sont les principaux responsables de la dégradation des routes. Il a été question de faire payer davantage les camions, soit sous forme d'un péage fantôme soit par quelque autre mécanisme qui ferait payer aux camions une redevance spécifique dont les recettes seraient réservées aux routes.
Est-ce que l'ACA y a réfléchi, ou bien vous limitez-vous strictement aux voitures?
M. Hunt: Nous nous sommes penchés sur le problème des camions principalement sous l'angle de la sécurité, avec certains des accidents qui se sont produits. Dans la mesure où la détérioration des routes nuit à la sécurité, le sujet nous intéresse manifestement.
Nous aimerions voir une étude comparant les dommages causés par les camions et l'usure causée par les voitures et sur l'opportunité de leur faire payer des péages ou des redevances d'usager supérieures. Cela pose aussi toute la question de savoir quelles seraient les répercussions économiques, si le coût du transport des marchandises jusqu'au marché devient plus lourd, et ce genre de choses.
Nous vous donnerons une réponse plus détaillée ultérieurement.
Le président: Je tiens à vous remercier de tout le travail que vous avez accompli jusqu'à présent et j'attends de recevoir ces compléments de réponse. Nous espérons soumettre à la Chambre un rapport provisoire sur la question des routes avant le congé de Noël.
Nous sommes impatients de connaître votre réaction à nos délibérations.
M. Hunt: Je vous remercie de votre invitation.
Le président: J'informe les membres que nous nous réunirons à 16 heures, pour entendre les premiers témoins, et non pas à 15 h 30, comme on vous l'avait annoncé. Donc, monsieur Gouk, vous pourrez prendre cette demi-heure pour vous livrer à un peu de contemplation tranquille.
La séance est levée.