[Enregistrement électronique]
Le jeudi 14 mars 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Je suis heureux de tous vous revoir.
Aujourd'hui, nous accueillons des représentants du Conseil canadien du développement social: Katherine Scott et Richard Shillington, tous deux conseillers en politique sociale. Je vous souhaite la bienvenue.
Comme vous le savez, notre comité a pour mandat d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous comptons, pour ce faire, sur les excellentes suggestions faites par de nombreux témoins.
Voici comment procède notre comité: nous encourageons les témoins à nous résumer les faits saillants de leur exposé. Ainsi, nous disposons de tout le temps voulu par la suite pour poser des questions et entendre les réponses, car les membres peuvent alors se concentrer sur des éléments clés du texte de loi.
Sans plus tarder... J'ignore qui doit commencer. Est-ce Mme Scott ou M. Shillington?
Mme Katherine Scott (conseillère en politique sociale, Conseil canadien du développement social): Nous remercions le comité de nous avoir invités à lui communiquer les conclusions de nos recherches.
Comme nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous préparer, nous n'avons pu faire traduire notre mémoire et nous nous en excusons. Nous ferons donc notre exposé en anglais.
Le Conseil canadien du développement social se prononce certes depuis longtemps sur d'importantes questions relevant de la politique sociale. Aujourd'hui, nous nous réjouissons de cette occasion qui nous est offerte de donner notre avis sur le projet de loi C-12, soit sur la nouvelle loi instituant l'assurance-emploi au Canada.
Une réforme du régime actuel s'impose, en réalité. Au fil des ans, les gouvernements successifs et un nombre accru d'employés et d'employeurs se sont tournés vers le programme d'assurance-chômage pour satisfaire divers objectifs, y compris la formation professionnelle, la redistribution du revenu dans les régions, la création d'emplois, et ainsi de suite. Le programme a perdu de vue son objectif premier: protéger les revenus d'emploi en période de chômage ponctuel. La nouvelle loi, toutefois, ne représente pas vraiment une nouvelle orientation. En réalité, elle exacerbera certains des problèmes que pose la loi actuelle. Nous aimerions donc aujourd'hui vous entretenir de deux questions centrales dont doit à tout prix tenir compte le régime d'assurance-emploi ou d'assurance-chômage.
La première question, à notre avis cruciale, à se poser au sujet de l'assurance-chômage est si le programme repose sur une base financière solide. La seconde est si le programme répond à son objectif énoncé qui est de protéger les travailleurs contre la perte provisoire de leur salaire.
Pour ce qui est de la première question, nous croyons que la caisse d'assurance-chômage est manifestement en bonne santé financière. Actuellement, on prévoit qu'elle aura un excédent de5 milliards de dollars, ce qui nous porte à nous interroger sur l'objectif visé par le gouvernement, qui demande que l'on en retranche une tranche supplémentaire de 2 milliards de dollars. Certes, depuis que le ministre Martin a annoncé la réforme de l'assurance-chômage, les réformes effectuées antérieurement ont produit des compressions de 2 milliards de dollars. En 1995, le compte a affiché 13,5 milliards de dollars de dépenses. Il n'y a donc pas vraiment lieu de sabrer dans les dépenses du programme. Or, c'est tout de même ce qui semble motiver l'actuel resserrement des critères d'admissibilité et de droit aux prestations qu'institue le projet de loi à l'étude.
Quant à la seconde question, le régime d'assurance-chômage satisfait-il, en fait, à son objectif central qui est de protéger les revenus des travailleurs? De toute évidence, la réponse est négative. En 1990, plus de 75 p. 100 des chômeurs ont en fait touché des prestations; ils étaient admissibles au programme d'assurance-chômage. Aujourd'hui, seulement la moitié des chômeurs y ont droit. C'est toute une baisse en cinq ans. Nous estimons donc que l'orientation prise dans le projet de loi C-12 en vue de limiter davantage le recours au programme n'est en fait pas justifiable. On s'éloigne de l'objectif qu'est censé atteindre ce régime.
Nous aimerions aujourd'hui vous présenter les résultats d'une étude que nous menons depuis deux mois sur quatre dispositions centrales de la loi ou, plutôt, sur quatre articles. Plus particulièrement, nous parlerons d'admissibilité et de la conversion des semaines en heures. Nous examinerons le calcul des gains - la règle d'étalement sur 20 semaines. Nous nous pencherons sur le maximum de la rémunération assurable et sur les dispositions et modifications à cet article particulier de la Loi sur l'assurance-chômage. Enfin, il sera question du supplément du revenu familial et du niveau de revenu élevé. Nous aimerions évaluer chacune de ces dispositions en fonction, essentiellement, de deux critères.
Tout d'abord, la disposition accroît-elle la sécurité économique des Canadiens? Voilà un avantage qui a certes été mis en valeur dans le budget fédéral de la semaine dernière. Nous aimerions donc évaluer si ces dispositions satisfont à ce critère.
Nous aimerions aussi, à partir de notre étude très fouillée, voir si les dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage facilitent réellement la modernisation du programme. Le marché du travail a considérablement changé. Nous nous demanderons si ces dispositions cadrent avec la réalité actuelle.
Je ferai appel à mon collègue, M. Richard Shillington, notre principal chercheur au conseil, qui examinera les trois premières dispositions dont j'ai parlé, puis, en guise de conclusion, je vous parlerai du supplément du revenu familial et de l'opinion qu'en a le conseil.
M. Shillington (conseiller en politique sociale, Conseil canadien du développement social): Je vous remercie.
J'aimerais tout d'abord m'arrêter, pendant quelques instants, à la conversion des semaines en heures. Je suppose que vous savez tous ce que nous entendons par là: les critères d'admissibilité ne se fonderont plus sur le nombre de semaines travaillées au cours des 52 dernières semaines - soit durant la dernière année - mais bien sur le nombre d'heures de travail.
Il sera beaucoup question des tableaux qui figurent à la fin de notre mémoire. Le premier dont nous nous servirons est le tableau 2.
Ce tableau utilise des données de Statistique Canada pour faire une certaine ventilation de la répartition de la main-d'oeuvre en fonction du nombre d'heures travaillées par semaine. J'aimerais en souligner quelques points. Tout d'abord, arrêtons-nous au nombre de personnes qui ont travaillé moins de 15 heures par semaine. Le fait a son importance, comme vous le savez, étant donné les changements apportés à la loi, parce que ces travailleurs se trouvent, pour la première fois, à cotiser, ce qu'on a fait valoir comme étant un avantage de la nouvelle loi.
J'aimerais faire remarquer que beaucoup de ces personnes ne seront pas admissibles aux prestations, comme vous pourrez le constater. En fait, d'après les données publiées par le ministère du Développement des ressources humaines, une partie importante, si ce n'est la majorité, d'entre elles n'auront pas travaillé suffisamment d'heures dans l'année pour avoir droit aux prestations. Donc, bien qu'elles cotisent pour la première fois, elles seront incapables de travailler suffisamment d'heures dans l'année pour toucher les prestations.
La façon dont s'effectue le passage des semaines aux heures de travail, comme vous le savez, est telle que le travailleur qui effectue moins de 35 heures de travail par semaine en moyenne devra travailler davantage pour avoir droit aux prestations d'assurance-chômage et touchera ces prestations pendant moins de semaines que ceux qui travaillent 35 heures et plus - ceux-ci seront plus facilement admissibles aux prestations d'assurance-chômage et les toucheront pendant plus longtemps. Ce qu'il importe de retenir du tableau 2, c'est que la main-d'oeuvre figurant du côté gauche de la page aura plus de difficulté à toucher des prestations, tandis que celle qui figure à droite en aura moins.
Il faudrait plus particulièrement noter que ce sont des femmes qui travailleront vraisemblablement moins de 35 heures par semaine. Ainsi, dans la deuxième moitié du tableau, on compte 5 p. 100, plus 25 p. 100, de femmes qui travaillent moins de 15 heures par semaine ou entre 15 et 34 heures par semaine respectivement, particulièrement chez les femmes plus âgées - les 55 ans et plus. Environ 42 p. 100 de ces femmes travaillent moins de 35 heures par semaine. Elles auront plus de difficulté à satisfaire aux critères d'admissibilité, et les prestations leur seront versées pendant moins de semaines que ce ne serait le cas en vertu du régime actuel.
Lorsque j'ai entendu pour la première fois parler des propositions visant à calculer le travail en heures plutôt qu'en semaines, j'ai trouvé l'idée intéressante. On invoquait l'argument qu'ainsi, chaque heure de travail compterait. Toutefois, plus j'y réfléchis et plus je comprends les répercussions de ces propositions, moins l'idée me plaît. Je vous avoue en toute franchise que, s'il n'en tenait qu'à moi, cette idée serait abandonnée.
Si vous voulez bien vous reporter au tableau 1, j'essayerai de vous l'expliquer avec suffisamment de détail pour que vous compreniez de quoi il s'agit sans prendre plus de temps qu'il n'en faut.
Les employés qui font moins de 35 heures par semaine devront travailler plus longtemps pour avoir droit à l'assurance-emploi. Donc, le tableau comporte trois scénarios: un scénario où la région a un taux de chômage élevé, un autre où le taux de chômage dans la région est modéré et un dernier où le taux de chômage est faible. Si vous regardez à la toute dernière colonne à droite, le chiffre +16 signifie que celui qui travaille 15 heures par semaine dans une région où le taux de chômage est élevé devra travailler 15 semaines de plus que ce qui est actuellement prévu par la loi pour être admissible à l'assurance-chômage. Par contre, le travailleur qui effectue 55 heures de travail par semaine pourra travailler 4,4 semaines de moins.
Bien qu'il y ait un élément d'équité dans le fait que chaque heure de travail est assurée, je croyais que nous voulions décourager les travailleurs de faire entre 40 et 60 heures par semaine afin d'encourager la création d'emplois. Cette disposition est donc préoccupante: elle récompensera certes ceux qui effectuent plus de 35 heures de travail par semaine et limitera sensiblement le droit aux prestations de ceux qui font beaucoup moins d'heures par semaine.
Passons maintenant au tableau 3. Non seulement ceux qui font beaucoup d'heures seront plus facilement admissibles à l'assurance-chômage, par opposition à ceux qui font moins de 35 heures, mais ils toucheront aussi des prestations pendant plus longtemps. Si vous comparez le régime actuel d'assurance-chômage au régime projeté d'assurance-emploi, vous observerez que, chaque fois, celui qui fait plus de 40 ou de 35 heures de travail par semaine est avantagé, en réalité, de trois façons différentes dans le nouveau régime, par rapport à celui qui fait moins d'heures.
Tout d'abord, son revenu est plus élevé. Donc, le montant assuré est supérieur. De plus, il est récompensé, en ce sens qu'il lui est plus facile d'être admissible à l'assurance-chômage. Il n'a pas besoin de travailler autant de semaines pour y avoir droit. Enfin, une fois qu'il y est admissible, il peut toucher des prestations pendant plus longtemps.
Tout cela semble aller à l'encontre de la série de propositions qu'a fait circuler le groupe consultatif sur les heures de travail et la répartition du travail en vue de décourager le phénomène dont nous sommes tous conscients: ceux qui ont un emploi travaillent très fort, et les autres, qui sont nombreux, semblent incapables de se trouver un emploi.
C'est tout ce que j'avais à dire au sujet de la conversion des semaines en heures. J'aimerais aussi vous entretenir des nouveaux venus sur le marché du travail et de ceux qui le réintègrent, de même que du resserrement des règles qui s'y appliquent.
Nous craignons que le resserrement des règles s'appliquant aux nouveaux actifs ne signifie qu'à l'avenir, les personnes qui ne sont pas réellement des nouveaux venus seront traitées comme tel. Il faut avoir travaillé un certain nombre d'heures au cours des deux dernières années, y compris toute période durant laquelle on a touché de l'assurance-chômage, pour être traité comme un prestataire ordinaire plutôt que comme un nouvel actif.
Le resserrement des règles signifie que des travailleurs qui n'ont jamais cessé de travailler mais qui travaillent plutôt dans un secteur où les emplois sont rares auront de la difficulté à se faire admettre au programme d'assurance-chômage... On les traitera davantage comme des nouveaux venus. Ce phénomène est attribuable aussi, en partie, au fait que la durée des prestations est réduite.
En réduisant la durée des prestations, vous faites en sorte que les prestataires recevront de l'assurance-chômage pendant moins de semaines. S'ils présentent une demande une année ou deux plus tard, ils seront probablement traités comme de nouveaux venus parce qu'ils n'ont pas eu droit à autant de semaines d'assurance-chômage.
Je ne fais que le souligner. Si nous voulons réellement traiter ces gens comme de nouveaux venus, comme des personnes qui ne participent pas beaucoup au marché du travail, alors disons-le franchement, parce que ces mesures s'appliqueront à beaucoup de travailleurs qui n'ont jamais quitté le marché du travail. C'est tout simplement qu'ils travaillent au sein d'une économie où les emplois continus se font de plus en plus rares.
On nous a demandé de parler de la période fixe de 20 semaines, bien que, si vous lisez les journaux, vous avez vu que le gouvernement a peut-être déjà renoncé à mettre en oeuvre cette proposition. Par contre, nous savons tous comment cela fonctionne. Le demandeur de prestations d'assurance-chômage... Plutôt que de calculer leurs gains moyens en fonction des 12 dernières semaines d'emploi, on le fera en vertu d'une période fixe de 20 semaines précédant leur dernière semaine d'emploi.
Lorsque nous avons pris connaissance pour la première fois de cette proposition, en septembre dernier, j'ai immédiatement craint qu'elle n'ait parfois des conséquences imprévues, dans des circonstances bien particulières. Ainsi, j'imaginais le cas de quelqu'un qui a travaillé pendant 20 ans à plein temps, qui est mis à pied en août et qui décide soit de partir sa propre entreprise, soit de retourner aux études, par exemple, et qui, de ce fait, devient inadmissible à l'assurance-chômage. Ensuite, à Noël, il trouve un emploi d'une semaine ou deux puis, pour une raison quelconque, présente une demande de prestations d'assurance-chômage au début de janvier...
Vous hochez tous de la tête. Vous savez ce qui lui arrivera. Un commis du Centre d'emploi du Canada se verra obligé de lui expliquer comment, en fait, ses gains moyens après toutes ces années d'emploi ne représentent en réalité qu'entre 50$ ou 100$ par semaine parce qu'il a eu la brillante idée de travailler pendant une semaine ou deux durant la période des Fêtes.
Je comprends le raisonnement. L'idée était d'essayer de réduire les prestations qui sont versées à certains. Par contre, il faut bien prendre soin d'adopter des règles que peut comprendre le Canadien moyen. Ainsi, il sera en mesure de faire des choix intelligents.
Cette proposition pose un problème énorme que le gouvernement, si j'ai bien compris, a fini par reconnaître. Elle aura pour effet, comme nous le savons, de réduire les gains moyens que sont censés avoir réalisés les travailleurs.
Le tableau 4 à la fin de notre mémoire présente les meilleures prévisions de l'incidence de cette disposition que nous pouvions faire à partir des données dont nous disposions.
Essentiellement, le tableau fait état, pour chaque région économique du pays, de la proportion de prestataires de l'assurance-chômage qui avaient travaillé moins de 20 semaines lorsqu'ils ont présenté leur demande. Cette disposition abaisserait les gains moyens de tous ces gens et réduirait donc aussi leurs prestations moyennes. Vous pouvez voir que le pourcentage varie, allant de 55 à60 p. 100 dans certaines régions à 3 ou 4 p. 100 ailleurs. C'est l'effet minimum, car de toute évidence certains demandeurs d'assurance-chômage auront à leur crédit 20, 25 ou 30 semaines de travail effectuées par intermittence. Je n'ai pas les données à leur sujet, mais leur nombre pourrait être important. Nous parlons donc ici de l'effet minimum qu'aurait cette disposition.
Elle a aussi l'effet de réduire les prestations. Elle a le même effet que si vous aviez conservé les règles actuelles et simplement décrété que le taux de prestations serait dorénavant de 20 ou de 25 p. 100, plutôt que de 55 p. 100, pour ceux qui ont 10, 12 ou 14 semaines d'emploi. Ce serait certes plus honnête de le dire franchement. Que l'on continue au moins de calculer les gains moyens de la façon habituelle.
Nous avons une recommandation à faire à cet égard. Il s'agit simplement de calculer les gains moyens en fonction des 20 dernières semaines de travail.
À mon avis, l'argument présenté dans la documentation du ministère au sujet des motifs de cette décision n'est pas valable. Selon cet argument, après s'être qualifié pour l'assurance-chômage et après avoir 16 semaines à son actif, un prestataire n'accepterait pas de travailler à temps partiel pendant une certaine période, car cela diminuerait son revenu moyen. Lorsqu'un prestataire a20 semaines d'emploi à son actif, la même chose peut s'appliquer. Lorsqu'il a 20 semaines à son actif et qu'on lui propose une ou deux semaines supplémentaires d'emploi à temps partiel, il se retrouve dans une situation où il ne désire pas accepter ce travail, car cela diminuerait son revenu moyen.
Je ne crois pas que l'on ait vraiment réglé cette question. La question n'est réglée que dans le cas de ceux qui ont moins de 20 semaines d'emploi.
Je m'inquiète donc beaucoup du caractère fantaisiste de cette disposition et du fait qu'un Canadien qui prend des décisions se met tout à coup à perdre 70 p. 100, 75 p. 100 ou 80 p. 100 de ses prestations AC, du seul fait qu'il aura travaillé une ou deux semaines.
En diminuant les gains assurables maximums, vous diminuez le montant du revenu assuré. Si l'assurance-chômage est essentiellement un programme d'assurance contre la perte imprévue d'un revenu d'emploi, vous réduisez alors le montant du revenu qui est assuré. C'est regrettable du point de vue de la confiance du consommateur et si l'on pense que l'économie dépend de cette confiance pour sa force et sa vitalité.
Je m'inquiète encore plus des gains assurables maximums. Je m'inquiète de l'effet de la réduction des gains assurables maximum sur l'incitation au temps supplémentaire par rapport à la création d'emplois.
Nous savons que la manière dont nous finançons actuellement l'assurance-chômage - le même argument s'applique en fait au Régime de pensions du Canada - encourage les employeurs à donner du temps supplémentaire à leurs employés au lieu d'embaucher de nouveaux employés. Pour arriver aux mêmes frais de personnel, un employeur pourrait embaucher dix personnes et les payer 30 000$ par an, ou embaucher cinq personnes et les payer 60 000$ par an. Ses cotisations à l'assurance-chômage seraient bien moindres s'il avait cinq employés qu'il payait 60 000$, car ses cotisations à l'assurance-chômage ne s'appliquent qu'aux tranches salariales de 39 000$ au maximum.
L'employeur dont l'employé a déjà gagné 40 000$ cette année et auquel il donne du temps supplémentaire, ne contribue pas à l'assurance-chômage pour ce temps supplémentaire. Il ne fait aucun doute que pour des employeurs importants, les grandes sociétés, c'est un point à prendre en compte. En diminuant les gains assurables maximums de 44 000$ environ à 39 000$, vous augmentez considérablement le nombre d'employés qui se trouvent à ce maximum. Par conséquent, vous incitez encore plus les employeurs à avoir recours au temps supplémentaire plutôt qu'à embaucher de nouveaux employés. Je ne suis pas sûr que notre pays devrait s'engager sur cette voie.
Mme Scott: Pour conclure, nous souhaitons aborder la question du supplément au revenu familial. Comme beaucoup d'entre vous le savez, le Conseil canadien de développement social est toujours intervenu avec force dans le débat sur la prestation fiscale pour enfants et sur les prestations pour enfants et nous avons toujours défendu les enfants issus de familles à faible revenu et continuons de le faire. Nous sommes certainement très heureux de voir que le gouvernement semble s'occuper des problèmes des enfants, à l'occasion du tout dernier budget.
A première vue, il semblerait que nous soyons en faveur de cette mesure particulière relative au supplément du revenu familial lequel, comme vous le savez, est un complément pouvant aller jusqu'à 80 p. 100 du niveau des prestations pour les familles dont le revenu est inférieur à 26 000$ par an environ. Tels sont les paramètres du régime de prestations fiscales pour enfants, dépendant du nombre d'enfants dans la famille.
Voici l'analyse que nous faisons de la situation: nous aimerions dire que tout en appuyant le gouvernement dans son intention d'aider certains enfants pauvres et leur famille, nous ne croyons pas que le régime AC soit le moyen qui permette d'offrir cet appui, car, dans une grande mesure, nous croyons fermement que le régime d'assurance-chômage devrait se fonder sur des principes plus rigoureux en matière d'assurance-emploi.
Dans notre analyse, nous estimons qu'en vertu des dispositions actuelles, le taux de 60 p. 100 pour certains prestataires avec enfants, prestataires dont le revenu est inférieur à 20 000$ par an environ... D'après nos données, nous croyons que 500 000 prestataires environ ont actuellement accès au taux de prestation de 60 p. 100. Ces chiffres s'appliquent à 1993. Selon les estimations du gouvernement, 350 000 prestataires seront admissibles au nouveau supplément au revenu familial. Cela équivaut à 16 p. 100 environ de tous les prestataires dont le revenu familial est inférieur à 26 000$.
Si on examine le nombre d'enfants pauvres éventuellement touchés par ce programme, nous estimons de nouveau qu'au total, plus de 250 000 enfants pauvres pourront bénéficier du nouveau supplément au revenu familial. Cela équivaut encore une fois à 20 p. 100 environ de tous les enfants issus de familles dont le revenu est inférieur à 25 000, 26 000$. Par conséquent, 20 p. 100 des enfants pauvres pourront bénéficier du nouveau programme. De toute évidence, ces 20 p. 100 représentent un objectif important, mais nous nous demandons si un tel appui prévu pour ces enfants issus de familles économiquement faibles devrait être apporté par l'entremise du régime d'assurance-chômage. Nous croyons en fait que le gouvernement dispose de moyens beaucoup plus efficaces pour lutter contre la pauvreté. Nous préférerions de loin que le gouvernement envisage d'augmenter la prestation fiscale pour enfants comme une mesure susceptible de répondre aux besoins de tous les enfants pauvres de ces familles, et de ne pas avoir recours au régime AC pour ce faire.
L'autre point que nous aimerions soulever à cet égard et qui pour nous est un autre sujet d'inquiétude bien sûr, c'est que ce programme est subordonné au revenu familial. Il s'agit d'une toute nouvelle voie pour le régime d'assurance-chômage qui, jusqu'à présent, était fondé sur l'assurance des gains individuels. Nous pensons que le fait d'introduire un élément de subordination au revenu familial risque d'amener à penser que l'assurance-chômage pourrait être subordonnée au revenu familial, ce qui, selon nous, n'est pas acceptable. A l'instar du ministre Paul Martin pour qui la subordination au revenu n'est pas acceptable dans le contexte du RPC, nous pensons manifestement que la subordination au revenu familial n'est pas acceptable dans le cas de l'assurance-chômage.
En fait, vous avez déjà cette subordination au revenu dans le régime d'AC; je veux parler de la disposition de récupération. Comme vous le savez, il existe à l'heure actuelle une disposition de récupération de 30 p. 100 sur les prestations ordinaires et spéciales, sur le congé de maternité et le congé parental, réalités souvent oubliées. Au taux actuel, qui l'année dernière se situait à 63 000, 64 000$ environ, nous évaluons à 38 000 le nombre de prestataires AC qui, en 1993, ont été touchés par la disposition de récupération appliquée aux salariés à revenu élevé.
Il est bien sûr proposé de le rabaisser à 48 000, 49 000$ environ. Nous estimons que 190 000 salariés seront assujettis à la disposition de récupération et si nous maintenons ce seuil jusqu'en l'an 2000, comme cela pourrait bien se faire, 240 000 prestataires potentiels seront alors touchés.
Nous pensons donc qu'il existe déjà un élément de subordination au revenu dans ce programme et nous demandons instamment au gouvernement de ne pas prévoir de subordination au revenu familial dans ce programme particulier, en plus de ce qui existe déjà actuellement.
Nous sommes fermement convaincus de la nécessité de programmes assurant le revenu de tous les Canadiens. Nous espérons que les recommandations qui sont résumées à la fin de notre mémoire, à la page 13, aideront les membres de ce comité à envisager des amendements au projet de loi que, si je comprends bien, le gouvernement est disposé à accueillir favorablement.
Vouliez-vous prendre la parole à ce sujet?
M. Shillington: Non.
Mme Scott: C'est ainsi que se termine notre présentation; nous serons heureux de répondre à toute question sur le travail de recherche que nous vous avons remis, qui est probablement un peu plus détaillé que ce que vous attendiez; nous espérons toutefois être en mesure de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Nous avons prévu une période de questions de 15 minutes. Nous allons commencer parM. Crête avant de passer aux Libéraux, M. Nault et M. Scott.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Je vous remercie pour votre présentation. Je dirais que c'est l'équivalent de la motion qu'on a présentée en Chambre hier, soit de renvoyer le ministre faire ses travaux. Les recommandations que vous faites constituent vraiment une critique fondamentale du projet de loi.
Je vous remercie beaucoup, surtout pour l'aspect des semaines en opposition avec les heures. Je dois avouer qu'il y a des renseignements qu'on n'avait pas et qui sont plus clairement établis par la situation que vous nous présentez.
L'élément qui me semble le plus important, c'est que vous semblez faire la démonstration, qui m'a assez bien convaincu, que toute la politique va à l'encontre d'une politique de plein emploi. Si le gouvernement s'était engagé à établir une politique de plein emploi et à développer la capacité des ressources humaines du Canada au maximum, eh bien, ce projet de loi irait complètement à l'encontre de cela. Il est évident qu'il a l'effet contraire. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur ça.
L'élément qui m'a le plus frappé est le suivant: l'entreprise qui déciderait d'engager moins de gens à un salaire plus élevé aurait à assumer des coûts sensiblement moindres, comme employeur, que si elle engageait plus de personnes à un salaire moins élevé.
Si on ajoute cela à la politique actuelle de crédits d'impôt, par exemple à la recherche et au développement, on a un double effet. On voit dès lors très bien dans quel genre de situation d'emploi on est aujourd'hui.
L'autre constat, c'est qu'on va dans le même sens. On dirait qu'on va accélérer le mouvement qui existe déjà avec cette réforme. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.
[Traduction]
M. Shillington: Tout d'abord, en ce qui concerne les gains assurables maximums et la réduction de ceux-ci, nous avons une proposition qui permettrait de régler la question de l'incitatif considérable qui existe à l'heure actuelle et qui encourage les employeurs à payer du temps supplémentaire plutôt qu'à embaucher de nouveaux employés.
La cotisation de l'employeur à l'assurance-chômage correspond à près de 4,5 p. 100 du salaire et les cotisations au RPC, qui vont bientôt considérablement augmenter, à 2,5 p. 100. C'est une part importante du salaire et je crois que notre recommandation aborde cette question. Pour certains, c'est quelque chose de radical, mais je ne pense pas que ce soit aussi radical que les changements dont nous sommes témoins en matière de prestations. Nous dirions simplement que pour les employeurs, il n'y a pas de gains assurables maximums. Les employeurs paieraient un pourcentage des frais de personnel, sans limite; ils paieraient simplement x pour cent des frais de personnel.
Nous pourrions abaisser ce pourcentage pour obtenir le même montant des employeurs; nous ne leur demanderions pas de cotiser dans l'ensemble plus qu'ils ne le font actuellement. Cela ne changerait donc rien pour l'employeur qui verserait la même cotisation à l'AC, qu'il embauche dix personnes à 30 000$ ou cinq personnes à 60 000$.
Cela permettrait, à tout le moins, de ne plus encourager les employeurs, comme c'est le cas actuellement, à avoir recours au temps supplémentaire pour régler leurs problèmes de main-d'oeuvre au lieu d'embaucher de nouveaux employés.
Vous avez fait quelques observations au sujet du niveau global des prestations versées et je suis sûr que vous connaissez bien les chiffres. Les prestations actuelles, celles de 1995, représentent près de 13 milliards de dollars, ce qui est une baisse par rapport au point culminant de 18 ou 19 milliards de dollars. De toute évidence, ce programme verse beaucoup moins de prestations qu'auparavant.
Cela amène la question suivante: Si, il y deux ans, il avait été question de trouver 2 milliards de dollars dans l'assurance-chômage, selon le point de référence d'alors, on peut dire que le résultat a été atteint. L'assurance-chômage verse maintenant 13 milliards de dollars, soit 2 milliards de dollars de moins qu'il y a deux ans.
Je ne sais pas quel est le but recherché, mais si l'assurance-chômage est importante lorsque les gens sont au chômage, on s'attendrait alors à ce qu'elle verse des prestations élevées pendant ces périodes de chômage.
[Français]
M. Crête: Dans votre recommandation numéro 7, à la page 13 du document, vous dites que le gouvernement devrait éliminer la règle d'intensité parce que cela est discriminatoire pour les travailleurs qui sont dans les secteurs à taux élevé de chômage et les travailleurs non standards.
Est-ce que vous pourriez nous dresser le portrait du travailleur non standard? Qu'est-ce que c'est pour vous, des travailleurs non standards? Est-ce que ce sont des hommes ou des femme? Est-ce qu'ils sont dans des secteurs d'activités particuliers?
[Traduction]
M. Shillington: Je suis confus, car le CCDS a publié un rapport la semaine dernière ou la semaine précédente sur le travail temporaire, mais je ne l'ai pas lu.
Mme Scott: Nous ne l'avons pas apporté non plus.
M. Shillington: Je devrais pouvoir répondre à votre question.
Ce que nous désignons par travail atypique, c'est le travail à temps partiel, l'emploi de courte durée pour six semaines, le travail à forfait, le travail indépendant, tous ces genres de travail qui deviennent de plus en plus fréquents et répandus - alors que tel n'était pas le cas il y a une décennie à peine. Dans la mesure où ces emplois sont de courte durée ou à temps partiel, dans la mesure où l'on tend vers le calcul des heures, les personnes qui occupent ces emplois vont obtenir moins de couverture de l'assurance-chômage dans le cadre de cette proposition qu'elles n'en avaient sous l'ancien régime.
Au sujet de la règle d'intensité, ce qui m'inquiète un peu c'est le fait que l'on mette dans la même catégorie de réitérants des gens qui ont peut-être travaillé trois ans dans une industrie où les licenciements sont prévus chaque année au mois d'août, tant et si bien qu'au bout de trois ans, ils sont considérés comme des réitérants. J'ai de la difficulté à admettre que l'on mette ces personnes dans la même catégorie que les jeunes. Nous connaissons tous la situation du travail des membres de la génération x qui passent trois ans à changer de travail, qui ne prévoient pas leur licenciement et qui finissent par être licenciés. Ces personnes vont être traitées de la même façon. Le fait que la règle d'intensité ne fasse pas de distinction entre ces deux genres de personnes me dérange.
Mme Scott: Je dirais également que, d'après nos estimations, un tiers de la main-d'oeuvre est maintenant atypique si vous qualifiez de «typique» l'emploi à plein temps, la semaine de 35 heures sur toute l'année. Un tiers de la main-d'oeuvre occupe un emploi à temps partiel, temporaire ou à forfait.
D'après nos études, bon nombre de ces gens n'ont pas d'autre choix que d'occuper ces emplois. Ils préféreraient un emploi à temps plein si on leur en offrait un qu'ils seraient en mesure d'occuper.
[Français]
M. Crête: J'ai une dernière question. Pourriez-vous envoyer au comité des copies du rapport sur le travail à temps partiel dont vous faites mention? Ce serait peut-être intéressant pour nous.
[Traduction]
Mme Scott: Certainement. Je suis désolée; j'avais pensé apporter des exemplaires de notre travail, mais cela m'est sorti de l'esprit, car nous étions pressés. J'en apporterai une copie que je déposerai auprès du comité. Cela ne pose aucun problème.
[Français]
M. Crête: Disons que vous êtes pardonnée à cause de la qualité de votre présentation.
Ma dernière question est plus délicate. Quand il est question du régime d'assurance-chomâge, les gens nous parlent souvent de la délinquance et de la façon dont on pourrait s'assurer d'avoir un meilleur contrôle sur les fraudeurs.
Évidemment, dans le projet du gouvernement, au départ, on considère les gens qui utilisent souvent l'assurance-chômage comme des fraudeurs, mais j'ai l'impression que ce n'est pas votre attitude.
Par contre, est-ce qu'il y a des voies de développement qu'on pourrait utiliser pour s'assurer que, dans cinq ou dix ans, cet argument soit de moins en moins pertinent? Premièrement, il faut voir jusqu'à quel point ce problème existe présentement, mais y a-t-il des arguments qu'on pourrait utiliser et qui ne seraient pas nécessairement pénalisants pour l'ensemble des travailleurs?
[Traduction]
M. Shillington: Pour moi, un fraudeur est quelqu'un qui commet une fraude: quelqu'un qui reçoit des prestations d'assurance-chômage alors qu'il n'y a pas légalement droit, et quelqu'un qui reçoit de l'argent de la main à la main. Il faut reconnaître qu'il s'agit d'une fraude et qu'il faut donc y mettre un terme. Mais si quelqu'un reçoit des prestations d'assurance-chômage auxquelles il est légalement admissible...
Lorsque j'ai lu les gros titres d'un journal qui parlait du recours abusif à l'assurance-chômage, je me suis demandé si les journalistes traiteraient de fraudeur celui qui, chaque année pendant cinq ans, fait des versements maximums dans son fonds RÉER, ou traiteraient de fraudeur celui qui a recours à l'exemption maximale pour gains en capital chaque année. Il s'agit simplement de personnes qui profitent du système en place.
À mon avis, les trois paliers de gouvernement ont eu abusivement recours au Fonds de l'assurance-chômage qui représente une source d'argent facilement utilisable pour financer la formation, puisque nous ne voulons plus payer la formation à même le Trésor; tournons-nous alors vers le Fonds de l'assurance-chômage.
Je pense que le gouvernement fédéral est coupable à cet égard, ainsi que les gouvernements provinciaux et municipaux, puisqu'ils ont cherché à donner à des personnes le droit aux prestations d'assurance-chômage, au lieu d'avoir recours à l'assistance sociale ou d'utiliser d'autres moyens appropriés. Nous faisons passer les gens par l'assurance-chômage au lieu de leur donner des prestations leur permettant de sortir de cette situation et de venir à bout de la question de l'emploi.
À mon avis, les employeurs en profitent et licencient maintenant des employés sans se préoccuper de ce qui va leur arriver ou, comme nous le savons, licencient leurs employés chaque été pour réorganiser leur entreprise.
Je ne crois pas que le recours abusif à l'assurance-chômage soit le fait des employés uniquement. Par contre, ce projet de loi prévoit des sanctions qui ne viseront que les employés.
Un des effets intéressants de cette mesure législative consistera à transférer plus d'argent du Fonds de l'assurance-chômage au Trésor. Je souligne en particulier l'importance accrue de la disposition de récupération qui va transférer des centaines de millions de dollars du Fonds de l'assurance-chômage aux recettes fiscales du gouvernement fédéral, car cette récupération va directement dans le Trésor.
À mon avis donc, bien des gens ont considéré le Fonds de l'assurance-chômage comme de l'argent à bon marché auquel ils avaient accès.
[Français]
M. Crête: Précisez-moi ce que vous venez de dire sur les récupérations.
[Traduction]
M. Shillington: Pour l'instant, les personnes dont le revenu est supérieur à 63 000$ reversent un tiers de leurs prestations d'assurance-chômage. Cet argent ne va pas dans le Fonds de l'assurance-chômage, mais est versé au Trésor, pour le gouvernement fédéral. J'ai oublié exactement combien cela représente actuellement, mais nous savons tous que cela va considérablement augmenter.
Mme Scott: Comme je le disais, d'après nos estimations, 190 000 seront assujettis à la disposition de récupération, conformément au nouveau seuil de revenu fixé à 48 000$ ou 49 000$.
[Français]
M. Crête: Vous dites 190 000?
[Traduction]
Mme Scott: Oui, 190 000 prestataires. Si c'est maintenu jusqu'en l'an 2000, 250 000 prestataires environ reverseront une partie de leurs prestations d'AC au Trésor.
[Français]
M. Crête: Vous dites que les trois niveaux de gouvernement profitent aussi un peu du système à cause de leurs contraintes. Les gouvernements provinciaux veulent sortir les gens de l'aide sociale pour ne plus avoir à leur payer de prestations et les envoyer à l'assurance-chômage. Ne pensez-vous pas qu'une des solutions serait qu'il n'y ait qu'un seul gouvernement qui soit responsable de l'ensemble de ces choses?
[Traduction]
M. Shillington: Non, je n'y ai pas réfléchi. S'il s'agit d'une question importante...
[Français]
M. Crête: Je ne l'ai pas nommé. Je vous ai demandé s'il serait bon qu'il n'y en ait qu'un.
[Traduction]
M. Shillington: Je le sais. S'il s'agit d'une question importante, il faudrait que je prenne le temps d'y réfléchir.
[Français]
M. Crête: J'ai ma réponse à cela, mais il peut y en avoir d'autres. C'est une question très sérieuse. Au Québec, tous les gens voudraient que toute la question de la main-d'oeuvre soit la responsabilité du gouvernement du Québec. Présentement, on fait circuler un rapport préparé par neuf provinces canadiennes et le gouvernement fédéral pour relever toutes les questions d'aide sociale vers le fédéral. Donc, c'est une question sérieuse.
[Traduction]
Mme Scott: Je crois que le Conseil préférerait confier la sécurité du revenu au palier de gouvernement qui pourrait garantir la répartition équitable du revenu dans tout le pays. C'est pour cette raison qu'en vertu d'une modification à la Constitution en 1940, le gouvernement fédéral s'est vu confier l'AC; nous croyons que ce programme est efficacement mis en oeuvre par le gouvernement fédéral.
Le président: C'est une réponse très sérieuse.
Nous allons passer aux députés ministériels. M. Nault, puis M. Scott.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, monsieur le président.
En regardant vos tableaux, une chose a attiré mon attention. Ils ne comportent aucune analyse de ce qu'on appelle les emplois non standard, c'est-à-dire les gens qui ont plus d'un emploi.
Je connais beaucoup de gens qui cumulent deux ou trois emplois et il y en a sûrement très peu qui seraient heureux de n'avoir que 14 ou 16 heures de travail pour être admissibles à l'assurance-chômage - leur pourcentage est d'ailleurs très faible dans le système actuel. J'aimerais donc savoir si vous avez un tableau qui indique plus clairement aux Canadiens qu'il existe en fait probablement des milliers sinon des millions de leurs compatriotes qui ont plusieurs emplois à temps partiel et non un seul emploi dans une année donnée.
J'ai en fait une belle-soeur qui a trois emplois. Malheureusement, chacun de ces trois emplois représente moins de 15 heures de travail par semaine. C'est sur cet aspect que porte ma question. Vous laissez entendre que fonder l'admissibilité sur des heures est une mesure dissuasive, que c'est une mauvaise solution. Mais des gens comme ma belle-soeur, qui ne peut pas toucher d'assurance-chômage, seront désormais visés par cette mesure. Avez-vous des statistiques - je pense qu'elles sont très importantes dans le cadre du présent débat - sur le nombre d'employeurs pour qui le minimum de 15 heures est un moyen de ne pas cotiser au système? Je pense que c'est une question importante à verser au compte rendu.
Si vous avez cette information - vous ne l'avez pas aujourd'hui - j'aimerais en prendre connaissance parce qu'elle laisse entendre que les gens qui travaillent 15 heures sont ceux - qu'ils existent uniquement de cette façon. En fait, je connais très peu de gens qui se rangent dans cette catégorie. Il faudrait bien entendu qu'il existe une autre catégorie pour les emplois multiples. Où se trouve-t-elle dans votre tableau? Je pense qu'on donne ainsi la fausse impression qu'il existe beaucoup de gens qui travaillent 15 heures par semaine et qui arrivent à survivre de cette façon.
M. Shillington: Je ne suis pas au courant de ce genre de données. Je crois que certains responsables du Développement des ressources humaines pourraient vous fournir cette information, en fonction de leur analyse, et c'est un argument valide. Fonder l'admissibilité sur des heures présente un avantage pour les gens qui travaillent... Vous pourriez simplement éliminer le minimum de 15 heures de la loi actuelle sur l'assurance-chômage et ces personnes pourraient alors être assurées. Si vous vouliez conserver le système fondé sur des semaines, il suffirait d'éliminer ce minimum pour assurer l'emploi.
M. Nault: N'est-ce pas ce que nous venons de faire?
M. Shillington: Vous avez éliminé le minimum de 15 heures par semaine mais vous avez aussi converti le système pour qu'il soit fondé sur des heures. Si vous aviez simplement éliminé le minimum de 15 heures par semaine, je pense que ces personnes auraient pu être assurées sans subir ce que je considère être le facteur de dissuasion de l'emploi qui découle de l'adoption à toute vapeur d'un système fondé sur des heures.
M. Nault: Laissez-moi m'expliquer. Votre raisonnement s'articule autour du fait que vous n'aimez pas les heures et non autour du fait qu'il s'agit d'une mesure qui dissuade les gens d'obtenir plus d'heures de travail ou de participer au système. Je suis en train de me faire l'avocat du diable parce que vous laissez entendre que la raison pour laquelle les gens travaillent 15 heures ou moins, c'est parce qu'ils n'arrivent pas à trouver un autre type d'emploi. C'est un moyen dont se servent de nombreux employeurs au pays et qui les incite en fait à faire travailler leurs employés 14 heures. Des endroits comme Loblaws et Safeway sont bien connus pour cela. Cela fait désormais partie de leur programme.
M. Shillington: C'est exact. J'ignore si c'est un phénomène répandu; je suis sûr qu'il existe des données là-dessus mais nous ne les avons pas. Mais si vous éliminiez simplement le minimum de15 heures, l'emploi deviendrait assurable.
J'attire votre attention sur notre première proposition. Elle indique que si on veut conserver les heures, il suffit de limiter le nombre d'heures de travail assurables à 40 heures par semaine. On assure votre emploi et on assure ainsi les gens qui ont trois emplois de 10 heures ou de 12 heures chacun. Cependant, nous ne tenons pas vraiment à assurer toutes les heures d'une personne qui travaille 50 à 60 heures par semaine, parce que cela crée un facteur d'incitation de l'emploi.
Je pense que cela ne concorde pas avec le rapport du comité consultatif sur les heures de travail et la répartition du travail, qui essaie de donner suite à certaines de ces questions - vous avez d'ailleurs raison lorsque vous dites que des gens travaillent moins d'heures dans des emplois multiples - sans créer de facteur de récompense ou d'incitation dans le système pour les gens qui travaillent 50 ou 60 heures par semaine.
M. Nault: C'est exactement mon argument. Vous avez rendu cela très difficile parce que vous avez faussé le débat. Vous donnez l'impression que nous incitons les gens à faire des heures supplémentaires. Si seulement il y avait autant de travail pour que les gens puissent tous travailler...
J'aimerais que vous me donniez une liste de tous ces braves gens qui font des milliers et des milliers d'heures supplémentaires. Ces gens existent mais j'aimerais connaître les chiffres concernant les personnes qui cumulent plusieurs emplois et qui ne sont pas protégées par le système à l'heure actuelle. Je ne suis pas d'accord avec votre argument. Je trouve cela très difficile à croire.
Nous débattrons de cette question. Nous n'avons pas les chiffres pour l'instant, par conséquent notre discussion est purement théorique. Ce n'est qu'une hypothèse jusqu'à ce que nous examinions les chiffres.
Mme Scott: En fait, le ministère du Développement des ressources humaines a déterminé le nombre de personnes cumulant plusieurs emplois qui devraient profiter du nouveau système mais je ne m'en souviens pas.
J'aimerais simplement signaler que nos réserves ne concernent sûrement pas les personnes travaillant moins de 15 heures qui deviendront admissibles à l'assurance-chômage. Il y a longtemps qu'une telle recommandation existe et dans nos travaux, nous avons toujours soutenu que ce sont des travailleurs à faible revenu et que leur revenu doit être assuré. Nous tenons simplement à signaler que beaucoup de ceux qui travaillent 15 heures par semaine ne seront sûrement pas admissibles.
Ce qui nous inquiète, c'est la situation des nombreuses personnes qui appartiennent à la catégorie 15 à 34 et qui étaient auparavant admissibles à l'assurance-chômage. Le million et demi de travailleurs qui appartiennent à cette catégorie auront beaucoup plus de difficulté à devenir admissibles en vertu de ce nouveau système. Ce qui nous inquiète surtout, c'est l'admissibilité et, comme Richard l'a indiqué, les facteurs d'incitation aux heures supplémentaires que comporte le système. Il existe assurément des données à ce sujet.
M. Nault: Ici encore vos tableaux sont très trompeurs parce que vous partez du principe qu'on devient admissible à partir de 20 semaines dans toutes vos régions.
Mme Scott: Non.
M. Nault: C'est loin d'être la réalité ici au Canada.
Mme Scott: Je m'excuse, monsieur. Dans notre tableau, pour chacune des régions où le taux d'emploi est élevé, nous avons tenu compte du nombre moins élevé de semaines exigé dans chacune des régions, et du fait que le nombre le plus élevé de semaines exigé dans une région comme Toronto est de 20, soit moins de 6 p. 100. Nous en avons tenu compte, monsieur.
M. Nault: Dans chaque cas, la durée des prestations est calculée en fonction de 20 semaines.
Mme Scott: Est-ce pour la durée?
Par exemple, au tableau 3, si vous regardez les colonnes 20 et 24 pour la durée des prestations dans une région à taux de chômage élevé, vous constaterez qu'à l'heure actuelle il faut 12 semaines de travail pour être admissible au programme. La durée des prestations, si vous avez travaillé12 semaines, en vertu du régime d'assurance-chômage est de 26 semaines peu importe le nombre d'heures que vous travaillez par semaine.
Selon le nouveau système, bien des gens qui travaillent seulement 12 semaines ne seront plus admissibles et vous pouvez constater pourquoi. S'ils ont travaillé 24 heures au cours de cette période, la durée des prestations auxquelles ils auront droit sera alors calculée en conséquence.
M. Nault: D'accord.
Avant de partir, monsieur le président, j'aimerais vous faire part de ma stupéfaction devant l'intérêt manifesté par le Conseil du développement social à faire de ce programme particulier un programme d'assurance pure et simple. Cela me semble une attitude vraiment caractéristique de la droite qui témoigne d'une vision complètement déformée de la réalité.
Je vois où vous voulez en venir. Vous préféreriez que nous adoptions un programme d'assurance pure et simple. Aucune aide, telle que celle prévue par ce projet de loi, ne serait offerte aux personnes à faible revenu, car c'est une forme de programme social, que nous l'admettions ou non. Nous ciblons les personnes à faible revenu.
Par exemple, environ 33 p. des familles, dont nous réduirons une partie des prestations qu'elles reçoivent en vertu de la loi actuelle, ont un revenu supérieur à 45 000$ par année. Selon le nouveau système, nous allons donc prélever une partie de cet argent auprès de ces hauts salariés. Pour certaines personnes, cela peut sembler une somme dérisoire mais nous parlons de gens qui touchent de l'assurance-chômage. Nous transférerons donc ces sommes aux familles à faible revenu pour augmenter leurs prestations d'environ 7 p. 100.
J'ai de la difficulté à croire que vous voulez que nous éliminions cette mesure. C'est fondamentalement ce que vous avez proposé dans votre mémoire: adopter un programme d'assurance pure et simple, c'est-à-dire qui ne prévoit le versement de prestations à qui que ce soit d'autre.
Pour terminer, j'aimerais vous poser des questions à propos de cinq aspects. Nous avons également ciblé à la partie II de la loi, dont vous n'avez pas beaucoup parlé, les subventions salariales, les suppléments de revenu, le travail indépendant, les partenariats pour la création d'emplois ainsi que les prêts et subventions de perfectionnement. Êtes-vous en train de proposer également que nous éliminions toutes ces mesures?
C'est très intéressant car la plupart des autres pays sont en train de faire exactement la démarche inverse. Ces pays considèrent que les travailleurs et leurs employeurs doivent payer la formation. Vous proposez que nous assumions les coûts de la formation au moyen d'un autre type de mécanisme, c'est-à-dire par le biais des recettes générales. En ce qui concerne ce programme en particulier, 98 p. 100 des hommes et des femmes et des employeurs et des employés feront partie du système et verseront des primes.
Je ne comprends pas votre argument. Cela signifie que2 p. 100 en sont exclus. Ils cotisent au régime mais vous ne voulez pas que nous prenions une partie de cet argent pour l'affecter à la formation ou au supplément du revenu pour les Canadiens à faible revenu. Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes arrivé à une telle conclusion?
M. Shillington: Pour ce qui est de cibler les chômeurs à faible revenu, si nous voulions augmenter leurs prestations, je pense que nous serions les premiers à déclarer qu'il s'agit d'une excellente idée. Examinons les façons dont nous pouvons augmenter les prestations d'assurance-chômage destinées aux personnes à faible revenu.
M. Nault: Mais c'est exactement ce que nous venons de faire. Alors pourquoi...
M. Shillington: Je ne crois pas que les prestations de quiconque augmenteront par suite de...
M. Nault: Mais elles vont augmenter. On prévoit une augmentation de 7 p. 100 pour les personnes à faible revenu.
M. Shillington: Devrions-nous financer cette augmentation à même les recettes fiscales générales, à même le régime fiscal en général ou devrions-nous la financer principalement à même le revenu des familles au chômage qui ont un revenu élevé? Nous allons prendre de l'argent de personnes au chômage pour le donner à d'autres personnes au chômage.
J'ai un emploi et un bon revenu. Si une personne qui touche le même revenu que moi se trouve à perdre son emploi, je pense qu'il serait normal que je contribue. Si vous voulez donner plus d'argent aux membres des familles pauvres qui sont au chômage, je suis absolument d'accord avec vous mais je trouve normal que moi aussi je contribue.
En fait nous sommes en train de remettre sur le tapis la question qui a fait rage pendant toutes les années 80, c'est-à-dire l'universalité. Tout le débat portait sur l'opportunité de mettre à contribution l'ensemble de la population ou simplement les familles à revenu plus élevé avec enfants, de donner plus d'argent aux familles pauvres avec enfants.
Si nous acceptons comme principe que l'assurance-chômage doit être liée au revenu et réorientée vers les personnes à faible revenu, ce principe sera-t-il appliqué de façon plus générale à d'autres programmes gouvernementaux? Est-ce l'orientation que nous voulons donner à notre pays?
M. Nault: Vous êtes en train de m'exposer votre propre conception politique de la façon dont le pays devrait fonctionner, et qui est présente évidemment dans votre mémoire.
Ce que je vous demande, en fonction du projet de loi que vous avez devant vous, c'est si vous vous opposez à ce qu'on cible les Canadiens à faible revenu, comparativement au système précédent, ou est-ce que vous préconisez la réforme du programme pour en faire purement et simplement un programme d'assurance, ce que propose essentiellement votre mémoire?
Vous voulez qu'il s'agisse d'une assurance pure et simple en espérant que le gouvernement dans sa sagesse aura recours à un autre programme ailleurs. Or, ce n'est pas ce qu'on est en train de faire. Ce que nous sommes en train d'essayer de faire, c'est de cibler les Canadiens à faible revenu qui reçoivent de l'assurance-chômage. Nous voulons prélever une certaine somme auprès des Canadiens à revenu élevé qui sont dans le système. C'est la question que nous sommes en train d'étudier.
M. Shillington: J'essaierai d'être aussi clair que je le peux. Nous nous opposons effectivement à ce que les prestations d'assurance-chômage soient liées au revenu.
Le président: Cela me paraît assez clair.
Monsieur Scott.
M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Je vous remercie d'être venu. J'ai trouvé votre présentation très intéressante. J'aurais quelques questions.
Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord avec votre conclusion concernant le calcul des semaines d'inactivité. J'espère tout comme vous que le gouvernement verra la nécessité d'y remédier et aura certaines idées sur la façon de le faire qui ne seront pas incompatibles avec ce que vous venez de proposer.
Cela dit, j'aimerais aborder certains aspects. Tout d'abord, vous avez indiqué de façon très précise qu'en ce qui concerne l'article traitant de la durée, les travailleurs qui font des heures supplémentaires sont les grands gagnants. Ceux que vous décrivez comme des travailleurs qui font des heures supplémentaires sont ceux que l'on appelle des travailleurs saisonniers d'où je viens parce qu'essentiellement, ils travaillent de très longues heures pendant des saisons très courtes. Par conséquent, ils peuvent accumuler un grand nombre d'heures sur une très courte période de temps.
Je n'ai aucune objection - bien au contraire - au rapport Donner et à son travail sur la redistribution mais je crois que la limite devrait être annuelle et non hebdomadaire. Une limite annuelle permet aux gens qui accumulent beaucoup d'heures sur toute une année de devenir admissibles. Mais si vous appliquez une limite hebdomadaire de 40 heures pour les travailleurs saisonniers, vous vous trouvez à restreindre leur capacité de travailler un grand nombre d'heures durant une saison. Les gens travaillent 70 heures et comme désormais on calcule des heures et non plus des semaines, ils pourront obtenir l'équivalent des deux semaines de crédit en une semaine. Cela est très important dans notre région du pays.
Lorsque vous envisagez des limites, envisagez des limites annuelles et non des limites hebdomadaires. C'est un facteur très important pour notre région du pays.
Les deux observations que vous faites à propos des travailleurs qui font des heures supplémentaires... Si vous remplacez simplement ces travailleurs par des travailleurs saisonniers dans certains cas il est important de signaler que leur admissibilité sera facilitée puisqu'ils pourront accumuler un grand nombre d'heures sur une période donnée. Auparavant, si vous travailliez15 heures ou 70 heures, c'était une semaine. Maintenant, parce qu'il s'agit d'heures... La moyenne, d'après les chiffres que j'ai vus...
Je sais que dans ma propre circonscription, il faudra probablement trois semaines de moins pour devenir admissible. Le programme deviendra donc beaucoup plus accessible à ceux à qui très souvent il manque deux ou trois semaines pour être admissibles. C'est là où les gouvernements interviennent et toutes ces questions dont vous avez parlé que je considère très déshumanisantes, où les gens sont obligés d'essayer de trouver les semaines manquantes. Comme cette mesure facilitera un peu plus les choses, elle sera probablement bien accueillie.
Par ailleurs, la durée est prolongée, en moyenne, de deux semaines par saison. La durée est très importante. Cela permettra de raccourcir l'arrêt de la rémunération tel qu'il existait au Canada atlantique, c'est-à-dire la période qui s'écoule entre le moment où cessent les prestations et celui où reprend l'emploi saisonnier.
Donc, pour ce qui est de la conversion, je ne partage pas votre avis lorsque vous dites que l'adoption d'un système fondé sur les heures et non les semaines n'est pas une bonne chose pour les habitants de ma région, parce que le travail y est tellement saisonnier que nous devons tenir compte de chaque heure de travail pour avoir droit à des prestations.
Je reviens donc à la question de l'arrêt de la rémunération, et je suis très heureux que vous ayez soulevé ce point.
Concernant la récupération, l'assurance-emploi remplit deux fonctions. D'abord, elle sert à fournir un revenu d'appoint en cas de perte d'emploi. Ensuite, elle sert à augmenter les revenus, notamment dans certaines localités et régions, dans certains secteurs où il est impossible, au cours d'une année, de gagner suffisamment d'argent pour subvenir aux besoins d'une famille, sans nous lancer dans un débat sur ce qu'on entend par un revenu suffisant.
Maintenant, qu'en est-il des gens qui ont un revenu élevé, qui se sont servis - et ce ne sont pas seulement les particuliers qui le font, mais bien souvent des entreprises, et très souvent des gouvernements - , du supplément de revenu offert par le programme d'assurance-chômage pour augmenter sans justification aucune leurs revenus. Vous pouvez invoquer l'argument de l'universalité, mais le fait est que si vous analysez de près cet aspect du programme... Comme vous le savez, l'assurance-chômage, lorsqu'elle a été mise sur pied, devait servir à fournir un revenu aux personnes qui perdaient leur emploi. Elle est ensuite devenue un outil pour augmenter les revenus. Alors, comment pouvez-vous justifier le fait qu'on verse un supplément de revenu, pendant quelques semaines au cours de l'année, à une personne qui gagne 65 000$? Les habitants de ma région ont de la difficulté à comprendre une telle chose, parce que, de manière générale, nous considérons l'assurance-chômage comme un programme social de grande importance. Il est difficile de justifier le versement d'un supplément à des gens qui touchent un tel revenu.
C'est pourquoi je rejette votre suggestion selon laquelle nous ne devrions pas, pour ce qui est de la récupération, faire une distinction entre la personne qui a régulièrement recours à l'assurance-chômage, celle qui y a recours tous les ans, et celle qui y a recours lorsqu'elle perd son emploi. Si vous cotisez au programme et que vous perdez votre emploi, les prestations ne devraient pas être récupérées. Si elles le sont, alors elles devraient l'être à un taux plutôt faible. Toutefois, si vous recevez des prestations tous les ans, vous ne devriez pas avoir droit à un supplément de revenu si votre revenu est élevé.
M. Shillington: Si j'ai bien compris, à votre avis, la récupération est davantage justifiable dans le cas des gens que nous appelons des «réitérants»?
M. Scott: À un niveau de revenu élevé.
L'assurance-chômage comporte deux volets - certains soutiendront le contraire, mais je crois qu'il y en a deux - , le premier étant que si vous perdez votre emploi, votre revenu sera remplacé. L'assurance-chômage sert à compléter les revenus, et nous savons tous cela. La question que je me pose est donc la suivante: comment pouvez-vous demander un supplément de revenu si votre revenu annuel est élevé? Je ne sais pas comment vous pouvez justifier une telle chose.
M. Shillington: Je vais essayer d'y répondre, parce qu'il est toujours difficile de défendre les gens à revenu élevé.
M. Nault: S'il vous plaît, nous avons de la difficulté à accepter cela.
M. Shillington: Le montant en cause n'est pas très élevé en vertu du système actuel. Il représente moins de 100 millions de dollars, ce qui n'est pas un gros montant dans cette ville-ci.
Toutefois, le principe est important. L'assurance-chômage n'est pas censée servir à lutter contre la pauvreté. Nous avons des programmes d'assistance sociale et autres que nous devrions utiliser pour enrayer la pauvreté; l'assurance-chômage, elle, ne devrait pas être utilisée à cette fin. Il en va de même pour l'aide à l'éducation. Pourquoi financer les études postsecondaires des enfants de parents bien nantis?
M. Nault: C'est une bonne question.
M. Shillington: Le principe est important puisqu'il nous amène à nous interroger sur les rapports qui existent entre le gouvernement et ses citoyens, et sur la question de savoir si le gouvernement devrait essentiellement offrir des programmes qui visent à lutter contre la pauvreté, ou des programmes qui viennent également en aide aux Canadiens à revenu moyen.
M. Scott: Je crois que les Canadiens à revenu moyen en profiteront. À l'heure actuelle, seules les personnes qui ont un revenu de 78 000$ subissent la récupération intégrale de leurs prestations. En fait, il va y avoir beaucoup de personnes qui gagnent jusqu'à concurrence de 78 000$ qui vont recevoir, tous les ans, un supplément de revenu. Donc, vous venez en aide aux contribuables à revenu moyen. Le fait est que les prestations commencent à diminuer lorsque le revenu dépasse 39 000$.
À l'origine, le programme d'assurance-chômage avait pour but de fournir un revenu aux personnes qui perdaient leur emploi. On s'est rendu compte à un moment donné que ce programme pouvait également servir à augmenter les revenus. Certaines personnes ont vu là l'occasion... Et je ne dis pas qu'elles ne devraient pas le faire, puisque les gens prennent des décisions dans leur intérêt, mais je ne crois pas non plus qu'il faudrait empêcher le gouvernement de s'attaquer à ce problème. Il y a beaucoup de gens qui gagnent beaucoup d'argent et qui reçoivent des prestations pendant, deux, trois ou quatre semaines par année, sous prétexte qu'ils ont besoin du supplément de revenu. Cela ne tient tout simplement pas.
M. Shillington: Accepteriez-vous alors qu'on applique le même principe, par exemple, aux régimes enregistrés d'épargne-retraite, et qu'après deux ou trois ans, on autorise les gens à cotiser à des REER? Les avantages fiscaux que procurent les REER favorisent beaucoup plus les gens à revenu élevé, des gens qui ne sont pas pauvres et qui ne le seront sans doute jamais.
M. Scott: Mes collègues vont vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de gens dans le marché des REER qui apprécient mes vues sur ce point.
M. Shillington: D'accord.
Le président: Nous sommes en train de parler d'assurance-emploi.
M. Shillington: C'est vrai, mais nous parlons également de principes et de la mesure dans laquelle les programmes gouvernementaux...
M. Scott: Je vous assure que je suis consistant.
Mme Scott: Pourrais-je faire un dernier commentaire là-dessus? Je ne voudrais pas vous donner l'impression que le Conseil canadien de développement social n'appuie pas vivement les efforts que déploie le gouvernement pour lutter contre la pauvreté. Nous faisons régulièrement des démarches auprès du gouvernement fédéral et, de plus en plus, auprès des provinces, pour leur faire part de nos inquiétudes au sujet de l'avenir du régime d'assurance-chômage en tant que programme destiné à venir en aide à la grande majorité des Canadiens. Nous espérons qu'il continuera d'occuper une place importante dans l'État providence canadien, et qu'il ne deviendra pas un programme de prestations fondées sur un examen du revenu. Nous estimons qu'il remplit un rôle vital, qu'il est solide et qu'il constitue un outil exceptionnel. Nous l'appuyons fermement. Donc, j'espère que vous n'aurez pas l'impression que nous appuyons les politiques du Parti réformiste, quelles qu'elles soient, parce que ce n'est tout simplement pas vrai.
Le président: Mme Scott et M. Shillington, au nom du comité, je tiens à vous remercier. Mais avant de vous laisser aller, j'aimerais vous poser une très courte question sur le MRA. Vous dites à la page 9 de votre mémoire, numéro 4, que le gouvernement devrait, en 1996, maintenir le MRA à son niveau actuel, soit 42 380$. Je me demande si vous êtes conscients du fait que le MRA, en vertu de la loi actuelle, représentera, en l'an 2000, environ 146 p. 100 du salaire moyen dans l'industrie.
Croyez-vous que cela aura un impact négatif sur certaines de nos activités économiques, étant donné que les employeurs devront essentiellement faire concurrence à l'assurance-chômage pour recruter des travailleurs? Quel est votre avis là-dessus?
M. Shillington: Je crois comprendre que le MRA est établi en fonction du taux d'inflation calculé sur une moyenne mobile de huit ans. Il est indexé selon les taux d'inflation qui étaient en vigueur il y a six, sept et huit ans. C'est pourquoi il dépasse de loin le salaire moyen dans l'industrie. Dans sept ans, le problème sera réglé.
Le président: Dans sept ans?
M. Shillington: Je n'en suis pas sûr. Je n'ai pas fait le calcul. Il s'agit d'un phénomène temporaire qui s'explique par le fait que l'indexation est décalée. Vous comprenez tous ce que je veux dire par cela.
Le président: Donc, vous n'aimez pas le fait qu'il corresponde à 146 p. 100 du salaire moyen dans l'industrie.
M. Shillington: Si vous vouliez que le MRA corresponde davantage au salaire moyen dans l'industrie et qu'il soit indexé, je trouverais cela plus acceptable que le fait d'avoir un système qui est désindexé.
Le président: Mais vous convenez qu'il crée des distorsions.
M. Shillington: Mais c'est un phénomène à court terme qui s'explique par les variations enregistrées dans les taux d'inflation au cours des quatre ou cinq dernières années.
Le président: Cela dit, il crée des distorsions.
M. Shillington: À l'heure actuelle, oui.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.
Mme Scott: Merci.
Le président: Nous allons maintenant passer au témoin suivant, l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires.
Le président: Avant de passer au groupe suivant, la présidence souhaiterait faire rapport d'une demande qu'elle a présentée au ministère du Développement des ressources humaines.
Au cours de nos discussions ce matin, il a été question de l'impact indirect qu'aurait sur l'admissibilité aux prestations de maternité l'adoption d'un système fondé sur les heures travaillées plutôt que sur les semaines. Je crois comprendre que le système fondé sur le nombre d'heures favorisera, de manière générale, les femmes, surtout celles qui travaillent à temps partiel, et qu'il permettra également à des milliers de femmes d'avoir droit à des prestations d'assurance-emploi, de même qu'à des prestations de maternité, parentales et de maladie.
Toutefois, en raison des divergences d'opinion dont nous avons été témoin ce matin entre les députés du parti ministériel et les intervenants, il importe que le comité comprenne bien les répercussions positives et négatives de ces dispositions. C'est pourquoi j'ai demandé au ministère du Développement des ressources humaines Canada de fournir au comité une analyse de ces dispositions d'ici le mercredi 20 mars. Il est important que le comité comprenne que notre rôle, ici, consiste à améliorer le projet de loi et que nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour, en fait, élaborer un projet de loi qui est meilleur que celui-ci.
Deuxièmement, en tant que président, j'ai indiqué au début des audiences que je m'attendais à ce que les députés, les membres du comité, proposent des solutions à certains des défis auxquels nous sommes confrontés, qu'il s'agisse de la question de l'arrêt de la rémunération, du dénominateur ou de tout autre problème qui sera soulevé au cours des audiences. Par conséquent, je demande queM. Scott, en me fondant sur une des interventions qu'il a faites hier, présente au comité, d'ici le mercredi 20 mars, un exposé sur l'utilisation d'une période fixe pour calculer le niveau des prestations. C'est la proposition qui a été formulée. J'aimerais qu'il présente à la présidence, en tant que membre du comité, un exposé formel sur la question. J'aimerais savoir si sa proposition contribuerait à améliorer le projet de loi dont nous sommes saisis. J'espère que le greffier a pris note de cela. Je m'attends à recevoir un rapport d'ici le mercredi 20 mars.
M. Nault: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Avez-vous l'intention, une fois que vous aurez ces propositions en main, de les communiquer au ministère le plus tôt possible pour que le comité et le gouvernement - c'est-à-dire le ministère - puissent les analyser? Plus vite nous les analyserons, plus vite nous serons en mesure de vous fournir des chiffres sur la question.
Le président: Absolument. Je tiens à préciser, monsieur Crête, que les résultats ou les constatations seront bien entendu communiqués aux membres de l'opposition et aux membres du parti ministériel pour que nous puissions nous attaquer à ces questions avant l'examen article par article du projet de loi.
C'est ce que nous essayons parfois de faire au sein du comité: de régler les problèmes. Je suis donc sûr que vous allez maintenant nous proposer de nouvelles solutions; tout le monde sera content.
Monsieur Hollands, merci d'être venu. Madame Reynolds, merci.
M. Paul Hollands (Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires): Merci beaucoup.
Avant de commencer, je crois qu'on vous a remis une copie de mes notes. Nous avons un exposé plus formel que nous vous enverrons la semaine prochaine. Mes notes reprennent tous les points analysés dans l'exposé; toutefois, je vais sans doute m'écarter du sujet et aborder aussi d'autres questions.
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous voulons porter à votre attention un problème que cache le projet de loi et qui risque d'avoir des conséquences imprévues sur les 150 000 étudiants qui travaillent au sein de l'industrie canadienne de la restauration et des services alimentaires. Le problème tient à la couverture au premier dollar. Cette mesure entraînera des pertes d'emploi, une baisse de revenus et une réduction du nombre d'emplois que notre industrie offre aux étudiants. Je veux discuter de cette question, mais aussi vous proposer une solution, un moyen de contourner l'impact imprévu qu'entraîne la couverture au dollar.
J'ai eu l'occasion de rencontrer la plupart des membres du comité. Je suis le vice-président exécutif et le chef des opérations de A & W Foodservices, dont le siège social est situé sur la côte Ouest, à North Vancouver. Nous exploitons environ 480 restaurants dans toutes les régions du pays, y compris à Yellowknife. Nous sommes surtout connus sous le nom A & W. Nous exploitons également quelques grands magasins de spécialités alimentaires à Toronto, sous la bannière Shopsy's.
Le président: Il faut payer pour la publicité, monsieur Hollands.
M. Hollands: D'accord. On le fait ailleurs dans le monde, comme dans les patinoires intérieures où l'on joue au hockey.
Cette année, j'assume la présidence de l'Association canadienne des restaurateurs, une association qui regroupe 12 000 membres. Nous représentons environ 35 000 restaurants. C'est donc à ces titres que je suis ici aujourd'hui.
Au cours des vingt prochaines minutes, je compte vous parler brièvement de l'industrie des services de l'alimentation, parce que j'estime qu'il est important d'en connaître le fonctionnement. Je vous parlerai ensuite de la nature des emplois qu'offre notre secteur, surtout aux étudiants, et de l'impact qu'aura sur eux la couverture au premier dollar. Enfin, je proposerai une solution relativement simple qui devrait permettre de régler le problème.
Mais avant de commencer... Vous entendez probablement beaucoup de critiques au sujet du projet de loi et des changements proposés. En tant que citoyen canadien et en tant que particulier qui s'intéresse de près à ce qui se passe dans le monde, je ferais preuve de négligence si je ne félicitais pas le gouvernement pour les mesures concrètes qu'il a prises afin de moderniser le système d'assurance-chômage. Ces mesures s'imposent.
Nous avons comparu devant le comité permanent il y a un an et nous avons discuté avec lui des effets des charges sociales. Elles entraînent la disparition d'emplois. Nous en avons été témoins dans notre industrie lorsque les cotisations d'assurance-chômage ont augmenté au début des années 90. Nous devons maîtriser les coûts des programmes qui, à long terme, deviennent trop onéreux.
Plusieurs des mesures adoptées sont excellentes. Elles sont sévères et difficiles à accepter, mais je félicite le gouvernement des efforts qu'il déploie pour s'attaquer aux problèmes.
Passons maintenant à l'industrie. Une industrie intéressante. Le simple citoyen se rend au restaurant ou dans un établissement de restauration environ cinq fois par semaine. Toutefois, il ne connaît pas grand-chose à l'industrie. Il s'agit d'une industrie fort importante, dont le chiffre d'affaires s'élève à environ 29 milliards de dollars. Elle représente environ 4 p. 100 du PIB, un pourcentage étonnamment élevé.
Il suffit de jeter un coup d'oeil sur la liste de paye pour voir à quel point cette industrie est importante. Au total, l'industrie emploie directement environ 670 000 personnes. Et cela ne comprend pas tous les emplois secondaires dans le domaine de la construction et autres secteurs. Elle est donc un très gros employeur.
L'industrie de la restauration a connu un essor phénoménal au cours des 25 dernières années. Toutefois, elle a connu un ralentissement considérable au début des années 90. Fait intéressant, c'est à ce moment-là que la TPS est entrée en vigueur. Cette taxe a eu, sur notre industrie, un impact profond. Nous mesurons notre compétitivité en fonction des dépenses alimentaires totales effectuées dans les restaurants par rapport aux magasins d'alimentation. En 1990, nous avons atteint un point culminant, notre part atteignant 42 p. 100 de chaque dollar consacré au budget alimentaire. La TPS a mis un frein à cette avance et ramené notre part à 36 p. 100. Les ventes ont chuté, et l'industrie a subi une perte nette de 46 000 emplois en un an.
Il s'agit là d'une statistique intéressante. Cela représente presque autant d'employés que compte la General Motors au Canada. Or, cette situation n'a pas soulevé de tollé général. Il s'agit donc d'un secteur fragile. Cette année, le nombre de faillites est à la hausse.
Voilà pour la vue d'ensemble. J'aimerais maintenant vous donner une description un peu plus détaillée de notre industrie, qui est différente du secteur manufacturier ou de la transformation. Cette situation s'explique par le fait que nous sommes une industrie à forte intensité de main-d'oeuvre. En fait, les employés reçoivent 30 cents de chaque dollar dépensé dans un de nos restaurants. Donc,30 p. 100 de nos revenus servent à payer les salaires des employés. Notre situation est unique, car les autres secteurs, dont le secteur manufacturier, consacrent entre 8 et 10 p. 100 de leurs revenus à leur masse salariale.
Notre industrie est largement dominée par de petits exploitants. Ce sont des exploitants indépendants, des entrepreneurs qui mettent sur pied leurs propres entreprises. Et bien qu'il y ait énormément de grandes chaînes, comme A & W et McDonald entre autres, ces établissements sont très visibles - et il y a aussi beaucoup de restaurants à service complet qui sont très visibles - , de sorte qu'au bout du compte, l'industrie est dominée par ce que nous appelons les petits restaurants familiaux.
Les profits que réalise l'industrie sont négligeables. Ils représentent environ 5 p. 100 des ventes. Ce montant peut vous paraître suffisant, mais le fait est que les revenus moyens s'élèvent à environ 360 000$ par année. Ce qui donne des profits d'environ 18 000$ par année, avant impôt. Il s'agit d'une marge de profits assez restreinte, surtout pour la grande majorité des exploitants.
Voilà donc comment fonctionne notre industrie. Une industrie très vaste et à forte intensité de main-d'oeuvre qui a connu des moments difficiles au début des années 1990 et qui s'intéresse de très près à la question de la main-d'oeuvre.
J'aimerais maintenant vous parler des 670 000 employés que compte l'industrie. Nous embauchons un grand nombre de travailleurs hautement spécialisés. La plupart des gens considèrent que les emplois dans le secteur de la restauration sont peu intéressants. Toutefois, nous comptons un très nombre de travailleurs spécialisés, et un très grand nombre de travailleurs non spécialisés. Il y a donc deux catégories d'employés dans notre industrie. Nous avons un grand bassin d'employés à temps plein et un grand bassin d'employés à temps partiel. Cette dernière catégorie est surtout composée d'étudiants. Il y en a environ 150 000 qui travaillent pour nous.
Voici quelques données intéressantes. Un Canadien sur trois décroche son premier emploi dans le service de la restauration, ce qui est étonnant. Vous trouverez dans mes notes les noms de quelques personnes qui ont trouvé leur premier emploi dans ce secteur. C'est le cas de Lloyd Axworthy.
M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Ce qui explique beaucoup de choses.
M. Hollands: En fait, sa famille a déjà exploité une de nos franchises. Il y a aussi David Collenette. Donc, un grand nombre de personnes ont fait leur entrée sur le marché du travail dans ce secteur.
Voici d'autres données intéressantes sur les emplois pour étudiants: d'après nos recherches, les étudiants qui travaillent pendant quelques heures chaque semaine obtiennent de meilleures notes pondérées que les étudiants qui ne travaillent pas. Ils ont davantage tendance à terminer leurs cours. Ils ont plus d'argent pour financer leurs études supérieures. Et en règle générale, ils ont moins de difficulté à trouver un emploi lorsqu'ils arrivent sur le marché du travail. Ils travaillent presque toujours à temps partiel, parce qu'ils ne peuvent effectuer un plus grand nombre d'heures. Il y a beaucoup d'étudiants qui travaillent pour notre industrie et nous prenons cette responsabilité très au sérieux. Les étudiants veulent travailler, et, en toute honnêteté, nous avons besoin d'eux. Toutefois, nous devons aussi tenir compte de leurs autres besoins. C'est pourquoi nous nous efforçons d'établir leurs horaires de travail en fonction de leurs cours, parce que l'éducation vient en priorité pour la plupart des étudiants qui oeuvrent au sein de notre secteur.
Ce qui m'amène à vous parler d'une des raisons invoquées pour justifier l'introduction du système fondé sur les heures qui, si j'ai bien compris, vise à favoriser la création d'emplois à temps plein. Bien que ce principe soit louable, il ne changera pas la façon dont l'industrie fonctionne, et ce, à cause des habitudes alimentaires des gens. Les gens mangent à des heures bien précises. Comme notre industrie emploie énormément de gens, ces habitudes alimentaires ont un impact considérable sur les besoins en main-d'oeuvre d'un restaurant. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
En général, les commerces sont ouverts au moins 16 heures par jour, et parfois 24 heures par jour, sept jours sur sept. Parfois les affaires sont bonnes, parfois elles sont mauvaises. Prenons les restaurants. Nous sommes occupés entre 6 heures et 9 heures du matin, soit au petit déjeuner, mais les choses ont tendance à se calmer à partir de 9 h 30, et ce, jusqu'à midi. Entre midi et 14 heures, nous sommes fort occupés, tandis qu'à 15 h 30, c'est le calme plat. Les activités reprennent à 16 ou à17 heures, et nous travaillons sans arrêt pendant toute la soirée. Donc, notre secteur ne se prête pas vraiment aux emplois à temps plein. Cela ne marche tout simplement pas. Et la situation varie d'un endroit à l'autre.
Un restaurant à service complet est occupé à midi, et peut-être un peu le matin, mais ensuite tourne au ralenti jusqu'à 19 heures ou 20 heures, ou encore jusqu'à plus tard dans la soirée, selon le genre de clients qu'il accueille ou l'endroit où il est situé. Le jour de la semaine est également important. Dans notre milieu, les restaurants situés au centre-ville sont calmes pendant les fins de semaine, tandis que les restaurants situés en banlieue sont plus occupés étant donné que les habitudes des gens changent.
Donc, les habitudes alimentaires des gens influent sur les heures d'affluence des restaurants, et c'est pour cette raison que ces derniers ont besoin d'un grand nombre d'employés à temps partiel. C'est quelque chose qui ne changera jamais.
Le restaurant qui est situé dans une région touristique est plus occupé l'été que l'hiver. Encore une fois, c'est un milieu de travail qui convient aux étudiants.
En général, les étudiants peuvent travailler pendant leurs heures libres et l'été. Les employeurs dans le service de restauration ont tendance à embaucher des étudiants à temps partiel pendant ces périodes. Ils leur fournissent du travail pendant la semaine s'ils n'ont pas de cours, le soir, les fins de semaine, ainsi de suite.
Donc, nous avons à la fois des employés à temps plein et des employés à temps partiel, et nous continuerons d'avoir un grand nombre d'employés de ces deux catégories. De plus, parmi nos employés à temps partiel, nous continuerons d'avoir un grand nombre d'étudiants.
Passons maintenant à la question de la couverture au premier dollar.
Comme un grand nombre de nos employés à temps partiel travaillent moins de 15 heures par semaine, nous estimons que la couverture au premier dollar coûtera à l'industrie environ 35 millions de dollars par année. Je sais que le programme d'assurance-chômage coûte 18 milliards de dollars et que cette somme, soit 35 millions, paraît dérisoire, mais cela représente pour nous une augmentation moyenne de 10 p. 100 des cotisations que nous versons au régime d'assurance-chômage.
Certains restaurants vont voir leurs cotisations augmenter de 70 p. 100, selon le nombre d'employés qui travaillent moins de 15 heures et plus de 15 heures. Donc, l'augmentation variera entre 10 et 70 p. 100, selon les employés que vous avez. Cette hausse aura un impact négligeable sur l'ensemble de la structure des coûts du secteur, sauf qu'elle entraînera des changements qui auront une incidence négative sur les employés à temps partiel, surtout les étudiants.
La meilleure façon d'expliquer ce problème, c'est de jeter un coup d'oeil sur l'état financier de notre entreprise. Sur chaque dollar que nous recevons, nous versons 30 cents en salaires. Si nos cotisations augmentent de 10 p. 100, nos coûts de main-d'oeuvre vont subir une hausse. C'est un fait. Ce ne sont peut-être que de très mauvaises nouvelles pour nous. Mais je peux vous dire ce qui va se produire dans l'industrie.
D'abord, les prix n'augmenteront pas parce que nous avons constaté que le marché est tellement tributaire des prix que les entreprises ne pourront plus majorer les prix comme elles le faisaient. Notre industrie a les mains presque liées. Les prix des loyers sont fixes, les prêts sont remboursés à taux fixes, les prix des aliments sont habituellement fixes - les tomates, la laitue, et autres produits de ce genre - , de sorte que la seule façon dont l'exploitant, qui doit composer avec une hausse des cotisations, peut se rattraper, c'est en coupant du côté de la main-d'oeuvre. Ce qui aura pour effet de réduire le nombre d'heures de travail de ces employés.
Mais va-t-il vraiment le faire, vous demandez-vous. Comment va-t-il s'y prendre? Je vais vous donner un exemple très simple. Les travailleurs jouent un rôle de premier plan dans notre industrie. Prenons l'exemple d'un petit restaurant qui prépare lui-même ses frites. Il coupe lui-même les pommes de terre. Nous ne le faisons pas dans nos établissements, mais beaucoup de restaurants le font. La préparation des frites demande beaucoup de travail. Une fois que vous avez reçu les pommes de terre, vous devez les peler, les couper, les faire tremper, les blanchir et les frire. Cela demande beaucoup de temps, d'heures-personnes. Or, un exploitant peut aussi bien communiquer avec un distributeur et se faire livrer une caisse de pommes de terre congelées.
M. Maloney (Erie): Sont-elles aussi bonnes?
M. Hollands: Je n'ai pas l'intention de me lancer dans cette discussion. Cette question est l'objet d'un grand débat.
Quoi qu'il en soit, il peut communiquer avec un distributeur et se faire livrer une caisse de frites congelées.
Vous dites qu'ils ne font que remplacer la main-d'oeuvre - sauf que les frites congelées sont produites dans de grandes usines. Leur préparation n'occupe que 8 p. 100 des travailleurs de l'usine, alors que ce pourcentage est de 30 ou de 40 p. 100 dans un restaurant.
Donc, ce n'est pas seulement une question de réduction des horaires de travail. L'exploitant va se dire, «Non, je peux faire cela en faisant ceci». Il peut faire la même chose avec les biscuits ou les desserts congelés. Il peut prendre toutes sortes de mesures pour réduire le nombre de travailleurs et maintenir ses coûts, du fait qu'il ne peut augmenter ses prix et que ses autres coûts sont fixes.
Les coûts qu'entraînera la couverture au premier dollar, dans sa forme actuelle, seront essentiellement assumés par les employés de restaurants. Il s'agit là d'une conséquence négative et imprévue qui frappera surtout les gens que le gouvernement et le comité essaient d'aider, les jeunes et les étudiants. C'est de cela dont nous devrions parler.
Nous partageons l'engagement qui a été pris dans le discours du Trône. Il faut trouver de nouveaux moyens d'aider les jeunes à décrocher un premier emploi. En tant qu'industrie, nous voulons faire notre part pour atteindre cet objectif, mais nous ne pouvons y arriver avec cette mesure. J'ai donc l'intention aujourd'hui de vous proposer une solution, une solution qui permettra d'améliorer le projet de loi.
Je tiens à faire une précision. D'abord, je comprends le principe qui sous-tend la couverture au premier dollar. Elle simplifiera grandement les choses sur le plan administratif - et nous sommes prêts à appuyer n'importe quelle mesure qui simplifiera notre vie à ce chapitre - , mais nous ne pouvons l'instituer au détriment des emplois. Vous nous demandez l'impossible.
Nous avons une solution simple et équitable à vous proposer, une solution que nous vous encourageons à adopter, et qui consiste à exempter les étudiants de l'assurance-emploi. Cette mesure permettrait au gouvernement de rationaliser le système et, en même temps, d'assurer la couverture des employés à temps partiel permanents et des employés qui occupent plusieurs emplois, ce qui constitue évidemment un problème, et de placer les étudiants qui travaillent à temps plein dans une catégorie à part. Elle ferait également comprendre aux étudiants à quel point il est important de poursuivre leurs études. Il s'agit là d'une solution idéale.
Le projet de loi prévoit d'autres mesures, que j'aimerais aborder. Il y a d'abord le plafond de la rémunération qui est fixé à 2 000$. Le problème, c'est que les employés qui gagnent moins de 2 000$ par année auront droit à un remboursement des cotisations versées, mais pas les employeurs. Le problème reste donc entier. De plus, les employeurs paient déjà 60 p. 100 des cotisations, et cette mesure ne fera qu'augmenter leurs coûts.
Toutes aussi importantes sont les statistiques que nous avons et qui indiquent que la grande majorité des étudiants à temps plein gagnent plus de 2 000$ par année, de sorte que cette mesure ne les aidera pas. Un étudiant serait obligé de travailler pendant moins de six heures par semaine pour avoir droit à un remboursement des cotisations, de sorte que seul un petit nombre d'entre eux pourront en profiter. En fait, seulement 26 p. 100 des étudiants qui travaillent au sein de notre industrie y auront droit.
Le problème, c'est que les employés qui profiteront de ce plafond sont les employés à temps plein et à temps partiel qui n'ont pas beaucoup d'ancienneté, ceux qui changent souvent d'emploi, et non pas les étudiants à temps plein. En ce qui concerne le remboursement consenti aux petites entreprises, il vise essentiellement à atténuer l'impact de cette mesure, sauf que celle-ci ne sera en vigueur que pendant deux ans. Il s'agit d'une mesure administrative complexe qui ne me plaît pas beaucoup.
Dans l'ensemble, nous croyons que l'exemption accordée aux étudiants serait facile à administrer. Il reviendrait aux employés d'indiquer sur les formules TD-1 qu'ils ont droit à un remboursement. Il existe déjà un précédent en Saskatchewan, où les étudiants bénéficient d'une exemption en vertu d'une loi provinciale qui prévoit l'octroi d'avantages proportionnels à ceux des autres employés.
Nous avons examiné les exemptions qui sont accordées aux étudiants dans un certain nombre de régions et nous croyons avoir trouvé une méthode qui peut fonctionner. Toutefois, pour qu'elle soit efficace, nous devrons nous asseoir avec les membres et le personnel du comité pour la peaufiner. Joyce Reynolds, qui m'accompagne, a rencontré plut tôt aujourd'hui des fonctionnaires du ministère avec qui elle a discuté pendant quelques heures de cette formule.
Je résume donc. D'abord, le projet de loi cache un problème, imprévu, qui touchera 150 000 étudiants. Ces derniers seront privés de revenus et de possibilités d'emploi, et subiront aussi une baisse de salaire, ce qui est particulièrement difficile à accepter compte tenu du fait que les frais de scolarité ne cessent d'augmenter. Je ne crois pas que le plafond et le remboursement consenti aux petites entreprises permettra de régler le problème de manière efficace. En fait, je crois que l'exemption accordée aux étudiants constitue une solution très efficace.
Dans le discours du Trône, le gouvernement a déclaré que nous devons faire tout en notre pouvoir pour encourager la création d'emplois pour les jeunes. Or, cette mesure présente un risque, du fait qu'elle ne favorisera pas la création d'emplois pour les jeunes.
Si je m'arrête un instant sur mon travail et sur ce que je fais jour après jour, je me rends compte que je dois prendre des décisions difficiles au sujet tout d'abord du risque que je peux me permettre; en d'autres termes, je vais prendre un risque; ensuite, au sujet du risque que je ne peux absolument pas me permettre. En ce qui concerne le gouvernement, ce comité, il m'apparaît clairement qu'il s'agit là d'un risque que vous ne pouvez pas vous permettre.
Merci. Vous m'avez écouté avec beaucoup d'attention et c'est avec plaisir que je débattrai plus avant de la question avec vous.
Le président: Merci beaucoup. Vous avez abordé quelques points fort importants. Nous devons tenir compte de la question de la création d'emplois lorsque nous examinons celle des cotisations.
Monsieur Crête, vous pouvez commencer. Vous avez besoin de cinq ou six minutes environ, n'est-ce pas?
M. Crête: Six minutes.
Le président: D'accord.
[Français]
M. Crête: Je suis très sensible à l'argument disant qu'on complique par des frais bureaucratiques une situation qui n'en comportait pas auparavant. Finalement, il s'agira davantage de mouvements de caisse que d'un gain réel pour le gouvernement.
J'aimerais poser quelques questions. Premièrement, vous pourriez peut-être, vous ouMme Reynolds, nous donner un peu plus de détails pratiques. Comment cette exemption pourrait-elle fonctionner? Si vous avez eu des rencontres avec le ministère, pouvez-vous nous dire de quelle façon il serait possible de faire cela?
Deuxièmement, il y a les autres types de travailleurs, qui ne sont pas nécessairement étudiants mais qui remplissent le même type de fonctions. On ne les trouve peut-être pas dans les grandes chaînes, mais il peut y avoir, surtout dans les restaurants réguliers ou les restaurants de quartier, des gens qui ne sont pas des étudiants mais qui vivent à peu près le même genre de situation. On pourrait se retrouver dans une situation où un étudiant est exempté de l'assurance-chômage alors qu'une autre personne qui fait à peu près le même nombre d'heures par semaine ne l'est pas. Est-ce qu'il y aurait moyen de trouver un critère qui ne serait pas nécessairement lié aux études, un critère autre qui permettrait d'éviter la discrimination entre les différents types de travailleurs? Remarquez que je ne rejette pas la solution que vous envisagiez en premier.
Il va résulter de cela une perte de revenu pour le gouvernement. Est-ce que vous considérez cela tout simplement comme une diminution du surplus de la caisse, une espèce de contribution de l'ensemble de la caisse d'assurance-chômage, ou si vous avez une solution à nous suggérer pour que le gouvernement puisse récupérer ces sommes-là? Par exemple, on pourrait relever le maximum du taux cotisable. Je donne deux images, mais ce n'est pas nécessairement celles que je retiendrais. Avez-vous des solutions? Vous savez que le fait de rendre tout le monde admissible dès la première heure va permettre au gouvernement de récupérer 900 millions de dollars. Il y a sûrement à cela un côté qui n'est pas tout à fait philanthropique. Où le gouvernement récupérerait-il le manque à gagner qu'entraînerait votre proposition?
J'ai peut-être mal compris la dernière chose. Pouvez-vous élaborer sur la définition d'un étudiant à temps plein? Est-ce qu'elle est exactement la même d'une province à l'autre? Comment pourrait-on vivre avec cela?
[Traduction]
M. Hollands: Merci. Ce sont d'excellentes questions.
Permettez-moi de m'assurer que je les comprends bien toutes les quatre. L'une d'elles porte sur l'aspect pratique de l'application de l'exemption; la deuxième, sur le risque de discrimination entre deux employés travaillant côte à côte, le même nombre d'heures. Est-ce...?
M. Crête: Oui.
M. Hollands: Compte tenu de la perte de recettes pour le gouvernement, comment cela serait-il financé? La dernière porte sur la définition d'étudiants à plein temps. C'est excellent.
Je vais demander à Joyce de répondre à une ou deux de ces questions et je me chargerai des autres moi-même. J'aimerais demander à Joyce de donner quelques explications sur l'aspect pratique de l'application de l'exemption.
Mme Joyce Reynolds (directrice des ressources humaines, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires): Nous sommes encore en train de finaliser les détails et c'est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes rencontrés cet après-midi. D'après nous, c'est à l'étudiant qu'incombe la responsabilité de déclarer son statut d'étudiant, lorsqu'il travaille pour un employeur et, s'il n'est plus étudiant, c'est toujours à lui qu'incombe la responsabilité d'en aviser l'employeur par écrit.
M. Nault: Il se retrouve alors sans emploi.
Mme Reynolds: Pardon?
M. Nault: Il se retrouve alors sans emploi. Puisque vous tenez à l'exemption, n'allez-vous pas tout simplement renvoyer celui qui vous annonce qu'il ne veut pas être exempté? N'est-ce pas là votre objectif? Vous voulez que les étudiants soient exemptés, mais s'ils vous déclarent qu'ils ne souhaitent pas l'être, ils ne travailleront plus pour A & W.
[Français]
M. Crête: Un nouveau membre du Bloc.
[Traduction]
Le président: Désolé, monsieur Crête. À moins de se joindre au Bloc et on ne m'a rien dit à ce sujet.
[Français]
M. Crête: On n'en a pas besoin, car les réformistes sont en train de diminuer.
[Traduction]
Mme Reynolds: Il faut également comprendre que nous embauchons beaucoup d'employés et qu'il s'agit de leur premier emploi, si bien que nous passons beaucoup de temps à leur formation. Lorsque nous avons consacré le temps nécessaire à un employé, qu'il s'agisse d'un étudiant ou non, tant qu'il travaillera selon les normes de la société, il ne courra pas le risque de se faire renvoyer. Des mesures de protection sont prévues.
Vouliez-vous ajouter quelque chose, Paul?
M. Hollands: Oui, je voulais compléter cette réponse. Si quelqu'un se présente en me disant qu'il ne va plus être étudiant, je vais lui proposer un emploi à plein temps - c'est ce que je vais faire dans la plupart des cas. S'il est formé et prêt à travailler et que je peux lui donner plus d'heures, c'est ce que je vais faire. Telle est la réalité. J'ai consacré beaucoup de temps à cet employé et il est productif.
La deuxième question porte sur la discrimination entre les deux; c'est une excellente question. La réalité, c'est que nous avons actuellement des employés à temps partiel qui ne sont pas des étudiants, et nous avons des employés à temps partiel qui le sont. Dans notre industrie, nous avons besoin de beaucoup d'employés à temps partiel qui ne sont pas des étudiants, car nous avons besoin de personnel de 6 heures à 9 heures du matin, à l'heure du déjeuner ainsi qu'à d'autres heures inhabituelles.
Je m'amuse à dire que pour mon entreprise, la pire semaine de l'année est celle du 5 septembre, parce que c'est à ce moment-là que les étudiants reprennent leurs études et que je ne peux pas trouver suffisamment d'employés. À mon avis, les risques de discrimination - je ne dis pas qu'il n'y en a pas - sont fort minimes, compte tenu de la réalité du marché du travail, de son côté économique.
[Français]
M. Crête: Il ne s'agit pas du risque de discrimination ou de poursuites en cour; il s'agit du fait que dans le même restaurant, il va y avoir deux travailleurs qui travaillent aux mêmes conditions, sauf pour ce qui est de l'assurance-chômage. Telle est ma préoccupation.
[Traduction]
M. Hollands: C'est bien et peut-être n'ai-je pas répondu suffisamment clairement. Nous avons besoin de tous les employés à temps partiel que nous pouvons trouver pour les périodes où nous n'avons pas les étudiants, et nous avons besoin des étudiants pour les périodes où ces derniers peuvent travailler. Je pense qu'il y a relativement peu de risques d'échange, car j'ai besoin de tous ces employés à temps partiel qui ne sont pas étudiants, ainsi que d'autres employés à temps partiel de jour.
Je ne crois pas que cela puisse occasionner beaucoup de distorsions du marché du travail; je ne le vois tout simplement pas.
La troisième question portait sur la perte de recettes pour le gouvernement. Peut-être n'ai-je pas été clair; je vais faire quelques pas en arrière à ce sujet. Initialement, cette refonte ne devait, en général, pas engager de coûts. C'était l'une des propositions à l'origine de cette mesure législative, d'après ce que je comprends. Or, il se trouve que notre industrie doit engager plus de coûts.
Nous ne proposons absolument pas d'aubaine. En fait, nous aimerions, entre autres, définir les mots «étudiant» et «exemption» d'une manière qui les rendent abordables. À notre avis - et je me rends compte que notre exposé n'a pas été clair à cet égard - le plafond de 2 000$ et la période d'application progressive devraient être éliminés, ce qui permettrait de ne pas augmenter les coûts. En général, nous pensons pouvoir bien collaborer avec le comité et avec le ministère pour résoudre ces questions.
Le dernier point porte sur les étudiants à temps plein et la définition de ce terme.
Mme Reynolds: Nous avons examiné les lois sur l'éducation dans tout le pays, ainsi que la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants. Il semble que dans tout le pays un étudiant à temps plein est un étudiant qui s'inscrit à au moins 60 p. 100 des cours ou à trois cours sur cinq. Telle est la définition que nous proposons.
Le président: M. Easter.
M. Easter (Malpèque): J'aimerais également profiter de l'exemption aux étudiants, mais en tant qu'agriculteur, je ne peux m'empêcher de faire une remarque à propos des prix alimentaires qui, selon vous, sont fixes. Tel n'a certainement pas été le cas dernièrement dans l'industrie du boeuf où les prix ont baissé de 30 p. 100.
M. Hollands: Vraiment?
M. Easter: Nous serions ravis que les hamburgers se vendent moins chers afin de pouvoir vendre plus de boeuf.
Dans tous les cas, l'exemption aux étudiants est un concept intéressant. Vous dites assez clairement dans votre mémoire que vous êtes en faveur d'une administration simple. C'est certainement une des raisons pour lesquelles le gouvernement se propose d'adopter la couverture au premier dollar.
J'aimerais simplement préciser, aux fins du procès-verbal, la position de l'ACRSA. Vous êtes essentiellement en faveur de la couverture au premier dollar pour des raisons de simplicité administrative. On essaie également d'accorder une couverture aux employés occupant de multiples emplois, et c'est une des autres raisons de cette proposition. Je me demande si vous êtes toujours en faveur de cette mesure pour cette raison également. La troisième raison invoquée, c'est que dans le cas de nombreuses femmes qui travaillent à temps partiel, il y a en ce moment le piège des 15 heures. Je me demande si vous allez apporter votre appui sur tous ces points.
Bien qu'il s'agisse d'un concept intéressant, j'ai certaines inquiétudes, tout comme le secrétaire parlementaire également. Qu'en est-il des femmes qui souhaitent travailler à temps partiel? Si cette exemption existe pour les étudiants, l'industrie de la restauration embauchera-t-elle seulement des étudiants, laissant les autres le bec dans l'eau? Quelles mesures de protection pouvons-nous envisager à cet égard?
M. Hollands: La réalité, c'est que l'industrie a besoin de beaucoup d'employés à temps partiel pour les heures auxquelles les étudiants ne peuvent pas travailler et que c'est cela qui donne la meilleure protection possible. Dans l'entreprise que je dirige, 60 p. 100 du travail se fait pendant la journée, avant même que je puisse employer des étudiants. Pendant ces parties de la journée, nous avons besoin d'employés à temps partiel qui ne seront pas des étudiants; ce seront des femmes, des gens qui ne veulent pas travailler à temps plein.
M. Easter: Un des problèmes, c'est que... Je suis moi-même employeur. Lorsque vous employez des gens, vous examinez le régime fiscal, le régime d'AC, et vous essayez de trouver une façon de les utiliser à votre avantage. C'est ce qui m'inquiète à ce sujet. Je m'intéresse également aux étudiants; si vous accordez une telle exemption, n'allez-vous pas tomber dans un véritable guêpier que vous n'aviez pas prévu? En tant que gens d'affaires, nous essayons tous d'utiliser le système à notre avantage. Je crois que nous ouvrons ici la possibilité d'une échappatoire et je pense que vous devriez me rassurer un peu plus à ce sujet.
M. Hollands: Je ne sais pas si je peux le faire, à moins que vous n'essayiez d'établir l'horaire du personnel d'un restaurant sur plusieurs semaines.
M. Easter: Nous ne voulons pas de ce travail.
M. Hollands: Il s'agit en fait de jongler avec le personnel à temps partiel pour savoir qui peut travailler et quand; c'est un travail fort délicat. Tout ce que je peux dire, c'est que d'après mon expérience, ce dont vous parlez ne me préoccupe pas. Je sais que la question des 15 heures se pose actuellement dans les restaurants et cette situation pourrait perdurer. Dans tous les cas, ce n'est pas un problème dans le domaine de la restauration.
M. Easter: J'ai une autre question à poser avant que vous ne cédiez la parole à quelqu'un d'autre, monsieur le président.
Certains témoins se sont élevés contre les semaines de référence donnant droit à certains niveaux de prestations - l'écart d'une région à l'autre en fonction du taux d'assurance-chômage. Si vous êtes dans une région à chômage élevé, le nombre de semaines de référence dont vous avez besoin est inférieur dans le cadre du régime actuel que dans celui du régime proposé. Quelle est la position de votre association à ce sujet? Pour l'instant, des écarts régionaux sont proposés en fonction des taux de chômage.
Deuxièmement, que pensez-vous de certaines des mesures d'emploi que renferme le projet de loi?
M. Hollands: Peut-être pourriez préciser ce que vous entendez par mesures d'emploi.
M. Easter: Je veux parler des prêts, des subventions et des mesures relatives au travail indépendant qui se trouvent dans le projet de loi. Il y a cinq domaines de subventions salariales.
Mme Reynolds: Je peux répondre à ces questions.
Pour ce qui est de la première, nous aimerions que la période d'admissibilité et le tableau des prestations soient les mêmes dans tout le pays.
M. Easter: Est-ce la position de l'association des restaurateurs de l'I.-P.-E., ou simplement celle des restaurateurs d'Ottawa?
Mme Reynolds: C'est la position de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires ...
M. Easter: Je poserai la question à vos membres.
Mme Reynolds: - qui a été présentée à ce comité il y a un an et demi environ.
Nous avons également répondu à l'autre question que vous posez au moment où nous avons comparu devant le comité permanent. Ce qui nous inquiétait, c'était que ces programmes étaient financés par le programme AC et non à même le Trésor.
Le président: M. Murphy.
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci pour votre exposé.
Vous soulevez la question de l'exemption aux étudiants; d'autres groupes pourraient souhaiter des exemptions semblables. Beaucoup d'étudiants peuvent souhaiter contribuer au régime AC pour cette raison. Je ne pense pas me tromper en disant que les étudiants peuvent faire beaucoup d'heures de travail en l'espace d'une année. Ils n'ont pas à se précipiter à la fin de leurs études, après avoir travaillé quelques années, tout en poursuivant leurs études. Comme vous le savez, on peut avoir recours au régime AC après trois années d'expérience de travail.
Si j'étais étudiant et si je faisais beaucoup d'heures de travail, mais que je n'étais sûr de ce qui pourrait m'arriver à la fin de mes études, je crois que je serais heureux de pouvoir recevoir des prestations, après avoir contribué au régime. Le fait d'exclure tous les étudiants les empêcherait donc de pouvoir avoir accès au régime.
Je ne sais pas comment vous allez réagir, mais cela pose certainement un problème pour moi, car je suis sûr que c'est ce que vivraient les étudiants. Les exempter serait peut-être injuste. Cela reviendrait à ne pas traiter tous les Canadiens de la même façon.
M. Hollands: Eh bien, nous y avons pensé. Nous proposons que les étudiants déclarent eux-mêmes s'ils sont étudiants ou non sur les formulaires TD-1. Si cela leur pose un problème, ils n'ont qu'à se déclarer non étudiants. Nous comprenons alors qu'ils auront des déductions et que nous en aurons.
M. Murphy: Vous leur donnez donc le choix.
M. Hollands: Oui.
Mme Reynolds: Nous avons parlé à toutes sortes de groupes d'employés et d'étudiants dans tout le pays et ils appuient cette proposition.
M. Hollands: Oui, ils l'appuient pleinement.
Le président: La dernière question revient à M. Nault.
M. Nault: Je veux simplement poser cette question à M. Hollands et à Mme Reynolds. Vous faites partie d'un très vaste groupe de gens d'affaires qui s'intéressent à la réforme de l'assurance-emploi; il s'agit d'une coalition qui se compose des organismes suivants: l'Association canadienne de la construction, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Association des manufacturiers canadiens, la Canadian Mining Association, l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers, le Conseil canadien du commerce de détail et le Canadian Tourism Council.
Jusqu'à présent, nous avons entendu des représentants de l'Association canadienne de la construction. Ils n'ont pas indiqué qu'ils vous appuyaient à l'égard de l'exemption. C'est ce que j'ai compris; pouvez-vous me dire si je me trompe lorsque je présume qu'aucun de ces groupes ne vous appuiera à propos de l'exemption aux étudiants?
Mme Reynolds: Je crois en fait que le Conseil canadien du commerce de détail comparaîtra devant vous dans deux semaines et ses représentants proposeront également une exemption pour étudiants. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante proposera une exemption pour étudiants.
Nous avons bien entendu abordé ce sujet en tant que coalition. Ceux qui ont des employés à temps partiel et des employés-étudiants apportent leur appui. Pour ceux qui n'ont pas de tels employés, la question ne se pose pas.
M. Nault: D'accord. Il est important de le savoir, car si vous avez beaucoup d'appui, cela veut évidemment dire que ces organismes sont prêts à renoncer à d'énormes économies en matière de gains de rendement. Tel est le débat dans lequel nous allons nous lancer, bien sûr, car si 400 000 ou 500 000 personnes sont exemptées, ce qui est à peu près le nombre dont nous parlons, il est évident que nous allons avoir certaines pertes au chapitre des gains de rendement; or, il s'agit justement des économies que recherchaient les entreprises.
L'autre question que je voulais poser se rattache bien sûr à la première. Beaucoup d'organismes vont se présenter devant nous pour nous dire que les règles du jeu devraient être équitables. Pourquoi McDonald's, A & W et certaines de ces industries de services seraient-elles exemptées du versement de prestations, tandis qu'eux-mêmes doivent, en tant qu'industries...? Pouvez-vous me dire quelle réponse donner à ces organismes?
M. Hollands: J'aimerais redire qu'à mon avis, la réforme de l'AC ne vise pas à diminuer le nombre d'heures et d'emplois pour les étudiants. Ce qui importe maintenant, c'est le résultat éventuel de la couverture au premier dollar. C'est afin de préserver ces emplois, ces heures de travail pour les étudiants que cette exemption est prévue.
M. Nault: D'accord. J'ai une autre question à laquelle il importe de répondre.
Bien sûr, j'ai rencontré certains des organismes locaux de l'industrie des services à propos de l'exemption aux étudiants. Le ministère nous a donné quelques chiffres. Par exemple, quelque1,3 million d'employés recevront le remboursement des prestations. Sur ce nombre, 920 000 versent actuellement des cotisations. Par conséquent, quelque 400 000 personnes de plus vont recevoir un remboursement de prestations de l'ordre de 2 000$.
Certains des représentants de votre industrie que j'ai rencontrés ont réfuté ces chiffres qui, selon eux, ne sont pas exacts. D'après eux, très peu de personnes obtiendront l'abattement de 2 000$ pour étudiants, tout simplement parce qu'elles travaillent trop d'heures.
Il faudrait que votre organisme me donne des renseignements factuels, lesquels ne figurent pas dans votre mémoire. Par exemple, combien d'heures en moyenne vos étudiants travaillent-ils par an? Vous avez dit qu'ils ne souhaitent pas travailler 15 heures par semaine, ou davantage, en raison de leurs activités scolaires, etc. Par conséquent, si l'on part du principe qu'ils travaillent huit heures en moyenne par semaine pendant 52 semaines, il est assez facile de calculer le nombre d'heures qu'ils travaillent.
Je répète qu'il faut aussi connaître le salaire moyen que vous versez à ces étudiants. Est-ce 5,6 ou 7$? Il importe de savoir si ces chiffres sont exacts. Nous aimerions certes que vous nous fournissiez ces données.
M. Hollands: Volontiers.
M. Nault: Si vous pouviez le faire au cours des quelques prochaines semaines, elles nous seraient utiles lorsque nous entendrons d'autres témoins.
M. Hollands: Avec plaisir.
M. Nault: L'autre question dont je voulais vous parler concerne une observation intéressante que vous avez faite d'après laquelle les étudiants travaillent presque toujours à temps partiel. Je suis d'accord avec vous. Il leur est plutôt difficile de travailler à temps plein, bien j'en connaisse qui le font, parce qu'ils ne veulent pas faire plus d'heures.
Quand je retournerai au restaurant A & W de mon quartier, ce week-end, et que je demanderai à cet étudiant si, en fait, il aimerait faire plus d'heures, me répondra-t-il ce que vous avez répondu au comité ou obtiendrai-je une réponse négative? «On me limite à 12 heures, on ne me laisse pas travailler 16 ou 20 heures, parce que, naturellement, l'employeur serait obligé de verser des cotisations. C'est la politique du restaurant.»
J'ai parlé à des étudiants qui m'ont dit que cela n'était pas tout à fait exact, en ce sens que bon nombre d'entre eux aimeraient faire plus d'heures, mais qu'on ne leur en offre tout simplement pas la possibilité. Êtes-vous bien certain que, lorsque j'interrogerai ces étudiants, un à un - car je vais mener ma petite enquête - , ils vont me répondre qu'effectivement, c'est exact, qu'ils n'ont besoin de travailler que 10 heures par semaine parce qu'ils ne peuvent en faire plus?
M. Hollands: Oui, j'en suis convaincu.
M. Nault: Nous verrons, monsieur Hollands. Je vais mener ma petite enquête, car j'ai entendu quelques arguments intéressants.
Les étudiants auxquels vous avez parlé nous feront-ils un exposé officiel déclarant qu'ils sont en faveur de l'exemption et qu'en fait, ils la préféreraient? Accepteraient-ils votre proposition leur accordant la possibilité d'être exclus?
Mme Reynolds: Oui. Je sais qu'ils ont demandé à témoigner. Par contre, j'ignore si la date et l'heure de leur témoignage ont été fixées.
En réponse à votre autre...
M. Nault: De quoi parlez-vous? De mon petit sondage?
Mme Reynolds: C'est cela, de votre sondage.
Il vous faut reconnaître qu'au sein de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, nous avons un code de pratique concernant l'emploi d'étudiants. On a parfois critiqué notre industrie pour avoir fait faire trop d'heures de travail à ses employés étudiants. Nos employeurs s'efforcent donc de s'entendre avec les étudiants, les établissements d'enseignement, les enseignants et les parents. L'étudiant déclare peut-être vouloir effectuer plus d'heures, mais posez la question à son père ou à sa mère. Vous entendrez peut-être un tout autre son de cloche.
Il faut qu'il y ait un juste milieu, et c'est ce que tente de faire notre industrie: maintenir un équilibre entre ses responsabilités sociales et...
M. Nault: Madame Reynolds, vous êtes en train d'essayer de faire dévier le but de mon enquête. Je vous conseille de vous en abstenir jusqu'à ce que je puisse présenter des résultats.
En vertu du nouveau régime de calcul en heures plutôt qu'en semaines, si l'étudiant déjà actif sur le marché du travail effectuait suffisamment d'heures dans certaines régions pour accumuler, par exemple, 420 heures au cours d'une année, il n'aurait pas à cumuler 910 heures pour être admissible. Par conséquent, il serait avantageux pour bon nombre de ces étudiants de faire déjà partie du système. Ils feraient déjà, en quelque sorte, partie de la population active. C'est ce qu'essayait de faire valoir M. Murphy.
De nombreux étudiants employés par votre industrie se classeraient dans cette catégorie. Si on le leur expliquait bien, je crois que vous jouiriez alors de très peu d'appui. Je ne crois pas qu'ils soient conscients des avantages à long terme qu'ils gagneraient à se trouver déjà sur le marché du travail. Qu'avez-vous à répondre à cela?
M. Hollands: Ce n'est pas ce que nous disent les étudiants. Ils nous disent: «Je fais mes études universitaires. Je veux faire le plus d'heures possible afin de payer mes études.» Je crois que cela leur a très bien été expliqué. Jusqu'ici, c'est la réponse que nous obtenons.
Le président: Je vous remercie beaucoup. C'était un excellent exposé.
Je comprends que vous vous soyez concentrés sur l'exemption des étudiants. Puis-je en conclure que vous êtes d'accord avec toutes les autres dispositions du régime d'assurance-emploi? Il est important d'en prendre note.
Mme Reynolds: En règle générale, nous appuyons les orientations prises dans le projet de loi.
Le président: Excellent.
M. Hollands: Comme je l'ai dit, l'orientation prise dans le projet de loi et le fait que le gouvernement tienne vraiment à ce qu'il soit adopté, en dépit de l'épreuve que nous fait subirM. Nault, nous plaisent énormément. Nous tenons vraiment à ce que ces mesures soient adoptées et nous gardons l'espoir qu'en fin de compte, nous pourrons trouver une solution.
Le président: Monsieur Hollands, au sujet d'un point que vous avez mentionné, qui est fort important et auquel sont très sensibles les membres du comité, je tiens à préciser que notre gouvernement et les membres du comité, peu importe leur parti d'affiliation, ont à coeur la question du chômage chez les jeunes. Il importe aussi de comprendre qu'il nous faut examiner le train de mesures relatif à l'assurance-emploi en fonction des restrictions budgétaires et des paramètres établis.
L'exemption des étudiants comme telle ne peut s'appliquer uniquement à ceux qui travaillent chez A & W ou McDonald. Désolé d'avoir dû mentionner votre rival. Il y aurait un coût à cette exemption.
En tant que membre du milieu des affaires, vous comprendrez que, si nous enlevons ces recettes au gouvernement, il faudra trouver l'argent ailleurs. Les membres du comité sont donc devant un dilemme: qui va payer cette exemption?
Il y a quelque chose que j'aimerais savoir. Je présenterai une demande officielle en - Madame Reynolds, vous avez peut-être déjà eu une séance d'information à ce sujet au ministère et vous connaissez peut-être le montant dont il est question ici. Est-il de l'ordre de 300 à 400 millions de dollars?
Mme Reynolds: C'est ce qu'on m'a dit, effectivement.
Le président: Nous essayons de réaliser une économie de 1,2 milliard de dollars environ d'ici à l'an 2000 ou 2001. Je crois qu'en tant que membres du comité, nous devrons situer cela dans son contexte, mais je ne voudrais pas que vous nous quittiez aujourd'hui avec l'impression que nous nous réjouissons d'éventuelles pertes d'emploi chez les jeunes. En fait, le gouvernement fera tout son possible pour que les jeunes puissent décocher ce premier emploi, si crucial.
M. Hollands: La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est que la question pose un problème et fait courir le risque d'accroître le chômage chez les jeunes. Elle suscite des préoccupations au sein de notre industrie. En tant qu'homme d'affaires et Canadien responsable, le mieux que je puisse dire, c'est qu'il faut que nous travaillions de concert en vue de trouver un moyen de régler cette question.
Le président: Puis-je vous poser une question? Si nous allons de l'avant avec cette proposition, combien d'emplois seront perdus?
M. Hollands: La perte de 5 000 à 10 000 emplois serait une évaluation prudente. Tout dépend des hypothèses de départ, mais ce serait de cet ordre à peu près.
Le président: Combien l'étudiant moyen employé par votre organisme fait-il? Est-ce le salaire minimum?
M. Hollands: Oui, il gagne au moins le salaire minimum.
Le président: Par conséquent, combien ferait-il en moyenne, chaque année?
M. Hollands: Le salaire varie énormément à l'échelle du pays, mais il se situerait habituellement entre 6$ et 6,50$.
Le président: Je parle du revenu total annuel.
Mme Reynolds: Durant toute l'année, il gagnera entre 4 000$ et 5 000$.
M. Hollands: Nous vous fournirons volontiers ces données.
Le président: Je vous en saurais gré.
M. Hollands: Je vous remercie.
Le président: La prochaine séance aura lieu lundi prochain, à 9 heures, dans la salle 237-C de l'édifice du Centre.
La séance est levée.