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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 mars 1996

.0918

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants du Syndicat canadien de la fonction publique. Nous accueillons Morna Ballantyne, adjointe administrative au président national; Phyllis Diesenhouse, professeure, Conseil scolaire de Toronto; Denise Hill, présidente, Division du transport aérien; Alex Taylor, assistant à l'enseignement, Université Carleton; Cathy Remus, attachée de recherche; et Richard Balnis, attaché de recherche.

Premièrement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre comité. Comme vous le savez, nous avons pour mandat d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Nous avons beaucoup appris de ces Canadiens qui ont comparu devant ce comité et de ces personnes qui nous ont soumis des mémoires.

Hier après-midi, lors de sa comparution devant le comité, le ministre du Développement des ressources humaines s'est montré disposé à considérer les amendements proposés par le comité, surtout les amendements portant sur l'écart, le dénominateur et la règle de l'intensité telle qu'elle s'applique à une famille à faible revenu comptant des personnes à charge. Le ministre nous a dit qu'il estime que ces amendements sont des mesures très progressistes qui permettront d'assurer la justice à tous les chômeurs canadiens.

.0920

Je tiens à déclarer que notre objectif, c'est d'améliorer le projet de loi. Grâce à cette étude en comité, nous voulons que le projet de loi soit amélioré pour devenir plus juste envers les prestataires d'assurance-chômage. Nous savons fort bien que la question du chômage est une question nationale très importante qui n'affecte pas seulement le chômeur, mais également sa famille, ses amis et sa collectivité. C'est donc dans cet esprit que nous allons écouter vos commentaires, et nous espérons profiter de vos suggestions concernant la façon d'améliorer le projet de loi C-12.

Vous avez sans doute une bonne expérience des comités parlementaires; alors vous savez comment nous procédons. Nous allons d'abord entendre votre exposé, et ensuite il y aura les questions et réponses. Je devrais dire que cette dernière partie intéresse tout particulièrement les députés, puisqu'elle nous permet de nous concentrer sur les questions au sujet desquelles il nous faut davantage de précisions.

Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Morna Ballantyne (adjointe administrative au président national, Syndicat canadien de la fonction publique): Merci, monsieur le président.

Je suis l'adjointe administrative de Judy Darcy, notre présidente nationale, qui malheureusement est dans l'impossibilité de comparaître parce qu'elle assiste au congrès de nos membres du Nouveau-Brunswick.

Le Syndicat canadien de la fonction publique, le plus important syndicat du Canada, compte environ 460 000 membres, de secteurs très divers. Alors nous avons décidé d'innover un peu aujourd'hui. Notre délégation est composée de travailleurs de première ligne, pour ainsi dire, provenant de différents secteurs de notre syndicat, qui vont vous parler très directement de leur expérience personnelle et de l'incidence de la loi sur eux-mêmes et leurs collègues.

Notre déclaration sera donc très brève. Nous vous avons distribué un texte écrit.

[Français]

Je m'excuse auprès des francophones du comité. Nous n'avons pas pu traduire notre mémoire en français, mais nous sommes en train de le faire et nous vous en ferons parvenir des copies aussitôt que possible, peut-être demain.

[Traduction]

Certains d'entre nous sont bilingues et peuvent essayer de répondre aux questions en français.

Permettez-moi de présenter les membres de notre délégation. Cathy Remus est notre attachée de recherche principale et a participé à la rédaction du mémoire. Elle ne va pas lire le mémoire, mais va vous signaler certains passages importants.

Ensuite nous allons entendre le témoignage d'une professeure employée par le Conseil scolaire de Toronto; elle s'appelle Phyllis Diesenhouse et fait partie de notre section locale 3452 à Toronto.

Ensuite, ce sera le tour d'Alex Taylor, assistant à l'enseignement à l'Université Carleton, ici à Ottawa, et membre de la section locale 2323.

Denise Hill est présidente de notre Division du transport aérien et représente 8 000 agents de bord. Comme vous pouvez le constater, nos membres proviennent de secteurs très variés. Un des députés disait tout à l'heure qu'il ne savait pas que les agents de bord faisaient partie du SCFP.

Richard Balnis est attaché de recherche et travaille dans notre secteur fédéral, surtout à la Division du transport aérien.

Je devrais dire au départ que nous avons essayé de mettre l'accent sur les questions qui auront un effet sur nos membres. Le Congrès du travail du Canada, auquel nous sommes affiliés, vous a déjà envoyé un mémoire écrit, et vous allez peut-être aussi entendre ses représentants, si votre programme de travail le permet.

Je tiens aussi à dire que nous souscrivons entièrement aux amendements et aux opinions présentés par le Congrès du travail du Canada, et notre exposé veut compléter le mémoire du CTC.

Je vais donc rapidement passer le micro à Cathy.

.0925

Mme Cathy Remus (attachée de recherche, Syndicat canadien de la fonction publique): Je voudrais prendre quelques minutes pour présenter au comité les points saillants de notre mémoire afin que vous puissiez entendre ensuite les opinions de nos membres et poser des questions.

Notre mémoire se situe dans le climat général affectant les employés du secteur public au Canada aujourd'hui, où l'on voit d'énormes pertes d'emplois à tous les niveaux, fédéral, provincial et municipal, emplois que l'on compte retrouver dans le secteur privé.

Nous présentons dans notre mémoire certaines des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas aussi optimistes que le gouvernement fédéral concernant les nouveaux emplois. Les prévisions en matière d'emplois dans le secteur privé et la projection du taux de chômage indiquent qu'il n'y aura pas beaucoup d'amélioration dans les prochaines années. C'est pour cette raison que nos membres qui font face à l'éventualité du chômage attachent encore plus d'importance à un régime d'assurance-chômage solide et s'inquiètent beaucoup de ce que ces changements puissent supprimer leur admissibilité à l'assurance-chômage au moment où ils en ont le plus besoin.

Les trois questions que nous soulignons sont: les exigences plus strictes en matière d'admissibilité, y compris le remplacement d'un système hebdomadaire par un système horaire; la pénalité pour ceux qui ont déjà eu recours à l'assurance-chômage, ce qui est le cas d'un grand nombre de nos membres; et la réduction générale des prestations.

Remplacer le calcul des semaines par le calcul des heures aura pour effet, selon notre analyse, d'exclure un grand nombre de personnes qui sont actuellement admissibles à l'assurance-chômage. Nous avons examiné l'analyse de DRH selon laquelle l'incidence sera essentiellement neutre, c'est-à-dire qu'il y aura autant de personnes admissibles une première fois en vertu des nouvelles règles, des employés à temps partiel, qu'il y aura de personnes qui deviendront inadmissibles.

Nous nous posons des questions au sujet de ces chiffres, et nous voudrions que le comité demande à DRH d'en faire une étude plus poussée. Nous savons qu'il y aura parmi nos membres davantage de personnes inadmissibles en vertu des nouvelles règles parce qu'elles ne travaillent pas suffisamment d'heures. Alors nous demanderions au ministère d'examiner la situation de plus près et de dire au comité combien de personnes seront exclues du régime.

La question du recours fréquent touche un certain nombre de nos membres, notamment dans le secteur de l'éducation, et nous voudrions en discuter avec vous aujourd'hui. À notre avis, il y a de bonnes raisons qui justifient leur admissibilité à l'assurance- chômage, et nous voudrions vous les exposer.

La troisième question est la réduction générale des prestations. Nous estimons que c'est une mesure qui n'est pas raisonnable dans le contexte actuel, pour les raisons que j'ai déjà expliquées, puisque les employés de la fonction publique ont besoin d'un régime d'assurance-chômage solide, et il faut aussi signaler que le régime accuse actuellement un excédent. Nous avons beaucoup de mal à comprendre le genre de réductions des prestations qu'on envisage.

Aux dernières pages de notre mémoire se trouvent les amendements que nous recommandons. Le président a parlé d'améliorations au projet de loi, et nous avons un certain nombre de propositions à formuler que je voudrais passer en revue rapidement.

Notre premier amendement concerne l'objectif que s'est fixé le gouvernement d'éliminer10 p. 100 des coûts du programme. Nous estimons qu'il faudrait rejeter cette mesure, qui, à notre avis, n'est pas nécessaire et n'est pas raisonnable du point de vue économique dans le contexte actuel.

Notre deuxième recommandation, c'est que l'excédent de l'assurance-chômage soit réinvesti dans le régime plutôt que de servir à résorber le déficit et la dette. Nous estimons qu'on pourrait apporter un certain nombre d'améliorations traditionnelles au programme tout en adoptant des mesures novatrices grâce au réinvestissement de ces fonds.

Notre troisième modification recommande de protéger les recettes du programme, ce qui signifie donc que les cotisations ne devraient pas être réduites. Quatrièmement, les programmes de formation professionnelle devraient être financés à même les recettes générales, et non pas à même la caisse d'assurance- chômage. Cinquièmement, les nouvelles règles ne devraient pas exclure les personnes qui sont actuellement admissibles et qui continuent à verser leurs cotisations. Sixièmement, il ne devrait pas y avoir de pénalité pour les prestataires réitérants, et, en dernier lieu, il faudrait consulter les intervenants sur toutes les questions concernant le financement, la conception et les dépenses du programme d'assurance-chômage.

.0930

Vous trouverez des détails concernant ces suggestions dans le mémoire, mais j'aimerais maintenant demander à Phyllis de vous présenter sa perspective.

Mme Phyllis Diesenhouse (Syndicat canadien de la fonction publique): Mesdames et messieurs, membres du comité, monsieur le président, je travaille comme professeure dans un programme pour personnes âgées offert par le Conseil scolaire de Toronto. Je travaille depuis huit ans à temps partiel à l'éducation permanente, où j'enseigne à des personnes de plus de 60 ans des techniques comme la fabrication de courtepointes, la couture, le tricot, la peinture, etc. Mes élèves ont de 60 à 100 ans. Beaucoup de ces personnes âgées habitent une chambre en ville, et ce programme leur offre un contact avec les autres, allège leur isolement, leur permet de fréquenter d'autres personnes, de réapprendre certaines techniques et d'en apprendre de nouvelles. Ces gens sont mes amis.

Le programme compte 6 000 participants. Je travaille dans des centres communautaires, des sous-sols d'églises, des centres de jour pour personnes âgées, des foyers, etc. J'ai un brevet d'enseignement et je suis professeure, et non pas monitrice, animatrice ou spécialiste de la réadaptation.

Mes cours sont adaptés au niveau de connaissance de mes élèves. Je dois faire appel à mes talents de gérontologue, de professeure d'artisanat et de pédagogue spécialisée en même temps.

Je vous parle de cela parce que je voudrais que vous compreniez la nature spécialisée de mon travail. Je parle au nom de 100 autres professeurs qui font un travail semblable et de 500 professeurs d'anglais langue seconde qui travaillent à temps partiel pour le même service que moi auprès des immigrants. Nous appartenons à la section locale 3452 du Syndicat canadien de la fonction publique.

Nos contrats avec le conseil scolaire ont une durée de trois mois et sont renouvelés chaque fois. Nous n'avons pas de contrats annuels. Nous relevons de la catégorie des moniteurs; nous ne sommes pas considérés comme des professeurs.

Depuis quelques années, je dois me battre afin de pouvoir continuer mon travail. Notre programme a subi des réductions de 35 p. 100 à cause des compressions budgétaires faites au sein du conseil. Notre programme d'été a été éliminé. Nous sommes mis à pied pendant trois mois en été et six semaines à Noël. La province voulait réduire de 400 millions de dollars les fonds consacrés à l'éducation, et visait particulièrement l'éducation des adultes.

Je travaille à temps partiel. Mais compte tenu de l'achat des fournitures, des déplacements d'un centre à l'autre - je donne des cours dans 10 endroits différents toutes les semaines, et mes trajets durent au moins une heure par jour - et du travail de préparation, le conseil estime que mon emploi est un emploi à plein temps.

Je suis rémunérée pour les heures où je n'enseigne pas, car elles sont comptées dans ma paie. Aux fins de l'assurance-chômage, je déclare 16 heures d'enseignement par semaine. En réalité, je travaille 25 heures par semaine. Aux fins de l'assurance-chômage, je ne déclare pas le temps de déplacement et le temps de préparation, mais seulement les heures d'enseignement pour lesquelles je suis rémunérée.

Auparavant, je travaillais 44 semaines par année et je n'avais pas besoin de l'assurance-chômage. Au cours des deux dernières années, notre programme a été comprimé, et j'ai été forcée de compter sur l'assurance-chômage à Noël et en été. C'est indépendant de ma volonté.

À Toronto, on envisage d'exiger que quelqu'un travaille 595 heures avant d'être admissible à l'assurance-chômage. Quant à moi, je travaille un total de 550 heures par année. Dans ma section locale, nous sommes 600 enseignants à temps partiel, et aucun ne sera admissible à l'assurance-chômage. Sans l'assurance-chômage, nous ne pourrons pas continuer de faire le travail que nous adorons.

Trouver du travail dans notre domaine est difficile, voire impossible. Je l'ai dit: nous formons un groupe spécialisé et nous serons des laissés-pour-compte. L'exigence des 595 heures avant d'être admissible va également mettre en péril nos programmes, car les enseignants que nous sommes devront chercher du travail à temps plein dans un autre domaine.

Nous avons lutté pour maintenir ce programme à l'intention des personnes âgées. Il est économique, redonne aux gens confiance en eux-mêmes et leur permet de rester au sein de la collectivité, chez eux. Nous arrivons à peine actuellement à joindre les deux bouts en faisant ce travail.

Sans compter les prestations d'assurance-chômage, j'ai gagné 15 000 $ l'année dernière. Nous ne demandons pas la charité. Nous cotisons à l'assurance-chômage. Avec les nouvelles exigences, nous continuerons de cotiser sans toutefois pouvoir en bénéficier. La caisse d'assurance-chômage n'est pas déficitaire, mais excédentaire. Je sais que je viens de dire une chose que vous savez déjà. Quant à moi, je ne veux pas dépendre de l'assurance-chômage, mais je n'ai pas le choix. C'est à cause des compressions qu'on a fait subir à notre programme que j'ai été forcée de m'y résoudre.

Puisque vous envisagez d'adopter les dispositions de ce projet de loi, songez aux conséquences que ces modifications vont avoir pour les enseignants, les personnes âgées et les immigrants vulnérables.

Étant donné le marché du travail, ma propre situation se répète pour des milliers de Canadiens. Nous travaillons à temps partiel, sans sécurité d'emploi, nous rendons service tout en remplissant des tâches qui nous valorisent. Il fut un temps où nous pouvions compter sur des emplois offrant sécurité et avantages sociaux, mais malgré la nouvelle donne nous continuons à faire notre travail.

.0935

Pour ma part, je ne souhaite pas quitter mon emploi pour me recycler dans un domaine qui me permettra d'accumuler les heures nécessaires pour être admissible à l'assurance-emploi. J'ai un travail que j'adore, et étant donné les réalités de la situation actuelle, je suis forcée de compter sur l'assurance-chômage. Si vous voulez que ce fonds nous aide, nous et tous ceux qui font un métier utile et veulent le conserver, il faut que soit nous soyons exemptés des nouvelles règles horaires, soit que vous renonciez à apporter cette modification.

L'assurance-chômage nous aide considérablement actuellement. Il faut espérer une reprise de l'économie, et que nous n'aurons plus besoin de compter sur elle. Actuellement l'assurance-chômage apporte une aide vitale à point nommé. Merci de m'avoir écoutée.

M. Alex Taylor (Syndicat canadien de la fonction publique): Je m'appelle Alex Taylor. Je suis assistant à l'enseignement et à la recherche à l'Université Carleton. Ces modifications me posent deux inquiétudes essentiellement.

Tout d'abord, il y a le dialogue que nous avons engagé il y a un certain temps avec l'ex-ministre des Ressources humaines, M. Axworthy. Je voudrais me reporter à une déclaration de M. Axworthy qu'il nous a transmise dans une lettre.

À propos des étudiants des cycles d'études supérieures, il dit: «Pour ceux qui se trouvent dans cette situation, le chômage est prévisible, et il faut le prévoir et s'y préparer.» Quand il parle de le prévoir et de s'y préparer, on peut supposer que M. Axworthy a deux choses en tête. Tout d'abord, une forme de planification financière exigeant de gagner beaucoup d'argent en hiver et de s'en servir pendant la période creuse de l'été. Il songe sans doute aussi au fait que nous pourrions prévoir de trouver un emploi d'été. Permettez-moi de vous parler brièvement du budget d'un étudiant inscrit aux études supérieures, en l'occurrence, à notre université.

Je gagne 6 600 $ pendant les huit mois où j'exerce les fonctions d'assistant à l'enseignement et à la recherche. Ce salaire est fixé par les règlements provinciaux et fédéraux. En effet, je n'ai le droit de travailler que 260 heures par année. Si je travaille plus de 260 heures par année, je ne peux plus prétendre être étudiant aux études supérieures à temps plein. Dans ces conditions, je perds mon droit à une bourse. Je perds également la moitié de mon salaire d'assistant à l'enseignement et à la recherche, car il y a un rajustement prévu.

En plus de ces 6 600 $, j'ai une bourse de 3 500 $. Autrement dit, mon revenu total pour une période de huit mois est de 10 100 $. L'année dernière, j'ai versé 4 300 $ en frais de scolarité, et cette année je devrai en verser 5 100 $. On remarquera que c'est considérablement plus que ce que versent les étudiants du premier cycle, et il faut ajouter que, toutes proportions gardées, quant à nous, nous utilisons une bien moins grande part des ressources de l'université.

Ainsi, il me reste 5 000 $ pour vivre pendant huit mois. Au cours de cette période, il m'en coûte 3 600 $ de loyer et de charges, c'est-à-dire 350 $ par mois de loyer et 100 $ supplémentaires pour les charges et autres dépenses. Il me reste donc maintenant 1 400 $, que je dois employer évidemment à acheter de la nourriture. Disons que cela coûte 5 $ par jour, ce qui n'est pas beaucoup, c'est-à-dire 150 $ par mois. Au cours d'une période de huit mois, cela représente 1 200 $. Il me reste donc 200 $ pour les livres, les vêtements et le transport par autobus.

On constate donc que dans ces conditions je n'ai guère la possibilité d'économiser en prévision de l'été. Si je le faisais, il faudrait que je cesse de payer mon loyer, mes frais de scolarité, ou encore que je ne mange pas. C'est tout simplement impossible. Je ne gagne pas assez d'argent et je n'ai pas les moyens d'en gagner davantage.

La politique gouvernementale actuelle de compression du financement des études postsecondaires ne fait qu'aggraver la situation, et à cela s'ajoutent les réductions de budget imposées au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et au Conseil de recherches en sciences humaines, car ce sont eux qui financent directement mes bourses et ma recherche. L'année dernière, ces conseils ont subi une coupure de 15 p. 100, et il y en aura une autre de 3,4 p. 100 cette année. Par-dessus le marché, le gouvernement provincial, celui de M. Harris, a fait des compressions substantielles dans le domaine de l'éducation.

Les emplois maintenant. C'est très bien, si vous pouvez en obtenir un, mais le tiers de mes collègues n'ont pas trouvé d'emploi l'été dernier. Que voulez-vous qu'ils fassent? Nous ne sommes pas admissibles à l'aide sociale, car nous sommes étudiants à temps plein. Si nous ne sommes pas admissibles à l'assurance- chômage et que nous ne trouvions pas de travail, nous sommes forcés d'arrêter nos études. La plupart des membres de ma section locale ont déjà passé cinq ou six ans aux études.

.0940

Cela m'amène à une autre série d'arguments. Ils portent sur le projet de loi C-111, que l'on présente comme une mesure de création d'emplois. Le gouvernement fédéral a annoncé que cette mesure créerait des emplois en faisant valoir trois choses. Permettez-nous de vous faire remarquer qu'il s'agit là des trois grands mythes du chômage.

Premièrement, il y a le mythe voulant que l'assurance-chômage crée une culture de dépendance et dissuade les gens de travailler. Je mets les décideurs fédéraux au défi de me fournir des données empiriques à l'appui quand ils prétendent cela. Pour ma part, j'ai une vaste expérience de la recherche en sciences sociales. J'ai été incapable de trouver quoi que ce soit à l'appui de ce mythe, et rien dans le document qu'on nous a fourni ne nous porte à croire que le gouvernement fédéral a fait de la recherche pour appuyer cette affirmation.

L'autre mythe en matière de chômage est le mythe de l'inadaptation. Voici ce qu'on affirme dans ce cas-là: il y a des tas et des tas d'emplois, mais les diplômés universitaires n'ont actuellement pas les compétences requises pour les occuper.

Pour tenir, cette affirmation doit supposer que l'on peut prouver deux choses. Tout d'abord, il faut pouvoir prouver qu'il existe un grand nombre d'emplois bien rémunérés pour lesquels on ne trouve pas de gens compétents. Ce n'est absolument pas le cas. En fait, pour la plupart des emplois à temps plein, il y a des centaines de postulants.

Ensuite, pour prouver qu'il y a inadaptation, il faudrait pouvoir démontrer qu'il y a toute une gamme de compétences que les diplômés d'aujourd'hui n'ont pas. Encore une fois, ce n'est pas vrai, et j'en veux pour preuve les chiffres préparés par l'Université du Nouveau-Brunswick concernant le génie. D'ordinaire, on estime qu'en génie on acquiert toute une gamme de compétences très recherchées. Dans ce secteur, on a constaté une réduction considérable du nombre de diplômés ayant pu trouver une situation une fois leur diplôme en poche. En effet, depuis 10 ans, la proportion d'ingénieurs ayant réussi à se placer est passée de 91 p. 100 à 68 p. 100. On peut imaginer que dans les autres disciplines, notamment la recherche fondamentale, les sciences sociales, les arts, la situation est encore plus déplorable.

Il y a un troisième mythe en matière de chômage, celui de l'effet de ruissellement. Il semble résulter en grande partie de la politique macro-économique de création d'emplois poursuivie par le gouvernement. Voici ce que signifie le ruissellement. On se dit que si le gouvernement allège les taxes imposées au secteur privé, abaisse ses cotisations d'assurance-chômage, etc., cela libérera du capital pour que le secteur privé crée des emplois. Ici, encore une fois, il est difficile de trouver des données empiriques à l'appui, car il se trouve que le secteur privé ne crée pas d'emplois actuellement. En fait, étant donné le climat économique actuel, il ne semble pas y avoir de rapport direct entre les bénéfices réalisés par l'entreprise privée et la création d'emplois.

Cela étant, je vous pose la question. Que compte faire le gouvernement fédéral pour créer des emplois, particulièrement des emplois destinés aux gens qui appartiennent à mon groupe d'âge, notamment des emplois d'été permettant aux gens de ma génération de terminer leurs études? Ce qui est encore plus important, que comptez-vous faire pour ceux qui ont déjà un diplôme et qui ne peuvent pas trouver de travail?

Merci.

Le président: Merci, monsieur Taylor.

Madame Hill.

Mme Denise Hill (présidente, Division du transport aérien, Syndicat canadien de la fonction publique): J'ai remis des copies de mes remarques, et je suppose qu'elles ont été distribuées et que vous les avez sous les yeux.

Je m'appelle Denise Hill. Je suis présidente de la Division du transport aérien du SCFP et je suis également agente de bord.

Cette division du syndicat représente 8 000 agents de bord qui travaillent pour Air Canada et pour les Lignes aériennes Canadien International, de même que pour les associés de ces sociétés, Air Alliance, Air Nova, Air Ontario, les lignes aériennes régionales Canadien, la société Inter-Canadien et les transporteurs indépendants comme Air Transat et First Air. Le document préparé par Développement des ressources humaines Canada qui accompagnait le projet de loi C-111 à l'origine affirmait avec confiance que chacun sait ce que représente une heure de travail. Le gouvernement a donc pensé qu'il suffisait d'introduire cette notion dans les anciennes dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage pour créer un nouveau système.

.0945

Pour la plupart des travailleurs, il est facile de déterminer ce qui constitue les heures travaillées. Pour les agents de bord et les pilotes, il n'en est rien. En fait, le recours à ce nouveau régime horaire va pénaliser les agents de bord, car les dispositions législatives envisagées ne tiennent pas compte des conséquences que ce nouveau régime aura pour les travailleurs qui sont rémunérés en vertu d'une méthode spéciale de calcul de la paye.

Notre système de paye et nos règles de travail remontent aux années 30. Ils découlent d'un contrat imposé par les employeurs aux travailleurs des lignes aériennes aux États-Unis en vertu de la Railway Labor Act, et ce contrat a été repris au Canada. Le principe de base veut que l'employé ne soit rémunéré que pour les heures de vol. Cette situation profite grandement à nos employeurs. En effet, l'employeur n'a pas à rémunérer un travailleur pour les vols annulés, ou encore pour le travail accompli à l'aéroport avant et après le vol, ou encore quand il y a des retards. En outre, n'est pas reconnu et n'est pas rémunéré tout le temps que l'employé passe loin de chez lui, à la disposition de son employeur pendant des affectations qui durent plusieurs jours.

Avec le temps, grâce à des négociations, un régime complexe de reconnaissance des heures a été élaboré pour tenir compte des réalités de notre travail, les annulations, les retards, les tâches accomplies à l'aéroport et le temps passé loin du domicile. Ainsi, désormais, une heure de travail pour les agents de bord peut signifier trois choses: premièrement, une heure de vol, rémunérée; deuxièmement, une heure de travail à l'aéroport, avec crédit de rémunération; et, troisièmement, une heure passée au travail, une heure où l'agent de bord est en service.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples pour illustrer cette situation. Une agente, à bord d'un vol allant de Toronto à Londres, passe 36 heures là-bas et revient. Cela veut dire qu'elle est éloignée de son domicile pendant 54 heures, qu'elle est en service pendant 18 heures, et qu'elle est rémunérée pour 15 heures de travail.

Une agente à bord d'un vol entre Toronto et d'autres villes canadiennes pendant une période de trois jours doit fournir 14 heures de service par jour. Dans ce cas-là, elle est loin de son domicile pendant 72 heures, est en service pendant 42 heures et, suivant le nombre d'heures passées dans l'avion, sa rémunération sera calculée en fonction de 15 à 30 heures de vol.

Les agents de bord de réserve, auxquels on fait appel pour combler des pénuries de personnel ou quand il y a des annulations, sont rémunérés pour 65 heures de vol par mois quand ils sont en disponibilité. En théorie, ces agents de bord pourraient ne pas faire d'heures de vol du tout, mais leur rémunération est garantie.

En règle générale, pour chaque heure de vol rémunérée, les agents de bord sont en service entre une heure et demie et quatre heures, c'est-à-dire en moyenne deux heures. En outre, le travail se faisant sans désemparer, le Code canadien du travail permet que ces employés travaillent 60 heures ou plus en une semaine, et quelques heures seulement ou rien du tout la semaine suivante.

Aux fins de l'assurance-chômage, en vertu des dispositions de l'ancienne loi, ce régime de rémunération ne posait pas de problème car l'admissibilité était fondée sur la rémunération hebdomadaire assurable, et non pas sur les heures de travail.

Le paragraphe 10(2) de l'ancienne loi, que l'on ne retrouve pas dans le nouveau projet de loi C-12, permettait une fluctuation des heures d'une semaine à l'autre dans le cas des agents de bord. L'alinéa 44 q) de l'ancienne loi, que l'on ne retrouve pas dans le projet de loi C-12, permettait, par règlement, de répartir la rémunération sur plusieurs semaines et de fixer une moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable pour déterminer la période de référence des prestataires, et ce, en vertu des règlements 58(2) à 58(4).

Étant donné ces dispositions, le talon de chèque de paie d'un agent de bord où figurent les heures de vol et les crédits, à l'exclusion des heures de service, était tout à fait acceptable par les responsables de l'assurance-chômage, étant donné qu'un relevé d'emploi doit faire état seulement du nombre de semaines assurables, et non pas du total des heures de service ou de travail.

Malheureusement, le projet de loi C-12 ne peut pas répondre à la situation réelle du travail des agents de bord. Voici quelles en sont les lacunes. Il n'existe pas de définition de «travail» dans la loi. La rémunération d'une heure de travail assurable est «calculée soit au temps ou aux pièces... soit de toute autre manière», ce qui ne tient pas compte de la distinction qui existe chez nous entre ces trois types d'heures ou de rémunérations.

À l'alinéa 7(4) b), on suppose que la semaine de travail comporte 35 heures et cela exclut notre travail, qui se fait sans désemparer.

Il est vrai que le paragraphe 54(z.1) prévoit que l'on prendra des règlements pour répartir les heures d'emploi assurable sur une période de référence, mais il n'est pas précisé comment les heures pour chacun des trois types de tâches que nous accomplissons seront réparties.

L'article 55 prévoit que l'on prendra des règlements pour établir combien d'heures d'emploi assurable une personne a accumulées, et cet article permet le recours à une méthode de calcul différente. Cette méthode de calcul sera déterminée par une entente avec les employeurs ou les employés et pourra être modifiée ou remodelée par la commission à tout moment.

.0950

Cette disposition tente de répondre à nos préoccupations, mais elle est injuste. Nos droits fondamentaux d'admissibilité sont livrés à des ententes bureaucratiques, qui seront peut-être conclues avec la seule participation de nos employeurs... ainsi, cela ne fera que perpétuer la situation, du fait que les caractéristiques particulières de notre travail ne sont pas reconnues.

Étant donné que l'on songe à passer à un régime horaire et étant donné les échappatoires que nous avons signalées, nous risquons, nous les agents de bord, de ne plus être admissibles aux prestations d'assurance-chômage. Si nous le sommes, les prestations seront peut-être inférieures, même si nous continuons de travailler pour le même employeur pendant des années.

Cet oubli est peut-être accidentel, il est peut-être délibéré. Mais, quoi qu'il en soit, il faut le réparer pour protéger les droits actuels des agents de bord. Il faut donc que le projet de loi C-12 soit amendé à l'avenant. Au bas mot, toute entente qui serait conclue aux termes de l'article 55 doit être approuvée par les employés concernés. En outre, toutes les heures de service fournies par un agent de bord doivent être comptées comme heures de travail, et il ne faudrait pas tenir compte seulement de la rémunération pour les heures de vol et des crédits accumulés.

Le président: Merci. Vous nous avez certainement fourni matière à réflexion. Merci de nous avoir signalé les difficultés potentielles qui pourraient se poser pour les travailleurs à cause des dispositions de ce projet de loi.

Nous allons passer aux questions. Je donne la parole à Mme Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde (Mercier): Merci beaucoup pour votre présentation fouillée, qui illustre la nécessité pour les travailleurs de toutes catégories d'être organisés. Si vous n'étiez pas organisés en syndicats, nous n'aurions pas entendu les représentations sur vos différents lieux de vie de travail. Nous entendons aussi, par votre entremise, des gens qui sont passionnés par leur travail, qui ont de la formation et pour qui l'assurance-chômage est indispensable pour continuer à être exceptionnellement utiles socialement.

Quand ce projet de loi est apparu, outre le fait qu'il avait comme principal objectif de faire des coupures d'environ deux milliards de dollars, il comportait cette transformation des semaines de travail en heures de travail comme base de calcul. À première vue, pour plusieurs, cela semblait plus juste, mais plus le temps passe, plus nous voyons qu'au contraire, ce n'est pas le cas, parce que pour de très nombreuses personnes, une heure de travail ne veut pas dire une heure d'emploi et une heure de salaire.

Je pourrais probablement dire que la tendance des nouveaux emplois va plutôt dans le sens d'un travail qui n'est pas rémunéré à l'heure, d'où la non-pertinence de cette disposition sur le calcul des heures. Vous avez souligné dans votre présentation, madame Hill, que la seule façon de corriger cela serait de faire des négociations entre votre employeur et le ministère, ce qui, pour vous, pose des questions importantes. Donc, votre présentation devant le comité est extrêmement importante.

Avant de vous demander d'expliquer l'une de vos recommandations, je voudrais vous souligner - particulièrement à M. Taylor parce qu'il n'a peut-être pas vu ce qui me scandalise le plus dans ce projet de loi - qu'on a diminué le niveau de salaire où on paie une cotisation d'assurance-chômage. On l'a abaissé de 42 400 $ à 39 000 $. Savez-vous qu'on retranche ainsi 900 millions de dollars du fonds?

.0955

C'est extrêmement important. Il y des réformes à faire, mais au lieu d'abaisser le plafond de42 400 $ à 39 000 $, on aurait pu penser à faire payer, par exemple, les professeurs d'université, justement parce qu'ils ont moins souvent recours à l'assurance-chômage. C'est même une bonne raison pour payer une pleine cotisation sur 50 000 $, par exemple. Mais non, on fait en sorte que quelqu'un qui gagne beaucoup moins soit pénalisé et ne puisse plus compter sur l'assurance-chômage.

Il y a quelque chose d'illogique, d'incompréhensible dans ce projet de loi et on se demande quelle est la véritable intention du gouvernement. Si sa véritable intention était d'aider le monde comme vous, le gouvernement se serait tourné vers un meilleur partage de cet instrument qu'est l'assurance-chômage, en faisant payer les entreprises à haute intensité de capital au lieu de faire payer seulement les PME comme il le fait en ce moment. Si vous avez des remarques à faire là-dessus, vous serez le bienvenus.

L'une de vos recommandations en est une que je n'avais jamais vue à ce jour et j'aimerais que me l'expliquiez. Vous dites

[Traduction]

que quiconque est actuellement admissible et paie encore des cotisations en vertu du nouveau régime ne devrait pas perdre son admissibilité à cause des nouvelles règles.

[Français]

Expliquez-moi cela, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Remus: Je me rends bien compte que cela peut avoir l'air un peu vague, mais la question à laquelle nous nous attaquons ici, et sur laquelle vous trouverez de plus amples détails dans notre mémoire, est celle du nombre de travailleurs à temps partiel qui ne seront plus admissibles par suite de l'imposition d'un nombre minimum d'heures.

Sont présents ici aujourd'hui des représentants de trois catégories de travail différentes pour en témoigner. Je ne pense pas que le gouvernement a l'intention de faire la vie plus difficile aux travailleurs à temps partiel. Le gouvernement préconise que plus de travailleurs à temps partiel soient admissibles à l'assurance-chômage, et cela se produira jusqu'à un certain point. Toutefois, il y a tout un groupe qui ne le sera plus. Ainsi, la situation des travailleurs à temps partiel ne s'améliore pas même si nous sommes tous conscients du fait que l'économie évolue de plus en plus dans le sens du temps partiel et du travail temporaire.

Nous aurions bien du mal à vous dire où l'on devrait fixer la barre. Je ne sais pas si l'on peut affirmer que 595 heures, c'est trop pour Toronto, et qu'il faudrait que ce soit moins. Nous ne voulons pas proposer de chiffres, bien que nous ayons trouvé des exemples où les chiffres proposés ne vont pas. Nous voulons cependant bien signaler qu'il ne faudrait pas omettre de reconnaître qu'il y a des gens qui seront confrontés au même problème que nous.

[Français]

Mme Lalonde: Pourrais-je vous demander de nous donner des exemples concrets? Il est important de connaître les défauts de la future loi. Vous avez utilisé les mots «des exemples concrets», n'est-ce pas? J'aimerais bien que vous nous en donniez par écrit, si ce n'est trop vous demander, pour qu'on s'en serve et qu'on les rappelle constamment. Si vous avez d'autres exemples, il est extrêmement important de nous les donner.

M. Taylor: Je vais parler en anglais parce que je n'ai pas un vocabulaire suffisant en français.

[Traduction]

Voici un exemple qui illustre le problème auquel nous sommes confrontés: les dispositions de la nouvelle loi nous mettent dans l'impossibilité d'être admissibles, car la législation provinciale nous interdit de travailler plus de 260 heures au cours d'une année universitaire. Nous ne pourrons jamais être admissibles. Toutefois, nous allons toujours devoir verser des cotisations. Je m'empresse d'ajouter qu'aucun d'entre nous ne souhaite toucher l'assurance- chômage, car nous voulons des emplois pendant l'été et quand nous aurons obtenu notre diplôme.

.1000

Le président: Monsieur Johnston.

M. Johnston (Wetaskiwin): Bonjour.

Avec votre première proposition d'amendement, vous semblez dire que vous n'appuyez pas la réduction du taux de cotisation. Vous dites qu'un taux de cotisation stable et raisonnable ferait en sorte que le programme serait durable sans exiger d'avoir recours à des réductions des prestations. Je vais vous poser deux questions. De toute évidence, vous souhaiteriez que la caisse soit autonome, qu'il s'agisse d'un fonds séparé, et pourtant vous êtes contre une augmentation des taux de cotisation. Pouvez-vous nous expliquer cela?

Mme Remus: Vous avez raison: nous nous demandons s'il est opportun de réduire le taux de cotisation en ce moment. Selon nous, il est tout à fait logique que le programme soit durable, et il semble maintenant qu'il peut l'être. Il existe un excédent salutaire qui grossit encore.

Si nous sommes contre l'idée de réduire les dépenses totales au titre de l'assurance-chômage, c'est à la fois pour des raisons économiques et morales. Une ponction de 1,9 milliard de dollars dans l'économie en ce moment va se faire sentir au niveau des collectivités où les chômeurs dépensaient cet argent, et nous nous demandons si le gouvernement s'est bien demandé quelle incidence cela aurait dans ces collectivités.

Il y a ensuite les arguments concernant les avantages économiques de l'assurance-chômage. Elle permet de maintenir la confiance des consommateurs en période de chômage et de maintenir une main-d'oeuvre active compétente à la disposition des employeurs. Par exemple, Phyllis est une enseignante très spécialisée, et si elle devait trouver du travail dans un autre domaine, non seulement ce serait un gaspillage, mais le conseil scolaire serait aussi dans une mauvaise passe l'automne prochain, forcé qu'il serait d'embaucher du personnel non qualifié.

Ce n'est pas de leur propre gré que les gens choisissent d'être mis à pied annuellement, car cette situation est dictée par la réalité économique à laquelle les employeurs font face. Nous pensons que les travailleurs qui sont dans ce cas-là méritent qu'on les aide.

M. Johnston: Je reviens sur le taux de cotisation que vous ne souhaitez pas voir réduire. Voulez-vous qu'il soit augmenté ou qu'il reste le même?

M. Taylor: Je ne vois rien à redire aux cotisations actuelles. Nous ne voulons pas qu'elles soient réduites, car nous ne pouvons pas admettre que leur réduction constitue la mesure de création d'emplois que l'on vante.

Permettez-moi de citer le document:

Ce sont des théories économiques de ruissellement, et il n'y a pas de données empiriques sur lesquelles s'appuyer pour affirmer cela. Je tiens à signaler que ce genre d'expérience sociale a déjà été tentée auparavant, aux États-Unis notamment, et les résultats furent lamentables. Pourquoi donc essayons-nous à notre tour de recourir à une mesure qui s'est révélée désastreuse en matière de création d'emplois? Voilà ce à quoi nous nous opposons, car ce n'est pas là véritablement une mesure de création d'emplois. Il s'agit d'une subvention déguisée à l'entreprise.

.1005

M. Johnston: J'avais cru comprendre que la réduction du taux s'appliquait à l'employé, et non pas à l'employeur.

Hier, le ministre, qui comparaissait devant le comité, nous a dit que sur une période de quatre ou cinq ans il y avait en moyenne 120 000 personnes par année qui percevaient des prestations d'assurance-chômage alors qu'elles n'y avaient pas droit.

Que pensez-vous d'un genre de fonds autogéré auquel contribueraient chaque employé et son employeur au même taux qu'actuellement, la caisse étant assignée à l'employé, qui pourrait y puiser un peu comme si c'était un REER? Un actuaire a proposé cela lors d'une téléconférence, et il s'agirait d'un compte personnalisé plutôt que d'une caisse.

Mme Ballantyne: Nous sommes contre cette idée.

À propos des cotisations - et je pense que c'est anecdotique plutôt que vérifié - nos membres sont très attachés à un régime d'assurance-chômage social. Que les personnes qui sont ici présentes me reprennent si je me trompe, mais je n'ai jamais entendu un travailleur se plaindre que les cotisations d'assurance- chômage étaient trop élevées. En fait, à l'heure actuelle, je pense que les travailleurs seraient prêts à cotiser davantage à un programme d'assurance-chômage et à d'autres programmes d'assurance sociale s'ils avaient la garantie que cela donne des résultats sur le plan social.

Votre proposition ferait du problème du chômage et de l'assurance-chômage un problème individuel. Nous ne pensons pas que le chômage soit un problème individuel. C'est une question sociale, qui mérite d'être résolue par un programme social. Comme pour tous les programmes sociaux, il y a un effet égalisateur.

Je vous l'ai dit, nos membres ne sont pas tous sur un pied d'égalité du point de vue des revenus, car leurs salaires s'échelonnent dans une fourchette qui va du salaire minimum à 60 000 $ ou 70 000 $ par année.

À propos du maximum de la rémunération assurable, nos membres sont plutôt des tenants de l'idée que tout le monde doit partager, contribuer à un programme social, afin que l'on puisse s'occuper des régions qui connaissent des taux de chômage élevés à cause de circonstances indépendantes de la volonté des gens qui y habitent.

Nous pensons que ce serait une erreur de choisir un tel régime, car cela est tout à fait contraire à cette théorie.

Vous avez fait un rapprochement avec les REER. Notre syndicat et le mouvement syndicaliste ont toujours appuyé la notion de pension sociale, de caisse de pension élargie. Nous préférerions de loin que le Régime de pensions du Canada soit un régime universel, accessible à tous, auquel tout le monde doit cotiser, et que personne n'ait à compter sur des régimes privés en prévision de la retraite. Voilà, nous sommes contre cette idée.

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Vous l'avez dit vous-mêmes, et plusieurs autres syndicats qui sont venus témoigner l'ont dit aussi: il n'y aurait pas lieu de réduire l'assurance-chômage, car la caisse est actuellement excédentaire, et en fait, à la fin de l'année, l'excédent sera d'environ 5 milliards de dollars.

En réponse à cela, le gouvernement dit que l'excédent, s'il est de cinq milliards de dollars à la fin de l'année, n'est en réalité qu'un excédent du compte courant, qui doit être utilisé, premièrement, pour couvrir le déficit que la caisse a enregistré pendant les années précédentes où le chômage était plus aigu et, deuxièmement, pour constituer une réserve plus acceptable qui permettrait de couvrir le prochain ralentissement économique et d'éviter ainsi ce qui s'est produit la dernière fois. On a dû augmenter les cotisations pendant que le chômage était élevé. Je suis d'accord là-dessus: quand le taux de chômage est élevé, ce n'est pas le moment d'accroître les cotisations.

.1010

J'aimerais savoir ce que vous pourriez répondre à cela, car nous avons entendu beaucoup de témoins nous dire la même chose que vous, alors que le gouvernement présentait l'argument que je viens d'évoquer, et je voudrais savoir comment vous réagissez à ce que dit le gouvernement pour réfuter en quelque sorte l'argument selon lequel il y aurait un véritable excédent. Le gouvernement dit qu'il s'agit en réalité d'un excédent du compte courant, qui doit servir à payer le déficit des années précédentes et à constituer une réserve plus solide.

Mme Remus: D'après ce que j'en sais, le gouvernement a effectivement dû contribuer au programme d'assurance-chômage. Encore là, cependant, il ne faut pas en rejeter le blâme sur les travailleurs. Il faut plutôt blâmer les gestionnaires du programme, ceux qui ont établi les taux de cotisation, ceux qui avaient la responsabilité à l'époque de la gestion financière du programme.

Je crois que nous sommes d'accord pour dire que le programme devrait s'autofinancer. Nous ne voulons pas que le gouvernement doive intervenir et contribuer à la caisse d'assurance-chômage. Nous ne sommes toutefois pas convaincus que cette réduction était nécessaire pour atteindre cet objectif. Nous considérons que cette réduction est motivée par des considérations, non pas financières, mais politiques - que le gouvernement veut marquer des points en donnant l'impression de jouer les durs avec les chômeurs, alors même qu'ils vivent une situation extrêmement pénible.

Si le gouvernement était vraiment préoccupé par la situation, il ne serait pas en train de réduire le taux de cotisation. Seuls les représentants de certains secteurs de l'économie préconisent une réduction des taux de cotisation.

Si nous voulons que le programme s'autofinance à long terme, il faut tâcher de trouver le taux de cotisation qui permettra d'atteindre cet objectif.

M. Allmand: Ainsi, vous dites que, comme c'est le cas aux termes de la loi existante, les commissaires, le gouvernement, ont le droit d'établir les cotisations afin de les amener au niveau acceptable. Vous dites que, si la caisse a connu un déficit aussi important il y a de cela quelques années, c'est parce que les cotisations n'avaient pas été fixées au niveau voulu.

Mme Remus: En effet.

M. Allmand: Voici ma deuxième question: seriez-vous prêts à accepter la formule horaire si nous apportions des modifications aux règles d'admissibilité et au calcul des prestations? Je ne parle pas pour l'instant du problème des agents de bord, dont j'ai entendu parler pour la première fois ce matin seulement. Il s'agit d'un cas très particulier qu'il faudra examiner. Pourriez-vous accepter la formule horaire en principe? Nous savions que bien des travailleurs n'avaient jamais droit à l'assurance-chômage parce que certains employeurs s'assuraient qu'ils ne travaillent pas plus de 15 heures par semaine. Nous voulons qu'ils aient droit à cette protection. Le problème qui se pose dans le cas de beaucoup d'enseignants de Toronto, par exemple, et peut-être aussi des attachés de recherche, tient à la façon de calculer les prestations et de déterminer l'admissibilité selon la formule horaire.

Plusieurs amendements sont en voie d'être élaborés pour remédier à cela. Si nous pouvions corriger certains de ces problèmes, seriez-vous prêts à accepter en principe la formule horaire, si nous mettons de côté pour l'instant le cas des agents de bord?

Mme Remus: Dans notre mémoire, nous disons effectivement que nous approuvons cette formule en principe et que nous trouvons qu'il est bien de vouloir inclure les travailleurs à temps partiel qui, jusqu'à maintenant, n'étaient pas inclus. C'est toutefois quand on entre dans le détail du nombre d'heures exigé qu'on se rend compte de l'incidence de la nouvelle formule et du fait qu'elle défavorisera des groupes assez importants parmi les travailleurs que nous représentons. S'il y avait moyen de corriger cela, nous serions certainement prêts à donner notre approbation.

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Merci d'être venus nous rencontrer ici aujourd'hui. Vous avez parlé de certaines questions concernant l'admissibilité et vous avez répondu aux points qu'a soulevés mon collègue M. Allmand. Je voudrais maintenant aborder avec vous certains autres aspects de la mesure proposée.

Dans votre mémoire, vous parlez d'un montant de 1,9 milliard de dollars qui serait retiré. Je crois savoir qu'il s'agit plutôt de 1,2 milliard de dollars, puisque 800 millions de dollars - et je ne sais pas pourquoi cela représente 8 p. 100 de sept milliards de dollars, quelle est la différence au juste - y seraient retournés sous forme de mesures actives, comme vous le savez sans doute.

D'après ce que j'en sais, le coût du programme sera réduit principalement au moyen de la récupération fiscale, de l'écart, du dénominateur et de la règle de l'intensité. Je crois les avoir énumérés à peu près dans l'ordre de leur importance.

Comme vous le savez sans doute, les membres de notre comité ont présenté des propositions visant à éliminer le problème causé par l'écart et à améliorer la situation en ce qui concerne le dénominateur, à faire en sorte que l'application soit plus équitable entre les différentes régions du pays et aussi à exempter les familles à faible revenu de la règle de l'intensité. Je ne vous ai rien entendu dire au sujet de ces propositions, de sorte que je ne sais pas dans quelle mesure vous en êtes conscients. J'ai besoin de savoir ce que vous en pensez, car si les propositions ne recueillent pas les appuis voulus, elles ne seront pas adoptées. À moins que nous entendions des témoignages en faveur des amendements que nous entendons présenter, je suis certain qu'ils n'auront aucune chance d'être adoptés, puisque le Conseil des ministres dira qu'en l'absence des appuis voulus, il ne sert à rien de s'intéresser à ces amendements. Je voudrais donc vous entendre là- dessus.

Je voudrais aussi vous entendre sur la question de la récupération fiscale des prestations versées aux personnes à revenu élevé, qui représente la réduction la plus élevée. Ayant discuté de cela avec les travailleurs et les électeurs de ma région de la Nouvelle-Écosse, je sais qu'ils trouvent inacceptable que ceux qui, chaque année, gagnent entre 50 000 $ et 60 000 $, puissent toucher chaque année entre 10 000 $ et 20 000 $ de prestations d'assurance- chômage. Ils estiment que le régime n'a pas été conçu pour ces gens-là.

.1015

Je n'ai encore entendu aucun syndicat appuyer cette mesure. Je ne sais pas si vous êtes d'accord pour dire que le coût a augmenté depuis 10 ans, mais le fait est que le coût du régime d'assurance- chômage est passé de neuf milliards de dollars à 20 milliards de dollars en l'espace de 10 ans. Les employés et les employeurs ont donc été appelés à payer des cotisations de plus en plus élevées au cours de cette période. Le gouvernement estime qu'il doit corriger la situation, et je préfère, pour ma part, que ce soit les personnes à revenu élevé qui soient touchées. Je crois que le public est aussi de cet avis. Je voudrais tout d'abord que vous me disiez ce que vous pensez de cela.

Deuxièmement, ne croyez-vous pas qu'il est logique que la caisse d'assurance-emploi serve à financer des mesures d'aide à l'emploi, quand on sait que les caisses d'indemnisation des accidents du travail, par exemple, servent à financer notamment des cours et des ateliers sur la sécurité au travail? Ne croyez-vous pas qu'un régime d'assurance moderne devrait pouvoir être utilisé pour financer des activités de ce genre?

Enfin, d'après les chiffres fournis par le gouvernement, 350 000 familles canadiennes à faible revenu profiteront du supplément du revenu familial, d'autant plus qu'elles seront exemptées - je l'espère - de la règle de l'intensité si les propositions que nous avons faites dans ce sens recueillent les appuis voulus. Les prestations des familles biparentales s'en trouveraient augmentées de 7 p. 100, tandis que celles des familles monoparentales augmenteraient de 10 p. 100.

Je voudrais que vous nous disiez ce que vous pensez de ces points que je viens de soulever.

Mme Remus: Vous avez soulevé beaucoup de points, alors dites- moi si... je ne cherche pas à éviter de répondre à quelque question que ce soit.

Tout d'abord, en ce qui concerne la récupération fiscale, je crois qu'il est louable de vouloir distinguer entre les personnes à faible revenu et les personnes à revenu élevé. Il ne fait aucun doute que certaines des mesures proposées visent à atténuer l'incidence des réductions sur les familles à faible revenu, et les analyses qui ont été faites sur les incidences montrent la façon dont les mesures seraient appliquées. Alors, oui, nous approuvons ces mesures.

Reste à déterminer ce qui constitue un revenu élevé. Je ne sais pas s'il y a bien des gens qui considéreraient que la personne qui gagne 39 000 $ par an a un revenu élevé.

M. Regan: À partir de quel montant alors aurait-on un revenu élevé? À partir de 50 000 $, de60 000 $... ?

Mme Remus: Je pourrais vous donner une opinion personnelle, mais c'est quelque chose qu'il faudrait déterminer; on pourrait s'engager sur une pente savonneuse qui nous amènerait à abaisser constamment le seuil de revenu élevé.

L'autre question dont il faut tenir compte est la suivante : du point de vue économique, n'est-il pas logique que les travailleurs, quelle que soit leur catégorie de revenus, puissent assurer leur survie économique en période de chômage? L'effet du chômage se fait sentir autant chez la personne à revenu élevée qui perd son emploi et qui ne peut pas faire ses paiements hypothécaires, par exemple, qui doit donc renoncer à sa maison, que pour quelqu'un...

M. Regan: Je parle toutefois de la personne qui, chaque année, se sert de l'assurance-chômage pour compléter son revenu. Il ne s'agit pas de la personne qui perd son emploi après avoir travaillé pendant plusieurs années, mais de celle qui gagne un salaire assez élevé et qui, chaque année, touche des prestations d'assurance-chômage.

Mme Remus: J'essaierai de répondre à vos questions dans l'ordre. Nous pensons qu'il est bien de vouloir atténuer l'effet des réductions sur les prestataires à faible revenu. Nous n'aimons pas la façon dont la règle de l'intensité sera appliquée, que ce soit pour réduire les prestations ou les récupérer par le biais de l'impôt, car nous estimons qu'il n'est ni nécessaire ni justifiable d'imposer une règle comme celle-là. Selon nous, personne ne choisit d'être au chômage et de subir une baisse de revenu chaque année. Personne ne choisit de se retrouver dans cette situation; quand on devient prestataire, c'est parce qu'on n'a pas le choix.

Vous nous demandez d'appuyer les amendements qui ont été proposés ou de vous dire ce que nous en pensons. Malheureusement, je ne sais pas en quoi consiste au juste ces amendements. Dans notre mémoire, nous faisons toutefois état des préoccupations que nous avons au sujet du dénominateur, de sorte que nous sommes sans doute sur la même longueur d'ondes sur ce point-là. Je ne sais pas trop ce que vous entendez par l'écart. Pour ce qui est de la règle de l'intensité, ce serait très bien d'en exempter les personnes à faible revenu, comme je l'ai indiqué, cependant, nous pensons que cette règle devrait être éliminée pour tout le monde, pas seulement pour les personnes à faible revenu.

Le président: Monsieur Taylor.

M. Taylor: Notre section locale est d'avis que les travailleurs ne sont pas à blâmer, que le problème est dû au fait que les employeurs profitent du régime d'assurance-chômage. Ils prennent des gens à leur service pendant huit mois, puis les mettent à pied pendant quatre mois ou pendant des périodes plus ou moins longues. À notre avis, le gouvernement devrait à ce moment-là pénaliser les employeurs qui font cela. Vous devriez leur dire : si vous voulez fonctionner comme cela, nous allons vous demander de combler le manque à gagner en payant des cotisations plus élevées.

Le président: Merci, monsieur Taylor.

Monsieur McCormick.

.1020

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox and Addington): Monsieur Taylor, je voudrais obtenir un éclaircissement pour m'aider à mieux comprendre ce que vous avez dit. Vous ne pouvez pas travailler plus d'un certain nombre d'heures pendant l'année scolaire. La formule horaire vous aidera-t-elle ou aidera-t-elle les personnes qui se trouvent dans votre situation pendant les mois d'été, où vous avez le droit de travailler - même si vous n'avez pas cette certitude?

M. Taylor: Si nous réussissons à nous trouver un emploi d'été, nous n'avons pas besoin de l'assurance-chômage. Cela ne nous aide pas, parce que le problème survient quand nous avons un emploi comme aide-enseignant pendant l'hiver, mais que nous ne trouvons pas d'emploi pendant l'été.

M. McCormick: Monsieur Taylor, il y a un dernier point sur lequel j'aimerais vous amener à réfléchir. Vous dites que l'économie de la percolation ne marche pas, mais les mesures de réemploi bien précises qui sont prévues dans le projet de loi et qui ont été mises à l'essai depuis deux ou trois ans donnent des résultats dans bien des régions du pays, bien que ce ne soit pas nécessairement le cas pour les membres de votre syndicat.

Ainsi, nous avons la preuve que les dizaines de milliers d'emplois qui ont été créés grâce aux mesures d'aide aux travailleurs indépendants ont fait une différence. Ces gens-là ont mis sur pied des entreprises qui ont embauché des employés. Je sais que tout le monde n'a pas l'étoffe d'un entrepreneur indépendant, mais bien des gens ont profité de ces mesures.

M. Taylor: Ça n'a pas marché pour les gens de ma catégorie d'âge. Je peux vous le dire sans la moindre hésitation. D'après les chiffres du gouvernement, le chômage dans ma catégorie d'âge atteint presque 20 p. 100, il est à ce niveau depuis un certain temps. Quelles que soient les projections sur lesquelles on se fonde, celles du gouvernement ou celles du secteur privé, la situation ne s'améliorera vraisemblablement pas.

Vous dites que ces mesures ont donné des résultats, mais le fait est que les économistes s'entendent pour dire qu'elles n'ont pas marché, que l'économie de la percolation ne marche pas et qu'il n'existe pas de preuve empirique pour étayer ces déclarations. Si elles marchent comme vous dites, pourriez-vous me dire sur quels documents, sur quelles preuves empiriques vous vous appuyez.

Le président: La question est tout à fait raisonnable, monsieur Taylor.

Je donne la parole à M. Nault pendant quelques secondes, pour lui permettre d'apporter une précision concernant un point qui a été soulevé tout à l'heure.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Je veux revenir à la question qu'a soulevée Mme Hill en ce qui concerne les agents de bord. Nous avons demandé au ministère de nous fournir une analyse des effets du passage d'une formule hebdomadaire à une formule horaire pour les agents de bord, les pilotes et les chefs et les mécaniciens de train, qui font tous en quelque sorte du travail à la pièce et qui sont donc soumis à un régime très différent de celui de la semaine de travail normale.

Je crois savoir qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau régime, le calcul se fera de la même façon qu'à l'heure actuelle, qu'il y aura très peu de changements, parce qu'il n'y a aucune raison de changer la façon de faire. Je tenais donc à apporter cette précision, à vous dire que vous pouvez vous attendre à ce que, dans le règlement d'application, le calcul se fera exactement comme à l'heure actuelle.

Ayant moi-même été à l'emploi des chemins de fer, je connais bien votre régime de travail. Je sais bien que le calcul ne peut absolument pas se faire à partir du nombre d'heures qu'on passe dans l'avion ou dans le train. Le calcul se fait uniquement en fonction du revenu hebdomadaire total, et c'est ainsi qu'on fera le calcul pour vous.

Je tenais à tirer cela au clair parce que je crois que vous aviez des inquiétudes à ce sujet.

Nous nous attendons bien sûr à ce qu'un projet de règlement soit élaboré à un moment donné. Nous devrons toutefois attendre de voir ce qu'il adviendra des amendements que nous avons proposés pour pouvoir vous dire ce que contiendra le règlement.

Vous n'êtes pas les seuls à être dans cette situation; il y en a bien d'autres qui font du travail à la pièce et pour qui le calcul ne peut pas se faire de la façon habituelle. Je tenais simplement à le préciser.

Quant à M. Taylor, je tiens simplement à lui dire que, pour les gens de son groupe d'âge qui sont diplômés et qui ont le même niveau de scolarisation que lui, le taux de chômage est de 5 p. 100. Le taux de 20 p. 100 dont il parle vaut pour ceux qui n'ont pas terminé leurs études secondaires. Pour ceux qui ont un diplôme d'études collégiales, le taux n'est que de 10 p. 100, et il tombe à 5 p. 100 pour ceux qui ont un diplôme d'études supérieures.

Je tenais à ce que ce soit bien consigné au compte rendu, puisqu'il donne l'impression que les gens de son groupe d'âge qui ont le même niveau de scolarisation que lui ont un taux de chômage de 20 p. 100. Ces statistiques ne sont pas conformes à la réalité.

Le président: Monsieur Taylor, vous pouvez répondre brièvement.

M. Taylor: En réponse à cela, les chiffres que vous citez se fondent sur une moyenne mobile, et cette moyenne mobile est déterminée à partir des données sur l'emploi des 30 dernières années. Si vous preniez toutefois les données d'aujourd'hui, vous constateriez qu'un diplôme universitaire est bien moins utile à ce chapitre qu'il y a cinq ans ou dix ans ou quinze ans ou vingt ans. Quand la majorité des gens dans cette salle étaient d'âge à fréquenter l'université, quiconque obtenait son diplôme universitaire avait plus ou moins l'assurance d'avoir un bon emploi après avoir terminé ses études. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

.1025

Ainsi, les chiffres que vous citez...

Une voix: [Inaudible - Rédacteur]

M. Taylor: J'ai bien du mal à le croire. Nous avons effectué un sondage auprès de nos membres...

Le président: Je dois vous interrompre. Je crois que ce que vous dites va de soi.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier de nous avoir présenté votre point de vue sur ce problème bien précis.

Après vous avoir entendu, notre comité est bien conscient qu'il n'a pas la tâche facile. Nous devons entendre les gens comme vous. Nous devons entendre les représentants du milieu des affaires. Nous devons entendre aussi les citoyens, qui payent les cotisations.

Le processus dans lequel nous sommes engagés est vraiment fascinant du fait que chacun a une perspective intéressante sur le projet de loi que nous étudions. Nous nous retrouvons dans un contexte... notre comité a certains paramètres qui doivent le guider dans son travail, mais notre principal objectif est de faire en sorte que le projet de loi soit aussi équitable que possible pour ceux qui auront besoin de l'assurance-chômage, mais aussi de tenter de moderniser le régime afin qu'il reflète la nouvelle réalité économique. Nous sommes tous conscients, j'en suis sûr, du virage important qui s'est produit à cet égard.

Monsieur Taylor, vous avez maintenant soulevé la question du chômage chez les jeunes. C'est là une question très importante en effet et le gouvernement doit s'y attaquer de façon sérieuse et cohérente. J'espère que, dans un avenir très rapproché, d'autres mesures viendront s'ajouter à celles qui ont déjà été prises, afin par exemple de doubler les fonds prévus pour offrir des emplois d'été aux jeunes... et que des efforts sérieux seront faits pour s'attaquer à ce problème, car si nos jeunes perdent espoir, notre pays n'aura pas un avenir aussi lumineux que celui qu'il pourrait avoir.

J'espère aussi que les Canadiens décideront un jour qu'il ne faut plus succomber à la tentation de vouloir jeter le blâme sur quelqu'un d'autre: les syndicats qui s'en prennent au gouvernement, le gouvernement qui s'en prend aux syndicats, les entreprises qui s'en prennent aux syndicats, et ainsi de suite. Je ne crois pas que c'est ainsi que nous pourrons réaliser des progrès. Il me semble que cette démarche antagoniste ne nous a guère été profitable. J'espère que nous pourrons travailler ensemble, syndicats, gouvernement et entreprises, dans un esprit de collaboration, non seulement sur le projet de loi que nous examinons, mais sur tout ce que nous pourrons entreprendre afin d'améliorer la qualité de vie des Canadiens. Voilà dans quel esprit notre comité veut travailler.

Merci beaucoup pour votre témoignage.

.1028

.1032

Le président: Le groupe suivant est la Fédération canadienne du travail: M. James McCambly, président, M. Terry Boudreau, secrétaire-trésorier; et Mme Patricia Parulekar, adjointe de direction du président. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de vous expliquer comment notre comité fonctionne. Vous avez souvent participé à des audiences de comité.

Comme vous le savez, nous aimons bien pouvoir poser des questions. Si vous voulez nous exposer rapidement les principaux points sur lesquels vous voulez insister, les membres du comité pourront ensuite cibler les questions auxquelles nous avons besoin de trouver des réponses. Je vous souhaite donc la bienvenue, et je suis sûr que vous nous aiderez à mieux comprendre le projet de loi C-12 et à trouver des moyens de l'améliorer. Merci.

M. James McCambly (président, Fédération canadienne du travail): Merci, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs. Tout d'abord, je sais que vous avez un peu de retard, et nous essaierons de réserver autant de temps que possible pour les questions, mais je tiens à vous signaler au départ que la réforme que subit l'actuelle Loi sur l'assurance-chômage est sans doute le changement le plus important des 30 dernières années. Il s'agit donc d'une réforme importante, et il est très difficile de n'en parler que brièvement.

Je tiens à préciser que la Fédération canadienne du travail, comme vous le savez bien, représente des travailleurs dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada et dans la plupart des secteurs économiques. Nous avons des préoccupations et des objections très très sérieuses en ce qui concerne le projet de loi C-12, mais nous nous sommes dit qu'au lieu de simplement critiquer et condamner le projet de loi, nous préférerions présenter brièvement au comité ce qui pour nous serait une formule acceptable et qui différerait légèrement de ce qui est proposé. Pour ce qui est de savoir dans quelle mesure ces changements pourront être mis en oeuvre, je suppose que nous pourrons en discuter pendant la période de questions.

Tout d'abord, pour vous donner une idée de notre point de vue, s'il y a lieu de changer le nom du régime d'assurance-chômage, nous croyons qu'il faudrait parler, non pas d'assurance-emploi, mais plutôt d'une assurance de soutien du revenu pour les travailleurs au chômage et en formation. Nous discuterons un peu plus tard de la formation, mais il s'agit-là d'un élément extrêmement important qui permet de faire en sorte que les travailleurs puissent acquérir les compétences voulues pour obtenir un emploi, conserver leur emploi ou en obtenir un nouveau.

À notre avis, la caisse doit servir essentiellement à accorder un soutien de revenu temporaire à ceux qui suivent des cours de formation légitimes ou qui connaissent des périodes de chômage temporaire. Le régime devrait, par ailleurs, être conçu en fonction de ceux qui paient les cotisations et non pas des principes de la commodité administrative.

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Certains des éléments du régime demeurent intacts dans le projet de loi, mais nous préconisons une formule selon laquelle les travailleurs pourraient mettre en banque leurs heures de travail, de façon que toutes leurs heures de travail puissent être reconnues peu importe à quel moment ils les auraient effectuées. Il faudrait travailler un minimum d'heures pour être admissible et établir un maximum d'heures qui pourraient être mis en banque. Il ne devrait y avoir aucune limite temporelle à l'accumulation de ces heures. À notre avis, le régime devrait être conçu non pas selon le principe de la commodité administrative, mais dans l'intérêt des gens eux-mêmes.

Nous croyons que le régime devrait être suffisamment souple pour tenir compte de toutes les heures de travail effectuées. Je songe ici à un exemple très important, et j'ai vu cela des milliers de fois dans les secteurs de la construction; bien souvent, ces travailleurs ont la possibilité de travailler une demi-journée ou un ou deux jours ou encore une semaine. Ces gens-là n'ont absolument aucun intérêt à accepter cette offre d'emploi quand ils touchent des prestations, parce que leur période de prestations continue de courir pendant ce temps-là. Nous soutenons que la période de prestations devrait être gelée à partir du moment où la personne retourne sur le marché du travail et qu'elle pourrait reprendre dès que la personne n'aurait plus de travail, peu importe la durée de la période de travail.

Je tiens à vous dire que j'ai rencontré hier sur le mail une personne que je connais qui avait perdu son emploi dans un magasin de vêtements et qui avait eu la possibilité de travailler pendant neuf semaines à 200 $ par semaine, alors qu'elle avait déjà présenté une demande de prestations. Elle a accepté le travail qu'on lui offrait. Ce n'est guère intéressant d'accepter une offre comme celle-là quand on a déjà fait une demande de prestations et que la période de prestations continue de courir pendant ce temps-là. C'est ridicule. L'effet dissuasif est énorme, et le régime est conçu pour répondre aux besoins, non pas de la personne, mais du régime. Nous soutenons que, comme le régime doit être transformé en profondeur étant donné la technologie dont nous disposons à l'heure actuelle, nous devrions pouvoir le structurer de manière à répondre aux besoins du client - de l'employé ou du chômeur.

Nous sommes pour un régime fondé sur la mise en commun du risque. Les gens qui ont la chance d'avoir un emploi stable ne toucheront pas des prestations aussi souvent ni dans une mesure aussi importante que ceux qui n'arrivent pas à se trouver un emploi stable ou ceux qui ont des emplois temporaires ou cycliques. De cette façon, le risque est mis en commun, mais c'est quand on part de cette notion-là pour en arriver à une forme quelconque de calcul actuariel qu'on commence à avoir des difficultés.

Nous tenons à préciser que le régime doit servir à fournir un revenu à ceux qui suivent des cours de formation ou de recyclage légitimes. Le soutien du revenu est sans doute, selon nous, l'élément le plus important de la formation. S'ils peuvent compter sur un soutien de revenu pour suivre des cours de formation quand ils sont au chômage - soit qu'ils sont sans emploi ou qu'ils ont été mis à pied temporairement, les travailleurs pourraient suivre des cours. La dépense de sommes prises sur la caisse à des fins de formation devrait être soumise à des règlements indépendants qui régiraient la formation, sans que les travailleurs doivent nécessairement être au chômage. Ils ne faudraient pas nécessairement qu'il en soit toujours ainsi, mais il faudrait faire quelque chose dans ce sens.

Tout le monde sait que, depuis le 1er avril, le gouvernement fédéral a éliminé les fonds qui étaient pris sur le Trésor public pour financer le délai de deux semaines dans le cas des apprentis. Je suis coprésident national du Comité national sur l'apprentissage. Je ne suis pas ici pour représenter ce comité, mais je peux vous dire que nous avons bien des gens, bien des métiers et bien des apprentis dans nos syndicats.

Il est absolument désastreux pour le système d'apprentissage que le gouvernement refuse de financer ce délai de deux semaines. Nous soutenons que vous ne devriez pas hésiter à dire que ces deux semaines devraient être financées à même le compte de l'assurance-chômage, quel que soit le nom qu'on finira par lui donner. Il est compréhensible qu'on refuse de les financer à même le Trésor public, mais il faudrait trouver quelque part les fonds nécessaires, et vous devez trouver le moyen de financer la formation des apprentis dès le premier jour où ils entreprennent leur apprentissage.

Je rappelle aux députés libéraux qu'à la première page du livre rouge on souligne l'extrême importance des programmes d'apprentissage et on recommande leur expansion. Nous ne pouvons être plus d'accord. De la façon dont les choses se présentent actuellement, cependant, s'il n'y a pas de changement, les programmes d'apprentissage sont en péril.

Il convient également de parler de l'administration du fonds. Ce fonds est selon nous une assurance-revenu en période de chômage ou de formation. Quelle que soit sa forme, cependant, il doit être administré par un conseil indépendant composé de représentants des entreprises et des syndicats. Puisque ce sont eux qui versent les cotisations, ils devraient avoir leur mot à dire dans l'établissement des règles et avoir droit de regard pour toute utilisation autre que le soutien du revenu.

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Je ne demande pas de supprimer le rôle du gouvernement. Je dis simplement que les gens qui versent les cotisations devraient être les premiers consultés quant à l'utilisation de ces cotisations.

Je signale que le CCMTP a effectué à ce sujet une étude dont vous avez probablement reçu copie. La Chambre de commerce, l'Association des manufacturiers, le CTC, la Fédération canadienne du travail disent tous essentiellement la même chose. La Fédération canadienne du travail n'est pas seule à défendre cette opinion. Il y a consensus.

En résumé, la fédération estime que le projet de loi C-12 pénalise sévèrement les gens qui se retrouvent fréquemment en chômage. Il ouvre la voie à toutes sortes d'abus. Il légitimise l'utilisation des cotisations d'assurance-chômage à des fins autres que le soutien du revenu en période de formation ou de chômage ou à des fins que les cotisants n'ont ni réclamées ni approuvées.

Il ne fait aucun doute qu'une réforme du régime d'assurance- chômage s'impose. La Fédération canadienne du travail est pour une réforme sensée, conçue selon les besoins des utilisateurs, non pas pour faciliter la vie aux administrateurs ou aux politiciens. La réforme devrait faire en sorte que tous les travailleurs canadiens puissent faire face aux nouvelles réalités du marché du travail.

Le fonds d'assurance-chômage - il en a été question ce matin et hier soir, lorsque le ministre comparaissait - n'est pas en difficulté. C'est même probablement la seule entité nationale publique qui n'a pas de dette ou de déficit. Contrairement à ce que des hauts fonctionnaires affirment, le fonds ne peut pas devenir un fardeau pour le contribuable.

Le fonds d'assurance-chômage est financé par les cotisations des employeurs et des employés et la loi dit qu'il doit toujours être solvable. Tout déficit ou excédent doit donner lieu à une augmentation ou à une diminution des cotisations. Le fonds peut emprunter temporairement du Trésor, mais il doit rembourser l'argent avec intérêt. L'idée que le gouvernement puisse contribuer au fonds a été définitivement abandonnée par les conservateurs avant les dernières élections.

Maintenant, quelques observations précises au sujet des propositions: comme nous l'avons dit, la mesure vise essentiellement à punir les réitérants en réduisant les prestations de façon importante et en durcissant les conditions d'admissibilité. Nous estimons que son impact sera extrêmement cruel, inutilement cruel.

Pour la détermination de l'admissibilité, nous pensons que la proposition visant à tenir compte des heures plutôt que des semaines représente deux améliorations importantes. D'abord, toutes les heures travaillées et toutes les sommes gagnées compteront à partir du début. Deuxièmement, avec l'augmentation de la semaine de 35 heures, les gens qui accumuleront plus d'heures périodiquement verront ces heures créditées. Cette modification tient compte des nouvelles réalités dans le marché du travail.

Au chapitre du maintien de l'admissibilité, un grand nombre de travailleurs risquent d'avoir du mal à maintenir 490 heures dans la conjoncture actuelle. Des dizaines de milliers de personnes ont déjà épuisé leurs prestations d'assurance-chômage. Elles n'ont même pas pu se rendre de nouveau admissibles selon les règles actuelles. Elles ne pourront certainement pas le faire avec le projet de loi C-12.

Comme il a été mentionné, le nombre de chômeurs bénéficiant de l'assurance-chômage est passé de 90 à 47 ou 48 p. 100 environ. C'est révélateur en soi. Malgré tout, ce que vise le projet de loi C-12, c'est de rendre la situation encore plus difficile.

La proposition touchant les personnes redevenant membres de la population active, exigeant 910 heures d'emploi assurable pour le rétablissement de l'admissibilité, représente un obstacle énorme. Nous avons utilisé l'industrie de la construction illustrer ce fait, parce que celle-ci non seulement compte beaucoup de travailleurs... mais également est une bonne source de statistiques, et c'est vrai en particulier pour celles qui émanent de la Commission de la construction du Québec. Le Québec n'a pas nécessairement la meilleure fiche au Canada en ce qui concerne le chômage, mais il a clairement les meilleures statistiques.

Les travailleurs de la construction du Québec, par exemple, ont travaillé en moyenne pendant 600 heures en 1994, à quelques exceptions près. Nous estimons qu'en vertu des nouvelles règles, plus de 60 p. 100 de tous les nouveaux travailleurs qualifiés de la construction ne pourront pas se rendre de nouveau admissibles à un soutien quelconque du revenu. Pour les apprentis, ce sera encore pire. Les modifications apportées par le projet de loi C-12, alliées à la réduction des deux premières semaines, perturberont ou détruiront tout simplement, selon nous, les programmes d'apprentissage au Canada. Nous devrions essayer de créer de nouveaux postes plutôt que de détruire ceux qui existent.

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En août dernier, nous avons également mené une enquête auprès des organismes affiliés de la Fédération canadienne du travail. Nous avons obtenu un fort taux de réponses. Nous voulions savoir quel pourcentage de tous nos membres réussissaient à accumuler cinq mois ou 20 semaines de travail au cours de la période allant de septembre à août. Le résultat indique que 35 p. 100 d'entre eux ne pouvaient accumuler 20 semaines selon les règles actuelles. La nouvelle exigence de 26 semaines pour se rendre de nouveau admissible en vertu du projet de loi C-12 écartera donc facilement 50 p. 100 de nos membres du régime d'assurance-chômage.

Je me souviens qu'il y a quelques années nous avons eu l'occasion de rencontrer un groupe d'hommes d'affaires et de syndicalistes d'Australie en visite au Canada. Ce qui les intriguait, c'était le fait que la productivité dans l'industrie de la construction était beaucoup plus grande au Canada qu'en Australie.

Il se trouvait qu'un des facteurs importants qui expliquait ce phénomène était le régime d'assurance-chômage au Canada. Ici, on ne craignait pas de se retrouver devant rien une fois les travaux terminés. En Australie, on pouvait le craindre. Aussi, on avait tendance - je ne dis pas que la même chose pourrait se produire ici - à faire traîner les choses, à prolonger les travaux parce qu'il n'y avait pas d'autre issue.

Nous ne devons pas sous-estimer la valeur de notre régime. Il a bien servi ce pays. Il ne doit pas être critiqué parce qu'il est venu en aide aux gens qui ne pouvaient pas se trouver de travail régulier.

Quelques mots au sujet de la règle du dénominateur.

Pour nous, une règle qui fixe le niveau d'aide en faisant la moyenne entre le temps travaillé et le temps non travaillé est inacceptable.

Pour ce qui est de la réduction de la période, passer de 50 semaines à 45 semaines représente une réduction d'environ 9 p. 100.

La règle de l'intensité pénalise progressivement ceux qui ne peuvent pas se trouver d'emploi à plein temps et qui utilisent le régime comme soutien du revenu. C'est la première fois que le gouvernement introduit une forme de fixation de taux particuliers qui pénalise les travailleurs à cause de circonstances indépendantes de leur volonté. La méthode qui consister à fixer des taux particuliers s'éloigne du principe du partage des risques et des coûts.

Pour ce qui est du maximum de la rémunération assurable, il représente de fait une réduction d'environ 9 p. 100, et ce, à une époque où le coût de la vie augmente. En outre, il n'est gelé qu'en l'an 2000.

En ce qui concerne la récupération, les pénalités fiscales, nous savons tous qu'en vertu du régime actuel la récupération est de 30 p. 100 à un salaire qui est de 1,5 fois supérieur au maximum de la rémunération assurable. Le projet de loi C-112 rabaisse ce seuil de 8 p. 100, à 1,25.

Ces réductions sont importantes, mais il faut dire qu'au moins elles touchent tout le monde de façon égale et se fondent sur les revenus. Nous pouvons toujours dire qu'elles vont trop loin, qu'elles surviennent trop rapidement; au moins, elles ne sont pas discriminatoires.

Vous voudrez peut-être tenir compte du fait, en examinant les dispositions relatives à la période précédente de cinq ans et aux pénalités, qu'une personne pourrait gagner 20 000 $, 30 000 $ ou15 000 $ pendant cinq ans et réclamer de l'assurance-chômage, puis avoir une très bonne année à60 000 $ ou 70 000 $ et se voir réclamer 100 p. 100. Lorsqu'il est question de voir si la personne a utilisé l'assurance-chômage au cours des cinq années précédentes, on constate qu'elle a enfin eu une bonne année mais on lui arrache tout.

Même si le supplément du revenu familial aide les travailleurs à faible revenu, nous sommes contre l'idée d'utiliser l'assurance- chômage comme programme social. Nous ne voulons pas nous attarder sur cette question, cependant, parce que la discussion qu'elle suscite en comité se révèle fort intéressante. Essentiellement, nous ne pensons pas que le régime d'assurance-chômage soit un programme social.

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En ce qui concerne la réduction du taux des cotisations, elle a beaucoup été discutée. Je pense que les gens qui ont des revenus élevés devraient continuer de cotiser selon leurs revenus, non pas selon les versements maximums du fonds. En tout état de cause, le taux des cotisations ne devrait pas être réduit avant que le régime puisse fournir une assurance-revenu appropriée pour les périodes de formation ou de chômage. En outre, le gouvernement devrait éliminer les dépenses inutiles - en particulier celles qui se retrouvent dans le projet de loi C-12 - , les programmes que n'ont jamais réclamés les entreprises et les syndicats. Ce n'est qu'après que le gouvernement devrait établir de nouveaux taux.

Nous sommes certains que la réduction de 5 cents irait beaucoup plus loin. Soit dit en passant, nous avons du mal à accepter l'idée d'une réserve de cinq milliards de dollars, par exemple, qui se trouverait dans le compte général. Cependant, nous ne voyons pas d'inconvénient à ce qu'il y ait une réserve, à condition de savoir à quoi elle doit servir. Si elle doit être utilisée pour aider financièrement les chômeurs ou les gens en formation, elle est acceptable.

Nous abordons maintenant les cinq outils. C'est à leur sujet que nous avons des réserves. Nous nous opposons à une mise en commun qui serait exposée aux fantaisies du gouvernement. Nous sommes contre les nouveaux programmes de dépense qui risquent de perturber le marché, d'autant plus s'ils sont financés à partir du fonds d'assurance-chômage. Si nous avions pu obtenir une injection de la Cour pour empêcher le gouvernement d'utiliser le fonds d'assurance-chômage à de telles fins, nous en aurions demandé une.

Les cotisations que versent les employeurs et les employés pour l'assurance-revenu sont en voie de devenir une source irrésistible de fonds en vue de programmes inutiles. Le fonds d'assurance-chômage doit redevenir un compte distinct servant uniquement à l'assurance-revenu. Le projet de loi C-12 entend légitimer son utilisation à d'autres fins en laissant entendre que les cotisations d'assurance-chômage sont comme la TPS ou l'impôt des particuliers ou des sociétés. Nous déplorons au plus haut point que le projet de loi C-12 réduise le soutien du revenu dont ont tant besoin les chômeurs afin de financer des programmes incertains et mal définis, à partir de l'hypothèse que nous en voulons et en avons besoin.

Pour ce qui est des subventions salariales, nous nous y opposons fermement si elles doivent être financées au moyen des cotisations d'assurance. Les employeurs légitimes qui paient leurs travailleurs selon le marché, risquent de subir la concurrence des employeurs ayant recours aux travailleurs subventionnés par l'assurance-chômage. Le gouvernement ne peut pas dire que tel ou tel employeur sera subventionné. La solution consiste donc à ne pas subventionner les salaires.

À notre avis, les dispositions sur le travail indépendant sont un autre outil qui risque de perturber le marché. Cette forme d'aide perturbe le marché en encourageant les employés à travailler à contrat ou à la pièce, sans assurance-chômage, sans protection contre les accidents du travail, avec très peu de charges à acquitter en revanche. C'est un outil qui ne fait qu'encourager le travail au noir. Certains font remarquer qu'il est beaucoup utilisé. Je n'en doute pas, parce qu'il y est le moyen le plus facile de puiser dans le fonds de l'assurance-chômage. Les gens font la queue pour se lancer en affaires à condition d'avoir un an d'assurance-chômage sans donner d'explications. Il y en a dans toutes les régions du pays. Certains font quelque chose de valable, mais il est très facile de s'affubler du titre de travailleur indépendant.

Quelques mots sur les prêts et les subventions de perfectionnement. Il est difficile de savoir quel impact ils pourront avoir parce que tout dépend des ententes avec les provinces. La formule des prêts convient peut-être à la formation universitaire, mais certainement pas à la formation ou au perfectionnement professionnels.

Les partenariats pour la création d'emplois semblent avoir obtenu un certain succès, mais nous nous opposons en principe à ce que le fonds d'assurance-chômage, destiné à assurer le revenu, serve à d'autres fins.

Je termine avec le fonds transitoire pour la création d'emplois. Nous y voyons évidemment certains avantages, mais, selon nous, il doit être financé à même le Trésor, et non pas à même le fonds d'assurance-chômage.

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En conclusion, nous estimons que le projet de loi est une déclaration de guerre contre les chômeurs. Je dois dire que j'ai été estomaqué hier d'entendre le ministre attaquer encore une fois les chômeurs, du moins, c'est l'impression que j'ai eue, en laissant entendre que le problème vient d'eux et qu'ils doivent être pénalisés davantage.

Il y a une grande différence entre utiliser le régime et abuser du régime. Le régime a été conçu d'une certaine façon et les gens s'en servent tel qu'il est et cela n'est pas de l'abus. Si des modifications s'imposent, qu'on les apporte, mais qu'on ne blâme pas les gens lorsqu'ils utilisent les moyens à leur disposition. Dire que les gens sont des imposteurs et doivent faire l'objet d'accusations criminelles... Il y en a sûrement, mais je suis sûr qu'il n'y en a pas 120 000. Dire qu'autant de gens utilisent le fonds d'assurance-chômage de façon frauduleuse est une aberration. Il peut y avoir des cas où c'est une question de jugement à savoir si des gens l'utilisent ou en abusent, mais c'est autre chose de dire qu'ils le font de façon frauduleuse.

Je vais m'arrêter là, monsieur le président. J'ai peut-être déjà dépassé le temps qui m'a été alloué.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Ce sera Mme Lalonde, suivie deM. Johnston.

[Français]

Mme Lalonde: Merci beaucoup pour votre intervention passionnée et bien documentée.

Si on en retire tous les éléments sur lesquels vous êtes en désaccord, il ne reste plus grand-chose du projet de loi.

Pour moi, vous avez mis en lumière un élément important que je n'avais pas encore vu. C'est celui que vous avez fait ressortir en nous racontant votre histoire des Australiens qui sont venus ici. Du côté du gouvernement, on devrait être très attentif à cela.

La transformation des semaines en heures est apparue, à première vue, comme une bonne mesure. Mais plus on l'étudie, plus on s'aperçoit qu'elle recèle des difficultés insoupçonnées.

Il y a dans les métiers et dans toute la production manufacturière une volonté des travailleurs et des travailleuses de faire en sorte que le travail dure ou ne dure pas.

Dans le domaine de la construction en particulier, un grand nombre de travailleurs seraient évincés du régime. Vous nous dites que le gouvernement devrait faire attention. Les travailleurs sont compétents, mais il ne faut pas les mettre dans une situation où, s'ils finissaient le travail rapidement, comme il se doit et comme ils le voudraient, ils se verraient privés de bénéfices. J'aimerais que vous parliez davantage de cela parce que c'est un élément macro-économique, me semble-t-il. C'est un élément important qui touche la productivité.

J'aimerais aussi que vous nous parliez davantage des apprentis dont vous avez dit qu'ils seraient très menacés par ce régime. Finalement, vous dites que c'est tout le système d'apprentissage qui est menacé.

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[Traduction]

M. McCambly: J'ai bien dit que, selon nous, le système doit être sécurisant. Il doit être conçu de telle sorte que la personne se sente confortable, à l'abri des pénalités, soit encouragée à accepter le travail qui convient à son expérience et à ses aptitudes. C'est ce que tout le monde devrait rechercher. Nous devons donc cesser de penser à créer un système qui est bon pour les administrateurs; c'est un système où la personne se sentira à l'aise qu'il faut rechercher.

Il y a des centaines et des milliers de personnes qui se disent: «Pourquoi devrais-je accepter cet emploi? J'ai déjà présenté une demande. Si j'accepte cet emploi, ma demande continue et mon temps est perdu. Mieux vaut écouler mes prestations.» C'est stupide, mais c'est ainsi que le système fonctionne.

La transition, les problèmes auxquels les gouvernements et tout le monde font face, la nouvelle économie qui crée surtout des emplois à court terme, ne facilitent pas les choses. Nous avons tout fait pour améliorer la productivité, la qualité du travail, les qualifications des travailleurs, la technologie. Nous devons continuer dans la même voie. Dans certains secteurs, nous commençons à perdre du terrain.

Sans vouloir critiquer notre régime d'assurance-chômage... Il est un des meilleurs au monde. Vous avez l'occasion, nous avons l'occasion ici de l'adapter encore mieux à nos besoins. Vous devez cependant savoir qui sont les clients. Ce sont les travailleurs et les employeurs qui versent les cotisations. Ce n'est pas la bureaucratie. Il ne doit pas y avoir d'autres objectifs. Je ne prétends pas, cependant, qu'il ne doive pas y avoir de changements.

Au sujet des programmes d'apprentissage, je dirais que des modifications relativement mineures pourraient déjà donner d'excellents résultats. L'écart doit être comblé pour ce qui est du revenu des apprentis. Ces gens, après tout, travaillent pendant quatre ou cinq ans de leur vie à des salaires très bas. Comme le mémoire l'indique, au Canada, ils ont en moyenne près de 25 ans. Ils ont en moyenne 1,5 enfant. Ils ont des obligations. Ils ne peuvent pas perdre une semaine lorsqu'ils quittent leur emploi pour aller à l'école.

Vous pouvez facilement remédier à cette lacune si vous le voulez. Vous n'avez qu'à demander une modification. Cet écart ou cette période d'attente doit être éliminé.

Le financement de la formation est sans doute un problème encore plus compliqué. Faut-il le faire au moyen du fonds d'assurance-chômage? Je ne sais pas. Il y a des divergences de vues à ce sujet. Il faudrait peut-être une étude indépendante. Le gouvernement devrait peut-être demander aux entreprises et aux syndicats de trouver une solution à ce problème. Les avis sont loin d'être unanimes. Le fonds d'assurance-chômage a déjà servi à financer la formation. La question est de savoir si nous devons légitimer le processus ou continuer de la même façon.

Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Boudreau.

M. Terry D. Boudreau (secrétaire-trésorier, Fédération canadienne du travail): Oui. Si vous le permettez, j'aimerais ajouter à ce que notre président, M. McCambly, a dit au sujet des programmes d'apprentissage.

Une des raisons pour lesquelles nous affirmons que vos propositions risquent beaucoup de détruire les programmes d'apprentissage, que nous considérons tous comme étant très importants, comme étant des programmes pratiques très utiles en ce sens qu'ils sont axés sur le lieu de travail, est qu'un apprenti - j'ai suivi des programmes d'apprentissage moi-même, je parle donc par expérience - doit fréquenter l'école. Il n'a pas le choix. Il doit obtenir cette formation. Ce n'est donc pas comme s'il quittait son emploi volontairement.

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Le système prévoit donc que l'apprenti doit aller à l'école. Nous sommes tous d'accord là-dessus. C'est cette combinaison de la formation en milieu de travail et de la formation en institution qui fait la valeur du système d'apprentissage.

Si on oblige les apprentis à fréquenter l'école et qu'on les pénalise en leur enlevant deux semaines de soutien de revenu, ils auront beaucoup de mal à demeurer à l'intérieur du système.

J'ai fait mon apprentissage à Edmonton, au Nouveau-Brunswick, qui est un endroit assez peu coûteux où vivre comparativement à Toronto. Si j'avais habité Toronto, Vancouver ou une autre ville coûteuse au pays, je ne m'en serais pas tiré.

Je tenais à vous signaler ce problème.

M. Johnston: Dans votre mémoire, vous dites que le projet de loi C-12 ouvrirait toute grande la voie aux abus. Pouvez-vous préciser votre pensée à ce sujet?

M. McCambly: J'espère que c'est clair dans le mémoire.

Il y a d'abord l'appellation. Si on parle d'assurance-emploi plutôt que d'assurance-chômage, à quoi sert précisément l'assurance que l'on achète? On offre cinq outils avec cette assurance.

Quelque 800 000 millions de dollars y sont consacrés au départ. L'an prochain, ce pourrait être 1 milliard de dollars, puis 2 milliards, 5 milliards. Qui sait quel serait le montant à l'avenir. On semble dire également que lorsque le gouvernement voudra introduire n'importe quel programme qu'il jugera souhaitable, il pourra le faire. Nous ne sommes pas d'accord.

Il y a peut-être des liens entre les programmes comme l'assurance-chômage et les programmes sociaux. Ils doivent finir par se rejoindre, mais la seule façon de juger de leur valeur est de faire appel à la participation des cotisants.

Nous considérons que de ces outils les trois premiers au moins risquent de perturber le marché et ne méritent pas d'être financés à même le fonds d'assurance-chômage. Ils ne devraient pas se trouver dans le projet de loi.

M. Johnston: Vous envisagez donc un fonds qui soit vraiment un fonds d'assurance, qui serve à compenser la perte temporaire d'un emploi.

M. McCambly: On doit être prudent lorsqu'on parle d'un vrai régime d'assurance, parce que si on demande à six personnes de le définir, on risque d'avoir six réponses différentes. Nous préconisons une assurance, un partage des risques assorti d'un fonds commun.

Certains pourraient en profiter plus que d'autres. Ceux qui ont la chance d'avoir un emploi stable, à plein temps, paieraient plus que les autres. C'est le modèle, voué essentiellement au soutien du revenu, que nous envisageons.

M. Johnston: Vos recommandations entraîneraient-elles une augmentation des coûts, selon vous?

M. McCambly: Les cotisations pourraient probablement être réduites. Nous traversons en ce moment une période de chômage assez aigu. Il est à espérer que nous nous en sortirons. Et les cotisations pourraient être réduites.

Lorsque les conservateurs formaient le gouvernement, ils ajoutaient de nouveaux coûts au fonds. Nous avons dit que soit le fonds va faire faillite soit les cotisations vont augmenter. Je parle de mémoire, mais je pense que les cotisations ont augmenté de 20 p. 100 la première fois et de 7 p. 100 par la suite. En tout cas, elles ont été augmentées de façon importante.

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Nous acceptons de verser nos cotisations si elles sont utilisées à bon escient, avec modération. Si nos recommandations et nos observations étaient retenues, les cotisations pourraient être réduites.

Le président: Madame Terrana.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Je tiens d'abord à vous remercier beaucoup de témoigner.

Je suis intriguée par votre idée selon laquelle les syndicats et les employeurs devraient décider ensemble de l'utilisation du fonds. Je suis également toujours très surprise d'entendre groupe après groupe nous dire que l'argent devrait servir seulement à des fins d'assurance. Je vous signale que c'est toujours la même personne qui paie. C'est le consommateur, le travailleur et souvent, l'employeur. C'est toujours la même personne qui paie.

D'après ce que vous avez entendu hier... vous étiez ici lorsque quelqu'un a demandé d'où doivent venir les fonds pour former tous ces gens, pour les aider à se trouver un nouvel emploi et à se remettre sur pied, si ce n'est du fonds d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi. Je suis très surprise, le Canada ayant toujours été un pays compatissant, compréhensif - nous avons toujours essayé de nous entraider - je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas utiliser une partie de ces fonds qui viennent également des contribuables - y compris les bureaucrates, soit dit en passant, parce que eux aussi cotisent. Pourquoi ne pourrions-nous pas affecter une partie de ces fonds à la formation?

Il n'y a pas que vous qui avez émis cette opinion. Tout le monde l'a fait.

J'ai une deuxième question. Elle a trait à l'augmentation des cotisations. On dit sans cesse que si les cotisations étaient haussées personne ne s'en plaindrait. Je ne suis pas d'accord. Au contraire, il y aurait selon moi beaucoup de plaintes.

J'aimerais donc que vous reveniez sur ces deux points. Vous pourriez peut-être commencer par me dire pourquoi vous ne voulez pas que ce programme aide les gens qui en ont.

Le président: Avant que les témoins répondent, voulez-vous également poser votre question, monsieur Easter?

M. Easter (Malpèque): Très bien, monsieur le président.

Je vous souhaite d'abord la bienvenue, monsieur McCambly. Votre mémoire aborde beaucoup de questions importantes et fait un certain nombre de critiques constructives.

Selon votre interprétation, le ministre aurait déclaré hier que les chômeurs sont le problème. Je tiens à préciser que ce n'est pas ce qu'il a dit. En ce qui concerne le nombre de cas frauduleux, j'aimerais savoir de la présidence si le ministère ne pourrait pas préparer un document à ce sujet de façon à ce que nous ayons les chiffres sous les yeux. Le ministre a cité le chiffre approximatif de120 000. Essayons d'obtenir du ministère une explication à ce sujet.

Vous n'êtes pas tendre à l'endroit des modifications proposées. Je vois la question des deux côtés. Je ne pense pas que le gouvernement en ait une plus importante à traiter. Vous avez raison, c'est un régime crucial pour le Canada. Je viens de la région de l'Atlantique. Je suis également employeur. Je vois donc la question sous deux angles différents.

Nous devons maintenir une certaine crédibilité dans le système. Je vous dirai qu'à l'heure actuelle, il y a un nombre incroyable d'employeurs qui s'inquiètent du système. Nous recevons des plaintes au sujet des sommes provenant des Maritimes qui sont versées dans le régime par rapport aux prestations que les gens en retirent. Dans son secteur, pour chaque dollar que l'on y verse, il y a environ quatre dollars de prestations qui en sortent. Nous devons reconnaître cela.

Vous avez parlé de la main-d'oeuvre qui est en évolution, et c'est de cela dont il s'agit ici dans le projet de loi. Nous devons reconnaître cette main-d'oeuvre qui évolue. Il y a davantage de travailleurs à temps partiel, que cela nous plaise ou non. Nous devons passer à un système reposant sur le calcul des heures. Davantage de gens seront admissibles à des prestations selon ce système. Étant donné les pressions auxquelles nous devons faire face sur le plan des revenus, nous devons essayer d'utiliser les revenus du haut de l'échelle pour s'assurer que ceux qui travaillent dans les industries saisonnières et ceux qui occupent des emplois moins bien rémunérés ont un revenu pendant la période hors saison. C'est ce que nous tentons de faire avec ce projet de loi.

Qu'avez-vous à répondre à cela?

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M. McCambly: Tout d'abord, pour revenir à l'idée d'utiliser le fonds pour financer la formation, le fonds a été utilisé à cette fin. Je n'aime pas l'idée de prêts et subventions pour ce qui est de la formation, mais je pense que la question remonte... au fil des ans, nous nous sommes opposés à l'utilisation du fonds d'assurance-chômage pour financer la formation. Quelle est la différence entre se servir des recettes générales pour financer les gens pour qu'ils aillent à l'université et se servir du fonds d'assurance-chômage pour financer la formation d'un travailleur dans une école technique? À notre avis, les deux sont de la formation.

Je dis que si on veut avoir une taxe sur la formation, si ce fonds doit servir à la formation, alors n'ayons pas peur des mots. Il faut mettre un montant de côté pour la formation et imposer une taxe aux gens ou créer une charge sociale pour financer la formation. Mais il ne faut pas déguiser cette taxe. Les points de vue divergent quant à savoir s'il devrait ou non y avoir une charge sociale pour la formation. Je pense que le fait est que le fonds de l'assurance-chômage a été utilisé comme charge sociale pour la formation. Donc je dis tout simplement que si c'est le cas, alors il faut le dire et appeler les choses par leur propre nom.

Je pense que j'ai parlé de la question de la réduction des cotisations. Je pense que les cotisations peuvent être réduites grâce aux changements dont nous parlons. Sauf dans le cas des tout-petits employeurs, je ne suis pas vraiment d'accord pour dire que des cotisations plus élevées ont un effet considérable sur le nombre de gens qui seraient employés si un employeur verse le salaire minimum.

Pour ce qui est de la crédibilité ou de la région de l'Atlantique, c'est une chose, et je sais qu'il y a des changements. J'imagine que s'il y a des problèmes pour ce qui est de la façon dont les gens utilisent le système à l'heure actuelle à cause de la façon dont le fonds est conçu, alors il faudra envisager des changements. Je sais que dans la région de l'Atlantique, il y a des gens qui disent qu'il faut apporter des changements. Il ne fait aucun doute que le fonds d'assurance-chômage ne sert pas vraiment à ce qu'ils voudraient qu'il serve, alors je dis qu'il faut changer les règles. Ne commençons pas à dire que nous allons pénaliser les gens en raison de ce qui s'est produit. Décidons quels intérêts le régime devrait servir, ensuite nous pourrons débattre la question et trouver une solution.

Lorsque vous parlez d'expérience - que les travailleurs de la construction retirent 4 $ pour chaque dollar qu'ils cotisent - j'ai toujours dit que si vous me montrez 10 ou 100 000 emplois à temps plein, je vous trouverai 100 000 travailleurs de la construction qui prendront ces emplois et paieront leurs cotisations, car il n'est pas facile de créer des emplois et garder des gens dans le secteur de la construction. J'aime bien le domaine de la construction moi-même - je pense que d'autres l'aiment également - mais ce n'est pas le meilleur emploi au monde. Pensez-vous qu'il est agréable de travailler à l'extérieur lorsque la température est de 50 ou de 20 degrés sous zéro et qu'il vente fort. Pensez-vous que c'est un bon emploi? Ce n'est pas si extraordinaire. Il faut donc reconnaître que certaines personnes retireront plus que d'autres. C'est un fait. Il ne faut pas les pénaliser pour cela; il faut essayer d'avoir un juste équilibre.

Le président: Est-ce votre réponse?

M. McCambly: Ai-je répondu à cette question? Ai-je complété votre...

Une voix: Oui.

Le président: Monsieur Easter, c'était votre dernière question.

M. McCambly: Je ne peux me rappeler que de deux questions à la fois.

Le président: C'est bien. Nous ne pouvons nous rappeler que de deux réponses.

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier de votre excellent exposé. Vous nous avez certainement fait part d'un point de vue important sur le projet de loi C-12. Naturellement, nous devrons prendre en compte tous les divers points de vue afin de répondre aux préoccupations du plus grand nombre de gens possible, ou tout au moins en arriver à un terrain d'entente, afin que chacun se sente à l'aise.

Il a été très intéressant d'écouter votre exposé, et au nom du comité, je voudrais non seulement vous remercier, mais remercier également vos membres, qui, j'en suis certain, ont participé à la préparation du mémoire.

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M. McCambly: Je vous remercie également.

Je voudrais tout simplement dire que c'est tout un fardeau qui incombe à votre comité, car vous êtes les derniers à examiner ce projet de loi, et le gouvernement s'est engagé à le mettre en oeuvre d'ici au 1er juillet. Les changements que vous pourrez peut-être apporter sont très importants. Bien des gens comptent sur vous et dépendent des changements importants qui pourront peut-être améliorer les choses pour eux.

Le président: Nous ferons de notre mieux.

Au fait, un emploi dans le domaine de la construction n'est pas un si mauvais emploi. J'ai travaillé dans la construction, et ce n'était pas si mal.

M. McCambly: Oh, je sais. J'aime moi aussi ce domaine.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre le Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole du Canada, les Travailleurs canadiens de l'automobile.

Bienvenue. Comme vous le savez, nous tentons d'améliorer le projet de loi C-12. Nous comptons sur les Canadiens et les organismes comme le vôtre pour nous proposer des façons d'améliorer le projet de loi C-12.

Je suis certain que vous comprenez de quelle façon nous fonctionnons ici au comité. Vous nous faites d'abord un exposé et vous nous donnez les grandes lignes de votre mémoire, puis il y a une période de questions et réponses.

Vous pouvez commencer.

M. Sym Gill (directeur, Régimes de retraite et avantages sociaux, Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole du Canada (les Travailleurs canadiens de l'automobile)): Merci, et bonjour.

Je m'appelle Sym Gill, et je suis directeur des régimes de retraite et des avantages sociaux pour les Travailleurs canadiens de l'automobile. Je suis accompagné ce matin de Laurell Ritchie, qui représente le personnel à l'échelle nationale et qui travaille dans notre service de la formation et de l'organisation du travail. Il y a également Dave Tremblay, qui est vice-président de notre section 707 à l'usine Ford d'Oakville, et qui est également coprésident du comité d'assurance-chômage de notre conseil TAC. Ce comité a joué un rôle important dans la préparation de notre exposé.

Naturellement, je n'ai pas l'intention de lire le mémoire en entier. Je lirai cependant quelques pages. Ensuite, nous donnerons les grandes lignes de divers chapitres de notre mémoire portant sur le projet de loi.

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Notre syndicat est le plus grand au pays qui représente le secteur privé, avec quelque 205 000 travailleurs de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, ainsi que dans les Territoires. Nos membres travaillent dans une large gamme de secteurs, notamment dans le secteur de l'automobile, des pièces d'automobile, des lignes aériennes, des chemins de fer, de l'exploitation minière, de l'aérospatiale, des pêches, de l'électronique, de l'accueil, des télécommunications, et d'autres industries de service et de fabrication. Inutile de dire que nous avons pas mal d'expérience en matière d'assurance-chômage dans tous ces secteurs.

Ces membres participent en outre au régime d'assurance- chômage. Bon nombre d'entre eux ont dû demander des prestations à la suite d'une mise à pied temporaire ou permanente.

Parfois les mises à pied sont occasionnées par des circonstances liées au milieu de travail ou au secteur, notamment les périodes de faible activité. À d'autres moments, elles sont occasionnées par des politiques économiques au niveau régional ou national, et à cet égard, l'Accord de libre-échange et l'ALENA sont deux exemples des circonstances les plus dévastatrices.

Certains de nos membres recourent également à l'assurance- chômage pour toucher des prestations parentales ou de maladie.

Notre comité d'assurance-chômage, qui est dirigé par les simples employés au sein du parlement de notre syndicat, le conseil TAC, reconnaît l'importance vitale du programme d'assurance sociale pour nos membres.

Nous vous remercions de l'occasion qui nous est donnée d'être ici aujourd'hui pour faire notre exposé et débattre directement de cette question avec des membres du comité permanent. Nous croyons que cette occasion devrait être offerte à tous ceux qui veulent parler des conséquences très graves du projet de loi. Nous croyons comprendre que certains organismes très importants n'ont toujours pas eu l'occasion de présenter leurs points de vue au comité, notamment un syndicat qui est apparenté au nôtre, le Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et des travailleurs assimilés, ainsi que d'autres organismes internationaux.

Nous avons déjà fait savoir que nous nous opposions fermement au fait que le comité refuse de tenir des audiences à l'extérieur d'Ottawa et exige que ceux qui veulent faire un exposé à partir des régions le fassent par vidéoconférence, refusant ainsi à de nombreux Canadiens la possibilité d'un échange plus direct et moins restrictif.

Nous vous exhortons de résister aux grandes pressions qu'exerce le Cabinet pour que vous examiniez le projet de loi C-12 à toute vitesse. Le processus doit être accessible et démocratique. Tous ceux qui veulent s'exprimer devraient pouvoir être entendus.

On ne saurait trop insister sur l'immense portée des décisions qu'on vous demande de prendre et l'ampleur des changements proposés dans ce projet de loi omnibus.

Depuis plus de 50 ans, notre régime d'assurance-chômage joue un rôle critique dans la stabilité économique de notre pays. Avant son implantation, il y a eu la grande dépression des années trente qui vient nous rappeler les conséquences terribles pour l'économie lorsque les chômeurs se retrouvent dans la misère noire.

Alors que le chômage ne cesse d'augmenter, nous avons besoin plus que jamais de la sécurité d'un régime d'assurance-chômage solide. En tant que société, nous passons beaucoup trop de temps à nous inquiéter de la stabilité des marchés monétaires et pas suffisamment de temps à nous préoccuper de la stabilité des travailleurs canadiens et de leur famille.

Nous croyons que le gouvernement s'expose à un désastre économique avec son projet de loi C-12 malavisé et des coupures d'au moins 2 milliards de dollars.

Le projet de loi semble encore plus incompréhensible du fait que le compte d'assurance-chômage affiche un excédent de plus de 5 milliards de dollars cette année.

Les changements proposés sont profonds, et dans quelques années, le régime d'assurance-chômage canadien ne sera plus reconnaissable. Il ne s'agit pas ici de restructurer la législation canadienne pour mieux répondre à nos besoins et réalités. Il s'agit plutôt ici de subordonner nos programmes à des conditions prescrites ailleurs, notamment par les bureaucrates de l'OCDE.

Si effectivement le gouvernement souhaite moderniser l'assurance-chômage et élaborer un régime d'emploi pour le 21e siècle, comme il le dit dans son guide promotionnel, alors pourquoi ne libéraliserait-il pas les règlements et les conditions pour tenir compte des réalités du marché du travail moderne, pour créer véritablement de l'emploi, ce qui est la vraie tâche qui nous attend?

Il semble plutôt que le gouvernement ait l'intention de resserrer les règles et de punir les gens qui acceptent le seul type d'emploi que crée notre économie à l'heure actuelle.

Du côté de l'assurance, la loi prévoit des conditions d'admissibilité plus strictes, une période plus courte pendant laquelle on pourra recevoir des prestations, et des prestations moins élevées. Pour ce qui est des prétendues prestations d'emploi, dans le cas de ceux qui ne sont plus admissibles à des prestations d'assurance, il y aura des outils pour ceux qui ont un faible revenu, notamment des subventions et des suppléments ainsi que des prêts pour la formation offerts aux travailleurs qui sont prêts à hypothéquer leur avenir. Rien de tout cela ne crée de nouveaux emplois ou change les tendances actuelles vers les emplois à temps partiel et les emplois précaires.

Nous n'avons pas réussi à trouver de justification à ces propositions. Nous devons supposer qu'elles s'expliquent par l'obsession du gouvernement fédéral à l'égard du déficit et des stratégies de dévolution. Nous craignons fortement que le gouvernement se prépare à sacrifier notre régime d'assurance- chômage à l'autel de ses déficits et de la dévolution, au péril de tous.

Je voudrais maintenant souligner certaines autres questions abordées dans notre mémoire.

L'une des questions que nous devons aborder est celle de ce que l'on voit, de l'apparence. Il nous semble très ironique que même s'il génère à l'heure actuelle un excédent de plusieurs milliards de dollars, le compte d'assurance-chômage soit une des cibles préférées des gouvernements fédéraux pour ce qui est des coupures. Je ne parle pas ici uniquement du gouvernement actuel.

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Nous sommes en train d'accumuler un excédent très important. Lorsque M. Martin a déposé son budget en mars dernier, les 6,4 milliards de dollars prévus avaient été réduits, mais l'excédent a été révisé à la baisse à cinq milliards de dollars en raison de la diminution des recettes à la suite de réductions antérieures des cotisations. Comme on peut s'y attendre, les groupes de lobby des employeurs veulent une autre réduction des cotisations. Comme il fallait s'y attendre également, il nous semble que le gouvernement fédéral veuille avoir un excédent dans le compte d'assurance- chômage pour ce que nous considérons être des raisons liées au déficit.

Nous sommes d'avis que l'excédent s'est accumulé en grande partie parce que l'on a sabré dans les prestations auxquelles les travailleurs au chômage avaient droit et que cet excédent doit servir à rétablir ces prestations. Établir une réserve substantielle en prévision de la prochaine récession devrait être une priorité de deuxième plan. Je dois souligner que la récession pour les travailleurs au chômage est déjà là aujourd'hui même. Ce n'est pas dans l'avenir.

Pour ce qui est de la dévolution, plus particulièrement en ce qui a trait aux prestations d'emploi, nous croyons que ces dispositions feront du régime d'assurance-chômage canadien un régime qui ressemblera beaucoup à celui des Américains, un régime qui aura des résultats désastreux pour les chômeurs. Il est extrêmement dangereux d'accorder aux provinces un financement global, sans normes nationales, pour ce qui est des prestations de chômage, comme c'est le cas d'ailleurs dans d'autres domaines, comme la santé et l'éducation. Éclipsé par l'importance des coupures de sept milliards de dollars qui sont déjà prévues dans les domaines de la santé, de l'éducation et des transferts sociaux pour les provinces et par l'écroulement du Régime d'assistance publique du Canada, il y a le fait que les provinces sont maintenant prêtes à aller chercher des fonds là où elles peuvent les obtenir, y compris dans le compte de l'assurance-chômage, pour financer les coûts d'aide sociale provinciaux et certains autres coûts.

Il ne faut pas regarder bien loin pour s'apercevoir ce qui arrive lorsque que l'on cède un régime comme le régime d'assurance- chômage à des gouvernements subordonnés, ou à des gouvernements qui ne sont pas au niveau national. Si on regarde la situation aux États-Unis, étude après étude démontre qu'il y a une disparité de plus en plus grande en matière de couverture d'assurance-chômage et ce, parce que l'État a un contrôle pratiquement illimité sur la conception des programmes d'assurance-chômage. En 1994, le pourcentage de bénéficiaires d'assurance-chômage parmi les chômeurs officiels atteignait quelque 64 p. 100 dans le Rhode Island tandis qu'il n'était que de 18 p. 100 dans le Dakota du Sud.

Lorsque les États sont laissés à eux-mêmes, sans avoir à partager le risque du chômage à l'échelle du pays, les résultats sont pervers. Les États les plus pauvres, qui ont les taux de chômage les plus élevés, sont les moins en mesure de verser des prestations d'assurance-chômage. En Louisiane, seulement 19 p. 100 des travailleurs reçoivent de l'assurance-chômage. Dans 29 États, moins du tiers des participants reçoivent une assurance-chômage.

Nous croyons qu'il y a vraiment une crise, mais les vrais problèmes sont les suivants. Comme on a sabré dans les prestations, seulement 46 p. 100 des chômeurs officiels reçoivent des prestations. Ce pourcentage n'a jamais été aussi bas. En Ontario, le pourcentage a chuté à 32 p. 100.

Je ne suis pas certain que nous comprenions l'importance de tout cela. Nous avons donc préparé un tableau, qui se trouve à la page 7 de notre mémoire. Je vous invite à examiner ce tableau. Il donne le nombre de chômeurs qui ont en fait reçu des prestations d'assurance-chômage au cours d'une année donnée. Si on remonte à 1989, il y a seulement quelques années, 87 p. 100 de ceux qui étaient sans emploi étaient admissibles à des prestations d'assurance-chômage et en ont reçues. Comme on peut le constater sur ce tableau, il y a eu une chute précipitée, de sorte que ce pourcentage est maintenant de 46 p. 100. Moins de la moitié des gens qui sont au chômage ont en fait droit à l'assurance-chômage. Comme je l'ai mentionné, la situation est encore pire dans notre province la plus peuplée, soit l'Ontario, où le pourcentage a maintenant chuté à 32 p. 100.

Le vrai problème, à notre avis, c'est le taux de chômage élevé que nous avons au pays. Plus de 1,5 million de Canadiens sans emploi cherchent activement un travail, alors qu'il y en avait 1,514 millions l'an dernier. En outre, les emplois qui sont créés, dans la mesure où ils sont créés, sont de plus en plus de nature précaire. Il s'agit soit d'emplois à court terme, soit d'emplois à temps partiel. Les statistiques indiquent que pour 1995, il y a une croissance nette de 88 000 emplois, mais dans plus de 90 p. 100 des cas, ce n'était pas des emplois à plein temps; 90 p. 100 étaient des emplois à temps partiel. Un rapport récent de Statistique Canada confirme que plus du tiers des travailleurs occupent des emplois atypiques et ont des horaires typiques.

Nous voulons exprimer notre préoccupation au sujet des prestations. L'impact des réductions au cours des dernières années a été gravement sous-estimé et ce, à plusieurs reprises, par la bureaucratie fédérale qui ne nous a pas mis en garde contre ce que nous appelons la crise actuelle en ce qui a trait au pourcentage des bénéficiaires. La majorité des chômeurs ne reçoivent plus d'assurance-chômage. C'est l'américanisation de notre système, contre laquelle nous vous avions mis en garde il y a quelques années seulement pendant le débat sur le libre-échange. Une province aussi peuplée que l'Ontario dont seulement 32 p. 100 de ses chômeurs officiels ont reçu des prestations d'assurance-chômage en janvier se retrouve maintenant dans une situation pire que de nombreux États américains pauvres.

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Nous croyons que le problème réel est le chômage et le sous-emploi, et nous croyons que l'on est en train de détourner notre attention de cette crise réelle. On a vraiment besoin de créer des emplois décents pour ceux qui veulent travailler. On a une reprise qui est une reprise sans emploi, et cela malgré des profits records dans divers secteurs de notre économie.

Les banques, qui ont fait 5,2 milliards de dollars de profit l'an dernier, entreprennent une autre série de mises à pied. Le gouvernement fédéral lui-même a entrepris une réduction de sa propre main-d'oeuvre et passe la responsabilité aux provinces et aux municipalités, en réduisant les paiements de transfert, ce qui se traduit par d'autres mises à pied, comme nous avons pu le constater au cours des derniers mois.

Nous constatons les conséquences de tout cela, et nous les constatons dans les secteurs que représentent TAC. Dans des sociétés comme Alcatel, McDonnell Douglas, Northern Telecom, le CN, le CP, le Marine Atlantic Ferry... ce ne sont que quelques exemples récents d'entreprises qui oeuvrent dans des secteurs de haute technologie de valeur ajoutée de notre économie et qui ont laissé aller des travailleurs et rationaliser leurs effectifs. Ce n'est que pour souligner le fait que dans la mesure où il y a une reprise, il s'agit en réalité d'une reprise sans emploi.

J'aimerais maintenant aborder la question des prestations d'assurance et faire quelques observations à ce sujet. Tout d'abord, pour ce qui est de la durée des prestations, il nous semble qu'à ce moment-ci, le chômage à long terme augmente dans le monde entier à la suite de la restructuration économique et des changements technologiques. La durée moyenne du chômage au Canada a plus que doublé, passant de 12,3 semaines en 1980 à 25,6 semaines en avril 1995. Ces chiffres sont tirés d'une étude du Conference Board.

Malgré tout cela, on parle de réduire la durée des prestations. On se dirige à l'opposé de la réalité à laquelle les chômeurs doivent faire face. Il n'y a pas de justification raisonnable pour réduire les prestations maximums aux termes de ce projet de loi à 45 semaines et cela va affecter environ300 000 chômeurs qui vivent dans les régions les plus pauvres de notre pays. Dans quelques instants, nous parlerons des conséquences qu'aura dans ce contexte le système reposant sur le calcul des heures.

Nous aimerions aborder la question des niveaux de prestations. La première chose que j'aimerais dire, c'est que l'on a constamment réduit les niveaux de prestations, du moins depuis 1979. Cela n'a eu aucun impact sur les taux de chômage élevés au pays. Nous avons tenté de réduire les prestations, croyant que nous étions trop généreux et que les gens accepteraient ainsi des emplois et retourneraient au travail. Cette stratégie n'a pas eu de succès. Même si les prestations ont subi des coupures constantes, cela n'a pas fait baisser le taux de chômage.

Nous avons maintenant une nouvelle série de réductions des prestations, et si nous avons bien compris ce qu'ont dit les intervenants précédents, ça s'inscrit dans un processus, intentionnel ou non, qui s'en prend aux victimes. Le processus s'en prend aux utilisateurs fréquents, à ceux qui sont mis à pied et qui ont un revenu au-dessus d'une certaine norme pour ce qui est de la récupération fiscale - la récupération initiale et ce que nous appelons la superécupération. Ce sont toutes des mesures qui s'attaquent aux victimes. Elles pénalisent ceux qui ont été victimisées.

Encore une fois, je rappelle que ce ne sont pas les travailleurs qui décident d'être mis à pied. Ce sont les employeurs qui décident d'embaucher, de licencier et de mettre à pied. Les travailleurs sont des victimes innocentes dans la vaste majorité des cas où ils se retrouvent sans emploi. Le projet de loi à l'étude pénalise en fait ceux qui ont été mis à pied. Nulle part l'attitude selon laquelle la victime est à blâmer n'est plus évidente que dans l'impact qu'aura le projet de loi sur les travailleurs saisonniers. Les industries saisonnières sont d'une importance vitale pour l'économie canadienne, tant pour notre produit intérieur brut que pour la création d'emplois directs et indirects. Le propre groupe de travail du gouvernement sur la question a souligné ce point. Vous trouverez dans le mémoire du Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et des travailleurs assimilés, que, nous espérons, vous entendrez, une analyse plus détaillée de l'impact de ces mesures sur le travail saisonnier, particulièrement dans le secteur de la pêche sur la côte est.

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J'aimerais maintenant aborder la question de la règle d'intensité. Encore une fois, ce n'est que l'une des pénalités imposées aux travailleurs saisonniers et à d'autres utilisateurs fréquents, et cette mesure ne tient pas compte de la réalité, c'est-à-dire que ce sont les employeurs qui prennent la décision de mettre à pied ou d'offrir du travail.

Quant au calcul des prestations, l'utilisation d'un calendrier fixe pour déterminer les prestations posera un problème grave dans les industries saisonnières tant hors saison que pendant la saison, car cette méthode ne reconnaît pas la nature cyclique de bon nombre de ces industries et l'irrégularité des revenus même dans une industrie saisonnière; et elle pénalise les travailleurs parce que leurs revenus sont irréguliers. Une semaine, on peut gagner 50 $, 60 $ ou rien du tout. La semaine suivante, on peut gagner 300 $, 400 $ ou 500 $.

Cette méthode de calcul des prestations reposant sur un calendrier fixe pose également un problème dans d'autres secteurs qui ont une basse et une haute saison qui affectent les niveaux d'emplois. C'est le cas par exemple des usines de pièces d'automobile, des services de réservation des lignes aériennes et de toute une variété d'autres groupes.

Pendant la basse saison, il n'est pas inhabituel d'avoir une semaine de travail réduite, et même des semaines complètes sporadiques, ou des mises à pied, qui peuvent souvent se traduire par des mises à pied importantes. À la page 12, nous vous donnons un exemple de ce qui arrive à Via Rail, un de nos groupes ferroviaires. Je n'entrerai pas dans les détails, mais c'est un exemple qui vous montre que le projet de loi peut avoir des conséquences très perverses et inattendues pour ce qui est du comportement des travailleurs.

À Via Rail, lorsqu'il y a des périodes de ralentissement pour les employés non itinérants, le système leur permet souvent de faire un travail à temps partiel plutôt qu'un travail à plein temps. Aux termes du projet de loi, si ce travail à temps partiel peut résulter... ou lorsqu'il y a un ralentissement plus important ou davantage de mises à pied... et parce qu'ils sont passés à un travail à temps partiel qui réduira leurs prestations d'assurance-chômage, ils hésiteront beaucoup à le faire. Ce qui arrivera, c'est que les travailleurs qui ont par le passé accepté un travail à temps partiel comme forme volontaire de travail partagé hésiteront à le faire et il y aura des résultats très pervers.

J'aimerais aborder la question de la récupération fiscale. Encore une fois, nous sommes d'avis que la récupération fiscale ne tient pas compte de l'objectif d'un régime d'assurance-chômage financé par des cotisations, la stabilisation de l'assurance sociale qui, à notre avis, est la stabilisation des revenus des travailleurs au profit du particulier et de l'économie en général. L'assurance-chômage n'est pas un programme de revenu minimum. Le régime d'assurance-chômage a un but très différent.

Nous rejetons le principe de la récupération fiscale selon lequel on juge que 39 000 $ ou 49 000 $ sont des revenus excessifs et qui semble encourager d'embaucher la main-d'oeuvre à bon marché. Il est curieux que la même logique ne soit pas appliquée sous forme de récupération fiscale des revenus excessifs des banques et d'autres prêteurs pour rembourser la dette publique.

Nous ne sommes pas d'accord lorsqu'on laisse entendre que l'instabilité de l'emploi est attribuable aux particuliers plutôt qu'au marché du travail, comme semble le laisser entendre la pénalité à l'égard des utilisateurs fréquents. Nous rejetons en outre l'érosion du modèle d'admissibilité pour passer à un régime d'assurance-chômage fondé sur les moyens, comme on le fait pour l'aide sociale. Nous rejetons cela catégoriquement.

En ce qui concerne le maximum de la rémunération assurable et le changement qui est envisagé, nous reconnaissons qu'il y a des économies pour les travailleurs qui ont atteint le maximum de la rémunération assurable ou qui l'ont dépassé. Mais le prix à payer pour ces économies est, à notre avis, beaucoup trop élevé. Le prix inclut une diminution immédiate des prestations maximales, qui passeront de 465 $, soit niveau actuel, à seulement 413 $ lorsque le projet de loi entrera en vigueur. Cette mesure touchera environ un prestataire sur quatre; 25 p. 100 des prestataires seront touchés par cette réduction.

Bien sûr, nous reconnaissons tous que, à la suite du blocage de la rémunération assurable, il y aura un déclin graduel de la valeur des prestations d'assurance-chômage. Avec un gel jusqu'à l'an 2000 et une augmentation modeste des salaires de 2 p. 100... Sans ce gel, en l'an 2000, les prestations devraient être de 493 $, alors qu'elles resteront à 413 $. C'est le prix que les travailleurs devront payer pour les maigres économies qui seront réalisées à même les cotisations actuelles.

Ce prix comprend aussi les nouveaux coûts significatifs pour bon nombre d'employeurs et employés, particulièrement là où on avait mis sur pied des régimes de prestations supplémentaires d'assurance-chômage. Bon nombre de ces régimes prévoient le versement d'un complément aux prestations ordinaires d'assurance- chômage en fonction d'un certain pourcentage de la rémunération. La baisse des prestations d'assurance-chômage aura un effet immédiat sur les employeurs et les travailleurs qui devront en assumer le coût. La durée écourtée des versements des prestations d'assurance- chômage et les pénalités imposées aux usagers fréquents ajouteront aussi à ces coûts.

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Le transfert au secteur privé des frais d'adaptation lésera les employeurs et les travailleurs qui se font donner de bons programmes d'adaptation et, en outre, cela complexifiera la négociation des conventions collectives car, en raison de ces coûts additionnels, il y aura moins d'argent de disponible pour les travailleurs.

J'aimerais maintenant aborder le système fondé sur les heures.

Dans toutes les discussions portant sur ces questions, on semble avoir oublié que plus de trois-quarts des travailleurs à temps partiel du Canada adhèrent déjà au régime d'assurance- chômage.

Dans le projet de loi, le gouvernement semble laisser entendre que le nouveau régime fondé sur les heures doit s'appliquer à tous si on veut accorder une protection à la petite minorité qui travaille moins de 15 heures par semaine. Nous estimons que cette nouvelle protection pour une minorité de travailleurs à temps partiel n'est qu'un écran de fumée visant à cacher l'imposition de nouvelles conditions strictes pour la majorité des travailleurs à temps partiel qui adhèrent déjà au régime, ainsi que pour bon nombre de travailleurs à temps plein comptant moins de 35 heures de travail par semaine.

Quiconque travaille de 15 à 34 heures par semaine sera désavantagé par le nouveau système fondé sur les heures; cela comprend les travailleurs à plein temps à la semaine de travail réduite. Cela va à l'encontre de tout ce que nous savons sur le marché du travail des années 1990.

Je vous donne un exemple: les emplois à temps partiel prévoyant 24 heures de travail hebdomadaire. À Vancouver, Toronto et Halifax, ou le taux de chômage régional est de 8 à 9 p. 100, ces travailleurs devront travailler 25 semaines avant d'être admissibles à l'assurance-chômage, au lieu de 17 semaines comme c'est le cas actuellement. Par conséquent, un plus grand nombre de ces travailleurs n'auront plus droit à l'assurance-chômage. Alors comment le système fondé sur les heures aide-t-il les travailleurs à temps partiel?

Pour ceux qui auront travaillé 25 semaines avant d'être licenciés, la durée des prestations sera réduite. Pour celui qui aura travaillé 24 heures par semaine pendant 25 semaines, les prestations cesseront un mois plus tôt qu'actuellement. Comment le système fondé sur les heures, qui prévoit ce genre de mesures, aide-t-il les travailleurs à temps partiel?

N'oublions pas que les femmes représente 69 p. 100 des employés à temps partiel, soi ceux qui travaillent 30 heures ou moins hebdomadairement. Ce système fondé sur les heures est encore pire pour les travailleuses qui demandent des prestations pour congé de maternité, congé parental ou congé de maladie. Et c'est encore pire pour les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active.

J'attire votre attention sur le tableau qui figure à la page 16 et qui vous donne des exemples. Nous y indiquons la situation actuelle et ce qu'elle sera aux termes du projet de loi. Les résultats figurent à droite.

Selon le taux de chômage, ceux qui travaillent 15 heures chaque semaine devront travailler entre 28 et 47 semaines, ce qui représente le double de qu'on exige actuellement. Comme nous l'avons déjà indiqué, si votre semaine de travail compte 24 heures, vous devrez travailler une fois et demie plus longtemps qu'à l'heure actuelle.

Dans le cas de ceux qui demandent des prestations pour congé de maladie, de maternité ou parental, ceux qui ont 15 heures de travail hebdomadaire devront travailler 47 semaines au lieu de 20, comme c'est le cas actuellement. Encore une fois, nous vous demandons comment les travailleurs à temps partiel seront-ils avantagés par le système fondé sur les heures qui leur impose ces lourdes pénalités?

Je vous laisse ces tableaux pour consultation et nous pourrons revenir plus tard, si vous le souhaitez.

Maintenant, je cède la parole à Laurell Ritchie qui mettra en lumière les craintes que nous éprouvons au sujet des aspects de la partie II touchant les prestations d'emploi.

Mme Laurell Ritchie (représentante nationale, Formation et organisation du travail, Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole - TCA-Canada): Les dispositions sur les prestations d'emploi vont nous révéler des surprises tout comme le régime fondé sur les heures, dans la partie I portant sur l'assurance, passe souvent inaperçu. Si nous savons ce que nous réserve l'avenir, il semble que ce soit cela, parce que le gouvernement semble vouloir consolider ces aspects de la loi avec le temps. C'est un volet de la proposition gouvernementale qu'on comprend mal. Et même quand on le comprend, on n'en saisit pas nécessairement toutes les répercussions.

Nous savons que des négociations cruciales se déroulent actuellement à huis clos avec les provinces. Dans une certaine mesure, c'est là que se concentrent les activités les plus importantes concernant le projet de loi C-12.

Avec l'excédent de plusieurs milliards de dollars de la caisse d'assurance-chômage, que nous et d'autres avons mentionné, le gouvernement dispose d'une réserve dans laquelle il va chercher des fonds pour les programmes qui, auparavant, étaient financés par le Trésor. Cela a commencé avec les cours de formation. Maintenant, on parle de financer ce qu'on appelle des services de garderie - et je crois que les défenseurs d'un tel système ne voient pas cela du même oeil - à même ces fonds et même, un jour, de mettre sur pied grâce à cet argent des programmes provinciaux de formation obligatoire dont certains s'apparentent à du travail obligatoire. Bien sûr, tout cela se produit parce que le gouvernement fédéral se retire de nombre de ces programmes alors qu'il réduit le financement du Régime d'assistance publique et n'impose plus de normes nationales comme le permet l'application de ces programmes.

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Je vais faire allusion brièvement à deux ou trois séances d'information tenues par des fonctionnaires de DRHC auxquelles j'ai assisté. Chaque fois qu'on a demandé ce qu'il en est de ces cinq programmes de prestations, ces trois mesures relatives aux prestations d'emploi... Ainsi, si un conseil local - pour vous donner un exemple extrême - décidait de consacrer tous ces fonds à des suppléments de revenus ou des subventions salariales et à verser cet argent à ceux qui touchent de l'aide sociale depuis trois ou quatre ans, la réponse typique est la suivante: on espère bien que cela ne se fera pas, parce que ça n'a aucun sens du point de vue politique, mais que c'est possible en théorie. C'est à mon avis le meilleur exemple des problèmes qui surgiront maintenant que la réserve de la caisse de l'assurance-chômage qui devait assurer le maintien du revenu va servi de cagnotte où on pourra puiser.

À vrai dire, trois caractéristiques se dessinent: le transfert des coûts du recyclage à ceux qui auront perdu leur emploi parce que, dorénavant, on n'achètera plus les programmes des collèges communautaires et autres programmes publics grâce au versement de subventions et de prêts; désormais, plus que jamais les employeurs pourront puiser dans la caisse d'assurance-chômage pour financer différents programmes - je songe ici aux subventions salariales qui auparavant étaient versées aux chômeurs à titre de prestations; et, enfin, on encouragera le recours à un système d'éducation et de formation commercialisé et privatisé. Nous nous arrêtons à 5 formes de prestations et à 3 mesures, qui, essentiellement, remplacent 39 programmes de formation fédéraux; il n'y en aura plus que 5, ainsi que 3 mesures, et le financement, soit 2,7 milliards de dollars, ne proviendra plus du Trésor, aux termes du projet de loi, mais bien de la caisse d'assurance-chômage.

Nous nous opposons au programme de prêts et de subventions de perfectionnement avec lequel le gouvernement veut réduire les prestations d'assurance, auxquelles les chômeurs ont droit, pour en faire des prêts offerts à ceux qui voudront se perfectionner.

En ce qui concerne le travail indépendant, on dit aux gens qu'ils doivent, d'une façon ou d'une autre, se créer un emploi, mais une fois qu'ils deviennent des travailleurs indépendants, ils n'ont plus droit à l'assurance-chômage et deviennent des entrepreneurs qui vivent dans l'insécurité.

Les suppléments du revenu sont décrits explicitement comme étant un supplément visant à réduire les attentes des travailleurs et à les habituer à un salaire moins élevé. Nous citons un extrait tiré des documents d'information, en l'occurence un document du Cabinet où un travailleur forestier touche un supplément:

Cela ne nous apparaît pas comme étant un bon usage de la caisse d'assurance-chômage, laquelle devrait plutôt servir à maintenir le revenu des chômeurs pour leur donner le temps de se chercher un emploi comparable à celui qu'ils ont perdu.

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Nous faisons d'autres remarques au sujet des subventions salariales. Cela aussi ne vise qu'à inciter les gens à accepter des emplois moins rémunérateurs et n'a certainement rien à voir avec la création d'emplois. Cela ne fait qu'influencer le choix de ceux qui seront engagés sans encourager les employeurs à engager davantage d'employés.

Comme d'autres témoins l'ont signalé, avec la redéfinition des clients visés par ces programmes, bon nombre de prestataires d'assurance-chômage se retrouveront dans les rangs des assistés sociaux tributaires des programmes provinciaux. Cela comprend les femmes, les jeunes et les nouveaux immigrants.

Pour terminer, j'aborderai la privatisation de la formation. Dans toutes les discussions à ce sujet, on semble laisser entendre que les programmes seront administrés par les provinces. Mais si vous examinez attentivement le libellé du projet de loi, vous constaterez que, dans bien des cas, il est fort possible que ce soit le secteur privé qui s'en charge. On pourrait donc se retrouver dans une situation où la société de formation XYZ ou les fabricants XYZ peut obtenir des sommes d'argent qui auparavant - déjà, cet argent servait à des fins que nous n'approuvions pas - étaient versées aux collèges auxquels on achetait les programmes de formation; ainsi, on contribuait à venir en aide à notre infrastructure d'enseignement public, qui nous vaut l'admiration du monde entier. Maintenant, on adopte une autre orientation que nous jugeons répréhensible.

M. Gill: Je sais que vous voulez passer aux questions, mais nous avons encore quelques remarques à faire au sujet du financement, un des sujets les plus importants de vos délibérations, qui a déjà reçu beaucoup d'attention.

En ce qui concerne les cotisations et les charges sociales, nous tenons à insister sur le fait que Statistique Canada - vous avez certainement vu la dernière étude sur les charges sociales, y compris les cotisations à l'assurance-chômage - a constaté que les charges sociales au Canada étaient les moins élevées de tous les pays du G-7, y compris les États-Unis. Les employeurs paient des taxes relativement peu élevées pour la sécurité sociale. Nous jugeons donc absurde de laisser entendre que la réduction des cotisations entraînera la création d'emplois, puisque, de toute façon, les charges sociales sont déjà très peu élevées.

Même l'OCDE a jugé qu'il n'y avait aucun lien systématique entre le niveau des charges sociales et le rendement du marché du travail. Tout se trouve dans les études qui ont été menées par le ministère. Il est évident qu'il n'y a aucun lien entre les deux facteurs. La réduction des cotisations n'est qu'un cadeau au lobby des sociétés, qui en bénéficient le plus.

Enfin, nous tenons à souligner un des aspects des plus importants du régime d'assurance-chômage qu'on néglige souvent: sa fonction de stabilisateur économique. En fait, comme l'indique encore une fois le RHD dans le rapport d'une étude faite en mai 1995, il faut stabiliser le compte d'assurance-chômage par l'adoption de mesures anticycliques relativement aux taux de cotisation car le régime d'assurance-chômage joue un rôle critique de stabilisateur économique. Cet effet de stabilisateur compense l'alternance des cycles de forte expansion et de récession de tout régime capitaliste. C'est l'un des objectifs fondamentaux du régime d'assurance-chômage et ce l'est depuis que le régime a été créé, il y a près de 60 ans.

Un des objectifs fondamentaux du régime est de protéger la santé de l'économie en général pendant les périodes de récession en assurant un certain flux monétaire au sein de l'économie. Autrement dit, un régime d'assurance-chômage fort ne sert pas qu'à protéger les particuliers et leurs familles. Encore une fois, DRHC, dans son étude, a conclu que le régime d'assurance-chômage, par opposition aux autres mesures automatiques, a le plus grand effet stabilisateur. Le ministère a en outre conclu que le régime a eu un effet stabilisateur automatique important et puissant sur l'économie canadienne au cours des deux dernières récessions.

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En fait, pendant la récession du début des années quatre- vingt, l'existence de l'assurance-chômage à son niveau de l'époque a permis de réduire de 13 p. 100 à 14 p. 100 les pertes pour l'économie au chapitre du PIB et a eu un effet semblable au cours de la récession du début de cette décennie.

Ceux qui prétendent qu'on devrait réduire les prestations auxquelles ont droit les chômeurs regretteront leurs propos. Le recours à une main-d'oeuvre bon marché entraîne pour tous un climat de déséquilibre, de crainte et d'incertitude quant à la possibilité d'avoir un emploi demain et de pouvoir payer son loyer, son hypothèque et sa nourriture.

À court terme, il y aura peut-être davantage de gens désespérés prêts à faire tout ce que les employeurs réclameront, mais la colère et le ressentiment prendront bientôt le dessus et cette instabilité, cette incertitude aura un autre effet. Les gens hésiteront à faire des achats, les investisseurs hésiteront à injecter des fonds dans des projets prometteurs. L'effet combiné de tous ces facteurs pourrait être la paralysie de notre économie.

Depuis quelque temps déjà, les médias font part de la baisse de confiance des consommateurs, de la baisse des dépenses à la consommation qui mène à la poursuite de la stagnation de l'économie. Nous estimons que cette situation ne fera que s'aggraver si le projet de loi est adopté.

Nous demandons donc le retrait du projet de loi C-12. Nous demandons que l'excédent de la caisse d'assurance-chômage serve de nouveau aux prestations de chômage. Nous réclamons un accès véritablement universel de l'assurance-chômage pour ceux qui travaillent moins de 15 heures par semaine, ainsi qu'un système autre qu'un système cumulatif fondé sur les heures.

Nous recommandons à votre comité d'entendre des représentants du Center on Budget and Policy Priorities, de Washington, un groupe qui étudie depuis longtemps les effets du régime d'assurance- chômage, de la délégation des pouvoirs et des compressions budgétaires aux États-Unis. Nous croyons que vous pourriez tirer un profit énorme de ces témoignages.

Nous réclamons aussi des audiences sur le projet de loi C-12, le projet de loi qui accompagne le projet de loi C-111. Nous ignorons si votre comité a prévu d'examiner cette mesure législative, mais c'est un projet de loi qui mérite d'être discuté.

Nous réclamons une véritable stratégie canadienne d'emplois. Le problème, c'est l'absence d'emplois, d'emplois acceptables, et non pas l'assurance-chômage. C'est ce que le gouvernement devrait indiquer à ses partenaires du G-7 au sommet qui se tiendra en France le mois prochain.

On ne créera pas des emplois en faisant des compressions dans l'assurance-chômage, en adoptant des mesures telles que les subventions salariales et les suppléments de revenu, en révisant les cotisations à l'assurance-chômage. Il faut adopter des mesures pratiques de création d'emplois; il faut que le gouvernement use de son influence sur la Banque du Canada pour maintenir les taux d'intérêt à un niveau peu élevé. Il faut ici examiner beaucoup plus attentivement les différentes propositions de réduction du temps de travail, comme les congés payés pour formation, la retraite anticipée abordable et l'élimination du recours excessif aux heures supplémentaires.

Nous serons maintenant heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président: Vous nous avez présenté un exposé exhaustif qui a répondu à bon nombre de nos questions. Mais je cède néanmoins la parole à Mme Lalonde, puis à M. McCormick.

[Français]

Mme Lalonde: Merci beaucoup pour votre mémoire qui est à la fois extrêmement bien documenté et extrêmement bien articulé. Vous avez dit quelque chose qui, pour moi, traduit le sens de toute cette réforme. Vous avez parlé d'un cheap labour agenda.

Quand on essaie de comprendre le pourquoi de cette réforme, on ne trouve pas la réponse dans la nécessité de couper. Il n'y a pas nécessité de couper, parce que le gouvernement lui-même a décidé de se priver de 900 millions de dollars par année en abaissant le maximum assurable, qui était de42 439 $. C'est lui qui a décidé qu'il était nécessaire de faire des coupures dans les bénéfices.

En effet, l'orientation est à un cheap labour agenda. Vous avez raison de dire que c'est un changement dramatique qui aura des effets socio-économiques qui seront perceptibles non pas dans les trois mois à venir, mais au fil des années. Je ne sais pas si vous serez capables de brasser ce gouvernement assez fort pour qu'il ne fasse pas cette réforme.

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Ce qui me frappe, c'est qu'au lieu de faire de l'assurance-chômage un programme qui s'adresse à tous les salariés, on réduit le salaire maximum assurable et on fait de l'assurance-chômage un pool, mais ce pool compte moins de personnes. On aurait dû chercher à élargir le pool. J'aimerais que vous nous parliez davantage de ce dont vous avez été les seuls à parler jusqu'à maintenant. Vous dites:

[Traduction]

[Français]

Je le répète, le gouvernement a choisi de ne pas soutirer de cotisations d'assurance-chômage en faisant un cadeau de 500 millions de dollars aux entreprises à haute intensité de capital, alors que les PME paient l'ensemble de leurs cotisations. Et maintenant il pénalise les travailleurs qui ont des salaires plus élevés, car ils seront portés à ne pas se servir du système.

[Traduction]

M. Gill: Je suis d'accord avec vous.

Nous avons parlé de la main-d'oeuvre à bon marché parce que ce sera, d'après nous, le résultat de ces mesures. Dans le passé, le ministre a dit que le régime, dans sa forme actuelle, est trop généreux. Il a déclaré que les prestations étaient trop généreuses. Cela n'a pas été prouvé. Les études de Statistique Canada ont démontré qu'il n'existe aucun lien entre ce qu'on appelle la générosité des prestations d'assurance-chômage et la durée des périodes de chômage.

Croyez-moi: nous avons parlé à 2 500 travailleurs, et la très grande majorité d'entre eux nous ont dit préférer avoir un emploi stable à temps plein. Ils ne veulent pas subsister grâce à l'assurance-chômage. Dans bien des régions du pays, de toute façon, les prestations d'assurance-chômage ne permettent pas aux gens de subsister. Elles ne permettent pas aux gens de subvenir aux besoins de leur famille. Elles ne sont certainement pas suffisantes pour assurer un niveau de vie décent. Les travailleurs veulent un niveau de vie décent. Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'ils ont recours à l'assurance-chômage et qu'ils en subissent les conséquences.

Je voudrais aussi souligner une autre tendance qui s'est dessinée ces dernières années et qui semble prendre de l'importance dans ce projet de loi. C'est l'usage de la caisse d'assurance- chômage à des fins autres dans des domaines dont le gouvernement fédéral s'est retiré. Ainsi, le gouvernement compte se retirer de la formation et, ce faisant, retirer les fonds qui y étaient auparavant consacrés; c'est la caisse d'assurance-chômage qui servira à cela dorénavant.

C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles on a déposé ce projet de loi.

Ce n'est certainement pas parce qu'il y a une crise de l'assurance-chômage. Il y a un excédent, et il est fort possible qu'on conservera cet énorme excédent dans l'avenir, le gouvernement l'a reconnu. Qu'on ne vienne pas nous dire alors qu'il y a une crise de l'assurance-chômage.

[Français]

Mme Lalonde: Chez vous, si on leur disait que c'était nécessaire, les travailleurs seraient-ils prêts à payer des cotisations sur l'ensemble de leurs gains, y compris le temps supplémentaire?

[Traduction]

M. Gill: C'est une question complexe, mais je peux vous dire que bon nombre de nos travailleurs, y compris ceux qui jusqu'à tout récemment avaient un emploi stable à temps plein, vivent dans l'insécurité. Le principal enjeu de la négociation collective est maintenant la sécurité d'emploi.

Nos membres voient le régime d'assurance-chômage comme un régime d'assurance. Pour eux, c'est un regroupement de risques et de ressources dans tout le pays visant à protéger les travailleurs contre la menace du chômage. Dans le passé, ils ne se sont pas plaints d'avoir à verser des cotisations à l'assurance-chômage, et je ne crois pas qu'ils se plaindraient, dans l'avenir, si ces cotisations augmentaient.

Avant qu'on ne fasse des compressions, il n'était pas nécessaire d'augmenter les cotisations. On prévoyait déjà un excédent assez substantiel.

Si on devait augmenter graduellement les cotisations de temps à autre, je ne crois pas que nos membres s'y opposerait tout simplement parce qu'ils comprennent ce à quoi est censé servir le régime d'assurance-chômage.

.1210

Le président: Monsieur McCormick.

M. McCormick: Merci beaucoup de votre témoignage.

Je ne suis pas entièrement d'accord avec vous. Bien sûr, j'aimerais bien que tout le monde puisse travailler à temps plein; c'est ce que tout le monde souhaite. Mais je ne crois pas qu'on puisse trouver un emploi pour tous grâce aux syndicats. Ce serait bien si chacun pouvait trouver un emploi pour lequel il serait compétent, mais il faut penser à la situation de bien d'autres gens au Canada. J'espère que vous abondez dans le même sens que moi. Je n'aimerais pas vivre dans un pays où les gens ne pensent qu'à eux et pas aux autres.

Vous avez commencé votre exposé en disant que nous accordons trop d'attention à ce que nous disent les financiers. Moi, j'ai lu le message que votre président a adressé au monde entier la semaine dernière, et où il soulignait, comme vous l'avez fait, l'importance de faibles taux d'intérêt. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

Vous avez déploré le fait que la plupart des nouveaux emplois sont créés dans des entreprises sans syndicat. J'en suis désolé. Peut-être que si l'économie reprend du mieux, la situation s'améliorera. Mais vous ne semblez pas être conscients du fait que la plupart de ces emplois sont créés aujourd'hui par de petites entreprises. Pour ces petites entreprises - je viens moi-même de ce secteur - le taux de cotisation fait toute la différence. La partie II a fait la différence pour les petites entreprises et dans la vie des gens.

En conclusion, vous avez mis l'accent sur l'importance du régime d'assurance-chômage. Il est vrai que c'est un régime dont l'effet de stabilisation sur l'économie est vital. Nous nous donnons un excédent. Le ministre a dit hier qu'on ne s'est pas encore entendu sur le montant de cet excédent, on ne sait pas encore si ce sera 5 milliards de dollars, 8 milliards de dollars ou 10 milliards de dollars. Mais cela devrait être arrêté sous peu. Toutefois, comme vous le savez, la dernière fois que le petit excédent a fait place à un déficit de 6 milliards de dollars, cela a fait des ravages.

Vous dites que les travailleurs n'hésiteraient pas à verser des cotisations plus élevées; ceux qui travaillent peuvent se le permettre, en effet. Mais qu'en est-il de ceux qui ne travaillent pas, de ceux qui ont quitté votre syndicat, qui sont passés entre les mailles du filet et qui ne figurent pas sur les listes des prestataires d'assurance-chômage? Ne devons-nous pas collaborer pour aider ces gens?

M. Gill: Tout d'abord, j'espère que vous n'avez pas eu l'impression que nous ne parlions qu'au nom de nos membres syndiqués, parce que ce n'est pas le cas. Nous nous préoccupons aussi, par exemple, des employés à temps partiel, et nous applaudissons à leur inclusion en plus grand nombre dans le régime. Nous voulons seulement vous faire comprendre que la méthode adoptée pour aider ceux qui travaillent moins de 15 heures par semaine pénalisera beaucoup d'autres travailleurs à temps partiel, dont bon nombre ne sont pas membres de notre syndicat ou de quelque autre syndicat. Nous tenions à vous faire remarquer ce fait. Nous ne préconisons pas non plus la création d'emplois dans les seules entreprises syndiquées. Ce n'était certainement pas là ce que nous voulions dire.

Nous ne préconisons pas non plus l'augmentation des cotisations. Seulement, le gouvernement a cru bon d'abaisser les cotisations pour permettre à certains secteurs de l'économie et à certaines catégories de revenus de réaliser de petites économies à un prix qui nous apparaît énorme. Si, en contrepartie de cette réduction des cotisations et de ces petites économies, il faut abaisser à 413 $ cette année des prestations qui devraient être de 465 $, cela signifie une réduction énorme des prestations pour les chômeurs. Et si on justifie le blocage de ces prestations jusqu'à l'an 2000 par ces économies, nous ne sommes pas d'accord. Nous ne croyons pas que ce soit une juste contrepartie pour quelque travailleur que ce soit, ni pour l'économie dans son ensemble.

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage. Votre exposé a abordé bon nombre de questions et nous a permis de bien comprendre votre perspective au sujet du projet de loi C-12. Soyez certains que le comité a pris bonne note de vos remarques. Nous espérons pouvoir faire rapport à la Chambre des communes d'un projet de loi substantiellement amélioré par rapport à celui que nous avons sous les yeux.

La séance est levée.

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