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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 15 avril 1996

.0903

[Traduction]

Le président: Premièrement, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du comité qui reviennent du congé de Pâques. Je suis sûr que vous avez tous fait le plein d'énergie pour ce qui s'annonce, j'en suis convaincu, une semaine très excitante.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du Congrès du travail du Canada: M. Bob White, Mme Nancy Riche, Mme Linda Gallant, et M. Kevin Hayes.

Je suis sûr que vous connaissez le processus parlementaire. Nous disposons d'environ une heure. Vous pouvez commencer votre exposé. Nous passerons ensuite à une période de questions.

M. Bob White (président, Congrès du travail du Canada): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Nous sommes nous aussi heureux d'être ici ce matin.

Nancy Riche, vice-présidente du Congrès du travail du Canada, possède beaucoup d'expérience en matière d'assurance-chômage entre autres. Linda Gallant, qui est pour l'instant l'une de mes adjointes et a occupé le poste de directrice régionale du CTC pour l'Atlantique, possède également une grande expérience. Kevin Hayes est la personne de notre bureau, de notre service de la politique sociale et économique, qui consacre le plus de temps, je crois, à l'assurance-chômage. On l'a accusé d'avoir diffusé toutes sortes de renseignements sujets à caution. Il est ici pour se protéger contre ces accusations et je ferai tout ce que je peux pour le protéger.

.0905

Je reviendrai à notre exposé de ce matin. Nous avions fait parvenir à ce comité un document intitulé «Mauvais temps pour un bon programme: démantèlement de l'assurance-chômage». Nous avons envoyé en novembre dernier à la plupart des membres de ce comité, je crois, le document intitulé «Les répercussions de l'assurance-chômage sur l'économie - Plaidoyer pour la défense». Lorsque nous quitterons la salle aujourd'hui, nous allons y laisser quelques exemplaires d'un livre qui sera lancé ce matin. Il s'agit d'un document auquel nous avons collaboré avec le Conseil canadien de développement social. Il s'intitule: Dossier documentaire: Analyse du projet de loi C-12, Loi sur l'assurance-chômage.

J'agis de la sorte parce que je crois que vous constaterez dans notre exposé d'aujourd'hui que nous n'entendons pas traiter des lacunes ou même du bien-fondé de dispositions individuelles du projet de loi. Nous tenons à vous faire part de nos préoccupations au sujet de l'orientation de la réforme de l'assurance-chômage, des principes de base de cette réforme et de ses importantes conséquences pour les travailleurs et travailleuses ainsi que les collectivités.

Le régime d'assurance-chômage revêt une importance cruciale pour tous les travailleurs et travailleuses. L'assurance-chômage apaise l'insécurité fondamentale qu'éprouvent toutes les personnes qui travaillent dans une économie de marché. Elle réduit le risque économique du chômage, qui est si important aujourd'hui. L'assurance-chômage stabilise les revenus des individus et des collectivités. Elle est la pierre angulaire de l'adaptation de la main-d'oeuvre du Canada.

Au cours du débat, le gouvernement n'a pratiquement pas traité de l'importance de l'assurance-chômage pour les travailleurs et travailleuses, qu'ils aient un emploi ou non, et du rôle vital qu'elle joue dans des centaines de collectivités au Canada. Je ne cesse de dire dans les discours que je prononce d'un bout à l'autre du pays, à certaines réunions de protestations et dans des exposés que nous avons donnés, que les chômeurs ne modèlent pas leurs activités sur celles de certaines personnes bien nanties et sociétés. Ils n'investissent pas leur argent à l'extérieur du pays. Ils n'ont pas de paradis fiscal aux Îles Cayman ou dans les banques suisses. Les chômeurs dépensent leur argent, encaissent leurs chèques dans les collectivités d'un bout à l'autre du pays. Ils exercent une influence sur les petites entreprises qui y exercent des activités. L'assurance-chômage revêt une très grande importante économique non seulement pour ceux qui touchent des prestations mais pour la collectivité dans son ensemble.

Le régime d'assurance-chômage est destiné à assurer une protection aux travailleurs et travailleuses qui en assument principalement le financement.

Le CTC s'occupe de l'assurance-chômage depuis très longtemps. Depuis 1940, la commission qui mène l'assurance-chômage comprend un commissaire du travail. Des centaines de nos membres représentent les travailleurs et travailleuses au sein de conseils arbitraux. Les syndicats aident des milliers de personnes à faire traiter des demandes et à présenter des appels et leur apportent une aide administrative. Le CTC a représenté les travailleurs et travailleuses au sein de comités consultatifs permanents et temporaires créés pour donner des conseils sur des questions ayant trait aux politiques et à l'administration, des commissions royales d'enquête aux groupes de travail sur les systèmes administratifs.

Le CTC se fait le porte-parole de ses membres et, à notre avis, de la plupart des membres de la population active quand il exprime de la colère et de l'exaspération à l'égard du lancement par le gouvernement d'un autre assaut sur l'assurance-chômage par l'entremise du projet de loi C-12.

On nous a accusés de ne nous intéresser qu'à défendre le «statu quo». Nous nous ne sommes pas satisfaits du statu quo. Le mouvement syndical veut que le régime d'assurance-chômage fasse l'objet d'une révision exhaustive et judicieuse. Des changements énormes se sont produits sur le marché du travail. Les gens changent d'emploi plus souvent qu'avant, plus de personnes travaillent à temps partiel, une partie de l'année ou à leur compte et les périodes de chômage sont plus longues.

L'assurance-chômage répond extrêmement bien aux besoins des travailleurs et travailleuses dans un marché du travail agité.

Cet assaut ne peut être justifié des points de vue financier, économique ou moral. La procédure de modification du programme est désordonnée. Elle exclut le mouvement syndical. De plus, elle n'a pas donner aux Canadiens et aux Canadiennes une occasion raisonnable de participer à un débat éclairé sur l'avenir de l'assurance-chômage. Le comité des ressources humaines a sillonné le pays et a parlé en termes généraux des programmes sociaux. Nous y avons eu l'occasion de parler un peu d'assurance-chômage mais il y était la plupart du temps de la question plus large des programmes sociaux.

Il est très grave d'empêcher le mouvement syndical de jouer un rôle valable dans la réforme de l'assurance-chômage. Imaginez ce qui arriverait si l'on modifiait la Loi sur les banques par une annonce budgétaire par suite d'une campagne électorale pendant laquelle la question n'a pas été débattue et sans que soient consultés les banques et les établissements financiers. Apporterait-on une modification majeure à la structure de l'impôt sur les sociétés et majorerait-on cet impôt sans procéder à de vastes consultations?

Par consultations, nous ne voulons pas dire simplement nous présenter ici. Si l'on jette au coup d'oeil aux antécédents de ce mouvement syndical en ce qui a trait à l'assurance-chômage, nous avions apporté, jusqu'à il y a plusieurs années, une incroyable contribution et avions établi le dialogue. Je crois que pour ce projet de loi il y a un sérieux manque de consultation. Nous devrions participer aux discussions.

.0910

Lorsque le comité initial a été mis sur pied avec M. Axworthy, celui-ci ne comportait aucun représentant actif du monde syndical. Lorsqu'un groupe de travail a été mis sur pied pour donner des conseils sur la question des travailleurs saisonniers aucun représentant actif des syndicats n'en faisait partie.

Nous prenons très au sérieux nos responsabilités en matière d'assurance-chômage. Par exemple, si vous considérez le Code canadien du travail aujourd'hui, nous avons un comité d'employeurs, l'ETCOF, et le Congrès canadien du travail; nous nous réunissons parfois ensemble, parfois séparément. Nous maintenons le dialogue parce que nous avons une responsabilité à l'égard du Code canadien du travail. Nous travaillons avec les employeurs au sein du CCMTP et nous discutons avec eux d'assurance-chômage; nous estimons toutefois que nous avons droit à ce que l'On nous consulte davantage, véritablement étant donné les personnes que nous représentons d'un océan à l'autre. Nous n'accepterons pas d'être écartés de la table parce que nous ne sommes pas d'accord sur une question. Nous croyons avoir une obligation et nous sommes prêts à jouer un rôle significatif ici.

Le gouvernement n'a pas encore expliqué l'incroyable dommage déjà causé au régime d'assurance-chômage. La proportion des personnes en chômage qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage a baissé de 87 à 46 p. 100 depuis 1990. Les prestations d'assurance-chômage sont passées de 18 milliards à 13,5 milliards de dollars pendant la même période. On ne tient même pas compte du dommage déjà causé et l'on s'apprête à lancer un nouvel assaut sur l'assurance-chômage.

La seule façon d'expliquer les compressions consiste à se dire qu'elles font partie d'une stratégie de développement économique comptant sur les bas salaires. Elles sont censées indiquer au patronat que le gouvernement lui est favorable. Elles font partie de la stratégie à court terme adoptée par le gouvernement pour réduire le déficit.

Nous disons sans équivoque que nous ne tentons pas de rejeter tout le blâme sur les membres de ce comité. En fait, le CTC a félicité les anciens membres de ce comité d'avoir dit au gouvernement qu'il se trompait en proposant un régime d'assurance-chômage à deux niveaux. Nous mettons les membres actuels du comité au défi de montrer qu'ils sont disposés à prendre une position indépendante fondée sur des principes.

Nous pensons que le comité devrait indiquer au gouvernement qu'il ne suffit pas d'y apporter quelques modifications superficielles pour que le projet de loi C-12 soit sain. Le gouvernement doit retourner à la case départ et le comité devrait indiquer au gouvernement qu'il doit présenter au public canadien des propositions claires qui ne sont pas fondées sur le principe selon lequel il est nécessaire de comprimer l'assurance-chômage encore davantage.

Le comité doit être disposé à se rendre dans les différentes parties du Canada pour parler aux personnes qui seront négativement touchées par le projet de loi.

Le comité devrait exiger que le gouvernement soumette à des audiences publiques ses propositions sur le marché du travail et la formation.

Ce sont là des déclarations plutôt fortes, mais elles sont justifiées par l'histoire récente de l'assurance-chômage.

La campagne électorale de 1993 s'est déroulée avec comme toile de fond deux compressions récentes de l'assurance-chômage effectuées par l'ancien gouvernement conservateur. Ces compressions s'inscrivaient dans le plan global des coupures de dépenses sociales. Les députés libéraux avaient critiqué à la fois les compressions de l'assurance-chômage et le plan général des coupures. Les coupures des Conservateurs et le changement des régimes d'emploi et de chômage avaient été tels que la proportion des chômeurs recevant des prestations d'assurance-chômage n'était plus que de 64 p. 100 au moment des élections.

La campagne électorale de 1993 a été caractérisée par le fait que la première ministre a refusé de débattre des politiques sociales. La première ministre Campbell a nié que son gouvernement avait un programme caché, mais a indiqué que la politique sociale était trop importante pour qu'on en discute pendant une campagne électorale. Les Libéraux ont critiqué Campbell, mais n'ont pas indiqué à l'électorat qu'ils passeraient les programmes sociaux au couperet à peine six mois après les élections. Au contraire, le Livre rouge des Libéraux assurait les Canadiens que la priorité serait donnée à la création d'emplois et au maintien de nos programmes sociaux.

Le Livre rouge indiquait en outre que:

Il n'est pas étonnant que les Canadiens aient cru qu'ils votaient pour la création d'emplois et le maintien de nos programmes sociaux et le Congrès du travail du Canada a exprimé son désir de collaborer à la réalisation d'un tel programme, ainsi qu'en témoignent les lettres que nous avons adressées à divers fonctionnaires.

Cependant, on a commencé à recevoir un message différent pendant les semaines qui ont précédé le premier budget du nouveau gouvernement. Le ministre des Finances a commencé à parler d'une assurance-chômage trop généreuse et de dépendance à l'égard de l'assurance-chômage. La priorité du gouvernement est devenue la réduction du déficit plutôt que la création d'emplois.

Le budget de 1994 a annoncé une nouvelle structure des prestations d'assurance-chômage. Les prestations ont été réduites de plus de 4 milliards de dollars. Jamais en 54 ans, le régime n'avait subi de modifications d'aussi vaste portée sans avertissement, consultation, débat public ou vastes audiences. Le budget de 1994 a eu pour effet non seulement de nuire grandement à l'assurance-chômage, mais aussi de mettre en grave doute la révision de la sécurité sociale qui avait été annoncée en janvier 1994. L'ancien ministre du Développement des ressources humaines avait promis que la réforme des programmes sociaux ne consisterait pas qu'à couper.

.0915

Peu de temps après le début de la révision, le CTC a exprimé ses espoirs et ses inquiétudes au sujet de celle-ci dans une longue lettre à l'intention du ministre de DRHC. Le Congrès a indiqué qu'il consentait à participer à un examen exhaustif de l'assurance-chômage pourvu qu'on ne suppose pas d'emblée qu'il fallait pratiquer des coupures majeures dans le régime. Le CTC a ajouté que même s'il voulait améliorer grandement l'assurance-chômage, il y avait un nombre restreint de points sur lesquels le gouvernement et lui-même pourraient vraisemblablement s'entendre dans le proche avenir.

Au cours de la révision, d'anciens membres de votre comité ont tenu des audiences dans l'ensemble du Canada sur le Livre vert au sujet de la réforme de la sécurité sociale. Ce Livre vert comprenait une proposition visant carrément à créer un régime d'assurance-chômage à deux niveaux. Après avoir entendu l'opposition d'un vaste éventail d'intervenants à cette proposition, les membres du comité l'ont rejetée et se sont inscrits en faux contre un certain nombre d'autres idées-clés du Livre vert.

La proposition visant un régime d'assurance-chômage à deux niveaux était nettement et dûment considérée comme une attaque contre les travailleurs saisonniers. Le gouvernement a créé le groupe de travail sur l'emploi saisonnier et l'assurance-chômage. Ce groupe a tenu des audiences, entendu des personnes ayant un emploi et des personnes au chômage, entre autres, et publié un rapport dans lequel il critique beaucoup l'approche du gouvernement à l'égard de l'assurance-chômage. Cependant, ce ne sont pas les parties de la réforme qui répondaient aux attentes du public qui ont été retenues.

En dépit des déclarations faites par le ministre des Finances au cours du débat sur le budget de 1994, on a constaté que le gouvernement n'avait aucune intention de procéder à une révision équilibrée du régime d'assurance-chômage. Cela a été confirmé dans le budget de 1995, qui annonçait que la modification du régime d'assurance-chômage devait donner lieu à une réduction des dépenses d'au moins 10 p. 100 - même si le pourcentage des personnes touchant des prestations d'assurance-chômage et les dépenses du programme étaient déjà en chute libre.

Le débat récent a consisté à imposer des modifications de l'assurance-chômage aux Canadiens, en dépit de leurs effets négatifs ou de l'opposition du public. Malheureusement, le projet de loi C-12 n'est que l'épisode le plus récent d'une saga qui se poursuit.

L'histoire des coupures de l'assurance-chômage comprend les prévisibles dénonciations de cas de fraude et d'abus. On n'apporte rien au débat lorsque l'on utilise des termes pour décrire un très faible nombre de prestataires d'assurance-chômage comme ceux-ci: «fraude», «tolérance zéro», «récidivistes» et «après trois coups, vous êtes éliminé». On veut ainsi donner l'impression qu'il s'agit d'un comportement criminel répandu. On peut retrouver ces termes dans les tabloïds à propos de fumerie de crack ou de la réforme pénale des États-Unis. À notre avis, ce n'est pas en ces termes que nos représentants élus devraient parler des chômeurs au Canada.

Ce projet de loi aura des effets négatifs étendus.

Puisque la période de référence se mesurera en heures, il sera plus difficile pour les personnes qui travaillent à temps partiel d'être admissibles à l'assurance-chômage. De plus, la période de référence sera allongée pour bien des femmes désirant des prestations de maternité, parentales ou de maladie.

Les taux de prestations des trois quarts des bénéficiaires environ seront réduits, en raison de l'adoption d'une nouvelle formule de calcul des prestations, de la règle de l'intensité, des nouvelles dispositions de récupération fiscale et de la modification du maximum de la rémunération assurable.

En outre, la durée de la période de prestations sera écourtée. Les travailleurs saisonniers, à court terme et à temps partiel, la plupart desquels sont des femmes, seront les plus durement frappés.

Nous nous inquiétons principalement de la réduction des prestations ordinaires d'assurance-chômage. Cependant, nous avons présenté aux membres du comité un mémoire intitulé «Mauvais temps pour un bon programme: Démantèlement de l'assurance-chômage» - j'en ai fait mention ce matin - dans lequel nous signalons un certain nombre d'autres problèmes que posent les propositions du gouvernement à l'égard de l'assurance-chômage. En voici une liste:

- le gouvernement s'est donné le pouvoir de modifier le régime d'assurance-chômage sans se reporter au Parlement ou aux intervenants tel que le mouvement syndical;

- le gouvernement a élargi son pouvoir d'établir et de financer des programmes sur le marché du travail grâce à l'assurance-chômage;

- le gouvernement n'a pas expliqué dûment ses intentions relatives à la formation et aux programmes ayant trait au marché du travail et il semble céder trop de responsabilités aux provinces;

- le supplément du revenu familial affaiblit encore davantage les programmes et j'ai rappelé aux membres du comité ce matin que le Congrès s'y oppose, tout comme les milieux d'affaires et les groupes d'action sociale.

Le CTC doit s'opposer vigoureusement au tort que la compression de l'assurance-chômage cause aux Canadiens et à leurs collectivités. Le fait que cette compression soit totalement injustifiable double ce tort d'un affront.

Les coupures ne sont pas justifiables sur le plan financier. Il y a un excédent considérable au compte d'assurance-chômage et les dépenses du programme seront inférieures à ce que le ministre des Finances disait espérer dans son budget de 1995, même si l'on ne procède pas aux coupures que prévoit le projet de loi C-12.

Les coupures ne peuvent pas être justifiées d'après les données dont nous disposons au sujet de l'effet de l'assurance-chômage sur le marché du travail et l'économie. Les coupures ne modernisent pas le programme. Elles accroissent les difficultés et les insécurités que comportent les tendances actuelles du marché du travail.

Les modifications qu'il est proposé d'apporter à l'assurance-chômage ne peuvent être interprétées qu'à la lumière d'intentions tout à fait différentes de celles qu'exprime le gouvernement. Ces modifications témoignent, à notre avis, d'un désir d'obliger les chômeurs à accepter des emplois à faible rémunération. En fait, elles s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie économique destinée à favoriser les bas salaires. Les modifications en question témoignent d'un désir de faire en sorte que les politiques plaisent aux organisations patronales qui préparent la compression de l'assurance-chômage depuis avant les dernières élections fédérales. Elles témoignent aussi d'une volonté de faire en sorte que l'assurance-chômage aide encore davantage le gouvernement à atteindre son objectif de réduction du déficit à court terme. Tel est le véritable but des modifications proposées.

.0920

Nous nous trouvons à lutter pour protéger le régime d'assurance-chômage contre de nouvelles coupures, alors qu'il doit être renforcé. Cependant, il faut reconnaître qu'il a toujours fallu se battre pour la création de l'assurance-chômage, tout comme pour son amélioration.

Au début, la lutte pour la création d'un régime national d'assurance-chômage a été contrecarrée par des arguments constitutionnels. Toutefois, l'obstacle constitutionnel n'a pas été plus important que l'opinion des quelques personnes au pouvoir selon lesquelles le chômage est attribuable aux sans-emploi, c'est-à-dire que ceux-ci sont responsables de leur propre malheur.

La modification apportée à la Constitution en 1940 pour que l'assurance-chômage relève exclusivement de la compétence fédérale a marqué un tournant majeur de notre histoire en raison du consensus national dont elle témoignait sur la nature et les causes du chômage. Les provinces ont approuvé cette modification non seulement parce qu'elles ne pouvaient pas supporter seules le coût et les conséquences d'un chômage massif, comme l'a prouvé la crise de 1929, mais aussi parce qu'elles ne disposaient pas des outils constitutionnels nécessaires pour s'attaquer aux causes du chômage, qui sont d'origine nationale et même maintenant mondiale. Le gouvernement fédéral avait et a encore les pouvoirs en matière de politique monétaire, de commerce international et de secteurs fiscaux et financiers clés. Qui plus est, il était entendu que les gouvernements ont la responsabilité d'employer ces outils pour établir le plein emploi.

Malheureusement, le projet de loi C-12 qui est censé moderniser l'assurance-chômage, est fondé sur la même idéologie relative à la nature et aux causes du chômage qui a laissé les travailleurs sans assurance-chômage pendant les années 30. Le gouvernement est retourné en arrière pour trouver l'inspiration de son projet.

Des bureaucrates ont présenté un exposé justificatif des changements qui est très élaboré, mais qui témoigne d'un point de vue extrêmement déséquilibré sur le régime d'assurance-chômage. Selon cet exposé, les sans-emploi sont responsables de leur chômage et le fait de recevoir des prestations d'assurance-chômage témoigne à coup sûr d'une faiblesse de caractère.

Personne ne saurait croire que des millions de Canadiens organisent leur propre mise à pied, refusent des emplois bien payés et choisissent de vivre de revenus bien inférieurs à ce qu'ils pourraient gagner. Il existe cependant un rapport direct entre l'abandon de l'objectif du plein-emploi vers le milieu des années 70 et l'augmentation incessante du chômage ainsi que la diminution constante des salaires.

Les preuves selon lesquelles les Canadiens veulent du travail ne manquent pas. Nous voyons des milliers de personnes faire la queue par des températures sous le point de congélation uniquement pour obtenir des demandes d'emploi. Nous voyons quotidiennement des entreprises rentables et des gouvernements mettre des gens à pied. Nous l'avons vu dans des entreprises comme General Motors qui avait annoncé la création de 26 000 emplois. Certains ont prétendu que beaucoup de personnes qui travaillaient à plein temps souhaitaient obtenir des emplois dans l'industrie de l'automobile. Nous l'avons vu chez Toyota. J'ai lu dans The Ottawa Citizen il y a à peine une semaine que 5 000 personnes se sont présentées pour 400 emplois de gardes de sécurité et de placeurs au nouvel auditorium. Chaque fois que des emplois sont proposés, qu'il s'agisse d'emplois à temps partiel décemment rémunérés ou d'emplois à temps plein, tout semble indiquer dans le pays que le nombre de personnes qui font des demandes d'emploi est supérieur au nombre d'emplois disponibles.

Nous mettons votre comité au défi de rejeter l'orientation proposée par le ministre des Finances et son ministère. Nous vous mettons au défi d'indiquer au gouvernement que le projet de loi C-12 est foncièrement défectueux et qu'on ne peut pas le réparer en y apportant des modifications superficielles. Nous vous mettons au défi, ainsi que le gouvernement, de tenter sincèrement de renforcer et de moderniser l'assurance-chômage dans le contexte d'un engagement renouvelé à l'égard du plein-emploi, de l'égalité et de l'amélioration du niveau de vie des travailleurs du Canada.

En dernier lieu, nous tenons à indiquer clairement que le Congrès du travail du Canada n'est pas satisfait du statu quo. Nous n'acceptons pas le principe selon lequel notre régime d'assurance-chômage doit être comprimé encore davantage. Notre régime d'assurance-chômage doit être grandement amélioré en fonction du changement suivi de la nature du travail. Nous le répétons, nous serions disposés à participer à une révision qui consisterait à examiner les meilleurs moyens d'assurer une protection du revenu aux travailleurs pendant les périodes où ils sont au chômage.

J'aimerais simplement dire aux membres du comité ce matin que si ce projet de loi améliorait la situation des chômeurs, s'il traitait des nouvelles réalités que vivent les personnes qui doivent changer d'emploi dans un marché incertain, s'il permettait de maintenir un niveau de revenu décent pour les chômeurs, il nous serait alors inutile de comparaître devant ce comité et de gaspiller nos énergies à préparer les documents d'information générale que nous vous avons remis. J'ai entendu beaucoup d'allégations à propos d'allégeances politiques. Nous nous intéressons à une seule chose, le régime de l'assurance-chômage.

Ce que nous avons fait jusqu'à présent est très clair. Nous mettons notre intégrité en jeu lorsque nous affirmons que nous nous intéressons au régime de l'assurance-chômage. C'est la seule raison pour laquelle nous sommes ici. C'est la seule raison pour laquelle nous menons une campagne sur le terrain afin de susciter une prise de conscience à ce sujet.

À notre avis, ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder compte tenu de la réalité d'aujourd'hui. Il faudrait, au contraire, procéder à partir de la base... Lorsque l'on parle du statu quo d'aujourd'hui, on ne parle pas du statu quo d'il y a cinq ans. La situation s'est aggravée pour la plupart des gens. Il faut vraiment en discuter.

.0925

Nous ne pouvons pas vous empêcher d'aller de l'avant et d'adopter ce projet de loi, mais nous pensons que ce serait une véritable erreur.

Nous sommes prêts à participer au processus. Nous vivons dans un monde en pleine évolution. Nous participons probablement davantage aux négociations des entreprises de ce pays et négocions plus de programmes d'adaptation, plus de changements technologiques en matière de formation que tout autre organisme du pays.

Nos associations membres ont comparu devant ce comité et indiqué clairement et en détail la façon dont ce projet de loi influe sur certains secteurs de leur économie.

Nous ne tenons donc pas ces propos à la légère. Nous ne tenons pas ces propos pour quelque projet politique que ce soit. Nous sommes prêts à travailler avec ce gouvernement pour élaborer un régime d'assurance-chômage correspondant aux exigences du XXIe siècle - ce projet de loi ne permet pas de le faire.

C'est une grosse erreur, à moins que l'on ne suive un programme fort différent. Cela nous rapprochera beaucoup plus du régime américain d'assurance-chômage fondé sur une économie de bas salaires. Je crois que la plupart d'entre nous ici présents tirons fierté du fait que nous n'avons encore jamais pris ce chemin.

Ainsi se terminent nos observations initiales de ce matin. Nous sommes prêts à répondre aux questions et à faire d'autres commentaires.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur White.

Au nom du comité, j'aimerais également vous dire que nous sommes prêts à coopérer avec les syndicats, les milieux d'affaires - tous ceux qui, en fait, représentent un échantillon de la société canadienne.

Bien entendu, ce comité a pour rôle et pour mandat d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. En tant que président, je peux vous assurer que les députés des deux côtés ont travaillé très fort pour faire en sorte que notre comité présente des améliorations susceptibles de répondre à certaines des préoccupations que vous soulevez dans votre mémoire.

C'est dans cet esprit de coopération que je passe maintenant à la période des questions.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde (Mercier): Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie aussi M. White et les personnes qui l'accompagnent.

Je voudrais d'abord vous dire que nous partageons votre volonté de convaincre les membres libéraux de ce comité d'étudier avec attention les nombreuses représentations qui sont faites devant nous tous.

Je pense que le projet de loi que nous avons devant nous est, en effet, une grosse erreur pour le Canada et pour la productivité des entreprises. Cela va provoquer un grand changement, aussi bien pour les travailleurs et travailleuses n'ayant pas la sécurité de l'emploi que pour les entreprises elles-mêmes.

Ce changement me surprend grandement et, comme on ne peut pas discuter du projet de loi C-111 sans parler du projet de loi C-12, j'aimerais demander à M. White d'essayer de m'expliquer pourquoi le gouvernement, par ce projet de loi, fait passer le salaire maximum assurable de 42 000$ à 39 000$, car, ce faisant, il supprime 900 millions de dollars de revenu par an. Il redonne ainsi environ 500 millions de dollars à la grande entreprise et 400 millions de dollars aux salariés de ce niveau-là, au lieu de laisser les choses en l'état ou d'augmenter le salaire maximum assurable pour voir comment on pourrait, en accord avec le Régime d'assurance-chômage et en considérant le nouveau marché du travail, donner plus de sécurité à tous ceux qui en ont le plus besoin. Quelle est donc la raison pour laquelle le gouvernement veut se priver de ces revenus?

La seule hypothèse qui me vient à l'esprit est que le gouvernement désire vraiment faire du Régime d'assurance-chômage un régime proche de l'aide sociale et encourager la baisse des salaires.

Mais ce qui est surprenant, c'est qu'il va aussi, de ce fait, exercer des pressions sur les provinces, sur les individus et, je le répète, sur les entreprises. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a dit, en effet, que dans ce processus, les PME seraient perdantes au profit des grandes entreprises.

.0930

Je vous demande donc encore une fois d'essayer, par vos explications, de convaincre les représentants d'en face et le gouvernement de ne pas s'engager dans ce projet qui demande, non pas des amendements mineurs mais plutôt une large révision.

[Traduction]

M. White: Au sujet de la création d'un excédent du fonds, nous soutenons depuis longtemps qu'à notre avis il est important d'avoir un tel excédent pour que, en cas de récession, il ne soit pas nécessaire d'ajouter aux coûts de l'assurance-chômage en augmentant les cotisations.

Les travailleurs du pays n'ont pas demandé de réduction de l'assurance-chômage. En tant que représentants des travailleurs, nous n'avons pas exigé une réduction des cotisations de l'assurance-chômage.

Au bout du compte, lorsqu'on arrive à un certain excédent, on peut se dire qu'il sera sans doute possible de venir à bout de la prochaine récession. C'est alors que l'on peut songer à des réductions. Cela n'a rien à voir avec des réductions qui sont essentiellement au bénéfice des grandes sociétés et qui, en même temps, font baisser les prestations accordées aux travailleurs. Je le répète, je ne pense pas qu'il soit sensé d'agir de la sorte.

Je ne peux pas me mettre à la place de ceux qui ont rédigé cette mesure législative. Je ne crois pas qu'il soit économiquement sensé de retirer de l'argent à des collectivités où les gens ne travaillent pas et reçoivent de l'assurance-chômage et d'accorder une réduction plus intéressante aux employeurs qu'aux employés qui ont du travail. Je ne pense pas que cela favorise l'économie. Je ne crois pas que cela permette de réduire l'écart entre ceux qui se trouvent en bas de l'échelle et ceux qui se trouvent en haut de l'échelle.

Je ne peux donc pas discuter des motifs de cette mesure, si ce n'est que de dire qu'à notre avis, elle n'a aucun sens. Par contre, je tiens à dire que selon nous, il faudrait que le fonds affiche un excédent; à ce moment-là, on peut se pencher sur la question des réductions - c'est parfaitement sensé - et cet argent ne devrait pas être transféré ailleurs. Cela ne devrait toutefois pas se faire à un moment où d'un autre côté vous retirez d'importantes sommes d'argent aux gens. Comment pouvez-vous dire aux chômeurs que vous n'avez pas l'argent nécessaire pour ramener le régime au niveau où il se trouvait il y a à peine cinq ans, lorsque, en même temps, vous réduisez les cotisations et retirez d'importants montants d'argent du régime?

[Français]

Mme Lalonde: Je vous ferai remarquer que ce projet de loi ne se préoccupe pas du tout des problèmes des personnes qui se trouvent dans ce qu'on appelle le nouveau marché du travail. Même si le gouvernement dit que les gens vont cotiser dès qu'ils commenceront à travailler et qu'ils pourront ensuite toucher des bénéfices, on sait très bien qu'ils vont certainement cotiser, mais rarement toucher des bénéfices et, surtout, qu'un grand nombre de ces travailleurs n'auront pas accès à ces bénéfices.

Ceux qui travaillent sur des projets de courte durée vont payer davantage d'assurance-chômage qu'à l'heure actuelle à cause de l'annualisation et, dans bien des cas, ne pourront pas toucher les bénéfices. Il est donc clair que ce projet de loi n'est pas du tout adapté au nouveau marché du travail.

Nous pouvons aussi constater que le gouvernement recule au lieu d'avancer puisqu'il avait dit, au début de la réforme, qu'il allait s'occuper de cette question et qu'il n'en a rien fait.

[Traduction]

Mme Nancy Riche (vice-présidente exécutive, Congrès du travail du Canada): La situation n'est-elle pas ironique? Alors que nous parlons tant des nouvelles réalités du travail et de son évolution, c'est comme si quelqu'un se mettait à prédire les nouvelles tendances du travail pour ensuite rédiger un projet de loi les pénalisant. Ce qui se passe en fait, c'est qu'un nombre incroyable de nouveaux emplois deviennent des emplois à temps partiel. C'est parce que toute personne travaillant moins de 15 heures par semaine n'est même pas en mesure d'avoir accès au régime que nous demandons depuis de si nombreuses années la couverture à partir de la première heure. Chose bizarre, ce projet de loi prévoit maintenant la couverture à partir de la première heure, ce qui permet aux personnes travaillant moins de 15 heures par semaine de cotiser au régime d'assurance-chômage alors qu'en fait, bon nombre d'entre elles ne pourront jamais y avoir accès. En réalité, un nombre incroyable de personnes gagneront moins de 2 000$, mais ne pourront pas obtenir la réduction de 60$.

.0935

Il importe donc véritablement que ce gouvernement et ce comité fassent preuve d'honnêteté au sujet de la couverture à partir de la première heure; je sais en effet que monsieur Axworthy, le ministre précédent, a déclaré à qui voulait l'entendre que près de 500 000 personnes de plus seraient couvertes par l'assurance-chômage. Ce n'est pas vrai. C'est une flagrante déformation de cette mesure législative.

Ainsi que le disait Bob White plus tôt, nous voulons parler de la nouvelle réalité du travail. Comment rédiger une nouvelle loi sur l'assurance-chômage qui tienne compte de cette nouvelle main-d'oeuvre: les employés à temps partiel, ceux qui répondent aux exigences juste à temps, les contractuels, les temporaires, les travailleurs partageant un emploi?

Il est incroyable de voir que cette mesure législative est à l'avantage de ceux qui font du surtemps - et elle émane du même gouvernement dont le groupe de travail sur le partage et la répartition du travail vient de terminer sa mission - et qu'elle pénalise en fait les plus vulnérables, les personnes qui travaillent à temps partiel et qui occupent un emploi temporaire, qui sont, en majorité, des femmes.

Le président: Avez-vous une autre question à poser?

[Français]

Mme Lalonde: Oui. Vous nous avez bien dit que ce projet de loi n'était pas bon non plus sur le plan économique. Jusqu'à présent, la principale caractéristique du Régime d'assurance-chômage du Canada par rapport à ceux d'autres pays d'Europe, par exemple, était qu'il permettait aux entreprises de s'ajuster très rapidement à la conjoncture parce que la très vaste majorité des travailleurs et travailleuses étaient couverts par l'assurance-chômage.

Mais à partir du moment où moins de 50 p. 100 de nos travailleurs et travailleuses seront couverts par l'assurance-chômage et que le régime deviendra plus complexe, le problème sera différent. En effet, les documents du ministère nous disent que les gens vont faire des choix et qu'ils vont choisir la date à laquelle ils vont déposer leur demande, mais seront-ils en mesure de décider eux-mêmes de cette date?

Le gouvernement change donc les règles du jeu sur le plan économique au moment où l'entreprise espère davantage de souplesse, et je pense qu'il se dirige dans la mauvaise direction.

[Traduction]

M. White: Je me souviens d'un débat public entre l'ancien ministre et l'industrie automobile, par exemple, dont j'ai été un peu informé.

Je le répète, le régime d'assurance-chômage et le régime de prestations supplémentaires de chômage étaient très importants pour cette industrie qui tenait, tout d'abord, à conserver la main- d'oeuvre en cas de ralentissement de l'industrie, car il s'agissait d'ouvriers spécialisés et qu'elle avait dépensé beaucoup d'argent pour leur formation, etc. Elle tenait également à protéger ces collectivités de l'anéantissement et de l'impact des saisies hypothécaires, des faillites des petites entreprises, etc. C'est la raison pour laquelle on avait prévu ce programme d'adaptation qui fait partie intégrante du processus de négociation.

Plus vous enlevez d'avantages en matière de chômage de ce programme d'adaptation, plus les négociations portent sur les coûts que doivent supporter les employeurs et cela peut parfois déstabiliser encore plus les choses.

J'y reviens. Nous aimerions que davantage de personnes bénéficient du régime. Nous avons demandé que les travailleurs à temps partiel en bénéficient et que l'on trouve une façon de protéger le travail à contrat; nous avons également parlé de toute la question de la gestion de l'assurance-chômage, mais lorsque quelqu'un rédige un projet de loi d'une manière telle qu'il semble pénaliser plus de gens qu'il n'en protège, il nous est impossible de l'accepter. Cela n'a aucun sens et ne marche pas à long terme. Ce projet de loi privilégie quelques personnes, mais ne donne pas les résultats qu'est sensé donner. Je crois par ailleurs qu'il a un impact sur l'entreprise. Aux quelques petits entrepreneurs qui réclament à cor et à cri des compressions de l'assurance-chômage, je réponds qu'ils ne voient pas très loin, alors qu'ils devraient se rendre compte de ce qui se passe dans les collectivités.

Le président: Merci, monsieur White.

Monsieur Robinson.

M. Robinson (Burnaby - Kingsway): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les membres du comité de me donner l'occasion de poser quelques questions, bien que je ne sois pas membre de plein droit du comité, et je remercie les témoins de leur exposé de ce matin.

Le président: Vous êtes parfaitement le bienvenu.

M. Robinson: Merci, monsieur le président. J'ose croire que le chef de mon parti sera également invité...

Le président: C'est bien.

M. Robinson: ... tout comme M. Grubel, monsieur le président.

Des voix: Oh, oh!

M. Robinson: Monsieur le président, la baisse dramatique du pourcentage des chômeurs qui reçoivent l'assurance-chômage est probablement, à mon avis, l'un des chiffres les plus inquiétants du mémoire présenté par le Congrès. Ce pourcentage est passé de 87 p. 100 en 1990 à 64 p. 100 en 1993, lorsque les Libéraux sont arrivés au pouvoir, et, maintenant, à 46 p. 100.

De toute évidence, les chômeurs qui ne bénéficient pas l'assurance-chômage reçoivent probablement des prestations d'assistance sociale pour survivre. Au moment même où la demande d'assistance sociale s'accroît, des compressions massives des paiements de transfert aux provinces s'effectuent au détriment du régime d'assistance publique qui permet l'assistance-travail, etc., éliminant ainsi les normes nationales.

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Ce que vous dites à propos de l'énorme préjudice qui en découle et de l'effet global qui s'explique en partie par notre stratégie de bas salaires et, très franchement, à cause directement de l'ALÉNA - vous n'en avez pas fait mention, mais il s'agit certainement d'un point qu'il nous faudra examiner de très près - est une véritable source de préoccupation.

En ce qui concerne l'impact de ce projet de loi, vous avez souligné en particulier l'effet qu'il aura sur les travailleurs saisonniers, sur les travailleurs temporaires, sur les employés à temps partiel et plus précisément sur les femmes.

Je suppose qu'en votre qualité de témoins, vous avez appris que certains membres de ce comité proposent des amendements susceptibles d'avoir un impact sur le secteur du travail saisonnier, mais je me demande si vous avez eu l'occasion d'examiner ces amendements et si vous pouvez faire part au comité de votre analyse à cet égard, ainsi que des préoccupations qui subsistent même après les amendements que propose le gouvernement au sujet des travailleurs saisonniers et à temps partiel, notamment les femmes.

Mme Riche: Tout d'abord, nous devons savoir ce que représentent ces amendements. Je crois que vous parlez en fait de l'admissibilité, de la façon de calculer les prestations sur les 20 semaines.

Je crois, Andy, que vous êtes arrivé à 26 semaines.

Nous essayons de nous débarrasser de la période d'inactivité où les gains sont nuls. Essayez de suivre ce qui suit.

Sur les 14 semaines - vous parlez de 14, 16, 18, 20 semaines, n'est-ce pas? Peu importe que la personne ait travaillé 12 semaines sur 26 ou 12 semaines sur 20, le dénominateur ne change pas. Nous allons toujours avoir 14 comme dénominateur. Est-ce bien cela? Si vous n'avez travaillé que 12 semaines sur 26 ou sur 20, vous divisez par 14. Nous avons alors la période d'inactivité. Cet amendement ne permet pas d'éliminer cette période d'inactivité.

C'est ce que nous essayons de vous faire comprendre: il est inutile d'amender le projet de loi de cette façon; cela ne va pas marcher.

Je crois que ce comité, qui est le nouveau comité, s'est rendu compte que lorsque le ministre a comparu et a fait part de son inquiétude à propos des travailleurs saisonniers... Je sais que c'est surprenant, mais c'est ce qu'il a fait. J'ai lu la citation. Il a déclaré qu'il s'inquiétait du fait que certaines personnes ne pouvaient pas obtenir d'emploi dans certaines régions pendant certaines saisons. Il me semble donc que nous mettons cela de côté et revenons au point où nous nous trouvions au départ en ce qui concerne les 52 dernières semaines. Je ne crois pas que cet amendement soit utile, car il n'est pas nécessaire qu'il le soit.

L'autre amendement vise le supplément du revenu familial. C'est, à mon avis, un amendement lamentable et regrettable. Je sais qu'il est présenté en toute sincérité, mais il ne serait pas nécessaire si vous n'apportiez pas ces changements dans le cadre de cette mesure législative. Nous commençons donc à malmener les personnes à faible revenu pour ensuite leur dire, avec un sentiment de culpabilité bien libéral, nous allons vous donner un supplément.

D'après ce que nous comprenons, vous retirez en fait 70$ par semaine à des personnes à faible revenu, vous leur remettez 30$ et vous appelez ceci un supplément. Je n'ai peut-être pas les chiffres exacts, mais c'est l'impression que nous en retirons.

Pour simplifier, je dirais donc que les amendements présentés ne nous impressionnent pas.

M. Robinson: En ce qui concerne la question de la consultation, monsieur White, vous avez dit que le mouvement ouvrier a toujours participé au débat sur tous les aspects de l'assurance-chômage. Vous avez parlé ensuite de l'exclusion des travailleurs qui n'ont pu jouer de rôle important dans ce processus de réforme de l'assurance-chômage. Je me demande si vous pouvez nous donner des détails sur l'étendue de la consultation. Nous savons que le ministre actuellement responsable n'est pas vraiment porté à consulter sérieusement le président du CTC, mais dans quelle mesure le Congrès a-t-il été exclu de tout examen sérieux de ce régime d'assurance-chômage?

M. White: J'ai dis dans mon introduction que nous pensions, lorsque ce gouvernement a été élu...

Parlons franchement. Nous étions tous du même avis à propos des autres changements au projet de loi sur l'assurance-chômage apportés par le gouvernement précédent. Nous nous y sommes tous opposés d'une seule voix. Lorsque M. Axworthy a constitué son groupe consultatif initial, nous avions espéré pouvoir y envoyer un syndicaliste actif possédant les connaissances nécessaires et respectueux de la confidentialité nécessaire.

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Si l'on prévoit rédiger de nouveau un projet de loi sur l'assurance-chômage d'une telle importance, on s'attendrait à ce que l'on passe beaucoup de temps avec ceux que nous représentons, qui ont de l'expérience dans ce domaine. Si le gouvernement décide qu'après tout, il ne veut pas s'engager sur cette voie, il en a démocratiquement le droit; nous prendrons position à ce sujet. Par contre, c'est insulter le mouvement ouvrier que de nous écarter, sous prétexte que nous nous opposons à certains points, et de déclarer que cela ne nous regarde pas vraiment.

C'est une question d'expertise. Il s'agit de connaître l'impact d'un tel projet de loi sur le terrain. Il s'agit de reconnaître les réalités de l'évolution du travail; c'est sur ces points que nous axons nos efforts. Au bout du compte, cela donne lieu à des affrontements comme celui d'aujourd'hui, car aucune consultation étendue n'a été prévue.

Comme vous le dites au sujet du Code canadien du travail, cela ne veut pas dire non plus que nous allons être du même avis à propos de chaque changement. Ce n'est pas ce que nous disons. Nous ne sommes pas le gouvernement, mais nous croyons qu'il est choquant qu'en 1994, le plus grand changement survienne sans que nous ne soyons consultés, malgré les antécédents historiques, malgré notre entière participation au débat sur l'assurance-chômage, malgré les changements considérables survenus depuis l'élection de ce gouvernement.

Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas de la consultation. C'est une occasion pour nous de nous adresser à un comité. Ce sont les pouvoirs en place qui prennent les décisions, font des changements et des recommandations au comité pour qu'il les adopte; ce n'est pas de la consultation, en ce qui nous concerne.

Si M. Young a décidé de ne pas me rencontrer, il en a parfaitement le droit. Cela ne s'est jamais produit jusqu'ici. Il a toutefois pris cette décision et je ne vais pas me lamenter. J'imagine qu'il faudra que nous nous rencontrions à un moment donné.

Je parle ici de véritable consultation et non pas de comédie politique. Je parle de véritable consultation avec des gens comme Kevin Hayes et d'autres membres qui s'occupent de ces questions quotidiennement en milieu de travail, qui arrivent à des ententes avec des employeurs et avec des gens qui partent à leur retraite, qui font face à la nouvelle réalité des travailleurs à temps partiel du secteur du textile où le travail à la maison prend de plus en plus d'ampleur, qui font face à la nouvelle réalité de ceux qui se trouvent dans le secteur des services - comme le secteur de détail de TUAC Canada - où l'on retrouve beaucoup plus d'employés à temps partiel et du secteur des services, plus de femmes. Nous avons l'expertise. Toutefois, au moment de la rédaction de cette mesure législative, il n'y a eu personne pour proposer d'inviter pendant trois ou quatre jours les spécialistes pour vider la question. Il ne resterait alors plus qu'à retourner à la case départ et...

J'ai participé à des séances de négociation, comme le débat que nous allons avoir aujourd'hui sur certains de ces amendements. L'employeur dit: «Nous allons réduire votre salaire de 15 p. 100 ou de 30 p. 100: qu'est-ce qui vous conviendrait le mieux?» Nous répondons: «Merci beaucoup. Aucune de ces solutions ne nous convient».

Lorsque vous partez du principe qu'il faut en retirer des milliards de dollars... LorsqueM. Axworthy a commencé l'examen de la politique sociale - je crois que vous étiez son ministre en second, ou quelque chose du genre, vous avez gravi les échelons depuis - nous avons présenté un document de trois ou quatre pages au ministre et lui avons dit que nous étions prêts à discuter avec lui. Nous avons dit qu'il était tout à fait normal d'examiner la politique sociale du pays tous les 25 ans. De toute évidence, nous allions l'examiner et nous étions prêts à le faire.

Ce qui me dérange, c'est que je crois que cela mène à des affrontements inutiles. Toutefois, que cela plaise à M. Young ou non, nous allons continuer à participer en manifestant pacifiquement dans tout le pays, car nous croyons en avoir démocratiquement le droit. Ce qui nous préoccupe véritablement, c'est que nous croyons que nous aurions pu éviter pareille chose.

Ce projet de loi est maintenant retardé par les mêmes bureaucrates qui en ont rédigé la première version tout en disant au ministre qu'il ne poserait aucun problème. Toutefois, dans la pratique, les choses se sont passées autrement. Ce comité est maintenant chargé de l'arranger une nouvelle fois. Ce n'est pas comme cela que l'on arrive à rédiger une loi qui devra rester en vigueur pendant plusieurs années.

Le président: M. Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Bienvenue.

Au sujet de la consultation, je crois que le comité a de bons antécédents et je vous remercie de vos interventions ainsi que de celles de vos organisations. Je suis ici depuis un an et demi maintenant et j'ai été heureux de l'appui que nous avons reçu au moment où l'on a débattu des deux niveaux. Il n'en est plus question maintenant.

Cela dit, certaines choses m'inquiètent. La mention des heures supplémentaires - et d'autres organismes sociaux qui ont témoigné en ont fait aussi mention - m'inquiète car je sais que le Congrès canadien du travail réclame depuis toujours la couverture à partir de la première heure. On ne semble pas reconnaître l'avantage que représente ce passage des semaines aux heures.

Vous vous demandez pourquoi les gens appuient le projet de loi même. Ce passage des semaines aux heures, dans le contexte du bassin actuel de main-d'oeuvre et des industries saisonnières, présente un avantage important. Grâce à cette modification, l'accès au système sera en fait facilité.

Je reconnais qu'il y a des incohérences avec l'orientation du rapport Donner et de façon générale, je suis tout à fait partisan de l'orientation du rapport Donner pour le pays. Mais je reconnais également que les travailleurs saisonniers travaillent de longues heures sur de courtes périodes. Il n'est alors pas difficile de comprendre pourquoi cette nouvelle mesure destinée à reconnaître la valeur des heures plutôt que des semaines de travail représente un avantage énorme pour les travailleurs dans ce genre d'industries - des industries que je connais très bien puisque je viens de la région atlantique du Canada.

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En moyenne, les travailleurs seront admissibles quelques semaines plus tôt. Je connais bien des gens dans ma propre circonscription qui auront accès plus tôt au système, des gens qui sont à l'heure actuelle sur le marché du travail. Je suis prêt à reconnaître que les autres auront plus de difficulté. J'en conviens. Mais en général, les protestations ne viennent pas des gens qui ne sont pas sur le marché du travail. Aujourd'hui, ce sont les gens sur le marché du travail qui protestent et en fait, dans ma circonscription, ils auront plus facilement accès au système grâce à ce projet de loi.

Ils obtiendront également quelques semaines d'admissibilité de plus grâce à ce projet de loi puisque le calcul se fondera désormais sur les heures plutôt que sur les semaines de travail, en raison de la valeur que représentent les heures de travail dans les industries saisonnières où on travaille 60 heures par semaine. Selon ce système, si vous travaillez 70 heures par semaine, cela vaut 70 heures. Cela vaut deux semaines pour ce qui est de l'admissibilité.

C'est donc un aspect qui m'inquiète ainsi que la réticence du CCT à reconnaître ce fait, car j'estime qu'il est important. Je crains que ce soit un peu un problème de compromis entre l'aspect saisonnier et non saisonnier du travail.

Mon deuxième point - et j'aimerais avoir des éclaircissements à ce sujet - concerne votre position au sujet de la politique sociale, du soutien social du revenu. J'ai pris connaissance d'autres lettres que le CCT a envoyées à des syndicats dans ma propre circonscription et elles contestent le fait que le programme d'assurance-chômage vise des objectifs en matière de politique sociale ainsi que de soutien et d'amélioration du revenu. Là où je vois un problème...

Vous mentionnez les collectivités qui seront touchées. C'est la nature même de l'assurance-chômage dans bon nombre de ces collectivités. Elle sert de supplément du revenu. Ce n'est pas qu'ils aient perdu leur emploi. Ils le réintégreront l'année suivante. Comme le revenu qu'ils gagnent sur une courte période ne leur permet pas de vivre, ce programme leur accorde un supplément du revenu sur une base annuelle. C'est de quoi il s'agit essentiellement.

M. White: Mais ils sont au chômage.

Mme Riche: Cela s'appelle l'assurance-chômage.

M. Scott: Ils sont en chômage pour une période donnée. Mais vous avez mentionné que ce programme visait à aider les collectivités où les répercussions macro-économiques seraient énormes. Je pourrais vous en faire la liste. Je les connais bien.

Donc, le fait est que cela fait partie du programme. Ils n'ont pas perdu leur emploi de façon permanente. Ils ne sont simplement pas capables de faire suffisamment d'argent pour subvenir aux besoins d'une famille dans une industrie saisonnière pendant la période où ils travaillent. C'est pourquoi ce mécanisme a été ajouté au programme d'assurance-chômage. Je trouve effrayant qu'il soit contesté.

J'aimerais avoir votre réaction à ces deux observations. Je vous remercie.

M. White: Comme nous l'avons indiqué dans nos remarques préliminaires, et comme Nancy l'a dit, il y a longtemps que nous proposons le système de couverture à partir de la première heure. Vous n'aurez donc aucune opposition de notre part si vous concevez un système de première heure approprié. Nous avons abordé les aspects de ce système qui selon nous laissent à désirer. Notre intention n'est pas d'exclure d'un nouveau projet de loi un système de couverture à partir de la première heure. Nous avons publiquement déclaré notre appui pour ce type de système.

M. Kevin Hayes (économiste principal, Services techniques, Congrès canadien du travail): Comme Bob l'a mentionné, il y a dix ans que nous réclamons une couverture à partir de la première heure. Là n'est pas le problème, pas plus que le calcul fondé sur les heures. Le problème concerne principalement la façon dont le seuil est conçu. Vous avez en fait doublé le seuil en le faisant passer de 15 à 35 heures.

M. Scott: Pour certains.

M. Hayes: Pour certains. À l'heure actuelle, 600 000 prestataires d'assurance-chômage travaillent entre 15 et 34 heures. Ces personnes vont être touchées. Selon la couverture dès la première heure, vous viserez 500 000 personnes dont près des deux tiers gagnent moins de 2 000$ par année et qui vont obtenir une réduction.

Nous n'avons pas vu les chiffres du ministère prévoyant le nombre de personnes qui seront perdantes à cause de ces heures additionnelles. Nous savons que si nous faisons les calculs en ce qui concerne un travailleur qui travaille 25 heures ou 20 heures, de nombreux prestataires actuels d'assurance-chômage seront touchés. Ils devront travailler 30, 40, 50 p. 100 plus longtemps selon la durée de leur semaine de travail.

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Puis, il y a l'effet de déplacement dont nous n'avons pas entendu parler. Des représentants de TUAC ont comparu devant vous. Nous ne parlons pas seulement des industries saisonnières pour qui les nouveaux seuils poseront problème. Il ne s'agit pas de la couverture horaire. Un employeur type qui a trois ou quatre personnes travaillant 20 à 25 heures les déplacera. Les comportements vont-ils changer? Je peux vous le garantir. Ce qui se passera, c'est qu'il en mettra d'autres à pied. Il faut donc examiner de près cet effet de déplacement.

Demandez-lui combien des 600 000 personnes qui sont maintenant prestataires d'assurance-chômage se verront déplacées à cause de cette mesure - et ce ne sont pas tous des travailleurs saisonniers.

M. Scott: Mais vous devez reconnaître que cela aide 87 p. 100 de la population du Nouveau-Brunswick qui travaille plus de 35 heures.

M. Hayes: Oui, mais cela est possible sans accroître le seuil de 35 heures.

M. Scott: Je tiens à vous faire remarquer que c'est vous qui avez conclu qu'un seuil inférieur à 35 heures a des conséquences néfastes. J'en conviens mais il faut également reconnaître que cela aide ceux qui travaillent plus de 35 heures.

M. Hayes: Oui, et combien sont touchés et combien qui ne le sont pas devraient être mis à pied. Ce que je dis, c'est qu'il faut analyser le nombre de personnes qui se trouvent dans cette tranche critique de 15 à 34 heures et examiner les secteurs en question. Ce ne sont pas tous des travailleurs saisonniers. Nous parlons de travailleurs des commerces de détail, surtout des femmes, qui travaillent 20 à 25 heures. Tout d'abord, elles ne seront pas admissibles, avec 910 heures, parce qu'en ce qui concerne les prestataires de première catégorie, vous avez triplé le nombre d'heures leur permettant d'être admissibles. En ce qui concerne les autres, dans certains cas vous l'avez doublé. Il s'agit de gens qui vivent entre autres à Toronto, Vancouver, Ottawa.

On a tellement tendance à concentrer le gros du débat - surtout en ce qui concerne la question d'admissibilité, les heures - sur l'aspect saisonnier. Ce n'est pas la question centrale. Vous avez raison, en fait les travailleurs saisonniers travaillent de longues heures.

M. Scott: C'est exact.

J'aurais une autre question sur les semaines d'inactivité. Dans votre réponse, vous mentionnez l'amendement qui a été proposé pour donner suite au fait que le calcul des prestations ne tient pas compte de la différence qui existe entre une semaine d'inactivité et une semaine de travail. Ce que je propose, c'est un amendement prévoyant qu'une semaine d'inactivité ne soit pas incluse dans le calcul effectué en fonction des 26 semaines.

Dans notre province, où il sera désormais possible en règle générale d'être admissible avec probablement dix semaines, dans bien des cas, à cause du calcul fondé sur les heures, beaucoup de gens seront admissibles avec dix semaines et moins. Mais le dénominateur sera de 14 semaines, au minimum, selon l'amendement proposé par M. Regan.

Auparavant, selon l'ancienne formule de calcul, la semaine d'inactivité aurait compté quand même. L'amendement que je propose signifierait que la semaine d'inactivité en question n'entrerait pas dans le calcul effectué en fonction des 26 semaines. On pourrait donc retrancher du calcul jusqu'à 12 semaines d'inactivité. Je suppose que cela est vrai et je ne crois pas que cela donnera lieu à un débat.

Je reconnais qu'il pourrait quand même y avoir des semaines d'inactivité à cause du dénominateur, mais pas en fonction du calcul à rebours des semaines de travail.

Est-ce exact Kevin? Ai-je oublié quelque chose?

M. Hayes: Non. Effectivement, l'amendement que vous proposez sera d'une certaine utilité mais cela n'en demeure pas moins jusqu'à un certain point, un débat sur la violence du poison.

En ce qui concerne la formule, ce à quoi nous nous sommes opposés, c'est à son caractère extrêmement capricieux en ce sens que vous tendez essentiellement une embuscade aux gens à l'aide d'une formule très mécanique.

Ce que nous n'avons cessé de réclamer - et le groupe de travail sur les industries saisonnières a, je crois, failli le recommander, s'il ne l'a pas fait - c'est que l'on tienne compte des 12 meilleures semaines pour calculer l'admissibilité. De toute évidence, cela ne réduit pas les prestations de deux milliards de dollars.

L'autre chose, c'est que lorsque vous regardez cette formule - et à mon avis le ministère n'a pas fourni de chiffres là-dessus - vous devriez en fait vous interroger sur le coût de ces diverses dispositions. La nouvelle formule de calcul des prestations, selon la façon dont elle est établie... Même au niveau de l' introduction graduelle, il s'agit de coupures très importantes. Cette disposition à elle seule pourrait entraîner des coupures d'environ 1,5 milliard de dollars à deux milliards de dollars. Or le ministère prétend que les coupures ne seront que de deux milliards de dollars.

Mme Lalonde a mentionné la diminution du maximum de la rémunération assurable - une autre réduction d'un milliard de dollars en ce qui concerne les prestations. La règle de l'intensité représente environ 400 millions de dollars. La liste risque d'être longue.

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Je pense que votre comité devrait exiger du ministère qu'il évalue le coût de chacune de ces dispositions. En ce qui concerne celle dont nous venons de débattre à propos de l'admissibilité, vous devriez parcourir chacune de ces dispositions afin de déterminer quelles seront les conséquences de ce chiffre de 910 heures et quel sera le nombre de gens qui ne seront pas admissibles. Sur les 600 000 travailleurs à temps partiel actuellement admissibles, combien ne seront plus admissibles parce qu'ils arrivent à zéro?

L'autre question qu'il faudrait poser concerne les dispositions relatives au revenu familial. Combien de personnes qui ont théoriquement droit au revenu familial n'y seront même plus admissibles à cause des 910 heures?

En ce qui concerne le soi-disant supplément, deux pénalités frappent ceux-là mêmes que vous voulez vraisemblablement aider: la règle de l'intensité et la nouvelle formule de calcul des prestations.

M. Scott: Un amendement a été proposé pour exempter de la règle de l'intensité les personnes qui seraient admissibles au supplément - et vous le savez.

M. Hayes: Je parle de la nouvelle formule de calcul des prestations et de l'admissibilité. À mon avis, l'amendement proposé par Mme Augustine permettra d'améliorer la règle de l'intensité mais il s'agit jusqu'à un certain point de la moins pire des trois dispositions qui nuiront aux gens à faible revenu.

Le président: En ce qui concerne les prestations d'emploi, la partie II du projet de loi sur l'assurance-emploi concernant les gens qui ont eu recours à l'assurance-chômage au cours des trois à cinq dernières années, en fonction des prestations parentales, qu'en pensez-vous? S'agit-il d'une mesure positive qui permettra aux gens de revenir sur le marché du travail?

M. Hayes: Les prestations d'emploi représentent une variante des utilisations productives des fonds de l'assurance-chômage et cela comporte des aspects épouvantables.

Il y a tout d'abord la nouvelle formule qui servira à en calculer le financement. Avec le temps, les prestations d'emploi augmenteront proportionnellement au montant des cotisations d'assurance-chômage. Les prestations d'emploi ne constituent pas un régime d'admissibilité et c'est pour cette raison précise que nous nous sommes opposés à l'inclusion des utilisations productives. L'assurance-chômage est un programme d'assurance et devrait être organisée en fonction de l'admissibilité.

On a tort de permettre au gouvernement d'utiliser les cotisations comme une autre source importante de financement des programmes d'emploi. Nous considérons que les programmes d'emploi doivent être financés à même les recettes générales du gouvernement ou une taxe particulière et nous avons réclamé une taxe sur la formation. Les modalités d'introduction d'une taxe sur la formation pourraient faire l'objet d'un débat intéressant.

Nous avons été loin d'être emballés par les utilisations productives et nous sommes loin d'être emballés par les prestations d'emploi.

Vous avez compliqué encore davantage la situation en donnant aux provinces un veto en ce qui concerne la formation.

Le président: Mais dans cette structure, vous avez des prestataires d'aide sociale. Je comprends votre préoccupation et je pense que nous sommes tous préoccupés par la situation des prestataires d'aide sociale et leurs possibilités d'obtenir le type de formation qui débouchera sur un emploi. Si ces personnes peuvent avoir accès à cette somme de 800 millions par l'intermédiaire de mesures de réemploi, où est le problème? Pourquoi nous opposons-nous à aider les personnes les plus vulnérables qui ont besoin d'aide pour retourner sur le marché du travail? Notre objectif premier n'est-il pas de remettre les gens au travail?

Mme Riche: Vous formulez la question de façon intéressante.

Il est évident que nous voulons que les prestataires d'aide sociale retournent sur le marché du travail. Pour cela, il n'aurait pas fallu introduire le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, ni nous obliger à faire face à des compressions de l'aide sociale.

On est en train de transformer le programme d'assurance-chômage en un programme d'aide sociale. Andy a mis en doute cette affirmation. Dès qu'il s'agit du revenu du ménage, qui n'est pas basé sur les cotisations versées par un particulier au régime d'assurance, nous passons de l'assurance à l'assistance.

Il ne s'agit pas ici d'un simple changement à l'assurance-chômage. Il s'agit d'un changement d'orientation qu'il est impossible d'isoler de toutes les autres mesures en train d'être prises. Nous avons établi un plafond pour le Régime d'assistance publique puis nous nous sommes débarrassés du régime. Nous nous sommes mis à réduire les paiements de transfert aux provinces.

Je pense que lorsque les quatre premiers ministres des provinces de l'Atlantique se sont réunis avec le ministre au moment où votre comité a été constitué, ils ont conclu une gentille petite entente afin d'accorder un montant supplémentaire de 300 millions de dollars pour les prestations d'emploi. Le programme était de 800 millions de dollars et tout à coup, après cette rencontre, 300 millions de dollars de plus se sont matérialisé. Mais il s'est également passé autre chose. Les prestations d'emploi sont devenues une forme de contribution à l'aide sociale.

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Par conséquent, et je sais que cela va vous paraître dur, le gouvernement vole le fonds d'assurance-chômage pour suppléer à l'aide sociale - c'est-à-dire pour faire passer l'assurance-chômage dans le domaine de l'aide sociale. Si vous voulez vraiment savoir ce qui me pousse à parler ainsi, c'est la façon dont on considère le bien-être dans ce pays et la stigmatisation qui s'y rattache... Si nous transformons le programme d'assurance-chômage de cette façon, nous ne ferons qu'aggraver cette stigmatisation et ce sera alors la chasse impitoyable aux fraudeurs et aux profiteurs.

Cela paraît incohérent mais c'est un phénomène que nous avons constaté. Chaque fois que des coupures sont proposées à l'assurance-chômage, chaque fois que le gouvernement voit sa popularité diminuer dans les sondages d'opinion publique, un ministre se met à parler de «fraudeurs» et de «profiteurs» - comme nous l'indiquons dans notre mémoire, il s'agit d'un langage qui est utilisé dans les fumeries de crack. Nous avons entendu M. Young s'en servir la semaine dernière. Nous n'avons pas entendu ce genre de langage de la part de M. Young lors de sa nomination, mais nous l'avons entendu il y a une semaine. On invoque maintenant les cas de fraude et d'abus pour justifier les changements apportés.

Le président: Excusez-moi. Nous avons commencé en parlant d'aider les prestataires d'aide sociale. Nous parlons de cas d'abus, un aspect que je n'ai absolument pas soulevé. Je ne crois pas non plus que la majorité des prestataires d'assurance-chômage aiment recourir à l'assurance-chômage. Ils aimeraient sûrement aller ailleurs pour trouver de l'emploi.

Mais voici quelle est la réalité. Dans le cadre dont nous disposons, compte tenu de l'enjeu que doit relever notre comité, j'aimerais que vous nous conseilliez sur l'opportunité d'accorder ces fonds aux prestataires d'aide sociale, des gens dont je sais que la situation vous tient à coeur, afin qu'ils puissent avoir accès à des mesures de réemploi qui leur permettront de retourner sur le marché du travail. Nous savons que ces mesures de réemploi fonctionnent. Est-ce que cela vous intéresse ou non?

Mme Riche: Pas si ces mesures sont financées par l'assurance-chômage.

M. White: Nous ne voulons pas que ces mesures soient financées par l'assurance-chômage. Nous ne refusons pas de discuter de la façon de le faire et nous ne contestons pas le fait que ces gens aient droit à une aide. Tout ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas se servir de l'assurance-chômage.

Le problème, c'est que si votre comité indique qu'il faut fonctionner dans les limites de ces coupures, on a alors les mains liées. Si c'est la ligne de conduite qui vous est imposée, il ne vous reste qu'à essayer d'arranger tant bien que mal ce qui cloche. Nous pourrons alors discuter des façons de le faire mais cela ne signifie pas que nous cesserons de nous opposer au projet de loi. Comme Kevin l'a dit, il renferme certaines dispositions intéressantes pour certaines personnes.

Prenez la discussion que vous venez d'avoir à propos des heures. Si cette discussion avait eu lieu avec vous et Kevin et certains autres membres de la bureaucratie, l'issue aurait peut-être été différente. C'est là où nous voulons en venir. Nous sommes obligés de nous opposer à l'ensemble du projet de loi parce qu'une grande partie de ce projet de loi ne marche pas. Quelques dispositions nous satisfont mais elles sont loin de suffire à nous faire avaler la pilule.

Le président: Monsieur Allmand.

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Avez-vous cherché à obtenir un avis juridique sur la constitutionnalité de ce projet de loi compte tenu du fait qu'en 1940 la modification visait l'assurance-chômage et que maintenant, comme vous le soulignez, au cours des sept ou huit dernières années, on introduit dans le programme de plus en plus de mesures qui n'ont rien à voir avec l'assurance-chômage? Avez-vous obtenu un avis juridique à ce sujet?

M. White: Je dois avouer que certaines personnes me l'ont conseillé. J'estime que nous vivons en démocratie et je préfère avoir recours au processus démocratique pour promouvoir et obtenir des lois convenables. Car même si on obtient un jugement des tribunaux, il est possible que par la suite une modification y soit apportée.

Certains aimeraient faire ce genre de contestations et auraient sans doute des arguments juridiques solides mais à mon avis le mouvement syndical n'a jamais réalisé de grands progrès en recourant aux tribunaux et il nous semble, monsieur Allmand, que le meilleur processus est le processus démocratique. Il reconnaît le contexte de ce projet de loi et les responsabilités qui s'y rattachent. Nous ne voulons pas nous appuyer sur une contestation juridique en vertu de la Constitution.

Cela pourrait être valable. Certains soutiennent que nous devrions participer à une contestation de ce genre. Mais jusqu'à présent nous avons indiqué que cela ne nous intéressait pas; que nous préférions agir dans le cadre du système parlementaire.

Mme Riche: Si le projet de loi est adopté, il faudra qu'une modification soit apportée à la Constitution puisqu'à l'heure actuelle elle énonce que le gouvernement fédéral a la compétence... et elle énumère toute une série de choses, dont l'assurance-chômage. Je ne crois pas qu'on puisse remplacer le «chômage» par l'«emploi» sans modifier la Constitution. Je suppose donc que l'adoption du projet de loi lancera un débat constitutionnel.

Le président: Je ne suis pas sûr de vouloir parler de la Constitution dans le cadre de ce comité.

Mme Riche: Je dis simplement que c'est un fait.

Le président: Monsieur White, Madame Riche, Monsieur Hayes, Madame Gallant, au nom du comité, je tiens à vous remercier.

J'aimerais vous dire que les membres du comité sont appelés à entendre différents points de vue, du mouvement syndical, du milieu des affaires, des différents secteurs de la société canadienne. C'est ce que nous faisons depuis l'examen de la sécurité sociale. C'est le défi que nous devons relever, nous assurer de tenir compte des besoins de chaque membre de la société canadienne afin de produire un projet de loi meilleur que celui qui a été présenté au comité.

.1010

M. White: Je comprends cela mais le Fraser Institute doit comparaître ce matin. Les membres de l'institut n'ont pas travaillé sur l'assurance-chômage comme nous l'avons fait. Ils présenteront peut-être certaines observations théoriques mais ils n'ont pas travaillé sur le terrain comme nous l'avons fait. Il y a longtemps que nous nous occupons de cette question et bien franchement, nous avons droit à quelque chose de mieux.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie.

Nous ferons une pause de cinq minutes.

.1011

.1025

La vice-présidente (Mme Augustine): À l'ordre.

Nous avons avec nous, de la Chambre de commerce de Bouctouche, M. Benoît Michaud.

Monsieur Michaud, nous vous souhaitons la bienvenue au Comité permanent du développement des ressources humaines. Je vous demanderais de commencer votre présentation et de prévoir du temps pour une discussion et des questions de la part des députés.

M. Benoît Michaud (président, Chambre de commerce de Bouctouche): Je vous remercie. J'espère que vous m'entendez bien. Mon mémoire vous a été envoyé en français mais je suis accompagné d'un représentant de la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique. Comme il est anglophone, je ferai ma présentation en anglais. Je demande votre indulgence car je suis un peu nerveux.

Le mémoire que nous vous avons envoyé fait suite aux réformes proposées par l'honorable Lloyd Axworthy peu de temps avant Noël.

Je représente la Chambre de commerce de Bouctouche. Bouctouche est une ville d'environ2 000 personnes. C'est une collectivité rurale dans le comté de Kent au Nouveau-Brunswick. Mon mémoire a été appuyé par toutes les chambres de commerce du comté de Kent - par la chambre régionale de commerce, qui représente toutes les autres chambres. Il a été reconnu par le Conseil économique du Nouveau-Brunswick. Il est en train d'être reconnu par la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique et est également appuyé par la municipalité de Bouctouche.

Je suis flatté d'avoir l'occasion de vous l'expliquer de façon plus détaillée et je tiens à vous en remercier. Je vais tâcher de vous expliquer les raisons pour lesquelles nous avons décidé de vous faire parvenir ce mémoire.

Tout d'abord, est-ce que vous m'entendez bien? Est-ce que je parle assez clairement?

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous vous entendons très clairement. Nous avons une très belle image sur l'écran devant nous et vous vous débrouillez très bien. Nous vous entendons.

M. Michaud: C'est rassurant.

La raison pour laquelle nous vous avons fait parvenir ce mémoire, c'est que nous savons que le statu quo n'est peut-être pas la solution idéale mais les mesures proposées créent d'autres problèmes. Nous estimons qu'en ce qui concerne le statu quo, c'est-à-dire la situation actuelle, depuis que l'honorable Bernard Valcourt a réduit la période de prestations, elles sont épuisées avant que les chômeurs recommencent à travailler. Le gouvernement a donc plus ou moins réagi en établissant des programmes spéciaux en vertu de l'article 25 et cet argent, qui est consacré au travail communautaire, pourrait parfois être mieux utilisé.

À mon avis, nous ne pouvons pas nier l'existence des industries saisonnières dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick ou dans l'ensemble des provinces de l'Atlantique. Il s'agit d'un cycle annuel. Sans l'aide de l'assurance-chômage, les industries saisonnières souffriraient.

Je suis moi-même un agriculteur et il m'est impossible d'exploiter ma ferme en hiver. Mes employés ont besoin de manger mais il m'est impossible de leur fournir un revenu lorsque moi-même je n'en reçois pas. Nous sommes fiers d'être des agriculteurs, des pêcheurs et des exploitants touristiques mais nous considérons que nous avons besoin du système pour avoir un peu de protection.

Ce que la réforme propose, comparativement au statu quo, c'est essentiellement de transformer des semaines en heures mais la durée de la période de prestations demeure la même. Cela ne laisse pas suffisamment de temps.

.1030

En ce qui concerne le nombre minimum d'heures: je crois que nous pouvons l'accepter pour ce qui est de la période d'admissibilité. Cette formule permet une certaine souplesse partout au pays. D'après ce que nous pouvons constater en ce qui concerne notre formule, c'est une condition que tout le monde pourrait accepter.

Ce que nous tâchons de proposer, c'est un système qui exigerait le nombre minimum d'heures proposé par la réforme Axworthy. Nous serions même prêts à accepter le dénominateur proposé par M. Axworthy mais avec un léger changement. Le dénominateur augmenterait au fur et à mesure qu'augmente le nombre d'heures mais à un rythme plus lent jusqu'à un plafond de 1 500 heures. Cela encouragerait les gens à travailler autant qu'ils le peuvent parce que cela augmenterait un peu plus leur rémunération assurable pour chaque heure ajoutée, entre 420 heures, qui représentent le minimum prévu dans les régions où le taux de chômage est élevé, et 1 500 heures.

Nous considérons également que si la commission veut épargner de l'argent et réduire les dépenses jusqu'à un certain point, elle devrait le faire à même les frais administratifs et peut-être les prestations de chômage plus élevées. Nous proposons que les personnes qui touchent une rémunération assurable de 200$ ou moins obtiennent un pourcentage plus élevé de ce revenu que ceux dont la rémunération assurable est de 800$. Comme nous le proposons dans notre mémoire, tout salaire inférieur à 200$ serait assurable à 90 p. 100 et entre 200$ et 800$ ce taux diminuerait proportionnellement jusqu'à 50 p. 100 pour les salaires allant jusqu'à 750$ par semaine. Cela est peut-être un peu difficile à expliquer mais cette recommandation a un certain mérite.

Pour encourager les gens à travailler davantage, nous proposons également que tous ceux qui ont un nombre minimum d'heures soient pénalisés par un multiplicateur de pénalité. Ce pourcentage pourrait aller jusqu'à 100 p. 100 entre 420 heures et 800 heures de travail. Par conséquent, une personne qui ne travaille que le nombre minimum d'heures n'obtiendrait que 60 p. 100 de ses prestations d'assurance-chômage. Cela les inciterait à ne pas se contenter de travailler pendant le nombre minimum d'heures requis simplement pour être admissibles puis à démissionner ou à essayer de se faire mettre à pied. Ce facteur d'incitation serait valable jusqu'à 800 heures; par ailleurs le dénominateur qui intervenait plus tôt serait valable jusqu'à 1 500 heures. C'est un double facteur d'incitation.

La conclusion, c'est que la période entre deux emplois, c'est-à-dire de l'automne au printemps, dans les secteurs conventionnels et saisonniers serait la même. Elle ne serait pas déterminée en fonction du nombre d'heures travaillées. Nous proposons une période fixe de 36 semaines.

Ce qui changerait, ce serait le montant des prestations qui serait versé. Une personne qui travaille le nombre minimum d'heures recevrait des prestations minimums d'assurance-chômage. La personne qui travaille un nombre maximum d'heures recevrait un montant plus élevé jusqu'à ce que ce maximum soit atteint. Ce serait le facteur d'incitation à travailler.

Nous proposons également un autre mécanisme. Si une personne a fait de son mieux pour trouver du travail et n'a réussi qu'à obtenir le minimum de 420 heures, ou quel que soit le nombre d'heures dans sa région, elle devrait pouvoir être admissible à des prestations un peu plus élevées en faisant du travail communautaire. Cela signifie que vous pourriez créditer les heures de travail communautaire au multiplicateur qui s'applique au nombre peu élevé d'heures de travail. Ce n'est pas que le travail communautaire en tant que tel donnerait droit à des prestations d'assurance-chômage mais que les heures de travail communautaire s'appliqueraient au multiplicateur de pénalité. Cela serait avantageux pour les collectivités mêmes parce que vous pourriez alors attribuer les fonds consacrés à l'heure actuelle aux programmes spéciaux établis en vertu de l'article 25, aux organisations à but non lucratif et à certaines municipalités afin d'aider à créer un meilleur milieu de travail dans les collectivités. Ces heures pourraient être utilisées de la façon la plus avantageuse.

.1035

Je vais maintenant fermer le micro. Vous avez peut-être des questions parce que cela vous a sans doute paru un peu confus.

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous vous remercions de votre présentation. Vous avez été très clair. Je tiens à vous assurer que nous vous avons bien entendu.

Vous avez la parole, madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Merci, madame la présidente. Vous avez parlé du Parti québécois, mais c'est le Bloc québécois.

Bonjour, monsieur Michaud. Je n'ai reçu votre mémoire que ce matin, mais je vais le lire attentivement et l'étudier. Afin que l'on comprenne mieux votre démarche, j'aimerais que vous nous disiez quels sont les problèmes que vous voyez dans le projet de loi actuel concernant les principales questions que vous énumérez ici. Est-ce que vous me comprenez?

M. Michaud: Je peux déjà vous dire que le premier problème de la réforme proposée réside dans le fait qu'il n'y a aucun encouragement à travailler plus d'heures. Les

[Traduction]

réserves d'heures,

[Français]

c'est-à-dire mettre des heures en réserve, a été une pratique courante, mais cette pratique était souvent gênante pour les employeurs qui devaient quelquefois dire à un employé qu'il n'allait pas être payé cette semaine parce que les prestations étaient trop faibles. Les employeurs subissent des pressions constantes dans ce genre de situation, mais c'est une pratique assez courante, surtout dans les industries saisonnières. En effet, une personne qui doit faire un minimum de 16 heures par semaine pour obtenir des prestations d'assurance-chômage mais qui en est empêchée une semaine à cause du mauvais temps, par exemple, pourrait faire 80 heures la semaine suivante. Mais au lieu de déclarer 16 heures puis 80 heures, il serait préférable qu'elle fasse le total de ses heures et qu'elle les répartisse en deux semaines de 50 heures, par exemple. Cette situation reflète certainement la réalité de toutes nos régions rurales où le chômage est assez élevé.

Nous proposons donc, pour remédier à ce problème, de ne plus permettre de mettre des heures en réserve, parce que selon les formules proposées, 1 000 heures à 6$ l'heure valent mieux que 500 heures à 12$ l'heure. Il est donc payant de travailler beaucoup d'heures, mais le système d'assurance-chômage ne s'intéresse qu'aux salaires déclarés et il vaut donc mieux déclarer les heures travaillées à leur vraie valeur.

D'autre part, de la façon dont la réforme est proposée, le système ne permet pas aux gens d'en tirer le maximum. Il faut travailler environ 20 semaines pour en récupérer 28 ou 30, je pense, puis il en manque encore pour arriver au maximum. Le gouvernement avait donc des programmes de secours, comme l'article 25.

Personnellement, je fais partie de la Chambre de commerce et je peux vous dire que nous nous servons de ces programmes pour faire des pistes de ski de fond ou des pistes cyclables. On peut envisager beaucoup de projets dans notre région, mais bien souvent, lorsque les programmes sortent, à la fin de mars ou au début d'avril, il y a encore trop de neige et on ne peut faire que la moitié du travail qui aurait pu être fait au début de l'hiver, lorsque le temps est plus clément et qu'il y a moins de neige. L'argent pourrait être mieux dépensé. Nous suggérons donc que le travail communautaire soit administré par les régions.

Mme Lalonde: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Du côté libéral, monsieur McCormick.

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox and Addington): Je vous remercie beaucoup de vos propositions très intéressantes.

Je suis heureux de constater que vous reconnaissez nos efforts et que vous appuyez le changement que nous proposons afin de transformer, grâce à l'assurance-emploi, des mesures passives en mesures actives.

En ce qui concerne la partie II de ce projet de loi, j'aimerais savoir ce que vous considérez personnellement comme la meilleure utilisation des outils que vous pourriez obtenir et des méthodes qui s'avéreraient les plus efficaces dans votre région du Canada atlantique. S'agirait-il des suppléments de revenu, des subventions salariales, des mesures d'aide au travail indépendant, de la formation ou des partenariats pour la création d'emplois? À votre avis, quelle serait la mesure la plus efficace?

.1040

M. Michaud: Je crois que ce serait les initiatives d'emploi. Notre principale société locale a administré le programme. Il affiche un taux de réussite de 78 p. 100. Pourquoi payer un prestataire d'assurance-chômage année après année lorsque ce programme en particulier affiche un taux de réussite élevé après 18 mois d'existence? C'est un programme qui devrait être conservé. Il encourage les gens à avoir leur propre entreprise tant qu'elles ne font pas concurrence aux entreprises existantes et n'entraînent pas leur fermeture.

La formation est un autre aspect dont il faut s'occuper mais selon les modalités actuelles, pour chaque heure de formation qui est offerte en informatique, par exemple, vous avez trois applications. C'est une excellente idée de permettre qu'on reçoive des prestations d'assurance-chômage tout en suivant une formation. Les fournitures de cours coûtent également cher. Nous proposons qu'une bonne partie des économies que vous pourriez réaliser sur l'administration du système soit attribuée à la formation et à d'autres initiatives d'emploi dans le cadre de l'assurance-emploi.

M. McCormick: Je vous remercie. Je crois comprendre qu'il existe un programme à Charlottetown, un partenariat local avec les bureaux de chômage et de développement des ressources humaines et la Chambre de commerce de Charlottetown. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Michaud: Cela dépasse mes compétences. Je suis du Nouveau-Brunswick. Je suis toutefois accompagné d'un collègue qui comparaîtra devant votre comité. Je pourrais lui donner le micro maintenant et il pourrait répondre à cette question tout de suite.

M. McCormick: S'agit-il du collègue assis à côté de vous?

Le président: Auriez-vous l'obligeance de vous présenter?

M. Eric Ellsworth (président, Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique): Oui. Je m'appelle Eric Ellsworth. Je suis le président élu de la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique et président de la Chambre de commerce de l'Île-du-Prince-Édouard.

M. McCormick: Bonjour, Eric. Je viens de l'est de l'Ontario.

J'ai entendu dire qu'il existe à Charlottetown un partenariat local entre la chambre de commerce et le bureau de développement des ressources humaines. Je pense que nous devons examiner de plus près la façon d'utiliser ces programmes dans nos collectivités. Pourriez-vous m'en dire plus sur ce programme?

M. Ellsworth: Ce programme semble fonctionner très efficacement dans la région de Charlottetown. C'est un mélange de formation en classe et de stage dans l'entreprise. Pendant une certaine période, les stagiaires acquièrent une expérience professionnelle et reçoivent une formation sur le tas. Ensuite, ils retournent en classe et perfectionnent leurs aptitudes dans les domaines où ils pourraient avoir certaines lacunes. Cela les rend mieux en mesure d'obtenir un emploi dans l'entreprise. C'est un programme qui s'est avéré assez efficace. Il a permis de déterminer les secteurs particuliers dans lesquels les gens ont besoin de perfectionner leurs aptitudes et leur expérience professionnelle.

Le président: Merci beaucoup, messieurs Michaud et Ellsworth, de nous avoir communiqué le fruit de votre réflexion. Nous ne manquerons pas de prendre en considération votre point de vue lorsque nous essaierons d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi. Votre contribution, comme celle des nombreux autres Canadiens qui ont comparu devant notre comité, est précieuse. Nous vous remercions beaucoup.

M. Michaud: Je vous remercie. Je n'ai pas eu l'occasion de vous le présenter mais j'ai un imprimé informatique qui indique la façon dont fonctionnerait le système comparativement au statu quo. Si vous m'accordez cinq minutes de plus, nous pourrions y jeter un coup d'oeil.

.1045

Le président: Je vous en prie, allez-y.

M. Michaud: Il va paraître à l'écran. J'espère que vous m'entendez bien.

Le mémoire présente plus ou moins la version A. Vous avez le nombre d'heures qui s'établit en moyenne à 782,40. Disons que le salaire horaire moyen serait de 8,41 . Le salaire brut serait de6 531$. En fonction de ce salaire et de ce nombre d'heures, le dénominateur serait de 17,21. Le dénominateur peut être déterminé de façon exacte. C'est une formule basée sur le nombre d'heures. Après cela, vous auriez le salaire assurable hebdomadaire et ce salaire serait multiplié par 77,9 p. 100 au lieu de 55 p. 100 comme c'est le cas à l'heure actuelle. Cela vous donnerait une prestation brute hebdomadaire de 273,65$.

Comme ce nombre d'heures se rapproche des 800 heures, elles seraient multipliées par 0,9947, qui est pratiquement un facteur de un. Cela produirait une prestation de 272,01$; selon le statu quo, elle serait de 253,49$, avec une augmentation de 7 p. 100. De plus, on y aurait appliqué les 132,97 heures de travail communautaire.

C'est ce que nous proposons. Grâce aux chiffres que nous a fournis notre député, Fernand Robichaud, nous avons analysé la formule et constaté qu'en effectuant quelques changements... nous pourrions réaliser des économies. Donc, les chiffres utilisés dans la formule... par exemple, pour ceux qui gagnent un salaire peu élevé, nous allons appliquer un taux de 75 p. 100 au lieu de 90 p. 100. Les dépenses au titre de l'assurance-chômage peuvent être réduites de 6 p. 100 en moyenne. Nous avons recensé 70 ou 72 cas, de sorte que cette moyenne englobe toutes sortes de rémunérations et d'heures de travail communautaire.

J'espère que vous avez une idée de la façon dont le système fonctionne. Vous avez un dénominateur et un taux qui varient en fonction d'une échelle mobile, de même qu'un multiplicateur de pénalité. Tous ces facteurs encouragent la création d'emplois et la réalisation d'économies - qui sont ici de 6 p. 100 par exemple. Ils encouragent également le travail communautaire. On pourrait par exemple demander aux prestataires qu'ils consacrent 50 p. 100 de leur temps à du travail communautaire, et 25 p. 100 à des cours de formation.

Cette formule offre des possibilités intéressantes. Merci.

Le président: Merci.

Y a-t-il des questions? Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Je n'ai qu'une seule question, monsieur le président. Je me demande si les témoins ont jeté un coup d'oeil sur les amendements mis de l'avant par MM. Scott et Regan, qui auraient pour effet de modifier le projet de loi en profondeur puisqu'ils proposent l'élimination des semaines d'inactivité et un dénominateur représentant deux semaines de plus que la norme d'admissibilité.

J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Vous n'avez peut-être pas vu ces amendements.

Le président: Les avez-vous vus, monsieur Michaud?

M. Michaud: J'ai entendu dire que les amendements proposaient un dénominateur de deux semaines en plus des heures travaillées. Ce système encourage les gens à se constituer une réserve, à cacher les heures travaillées. La formule que nous proposons encourage plutôt les gens à dévoiler ces heures. Les prestataires verront leurs prestations d'assurance-chômage réduites de 7 p. 100 ou8 p. 100. Tel est l'objectif visé. Or, les gens n'accepteront pas de voir leurs prestations réduites de 30 ou de 50 p. 100 et d'être privés de revenus leur permettant de subvenir à leurs besoins entre deux emplois. Le système encourage les gens à recourir à toutes sortes de stratagèmes pour contourner le programme, et nous ne pouvons pas les blâmer. Il n'y a plus de place...

.1050

Je crois que cette formule encourage les gens à travailler un plus grand nombre d'heures, ce qui permettra de réduire les coûts du régime. En plus, elle permet de réaliser des économies à hauteur de 6 p. 100. Cette formule réduit les prestations plus élevées dont bénéficient certains prestataires et augmente celles versées aux chômeurs plus pauvres. Elle permet de réduire les dépenses administratives de 6 p. 100. Cette solution est préférable à celle qui consiste à exiger deux semaines de plus que la norme, parce que vous n'y gagnez pas au change. Il n'y a pas d'incitatif.

M. Easter: J'ai une question supplémentaire à vous poser. J'ai vu qu'il y avait dans le tableau que vous nous avez montré une colonne intitulée heures de travail communautaire. Est-ce que les heures de travail communautaire qu'effectuent les gens sont créditées? Comment en tenez-vous compte dans votre formule?

M. Michaud: En vertu de la formule que nous proposons, il y aurait une période d'attente d'un an, assortie peut-être d'un statu quo. Je ne sais pas comment la personne s'y prendrait, mais une fois le système mis en place, elle toucherait des prestations d'assurance-chômage, mais il faudrait qu'elle communique avec divers organismes pour essayer d'effectuer du travail communautaire.

Supposons que vous effectuez 150 ou 200 heures de travail au printemps ou à l'été. Une fois ce travail terminé, on vous remettrait un document qui servirait de relevé d'emploi. Les heures de travail communautaire seraient comptabilisées au moment où vous présenteriez une nouvelle demande de prestations. Donc, même si vous étiez admissible à des prestations, il serait dans votre intérêt d'effectuer des heures de travail communautaire. La commission pourrait contrôler le nombre d'heures de travail communautaire effectuées en allouant des quotas aux divers organismes pour qu'ils utilisent ces heures à bon escient.

Les organismes sans but lucratif ou les municipalités seraient responsables du nombre d'heures de travail communautaire qu'elles attribueraient aux prestataires. Cela pourrait se faire par le biais du bureau du député ou des centres d'emploi. Ils sont en mesure de montrer qu'ils peuvent être aussi responsables que les employeurs.

Le président: Merci, monsieur Easter.

Merci, monsieur Michaud. Nous avons trouvé votre exposé fort intéressant et nous allons nous en inspirer pour essayer d'améliorer le projet de loi. Merci beaucoup.

M. Michaud: C'est moi qui vous remercie. Ce programme existe sur disquette. Il comporte six ou sept scénarios différents. Nous aimerions en discuter plus longuement avec vous parce que c'est un peu compliqué, mais cette formule permet de réaliser des économies.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

Le président: Nous allons maintenant accueillir la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique. Nous avons avec nous M. Paul Daigle, président-directeur général, et Eric Ellsworth, président.

Monsieur Ellsworth, je suis heureux de vous revoir. Il nous reste environ une demi-heure. Je vous accorde de 10 à 15 minutes pour votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.

Vous pouvez commencer.

M. Ellsworth: Bonjour. Je passerai outre aux présentations.

M. Daigle n'a pu venir ce matin parce qu'il est à l'extérieur de la province. Je serai donc le seul à la barre au cours de la prochaine demi-heure.

Je suis très heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité pour discuter d'un sujet qui intéresse au plus haut point la région de l'Atlantique et l'ensemble du Canada. Il s'agit d'une question de grande importance, et nous voulons tous que des mesures positives soient prises au nom de l'équité et de l'efficience.

La Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique représente les intérêts de 125 chambres locales et de 17 000 entreprises et professionnels dans toute la région de l'Atlantique. Elle est de loin l'organisme de gens d'affaires le plus important et le plus représentatif du Canada Atlantique.

.1055

La Chambre de commerce trouve fort encourageantes les réformes proposées dans le projet de loi. Celui-ci renferme en effet bon nombre des changements que nous réclamons depuis des années. Ainsi, lors d'un exposé devant le comité permanent en décembre 1994, notre organisme implorait le gouvernement fédéral d'intervenir pour que le programme d'assurance-chômage redevienne ce qu'il était à l'origine, c'est-à-dire un programme d'assurance.

Bien que nous recommandions que la réforme soit conçue de façon à favoriser un bon dosage de mesures incitatives et de moyens de dissuasion pour décourager les abus et la mauvaise utilisation, comme doit le faire tout bon programme d'assurance, nous soutenons que la réforme de l'assurance-chômage est essentielle pour favoriser l'emploi, et que la création d'emplois doit être la priorité principale, en tout cas en ce qui concerne la région de l'Atlantique.

Il est donc des plus gratifiants d'entendre le nouveau ministre du Développement des ressources humaines, l'honorable Doug Young, déclarer publiquement que la création d'emplois constitue l'objectif primordial de son ministère et qu'elle est, à ce titre, considérée comme fondamentale au succès du programme d'assurance-emploi.

La Chambre de commerce s'oppose vivement à toute mesure susceptible d'augmenter les cotisations des employeurs, en particulier les petites et moyennes entreprises, parce que cela ne peut que nuire à la création d'emplois. Les cotisations sont déjà très élevées et elles doivent être réduites pour appuyer les efforts déployés par les petites et moyennes entreprises en vue de relancer l'emploi dans la région.

Nous sommes heureux de constater, à la lecture des dispositions législatives proposées, que le gouvernement nous a prêté une oreille attentive. La Chambre de commerce n'est peut-être pas satisfaite de l'ampleur et de la portée des changements proposés, mais elle en appuie certainement l'orientation. Nous aurions aimé que la réduction des cotisations soit plus marquée et que l'échéance fixée pour la mise en oeuvre du programme soit plus rapprochée. Toutefois, nous sommes conscients qu'un changement en profondeur aura une incidence néfaste sur bien des personnes et qu'il faut, dans la mesure du possible, leur donner suffisamment de temps pour s'adapter à la nouvelle réalité.

En ce qui concernent les changements proposés, la création d'un fonds de réserve pour les mauvais jours constitue une sage décision et un pas dans la bonne direction. Ce fonds ne pourra servir à couvrir les dépenses générales dans les années à venir. Nous estimons que le fonds ne devrait pas dépasser les cinq milliards de dollars. S'il était autogéré, les recettes générées pourraient servir à faire face à tout ralentissement de l'économie. Nous ne devrions pas utiliser ce fond à d'autres fins. Il devrait uniquement servir à financer le programme d'assurance-emploi.

Le programme d'assurance-emploi coûte à l'heure actuelle environ 20 milliards de dollars. Vous voulez ramener ce coût à 10 milliards. Chaque milliard de dollar d'économie devrait permettre une réduction des cotisations de 15 cents. Par conséquent, les cotisations d'assurance-emploi que versent les petites entreprises pourraient être réduites de moitié. Il s'agirait là d'une mesure positive qui inciterait le milieu des affaires à collaborer avec le gouvernement pour créer des emplois.

Pour ce qui est de la formation, il ne fait aucun doute qu'elle constitue une composante clé du programme, surtout dans la région de l'Atlantique, et qu'elle doit être axée sur la création d'emplois. La formation doit être orientée vers des emplois dans les secteurs dont la croissance est prometteuse.

Je vous ai parlé plus tôt d'un programme qui avait été mis sur pied à Charlottetown. Si des programmes coopératifs de travail sont établis de concert avec les petites et moyennes entreprises, ou même avec les grandes sociétés, les travailleurs en profiteront puisqu'ils pourront acquérir une formation sur le tas. Le jumelage de ces efforts produira une main-d'oeuvre plus spécialisée.

Toutefois, l'incapacité de jumeler les initiatives de formation aux secteurs dont la croissance est prometteuse confine trop souvent aux solutions à court terme. Nous ne voulons pas de solutions à court terme qui ne contribuent pas à soutenir l'économie à long terme. Nous avons déjà vécu l'expérience avec les programmes ponctuels de création d'emplois. Ils sont de courte durée et, une fois terminés, ne laissent qu'un vide.

Pour ce qui est de la priorité donnée à la création d'emplois et au développement économique, la Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique joue un rôle de premier plan à ce chapitre. C'est d'ailleurs notre mandat: appuyer les entreprises de la région de l'Atlantique pour qu'elles puissent prendre de l'expansion, élargir leurs marchés, ainsi de suite. La création d'emplois doit constituer une priorité. Si nous parvenons à créer des emplois dans la région, nous pourrons compter sur une meilleure coordination des efforts entre les secteurs public et privé. Nous pouvons élaborer des initiatives qui nous permettront d'atteindre cet objectif.

.1100

Nous accueillons avec joie le passage d'une politique de soutien passif du revenu à une politique d'intervention directe sur le marché du travail. Nous croyons qu'il est important d'aider les chômeurs canadiens à se trouver du travail. La création de ces débouchés doit toutefois être un objectif primordial, en particulier dans la région de l'Atlantique.

La création d'un fonds transitoire de soutien à l'emploi de 300 millions de dollars constitue un pas dans la bonne direction. Toutefois, il s'agit d'un montant d'argent relativement modeste qui, une fois réparti dans ce qui risque d'être une grande région géographique, aura indubitablement une portée très limitée. Nous croyons que ce fonds n'est pas assez généreux et surtout que l'échéancier de trois ans est trop court. Certains des problèmes que connaît le programme d'assurance-chômage ont mis des années à se développer. Trois ans ne suffissent pas pour les faire disparaître. Nous pouvons améliorer la situation, mais pas corriger les problèmes. Le gouvernement doit se donner plus de temps pour collaborer avec le milieu des affaires et créer des emplois destinés à une main-d'oeuvre spécialisée.

À moins que son utilisation ne soit soigneusement coordonnée avec les stratégies de développement économique dans la région, nous craignons que ce fonds transitoire ne soit trop facilement absorbé par un quelconque programme traditionnel de création d'emplois. Il aurait alors peu ou pas d'incidence sur les perspectives de développement durable à plus long terme de la région et, par conséquent, aucun effet durable sur la viabilité de l'emploi. Le fonds transitoire doit être étroitement lié à la création d'emplois. Nous devons tirer parti des possibilités de développement durable qu'offre la région.

Le caractère ponctuel de cette mesure ne constitue pas vraiment une solution. Il s'agit au mieux d'une solution à court terme qui n'a pas donné de bons résultats dans le passé. Comme notre économie est en pleine évolution, nous devons trouver des moyens plus efficaces de créer des emplois dans la région.

Pour ce qui est du développement des ressources humaines, nous savons que l'économie de la région de l'Atlantique, et de l'ensemble du Canada, est en transition. Toutefois, nous savons également que le fait de transposer la responsabilité d'offrir des services et des programmes aux gouvernements provinciaux soumet ces derniers à d'énormes pressions. Nous devons faire en sorte que notre main-d'oeuvre est prête à faire face aux bouleversements technologiques que subit notre économie.

Comme nous l'avons déjà mentionné, la restructuration de l'économie de l'Atlantique constituera un défi pour la main-d'oeuvre de la région. La nouvelle économie et l'économie traditionnelle en évolution ont ceci de particulier qu'elles doivent s'adapter aux nouvelles technologies et en faciliter l'adoption. Le changement axé sur la technologie est aussi axé sur le savoir. Le nouveau matériel, souvent informatisé, exige non seulement de nouvelles compétences pour en assurer l'entretien et la réparation, mais suppose aussi l'adoption de nouvelles façons de fonctionner, les lignes de production étant remplacées par des équipes responsables de la résolution des problèmes, d'où la nécessité d'établir de nouveaux types de rapports entre les gestionnaires, les superviseurs et les travailleurs.

Nous croyons également que, en ce qui concerne les provinces de l'Atlantique, la formation de base et l'expérience vont de pair. Nous devons miser là-dessus. Les efforts déployés pour créer des débouchés viables doivent converger stratégiquement vers les secteurs et les sous-secteurs de l'économie régionale où nous pouvons espérer jouir d'un avantage concurrentiel, en particulier sur les marchés d'exportation.

La région de l'Atlantique compte environ 2,5 millions d'habitants. Notre assise économique est telle que nous devons tenir compte du marché mondial. C'est le défi auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. Nous devons nous doter d'une main-d'oeuvre hautement spécialisée et nous devons être plus compétitifs.

.1105

Dans une étude récente effectuée par DRI Canada à la demande du gouvernement fédéral, les auteurs défendent avec vigueur l'idée de privilégier six de ces secteurs, en l'occurrence, l'alimentation, les produits forestiers, l'exploitation minière et des matériaux, la fabrication diversifiée, les produits et services d'information ainsi que les voyages d'affaires et le tourisme.

Nous recommandons de cibler directement l'un ou plusieurs de ces secteurs, sans exclure la possibilité d'un partenariat avec les autres ordres de gouvernement et le secteur privé, pour voir s'il est possible de véritablement améliorer à long terme la viabilité de l'emploi grâce à une démarche plus ciblée et coopérative que celle à laquelle nous sommes habitués.

La Chambre de commerce des provinces de l'Atlantique croit fermement que la formation doit être beaucoup plus axée sur l'industrie qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. En fait, il faut offrir une formation davantage axée sur le commerce et non seulement un enseignement général. Dans le contexte économique actuel, les jeunes, dit-on souvent, ont besoin d'être compétents dans quatre domaines généraux: la communication écrite et verbale, l'informatique, les relations interpersonnelles et la technologie. Ils ont toutefois aussi besoin d'acquérir de l'expérience. À cause de la pénurie de débouchés et d'expérience de travail, bon nombre de jeunes sont dans l'obligation de quitter la région et d'emporter avec eux leurs connaissances et compétences. Il faudrait mettre davantage l'accent sur les stages de formation et d'apprentissage ainsi que sur l'enseignement coopératif, afin que nos jeunes les plus prometteurs n'aient pas, comme ils le font trop souvent, à s'expatrier.

En conclusion, la Chambre de commerce est en général favorable aux dispositions législatives proposées. Nous croyons que dans l'ensemble, celles-ci sont orientées dans la bonne direction, même si elles gagneraient à être améliorées et modifiées dans le sens où nous le recommandons. Une fois adopté, ce projet de loi nécessitera sûrement un plan d'action ambitieux et une gestion proactive pour veiller à sa mise en oeuvre. Le gouvernement fédéral doit insister pour que l'argent dépensé soit ciblé de façon extrêmement précise et pour que la responsabilité des résultats obtenus incombe aux gestionnaires. Même s'il y a toujours un équilibre à atteindre entre le développement économique et les efforts de placement, il n'y a pas lieu de se demander lequel de l'oeuf ou de la poule doit venir en premier. La priorité doit d'abord être accordée aux emplois et à la création de débouchés viables. Cela suppose une orientation vers les secteurs et les sous-secteurs les plus prometteurs à cet égard, c'est-à-dire une revalorisation stratégique de la main-d'oeuvre et une formation de nature à faciliter la réalisation de cet objectif.

Dans la foulée de l'adoption et de la mise en oeuvre de ce projet de loi par le gouvernement, il importe de se rappeler qu'il n'y a pas de solutions magiques. Toutes les propositions ou les allusions à l'effet contraire doivent être traitées avec la plus grande circonspection. Ce genre de promesses témoigne habituellement d'une évaluation très superficielle de l'acuité des problèmes et d'une grave ignorance de l'énorme défi à long terme que représente le renversement de la situation. Les programmes et les initiatives inspirés par ce genre de réflexion (ou dépourvus de toute réflexion) sont habituellement de très courte durée et produisent rarement, sinon jamais, les résultats escomptés.

Nous recommandons donc d'utiliser avec grande parcimonie les rares ressources économiques et de formation de façon à favoriser une action concertée et orientée dans quelques secteurs clés, plutôt que de laisser les fonds se gaspiller dans des initiatives sans issue.

Je vais terminer par quelques observations. Mon collègue M. Michaud a fait une excellente présentation ce matin sur les autres avenues ou options qui s'offrent à vous. Il a consacré beaucoup de temps à l'étude de votre proposition. Il vous a également fait part de certaines options qui laissent entendre que pour les régions à forte concentration de travailleurs saisonniers, il faut examiner de près ce que votre système propose et peut-être ne peut offrir à ces gens. J'espère que vous écoutez très attentivement les propos que tiennent devant vous les gens d'affaires.

M. Michaud a fait ressortir que ce système est équitable pour les travailleurs à faible revenu. Celui-ci incite les gens à travailler un plus grand nombre d'heures. Il fait ressortir qu'il nous faut un système qui soutient les entreprises dont les emplois sont saisonniers. Nous ne pouvons nous débarrasser de ces entreprises dans quelque région du pays et c'est peut-être d'autant plus vrai dans la région de l'Atlantique. Au moment du gel, la pêche cesse et les plages sont désertes. Certains de nos secteurs primaires sont très saisonniers de par leur nature. Cela laisse à penser que l'on pourrait se tourner vers les travaux communautaires pour assurer le mieux être de la collectivité dans son ensemble.

.1110

Il semblerait qu'au cours des dernières années... Les statistiques qui ont été utilisées et citées dans le guide pour l'emploi au Canada en décembre indiquent qu'en 1982, 15 p. 100 des prestataires d'assurance-chômage avaient touché des prestations au moins à trois reprises auparavant. Au cours des cinq dernières années, ce pourcentage s'est accru d'environ 40 p. 100.

Vous devez examiner avec soin ce genre de déclaration en ce qui concerne les pourcentages vu que de nombreux facteurs sont en cause, qu'il s'agisse de facteurs comme le partage d'emploi ou la compression des effectifs d'une entreprise. Tout le monde a dû restructurer ses activités en fonction de la quantité de travail disponible. Je crois que vous devez tenir compte du fait que le milieu des affaires ne peut aider le programme d'assurance-emploi que dans la mesure où un profit se dessine à l'horizon. À l'avenir, si l'occasion ne se présente pas parce que certains changements ont été apportés, les entreprises ne pourront employer des gens et n'en emploieront pas tant qu'il n'y aura pas un renversement de la situation.

Je termine en vous remerciant bien sûr de m'avoir donné l'occasion de faire cet exposé. Je ne l'ai pas lu en entier mais j'ai essayé de vous en communiquer les points saillants. Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Madame Lalonde.

Mme Lalonde: Merci, monsieur Ellsworth. Je vois que vous partagez notre crainte qu'un fonds excessif s'accumule. Vous l'évaluez à 12 milliards de dollars. Nous savons, d'après les chiffres officiels, qu'à la fin de 1996, même avec des diminutions de revenu, le fonds va atteindre les 5 milliards de dollars et que l'année prochaine, qu'il y ait réforme ou non, il sera d'au moins 10 milliards de dollars.

Je ne sais pas quelle est votre opinion sur le fait que le gouvernement a décidé de diminuer le salaire maximum assurable de 42 400$ à 39 000$. Ce faisant, il s'est trouvé à donner, dès cette année, un cadeau de 500 millions de dollars aux grandes entreprises, à celles qui emploient beaucoup d'employés à ces niveaux de salaires, et de 400 millions de dollars aux travailleurs qui gagnent entre 39 000$ et 42 400$. Il y a donc là une diminution de revenus pour la caisse.

Le gouvernement aurait pu choisir de diminuer davantage la cotisation à l'assurance-chômage au lieu de favoriser les entreprises à haute intensité de capital. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui a comparu devant nous, a dit que les petites et moyennes entreprises se trouvaient vraiment pénalisées par cette réforme et qu'elle le regrettait vraiment.

C'est pourquoi j'aimerais avoir votre point de vue sur cette réduction du salaire maximum assurable qui fait porter par les entreprises dont les salaires sont sous la barre des 39 000$ et par les travailleurs qui gagnent ces salaires le fardeau de la réduction du déficit - artificiel - , ce qui permet à M. Martin de dire qu'il a atteint ses objectifs.

Donc, que pensez-vous de cette réduction du salaire maximum assurable?

[Traduction]

Le président: Monsieur Ellsworth.

M. Ellsworth: Si je comprends la question, je crois que les grandes entreprises en profiteront certes davantage parce qu'elles ont plus d'employés, probablement au niveau le plus élevé. Elles en profiteront plus que les petites et moyennes entreprises parce qu'un certain nombre de leurs employés n'atteindraient pas ce plafond de 39 000$.

.1115

Je ne vois pas pourquoi le programme d'assurance-chômage devrait être considéré comme un moyen de réduire le déficit. Je crois que pouvons atteindre cet objectif autrement. Des moyens s'offrent à nous pour faire en sorte que le programme redevienne ce qu'il était à l'origine et bien sûr pour le rendre plus équitable. Je ne voudrais toutefois que la récupération directe des sommes à même le programme d'assurance-emploi nuise à ceux qui n'ont pas le droit de réclamer des prestations ou qui ne pourraient le faire. Je préférerais que l'on réinvestisse dans le programme d'assurance-emploi davantage d'argent provenant du volet formation de façon à assurer la croissance d'une main-d'oeuvre spécialisée.

[Français]

Mme Lalonde: Vous êtes préoccupé et votre priorité est l'emploi. Vous le dites très clairement dans la conclusion du mémoire. Je pense que vous avez parfaitement raison de croire que la priorité doit d'abord être accordée aux emplois, c'est-à-dire à la création de débouchés viables.

Ne trouvez-vous pas que cette réforme et la précédente de 1994, en enlevant aux provinces de l'Atlantique 620 millions de dollars plus - je n'ai pas les chiffres devant moi - au moins 248 millions de dollars par la présente réforme, ce qui donne près de 900 millions de dollars, auront un effet économique dépressif?

Avant de faire ces coupures, n'aurait-on pas dû se préoccuper d'aider les régions à se reprendre en main sur le plan du développement de l'emploi? Vous dites, avec raison, qu'il n'y a pas de quick fix dans ce domaine, ce sur quoi je suis entièrement d'accord.

[Traduction]

Le président: Comprenez-vous ce qu'elle dit?

M. Ellsworth: Oui.

Le président: Poursuivez.

M. Ellsworth: Vous dites qu'une large somme, entre 600 et 900 millions de dollars a été retirée du programme d'assurance-chômage mais n'a pas été réinvestie dans l'économie. Est-ce bien ce que vous dites?

[Français]

Mme Lalonde: C'est cela.

[Traduction]

M. Ellsworth: Nous avons dit dans le rapport que la première priorité est la création d'emplois. C'est à cela que nous devons nous attacher et, par l'entremise de programmes de formation efficaces et d'une concertation avec le milieu des affaires, nous parviendrons à créer davantage d'emplois. Les entreprises ne peuvent le faire seules. Il faut les aider en raison du coût important que cela représente. Les petites et moyennes entreprises ne réalisent tout simplement par les profits qui leur permettraient d'embaucher davantage ou de prolonger la période d'emploi pour rendre les travailleurs admissibles à l'assurance-chômage.

Oui la pression est énorme... Et le gouvernement en exerce beaucoup sur les petites et moyennes entreprises pour qu'elles agissent de la sorte parce que le travailleur qui n'occupe pas un emploi saisonnier cherche des moyens de survivre.

Il nous faut davantage d'argent pour revenir dans la région afin de soutenir les programmes de formation et nous attacher à ces secteurs de croissance qui créeront des emplois viables. Il va sans dire qu'une partie de cet argent doit être retournée à... J'ai fait allusion au fonds de soutien à l'emploi de 300 millions de dollars. C'est un montant d'argent relativement modeste lorsqu'on le répartit dans la région géographique dont nous parlons.

[Français]

Mme Lalonde: C'est cela. Sur trois ans. Les 900 millions de dollars retirés, c'est chaque année.

Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Lalonde.

M. McCormick a une brève question et nous passerons la parole à M. Easter.

.1120

M. McCormick: Bonjour, monsieur Ellsworth. Je suis très heureux de voir que vous souscrivez au passage d'un soutien passif du revenu à une politique d'intervention active en ce qui concerne l'assurance-chômage.

L'assurance-emploi représente 800 millions de dollars supplémentaires, un réinvestissement dans les mesures d'employabilité fondé sur les résultats. Monsieur Ellsworth, pouvez-vous nous dire quels avantages comporte selon vous l'approche que nous adoptons? Parmi les cinq moyens énumérés à la partie II, lesquels selon vous contribueront le plus à ramener les Canadiens au travail?

M. Ellsworth: Je crois que les avantages de ramener les gens sur le marché du travail... Une fois de plus, je reviens à l'idée de mesures faisant appel à la coopération, à la concertation avec le milieu des affaires de façon à mettre au point une stratégie qui s'attachera à donner aux gens les compétences nécessaires pour les industries nouvelles. Que ce soit par l'entremise d'initiatives d'alternance travail-études dont nous avons parlé, par l'entremise d'initiatives d'emploi, les avantages peuvent se répercuter à long terme si nous nous attachons à bien utiliser l'argent et à ne pas recourir à des solutions miracles.

Vous avez parlé de cinq initiatives. Je les cherche simplement rapidement.

M. McCormick: En fait, les cinq initiatives englobent les subventions salariales, les suppléments de revenu, les mesures d'aide au travail indépendant, les partenariats pour la création d'emplois et les prêts et subventions de perfectionnement lesquels, bien sûr, doivent être autorisés par les provinces.

M. Ellsworth: Oui. Je crois bien sûr que ces programmes sont profitables pour la région. Je crois qu'ils doivent être élaborés en très étroite collaboration avec le milieu des affaires pour s'assurer que nous travaillons dans des secteurs où les nouveaux emplois créés seront viables. Il est illogique de former des gens pour des emplois qui n'existeront pas dans cinq ans.

Je vais me concentrer pendant un instant sur les travailleurs saisonniers. Nous en avons beaucoup dans cette région qui ont travaillé pendant un certain nombre d'années pour le même employeur. Ils y ont assuré un très bon service. Ces entreprises ont absolument besoin de ce genre de main-d'oeuvre qualifiée pour offrir les services, que ce soit dans les secteurs du tourisme, de la restauration ou que sais-je encore.

Il est important pour ces personnes de sentir, même s'ils occupent des emplois saisonniers, qu'ils ont leur place dans une société où ils peuvent progresser dans la conjoncture actuelle. Les gouvernements fédéral et provincial doivent déployer beaucoup d'efforts et collaborer avec le milieu des affaires pour s'intéresser strictement aux secteurs qui offrent les plus grands débouchés et cela doit se faire par la formation d'une main-d'oeuvre mieux qualifiée dans ces secteurs particuliers.

Le président: Monsieur Easter.

M. Easter: Merci, monsieur le président.

Bienvenue, Eric. Je trouve votre mémoire intéressant et plus particulièrement votre annexe comportant sept points qui ne se rapportent pas vraiment directement au travail de ce comité mais qui sont tout aussi importants.

En ce qui concerne les mesures d'emploi, je crois qu'il est important de comprendre que ce projet de loi vise à conclure un contrat avec les provinces à l'égard de ces mesures d'emploi. La Chambre de commerce voudra peut-être se rappeler tout au long de l'élaboration de ces initiatives axées sur la spécialisation de la main-d'oeuvre.

Dans une large mesure - et je crois que nous en avons déjà parlé - le milieu des affaires s'attaque aux primes d'assurance-chômage et au coût du programme alors que nous devrions selon moi reconnaître que, tout particulièrement dans le Canada atlantique, il y a deux façons de voir les choses. On peut considérer qu'il s'agit d'un coût ou d'un investissement.

.1125

Je crois que les dollars que touchent les chômeurs pendant la période d'inactivité sont très importants pour le milieu des affaires - c'est là que les dollars sont dépensés. C'est aussi très important pour l'évolution de ses activités.

Je crois que ce projet de loi tente de maintenir cela à l'avenir, de faire en sorte - surtout par le'entremise des amendements - que le filet de sécurité soit en place pour les travailleurs saisonniers pendant la morte-saison. Il devrait aussi aider le milieu des affaires. N'êtes-vous pas d'accord?

M. Ellsworth: Oui, je suis d'accord. Il va sans dire que nous devons nous assurer que nous n'éliminons pas les assises du programme actuel. Nous devons y construire et les refaçonner de manière à assurer aux travailleurs saisonniers un revenu qui leur permettra de passer au travers de ces périodes tant qu'ils ne peuvent pas retourner au travail. Il s'agit certes de dollars importants pour chaque collectivité ici dans la région de l'Atlantique.

M. Easter: Que pensez-vous du plafonnement en ce qui concerne le supplément au revenu familial? Ce point a suscité beaucoup de controverses et je me demande ce que la Chambre en pense.

M. Ellsworth: Je ne sais pas. Je ne peux vraiment pas vous en parler si ce n'est pour vous dire que je ne sais pas si ça suffit pour combler l'écart. Je suppose que je suis un peu embarrassé pour vous répondre, Wayne.

M. Easter: D'accord, merci.

Le président: Merci, monsieur Easter.

Je remercie M. Ellsworth. Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Bonne journée.

Nous allons prendre une pause de deux minutes.

.1127

.1135

Le président: Nous entendrons maintenant M. van Audenrode. Pouvez-vous nous entendre?

Le professeur Marc van Audenrode (témoigne à titre personnel): Oui je vous entends.

Le président: C'est merveilleux. Je vous remercie beaucoup de nous avoir offert de participer à l'exercice visant à améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. En tant que membres du comité, nous attendons bien sûr vos suggestions précises pour améliorer le projet de loi C-12.

Nous avons environ une demi-heure à notre disposition. Je suggère que vous consacriez entre 10 et 15 minutes à votre exposé et que nous vous posions ensuite des questions.

Merci beaucoup.

[Français]

M. Van Audenrode: L'économie canadienne souffre depuis plus de 15 ans d'un taux de chômage élevé persistant.

Devant leur impuissance à trouver une solution à ce problème, les différents gouvernements successifs ont souvent tenté de blâmer les messagers et ont trouvé une solution aux problèmes de chômage en s'attaquant aux chômeurs plus qu'aux problèmes économiques.

Dans cette thèse qui veut que les chômeurs soient les seuls responsables de leur sort, ils sont appuyés par le niveau élevé d'angoisse collective qui existe dans l'opinion publique. On pourrait, en bout de ligne, se convaincre qu'on est soi-même à l'abri de cet aléa.

C'est ainsi que depuis quelque années, l'assurance-chômage est devenue l'une de nos obsessions nationales favorites et le premier suspect dans notre échelle des causes de notre problème sur le marché du travail.

Aucun économiste ne peut nier que le système d'assurance-chômage mis en place en 1971 était trop généreux. Ce système avait échoué dans sa recherche d'un équilibre entre les besoins d'assurance, le filet de sécurité sociale et les incitatifs au retour au travail, équilibre qui doit caractériser un système d'assurance-chômage.

Cependant, cette erreur a été corrigée dans les années 1970 et 1980. En 1985, les estimations de l'économiste Michael Burda nous disaient que huit pays de l'OCDE avaient un système d'assurance-chômage plus généreux que le nôtre et que notre système était à peine marginalement plus généreux que celui de pays tels que la France, la Norvège et la Suède, et donc que nous étions dans la moyenne des pays de l'OCDE.

De plus, selon moi, aucun de ces pays n'a depuis développé une hystérie collective face à son système d'assurance-chômage comparable à celle qui s'est développée ici, au Canada.

Le message que nous donnent toutes les mesures de générosité du programme d'assurance-chômage, quelles qu'elles soient, est que, globalement, notre système n'est pas extrêmement généreux par rapport à ceux de l'ensemble des pays de l'OCDE et que cette générosité n'a cessé de se dégrader depuis 20 ans. Cette dégradation de sa générosité s'est accélérés au cours des dernières années. Je cite simplement un chiffre. En 1990, près de 99 p. 100 des semaines de chômage étaient couvertes par l'assurance-chômage. En 1994, ce chiffre était tombé à 70 p. 100 et, en décembre dernier, à 68 p. 100.

En fait, depuis cinq ans, les chômeurs sont le groupe de la société canadienne qui a le plus contribué à l'assainissement des finances publiques. Ce groupe y a contribué plus que les militaires.

L'objectif de mon intervention est d'essayer de vous convaincre de trois choses: premièrement, que le système d'assurance-chômage du Canada n'est pas exceptionnellement généreux; deuxièmement, que ce système, à de nombreux points de vues, fonctionne bien et n'a donc pas vraiment besoin d'une réforme profonde; troisièmement, que plusieurs des réformes proposées ont des impacts difficilement évaluables. Je reviendrai là-dessus plus tard.

Je ne veux pas parler en détail de la générosité du système, car je suis sûr que beaucoup d'autres personnes vont vous en entretenir.

Nous avons la fausse impression que notre système d'assurance-chômage est la Rolls Royce des programmes alors qu'il est à peine une Lada, pour ne pas dire une Tarabant.

Comme je l'ai déjà dit, notre système est dans la moyenne de ceux des pays de l'OCDE, ce qui devrait être notre vraie norme dans un contexte de mondialisation économique. Comparé à ceux de la plupart des États de notre voisin du Sud, notre programme n'est pas très généreux, et les dernières réformes ont beaucoup fait pour instaurer au Canada le modèle social de l'Alabama et du Mississippi, ce qui n'est peut-être pas ce qu'on désirait faire au départ.

Si la prémisse de base de la réforme est la croyance que le système est dans l'absolu trop généreux, je crois que cette prémisse est erronée.

Le système fonctionne bien sous de nombreux aspects. Nous avons deux systèmes de sécurité du revenu. C'est très important de s'en rappeler et j'y reviendrai plus tard.

.1140

Le bien-être social met l'accent sur l'aide en dernier recours alors que l'assurance-chômage existe essentiellement pour faciliter la transition sur le marché du travail. La raison d'être de l'assurance-chômage est précisément de maintenir un lien très fort entre les personnes sans emploi et le marché du travail.

L'assurance-chômage permet aux personnes sans emploi de chercher l'emploi qui leur convient le mieux en les libérant de la peur du dénuement total. C'est sa raison d'être et c'est ce qu'elle fait. La baisse du taux de couverture du chômage au cours des cinq dernières années s'est accompagnée d'une chute sans précédent du taux d'activité, non seulement au Canada mais également dans tous les autres pays de l'OCDE, et d'une hausse de la participation aux programmes d'aide sociale.

Nous avons décidé, au Canada, qu'il y avait un niveau de misère en-dessous duquel nous n'acceptions pas de voir tomber les gens. C'est pourquoi nous avons un système d'aide sociale. À chaque fois que l'on diminue la générosité de l'assurance-chômage, on augmente l'attrait du bien-être social et l'on pousse les travailleurs à rompre leur lien avec le marché du travail. C'est assez catastrophique. Tel que mes collègues de l'université Laval l'ont démontré, lorsqu'on devient bénéficiaire du bien-être social, on le reste longtemps.

Nos études avec les professeurs Pierre-Yves Crémieux, Pierre Fortin et Paul Storer, de l'Université du Québec à Montréal mettent au jour plusieurs faits qui démontrent que le système d'assurance-chômage, tel qu'il est, fonctionne bien.

Premièrement, contrairement à une croyance populaire solidement établie, l'assurance-chômage ne conduit pas à une baisse de l'intensité de la recherche d'emploi. L'image du chômeur qui boit de la bière assis sur son sofa devant sa télévision et qui augmente ainsi ses bénéfices est simplement erronée. Nous avons pu isoler beaucoup de caractéristiques qui influencent la façon dont un chômeur cherche un emploi, mais à aucun moment nous n'avons pu isoler une relation significative entre l'intensité de recherche d'un emploi et l'assurance-chômage.

Deuxièmement, lorsqu'on offre de l'assurance-chômage à un chômeur, en bout de ligne, ce chômeur va se trouver un emploi avec un meilleur salaire. Selon nos estimations, un chômeur qui se voit offrir des prestations d'assurance-chômage trouve un emploi qui paye en moyenne de 7 à9 p. 100 de plus, toutes autres choses étant égales, qu'un chômeur qui n'est pas admissible aux prestations.

Bien sûr, le prix à payer pour ce résultat est une durée de chômage légèrement plus longue pour les gens qui reçoivent de l'assurance-chômage. Selon nos estimations, un chômeur qui se voit offrir des prestations d'assurance-chômage a en moyenne une durée de chômage d'environ quatre semaines plus longue que les autres.

Ces constatations nous amènent à conclure que le système d'assurance-chômage canadien est rentable à la fois du point de vue privé et du point de vue public. Les coûts reliés au système sont justifiables du seul point de vue des avantages économiques qu'ils génèrent, sans même parler des avantages sociaux.

[Traduction]

On critique souvent le système d'assurance-chômage actuel sur deux aspects: l'utilisation massive du système par les entreprises saisonnières et par les travailleurs saisonniers, et l'effet de dépendance que peut procurer le système par suite de son utilisation répétée.

Une fois de plus, nos études apportent quelques informations nouvelles sur ces aspects. Il est vrai que les travailleurs saisonniers ont un comportement différent des autres travailleurs en période d'inactivité. Ils cherchent avec moins d'intensité et reviennent plus souvent à l'assurance-chômage. Ils ont également une probabilité plus forte de quitter un emploi que les autres travailleurs. Qui plus est, rien dans nos résultats ne nous a permis de conclure que ces différences de comportement sont liées aux caractéristiques individuelles de ces personnes plutôt qu'au type d'emploi qu'ils ont perdu. Deuxièmement, nous n'avons décelé aucune évidence d'un effet de dépendance à l'assurance-chômage dans le sens où des personnes qui auraient «goûter» à l'assurance-chômage y reviendraient de plus en plus souvent et y resteraient de plus en plus longtemps.

Ces résultats, différents de ceux retrouvés dans d'autres études sur les chômeurs canadiens, peuvent s'expliquer par le fait que nous avons été capables de prendre les caractéristiques individuelles en compte dans notre recherche, ce qui n'avait pas été fait auparavant. Certains travailleurs, malheureusement, accumulent les caractéristiques défavorables qui font que le type d'emplois qu'ils peuvent trouver les ramène souvent à l'assurance-chômage pour de très longues périodes. Là encore, cela est lié aux caractéristiques de ces personnes et non aux paramètres de l'assurance-chômage. Il faut également remarquer que ces résultats, bien que différents de ceux d'autres études sur le Canada, sont absolument compatibles avec les résultats américains, obtenus par des gens comme Burda et d'autres, et leur sont comparables.

.1145

Nous croyons que ce n'est pas en changeant les paramètres de l'assurance-chômage que l'on rendra les travailleurs canadiens moins âgés ou plus éduqués. Ce que ces résultats nous indiquent, c'est que ce sont les caractéristiques des individus qui semblent déterminer l'expérience du chômage.

Après vous avoir dit qu'à mon avis le système fonctionne très bien, il me serait bien sûr difficile d'être enthousiasmé par les changements proposés. Je n'ai pas d'objection à quelques-unes des mesures proposées, qui sont intéressantes, telles que la réduction de la durée maximale des prestations à 45 semaines, le passage à un système d'heures plutôt que de semaines, une meilleure prise en compte des besoins et revenus dans la détermination des taux de remplacement après impôt. Toutes ces mesures sont bonnes, mais d'autres m'inquiètent comme l'introduction d'un système de «rating» pour les chômeurs et la réduction du salaire maximum assurable.

C'est en fait l'ampleur et la complexité de la réforme proposée qui m'inquiètent le plus, pour deux raisons. Alors qu'il n'est pas facile de se faire une idée de ce que sera l'impact d'une modification précise apportée à un système quelconque, il est souvent impossible de se faire une idée de ce que seront les conséquences d'une réforme aussi profonde que celle proposée. J'aurais pu, comme de nombreux autres économistes, vous fournir une estimation très précise de ce que je pense être les conséquences d'une réduction de la durée des semaines de prestations, par exemple. Je suis personnellement incapable de vous donner ne serait-ce qu'une indication des conséquences éventuelles de la réforme proposée et je pense, honnêtement, qu'aucun économiste ne peut le faire. Toutes les mesures proposées vont interagir et leur impact global est donc impossible à deviner.

Je peux vous donner quelques exemples. Tout d'abord, les auteurs de cette réforme insistent sur le fait que les personnes qui travaillent 15 heures ou moins seront maintenant couvertes. Par ailleurs, le passage au système d'heures va faire en sorte qu'il sera extrêmement difficile pour quiconque occupe un de ces emplois d'être admissible aux prestations. Ces travailleurs seront couverts mais non admissibles; cela ne changera pas beaucoup la situation.

Autre exemple, celui des travailleurs saisonniers. L'autre système les incite à travailler beaucoup pendant quelques semaines, tandis que les changements dans le système de calcul des prestations les incitent à travailler longtemps. Encore une fois, quel sera l'impact combiné de ces deux mesures? Je ne le sais pas.

De façon plus générale, cinq ou six mesures différentes proposées sont susceptibles de toucher ces travailleurs saisonniers. Personne ne peut nous dire quel en sera l'impact global.

Le deuxième problème que pose l'ampleur de cette réforme est le suivant: À mon avis, les estimations des impacts financiers de la réforme ne sont pas crédibles. La réforme est proposée dans le but d'amener les Canadiens à changer leur comportement sur le marché du travail; cependant, toutes les estimations financières de l'impact de la réforme sont faites en appliquant les nouveaux paramètres du programme au comportement existant. Dans quelques mois au mieux, si la réforme est réussie, ces chiffres ne seront plus valables et nous ne saurons plus où nous allons.

Je n'ai pas le temps de passer en revue chacune des mesures proposées. Permettez-moi simplement de terminer par quelques questions. Combien de ces emplois de 15 heures ou moins vont purement et simplement disparaître par suite de cette réforme, être éliminés non pas par les quelques sous de charges sociales, mais simplement par la montagne de paperasserie que cette réforme va déverser sur beaucoup de petites entreprises?

Réduire le montant maximum assurable des prestations, c'est également réduire les contributions des hauts salaires au régime. Avons-nous vraiment besoin d'une autre réduction de la progressivité de notre système fiscal?

Troisièmement, à ma connaissance, aucun autre pays au monde ne pratique un système de «rating» comme celui qui est proposé. Un seul pays possède un tel système, les États-Unis. Reste à savoir si l'on peut maintenant se permettre une expérience sociale de cette ampleur au Canada.

.1150

Pour conclure, je dirais que le régime d'assurance-chômage ne fonctionne pas si mal que cela. Il a ses défauts, il a ses imperfections, mais il a également beaucoup de qualités. La volonté aussi pressante de réformer le régime de l'assurance-chômage au Canada est fondée en partie sur des informations erronées et en partie sur un oubli de la spécificité de notre pays.

Bien sûr, il y a au Canada de nombreuses activités saisonnières qui se traduisent par des recours répétés à l'assurance-chômage. Mais n'est-ce pas là le prix à payer pour que tout le monde au Canada ne soit pas obligé de vivre à Montréal, à Toronto et à Vancouver et pour que la Gaspésie et les provinces maritimes ne deviennent pas d'immenses Disneyland?

Deuxièmement nous oublions trop souvent une partie de l'équation de l'emploi. En diminuant la générosité de l'assurance-chômage, nous rendons le travail et l'assistance-sociale relativement plus attrayants. Si nous ne créons pas d'emplois, le deuxième effet l'emportera, de toute évidence. Depuis les cinq dernières années, il est clair que c'est ce deuxième effet qui l'emporte.

Mes domaines de spécialisation m'ont amené à parler exclusivement du volet assurance-chômage de la réforme et très peu du volet programmes de formation. Je le regrette, parce que je crois que c'est là dessus qu'il faudrait se concentrer. Ce que montrent les résultats des recherches dont je vous ai parlées aujourd'hui, c'est que le Canada est moins malade des paramètres de son régime d'assurance-chômage que de ceux de sa population active. Je crois que l'éducation, la formation et les programmes d'initiatives à l'emploi sont des mesures positives à envisager bien avant de songer à réformer l'assurance-chômage. Merci.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci, monsieur Van Audenrode. Nous allons passer à une série de questions en commençant par Mme Lalonde, du Bloc.

[Français]

Mme Lalonde: Je vous remercie infiniment. Vous nous avez apporté un vent de fraîcheur.

Plusieurs des questions que vous posez me semblent extrêmement importantes et j'espère, encore une fois, que l'ensemble du comité va s'en saisir.

Comme le temps nous est compté, je vais aller immédiatement au coeur de l'étude que vous avez faite. Vous avez dit que votre étude, contrairement à d'autres, vous avait permis de prendre les caractéristiques individuelles en compte et c'est, à votre avis, ce qui explique la différence des résultats. Pourriez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît?

M. Van Audenrode: C'est l'explication probable. La plupart des autres études que l'on a faites sur le sujet jusqu'à présent utilisaient essentiellement les données administratives. Lorsqu'on voyait, dans les données administratives, les mêmes gens revenir souvent et pendant très longtemps sur les listes de l'assurance-chômage... Tout le monde connaît les chiffres indiquant qu'un petit pourcentage de la population absorbe une énorme part des dépenses de l'assurance-chômage.

D'accord, cela est vrai. La question à se poser, toutefois, c'est de savoir si ces gens se retrouvent souvent à l'assurance-chômage parce que le système d'assurance-chômage est mauvais ou bien parce que les caractéristiques individuelles de ces personnes conviennent mal au contexte économique actuel.

Notre étude semble indiquer que la deuxième explication est la bonne. La raison pour laquelle j'en viens à cette conclusion, c'est qu'une fois que l'on isole les variables caractérisant ces personnes, on observe plus de dépendance. En un mot, si vous êtes âgé et peu instruit, il est clair que vous allez souvent dépendre de l'assurance-chômage, et pour très longtemps, sans que cela ait à voir avec les paramètres du programme de l'assurance-chômage.

Mme Lalonde: Merci. Cette information est pour nous extrêmement importante.

J'aimerais aussi vous demander d'élaborer sur une des conclusions presque dramatiques que vous tirez, c'est-à-dire qu'il est impossible d'évaluer ce que seront les effets de cette réforme. C'est l'impression et l'intuition que j'avais, pour ma part.

J'aimerais que vous donniez davantage d'explications parce que les changements sont nombreux et complexes. Vous savez qu'un très grand nombre d'intervenants ou de groupes qui se préoccupent collectivement de ce projet et qui peuvent donc intervenir sur la question en ont demandé le retrait, non pas parce qu'ils ne veulent pas discuter de changements, mais parce que les changements sont trop nombreux et trop complexes pour que des amendements parsemés ici et là dans le texte puissent transformer la nature même de la réforme.

.1155

M. Van Audenrode: Le problème est en fait celui de l'évaluation de tous les programmes et de toutes les politiques économiques, quels qu'ils soient. Lorsque vous changez les règles du jeu, les gens changent de comportement. Cela, on le sait et, malheureusement, on ne peut en tenir compte. C'est la même chose quand il s'agit d'évaluer n'importe quelle politique économique.

Le problème devient particulièrement criant lorsqu'on établit une politique avec l'intention d'amener les gens à changer leur comportement. La seule façon d'évaluer l'impact de cette politique est d'observer ce qui se passe aujourd'hui et d'essayer de faire entrer de force ces variables dans les nouveaux paramètres du programme.

Cela dit, je reste convaincu que les estimations qui ont été faites sont prudentes et constituent une très bonne indication de ce qui va se passer dans les quelques mois à venir. Au-delà de cette période, je crois qu'il faudra vérifier et surveiller de très près ce qui va se passer.

Mme Lalonde: Merci.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci.

Nous allons maintenant passer aux Libéraux avec M. Allmand.

M. Allmand: Merci beaucoup.

Monsieur Van Audenrode, puisque vous êtes économiste, j'aimerais m'attarder sur un point que beaucoup de témoins entrepreneurs ont soulevé devant ce comité. Beaucoup d'entre eux ont déclaré que la réduction des cotisations prévue dans le projet de loi ne va pas assez loin. Ils répètent à qui veut l'entendre que ce sont les charges sociales qui font disparaître les emplois.

Je ne suis pas économiste, mais j'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet. Il me semble que les pays de l'OCDE, qui comptent parmi les plus prospères du monde, ont depuis de nombreuses années un système de charges sociales pour les pensions, l'assurance-chômage, etc. Dans la plupart de ces pays, le taux de chômage est peu élevé. Au Canada, les charges sociales existent depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale.

Les charges sociales font disparaître les emplois: Que vaut cet argument? Des pressions s'exercent pour abaisser de plus en plus le montant des cotisations. En toute logique, nous finirons donc par ne plus avoir de fonds du tout.

M. Van Audenrode: Il est évident que si vous diminuez trop les charges sociales, il n'y aura plus de prestations. Le fonds fera faillite.

Il est évident que les charges sociales diminuent l'emploi. L'augmentation du coût salarial diminue l'emploi. Les estimations présentées par les entrepreneurs et parfois par ceux qui s'opposent aux charges sociales ne reflètent évidemment pas la réalité.

Je ne vois pas pourquoi ce que l'on verse au gouvernement aurait un effet plus négatif sur l'emploi que ce que l'on verse au travailleur. Toutes les évaluations que j'ai vues sur l'impact des charges sociales sur l'emploi ne correspondent absolument pas à ce que nous savons de l'impact des salaires réels, des salaires particuliers, sur l'emploi.

Il est évident qu'en diminuant les charges sociales, vous augmentez légèrement l'emploi, de la même façon qu'en diminuant légèrement les salaires, vous augmentez légèrement l'emploi. Cela reste marginal toutefois.

M. Allmand: Nous avons des exemples de sociétés qui, après réduction des charges sociales ou autres impôts, décident, en raison de la globalisation, d'investir dans d'autres pays où les salaires sont encore plus bas, au lieu d'investir ces économies dans la création d'emplois au Canada.

M. Van Audenrode: Oui, c'est possible.

M. Allmand: Merci.

M. Van Audenrode: Je sais que c'est l'argument favori de certains. À mon avis, c'est parfaitement exagéré.

Je crois que la paperasserie que représentent les charges sociales est ce qui fait disparaître les emplois dans la petite entreprise; c'est beaucoup plus important que les quelques sous que représentent les charges sociales.

.1200

La vice-présidente (Mme Augustine): Monsieur Van Audenrode, nous avons une autre question des Libéraux, posée par M. Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, madame la présidente.

J'aimerais poser à notre témoin une question au sujet de sa recherche qui indique que les travailleurs saisonniers ne cherchent pas vraiment d'emploi lorsqu'ils reçoivent des prestations d'assurance-chômage, ce qui de toute évidence laisse supposer que l'assurance-chômage ne sert pas de soutien temporaire de revenu, mais fait tout simplement partie de leur régime annuel de rémunération.

J'ai travaillé dans l'industrie du chemin de fer où l'on y a régulièrement recours année après année. J'aimerais savoir si d'après vous cela pose un problème pour l'économie d'aujourd'hui. Les travailleurs du chemin de fer plus âgés qui ont bénéficié du système dans les années 40 et 50, lorsque l'assurance-chômage n'était pas très généreuse, me disent qu'il était accepté qu'ils cherchent un emploi secondaire pendant les périodes de mise à pied. Dans la plupart des cas, ils s'en sortaient très bien. Effectivement, il s'agissait d'emplois peu rémunérés, mais cela était accepté comme faisant partie du travail lorsque, en tant que syndicaliste, vous vous trouviez dans une situation où vous n'aviez pas l'ancienneté nécessaire pour travailler toute l'année.

Pouvez-vous m'indiquer votre conclusion à ce sujet? Acceptez-vous cela comme faisant partie du système au Canada actuellement? Devrions-nous au contraire essayer de changer les comportements de façon que les gens cherchent un autre emploi au lieu de simplement continuer à recevoir les prestations d'assurance-chômage comme supplément de revenu?

M. Van Audenrode: Votre analyse des résultats à propos des travailleurs saisonniers me semble exacte. Il est clair que dans une certaine mesure, les travailleurs saisonniers attendent que le travail reprenne et cela peut expliquer la raison pour laquelle ils ne recherchent pas aussi activement un emploi. La question qui se pose est la suivante: Comment pouvons-nous modifier ce comportement? J'imagine que la réponse à cette question dépend de l'existence d'autres emplois dans de nombreuses régions.

Tout le débat relatif aux travailleurs saisonniers, crucial, à mon avis, consiste à trouver un équilibre entre, d'une part, un contrat social avec ceux qui vivent dans les régions dépendant fortement du travail saisonnier et, d'autre part, des incitatifs les poussant à chercher un autre genre de travail.

Comme vous le savez toutefois, il n'est pas vraiment payant de créer de grandes entreprises au nord de la ville de Québec. Le marché est au sud et, dans de nombreux cas, vous cherchez à vous rapprocher le plus possible de la frontière avec les États-Unis. Cela m'incite à croire que dans de nombreuses régions du Canada, le travail saisonnier restera le pivot de l'économie pendant de nombreuses années encore. Si vous faites disparaître les emplois saisonniers, vous anéantissez également l'économie dans ces régions.

M. Nault: Permettez-moi d'aller plus loin et de passer des travailleurs saisonniers aux travailleurs ou aux employeurs qui se servent de l'assurance-chômage comme d'une forme de régime de rémunération. C'est bien sûr quelque chose de très répandu au Canada et qui dépasse de beaucoup la question des travailleurs saisonniers qui ne peuvent pas trouver d'autres emplois, lorsque le travail saisonnier est terminé - par exemple, dans le cas des pêcheurs, à cause de l'hiver et des glaces.

Ne pensez-vous pas qu'il faudrait envisager de très près un changement de comportement? Est-ce juste? Est-il acceptable pour les Canadiens que d'autres employés contribuent au régime, permettant ainsi à des employeurs d'y avoir recours comme régime de rémunération?

M. Van Audenrode: Je ne crois pas que ce soit juste. À mon avis, il s'agit d'un phénomène beaucoup plus répandu qu'on ne le croit, qui se produit également aux États-Unis, je pense. Ne nous cassons pas la tête. Cela fait partie de n'importe quel régime d'assurance-chômage. Je pense également qu'il faut examiner les résultats du régime américain, lequel n'est pas axé sur les industries, mais sur les sociétés. Certaines sociétés ont recours au régime, d'autres non.

Certains abusent du régime. À mon avis, je serai porté à croire que ce n'est pas en le faisant disparaître qu'on l'arrangera, mais plutôt en faisant en sorte que personne ne puisse en abuser.

.1205

M. Nault: Ce qui me contrarie dans votre mémoire, c'est que vous avez tendance à insister sur l'américanisation du régime. D'après ce que je sais, les Américains exigent au moins 26 semaines, en moyenne, avant l'admissibilité à l'assurance-chômage. C'est bien éloigné de ce que nous connaissons ici aujourd'hui, puisque l'on peut être admissible à l'assurance-chômage après 12 semaines à peine. Comparer le régime canadien au régime américain est un peu exagéré. Je voulais le dire clairement, car prétendre que nous allons dans le même sens que les Américains ne reflète pas vraiment la réalité.

Il y a un autre point dans votre mémoire qui me semble très important. Vous dites que l'impact de la réforme proposée est imprévisible. Je sais que les économistes ont toujours du mal à faire des prévisions. C'est probablement la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation épouvantable en ce qui concerne notre déficit, les économistes ayant dit qu'il fallait plus dépenser que recevoir.

J'aimerais savoir comment vous envisagez la mise en place d'un système de contrôle - dont il est question dans tout votre mémoire - qui nous permettrait de ne pas apporter de changements sans en connaître les effets. Comment, d'après vous, le gouvernement du Canada peut-il effectuer l'analyse qui s'impose et que vous proposez dans votre mémoire?

M. Van Audenrode: Je crois qu'il existe de très bons groupes d'évaluation au sein de DRHC et ce sont eux qui devraient s'en charger. Ils pourraient éventuellement le faire.

Pour revenir à votre comparaison avec les États-Unis, je suis d'accord avec vous, notre norme d'admissibilité est encore plus restrictive que celle des États-Unis. Par rapport au régime d'assurance-chômage le plus généreux possible que vous pouvez imaginer - les économistes ont beaucoup d'imagination et en ont trouvé de nombreux - nous arrivons à la moyenne par rapport aux États-Unis et aux pays de l'OCDE. Je ne dis pas que notre régime correspond à celui d'un pays en développement. Je dis que nous arrivons à la moyenne, que notre régime n'est pas exceptionnellement généreux.

M. Nault: Merci beaucoup. Madame la présidente, j'ai tout à fait l'habitude de me situer dans la moyenne, cela n'a rien de nouveau pour moi. Je tiens à remercier le témoin.

Je m'intéresse beaucoup à la question du contrôle des changements de comportement dont parle notre témoin dans son mémoire. Il est important de savoir si nous consacrons beaucoup de temps à faire ces changements sans pour autant obtenir le genre de résultats recherchés. Le ministre a dit très clairement, il n'y a pas si longtemps, que la question de contrôle est tout aussi importante que toute autre mesure de ce projet de loi; j'aimerais bien que notre témoin nous donne plus de détails sur la façon dont nous pourrions mettre un tel système en place.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup, monsieur Nault.

Merci, monsieur Van Audenrode d'être parmi nous aujourd'hui. Si vous souhaitez envoyer d'autres documents au comité, n'hésitez pas à le faire.

Nous allons maintenant prendre une pause avant de terminer. Merci beaucoup, monsieur Van Audenrode.

M. Van Audenrode: Merci.

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous devons entendre un autre exposé. Nous prenons une pause de deux minutes. Merci.

.1208

.1212

[Français]

La vice-présidente (Mme Augustine): Bonjour.

[Traduction]

Bienvenue au Comité permanent du développement des ressources humaines

[Français]

à l'Association coopérative d'économie familiale du Québec.

[Traduction]

Bienvenue, monsieur Germain. Je sais que vous êtes analyste et porte-parole du groupe. Pourriez-vous présenter la personne qui vous accompagne.

[Français]

M. Daniel Germain (analyste à l'Association coopérative d'économie familiale du Québec, porte-parole de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec): Je vous présente M. Richard Dagenais, qui est analyste pour la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et aussi membre de l'ACEF du Québec.

Puis-je procéder à la lecture de notre synthèse?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Vous pouvez commencer, monsieur. Les membres du comité vous poseront ensuite quelques questions.

[Français]

M. Germain: La Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec constate avec regret qu'un processus d'érosion des programmes sociaux canadiens est en cours. Nous considérons que le projet de loi C-12 est partie intégrante de ce processus et met ainsi en péril les conditions de vie des clientèles que nous défendons.

Nous rappelons très respectueusement au ministre et aux membres du comité que le Régime d'assurance-chômage représente, aux yeux de beaucoup de Canadiens, un patrimoine constitué à force de lutte et de travail par leurs parents et leurs grand-parents, un héritage qui forme, avec l'ensemble des programmes sociaux canadiens, un rempart contre la barbarie du libre marché.

N'est-ce pas Sir William Beveridge qui affirmait en 1942 que la fonction d'un système de sécurité sociale est de soutenir l'emploi afin d'éliminer le chômage, d'assurer la gratuité des services de santé et de favoriser le soutien à la famille? En d'autres termes, il s'agit pour l'État d'endiguer les effets les plus néfastes de conjonctures sociales et économiques adverses en adoptant des lois qui permettent d'assumer collectivement les risques associés aux fluctuations du système économique. La justice sociale n'est pas seulement juste, elle remplit un vraie fonction économique.

.1215

Il est pour le moins étrange que le ministre du Développement des ressources humaines dépose un projet de loi qui appauvrit les exclus du marché de l'emploi à un moment où ils ont le plus besoin d'un régime qui leur offre une protection adéquate en période de turbulence et de restructuration économique.

Le projet de loi C-12 devrait, selon ses architectes, valoriser le travail plutôt que le chômage en incitant les prestataires à retourner plus rapidement au travail. Les mesures préconisées pour motiver le retour à l'emploi vont du resserrement des conditions d'admission à la réduction des montants et de la durée réelle des prestations.

Il est prévu également de pénaliser les chômeurs récurrents. Comment de tels moyens peuvent-ils réellement encourager les chômeurs à réintégrer promptement le marché du travail lorsque sévit au Canada une crise de l'emploi qui semble bien loin de se résorber? Le gouvernement fédéral se soustrairait-il à ses responsabilités à l'égard des régions, des familles et des individus en abandonnant la bonne marche de l'économie à la dynamique naturelle des marchés?

Lorsque l'État abandonne son rôle d'agent de développement, il fait porter aux régions le fardeau de la relance économique et de l'emploi, alors que dans bien des cas, les opérations de reconversion économique demanderont des années.

Lorsque l'État réduit les prestations d'assurance-chômage, il reconnaît que le chômage est avant tout une responsabilité individuelle et qu'un régime d'assurance trop généreux inhibe l'initiative des personnes.

N'est-ce pas l'ancien ministre et parrain de la réforme, M. Axworthy, qui a tenté de faire avaler aux Canadiens, en 1995, que ce n'est pas la pénurie d'emplois qui fait en sorte que le tiers des chômeurs sont au chômage pendant plus de six mois et que les coûts du régime ont doublé depuis 1982? Selon lui, ce serait plutôt la facilité avec laquelle les gens ont recours aux prestations. N'est-ce pas scandaleux d'entendre pareils propos lorsque les emplois ne cessent de se volatiliser à travers le Canada?

Quels intérêts défend le projet de loi C-12 lorsqu'il fait assumer aux moins bien nantis de la société les coûts socio-économiques de la crise de restructuration que traverse l'économie canadienne?

La rhétorique du ministère du Développement des ressources humaines consiste à convaincre les Canadiens et les Canadiennes que C-12 est un bon projet de loi parce qu'il couvrirait davantage de travailleurs et qu'il faciliterait la création d'emplois. En réalité, une analyse attentive des articles 7, 10, 12, 14, 15, 17 et 145 nous porte à conclure que le projet de loi durcit les conditions d'admissibilité et réduit la durée ainsi que le montant des prestations.

Les Canadiens et Canadiennes pourront raconter à leurs enfants et leurs petits-enfants que le gouvernement fédéral aura adopté une loi contribuant à l'appauvrissement des ménages à faible et moyen revenus.

Conséquemment à ces propos, nous recommandons les éléments suivants:

Attendu:

- que l'assurance-chômage doit garantir une forme de continuité et de suffisance du revenu pour les ménages qui sont affectés par une perte d'emploi;

- Que l'assurance-chômage représente pour les citoyens et les citoyennes du Québec un héritage qui forme, avec l'ensemble des programmes sociaux canadiens et québécois, un rempart contre les dérapages du libre marché;

- Que le régime d'assurance-chômage a déjà suffisamment subi des mesures de compressions qui ont contribué à l'appauvrissement des ménages à faible et moyen revenus;

- Que le projet de loi C-12 fragilise davantage les conditions de vie des ménages à faible et moyen revenus qui sont victimes du chômage, contribuant ainsi à une baisse du niveau de vie, à une réduction de la consommation et donc au ralentissement économique et à la perte d'emplois; et

- Que le gouvernement fédéral s'est engagé à améliorer la protection sociale et à atteindre le plein emploi lors du Sommet mondial sur le développement social en 1995;

la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec demande au gouvernement de retirer de son projet de loi les mesures qui entraînent un resserrement des conditions d'admission, une réduction de la durée des prestations et une réduction du montant des prestations. Ces mesures vont à l'encontre des grands principes que le gouvernement fédéral s'est engagé à défendre.

.1220

En conséquence, la FNACQ demande que les paragraphes 7(2), 7(3), 7(4), 10(8) et 12(2), ainsi que les articles 14, 15, 17 et 145 soient modifiés de manière à ce qu'on n'oblige pas les salariés à travailler plus longtemps pour avoir droit à de plus petites prestations pendant une plus courte période de temps.

Une façon de parvenir à ce résultat serait de maintenir à tout le moins les mesures que la loi actuelle qui, malgré leurs imperfections, sont plus acceptables pour les travailleurs que les conditions proposées par le projet de loi C-12.

Nous remercions le ministre et les membres du comité de l'attention qu'ils ont bien voulu nous accorder. En ce qui a trait aux détails techniques des commentaires que nous avons apportés sur les différents articles, si vous avez des questions, il nous fera plaisir d'y répondre.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions en accordant cinq minutes par personne. Nous commençons par le Bloc. Madame Lalonde.

[Français]

Mme Lalonde: Bonjour et merci beaucoup pour votre mémoire. Je n'ai pas la loi devant moi. Quels sont les nouveaux articles sur lesquels vous seriez d'accord à condition qu'on accepte vos propositions?

M. Germain: Si le gouvernement procède à une évaluation sur une base horaire, cela contribuera à resserrer les conditions d'admissibilité. Prenons le paragraphe 7(2), qui dit à toutes fins utiles que, pour la région de Québec, par exemple, si le taux de chômage est fixé entre 9 et 10 p. 100, le minimum est établi à 16 semaines; à 35 heures par semaine, cela fait une enveloppe de 560 heures.

Quelqu'un qui travaille à temps partiel - c'est le cas de beaucoup d'individus - , à 15 heures par semaine, devra travailler 37 semaines pour accumuler 560 heures. On est bien loin de 16 semaines. Nous considérons qu'à ces conditions, le calcul horaire cause un grave préjudice à un nombre de plus en plus considérable de travailleurs à temps partiel.

En ce qui a trait aux paragraphes 7(3) et 7(4) concernant les nouveaux arrivants, nous sommes sidérés de cette mesure proposée de 910 heures. Quelqu'un qui a la chance de travailler 35 heures par semaine doit cumuler 26 semaines; pour un premier emploi, c'est toute une performance compte tenu du contexte économique. Je pense aux travailleurs à temps partiel, saisonniers ou occasionnels, par exemple aux chargés de cours pour qui on comptabilise uniquement les heures enseignées sans tenir compte de la préparation. Ces gens-là devront cumuler au moins 51 semaines de travail à raison de 18 heures par semaine. À moins de cela, si vous tombez à 15 heures par semaine, vous vous retrouvez avec une soixantaine de semaines et vous excédez la période d'admission. À notre avis, le minimum semble difficile à atteindre pour les travailleurs qui occupent un premier emploi ainsi que pour les travailleurs saisonniers.

En ce qui a trait à la réduction de la durée des prestations, le paragraphe 10(8) nous pose aussi des problèmes. Les gens diront que passer de 50 semaines à 45 semaines, c'est bénin. En apparence, cela pourrait être acceptable, mais si on se met à scruter la loi davantage, notamment le paragraphe 12(2), on comprend toutes les conséquences de cette disposition sur les 45 semaines puisque cela représente une période maximale théorique et que, pour l'atteindre, il faudrait, entre autres, être dans une région où le chômage atteint un taux de 16 p. 100 et travailler 52 semaines en une année, c'est-à-dire environ 1 800 heures.

Pour le commun des mortels, c'est une mission presque impossible. Par exemple, un salarié qui travaille 20 heures par semaine dans une région où le taux de chômage se situe entre 9 et 10 p. 100 devra travailler 28 semaines pour accumuler les 560 heures nécessaires. Dans le tableau de l'Annexe I du projet de loi, il est indiqué que cette personne aura droit à 20 semaines de prestations.

.1225

Pour avoir droit à la durée maximale des prestations dans cette région, cette même personne devra travailler 1 820 heures pendant 52 semaines à raison de 35 heures par semaine pour avoir droit à 44 semaines de prestations.

Actuellement, avec le taux de roulement de l'emploi, ce n'est pas évident de se trouver du travail. Souvent, les gens, même avec toute la bonne volonté du monde, avec des démarches constantes, ont beaucoup de difficulté à trouver du travail.

Ce qui nous pose encore plus de problèmes, c'est qu'on pénalise les chômeurs récurrents. À l'article 14, on pénalise les gens de 1 p. 100 par tranche de 20 semaines de prestations reçues au cours des cinq dernières années, jusqu'à ce qu'on ait abaissé les prestations à 50 p. 100.

Peut-on raisonnablement faire porter le fardeau de la restructuration économique par les travailleurs et les travailleuses? C'est ce qu'on trouve scandaleux.

Arrêtons de dire que si les gens ne se trouvent pas du travail, c'est tout simplement parce qu'ils manquent de motivation, etc. Plusieurs personnes ont de la difficulté à se trouver du travail à cause d'un manque de formation, mais là encore, on ne leur donne pas tous les outils nécessaires.

L'un des pires articles de la loi, l'article 15, nous pose aussi un problème. On fait le calcul en fonction des 20 dernières semaines du calendrier et non des 20 meilleures semaines. On ne sait pas quand on sera mis à pied, et l'employeur procède souvent à une réduction progressive du temps de travail.

Prenons le cas d'une personne qui n'a pas travaillé toute l'année et qui gagne 300 dollars par semaine et travaille 35 heures par semaine. Elle fait une demande de prestations. Voici le profil de cette personne-là. Elle travaille 12 semaines consécutives avant d'être mise à pied pour une période de huit semaines et, par la suite, son employeur la réembauche.

Selon l'ancienne méthode de calcul, on arrive à 28 semaines. On prend les 20 meilleures semaines et la personne reçoit un salaire moyen de 300$ par semaine. Donc, elle a gagné 6 000$ et reçoit une prestation raisonnable. Dorénavant, on va compter les huit semaines pendant lesquelles la personne a cessé de travailler. Cela ne représente plus les 20 meilleures semaines. Cette personne-là n'a que deux semaines à 300$, huit semaines sans aucun revenu et huit semaines à 300$. Son salaire moyen pour les 20 semaines tombe à 180$ et, si on tient compte du fait que les prestations sont de 55 p. 100 du salaire admissible, cette personne-là reçoit la rondelette somme de 99$ par semaine.

Comment voulez-vous alors raisonnablement vivre et investir dans vos démarches d'emploi?

Nous rencontrons fréquemment nos clientèles en consultation budgétaire, quand les gens sont rendus au bout de leur rouleau. Ils ne sont même plus capables de s'acheter un timbre et des enveloppes pour envoyer leur curriculum vitae.

Après 200 ou 300 envois, ils nous disent: «On n'a plus les moyens». Vous savez combien il en coûte pour poster une enveloppe? Ce n'est pas 45 cents, mais plutôt 70 cents. Un envoi moyen coûte entre 2$ et 2,50$. Faites le compte: avec 99$ par semaine, on n'arrive plus.

À l'article 17, il y a une autre perte. On passe de 438$ de prestations maximales à 413$.

À l'article 145, on diminue le maximum de rémunération assurable de 42 380$ à 39 000$. On dira que 39 000$, c'est un assez bon salaire. Mais si vous êtes soutien de famille monoparentale, on diminue vos conditions d'admissibilité.

De plus, on parle de remboursement. Auparavant, on pouvait exiger un remboursement de quelqu'un qui gagnait plus de 60 000$, mais ce remboursement-là n'était exigé qu'à partir du dollar qui dépassait les 39 000$. Donc, on calcule selon un facteur de 1,25.

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Si la personne a fait une demande de prestations en 1992 et que, cette année, elle se trouve un emploi qui lui fera gagner plus de 39 000$, cette personne-là devra rembourser.

Nous considérons que toutes ces mesures n'encouragent pas la création d'emplois. Nous pensons que c'est de la pure rhétorique de la part du gouvernement que de prétendre qu'on doit laisser faire l'économie, qu'une main invisible va tout arranger et que les individus sont responsables de leur sort.

J'essaie d'imaginer cela dans les Maritimes dont l'infrastructure, depuis des siècles, est saisonnière. Comment, raisonnablement, ces gens-là vont-ils s'en sortir? On dit: «Laissons faire l'économie, laissons l'initiative aux gens». Comment? Il faudra attendre des années avant que ces économies-là se restructurent dans d'autres secteurs. En attendant, que vont faire ces gens-là? Ils vont crever de faim? Vont-ils mendier? Nous nous posons ces questions-là. Je vous remercie de votre attention.

Mme Lalonde: Merci beaucoup, vous avez été bien éloquent.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup pour votre réponse très complète. Nous passons maintenant aux Libéraux.

Nous espérons, monsieur McCormick, que votre question sera très concise et que la réponse le sera également.

Monsieur McCormick: Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Germain. Vous venez juste de nous faire part de vos inquiétudes à propos de ceux qui ne peuvent pas se permettre de payer un timbre et une enveloppe. Je suis heureux de voir que vous vous occupez des bonnes intentions de ces gens-là, car je crois que ce projet de loi sur l'assurance-emploi vise précisément à les aider. Certainement, lorsque nous voyons que jusqu'à 45 p. 100 des bénéficiaires de l'assistance sociale seront admissibles aux cinq outils, il est tout à fait louable d'essayer de les encourager à s'aider eux-mêmes.

Vous dites que maintenant il n'y aura plus que 45 semaines de couverture au lieu de 50, mais j'imagine que vous souscrivez au principal objectif de cette réforme de l'assurance-emploi, soit l'amélioration de l'employabilité grâce à des mesures actives plutôt que grâce à un revenu passif. Je me demande si vous pouvez faire un commentaire positif à ce sujet, monsieur.

[Français]

M. Germain: La question qu'on peut se poser est la suivante: Comment peut-on penser améliorer l'employabilité des personnes en diminuant les revenus de soutien?

Dans la période où les personnes vont devoir entrer en formation ou encore chercher de l'emploi, si on diminue leur revenu de façon significative, elles auront des difficultés économiques. Cela nuira à la recherche d'emploi, parce que la recherche d'emploi et la formation entraînent des coûts. Pour suivre cette formation, les gens auront des coûts à assumer.

On dit que cela améliorera l'employabilité des gens. C'est très théorique. Dans le fond, c'est une mesure coercitive. On dit que si les gens sont forcés de travailler, si on leur enlève le pain et le beurre, ils vont devoir s'organiser autrement. C'est comme cela que nous interprétons la position du gouvernement.

Il y a des mesures prévues pour améliorer la formation des gens, mais encore faut-il que les gens aient accès à ces mesures. Les restrictions au niveau des cours font qu'ils ne sont pas accessibles à tous et qu'ils ne sont pas nécessairement disponibles quand les gens en ont besoin.

Si vous voulez vraiment améliorer l'employabilité des gens, faites-le, mais sans couper au niveau des revenus des ménages. C'est là notre point de vue principal.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup pour votre exposé, pour votre présence parmi nous aujourd'hui et pour vos recommandations. Notre comité s'efforce de recommander la meilleure mesure législative possible et nous comptons sur votre apport.

Merci, messieurs.

M. Allmand: J'ai invoqué le Règlement plus tôt ce matin et j'aimerais y revenir. J'ai été absolument sous le choc, lorsque, en parcourant la liste des témoins prévus pour cette semaine, j'ai vu qu'on accordait 30 minutes à M. Grubel, député, à titre de témoin.

Si j'invoque le Règlement, ce n'est pas contre M. Grubel personnellement, mais contre le fait qu'un député puisse comparaître devant ce comité en tant que témoin.

Il est dans les usages depuis longtemps que les audiences de comité servent à entendre ceux qui ne siègent pas au Parlement, à écouter des Canadiens, ainsi que des groupes et des experts à l'extérieur du Parlement. Les députés ont le droit d'exprimer leur point de vue à la Chambre des communes et en comité. Il est intéressant de voir que le parti de M. Grubel ne s'est pas présenté ici ce matin pour exprimer son point de vue, et que, la moitié du temps, il n'est pas représenté ici.

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J'ai appuyé la disposition stipulant que les divers partis peuvent choisir des témoins en fonction d'une formule 60-20-20, mais je l'ai approuvée en pensant que les partis choisiraient les témoins parmi le grand public et non parmi les députés.

Il y a eu une exception à la règle; certains députés ont pu comparaître devant des comités dans le cas de questions controversées, comme le contrôle des armes à feu. Dans ce cas-là, nous avons envoyé un avis à tous les députés, leur donnant la possibilité de comparaître le dernier jour des audiences. Ils ont disposé de cinq minutes chacun seulement, et n'ont pas pu poser de questions. A mon avis, il ne convient absolument pas de donner le droit à un député de se présenter comme témoin, alors qu'il a le droit de prendre la parole à la Chambre des communes et de comparaître chaque jour devant ce comité pour représenter son parti, en tant que membre du comité.

Je tiens à ce que mon objection figure au procès-verbal. Elle ne vise pas M. Grubel personnellement, c'est plutôt une question de principe.

La vice-présidente (Mme Augustine): Quelqu'un d'autre aimerait-il prendre la parole à ce sujet?

M. McCormick: Madame la présidente, j'appuie M. Allmand à ce sujet. S'il s'agissait d'un membre d'un autre parti qui siège souvent au sein de ce comité, ce serait une autre histoire, mais lorsque nous voyons que le troisième parti est absent 80 p. 100 du temps, je n'en vois pas la nécessité. Je suis d'accord. Merci.

[Français]

La vice-présidente (Mme Augustine): Madame Lalonde.

Mme Lalonde: Beaucoup de groupes ont voulu intervenir et n'ont pu le faire, et cela me préoccupe. C'est vrai au Québec en particulier. Je suis d'accord sur votre position. Aucun groupe de Gaspésie n'a été retenu parce qu'on ne s'en était pas aperçu. On avait soumis un nom, mais vous êtes arrivé, semble-t-il, au chiffre de 20 sans les avoir appelés. Serait-il possible de leur trouver un endroit, parce qu'en Gaspésie, il y a beaucoup de travail saisonnier?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): D'accord. Je vais maintenant écouter M. Nault et lui demander des propositions quant à la façon de procéder.

Monsieur Nault, s'il vous plaît.

M. Nault: Madame la présidente, le processus que nous avons mis en place est évidemment quelque peu frustrant, pour parler franchement. Si je devais y revenir maintenant que nous savons ce que donne la formule 60-20-20, je ne l'accepterais certainement pas pour les prochaines séances du comité. Étant donné la répartition régionale des partis, nous avons eu un nombre disproportionné de témoins de certaines provinces - du Québec, en particulier - à ce comité par rapport au nombre de témoins d'autres régions du Canada. Je ne crois pas que cela soit utile, sans compter que cela cause des problèmes à beaucoup de députés de tout le pays, mis à part le Québec qui envoie un nombre disproportionné de témoins.

Malheureusement pour M. Allmand, le point qu'il soulève peut uniquement être inscrit à l'ordre du jour des travaux du comité, sous forme de motion présentée ultérieurement. Nous n'avons toutefois pas précisé quelles personnes les partis pouvaient appeler comme témoins. Nous n'avons pas précisé si un député pouvait comparaître à titre de témoin ou non. Nous avons simplement dit que c'était aux trois partis siégeant autour de cette table de choisir, en fonction de leurs unités. Heureusement ou malheureusement, selon la façon dont vous voyez les choses, le Parti réformiste a décidé de demander à un député de comparaître comme l'un de ses témoins. Nous ne nous sommes pas attardés sur cette question et n'avons pas dit que ce serait impossible. Peu importe ce qui se produit dans d'autres comités. Notre comité peut parfaitement décider à lui seul des mesures qu'il souhaite prendre.

Je pense que nous devrions en rester là ce matin; si un membre du comité souhaite présenter une motion proposant des changements au plan de travail, lequel a été approuvé il y a maintenant plusieurs mois, qu'il en soit ainsi, mais très franchement, c'est ce que nous avions prévu. Nous en sommes maintenant pratiquement arrivés à l'examen article par article et il est un peu tard de dire que nous ne sommes pas satisfaits de ce qui a été décidé il y a un mois et demi.

Tels sont mes commentaires. Merci.

[Français]

Mme Lalonde: Un groupe a annulé et je vais essayer de leur obtenir cette place-là. Merci.

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[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Je crois que pour l'instant, nous pouvons reporter le débat de cette question ou attendre qu'un membre du comité présente une motion. Comme ce point a été soulevé en comité, l'honorable monsieur peut décider, dans l'intérêt du grand public, de céder sa place, mais nous allons en rester là.

M. Allmand: Ce serait un beau geste de sa part.

La vice-présidente (Mme Augustine): La séance est levée jusqu'à 15 h 30.

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