[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 avril 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Cet après-midi, nous nous rendons à Edmonton, en Alberta, grâce à la technique de la téléconférence. Nous allons entendre le témoignage de la présidente de Restaurant and Foodservices Association, d'Alberta, l'Association des restaurateurs de l'Alberta, Elizabeth Kuhnel.
Bienvenue. Comme vous le savez, nous disposons d'environ une demi-heure, c'est-à-dire de 10 à 15 minutes pour vous permettre de faire un exposé, suivies d'une quinzaine de minutes au cours desquelles les membres du comité vous poseront des questions. Nous sommes impatients d'entendre votre témoignage. Nous avons pour tâche essentielle d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, et nous comptons beaucoup sur votre participation. Bienvenue. Allez-y.
Mme Elizabeth Kuhnel (présidente, Alberta Restaurant and Foodservices Association): Merci. L'Alberta Restaurant and Foodservices Association est reconnaissante de l'occasion que vous lui donnez de présenter le point de vue de ses membres sur le projet de loi C-12.
Je m'appelle Elizabeth Kuhnel. Je suis présidente de l'association. Mario Nardelli, président du conseil d'administration de l'association et propriétaire-exploitant de Shakers Acres m'accompagne.
L'association représente quelque 7500 établissements offrant des services alimentaires dans la province. Le secteur de la restauration emploie beaucoup de main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre représente près de 30 p. 100 des dépenses de fonctionnement des restaurateurs albertains, de sorte que toute augmentation des charges sociales entraîne un impact majeur sur les coûts des restaurateurs.
L'association a tout d'abord applaudi à l'annonce de la réforme du régime d'assurance-chômage entreprise par le gouvernement, car il lui a semblé alors qu'on réagissait contre le fardeau croissant des charges sociales. En Alberta, il ne se trouve aucune industrie qui ne cherche pas à réduire ses coûts de main-d'oeuvre, du fait que personne ne peut comprimer les charges sociales reliées au paiement de cotisations à la Commission des accidents du travail, aux versements au titre de l'assurance-maladie, etc. En cela, notre secteur n'est pas différent des autres. Toutefois, le produit que nous offrons a une composante humaine, et nous ne pouvons pas réduire notre personnel comme d'autres secteurs y parviennent.
Nous appuyons les efforts visant à réduire le fardeau administratif que représentent les cotisations d'assurance-chômage, mais nous craignons que le gouvernement ne soit en train de perdre son objectif de vue. Plutôt que de réduire les cotisations d'assurance-chômage, les dispositions de ce projet de loi entraîneront pour l'industrie des services alimentaires une augmentation des coûts évaluée à 17 p. 100.
Nous n'en appuyons pas moins plusieurs des principes de réforme énoncés dans la loi. Les dispositions qui visent à resserrer les normes d'admissibilité et à encourager les gens à se prendre davantage en main sont nécessaires et ne devraient pas manquer de rendre le régime plus durable, moins onéreux.
Toutefois, dans le cas d'une proposition de changement, nous sommes extrêmement inquiets, car elle risque de faire disparaître des milliers d'emplois dans notre secteur. Mes remarques aujourd'hui porteront essentiellement sur la couverture dès le premier dollar gagné, et je vais vous expliquer l'incidence catastrophique que cette modification aura sur les employés à temps partiel, surtout les étudiants qui essaient d'épargner en vue de payer leurs études.
Le discours du Trône annonce que le gouvernement est soucieux de protéger les intérêts de la jeunesse canadienne. Nous faisons nôtres les affirmations que contient le discours du Trône, à savoir que les jeunes Canadiens méritent qu'on leur prépare un climat propice, que ce devrait être là un objectif national. Notre secteur est prêt à renouveler le défi que lui lance le gouvernement, à savoir créer de nouvelles avenues pour aider les jeunes à trouver leur premier emploi. Malheureusement, les restaurateurs seront forcés de réduire le nombre des emplois de débutants qu'ils offrent actuellement.
À l'échelle provinciale, nous comptons parmi les plus gros employeurs du secteur privé. Nous offrons des emplois à près de 100 000 Albertains. Bien des jeunes Albertains trouvent dans notre secteur leur première chance, la porte d'entrée sur le marché du travail. Nous sommes convaincus que le gouvernement n'a nullement l'intention de décourager ces jeunes. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous voulons proposer des solutions qui vont permettre d'améliorer les dispositions de ce projet de loi, pour qu'elles débouchent sur la création plutôt que sur l'anéantissement d'emplois.
Permettez-moi d'expliquer comment les dispositions de ce projet de loi vont anéantir les emplois dans notre secteur. Je l'ai dit tout à l'heure, la rémunération et les salaires des employés engloutissent directement le tiers du chiffre d'affaires des restaurants. Les autres coûts de fonctionnement d'un restaurant sont pour la plupart fixes. Les marges bénéficiaires dans notre secteur ne sont en moyenne que de 5 p. 100, avant impôts. La solution ne peut pas être de répercuter une augmentation des coûts sur les prix exigés des consommateurs, étant donné la concurrence très féroce qui se livre sur le marché. Depuis 1991, notre secteur a perdu 5 p. 100 de sa part du marché au profit des épiceries, et cela est attribuable essentiellement à la TPS. Les exploitants ne peuvent donc faire autrement que de réduire le nombre d'heures travaillées par leurs employés.
Maintenant, je voudrais donner la parole au président du conseil d'administration, qui vous donnera le point de vue d'un exploitant.
M. Mario Nardelli (président sortant, Alberta Restaurant and Foodservices Association): Bonjour.
Je dirige la maison Shakers Acres, un traiteur à Edmonton. Tout mon personnel est constitué d'employés à temps partiel, des étudiants. J'ai analysé l'impact financier que représente la couverture dès le premier dollar gagné dans mon établissement. Cela va entraîner une augmentation de 20 p. 100 de la masse salariale dans mon cas.
La compétitivité est très intense dans mon secteur, et mes clients sont extrêmement sensibles à toute augmentation de prix. Il y a une réaction dès que le prix d'une tasse de café grimpe de cinq cents. Il est impossible d'augmenter les prix sans perdre de clients. Chaque année, je vois ma marge bénéficiaire s'amincir.
La couverture dès le premier dollar gagné va m'empêcher de créer des emplois ou de donner une augmentation à mes employés. Les étudiants que j'embauche actuellement travaillent moins de 15 heures par semaine et touchent en moyenne 6$ l'heure, mais les nouvelles mesures vont entraîner pour eux une baisse de rémunération de 18 cents l'heure. Dans le cas d'un de mes employés, c'est une baisse appréciable, car il épargne son argent pour aller à l'université.
Je pense que la viabilité de mon restaurant en Alberta et de tous les restaurants au Canada est menacée si l'on adopte la couverture dès le premier dollar gagné.
Mme Kuhnel: M. Nardelli vous a expliqué ce que représentait la couverture dès le premier dollar gagné dans le cas de son entreprise, mais la plupart des restaurants en Alberta se trouveront dans la même situation. Nous souhaiterions donc que le gouvernement renonce à ce système.
Il est pleinement valable et justifiable de recourir à un régime qui prévoit un maximum de rémunération hebdomadaire assurable. Les employés qui travaillent moins de 15 heures par semaine dans notre secteur sont pour la plupart des étudiants pour qui la participation au marché du travail est limitée, car leur emploi à temps partiel ne constitue pas leur première priorité, ce qui est tout à fait naturel.
On a pu prouver que les étudiants qui travaillent un nombre modéré d'heures par semaine, pendant qu'ils poursuivent leurs études, obtiennent de meilleurs résultats que ceux qui ne travaillent pas, ou qui travaillent plus de 20 heures par semaine. Chez les étudiants qui travaillent un trop grand nombre d'heures par semaine, on constate un taux de décrochage très élevé. Les enseignants appuient les efforts que nous faisons pour limiter le nombre d'heures travaillées par un étudiant afin de maintenir un équilibre entre leurs activités scolaires, sociales et familiales et leurs activités rémunérées.
Dans la mesure où il n'y aura pas d'autres modifications aux dispositions législatives, nous reconnaissons que le fait de passer à un régime axé sur les heures allégera le fardeau administratif du gouvernement et des entreprises. Toutefois, il est déjà question d'amender les dispositions du projet de loi en ce qui a trait aux interruptions. Si on le faisait, cela annulerait la seule raison valable d'avoir recours à un régime axé sur les heures.
Selon nous, il est faux de dire que la couverture dès le premier dollar va décourager les employeurs d'embaucher des employés à temps partiel. Dans notre secteur, les employeurs ne préparent pas leurs équipes d'après les modalités du régime d'assurance-chômage. Il y a 11 ans que je m'occupe de restauration, et jamais il n'a été question de restreindre les heures travaillées par nos employés à 15 heures par semaine. Nous cherchons avant tout à faire travailler nos meilleurs éléments quand nous avons besoin d'eux.
Ce sont les heures de repas qui sont les plus intenses pour nous, mais les repas les plus achalandés varient d'un restaurant à l'autre, d'un moment de la journée à l'autre, d'un jour à l'autre de la semaine, selon qu'il s'agit d'un jour de semaine ou du week-end, et suivant les manifestations locales, le temps, les congés, etc.
Il faut ajouter que les employeurs préparent leurs plages de travail suivant les besoins de leurs employés à temps partiel, car ces derniers veulent pouvoir gagner le maximum en un minimum d'heures. Il faut comprendre que c'est la souplesse des plages de travail qui constitue un des intérêts majeurs d'un emploi à temps partiel dans le secteur de la restauration.
Si, dans le cas des périodes de référence, le comité envisage sérieusement de modifier les dispositions proposées pour régler la question des interruptions, il faudra qu'il comprenne l'incidence que cela représentera pour le secteur de la restauration. Cela pourrait créer une situation tout à fait inexplicable et impossible pour nous.
La configuration du travail à temps partiel est inégale parce que c'est ce que souhaite l'employé. Un employé peut refuser de travailler durant un quart donné quand son travail scolaire est plus intense. Les étudiants demandent souvent à ne pas travailler pendant la période d'examen ou parce qu'ils ont d'autres obligations scolaires ou familiales.
Le fait de devoir tenir compte de toutes les interruptions entraînerait d'importantes dépenses de temps et d'argent pour les employeurs. En outre, cela aurait pour effet d'éliminer complètement les gains de rendement attribuables à la couverture dès le premier dollar de rémunération. Les employeurs seraient ainsi moins en mesure de faire preuve de la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins de leurs employés.
En établissant un seuil de revenu minimal de 2 000$ et en accordant une remise aux petites entreprises, on reconnaîtrait selon nous l'injustice de la couverture dès la première heure travaillée et les coûts qui en découlent. Malheureusement, ni l'une ni l'autre de ces mesures n'aidera beaucoup les employeurs du secteur de la restauration ou les étudiants à plein temps qui travaillent pour eux.
D'après les chiffres les plus récents que nous avons obtenus des fonctionnaires du ministère et qui sont fondés sur les dossiers de l'impôt, le seuil de 2 000$ ne viserait que 34 p. 100 des étudiants à temps plein qui travaillent au Canada. Les employeurs ne seront pas admissibles à la remise.
La remise aux petites entreprises est manifestement insuffisante. Tout d'abord, il ne s'agit que d'une mesure temporaire, et, par ailleurs, elle ne s'applique qu'à certaines entreprises. Dans deux ans, toutes les entreprises canadiennes devront assumer tous les coûts liés à la réforme.
Si le gouvernement est bien décidé à adopter la couverture dès le premier dollar, il y aurait moyen d'en atténuer le fardeau financier, de conserver les emplois pour les étudiants et de faire des progrès vers la réalisation des objectifs politiques du gouvernement: il suffirait d'exonérer les étudiants des cotisations. Nos homologues de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires collaborent avec les fonctionnaires du ministère pour essayer de réduire le coût de cette option. L'association a réussi à en ramener le coût, qui d'après les estimations préliminaires du ministère se serait élevée à 1 milliard de dollars, à moins de 200 millions de dollars. Il s'agirait d'exonérer la première tranche de 5 000$ de rémunération dans le cas des étudiants. La formule serait la même que pour l'exonération de base aux termes du RPC, mais elle ne s'appliquerait qu'aux étudiants à plein temps et à leurs employeurs.
D'après les données du ministère, 76 p. 100 des étudiants à plein temps gagnent moins de 5 000$ par an, comparativement à 34 p. 100 d'entre eux qui gagnent moins de 2 000$ par an. Les étudiants auraient alors droit à l'assurance-chômage à partir de la première heure qu'ils travailleraient après avoir atteint leur seuil de rémunération de 5 000$. L'exonération visant les étudiants contribuerait à la réalisation de l'objectif national du gouvernement en matière de création d'emplois pour les jeunes, elle renforcerait le message selon lequel il est important que les étudiants poursuivent leurs études et elle permettrait aux étudiants d'épargner de l'argent en vue de payer une partie de leurs études à un moment où les gouvernements se voient obligés de réduire l'aide financière qu'ils leur accordent.
L'expérience du marché du travail qu'acquerraient les étudiants pendant qu'ils poursuivent leurs études améliorerait de beaucoup leurs chances de se trouver un emploi à plein temps une fois leurs études terminées.
Ce sont les petits entrepreneurs qui seront le plus durement touchés par le projet de loi, ceux-là même qui sont les plus susceptibles de créer des emplois pour les jeunes qui essaient de s'instruire et de préparer leur avenir. Nous n'arrivons pas à comprendre comment le comité pourrait ne pas tenir compte des conséquences pour les coûts et pour l'emploi de la couverture dès le premier dollar à une époque où tellement d'emplois sont menacés. Nous trouvons encore plus inconcevable que le comité accepte d'examiner des propositions visant à régler le problème des interruptions de travail, propositions qui élimineraient les avantages administratifs de la couverture dès le premier dollar et qui limiteraient encore davantage les possibilités d'emploi des étudiants.
C'est pourquoi nous vous prions de nous écouter et de bien comprendre notre message. Nous vous implorons, pour l'avenir de notre industrie et des milliers de jeunes gens que nous employons, d'introduire une exonération à l'intention des étudiants. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé et pour le point de vue que vous avez présenté au comité.
Nous passons maintenant aux questions. Monsieur Crête, suivi de M. Easter.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Votre mémoire est très clair et donne d'excellents renseignements. J'aimerais que vous nous décriviez l'impact possible de cette mesure. Est-ce que vous pensez que ce coût additionnel va se répercuter sur le prix au consommateur ou va provoquer une diminution du nombre d'emplois, notamment pour les jeunes? Quelle partie pourrait être absorbée par les restaurateurs? Vous dites que les coûts vont augmenter de 17 p. 100. De quelle façon pensez-vous que ces coûts vont être répartis et est-ce que vous croyez que cela va entraîner la fermeture de certaines entreprises de restauration?
[Traduction]
Mme Kuhnel: D'après les estimations de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, la couverture dès le premier dollar de rémunération coûtera 35 millions de dollars à notre secteur. Nous ne croyons pas pouvoir faire payer des coûts supplémentaires aux consommateurs. Les consommateurs manifestent une très grande résistance à l'égard de toute hausse des prix. Ainsi, certains établissements du secteur devront ou bien réduire leurs besoins en personnel, ou bien le nombre de leurs employés, et cela se traduira par une détérioration du secteur et sans doute par la fermeture éventuelle de beaucoup d'établissements d'un bout à l'autre du pays.
[Français]
M. Crête: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Easter.
M. Easter (Malpèque): Soyez les bienvenus. Vous avez dit que vos coûts pourraient augmenter de 20 p. 100. Je trouve que ce chiffre est élevé. J'ai moi-même une exploitation agricole, et je ne considère pas les cotisations à l'assurance-chômage comme une dépense importante pour mon entreprise.
Je sais bien que, dans le secteur de la restauration, la main d'oeuvre représente une part importante de vos dépenses totales, mais pouvez-vous nous dire ce que représente le coût des cotisations comme pourcentage de vos dépenses brutes?
M. Nardelli: Merci pour cette question, monsieur. Notre secteur a ceci de particulier que le coût de la main-d'oeuvre y est élevé; il atteint 20 p. 100 - je crois que nous n'avons pas fait le calcul exact - et il continue d'augmenter.
M. Easter: Oui, il s'agit ici de déterminer dans quelle mesure vos dépenses augmenteront en raison de la couverture dès le premier dollar de rémunération. Je voudrais savoir dans quelle mesure les dépenses augmenteront dans le secteur de la restauration en raison des cotisations d'assurance-emploi que les employeurs devront dorénavant payer sur les 15 premières heures pour lesquelles ils n'ont pas à payer de cotisations à l'heure actuelle. Vous n'avez pas de chiffres là-dessus. J'ai du mal à obtenir ces chiffres.
M. Nardelli: Voilà en effet la question qui se pose. Nous n'avions pas ces chiffres-là auparavant. Si le projet de loi est adopté, nous serons obligés de payer des cotisations dès la première heure. Nous évaluons les coûts supplémentaires, étant donné le grand nombre d'employés à temps partiel que nous employons, à 20 p. 100.
M. Easter: D'accord. Voici une autre question que je veux vous poser. Vous avez dit dans votre mémoire que vous préconisez une exonération à l'intention des étudiants. Que faites-vous des autres travailleurs à temps partiel? Ce ne sont pas seulement les étudiants qui tombent dans ce trou des 15 heures, si vous me permettez d'appeler cela ainsi. Ce ne sont pas seulement les étudiants qui tombent dans cette catégorie. Que faites-vous des autres? Demandez-vous qu'ils soient aussi visés par une exonération?
Mme Kuhnel: Nous avons bien sûr une option que nous privilégions. Nous préférerions en somme que l'exemption actuelle des 15 premières heures soit maintenue, parce que nos employés à temps partiel ne sont pas seulement des étudiants. Nous avons beaucoup d'employés qui ne sont pas des étudiants, beaucoup de femmes, dont bon nombre ont plusieurs emplois pour lesquels nous ne payons pas de cotisations à l'assurance-chômage à l'heure actuelle. Ainsi, même avec l'exonération pour les étudiants, nos dépenses globales augmenteraient, mais pas de façon aussi radicale.
M. Easter: Si j'ai soulevé la question, c'est que, dans votre mémoire, vous parlez de dépenses administratives assez élevées que vous auriez à assumer si vous deviez tenir compte des interruptions de travail et verser des cotisations dès la première heure. Si vous ne faites qu'exonérer un groupe en particulier, les étudiants, vous aurez quand même des dépenses administratives accrues en raison de vos autres employés à temps partiel qui ne seraient pas exonérés. Je me demandais simplement comment vous en étiez arrivés à vouloir exonérer un groupe et pas l'autre. Il me semble que ce serait encore plus compliqué de fonctionner comme cela.
En tout cas, tous les établissements de restauration seraient visés par la mesure. Aucun restaurant ne serait avantagé par rapport à un autre. Tous les restaurants subiraient le même accroissement de leurs dépenses, accroissement que je ne considère pas comme excessif.
C'est là mon opinion à moi, mais je voudrais que vous me présentiez l'autre côté de la médaille. Si vous pouvez me convaincre, j'écouterai.
Mme Kuhnel: Je suis désolée. Je n'ai pas entendu l'intervention du député.
Comme je l'ai dit, cependant, le secteur a une marge bénéficiaire assez peu élevée, qui se situe en moyenne autour de 5 p. 100. Dans notre secteur, nous avons déjà beaucoup de mal à joindre les deux bouts, car la résistance des consommateurs est tellement forte que nous ne pouvons pas augmenter nos prix, surtout depuis la mise en oeuvre de la TPS. C'est tout simplement impossible. Il s'agit donc d'une autre taxe qu'on veut nous imposer et qui compromettra la viabilité de plusieurs établissements d'un bout à l'autre du pays.
Le président: Merci, monsieur Easter.
Je tiens à remercier les représentants de l'Alberta Restaurant and Foodservices Association. Vous nous avez bien fait comprendre votre point de vue. Nous comprenons bien l'optique dans laquelle vous envisagez la question à l'étude. Comme vous le savez, nous avons entendu divers Canadiens qui nous ont présenté des perspectives et points de vue différents sur le projet de loi C-12. Les membres du comité doivent essayer de proposer quelque chose qui sera acceptable pour tous. Voilà le défi que nous devons relever, et nous vous remercions beaucoup de nous aider dans notre travail.
Mme Kuhnel: Merci.
Le président: Nous restons à Edmonton, Alberta. Avant d'entendre l'Edmonton and District Labour Council, en la personne de son président, M. Bill Stephenson, nous allons faire une brève pause.
Le président suppléant (M. McCormick): Nous reprenons nos travaux.
Bonjour. Nous avons de nouveau établi la communication avec Edmonton. Nos témoins suivants représentent l'Edmonton and District Labour Council.
Bienvenue, messieurs, au Comité permanent du développement des ressources humaines, qui est chargé d'améliorer le projet de loi C-12.
Je vous demanderais, monsieur Stephenson, de bien vouloir nous présenter votre collègue. Nous avons environ une demi-heure à vous consacrer; si vous voulez, vous pouvez faire un exposé de 10 à 15 minutes, après quoi nous aurons des questions à votre intention.
M. Bill Stephenson (président, Edmonton and District Labour Council): Merci, monsieur le président.
Je suis accompagné de Gil McGowan, attaché de recherche à l'Alberta Federation of Labour. C'est lui qui s'est essentiellement chargé de préparer ce mémoire.
L'AFL et l'EDLC sont heureux d'avoir cette occasion de présenter leurs vues au comité au sujet du régime d'assurance-chômage. À eux deux, l'AFL et l'EDLC représentent 110 000 travailleurs répartis dans 43 syndicats affiliés. Notre mandat a toujours été de parler au nom des travailleurs sur un grand nombre de sujets, y compris les prestations versées aux travailleurs par le gouvernement.
Je ne veux pas éplucher tout le document que vous avez devant vous. Nous sommes prêts, cependant, à répondre aux questions relativement à tous les points qui ne seront peut-être pas abordés. Nous allons simplement souligner nos dix objections aux modifications proposées à l'assurance chômage; c'est la partie qui commence à la page 5 de notre mémoire. Ensuite, si nous en avons le temps, nous passerons à nos recommandations, qui commencent au bas de la page 11 de notre mémoire.
Nos objections, pour commencer. Premièrement, les 2 milliards de dollars de réductions des dépenses du programme annoncées dans le budget et incorporées dans la nouvelle loi sur l'assurance-emploi ne se justifient pas du point de vue des coûts. Si la tendance actuelle se maintient, la caisse aura un excédent de 9 milliards de dollars l'an prochain. Pourquoi, dans ce cas, continuer de faire des réductions dans un régime qui se porte si bien sur le plan financier?
En vertu du nouveau régime d'assurance-emploi, il sera trop difficile pour les travailleurs en chômage de se rendre admissibles aux prestations. Selon les propres estimations du gouvernement, 90 000 bénéficiaires actuels ne pourront se rendre admissibles aux prestations en vertu du nouveau régime. Et 480 000 personnes de plus qui travaillent moins de 35 heures par semaine mettront plus de temps à se rendre admissibles. N'oubliez pas que ce n'est pas l'employé qui fixe ses heures de travail.
Nous ne sommes pas aussi certains que le gouvernement que ces 570 000 Canadiens au total qui se verront refuser des prestations réussiront à boucler leur budget. Nous reconnaissons cependant que le régime doit être modifié de façon à refléter les nouvelles conditions du marché du travail. Nous sommes, par exemple, d'accord avec l'idée de comptabiliser les heures plutôt que les semaines en vue d'établir l'admissibilité. Nous estimons toutefois que le gouvernement exige un trop grand nombre d'heures. De fait, si cette loi est adoptée, les Albertains devront travailler 133 p. 100 plus longtemps pour se rendre admissibles.
De même, l'argument du gouvernement selon lequel un plus grand nombre de travailleurs à temps partiel pourront se rendre admissibles en vertu du nouveau régime est faux. En réduisant la durée maximum des prestations de 50 à 45 semaines, le gouvernement privera beaucoup de gens de l'assurance-chômage avant qu'ils n'aient pu se trouver un autre emploi. Plus de gens se retrouveront donc à l'aide sociale, déjà écrasée par les demandes. Il est difficile de considérer qu'il s'agit ici d'une réforme lorsque l'objet de l'exercice consiste à refiler le problème aux provinces, lesquelles sont aux prises avec leur propre dette et leur propre déficit et, comme c'est le cas en Alberta, s'appliquent à réduire leurs programmes d'aide sociale.
Avec les nouvelles règles, et à la suite de la réduction importante du taux des prestations, plusieurs bénéficiaires de l'assurance-chômage n'auront plus suffisamment d'argent. La nouvelle formule pour établir le taux des prestations entraînera une réduction de 8 à 50 p. 100 des prestations et plongera encore plus de gens dans la pauvreté. Les pénalités proposées pour les travailleurs en chômage qui présentent plus d'une demande d'assurance-chômage sur une période de cinq ans sont contraires à l'éthique et ne touchent en rien les causes réelles du chômage.
Dans l'ensemble, ce qu'on dit aux chômeurs, c'est qu'ils sont eux-mêmes responsables des exercices de compression des sociétés et des gouvernements. Cette modification-ci ne peut pas être interprétée autrement. Ses partisans voudraient nous faire croire que les prestataires veulent être en chômage et qu'elle parviendra d'une certaine façon à réduire le chômage. Il se trouve que même en vertu du régime actuel les gens qui quittent leur emploi sans raison ou qui sont congédiés pour mauvaise conduite n'ont pas droit aux prestations.
Si on veut être logique, on doit considérer que les gens qui touchent des prestations d'assurance-chômage, quel que soit le nombre de fois qu'ils ont présenté des demandes, n'ont aucun contrôle sur la situation. Selon les chiffres du gouvernement fédéral, 43 000 personnes étaient sans emploi à Edmonton au cours du mois de février, alors que 1 700 emplois étaient affichés dans les centres d'emploi. Ainsi, 43 000 personnes devaient se disputer 1 700 emplois.
Nous voyons également d'un très mauvais oeil l'abandon apparent par le gouvernement des principes qui étaient à la base du régime d'assurance-chômage au départ. Nous sommes bien d'accord avec l'idée de programmes de recyclage offerts par le gouvernement. Cependant, la caisse d'assurance-chômage n'a jamais été conçue à cette fin. L'assurance-chômage a été créée pour aider les gens temporairement en chômage à maintenir un niveau de vie normal en attendant de trouver un autre emploi. Elle n'a jamais été un moyen, et ne doit pas être un moyen non plus, de forcer le bénéficiaire à suivre des programmes de recyclage qui ne garantissent pas d'emplois.
Les travailleurs ne sont pas les seuls à faire les frais des modifications proposées. Sans l'argent qui vient de l'assurance-chômage, plusieurs localités et régions seront lourdement touchées.
Nous mettons en doute l'argument du gouvernement selon lequel la nouvelle orientation axée sur des mesures actives d'emploi donnera de meilleurs résultats que l'approche traditionnelle qui se bornait à remplacer le revenu manquant. Prétendre que ces modifications encourageront les chômeurs à se trouver du travail revient à dire encore une fois que les prestataires sont en chômage parce qu'ils le veulent. Il se trouve qu'en vertu du régime actuel les prestataires n'ont droit qu'à 55p. 100 de ce qu'ils gagnaient auparavant. Ce fait serait suffisant pour les encourager à trouver un emploi s'il y en avait.
Les subventions salariales et les suppléments de revenu ne sont pas la solution. Ces programmes ne font que déformer le marché du travail et exercer une pression à la baisse sur les salaires. Qui plus est, l'expérience montre que les emplois ainsi créés ne le sont que pour la durée du financement assuré par le gouvernement. C'est une action superficielle qui ne crée pas d'emplois à plein temps et à long terme.
Enfin, transférer la responsabilité pour les services de chômage du gouvernement fédéral aux provinces et aux collectivités ou aux entreprises créerait inévitablement un fouillis dans tout le pays.
Comme dans la plupart des secteurs de la politique sociale, il n'y a pas de formule magique pour améliorer l'assurance-chômage, mais nous pensons que le gouvernement doit tenir compte d'un certain nombre de choses dans sa démarche. Le principal objectif de sa réforme devrait être de réduire la pauvreté au Canada et de donner une meilleure sécurité aux chômeurs sur le plan financier. Toute réforme digne de ce nom doit contribuer à améliorer les conditions de vie; les modifications proposées n'y tendent certainement pas.
S'il y a tant de prestataires depuis quelques années, c'est que le taux de chômage est très élevé. La meilleure façon de réduire le nombre des prestataires d'assurance-chômage, c'est de créer de nouveaux emplois à leur intention, non pas de les punir. La très grande majorité des gens qui doivent avoir recours à l'assurance-chômage y ont légitimement droit. Le nombre de prétendus cas de fraude et d'abus est grandement exagéré.
De façon concrète, nous pouvons suggérer plusieurs approches différentes en vue de réformer l'assurance-chômage. Nous sommes d'accord avec le concept de la comptabilisation des heures plutôt que des semaines pour déterminer l'admissibilité, mais nous estimons que le seuil doit être suffisamment bas pour permettre aux travailleurs à temps partiel et aux contractuels d'avoir un accès raisonnable aux prestations.
Plutôt que de s'attaquer aux chômeurs, de blâmer les victimes en réalité, le gouvernement devrait mettre à contribution les employeurs en les encourageant à embaucher des travailleurs à plein temps et en pénalisant ceux qui réalisent des profits tout en mettant des travailleurs à pied. Les employeurs qui utilisent le régime d'assurance-chômage pour diminuer leur masse salariale normale devraient peut-être être forcés d'acquitter et leurs cotisations et celles de leurs employés.
On pourrait également économiser les fonds de l'assurance-chômage en offrant aux bénéficiaires de 60 ans et plus, qui ne peuvent pas vraiment s'attendre à trouver des emplois décents avant d'atteindre l'âge normal de la retraite, 65 ans, l'option d'une retraite anticipée.
Voilà quelques exemples de solutions originales, autres que les options proposées par le gouvernement dans sa réforme de l'assurance-chômage. Nous sommes convaincus qu'on pourrait en trouver beaucoup d'autres pour améliorer le système, des changements qui ne détourneraient pas des objectifs de l'assurance-chômage et ne plongeraient pas non plus les Canadiens au chômage dans la pauvreté.
Nous prions instamment le gouvernement de rechercher ces autres solutions pour en trouver de meilleures. Faute de cela, il pourrait causer des dommages irréparables à un programme qui nous a bien servis, et il pourrait laisser sur le pavé des centaines de milliers de Canadiens.
Le président suppléant (M. McCormick): Merci beaucoup.
Nous allons procéder de la façon normale et demander aux députés de l'Opposition officielle de poser les premières questions.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête: Merci pour la présentation qui était très claire. Il est intéressant d'entendre une présentation faite par des gens de l'Ouest du pays et de voir que vous percevez les problèmes de la même façon qu'ailleurs, alors qu'on pourrait penser le contraire. On voit donc que les problèmes des travailleurs sont un peu partout les mêmes.
J'aimerais que vous me disiez s'il serait possible de créer une sorte d'organisme paritaire où les employeurs et les employés géreraient ensemble la caisse d'assurance-chômage. Est-ce que vous pourriez envisager ce moyen comme étant une solution permettant d'assurer une meilleure gestion de la caisse de l'assurance-chômage?
Deuxièmement, vous semble-t-il que la meilleure façon de permettre le développement de l'emploi est d'avoir un surplus d'argent qui puisse servir entièrement à des mesures d'employabilité, ou d'avoir un surplus dont une partie serait limitée à 3 milliards de dollars et l'autre partie serait remboursée aux employeurs et aux employés sous la forme d'une réduction des cotisations? Quelle solution préconiseriez-vous? Avez-vous une autre solution à proposer?
[Traduction]
M. Stephenson: Pour répondre à votre première question, sur l'administration du système, nous pensons que l'opinion des gens qui paient les cotisations est très importante. Toutefois, c'est tout de même le gouvernement qui est responsable de l'administration du programme, et cela ne doit pas changer. En tenant compte de nos idées, le gouvernement devrait adopter des règles et des règlements et administrer ainsi le système.
En ce qui concerne votre deuxième question, sur la façon d'utiliser les excédents, personnellement, je trouve plus logique d'utiliser les excédents qui pourraient exister pour s'assurer que les chômeurs sont bien protégés et qu'ils peuvent accéder à l'assurance-chômage. Avec le système actuel, les employés ont beaucoup de mal à obtenir des fonds, et c'est une situation qui s'aggraverait encore avec les changements proposés.
Créer des excédents aux dépens des chômeurs ne leur sert absolument à rien. Cela ne sert à rien non plus au gouvernement, pas plus qu'à l'économie, et je ne vois pas non plus comment cet argent pourrait créer des emplois.
[Français]
M. Crête: Vous représentez des travailleurs de l'Est du pays, et j'aimerais avoir votre opinion sur une proposition faite par les associations d'employeurs, à savoir qu'on ait un régime uniforme à travers tout le pays qui exigerait un nombre de semaines identiques partout. Qu'en pensez-vous? Est-ce que cela vous semble être une situation réaliste et souhaitable?
[Traduction]
M. Stephenson: Encore une fois, ce serait réaliste uniquement si le nombre de semaines était équitable pour tout le monde. Par exemple, si vous fondez le nombre de semaines nécessaires sur le plus petit commun dénominateur dans tout le pays, il est certain que ce chiffre ne sera pas adapté à certaines régions. Comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire, nous préférons qu'on calcule l'admissibilité sur la base des heures de travail. Notre seule mise en garde, c'est que ces heures de travail doivent être équitables et ne pas augmenter le seuil d'admissibilité. En fait, pour être bien adapté à la nature de notre main-d'oeuvre et aux conditions de travail actuelles, il faudrait réduire les exigences d'admissibilité au lieu de rendre le programme encore plus difficile d'accès.
Le président suppléant (M. McCormick): Merci, monsieur Crête.
Nous passons maintenant à M. Allmand, de la majorité.
M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Merci beaucoup.
Monsieur Stephenson, depuis combien de temps travaillez-vous pour l'Edmonton and District Labour Council?
M. Stephenson: Cela fait maintenant environ neuf ans.
M. Allmand: Pendant toutes ces années, est-ce que les travailleurs, les employés membres de vos syndicats, se sont souvent plaints? Se sont-ils plaints du système d'assurance-chômage? Ont-ils dit que ce n'était pas un bon système? Ont-ils manifesté leur insatisfaction face à l'ensemble du système?
M. Stephenson: Les gens qui perdent leur emploi, certainement. Je siège également au Conseil arbitral de l'assurance-chômage à Edmonton, et je vois sans arrêt des gens qui doivent se battre pour obtenir ce à quoi ils estiment avoir droit, et très souvent je suis de leur avis. Malheureusement, la loi a tellement changé au cours de ces dernières années qu'ils n'ont pas beaucoup de recours.
Effectivement, les changements qu'on envisage d'apporter au système inquiètent beaucoup de gens parce qu'ils se demandent s'ils vont pouvoir garder leur emploi.
M. Allmand: Mais pendant toutes ces années, avez-vous entendu des plaintes qui justifieraient les amendements de ce projet de loi?
M. Stephenson: Non.
M. Allmand: Est-ce que les travailleurs membres de vos syndicats se sont plaints de ce que les cotisations étaient trop élevées?
M. Stephenson: Bien sûr. Il y a des plaintes sur toutes les déductions salariales.
M. Allmand: Enfin, dans votre mémoire, vous dites que les abus représentent une petite proportion par rapport à l'ensemble du système, et nous savons que ces abus existent. D'une façon générale, est-ce que les membres de votre syndicat approuvent les mesures qui réduiraient les abus sans toucher tous ceux qui n'abusent pas du système? Parfois, pour supprimer des abus, on s'attaque à tout le monde à la fois, les innocents comme les coupables. Est-ce que votre syndicat approuverait les mesures destinées uniquement à ceux qui abusent du système?
M. Stephenson: Certainement, nous n'avons rien contre les programmes qui pourraient empêcher les gens d'abuser du système. Cela dit, je doute que ce soit possible. Il y a toujours des gens qui tentent d'abuser d'un système de prestations gouvernementales, quel qu'il soit. D'après Statistique Canada, je crois, 2 p. 100 des bénéficiaires de l'assurance-chômage abusent du système. Il n'est donc pas normal de demander à 98 p. 100 des bénéficiaires de payer pour ces 2 p. 100, et ce genre de chose n'améliore en rien le système.
M. Allmand: Certains membres de ce comité ont déjà proposé des amendements pour améliorer le projet de loi, pour rectifier certaines choses que vous avez mentionnées. Avez-vous pris connaissance de ces projets d'amendements?
M. Stephenson: Non.
M. Allmand: Je vois.
Une dernière question; le projet de loi contient également une disposition qui prévoit un supplément, en plus des prestations, pour les familles à faible revenu. Que pensez-vous de cette disposition?
M. Stephenson: Cela semble être une bonne idée, mais il faudrait voir ce que cela comporte exactement. C'est assez vague.
M. Gil McGowan (directeur administratif, chargé de recherche, Communications, Alberta Federation of Labour): Nous avons étudié la proposition de supplément de revenu, et à première vue nous n'avons pas d'objections graves. Toutefois, ce que nous n'aimons pas, c'est qu'on envisage d'utiliser à cette fin les fonds de l'assurance-chômage. Nous ne sommes pas d'accord pour qu'on utilise à d'autres fins des fonds qui ont été recueillis expressément pour remplacer les revenus des travailleurs au chômage. En fait, ce supplément de revenu et plusieurs autres propositions qui figurent dans le projet de loi sont en réalité des programmes d'aide sociale. En utilisant les fonds de l'assurance-chômage de cette façon-là, nous détournons encore une fois l'assurance-chômage de ses objectifs. Il s'agit après tout d'un programme d'assurance destiné à répondre aux besoins des chômeurs et à remplacer leur revenu. À notre avis, les fonds de l'assurance-chômage ne devraient servir à rien d'autre. Toute autre utilisation de cet argent éloigne des objectifs de l'assurance-chômage et revient à trahir la confiance des travailleurs et des employeurs qui ont versé des cotisations dans un but qu'ils croyaient connaître.
M. Allmand: Merci beaucoup.
Le président suppléant (M. McCormick): Merci beaucoup, monsieur Allmand.
Messieurs, merci beaucoup pour cette excellente intervention. Nous avons votre mémoire, et je suis certain que nous aurons l'occasion de discuter et d'étudier vos recommandations, et peut-être de nous en inspirer pour modifier ce projet de loi.
M. Stephenson: Merci.
Le président suppléant (M. McCormick): Nous allons faire une pause de cinq minutes pour nous déplacer d'Edmonton à Calgary; cela risque d'être le voyage le plus rapide de notre existence.
Le président: Nous sommes maintenant à Calgary, Alberta. L'exposé suivant sera fait par le président de la Chambre de commerce de Calgary, Peter Wallace, et le président des Ressources humaines de la Chambre de commerce, Peter Edwards.
Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue. Comme vous le savez, si nous sommes réunis ici, c'est pour tenter d'améliorer le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Évidemment, nous allons écouter avec beaucoup d'intérêt votre opinion sur les moyens d'y parvenir. Comme vous le savez, nous disposons d'une demi-heure. Vous pouvez consacrer de 10 à 15 minutes à votre exposé, après quoi nous pourrons vous poser des questions.
Je vous remercie. Vous avez la parole.
M. Peter Edwards (président, Ressources humaines, Chambre de commerce de Calgary): Je vous remercie, monsieur le président.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion d'exposer la position de la Chambre de commerce de Calgary devant le Comité permanent du développement des ressources humaines. Je suis chargé de vous présenter les excuses de Peter Wallace, notre président, qui se rend en ce moment même à Ottawa, mais il a été heureusement remplacé par Peter MacKenzie, conseiller en politique de la Chambre de commerce de Calgary, qui est à mes côtés.
La Chambre de commerce de Calgary, à titre d'information, compte environ 4 500 représentants, dont un nombre très représentatif d'entreprises de Calgary. Notre chambre se fait le porte-parole des petites entreprises, plus de 80 p. 100 de nos membres appartenant à ce groupe.
La Chambre, au cours des dernières années, a suivi de près les questions dont est saisi votre comité. Vers la fin de l'année 1994 nous avons, à l'occasion de la rédaction du document de travail La Sécurité sociale dans le Canada de demain, exposé notre point de vue, à savoir que les Canadiens, à notre avis, devaient changer d'attitude et prendre davantage en charge leur propre santé physique, mentale et économique; au lieu d'exiger ce qu'ils considèrent comme leur dû, ils doivent plutôt tenir compte de ce qui est faisable et insister également afin que tous les gouvernements entreprennent d'éliminer le gaspillage qui résulte des chevauchements et doubles emplois dans la prestation des programmes sociaux. Sur ces points nous n'avons pas changé d'idée.
Nous voudrions rendre hommage aux engagements qui ont été pris et aux efforts déployés pour remanier l'assurance-chômage par l'introduction du projet de loi concernant l'assurance-emploi. Nous nous sommes livrés à une réflexion approfondie sur certaines des questions touchant à l'assurance-emploi et voudrions vous présenter des recommandations, en nous attachant principalement aux questions suivantes: tout d'abord, accepter que l'assurance-emploi soit une assurance à court terme, puis examiner les disparités des cotisations, la règle de l'intensité, les remboursements de prestations, puis quelques observations d'ordre général sur les prestations d'emploi.
Prenons d'abord la question de l'assurance-emploi telle que nous la concevons, à savoir comme une assurance à court terme. L'assurance-emploi, nous en sommes convaincus, devrait servir d'assurance à court terme visant à protéger les Canadiens qui ont perdu leur emploi pour des raisons qui ne relèvent pas de leur volonté et de leurs efforts. Ceux qui quittent leur emploi sans raison valable ne devraient pas, nous ne craignons pas de l'affirmer, bénéficier de cette assurance.
Ce projet de loi fait passer le nombre maximum de semaines de versement des prestations de 50 à 45, période qui, à notre avis, pourrait être encore davantage réduite et ramenée à une durée appropriée dans tout le pays.
Nous savons également qu'il est prévu de présenter au ministre des Ressources humaines une révision de cette loi avant le 31 décembre 1998, révision qui - nous insistons là-dessus - devrait être aussi complète que possible afin de permettre d'évaluer dans quelle mesure cette loi encourage les Canadiens à trouver un emploi dans les plus brefs délais.
En second lieu, quant à la question des cotisations et de leurs disparités, employés et employeurs reconnaissent que tout programme d'assurance est basé sur les cotisations. Les employeurs sont, certes, responsables de veiller à la solidité du fonds d'assurance, mais nous constatons, dans le projet de loi en question, que l'intention est de maintenir ce qui, à nos yeux, est une différence de traitement entre les employeurs et les employés quant à la répartition des taux de cotisation.
La Chambre de commerce de Calgary estime que cette mesure constitue un frein à l'embauche d'un plus grand nombre de travailleurs par les employeurs. Ce qui s'impose, à notre avis, c'est d'instaurer plus d'égalité entre employés et employeurs en ce qui concerne la répartition des taux de cotisation.
Quant à la réserve qui est constituée par les cotisations, nous comprenons certes que celle-ci soit destinée à amortir les fluctuations de taux qui ont lieu pendant les récessions ou les ralentissements d'activité, mais ce fonds de réserve, à l'heure actuelle, est extensible, ce qui risque de rendre difficile l'évaluation de l'efficacité de l'assurance-emploi pour les Canadiens. Nous voyons là un alourdissement éventuel des charges sociales.
Nous recommandons qu'on adopte le même taux de cotisation tant pour les employés que pour les employeurs, en diminuant les cotisations versées par l'employeur, mais sans augmenter pour autant les cotisations payées par l'employé. Nous recommandons également que le fonds de réserve pour les périodes creuses soit plafonné à hauteur de 5 milliards de dollars.
Passons maintenant à la règle de l'intensité: le gouvernement, nous sommes satisfaits de le constater, reconnaît ainsi que les réitérants du régime d'assurance ont compromis l'intégrité de ce régime. On a constaté une augmentation considérable du pourcentage de Canadiens bénéficiaires des prestations d'assurance-chômage, en particulier au cours des 12 dernières années. La règle de l'intensité encouragerait à notre avis les gens à espacer les demandes de prestations, ce qui constituerait un pas dans la bonne direction.
Il n'empêche que le régime d'assurance-chômage est en place depuis de nombreuses années et qu'il est de plus en plus considéré comme étant un dû, attitude qui n'encourage pas la recherche active d'un autre emploi. Le besoin s'impose donc d'encourager les Canadiens à changer d'attitude et à mieux assumer leurs responsabilités.
L'un des aspects encourageants de la règle de l'intensité, c'est qu'elle amènera les gens à envisager de chercher un emploi dans d'autres régions. Il faudra du temps pour y arriver, cela ne peut se faire du jour au lendemain, mais les forces du marché devraient pouvoir s'exercer pour amener les Canadiens à s'établir dans des régions qui offrent de meilleures chances d'emploi. Nous sommes en faveur de cette mobilité dans notre pays, et recommandons par conséquent une réduction plus stricte pour les réitérants.
Notre quatrième point porte sur le remboursement des prestations. Les dispositions visant à assurer le remboursement des prestations au gouvernement fédéral par les prestataires à revenu élevé nous paraissent encourageantes, et il conviendrait de renforcer encore cette disposition dans le cas où le remboursement des prestations est calculé sur le revenu du ménage plutôt que sur le revenu du particulier. Nous recommandons donc, dans le cadre de la partie VII de la Loi sur l'assurance-emploi, de prendre pour base du calcul du remboursement le revenu du ménage.
Notre dernier point porte sur les prestations d'emploi et les mesures de soutien. Nous approuvons l'intention du gouvernement fédéral d'oeuvrer de concert avec les gouvernements provinciaux pour mettre au point les prestations et les mesures concomitantes et pour mettre en place un cadre d'évaluation des résultats, et nous sommes en faveur de ces mesures.
Nous craignons toutefois que la coordination de l'enseignement et de la formation et le maintien de normes nationales ne laissent à désirer. Nos clients d'autres pays associent le Canada à des normes de formation très poussées, et une coordination réelle de ces normes entre les gouvernements concernés est essentielle pour assurer notre compétitivité aux quatre coins du globe. Nous encourageons le gouvernement à mettre en place un processus consultatif avec toutes les parties intéressées, dont la Chambre de commerce de Calgary, pour élaborer des programmes de prestations d'emploi avec les provinces.
Je crois vous avoir fait part aujourd'hui de l'essentiel de nos positions, et je vous remercie de votre attention.
Le président: Nous vous remercions de votre exposé.
M. Crête sera le premier à vous poser une question, et il sera suivi de M. Scott.
[Français]
M. Crête: Au début de votre mémoire, une phrase a retenu mon attention. Vous dites:
- La nouvelle réalité pousse les Canadiens à retrouver les moyens et les capacités qui étaient les
leurs il y a 50 ans.
En effet, un expert nous a dit hier qu'aucun programme n'a été meilleur que le régime d'assurance-chômage comme régulateur antirécession. C'est le meilleur régulateur qui ait existé au Canada. C'est meilleur que le régime d'impôt et que toute autre chose de ce type-là. Cela a permis d'éviter des dérapages importants.
Vous dites que ce sont les forces du marché qui devraient permettre aux gens de déterminer l'endroit où ils choisissent de vivre. Ne pensez-vous pas qu'il y a d'autres critères qui sont aussi importants que les forces du marché, par exemple le fait de vouloir développer le coin de pays dans lequel on a été élevé, de vouloir en faire un milieu de vie intéressant, de vouloir essayer de développer une économie, etc.?
Je ferai une autre remarque avec ma dernière question. Vous faites référence au fait qu'il y a eu une forte augmentation de l'utilisation de l'assurance-chômage au cours des 12 dernières années. Est-ce que vous prétendez que cela est dû au fait que les gens sont devenus plus paresseux, ou est-ce que ce n'est pas plutôt dû à la transformation du marché du travail lui-même? Car les nouveaux échanges économiques ont provoqué le développement d'emplois à temps partiel qui n'ont pas nécessairement eu des conséquences sur l'assurance-chômage, mais qui ont tout de même donné les résultats que nous connaissons. Je ne partage donc pas votre point de vue sur le fait que les gens ont moins le goût de travailler; je pense que c'est plutôt le marché du travail qui s'est transformé.
D'autre part, quand vous dites que la réserve devrait être limitée à 5 milliards de dollars, qu'est-ce que vous suggérez de faire avec les montants additionnels? Est-ce que vous préférez qu'on les rembourse sous forme d'une diminution des cotisations ou qu'ils soient affectés à autre chose?
[Traduction]
M. Edwards: Je commencerai par votre dernière question: oui, nous sommes convaincus que les cotisations devraient être réduites.
En ce qui concerne l'argument des forces du marché, je constate, dans le guide du projet de loi concernant l'assurance-emploi, que l'un des mandats de Développement des ressources humaines Canada est d'aider les chômeurs à trouver un emploi partout où c'est possible. Cela va dans le droit fil de notre argument: plutôt que de laisser les gens s'embourber dans le chômage et organiser leur vie en fonction de l'assurance-chômage nous préférerions qu'ils soient disposés à envisager d'aller s'établir ailleurs.
Vous m'avez posé deux autres questions; j'essaye de me rappeler lesquelles.
M. Peter MacKenzie (conseiller en politique, Chambre de commerce de Calgary): Je crois que je pourrais vous répondre.
Vous avez soulevé une question portant sur le début de notre lettre, que je cite:
- Les Canadiens semblent vouloir retrouver leur vigueur et les qualités qui étaient les leurs il y a
un demi-siècle.
[Français]
M. Crête: J'ai encore quelque chose à ajouter sur un problème que je juge fondamental. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait plutôt axer le développement de l'économie de manière à permettre aux gens d'assurer le développement là où ils demeurent plutôt que de les faire déménager selon les forces du marché?
[Traduction]
M. Edwards: Ce n'est pas que nous voulions déplacer les gens par la force; c'est plutôt que nous voudrions les encourager à envisager de se rendre là où il y a du travail plutôt que de s'accrocher à l'assurance-chômage pour assurer leur subsistance.
Nous sommes satisfaits de constater que le régime d'assurance-emploi encourage une attitude active plutôt que passive: cela s'accorde tout à fait avec notre opinion sur la façon dont il convient d'encourager les gens. Tout devrait être mis en oeuvre pour susciter une telle attitude plutôt que d'encourager la passivité et la résignation au statu quo.
Le président suppléant (M. Proud): Je vous remercie, monsieur Crête.
Merci, messieurs.
Monsieur Scott.
M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Je voudrais que vous nous précisiez ce que vous entendez au juste par le premier point que vous avez soulevé, à savoir l'assurance à court terme que devrait représenter l'assurance-emploi. Qu'est-ce que cela signifie au juste pour ceux qui chaque année font appel à l'assurance-chômage et travaillent dans des secteurs qui ne sont simplement pas en mesure d'employer des gens d'année en année et à longueur d'année? Proposez-vous de priver ces gens de l'accès au régime?
M. Edwards: Ce n'est pas ce que nous proposons; ce que nous voulons, c'est encourager - nous l'avons déjà dit - les gens à chercher un autre genre d'emploi.
Nous savons que certaines catégories d'emplois sont saisonnières, mais il est dit dans le guide que 40 semaines représentent environ le maximum de temps pendant lequel les gens peuvent chercher un emploi avec une certaine chance de succès. C'était là, si je ne me trompe, l'intention première du projet de loi: une période de prestations de 40 semaines. Le projet de loi propose une réduction de cette durée, mais nous proposons de la réduire encore davantage, du fait qu'il s'agit d'un régime d'assurance-emploi.
M. Scott: Je voudrais vous faire remarquer que les travailleurs saisonniers n'ont jamais ces40 ou 45 semaines maximums dont il est question, car il faut accumuler, pour en bénéficier, un nombre suffisant de semaines de travail. Il est faux d'imaginer que pour bénéficier de cette mesure vous travailleriez, par exemple, 12 semaines et auriez ensuite droit à 40 semaines de prestations: ce n'est pas du tout ainsi que cela se passe, et ce, depuis un bon moment. Il faudrait que les gens comprennent bien cela.
D'une façon générale, un grand nombre des travailleurs saisonniers dont nous parlons ne sont en fait pas admissibles aux prestations pendant la période où ils sont en chômage et attendent que le travail reprenne la saison suivante. Les Canadiens doivent comprendre qu'il existe un lien entre la durée du travail que vous avez fait et le montant des prestations, et que seuls bénéficient du maximum des prestations ceux qui ont accumulé assez d'heures de travail pour leur permettre de faire cette demande de prestations. Il est essentiel que les gens comprennent bien cela.
Et l'on pouvait vous convaincre qu'il n'existe pas d'autres emplois pour ceux dont nous parlons? Seriez-vous d'accord avec moi si nous nous mettions d'accord sur cette hypothèse? Je sais que nous n'arriverons pas nécessairement à nous mettre d'accord, et je n'essaye pas de vous convaincre, mais si vous pouviez nous croire, l'assurance-emploi ne serait-elle pas une façon relativement efficace de stabiliser les collectivités et leur économie sinon à jamais, tout au moins pour le moment, plutôt que de pousser les gens à quitter l'endroit où ils habitent?
Nous parlons ici de gens, nombreux, dont les besoins en formation seraient très souvent considérables, de gens qui sont propriétaires de leur logement et implantés dans la région et pour qui la décision de la quitter ne les avancerait pas beaucoup. En théorie votre proposition est peut-être réalisable et paraît pratique, mais si on l'examinait de près elle paraîtrait peut-être absurde. Dans certains secteurs il y a du travail pour quatre, cinq ou six mois, et l'assurance-chômage ou l'assurance-emploi est conçue à cet effet, soit stabiliser ces collectivités et d'assurer aux familles un revenu pendant une certaine période.
Si je pouvais vous convaincre que l'assurance-chômage ne condamne pas ces gens à la passivité, ne verriez-vous aucun avantage à la stabilisation de l'économie locale dans ces collectivités?
M. Edwards: Certes, si l'on pouvait nous persuader qu'il s'agit de mesures à court terme, mais ce mode de vie est incrusté dans la trame de la société. Nous serions d'accord avec vous s'il s'agissait vraiment d'une assurance à court terme - ce qui en était l'intention première - mais au cours des dernières années c'est devenu davantage un mode de vie qu'un régime d'assurance-chômage à court terme.
Ce qui nous paraît encourageant, je le répète, c'est que ce projet de loi semble vouloir encourager une approche active plutôt que passive au problème du chômage. Le temps prouvera peut-être que ce sont là les mesures qu'attendaient les gens, ou ce qui les tirera de leurs difficultés.
Mais tout semble avoir évolué vers une situation où l'on s'est éloigné de cette notion de mesure à court terme.
M. Scott: Avez-vous l'impression que les prestations maximums, les 50 semaines - ramenées maintenant à 45 - pendant lesquelles vous aviez droit à l'assurance-chômage représentaient les prestations réelles que touchaient ces gens? Pour poser la question en d'autres termes, savez-vous combien une personne qui a travaillé 12 semaines au Nouveau-Brunswick - province qui est la mienne - toucherait annuellement? Savez-vous à quoi elle a droit après avoir travaillé12 semaines? À la prestation de chômage d'environ 26 semaines, variable selon le taux de chômage, mais si vous additionnez ces deux chiffres on n'arrive pas à 52. Les gens se débattent donc pour trouver suffisamment de travail.
M. Edwards: Nous savons que le maximum de 45 semaines n'est pas ce qu'on touche dans tout le pays, mais nous voudrions le voir diminuer pour encourager les gens à chercher du travail ailleurs.
M. Scott: Vous nous encouragez par là à prendre des mesures qui amèneraient les gens à chercher plus désespérément un emploi, et j'essaye de savoir si, en faisant cette recommandation, vous savez que bien des gens ne complètent pas annuellement le cycle: à un grand nombre d'entre eux il manque 8 ou 10 semaines chaque année, ce qui les prive de revenu.
N'y a-t-il pas là de quoi les pousser suffisamment à essayer de trouver un emploi?
M. Edwards: C'est bien ce que nous espérons, certes.
M. Scott: Mais s'ils ne trouvent pas de travail pour 8 ou 10 semaines, qu'est-ce qui vous amène à penser qu'ils en trouveraient s'ils devaient arriver à 12 ou 16 semaines?
M. Edwards: Vous vous y connaissez probablement mieux là-dessus que nous, mais je crois qu'il y a là confusion entre deux questions différentes, celle du travail saisonnier et la prestation maximale.
Le président suppléant (M. Proud): Merci de votre exposé, messieurs Edwards et MacKenzie, et du temps que vous nous avez consacré. Nous nous inspirerons certainement des idées les plus aptes à améliorer notre projet de loi C-12.
Nous allons rester à Calgary même, et le groupe suivant à comparaître est le Conseil sectoriel de la technologie environnementale.
Je souhaite la bienvenue à Grant Trump, directeur administratif et président-directeur général du Conseil canadien des ressources humaines de l'industrie dans le secteur de l'environnement.
M. Grant Trump (directeur administratif et président-directeur général, Conseil canadien des ressources humaines de l'industrie de l'environnement): Merci de m'avoir permis de venir discuter avec vous du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.
C'est avec un vif intérêt que j'ai pris connaissance des documents concernant ce projet de loi. Les aspects de celui-ci qui m'ont le plus intéressé, personnellement et en tant que président du conseil national sectoriel mis en place et dirigé par le secteur industriel, portent sur les articles relatifs au réemploi.
Le Conseil canadien des ressources humaines de l'industrie de l'environnement, qui a pour mission de veiller à ce qu'il y ait suffisamment de gens ayant les connaissances et les qualifications solides nécessaires pour faire face aux besoins des secteurs privé et public en matière de ressources humaines pour l'environnement, est pleinement conscient du fait que le marché du travail de notre pays ainsi que son économie subissent des mutations profondes et que les travailleurs canadiens dans leur ensemble sont touchés par les réalités nouvelles.
Vous remarquerez que notre mission comporte deux volets. L'un est de nature quantitative et l'autre de nature qualitative. Le volet quantitatif concerne le nombre de personnes requises. Le volet qualitatif concerne les compétences et les connaissances nécessaires pour occuper un emploi rémunéré.
Étant donné que notre économie, qui était axée sur les ressources naturelles, est maintenant axée sur les produits à valeur ajoutée et les industries basées sur la connaissance, comme l'industrie de l'environnement, ce changement a et continuera d'avoir dans l'avenir des effets importants sur la façon dont les Canadiens trouveront des emplois et où ils les trouveront.
Dans le secteur de l'environnement, comme dans bien d'autres, le changement constitue la règle plutôt que l'exception. Les changements dans la technologie ainsi que dans les compétences et les connaissances nécessaires seront essentiels à l'avenir.
Nous avons besoin d'une politique fédérale qui reconnaît ces changements et qui fera en sorte de permettre aux Canadiens de trouver et de garder un emploi.
Dans ce monde du travail en évolution, certaines compétences et connaissances sont dépassées en quelques années. Il est essentiel d'avoir un mécanisme permettant de faire en sorte que la main-d'oeuvre puisse suivre le rythme rapide de ces changements.
Nous ne pouvons pas abandonner les travailleurs de 35 à 55 ans, par exemple, dont les compétences sont dépassées ou dont les emplois n'existent plus. Nous devons plutôt nous associer avec les travailleurs pour leur assurer un emploi continu en transférant les compétences qu'ils possèdent déjà à de nouveaux emplois et en définissant pour eux un cheminement de carrière pour l'avenir.
Le Canada, à titre de pays évolué sur le plan technologique, ne peut pas maintenir son niveau de vie élevé au moyen de mécanismes passifs de soutien du revenu. Nous devons définir et mettre en oeuvre des mesures actives dans le domaine de l'emploi, de manière à tirer tous les avantages économiques possibles des changements technologiques.
Pour gérer de façon responsable un régime d'assurance qui verse des prestations aux personnes ayant perdu leur emploi, on doit mettre en place des instruments de gestion du risque afin de réduire l'exposition de ses clients à ces risques. La responsabilité à cet égard incombe tant à l'assureur qu'à l'assuré. Les employés ou les travailleurs doivent réduire au minimum les répercussions et élaborer des stratégies en vue d'éviter ou, à tout le moins, de réduire l'incidence négative de l'obsolescence des emplois et élaborer des stratégies en vue d'assurer une transition en douceur vers de nouvelles carrières.
Le Canada, qui est un pays formé de provinces et de territoires, fait face à une forte concurrence dans une économie mondiale de plus en plus complexe. Il existe des barrières artificielles et réelles sur le marché du travail. Le secteur des services dans notre économie, un secteur qui connaît l'une des croissances les plus rapides, pourra réaliser son potentiel seulement s'il possède un avantage concurrentiel défini. Cependant, l'avantage concurrentiel dans notre secteur des services se situe uniquement dans le domaine des compétences et des connaissances de ses employés.
Seul ce facteur permettra au Canada de connaître la croissance et la prospérité dans ce secteur. Nous devons donc créer un mécanisme permettant de transférer les compétences et les connaissances existant dans des industries qui font face à des ajustements négatifs aux industries de la nouvelle économie. C'est sur ces activités de réemploi que portera l'essentiel de mon exposé aujourd'hui.
L'objectif de tout programme d'assurance-emploi doit être d'aider sa clientèle, à savoir les chômeurs, à trouver de nouveaux emplois et à redevenir des participants actifs et positifs dans l'économie canadienne. Pour atteindre cet objectif, les travailleurs doivent avoir accès à des renseignements à jour sur l'emploi en plus de pouvoir évaluer des perspectives d'emploi réalistes. C'est principalement sur cet aspect que doit être axé tout régime d'assurance-emploi rentable.
Étant donné l'avènement de capacités d'avant-garde de transmission des données, il y aurait lieu de supposer que l'établissement d'un lien avec la banque d'emplois de l'assurance-emploi serait le mécanisme préféré des entreprises canadiennes pour recruter de nouveaux employés. Il semble cependant évident qu'environ 75 p. 100 de tous les emplois ne sont pas annoncés, que ce soit par l'entremise d'organismes du gouvernement fédéral ou par des moyens privés. Il y a lieu de commencer à se demander si le mécanisme canadien officiel et officieux de recrutement des employés est aussi efficace qu'il pourrait l'être.
Le projet de loi C-12 traite de nombreux mécanismes visant à relier les employeurs et les employés éventuels - les centres d'emploi, les kiosques, les services d'appariement en ligne, les échanges électroniques de main-d'oeuvre, etc. Il faut élaborer des programmes complets de surveillance afin d'évaluer ces activités et de rationaliser le processus en gardant les activités les plus efficaces. Il semblerait également que les entreprises canadiennes doivent être encouragées à utiliser ces services. Le principal facteur du succès de telles activités sera peut-être un appariement efficace des compétences requises et des compétences disponibles.
Le Projet de partenariats sectoriels a commencé en 1992. Financé par Développement des ressources humaines Canada, il serait un mécanisme idéal pour s'assurer qu'on apparie vraiment les compétences.
Le Canadian Council for Human Resources in the Environment Industry, par exemple, peut, grâce à une variété de données provenant des praticiens de l'environnement, définir les compétences et les connaissances requises pour des emplois précis, et peut donc aider à apparier les employés et les employeurs. Les conseils sectoriels constituent le mécanisme idéal pour répondre rapidement aux demandes qui se présentent sur le marché du travail en élaborant des projets innovateurs visant à aider les Canadiens à retourner au travail.
Nous avons divers projets qui facilitent actuellement la transition entre les études et le travail. Nous croyons que des programmes semblables seraient utiles pour favoriser le réemploi. Des projets de création d'entreprises, de même que des projets coopératifs et des programmes de stage aideraient à faciliter la mise en oeuvre de stratégies de retour au travail et de telles stratégies concordent tout à fait avec les cinq mesures actives définies dans la Loi sur l'assurance-emploi et les complètent.
Il faut aussi penser que dans le cas d'une souscription d'assurance, on suppose que l'assuré fera preuve de toute la diligence et de la prudence raisonnable pour éviter d'avoir recours à la police souscrite. C'est une question de droits et de responsabilités des particuliers. Si quelqu'un a le droit de recevoir un revenu pendant qu'il est en chômage, il a aussi la responsabilité de réduire au minimum la possibilité d'être en chômage.
Comme c'est le cas pour les soins de santé, un entretien préventif réduira considérablement la demande. Cela signifie qu'il faut sensibiliser et instruire l'employé afin de faire en sorte que ses compétences et ses connaissances continuent de répondre à la demande de l'industrie, ou de l'employeur. Le contrat social exige notamment que tous les employés se sachent responsables d'éviter la redondance et de s'assurer que leurs compétences et leurs connaissances sont transférables et à jour.
Le concept de la formation et de l'apprentissage permanents doit devenir partie intégrante de la culture canadienne. Une culture de la formation constituera le plus grand atout d'un régime d'assurance-emploi. Les ressources utilisées pour mettre en place une telle culture seront compensées à long terme, et le régime en récoltera des économies considérables à l'avenir.
Il faut éviter le chômage chronique, ou du moins le réduire au minimum. La solution à ce problème réside dans l'amélioration permanente et la mise en valeur continue de compétences et de connaissances transférables. Le Canadian Council for Human Resources in the Environment Industry a déjà défini ces compétences et ces connaissances, et a donc déjà aidé des personnes à identifier elles-mêmes les points forts et les points faibles dans le secteur de l'environnement.
Pour ceux qui ne possèdent pas les compétences transférables ou qui ne sont pas capables de se trouver un emploi valable à court terme, il faut mettre en oeuvre des mesures actives de placement. Les données du Canadian Council for Human Resources and Environment Industry, recueillies auprès de plusieurs milliers de spécialistes de l'environnement au Canada, montrent que pour obtenir un emploi à plein temps dans le secteur de l'environnement, il faut habituellement compter cinq ans après la fin des études et de la formation pédagogique.
Cela montre indubitablement qu'une grande partie de l'apprentissage se fait sur le tas. Il est certain qu'un grand nombre de compétences liées à l'emploi s'apprennent mieux sur le tas qu'au cours d'une formation en bonne et due forme. Cette expérience prise sur le tas représente un coût pour les entreprises. Il est cependant absolument vrai qu'une entreprise doit investir dans son propre avenir. À cette fin, il faut solidifier les partenariats entre l'industrie et le régime d'assurance-emploi.
Il faut chercher des mécanismes pour faciliter les stratégies de retour au travail dans l'ensemble du Canada. L'environnement représente un secteur multidisciplinaire de l'économie canadienne et emploie 150 000 personnes, principalement dans 4 500 petites et moyennes entreprises, et il rapporte environ 10 milliards de dollars annuellement. On s'attend à ce que son taux de croissance annuel se maintienne dans les 10 p. 100 jusqu'à l'an 2000.
Cette industrie a besoin de travailleurs, de travailleurs possédant des compétences et des connaissances spécialisées pour pouvoir réaliser tout son potentiel économique. Le secteur de l'environnement n'est pas l'industrie qui sauvera l'économie canadienne. Il offrira cependant de bons emplois à des gens compétents.
Le secteur de l'environnement comporte plusieurs domaines: premièrement, à cause des fautes passées de notre société et de son industrialisation, il y a le nettoyage des sites contaminés, la vérification environnementale, l'évaluation des sites, de même que la manutention des déchets, dangereux et non dangereux. Il y a aussi les nouvelles technologies, le rééquipement, la prévention de la pollution, la réduction des déchets, et toute une variété d'autres sujets.
Il faut donc des personnes de tous les niveaux de scolarité, des études secondaires au doctorat. Des sondages récents ont montré que les domaines de connaissances sont les mêmes à tous les échelons des emplois dans le secteur de l'environnement. La principale différence se situe dans la quantité de détails à connaître et dans le niveau de compréhension. Cette transition en douceur d'un échelon d'emploi à l'autre montre qu'on peut préparer des stratégies informées de réemploi pour aider les travailleurs.
Par ailleurs, bon nombre d'industries traditionnelles sur leur déclin ont des spécialistes techniques dont les compétences peuvent être transférées au secteur de l'environnement. Il se peut qu'une personne ne consacre qu'une partie de son temps aux questions environnementales. Cependant, si les gens n'avaient pas de compétences environnementales, ils n'auraient pas pu obtenir l'emploi et n'auraient pas pu maintenir cet emploi.
Le Canada a connu une révolution industrielle et une révolution politique et connaît actuellement une révolution des connaissances. Il faut élaborer une stratégie d'adaptation active pour créer un partenariat entre les employés, les employeurs, les universitaires et les gouvernements. La création d'une capacité institutionnelle déterminera le succès de cette nouvelle entreprise. Nous devons tous travailler ensemble pour assurer la transférabilité et la reconnaissance de la capacité des particuliers.
Nous reconnaissons pleinement que l'éducation et l'accréditation, sous toutes leurs formes, qu'il s'agisse d'octroi de licences, d'apprentissage ou de droits exclusifs à un titre, sont des compétences provinciales. Cependant, nous devons assurer la standardisation des compétences et des connaissances ainsi que leur reconnaissance, si le Canada veut être concurrentiel tant au pays qu'à l'étranger. Un effort de coordination, avec une stratégie élaborée et mise en place par les parties intéressées et touchées, doit être fait de façon organisée et systématique pour assurer la réciprocité. Pour cela, il faudra la pleine participation des gouvernements fédéral et provinciaux.
La stratégie d'adaptation doit être la plus simple possible, facile à comprendre et logique pour les Canadiens. Elle doit être souple, mais pas au point où des programmes individuels pourraient compromettre la nature nationale de la stratégie. Le chômage est un problème national. Des conseils sectoriels nationaux actifs, représentant tous les groupes de partenaires, seraient peut-être une façon rentable d'assurer le succès du projet dans les cas où le système d'information du marché du travail n'a pas donné de résultat au départ.
Une analyse efficiente des besoins d'un particulier sera un élément clé de tout processus d'adaptation, de tout processus d'emploi. Il faut une évaluation des besoins individuels ainsi qu'un accord mutuel sur des solutions définies qui mènent à l'emploi. Le processus d'adaptation doit être un partenariat.
Les mesures actives définies dans le cadre du nouveau système de gestion des cas répondront à ces exigences: premièrement, les subventions salariales; deuxièmement, les suppléments du revenu; troisièmement, les mesures d'aide au travail indépendant; quatrièmement, les partenariats pour la création d'emplois; et cinquièmement, les prêts et subventions de perfectionnement. Ces mesures actives, lorsqu'elles sont combinées aux compétences et aux connaissances, peuvent mener à des stratégies d'emploi efficaces.
Cependant, il y a plusieurs étapes avant d'arriver à cette conclusion. La première étape exigera une évaluation détaillée, une documentation et la validation des compétences et des connaissances exigées. Y a-t-il effectivement non-concordance entre les compétences que l'on enseigne et celles dont on a besoin? Comme on l'a mentionné, le Canadian Council for Human Resources in the Environment Industry a élaboré et validé ces compétences et connaissances pour le secteur de l'environnement et d'autres conseils sectoriels nationaux ont fait la même chose dans leurs secteurs.
Ces compétences et connaissances plus peaufinées pour correspondre à des normes d'emploi nationales, ou aux principales connaissances nécessaires définies dans divers domaines d'emploi. Elles sont élaborées en partenariat avec l'industrie, les gouvernements fédéral et provinciaux et le milieu universitaire.
La deuxième étape exigera une évaluation personnelle du client sans emploi pour définir ses points forts et ses points faibles et le conseiller dans ses choix de carrière afin que les mesures actives ciblent mieux ses besoins spécifiques.
Il y a une troisième étape, c'est-à-dire choisir laquelle de ces cinq mesures actives répond le mieux aux exigences du client et indique fortement que des compétences et des connaissances transférables seront acquises au cours de cette période afin d'améliorer considérablement les chances de trouver un emploi tel que défini par les besoins de l'industrie.
La nouvelle stratégie d'assurance-emploi du gouvernement fédéral, de concert avec le Conseil national sectoriel, pourra aider les Canadiens à trouver et à garder des emplois.
Merci.
Le président suppléant (M. Proud): Merci beaucoup, monsieur Trump, pour cet exposé très intéressant et très révélateur.
Nous allons maintenant passer aux questions et réponses, en commençant par l'Opposition officielle. Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête: La présentation a été très claire et je vais poser une courte question. En ce qui concerne la situation de la main-d'oeuvre dans le domaine de l'environnement, est-ce que vous pensez qu'il y a un problème d'employabilité, c'est-à-dire qu'il faudrait développer les compétences des travailleurs, et non pas un problème d'emploi, qui serait plutôt dû fait que notre société n'a pas nécessairement donné au domaine de l'environnement toutes les chances de produire ce qu'il est possible de produire? On ne fait que commencer à se rendre compte de ce que peuvent être les obligations liées à un développement durable.
[Traduction]
M. Trump: Comme je l'ai mentionné, en 1994, nous avons créé une évaluation des ressources humaines pour étudier le secteur de l'environnement et définir quelles sont effectivement ces compétences et ces connaissances. Cela a été très difficile, parce que personne n'avait la même définition d'un emploi dans le domaine de l'environnement.
À la suite d'une recherche documentaire, nous avons constaté qu'environ 230 emplois différents étaient classés comme des emplois dans ce domaine. Nous avons donc établi une définition d'un emploi environnemental. Cette définition a ensuite été validée indépendamment par un groupe tripartite de représentants de l'industrie, du gouvernement et des universités un peu partout au pays. Donc, dans le secteur de l'environnement, nous sommes actuellement au stade où nous avons défini les emplois environnementaux.
Ces emplois existent-ils? À la suite d'un sondage effectué en 1992 par Emploi et Immigration Canada, nous avons décidé de surveiller la situation. À l'aide de deux sources, soit The Globe and Mail et The Calgary Herald, nous avons documenté plus de 750 postes environnementaux supérieurs au pays depuis 1993. Il y a sans doute un coefficient multiplicateur pour les postes subalternes et d'autres postes, et certainement un autre coefficient multiplicateur pour les emplois qui n'étaient pas annoncés.
Ma réponse à votre question est oui, je crois que les emplois sont là. L'un des problèmes, c'est que les gens n'ont pas l'expérience pertinente. Ils ont peut-être les compétences techniques, mais ils n'ont pas l'expérience de l'application de ces technologies au secteur environnemental.
Le président suppléant (M. Proud): Merci.
Monsieur McCormick.
M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox and Addington): Merci beaucoup pour cet excellent exposé. Je crois comprendre que les conseils sectoriels nationaux ont joué un rôle très valable et je m'en réjouis.
Vous avez dit que le secteur environnemental ne sera pas l'industrie qui sauvera l'économie canadienne. Je respecte certainement le fait que vous puissiez aider à protéger les emplois au sein des différents secteurs de cette économie, et je m'en réjouis.
Vers la fin de votre exposé, vous nous avez présenté une excellente conclusion, et vous avez dit qu'il était nécessaire d'évaluer les particuliers. Il faut certainement que cela se fasse à l'échelle locale, où les gens peuvent vraiment comprendre, étudier et vérifier les antécédents de ces personnes.
Vous avez dit qu'on se demande parfois si les compétences et les connaissances enseignées correspondent aux compétences et aux connaissances dont on a besoin. Auriez-vous des suggestions à faire quant à d'autres façons pour les bureaux locaux de Développement des ressources humaines ou tout autre élément de ce ministère de travailler avec vos conseils sectoriels nationaux? Comment pourraient-ils mieux collaborer pour appuyer ce que vous voulez faire et ce que nous voulons faire?
M. Trump: Auparavant, nous disions qu'il y avait non-concordance apparente entre les compétences requises et les compétences offertes. Nous n'utilisons plus le mot «apparente». Il y a une non-concordance entre les compétences que l'on enseigne et les compétences requises.
L'une de nos principales fonctions consistait à documenter en quoi consistent ces compétences et connaissances afin que le milieu de la formation, comme l'industrie, participe plus efficacement à la définition de ces compétences.
Nous constatons que l'enseignement postsecondaire devient de plus en plus comme l'industrie ces jours-ci. Nous constatons que l'industrie devient de plus en plus comme l'enseignement postsecondaire face aux exigences en matière de compétences et de connaissances.
Je pense qu'il est très important d'avoir une stratégie nationale, mais naturellement nous devons agir localement. Ces personnes vivent dans ces régions. Il ne fait aucun doute que des bureaux locaux ont un rôle très important à jouer. Nous voulons nous assurer qu'il y a un effort coordonné au pays afin d'assurer le transfert de ces compétences et connaissances.
Nous comprenons tout à fait que dans le secteur de l'environnement il y a des compétences et des connaissances que tout le monde doit posséder, peu importe où on vit au pays. Il y a toute une gamme d'autres activités qui sont plus régionales.
Je suis certainement d'avis que nous pourrions harmoniser ces évaluations des lacunes au niveau des compétences et des connaissances ou des capacités d'emplois réalistes pour les particuliers et adopter une stratégie en vue d'aider les bureaux locaux à satisfaire à ces exigences. Nous pourrions ensuite nous assurer que les programmes actifs qui sont offerts correspondent à la stratégie nationale. Ainsi, si une personne déménage ou participe à des activités internationales où il y a énormément de possibilités dans le secteur environnemental, les compétences et connaissances acquises localement seraient reconnues nationalement et internationalement.
M. McCormick: Il ne fait aucun doute que c'est un besoin pressant. Je vous félicite et vous encourage. Dites-le-nous si nous pouvons vous aider.
Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Proud): Merci, et merci à vous, monsieur Trump. Nous vous savons gré d'être venu témoigner devant notre comité aujourd'hui. Vous nous avez présenté un exposé informatif et détaillé.
M. Trump: Merci.
Le président suppléant (M. Proud): Nous faisons une pause d'une minute. Je crois que le témoin suivant, Alice Nakamura, est ici. Nous la prions de bien vouloir prendre place.
Le président suppléant (M. Proud): Nous accueillons maintenant Mme Alice Nakamura de la Faculté d'administration de l'Université de l'Alberta.
Merci d'être venue. Vous avez de 10 à 15 minutes pour faire votre déclaration liminaire. Il y aura ensuite une période de questions. Le temps joue contre nous, nous accusons déjà un léger retard; je vous demanderais donc de commencer dès que vous serez prête à le faire.
Mme Alice Nakamura (professeure d'administration des affaires, Chaire Winspear, Faculté d'administration, Université de l'Alberta): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tenterai d'être brève. Je vous ai remis un exemplaire de mes remarques; si j'oublie quelque chose et si je vais trop vite, vous pourrez consulter le document.
Je commencerai par aborder ce que je considère comme les éléments clés du projet de loi dont vous êtes saisis. Puis, j'expliquerai pourquoi ces aspects m'apparaissent importants. Je vous toucherai ensuite quelques mots de l'octroi d'un soutien du revenu à ceux qui en ont besoin de façon continue, une question qui préoccupe bien des gens ici. Je terminerai avec quelques remarques sur les amendements qui ont été proposés par certains députés.
J'aimerais mettre l'accent sur les trois éléments clés suivants: premièrement, le calcul de la période d'admissibilité en fonction des heures et non plus des semaines de travail; deuxièmement, la nouvelle règle de l'intensité et, troisièmement, les dispositions de récupération du projet de loi. À titre de membre du groupe de travail Axworthy, je me suis intéressée tout particulièrement à ces trois caractéristiques du projet de loi. J'ai soulevé plusieurs questions pendant mon mandat au sein du groupe de travail, j'ai fait des propositions dont j'ai encouragé l'adoption et je suis ravie de les voir dans ce projet de loi.
Le premier de ces changements d'importance, l'adoption des heures plutôt que des semaines comme unité de mesure de la période d'admissibilité, est une disposition d'avant-garde qui donne suite aux changements que connaît notre marché du travail. Essentiellement, le nombre d'emplois à temps partiel au sein de notre économie ne cesse de croître. À l'heure actuelle, les emplois à temps partiel sont en majorité exclus du régime d'assurance-chômage qui prévoit que seuls les emplois d'au moins 15 heures par semaine sont admissibles. Comme le nombre d'emplois à temps partiel n'a cessé d'augmenter, le nombre d'employés admissibles au régime d'assurance-chômage a diminué et continuera de le faire si on s'en tient au statu quo. En calculant l'admissibilité à partir des heures de travail, on mettra fin à cette érosion de la protection accordée par le régime d'assurance-chômage.
Lorsqu'on examine les régimes d'assurance-chômage du Canada et d'autres pays industrialisés comme les États-Unis, on constate qu'ils existent depuis si longtemps que la plupart des gens ont oublié ou tiennent pour acquis le rôle très important de stabilisation économique que ces régimes sont censés jouer. Lorsque le Canada connaît une récession, ceux qui sont licenciés et qui ne souscrivent à aucune assurance-rémunération se voient forcés de réduire leurs dépenses de façon beaucoup plus radicale que ceux qui sont admissibles au régime d'assurance-chômage. Cela est gravement préjudiciable pour eux et leurs familles, puisqu'ils réduisent leurs dépenses de façon radicale, mais la baisse des achats qui en résulte nuit aussi aux entreprises, ce qui entraîne d'autres licenciements et accentue le ralentissement de l'économie.
J'estime que les fonctions de stabilisation du régime d'assurance-chômage sont tout aussi importantes actuellement qu'elles l'étaient dans les années 30. Elles visent à nous protéger, essentiellement, contre une autre grande dépression. Cependant, le régime d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi ne peut agir comme stabilisateur automatique que si le plus grand nombre de gens possible sont admissibles au programme; l'adoption des heures comme unité de calcul de l'admissibilité au régime est une façon très efficace d'assurer la protection des travailleurs à temps partiel.
Deuxièmement, cette mesure a pour avantage de décourager les entreprises à transformer des emplois permanents et à temps plein en petits emplois à temps partiel. J'ai été témoin de cela avec mes étudiants du programme de commerce de l'Université de l'Alberta. Bon nombre d'entre eux obtenaient auparavant des emplois dans les supermarchés du quartier, par exemple, des emplois qu'ils occupaient à temps partiel pendant l'été. Ces supermarchés n'acceptent plus maintenant que des emplois de moins de 15 heures par semaine. Les gens disent: «Le taux de cotisation n'est pas si élevé», mais pensez à la majoration des prix des produits des supermarchés, par exemple. On ne peut faire fi de ce genre de charge sociale lorsqu'on tente de maintenir son entreprise à flot, que ce soit un supermarché ou toute autre entreprise.
Je suis aussi d'accord pour qu'on calcule l'admissibilité à partir du nombre d'heures travaillées parce que, troisièmement, cela mènerait à une plus grande équité entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps plein. Ce problème devient de plus en plus urgent à mesure qu'augmente le nombre de travailleurs qui comptent plusieurs emplois à temps partiel et qui cumulent ainsi davantage d'heures que bien des travailleurs à temps plein. Or, ces personnes ne jouissent pas des avantages habituellement accordés aux travailleurs à temps plein et ont souvent du mal à coordonner leurs emplois. Souvent, elles n'ont pas de vacances et bon nombre des avantages sociaux que les travailleurs tiennent pour acquis. Ainsi, la situation serait un peu plus équitable pour tous.
La deuxième mesure qui me paraît importante est celle qui porte sur la règle de l'intensité. Les changements qui ont été apportés à la Loi sur l'assurance-chômage en 1971 ont transformé ce programme d'assurance sociale en un programme de transfert du revenu. On a même eu au sein de ce régime toutes sortes de mesures de péréquation régionale, d'assurance sociale et de transferts de revenu aux particuliers. Nous avons maintenant suffisamment d'expérience pour dire que ça ne fonctionne pas et que la situation s'aggravera dans les années qui viennent. La règle de l'intensité devrait permettre dans une certaine mesure de redonner au régime d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi son rôle de programme d'assurance sociale.
Lorsque j'emploie le terme «assurance sociale», je pense à un régime qui fournit une certaine protection contre des dangers précis et dont les adhérents reçoivent une contrepartie juste. Le régime a donc une valeur sociale: le fait que tous les adhérents en retour de leurs cotisations reçoivent une contrepartie personnelle et juste.
Un régime d'assurance ne sert pas à se garder une poire pour la soif. Il y a bien des gens qui parlent d'avoir versé tant d'argent en cotisations et qui estiment qu'on leur doit quelque chose en retour. Mais l'assurance ne fonctionne pas ainsi. Une assurance sert à vous protéger contre certains dangers; si vous en êtes victime, on vous versera bien plus que ce que vous avez payé en primes. Si vous avez de la chance et que vous restez à l'abri des périls, vous aurez au moins la tranquillité d'esprit si vous savez que vous êtes assuré en retour.
Vous n'avez donc pas le droit de vous faire rembourser ce que vous avez payé en primes pour avoir la tranquillité d'esprit. Presque tous les régimes d'assurance prévoient une forme de tarification personnalisée, précisément parce qu'on verse en dédommagement beaucoup plus que ce que chacun a versé en primes.
Ceux qui font partie des groupes à risque élevé doivent donc payer des primes plus élevées pour la même protection ou verser la même prime en échange d'une protection réduite. D'une façon ou d'une autre, il faut prévoir une tarification selon l'expérience; sinon, on incite les gens à abuser du régime. C'est ce qu'on appelle souvent un danger moral.
Si le régime prévoit une tarification selon l'expérience, ça signifie que ceux qui abusent du régime en paieront le prix à l'avenir. On ne peut toutefois pas aller jusqu'à refuser toute protection, tout dédommagement en cas de sinistre. Il faut que chacun qui a la malchance d'être sinistré reçoive une indemnité supérieure aux primes qu'il a versées.
Par conséquent, même avec la tarification selon l'expérience, presque tous les régimes d'assurance doivent comporter des mesures de contrôle contre l'usage frauduleux, même si ces mesures n'ont pas à être nombreuses. Ce contrôle est moins coûteux et important si la tarification se fait selon l'expérience et qu'on incite les adhérents à ne pas abuser du régime.
En revanche, les programmes publics de transfert du revenu ne font que prendre l'argent des autres pour le donner à d'autres sans qu'un service ou une contrepartie quelconque soit donné au particulier. Les programmes publics de transfert du revenu ont donc une valeur sociale.
Par conséquent, ces programmes doivent être réglementés. Les programmes provinciaux d'aide sociale, par exemple, prévoient l'évaluation des moyens des prestataires. Cela est nécessaire non pas parce qu'on souhaite importuner les prestataires, mais bien parce que c'est la seule façon de garantir aux contribuables que leur argent est versé à ceux qui en ont besoin plus qu'eux.
Or, notre régime actuel d'assurance-chômage n'est limité ni par la tarification selon l'expérience, ni par l'évaluation des moyens. Il en est résulté une croissance énorme du recours à répétition, qu'on peut documenter de différentes façons. La règle de l'intensité constituerait une forme bénigne de tarification selon l'expérience pour le régime d'assurance-chômage.
La troisième disposition de ce projet de loi qui m'apparaît importante est celle de la récupération des prestations. Si les paramètres de la règle de l'intensité étaient tels qu'ils constituent une véritable tarification selon l'expérience, des dispositions de récupération ne seraient pas nécessaires. Ces dispositions sont nécessaires précisément parce que, lorsqu'un travailleur perd son emploi, il reçoit en prestations généralement davantage que ce qu'il a versé en cotisations.
En outre, la règle de l'intensité telle qu'elle est prévue à l'heure actuelle ne représente pas une véritable tarification selon l'expérience. Par conséquent, les dispositions de récupération deviennent nécessaires dans le cas des utilisateurs à revenu élevé. C'est avec ces dispositions de récupération qu'on peut empêcher les chômeurs à revenu élevé de faire un usage répété de l'assurance-chômage et compter exercer sur eux des pressions pour qu'ils ne se servent pas de ce régime comme d'un programme de soutien du revenu.
Pour ce qui est de déterminer comment vous pourrez évaluer les dispositions du projet de loi dont vous êtes saisis et les amendements qui y seront proposés, je vous recommande de tenir compte de deux principes.
Premièrement, tout régime financé par les utilisateurs qui se veut juste, tout régime financé comme un régime d'assurance-chômage, doit avoir certaines caractéristiques. J'estime que deux caractéristiques sont essentielles. D'abord, le risque contre lequel on protège les adhérents au régime doit être non souhaité et non prévisible. Deuxièmement, il faut envisager une augmentation des cotisations ou une diminution de la protection pour ceux qui sont le plus à même de faire face à un sinistre, en l'occurrence, le chômage.
Cette caractéristique serait présente de tout régime d'assurance-chômage et d'assurance-emploi qui prévoirait une règle d'intensité et une disposition de récupération. Les travailleurs qui ont actuellement un emploi qu'ils savent qu'ils ne garderont pas toute l'année et qui savent qu'ils ne trouveront pas d'autre travail pendant cette période creuse présentent un risque de chômage absolu. En fait, ce n'est même pas un risque, c'est une certitude.
Dans tout régime d'assurance, si vous présentez un risque absolu et que vos primes ne compensent pas pleinement pour le risque que vous constituez pour l'assureur, un transfert devient nécessaire. Il est donc certain qu'il y a un transfert de ceux pour qui le chômage n'est pas certain à ceux pour qui le chômage est une certitude.
Il existe bien sûr toutes sortes de situations où les Canadiens sont disposés et même heureux de voir les revenus redistribués. Cela a été prouvé à maintes reprises. Mais les programmes de redistribution des revenus sont fondés sur des principes de justice. Je vous en propose trois.
Premièrement, ceux qui recevront de l'aide doivent être prêts à assumer les mêmes fardeaux que ceux à qui on demande de fournir l'aide.
Deuxièmement, le niveau de vie de ceux qui reçoivent de l'aide ne doit pas être supérieur au niveau de vie de ceux dont le revenu est imposé pour accorder cette assistance.
Troisièmement, il y a le principe de Robin des Bois selon lequel tous les Canadiens sont imposés selon le même taux pour que cette aide soit accordée ou bien les Canadiens à revenu élevé doivent apporter une contribution supérieure, et non pas le contraire.
Notre régime actuel d'assurance-chômage viole ces trois principes de justice de tout programme public de redistribution des revenus. Prenons un exemple concret que vous trouverez dans mon mémoire. Prenons le cas très simple de deux travailleurs tous les deux admissibles à l'assurance-chômage ou assurance-emploi.
Le premier travaille 40 heures par semaine, quatre semaines par mois à un taux horaire de 20$. Cela correspond au salaire d'une partie importante de la population active. Toutefois, cet emploi ne dure que 10 mois par année. Le travailleur ne verse des cotisations d'assurance-chômage que pour les premiers 750$ et son salaire hebdomadaire est de 800$. Sans la nouvelle règle de l'intensité, il pourra chaque année recevoir des prestations d'assurance-chômage pendant les deux mois où il sera sans emploi.
Le deuxième travaille aussi 40 heures par semaine et quatre semaines par mois, mais ne reçoit que 10$ de l'heure. C'est néanmoins supérieur au salaire minimal de toutes les provinces. Disons que ce travailleur travaille 12 mois chaque année, comme le font bon nombre de travailleurs rémunérés au taux minimal. Il gagne donc 400$ par semaine. Son revenu est donc supérieur au maximum de la rémunération assurable. Il doit donc verser des cotisations au régime d'assurance-chômage pour chaque heure qu'il travaille et chaque dollar qu'il gagne. Son salaire annuel est de 19 200$. Il devra cotiser au régime d'assurance-chômage pour chaque dollar afin que le premier travailleur, qui travaille 10 mois plutôt que 12 par année, qui gagne 32 000$ par année, puisse recevoir des prestations.
À mes yeux, cela n'est pas juste. Selon les principes d'assurance, ce ne l'est pas et selon les principes de redistribution du revenu, ce ne l'est pas.
Si nous reconnaissons que nous tous, ou du moins la plupart d'entre nous, nous préoccupons de ceux qui sont sans emploi et pauvres, nous pouvons oublier les discussions vides de sens entre ceux qui se disent inquiets de la situation financière du pays et ceux qui se prétendent inquiets du sort des pauvres. Là n'est pas la question.
Il ne s'agit pas non plus de simples théories économiques.
La plupart des économistes et moi-même nous opposons à l'idée d'assurer un soutien du revenu permanent par le biais du régime d'assurance-chômage non pas parce que nous sommes indifférents au sort des pauvres, mais plutôt parce que nous estimons que ce n'est pas de là que doit provenir l'argent.
Dans le cadre du régime d'assurance-chômage on impose de façon disproportionnée ceux qui travaillent toute l'année, y compris les petits salariés, pour accorder de l'aide à ceux qui travaillent seulement une partie de l'année et qui sont aussi de petits salariés. On impose de façon disproportionnée un groupe de petits salariés pour aider un autre groupe de petits salariés.
Dans la mesure où il nous faut des programmes pour venir en aide à ceux qui sont pauvres - et il nous les faut, j'en suis convaincu - pour les financer, il faut imposer davantage des gens comme moi, et non pas des personnes qui ne gagnent qu'une petite fraction de mon revenu.
Nous n'avons pas le choix, nous dit-on. On me l'a redit sans cesse: dans le contexte financier actuel, nous n'avons pas le choix; c'est la seule source de financement disponible. Pourtant, si j'ai bonne mémoire, le gouvernement qui dépose aujourd'hui le projet de loi à l'étude est ce même gouvernement libéral qui, en 1994, a présenté les dispositions qui supprimaient le RAPC et mettaient fin au partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les provinces en matière d'assistance sociale. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement libéral actuel ne pourrait pas redresser la situation.
Si le RAPC n'était pas souhaitable - et c'est sans doute vrai pour bon nombre de raisons - alors qu'on formule un nouveau RAPC. Qu'on en arrive à un nouvel arrangement avec les provinces en matière de partage des coûts. Les programmes provinciaux d'assistance sociale fonctionnent et sont plus pertinents que certaines initiatives que l'on peut prendre grâce au programme de l'assurance-chômage, et ce pour bon nombre de raisons.
En terminant, j'aimerais parler du processus d'amendement du projet de loi. Il s'agit, me semble-t-il, d'un processus fort important et la première chose à ne pas perdre de vue est que tout changement suscite de l'appréhension, même si les gens reconnaissent qu'il s'impose. Ainsi, une stratégie de mise en oeuvre progressive est indispensable et il est probablement très important de prévoir une stratégie à deux volets pour un projet de loi qui comporte des changements structurels, comme c'est le cas ici.
Il est probablement très important pour commencer d'apporter les changements structurels, mais en veillant à déterminer les paramètres des nouvelles structures de telle sorte que les répercussions monétaires du programme soient assez semblables à celles de l'ancien programme. Ainsi, les gens pourront calmer leurs craintes et une fois qu'ils auront même compris les nouvelles dispositions du projet de loi on pourra ajuster les valeurs des paramètres à des niveaux qui correspondent davantage aux objectifs à long terme.
Il importe que les milieux d'affaires saisissent bien cet aspect. En ce qui concerne leurs propres affaires, ils adoptent une perspective à long terme. Ils doivent en faire autant pour ce qui est des affaires de l'État et reconnaître que l'importance des améliorations structurelles qui découlent du projet de loi sont suffisamment importantes pour qu'on attende avant d'ajuster les valeurs de certains paramètres liés à certaines dispositions précises aux niveaux voulus.
Prenons le cas de la règle de l'intensité. Selon les dispositions actuelles du projet de loi, le taux de remplacement baisserait d'un point de pourcentage pour chaque tranche de 20 semaines d'assurance-chômage, mais jusqu'à un seuil de 50 p. 100. Ce taux de remplacement de 50 p. 100 continue d'être très élevé. Les prestations d'assurance-chômage qui y correspondent sont nettement plus élevées que celles qui sont versées aux États-Unis.
Si vous jugez que c'est encore trop peu - vous ne souhaitez pas 50 p. 100, mais davantage... Pour ma part j'aurais favoriser un taux de remplacement plus élevé pour l'ensemble du programme. L'effet de stabilisation automatique est plus considérable si le taux de remplacement est plus élevé. Ainsi si vous pensez que le seuil de 50 p. 100 est trop faible, alors vous pouvez le relever, mais en évitant de laisser tomber la disposition relative à l'intensité. Cette disposition vous donne l'occasion de redresser une situation catastrophique du fait que l'on combine dans un projet de loi ou un programme assurance sociale et transferts de revenu.
Deuxièmement, à propos du nouveau système reposant sur le calcul des heures, on s'inquiète beaucoup dans certaines régions du Canada de son effet, notamment pour certaines catégories de personnes. Il vaut la peine, me semble-t-il, de faire comprendre à la population que les paramètres du projet de loi, tel qu'il a été déposé, ont été établis précisément pour que la plupart des travailleurs ne subissent que très peu de changements sur le plan monétaire. On l'a d'ailleurs fait à dessein, justement pour aider les gens à s'habituer tout d'abord à un changement structurel, quitte à modifier plus tard les valeurs au besoin.
Il me semble très important également que le comité ne laisse pas les ultimatums du ministère des Finances concernant les économies immédiates qui sont nécessaires, compromettre un processus de transition raisonnable pour en arriver au nouveau programme structurel que vous êtes en train d'établir. Nous avons connu diverses tentatives de réforme de l'assurance-chômage. Elles ont toutes échoué en débouchant sur l'impasse.
Un changement est nécessaire au Canada. Ces nouvelles mesures, il nous les faut. Évitez l'échec pour cause de précipitation, sans toutefois perdre de vue la nécessité d'une stratégie rigoureuse de réduction du déficit. Si vous laissez tomber ce projet de loi, vous aurez laissé tomber les Canadiens.
Pour ce qui est des amendements, j'estime que deux considérations doivent vous guider dans leur étude. Je vous invite tout d'abord à vous demander si l'amendement proposé valorisera ou non les changements structurels que vise le projet de loi. Si tel est le cas, l'amendement mérite probablement d'être étudié avec soin et il se peut très bien qu'il mérite d'être adopté. Par contre, si tel n'est pas le cas, demandez-vous en quoi l'amendement pourrait par ailleurs être utile. Favorise-t-il, par exemple, une transition en douceur? S'il s'agit d'une mesure de transition, demandez-vous si on pourrait arriver au même résultat en modifiant les valeurs des paramètres plutôt qu'en changeant les paramètres eux-mêmes et la structure, ou en supprimant certains paramètres, ou en modifiant certains aspects fondamentaux d'un projet de loi qui, à mon avis, est extrêmement bien ficelé.
En terminant, j'aimerais aborder les aspects particuliers de certains amendements qui ont été déposés. Monsieur Scott a proposé qu'on modifie le libellé du paragraphe 14(4). Ce libellé actuel est le suivant:
- (4) La période de base d'un prestataire correspond à la période, composée d'un nombre de
semaines égal au nombre par lequel il doit diviser sa rémunération assurable au titre du
paragraphe (2).
Cet amendement valoriserait les changements structurels du projet C-12, selon les principes que je viens d'énumérer. Il rendrait l'assurance-emploi plus équitable comme programme public d'assurance et il me semble que cet amendement mérite donc d'être étudié avec grand soin et qu'il constituerait une amélioration.
Monsieur Regan propose que la période de semaines de travail qui sert au calcul des prestations soit liée au taux de chômage régional. Tant que la règle d'intensité demeure et que les dispositions de récupération des prestations demeurent également, l'amendement Regan aurait pour effet d'augmenter les prestations des personnes vivant dans des régions à taux de chômage élevé sans nuire sérieusement au caractère équitable du projet de loi, me semble-t-il, dans la perspective d'un programme d'assurance sociale. L'amendement n'entraverait pas de façon importante les changements structurels proposés par le projet de loi. Encore ici, il mérite vraisemblablement d'être étudié avec soin et accueilli favorablement.
J'ai également pris connaissance du troisième amendement, proposé par Mme Augustine, selon lequel les personnes qui travaillent tout en recevant des prestations et qui gagnent suffisamment pour que leur chèque hebdomadaire soit réduit devraient avoir droit à un crédit d'annulation de la règle d'intensité. Pour expliquer sa proposition, Mme Augustine donne l'exemple du prestataire qui trouve un travail qu'un occupe pendant plusieurs jours de la semaine et qui le rémunère suffisamment pour entraîner une réduction de son chèque hebdomadaire d'assurance-chômage. Si la personne, à cause de son revenu d'emploi, ne reçoit enfin de compte que la moitié de ce qu'elle aurait normalement reçu en assurance-chômage, alors la moitié seulement des semaines de prestations devrait être visée par la règle d'intensité.
Voilà, à mon avis, un amendement d'une valeur exceptionnelle. On pourrait même aller plus loin en prévoyant que les prestataires qui choisissent de leur propre chef de recevoir moins que le maximum hebdomadaire auquel ils ont droit puissent bénéficier d'un crédit correspondant d'annulation de la règle d'intensité. Il s'agit d'un amendement qui renforcerait les changements structurels que vise le projet de loi C-12. À mon avis, il est excellent.
J'aimerais commenter sur un dernier amendement, celui de Mme Augustine où il est proposé d'exonérer de la règle d'intensité les bénéficiaires du supplément de revenu familial.Mme Augustine propose en effet que le projet de loi C-12 soit amendé de telle sorte que les bénéficiaires du supplément de revenu familial soient exonérés. Selon elle, toute personne qui fait partie d'une famille dont le revenu annuel est égal ou inférieur à 26 000$ sait déjà fort bien qu'elle a intérêt à travailler autant qu'elle le peut. Je suis d'accord. Qui ne le serait pas? Cependant, je ne crois pas qu'il convienne de financer cette mesure d'incitation par une taxe ayant une incidence disproportionnée sur les gagne-petit qui occupent un emploi à longueur d'année, y compris ceux qui font partie de familles dont le revenu ne dépasse pas 26 000$.
Pourquoi conviendrait-il d'imposer le revenu d'une personne pauvre qui travaille toute l'année à un taux plus élevé que celui d'une personne comme moi, pour financer ce genre de mesure d'aide aux pauvres? Cela ne convient pas, d'après moi. Je ne crois d'ailleurs pas que c'est ce que souhaitait Jean Augustine. Je crois plutôt qu'elle se soucie du sort des pauvres mais qu'elle n'a pas suffisamment réfléchi au sujet de la provenance du financement.
Idéalement, je souhaiterais la voir, elle, ainsi que votre parti rétablir de façon pleine et entière le principe du partage des coûts du bien-être social avec les provinces. Cependant, si les membres du Comité souhaitent tout de même venir en aide aux personnes pauvres qui travaillent durant une partie de l'année par le truchement du projet de loi C-12, je vous recommanderais de le faire d'une autre façon.
Je vous recommanderais de ne pas exempter les bénéficiaires du supplément de revenu familial de la règle d'intensité car en le faisant, vous ne feriez qu'ouvrir la porte à une litanie de demandes d'exemption toutes aussi méritoires les unes que les autres, de l'application de la règle de l'intensité. Chacune d'entre elles serait sans doute opportune dans le contexte qui lui est propre, mais ne le serait pas par rapport au souci d'équité qui doit caractériser l'ensemble du programme.
Je vous proposerais plutôt d'augmenter suffisamment le supplément versé aux familles à faible revenu pour que ces dernières reçoivent ce que vous jugez bon en tenant compte de l'application de la règle de l'intensité. Autrement dit, améliorer le supplément, mais appliquez leur la même règle de l'intensité qu'à tout le monde.
En terminant, je tiens à vous dire toute l'admiration que j'ai pour ce qu'ont fait les membres de ce comité et du comité que j'ai rencontré à Edmonton, ainsi que le ministère. Lorsque j'ai commencé à travailler pour le compte du groupe de travail Axworthy sur la réforme de la sécurité sociale, on n'a pas manqué, dans mon entourage, de me dire que je perdais mon temps. On m'a rappelé ce qu'il était advenu des tentatives de réforme antérieures. Ce n'était d'ailleurs pas nécessaire. J'avais participé aux travaux de la Commission royale Macdonald sur les perspectives de développement économique au Canada. J'y avais consacré beaucoup de temps à l'époque et les propositions de cette commission n'avaient abouti à rien.
On m'avait bien dit également que le gouvernement canadien et les bureaucrates des ministères ne s'intéresseraient jamais à des propositions de réforme qui n'auraient pas été éprouvées ailleurs, que personne n'avait l'audace de tenter quelque chose qui n'avait pas déjà été mis à l'essai en Suède, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis ou ailleurs. Dans le cas qui nous intéresse, la situation est bien différente à de nombreux égards. D'ailleurs, il suffit de s'intéresser à ce qui se passe dans d'autres pays pour se rendre compte que leurs dirigeants n'ont pas réponse à tous les problèmes.
Or, il n'en était rien, ce projet de loi est remarquable.
Je crois bien que si vous le mettez en oeuvre, vous constaterez que, dans d'autres pays, on reconnaîtra la valeur des solutions trouvées au Canada. Également, il s'agit d'un projet de loi qui donne tout à ceux qui soutiennent que toute réforme de l'assurance-chômage doit nécessairement aboutir à l'impasse compte tenu des intérêts divergents des partis politiques étant donné que chacun de ces partis, et les provinces par rapport au gouvernement fédéral, voudront exploiter la situation à leur avantage. Il me semble que vous avez prouvé que cette théorie est fausse.
D'après moi donc, le projet de loi est excellent et si vous réussissez à le faire adopter à peu près intégralement, les générations futures y verront une étape importante et de grande portée, comme ce fut le cas pour la réforme de 1971 et nos successeurs diront que ce changement important a été extrêmement avantageux pour le Canada.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Crête, avez-vous une question?
[Français]
M. Crête: Vous dites dans votre mémoire que vous appuyez le projet de loi parce qu'il contribuera à améliorer les perspectives d'emploi pour nos jeunes. Mais cela va complètement à l'encontre de la majorité des témoignages que nous avons eus.
En effet, les restaurateurs qui ont l'habitude d'embaucher des jeunes étudiants ont dit que ce serait un «tue-emplois». Le fait qu'on soit obligé de percevoir des cotisations dès la première heure va faire diminuer de façon significative l'emploi pour les jeunes.
En ce qui concerne les autres mesures, le fait d'exiger 910 heures pour être admissible la première fois à l'assurance-chômage va, selon nous, avoir un impact majeur et inciter les gens à travailler au noir. Il va être très difficile, pour des jeunes qui sont dans des spécialités liées à des emplois saisonniers, d'obtenir le nombre d'heures nécessaire. Après un an ou deux, sans y être encouragés directement, ils pourront être fortement tentés d'aller vers le marché illégal, le marché au noir. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui appuie votre affirmation, à savoir que cela va améliorer les perspectives d'emploi pour nos jeunes. Où, dans le projet de loi, voyez-vous quelque chose qui va permettre d'offrir plus d'emplois aux jeunes?
[Traduction]
Le professeur Nakamura: Il y a là deux aspects importants. Tout d'abord, il faut reconnaître que le projet de loi n'est pas une mesure de création d'emplois mais qu'il vise à remédier à certaines lacunes de nos programmes sociaux qui nuisent probablement à l'emploi. Mais la mesure comme tel n'en est pas une de création d'emploi et elle ne libère pas le gouvernement de l'obligation qu'il a d'envisager de telles mesures.
Deuxièmement, dans le cas du secteur tertiaire, comme celui de la restauration, il y a un facteur qui joue en sa faveur. Il n'a pas à soutenir la concurrence de l'étranger. Si les coûts augmentent pour les restaurants, l'effet est le même pour tous même si les prix doivent augmenter. Aucun concurrent ne peut y échapper. Pour cette raison, la situation de l'emploi ne devrait pas en pâtir dans le secteur tertiaire parce que toutes les entreprises sont sur un pied d'égalité.
Pour ce qui est de l'économie parallèle, la réforme devrait améliorer les choses plutôt que de les aggraver. Actuellement, si vous travaillez moins de 15 heures, vous n'avez pas à cotiser à l'assurance-chômage. C'est un énorme coup de pouce à cette économie mais aussi aux prestataires. En effet, il y a beaucoup d'emplois où il n'est pas nécessaire de cotiser et cela incite beaucoup les gens à chercher ce genre de travail. Cela n'a même pas besoin d'être des emplois illicites... Il suffit de ne pas en parler.
[Français]
M. Crête: Mais pourquoi demander plus d'heures aux jeunes qu'aux autres travailleurs? Nous ne disons pas qu'il n'est pas souhaitable de passer à un système d'heures, mais quand on change le système et que l'on passe des semaines aux heures et qu'on en profite pour augmenter les barèmes, cela nous surprend un peu. Une personne qui faisait 300 heures et était admissible à l'assurance-chômage devra maintenant en faire 910. Ça fait une différence énorme!
J'ai été content de voir que vous reconnaissiez que votre phrase, dans le mémoire concernant l'emploi, dépassait la réalité puisque vous avez admis que la loi ne visait pas à créer des emplois.
[Traduction]
Mme Nakamura: Pour ce qui est des normes minimales d'admissibilité, je ne vais pas défendre le chiffre précis qui a été donné. Je ne tiens pas particulièrement à me déclarer en faveur du resserrement de ces normes. Ce dont je suis convaincu, c'est que le projet de loi dans son ensemble améliorera la situation, notamment la situation économique des jeunes et l'ensemble du marché du travail.
Si vous trouvez que les normes minimales d'admissibilité sont trop sévères pour les jeunes, assouplissez-les. Imposez les mêmes à tout le monde. Ne faites pas de distinction entre les nouveaux travailleurs et les anciens. Au bout du compte, ça ne changera pas grand chose à l'effet du projet de loi. Par contre il y a d'autres dispositions qui à mon avis feront une grande différence.
S'il y a une raison valable une que je comprends en tout cas, pour resserrer les normes d'admissibilité applicables aux nouveaux venus, c'est que vous ne voudrez peut-être pas faire payer les travailleurs actuels en leur imposant un programme financé par l'usager pour aider ceux qui arrivent sur le marché du travail. Le financement devrait venir d'ailleurs.
Dans la situation actuelle, il n'y a pas grand chose pour aider les nouveaux venus à s'intégrer au marché du travail. Ce n'est pas clair. Je pense qu'il faut choisir un chiffre qui se situe quelque part entre celui qui se trouve dans le projet de loi et rien du tout.
Le président: Merci, monsieur Crête. M. Scott.
M. Scott: Merci beaucoup, monsieur le président.
Il y a lieu de vous adresser nos remerciements, madame Nakamura, pour avoir accepté de participer à cette consultation, qui fait écho à l'examen de la sécurité sociale et aux travaux du comité dans le domaine. Sauf erreur, vous avez aussi participé aux travaux du premier groupe de travail, celui qui a précédé l'examen de la sécurité sociale. Les membres du comité apprécient donc vos efforts dans ce domaine.
Je ne veux pas moi non plus me lancer dans un débat sur la question de savoir si l'assurance-chômage doit servir à soutenir le revenu. Je pense comme vous que cela devrait se faire par l'intermédiaire de l'impôt sur le revenu, beaucoup plus progressif, et par les recettes générales.
Cela dit, si l'on coupait le lien entre la rémunération assurable et les primes... Autrement dit, si on permettait que les primes augmentent et si l'on coupait tout lien entre elles et la rémunération assurable de sorte que le MRA était fixé, dans le cas qui nous occupe, à 413$, mais si ce n'était pas relié à la prime versée, mettant ainsi à contribution les revenus élevés - est-ce que cela corrigerait l'inégalité du programme puisque l'on va chercher de l'argent chez les gagne-petit pour le donner dans certains cas à ceux qui gagnent plus? Même si vous et moi nous entendons pour dire que cela pourrait être mieux fait ailleurs, mais comme c'est de ce projet de loi que nous traitons, est-ce que ce ne serait pas une façon de corriger l'injustice actuelle du programme puisque dans certains cas on transfère de l'argent à ceux qui gagnent plus? Est-ce que ce serait une solution?
Mme Nakamura: Je pense que c'est une bonne idée d'augmenter le maximum de la rémunération assurable pour élargir l'assiette fiscale du programme. Je comprends aussi, cependant, pourquoi on veut fixer le maximum de la rémunération assurable de manière à tenir compte de ce qu'une personne peut recevoir en prestations tout en évitant que les prestations soient tellement élevées que du point de vue du secteur privé elles pourraient être vues comme étant concurrentielles avec les salaires. C'est le premier argument.
Deuxièmement, il y a aussi la question plus fondamentale de savoir dans quelle mesure vous voulez même essayer vraiment de constituer un programme de bien-être social fédéral à l'intérieur du programme d'assurance-chômage. Je sais, par exemple, que des provinces comme Terre-Neuve proposent depuis longtemps d'orienter le programme dans cette direction plutôt que dans la direction d'une assurance sociale.
Je peux vous donner quelques raisons pour lesquelles vous ne devriez pas aller dans ce sens. Premièrement, je vous demanderais de tenir compte de la réalité des programmes de bien-être social au Canada. Je fais partie du comité de soutien technique d'un programme qu'on appelle Projet d'autosuffisance, présentement à l'essai au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. Je fais partie du comité consultatif technique du programme Nouveau-Brunswick au travail. J'ai été renversée de voir, dès mes premiers rapports avec les fonctionnaires administrant ces programmes, ainsi qu'avec des responsables fédéraux du programme d'assurance-chômage, de voir à quel point le programme américain de bien-être social influençait l'idée que se font les gens de ce qui se passe au Canada. En particulier, j'ai constaté que beaucoup de gens pensaient que nos programmes de bien-être social étaient principalement destinés aux mères seules.
En fait, si vous regardez les dossiers, dans n'importe quelle province, vous constaterez qu'au Canada nous versons des prestations d'assistance sociale à un grand nombre de personnes seules, à un grand nombre de personnes employables et à un assez grand nombre de couples. Notre programme n'a rien de commun avec le programme américain. Si nous regardons ce qui se passe dans les provinces pour lesquelles on a de bonnes données, et celles que je connais le mieux, nous trouvons qu'une quantité énorme de personnes passent régulièrement du bien-être social à l'assurance-chômage et vice versa.
Si nous regardons pendant combien de temps des personnes employables reçoivent des prestations d'aide sociale, par exemple des jeunes hommes, qui représentent environ 50 p. 100 des cas en Colombie-Britannique, la province qui possède peut-être la meilleure économie du pays à l'heure actuelle, la durée de leurs prestations est souvent inférieure à quatre mois. La durée moyenne est de moins de quatre mois dans bien des cas.
Cela signifie que le programme d'aide sociale est déjà beaucoup utilisé par des personnes employables qui sont assez pauvres pour que les autres estiment qu'elles doivent recevoir de l'argent pour subsister. C'est ce que nous aimerions qu'elles aient.
La raison pour laquelle je pense que ces programmes provinciaux conviennent mieux à cette fin que le programme dont nous parlons, c'est premièrement parce qu'ils tiennent compte du fait que le niveau de vie, le coût de la vie, diffèrent beaucoup d'une province à l'autre. Si nous prenions par exemple le programme appelé Nouveau-Brunswick au travail, ou le Projet d'autosuffisance, il ne faut pas oublier que le coût de la vie pour un prestataire de l'aide sociale en Colombie-Britannique est très différent de ce qu'il est au Nouveau-Brunswick. Lorsqu'on a un programme national et qu'on fixe des montants pour l'ensemble du pays, c'est plus dispendieux.
Si nous prenons le programme d'assurance-chômage et voulons en faire un stabilisateur automatique, cela ne peut se faire sans une protection générale. Pourtant, si vous voulez en faire un programme de transfert, il faut tout à coup procéder à un examen des ressources, ou au moins à une évaluation de l'état des revenus. Il faut se préoccuper des familles. Il faut exercer beaucoup de surveillance dans le cas d'un programme d'aide sociale. C'est dispendieux et indiscret.
J'espère que vous recommencerez à appuyer les programmes de bien-être social des provinces, que vous en reconnaîtrez l'importance et que vous n'essaierez pas de les remanier dans le cadre de ce projet de loi.
Le président: Merci, madame Nakamura.
Nous avons le temps pour une très brève question de M. Easter.
M. Easter: Je tiens à vous féliciter de votre exposé. Vous avez certainement éclairci un certain nombre de points au sujet desquels j'avais des doutes.
Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec vous au sujet de l'élimination de l'exemption prévue à l'article sur la règle de l'intensité, mais j'ai fait partie d'un groupe interne qui a travaillé à la question du supplément au revenu de travail dans le cadre du dernier budget, et je ne voudrais pas avoir à me lancer dans cette bagarre encore une fois. Nous, on dit qu'«un tiens vaut mieux que deux tu l'auras». C'est pourquoi je crois toujours que nous avons besoin de cette exemption dans le projet de loi pour les familles à faible revenu.
Je me demande cependant si vous pourriez commenter cette question. Si nous pouvions être assurés par le ministre des Finances... Si je comprends bien le projet de loi, les sommes récupérées des personnes à revenu plus élevé sont versées pour l'instant au Trésor, ce qui représente vraiment à mon avis un impôt sur un programme auquel participent les employeurs et les employés. Dans ce sens, je pourrais certainement justifier auprès du ministère des Finances un argument en faveur d'un supplément de revenu pour accomplir ce que vous demandez ici. Qu'en pensez-vous? Ai-je tort ou raison?
Mme Nakamura: Je crois que vous avez raison. J'estime qu'il faut cesser de verser aux recettes générales cette taxe sur le programme d'assurance-chômage. Je ne veux pas que le projet de loi soit rejeté parce que cette disposition n'y figurerait pas, mais je pense qu'à long terme il faut avant tout mettre fin à cette pratique.
Deuxièmement, je reconnais qu'il est peut-être impossible de ne pas exempter explicitement les familles à faible revenu de la règle de l'intensité. Je proposerais cependant que vous ne fassiez pas d'exception à la règle de l'intensité. Vous devriez plutôt faire la même chose en modifiant le règlement qui régit la façon dont on paiera ce supplément aux familles à faible revenu. Si vous utilisez les règlements en ce qui concerne le supplément pour les familles à faible revenu, vous n'établirez pas de précédent en accordant une exemption à la règle de l'intensité. Il s'agira plutôt d'une disposition sur la façon dont on effectuera le versement de ce supplément. Vous constaterez, je crois, que cela causera beaucoup moins de problèmes à l'avenir.
Le président: Merci beaucoup, madame Nakamura, de votre excellent exposé. Vous avez certainement soulevé des arguments très intéressants. Votre analyse était peut-être l'une des plus réfléchies que nous ayons entendues jusqu'à maintenant.
Mme Nakamura: Je tiens à vous remercier tous. Je n'appartiens à aucun de vos partis, et je ne vous envie pas votre tâche de ces derniers mois. Je vous remercie vraiment de tout ce que vous faites.
Le président: Merci.
J'aimerais suspendre la séance pendant cinq minutes.
Le président suppléant (M. Proud): Je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants de la Chambre de commerce du Canada: Sharon Glover, première vice-présidente, Relations gouvernementales, et Tim Reid, président.
Mesdames et messieurs, nous avons une demi-heure. Nous vous demandons de faire un exposé de 10 à 15 minutes, et nous passerons ensuite aux questions et aux réponses.
Bienvenue, et je vous prie de bien vouloir commencer.
M. Tim Reid (président, Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Tim Reid, et je suis accompagné de Sharon Glover. Notre exposé durera environ 10 à 12 minutes, et nous nous partagerons ce temps.
Je commencerai par vous dire quelques mots sur la Chambre de commerce du Canada.
[Français]
La Chambre de commerce du Canada est l'association commerciale la plus importante et la plus représentative du pays. Grâce à notre réseau de 500 chambres et bureaux de commerce communautaires, boards of trade, nous avons des partenaires dans toutes les circonscriptions fédérales. Notre réseau compte au-delà de 170 000 entreprises au total.
Tous nos membres partagent la même conviction, à savoir qu'il faut trouver un moyen efficace et abordable de préparer tous les Canadiens et les Canadiennes à affronter les défis du marché du travail d'aujourd'hui et de l'avenir.
[Traduction]
La Chambre de commerce du Canada a toujours été favorable à l'adoption de mesures pour stimuler la création d'emplois, et elle est convaincue qu'un régime d'assurance-chômage bien conçu peut être d'une grande utilité à cet égard. Comme nous l'avons mentionné au gouvernement fédéral, avant les dernières élections aussi bien que depuis cette date, l'adoption de mesures pour réduire les obstacles que doivent surmonter les entrepreneurs pour développer leur entreprise et augmenter leurs effectifs est essentielle si le Canada veut être fidèle à sa promesse d'être le pays concurrentiel de l'avenir.
Nous sommes heureux de constater que l'objectif prépondérant de la restructuration du programme d'assurance-chômage entreprise par le gouvernement est assez conforme à celui de la Chambre de commerce du Canada, à savoir l'expansion des entreprises et la création d'emplois pour les Canadiens. La Chambre de commerce du Canada reconnaît que l'efficacité du programme d'assurance-chômage a été ébranlée au cours des ans, et que plusieurs raisons militent maintenant en faveur d'une réforme en profondeur.
Premièrement, le régime actuel ne règle pas les problèmes économiques profondément enracinés qui minent bon nombre de collectivités au Canada. En fait, le régime actuel a des effets contradictoires, en ce sens qu'il encourage les travailleurs à demeurer dans des régions géographiques et dans des industries où l'emploi continuera à se faire rare.
Deuxièmement, des employés tout comme des employeurs utilisent de plus en plus le régime à des fins auxquelles il n'était pas destiné à l'origine. Ce qui au départ devait être une mesure pour venir en aide aux travailleurs canadiens temporairement en chômage est devenu notamment, dans certaines collectivités et entreprises, une forme de subvention sociale aux travailleurs saisonniers.
Troisièmement, le programme d'assurance-chômage est devenu très coûteux, et il est impossible de le soutenir financièrement sans compromettre gravement les initiatives d'expansion et de recrutement des entreprises canadiennes. Le coût élevé du programme d'assurance-chômage est attesté. Il est actuellement évalué à 16 milliards de dollars, soit une hausse de 8 milliards de dollars par rapport à 1980.
Même si le projet de loi n'est évidemment pas parfait, la Chambre de commerce du Canada est généralement favorable à l'ensemble de réformes proposées dans le projet de loi C-12 en ce qui concerne le programme d'assurance-chômage et reconnaît leur utilité aux fins de la réalisation des importants objectifs économiques de notre pays. Nous allons vous faire part de nos opinions sur certaines des dispositions du projet de loi C-12, et je vais demander à Sharon Glover, notre première vice-présidente, responsable des politiques, de vous exprimer certaines de ces opinions.
Sharon.
Mme Sharon Glover (première vice-présidente, Relations gouvernementales et relations politiques, Chambre de commerce du Canada): Je commencerai par vous parler de «l'admissibilité aux prestations». La Chambre de commerce du Canada est heureuse de constater que le projet de loi C-12 renferme des dispositions pour resserrer les critères d'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage. Les six semaines supplémentaires exigées des nouveaux prestataires pour avoir droit aux prestations réduiront l'attrait que représente l'emploi à temps partiel ou saisonnier dans bon nombre d'industries.
De même, nous souscrivons à la décision du gouvernement de faire passer de 50 à 45 semaines la durée de la période maximale pendant laquelle les prestataires peuvent recevoir des prestations, même si nous déplorons qu'il ne s'en soit pas tenu à la proposition initiale de 40 semaines. Nous sommes également favorables à l'idée de modifier le régime d'assurance-chômage de façon qu'il ne se fonde plus sur le nombre de semaines de travail, mais plutôt sur la rémunération totale et le nombre total d'heures de travail comptabilisés à partir du premier dollar et de la première heure. Ce changement simplifiera les exigences de déclaration applicables aux employeurs et la perception des cotisations.
En ce qui concerne les utilisateurs fréquents du régime, bien que nous nous réjouissions de voir que le gouvernement ajoute une règle d'intensité au régime d'assurance-chômage, nous croyons que la réduction des prestations imposée à ceux qui se prévalent du régime à répétition est trop modeste. La Chambre de commerce du Canada propose donc d'envisager l'application d'un calendrier de remboursement accéléré dans le cas des travailleurs qui font appel au régime à répétition.
Il serait également possible de remédier au problème en augmentant les cotisations versées par les utilisateurs fréquents du régime. Notre proposition ferait en sorte que le programme ressemblerait davantage à un bon régime d'assurance en vertu duquel les cotisations versées et la protection offerte varient en fonction du risque, comme c'est le cas de plusieurs programmes d'indemnisation des accidents du travail au Canada.
M. Reid: Je voudrais maintenant parler du compte d'assurance-chômage, auquel l'un des membres du comité a fait brièvement allusion juste avant que nous nous joignions à vous.
Nous sommes d'avis que l'excédent du compte d'assurance-chômage ne devrait jamais dépasser 5 milliards de dollars. Ce montant offre une protection amplement suffisante en cas de ralentissement économique pour qu'on n'ait pas à augmenter les cotisations à ce moment-là. Toutefois, tout excédent supérieur à ce montant est inutile et nuit à la capacité des employeurs de recruter davantage de personnel, parce qu'ils ne peuvent pas payer les cotisations exigées. Tout excédent au-delà de 5 milliards de dollars devrait être remboursé aux cotisants - employeurs et employés - sous la forme d'une réduction des cotisations.
En ce qui concerne les niveaux des cotisations, la Chambre de commerce du Canada a longtemps soutenu que la modification des charges sociales avait indéniablement une incidence sur les profits et la création d'emplois. Nous croyons qu'une réduction des charges sociales permettra à bon nombre d'entrepreneurs d'engager plus de personnel. Le nombre de contribuables s'en trouvera ainsi augmenté, et le gouvernement percevra davantage de recettes. Grâce à cette mesure, le nombre de prestataires d'assurance-chômage et d'aide sociale diminuera, ce qui réduira d'autant les dépenses gouvernementales.
Mme Glover: De même, nous voyons d'un bon oeil la récente réduction du maximum de la rémunération assurable proposée dans le projet de loi C-12.
De la même façon, nous applaudissons à la récente réduction des cotisations de 5 cents par 100$ de gains assurables, mais nous sommes loin d'être au comble de la joie. Même si nous reconnaissons que cette mesure est un pas dans la bonne direction, sa portée n'est pas suffisante pour vraiment relancer les efforts de création d'emplois au Canada.
Nous continuerons donc à exercer des pressions auprès du comité et du ministère des Finances en faveur d'une réduction de 60 cents des cotisations d'assurance-chômage d'ici à janvier 1997. La réduction des cotisations, conjuguée au plafonnement de l'excédent du compte d'assurance-chômage à 5 milliards de dollars, constitue à notre avis le meilleur moyen dont dispose le gouvernement pour donner suite à son offre de collaboration avec le secteur privé pour stimuler la création d'emplois.
Pour ce qui est du remboursement des cotisations pour les petites entreprises, nous sommes très heureux que le gouvernement ait pris les mesures nécessaires pour relancer les efforts de création d'emplois dans ce secteur important de notre économie. Le projet de loi C-12 accorde aux entreprises de moins de 25 employés qui voient leurs cotisations augmenter de plus de 500$ le remboursement d'une partie de leurs cotisations pour une période temporaire. Ajoutée à la réduction du maximum de la rémunération assurable, cette mesure incitative devrait leur donner les coudées franches.
Au sujet de la formation, étant donné les avantages douteux de bon nombre de programmes de formation, nous estimons qu'on ne devrait affecter aucun nouveau crédit à ces programmes, que les fonds viennent directement du gouvernement fédéral ou indirectement par l'intermédiaire des provinces, sans d'abord nous garantir que les fonds existants sont utilisés à bon escient.
Nous savons que votre comité est certainement au courant du fait que le vérificateur général du Canada s'est montré extrêmement sévère au sujet du rendement du ministère du Développement des ressources humaines dans la surveillance des crédits déjà consacrés à la formation.
La priorité du gouvernement au moment d'augmenter les fonds consentis au programme d'assurance-chômage devrait aller là où les avantages sont prouvés et où les résultats sont immédiats, c'est-à-dire vers la réduction des cotisations des employeurs et des employés.
M. Reid: En conclusion, nous disons qu'à bien des égards le projet de loi C-12 apporte d'importantes améliorations à l'actuel programme d'assurance-chômage et recueille notre appui. Dans d'autres domaines, par contre, le projet de loi ne va pas assez loin et devrait être modifié en conséquence, comme nous l'avons fait valoir dans nos arguments.
Je terminerai en ajoutant que nous aimerions et espérons que le projet de loi soit dorénavant appelé projet de loi sur l'assurance contre le chômage, plutôt que projet de loi sur l'assurance-emploi. Nous croyons que ce dernier concept évoque un principe très différent, celui d'un programme social plutôt que d'un programme d'assurance contre un chômage temporaire pour les travailleurs.
Nous serons très heureux d'essayer de répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci beaucoup pour cet exposé très réfléchi, monsieur Reid et madame Glover.
Nous allons maintenant passer à la période des questions et des réponses.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Dubé (Lévis): Je vais être bref pour laisser du temps à mes collègues.
Je voudrais simplement dire que, selon les chiffres du gouvernement, l'impact de la réforme représentera au début une coupure de 1,2 milliard de dollars dans l'économie. Et à la fin du programme, vers l'an 2000 ou 2001, ce sera 1,9 milliard de dollars par année.
Je voudrais demander aux représentants de la Chambre de commerce du Canada, qui représentent eux-mêmes des gens qui sont dans le commerce et qui sont des employeurs, s'ils ne sont pas inquiets de voir baisser les dépenses de consommation un peu plus chaque année, ce qui va affecter les gens qu'ils représentent dans la mesure où la population aura moins d'argent pour consommer et acheter des biens. Je suis un peu étonné que cet aspect des choses ne semble pas vous inquiéter davantage.
[Traduction]
M. Reid: Merci bien, monsieur Dubé. Vous avez raison de dire que si l'on retire de l'argent du secteur gouvernemental, qu'il s'agisse d'un ou deux milliards de dollars, c'est de l'argent qui est à la population, et cela signifie qu'il y aura une diminution de la consommation.
Notre argument est très simple, et à cet égard nous sommes tout à fait d'accord avec le gouvernement pour dire que les dépenses doivent diminuer. Nous estimons qu'en réduisant les dépenses on peut faire baisser les cotisations. Une baisse des cotisations, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre, constitue la façon la plus efficace de créer des emplois actuellement au Canada.
Il y a deux études dont je vais vous parler brièvement. Une étude effectuée par la Banque du Canada a montré que l'augmentation des charges sociales, en particulier l'augmentation des cotisations d'assurance-chômage au cours des cinq dernières années, a eu pour résultat la perte de 170 000 emplois au Canada. Cela signifie 170 000 contribuables de moins, et plusieurs de ces 170 000 personnes dépendent des programmes d'aide sociale plutôt que de travailler. Nous sommes d'avis que ce mécanisme est la clé de la croissance, que c'est le moyen de réduire les besoins du gouvernement en recettes.
C'est probablement l'argument le plus fondamental que nous pouvons présenter. Les autres arguments sont bien connus des économistes, et notamment les effets négatifs d'un programme qui encourage les gens à rester trop longtemps dans des industries qui, pour diverses raisons, réduisent l'emploi, ou dans des collectivités où l'emploi est réduit à cause de la nature des industries qu'on y trouve. Il aurait bien mieux valu que des réformes de cette nature surviennent il y a cinq, sept ou huit ans. Le processus d'adaptation aurait été beaucoup plus facile que maintenant, car il faut agir en très peu de temps.
[Français]
Mme Lalonde (Mercier): Étant donné la première réponse que vous nous avez donnée, je suis un peu surprise que vous soyez d'accord sur la réduction du maximum de la rémunération assurable. En effet, on peut constater la différence entre les PME et les grandes entreprises. Tandis que les PME sont dans l'obligation de cotiser sur leur masse salariale, les grandes entreprises à haute intensité de capital, qui paient les plus hauts salaires, reçoivent un cadeau de 500 millions de dollars par année, de même que leurs employés.
Si vous souhaitez vraiment la réduction du taux de cotisation, vous devriez être d'accord sur le maintien ou même l'augmentation du salaire maximum assurable, de façon à ce que les grandes entreprises et les PME, avec leurs travailleurs, partagent mieux et puissent réduire le taux de l'ensemble.
[Traduction]
Mme Glover: En ce qui concerne le maximum de la rémunération assurable, il y a des années que la Chambre de commerce exerce des pressions à ce sujet auprès du gouvernement. Nous croyons aux bienfaits de la réduction et nous l'appuyons donc sans hésiter, et je vais vous expliquer pourquoi.
Vous avez raison de dire que ce sont surtout les moyennes et les grandes entreprises qui peuvent rémunérer leurs employés davantage que les petites entreprises, de sorte qu'une réduction du maximum de la rémunération assurable a de plus grandes répercussions sur ces sociétés. Vous ne savez probablement pas qu'au cours des dix dernières années le maximum de la rémunération assurable a augmenté à un rythme plus rapide que l'indice des salaires moyens dans l'industrie. Cela signifie, pour vous donner un exemple, que si je devais recevoir des prestations d'assurance-chômage pendant quelques années, par opposition à quelqu'un d'autre qui travaillerait pendant quelques années, je verrais augmenter mes prestations plus rapidement que le salaire de la personne qui travaille.
La formule complexe qui se trouve dans le projet de loi, qui exige qu'on retourne sept ans en arrière et qu'on prenne une moyenne des salaires dans l'industrie, ne fonctionne tout simplement pas. Elle fausse complètement le calcul de l'augmentation du maximum de la rémunération assurable.
Nous continuons de dire que nous sommes satisfaits de l'ensemble des propositions, plutôt que de chacune d'entre elles prise individuellement, parce que tout en réduisant le maximum de la rémunération assurable, le gouvernement a aussi accordé une réduction aux petites entreprises. Je crois que si leurs cotisations à l'assurance-chômage dépassent 500$, elles obtiennent alors une réduction. Nous estimons donc que les deux mesures combinées aideront en même temps l'ensemble des petites, moyennes et grandes entreprises.
[Français]
Mme Lalonde: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, madame Lalonde. Nous passons maintenant à M. Easter.
M. Easter: Je crois que l'étude dont vous avez parlé était celle de l'Association des banquiers canadiens, n'est-ce pas? Elle concluait que les augmentations des cotisations avaient entraîné une perte de 170 000 emplois.
M. Reid: Il s'agissait de la Banque du Canada.
M. Easter: Je n'ai pas vu cette étude, mais savez-vous si l'on opposait aux conséquences de l'augmentation des cotisations le nombre d'emplois créés à cause même du régime d'assurance-chômage?
Prenons par exemple ma région, celle de l'Atlantique. Le fait est que le régime d'assurance-chômage apporte une aide pendant la saison morte et que tout cet argent se trouve dépensé dans les commerces de la région. De fait, le régime garantit des emplois pendant la saison morte. Savez-vous si l'on a tenu compte de cette partie de l'équation?
M. Reid: Monsieur le président et monsieur Easter, je vous conseillerais d'obtenir le texte de l'étude en question et d'en faire votre propre évaluation. La Banque du Canada est très compétente dans ce genre d'études, mais je ne connais pas la réponse précise à votre question.
J'ajouterai ceci, cependant. L'Institute for Policy Analysis, de l'Université de Toronto, a fait une étude fondée sur des hypothèses très claires. Si l'on réduisait le taux des cotisations d'assurance-chômage de 2,95$ à 2,10$, au cours des trois prochaines années plus de 200 000 nouveaux emplois seraient créés, d'après les calculs de ce groupe.
Nous disons que nos membres dans l'ensemble du pays - des petites et moyennes entreprises et des entreprises à forte concentration de main-d'oeuvre - affirment sans ambages que ces charges sociales - en l'occurrence les taux plus élevés des cotisations d'assurance-chômage - contribuent vraiment à les décourager d'embaucher plus d'employés. C'est vraiment le message le plus important que nous croyons pouvoir vous transmettre.
M. Easter: Je suppose que c'est là, monsieur le président et monsieur Reid, où nous divergeons d'opinion. Les chambres de commerce de la région atlantique ne sont pas nécessairement sur la même longueur d'onde que vous à ce sujet.
J'emploie moi aussi des travailleurs. Je ne vois pas les cotisations comme un problème majeur, mais c'est peut-être parce que mon industrie est saisonnière.
Je me permets de ne pas partager votre avis quand vous dites dans votre premier argument, à la page 3, que cela encourage des gens à demeurer dans certains secteurs géographiques. Je pense que vous voulez parler essentiellement d'industries saisonnières.
Voici les faits. J'espère que vous avez vu - si vous ne l'avez pas vu, je vous encourage à l'obtenir - l'étude du groupe de travail sur les travailleurs saisonniers. Cette étude montre clairement que nous avons en effet des industries saisonnières où l'on emploie à plein temps des travailleurs hautement compétents, des industries qui ont des retombées pour d'autres travailleurs et qui créent de l'emploi à longueur d'année dans cette région particulière.
Voici le problème qui se pose dans ma propre région s'il est question de réduire les cotisations. Dans un article publié la semaine dernière dans le Globe and Mail au sujet des salaires élevés, on dit ne pas croire les chefs de grandes entreprises qui disent que si les cotisations sont réduites, cela créera de l'emploi, par exemple pour des journaliers et d'autres travailleurs. On dit plutôt qu'il en résultera seulement une augmentation des profits pour la haute direction de ces entreprises.
C'est le problème auquel nous faisons face lorsque nous cherchons un équilibre. Quelle est votre réponse?
M. Reid: Je ne veux aucunement mettre en doute vos déclarations au sujet de certaines perceptions chez certaines personnes dans le pays. Je vous dirai seulement que la Chambre de commerce du Canada a effectué il y a deux ans une étude sans précédent appelée Aim for a Million. Nous sommes allés parler à 6 000 entrepreneurs. C'est vrai qu'il y avait parmi eux quelques chefs de grandes entreprises, parce que nos entrevues étaient réparties dans l'ensemble du pays, mais il s'agissait surtout de chefs de petites et moyennes entreprises.
Le message que nous avons reçu était très clair. Ils ont dit que l'accumulation des charges sociales et la croissance de ces charges au cours des dernières années présentaient pour eux un obstacle les décourageant d'embaucher plus de personnel.
Je ne vous donnerai pas tous les résultats du sondage de l'étude Aim for a Million, parce que nous essayons de trouver des moyens de créer des emplois dans ce pays, mais il y a aussi l'accumulation d'une législation du travail complexe. Nous n'en discuterons pas aujourd'hui; nous garderons ce sujet pour une autre fois. Les chefs d'entreprises nous disent que toute la législation du travail et toutes sortes de règlements connexes constituent autant de mesures qui découragent un employeur d'embaucher de nouveaux employés en ce moment, parce que tous ces facteurs s'additionnent.
Nous disons simplement ici qu'il est essentiel de faire tomber les obstacles qui empêchent les petites entreprises d'embaucher de nouveaux employés, en nous assurant de ne pas continuer d'augmenter - et d'après l'étude de l'Université de Toronto il faudrait même diminuer - les charges sociales imposées en fonction du nombre de personnes embauchées, car cela ne tient absolument pas compte de la compétitivité et de la rentabilité d'une entreprise.
Mme Glover: Je me permets d'ajouter une précision, à savoir que nous ne disons pas du tout que seuls les employeurs aimeraient voir réduire les cotisations; nous parlons aussi des employés, de personnes qui gagnent 20 000$, 21 000$ ou 22 000$ par année. Je parie que si vous demandiez à certaines de ces personnes si elles aimeraient voir augmenter leur paye nette, la réponse serait oui.
Il y a des milliers de personnes au Canada qui ne gagnent pas beaucoup d'argent, et pourtant elles paient des cotisations. Elles paient des cotisations d'assurance-chômage trop élevées. Ce n'est tout simplement pas juste, et nous voulons que cet argent revienne aux employés et aux employeurs.
M. Easter: On pourrait discuter des détails de nombreuses parties du projet de loi, mais, dans l'ensemble, estimez-vous que c'est un pas dans la bonne direction si l'on veut corriger le chômage structurel d'une façon acceptable aussi bien pour l'employeur que pour l'employé?
Mme Glover: Tout à fait. Dans l'ensemble, nous sommes en faveur du projet de loi. Le comité n'a pas pris connaissance des lettres qui ont été envoyées à M. Axworthy au moment où il détenait le portefeuille, mais nous étions beaucoup plus exigeants et nous voulions que le texte de loi le soit aussi. Avons-nous obtenu ce que nous voulions? Pas du tout. Est-ce qu'il s'agit d'un compromis? Oui.
Ce que nous ne voulions surtout pas, et nous l'avons dit au comité, c'est qu'il dilue le projet de loi. Dans l'immédiat, il a été question de trois amendements venant d'ici et de quelques autres. Nous avons dit au comité de ne pas trop trafiquer le projet de loi, parce que le monde des affaires y voit déjà un compromis qu'il est prêt à accepter. Nous ne voudrions surtout pas que ce soit dilué au point de détruire tout ce qui a été accompli sous la conduite de M. Axworthy.
Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier, puisque vous êtes effectivement les derniers témoins à comparaître devant le comité.
Je peux vous assurer que nous, membres du comité, avons énormément appris des Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Le défi maintenant est de concilier les différentes perspectives des citoyens et des groupes d'intérêts pour veiller à ce que la nouvelle version du projet de loi C-12 soit effectivement améliorée et plus juste pour un plus grand nombre de citoyens.
Je vous remercie donc beaucoup pour votre exposé mûrement réfléchi et fort instructif.
M. Reid: Le plaisir est pour moi.
Mme Glover: Merci, monsieur le président.
Le président: La séance est levée.