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Mon collègue a fait référence à quelque chose d'un peu indécent quand il a parlé de la volonté du gouvernement fédéral de contourner les choses et d'aller directement aux individus. Par exemple, pour les cours de formation, il leur dit: «Si vous êtes admissible, vous recevrez le chèque, mais le chèque ne sera émis que s'il y a une entente avec la province».

On fait en sorte de mettre la pression sur les individus pour qu'ils aient envie d'aller à ce cours-là et qu'ils se retournent vers le gouvernement du Québec en disant que ça n'a pas de sens et qu'il faudrait s'entendre. Le gouvernement du Québec sera alors obligé de réviser ses demandes à la baisse, alors qu'elles sont acceptées par tout le monde. En passant, je vous dis qu'on veut les faire diminuer de telle façon que de fédéral donne le moins possible ou perde le moins de contrôle possible sur tout l'argent qu'il gère: ses taxes, ses impôts et les cotisations des employés et des employeurs dans le cas de l'assurance-chômage.

On voit très bien qu'il n'y a pas de volonté réelle de s'entendre avec le Québec sur la formation de la main-d'oeuvre. Un député nous disait tantôt d'apporter des suggestions concrètes et d'ajouter un chapitre sur le transfert de la formation de la main-d'oeuvre au Québec. Ce n'est pas compliqué. On nous demande des suggestions, mais nous en offrons depuis des années et nous nous demandons toujours pourquoi rien n'a été inclus dans le projet de loi.

Au sujet de la formation, dois-je répéter que les analyses venant de l'OCDE ou du World Competitiveness Report disent qu'on a des problèmes majeurs au Canada en formation? On est en déclin et on se retrouve avec des emplois disponibles, mais avec une main-d'oeuvre qui n'est pas adaptée. Il y a donc un manque d'adéquation entre le marché du travail et nos objectifs de formation, tout cela parce qu'on gaspille de l'argent, à gauche et à droite, à des fins politiques pour satisfaire les visées centralisatrices de ce gouvernement.

J'en aurais encore très long à dire, monsieur le président, mais j'en appelle au bon sens de certains députés du Parti libéral pour qu'ils admettent que cette réforme ne réglera pas grand-chose. La vraie question qu'on doit se poser est: Quel est l'objectif fondamental de la réforme? Quel objectif va-t-on atteindre avec la réforme? Les députés vont se réveiller et voudront peut-être débattre là-dessus.

Il pourrait y avoir des modifications intéressantes comme permettre des périodes plus longues pour les gens en formation afin de ne pas les bloquer par des barèmes stricts et des formations qui peuvent durer un an et demi. Il faut aussi faire en sorte que les gens qui sont admissibles à l'assurance-chômage pour x semaines seulement puissent aussi avoir accès à ces formations. La clé est là; c'est-à-dire qu'il faut faire en sorte que la main-d'oeuvre soit le plus apte possible à entrer sur le marché du travail des années 2000.

Il faut en même temps créer les conditions les plus favorables possible à la création d'emplois, tout en essayant de ne pas se désengager de la responsabilité de l'État par rapport au marché du travail. Il est très facile de dire que le secteur privé crée de l'emploi, mais je reviens encore à une mesure qui fait en sorte de baisser le maximum assurable. Ça ne créera pas de l'emploi. Au contraire, ça envoie un signal aux employeurs et ça les incite à faire faire du temps supplémentaire qui va leur coûter moins cher. C'est le message qui leur est envoyé.

De la même façon, au Québec, il y a des gens qui veulent examiner toute la fiscalité de l'entreprise au travers du Sommet socio-économique sur la fiscalité. Il est évident que les entreprises veulent diminuer leurs charges fiscales. Mais il y a aussi des gens qui veulent étudier cette fiscalité pour faire en sorte que les charges fiscales ne soient pas des incitatifs pour que les employeurs embauchent.

C'est peut-être l'inverse qu'on aurait dû faire, c'est-à-dire augmenter les charges après un certain nombre d'heures. C'est la seule façon de discipliner le secteur privé. Ne pensez pas que le secteur privé va philosopher et dire que le partage du travail, c'est une belle idée. Il faut qu'il y trouve son intérêt. Il faut peut-être aussi qu'on lui fasse comprendre que le secteur privé sera le grand gagnant d'un taux de chômage plus bas.

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Plus notre économie va rouler, moins on aura besoin d'imposer d'impôts sur les avantages sociaux et des charges sociales. Moins les individus travailleront, moins il y aura d'accidents de travail et de charges.

Il faut signaler très clairement au secteur privé que le gouvernement est sérieux et veut réellement partager le monde du travail. J'ai été estomaqué d'entendre le secrétaire parlementaire me dire que les gens ne voulaient pas de ça. C'est là que j'ai conclu et que je me suis excusé de l'avoir traité de conservateur; j'aurais dû plutôt le traiter de réformiste. À mon avis, les gens acceptent de vivre dans notre système économique, mais ils sont aussi sensibles et ils souhaitent partager la richesse.

Il y a une croissance de la richesse. Ça fait quelques années qu'on n'est pas en récession. Donc, il y a une augmentation de notre produit intérieur brut et donc de notre revenu national brut. Notre problème, c'est que l'écart entre les plus démunis et les plus fortunés croît constamment. Il y a donc une perte d'efficacité dans la redistribution de la richesse.

Est-ce que la réforme de l'assurance-chômage va augmenter l'efficacité de cette redistribution? Je ne le crois pas.

Quel est notre rôle? Quel sera le rôle de l'État dans les années 2000? Vous dites vous-mêmes que votre rôle dans la création d'emplois est minime. Nous devons donc nous assurer de redistribuer la richesse adéquatement, à moins que vous n'y croyiez pas.

Cela ne veut pas dire avoir recours aux extrêmes, mais il y a un certain nombre de choses dans notre système auxquelles on met beaucoup moins d'énergie à s'attaquer qu'à l'assurance-chômage. Pensez-vous que des gens à faible revenu peuvent cotiser 1 500 $ à un REER? Personne ici, à Ottawa, ne parle de réviser cela; personne.

J'ai parlé tantôt de l'exemption des gains en capital, qui a servi à un segment plus fortuné de la population. Les premiers 500 000 $ d'exemption, y avez-vous pensé? Le taux marginal d'impôt d'une personne qui réalise un tel gain doit être entre 40 et 50 p. 100. On lui donne un cadeau d'environ 200 000 $. Multipliez donc ça par le nombre de personnes à qui on a fait ce cadeau avec de l'argent qu'on n'avait pas, parce qu'on s'endettait. Donc, on a emprunté pour donner de l'argent à des riches. Calculez les intérêts qui représentent quelques milliards de dollars de la dette actuelle.

Vous allez me dire tout de suite que ce sont des investissements qui font rouler l'économie, qui stimulent la création d'entreprises et, partant, la création d'emplois.

Pensez-vous que l'argent des chômeurs dans l'Est du Québec n'est pas productif? C'est très rare qu'ils vont la dépenser à l'extérieur. Ils n'en ont pas vraiment les moyens, mais ils dépensent au dépanneur ou à l'épicerie du coin, au cinéma local, dans leurs centres d'achats pour les vêtements ou pour faire réparer leur automobile localement. Ils ne vont pas passer nécessairement trois mois par année en Europe, puis trois mois en Floride, etc. Ils font vivre l'économie locale. Nos économies régionales sont solidement bâties autour de ces gens-là qui sont des acheteurs locaux.

C'est un mythe de penser que l'argent investi par des gens plus fortunés est plus productif pour l'économie que celui dépensé par les gens à plus faible revenu. C'est probablement le contraire d'ailleurs.

Cela non plus, on n'en parlera pas ou, si on en parle, ce sera pendant cinq minutes au maximum. On évite des débats importants et on évite de regarder la réalité.

Avec cette motion visant à limiter le temps, c'est comme si le gouvernement refusait d'avoir un miroir en face de lui. L'opposition, dans les derniers moments de l'adoption d'un projet comme celui-là, met le gouvernement devant un miroir et lui demande de regarder ce qu'il fait. Le gouvernement répondra qu'il veut se regarder le moins longtemps possible et qu'il va donc limiter le temps devant le miroir pour s'assurer de ne pas se trouver trop laid.

Dans mon premier discours, je vous avais cité abondamment le Livre rouge. J'y avais fait référence plus tôt, mais sans nécessairement le citer.

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Il y avait des belles phrases. Il y a des gens qui savent bien écrire. C'est à se demander où tous ces principes-là sont passés. Dois-je en conclure que c'est vous, monsieur le président, qui l'avez écrit? Si oui, je vous suggérerais d'en envoyer une copie au premier ministre.

Vous disiez, à un moment donné, pour un trop grand nombre de Canadiens et de Canadiennes:

Première erreur: il y a pas qu'un peuple au Canada. Une erreur dans la première phrase, ça commence mal.

Pour un trop grand nombre de Canadiens et de Canadiennes, ce rêve est devenu cauchemar pendant le règne conservateur de neuf ans. Notre économie est en déroute. Le chômage est supérieur à 10 % pour une troisième année consécutive. Plus de 1 million d'enfants sont dans la pauvreté.

Écoutez ça.

Pour les Canadiens, les prochaines élections se résument à une question très simple: Quel genre de pays voulons-nous?

Nous voulons un pays où règne l'espoir plutôt que la crainte. Nous voulons un pays dont nous sommes les forces vives plutôt qu'un boulet à traîner. Nous voulons un pays où les adultes peuvent trouver un travail décent et où les enfants peuvent s'épanouir.

Nous voulons un pays qui a des valeurs collectives. À l'heure de la mondialisation, nous voulons appartenir à une collectivité nationale qui réaffirme son originalité. Nous voulons que nos collectivités locales soient les piliers de notre stabilité sociale et de notre puissance économique.

Vous pourriez écrire ça pour la prochaine campagne et changer de parti, et les gens diraient que c'est un bon programme, que le gouvernement devrait faire ça. Cela voudrait dire qu'ils pensent que vous n'avez rien fait de ça. Quand vous parlez des économies locales, de quelles activités locales parlez-vous? La réforme de l'assurance-chômage, où frappe-t-elle davantage? Dans les collectivités locales, dans les économies locales.

Il y en a plein de belles phrases comme ça. C'est un recueil, finalement. Cela devrait être un recueil de poésie. Ce n'est pas un programme politique, ou bien vous l'avez dénaturé passablement.

Il y a d'autres passages qu'il me faut retrouver, car c'est trop bon.

Est-ce par des motions où l'on va débattre pendant seulement cinq minutes de choses fondamentales que l'on va restaurer l'intégrité de nos institutions politiques?

Que s'est-il passé depuis l'élection, depuis l'écriture du Livre rouge? Panne d'imagination? C'est incroyable de voir un changement de cap aussi majeur. J'espère que de temps en temps, avant de vous coucher, vous reprenez le Livre rouge et le relisez pour dire que c'est avec ça que vous vous êtes fait élire.

Dans le secteur privé, ce serait de la fausse représentation. Peut-être qu'en politique c'est possible, mais cela ne peut pas marcher éternellement.

Je vais donner la chance à d'autres de mes collègues de s'exprimer. Je veux simplement rappeler au secrétaire parlementaire que sa remarque d'introduction comportait une grande contradiction, quand il nous a dit: «Faites des suggestions concrètes, vous n'en avez pas fait». Mais deux phrases plus loin, il a dit: «Permettez-nous d'étudier nos amendements, et vous allez voir qu'il y a de vos idées là-dedans». J'espère qu'il voit qu'il y a une contradiction à tout le moins légère dans ses propos.

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Peut-être pourrait-il venir lui-même se corriger pour rétablir la situation. Il attaque les forces souverainistes. Il devra apprendre à composer et à vivre avec nous, à moins qu'il envisage de quitter la politique. Nous sommes élus démocratiquement et nous comptons nous faire réélire.

Jusqu'à présent, les Québécois et les Québécoises sont satisfaits de notre travail, et nous serons capables à nouveau d'avoir leur confiance. Dans le courant actuel, des gens doivent faire contrepoids à un gouvernement qui veut aller n'importe où, n'importe comment, en bafouant les institutions, ses propres électeurs et ses députés qui veulent respecter leurs promesses.

Il y a des limites, et l'opposition se fera un devoir de les surveiller. Le secrétaire parlementaire se disait prêt à passer des heures ici; nous de même. Il y a des choses fondamentales pour lesquelles nous devons nous battre; nous devons exprimer nos convictions et défendre les gens qui n'ont pas nécessairement les moyens de se faire entendre ici.

N'oublions jamais une chose: je suis convaincu que rares sont les individus qui sont venus s'exprimer directement eux mêmes, même quand les communautés parlaient des gens d'affaires. Ces gens ont des points de vue. Ils sont moins organisés et ils se fient à l'opposition pour surveiller le gouvernement et le rendre responsable de ses actes.

Sur ce, je souhaite à mes collègues une très bonne nuit et je leur demande de réfléchir attentivement à toute la problématique de cette réforme. Pourquoi l'a-t-on faite et où veut-on aller? Qui sert-on véritablement par nos actions et qui a-t-on envie de servir? C'est sûrement que nous sommes sur la bonne voie, mais pour arriver à quelque chose de façon réaliste, il faudrait recommencer à neuf.

Le président: Merci beaucoup. Monsieur Tremblay.

M. Tremblay: Je viens d'être élu, et je suis donc très différent de vous; j'arrive du petit monde.

Quand on est dans la population et qu'on regarde le gouvernement, on se crée une opinion sur le rendement du gouvernement, mais on n'oublie pas la réalité.

Je suis pilote de brousse saisonnier. Vous devez vous demander ce que je viens faire en politique. Le politicien doit représenter la population, et pas beaucoup de députés ont déjà eu à faire face à la précarité de l'emploi, à l'assurance-chômage.

Vous avez depuis le mois de décembre dernier entendu des témoignages de gens. Écoutez! J'étais chômeur l'année passée et je gagnais un salaire de crève-faim et me voilà maintenant avec un salaire de 65 000 $ par année. Il faut que je garde les deux pieds sur terre.

C'est intéressant que ce soit moi qui parle parce que j'ai l'impression de ne pas être encore entré dans la machine et j'espère ne pas le faire. J'en ai fait la promesse dans mon comté. Certains de mes commettants ne croient plus au gouvernement et encore moins au gouvernement fédéral. Je pense qu'on fait preuve de réalisme si on s'aperçoit qu'il n'y a pas d'espoir.

Une voix: Êtes-vous notre clown?

M. Tremblay: Clown? Pardonnez-moi, je ne connais pas ce mot. Vous avez devant vous un ancien prestataire de l'assurance-chômage. Je ne suis pas contre les coupures. Je suis quand même assez capitaliste. Je voulais me lancer en affaires et avoir une PME. Je pense donc être en mesure de bien voir les deux côtés de la médaille.

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Le partenariat m'intéresse. J'ai côtoyé des gens qui ont à recevoir du chômage. Et justement mes collègues pilotes remarquent qu'un de leurs est élu député fédéral et s'en va arranger des choses ou dire la vérité.

J'ai des amis qui, l'an prochain, vont reprendre leur emploi. Ils ne font rien de mal. Tout ce qu'ils demandent, c'est de travailler. Mais dans certaines régions du nord de l'Ontario et du Québec, il y a une réalité qui fait qu'on ne peut pas travailler toute l'année.

On présente une réforme qui dit «non». C'est malheureux, car nous avons besoin d'argent. Mes anciens collègues bien souvent ont une famille, contrairement à moi. Il y en a d'autres qui ont une maison, un auto, un emprunt à terme à payer.

L'année prochaine, vers le mois de mars, on va se retrouver sur le bien-être social, Finalement, on dit que vous allez encore avoir de l'argent, mais que ce sera notre gouvernement qui va devoir en écoper.

On remet les problèmes aux provinces. On est dans un système démocratique et cela me fascine. Quand je suis arrivé, on m'a dit que c'était le Comité du développement des ressources humaines, et je ne veux pas l'oublier.

Je sympathise avec les fonctionnaires qui sont ici et qui ont eu à se taper une nuit de travail. Après avoir écouté le discours du secrétaire d'État tout à l'heure, je me suis quasiment senti coupable. C'était très bon. Demain matin, on va arriver et on va montrer aux médias que les membres du Bloc québécois veulent faire perdre leur temps aux fonctionnaires et aux députés. Je m'en excuse, mais vous êtes des victimes.

La réalité est tout autre. J'arrive et je vois que ça ne va pas. On pense que, dans les régions éloignées, les gens travaillent l'été et l'hiver. Ce n'est pas la réalité.

Ce matin, je me suis senti quasiment coupable. Quand j'ai entendu le discours du secrétaire d'État, je me demandais ce que je faisais ici. Est-ce que je viens faire perdre du temps aux autres? Ce matin, à 3 heures, vous ne pouvez pas vous imaginer le sentiment de fierté que je ressens. J'ai la chance de parler à des personnes qui pourront apporter des changements ou retirer complètement ce projet de loi.

J'ai pensé à toutes les manifestations. Vous en avez vu, des manifestations. Vous avez traversé le Canada pour consulter la population. Par ailleurs, je me suis dit: On consulte et cela a coûté de l'argent. Vous êtes allés à Edmonton. C'est merveilleux.

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Mais il ne faut pas oublier une chose. C'est facile d'arriver et de dire qu'on est parti d'Ottawa pour aller écouter le peuple à Edmonton et Vancouver. Fantastique! Je suis du peuple et je vais enfin pouvoir parler à mes gouverneurs.

Vous les écoutez. C'est fantastique. Ils manifestent même dans la rue. Pensez-vous que c'est pour s'amuser? Pensez-vous que c'est pour faire perdre du temps aux contribuables? Ces gens-là ne gagnent pas 65 000 $ par année. Ils ont peur parce qu'ils ont leurs enfants à envoyer à l'école et que la situation économique est incroyablement apeurante. Et je ne vous ai pas encore parlé de la vision des jeunes.

Ces gens-là descendent dans la rue pour le plaisir de la chose. Ils trouvent cela plaisant d'aller se geler. Eh bien, non! C'est parce qu'ils peuvent dire à leurs députés qu'ils ont la chance d'être dans une démocratie et de dire ce qu'ils pensent du gouvernement.

Je ne voudrais pas répéter les propos de mon collègue, M. Brien, qui disait que, dans une démocratie, il y avait une opposition. Un parti d'opposition devrait surveiller la démocratie. Je suis un gardien de la démocratie.

On s'aperçoit qu'un projet de loi est adopté. C'est normal de faire des erreurs, parfois. Il se pourrait que le gouvernement libéral ait choisi une voie en se disant que c'était la bonne. Je le lui accorde, mais on s'aperçoit par la réaction de la population, par les consensus à travers le pays qu'il s'est trompé. Ce n'est pas grave. On va modifier ou on repartir à zéro. Mais ce n'est pas cela qui arrive.

On a consulté la population pendant des mois et cela a coûté une fortune. On était tellement fatigué des manifestations qu'on a fait des téléconférences.

Une voix: You're going to have a heart attack.

M. Tremblay: C'est mon tempérament. Je suis très détendu. On fait des téléconférences pour dire à la population qu'on va l'écouter, mais c'est parce qu'on ne veut pas la voir manifester à côté. Cela nous dérangerait. C'est une vision des choses.

Le rôle du gardien de la démocratie, c'est de dire au gouvernement qu'il s'est peut-être trompé. Est-ce qu'il y aurait moyen de voir les choses autrement? Même si vous avez consulté la population, je m'aperçois qu'il n'y a pas consensus. Quand on fait des coupures, c'est normal qu'il y ait des manifestations. À un moment donné, il faut être capable de mettre de l'eau dans son vin quand cela ne marche vraiment pas. On est en train de tuer l'économie d'un pays.

Il y a quelques mois, j'étais de l'autre côté de la clôture. J'écoutais les nouvelles au sujet de la consultation du gouvernement sur l'assurance-chômage. Il écoute le peuple. C'est intéressant. Me voici maintenant à un comité qui doit pratiquement conclure ses débats. Cela fait cinq mois qu'on écoute la population, et il faudrait faire vite. Nous, on a une marchandise à livrer. Dans le travail, en fin de compte, ce qui est important, c'est la forme. Pour le détail, on s'organisera plus tard. C'est une autre chose, d'ailleurs. Là on nous dit qu'on a cinq minutes pour en parler. Je pense que c'était une partie extrêmement importante.

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Le secrétaire parlementaire nous dira demain que nous nous sommes rendus jusqu'au deuxième article, et il y en a qui diront que ceux du Bloc québécois font perdre leur temps aux gens. C'est parce que c'était les définitions.

Je me demande parfois si c'est l'homme qui est au service de la loi ou la loi qui est au service de l'homme. Dans un an ou deux, quand la loi sera modifiée, on aura encore des situations conjoncturelles où les gens se demanderont comment interpréter la loi. Les interprétations varieront. Il faudra aller en cour pour trancher sur ce que les législateurs voulaient dire.

Nous reviendrons au débat initial pour constater ce que les gens voulaient dire dans la loi. Ça va arriver tellement souvent que cela va coûter des millions de dollars, et on est en train de nous dire qu'on fait perdre de l'argent aux contribuables.

Il y a un paradoxe. S'il y en a un qui est prêt à parler de l'avenir, c'est bien moi. Ma mère m'a toujours dit que le travail bien fait maintenant, on n'a pas besoin de le refaire plus tard.

Mme Lalonde: Ah, les mères!

M. Tremblay: Ah, les mères, oui! Je ne suis pas un fanatique qui veut changer les virgules de place, mais dans le cas d'une loi comme celle-là, qui aura un si grand effet, il vaut la peine de le faire.

J'ai l'impression que le secrétaire parlementaire nous fera passer demain pour des gens qui cherchent à rire du gouvernement et à lui faire dépenser de l'énergie. Je suis à peu près sûr qu'il va réussir auprès d'une certaine partie de la population.

Vous auriez dû le voir tantôt, madame Lalonde; il était vraiment persuasif. Il est peut-être allé se reposer et arrivera demain devant les médias. Watch out!. Ce sera très impressionnant. J'espère que les médias vont aussi aller du côté des bloquistes pour avoir leur point de vue.

Tout à l'heure, j'ai été très impressionné du travail du secrétaire parlementaire. Je me suis senti coupable et je me suis demandé ce que je faisais ici. Quand je reviens les deux pieds sur terre, cela me déçoit beaucoup.

Si, au salaire que vous faites, vous n'êtes pas prêts à travailler, alors écoutez: il y a plein de gens de mon âge prêts à faire ce travail, à ce salaire-là surtout et dans ces conditions de travail incroyables. On a des conditions incroyables, mais on n'est pas prêt à mettre cinq minutes pour discuter des amendements. Je suis venu ici pour travailler et j'y passerai la nuit s'il le faut.

Quand j'ai été élu, c'est comme si j'avais une mission à remplir. Aujourd'hui, j'aimerais bien mieux dormir, mais on m'a donné l'honneur et le mandat de veiller à ce que le gouvernement fasse du bon travail.

Je sais que ce n'est pas facile, gouverner, que c'est bien plus facile d'être dans l'opposition. Quand il y a des manifestations, tu peux aller serrer la main aux manifestants. Je salue le travail du gouvernant parce que je ne l'ai jamais été. Je commence à jouer mon rôle dans l'opposition. Je suis à peu près certain que ce n'est pas facile, mais le travail doit se faire.

Tout ça m'amène à vous parler des jeunes. Jusqu'à maintenant, je vous ai dit que j'ai déjà été chômeur. Je la connais, la réalité. Ce matin d'ailleurs, j'ai la chance d'avoir le projet de loi dans mes mains.

À un moment donné, le chef du syndicat a dit qu'il fallait aller manifester et les gens ont répondu que cela ne leur tentait pas, que c'était dimanche et qu'il faisait froid. Mais ensuite ils se sont demandé ce qu'ils pouvaient faire pour leur collectivité. Ils se sont dit que ce serait bien d'aller manifester pour qu'il y ait plus de gens dans la rue.

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Ils ont décidé d'aller se geler en gang et que s'il faisait froid, cela montrerait au gouvernement qu'ils trouvent que la réforme n'a pas de bon sens.

Mais là, mon travail est complètement différent. Je ne suis pas allé manifester contre la réforme de l'assurance-chômage parce que j'étais en campagne. Ne pensez pas que j'ai fait ma campagne électorale sur le dos de l'assurance-chômage, sur le dos du budget ou des libéraux. Je suis l'un des rares candidats à ne pas avoir parlé contre ses adversaires.

J'ai eu l'incroyable chance ce matin, à 22 ans, de me lever de mon lit d'hôtel très douillet en étant certain d'avoir un repas demain. Mais je dois rester les deux pieds sur terre et penser à ceux qui n'ont pas cette chance. Je parle d'avoir une vie normale, une certaine sécurité d'emploi. Mais la réalité, c'est que les gens ne savent pas s'ils seront capables de boucler leurs fins de mois.

Prenons le gouvernement Chrétien, lorsqu'il était dans l'opposition. Dans l'opposition, on gagne le salaire d'un député, et c'est peut-être ce qui nous fait perdre le sens de la réalité. Je serai peut-être une autre victime de cela, mais j'aurai représenté la population pendant au moins une nuit. En tout cas, j'espère que je vais le faire pendant encore cinq ou six ans. Pour l'instant, j'ai les deux pieds sur terre et je représente ceux qui les ont dans la misère.

J'ai la chance de discuter du projet de loi avec les hauts fonctionnaires devant moi; je les respecte et je trouve admirable qu'ils soient encore ici ce soir mais, en fin de compte, c'est leur travail.

Quant à moi, j'ai le projet de loi dans mes mains et je me dis que ce serait intéressant de pouvoir changer des choses. Mais non, il faut faire vite parce qu'on a une marchandise à livrer et, si on ne la livre pas, il va y avoir encore des manifestations.

Cela m'amène à vous parler de la précarité de l'emploi. Il y a trois ans, j'étudiais au cégep et l'été je travaillais, ce qui faisait que je pouvais me ramasser des timbres d'assurance-chômage. Pas beaucoup d'étudiants ont eu cette chance, mais toujours est-il que je me suis retrouvé pilote de brousse à l'âge de 19 ans. À 19 ans, j'étais pilote professionnel. J'étais travailleur saisonnier, mais j'avais la chance d'étudier l'hiver.

Mais cela ne me fait pas perdre de vue la réalité parce que, quand on est jeune et qu'on quitte l'université, on est bien souvent endetté de plus de 20 000 $. C'est la réalité des régions.

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Je dis qu'on s'endette de 20 000 $ ou 30 000 $. Il y en a qui disent qu'on exagère peut-être. Non. Quand on part des régions éloignées pour venir s'instruire à Québec ou à Montréal et qu'on loue un appartement, on dépense 10 000 $ par année.

De plus en plus, les jeunes entrent dans une période obscure où ils ne sont même pas capables d'obtenir des timbres d'assurance-chômage. Ils sortent de l'université endettés par-dessus la tête. Il m'arrive même de dire que ce n'est pas au gouvernement de créer de l'emploi. Le gouvernement doit être là pour soutenir les initiatives créatrices d'emplois dans la société. Quelques-unes sont bonnes. Je salue l'initiative des programmes de démarrage d'entreprises pour les personnes qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage.

Le problème, c'est qu'on est prêt à aider ceux qui sont sur l'assurance-chômage, mais pas la serveuse qui travaille dans un restaurant à 6 $ l'heure; elle n'a pas d'assurance-chômage et elle aimerait se sortir de cette situation.

J'ai souvent dit durant ma campagne qu'il serait important que les jeunes comprennent qu'ils ne sortent plus de l'université pour se trouver un emploi, mais bien pour s'en créer un. Mon discours n'est pas celui d'un syndicaliste, mais les étudiants nous disent tous qu'ils ne reçoivent pas de prestations d'assurance-chômage. Il faut participer au régime de bien-être social ou d'assurance-chômage pour bénéficier de ces programmes de démarrage d'entreprises.

J'ai eu la chance d'avoir assez de timbres d'assurance-chômage pour pouvoir bénéficier du programme ATI. Cela me permettait de continuer de recevoir des prestations assurance-chômage pendant un an. J'aurais peut-être pu la démarrer, mon entreprise. Si je n'avais pas été élu, c'est ce que j'aurais probablement fait cet été.

Avec la nouvelle réforme, je n'aurais pas pu rêver de me lancer en affaires. Tout ce que j'avais, c'était 8 000 $ pour me lancer en affaires. C'était sans compter qu'il fallait que je continue à vivre.

Quand on est jeune aujourd'hui, il faut quasiment rêver qu'un jour, on aura assez de timbres d'assurance-chômage pour au moins avoir une certaine sécurité. Il est tellement difficile de répondre aux normes pour se qualifier pour l'assurance-chômage que c'est pratiquement une réforme pour la génération qui précède la nôtre.

Nous nous sommes donné des programmes sociaux, et j'ai l'impression que ma génération est en train de les perdre.

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Dans ma région, couper l'assurance-chômage bloque carrément l'économie et la roue ne tourne plus. Pensez-vous que j'ai de l'espoir quand je pense que les régions périphériques sont complètement oubliées du système fédéral?

Je ne voudrais pas faire de conflit de générations. Je ne suis pas le genre de gars à se tourner vers le passé pour regarder ce qu'ils ont fait et chialer par la suite. Je veux apporter des solutions.

Vous avez connu les hôpitaux tout neufs, les routes neuves. Aller à l'université ne posait pas de problèmes. Même si vous vous endettiez un peu, les employeurs venaient vous chercher à la fin de vos études. Il n'y avait pas de problème.

On se donne des programmes sociaux incroyables. On gaspille, on gaspille. Vous allez dire que maintenant, on parle de faire des coupures. À mon avis, c'est une coupure qui arrête l'économie. Je sais mettre de l'eau dans mon vin et je dis oui aux coupures, mais pas n'importe lesquelles.

Dans le passé, avec les libéraux, on s'était dit qu'on allait se donner un super État-providence et gaspiller, mais on s'est retrouvé très endetté. On nous propose ici une réforme qui va ralentir davantage l'économie, en tout cas dans ma région.

Il ne faut pas oublier que je représente mon comté d'abord. Je sais très bien que, dans ma région, cette réforme aura des répercussions très néfastes. Je veux tout simplement dire que ce qui s'est passé antérieurement est décevant.

On regarde la dette et on se dit: «Ce n'est pas grave. À 55 ans, j'aurai ma pension. J'en suis à mon troisième mandat et je pense avoir fait du bon travail. Je me suis donné. J'ai même passé des nuits à discuter sur certains projets de loi. J'ai un bon régime de pension».

Je suis préoccupé et je ne suis pas le seul. Je me retrouve avec des programmes universitaires qui coûtent une fortune. Je ne sais même plus si j'aurai la chance de m'inscrire à ce régime d'assurance-chômage qui sera réservé à une autre génération.

Je sais que vous êtes sensibles à ça. Vous avez probablement des enfants de mon âge ou peut-être plus vieux. S'ils sont plus vieux, ils ont eu la chance ou la malchance de s'inscrire à un régime d'assurance-chômage et d'avoir une sécurité. Mais ceux de ma génération sont un peu angoissés.

On dit que tout ce que les jeunes font, c'est prendre de la drogue et boire de l'alcool. On est découragés. On est justifiés de l'être à l'occasion, quand on voit que certaines générations ont eu bien du plaisir avant nous. C'est la première fois dans l'histoire qu'une génération vivra plus pauvrement que celle qui l'a précédée.

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Je ne veux pas vous faire sentir coupables, loin de là. Je me dis que j'ai l'incroyable chance de parler à des gens qui sont peut-être les auteurs de l'erreur. Peut-être n'aurais-je pas fait mieux d'ailleurs. J'en suis conscient. Mais c'est vous qui avez fait partie de l'histoire de ce temps-là. Et puis quand même je vous dirais que c'est décevant... Tout cela pour vous dire que j'avais deux choix: baisser les bras ou me relever les manches. Je me suis relevé les manches, sacrebleu! Je me suis relevé les manches et je me suis demandé ce que j'allais faire: chialer ou bien me lancer en politique. C'est ainsi qu'aujourd'hui vous voyez devant vous une espèce de clown de 22 ans qui vient prendre la parole.

Il y en a peut-être qui se disent que je ne suis qu'un blanc-bec qui suit la ligne de son parti, qu'on a dû prendre par la main après son élection et lui faire dire que cette réforme n'avait pas de bon sens. On a dû lui conseiller de répéter tout ce qu'on lui indiquerait.

Eh bien, non! Voyons! Je suis bien trop... Je me suis lancé en politique parce que je croyais que ma génération avait son mot à dire, cette génération qui est parfois si désespérée. J'ai décidé de foncer au lieu de baisser les bras et de chialer.

Je peux vous dire que ça n'a pas été facile. Je peux vous dire que j'ai eu des maux d'estomac et que j'ai passé des nuits blanches. Celle-ci n'est pas la première. Avant de me lancer en politique, j'en ai passé des nuits blanches. Je me demandais ce que les gens allaient dire.

Heureusement, j'avais la compensation de savoir que j'étais dans un bon parti. Je me suis dit que j'avais pris le risque de me lancer en politique parce que le Bloc québécois avait une assez grande ouverture d'esprit pour m'accepter. J'allais ajouter quelque chose mais je ne le ferai pas, par respect.

J'ai fait le grand saut pour venir mettre la main à la pâte. C'est pour cela que quand je me suis levé à trois heures ce matin, ça ne me dérangeait pas. Je sais que je vais passer une nuit blanche à essayer de sensibiliser un gouvernement qui a peut-être perdu le sens de ce que c'est pour un individu d'être endetté, d'avoir à subir un examen qu'on étudie depuis une semaine en espérant réussir son bac, même si on est endetté.

Je suis en train de me demander pourquoi je la passe, cette nuit blanche. De toute manière, je n'aurai même pas d'emploi en quittant la politique. Je fais partie d'un système complètement chaotique. Mais ce n'est pas grave. Il y a des étudiants, au moment où on se parle, qui se sont levés ce matin à 5 heures pour étudier en vue de leur examen.

J'ai l'incroyable chance d'avoir pu me lever à 3 heures du matin pour parler à un gouvernement qui s'endort sur des propos dramatiques. Si je peux le faire une semaine, je vais le faire une semaine. Je n'ai qu'à penser à ces étudiants qui sont en train d'étudier.

Je ne voudrais pas faire un discours à la Michel Louvain, mais je suis un peu déçu qu'on parle d'une réforme de l'assurance-chômage, de la vision de l'assurance-chômage. D'ailleurs, si on revient à l'étymologie latine du mot «chômage», on voit que comare signifie se reposer quand il fait chaud.

J'ai l'impression que le gouvernement actuel s'est basé sur cette définition. Il nous arrive de penser que les chômeurs sont des gens qui se reposent quand il fait chaud. L'an dernier, j'étais dans le nord du Québec comme pilote de brousse. Je transportais les travailleurs, les pêcheurs, les chasseurs, toutes sortes de types avec qui je discutais.

J'accumulais des timbres d'assurance-chômage, parce que comme pilote de brousse... Malheureusement, les lacs gèlent en hiver et on ne peut amerrir sur un lac gelé. Donc, l'été, au lieu de me reposer pendant qu'il faisait chaud, je travaillais à plus de 30 degrés, et j'étais surtout accompagné par les mouches. Ici, à Ottawa. vous ne connaissez même pas la couleur d'une mouche noire, mais dans le Nord du Québec, la réalité est tout autre.

.0455

Je ne voudrais pas parler des mouches noires ici aujourd'hui, mais de leur effet sur les travailleurs. Je m'excuse si je souris; c'est parce que...

Une voix: On pense à ce que c'est.

M. Tremblay: C'est incroyable. Je suis juste en train d'imaginer la situation à laquelle j'avais à faire face cet été. J'aimais piloter. C'est «trippant». Parfois, on se levait à 5 heures du matin et on se couchait à 6 heures le soir. Dur labeur, me direz-vous. De fait, pour le salaire que je gagnais, je travaillais dur. C'était difficile, répondre aux clients dans les mouches noires et dans la chaleur.

Aujourd'hui, ma situation est tout autre. Ma situation est justement de vous faire part, comme nouveau député, de ce qu'est la réalité. De plus, on vient nous dire qu'on vous fait perdre votre temps. D'accord, à première vue. Je suis à peu près certain que le secrétaire parlementaire, lorsqu'il fera son exposé demain, dira que le Bloc québécois a fait perdre du temps à bien des gens. C'est vrai qu'il en est ainsi, à première vue, mais vous savez que si on avait consacré seulement cinq minutes à chacun des articles... Prenons-en un seul. Et il y en a 180, je crois.

Mme Lalonde: Il y en a 190.

M. Tremblay: Il n'en faut qu'un pour qu'à un moment donné, dans un avenir assez rapproché, à court ou à moyen terme, un chômeur se voit refuser par un fonctionnaire les prestations d'assurance-chômage auxquelles il a droit, parce que c'est écrit ainsi dans la loi.

Oui, on a consulté la population. Oui, on a fait sûrement un gros travail. Je suis impressionné quand je vois une grosse brique comme celle-là. Mais l'opposition joue le rôle de gardien de la démocratie. Je le dis pour ceux qui ne m'écoutaient pas plus tôt. Pour moi, l'opposition est le gardien de la démocratie. Il serait intéressant que l'opposition dise qu'il faudrait examiner certaines définitions qui n'ont pas l'air adéquates.

On a parlé plus tôt de l'article 2 qui contient les définitions. Or, on sait très bien que ces définitions pourront se retrouver dans les 190 autres articles. Donc, il me semble fondamental et d'une importance capitale que les définitions... Il faut établir un langage.

On me dit qu'il faut consacrer seulement cinq minutes à cet article. S'il fallait que j'aille dans la rue manifester ou bien que je retombe dans ma situation antérieure, et que je doive me dire que mon gouvernement a, bien sûr, consulté la population mais juge maintenant que cinq minutes sont suffisantes parce qu'il faut accélérer... Je reconnais que cela prend du temps. Cependant, nous avons choisi de vivre dans un système démocratique qui donne aux gens le droit de s'exprimer.

Je ne veux pas m'exprimer pour faire perdre du temps ou pour le plaisir de discuter, mais plutôt pour... C'est quoi, passer une nuit debout pour vous dire que cela n'a pas de bon sens?

En tout cas, je ne sais pas s'il y a encore des gens qui m'écoutent à cette heure-ci.

Mme Lalonde: Oui, oui.

[Traduction]

Une voix: Que proposez-vous? Si vous ne faites pas partie de la solution, vous faites partie du problème. Que proposez-vous?

[Français]

M. Tremblay: C'est un très bon point. Seriez-vous prêt à rediscuter de l'article 2? Cela ne me dérange pas. Je vous fais un discours d'ailleurs sur...

[Traduction]

Une voix: Ce que vous jugerez important.

[Français]

M. Tremblay: Parfait. Alors, on pourrait se remettre au travail. Mme Lalonde connaît la musique. Je suis d'accord sur le fait - je vais être bien honnête avec vous - que je viens d'arriver. La loi, je ne la connais pas autant que mes collègues qui y ont travaillé avec vous. Toutefois, j'ai aujourd'hui la chance de vous parler de la réalité.

Vous avez mis cinq mois ou à peu près à consulter la population, et en fin de compte... C'est presque le propre d'une dictature que de n'en faire qu'à sa tête après avoir consulté la population. Bang! on passe le projet de loi.

.0500

Je suis bien d'accord avec vous qu'il faille apporter des solutions, mais si vous me le permettez, je vais demander à Mme Lalonde... Je peux présenter des amendements sur un plan général, mais pour ce qui est des détails, je suis ici justement pour cela. Je suis prêt à discuter de l'article 2 , mais on ne s'est pas entendus sur l'importance qu'il fallait lui accorder et sur le temps qu'il fallait y consacrer.

Je suis prêt à commencer à travailler dès maintenant sur les définitions et à ce qu'on y travaille tous ensemble. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle je suis entré dans ce gouvernement; c'est pour qu'on travaille ensemble.

Je ne suis pas venu ici pour vous mettre des bâtons dans les roues, mais pour travailler et je le ferai avec plaisir. Ce soir, justement, j'étais venu pour travailler. C'est d'ailleurs le premier comité auquel j'assiste et on m'avait dit que c'était plaisant de travailler en comité.

Actuellement, ce qu'on connaît de la politique à la suite de la médiatisation, c'est qu'il y a différents partis qui se disputent et qui créent des frictions dans la population.

J'ai été agréablement surpris de voir que la réalité était différente. Les libéraux parlent aux réformistes et les réformistes parlent à tout le monde.

Une voix: Pas beaucoup.

M. Tremblay: Peut-être seulement certains.

J'ai été heureux de constater la complicité qui existait entre les députés. C'est fantastique et ça devrait être dévoilé. Dans le moment, on a l'impression que les peuples se détestent. Mais non, on est capables de s'asseoir à une table et de discuter.

On m'avait dit que dans les comités, ce n'était pas comme à la période de questions, qu'on y travaillait ensemble et que les gens écoutaient ce que les autres avaient à dire. Je suis agréablement surpris et très heureux. On m'a dit cela quand je suis arrivé. J'ai pu voir que les relations entre les députés étaient très bonnes et j'en suis fort heureux. J'espère qu'il en sera toujours ainsi.

Même dans un État souverain, j'espère qu'on continuera toujours à se parler, car je crois que le peuple canadien-anglais est un super bon peuple. Enfin, nous parlerons de cela une autre fois.

Ce soir je m'étais dit que ce serait plaisant, qu'on pourrait parler de la réforme de l'assurance-chômage. Il n'y a pas de caméra, et on va pouvoir parler comme des représentants de la population.

Je suis prêt à discuter de certaines choses. Cependant, certains de mes collègues qui connaissent davantage la réforme proposée auraient certains amendements et des suggestions à faire. Or, ils se sont fait dire que ça représentait une perte de temps et qu'il ne fallait pas parler plus de cinq minutes. Mon collègue de l'Abitibi, mon cousin de l'Abitibi - vous savez que le Lac-Saint-Jean et l'Abitibi se ressemblent pas mal - disait que cinq minutes par article équivaudraient à environ 20 secondes par personne.

Je suis bien d'accord qu'il faut fonctionner efficacement et rapidement. Cependant, je pense que c'est un manque de respect. Je n'ai pas besoin de vous répéter quelles pourraient être les conséquences néfastes de - mon Dieu que je manque de vocabulaire à cette heure-ci - botcher... Je ne sais pas si c'est un terme local. Vous savez, dans ma région, on invente souvent des mots. Enfin...

Mme Lalonde: C'est un mot anglais.

M. Tremblay: Ah, c'est un mot anglais. Donc, vous le comprenez. «Bâcler» serait peut-être un meilleur terme. Donc, je parlais des conséquences de bâcler certains travaux.

Mme Lalonde: En tout cas, tu les fais tous sourire. C'est parfait.

M. Tremblay: Vous savez, j'ai de la difficulté à comprendre une chose. Je vais vous parler comme lorsque j'étais de l'autre côté de la clôture. Quand je parle de la clôture, c'est la clôture entre les members of Parliament et the population.

Parlons de la population. On nous dit qu'il y cinq milliards de dollars dans la caisse d'assurance-chômage et on nous dit qu'il faut couper là-dedans. C'est bizarre. C'est très bizarre. En tout cas, c'est à vous de le déterminer.

[Traduction]

Je me demande si vous m'écoutez encore. Je devrais peut-être changer de langue. Comme l'a dit le secrétaire parlementaire, c'est une bonne occasion pour moi de pratiquer mon anglais, parce que, comme vous le savez, au lac Saint-Jean, peu de gens parlent anglais.

Mais je pense avoir l'esprit ouvert. Je ne sais pas si c'est le mot juste. J'ai l'esprit ouvert, car même si je suis séparatiste, je voulais apprendre l'anglais car je pense qu'il est important d'apprendre une autre langue, de comprendre l'autre nation et ses aspirations. Alors, quand j'ai atteint l'âge de 17 ans, je me suis dit que j'aimerais apprendre l'anglais; je voulais comprendre.

.0505

J'étais fédéraliste auparavant. Je suis allé en Saskatchewan, où j'ai vécu avec une famille. Je suis allé à l'école à Saskatoon, et je pense que c'est un endroit formidable. Je pense que les gens de là-bas sont sensationnels et qu'ils ont une culture hors pair. Puis je suis allé à Banff, en Alberta - un autre endroit que j'ai beaucoup apprécié - et j'y ai travaillé comme domestique.

Une voix: Dans quel bar étiez-vous à Banff?

M. Tremblay: C'était dans la ville de Banff.

[Français]

Une voix: Non, il te demande dans quel bar tu étais.

[Traduction]

M. Tremblay: Non, je travaillais comme domestique près de l'extrémité du Parc national de Banff. Je voulais me faire de l'argent pour aller à Vancouver.

Puis, j'ai pris le train de Vancouver et je me suis arrêté à toutes les villes du Canada, sauf pour les Maritimes. Je regrette beaucoup de ne pas être allé dans les Maritimes, mais j'espère avoir l'occasion d'y aller.

Tout ceci m'amène à vous dire qu'après avoir traversé le Canada, je pense que vous avez un pays merveilleux.

Une voix: Bravo! Nous vous obtiendrons un passeport. Peut-être en aurez-vous besoin.

M. Tremblay: Je suis Canadien pour l'instant, mais je pense que le Canada ne fonctionne pas.

Monsieur secrétaire, ce soir vous me décriviez votre vision. Votre vision diffère un peu de la mienne, ce qui est très bien, et ce qui me ramène à la mienne. Je veux coopérer avec vous quand nous parlons du même sujet, mais parfois je me dis que ce serait si simple s'il y avait deux pays. Nous pourrions faire tout ce que nous voulons faire, et vous auriez votre réforme. Très bien. Pourquoi ne faisons-nous pas cela?

De toute façon, je ne suis pas ici pour parler des problèmes de ce pays, parce que cela va susciter encore une autre discussion. Plutôt, je suis ici pour... Ah oui, je me souviens. J'étais en train de vous dire que je parle anglais maintenant.

Il disait que ce serait excellent pour pratiquer notre anglais. Il a raison, et je pense que tout le monde devrait faire cela. Mais ce n'est pas de langue dont je veux parler.

Une voix: Le bill 101. Voilà ce dont nous parlions.

M. Tremblay: Non, je ne vais pas parler de cela. Je parlais de cette réforme.

Je respecte tout le monde, mais je pense que nous nous sommes simplement trompés. Peut-être ne devrais-je pas dire «nous». J'aimerais bien pouvoir dire «nous», car ce serait tout simple. Regardez ce jeune homme, il arrive à la Chambre des communes et maintenant il va nous annoncer qu'il sait tout sur tout. Ce serait très facile de dire: Oh, regardez-moi, regardez-moi!

Excusez-moi, car je ne sais pas ce que vous pensez de ce que je vous dis. Je pense que c'est un sujet très sérieux, bien que je rigole. C'est parce que je suis fatigué.

Ce que j'essaie de dire, c'est que je m'identifie étroitement à tous ces gens que vous avez consultés - je ne sais pas si on peut parler de «consultation» ici - à propos de ce pays, mais vous dites que vous les avez écoutés et que quoiqu'il en soit, vous pensez toujours que votre réforme est supérieure à notre vision, même si nous pensons qu'elle va porter un coup terrible à l'économie de ce pays.

J'essaie donc de vous dire que parce que j'ai connu comment c'était de l'autre côté de la clôture, alors que je travaillais d'arrache-pied comme pilote de brousse dans le nord du Québec, et du fait de mon expérience en tant que député - je sais qu'il y a peu de députés qui ont eu la chance ou la malchance de recevoir des prestations d'assurance-chômage - mon rôle ce matin est de vous décrire la réalité.

.0510

Je nourris l'espoir que si vous ne pouvez pas comprendre ce que la population vous a dit, ma présence ici - bien que je continue d'être un citoyen ordinaire, le député est un peu différent - saura vous atteindre... Oui, je suis d'accord. Je continue de penser de la même façon, mais parfois quand j'arrive ici à Ottawa j'ai l'impression d'être dans un autre monde, un monde différent du monde dans lequel nous vivons normalement.

Je vous prie d'excuser mon anglais. C'est très difficile de parler dans une autre langue que la sienne quand on est fatigué.

[Français]

Je vais parler un peu en français. Quand on arrive dans un système gouvernemental comme celui-ci, on s'aperçoit que même si les députés sont encore des citoyens, ils ne sont pas ici dans un milieu qui reflète vraiment la réalité. C'est un autre monde. D'ailleurs, je pense que c'est un monde qui ne s'est pas vraiment modernisé. Il y aurait lieu d'effectuer certaines réformes dans ce système.

L'espoir que pourrait susciter la réforme, je l'entrevois peut-être dans un Québec souverain où j'aurais à réformer le système parlementaire de Québec. Parfois, quand on s'aperçoit que le système ne fonctionne pas, on peut croire que ce sont les personnes qui le dirigent qui font défaut. C'est peut-être cela qui nous amène à avoir des gouvernements qui fonctionnent par rotation. On ne se questionne pas assez sur le système lui-même. C'est peut-être lui qui ne marche pas.

C'est peut-être le système qu'il faudrait changer. Je commence à croire sincèrement que le problème provient du système dans lequel on vit. C'est lui qu'il faudrait changer. La souveraineté du Québec serait une belle occasion de le faire. En effet, on sait très bien, actuellement, que des changements à la Constitution, au Sénat... Je ne voudrais pas en parler, mais je m'aperçois très bien que le système nous impose encore des sénateurs, une monarchie. D'ailleurs, le prince Charles est ici aujourd'hui, je pense.

Je viens de terminer une campagne électorale pendant laquelle toute la population me disait d'aller réveiller les sénateurs ou bien encore de l'en débarrasser.

Je pense que plusieurs députés ne croient plus vraiment au système sénatorial, qu'on n'est pas capable de changer. Il n'y a pas de problème. C'est trop compliqué. Il faudrait rouvrir la Constitution et si on touche à la Constitution, le Québec sera là et ce sera trop compliqué. On s'obstine entre deux peuples.

Je vois la solution à cela. Vous le voulez, votre Sénat? Gardez-le, votre Sénat. C'est bien. Je respecte votre opinion. Je respecte tout le monde. Je suis pour la chute des barrières. On pense qu'avec la souveraineté, un mur sera érigé. Il n'en est rien. Je vais continuer à aller voir ma famille adoptive en Saskatchewan. Au lieu d'ériger un mur, on fait tomber un mur. Au contraire, on fait tomber le mur du mensonge.

Chaque peuple va dire qui il est, comment il veut gérer sa société et tout ira mieux. On se respectera chacun de son côté. C'est ma manière de voir les choses. C'est un peu l'espoir que j'ai de pouvoir changer le système parlementaire qui, selon moi, ne se modernise pas assez, mais on le dit quand même démocratique. Mais il y a des choses qui pourraient être changées.

J'espère que je n'oublie pas de points ici. J'espère que vous arriverez à cette réalité qui est bien présente, mais pas rose malheureusement.

.0515

Il m'a fait plaisir que vous m'écoutiez avec autant d'attention. D'ailleurs, cela m'a fait plaisir aussi, parce que c'est mon premier discours et mon premier comité. Je pense que j'aurai été bien initié.

Je ne voudrais pas me lever demain et lire dans les journaux que le Bloc québécois a fait perdre un temps incroyable au gouvernement. Il n'en est rien. Si c'est ce que vous pensez, demain matin, je me lèverai fier - je ne me lèverai pas parce que je ne me serai pas couché - , et non pas parce que j'aurai fait une activité marginale qui tient un peu de la folie.

Il pourrait exister un règlement qui oblige à ajourner à minuit; ça donnerait le même résultat. Mais, pour le moment, il faut continuer à parler. On ne discutera pas de la marginalité de cette activité dont, d'ailleurs, certains députés du gouvernement s'empresseront de souligner l'aspect marginal afin de nous faire passer pour des fous.

Mme Lalonde: Ils en ont fait des pires.

M. Tremblay: C'est vrai! L'histoire le dit probablement.

Selon le système en place, on ne peut pas ajourner de minuit à huit heures pour aller dormir. Je pense que tout le monde aurait été d'accord sur cela, mais on ne peut pas changer le système. Changer le système, c'est trop compliqué.

Je répète ce que j'ai dit au début de mon discours: est-ce que c'est l'humain qui est au service de la loi ou la loi qui est au service de l'humain? Il faut se questionner constamment. D'ailleurs, c'était une de mes questions. Ce sont des questions qu'il faut se poser constamment.

C'est une question que je me suis posée et qui m'a amené à être déçu du système. L'option qui m'est offerte maintenant, c'est de me donner un pays. Peut-être pas un pays, parce que certains savent que je ne suis pas un souverainiste pur et dur. Quant à moi, il n'y aurait pas de pays et on vivrait en paix. Pour moi, un pays, c'est un système de gestion adapté à sa population. Pour moi, la souveraineté, c'est pour se donner un système de gestion d'une partie de la population qui pense différemment.

Je suis prêt à continuer à travailler avec les Américains, les Européens, tout le monde. Je ne m'érige pas un mur, bien au contraire. Je parle d'une saine gestion. Dans une entreprise, quand ça va mal, il faut gérer d'une manière différente. Quand ça va mal, est-ce qu'on regarde la clientèle? Oui. On s'occupe de savoir s'il y a eu une administration judicieuse qui répond aux besoins du consommateur. J'ai toujours eu comme optique que le gouvernement ou le système devait fonctionner comme une entreprise; il doit être mobile. C'est ce que je veux faire avec la souveraineté du Québec. On est incapable de changer quoi que ce soit dans ce système fédéral et maintenant on m'offre la chance... On va se faire un pays, en famille, nous qui avons le même point de vue. Nous allons changer à notre manière.

Vous me direz que ce n'est pas tout le monde qui pense ainsi. Il y a 50 p. 100 de la population qui est contre cette option. Je vous dirai que dans ces 50 p. 100 qui ont voté Non, il y en aurait un bon nombre qui auraient voté Oui, mais qui ont peur. Ils ont une certaine crainte que le Canada anglais ne leur parle plus, que le Canada anglais leur soit hostile. J'espère bien que non. Oui, c'est une certaine peur, mais moi, je veux vivre en paix avec les deux peuples.

Oui, nous sommes un peu différents de vous. Je sais que certains Anglais n'aiment pas l'expression distinct society parce que cela leur semble un signe de supériorité. Je ne dis pas «supérieur». Je dis seulement que je pense différemment. Il arrive parfois que les gens aient des opinions différentes. D'ailleurs, je suis à peu près certain que Mme Lalonde est beaucoup plus à gauche que moi. Je suis plus à droite, je pense. Ce n'est pas grave. On peut s'entendre. On peut se respecter. C'est fantastique.

Nous, au Québec, nous voulons nous donner une gestion, un pays. Ce n'est pas parce qu'on n'aime pas les Canadiens anglais, loin de là. On veut se donner un système qui serait plus mobile et qui répondrait aux besoins de la population du Québec.

.0520

Ce n'est pas compliqué. Nous venons ici à Ottawa pour l'expliquer et on nous traite de country killers, whatever you think. Nous sommes les moutons noirs du Parlement, les tueurs de notre beau pays, de nos belles montagnes. Je ne veux pas tuer le pays, ni les Canadien anglais, loin de là. Je ne souhaite qu'une meilleure harmonie entre les deux peuples.

Ce n'est pas parce que le fleuve Saint-Laurent appartiendra au Québec que vous ne pourrez plus y passer. J'espère que ma famille qui se trouve en Saskatchewan et vous tous du Québec, de Vancouver et des autres coins du pays viendrez visiter ma circonscription et que nous pourrons encore discuter ensemble. C'est ce dont je rêve, c'est ce que je veux. Mais on nous fait passer pour ceux qui vont tuer la belle fédération canadienne. Cette fédération n'a pas fonctionné; on s'est trompé. Ne peut-on pas repartir à zéro, mais en faisant toujours preuve de respect? C'est ma vision du changement qu'on pourrait apporter au système, sauf que ce dernier ne fonctionne pas toujours bien.

J'ai été fasciné d'entendre l'allocution du secrétaire parlementaire. Il était si convaincant; je suis assuré que lorsqu'il s'adresse à ses commettants, il tient les mêmes propos. Si j'étais un Canadien anglais, je serais convaincu que mon député a raison. Nous avons de la difficulté à nous comprendre; nous avons des mentalités différentes. Il faut l'accepter, c'est tout. Que pouvons-nous faire dans ce contexte?

J'aimerais bien aller prendre un Pepsi ou une bière pour discuter à l'occasion de certaines choses, de différences de mentalité et même

[Traduction]

de changer de langue, de parler anglais. C'est bien, c'est une bonne chose, et j'aime parler anglais. J'étais trop vieux pour protéger ma langue, mais quoi qu'il en soit...

[Français]

Je ne tiens qu'à vous dire que je crois pouvoir travailler en harmonie, bien que le discours de tout à l'heure nous ait fait passer pour des fauteurs de trouble. Le fédération actuelle demeure un système immobile. Ce n'est pas ce que je désire. Je constate que nous sommes en quelque sorte des victimes, parce que cette loi n'est pas seulement contestée au Québec, mais partout au Canada. Et on nous dits fauteurs de trouble. Je trouve que nous faisons plus que ce qu'on est en droit d'attendre de nous; nous jouons le rôle de l'Opposition officielle. Est-ce vraiment le rôle du Bloc québécois? Nous pourrions en discuter.

Je représente ici les gens du Nouveau-Brunswick et de Vancouver qui partagent mon point de vue et estiment que ce projet de loi est peut-être trop sévère. On ne parle pas de cela; on ne dit pas que je ne suis pas le gardien de la souveraineté, mais celui de la démocratie. On voudrait me dépeindre comme un meneur de trouble, un briseur de pays, alors que ce que je veux, c'est que tout aille mieux pour nous tous.

Je crois déceler un soupçon de rage ce soir. Je suis très déçu des propos du secrétaire parlementaire qui semblait dire que tout ce que les Québécois désirent, c'est mener le trouble. Je me demande parfois pourquoi ce ne serait pas vous qui voudriez faire la séparation. J'espère que c'est ce qui arrivera. Il y a longtemps que vous auriez dû dire que si nous n'étions pas contents avec vous, nous aurions dû partir. C'est la même chose de notre côté. Nous resterons quand même bons amis. Du moins, c'est ma vision. Je veux rester en paix avec tout le monde.

Comme je le disais, j'ai travaillé à Banff. Je trouve que le pays, y compris les Rocheuses et les plaines de la Saskatchewan, est très beau et possède une riche diversité culturelle. Ce n'est pas parce que le pays se séparera que tout ceci va disparaître. Au contraire, ce sera accentué. J'espère que les cow-boys de Calgary resteront cow-boys, et que de notre côté nous continuerons d'aller à la cabane à sucre. Je parle de culture historique. Je ne veux pas tenir de propos simplistes. Je ne veux pas passer pour un briseur de pays. Je ne fais qu'apporter une solution différente.

On voit la séparation comme ça: le Québec va partir en bateau, puis on ne se verra plus. Au contraire, nous serons encore ensemble et nous continuerons de discuter. Je pense que ce sera très constructif.

.0525

[Français]

Comme je le disais, je ne joue pas vraiment mon rôle; je joue le rôle de l'Opposition officielle. J'ai bien hâte de lire ce que rapporteront les journaux demain. J'ai hautement apprécié que vous m'écoutiez attentivement ce soir; ce fut un immense plaisir. J'aurais encore des choses à dire, mais puisque j'ai déjà parlé un certain temps et que d'autres collègues se sont levés, je leur cède la parole.

Le président suppléant (M. McCormick): Merci beaucoup.

[Traduction]

Félicitations pour votre premier comité, votre premier discours en comité et votre premier exercice d'obstruction systématique des travaux du comité. C'est en quelque sorte le tour du chapeau.

Je suis certainement d'accord avec vous sur une chose: nous vivons dans un pays très pacifique.

Madame Tremblay, c'est maintenant à vous.

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Je suis heureuse d'apporter moi aussi une contribution au Comité permanent du développement des ressources humaines. C'est la première fois que j'ai le plaisir de venir à votre comité. Comme le disait Stéphane, je fais moi aussi ma première expérience d'obstruction parlementaire dans des circonstances bizarres. Je n'ai jamais vécu cela. Tout comme lui, je regrette un peu qu'il n'existe pas de recours un peu plus humain pour accomplir ce genre de travail. Nous faisons face à des personnes qui sont chargées de plusieurs mandats à la Chambre, connaissent la procédure parlementaire, ont déjà vécu ce que nous vivons aujourd'hui et comprennent le rôle que nous jouons ici.

Il n'y a pas si longtemps, en 1990, des députés qui font maintenant partie du gouvernement jouaient le rôle d'Opposition officielle que nous avons aujourd'hui. Ils ont parcouru le Canada dans toutes les directions, nous sensibilisant d'un océan à l'autre, tentant de convaincre la population que la réforme Valcourt n'avait aucun bon sens et serait faite sur le dos des démunis. C'était une réforme qui terrasserait l'économie des régions. On ne trouvait plus de mots pour qualifier cette réforme. On disait vouloir bloquer la réforme du gouvernement. Les gens sont descendus dans la rue et ont tenu des manifestations un peu partout. Je me rappelle les manifestations tenues dans ma région. J'ai même vu Mme Copps déchirer son chemisier sur la place publique. Elle faisait alors partie du Rat Pack et essayait de convaincre la population du Bas-du-Fleuve que cette réforme n'avait pas beaucoup de bon sens.

Nous nous retrouvons aujourd'hui exactement dans la même situation. Samedi dernier à 13 heures, je participais à une manifestation devant rassembler à Rivière-du-Loup des gens qui venaient d'un peu partout. Des gens sont venus de la région de Québec, de Bellechasse, de la Beauce, du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord et même Sept-Îles, de la Gaspésie, du Nouveau-Brunswick, de l'Acadie et de la péninsule gaspésienne. Les drapeaux du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l'Acadie et des villes de la péninsule gaspésienne flottaient. Cette foule de 5 000 personnes a marché paisiblement puis s'est rassemblée sur un terre-plein de l'autoroute où l'on pouvait toutes les rassembler. Ce terre-plein se trouve à l'embranchement de l'autoroute qui mène au Nouveau-Brunswick.

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Ce lieu de rassemblement, au carrefour des routes, était assez significatif, puisqu'on peut décider de continuer vers le Bas-Saint-Laurent et rejoindre la péninsule gaspésienne, ou de bifurquer tout de suite sur ce qu'on appelle l'autoroute - en réalité une route à deux voies - qui mène au Nouveau-Brunswick. C'est assez étrange qu'on ait réuni 5 000 personnes venant de ces territoires au carrefour de cette route afin d'entendre des discours.

On a entendu les discours classiques auxquels on s'attend dans ce genre de manifestations, dont celui des représentants syndicaux. Des représentants de la coalition, soit des gens qui s'occupent principalement d'action-travail - terme plus positif qu'action-chômage - ainsi que des représentants de certains groupes ont aussi pris la parole.

Quant tous les discours officiels prévus au programme furent terminés, une dame est montée sur l'estrade et a demandé à prendre la parole. Cette jeune dame de moins de 30 ans, qui portait fièrement le drapeau de l'Acadie, a livré un témoignage particulièrement émouvant à cette foule de 5 000 personnes. Elle dénonçait le fait que le premier ministre Chrétien n'était pas conscient des répercussions qui découleront de cette nouvelle réforme, laquelle est encore pire que celle de 1994 qui est déjà en place et qui est épouvantable. Son frère avait sombré dans le désespoir et s'était suicidé six mois plus tôt; son mari avait fait de même il y a deux semaines. Elle se demandait si c'était M. Chrétien qui allait maintenant prendre soin de ses deux enfants.

Un silence assez impressionnant régnait dans la foule de 5 000 personnes. J'en suis marquée de façon indélébile. J'ai été profondément attristée de voir qu'on pouvait se retrouver dans une telle situation et vivre des moments aussi intenses, aussi tragiques, de voir de près cette personne courageuse qui, malgré un physique assez frêle, a réussi à prendre la parole devant 5 000 personnes et crier son désespoir. J'en ai été profondément émue et touchée; je n'oublierai pas cette scène.

Ce qui était remarquable dans cette manifestation, c'était d'abord l'ordre dans lequel s'est déroulée la marche. Cette marée humaine de 5 000 personnes a marché pendant cinq kilomètres, dans les méandres des rues de Rivière-du-Loup, en chantant et scandant des slogans. Fort heureusement, il faisait très beau.

Ce qui était le plus difficile en se promenant dans cette foule ainsi rassemblée, c'était de sentir la violence qui bouillait à l'intérieur de ces personnes et de voir beaucoup de désespoir chez plusieurs d'entre elles. Elle ne voient pas comment elles pourront s'en sortir. Elles ont l'impression qu'ici, à Ottawa, nous sommes totalement coupés de la réalité profonde des régions, particulièrement celle de l'est du Québec et de l'est du Canada, et du Nouveau-Brunswick francophone, la partie pauvre de la province. Il ne faut pas avoir peur de se le dire.

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C'est la deuxième fois que les gens du Nouveau-Brunswick s'unissent aux Québécois et aux Québécoises pour venir manifester. Une fois sur le pont qui relie les deux provinces, près de la vallée de la Matapédia et de la région de Restigouche, on se sent très près du Nouveau-Brunswick, la frontière n'étant quand même pas très loin, dans le bas Saint-Laurent, dans la région de Rivière-du-Loup.

J'ai vu le désespoir de ces hommes et de ces femmes qui ont l'impression que nous vivons dans une bulle ici, à Ottawa et que nous ne savons pas ce qui se passe dans ces régions au-delà de la colline parlementaire. Ce sont des gens qui veulent travailler, qui ne veulent pas rester à ne rien faire. Les forestiers sont venus nous dire qu'ils aimeraient beaucoup travailler 12 mois par an. Mais qu'est-ce qu'on peut faire quand on ne peut pas être dans le bois parce que la neige nous empêche d'y aller? Que peuvent-ils faire? Ils nous demandent du travail.

Est-ce qu'on pense, par exemple, à créer des usines de transformation pour que les gens qui ne peuvent pas travailler dans le bois puissent sortir du bois et peut-être faire un autre travail à l'usine de transformation, sur place? Non, on pense plutôt à faire des ententes pour exporter notre bois, et ces ententes sont très mauvaises. L'entente concernant le bois d'oeuvre, par exemple, nuit considérablement à l'économie des régions exportatrices comme les nôtres.

Et qu'est-ce qu'on peut demander aux pêcheurs? Les pêcheurs nous disent: Qu'est-ce qu'on peut faire quand on ne peut pas pêcher, quand on n'a plus de poisson à pêcher? On peut voir les disputes qui ont lieu autour de la répartition des quotas de crabe, à l'heure actuelle. On se rend compte des difficultés auxquelles ces gens sont confrontés.

Il y a cependant une certaine complicité qui s'est installée entre les entreprises et les gouvernements. La General Motors a, par exemple, toujours eu l'autorisation de suspendre ses employés pendant un certain temps et de les mettre à l'assurance-chômage parce que cela permettait à la compagnie de faire des économies considérables et de rééquilibrer ses budgets. Les personnes qui mentionnent cela considèrent donc qu'il y a toujours une certaine complicité entre le gouvernement et ceux qu'ils appellent «les grosses poches», c'est-à-dire ceux qui ont de l'argent. Les gens ont donc maintenant du mal à comprendre pourquoi on fait cette réforme sur leur dos alors qu'on a l'air d'être complices avec les grosses entreprises qui font d'énormes profits et qui peuvent congédier les employés quand cela les arrange, alors que la petite entreprise essaie, avec difficulté, de créer deux, trois, quatre, cinq emplois pour finalement renvoyer une ou deux personnes parce qu'elle n'aura pas pu tenir son chiffre d'affaires et faire face aux problèmes.

Cette manifestation m'a beaucoup impressionnée. C'était la première fois que je ressentais ce genre de choses et pourtant, j'ai participé à plusieurs manifestations au cours de ma vie active. J'ai fait du syndicalisme pendant très longtemps et on organisait toutes sortes de manifestations et de boycottages. Très souvent, on réussissait, et je me souviens qu'on a même réussi à mettre un entrepreneur en faillite, ce qui nous a fait bien plaisir. Je vais vous dire franchement que cela a été une de nos grandes victoires parce que cet entrepreneur avait trop de mépris pour ses employés. Et quand vous organisez le boycottage d'une entreprise dans une ville comme Rimouski, il n'y a plus beaucoup de monde qui va acheter chez cet entrepreneur. Finalement, il a dû vendre son commerce.

Je voudrais vous faire part de ce que j'ai remarqué dans cette manifestation. C'était le potentiel de violence qui était en ébullition dans l'est du Québec et dans l'est du pays. Il ne faudrait pas dissocier l'est du Québec de l'est du pays parce qu'on sent qu'il y a une solidarité entre les Maritimes et le Québec.

D'ailleurs, il faut se rappeler que tout ce mouvement de protestation a commencé en décembre dernier, dans la propre circonscription de M. Young, où on a vu, télévisée en direct, une rencontre entre M. Young et ses commettants. Je ne sais pas si le Canada anglais a été informé de cette rencontre. Je sais que RDI l'a retransmise d'un océan l'autre, mais je ne sais pas si Newsworld et Radio-Canada anglophone l'ont fait.

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C'était très édifiant. Cette rencontre a duré plus d'une heure en direct. J'ai l'impression qu'on a dû mettre fin abruptement au reportage parce que M. Young se trouvait dans une situation de plus en plus mauvaise avec ses commettants qui lui reprochaient de ne pas tenir parole, de s'être fait élire sous de fausses représentations et de présenter une réforme qui n'avait absolument pas de bon sens pour l'Est du pays.

On a vu ensuite la manifestation se transporter dans les différentes circonscriptions des députés des régions francophones du Nouveau-Brunswick. On en a même vu un que RDI s'est fait un plaisir de nous montrer en direct. Le député a demandé l'aide de la police pour se dégager de ses commettants qui voulaient le passer à tabac.

Du Nouveau-Brunswick, cette manifestation s'est transportée ensuite au Québec. Il est très significatif de voir qu'elle n'a pas lieu dans l'Ouest canadien. L'Ontario a trop de choses à régler avec Harris pour avoir le temps de manifester contre le gouvernement canadien. C'est ce qui sauve le gouvernement canadien pour l'instant, parce qu'en Ontario, les gens trouvent leur gouvernement provincial plus horrible encore que le gouvernement fédéral. Donc, pour le moment, les gens de l'Ontario ne manifestent pas dans le même sens que le reste du Canada. De plus, dans l'Ouest canadien, le taux de chômage est tellement plus bas que dans l'Est du pays que les gens n'ont pas l'impression qu'ils ont besoin de manifester leur mécontentement de la même façon.

Mais il est probable que, lorsqu'ils se réveilleront en septembre prochain pour avoir droit à leur assurance-chômage, ils constateront que les choses ont changé avec la réforme.

Ce sentiment de désespoir qu'on pouvait lire chez les gens s'est traduit de plusieurs façons. D'abord, j'ai trouvé assez étonnant de voir un grand nombre de gens porter un masque à la manifestation, comme s'ils ne voulaient pas être reconnus, comme s'ils ne voulaient pas qu'on sache qu'un jour ils poseront peut-être un geste qu'on trouvera tous répréhensible.

Personnellement, j'ai parlé avec plusieurs manifestants pour les inciter au calme et au dialogue. Mais plusieurs m'ont dit qu'ils en avaient assez: «Nous sommes très fatigués de faire des manifestations, fatigués d'essayer de rencontrer nos députés pour leur expliquer nos réels problèmes, fatigués de faire des mémoires, fatigués d'envoyer des gens pour nous représenter, fatigués de participer à des audiences, fatigués, finalement, d'exister, parce qu'on ne nous entend pas et qu'on s'apprête à faire une réforme que les libéraux seraient les premiers à dénoncer s'ils étaient dans l'Opposition».

Les gens ont nettement l'impression que le gouvernement n'est pas à l'écoute de la population. Il est certain que nous avons posé plusieurs questions en Chambre, mais les gens nous ont dit que ce n'était plus le temps des discours. Ce n'est plus le temps d'essayer de trouver une façon quelconque de nous faire entendre et les discours ne passent plus.

Je suis convaincue que, si on ne fait pas quelque chose, et quelque chose de remarquable en termes de virage par rapport à cette réforme, les libéraux auront bientôt sur les bras une crise énorme à gérer parce que les gens sont vraiment désespérés. Plusieurs personnes sont au bout du rouleau. Je pense que le gouvernement libéral, le caucus libéral, ou certains des députés qui pourraient avoir encore une conscience sociale digne du Parti Libéral, devraient rencontrer les autorités de certaines régions du pays et se faire décrire la situation telle qu'elle est présentement.

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Vous savez, le fameux taux de chômage, c'est la plus grande comédie du siècle. On essaie de nous faire croire que dans telle région il y a 6 p. 100 des gens au chômage et 11 p. 100 à tel autre endroit.

J'ai toujours voulu démasquer sur la place publique cette façon idiote d'établir le taux de chômage et de se gargariser avec cela. Dans ma propre circonscription, le taux de chômage est de23 p. 100! Il y a des régions de la Gaspésie et du Nouveau-Brunswick où on dit qu'il y a 12 ou 13 p. 100 de chômage, ce qui tranquillise les politiciens. Mais le taux de chômage peut aller jusqu'à 33 p. 100. Quand on prend toutes les personnes en âge légal de travailler jusqu'à l'âge légal de la retraite, toutes les personnes qui voudraient travailler, qui sont aptes au travail mais qui n'ont pas de travail, on arrive à totaliser, dans certains endroits, 33 p. 100 de la main-d'oeuvre active qui est apte à travailler et qui ne travaille pas.

Arrêtons donc de nous gargariser avec des chiffres insignifiants comme 10, 11 ou 12 p. 100 de chômeurs et regardons la réalité en face. Vous vous êtes faits élire en disant jobs, jobs, jobs. Les gens nous l'ont rappelé à la manifestation. Même si je suis prête à reconnaître que, depuis que vous êtes au pouvoir, il y a eu 400 000, 500 000 ou même 800 000 jobs qui ont été créés au Canada, je dis quand même qu'avec un autre gouvernement au pouvoir, et même si nous avions été au pouvoir, les chiffres auraient été les mêmes.

Il faut arrêter de se gargariser et de dire qu'on est des créateurs d'emplois. On est en déficit d'emplois depuis plusieurs années. Dans les cinq dernières années du régime Mulroney, il manquait déjà 200 000 emplois par année parce qu'on a eu des périodes difficiles.

Quand vous avez pris le pouvoir, on était déjà en déficit d'environ un million d'emplois. Mes chiffres sont peut-être à 200 000 emplois près, mais à la grandeur du pays, ce n'est pas si important. On était déjà en déficit d'emplois et il n'y a pas eu encore suffisamment de création d'emplois pour faire face à toute la demande des jeunes qui devraient entrer sur le marché du travail et pour donner du travail à tout le monde.

Dans une région comme celle que j'habite, il y a des travailleurs forestiers en très grand nombre. Il y en a un qui est venu parler au nom des travailleurs forestiers. Quand il a commencé son travail, ils étaient 25 gars pour faire le travail qu'une machine fait aujourd'hui. Le problème est qu'on a mis à pied, d'abord au chômage et ensuite au bien-être social, les 24 autres. On en a gardé un, celui qui conduit la machine. Les 24 autres, on les a mis de côté.

Il est regrettable qu'on n'ait pas pensé - bien sûr il faut aller dans le sens du progrès - à ce qu'on pourrait faire de ces 24 hommes. À quoi pourrait-on bien maintenant les occuper? C'est ce que les gens demandent. Il faut essayer d'y réfléchir. Je suis certaine que vous n'êtes pas plus à l'aise que nous avec cette réforme. Vous ne pouvez pas être à l'aise.

J'ai déjà été, moi aussi, membre du Parti libéral. Je reçois même encore de la correspondance du Parti libéral du Canada. Je n'ai pas encore été rayée des listes même si je suis députée du Bloc québécois. Il fut un temps au Canada où, pour être à l'aise en tant que citoyenne, je devais être membre du Parti libéral parce que c'était le parti qui correspondait le mieux à mon idéologie, à mes valeurs.

J'ai beaucoup d'admiration pour M. Lester B. Pearson et pour certains autres qui ont été ministres dans le gouvernement Trudeau, des personnes qui ont essayé de laisser leur marque et de nous donner une conscience sociale, une justice sociale, une répartition de la richesse.

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Je dois vous dire que j'ai été frappée par le désespoir de plusieurs personnes qui ont manifesté en fin de semaine et je suis très inquiète de ce qui pourrait arriver si les membres du Parti libéral ne rencontrent pas M. Young. Je suis sûre que vous pouvez faire quelque chose pour qu'au moins, on comprenne clairement quels sont les objectifs de la réforme.

Ce que les gens ont compris, c'est que vous aviez comme objectif, en tant que gouvernement, de trouver une taxe indirecte qui vous aide à combler votre déficit. Vous vouliez pénaliser les gens qui sont saisonniers, faire en sorte que les gens qui sont au chômage se sentent coupables et malheureux et mettre fin à la fraude. Certains objectifs de cette réforme sont sans doute louables et le Bloc québécois est d'accord qu'il faut faire une réforme. Mais on ne peut pas continuer de cette façon.

J'ai toujours été personnellement intéressée à ce qu'on trouve une façon de mettre fin à certains abus. Je vais vous donner un exemple. J'ai travaillé, pendant 35 ans de ma vie, dans une université et je n'ai jamais compris pourquoi certains employés qui travaillaient du mois de septembre au mois d'avril ne pouvaient pas être déplacés ni congédiés. C'était du personnel de soutien, et ces personnes-là étaient syndiquées. Quand l'année universitaire se terminait, à la fin avril, elles touchaient le chômage en mai, juin, juillet et août. Ces personnes-là touchaient du chômage, alors qu'elles avaient des jobs steady, comme on dit, syndiquées, permanentes. Il n'y avait aucune possibilité qu'on les congédie parce qu'elles étaient protégées par les conventions collectives. Je n'ai jamais compris pourquoi ces gens-là touchaient du chômage, si ce n'était que parce que les gouvernements voyaient dans cette façon de faire des moyens d'équilibrer les budgets des universités ou de donner moins de subventions aux universités. C'est tout cet imbroglio ou ce manque de transparence qui a fait qu'à un moment donné, on s'est dit qu'on ne pouvait pas continuer à payer comme ça, qu'il fallait s'arrêter et changer les choses.

Je suis d'accord sur le fait qu'il faut faire une réforme mais on coupe beaucoup de choses. Le gouvernement Mulroney avait commencé à le faire. Vous avez trouvé les renseignements dans les caisses et les dossiers, quand vous êtes arrivés, et la plupart des hauts fonctionnaires n'ont pas fait beaucoup de bruit. Même si ce sont des libéraux qui ont pris la place, ils ont tout simplement continué à faire le même travail auprès de leurs supérieurs hiérarchiques, les sous-ministres et les ministres, à qui ils ont dit que c'était ce qu'il fallait faire pour que le Canada fonctionne. Et vous êtes allés de l'avant avec la même politique. C'est la raison pour laquelle on dit souvent que, peu importe que ce soient les conservateurs ou les libéraux, on a l'impression que ce sont les mandarins du régime qui mènent, à quelques exceptions près. De temps en temps, le premier ministre peut prendre une décision, mais en général, c'est comme cela que ça se passe.

Même si vous avez coupé beaucoup de choses, on a l'impression, à l'extérieur, qu'on fait beaucoup de bruit avec le chômage, les coupures, les transferts aux provinces, les réductions dans les domaines de la santé et du postsecondaire, comme si les coupures devaient frapper les personnes qui sont au ras des marguerites et qu'on voulait être sûr que la population a conscience que son gouvernement coupe. Pourtant, on continue à gaspiller beaucoup. On gaspille énormément dans l'armée.

Personnellement, tous les matins, quand je vois la sous-ministre qui habite mon édifice partir avec son chauffeur et sa limousine, je trouve ça odieux. Elle devrait faire comme tout le monde, marcher jusqu'au Parlement ou prendre un taxi ou s'acheter une voiture. Il n'y a aucune raison pour que les sous-ministres aient des chauffeurs avec des limousines.

Je ne pense pas qu'il soit normal, non plus, que les sous-ministres soient payés plus cher que les ministres. Il y a des abus dans le système et il y a des mandarins du régime qui bafouent, d'une certaine façon, la démocratie.

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Pas plus que vous, nous n'avons été partie prenante dans ce débat sur la réforme. J'aurais bien aimé être un petit oiseau et suivre vraiment les débats des 175 ou 176 députés libéraux qui ont dit à leur gouvernement comment nous voulions la réforme. Mais j'ai plutôt l'impression que c'est le gouvernement qui a dit aux députés: «Voici la réforme et vous allez la défendre dans nos termes».

Ce qui est assez surprenant, c'est que cette réforme a été concoctée sous le régime deM. Axworthy et qu'il était connu à travers le Canada comme étant le plus à gauche du Parti libéral. On a même dit à un moment donné qu'il était tellement à gauche que ça lui nuirait pour remplacerM. Chrétien, parce qu'on ne voulait pas de quelqu'un qui était aussi à gauche.

On a aussi l'impression, et c'est assez surprenant, qu'afin de bien se positionner pour être en lice pour remplacer M. Chrétien, M. Axworthy a renoncé à plusieurs de ses principes fondamentaux et nous a donné une réforme vraiment digne des réformistes.

Cette réforme est tellement à droite qu'elle est digne des réformistes et tellement peu soucieuse de répondre aux desiderata de la population ou à leurs réels besoins que je me demande, si les réformistes prennent le pouvoir à la prochaine élection, ce qu'ils vont devoir faire pour être plus à droite que les libéraux pour réformer l'assurance-chômage.

On ne sait pas trop ce qui arriverait, par exemple, si vous ne faisiez aucune modification. Je ne voudrais pas être alarmiste, mais j'essaye pour une fois - habituellement j'ai un tempérament beaucoup plus bouillant - d'échanger avec vous sur un ton plutôt amical pour tenter de vous rejoindre dans vos valeurs les plus profondes, pour que vous parliez à votre gouvernement et que vous vous fassiez les interprètes et les porte-parole de la population qui en a ras-le-bol et qui ne veut pas que cette réforme passe dans la forme où elle est en ce moment.

Tout le monde veut une réforme mais pas celle qui est là ni comme elle est là. Je voudrais que vous vous mettiez deux minutes dans la peau d'un vendeur d'assurances. Supposez que vous, les libéraux, vous avez une compagnie et que pour assurer votre gagne-pain, vous devez vendre de l'assurance-emploi aux travailleurs. Vous devez prendre votre valise et vous devez la vendre à tous les travailleurs. Vous allez leur dire: «Voici les conditions. Vous payez tant et si vous perdez votre travail, je vous paye à telles et telles conditions». Je suis à peu près convaincue que vous ne trouveriez pas un travailleur sur 100 qui voudrait acheter votre assurance tellement il est peu probable qu'ils seraient payés s'ils perdaient leur emploi. Votre compagnie serait donc rapidement mise en faillite.

Malheureusement, vous n'êtes pas une compagnie, mais un gouvernement. Vous puisez dans la poche du contribuable qui n'a aucune chance de ne pas payer. Vous puisez dans la poche des compagnies à qui vous dites de payer tant pour chaque heure travaillée alors que vous ne paierez pas un cent.

Le gouvernement raisonne dans ces termes: Votre argent, je vais l'empocher et faire ce que je veux avec. Je vais établir les conditions de façon unilatérale même si ça ne fait pas votre affaire et je vais vous en donner quand ça va faire mon affaire et à mes conditions, parce qu'il faut que je garde la plus grosse partie de ce que je vais recueillir pour rembourser mon déficit. Je ne suis pas assez brillant pour couper assez vite aux bons endroits.

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