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.1000

[Français]

M. Dubé: Pourquoi?

Mme Catterall: Je voudrais seulement m'assurer que je comprends bien la réponse à ma question. Ils répondent qu'ils n'ont présenté aucune motion, aucune suggestion, aucun amendement et qu'ils attendent que le gouvernement le fasse pour eux. Est-ce bien là la réponse?

M. Dubé: Madame la présidente, vous êtes responsable de l'animation de l'atelier ce matin. Vous pouvez consulter qui vous voudrez. Mme la députée tente de m'interroger sur mes intentions. Ce qui compte, c'est ce qui se passe actuellement, ici et maintenant, à l'heure où on est. Maintenant qu'on a disposé de la question...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Non, nous parlions de la question de privilège que vous avez présentée et c'est tout.

[Français]

M. Dubé: Non. On a posé aussi une autre question. Je dis que la question n'est pas pertinente et ne devrait pas être acceptée. Par contre, ce qui est pertinent, c'est de discuter de l'amendement de Mme Brown concernant le temps à notre disposition. Elle propose qu'on s'accorde jusqu'au 22 ou 24 juin pour discuter du projet de loi. C'est le sujet qui est en cause. Il n'y en a pas d'autre.

Il faut encore le rappeler à M. Proud. C'est agaçant de toujours avoir à le faire. Quelque part, il est dit qu'en comité, il n'y a pas de question préalable lorsqu'on discute d'une question de temps. Il le sait. Mme la présidente le sait depuis ce matin. M. le greffier va lui rappeler encore qu'on ne peut pas invoquer une question préalable tant et aussi longtemps que des députés veulent discuter de cette motion de temps.

Alors, j'implore encore une fois Mme la présidente d'informer son collègue, M. Proud, de cette disposition.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Il y a deux personnes qui veulent prendre la parole et j'espère qu'il s'agit du sous-amendement de Mme Brown.

Monsieur Bernier, j'ai votre nom et celui de M. Proud au sujet du sous-amendement et, ensuite, nous essaierons de mettre cette question aux voix.

[Français]

M. Dubé: De toute façon, on ne peut pas poser une question préalable en Comité.

M. Bernier (Gaspé): Madame la présidente, j'arrive à ce comité et je réitère avec force les propos de mon collègue M. Dubé, de la circonscription de Lévis. L'article 116 nous permet de nous faire entendre tant et aussi longtemps que nous en ressentons le besoin.

D'après ce que je sais de la procédure, le seul moyen de suspendre les travaux serait que la majorité en demande l'ajournement. Évidemment, nous reviendrions plus tard à la question laissée en suspens. Mais cela vous donnerait le temps de vous reposer.

Quant à la façon de conclure les travaux, toujours en vertu de l'article 116, il faudrait revenir en Chambre pour nous faire signifier un ordre de la Chambre. Ce serait alors imposer bâillon par-dessus le bâillon.

J'applaudis à l'initiative de Mme Brown. Je la perçois comme un amendement de l'amendement de l'amendement. Elle propose une date qui est quand même plus éloignée. Sans vouloir spéculer sur la convenance de cette date, j'aimerais dire que je ne peux concevoir pourquoi on voudrait s'imposer le carcan d'une date définitive quand on sait très bien que l'outil sur lequel on travaille sera mis en oeuvre pendant les 10, 15, 20, 30 ou 100 prochaines années, à tout le moins, je le souhaite, tant et aussi longtemps que le Canada existera comme tel. Je pense, madame la présidente, qu'il est très important d'étudier et de prendre le temps de comparer les opinions de chacun.

Nous vivons actuellement un moment de l'histoire. Le Canada me semble divisé politiquement en trois régions. Le Québec est principalement représenté par le Bloc québécois; l'Ouest canadien, par le Parti réformiste; et le reste du Canada, disons les Maritimes et l'Ontario, qui semble représenté principalement par les libéraux.

Sans vouloir insister trop sur cette interprétation, madame la présidente, je dirai que c'est un moment de l'histoire que d'avoir trois courants de pensées qui se rencontrent au Canada. Qu'on apprécie ou non la situation, elle reflète l'image de la société actuelle.

C'est ce qui donne peut-être lieu aux prises de bec et aux discussions qui peuvent sembler interminables à certains. Il n'empêche que c'est actuellement la réalité. Nous devons confronter nos lignes de pensée respectives pour faire jaillir la lumière de cette confrontation, cela pour le bien de toute la collectivité canadienne.

.1005

Je voudrais préciser que je viens d'une région dite rurale, située sur le bord de la mer. Je me plais à prétendre que le comté de Gaspé est le plus beau coin du Canada. C'est le nez du Québec. Pour vivre dans une région rurale comme celle-là, une région ressource, il faut vivre au rythme des saisons.

Nous devons, madame la présidente, attendre que le bon Dieu daigne faire paraître le soleil pour qu'il réchauffe la terre avant de semer nos patates, comme il nous faut attendre que le bon Dieu le fasse paraître pour faire fondre la glace.

Vous voyez, madame la présidente, même le bon Dieu attend, saison après saison, que chaque chose se fasse en son temps. Comment se fait-il que nous, en cette enceinte, nous ne puissions pas prendre le temps nécessaire pour que les trois courants de pensée puissent s'unir de façon à ce que l'on puisse continuer à administrer ce grand pays qu'est le Canada? Il est bien difficile de comprendre pourquoi on n'accepte pas de prendre le temps qu'il faut.

Je voudrais m'assurer de bien faire comprendre à la partie adverse, soit les libéraux, juste pour qu'on mette cartes sur table, dans quelle optique il serait possible de faire se rencontrer les trois courants de pensée que représentent les trois partis politiques. Je voudrais toutefois faire une courte digression, pendant que M. Paré me sert un verre d'eau, et relever ce que M. Dubé a dit plus tôt lorsque Mme Catterall lui a reproché de de gaspiller le temps du comité.

Je pense que c'est une insulte à ce que nous tentons de faire. On ne devrait pas parler de gaspillage de temps lorsque des gens acceptent de rester debout des nuits entières pour se faire entendre et se faire comprendre.

Lorsqu'on essaie s'engager dans un grand partenariat de ce genre, que faut-il penser de la participation du parti au pouvoir? J'ai vécu à d'autres comités des situations qui m'obligent à douter, à ce stade-ci, de la bonne foi du gouvernement.

Je ne dis pas que je doute de la bonne foi des députés ici présents, ce matin. Je dis que je doute de la bonne foi du gouvernement, qui est peut-être pressé par le temps, qui a peut-être des contraintes budgétaires, une échéance à respecter. De notre côté, ce que nous essayons de faire, c'est de tenter un rapprochement et d'avoir une meilleure compréhension des choses.

J'en veux pour preuve, madame la présidente, l'expérience que j'ai vécue la semaine dernière au Comité permanent des pêches et des océans, où j'ai accepté de bonne foi de procéder avec diligence à la remise d'un rapport afin que le ministre des Pêches comprenne certaines choses.

Madame la présidente, quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver des gens à la dernière minute et, après seulement deux heures de délibérations ou d'audience des témoins, se sentir aptes à prendre une décision au nom de tout un secteur dont des délégués étaient venus se prononcer devant nous.

J'ai alors compris, madame la présidente. Vous allez vous demander s'il est possible que le député de Gaspé soit encore naïf à ce point. J'ai alors compris que le rapport était écrit d'avance. Tout ce qu'il fallait, c'étaient des gens qui allaient agir en rubber stamps, comme je dis dans mon langage franglais, c'est-à-dire qui allaient simplement appuyer les opinions du gouvernement.

Cela a parfois pour résultat de produire des rapports un peu bizarres. Je ne peux qu'applaudir à l'initiative de mes confrères du Bloc québécois qui siègent d'une façon permanente au Comité du développement des ressources humaines. Je ne peux qu'applaudir à leur effort pour créer l'émergence d'une synergie entre nos trois courants de pensée.

Cela étant dit, comment fera-t-on si les gens nous empêchent de discuter? Je vous ai dit tout l'heure que je venais d'un grand comté. Je sais que d'autres personnes ici sont de régions rurales. J'ai regardé la télévision après les Fêtes, avant notre retour, et j'ai vu nombre de ces députés libéraux des Maritimes se faire chahuter, se faire arraisonner - si je peux utiliser ce terme maritime - par leurs commettants. Nous avons tous vu, à la télévision, des assemblées de 500, 600 ou même 1 000 personnes s'adresser aux députés de la majorité gouvernementale pour leur demander de surseoir à l'adoption de ce projet de loi.

.1010

Qu'en est-il, madame la présidente? Au contraire, on n'a pas voulu surseoir; on a simplement proclamé une trêve pendant la prorogation de la Chambre. J'y reviendrai un peu plus tard. À quoi a servi cette prorogation de la Chambre puisque le gouvernement tente de ramener tous les projets de loi immédiatement?

De plus, ce qui semblait être l'urgence première à l'époque, soit remettre sur le tapis la question constitutionnelle, le ministre des Affaires intergouvernementales a, la semaine dernière, plutôt tenté de la balayer complètement «sous le tapis». On a tenté de gagner du temps de cette façon. Aujourd'hui, tout est à recommencer.

Mais le travail du comité s'est trouvé suspendu pendant ce temps. On a perdu de précieuses heures. Est-ce que les libéraux et les députés des autres partis ont eu le temps et surtout les armes nécessaires pour retourner dans leur circonscription rencontrer leurs commettants? Est-ce qu'ils ont pu retourner échanger avec eux pour apprendre ce qu'ils voulaient? Je ne pense pas qu'ils en aient eu le temps. Je ne pense pas, surtout, qu'ils aient eu l'appui politique de leur parti, car rien n'a été changé dans ce programme.

Pourquoi ne nous dites-vous pas directement ce que vous voulez? Pourquoi, dans le cours du jeu parlementaire, vous mettriez-vous à croire un député de l'opposition, par surcroît un bloquiste, qui vient vous dire que, dans son coin de pays, c'est telle chose qui est souhaitée par ses commettants? Pourquoi m'y attendrais-je quand je n'ai même pas pu constater que les députés du parti au pouvoir soient retournés rencontrer leurs commettants pour leur demander d'approuver cette façon d'expédier au plus vite ce dossier.

La whip adjointe nous a dit plus tôt que nous essayions de gagner du temps et que la honte rejaillirait sur nous. Pourtant, quand je parcours ma circonscription, je peux marcher la tête haute. Les gens vont m'accoster pour me dire que je les ai défendus et que j'ai pris le temps de transmettre leurs propos à Ottawa.

Quant aux députés qui vivent la même réalité rurale que moi - je ne peux pas parler de la situation urbaine que je connais mal - , lorsqu'ils se vanteront chez eux d'avoir berné le Bloc québécois, d'avoir utilisé le rouleau compresseur, d'avoir voté la réforme de l'assurance-chômage, article par article, après nous avoir baîllonnés, quelle sera la réaction de leurs commettants?

La réaction des citoyens dans ces circonscriptions maritimes sera plutôt la suivante: «Que nous as-tu fait là? C'est insensé! Nous t'avions fait savoir que nous n'en voulions pas de cette réforme, sauf si certains préalables étaient respectés». Les préalables dont ils parleront seront les conditions susceptibles de rebâtir l'économie, de favoriser une reprise de l'emploi.

Autrement dit, madame la présidente, d'ici à ce qu'on réussisse à faire comprendre ce que j'appellerais le gros bon sens aux députés d'en face, je m'attends à recevoir de la whip adjointe des remerciements plutôt qu'une série de blâmes comme ceux que je viens d'entendre. De cette même personne ou de quelqu'un d'autre de même rang de son parti, je m'attends à recevoir d'ici la fin des travaux du comité des commentaires félicitant l'opposition de nous avoir tous sauvé par rapport à cette question. Parce que, si vous devez retourner dans vos circonscriptions après l'adoption de ce projet de loi, vous vous ferez lancer des oeufs.

Je ne parle pas d'oeufs simplement en termes de métaphore, en termes de discours politiques. Ce que je vais dire est peut-être rosse pour le Parti conservateur. Pour que vous ayez des «oeufs» sur le plan politique, il faudrait que vous ayez des adversaires dans les Maritimes. Or, je n'ai pas encore vu les conservateurs se réveiller et participer à ce débat.

La population se sent prise en otage face à cette situation. Quels moyens a-t-elle de se faire entendre?

Vous permettrez que j'humidifie mes papilles...

.1015

Quelle est la façon pour la population des Maritimes de faire entendre ses doléances? C'est, madame la présidente, en passant par les comités parlementaires, où nous nous trouvons actuellement. Je l'ai constaté encore la semaine dernière; les gens nous appellent à nos bureaux - parce que Gaspé est sur la Baie des chaleurs, en face du Nouveau-Brunswick où résident nos cousins - et nous disent que c'est inconcevable et qu'ils doivent absolument être entendus. Je leur réponds que nous faisons pression autant que faire se peut, mais que ce n'est pas nous qui tenons le grand livre.

Vous voyez, madame la présidente, qu'il reste nombre de choses à examiner dans cette réforme. À mon avis, la seule façon de faire avancer le dossier, que le gouvernement l'appelle la réforme de l'assurance-chômage ou la réforme de l'assurance-emploi, c'est de travailler à établir un vrai partenariat avec la population.

D'ailleurs, ladite assurance-emploi ne constitue-t-elle pas en soi un partenariat entre employés et employeurs? Il s'agit déjà d'un partenariat dans lequel les deux partis doivent s'autofinancer. Or, ces deux partis s'attendent, avec le temps, à réussir à trouver un mécanisme leur permettant de faire face à la musique. Actuellement, on se permet d'arriver dans le décor et de bousculer le tout. Nulle part ai-je lu dans le Livre rouge que le gouvernement avait demandé, lors des élections, le mandat de soulever la question et de régler le problème en réformant l'assurance-chômage.

Vous voyez le nombre d'inquiétudes qui s'abattent sur la population des Maritimes en particulier, que j'appelle nos cousins d'en face. Je vois que le député de l'Île-du-Prince-Édouard vient de se rasseoir. Les gens des Maritimes m'appellent à mon bureau pour me demander ce qu'ils peuvent faire.

Ils avaient cru de bonne foi, quand ils ont voté pour des députés libéraux... Je tiens à rappeler, madame la présidente, qu'il y a quand même quelques députés libéraux, femmes ou hommes, qui sont très bons. Donc, j'accorde le bénéfice du doute aux gens qui me font face, mais les gens...

[Traduction]

M. Proud: Nommez-les.

[Français]

M. Bernier: Vous voulez que je les nomme. Ah! Il me serait peut-être facile de faire cet exercice de mémoire, mais on me signale que cela pourrait faire des jaloux. Ce serait plus facile de commencer par les gens qui ne sont pas de bonne foi.

[Traduction]

M. Proud: C'est difficile d'en trouver un à brûle-pourpoint.

La vice-présidente (Mme Augustine): Silence!

[Français]

M. Bernier: Madame la présidente, vous voyez qu'il est facile de perdre le fil de ses idées lorsqu'on réveille un peu les gens d'en face.

[Traduction]

M. Easter: Ce n'est pas la première fois.

[Français]

M. Bernier: Madame la présidente, j'ai tenté de vous démontrer que les gens des Maritimes, qui sont représentés par des libéraux, se sentent un peu coincés parce qu'ils n'ont pas d'autre façon de s'exprimer qu'à travers les comités parlementaires. C'est pourquoi nous demandons qu'il n'y ait pas de contrainte de temps.

Pour reprendre mon idée, l'assurance-chômage, qui sera communément appelée par la suite assurance-emploi, se fonde sur un principe de partenariat entre les employés et les employeurs. Il nous faut donc offrir à ces groupes toute latitude pour discuter et parlementer.

Il y a aussi le fait que les gens sont habitués au régime actuel. Je veux dire par là qu'il ne faudrait pas s'étonner si, chaque fois qu'on voudra changer une virgule dans les articles de ce projet de loi, on devra faire face à une certaine indignation et à une résistance de la population, d'où l'importance de se donner un maximum de temps, et surtout ne pas avoir de délai arrêté, pour bien refléter la nécessité du partenariat.

Comment engager quelqu'un de bonne foi dans un processus si, au point de départ, on lui sert des menaces? Chez nous, dans la cour de l'école, quand quelqu'un était menacé par un compagnon de se faire casser le bras, il ne se liait pas d'amitié avec lui. Il était entendu qu'on ne respectait pas ce type, mais qu'on le craignait.

.1020

Veut-on établir un régime punitif? Je ne pense pas que ce soit l'objectif. Du moins, j'ose le croire. J'espère que quelqu'un d'en face nous précisera aujourd'hui, au moins dans un préambule, que l'objectif de l'actuel projet de loi n'a pas pour but d'être répressif ni de s'attaquer aux démunis.

Lorsqu'on parle des démunis, il faut savoir que souvent les gens dits démunis n'ont pas eu la chance d'aller à l'école aussi longtemps que vous et moi, ou que nos confrères. En passant, madame la présidente, ma femme m'a toujours dit que si j'étais allé à l'école un peu plus longtemps qu'elle, c'est parce que je comprenais moins vite. Par cette anecdote, j'essaie de faire valoir que, même si les gens que je représente n'ont pas tous un degré universitaire, ils sont allés à l'école de la vie et savent compter. Ils savent très bien que pour faire vivre une famille, il faut des sous. Ils savent très bien qu'il nous faut contrôler nos dépenses et eux-mêmes gèrent le budget de leur ménage en conséquence.

Il est certain qu'ils s'attendent à ce que les gens qu'ils ont dûment élus ne soient pas moins habiles qu'eux. Ils jugent même que, puisqu'ils ne sont pas bêtes et qu'ils ont eu l'occasion de voter pour quelqu'un, cette personne devrait être un peu plus habile qu'eux. Ils espèrent donc que nous allons essayer...

Je suis un idéaliste. Je crois toujours qu'au moment des élections on cherche à améliorer l'état des choses. C'est sans doute la raison pour laquelle je travaille pour le Bloc québécois.

Je n'ai pas terminé, madame la présidente. Je n'en suis qu'aux premiers balbutiements de ce que je chercherai à exprimer au cours de cette journée.

Vous comprenez qu'il est très important de refléter cette notion, qui est primordiale et essentielle à l'aboutissement de la société canadienne au cours des prochaines décennies. Que nous soyons encore ensemble ou non à l'avenir, les trois courants de pensée présents au Canada donneront naissance à ce qui va exister dans chacune de nos sociétés dans le futur. Pour moi, je participe de bonne foi à tout ce qui va être dit et fait ici.

Je vois que nous avons changé de présidente.

J'en reviens à l'idée de partenariat qui constitue mon fil conducteur. Je ne suis pas encore arrivé à parler de mes pêcheurs. Je voudrais démontrer à quel point l'esprit de partenariat est nécessaire et sera la pierre angulaire de tout ce qu'il faudra faire. Comment gérer la décroissance n'est écrit nulle part dans les livres d'école. Je pense que nous sommes en train de l'apprendre ensemble ici ce matin. Gérer la décroissance ne veut pas dire apprendre à se laisser plumer comme un canard sans rouspéter.

Madame la présidente, chaque canard que nous sommes va accepter de perdre quelques plumes, une fois la confiance rétablie grâce à l'esprit de partenariat que nous aurons créé et quand chacune des personnes présentes dans les 295 circonscriptions canadiennes comprendra les tenants et aboutissants de ladite réforme et, surtout, les appuiera.

Entendre est une chose, comprendre en est une autre. Parfois, il m'arrive d'écouter de la musique écossaise ou de la musique africaine. Je ne les comprends pas, je les entends. Je peux apprécier la tonalité de ces musiques, la sensibilité qu'elles expriment, mais elles me semblent difficiles parce que je ne les comprends pas.

.1230

[Français]

Il arrivera un moment où il n'y aura plus de temps. Même si aujourd'hui on disait dans la prochaine minute qu'on est prêts à accepter cela, il y a trop de temps d'ici lundi soir. Cela paraît donc assez illogique.

Je peux comprendre la volonté du Parti réformiste d'essayer de rendre cela plus réaliste, plus correct, bien qu'en fin de compte on ne sache pas du tout quelle sera la forme finale de la proposition. Cela devient très compliqué, et on perd beaucoup de temps à traiter de procédure parce que les libéraux ont présenté une motion qui ne touche pas le fond de la question.

On s'enfonce avec le sous-amendement parce que les libéraux ont fait plusieurs erreurs. La première est une erreur de stratégie. On a pensé qu'étant majoritaire, on pouvait faire ce qu'on voulait n'importe quand, n'importe comment. Même dans l'attitude du secrétaire parlementaire, on sentait très bien qu'un Parlement où il n'y aurait qu'un parti ferait bien son affaire. En fait, s'il n'y avait que lui pour mener, cela ferait aussi son affaire.

Après cette erreur de stratégie, si les libéraux avaient été un peu plus patients, c'est l'opposition qui aurait eu à fournir du contenu, à poser des questions, à faire évoluer le débat sur chacun des articles du projet de loi.

Le gouvernement aurait pu aussi participer par la qualité de son argumentation. Il a eu la chance d'avoir des briefings intéressants et beaucoup plus approfondis que l'opposition.

Les chiffres sur les trois amendements déposés jeudi soir dernier nous ont été communiqués jeudi à 7 heures, mais il semble qu'eux en parlaient depuis une ou deux semaines et qu'ils savaient où ils s'en allaient. Il aurait fallu qu'instantanément on change de vitesse et qu'on soit sur la même longueur d'onde.

Il y a une erreur de stratégie qui est due à un manque de patience, mais c'est plus profond que cela. Le Parti libéral a bien du mal à vivre avec la démocratie. Dans la proposition du Parti réformiste, il y a une volonté de se prononcer sur le principe et de prendre le temps qu'il faut pour débattre de la question.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Tenez-vous-en au sujet à l'étude.

[Français]

M. Crête: Je suis sur le sujet, madame la présidente. Je viens de mentionner le sous-amendement et de dire que le Parti libéral n'a pas une philosophie gouvernementale qui correspond à l'acceptation d'un amendement de ce type-là.

Le gouvernement manque de patience. Il pourrait arriver que, sur un projet de loi où l'on aurait mis beaucoup de temps et d'énergie, le gouvernement soit impatient et n'accepte pas un sous-amendement comme celui du Parti réformiste. Mais ce que je trouve plus triste, c'est qu'on retrouve ce même comportement du gouvernement dans l'ensemble de ses relations avec les provinces.

Prenons par exemple son comportement lorsque s'est tenu le Forum sur la santé. Au lieu de s'asseoir, de négocier, de s'assurer que les provinces soient présentes autour de la table, de voir quel genre de compromis elles pourraient en venir avec lui, il leur dit : «On vous l'a offert et c'est comme cela que ça marche. Si cela ne vous convient pas, asseyez-vous à l'arrière». C'est comme cela que le gouvernement a mis le Forum sur la santé en place. Aujourd'hui il se promène et dépense l'argent des citoyens, mais les provinces n'appuieront pas les recommandations qui vont en sortir parce qu'elles n'y auront pas participé. Le gouvernement ne pourra pas s'en servir, parce que cela ne relève pas de sa compétence, à moins qu'il décide d'empiéter encore sur la compétence des provinces, ce qui serait inacceptable.

C'est donc un exemple de comportement qui fait qu'on comprend pourquoi le gouvernement libéral sera probablement contre le sous-amendement du Parti réformiste qui vise à permettre d'avoir des débats plus longs en comité sur la question.

Dans ses relations avec les provinces, le gouvernement a adopté la même attitude dans le dossier de la main-d'oeuvre. Il y aurait des livres à écrire là-dessus. Il adopte exactement le même genre d'attitude en ce qui concerne le sous-amendement.

Dans le dossier de la main-d'oeuvre, on ne veut pas donner de temps pour négocier. On annule les réunions. La ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité du Québec a émis un communiqué dernièrement sur sa décision d'annuler une réunion, de faire des gestes. En même temps qu'on fait état de la volonté de la ministre de collaborer, on réduit de 40 millions de dollars le budget de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et on fait une autre coupe de 12 millions de dollars dans le Programme d'aide aux travailleurs âgés. On met en place à Ottawa cinq nouveaux programmes qui doublent cinq programmes existant déjà au Québec. Là on parle directement du projet de loi à l'étude.

Il y a un article qui identifie ces cinq nouveaux programmes d'emploi. Il faudrait prendre le temps de les regarder. Il faut que l'opposition puisse expliquer au gouvernement que ces programmes existent déjà au Québec et que si le fédéral les met en application, il dédouble encore une fois les services.

.1235

Pour faire ça, il faut qu'on ait du temps. Il faut aussi qu'on ait le temps de parler de l'essentiel, qui est l'étude article par article du projet de loi. L'essentiel pour le gouvernement n'est pas de gagner sa bataille de procédure. Il faut avoir la meilleure loi possible et, pour ce faire, il faut permettre le débat pendant l'étude article par article. Il faut qu'on ait le temps de faire le tour de chaque article. Il faut qu'à l'étude de l'article qui parle des problèmes d'emploi, on puisse dire qu'au Québec, il existe des programmes équivalents.

Je me demande pourquoi le gouvernement fédéral, au lieu de créer une bureaucratie supplémentaire, ne ferait pas ce que le Conseil du patronat du Québec lui suggère, c'est-à-dire que les centres d'emploi du Canada relèvent du gouvernement du Québec; à ce moment-là, on profiterait de la compétence des personnes. Il y a des gens très compétents dans les centres d'emploi, mais c'est l'acharnement du gouvernement à intervenir dans ce secteur qui nuit à l'efficacité.

Si on avait le temps de faire ce genre de débat, si le sous-amendement du Parti réformiste était considéré, on pourrait adopter une approche plus constructive. Pourquoi cette date du 23 juin peut-elle paraître raisonnable? C'est qu'elle n'empêche pas la mise en place de la réforme le 1er juillet.

Dans le régime actuel, le gouvernement, dont le premier objectif est de régler le problème du déficit, encaisse l'argent des employeurs et des employés à un rythme effarant. On a parlé d'un milliard de dollars l'année passée, de cinq milliards cette année et de cinq milliards l'année prochaine. La caisse d'assurance-chômage a enregistré des excédents dont la progression a été quasi exponentielle et elle devient la vache à lait du gouvernement.

Le débat peut bien durer jusqu'au 23 juin et même plus longtemps; on n'éliminera pas pour autant la possibilité pour le gouvernement de combler son déficit ailleurs que dans les emprunts extérieurs, parce qu'il n'est plus capable d'emprunter.

Il a usé à la corde sa capacité d'emprunt et la seule solution est de faire des ponctions à l'interne, dans des caisses auxquelles il ne contribue pas, notamment la caisse d'assurance-chômage qui est constituée par les employeurs et les employés.

Si on avait jusqu'au 23 juin pour analyser cette situation, le comité pourrait revoir les gens qui ont des propositions concrètes à ce sujet. Il y a des gens qui nous ont demandé pourquoi on n'avait pas une structure du genre de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ou de la Commission de la santé et de sécurité du travail, où il y aurait des représentants des employeurs et des représentants des employés.

Si on avait jusqu'au 23 juin pour revoir ces gens-là et prendre le temps de nous concentrer sur une opération comme celle-là, on pourrait peut-être régler bien des difficultés. L'argument principal des citoyens est de dire qu'ils contribuent à cette caisse, qu'ils remplissent un portefeuille, mais que ce ne sont pas eux qui la contrôlent. On pourrait régler cela d'ici au 23 juin. L'amendement peut être intéressant. Pour nous, il vaut peut-être la peine de mettre cela de l'avant.

Merci, madame la présidente. Je comprends très bien que nous sommes obligés de nous plier à une substitution. Je souhaite d'ailleurs la bienvenue à la personne qui va assurer la présidence.

Je voudrais soulever un autre exemple pour illustrer la pertinence d'évaluer le sous-amendement de très près. Le gouvernement a prévu, dans le projet de loi C-12, une baisse du maximum assurable. Nous pensions que, dans la réforme de l'assurance-chômage, il y avait place pour débattre d'une telle chose, mais on se rend compte que dans le projet de loi C-31, il y exactement la même mesure.

Il y a en Chambre un autre projet qui prévoit un effet rétroactif afin que ces choses-là prennent effet le 1er janvier 1996. Pourquoi le gouvernement tente-t-il de présenter deux fois la même disposition dans deux projets de loi différents? L'amendement nous permettrait de continuer l'étude article par article. On pourrait se poser des questions et voir quel est l'objectif du gouvernement. Est-ce qu'on essaie, d'une façon ou d'une autre, de trouver une solution pour atteindre cet objectif? Cette histoire commence à ressembler un peu à de la manipulation parlementaire. On va faire la même chose par deux voies différentes, mais heureusement, l'opposition s'en est rendu compte et elle va soulever cette question en comité. On va la relever dans le projet de loi C-31, ce qui est le rôle de l'opposition, et réussir, je l'espère, à amener le gouvernement à adopter une position unique et aussi à adopter des amendements pertinents.

.1240

Ce n'est pas une situation ordinaire. On abaisse le plafond de 42 000 $ à 39 000 $, alors qu'en même temps, le gouvernement accepte de donner 900 millions de dollars aux gens qui ont un revenu de salaire très élevé, qui contribueront moins à la caisse d'assurance-chômage et à la lutte au déficit.

On fait une ponction de 900 millions de dollars - un montant identique - chez les gens qui ne cotisaient pas auparavant, qui travaillaient moins de 14 heures par semaine. Ils ne bénéficiaient pas de l'assurance-chômage. Ils auront maintenant la chance de cotiser et, pour plusieurs d'entre eux, la chance de ne jamais pouvoir bénéficier de l'assurance-chômage. Ce sera assez frustrant, merci.

J'aimerais que d'ici le 23 juin, on puisse rencontrer les finissants de cégeps et de collèges du Canada et du Québec qui travaillent dans des domaines saisonniers et qui arriveront sur le marché du travail. Ils auront une toute petite surprise cette année, à la suite de la réforme. Auparavant, il fallait 300 heures, soit 15 heures par semaine pendant 20 semaines, pour être admissible à l'assurance-chômage, À compter d'aujourd'hui, il en faudra 910.

Les gens qui travaillent en écologie appliquée, en aménagement de la faune, en tourisme, en loisirs ont souvent, comme premier emploi, un emploi d'été qui dure une partie de l'automne. Ils payeront des cotisations et gagneront plus de 2 000 $. Donc, ils n'auront pas de remboursement et pas de prestations d'assurance-chômage. Les gens vont dire qu'en plus de contribuer à une caisse qu'ils ne contrôlent pas, ils ne pourront retirer des prestations. Que faire de tout cela?

La deuxième année, le jeune va dire: «Patron, est-ce qu'on fait une entente? Tu ne déclareras pas l'assurance-chômage, nous n'aurons ni l'un ni l'autre besoin de payer des cotisations, et nous serons tous gagnants. On va travailler au noir». Au bout de six mois, la personne se fait prendre dans cette situation. On décide que c'est un fraudeur et on dit: «Les gens qui ont de l'assurance-chômage sont des fraudeurs». Ce sont les conditions qu'on a créées qui ont amené ce genre de comportement. La période qu'on va vivre, celle de la fin de l'année scolaire et du nouvel emploi, est une période très intéressante à étudier.

Dans les projets de loi C-31 et C-12, le gouvernement fait fi du processus parlementaire et admet, finalement, que la Chambre des communes n'est là que pour entériner les décisions du gouvernement. On y retrouve un peu la philosophie qu'on a constatée au comité: «Il faut que le tout soit fini vendredi soir et que le projet de loi soit renvoyé en Chambre. C'est ce qu'on a décidé et c'est comme ça qu'on voit les choses». On a oublié que les gens n'ont pas été élus par le gouvernement, mais par une population qui leur demande de faire des représentations.

Chez nous, les gens ne sont pas frustrés du tout qu'on prenne le temps de traiter du programme d'assurance-chômage. Personne dans ma circonscription ne va se lever pour me dire: «Paul, franchement, tu as mis trop de temps là-dessus. Tu aurais dû passer sur ça à toute vapeur, plus vite et accepter les conditions. Nous allons vivre la situation, mais ce n'est pas grave. Nous allons avoir des difficultés financières, mais ce n'est pas grave».

Lors de la manifestation à Rivière-du-Loup, la semaine passée, il y avait 5 000 personnes. Il y avait des organisateurs syndicaux et communautaires, mais, ce qui m'a frappé, c'est qu'il y avait surtout du monde ordinaire, des gens habitués à utiliser le programme d'assurance-chômage parce qu'ils en ont besoin pour rester en vie. Un des objectifs initiaux du programme était d'assurer un revenu entre deux emplois. C'est le programme qui a été reconnu comme étant le meilleur régulateur de l'économie pendant les périodes de récession. C'est mieux que l'impôt, que tout autre système, parce que l'effet est immédiat. Même s'il y a un ralentissement de l'économie, les gens reçoivent leur chèque d'assurance-chômage et ils peuvent continuer à consommer. Cela évite que les courbes de l'économie se reflètent sur le niveau de vie des gens et ça leur permet de survivre. Le régime a des effets encourageants, il ne faut pas le nier.

Quand quelqu'un reçoit un chèque de chômage suffisant, il peut continuer à payer sa maison, si elle ne l'est pas. Mais s'il n'a pas de chèques d'assurance-chômage ou des chèques trop petits, ce qui sera le cas avec la réforme actuelle, il ne pourra plus payer sa maison. Le prix des maisons va baisser. Est-ce que ça ne vous rappelle pas quelque chose? C'est exactement ce qui s'est passé en 1929-1930.

.1245

C'est pour ça qu'on a créé les programmes sociaux. C'est pour éviter que ce genre de situations ne se produise. Le gouvernement libéral doit être sensible à ces arguments. Il a dans sa tradition une volonté d'équité sociale.

Certains des gouvernements libéraux antérieurs ont été influencés par le CCF, par le Nouveau parti démocratique. Certaines valeurs sociales ont été récupérées par les libéraux, mais pas du même côté. Ils se sont ajustés vers la droite, et nous vivons avec cette réalité.

Pour revenir à la question de C-12 et de C-31, est-ce que le gouvernement n'a pas présenté C-31 parce qu'il tenait pour acquis que le projet de loi C-12 ne serait pas adopté dans les délais prévus? Il s'est dit: «On est mal partis avec le projet de loi C-12. Il y a une opposition forte. Il y a du monde partout; 5 000 personnes sont allées au bureau du premier ministre à Shawinigan; 5 000 personnes sont allées marcher à Rivière-du-Loup, la semaine passée. Il y a des gens dans les Maritimes qui ont tenu des audiences parallèles et ils ne semblent pas se décourager».

Le gouvernement a fait un petit effort. Il a proposé des petits amendements en disant: «En calculant sur 26 semaines, on va réussir à calmer un nombre suffisant de gens et on va modifier un peu le crédit diviseur pour qu'il soit de 14 plutôt que de 16. Avec ça, on va acheter la paix».

Le problème? Cela ne marche pas. Il y a une question d'argent qui touche les gens, mais il y a aussi une question de dignité. La dignité, ça ne s'achète jamais. Les gens n'acceptent pas de se faire dire qu'ils étaient des usagers répétitifs de l'assurance-chômage parce qu'ils étaient lâches et qu'ils n'avaient pas le goût de travailler. Ils ne le prendront pas tant que le gouvernement n'aura pas bougé sur une position comme celle-là.

Si le gouvernement a des amendements à présenter sur la disparition de la règle de l'intensité, on en parlera. Quand vous serez prêts à faire disparaître la honteuse baisse de 1 p. 100 du salaire pour chaque période de 20 semaines d'utilisation de l'assurance-chômage, quand le gouvernement admettra que, pour réduire le nombre de prestataires saisonniers, il faut créer une industrie hivernale du tourisme et développer la nouvelle économie pour qu'il y ait une meilleure adéquation de la formation des travailleurs avec les emplois disponibles et contribuer vraiment, par la fiscalité, à la création d'emplois, à ce moment-là, nous serons prêts à parler des vrais amendements.

Je pense que le temps n'est pas mauvais. En ce sens, l'amendement du Parti réformiste est intéressant. J'ai rencontré des groupes de 20, 50, 150 personnes à propos de la réforme. Chaque fois qu'on en explique le contenu, les gens en comprennent très bien le résultat final. Ils ont très bien compris la ponction terrible qu'on voulait faire chez les gens à plus faible revenu pour contribuer à la lutte au déficit, alors que le même genre d'effort n'est pas exigé de ceux qui en ont le moyen.

Plus on aura de temps pour analyser le projet de loi, plus on le fera sérieusement et plus on sera en mesure de s'organiser pour obtenir une analyse correcte et des recommandations intéressantes. On a étudié le projet de loi à fond. Les trois membres réguliers du comité on fait le tour du Canada il y a deux ans et ils travaillent activement depuis un an.

Maintenant, les députés du Bloc québécois sont de plus en plus une conscients de l'importance de ce dossier. Depuis deux jours, les gens se relaient pour nous donner un coup de main et je trouve fantastique le travail mené par toute l'équipe. Tout le monde, dans son milieu de vie, a eu des messages clairs à lancer à ce propos.

Quand il y a eu la manifestation à Rivière-du-Loup, j'ai pris un engagement moral envers les gens qu'il y avait là: consacrer tout le temps qu'il faut à l'étude de tous les articles du projet de loi et faire la meilleure loi possible. Les gens m'ont dit de ne pas accepter n'importe quoi. Les mandats sont très clairs, très bien définis. On nous dit qu'à moins d'une réforme adéquate, on préfère que le gouvernement retire son projet de loi. Ce serait beaucoup plus intéressant de cette façon.

.1250

Le sous-amendement du Parti réformiste permettra-t-il d'arrêter le rouleau compresseur du gouvernement? Je n'en suis pas convaincu, mais je pense que ça va nous permettre de revoir l'ensemble des débats actuels à ce sujet. Mais cela ne veut pas dire du tout qu'on sera capables d'adopter la motion. En effet, quelle que soit la limite imposée par la manoeuvre, il faut quand même faire le lien avec la proposition principale qui veut que le comité limite l'étude de chaque article du projet de loi à cinq minutes de délibération. Qu'on finisse le 29 avril ou au plus tard le 22 juin, il faut qu'il y ait cinq minutes de débat par article. C'est encourager le comportement actuel du gouvernement, qui pourra prendre des mesures dilatoires pour qu'on ne débatte jamais de façon exhaustive du projet de loi.

Depuis qu'on a commencé l'étude article par article, le gouvernement libéral a accepté qu'on parle des vraies questions pendant deux heures. Mais ça devenait tellement intolérable qu'il a trouvé une mesure dilatoire.

Il y avait trop d'arguments qui disaient que le projet n'était pas intéressant. Dans les dix premières minutes, on a trouvé une lacune dans la définition de «prestation d'emploi». On a expliqué qu'en français, c'était une expression inacceptable qui créerait des complications et des interprétations inadéquates pour ceux qui utilisent le programme d'assurance-chômage. Tout de suite, on s'est rendu compte qu'il y avait quelque chose à travailler là.

Ensuite, on a parlé de la définition d'«affidavit». C'est une nouvelle définition dans la loi. Avant, on se servait de la définition trouvée dans d'autres lois. Le mot «affidavit» se retrouvait dans la loi, mais il n'était pas défini. On a ajouté cette définition. On a posé des questions qui n'auront pas été vaines parce qu'à la fin, l'expert a dit qu'en effet, cela nous permettra d'avoir une définition exclusive pour le projet de loi C-12 et de mieux réussir ce qu'on veut faire. C'est un élément important et primordial. On a même dit que ce serait particulièrement utile pour les poursuites au criminel ou au civil.

Quand on reçoit un tel commentaire, la suggestion à faire est de revoir la définition. Si cela vise effectivement une question de poursuite au criminel ou au civil, indiquons-le dans la définition afin que le citoyen qui se présente au centre d'emploi et à qui on demande de signer sa déclaration au bas de la feuille sache exactement ce qu'il fait. Parfois, quand on se met la main dans le tordeur, tout le bras peut y passer, et ensuite on ne sait pas vraiment pourquoi on a obtenu le résultat qu'on a atteint.

Voici maintenant un exemple d'un tout autre ordre pour vous montrer notre bonne foi. J'avais une question sur le conflit collectif. Les experts m'ont donné une excellente réponse, et la question a été réglée.

Il y a donc beaucoup d'éléments importants. C'est pour ça que le lien avec le sous-amendement est direct. Passer deux heures sur les définitions ne veut pas dire qu'on ne fait pas notre travail. Les définitions dans un contrat ou une loi sont très importantes. Une définition précise quel mot on utilise et quel sens il a dans la loi appliquée. Toutes les décisions juridiques éventuelles seront liées à cela.

J'ai fait une démonstration pour la définition d'«emploi assurable», pour montrer qu'on ne fait pas d'obstruction systématique. L'«emploi assurable» est défini à l'article 5. On a aussi fait un débat sur le contenu de l'article 5. La majorité libérale a souhaité qu'on prenne en délibéré l'article 2, parce qu'on a trouvé tellement de trous dans le fromage qu'on a préféré le mettre de côté, le laisser vieillir et trouver des façons de l'améliorer. Comme ce n'est pas un fromage au lait cru, il n'y a pas eu de discussion sur l'aspect sanitaire de la chose.

.1255

Il faut regarder le sous-amendement du Parti réformiste dans le contexte de l'adoption de la proposition. Si la motion était adoptée, on pourrait avoir cinq minutes de débat par article, mais cela pourrait durer jusqu'au samedi 22 juin. C'est un incitatif direct à la délinquance. Si on me dit que ce sera cinq minutes par article de toute façon, il faudra que tous les jours je trouve un sujet de débat pour éviter qu'on étudie plus d'un article le matin. À 9 h ou 9 h 5, l'étude de l'article sera finie et, le reste du temps, on trouvera quelque chose à dire sur un autre sujet pour étudier les articles à fond. Il y aura des batailles de procédure ici et là.

Il y a plusieurs articles dont la lecture prend cinq minutes, notamment l'article sur les pêches qu'on a vu ce matin. Le régime d'assurance-chômage pour les pêcheurs est un régime qui existe en soi. Il y a toutes sortes d'éléments différents. On calcule les prestations d'assurance-chômage pour les pêcheurs d'une façon totalement différente.

Cela demande une adéquation très particulière parce que souvent, les saisons de pêche durent moins de semaines qu'il en faudrait pour avoir droit à l'assurance-chômage. On se retrouve donc devant une situation assez aberrante. Le pêcheur a le droit de pêcher pendant dix semaines de 35 heures, ce qui fait 350 heures. Les heures supplémentaires, on n'a pas les moyens de les lui donner.

La personne finit son travail et ne peut pas toucher l'assurance-chômage. Elle ne peut pas non plus se transformer du jour au lendemain en technicien en informatique. Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne. Ce ne sont pas des automatismes.

Cela va entraîner la chasse aux heures, la chasse aux déménagements. Il y a des régions qui ont développé une industrie touristique solide leur permettant, grâce à l'assurance-chômage, de garder les gens. Avec le nouveau régime, cette main-d'oeuvre aura tendance à s'en aller. Quand les heures vont manquer dans l'est du Québec, les gens iront vers Québec, vers Montréal, vers l'Ontario ou dans les Maritimes pour trouver d'autres emplois et possiblement ne plus revenir dans la région en question.

On vivra ce qu'on vit déjà, soit former de la main-d'oeuvre, apprendre aux gens à travailler comme il le faut et les voir partir pour les grandes villes. Cela entraînera la chasse à la «jobine».

Comment peut-on réussir à trouver deux, trois, cinq, sept, neuf, quatorze heures? L'employé devra se chicaner avec son patron qui lui aura fait faire dix bonnes semaines de 40 heures; cela fait 400 heures. L'employé ne veut pas trois semaines de huit heures, parce que ces semaines vont compter dans son régime d'assurance-chômage et il va se retrouver avec des prestations plus faibles. L'employé préfère des semaines de 42, 43 ou 45 heures; les quatre ou cinq heures de plus, il les fera plus tard. Mais malheureusement, il se fait prendre par l'inspecteur: un autre fraudeur de plus.

Quand on crée un système qui encourage la délinquance, on ne fait pas notre travail de député. Il faut trouver le moyen d'éviter ce genre de situation. Certaines propositions doivent être étudiées. Le sous-amendement nous donnerait plus de temps pour en parler et ce pourrait être intéressant. Mais voilà, même si on a jusqu'au 23 juin pour en parler, on n'a que cinq minutes par article. Il faudra plusieurs mesures dilatoires pour pouvoir pour en parler.

Il y a peut-être une stratégie gouvernementale derrière cela. Jusqu'ici, le gouvernement se rend compte que, depuis le début, seule l'opposition veut parler sur chacun des articles. Les libéraux présentent une mesure dilatoire, entraînent un débat sur une proposition d'un autre ordre et ainsi évitent le débat sur la question de fond. Il se peut qu'avec la proposition présentée, avec la limite de cinq minutes par article, les libéraux disent que l'opposition devra trouver des mesures dilatoires. Ils pourront dire aux députés de l'opposition que ce sont eux qui étirent le débat. Je ne les pense pas ratoureux à ce point.

.1300

M. Allmand: On entend les cloches pour le vote.

M. Crête: Ah! ils ont changé les cloches; ce n'est pas une mauvaise idée. D'ailleurs, ici, on est chanceux d'entendre parler des cloches. Si cela avait été possible, le gouvernement nous aurait amenés dans le stationnement de l'édifice, sans lumières, pour être sûr que le moins de gens possible puissent voir le débat sur la réforme de l'assurance-chômage. Disons-le, ce n'est pas le débat dont le gouvernement semble être le plus fier.

Avec sa tradition, le Parti libéral espère que le débat dure le moins longtemps possible; quant au sous-amendement, il sera sûrement contre car, pour lui, plus ce débat dure, moins il gagne de points et plus il y a de chances que les opposants au projet de loi ne l'acceptent pas. Partout dans les milieux, les gens trouvent que ça n'a pas de bon sens et que c'est contraire à ce qu'on leur a raconté pendant la campagne électorale de 1993.

En politique, il ne faut jamais prétendre que les gens sont des imbéciles. Il leur faut parfois du temps pour se décider; les conservateurs y ont goûté sérieusement la dernière fois. L'électeur finit toujours par rejoindre son élu. Ça peut prendre quatre ans, parfois même huit. Il y a parfois une petite diversion qui permet à l'élu de faire un autre mandat. Mais lorsqu'il n'y a pas logique dans l'attitude qu'on prend, pas de respect de la démocratie, quand on ne permet pas de prendre le temps requis pour le débat, il y a toujours un retour d'ascenseur à un moment donné.

Donc, sur le sous-amendement du Parti réformiste qui demande que les débats puissent durer jusqu'au samedi 22 juin, qui est le moment prévu pour la fin de nos débats ici, je voudrais qu'on s'assure qu'on ne se retrouvera pas à travailler à la vapeur à la fin du mois de juin. Ce serait le comble de l'absurde. On est à la fin du mois d'avril, on a du temps devant nous, et mon vrai choix fondamental serait qu'on puisse retirer l'ensemble de cette proposition parce qu'elle n'est pas logique et remet en question notre rôle d'opposition.

Un amendement comme celui-là ressemble un peu à ceux que les députés libéraux ont proposé au comité. Ils ont dit qu'une situation horrible se présentait dans la réforme et qu'à titre de députés libéraux, ils étaient incapables de changer la position de leur gouvernement sur des choses fondamentales, mais qu'ils allaient au moins essayer de faire leur travail le mieux possible et de trouver des cataplasmes à mettre sur la jambe de bois. Ils en ont proposé un certain nombre.

Le sous-amendement du Parti réformiste va un peu dans le même sens. Donnons-nous au moins du temps si possible, même si le contenu de l'article est inacceptable. Avec cinq minutes de délibération, avec l'amendement, on aura au moins un peu de temps. Peut-être même qu'on pourrait, si l'amendement était adopté, proposer un autre amendement à la proposition. Si le sous-amendement était adopté tel quel, si on pouvait aller jusqu'au 22 juin, on pourrait peut-être s'entendre sur un autre amendement pour que la durée de l'étude de chaque article soit illimitée.

S'il y avait consensus au comité, ce serait intéressant: qu'on se donne le 23 juin comme limite, mais pour ce qui est de la proposition principale, qu'on rétablisse la possibilité d'un débat qui dure le temps qu'il faut, ce qui serait très intéressant. Ceci serait la preuve de l'indépendance de la majorité libérale face au gouvernement. C'est vrai que vous êtes membres du gouvernement libéral, mais au comité, vous agissez aussi en tant qu'élus. Dans notre système parlementaire, quand les comités réussissent à se donner une certaine marge de manoeuvre, ils arrivent à adopter des solutions plus démocratiques qui correspondent davantage à ce que les gens veulent.

Qu'est-ce que l'amendement du Parti réformiste pourrait nous donner de plus? Eh bien, nous pourrions aller au fond de la question des fraudeurs. Le ministre, il y a trois semaines, a réussi à divertir l'opinion publique en disant que l'objectif principal de la réforme était la lutte aux fraudeurs.

.1305

Hier, le ballon s'est dégonflé: on a appris qu'il y avait 4 p. 100 de fraudeurs sur une population de 3 millions. Environ la moitié des sommes payées en trop sont le résultat d'erreurs de la Commission ou d'individus, et non de gestes frauduleux. Il ne reste plus beaucoup marge de manoeuvre. Si on s'organisait pour modifier quelques aspects de la loi, par exemple en permettant de gagner un petit peu plus d'argent que ce qui est autorisé tout en recevant des prestations, le montant des fraudes diminuerait sans doute encore. Quand on a le droit, comme le prévoit l'amendement du Parti réformiste, de gagner chaque semaine 50 $ de plus que le montant autorisé, ce n'est pas si mal. Mais si on autorisait les gens à gagner 100 $, beaucoup d'enquêteurs des ministères du Revenu national et du Développement des ressources humaines se chercheraient peut-être un emploi.

Ça coûte cher, une enquête. On enquête parfois pour 1 000 $ et il y a des frais de 10 000 $,15 000 $ ou 20 000 $, cela en vertu du principe qu'il faut respecter la loi. Il y a peut-être moyen d'arrondir les amendements, d'ajuster les textes de façon à ne pas créer de fraudeurs. La loi telle qu'elle est écrite est génératrice de fraudeurs. À cet égard, on pourrait trouver un certain nombre de solutions intéressantes pour l'ensemble des Québécois et des Canadiens d'ici le 22 juin.

À la page 48 du projet de loi, dans le chapitre sur les prestations d'emploi et le service national de placement, à l'article 57, à la ligne 22, on dit:

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Monsieur Crête, est-ce la façon dont vous concevez l'étude article par article?

M. Easter: Une drôle de façon.

[Français]

M. Crête: Non.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): J'ai l'impression que notre collègue fait ressortir des points très intéressants. Si nous débattions d'articles précis, nous pourrions discuter de ces amendements et de ces suggestions, mais compte tenu de la façon dont vous procédez vous et vos collègues, vous ne faites pas participer l'ensemble du comité à l'étude article par article.

[Français]

M. Crête: Je suis très fier. Je viens de me rendre compte que je suis en train de vous convaincre. Je vous ai démontré que, si on faisait l'étude article par article, on évoluerait plus rapidement. C'est ce qu'on essaie de faire depuis 24 heures. Je suis très content, très satisfait de voir que, si on analysait certaines questions article par article, on progresserait plus rapidement qu'en débattant d'une motion qui nous demande de vérifier s'il faudra travailler cinq minutes sur chaque article jusqu'au 23 juin.

Le débat serait plus intéressant. Mais je n'ai pas le choix; j'ai la motion du Parti libéral, modifiée par lui-même et par le Parti réformiste, et j'essaie de me débrouiller avec ça pour faire un débat article par article du projet de loi sur l'assurance-chômage. C'est le mandat que m'ont donné les gens de ma circonscription. Avec mon peu d'expérience parlementaire, je cherche une solution. La seule façon que j'ai trouvée, c'est d'examiner un certain nombre d'articles. Si cela vous a convaincu, j'en prendrai d'autres pour permettre à d'autres députés de saisir l'argument et de corriger leur perception. On arriverait peut-être alors à sortir de cette motion le plus tôt possible.

Si les libéraux sont prêts à retirer leur motion et à retourner à l'étude article par article, je n'y vois pas d'objections.

[Traduction]

M. Easter: Voulez-vous que la motion soit mise aux voix?

[Français]

M. Crête: Il faut vérifier si les règles de procédure permettent de le faire.

M. de Savoye (Portneuf): Ça prend le consentement unanime.

M. Crête: Ça prend le consentement unanime. On verra ce qui peut être fait quand on sera rendus à ce point-là. Je vois que notre argumentation commence à faire son chemin.

.1310

Je vais vous donner quelques...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): M. Nault invoque le Règlement.

M. Nault: J'invoque le Règlement, madame la présidente. J'aimerais savoir si le représentant du Bloc fait maintenant une offre au gouvernement. Il se plaint depuis deux jours que les interventions sont limitées à cinq minutes, mais il n'a rien proposé d'autre. Que veut-il? Que les interventions soient de 10 minutes? Veut-il plutôt qu'elles soient de sept minutes? Il n'a proposé aucun amendement. Il n'a rien proposé du tout. Nous sommes prêts à débattre la question.

[Français]

M. Crête: Notre proposition est toujours la même depuis le début. On veut pouvoir passer à l'article...

Des voix: Oh! Oh!

M. Crête: C'est ce que j'ai dit il y a encore cinq minutes. Si le gouvernement retirait cette proposition, je pense que le Parti réformiste serait d'accord avec nous pour qu'on revienne à l'étude article par article et qu'on en parle jusqu'à ce qu'on ait épuisé les arguments.

Je ne vois aucun problème. Depuis le début on essaie de vous convaincre de cela. C'est vous qui avez déposé une motion pour nous dire qu'il fallait qu'il y ait une limite de cinq minutes pour chaque article.

[Traduction]

M. Allmand: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Nous pourrions prendre les représentants du Bloc québécois au sérieux s'ils ne nous avaient pas fait perdre quatre heures à étudier le premier article. S'ils s'étaient montrés raisonnables lorsque nous avons débattu le premier article, nous aurions été prêts à procéder comme ils le proposent. Ils nous ont cependant bien montré hier qu'ils ne comptaient nullement nous permettre de progresser. Si leur offre est sérieuse, nous sommes prêts à modifier l'article et à fixer un temps d'intervention raisonnable.

[Français]

M. Crête: Je vois que certains députés de l'autre côté ne se sont pas encore rendus à l'argumentation que j'ai présentée et que vous avez accepté de recevoir. Le temps qu'on a passé sur le premier article n'est pas démesuré.

Combien y a-t-il de définitions dans l'article 2? Probablement 45 ou 50.

[Traduction]

M. Nault: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Si le Bloc pense qu'il est raisonnable de consacrer une journée d'étude à chaque article, nous devrons mettre 180 jours pour terminer nos travaux. À l'issue de toute une journée de discussions, nous n'avons pas progressé au-delà du premier article. Si le député pense que c'est raisonnable, pourquoi se perdre en discussions? S'il veut vraiment que l'étude article par article progresse, qu'il accepte donc qu'on limite le temps...

M. de Savoye: Ce n'est pas un rappel au Règlement, c'est débattre la question.

M. Nault: Il est ridicule de prétendre qu'on n'a pas exagéré l'autre jour. Nous avons discuté toute la journée au sujet du même article. À ce rythme, madame la présidente, nous ne terminerons pas nos travaux avant 180 jours. De toute évidence, nos collègues du Bloc ne sont pas sérieux.

La vice-présidente (Mme Augustine): Très bien. Vous vous êtes fait comprendre.

[Français]

M. Crête: Je peux donc présenter de nouveau mes arguments? J'ai compris que le recours au Règlement n'avait pas été retenu.

[Traduction]

M. Easter: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Qu'il n'y ait aucun doute, le député usait d'un stratagème pour nous amener à croire qu'il nous faisait une offre.

M. Nault: Un stratagème, en effet.

[Français]

M. Crête: Je pourrais dire que la proposition ne m'appartient pas. Ce sont les libéraux qui l'ont faite. Si quelqu'un a quelque chose à voir avec cela, c'est vous. Si je vous dis de retirer votre proposition, vous allez me répondre que cela ne me regarde pas.

Il me semble qu'il faut poser un geste de maturité politique. Il faut se rendre compte qu'il y a eu une erreur de stratégie. Vous devez voir que vous avez manqué de patience. Il faut apprendre à vivre la vie parlementaire et accepter que l'opposition joue son rôle.

[Traduction]

M. Nault: C'est bien évident. Poursuivez.

[Français]

M. Crête: Je voudrais ajouter que le fait de passer une journée sur un article n'est pas démesuré quand il s'agit des définitions.

[Traduction]

M. Nault: Il nous faudra 180 jours...

[Français]

Une voix: Pourrait-on avoir un peu d'ordre, madame la présidente, s'il vous plaît?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Silence!

[Français]

M. Crête: Je vous remercie, madame la présidente.

Je voudrais revenir à l'article dont je parlais au moment où...

M. Dubé: Tu as été interrompu.

M. Crête: Non, il y a eu plusieurs interventions intéressantes. Mme la présidente a reconnu que mon argumentation la convainquait un peu. J'ai trouvé cela intéressant.

M. Dubé: Alors, cela vaut la peine de continuer.

M. Crête: Je pense qu'il serait intéressant de faire un parallèle avec les programmes de création d'emplois. On verrait que si on avait un délai supplémentaire pour les étudier, ce serait très intéressant.

D'un côté, le gouvernement fédéral prévoit dans sa loi cinq programmes de création d'emplois.

.1315

On peut applaudir au fait que ces cinq programmes viennent remplacer une multitude de programmes qui existaient avant et dans lesquels on se retrouvait plus ou moins.

Le problème, c'est qu'en même temps, du côté du Québec, on a une prise de position de la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité qui dit qu'Ottawa met en place cinq nouveaux programmes qui existent déjà au Québec. Là on s'enfonce dans le dédoublement ministériel.

Madame la présidente, pouvez-vous rappeler les gens à l'ordre, s'il vous plaît?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Silence! On ne s'entend plus.

[Français]

M. Crête: Je vais m'interroger sur la pertinence de mon argumentation parce que les libéraux ne semblent plus intéressés à écouter. Je me demande vraiment ce qu'il faut pour les convaincre.

Je comprends assez bien la situation dans laquelle se trouve la majorité libérale à l'heure actuelle. Elle a modifié une proposition qui ne mène nulle part. Il faudrait un geste de courage et de maturité politique de sa part pour demander le consentement du comité pour retirer sa proposition, mais elle ne semble pas prête à le faire à l'heure actuelle.

Je vais terminer ma présentation en disant que le sous-amendement du Parti réformiste doit être considéré dans l'ensemble de la proposition. Je vois une lumière au bout du tunnel, que je voudrais soumettre, entre autres à mon ami de Lévis qui vient de nous revenir. Si on acceptait l'amendement du Parti réformiste et qu'il y avait ensuite un autre amendement, mais à la proposition principale du député, disant qu'on va aller jusqu'au 23 juin, mais qu'on enlèvera la limite de cinq minutes par article pour qu'on puisse avoir le temps de bien étudier chaque article, peut-être que la proposition pourrait faire l'affaire. Le comité pourrait alors être fier de son travail, ayant démontré clairement que la limite du 23 juin ne limite en rien le gouvernement sur le plan financier. Les libéraux ont présentement la possibilité d'accumuler un surplus dans la caisse, que la loi soit adoptée ou pas. Ils se sont même permis de déposer deux projets de loi en même temps pour obtenir le même résultat.

Je pense qu'on serait capables, avec de tels amendements, d'en arriver à une résolution intéressante. Je souhaite que le gouvernement appuie notre position pour qu'on puisse produire un projet de loi complètement transformé, ce qui nous permettra de retourner dans nos comtés et de dire qu'on a fait du vrai bon travail, qu'on est arrivés à des résultats intéressants, qu'il n'y aura plus de pénalités pour les travailleurs saisonniers et que les gens qui entrent sur le marché du travail vont pouvoir le faire correctement et avoir droit à l'assurance-chômage.

On aura alors une réforme qui tiendra compte du nouveau marché du travail où il y a beaucoup d'emplois à temps partiel. C'est vrai qu'on a besoin de transformer la réforme de l'assurance-chômage de façon assez fondamentale.

M. Allmand: Je suis du côté du gouvernement et je vais appuyer vos amendements.

M. Crête: Pour que nous sortions nos amendements...

M. Allmand: On a besoin d'une étude article par article.

M. Crête: ...nous devons avoir le droit de parler sur la motion et de parler article par article.

Les libéraux ont fermé le robinet sur le débat article par article. Ils ont décidé qu'on n'aurait pas plus de cinq minutes. À partir de ce moment, ça devient un débat à forces inégales. On ne peut pas présenter nos arguments en quatre minutes.

Prenons l'exemple du contrôle de la caisse de l'assurance-chômage. Disons qu'on a une proposition à vous faire. Pour la caisse d'assurance-chômage, on veut avoir une structure du genre de celle de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec. Il y aura des employeurs du privé et du public, des syndiqués, des travailleurs autonomes, des gens qui représentent l'ensemble du marché du travail, et ce sera le nouveau conseil d'administration de l'organisme qui gérera la caisse de l'assurance-chômage. Le gouvernement pourra avoir des représentants au conseil d'administration, mais en proportion de ce qu'il met comme investissement. À l'heure actuelle, il n'y met pas un sou; la représentation ne sera pas très forte.

.1320

Si le gouvernement décidait de mettre de l'argent dans des programmes autres que celui de l'assurance-chômage, les gens seraient d'accord. Les employeurs et les employés qui paient les cotisations seraient alors tout à fait satisfaits du fait que leurs primes ne serviraient qu'à assurer le financement des prestations pour le chômage, c'est-à-dire la période creuse entre deux emplois. Ils seraient donc tout à fait d'accord que le gouvernement assume, avec des fonds différents, tous les programmes additionnels qu'il veut bien mettre en place.

Mais, pour proposer un tel amendement, cinq minutes ne suffisent pas. Le contenu est important et il y a toute une réglementation. Quand on va nommer cet organisme, qui procédera aux nominations? De quelle façon va-t-on le faire? Il faut que ce soit inscrit dans une loi. On ne peut pas régler tout cela en cinq minutes.

Nous le répétons depuis le début, cinq minutes ne suffisent pas. Depuis que les libéraux ont proposé de limiter à cinq minutes l'étude de chaque article du projet de loi, nous ne pouvons pas faire autrement que d'intervenir pour dire que cinq minutes ne suffisent pas.

Il est vrai que certains articles pourraient peut-être se régler en une minute et demie. Je vais vous en donner un exemple. Lorsqu'on aura terminé l'étude exhaustive de l'ensemble du projet de loi, article par article, et qu'il ne nous restera que l'article 1 à adopter - l'article 1 étant le titre, la Loi sur l'assurance-emploi - , je suis prêt à parier qu'on adoptera cet article très rapidement. Nous redonnerons tout simplement à la loi le nom de «Loi sur l'assurance-chômage» puisque ce n'est pas une loi sur l'assurance-emploi, et nous aurons réglé notre problème.

Aucun article ne dit que la personne qui a payé des cotisations a droit à un emploi en contrepartie de ses cotisations. Ce n'est pas ce qu'on garantit aux gens. Jamais on ne garantit qu'il y aura un emploi en échange de cotisations. On garantit que les cotisations permettront d'avoir des prestations. Les cotisations permettront aux gens d'être admissibles à des cours, ou à quelqu'un d'augmenter son employabilité, je le reconnais, mais il y a une différence entre augmenter son employabilité et obtenir un emploi.

Le délai qui nous est demandé par le Parti réformiste pourrait être utile. Nous pourrions en profiter, pendant cette période qui se termine le 23 juin, pour ajouter un chapitre complet sur des mesures qui pourraient vraiment améliorer l'emploi. On veut surtout améliorer l'emploi et pas seulement l'employabilité. On ne veut pas qu'il y ait 27 personnes pour le même emploi, mais plutôt faire en sorte que ces 27 personnes puissent choisir parmi 20, 22 ou 23 emplois proposés. De quelle façon doit-on procéder pour en arriver à cet ajustement?

Cela nous amènerait à nous associer, par exemple, au comité tactique sur la fiscalité annoncé par le ministre des Finances, car les membres de ce comité pourraient nous aider à trouver des réponses à ce sujet. Si on avait jusqu'au 23 juin pour faire ce genre de travail, cela deviendrait intéressant. Et peut-être serais-je alors obligé de corriger ce que j'ai dit concernant l'article 1. En effet, s'il y avait un chapitre complet traitant vraiment des façons de créer de l'emploi, on pourrait transformer le titre en «Loi sur l'assurance-emploi et chômage» ou «Loi sur l'assurance-chômage et emploi», de telle façon que le titre reflète vraiment la réalité.

Actuellement, on a un produit avec un nom, un emballage, mais le produit ne correspond pas à ce qui est dit. C'est très dangereux car cela donne des illusions qui finissent par frustrer ceux qui contribuent à la caisse de l'assurance-chômage. Pour un employeur, aujourd'hui, il y a des frustrations terribles. Grâce à l'amendement du Parti réformiste, on pourrait revoir des témoins d'ici le 23 juin.

Si on accepte la proposition des libéraux, c'est-à-dire cinq minutes pour l'étude de chaque article, il nous restera du temps que nous pourrons mettre à profit en écoutant de nouveaux témoins. Je pense que c'est une idée intéressante. Pour un article donné, on pourrait passer la journée à recevoir de nouveaux témoins qui voudront nous parler de ce sujet et, en fin de journée, on passera les cinq minutes sur l'article.

On observera donc la limite des cinq minutes, mais peut-être qu'il y aura de la lumière au bout du tunnel. Il faut espérer que les libéraux, après avoir entendu pendant toute une journée des gens témoigner sur les programmes d'emploi et sur l'emploi assurable, réaliseront qu'il faut peut-être passer non pas cinq minutes, mais dix minutes, une heure, ou même deux heures s'il le faut, pour étudier cet article. Nous verrons.

Quand les conseillers législatifs et les conseillers linguistiques nous auront donné leurs définitions, on ne peut pas dire combien de temps il faudra pour prendre une décision. Une heure ou deux heures seraient plausibles. Il faut qu'on y consacre du temps.

Donc, à mesure qu'on en parle, on se rend compte que le temps est important et que le fond de l'argument du Parti réformiste là-dessus est intéressant. Si l'amendement est accepté, cela nous donnera une certaine marge pour faire évaluer le dossier.

.1325

Il est intéressant de voir que le Parti réformiste, bien qu'il ait été bafoué par la majorité libérale qui refusait de lui donner une seconde de plus pour obtenir des conseils privilégiés au niveau législatif, nous revient tout de même avec un amendement constructif et positif qui nous permettrait de rencontrer des témoins et de discuter...

M. Dubé: Il faut aussi parler des résultats des études.

M. Crête: Oui, il faut aussi discuter des résultats des études. Nous n'avons pas encore pris connaissance de toutes les études. Nous n'avons obtenu que huit études sur 28. Il y aurait peut-être des choses à regarder. Je ne verrais pas d'inconvénient à ce que l'on reçoive à nouveau le comité sur les travailleurs saisonniers qui avait été formé par M. Axworthy l'an dernier et qui nous a dit des choses très intéressantes.

J'avoue qu'au début, je pensais que ce comité ne servirait pas à grand-chose, mais j'ai été très surpris et je pense que le ministre l'a été encore plus que moi. Le comité nous a dit: «Non, les gens ne profitent pas du système. Ce n'est pas parce qu'ils utilisent l'assurance-chômage chaque année qu'ils faut penser qu'ils sont malhonnêtes. C'est tout simplement que leurs emplois, par le fait qu'ils sont saisonniers, les obligent à utiliser l'assurance-chômage ont des emplois qui correspondent à ces choses-là».

Je pense donc que la proposition d'amendement du Parti réformiste permettra de voir que le sous-amendement peut être intéressant, et même beaucoup plus intéressant que l'amendement des libéraux qui ne vise qu'à faire adopter ce projet de loi à toute vitesse. D'ici le 29 avril, on n'aura pas le temps de rencontrer tous les experts et tous les groupes qu'on voudrait entendre. On n'aurait même pas le temps de les convoquer. Le résultat serait alors un travail superficiel et artificiel, et je ne crois pas que l'on envisage de prendre une telle responsabilité.

[Traduction]

M. Easter: Madame la présidente, j'invoque le Règlement. M. Crête réclame depuis un certain temps qu'on entende davantage de témoins. Si je ne m'abuse, le Bloc avait convenu que nous entendions 100 témoins. Prétendent-ils maintenant le contraire? Le comité a bien entendu le nombre de témoins qu'il s'était engagé à entendre.

[Français]

M. Crête: Non. Je ne sais pas si c'est un rappel au Règlement, mais je me ferai un plaisir d'y répondre. Je peux vous dire qu'on ne remet absolument pas en question l'entente que nous avions concernant les témoins. Elle a été respectée à peu près intégralement, sauf pour la question des experts que la majorité a décidé de mettre à part. On a accepté cette entente, mais il se pourrait bien que demain, le gouvernement et l'opposition s'entendent sur un autre point et décident de recevoir de nouvelles personnes au comité.

Ce n'est pas une remise en question de ce qui a été fait antérieurement, mais un constat du fait qu'il nous restera du temps, même avec l'amendement du Parti libéral. En considérant que nous allons rester ici jusqu'à lundi soir prochain, si nous consacrons cinq minutes à chaque article, cela fera à peu près 16 heures de débat, et il nous restera du temps pour rencontrer des groupes.

Si la proposition de la majorité est acceptée, il faudra s'assurer, puisqu'on est toujours en démocratie, de faire le plus possible dans le temps disponible. La qualité des débats va en souffrir, naturellement. Pensez que nous débattons depuis 24 heures sur une motion du Parti libéral alors que nous aurions pu utiliser tout ce temps pour débattre des amendements!

M. Dubé: Contradiction.

M. Crête: Si les libéraux n'avaient pas proposé cet amendement, s'ils avaient accepté de nous écouter sur l'étude article par article, on aurait maintenant...

[Traduction]

M. Proud: J'écoute depuis 25 heures.

[Français]

M. Crête: ...fait 24 heures de vrai débat. On aurait eu une fois et demie plus d'heures consacrées à l'étude article par article que ce qu'on a présentement. Pour l'instant on en est à trois heures à peine.

[Traduction]

M. Proud: Je vous écoute depuis 30 heures. C'est tout ce que j'ai fait, vous écouter.

[Français]

M. Crête: Si on veut faire les 16 heures de plus que le gouvernement veut nous imposer, ça ne fera que 19 heures. Si cette motion n'avait pas été proposée, on aurait pu travailler 24 heures et on aurait eu le temps de tout voir.

.1330

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): M. Nault invoque le Règlement.

M. Nault: Madame la présidente, comment peut-on régler cette question si le député cherche à nous induire en erreur. Si l'amendement n'avait pas été soumis, nous ne siégerions pas maintenant étant donné que, comme vous le savez, nous comptions siéger jusqu'à minuit hier soir.

Pour l'instant, madame la présidente, notre horloge est réglée à l'heure du Bloc, ce qui signifie que nous ne faisons que nous livrer à un petit jeu avec le Bloc parce qu'il est bien évident que nous ne siégerions pas jusqu'à 15 h 30 si nous n'étions pas saisis d'un amendement. Nous sommes toujours à l'heure du Bloc et on peut dire que c'est une nouvelle façon de tenir le temps au Canada, car cela nous permet de les laisser continuer de faire de l'obstruction, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Augustine): Rappel au Règlement.

[Français]

M. de Savoye: Je voudrais faire un rappel au Règlement, madame la présidente. Si le député d'en face veut débattre de la question, il n'a qu'à se mettre sur votre liste et vous lui donnerez la parole pour le débat au moment approprié.

Mais qu'il n'intervienne pas avec un rappel au Règlement en énonçant ses arguments. Je serai heureux de l'entendre, mais au moment approprié.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Je vous remercie de votre intervention.

Monsieur Crête, comme il n'y a pas de pendule dans cette salle, je crois que nous avons tous perdu le sens du temps.

M. Nault: Il est 13 h 30. C'est toujours le temps du Bloc.

La vice-présidente (Mme Augustine): Je voulais simplement vous signaler que vous parlez depuis plus d'une heure.

[Français]

M. Crête: Madame la présidente, je suis très conscient du temps que je consacre à ce projet de loi. Ça fait d'ailleurs deux ans que je m'en occupe sérieusement et je pense être capable d'en parler de façon approfondie et intéressante sans nécessairement prétendre être un expert sur la question.

Mon discours est aussi alimenté par tous les rappels au Règlement soulevés par les partis de l'opposition, qui m'incitent à dire d'autres choses.

Quand le secrétaire parlementaire me dit que si nous avions respecté l'horaire prévu, nous aurions fini à minuit, hier soir, il présume de ce qu'on aurait fait. Si tout d'un coup on avait manifesté un intérêt particulier et que tout le monde avait travaillé avec dynamisme, je peux vous dire que j'aurais été tout à fait satisfait qu'on le fasse sur l'étude du projet de loi article par article. J'aurais travaillé volontiers toute la nuit là-dessus. Mais je trouve aberrant que l'on soit obligé de recommencer le débat sur l'étude du projet de loi article par article.

Je voudrais dire encore une fois que je trouve très intéressant le sous-amendement proposé par le Parti réformiste, car il offre toutes sortes de possibilités. Je vais donc réfléchir sur l'opportunité de voter en sa faveur.

En effet, comme il nous permettrait, avec d'autres amendements à la proposition principale, de rouvrir le débat et de revenir à la position initiale qui a toujours été celle du Bloc de faire un débat de fond et une étude complète article par article, je pense que ça serait quelque chose d'intéressant. Je vous remercie.

[Traduction]

Des voix: Procédons au vote.

La vice-présidente (Mme Augustine): Une personne a demandé à intervenir. Voulez-vous aussi intervenir au sujet du sous-amendement?

Une voix: Oui.

[Français]

M. Crête: Oui. M. Dubé aussi, madame.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Très bien. Est-ce sur le même sujet?

M. Dubé: Oui.

La vice-présidente (Mme Augustine): Je vous rappelle que vous êtes intervenu deux ou trois fois.

M. Allmand: J'ai du nouveau à dire.

[Français]

M. Dubé: Non, il n'y a pas de problème, mais je voudrais vous rappeler l'article.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Augustine): Très bien. M. de Savoye suivi de Mme Brown.M. Dubé pourra ensuite poursuivre son discours pour une troisième heure.

[Français]

M. de Savoye: Merci, madame la présidente. Habituellement, je suis heureux de prendre la parole dans un comité, mais aujourd'hui, je suis très malheureux d'avoir à la prendre. Je suis malheureux parce que je dois m'exprimer sur une motion qui a été modifiée et remodifiée, mais dont l'essentiel vise à limiter la durée des débats, pas sur une loi secondaire, pas sur un projet de loi accessoire, mais sur une réforme fondamentale pour l'ensemble de la population canadienne.

.1335

Il est bien évident que je ne peux pas, au nom des parlementaires et au nom de la population, laisser cette motion faire son petit bout de chemin, être adoptée et avoir ensuite des conséquences néfastes pour la réputation du gouvernement et des parlementaires et pour la population.

C'est pourquoi je vais m'employer, dans les minutes qui suivent, à convaincre les députés d'en face de l'erreur qu'ils commettraient en limitant les débats. Je sais que si je ne réussis pas à les convaincre, mes collègues, qui sont nombreux, viendront prendre ma relève parce que c'est important. Si ce n'était pas important, nous ne le ferions pas.

C'est important pour aujourd'hui et c'est important pour demain. Le parlementarisme étant ce qu'il est, un jour, ceux qui sont en face seront ici et nous n'y serons plus, vraisemblablement. Mais ils seront bien contents que les règles du parlementarisme aient été respectées. Ils seront bien contents de pouvoir continuer à affirmer haut et fort, au nom de la population, les intérêts qui doivent être défendus.

Madame la présidente, on m'a souvent dit, et plusieurs de mes collègues ont sans doute entendu la même chose, que les lois sont mal faites et que les gens ne sont pas toujours heureux de voir de quelle façon elles sont appliquées. Mais il faut comprendre qu'elles sont appliquées de telle ou de telle manière parce qu'elles sont faites pour être appliquées de cette façon.

Pourquoi les lois sont-elles mal faites? Est-ce que ce serait parce qu'on n'y mettrait pas le temps et l'effort suffisants?

Je viens d'un milieu très différent de celui dans lequel je vis depuis octobre 1993. J'étais auparavant dans le domaine des systèmes d'information, des ordinateurs. Je faisais de la consultation. Je suis, d'une certaine manière, passé d'un environnement où l'organisation était importante et essentielle pour me retrouver, et je m'excuse de le dire, dans un environnement où la désorganisation me semble être l'essentiel.

Nos lois sont mal faites et je ne voudrais pas que cela arrive à celle qui est sur la table. C'est ce qui se produirait si la motion qui est devant nous était acceptée. Je dis que les lois sont mal faites parce que le processus est maladroit.

Je peux vous donner, comme exemple, la manière de procéder pour développer des produits logiciels. Des groupes de travail sont formés. Chaque élément, l'équivalent d'un article, est examiné à fond par les membres du comité avec des scénarios de simulation, ce qui pourrait être traduit en anglais par what-if scenarios. Tant et aussi longtemps qu'il subsiste une zone grise, tant et aussi longtemps qu'une question demeure sans réponse précise et voulue, parce qu'on peut avoir des réponses précises mais sans les effets désirés, tant et aussi longtemps qu'un élément n'assure pas avec certitude que sa mise en oeuvre va produire les résultats désirés, on retourne au plan de travail, on remet l'objet sur la planche à dessin et on continue de l'affiner.

Le processus d'élaboration des lois que nous vivons ici, à la Chambre des communes, et pas seulement dans ce comité que je ne voudrais pas cibler comme étant une exception, est tout à l'opposé d'une étude approfondie qui donne des résultats attendus et de qualité.

.1340

S'il fallait que le processus législatif de la Chambre des communes fasse l'objet d'une certification ISO 9000, ce qui devient de plus en plus le standard de qualité dans les produits, qu'ils soient physiques ou intellectuels, jamais la Chambre des communes ou un comité ne parviendrait à avoir même un début d'audit pour recevoir cette certification.

Ce qui est en cause, c'est la production de lois de qualité dont les résultats sont fiables, reliable. Nous n'en sommes malheureusement pas là. Nous continuons à construire les lois comme on le faisait il y a un siècle ou deux. C'est pour cela que des juges et des avocats doivent ensuite réparer les imperfections des lois par ce qu'il a été convenu d'appeler la jurisprudence.

C'est un peu comme si on achetait une automobile et qu'on demandait au garagiste, en établissant les diagnostics, de terminer la fabrication de l'automobile on the fly. Embarqueriez-vous dans un avion qui aurait été construit en suivant le processus législatif qu'on connaît à la Chambre des communes? Je vous mets au défi de le faire. Je suis sûr que personne ne le ferait.

Il faut quatre heures pour examiner des définitions qui vont assurer la clarté et la compréhension de chacun des autres articles. Je pense que cela est non seulement justifié, mais nécessaire et indispensable. Ne pas le faire aurait comme conséquence de repousser aux articles subséquents les clarifications qui auraient dû s'imposer immédiatement, avec tous les effets pervers et croisés que cela entraînerait.

Dans un projet de loi, chaque article n'est pas indépendant des autres. Ces articles s'interprètent les uns par les autres, s'enchaînent, ont des réactions. Et si, dans un projet de loi, il subsiste un article, et un seul, qui pourrait affecter d'autres articles, il le fera et au pire moment possible.

Le pire moment possible, c'est quand quelqu'un, un membre de nos communautés, un citoyen, une citoyenne est poursuivi ou n'a pas les services auxquels il ou elle a droit parce que cette zone grise a subsisté. Notre devoir, autour de cette table, est de faire en sorte que la loi qui sera adoptée soit aussi fiable, prévisible et impeccable que cela peut se faire humainement.

Si ça prend quatre heures, c'est dans le domaine de ce qui est humainement possible, et il faut le faire. Refuser de le faire peut avoir des conséquences sur des individus pour lesquels nous sommes collectivement responsables en tant que députés.

Aussi bien intentionné qu'ait pu être le député qui a proposé la motion pour limiter les débats, cette motion a des effets inacceptables sur notre objectif, qui est d'assurer la qualité de notre processus législatif. Comme le recommandait M. Crête tout à l'heure, il serait bon que le parti au pouvoir songe à retirer cette motion et à demander l'assentiment unanime de ce comité pour y parvenir.

Une autre motion pourrait ensuite être proposée. Mon collègue, M. Crête, a suggéré tout à l'heure des pistes qui m'apparaissent intéressantes, et je suis sûr que vous y songez présentement.

.1345

J'aimerais aussi porter à votre attention un autre élément: cinq minutes, ce n'est pas un peu court; c'est certainement trop peu. Je vais vous citer une expérience que j'ai eue, à la dernière session, au Comité permanent de la justice, et dont M. Allmand se souvient peut-être, même s'il ne présidait pas à ce moment-là.

Alors que nous procédions à l'examen article par article du projet de loi sur le contrôle des armes à feu, la présidente faisait en sorte que l'article soit lu et demandait ensuite si quelqu'un voulait intervenir, puis elle disait: «Adopté». Nous entendions, 30 à 45 secondes plus tard, la traduction simultanée qui disait «Est-ce adopté?». C'était adopté depuis 30 à 45 secondes, et il était donc un peu tard pour intervenir même si nous voulions le faire.

J'ai fait remarquer ce petit problème à la présidente en illustrant ce qui se passait. Je lui ai dit en français de me faire signe quand l'interprète aurait fini de traduire mes paroles. Lorsque j'ai eu terminé de parler, j'ai regardé ma montré et j'ai calculé le nombre de secondes entre la fin de ma phrase et le moment où la présidente a dit qu'elle avait entendu la traduction. Il s'était écoulé 45 secondes. Elle a alors très bien compris de quoi il s'agissait et, par la suite, elle nous a donné un délai pour réagir.

La traduction n'est cependant pas l'élément le plus important. Contrairement aux députés d'en face qui, généralement, se contentent de lire la version anglaise d'un article du projet de loi, nous devons lire les deux versions dans les deux langues. Il faut non seulement les lire l'un après l'autre, mais les lire en parallèle, de façon synchronisée, de manière à être sûrs que les deux textes sont équivalents.

Vous vous doutez bien, madame la présidente, que bien souvent, les deux textes ne sont pas équivalents. On ne peut pas laisser passer cela. Au Canada, les deux textes ont également force de loi et il n'y en aura pas un qui primera sur l'autre. Imaginez un juge qui, devant rendre un jugement, examine le texte en français et le texte en anglais, et découvre que les deux textes ne disent pas exactement la même chose. Lequel des deux sera le bon? Ils sont tous les deux bons.

S'ils ne sont que complémentaires, il n'y a pas trop de problèmes, mais s'ils sont contradictoires, et j'en ai vu, alors là il y a vraiment un problème. Quelle est la loi? Quelle est l'intention du législateur?

La seule manière dont un juge pourrait résoudre cette énigme serait de revenir au compte rendu d'un comité pour vérifier quelle était l'intention du législateur au moment où cet article a été adopté.

Cinq minutes! Regardez qui est autour de la table et convenez avec moi qu'en cinq minutes on ne peut pas prendre de bonnes décisions, parce des situations comme celles que je viens de mentionner risquent d'arriver. Et cela va arriver parce que ces articles ont été écrits par des humains et ne peuvent être parfaits. Il faut donc avoir le temps de faire le tour de la question et d'en discuter.

Madame la présidente, pensez à vous-même et à votre propre niveau de stress. Si vous deviez, avec un chronomètre, vous dire qu'il vous reste 18 secondes pour terminer l'étude de cet article, que se passerait-il?

Je comprends l'intention du député d'en face. Sa motion était sûrement bien intentionnée, mais, à mon sens, mal articulée.

J'aime bien le sous-amendement de Mme Brown qui nous amène au 22 juin, parce que là il y a une indication claire de prendre le temps de faire les choses. D'ici le 22 juin, on aurait le temps de bien faire les choses. Il ne faut pas nous mettre des carcans en nous donnant seulement cinq minutes par article, parce qu'on se rendra bien au 22 juin, mais de quelle manière, de quelle façon et avec quel résultat? N'est-ce pas le résultat qui compte?

.1350

Il est important que le processus permette aux membres du comité de faire leur travail, et de bien le faire. Mais si, d'une part, on doit s'assurer de bien faire le travail, encore faut-il que, d'autre part, nous fassions le bon travail.

[Traduction]

Il ne suffit pas que le processus soit le bon, il nous faut faire ce qu'il convient de faire.

[Français]

Ceci exige aussi du temps. On n'est pas en train de fabriquer des chaussures à la chaîne où la première, la deuxième, la troisième et la suivante se ressemblent toutes parce qu'elles sont toutes sur le même modèle. Nous sommes en train d'étudier un projet de loi où chacun des articles est différent, où chacun des articles peut avoir ou ne pas avoir une influence sur un autre article, et où un article donné devrait ou ne devrait peut-être pas avoir d'influence sur un autre article.

Il faut donc prendre le temps de soupeser toutes ces alternatives et de s'assurer que nous avons le bon résultat. Il faut le faire de la bonne façon.

L'assurance-emploi, c'est quelque chose qui est à la fois complexe et important, et c'est peut-être aussi quelque chose qui n'a pas été nommé d'une manière appropriée. Il faut aussi prendre le temps de bien évaluer les termes utilisés. L'assurance, c'est généralement une garantie qu'on obtient en déboursant une certaine somme pour contrer les effets néfastes de l'éventuelle matérialisation d'un risque.

Si quelqu'un achète de l'assurance-automobile, vous conviendrez avec moi que c'est sans doute parce que cette personne possède une automobile. Sinon, pourquoi cette personne paierait-elle une prime?

Lorsqu'une partie de la population au travail sera appelée à payer une prime d'assurance-emploi, il serait normal que ces personnes aient automatiquement droit à des prestations s'il leur arrivait de perdre leur emploi. Or, ce n'est pas le cas, et vous le savez. Certaines catégories d'employés ne pourront pas accumuler un nombre d'heures suffisant pour retirer les bénéfices correspondant aux primes qu'ils auront versées. C'est un peu comme si nous demandions à quelqu'un qui ne possède pas d'automobile de prendre une assurance contre les accidents de voiture. Cela crée un problème, convenez-en.

Nous devrons non seulement évaluer si les articles de loi qui couvrent ce territoire sont rédigés convenablement, mais nous devrons probablement aussi évaluer s'il est convenable de régler cette question de la manière dont elle l'est présentement.

Actuellement, la population apte au travail qui est sans emploi est de l'ordre d'environ25 p. 100. Vingt-cinq pour cent des gens aptes au travail n'ont pas d'emploi, mais cela ne veut pas dire que ces 25 p. 100 bénéficient de l'assurance-chômage. Non, il n'y en a qu'environ 10, ou peut-être 12 p. 100.

.1355

Le régime d'assurance-emploi ne peut pas et ne doit pas avoir pour seul objectif de transférer des sommes à des personnes qui perdent leur emploi. Ce programme législatif doit aussi améliorer l'employabilité des gens, les amener à se trouver un emploi. Ce programme a ceci de fautif qu'il ne s'adresse qu'à 40 p. 100 de la population qui est sans emploi. Que fait-on des autres 60 p. 100? Ce seront des laissés pour compte.

Évidemment, les programmes provinciaux devront, obligatoirement, venir compenser. A-t-on prévu l'arrimage entre les programmes fédéraux et les programmes provinciaux? On a souvent parlé du guichet unique. On sait qu'au Québec, il y a un consensus général sur la remise de toute la gestion de la main-d'oeuvre entre les mains du Québec.

Lorsque nous ferons l'étude article par article des points que touchent les propos que je viens de tenir, madame la présidente, nous tiendrons à éclairer tous les membres de ce comité d'une façon appropriée pour que la décision prise soit la meilleure. Réduire l'étude de chacun de ces points à une durée de cinq minutes n'est pas du tout ce qu'il faut. On ne permet pas au processus de suivre le cours qu'il devrait et on ne nous permet pas de parvenir à une conclusion éclairée et satisfaisante pour l'ensemble de la population.

Depuis plusieurs décennies, nous avons établi dans notre société, grâce au régime d'assurance-chômage, un équilibre entre les diverses forces de consommation et de production. Ce régime n'est pas seulement limité au strict intérêt de la personne sans emploi. C'est aussi un outil macroéconomique de gestion des mouvements ou de la circulation des capitaux de manière à maintenir une certaine capacité de consommation chez ceux qui l'ont temporairement perdue avec leur emploi.

En maintenant cette capacité de consommer, on maintient également la capacité de production et, par conséquent, un équilibre entre la consommation et la production. Si en modifiant le régime, on modifie cet équilibre, il faut être extrêmement prudent et en même temps s'assurer que le déséquilibre introduit va conduire à un nouvel équilibre, et non à la catastrophe.

De nombreux témoins ont exprimé des réserves importantes vis-à-vis du projet de loi et des effets pervers qu'il pourrait avoir. Bien sûr, le projet de loi que nous avons devant nous peut être bonifié, Dieu merci, par l'apport d'amendements. J'étais heureux tantôt d'entendre de la bouche de M. Allmand qu'il s'apprêtait à nous proposer des amendements qui vont vraisemblablement éliminer ou réduire les effets pervers que certains témoins anticipaient.

Le Bloc désire faire de même. Mais ces questions sont complexes. Je sais que M. Allmand insistera pour que nous comprenions l'importance des amendements qu'il veut apporter, qu'il sera en mesure de développer une argumentation bien structurée, qu'il le fera savamment comme il l'a toujours fait. Nous voulons prêter une oreille attentive à ses propos.

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