[Enregistrement électronique]
Le mercredi 9 octobre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
C'est avec plaisir que nous accueillons le ministre du Travail. Je crois, monsieur le Ministre, que c'est votre première visite à notre merveilleux Comité permanent du développement des ressources humaines. Je vous souhaite la bienvenue au nom des membres du comité qui sont venus écouter le ministre nous parler du projet de loi C-35, Loi modifiant le Code canadien du travail en ce qui concerne le salaire minimum.
Monsieur le Ministre, comme vous le savez sans doute déjà, notre comité est très efficient; nous allons donc vous donner environ dix minutes pour nous parler du projet de loi C-35, ensuite nous passerons à une ronde de dix minutes commençant par l'opposition, par le Bloc québécois, puis nous donnerons la parole aux libéraux, et ensuite, aux réformistes.
Soyez le bienvenu, monsieur le Ministre. Voulez-vous, s'il vous plaît, nous présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent?
L'honorable Alfonso Gagliano (ministre du Travail et leader suppléant du gouvernement à la Chambre des communes): Permettez-moi de vous présenter tout d'abord les deux fonctionnaires qui m'accompagnent. À ma gauche, c'est Judith Weinman, la conseillère législative du groupe de travail de révision de la partie III à la direction générale du travail. Je suis également accompagné par David Head,
[Français]
directeur général du Groupe de travail pour la révision des parties II et III du Code.
Chers collègues, monsieur le président, comme vous l'avez dit, c'est la première fois que j'ai le plaisir de vous rencontrer autour de cette table et j'en suis ravi. J'avais eu l'occasion auparavant d'assister à une séance du sous-comité de ce comité. Je suis aussi content de pouvoir discuter avec vous du projet de loi C-35.
[Traduction]
Ce projet de loi vise à protéger les travailleuses et les travailleurs à faible revenu, ceux-là même qui sont les plus vulnérables au sein de la population active. Je crois que le salaire minimum est l'une des armes dont nous disposons pour lutter contre la pauvreté. Il établit la norme minimale, un plancher en deçà duquel les salaires ne devraient pas descendre. Eh oui, ce n'est qu'un plancher, mais les travailleuses et les travailleurs peuvent y prendre appui pour commencer à perfectionner leurs compétences et pouvoir ainsi accéder à des emplois mieux rémunérés.
En présentant ce projet de loi, j'ai essayé de trouver le juste équilibre entre la nécessité d'augmenter les revenus des travailleuses et des travailleurs, la promotion des perspectives d'emploi et la prise en compte des réalités économiques provinciales.
[Français]
Ce projet de loi aligne le salaire minimum des travailleurs relevant de la compétence fédérale au niveau de celui en application dans chacune des provinces et dans les territoires.
En théorie, cela signifie une augmentation du salaire minimum fédéral partout au Canada et, à l'avenir, des ajustements automatiques chaque fois que les taux établis dans les provinces et les territoires seront modifiés.
En pratique, ce texte législatif nous permet d'harmoniser la loi à la réalité. Les employeurs sous juridiction fédérale savent déjà depuis un bon moment qu'ils ne peuvent pas payer leurs employés moins que le taux en vigueur dans leur région.
Les économies et les conditions du marché du travail varient d'une région à l'autre; le salaire minimum aussi. L'uniformisation des taux dans un même marché devient donc une simple question de justice et d'équité, tant pour les travailleurs que pour les employeurs.
Comme je l'ai mentionné en Chambre, les travailleurs effectuant un travail comparable méritent d'être rémunérés au même salaire sans égard à la juridiction qui s'applique dans leur industrie. De leur côté, les employeurs régis par le Code canadien du travail doivent remplir les mêmes obligations que leurs concurrents. C'est une question d'équité des deux côtés.
Il ne faut pas oublier non plus que 50 p. 100 des employés sous notre juridiction ne sont pas syndiqués. Leurs conditions minimales de travail dépendent donc de nous. Bien sûr, les mesures que nous étudions aujourd'hui sont de portée limitée. En effet, les industries régies par le Code canadien du travail sont largement déployées dans les secteurs de pointe: télécommunications, transports et banques. Or, un très faible pourcentage de ces employés reçoivent le salaire minimum.
La réalité, c'est que 98 p. 100 des travailleurs rémunérés au salaire minimum relèvent de la compétence des gouvernements provinciaux. Néanmoins, cette harmonisation va contribuer positivement à réduire la complexité de la réglementation gouvernementale et faciliter le respect des normes en place.
[Traduction]
Le projet de loi C-35 constitue une modification de la partie III du Code canadien du travail. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous informer d'une autre initiative que j'ai prise. Une initiative qui, en bout de ligne, nous apportera des suggestions pour d'autres modifications à la partie III.
Le 31 août dernier, j'ai lancé une Réflexion collective visant à examiner l'évolution du milieu de travail. Nous souhaitons stimuler le dialogue et le débat publics de façon à dégager des tendances, des options et des possibilités dans le contexte des nouvelles réalités du milieu de travail. Bref, nous nous employons activement à trouver les moyens à mettre en oeuvre pour relever les défis que pose l'évolution rapide du milieu de travail.
Les activités de cette Réflexion collective seront regroupées autour de deux axes principaux. Premièrement, un comité consultatif composé de six membres à temps partiel représentant les entreprises, les syndicats, les universités, les jeunes et les spécialistes en relations de travail. Pour concrétiser mon engagement à l'égard de cette question et de ce processus, j'ai choisi de présider le comité et, par conséquent, de participer à ses consultations.
Le deuxième axe de participation à la Réflexion collective est un site Internet interactif. Ceci devrait nous permettre de rejoindre le nombre croissant de Canadiennes et de Canadiens qui utilisent Internet pour communiquer entre eux et échanger des points de vue. Ce site se veut un complément aux moyens de consultation plus traditionnels utilisés par le gouvernement et les parlementaires.
[Français]
Au terme de la Réflexion collective, soit au printemps prochain, nous allons préparer une série de propositions dont nous allons discuter ouvertement avec les partenaires du milieu du travail. Cela fait, nous pourrons par la suite définir une stratégie du milieu du travail qui servira à soutenir les efforts que les Canadiennes et les Canadiens doivent faire pour s'adapter aux réalités du milieu du travail du XXIe siècle.
Monsieur le président, merci pour votre mot de bienvenue. Je suis prêt à répondre aux questions de tous mes collègues.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur le Ministre.
Nous passons maintenant aux questions et commentaires de M. Ménard, du Bloc.
[Français]
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je me joins au président pour souhaiter la bienvenue au ministre, qui ne sera pas surpris d'apprendre aujourd'hui que nous sommes globalement favorables, comme nous l'avions exprimé à l'étape de la deuxième lecture, au principe du projet de loi.
Cependant, il y a un certain nombre d'éclaircissements que nous pourrions ensemble tenter d'apporter aujourd'hui, particulièrement s'agissant de l'alinéa 178(1)a) proposé. Il se pourrait qu'il y ait des situations - sans parler d'une situation généralisée - où des travailleurs et des travailleuses pourraient exercer un travail qui les amène à ne pas être rattachés à une province en particulier. Il s'agit de ce phénomène de la mobilité interprovinciale dont le ministre a parlé à plusieurs reprises.
Donc, n'y aurait-il pas une difficulté à ne pas définir le lieu de travail? Le ministre a-t-il pu évaluer avec les fonctionnaires la portée de cet article-là? Que va-t-il se passer concrètement lorsqu'un individu exercera un travail qui va l'amener à évoluer dans deux ou trois endroits différents?
M. Gagliano: Je vais répondre à une partie de vos questions et je vais laisser mes fonctionnaires y aller plus en détail.
La pratique courante veut que, dans ces cas-là, le taux de salaire selon la province où l'entreprise est située soit toujours... Je vais vous donner un exemple. Si une compagnie de camionnage située de l'autre côté de la rivière, à Hull, emploie des gens à Hull, lesquels doivent se rendre à Ottawa pour faire la livraison, selon mon interprétation - si ce n'est pas la bonne, je laisse à mes fonctionnaires la liberté me corriger - , l'employé sera payé selon le taux du salaire minimum du Québec en autant que la province ait fixé un salaire minimum.
Mme Judith Weinman (conseillère législative, Groupe de travail pour la révision de la partie III du Code): J'aimerais ajouter que le libellé du projet de loi fait allusion au taux établi en vertu de la loi de la province où l'employé exerce habituellement ses fonctions. Dans le cas des camionneurs mentionné par le ministre, ceux-ci sont rattachés à un terminus et le salaire minimum applicable sera celui de la province où est situé ledit terminus, quel que soit l'endroit où le reste du travail du camionneur est exécuté.
M. Ménard: Se trompe-t-on en pensant qu'il peut y avoir des situations qui échappent à cette définition? Notre inquiétude initiale - et je pense que le ministre se rappellera que je l'avais soulevée à l'étape de la deuxième lecture - avait trait au terme «habituellement». Est-ce que cela implique des critères de temps et des critères d'ancienneté? La comparaison qu'on avait spontanément tendance à faire était celle concernant le secteur du transport. Il n'y a peut-être pas de difficulté tel que c'est libellé, mais vos juristes vous ont-ils conseillé de ne pas définir les lieux de travail? Et le mot «habituellement» renvoie-t-il à quelque chose de précis selon votre connaissance de la jurisprudence?
Mme Weinman: Je ne peux citer la jurisprudence, mais je sais que c'était l'une des choses qui nous inquiétaient. Nous en avons discuté avec le ministre de la Justice qui nous a assuré que cela incluait la situation dont on parle.
M. Ménard: Si je comprends bien le ministre, cela va véritablement dépendre de l'endroit où est établi le lien de l'employé avec l'employeur, beaucoup plus que de l'endroit où l'employé effectue son travail.
Mme Weinman: Oui. Ce libellé a aussi été choisi pour indiquer que ce n'est pas la province que l'employé habite qui compte, mais celle où il travaille habituellement.
M. Ménard: Comme le demandait ma collègue, qui a beaucoup d'expérience en matière de relations de travail, tant au niveau pratique qu'à celui de l'enseignement - et je suis convaincu que c'est un apport précieux pour le comité - , y a-t-il une annexe réglementaire qui va jeter un éclairage un peu différent sur l'alinéa 178(1)a)?
M. Gagliano: Dans un projet de loi, il y a toujours un projet de règlement, mais l'intention véhiculée ici par le mot «habituellement» est qu'une personne, lorsqu'elle est embauchée, l'est dans un endroit déterminé. Si elle voyage dans plus d'une province, il faut qu'à la fin de son voyage, elle rentre au dépôt, dans le cas d'une compagnie de transport. Donc, c'est facile à déterminer.
M. Ménard: C'est le lieu physique, à toutes fins pratiques. Ce n'est pas la nature du travail ou l'ancienneté. C'est le lieu physique. C'est en ce sens que vous vous étiez exprimé en deuxième lecture. De toute façon, je pense que ma collègue va vous demander des précisions là-dessus. Je voudrais également, monsieur le ministre, discuter avec vous du paragraphe 178(3) proposé.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de la façon dont vous interprétez cet article et des circonstances où vous entendez vous en prévaloir? Si aucun salaire n'était établi, vous pourriez le fixer par décret. Vous aviez dit, en deuxième lecture, que c'était surtout pour des situations où vous jugeriez que le salaire minimum était inexistant ou...
M. Gagliano: Ce n'est pas le cas, parce que toutes les provinces et territoires ont un salaire minimum. Cependant, s'il n'y en avait pas, on pourrait alors faire en sorte qu'il y en ait un. En adoptant cette loi, nous ne perdrons pas notre responsabilité en tant que gouvernement fédéral si nous voulons que, dans les régions, l'activité économique régionale soit prise en considération.
Nous voulons que ce soit plus facile à administrer. Mais si, demain matin, une province décidait... On ne sait jamais ce qui peut se passer. Le gouvernement peut changer. S'il n'y avait pas de salaire minimum, nous pourrions en fixer un pour les employés de juridiction fédérale.
M. Ménard: Vous faites bien de nous rappeler la fragilité des gouvernements. Il y a des leçons de vie derrière cela. J'ai deux questions à vous poser avant de passer la parole à ma collègue.
Lorsque vous vous étiez présenté devant nous, les positions du Québec et d'un certain nombre de provinces n'étaient pas arrêtées. Pour ce qui est de la position du Québec, elle est maintenant claire. Il y a un appui ferme au projet de loi. Donc, vous présentez-vous devant nous avec l'appui de l'ensemble des provinces?
M. Gagliano: Mes fonctionnaires ont fait des consultations et, selon les renseignements que j'ai, il n'y a pas d'opposition de la part des provinces et des territoires à ce projet de loi et tout le monde accepte cette initiative. À moins qu'il y ait eu des changements à la dernière minute, si j'ai bien compris, les provinces sont d'accord sur le projet de loi.
M. Ménard: Sans en abuser, nous pourrions peut-être profiter de votre présence. Je crois qu'il est connu que vous souhaitez réformer les parties I, II et III du Code. Serait-il possible de connaître l'échéancier? Vous savez combien on est impatients de travailler à la partie I. Pourriez-vous nous donner un petit échéancier?
M. Gagliano: J'avais déjà dit publiquement que j'espérais pouvoir être en mesure de déposer les amendements à la partie I vers la fin septembre ou le début octobre.
Malheureusement, ce matin, on m'a dit qu'à cause du temps qu'il faut pour rédiger certains amendements techniques assez importants, on ne sera en mesure de les déposer qu'au cours de la première semaine de novembre.
J'ose croire que je ne serai pas obligé, la prochaine fois, de me réviser à ce sujet. J'ai aussi hâte que vous de déposer ces amendements afin qu'on puisse avoir un débat, non seulement au Parlement, mais dans tout le pays, parce que la façon dont nous travaillons affecte les employeurs, les employés, la société tout entière.
Il est important, dans cette nouvelle économie, que le Code canadien du travail soit modifié. La partie I n'a pas été touchée depuis 20 ans. En ce qui a trait à la partie II, nous y travaillons très fort.
On n'est pas aussi avancés qu'en ce qui a trait à la partie I, mais on a quand même fait une grande partie du travail. Je puis vous dire que 90 p. 100 des amendements ont été acceptés par les deux partis. Quelques amendements sont presque terminés. On devrait être en mesure, dans les semaines qui suivent, d'aller devant le Cabinet et de faire adopter le projet, et donc de commencer à rédiger le projet de loi.
Nous espérons pouvoir déposer les amendements à la partie II d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine. C'est très intéressant parce que la partie II traite de la santé et de la sécurité au travail. Donc, c'est un chapitre très important.
Quant à la partie III, on y prépare des amendements. J'ai lancé cette opération Réflexion collective qui va se terminer à la fin du mois de mars et un rapport sera fait au comité en avril. Nous convoquerons tous nos partenaires, le patronat, le syndicat, les universitaires, pour arriver à des propositions précises, et nous procéderons par la suite à des modifications législatives si nécessaire.
M. Ménard: À la page 3 de votre texte, vous affirmez:
- Il ne faut pas oublier que plus de 50 p. 100 des employés sous juridiction fédérale ne sont pas
syndiqués et, par conséquent, dépendent de nous en ce qui a trait à leurs conditions minimales de
travail.
On sait de façon générale que le Code canadien du travail touche 10 p. 100 de la main-d'oeuvre au Canada. Donc, 90 p. 100 de la main-d'oeuvre n'est pas touchée. Vous semblez nous dire que, de ces 10 p. 100 d'employés qui sont sous juridiction fédérale, 50 p. 100 ne sont pas syndiqués. Donc, on pourrait penser que les conditions de travail sont relativement précaires et que la rémunération est faible. Pourrait-on obtenir un peu plus d'information là-dessus?
M. Gagliano: Oui, bien sûr. Je ne sais pas si nous avons des documents à portée de la main, mais on pourra vous les faire parvenir.
J'aimerais toutefois souligner que bien qu'ils ne soient pas syndiqués, il ne faut pas tenir pour acquis qu'ils reçoivent le salaire minimum. Par exemple, dans le secteur des banques, il y a très peu de syndicats. Je pense qu'il y a seulement un centre de cartes de crédit d'une banque qui est syndiqué.
La grande majorité des employés des banques ne sont pas au salaire minimum. Je ne sais pas si on possède des statistiques là-dessus, mais je laisserai cela à mes fonctionnaires. On pourra vous faire parvenir certains renseignements.
M. David Head (directeur général, Groupe de travail pour la révision des parties II et III du Code): Malheureusement, nous n'avons pas les statistiques exactes, mais on sait que moins de2 p. 100 des personnes sont au salaire minimum. Pour le fédéral, cela représente moins de20 000 personnes. La plupart sont maintenant payées au salaire minimum provincial. J'imagine qu'on pourrait en trouver quelques-unes, ici et là, qui sont payées au salaire minimum fédéral. À mon avis, cela représente moins de 2 000 personnes.
Mme Lalonde (Mercier): Revenons au paragraphe 178(1). Comme on sait que certains employeurs peuvent chercher à profiter de la loi et même parfois à ne pas l'appliquer - les normes minimales sont un triste exemple de cupidité et de pression sur les employés - , il n'est pas impossible que certains profitent du fait qu'on en vienne à un salaire minimum qui ne soit pas le même.
Quand on examine les salaires minimums, on voit, par exemple, qu'au Nouveau-Brunswick, il est à 5,50 $ l'heure tandis qu'au Québec, il est maintenant à 6,70 $ et, en Ontario, à 6,85 $. Si le salaire est déterminé par règlement, une entreprise qui fait voyager ses gens pourrait avoir intérêt à établir son terminal au Nouveau-Brunswick plutôt qu'au Québec ou en Ontario. Les travailleurs auraient-ils alors un recours, parce que 1,20 $ l'heure représente une somme importante au bout d'une semaine de 40 heures?
M. Gagliano: Bien sûr, quand on présente un projet de loi, on ne peut prévoir toutes les échappatoires auxquelles un employeur ou un citoyen pourrait penser. Si un tel cas survenait, on pourrait toujours regarder la situation, mais je dirais que votre question est très hypothétique parce qu'il y a quand même, surtout dans la juridiction fédérale, des dépenses énormes dans l'industrie du camionnage. Depuis qu'on a fait l'annonce du projet de loi, deux provinces ont déjà changé leur salaire minimum.
Un employeur qui penserait à un tel scénario risquerait beaucoup. Il faudrait qu'il prouve qu'il déménage son entreprise et non pas seulement le terminus. Il faut qu'il existe un lieu physique de travail.
Mme Lalonde: Par définition, quand le salaire minimum s'applique, c'est parce qu'il n'y a pas de convention collective. Cela veut dire que chaque travailleur ou chaque travailleuse est seul devant l'application de ce salaire par son employeur. C'est pour cela que toute la question des normes est toujours difficile, non pas pour déterminer des niveaux de normes, mais surtout pour les faire appliquer.
Je me sens obligée de poser ce type de questions. Dans la préparation, y avez-vous pensé? Il me semble que quelque part, il ne faudrait pas que cela serve à diminuer les salaires qui, autrement, seraient plus élevés. Je n'ai pas d'amendement à proposer, mais il me semble qu'il y a là un problème réel.
J'attends que vous me répondiez, mais pendant que j'ai la parole, pour accélérer les travaux, j'aimerais que vous expliquiez également l'article 179 relativement aux conditions d'emploi fixées pour les personnes de moins de 17 ans. Y a-t-il un règlement par rapport à cela? Il serait intéressant de l'avoir. Si vous l'aviez maintenant, il serait intéressant de l'avoir.
Mme Weinman: Il s'agit de l'article 10 du règlement général du travail. Ces règlements traitent des circonstances dans lesquelles un jeune pourrait travailler. Bien sûr, un jeune ne peut travailler pendant qu'il est à l'école. Il ne pourrait travailler sous terre dans une mine. Il ne pourrait travailler dans un établissement qui est soumis à la Loi sur l'énergie atomique. En général, cet article de la loi et les règlements s'occupent de la sécurité et de la santé des jeunes. La seule chose qui est différente maintenant, c'est qu'on a révoqué le pouvoir de fixer un taux de salaire inférieur pour les jeunes.
[Traduction]
Le président: Monsieur McClelland.
M. McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Merci beaucoup.
Je voudrais revenir sur la question de Mme Lalonde. Le ministre a-t-il fait des études pour déterminer si l'âge minimum ainsi établi correspond à l'âge minimum moyen dans un territoire donné? Je sais, par exemple, que le salaire minimum en Alberta est de 5 $. Reste à savoir combien d'entreprises appliquent effectivement ce salaire minimum de 5 $, en dehors, éventuellement, de la restauration et de l'hôtellerie.
De façon plus générale, j'ai lu des rapports indiquant que les lois sur le salaire minimum ont pour effet de réduire la quantité des emplois en bas de l'échelle, en particulier pour les travailleurs à temps partiel. Je ne veux pas me prononcer pour ou contre le salaire minimum. Je voudrais simplement savoir si le ministère a des statistiques qui portent sur cet aspect.
M. Gagliano: Je vais demander à mes fonctionnaires de compléter mes réponses, mais au niveau fédéral, la compétence du gouvernement fédéral en matière de travail comprend les transports, les télécommunications, les banques et les sociétés d'État. Le salaire minimum ne concerne donc que quelques milliers de personnes, pas plus. Nous n'avons pas de statistiques détaillées, car cette question n'est pas vraiment préoccupante. C'est sans doute pour cela que le salaire minimum n'a pas augmenté depuis des années. C'est aussi pourquoi nous intervenons ainsi. Il serait juste pour tous les Canadiens que les taux provinciaux fluctuent en fonction des besoins de chaque province.
M. McClelland: J'ai une autre question, qui est peut-être hors sujet, mais comme vous êtes ici, je voudrais profiter de votre présence. Il s'agit de toute la notion de mobilité de la main-d'oeuvre et de la possibilité, pour les Canadiens, de travailler à tel ou tel endroit. J'ai entendu dire que, pour certains Canadiens, il est plus facile de travailler aux États-Unis que dans la province voisine. Le ministère du Travail a-t-il pour priorité de rendre notre économique plus efficace en donnant l'exemple et en abolissant les obstacles à la mobilité de la main-d'oeuvre?
M. Gagliano: Mon collègue, le ministre de l'Industrie, est responsable de cette question et il négocie... Des négociations sont actuellement en cours avec toutes les provinces pour assurer la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'ensemble du pays.
Quant à notre politique, elle est favorable à la mobilité de la main-d'oeuvre, mais tout cela doit être négocié, à cause de la nature même de la législation du travail en vigueur dans les provinces. Nous espérons que dans un proche avenir, il sera plus facile de se déplacer à l'intérieur du Canada que de déménager aux États-Unis ou au Mexique.
Le président: Monsieur McCormick.
M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox et Addington): Je voudrais souhaiter la bienvenue au ministre et à ses fonctionnaires.
Tout à l'heure, la conseillère législative a fait référence au projet de loi C-7, je crois, et notre président a fait valoir les nombreuses qualités de ce comité en disant que c'est un comité très efficient. Notre président l'est certainement, mais je voudrais faire le commentaire suivant: si le ministre consulte les dossiers, il verra que certains d'entre nous ont eu l'occasion de siéger à un sous-comité chargé d'étudier le projet de loi C-7 qui, lui aussi, était très efficient, grâce à l'aide du secrétaire parlementaire et d'un personnel très dévoué et très savant. Je tenais à l'en remercier.
Même si ce projet de loi ne concerne pas un très grand nombre de travailleurs, quand je vais retourner dans ma circonscription, mes électeurs vont me demander pourquoi le gouvernement fédéral a attendu si longtemps avant d'augmenter le salaire minimum. Je comprends qu'ils me posent cette question, mais je voudrais savoir si vous pouvez les éclairer.
M. Gagliano: Je ne peux pas me prononcer au nom des gouvernements précédents. La seule chose que je puisse dire, c'est que dès que nous sommes arrivés au pouvoir, nous nous sommes préoccupés de cette question et nous avons consulté les provinces. On ne consulte pas les gouvernements de dix provinces et de deux territoires du jour au lendemain. Mon prédécesseur, Mme Robillard, a fait aussi vite que possible; elle a défini le principe voulant que le salaire minimum soit celui de la province, et elle l'a fait approuvé par le gouvernement. Pendant qu'on rédigeait le projet de loi, nous avons annoncé la décision par décret du conseil, sauf erreur de ma part, que le salaire minimum fédéral correspond, depuis le 17 juillet, au salaire minimum provincial en vigueur dans la province où le salarié travaille et réside.
M. McCormick: Merci pour cette réponse.
J'aurais une autre question à poser. Vous avez effectivement répondu à ma question, mais vous vous souvenez que plusieurs d'entre nous ont fait le tour du pays lors de la révision de notre régime de sécurité sociale. Au cours de ces 35 jours, nous avons tous constaté, en visitant 25 ou 26 villes dans les dix provinces et les deux territoires, en nous rendant dans l'est de l'Arctique, que notre pays est formé de régions très diverses. Mais dans chaque province, les gens ont demandé que l'on fixe des normes nationales pour chaque aspect de la société canadienne et du monde du travail. Je pense que les travailleurs canadiens sont très mobiles et très déterminés. Mais je me demande si, avec ces12 niveaux différents de salaires minimums, on ne va pas créer des inégalités. Je me demande ce que les gens vont penser de la façon dont nous avons réglé cette situation.
M. Gagliano: Nous l'avons réglé tout d'abord de cette façon-là. Le salaire minimum fédéral a augmenté sensiblement, passant de 4 à 6 ou 7 $ dans certaines provinces. Je pense que dans un proche avenir, les provinces décideront d'harmoniser leurs salaires minimums. Nous avons une économie de nature régionale et chaque salarié travaille dans une région, dans une province. C'est pourquoi nous avons pris cette décision, en nous fondant sur deux principes. Tout d'abord, nous avons augmenté le salaire minimum pour nous aligner sur ce que faisait le reste du pays. Nous avons agi ainsi après avoir constaté ce qui se passait dans les provinces. Le salaire minimum fédéral a donc augmenté et désormais, dans chaque région, les Canadiens ont un salaire minimum conforme à la réalité de leur région et identique à celui qu'applique leur gouvernement local.
M. McCormick: Monsieur le président, je voudrais remercier le ministre de nous avoir donné son point de vue sur la réalité régionale du Canada.
Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Je voudrais, moi aussi, souhaiter la bienvenue au ministre et à ses fonctionnaires devant ce comité.
Je voudrais vous interroger sur l'alinéa 178.1(b). Pouvez-vous nous dire comment s'applique cette disposition dans le cas d'une personne rémunérée à la pièce ou qui touche un salaire autre qu'horaire. Je voudrais une explication là-dessus dans la langue du profane.
Mme Weinman: Puis-je essayer?
M. Gagliano: Oui, vous devriez mieux répondre que moi.
Mme Weinman: Ça, je ne le sais pas, mais...
Le salaire minimum est fixé à un taux horaire, et une disposition du projet de loi prévoit le versement d'un taux équivalent aux employés qui touchent un salaire mensuel ou hebdomadaire.
Dans la loi actuelle, on trouve déjà un pouvoir de réglementation qui permet de déterminer le taux horaire. Dans le cas d'un employé rémunéré autrement, par exemple à la pièce, le règlement actuel prévoit que l'on divise simplement le salaire de cet employé par le nombre d'heures de travail effectué pour gagner ce salaire.
Mme Augustine: Il se pourrait que les formules de calcul soient différentes aux niveaux fédéral et provincial, n'est-ce pas?
Mme Weinman: Je ne sais pas exactement comment les provinces effectuent le calcul d'équivalence pour la rémunération à la pièce, mais je pense que notre méthode est tout à fait ordinaire et bien acceptée. Il s'agit de diviser le montant de la paye par le nombre d'heures travaillées.
Mme Augustine: Je voudrais revenir à la déclaration du ministre, le premier paragraphe de la page 4, qui m'a un peu surprise:
- La réalité, c'est que 98 p. 100 des travailleurs rémunérés au salaire minimum relèvent de la
compétence des gouvernements provinciaux.
M. Gagliano: Comme je l'ai dit, 98 p. 100 des travailleurs relèvent des provinces à cause de la nature des activités dans le domaine de compétence fédérale. Par exemple, les banques, les télécommunications et les transports relèvent du domaine fédéral. Je crois qu'il n'y a que le camionnage, éventuellement... Mais la plupart des secteurs d'activités qui relèvent de la compétence fédérale sont formés de grosses sociétés qui emploient des travailleurs syndiqués et qui ont leur propre régime de rémunération. Nous n'avons pas de statistiques précises à ce sujet, mais je crois qu'il n'y a qu'environ 2 000 personnes qui travaillent au salaire minimum et qui relèvent de la compétence fédérale; c'est donc tout à fait minime.
Mme Augustine: Cette loi ne concerne donc qu'un petit nombre de personnes.
M. Gagliano: Oui, tout à fait.
Le président: Monsieur McClelland.
M. McClelland: Pourquoi le ministre a-t-il jugé nécessaire de préserver la possibilité de modifier les taux horaires par décret? Puisque cette mesure répond à un souci d'harmonisation avec les provinces, pourquoi faut-il le droit de modifier les taux de rémunération par décret?
M. Gagliano: Cette possibilité n'existe que pour le cas où une province déciderait de ne pas fixer de salaire minimum, ou de le réduire sensiblement. Le gouvernement et le ministre se réservent donc la possibilité de recourir à un décret pour assurer un juste salaire aux Canadiens qui relèvent de la compétence fédérale.
M. McClelland: J'ai une autre question dans la même veine. Elle s'inspire de mon expérience en tant qu'employeur, mais aussi du fait que j'ai lu récemment que le premier ministre du Québec a estimé que le travail au noir représente jusqu'à deux milliards de dollars. Si c'est le cas au Québec, c'est probablement du même ordre de grandeur dans les autres régions du pays. Y a-t-il un rapport entre d'une part l'industrie de l'accueil, le secteur de la restauration, le taux horaire du salaire minimum, l'emploi au niveau de débutant, et l'économie souterraine, et savez-vous s'il y a un rapport entre ces facteurs et les taux du salaire minimum?
M. Gagliano: Je n'ai pas de statistiques sur l'économie souterraine. Nous savons tous qu'elle existe et que nous aimerions l'abolir dans la mesure du possible et aussitôt que possible. Les raisons pour lesquelles les gens font des affaires en cachette sont peut-être nombreuses, mais je ne crois pas que le salaire minimum en soit une. Je crois qu'il y a beaucoup de raisons. Je crois que tous les gouvernements de puis que le monde est monde ont dû se préoccuper de ce problème.
Le président: Madame Lalonde.
[Français]
Mme Lalonde: J'aimerais ajouter que je n'ai pas eu de réponse à ma question. Vous pouvez bien dire que la question que je posais était théorique, que l'exemple des travailleurs du transport qui travailleraient dans trois provinces était théorique. En fait, le terminal qui, d'après le règlement, est censé déterminer leur salaire, pourrait fort bien être déplacé et pourrait être localisé au Nouveau-Brunswick plutôt qu'en Ontario ou au Québec. Ce n'est pas si théorique que cela. Il faut voir comment les normes minimales sont appliquées partout.
Tous les employeurs ne sont pas comme M. McClelland, j'en suis certaine. Il y en a qui cherchent tous les moyens de profiter de la situation, qui évitent de verser le salaire minimum en s'entendant en-dessous de la table. Il me semble qu'il faudrait chercher une façon de s'assurer que cette modification ne puisse pas être utilisée à ces fins. Je n'ai pas d'amendement pour l'instant, mais je vais certainement y songer, parce qu'il faut se rappeler que les travailleurs sont individuellement seuls devant leur employeur quand ils sont aux prises avec l'application du salaire minimum.
M. Gagliano: Si je n'ai pas répondu clairement à votre question, c'est que j'essayais de donner un exemple. Comme nous le disons habituellement, c'est l'endroit où la personne travaille qui compte, mais nous allons vois s'il ne serait pas possible de mettre cela plus clair en termes juridiques. Si on le pouvait, je suis sûr qu'on le ferait. On n'a pas de problème. Pour nous, l'intention est claire: on veut que le salaire minimum des provinces où l'employé est embauché et son lieu de travail soient respectés.
Maintenant, comment s'assurer qu'il n'y aura pas d'abus? Si on pouvait améliorer le projet de loi, nous serions prêts à examiner des amendements. C'est pour cela que nous sommes ici devant le comité. D'autre part, nos fonctionnaires étudieront la possibilité de clarifier encore la situation.
Mme Lalonde: Pourrait-on demander qu'on nous remette le plus rapidement possible la copie du règlement qui s'applique à cet égard?
M. Gagliano: Oui, et si nous avons des statistiques, nous vous les ferons parvenir également.
Mme Lalonde: Merci, monsieur Gagliano.
[Traduction]
Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie de votre exposé. Ce projet de loi est sans doute important et le comité l'étudiera très attentivement. Nous espérons que tous les députés proposeront des améliorations éventuelles. J'aimerais vous remercier et bien sûr vos fonctionnaires aussi d'avoir pris le temps de comparaître. Et aussi de nous avoir informés que nous aurons beaucoup de travail sur la planche au mois de novembre. Nous pourrons adapter notre horaire en conséquence.
Le ministre est sur le point de partir, mais les hauts fonctionnaires resteront parmi nous pour l'étude article par article. Ce sont les privilèges d'un ministre.
Sommes-nous prêts à passer à l'étude article par article? D'accord.
L'article 1 est adopté avec dissidence
M. McClelland: Il y a un point que j'aimerais éclaircir, monsieur le président. Je voulais proposer un amendement concernant le paragraphe 178.(3). Je ne le proposerai pas, mais je veux que le procès-verbal indique clairement que l'article concerné est adopté avec dissidence.
Le président: C'est déjà adopté avec dissidence, mais on a pris bonne note du fait que le Parti réformiste n'appuie pas l'article 1.
Les articles 2 et 3 sont adoptés avec dissidence
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Dois-je présenter le projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: C'était rapide. Nous sommes un groupe très efficace.
Au nom du comité, j'aimerais remercier les hauts fonctionnaires, non pas pour l'étude article par article mais de nous avoir aidés dans l'autre partie de nos délibérations.
La séance est levée.