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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 16 mai 1996

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous accueillons M. Paul Steinhauer de Alliance Sparrow Lake et Voix pour les enfants. Nous sommes heureux que vous puissiez être des nôtres, monsieur Steinhauer. Comme vous avez d'autres engagements, semble-t-il, nous ne vous garderons pas trop longtemps. Nous sommes prêts à entendre votre exposé qui, nous l'espérons, sera bref, de façon à ce que nous puissions vous poser des questions par la suite. Bienvenue au comité.

M. Paul Steinhauer (Alliance Sparrow Lake et Voix pour les enfants): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs. Je m'excuse de vous faire venir à cette heure, mais j'ai un autre comité à 9 h 30.

Je vous remercie également parce que le ministère de la Santé est l'un des commanditaires de Voix pour les enfants qui, comme vous le constaterez en lisant la documentation qui se fait traduire en ce moment, est un groupe de 18 organismes ontariens et de deux partenaires nationaux, l'Institut canadien de la santé infantile et la Child Welfare League of Canada, dont l'objectif est de sensibiliser la population aux besoins des enfants.

Je suis psychiatre praticien pour enfants depuis 34 ans et une bonne partie de ce temps je me suis senti comme quelqu'un qui se trouve le long d'une grande rivière où flotte des milliers de noyés et qui ne sait trop que faire. Doit-il en sortir de l'eau quelques-uns et leur pratiquer le bouche à bouche en oubliant les autres ou doit-il essayer d'aller en amont pour essayer de régler le problème à sa source et mettre fin à ce désastre au niveau du développement? Ce n'est qu'au cours des sept dernières années que j'ai eu l'occasion de vraiment aller en amont et d'essayer de faire quelque chose de façon à ce que les enfants aient le départ qui leur permette de devenir des adultes en santé, compétents et productifs.

J'espère, je tiens à le dire au départ, que ce comité considérera la santé comme autre chose que l'absence de maladie et qu'il verra qu'un développement sein est tout ce qui permet aux enfants de développer leur plein potentiel, leur pleine compétence et leur pleine productivité.

Les enfants sont clairement une préoccupation nationale. Dans deux des documents que vous avez reçus, vous avez vu des chiffres illustrant l'étendue du problème que représente la santé mentale des enfants. Selon une étude, un enfant ontarien sur six - le chiffre est comparable dans l'étude sur la santé des enfants au Québec - est atteint d'un trouble mental et le taux national corrigé de décrochage est de 18 p. 100. Et si vous avez lu l'édition du Globe and Mail de ce matin, vous savez quelles sont les statistiques sur le crime chez les jeunes, en particulier les jeunes de 12 à 17 ans.

Les enfants sont également une préoccupation nationale en ce sens que s'ils sont en difficulté à cet âge ils le seront inévitablement plus tard. Les enfants qui ne développent pas d'attachements adéquats à leur famille deviendront des adultes qui auront des problèmes chroniques dans leurs relations avec leurs propres familles, leur lieu de travail, la société ainsi que dans le soin de leurs propres enfants. Les enfants qui décrochent et qui demeurent analphabètes deviendront des adultes qui continueront d'avoir de piètres possibilités d'emploi et resteront sans doute chroniquement dépendants, ce qui signifiera des coûts accrus pour nous tous sous forme d'aide sociale. Si nous avons des adolescents aliénés et anti-sociaux, atteints de troubles émotifs chroniques, nous ferons face, en tant que société, à une incidence accrue de vandalisme, de violence, de grossesse chez les adolescentes ainsi qu'aux services coûteux que cette situation entraînera. Si nos enfants n'apprennent pas à être productifs, ils deviendront plus tard des chômeurs chroniques. Notre industrie sera privée de la main-d'oeuvre qualifiée dont elle a besoin pour se maintenir et nous aurons ainsi moins de ressources pour faire face aux coûts accrus associés à l'aide sociale et aux services.

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Mesdames et messieurs, les enfants sont une préoccupation nationale et le Canada l'a reconnu dans des engagements internationaux en affirmant que ce pays est voué au développement des enfants. Je fais ici allusion à l'adhésion du Canada à la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant.

La qualité des soins qu'un enfant reçoit au cours des trois premières années de sa vie est le facteur le plus important dans son développement, mis à part l'hérédité. Nous savons maintenant qu'il existe un certain nombre de créneaux: un créneau pour le développement intellectuel, un créneau pour le contrôle émotif et un créneau pour le potentiel d'attachement.

L'attachement est ce qui permet de faire confiance aux autres, de nouer des liens solides et enrichissants avec les autres. Il est à la source de toute socialisation. Il est à l'origine de l'empathie et de la volonté de changer son comportement pour plaire aux autres.

Nous savons que ces créneaux se ferment avant la fin de la troisième année de vie. Ce fait ne signifie pas que la personne ne peut plus changer, mais il rend le changement beaucoup difficile après cette période parce qu'il faut aller à l'encontre d'un courant très fort. Il est donc crucial que les enfants aient un bon départ. Il est beaucoup plus logique d'intervenir à ce moment-là que de laisser les enfants développer de façon durable des troubles profonds, qui s'entremêlent et qui se renforcent, et d'essayer de réparer le mal après coup.

Ce sont les familles qui sont, et qui resteront toujours, les principales responsables du soin des enfants. Cependant, un nombre croissant de parents ont de plus en plus de difficultés à subvenir seuls aux besoins de leurs enfants en matière de développement de base. C'est évidemment dû à des changements importants dans les structures socio-économiques et familiales.

D'abord, la révolution technologique, qui a amené la mondialisation de l'économie, signifie la perte de beaucoup d'emplois sûrs, bien rémunérés et permanents. Et lorsque ces emplois sont remplacés, ils le sont par des emplois à court terme, mal rémunérés, des emplois dans l'industrie des services, comportant très peu d'avantages sociaux.

Ainsi, tandis qu'en 1976 une personne pouvait subvenir aux besoins d'une famille de trois au salaire minimum en travaillant 41 heures par semaine, en 1990 elle doit travailler 73 ou 75 heures au même salaire pour permettre à sa famille de vivre au-delà du seuil de la pauvreté.

Il y a également le taux de divorce qui, selon les études, se situe actuellement à un niveau 10 ou 14 fois plus élevé que celui qui existait tout de suite après la Seconde Guerre mondiale. Ce chiffre ne tient pas compte du nombre d'unions de fait qui prennent fin, lequel se situe à un niveau encore plus élevé.

Le troisième facteur est la grande mobilité de la population, ce qui signifie que les familles étendues sont encore moins en mesure qu'auparavant d'aider aux soins des enfants.

La combinaison de ces trois facteurs - le fait que quelqu'un doive travailler beaucoup plus longtemps pour échapper à la pauvreté s'il est payé au salaire minimum, que plus de 70 p. 100 des familles ont besoin de deux revenus pour vivre au-delà du seuil de la pauvreté, le taux accru de divorce et la disparition progressive de la famille étendue - se traduit par ce qu'il est convenu d'appeler une disette, une insuffisance du temps passé en famille.

Depuis les 60 ans où des statistiques ont été recueillies, les enfants n'ont jamais passé moins de temps avec leurs parents sur une période typique d'une semaine. J'ai entendu parler d'une étude récente, que je n'ai pas pu retrouver encore, indiquant qu'un enfant canadien passe en moyenne 10 ou 12 heures de moins en famille. J'ai vu des données américaines qui reprennent ce chiffre de 10 heures par semaine.

Les parents, qui devraient être là pour aider les enfants à se développer adéquatement, sont donc souvent absents. Une certaine qualité de temps, mesdames et messieurs, suppose une certaine quantité de temps. Et la qualité de temps ne peut pas être planifiée. Comme vous le savez sans doute si vous avez des enfants, elle survient parfois lorsqu'on s'y attend le moins.

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Tout le monde s'entend à peu près sur ce qu'il faut pour permettre aux enfants d'avoir un bon départ, et il faut plus que des services financés par le gouvernement. Comme vous pouvez le constater dans les documents qui ont été distribués, nous estimons qu'il doit y avoir des changements au niveau des familles, en vue, entre autres, d'une plus grande participation des pères.

Deuxièmement, il doit y avoir des changements dans les lieux de travail. Deux brochures de Voix pour les enfants que le ministère de la Santé a aidé à commanditer indiquent pourquoi les entreprises devraient s'intéresser aux enfants et comment elles peuvent agir à ce niveau.

Troisièmement, il doit y avoir des changements dans les collectivités; celles-ci doivent être de nature à pouvoir intervenir dans le soin des enfants, ce qui signifie essentiellement qu'un enfant, dans le voisinage, au parc, à la garderie, à l'école, doit être entouré d'adultes attentifs et disponibles, même lorsque les parents ne sont pas là; c'est bien différent d'un milieu où, au fur et à mesure que la mare d'eau se rétrécit, les animaux deviennent plus agressifs; c'est cette dernière tendance que le rapport Ekos a relevée au pays.

Il doit y avoir des changements dans nos services de base, dans nos services éducatifs et de soins aux enfants. Il doit y avoir des changements dans nos services spécialisés. Les gens qui travaillent dans le domaine du bien-être et de la santé mentale des enfants doivent chercher à être beaucoup plus efficaces et trouver de nouveaux moyens d'atteindre un plus grand nombre d'enfants. Enfin, il doit y avoir des changements à tous les paliers de gouvernement.

La protection du potentiel de développement des enfants doit être partie intégrante de la stratégie économique de tous les paliers de gouvernement, en particulier à un moment où la politique sociale est établie par le ministre des Finances. Si nous ne voulons pas que 25 p. 100 de nos enfants grandissent sans pouvoir atteindre leur potentiel et deviennent une charge pour la société plutôt que de contribuer à la richesse et à la productivité de ce pays, nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller ce que représente comme promesse un enfant sur quatre.

Je dois parler un peu de l'importance de soins de qualité aux enfants. J'utilise le terme dans son acception la plus large, parce que c'est quelque chose qui rejoint la garde des enfants, sans en être synonyme. C'est quelque chose qui a à voir avec le développement des enfants, non pas les emplois.

Nos structures fiscales actuelles pénalisent les parents qui demeurent à la maison. La plupart des parents canadiens estiment que les meilleurs soins aux enfants sont ceux qui sont assurés par un parent demeurant à plein temps à la maison; cependant, de nos jours, seulement 13 p. 100 des familles ont les moyens d'avoir un parent à la maison; plus de 70 p. 100 ont besoin de deux revenus pour vivre au-delà du seuil de la pauvreté.

Nous devons donc apporter des changements dans les structures fiscales de façon à ce que les parents qui demeurent à la maison à plein temps ne soient pas pénalisés. En même temps, nous devons prévoir toute une gamme de soins supplémentaires. Peu importe qu'il s'agisse de soins apportés par une personne apparentée, une bonne d'enfants, une garderie familiale de qualité ou un centre de jour de qualité. Ce que nous savons, c'est que des soins de qualité aux enfants au cours de la petite enfance tendent à accroître les chances de succès à l'école ainsi que la capacité de contrôler l'agression; la plupart de nos décrocheurs scolaires et de nos délinquants sont déjà sur la voie de l'échec social et scolaire le premier jour de la première année à l'école.

Le gouvernement fédéral a instauré le transfert canadien en matière de santé et de politique sociale, a réduit les transferts en espèces sans qu'il y ait de normes nationales pour les services sociaux, de sorte que les services qui contribuent le plus à amener un développement normal chez les enfants à risque sont les plus susceptibles d'être éliminés. Les transferts réduits iront essentiellement aux institutions, aux universités et collèges et à l'assurance-maladie; les services et les soutiens sociaux seront les premiers à disparaître.

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Face aux réductions, les gouvernements provinciaux touchés ont deux choix. Ils peuvent restructurer ou réduire les services, ce qu'ils font habituellement, ou ils peuvent remodeler les services. Habituellement, la réduction du financement accentue le phénomène de fragmentation.

Elle accroît la rigidité du système et joue en faveur de la protection des programmes en place. Pour un ministère quelconque, qui a ses propres intérêts à protéger, les programmes et les politiques deviennent plus importants que les enfants eux-mêmes. Le plus souvent, la réduction du financement ne donne pas lieu à la créativité, à l'effort d'imagination, au partage latéral de l'information, aux partenariats, à la prise de risques si nécessaire dans tout effort de remodelage.

Vous devez être conscients du fait que c'est là l'impact prévisible de la réduction des paiements de transfert. Vous devez également savoir que certains des programmes les plus innovateurs, les plus cités en exemple dans ce pays ont été des programmes financés par le RAPC dont le ministère a la responsabilité; ces programmes ont été un espoir, ont montré la voie en vue d'un remodelage véritable des services, par opposition à une simple restructuration.

Il est également malheureux de voir le gouvernement fédéral renoncer au levier économique qui empêchait certaines provinces de rivaliser d'ingéniosité pour offrir le moins de soutiens sociaux possible; le gouvernement fédéral abandonne ainsi son rôle traditionnel de protecteur d'un système juste dans ce pays. Les plus touchés seront les faibles et les vulnérables et les enfants en développement figurent parmi les plus faibles et les plus vulnérables.

Enfin, je sais bien que nous avons un déficit et que nous ne pouvons pas continuer de consacrer plus de 40 ¢ de chaque dollar d'impôt au service de la dette. Nous avons cependant deux déficits dans ce pays. Nous avons un déficit économique et un déficit social, et les deux sont inséparables. Vous ne pouvez pas en réduire un aux dépens de l'autre, parce qu'au bout du compte vous augmenterez les deux de cette façon.

Je ne puis songer à un meilleur exemple que celui de la Nouvelle-Zélande à cet égard. Au cours des dix années de néo-conservatisme en Nouvelle-Zélande, le taux de suicide chez les jeunes a doublé dans ce pays et est maintenant le plus élevé au monde. Son taux de criminalité est le plus élevé des 20 pays industrialisés. Son taux de pauvreté s'est accru de 40 p. 100 à la suite des réductions de l'aide sociale et de l'augmentation du chômage, de sorte que 25 p. 100 des enfants de la Nouvelle-Zélande grandissent actuellement dans la pauvreté.

Nous savons que le fait de grandir dans la pauvreté - il n'y a pas que la privation sur le plan économique, il y a également la privation sur le plan psychologique, et elle est très grande chez les pauvres - double le taux de presque tous les échecs chez les enfants; pour les troubles de comportement, qui laissent présager la délinquance, le taux est plus du triple.

Nous savons également que le taux de chômage de la Nouvelle-Zélande a triplé, en utilisant la définition de «chômage» de 1984, en quatre ans; il est passé à 12,7 p. 100. Il n'était que de 4 p. 100 au début de cette période. Nous savons qu'avec le déclin de la classe moyenne l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru, tant pour ce qui est du revenu que de l'éducation; pour la première fois, la Nouvelle-Zélande peut se vanter d'avoir une classe pauvre très nombreuse.

Voilà ce qui se produit lorsqu'on essaie de combler le déficit économique sur le dos des victimes du déficit social. Il peut y avoir des réductions au niveau des services sociaux. Dans une étude intitulée The Canada Health and Social Transfer: a Threat to the Health, Development and Future Productivity of Canada's Children and Youth, nous suggérons des lignes directrices en vue de réductions responsables. De façon générale, ce que nous disons, c'est qu'il y a des réductions avisées et des réductions stupides.

Les réductions stupides sont celles qui font économiser sur-le-champ, mais qui se traduisent par des coûts à long terme. Dans un des documents que je vous remets qui est en voie d'être traduit, il est question d'une étude américaine portant sur les soins et l'éducation de très haute qualité au moment de la petite enfance - la garde de jour, si vous voulez, mais dans un milieu scolaire avec une très importante composante cognitive et pour une population à risque extrêmement élevé, à risque multiple. Les enfants ont été suivis jusqu'à l'âge de 27 ans.

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On les a comparés aux enfants du même milieu qui n'ont pas bénéficié de la même éducation. À 27 ans, le taux d'arrestations et de condamnations était moindre de 50 p. 100. Le taux d'obtention de diplômes d'études secondaires était plus élevé de 33 p. 100. Le taux de grossesses chez les adolescentes était de 42 p. 100 moindre, même si la comparaison était difficile parce que les deux groupes étaient différents. Le taux d'enfants qui avaient été assistés sociaux à un moment donné au cours des dix années précédentes était moindre de 50 p. 100. Le taux des personnes gagnant 2 000 $ par mois ou plus était quatre fois plus élevé.

On a calculé que pour ces soins, cette éducation extrêmement coûteuse au moment de la petite enfance, chaque dollar dépensé, compte tenu des coûts moindres au niveau des services médicaux, de la répression de la criminalité, de l'éducation spécialisée, de l'aide sociale, compte tenu également du nombre de personnes ayant participé au programme et qui payaient des impôts, a permis d'économiser 7,14 $ au bout du compte.

Si nous supprimons les soutiens qui permettent aux familles vulnérables d'élever leurs enfants et de les mettre sur la voie du succès, en tant que société, nous risquons de payer les dommages que nous causerons ainsi le reste de la vie de ces enfants.

Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à écouter vos questions ou vos observations.

Le président: Sharon, puis Andy, s'il vous plaît.

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): J'ai bien apprécié votre exposé. Je vous en remercie. J'ai également bien aimé lire la documentation que vous nous avez fournie.

J'espère avoir l'occasion de poser d'autres questions plus tard. Pour l'instant, j'aimerais avoir quelques précisions. Vous dites qu'il y a plusieurs façons de fournir des soins de qualité aux enfants qui se trouvent dans le groupe d'âge très important de 0 à 3 ans et vous insistez sur l'importance extrême de leur développement. Vous indiquez également que la plupart des Canadiens sont d'avis que les soins apportés par les parents sont les meilleurs. Cependant, vous ne citez pas d'études à l'appui de cette affirmation ou des soins qui selon vous sont les meilleurs. Y a-t-il des études scientifiques à ce sujet? Si oui, qu'indiquent-elles?

M. Steinhauer: Il y a une enquête, je pense qu'elle est citée dans le document The Primary Needs of Children, indiquant que la majorité des parents jugent que la meilleure façon d'élever un enfant est d'avoir un parent à la maison. Cependant, seulement 13 p. 100 d'entre eux disent qu'un parent peut se permettre de rester à la maison. En outre, 40 p. 100 voudraient ne pas travailler et rester à la maison, mais n'en ont pas les moyens.

De façon générale, ce qui importe, c'est la qualité des soins donnés aux enfants. Si un parent peut rester à la maison, sans plonger la famille dans une situation de pauvreté, c'est bon pour les enfants. C'est probablement...

J'ai eu de la chance. Lorsque mes enfants étaient jeunes, je pouvais me permettre que ma femme reste à la maison pour les élever. J'ai eu de la chance également en ce sens qu'elle voulait bien rester à la maison pour les élever.

Nous savons évidemment que certains parents sont incapables de bien jouer leur rôle. S'ils restaient à la maison, ce ne serait pas dans le meilleur intérêt des enfants. Il y en a d'autres qui ont d'autres aspirations que de simplement rester à la maison. Les enfants n'y gagnent pas si les parents se sentent forcés de rester à la maison, ne veulent pas jouer leur rôle.

Par ailleurs, les études montrent très clairement que les soins extraparentaux de qualité, combinés aux soins parentaux, donnent d'excellents résultats et se révèlent une bouée de sauvetage pour les enfants qui ne reçoivent pas de soins adéquats à la maison.

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Mme Hayes: Je reviens à ma première question, l'importance d'un bon développement, en vue d'une population saine... Des millions de dollars ont été dépensés pour faire la promotion d'un régime national de garde d'enfants, des millions de dollars ont été envisagés pour des services sociaux adéquats et ont évidemment été dépensés. N'y a-t-il pas eu d'études sur les soins qui donnent les meilleurs résultats à cet âge crucial?

M. Steinhauer: Il y en a eu plusieurs. La plupart ont porté sur la question de savoir si les enfants qui n'ont pas été élevés par un parent à plein temps à la maison se sont développés aussi bien, sinon mieux, que les autres. Ces études ont révélé dans bien des cas que lorsque les parents sont attentifs et impliqués le temps qu'ils sont à la maison et que les soins de garde sont de haute qualité, les enfants gardés s'en tirent aussi bien, sinon mieux, que les enfants élevés à la maison.

Les enfants qui ne reçoivent pas de bons soins à la maison, en particulier, se tirent beaucoup mieux d'affaire s'il y a de bons soins ailleurs. L'équilibre est rétabli lorsqu'ils reçoivent des soins de haute qualité à la garderie. La combinaison mauvais soins à la garderie et mauvais soins des parents donnait cependant des résultats désastreux. Nous savons en outre que de mauvais soins aux enfants - j'inclus les mauvais soins à la maison ou les mauvais soins de la part de personnes apparentées - peuvent être si dommageables qu'ils ne peuvent pas être compensés par les parents.

Mme Hayes: Très bien.

Il y a eu une étude récente, je pense que les journaux en ont parlé, indiquant que les meilleurs soins étaient les soins prodigués par un parent à la maison. La presse ou certains commentateurs y ont fait écho. Je n'ai pas entendu parler d'études démontrant le contraire. Vous avez dit vous-même que de bons soins de la part des parents sont probablement ce qu'il y a de mieux. Je conviens avec vous qu'il devrait y avoir un choix.

M. Steinhauer: Faites-vous allusion à l'étude Genuis?

Mme Hayes: Oui. Qu'en pensez-vous?

M. Steinhauer: Elle est tout à fait invalide du point de vue scientifique.

Mme Hayes: Y a-t-il une étude valide indiquant...

M. Steinhauer: Il y en a plusieurs.

Mme Hayes: Où sont-elles? C'est ce que je demande. Y a-t-il eu une étude qui a porté sur ce sujet? Vous dites que de mauvais soins de la part des parents... Nous sommes d'accord sur le fait que de mauvais soins de la part des parents ne peuvent pas résulter en des enfants sains, mais de bons soins parentaux - étant acquis qu'un enfant a de bons parents, est-ce qu'il est préférable qu'il reste à la maison ou aille en garderie? Vous n'avez pas mentionné d'études qui répondent à cette question.

M. Steinhauer: Il n'y a pas beaucoup de points sur lesquels la littérature sur le développement des enfants est plus claire: lorsque les soins parentaux sont bons et que les soins en garderie sont bons, les enfants réussissent très bien, qu'ils soient élevés par un parent à la maison ou élevés dans une garderie de haute qualité. L'étude Genuis n'est pas exacte. Elle contient beaucoup d'erreurs et de faussetés.

Mme Hayes: Vous ne connaissez cependant pas d'études qui démontrent le contraire?

M. Steinhauer: Je m'excuse, mais vous déformez continuellement mes paroles. Je dis qu'il y a de nombreuses études qui en viennent à une même et seule conclusion - les enfants qui reçoivent des soins de garderie de haute qualité et qui ont de bons parents réussissent aussi bien, sinon mieux que les autres au chapitre de la socialisation.

Mme Hayes: Pouvons-nous savoir quelles sont ces études démontrant que les soins aux enfants dans les garderies valent les soins à la maison?

M. Steinhauer: Je me ferai un plaisir de les faire parvenir à la greffière du comité. Un certain nombre sont mentionnées dans la documentation que je vous ai fournie.

Mme Hayes: Merci.

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Le président: Monsieur Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup.

Merci beaucoup, monsieur Steinhauer. Je dois dire que votre exposé a été très sérieux, logique et intéressant.

J'aimerais revenir sur deux points. Nous parlons beaucoup de la question de savoir si un parent devrait être à la maison ou ailleurs... s'il devrait y avoir des garderies de haute qualité, etc. Nous déplorons également le fait que nous ne passons pas suffisamment de temps avec nos enfants.

Je ne sais pas si c'est parce que je suis un homme - je ne suis pas sûr - mais ce qui m'intéresse, c'est la possibilité que nous travaillions tous un peu moins, que nous passions tous un peu plus de temps à la maison, la question n'étant pas nécessairement de savoir si c'est l'homme ou la femme qui doit rester à la maison. Nous semblons oublier que nous travaillons tous trop, nous semblons oublier également pourquoi nous travaillons trop.

Vous y avez fait allusion, je crois. Le problème semble toujours susciter la même question de savoir si les enfants doivent être à la maison et si nous ne devrions pas ajuster la semaine de travail ou faire autre chose.

Le deuxième élément c'est la famille élargie. Vous avez mentionné trois choses: d'abord, le temps que nous passons avec nos enfants; ensuite, le taux de divorce, et enfin, le fait que nous n'accordons pas le même soutien aux familles élargies.

J'ai participé hier à un débat où la conclusion semblait être qu'il suffit d'aller ailleurs s'il n'y a pas suffisamment d'emplois dans le Canada atlantique. J'aimerais beaucoup vous entendre parler du besoin qu'ont les gens de pouvoir compter sur le genre de soutien qu'apporte... Dans mon cas, ma famille habite la même collectivité depuis sept générations. J'ai beaucoup de parents et un solide réseau de soutien. J'estime que cela est très précieux pour mes enfants.

Je travaille - du moins pour encore une autre année - de sorte que je n'ai pas de problèmes. Mes voisins qui réfléchissent à tout ceci tentent de tenir compte de cet élément. J'aimerais rentrer chez moi et leur faire part de ce que vous aviez à dire.

M. Steinhauer: D'abord, sur le fait que les parents ne passent pas suffisamment de temps avec leurs enfants, c'est absolument vrai. Et vous savez, ce ne sont pas que les enfants pauvres qui soient en difficultés de nos jours. L'un des phénomènes que nous constatons c'est que les gens à revenu élevé dans notre société, les membres des professions libérales, les administrateurs d'entreprise, les techniciens hautement qualifiés qui sont en grande demande, semblent travailler de plus en plus et passent eux aussi moins de temps avec leurs enfants.

L'une des questions que nous avons abordées fait l'objet d'une excellente discussion dans «Les besoins primaires des enfants» et «Les Pourquoi et les comment de la promotion de la santé mentale pour les enfants», deux des documents que je vous ai fait distribuer. On y commente le fait que de nombreuses études révèlent que dans la plupart des familles, même si les deux parents travaillent à plein temps, c'est l'épouse qui fait le gros du travail ménager et qui s'occupe d'élever les enfants. À l'avenir, les familles pourront passer plus de temps ensemble si davantage de pères sont plus disponibles.

Or, pour que cela se réalise, il faudra que les hommes de ce pays prennent conscience du problème et choisissent d'agir autrement et, dans certains groupes de la société, il faudra probablement se convaincre qu'on n'a rien d'efféminé si on fait passer la famille avant la promotion. Mais les choses étant ce qu'elles sont, dans le milieu des affaires - il y a des exceptions de plus en plus nombreuses à mon avis - ceux qui aspirent à une promotion ne peuvent pas se laisser distraire par les besoins de leur famille.

Je connais un jeune cadre d'une société d'alimentation dont l'épouse attendait leur premier enfant. Ce jeune homme devait être promu au rang de vice-président. Il avait annoncé, bien des années plus tôt, que quand il aurait son premier enfant, il comptait prendre un congé parental pour assister à la naissance de son enfant. Il s'est fait dire peu avant la naissance qu'on ne pouvait lui interdire de prendre ce congé mais que s'il le prenait il pouvait renoncer à ses espoirs de devenir vice-président.

Les gens sont fortement encouragés à travailler davantage. Cela est dû en partie au matérialisme de notre société mais aussi aux pressions exercées sur les hauts salariés à travailler de plus longues heures ou encore à la volonté de gravir les échelons. Si deux salaires font la différence entre vivre dans la pauvreté et vivre à l'aise, il n'y a pas de choix, mais ceux parmi nous qui en ont les moyens devraient mettre dans la balance l'appauvrissement de la vie familiale aussi bien que les avantages que nous tirons de ce choix.

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En ce qui a trait à la famille élargie, de bons rapports avec cette dernière peuvent être une source de soutien considérable à maints égards, y compris le fait que quand il y a des tensions entre les enfants et leurs parents, la présence d'un grand-parent, d'une tante ou d'un oncle peut contribuer de façon appréciable à atténuer les tensions dans la cellule familiale.

Ce qui m'inquiète le plus ce n'est pas seulement que les gens s'éloignent de leur famille élargie mais aussi que des barrières se dressent entre les habitants des collectivités. Je me rappelle quand j'avais sept ou huit ans, à Toronto. Nous serions morts de honte d'avoir été accompagnés d'un parent quand nous allions courir l'Halloween. De nos jours, quel parent sensé laisserait des enfants de cet âge courir l'Halloween sans surveillance dans une grande ville?

Voici un exemple classique. L'un des membres de «Voix pour les enfants» traversait en voiture un cartier aisé d'une ville ontarienne quand elle a vu un enfant de trois ans dans la rue sur son tricycle. Elle a arrêté sa voiture, elle est descendue, elle a amené l'enfant et son tricycle sur le trottoir et elle a expliqué à l'enfant le danger de ce qu'il faisait quand la mère est sortie de la maison criant à cette dame qu'elle devait s'éloigner de l'enfant sans quoi elle allait téléphoner à la police. Voilà le degré de méfiance qui existe. Le rapport Ekos a révélé le même phénomène.

Il existe dans ce pays beaucoup de mesquinerie. Il ne faut pas pouvoir compter uniquement sur la famille élargie. L'une des conséquences malheureuses de l'entrée des femmes dans la population active c'est que les quartiers ont cessé d'être des communautés. Cet esprit communautaire reposait sur la présence des femmes qui pendant la journée nouaient des liens sociaux avec leurs voisins. La majorité des hommes, et j'en suis, laissent à leur épouse le soin d'entretenir les liens sociaux. Quand les femmes se sont mises à aller travailler, elles ont formé des liens communautaires avec leurs collègues de travail plutôt qu'avec leurs voisins.

C'est aussi une honte qu'il faille aller ailleurs pour trouver du soutien, puisque les déménagements sont une expérience traumatisante. On renonce à beaucoup quand on va s'établir ailleurs mais c'est aussi une perte énorme quand on doit élever ses enfants isolés de tous.

Je caresse l'espoir que nous réussissions d'une façon ou d'une autre à faire renaître les valeurs sociales et à reconstituer le capital social dans ce pays afin que nous puissions de nouveau partager des valeurs, des croyances, une confiance communes et afin que nous puissions restaurer la communication et les réseaux de soutien entre les différents groupes de notre société. Il faut que nous puissions de nouveau travailler ensemble au lieu de nous regarder les uns les autres avec méfiance et peur.

M. Scott: Merci, monsieur le président. Je tiens à dire publiquement que le témoin a une superbe cravate.

Des voix: Oh, oh!

Le président: La jalousie ne vous mènera à rien.

Paul Szabo.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Merci, monsieur le président.

Merci, docteur, j'ai bien aimé votre exposé. J'ai une très courte question à vous poser. Avez-vous des données récentes sur les taux d'abandon scolaire au niveau secondaire?

M. Steinhauer: Les plus récents chiffres que j'ai datent du début de la décennie. Le taux d'abandon scolaire serait de 30 p. 100 mais 12 p. 100 de ces étudiants reprennent plus tard leurs études. Quant à savoir combien de ceux qui reprennent leurs études resteront jusqu'à l'obtention du diplôme, je n'en sais rien. Ce sont les chiffres les plus récents que j'aie vus. Ce sont les chiffres de Statistique Canada.

M. Szabo: Ce sont les chiffres que je connaissais, et ils sont tragiques. Nous savons tous je crois que si un enfant abandonne les études secondaires, ses chances de réussir dans la vie sont considérablement réduites.

J'espère, monsieur le président, que nous pourrons traiter de cet aspect du problème.

Récemment, le Globe and Mail annonçait la publication d'une étude importante au New Jersey. Il était question dans cette étude du nombre de jours de soins institutionnalisés par semaine. On a dit de cette étude que c'était la plus complète à avoir été réalisée sur les soins parentaux. Je ne sais pas si vous la connaissez.

Bien sûr, chacun sait que rien n'est tranché quand nous parlons des chances de réussite des enfants. Nous parlons de probabilités de résultats positifs ou négatifs eu égard à un certain nombre de facteurs dont la plupart remontent aux années formatrices, d'après le docteur Fraser Mustard.

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D'après cette étude, si un enfant - et nous parlons d'un enfant qui reçoit d'un adulte des soins constants et rassurants - passe plus de dix heures par semaine sans ces soins qu'on a qualifiés de soins institutionnalisés, il y a un facteur de risque associé à la probabilité de résultats positifs.

J'ai trouvé cela absolument fascinant, et voulez-vous savoir pourquoi? L'étude Genuis utilisait une durée de vingt heures. Après vingt heures de soins institutionnalisés ou extraparentaux ou encore de soins irréguliers par un adulte, il pouvait y avoir un effet négatif sur les résultats positifs des enfants. Cette étude étonnante, la meilleure à avoir jamais été publiée dans le monde entier, qui recueille les applaudissements et les louanges des praticiens, utilise une durée de dix heures. Or, vous avez dit que l'étude Genuis est une étude bidon. Voyons ce que vous répondez à cela.

M. Steinhauer: Je ne connais pas cette étude dont vous parlez. Ce que je connais c'est une étude assez semblable quoique de portée plus limitée, une étude américaine portant sur le temps que les enfants des classes intermédiaires passent sans surveillance avant et après les heures de classe.

M. Szabo: Nous parlons d'âge préscolaire.

M. Steinhauer: Écoutez, je suis essentiellement d'accord avec vous quant à la qualité des soins reçus là. Or, même s'ils ont l'âge d'être en classes intermédiaires, plus les enfants passent de temps seuls et sans surveillance, moins il y a de chances qu'ils réussissent bien à l'école et plus il est probable qu'ils se fassent prendre avec des stupéfiants quand ils deviennent adolescents.

M. Szabo: Monsieur le président, j'aimerais passer à une autre question mais j'aimerais demander au témoin s'il accepterait que je lui envoie une de ces études afin qu'il puisse nous faire parvenir une réponse quand il l'aura lue. Je crois qu'il a de vastes connaissances dans ce domaine et qu'il pourrait formuler des commentaires utiles. Je pourrais peut-être lui demander si cela lui convient. Si je vous écris, me ferez-vous parvenir votre réponse?

M. Steinhauer: J'en serai ravi, monsieur.

Le président: Je vais poser une très courte question, puisque le temps nous presse. Monsieur Steinhauer, dans votre exposé liminaire, vous avez dit que le régime fiscal pénalise les parents qui souhaitent rester à la maison. Pouvez-vous étoffer votre pensée et nous dire comment résoudre ce problème?

M. Steinhauer: Malheureusement, je ne peux pas vous proposer de solution mais le problème doit inquiéter ceux qui voudraient que plus de familles aient les moyens de choisir que l'un des deux conjoints reste à la maison. Des efforts doivent être faits pour que le régime fiscal ne les pénalise pas.

Le président: Pouvez-vous nous dire comment il a cet effet actuellement? J'ai du mal à vous suivre. Je ne conteste pas la validité de ce que vous dites mais j'aimerais davantage d'informations.

M. Steinhauer: Je suis désolé, je ne suis pas expert en la matière. C'est ce que me disent des gens qui s'y connaissent, des gens avec qui je travaille. Je travaille énormément avec des collègues et tout le monde, des partisans de la droite dans le Sun aux militants en faveur de garderies, dit qu'il est important que nous réformions le régime fiscal si nous voulons que tous les parents qui le souhaitent aient les moyens de rester à la maison sans être pénalisés financièrement. Je ne connais pas les détails, monsieur.

Le président: Je souhaiterais de plus amples informations là-dessus; vous auriez peut-être l'obligeance de m'écrire ou de demander à quelqu'un qui s'y connaît de m'écrire. Ou encore, vous pourriez nous donner les noms des gens que nous pourrions consulter. C'est un élément très pertinent du sujet que nous examinons ici et nous aimerions pouvoir approfondir la question. Si le régime fiscal est un élément pertinent, nous voudrions pouvoir explorer plus à fond la question.

M. Steinhauer: Je ferai la recherche et vous répondrai d'ici deux semaines.

Le président: Parfait, je vous remercie.

Je remercie le témoin d'avoir comparu et d'avoir alimenté la discussion de façon des plus intéressantes.

Nous prendrons quelques minutes pour laisser les autres témoins s'asseoir à la table.

.0920

.0923

Le président: Nous reprenons la séance et accueillons maintenant David Ross, directeur du Conseil canadien de développement social, et Katherine Scott, qui en est la directrice de projet.

Dans un instant, j'inviterai M. Ross à nous faire une brève déclaration liminaire, après quoi nous pourrons lui poser des questions. Nous vous avons réservé 45 minutes.

Avant de céder la parole à M. Ross,

[Français]

je voudrais inviter ma collègue, la vice-présidente Mme Picard, à présider pendant quelques minutes.

La vice-présidente (Mme Picard): Bonjour. Nous vous écoutons.

M. David Ross (directeur, Centre international de statistiques, Conseil canadien de développement social): On commence?

La vice-présidente (Mme Picard): Oui.

[Traduction]

M. Ross: Merci beaucoup de nous avoir invités ce matin. Vous avez fait appel à nous parce que nous avions préparé cette année un document intitulé La pauvreté chez les enfants: quelles en sont les conséquences? Ce document comporte des tableaux et un texte facile à lire et à comprendre. À votre demande, nous l'avons fait parvenir à l'avance au comité.

.0925

Je voudrais vous expliquer en quelques minutes la raison d'être de ce document et repasser avec vous certaines des conclusions. J'aimerais également mentionner que nous avons publié d'autres choses, notamment le dépliant intitulé «Le Progrès des enfants au Canada» qui pourra également vous intéresser et dont nous avons apporté quelques exemplaires. Il s'agit là d'une publication sur un projet que dirige Katherine Scott au nom du Conseil et qui fait appel à 20 spécialistes canadiens.

J'ai toujours été, et je suis encore, un économiste. J'ai fait un doctorat dans ce domaine, et vous voyez que je ne suis pas un psychiatre pour enfants. Je m'intéresse principalement à la socio-économie, c'est-à-dire que je me demande quelle est l'incidence de l'économique sur les familles et sur les collectivités. Voilà pourquoi je me considère comme un socio-économiste. Je suis également un économiste sociable, si jamais vous me rencontriez après les heures de travail.

Mon boulot, c'est donc la socio-économie, mais ma femme et moi avons également élevé cinq enfants. Ils ont 22 ans et plus, et on peut dire qu'ils sont à peu près tous devenus de véritables adultes. Je crois que j'en sais plus sur le développement de l'enfant pour avoir élevé ces enfants plutôt que pour avoir beaucoup lu sur la question. Mais nous verrons bien.

Quant à Katherine Scott, elle s'est frottée un peu moins directement au développement de l'enfant. Avant d'arriver au Conseil, elle a travaillé pendant plusieurs années au ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario, ce qui lui donne une connaissance très directe des programmes et des services.

Je ne sais pas ce que le comité a fait jusqu'à maintenant au cours de ses audiences ni si vous avez surtout discuté avec des psychiatres pour enfants. Ce n'est pas que je veuille les dénigrer, mais ils vous montrent un point de vue bien pointu. Ce qui m'intéresse plus, et qui me semble plus important, c'est de brosser un tableau beaucoup plus général.

C'est bien beau de parler des enfants qui se font garder par leurs parents ou dans une garderie, à but lucratif ou pas, ou de savoir s'ils fréquentent tel ou tel programme préscolaire, mais si la société autour de vous s'écroule, la façon dont vous vous faites garder ne fera beaucoup de différence. Il faut donc avoir une idée exacte de ce qui se passe dans la société. C'est d'ailleurs ce que vous expliquait le docteur Steinhauer dans une de ses longues réponses.

Dans notre document sur la pauvreté chez les enfants, il y a une chose qui nous intéresse et que nous avons tenté d'illustrer par les sondages et les chiffres qui s'y trouvent: si l'on tend à privatiser ou à individualiser la société - c'est-à-dire si l'on met l'accent de façon accrue sur la famille et sur la collectivité, peu importe la façon dont celle-ci se définit - et si l'on s'attend à ce que ce soit elles qui règlent les problèmes socio-économiques du Canada tandis que l'État se retire de plus en plus du réseau économique et de sécurité sociale, cela ne fait qu'ajouter au stress qui est imposé à la famille et à la collectivité. C'est cela qui nous préoccupe.

Avec cette privatisation, l'État se décharge de sa responsabilité en matière de sécurité économique et sociale, et les familles doivent apprendre à devenir plus autonomes, ce qu'elles ne peuvent réussir qu'en s'appuyant de façon accrue sur le marché. D'un point de vue économique, le moteur de la libre entreprise vrombit de plus en plus vigoureusement, tandis que le gouvernement se retire petit à petit de la gestion de l'économie et de la prestation des mesures d'aide sociale.

Les mesures d'aide sociale, telles que l'aide à la famille, ont subi des réductions considérables au cours des dix dernières années, et c'est ce qui nous inquiète si l'on regarde le tableau au point de vue macro-économique. Nous ne nous opposons certainement pas à ce que l'économie de marché soit saine et vibrante. En tant qu'économiste, je sais fort bien qu'il n'est pas mauvais qu'une société s'organise autour de l'économie de marché; toutefois, tout comme cela s'était fait après la guerre, il faut trouver le juste équilibre entre la responsabilité collective, d'une part, et l'autonomie privée, d'autre part. Or, on semble actuellement perdre de vue cet équilibre.

La plupart des études démontrent que trop compter sur le marché de la libre entreprise entraîne des inégalités considérables de revenu, à moins que le gouvernement n'intervienne pour rétablir l'équilibre. Aux États-Unis, cela devient très manifeste. Toutefois, le gouvernement hésite de plus en plus à intervenir pour corriger le déséquilibre et pour aplanir les iniquités sur le marché. Il y a donc accentuation de l'inégalité des revenus, comme le démontre un de nos tableaux.

.0930

Le Globe and Mail semble nous servir de terrain de bataille à l'Institut C.D. Howe et à nous-mêmes, mais je crois que nous avons raison dans ce cas-ci. Cette divergence d'opinions vient partiellement du fait que nous utilisons des références différentes. Nous, nous nous intéressons aux familles, alors que l'Institut C. D. Howe s'intéresse à tous les Canadiens, et qui plus est, nous nous intéressons particulièrement aux familles qui ont des enfants, ce qui explique la différence.

L'Institut s'intéresse à tous les revenus, alors que nous nous intéressons, pour notre part, à celui qui nous semble le plus important, soit le revenu du marché. Ce que j'appelle le revenu du marché, c'est le revenu que tirent les gens de leurs gains et de leurs investissements. En effet, si c'est là la voie que choisit la société et que l'on constate une accentuation de l'inégalité, cela ne peut être que problématique.

L'accentuation de l'inégalité des revenus signifie que certains enfants pourront moins facilement s'en sortir, et c'est pourquoi j'estime qu'il faut bien comprendre au départ l'ensemble du tableau macro-économique, avant de rajuster vos programmes et de changer la façon dont vous choisissez d'aider les enfants. Beaucoup de familles ont au départ un revenu moindre relativement à d'autres familles, et même moins de revenus dans l'absolu, puisque les chiffres nous montrent une diminution en termes absolus du revenu, et ce au moins depuis 1981.

Et je ne parle pas uniquement d'inégalité des revenus. Ce que notre document tente de démontrer, c'est que l'accentuation de l'inégalité des revenus a des conséquences pour les enfants. Nous avons pu déterminer le lien de cause à effet. Le revenu n'est pas le seul coupable, mais il y a un lien très net entre le dénuement et le revenu.

D'une page à l'autre, vous verrez le lien qui existe entre les différents niveaux de revenu, et je ne parle pas uniquement de la comparaison entre les familles pauvres et les familles qui ne le sont pas; il faut regarder dans toute la fourchette de revenus. Si nous divisons cette gamme de revenus en ce que nous appelons les quintiles, c'est-à-dire en trois ou quatre différents segments de revenus, vous verrez que la probabilité que les enfants s'en tirent bien augmente avec le revenu familial. C'est incontestable. Ce qui l'est moins, ce sont les mécanismes qui interviennent.

M. Ross laissait entendre qu'il était possible de renverser la vapeur en donnant plus d'argent aux gens. Je ne le crois pas. C'est évidemment possible de renverser la vapeur dans certains cas, et je pense que si l'on donnait plus d'argent aux familles pour mieux nourrir leurs enfants, cela donnerait d'excellents résultats à long terme, mais il y a d'autres facteurs associés au revenu. Manifestement, on ne peut pas toujours trouver deux familles identiques chez qui seul le revenu est différent.

Il peut y avoir toute une différence entre les niveaux d'instruction, l'endroit où vivent les familles, la structure familiale, les emplois occupés, etc.; il est manifeste qu'il faut tenir compte de toute une foule d'autres facteurs associés au revenu.

Mais je pense qu'il est indéniable que le revenu joue énormément. La mortalité infantile, le faible poids à la naissance, le pourcentage de handicap, le décrochage scolaire, l'hyperactivité, les troubles de comportement, le refus d'utiliser régulièrement les condoms, les grossesses chez les adolescentes, voilà autant d'exemples de choses qui semblent être étroitement associées à notre niveau de revenu.

Voilà essentiellement ce que ce graphique veut démontrer. En conclusion, on montre que dans certains pays européens où on se préoccupe davantage de la pauvreté des familles et des enfants et des revenus des familles et des enfants, on est en mesure d'obtenir un bien meilleur profil en termes de distribution du revenu et d'épanouissement des enfants. Voilà la teneur de cet ouvrage.

En bref, Le Progrès des enfants au Canada est une étude financée grâce à une fondation privée. Nous allons tous les ans établir ce que nous considérons être un rapport d'étape selon le modèle du rapport des Nations Unies qui examine le progrès des enfants dans différents pays. Nous allons nous attacher particulièrement au Canada. Il y aura certaines comparaisons internationales, mais nous mettrons surtout l'accent sur le Canada.

Notre modèle présuppose que l'enfant est toujours influencé par le milieu dans lequel il est élevé. Je sais qu'ici, dans la salle, on s'intéresse à l'enfant de la naissance à trois ans, ou à l'enfant de la naissance à six ans. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'années cruciales, mais il est également vrai que si l'on transposait dans une famille où le père est alcoolique et viole un enfant de huit ans jusque-là élevé dans des conditions idéales, ce dernier aurait certainement une perception différente et un sort différent dans la vie.

Notre étude s'attache aux enfants jusqu'à l'âge de 18 ans car nous pensons que toutes ces années revêtent une importance cruciale. On peut discuter à savoir si une année est plus critique qu'une autre, mais je pense qu'elles sont toutes importantes.

Lorsqu'on parle du développement de l'enfant, il ne faut pas perdre de vue le sens commun. Nous avons tous été des enfants nous-mêmes. Nous vivons tous dans des collectivités où il y a des enfants. Nous connaissons tous des personnes qui ont des enfants si nous n'en avons pas nous-mêmes. Je pense que le simple bon sens nous permet de constater ce qui fait qu'un enfant tourne bien, qu'il est sûr de lui, éveillé et en bonne santé.

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C'est une chose qu'il ne faut pas oublier dans l'interprétation de toutes ces études. Si l'on adopte cette perspective, on se rendra compte que même s'il peut être intéressant de s'attacher à un âge en particulier, cela peut déboucher sur des conclusions erronées du point de vue des mesures à prendre. À mon avis, c'est une erreur de croire qu'il faudrait consacrer toutes nos ressources financières aux enfants de la naissance à six ans, sous prétexte qu'après, on ne peut plus rien faire. À ce moment-là, on formule une politique et des initiatives néfastes.

Nous espérons que cette étude, menée chaque année, constituera un état de la situation. Ce sera un instantané du milieu dans lequel les familles élèvent leurs enfants.

Nous avons recensé cinq milieux et nous nous servons de données statistiques. De nombreuses études sont présentement en cours au pays. L'une d'elle, fort longue, intitulée Étude nationale longitudinale des enfants, pose énormément de questions au sujet des enfants de la naissance à douze ans. Nous allons y puiser énormément de données et communiquer cela au public.

Nous ne voulons pas diffuser ce rapport uniquement aux universitaires et aux décideurs. Nous voulons rejoindre les familles et les collectivités. Nous voulons pouvoir illustrer ce qu'est un milieu sain et les facteurs qui y contribuent.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Vous avez dépassé le temps qui vous était alloué.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais tous les députés membres du comité ont reçu votre document. Nous avons été à même de le lire et nous serions prêts, si vous vouliez terminer en quelques secondes, à vous poser des questions.

[Traduction]

M. Ross: J'ai terminé. Ça va. Comme nous allons pouvoir échanger, disons que j'ai fini.

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Docteur Hill.

[Traduction]

M. Hill (Macleod): Je m'intéresse toujours au financement des groupes qui comparaissent. D'où proviennent vos fonds? J'ai remarqué que vous citez la Fondation Laidlaw comme source d'aide financière. Voulez-vous nous expliquer d'où vient votre argent?

M. Ross: Ce n'est pas simple. Je pourrais vous envoyer un état financier, si vous voulez. Je suis plutôt fier de la façon dont les choses se passent maintenant. Pendant des années, le CCDS était essentiellement financé par une subvention du gouvernement fédéral. Permettez-moi de remonter en arrière. Le CCDS existe depuis 1920.

Il y a trois ou quatre ans, le gouvernement nous a annoncé, ainsi qu'à bien d'autres organismes, qu'il ne nous fournirait plus de fonds de soutien. Nous avons donc dû nous réinventer. Nous l'avons fait par l'entremise de ce que nous appelons le Centre de statistiques internationales, qui a été financé grâce à un fonds de démarrage de la Fondation Laidlaw.

Voici en gros ce que nous faisons. Le centre emploie 15 personnes, tous des universitaires et des sociologues spécialisés en statistiques, et nous faisons des recherches sur une base contractuelle. Tout est facturé. Nous faisons énormément de recherche pour d'autres organismes internationaux.

Cette idée nous est venue parce que de nos jours, la recherche se complique. Cependant, il existe une multitude de très bonnes bases de données, la plupart constituées par Statistique Canada, mais il y en a aussi d'autres. Nous avons des banques de données internationales, mais la plupart des organisations ne peuvent se permettre d'y avoir accès. Nous faisons donc cela.

Nous essayons de centraliser et de maintenir nos coûts le plus bas possible pour qu'une gamme étendue d'organismes à vocation surtout sociale puissent contribuer. Nous recueillons environun million de dollars par an grâce à des contrats de recherche des gouvernements provinciaux, des gouvernements municipaux, de Centraide, du gouvernement fédéral, et de toute partie intéressée.

Le reste de l'argent vient de nos membres. En effet, notre organisation compte plus de1 000 membres dans tout le pays. Il s'agit, dans la plupart des cas, d'organismes comme des garderies, des agences, Centraide, des organisations de ce genre, et aussi d'un grand nombre de particuliers. Nous recueillons donc de l'argent auprès de nos membres.

Nous retirons aussi de l'argent de la vente de nos publications.

Enfin, nous recevons des dons. Nous pouvons compter sur un certain nombre de sociétés donatrices. Il y a aussi des donateurs privés, des fonds d'assurance-vie et des fonds successoraux.

M. Hill: Vous recevez environ un million de dollars du gouvernement. Combien recevez-vous d'autres sources?

M. Ross: Nous ne recevons pas un million de dollars du gouvernement. Nous tirons un million de dollars de recherches contractuelles. Nous faisons des recherches à contrat, par exemple pour le Calgary Institute for the Humanities, pour la Voix, et pour Centraide du grand Toronto métropolitain. Nous faisons aussi des recherches contractuelles pour le gouvernement de la Colombie-Britannique, pour de multiples organisations, pour les travailleurs de l'acier, etc.

M. Hill: Oui, c'est excellent. Vous avez mentionné que certains pays d'Europe ont une meilleure distribution du revenu que le Canada et que les enfants de ces pays affichent de meilleurs résultats que les nôtres. Je voudrais savoir, quels sont, à votre avis, les pays qui ont le meilleur bilan dans ce domaine. Avez-vous des documents qui montrent que les résultats sont en fait sensiblement meilleurs. Pouvez-vous dresser la liste des pays que nous devrions étudier?

.0940

M. Ross: Je vais céder la parole à Katherine, puisqu'elle rentre tout juste d'Europe.

Mme Katherine Scott (directrice de projet, Conseil canadien de développement social): C'était il y a deux ans. J'ai passé un an en Suède, qui représente bien sûr le summum du développement social, en tout cas pour ce qui est des services offerts aux familles et aux enfants.

Chose certaine, de nombreux pays européens présentent de bien meilleurs profils. Les données présentées ici émanent de pays qui, grâce à une intervention collective et publique d'envergure, ont réussi à réduire radicalement le pourcentage de pauvreté infantile. Voilà l'essentiel des données comparatives que nous présentons ici. Ces données sont tirées ici de l'Étude sur le revenu du Luxembourg, étude transnationale exhaustive, menée par une brochette d'économistes établis au Luxembourg.

Le Canada a participé à cette étude. Les données que nous présentons ici sont tirées de l'étude et montrent que les pays d'Europe continentale - la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, en particulier, et les pays d'Europe du Nord, y compris les pays scandinaves - jouissent d'une distribution du revenu plus équitable et de taux beaucoup plus faibles de pauvreté infantile et que les conséquences connexes de cette pauvreté, que nous relatons dans notre document, y sont moins courantes.

On y trouve également une approche très différente face à la famille et aux enfants, notamment pour ce qui est des services disponibles dans les collectivités. C'est un fait. Au cours de mon séjour en Scandinavie, j'ai été souvent stupéfaite de voir l'ampleur du soutien communautaire ou social disponible pour les familles.

Cela couvre quantité de choses. Ainsi, on prévoit des congés de maternité, des congés parentaux beaucoup plus longs dans ces pays, de sorte que les parents peuvent passer davantage de temps avec leur nouveau-né. Ensuite, lorsqu'un enfant est malade, l'employé peut prendre congé pour s'en occuper alors qu'au Canada, c'est le père ou la mère qui doit puiser dans ses propres congés de maladie et on n'a que peu de temps pour réagir.

De nombreux pays scandinaves offrent ce que l'on appelle «le temps partiel long», qui permet de travailler six heures par jour. Dans ces pays, les femmes ont un taux de participation à la population active extrêmement élevé, mais un grand nombre d'entre elles travaillent en fait à temps partiel et finissent aux environ de trois heures. Elles sont donc à la maison pour accueillir les petits après l'école.

La Finlande a un programme intéressant qui garantit l'accès aux garderies aux enfants de la naissance à trois ans, tout en offrant parallèlement une allocation aux parents qui restent à la maison avec leurs enfants. De cette façon, on assure un équilibre entre les parents qui décident d'aller sur le marché du travail et ceux qui décident de rester à la maison.

Toutes ces initiatives de soutien se traduisent par toutes sortes de résultats positifs, notamment un taux de participation plus élevé à la formation universitaire.

La vice-présidente (Mme Picard): Monsieur Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie les témoins de leur exposé.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir rappelé qu'indépendamment de la nature de notre étude particulière, il est nécessaire d'être sensible aux avantages de l'enseignement correctif. J'ai moi-même oeuvré dans le domaine de l'alphabétisation et lorsque vous avez dit cela, cela m'a fait penser que c'est sans doute un domaine où on ne peut vraiment parler des 0 à 6 ans, car on suppose que la grande majorité des enfants de cet âge ne lisent pas, du moins régulièrement.

Dans une certaine mesure, le débat s'est polarisé. Je suis heureux que d'entrée de jeu, vous ayez posé le problème dans le contexte plus vaste du collectivisme et de l'individualisme. Pour me protéger, si vous trouvez que mes propos sont quelque peu bizarres, je peux vous dire officiellement que je me considère comme un interventionniste.

Le témoin précédent a mentionné que la présence des femmes sur le marché du travail depuis un certain nombre d'années a modifié, entre autres, notre sens de la communauté et du voisinage. Je n'avais pas songé à cela auparavant. Je ne sais pas ce que cela révèle à mon sujet, mais c'était une observation intéressante.

.0945

Je pense que cela a aussi une incidence sur le sens de la communauté. Je ne suis pas de ceux qui croient au modèle de la bienfaisance. Je crois que les citoyens ont des droits et des responsabilités et que l'État a des responsabilités, de sorte que je ne voudrais pas que vous vous mépreniez sur ce que je vais dire.

Je pense qu'a disparu ce sens de la communauté fondé sur le bénévolat. Le volet bienfaisance de l'équation n'existe plus. Par conséquent, les personnes qui seraient tout à fait disposées à aider d'une façon ou d'une autre semblent très réticentes à le faire.

Dans mon propre voisinage, si ma maison brûlait, les gens qui viendraient m'aider à la reconstruire exigent de ne pas payer d'impôt. Je ne sais pas trop ce que cela veut dire. Je ne sais pas non plus ce qui s'est produit pour qu'on en aboutisse là. Je soupçonne que vous avez réfléchi à la question plus que nous. Comment réagir face à ce phénomène? Avez-vous des conseils à nous donner? Je pense que c'est un aspect de plus grande portée. Il ne suffit pas pour nous de décider qu'il faut faire telle ou telle chose. À notre avis, il faut susciter une volonté collective d'agir.

M. Ross: L'un des indicateurs de milieu que nous utilisons dans le document Le Progrès des enfants au Canada s'appelle «vitalité civique». C'est une rubrique. Nous pensons que la vitalité de la communauté dans laquelle grandissent les enfants, ce que nous appelons l'infrastructure sociale, le tissu social, est très important. C'est la somme des activités qui se déroulent dans la communauté et qu'il est difficile de quantifier.

Par exemple, dans quelle mesure les habitants s'intéressent-ils à la politique municipale ou locale? Participent-ils à des activités bénévoles? Combien de clubs philanthropiques - club Lions, club Kiwanis - existent-ils? Dans quelle mesure les gens se fréquentent-ils au lieu de rentrer chez eux le soir, de verrouiller leurs portes, d'allumer la télé et de se sentir coupés du monde?

À notre avis, cela est très important. Mais je n'ai pas de réponse toute faite à vous donner.

J'ai grandi en Alberta et je suis déménagé d'une région rurale à Edmonton. Quand je repense à la façon dont on vivait à cette époque, je constate que la communauté a éclaté. Les villes sont plus anonymes, sauf peut-être en milieu de travail. En fait, la communauté est davantage au travail que dans le quartier où l'on vit. Malheureusement, les enfants ne vivent pas sur le lieu de travail. Ils vivent dans votre quartier, là où la plupart des gens rentrent le soir, ferment la porte et allument la télévision.

Nos communautés semblent se lézarder. Il y avait des corvées de construction... Si une étable brûlait, tout le monde se rassemblait pour la reconstruire. Les habitants se sentaient des obligations les uns envers les autres parce qu'ils se connaissaient. Ils se rendaient tous au bureau de poste tous les jours pour aller chercher leur courrier. Ils se rencontraient au magasin de semences tous les jours, au moulin. Ils se rencontraient, ils se parlaient, et ils devaient s'entraider.

Aujourd'hui, tout est beaucoup plus anonyme. Nous vivons dans des tours. Je pense que l'urbanisation est en grande partie responsable de ce phénomène. Il faut trouver de nouvelles façons de permettre aux gens d'être en contact les uns avec les autres dans des milieux qui, franchement, sont stratifiés, urbains et froids. Il n'y a pas de solution magique.

Vous avez tout à fait raison, nous avons beaucoup perdu.

M. Scott: Pour parler du travail et parfois dans nos documents de politique gouvernementale, on tend à adopter certains mots chers aux technocrates. Les gens connaissent maintenant très bien les expressions comme taux de participation par exemple en ce qui a trait au lieu de travail. J'invite votre organisation à commencer à parler de taux de participation au foyer. Je propose un concept également applicable aux hommes et aux femmes. Il se pourrait qu'en intervenant au niveau de la distribution de travail, on puisse régler le problème de manque de débouchés économiques et celui de la qualité de vie dans la communauté. Il en a été question, et je voudrais connaître votre réaction.

Mme Scott: J'ai deux commentaires. Premièrement, je pense qu'il est très important de reconstruire la communauté, mais il ne s'agit pas de retourner vers un passé glorieux. Il important de comprendre que bien souvent, les gens ont une perception très nostalgique de ce qu'étaient ces communautés, de la façon dont on s'y entraidait, etc. Comme nous le savons, cela n'était pas toujours le cas, que l'on songe seulement aux problèmes de violence conjugale qui étaient dissimulés au lieu d'être mis au jour...

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Nous vivons dans un contexte bien différent et il nous faut créer une notion de responsabilité civique qui reflète la vie à la fin du XXe siècle au Canada et qui nous permette d'entrer dans le XXIe siècle. Je pense qu'une attitude passéiste qui embrasserait le retour des femmes au foyer et autres choses de ce genre sont déplacées et malavisées. Je ne dis pas que c'est votre idée, mais ce qui nous attend est un exercice beaucoup plus exigeant et beaucoup plus créateur.

À l'heure actuelle, le gouvernement redéfinit son rôle dans le contexte d'une pénurie de ressources, et sa réflexion sur la meilleure façon de susciter la participation civique est intéressante. L'expérience américaine a prouvé qu'on ne saurait considérer le secteur bénévole comme le sauveur des services sociaux. On ne peut s'attendre qu'à la suite du retrait du financement du gouvernement, le secteur bénévole prenne le relais.

Il nous appartient de trouver des moyens novateurs d'appuyer et de soutenir d'une multitude de façons nos organisations. Il faut que le gouvernement comprenne qu'en redéfinissant son rôle il leur retire un appui critique et laisse un vide béant. Alors que les gens font des pieds et des mains pour relever le défi, je pense qu'une certaine... Il peut y avoir une réaction créatrice, mais dans ce domaine en particulier, je pense qu'il est crucial que les pouvoirs publics comprennent que le secteur volontaire ne peut absolument pas compenser pour le retrait de l'État.

Le gouvernement a à sa disposition des instruments, y compris des instruments financiers, que M. Steinhauer... Il peut refaçonner son rôle de diverses façons et non seulement se borner à offrir des programmes de nutrition ou de bon départ dans toutes les écoles.

M. Scott: Merci.

La vice-présidente (Mme Picard): Madame Hayes.

Mme Hayes: Nous avons une discussion fascinante sur certains problèmes fondamentaux qui ne comportent pas de solutions faciles. Je reviens à ce qui a été dit au sujet de la communauté. Tout ce que je lis à l'heure actuelle semble indiquer que la solution est le village, la communauté et que devant l'éclatement de la cellule familiale, il faut passer à autre chose. Et pourtant, à cause de la participation des femmes ou des personnes au foyer - hommes ou femmes - la communauté elle-même a souffert. Nous comptons donc sur une chose qui est de plus en plus vulnérable pour venir à notre rescousse. Nous sommes donc en présence d'un problème très intéressant.

D'après ce que je sais du mouvement des femmes ou du mouvement féministe et pour en revenir à l'observation de mon collègue, la présence sur le marché du travail et la participation égale semblent être le but visé, de sorte qu'on ne reconnaît pas la valeur ou même la possibilité de rôles complémentaires. Au sein des ministères gouvernementaux, on fait des efforts dans le sens d'une participation égale perçue comme la solution, mais nous venons d'entendre que ce n'est peut-être pas l'idéal. Peut-être devrait-il y avoir un choix. La participation égale au foyer comme en milieu de travail est-elle la solution, ou risquons-nous ainsi de perdre notre communauté, comme semble le penser notre témoin précédent?

M. Ross: Je ne pense pas que l'on puisse employer le terme «solution» parce qu'à mon avis, il n'y a pas de solution. C'est un leurre que de croire qu'il existe «une solution». Réduire la semaine de travail, adopter des lois antidiscrimination plus rigoureuses, je ne pense pas que toutes ces initiatives...

Mme Hayes: Non, mais ce que je veux dire...

M. Ross: Si c'est la façon dont évolue la société, si les femmes vont travailler et que c'est ce qu'elles ont décidé de faire, je n'appelle pas cela une solution. C'est tout simplement la société qui évolue et je ne vois pas pourquoi les hommes - comme M. Scott l'a suggéré et comme je le suggérerais moi-même - ne pourraient pas assumer une part plus grande du fardeau. Si la femme contribue davantage au bien-être financier de la famille, pourquoi l'homme ne pourrait-il pas rentrer à la maison plus tôt et aller chercher les enfants à la garderie?

Mme Hayes: En fait, je n'avais pas fini ma question, mais je conviens qu'il devrait y avoir un choix. Cela dit, il semble aussi y avoir un parti pris selon lequel la participation égale est la réponse, et je mets cela en doute.

M. Ross: Nous n'avons pas ce parti pris.

.0955

Mme Hayes: D'accord. C'est intéressant, parce que je crois que beaucoup de gens ont ce parti pris, et c'est une mentalité que je conteste.

Ce n'est pas tellement d'ordre philosophique. C'est en fait une question très directe. Vous avez dit que vous aviez un dialogue avec l'Institut C.D. Howe. Vous avez dit que vous examinez l'indice des revenus d'un marché donné, l'investissement des revenus, que vous considérez comme l'indicateur de ce que vous décrivez dans votre livre. Pourriez-vous nous en dire plus long sur ce dialogue et sur les différences qui pourraient exister entre leurs indicateurs et les vôtres?

M. Ross: C'est très simple. Ils ont fait une étude dont on a fait état dans les journaux. Nous avons envoyé notre étude au journal Globe and Mail. Bruce Little a tenté de résumer la question dans l'une de ces rubriques. Le Toronto Star y est également allé d'une chronique là-dessus. Essentiellement, leur domaine d'étude était exclusivement les ménages, c'est-à-dire les particuliers. Ils ont mis ensemble tous les ménages: les personnes seules, les personnes âgées, les familles avec enfants, les couples sans enfants, enfin tout, et ils se sont demandé qu'elle était la répartition des revenus et dans quelle mesure elle avait changé avec le temps. Ils ont étudié ce que nous appelons le «revenu total», c'est-à-dire de toutes les sources.

C'est très bien, et leurs conclusions sont probablement... Je n'ai pas examiné leur étude, mais ce sont des auteurs très prudents. Je suis certain que leurs constatations sont probablement correctes. Ce que nous avons constaté, par ailleurs, c'est que quand il s'agit d'enfants...et c'est ce qui nous préoccupe, les enfants et l'environnement dans lequel ils sont élevés. Nous n'avons pris que les familles - il est possible de faire cela avec un ordinateur et une base de données - qui comptent des enfants de moins de 18 ans. Tel est le résultat dont on fait état dans ce livre. L'univers que nous avons examiné se compose uniquement de familles ayant des enfants de moins de 18 ans; c'est ce qui nous intéresse. Si notre société veut se reproduire de façon saine, il faut s'attarder aux familles. C'est donc une des différences entre nous.

L'autre différence est que nous voulions mettre l'accent, tout au moins en partie, sur ce que nous appelons le «revenu du marché», c'est-à-dire le revenu total à l'exclusion des transferts gouvernementaux. La plus grande partie de notre revenu est tirée du marché, dans une proportion de 80 p. 100. Nous voulions examiner ce qui se passe vraiment du côté de la répartition des revenus au Canada, et nous avons donc pris comme champ d'étude le revenu du marché.

Dans notre rapport, nous signalons que 60 p. 100 des familles ont vu leur situation empirer si l'on regarde les chiffres de 1981 et de 1993. En fait, nous avons étudié différentes années, mais peu importe quelle année on examine, leur situation a empiré. La part de ces 60 p. 100 a baissé. Les travailleurs pauvres, les plus pauvres et la classe moyenne, tous ces gens-là ont vu leur part baisser. Par contre, les deux tranches supérieures, c'est-à-dire les 40 p. 100 qui restent, ont vu leur part augmenter.

Quand on étudie les familles, il importe peu que l'on s'attarde seulement au revenu du marché ou au revenu total: même en tenant compte des taxes et des transferts gouvernementaux, les trois groupes du bas ont quand même vu leur situation empirer.

Mme Hayes: Mais pas en chiffres absolus?

[Français]

La vice-présidente (Mme Picard): Désolée, madame Hayes, votre temps est écoulé. Je dois passer à une autre personne. Madame Gaffney.

[Traduction]

Mme Gaffney (Nepean): Merci beaucoup, madame la présidente.

Premièrement, en réponse à la question que le Dr Hill a posé au début, au sujet de la source du financement, je voudrais lui dire que nous recevons tous des avis du CCDS. J'en suis membre. Je reçois avis de leur nouvelle brochure, des travaux de recherche qu'ils publient. Si je veux les acheter, je peux le faire. Cela s'applique à tous les députés au Parlement. J'encourage quiconque à en devenir membre, car ils font de l'excellente recherche.

Je pense que j'ai fait partie de votre conseil à un moment donné. Avez-vous encore un conseil d'administration?

M. Ross: Oh oui.

Mme Gaffney: Oui. Au début des années 1980, je crois, je faisais partie de votre conseil d'administration.

En outre, je veux commenter ce que Mme Hayes a dit au sujet des familles et des familles de travailleurs et sur les travaux que vous avez faits sur la façon dont ces enfants ont été élevés, selon qu'un seul des parents travaille ou les deux.

Il est injuste de mettre toutes les familles dans le même panier. Je connais des parents qui travaillent dont les enfants sont mieux éduqués que ceux de certaines familles dont la mère reste à la maison. Il y a diverses raisons qui poussent une maman à travailler à l'extérieur. J'ai toujours travaillé depuis que j'ai mes enfants, et j'en ai élevé cinq. À l'heure actuelle, mes cinq enfants sont des jeunes professionnels qui font une contribution utile à notre pays. Je suis très fier d'eux. Je leur ai sans doute accordé plus d'attentions dès l'instant où je revenais à la maison du travail et jusqu'à l'heure du coucher, que certains parents qui restent à la maison toute la journée ne le font.

Il ne faut donc pas catégoriser. C'est légèrement différent.

Cela dit, nous avons examiné le projet de loi C-222. Un sous-comité de votre comité a étudié le syndrome de l'alcoolisme foetal. Vous parlez apparemment des enfants déjà nés. Avez-vous jamais fait un rapport sur les enfants à naître pour voir dans quelle mesure ils sont maltraités... ou ce qu'il faudrait faire pour eux, au cas où leur mère soit alcoolique, de façon à vraiment insister sur cette question en en faisant l'objet d'un rapport? J'aimerais savoir si vous vous êtes penchés sur cette question.

.1000

M. Ross: C'est votre domaine, Katherine.

Mme Scott: Nous n'avons pas fait de recherches précises dans le cadre d'une étude sur la santé des enfants. En fait, vous parlez de la santé prénatale.

Mme Gaffney: C'est exact.

Mme Scott: Non, nous n'avons fait aucune étude précise sur cette question. Je vous invite à vous adresser à l'Institut canadien de la santé infantile. Denise Avard pourra vous être d'une grande utilité en vous indiquant les études sur l'incidence de cette question.

Chose certaine, notre étude portant sur le revenu - et il existe manifestement un rapport car les femmes enceintes pauvres ont plus de risques de mettre au monde un petit bébé ou...

Mme Gaffney: Il n'y a pas que les femmes pauvres.

Mme Scott: Oh, non, c'est évident. Nous disons simplement que, dans le cadre de notre étude, nous nous sommes penchés sur les répercussions du revenu, en tant que facteur de risques, les problèmes à la naissance, comme le faible poids à la naissance, etc. Cela est souvent aggravé par d'autres risques pour la santé, qu'il s'agisse de la tabagie ou de la consommation d'alcool.

Je signale à votre intention, en fait, l'enquête longitudinale nationale sur les enfants. Je ne sais pas si vous avez entendu le témoignage d'un représentant de Statistique Canada ou de Santé Canada pour discuter de cette nouvelle enquête. Elle a une portée énorme. Certaines questions y sont posées au sujet de la santé des mères avant la naissance de l'enfant, et de l'état du bébé à la naissance. Nous avons pu suivre l'évolution de petits enfants d'une année à l'autre. Il y a peut-être certaines conclusions de cette étude qui sont directement en rapport avec l'objet de vos délibérations. Elle vient tout juste d'être publiée.

Mme Gaffney: Madame la présidente, j'aimerais partager mon temps de parole avec M. Volpe, si vous le permettez. Il m'agace.

La vice-présidente (Mme Picard): Je suis d'accord.

M. Volpe (Eglinton--Lawrence): C'est l'instinct maternel de Mme Gaffney qui la pousse à agir, car elle m'a pris sous son aile protectrice.

Mme Gaffney: Dieu m'en garde!

M. Volpe: Je suis trop vieux pour être l'un de ses enfants.

Merci, madame.

Je voulais simplement vous poser une ou deux questions au sujet de la méthodologie de vos études. J'ai examiné certains tableaux qui figurent dans cette brochure. Je remarque que vous choisissez, comme échantillon de pays aux fins de comparaison, des pays scandinaves, le Luxembourg, la Belgique et ensuite les États-Unis. Je crois qu'à une ou deux reprises vous faites également une comparaison avec l'Australie.

J'aimerais savoir pourquoi vous avez choisi les pays scandinaves. Outre des similitudes sur le plan climatique, la population de ces pays est nettement inférieure à la nôtre et leur PIB également. Je suppose que le mode de vie ou du moins le PIB par habitant est peut-être semblable au nôtre. Sur le plan culturel, par contre, nous sommes très différents.

Vous choisissez l'Australie, dont la population est d'environ les deux tiers de la nôtre, ce qui est donc assez proche. Par contre, le mode de vie est fondamentalement différent. Nos deux sociétés partagent peut-être certaines valeurs précises, mais en ce qui concerne le milieu économique et la dynamique économique courante, les pays scandinaves autant que l'Australie, à mon avis, sont extrêmement différents du Canada. Les Australiens ont peut-être quelques similitudes avec nous sur le plan démographique. Et pourtant, vous n'avez pas établi de parallèle avec la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne ou l'Italie, pays du G-7 qui ont certaines valeurs - je pense que vous avez utilisé le terme «valeurs», c'est pourquoi je le reprends - traditionnelles que nous partageons également au Canada, et notamment la France, puisque nous avons environ 7 millions d'habitants dont les valeurs socioculturelles se rapprochent de celles de ce pays. Pourquoi n'avez-vous pas tenu compte de ces facteurs?

M. Ross: Il y a deux raisons. D'une part, pour ce qui est des tableaux, on ne peut pas présenter les données de 22 pays car ce serait un fouillis.

M. Volpe: Je veux savoir pourquoi vous avez choisi ces pays-là plutôt que les autres.

M. Ross: J'y arrive. J'ai dit qu'il y avait deux raisons. La deuxième, c'est que nous essayons d'utiliser une source de données comparable. Je ne sais pas si vous avez déjà fait des recherches dans ce domaine, mais il n'est pas facile d'obtenir des données comparables dans plusieurs pays.

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En fait, c'est le problème qui se pose dans plusieurs études. Si l'on utilise des sources de données différentes, lorsqu'on parle de «revenu familial», bien souvent, on ne sait même pas à combien il s'élève. C'est pourquoi nous avons utilisé cette étude sur le revenu du Luxembourg, un recueil de données nationales. Statistique Canada y verse ses données nationales, ainsi que les organismes de certains autres pays.

Nous avons essayé d'obtenir des données aussi actuelles que possible. Les nôtres sont de 1991. Pour la France, les dernières données disponibles remontaient à 1986. Même chose pour l'Italie. Ces pays n'ont pas encore mis à jour leurs données dans le cadre de l'étude sur le revenu du Luxembourg.

Il faut donc se demander si l'on veut vraiment faire une comparaison entre les données de l'Italie en 1986 et celles du Canada en 1992. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Il faut utiliser les données de la même année aux fins de comparaison.

Si vous voulez obtenir plus de détails à ce sujet, nous vous communiquerons volontiers plus d'information. Nous pouvons remonter dans le temps. En fait, dans une version précédente nous avions inclus l'Italie. Lorsque nous avons examiné les données antérieures, dans les années 1980, il y avait également la France. Cela ne fait aucune différence. On va trouver les mêmes résultats. Si nous n'avons pas inclus le Japon, c'est parce qu'il ne fait pas partie de l'étude sur le revenu du Luxembourg. Il y a une limite au nombre de pays où nous pouvons utiliser les données pour notre étude. Toutefois, le choix de ces pays plutôt que d'autres n'a pas été fait pour quelques raisons louches.

M. Volpe: Je n'ai jamais dit que les raisons étaient «louches». Je me demandais simplement s'il était utile de faire une étude qui porte sur certains pays mais pas sur d'autres. Bien sûr, il faut faire un choix et ce choix est motivé par toutes sortes de raisons. S'il y a eu une analyse d'impact, j'aimerais en être informé. S'il existe une série de décisions prioritaires qu'il faut mettre à l'essai, j'aimerais également les connaître.

Mme Scott: Monsieur Volpe, je voudrais simplement ajouter que dans la documentation comparative internationale des États providence, il y a en gros trois groupes de pays qui, étude après étude, immanquablement, montrent des caractéristiques communes - c'est aussi simple que cela. Il y a d'une part les pays anglophones, dont le régime politique et la structure économique sont semblables. L'Australie en fait partie ainsi que les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada, malgré sa forte population francophone. L'organisation et les structures politiques des pays en font des États providence aux caractéristiques assez semblables. En général, les taux de pauvreté, etc., sont semblables dans ces pays.

Le groupe suivant de pays sont ceux de l'Europe continentale, c'est-à-dire la France, l'Italie, l'Allemagne et les Pays-Bas, comme en témoigne notre tableau. Les pays scandinaves adoptent une approche distincte et ont des régimes économiques et sociaux différents des nôtres, mais semblables entre eux.

En général, dans toutes les recherches internationales, cette typologie, ce groupement de pays se retrouve et notre étude reflète, encore une fois, la même tendance. Même si nous avons pris certains pays de chacun de ces groupes, la tendance est la même. Les pays, comme l'a dit M. Ross, ont été choisis parce qu'ils présentaient des données comparables. L'étude sur le revenu du Luxembourg est la plus précise de ce genre à être disponible, un point c'est tout. Il n'y a rien de mieux.

Le président: Très bien. Nous n'avons plus de temps. Je tiens à remercier nos témoins d'avoir pris le temps de venir nous parler ce matin. Je suis sûr que nous aurons encore l'occasion de vous consulter, mais pas nécessairement avec le comité plénier; je suis convaincu que nos recherchistes voudront communiquer avec vous pendant la suite de notre étude. Merci de votre apport.

Nous allons faire une courte pause, le temps de passer à notre prochain témoin.

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.1012

[Français]

Le président: Nous souhaitons la bienvenue à M. Pierre-Marie Cotte de 1, 2, 3, GO! Pour un bon départ dans la vie.

M. Pierre-Marie Cotte (directeur, 1, 2, 3, GO! Pour un bon départ dans la vie): Merci, monsieur le président.

1, 2, 3, GO! est un titre parfaitement bilingue. En français c'est «Un, deux, trois, GO!» et en anglais ce pourrait être «One, two, three, PARTEZ!».

1, 2, 3, GO!, c'est un nom évocateur. Il nous dit que le projet s'intéresse aux enfants de 0 à 3 ans et le «GO» n'est pas là pour rien. Quand on dit «GO», en jouant, c'est le moment de partir, le moment de s'engager. Le projet vise à assurer aux enfants de 0 à 3 ans et à leurs parents un soutien tel qu'ils soient prêts à partir et à naviguer dans l'existence.

Si vous le voulez, je vous ferai un bref historique de ce projet pour vous dire un peu d'où il est parti. Ce projet a trois pères et mères. Je dois d'abord vous dire que je travaille au bureau de Centraide du Grand Montréal depuis 1988. J'avais travaillé à la campagne Centraide pendant plusieurs années. À Centraide, on s'est beaucoup interrogés sur notre façon d'aider les communautés.

Traditionnellement, Centraide et le United Way amassent des fonds et les distribuent à des organismes communautaires pour qu'ils agissent dans la communauté auprès de certains groupes. On se rend compte que cette façon d'intervenir dans la communauté est toujours très utile. Je pense que ce n'est pas remis en question comme tel. On s'interroge sur le fait que les besoins grandissent.

Par exemple, à Montréal, on a encore des demandes pour 10 millions de dollars, auxquelles on ne pourra pas répondre cette année. Bien entendu, la résolution des problèmes communautaires ou le community problem solving sont des approches qui nous intéressent.

En 1993, Centraide du Grand Montréal cherchait à expérimenter de nouvelles façons de soutenir non pas des organismes, mais des communautés. Donc, le premier parrain de l'organisme est Centraide.

Le deuxième parrain est Camille Bouchard, psychologue québécois qui était président d'un groupe de travail sur la situation des enfants. Il a publié en 1991, avec son groupe, un rapport qui s'appelle Un Québec fou de ses enfants.

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Dans ce rapport, Camille Bouchard et son groupe expliquaient la nécessité et l'urgence de travailler auprès de la petite enfance. Après avoir déposé son rapport, il ne s'est pas contenté de retourner à l'université et de travailler comme professeur. Il a cherché, avec un groupe de personnes, à mettre en oeuvre des initiatives pour la petite enfance. Il s'est adressé à Centraide en 1993 et nous a demandé si nous étions prêts à nous engager et à chercher une façon de venir en aide aux tout-petits de 0 à 3 ans.

Le troisième parrain, c'est M. Purdy Crawford, qui est président du conseil chez Imasco maintenant et qui, à l'époque, était coprésident, au Conference Board, d'un sous-comité sur l'éducation. Et ce sous-comité sur l'éducation a été beaucoup influencé par les travaux de l'Institut canadien de recherches avancées, par MM. Fraser Mustard et David Offord. Ce sont des gens qui ont fait prendre conscience à M. Crawford qu'il y avait dans notre communauté un capital humain extrêmement important qui pouvait se perdre si on n'en prenait pas grand soin. Cette ressource, c'était, bien sûr, les tout-petits de 0 à 5, 6, 7 et 8 ans.

Donc, ces trois personnes, Michèle DeGuire, présidente de Centraide, Camille Bouchard, auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants, et Purdy Crawford, se sont rencontrées, leurs routes se sont croisées et elles ont mis leurs ressources ensemble.

Centraide a demandé à Camille Bouchard de mettre en place un comité de réflexion sur l'intervention auprès de la petite enfance dans les communautés selon une approche communautaire de résolution des problèmes. Camille a cheminé de 1993 à 1995 pratiquement avec un groupe d'une dizaine de personnes qui sont venues des régies régionales, qui sont venues des CLSC, des garderies, etc., et qui ont réfléchi sur le mode d'intervention.

De son côté, Purdy Crawford nous a assuré qu'il allait s'attaquer au problème du financement d'un projet comme celui-là. Je vous en reparlerai plus tard.

Le comité de Camille Bouchard est arrivé à un certain nombre de conclusions. D'abord, les interventions heureuses ou celles qui sont porteuses d'un mieux-être ont certaines caractéristiques. On dit qu'elles sont préventives plutôt que curatives. On dit qu'elles réussissent quand on utilise une approche globale plutôt qu'une approche plutôt intellectuelle ou uniquement basée sur des modèles théoriques. Cette approche globale suscite l'engagement des gens.

Les interventions heureuses sont celles qui interviennent très tôt dans la vie des enfants, donc entre zéro et trois ans. Ce sont aussi celles dans lesquelles s'engagent les parents et les communautés. Le modèle commençait à se dessiner à partir de là.

On connaissait aussi un certain nombre des effets qu'avaient les interventions qui ont ces caractéristiques. Elles réduisent de manière importante les coûts sociaux et économiques qui sont liés aux problèmes scolaires, à la délinquance, au crime, au bien-être social, aux activités non productives et à l'exclusion de l'économie de marché. On sait qu'elles améliorent les chances des enfants, une fois adultes, de trouver un travail, d'en être satisfaits et de posséder, entre autres, leur propre maison, par exemple. Elles améliorent considérablement la situation des parents, tant au niveau du travail qu'à celui de l'intérêt qu'ils portent au succès scolaire de leurs enfants et au soutien qu'ils leur apportent.

Vous avez sûrement entendu parler de l'exemple classique du Perry Preschool Project aux États-Unis, où on a démontré qu'intervenir très tôt permet de réaliser des économies de 7 $ pour chaque dollar investi au point de départ dans la communauté.

Tout était en place pour créer le modèle 1, 2, 3, GO!, dont l'objectif est de mobiliser toutes les ressources possibles et requises, qu'elles soient matérielles, intellectuelles, financières, politiques, sociales, etc, pour aider les communautés, des petites communautés, que nous appelons des voisinages, à cultiver et à soutenir le mieux-être de leurs tout-petits, de 0 à 3 ans en particulier.

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Le groupe de travail s'est donné six grands principes qui sont la colonne vertébrale de l'intervention de type 1, 2, 3, GO! dans les milieux communautaires.

Le premier, c'est de mobiliser toutes les personnes d'une communauté donnée: informer, sensibiliser, mobiliser, de telle sorte que ce qui change dans la communauté, ce ne soit pas seulement les interventions et les services à la petite enfance, mais aussi la culture de ce milieu vis-à-vis de la petite enfance et son intérêt pour la petite enfance.

Le deuxième principe, c'est de faire collaborer davantage les ressources existantes. On parle de concertation, d'arrimage entre différents programmes, différents services et, éventuellement, d'intégration de certains services.

Le troisième principe consiste à venir en aide directement aux enfants de toutes les familles. Cela veut dire surtout faire du démarchage, mais là je dois dire que le terme anglais est beaucoup plus juste. C'est le reaching out: aller vers les parents, ne pas attendre qu'après avoir lu un dépliant ou avoir rencontré quelqu'un, ils décident tout à coup de faire un pas de plus, de sortir de leur isolement. Le reaching out, c'est la relation à établir avec les parents, une relation de confiance qui les amène graduellement à avoir confiance aux ressources que la communauté met à leur disposition. Un intervenant me disait que cela peut prendre jusqu'à six mois de contacts mensuels ou hebdomadaires avant de décider un parent à utiliser un service communautaire.

L'intervention 1, 2, 3, GO! doit s'adresser directement aux enfants aussi. Toute cette mobilisation n'a de sens que dans la mesure où, à un moment donné, au cours du processus, les enfants de 0 à 3 ans sont touchés directement par l'impact de cette action.

Le cinquième principe est que les parents sont vus comme les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants.

Enfin, le sixième principe, qui est d'ailleurs assez important, est d'accorder un soutien quotidien aux intervenants, ceux qui au jour le jour, dans les garderies, dans les CLSC, dans les groupes communautaires, dans les haltes-garderies, travaillent avec les parents et leurs enfants, en leur donnant les connaissances et les outils nécessaires pour travailler mieux encore.

Tout le projet se construit autour de ces six grandes orientations. Les six voisinages qui ont été retenus pour le projet 1, 2, 3, GO! sont celui de Pont-Viau situé au sud de Laval; ceux de Montréal-Nord et de Côte-des-Neiges, milieu multiethnique, et Saint-Michel, sur l'île de Montréal; Longueuil-Ouest et Saint-Rémi, milieu semi-rural, sur la rive sud.

On a choisi ces six voisinages en fonction d'un certain nombre de critères. D'abord ce sont des voisinages qui présentent un taux élevé de pauvreté. Ce sont aussi des voisinages qui comptent beaucoup d'enfants. On nous demande parfois pourquoi nous n'avons pas choisi Saint-Henri, par exemple. Tout simplement parce que Saint-Henri compte beaucoup moins d'enfants aujourd'hui que Côte-des-Neiges.

On a choisi des voisinages où il y avait déjà une vie communautaire active, capable de soutenir un processus de mobilisation, des voisinages qui reflètent la nouvelle réalité multiculturelle de Montréal et de sa région et, comme je le disais, au moins un territoire rural ou semi-rural.

Je vais vous donner ici quelques exemples. Nous travaillons dans ces voisinages depuis avril ou mai 1995. Après un an, qu'est-ce qui a été réalisé? On a créé six groupes de travail dans ces voisinages. Il y a à peu près 130 à 150 personnes qui, depuis un an, bénévolement, travaillent à déterminer les priorités d'action pour ces voisinages. On a consulté plus de 300 parents, et 300 est une estimation modérée. Je croirais plutôt que près de 500 parents ont été vus au moins une fois et se sont fait poser la question: «Quels sont les rêves que vous faites pour vos enfants ici, dans ce quartier?».

Un des six voisinages a déjà présenté son projet d'action; il s'agit de Saint-Michel. On attend le projet de Laval pour la fin du mois. Dans chacun des voisinages, nous avons créé un réseau de partenaires qui s'engagent à soutenir l'ensemble du projet d'intervention.

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À Saint-Michel, là où déjà une première initiative a été amorcée, les priorités identifiées étaient de nourrir adéquatement les enfants, d'assurer leur sécurité aux plans physique et psychologique et de leur offrir des activités stimulantes, aptes à favoriser leur développement.

Je peux vous dire que ce ne sont pas que des intervenants qui l'ont dit, mais aussi des parents. Je reviendrai peut-être plus tard sur cette question lors de notre échange.

Nous apercevons, et c'est encourageant, des signes de collaboration qui n'existaient pas auparavant. Par exemple, à Saint-Michel, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre a mis sur pied le programme «Naître égaux et grandir en santé». Ce programme, d'une certaine façon, s'est arrimé au projet de 1, 2, 3, GO! à Saint-Michel, créant ainsi plus d'énergie et de synergie autour des jeunes enfants de cette communauté.

Vous avez peut-être entendu parler de plusieurs expériences, dont 1, 2, 3 GO!, qui s'appuient sur la communauté afin de venir en aide aux tout-petits. En ce sens, ce n'est pas le projet du siècle, ni le projet le plus novateur, mais il comporte un certain nombre d'éléments qui nous caractérisent.

Le premier élément est la conviction profonde, voire acharnée, que les communautés peuvent et doivent se prendre en charge afin de favoriser le développement de leurs tout-petits. C'est une approche à la fois positive et communautaire, qui ne s'arrête pas aux lacunes ou aux risques dans cette communauté, mais qui mise sur le potentiel et ce qui peut être mobilisé pour apporter quelque chose de nouveau aux enfants et à leurs parents.

La deuxième caractéristique, c'est que ce projet sera entièrement financé par le secteur privé, ce qui est assez rare dans le milieu des projets communautaires. Cela ne minimise toutefois pas l'implication des agences gouvernementales qui sont avec nous sur le terrain, tels les CLSC, les régies régionales, les villes, etc.

1, 2, 3, GO! est un projet qui compte sur la participation à tous les niveaux, tant de décision que d'intervention, des bénévoles pour sa réalisation. L'approche de 1, 2, 3, GO! a été reconnue comme une approche novatrice par la Fondation McConnell qui s'est engagée à en faire l'évaluation scientifique avec un groupe de recherche attaché au Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale de l'Université du Québec à Montréal.

Ce groupe présentait hier soir le modèle avec lequel il travaillera pour faire l'évaluation de1, 2, 3, GO! au cours des prochaines années. Je suis conscient que mon intervention ne devrait pas dépasser dix minutes et qu'elle sera suivie d'une période de questions. Ainsi, je m'arrête ici.

Le président: Madame Picard.

Mme Picard (Drummond): Vous disiez plus tôt avoir choisi le voisinage de Laval. Qui identifie le secteur sur lequel portera votre étude sur l'impact sur les enfants? Vous parliez par la suite d'une initiative qui identifiait comme première priorité le besoin de nourrir adéquatement les enfants du voisinage. Qu'arrive-t-il à la suite de l'identification d'un problème? Qu'est-ce que 1, 2, 3, GO! met en place pour vraiment combler cette lacune? Est-ce qu'on sensibilise les parents et les bénévoles et qu'on les laisse résoudre les problèmes désastreux identifiés chez les enfants de 0 à3 ans? Est-ce que seuls les enfants de 0 à 3 ans sont visés dans cette étude?

M. Cotte: Parlons d'abord des trois aspects. Qui a choisi les voisinages? Pendant deux ans, le groupe de Camille Bouchard a réfléchi sur l'intervention requise. Ils se sont penchés sur les statistiques du Conseil scolaire de l'Île de Montréal qui, en raison de son approche multifactorielle, est probablement le mieux équipé pour identifier les milieux où les taux de pauvreté sont les plus sévères.

.1030

À la lumière de ces données et statistiques, Centraide et ses partenaires ont choisi les voisinages. Nous n'avons pas procédé par concours ni fait d'appel d'offres accordant des fonds au plus beau projet. Nous avons identifié les voisinages où les besoins étaient les plus grands et qui satisfaisaient aux critères suivants: un haut taux de pauvreté, une plus grande concentration d'enfants de 0 à 6 ans que dans d'autres quartiers et l'existence d'un minimum d'infrastructures sociales pour permettre la mobilisation de la communauté.

Le projet 1, 2, 3, GO! est un projet expérimental sur une période de cinq ans. L'étude sera faite sur les six voisinages qui ont été choisis et que nous appelons les voisinages de la première génération. Cela n'empêche pas d'autres communautés de s'inspirer des principes ou de se mobiliser pour faire des choses.

Dès que nous avons choisi ces voisinages et que nous avons été prêts à leur offrir l'initiative, nous avons dressé la liste la plus complète possible de tous les gens du voisinage susceptibles d'être intéressés de près ou de loin au bien-être des tout-petits. Nous avons alors procédé par invitation et fait une présentation de l'initiative dans chaque voisinage. Nous avons invité les gens à constituer un groupe de travail pour prendre en main l'initiative dans leur propre voisinage; ces groupes ont mobilisé entre 130 et 150 personnes depuis un an.

Est-ce que cela répond à votre première question?

Mme Picard: Oui, merci.

M. Cotte: Quant à votre deuxième question, ce sont les parents du quartier Saint-Michel, que nous les ayons rencontrés dans des garderies, des CLSC ou lors d'une assemblée générale réunissant plus de 65 parents, qui ont validé l'alimentation des enfants comme étant une des priorités.

Il faut se rappeler que dans le quartier Saint-Michel, il n'y a pas d'épiceries de grande surface, comme des Métro ou des Provigo, puisqu'elles sont tous situées en périphérie.

Le voisinage compte toutefois neuf dépanneurs où, comme on le sait, la nourriture coûte beaucoup plus cher. Il y a donc à prime abord un problème d'accès, puis un problème de coût.

De plus, on a démontré il y a quelques années, bien que cela se résorbe, l'existence d'un problème d'exploitation. Certains dépanneurs offraient des aubaines, plus ou moins vraies, au début du mois et qui ne portaient pas nécessairement sur les aliments nutritifs. Dans le quartier, il y a même un camion qui passe à la fin du mois, quand les gens n'ont plus d'argent, et vend à crédit de la nourriture qui n'est pas nécessairement bonne. Je dirais qu'il y a un problème endémique par rapport à l'alimentation; les gens n'ont pas accès à la nourriture, elle coûte cher et n'est pas très nutritive.

Une ressource qui est le fruit de la volonté des citoyens vient d'être mise sur pied dans ce quartier; il s'agit d'un restaurant communautaire où on peut manger à très bas prix et qui s'appelle Mon Resto. De plus, des efforts sont faits présentement afin de donner aux gens du quartier accès à une nourriture saine et bon marché.

Nous déployons aussi des efforts particuliers pour enseigner des recettes économiques et durables. Nous voulons aussi faire du jumelage entre des personnes âgées et de jeunes mères. Nous constatons souvent que les jeunes mères ne savent pas apprêter des mets. Des personnes âgées pourraient les aider à mieux cuisiner ou à apprendre à cuisiner.

1, 2, 3, GO! ne veut pas donner de réponses, mais plutôt s'associer au dynamisme de la communauté qui cherche des réponses à ce problème. Nous pensons que c'est ainsi que l'initiative va gagner de la crédibilité auprès des gens du quartier, puisque nous ne passerons pas à côté des besoins de base qu'ont identifiés les gens.

Bien que l'initiative 1, 2, 3, GO! se concentre sur les enfants de 0 à 3 ans, les mères de famille ont souvent aussi des enfants de 5 ans ou 12 ans. Il y aura donc un impact sur toute la famille.

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Nous voulons mettre l'accent de notre intervention sur la période de 0 à 3 ans, sans toutefois en limiter la portée et en espérant qu'il y aura des retombées sur tous les autres groupes d'âge dans la communauté.

Mme Picard: Merci beaucoup.

M. Cotte: Merci.

[Traduction]

Le président: Sharon.

Mme Hayes: J'ai deux questions à vous poser. Vous avez dit qu'il y avait une infrastructure sociale... Tout d'abord, je voudrais revenir un peu en arrière. Il s'agit apparemment de collectivités qui sont en général, comme vous le dites, défavorisées. Les niveaux de pauvreté y sont sans doute plus élevés que la normale. Vous pourriez peut-être nous donner une idée du genre de structures familiales que l'on trouve dans ces collectivités. Vous nous avez décrit des initiatives extrêmement importantes pour les familles défavorisées, et je comprends que le fait de pouvoir compter sur cette aide leur serait très utile.

Plus précisément, y a-t-il une forte proportion de chefs de famille monoparentale dans les collectivités dont vous vous occupez? En quoi cela influe-t-il sur vos initiatives? Vous avez dit que vous essayez de mobiliser la collectivité. Les parents participent-ils à vos programmes? Est-ce que ce que vous faites aide ces parents seuls à retrouver du travail? Quel rapport existe-t-il avec les activités bénévoles dont vous parlez? Y en a-t-il un autre? Avez-vous examiné l'incidence de vos initiatives sur les parents?

Vous êtes là pour aider les enfants. Est-ce que cela a permis en même temps de donner un petit coup de pouce aux parents de ces quartiers, que ce soit pour les aider à retrouver du travail ou à participer à votre programme? Y a-t-il des retombées positives et avez-vous remarqué quoi que ce soit? Je sais que vous êtes là depuis assez peu de temps, mais peut-être... J'aimerais savoir quelle incidence cela a sur l'ensemble de la collectivité.

Merci.

[Français]

M. Cotte: Merci, madame Hayes.

Dans la plupart des milieux désavantagés où nous oeuvrons, le revenu familial moyen, et non celui par travailleur, se situe à moins de 20 000 $ par année. Bien que je ne me rappelle pas les taux exacts, dans certains de ces voisinages, la monoparentalité atteint jusqu'à 45 p. 100 des familles.

Cela se nuance toutefois. À Côte-des-Neiges, un quartier où il y a une forte concentration de groupes ethniques, le taux de monoparentalité diminue légèrement, probablement en raison de la culture des nouveaux arrivants dont les valeurs familiales sont encore très fortes et dont les séparations sont moins fréquentes. Le taux de monoparentalité se situe toutefois généralement autour de 40 p. 100.

Comme je le mentionnais, nous avons choisi les voisinages à partir de l'échelle multifactorielle établie par le Conseil scolaire de l'Île de Montréal qui se base sur des facteurs tels le revenu, la monoparentalité et les services offerts. C'est l'échelle la plus valable qu'on trouve actuellement dans la région du Grand Montréal relativement aux milieux défavorisés.

Dans chacun des voisinages, le Conseil scolaire de l'Île de Montréal a établi des unités statistiques couvrant de deux à trois écoles primaires et touchant des populations de 15 000 à20 000 personnes. En tout, quelque 6 600 enfants vivent dans ces six voisinages.

.1040

Nous parlons de mobilisation, de participation des parents. Pour une foule de raison, ce groupe est probablement le plus difficile à mobiliser. Nous avons fait des efforts énormes pour les rejoindre. Vous avez raison de dire que l'initiative est encore jeune et que nous ne sommes qu'au début du processus. Au cours de la première année, nous avons avant tout tenté d'identifier avec les gens du milieu les priorités d'action. D'énormes efforts ont été déployés pour aller rejoindre les parents là où ils étaient. Nous avons fait du porte à porte dans plusieurs quartiers, sommes allés dans les garderies, les salles d'attente des CLSC et celles des médecins de famille, les résidences des familles, etc. Nous avons rejoint entre 300 et 500 parents que nous avons consultés pour savoir ce qui était important pour eux.

Chacun des groupes de travail des voisinages compte quelques parents. Je crois que les parents vont participer de plus en plus une fois que les initiatives auront été mises en oeuvre; plusieurs d'entre eux nous disent qu'ils seront là lorsque des choses concrètes vont se produire.

La première étape de l'initiative consistait en une recherche, ce qui peut être un peu ardu et difficile pour des parents. Dès que nous passerons à l'action concrète et que nous commencerons le démarchage, la participation des parents deviendra essentielle et, je pense, plus facile parce que nous demanderons aux parents de parler à d'autres parents. Les gens aiment être interpellés par des gens qui leur ressemblent; si nous voulons que les parents et les enfants de ces voisinages soient touchés par l'initiative, il faudra que ce soit fait par les parents eux-mêmes.

Bien que les parents nous aient dit qu'il était difficile de s'impliquer dans la démarche d'identification des priorités, plusieurs nous ont signalé qu'ils étaient intéressés et tout disposés à agir à cette étape du projet. Cela commence déjà à se faire à Saint-Michel.

Quel impact une telle intervention peut-elle avoir sur les parents? C'est difficile à mesurer encore aujourd'hui parce que le modèle est trop jeune. Nous savons toutefois, et plusieurs recherches le démontrent, qu'un parent qui participe à des activités stimulantes avec son enfant et qui le voit vivre des succès dans l'apprentissage de certaines choses, tel le dessin, bénéficie immédiatement de retombées directes, puisqu'il prend confiance en lui et vit le succès de ses enfants comme son propre succès. Si cela est simple, il est confiant de pouvoir reproduire ce succès avec son enfant. On commence alors à engager une dynamique de succès entre le parent et l'enfant plutôt qu'une dynamique d'impuissance ou d'ignorance.

Nous voulons miser beaucoup sur cette initiative. Quant à savoir si à plus long terme les parents retourneront sur le marché du travail, je ne puis présentement pas vous donner de réponse. Nous souhaitons qu'au fil des ans les parents qui se seront engagés dans la réalisation de l'initiative retrouvent un sens de la productivité, qu'ils aient la satisfaction de faire quelque chose d'utile pour eux, pour leurs enfants et pour la communauté, même si ce n'est pas nécessairement dans le cadre du travail rémunéré. C'est le premier pas vers un engagement plus grand dans la communauté et, éventuellement, dans le monde du travail.

Cela répond-t-il à vos questions?

[Traduction]

Mme Hayes: C'est sans doute tout le temps dont je dispose. Je vous remercie.

[Français]

M. Cotte: Merci, madame.

[Traduction]

Le président: Très bien. Je tiens à vous remercier, Pierre-Marie, de votre présence.

Il n'y a pas d'autres noms sur ma liste. Vous avez tous eu l'air très surpris, mais nous avons beaucoup de pain sur la planche. S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons conclure cette partie de nos délibérations.

Encore une fois, merci de votre aide. Nous communiquerons sans doute avec vous plus tard. Certains membres du personnel de recherche auront peut-être d'autres renseignements à vous demander.

[Français]

M. Cotte: Certainement.

Le président: Merci beaucoup.

M. Cotte: Merci.

.1045

[Traduction]

Le président: Pour la gouverne des membres du comité, au cas où vous n'ayez pas jeté un coup d'oeil au verso de la feuille, je vous signale que l'ordre du jour est en deux parties. Il y aura d'abord une discussion publique et ensuite, une séance à huis clos. Pour avoir tout l'ordre du jour sous les yeux, il vous faut deux feuilles de papier. Il vous faut la feuille portant le titre «Comité permanent de la santé» où se trouve l'ordre du jour, mais il vous faut également le verso de l'ordre du jour où le premier point est à 10 h 45. Mon adorable greffière me dit que nous venons à peine de l'obtenir, et que c'est donc pourquoi vous avez tous...

La greffière du comité: Votre greffière.

Le président: Mon adorable greffière, je le répète. Ma greffière, donc, est en train de distribuer ce document, ce qui explique votre air surpris comme si vous n'aviez pas la moindre idée de ce dont je parlais.

Une voix: Bien joué, Nancy.

Le président: Nous le faisons tout le temps. Elle essaye de me faire oublier que je suis Terre-Neuvien et de mon côté, j'essaye d'en faire une Terre-Neuvienne, et dans l'un ou l'autre cas, les résultats ne sont guère brillants. Elle est une adorable greffière. C'est un adjectif tout à fait acceptable à Terre-Neuve lorsqu'on parle d'une personne qui fait bien son travail. Est-ce que je me trompe?

Une voix: Nous ne sommes pas à Terre-Neuve.

Le président: Il y a deux points à l'ordre du jour. Au verso de cette feuille, il y a le point prévu pour 10 h 45, soit le rapport du sous-comité, après quoi nous passerons à l'ordre du jour.

M. Hill: Je ne comprends rien. Vous avez dit que nous allions siéger à huis clos à 11 heures, et pourtant, d'après l'ordre du jour, il semble que nous soyons déjà à huis clos.

Le président: Cette feuille a été imprimée avant que nous sachions qu'il fallait adopter le rapport du sous-comité. Nous allons le faire en séance publique.

M. Hill: Vous remarquerez que dans l'ordre du jour, les travaux découlant de la réunion... oh, veuillez m'excuser. Taisez-vous, Grant.

Le président: Nous avions un ordre du jour pour la séance de ce matin, qui est ici. Après avoir établi cet ordre du jour, nous nous sommes aperçus qu'il nous fallait étudier une question découlant de la réunion de mardi du sous-comité qui a examiné le projet de loi C-222. Nous allons examiner ce premier point en séance publique, puisque c'est une question qui doit être examinée en public. Puis nous terminerons l'ordre du jour prévu.

Nous allons donner la parole à la présidente du sous-comité chargé d'étudier le projet de loi C-222.

Mme Gaffney: Sauf erreur, vous avez tous sous les yeux ce document distribué par la greffière. Le sous-comité chargé de l'étude du projet de loi C-222, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (mise en garde sur les contenants de boisson alcoolique), a l'honneur de déposer son premier rapport. Conformément à son ordre de renvoi du mardi 5 mars 1996, votre sous-comité demande que l'étude du projet de loi C-222 soit retirée du sous-comité et recommande que le comité considère le projet de loi dans le contexte de son étude sur les politiques canadiennes concernant les drogues, et plus particulièrement sur les moyens les plus efficaces à mettre en oeuvre pour sensibiliser la population au SAF. Un exemplaire des Procès-verbaux et témoignages relatifs à ce projet de loi, fascicule no 1, est déposé. Le tout a été respectueusement soumis.

Monsieur le président, le sous-comité a adopté ce rapport par trois voix contre deux. Le sous-comité a entendu de nombreux témoins, pour et contre cette question. Je n'expliquerai pas la motion. Je vais en laisser le soin au motionnaire.

.1050

Les témoins qui ont comparu et qui étaient pour l'étiquetage en vue d'éviter le SAF ont présenté des exposés très convaincants et très émouvants. Tous leurs arguments étaient parfaitement légitimes. Nous avons tous été impressionnés par leurs interventions. Par ailleurs, les fabricants ont été tout aussi convaincants en défendant le non-étiquetage et en mettant l'accent sur les programmes de sensibilisation qu'ils appliquent actuellement. Par contre, certains points nous ont paru douteux qui méritaient un examen plus approfondi. Nous n'avions pas sous les yeux les preuves que ces programmes de sensibilisation donnaient vraiment les résultats escomptés.

Nous avons entendu parler de troubles neurologiques et de programmes préventifs. Un responsable de la santé publique a présenté un exposé très convaincant dans lequel il appuyait fortement cette mesure. J'ai relu le compte rendu et j'ai constaté que, en 1992, la question a déjà été étudiée et que, en 1994, un rapport a été publié stipulant que l'étiquetage devrait être autorisé. Toutefois, il restait de toute évidence un élément de doute dans l'esprit des membres du comité. Nous n'avions pas en main toutes les preuves concrètes dont nous estimions avoir besoin, à mon avis.

Pour ma part, j'estime vous avoir laissé tomber, monsieur le président ainsi que les autres membres du comité permanent, du fait que le sous-comité n'a pas réussi à en arriver à un rapport final à présenter à la Chambre des communes. Cela me désole de n'avoir rien proposé de définitif.

Cela dit, vous avez la recommandation sous les yeux. J'aimerais que le motionnaire me dise, ainsi qu'aux autres membres du comité, pourquoi il juge bon de proposer cette motion.

Le président: Nous donnerons la parole à Andy dans un instant. Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que vous ne devriez pas avoir l'impression de nous avoir laissé tomber. Vous avez suivi les directives du comité en convoquant le sous-comité. Vous avez également suivi les directives de votre sous-comité en nous proposant cette motion. Vous avez fait ce qu'aurait fait ou aurait dû faire, dans les circonstances, toute personne se trouvant à votre place.

Je vous remercie d'avoir présidé le sous-comité. Vous n'êtes pas encore libérée de vos obligations, car tout dépend du sort que nous allons réserver à cette motion, que nous pourrons ou bien renvoyer au sous-comité, ou accepter, adopter, etc.

Andy.

M. Scott: Je ne sais pas si ce n'est pas d'une certaine façon un aveu d'échec, et je dis cela pour la gouverne de Beryl et des autres membres du comité, de conclure simplement qu'un énorme problème se pose. On a cerné le problème et, pour ma part en tout cas, j'y ai été beaucoup plus sensibilisé que par le passé. Je ne parle qu'en mon nom personnel. Même si j'admets qu'il y a un problème, et loin de moi l'idée que la suggestion de ma collègue n'est pas la façon d'y remédier, je tiens tout simplement à dire que je n'ai pas été convaincu de ce que...

Je le répète: je crois en l'étiquetage comme solution à ces problèmes d'après l'expérience que j'ai acquise en participant à l'étude sur l'emballage neutre des produits du tabac et d'après ce que nous ont dit tous les experts qui ont comparu. Je ne veux pas vous donner une fausse impression; simplement, je ne suis pas convaincu en l'occurrence que cette mise en garde soit la meilleure façon de sensibiliser les gens qui ne le sont pas encore. La question est beaucoup plus complexe que cela.

Il m'est venu à l'esprit, je suppose que c'est le cas de la majorité des membres du comité que puisque nous effectuions de toute façon l'étude sur une stratégie relative aux drogues, le moment serait bien choisi d'approfondir cette question. C'est de cette façon que je souhaite que cette idée soit consignée au compte rendu. C'est simplement pour dire que, à la fin de nos délibérations mardi, je n'étais pas convaincu que c'était la bonne façon de s'attaquer au problème, car je pensais intuitivement que les gens qui n'y sont pas sensibilisés n'ont sans doute...

.1055

Je ne sais pas, et je ne pense pas qu'il s'agisse d'un aveu quelconque. J'avoue simplement ne pas avoir été suffisamment convaincu par le bien-fondé de cette démarche. Toutefois, je ne la rejette pas d'emblée et c'est pourquoi je souhaite en saisir à nouveau le comité principal. C'est pourquoi j'ai proposé cette motion qui a obtenu l'appui de mes collègues.

Le président: Pauline.

[Français]

Mme Picard: Monsieur le président, après avoir étudié tout le dossier, je l'ai soumis au caucus du Bloc québécois. Je pense que tout le monde est tombé d'accord sur le principe des mises en garde, mais nous ne sommes pas sûrs que la mesure concernant l'étiquetage des boissons alcoolisées soit efficace parce que nous pensons que c'est un moyen trop coûteux, considérant que des mesures existent déjà, à l'heure actuelle, au niveau de l'éducation et de la sensibilisation de la population. D'autre part, l'industrie nous a aussi prévenu du fait que 1 $ de plus investi dans le changement d'équipement à haute technologie correspondait à 1 $ de moins en éducation et sensibilisation.

Par contre, j'ai été très sensible aux préoccupations des organismes et des associations de santé en ce qui concerne le syndrome de l'alcoolisme foetal, et c'est pourquoi j'ai approuvé la proposition de M. Scott concernant l'étude du syndrome de l'alcoolisme foetal et des moyens à prendre pour sensibiliser davantage les femmes déjà enceintes ou celles qui le seront plus tard.

[Traduction]

Le président: Grant.

M. Hill: Monsieur le président, personnellement, je souhaiterais qu'il y ait aussi peu de lois que possible, un gouvernement aussi restreint que possible et que la seule fois où il faille intervenir par voie législative, ce soit quand il y a un tiers en cause. C'est pourquoi depuis le début je suis en faveur d'une loi pour qu'il y ait une mise en garde graphique pour le foetus, le foetus qui est si innocent en l'occurrence.

Comme je l'ai dit auparavant, c'est ce que je souhaite recommander aux membres de mon caucus et ces derniers pourront voter librement sur cette question.

Toutefois, je dois le dire car nos délibérations sont enregistrées, j'ai constaté un changement d'attitude au ministère de la Santé, et ce grâce au nouveau ministre de la Santé. Le ministère de la Santé a modifié de façon très subtile une déclaration stipulant qu'il appuyait le principe de ce projet de loi après avoir dit plus tôt qu'il appuyait le projet de loi lui-même. Je tiens à dire publiquement que cela témoigne, à mon avis, d'un changement d'attitude de la part du ministre, rien de plus.

Le président: Je suis sûr que Paul voudra également dire quelque chose, mais je voudrais dire un mot en premier. J'interviens non pas en tant que président mais que membre du comité.

Dès le début, j'estimais que le projet de loi de Paul était valable. J'aurais pu en appuyer non seulement le principe, mais également les dispositions détaillées. Cette mesure se fait attendre depuis longtemps à mon avis. On peut chipoter sur les détails de la façon de transmettre le message, mais chose certaine, le principe de la mise en garde est compatible avec ce que nous, législateurs, avons fait pour la consommation de tabac.

C'est pourquoi je pense que le principe est inattaquable et pour me convaincre encore une fois que je suis sur la bonne voie, il m'a suffi d'écouter les témoignages des groupes de pression de l'industrie sur cette question.

Au fil des ans, parmi les nombreuses fonctions que j'ai assumées, j'ai déjà été imprimeur et je peux vous dire que cela m'a coûté très cher d'inscrire cette mise en garde sur les étiquettes. On imprime déjà les étiquettes d'une bouteille de whisky en sept couleurs. Y ajouter une mise en garde en noir et blanc, ou autre, exigera qu'on utilise à nouveau les mêmes encres pour ajouter quelques caractères. Il faudra payer une personne 20 $ de plus pour concevoir le texte qui devra figurer sur l'étiquette. Quand je dis 20 $, il faudra peut-être lui verser 200 ou 2 000 $ - poussons les choses jusqu'au bout. Toutefois, c'est une dépense unique. Toute cette absurdité flagrante quant à la faillite à laquelle nous allons acculer les fabricants, ce ne sont que des foutaises, de véritables foutaises, et rien d'autre. Je ne le répéterai jamais assez.

.1100

Quand j'ai vu l'industrie sortir ses gros canons, je me suis dit que c'est qu'ils ont peur que la mesure soit efficace. C'était peut-être la meilleure preuve que Szabo est sur la bonne voie ici.

Je suis également d'accord avec Grant. On a changé de discours. On est devenu plus circonspect. On donne son appui, mais avec plus de réserves.

Nous sommes tous des hommes et des femmes politiques, et nous devons composer avec la réalité. Quand la greffière m'a appris ce qui s'était passé en comité mardi, j'étais furieux. Et puis, je lui ai dit de me mettre cela par écrit, et dans l'intervalle, j'ai commencé à réfléchir et je me suis rendu compte de ce qui s'était réellement produit. La motion d'Andy n'est peut-être pas à l'origine de ce raisonnement, mais elle met certainement les choses noir sur blanc.

Nous avons le choix ou bien de perdre le projet de loi en comité une fois pour toutes et de renoncer à la possibilité de... Quand je parle de perdre le projet de loi, c'est que j'ai l'impression qu'il n'y a pas de consensus à ce moment-ci pour que nous l'adoptions à l'étape de l'étude article par article. Nous avons donc le choix ou bien de perdre le projet de loi et de renoncer pendant longtemps à la possibilité que cette question puisse être ressuscitée, ou bien de jouer sur le temps et de reprendre la lutte plus tard. C'est ainsi que je vois les choses, moi. Personne n'est tenu d'être d'accord avec moi, mais ma version n'est peut-être pas très loin de la réalité.

Si le comité est d'accord pour adopter la motion du sous-comité, je m'engage à ce que non seulement la question soit examinée dans le cadre de notre étude de la politique sur les drogues, mais que le projet de loi ne se perde pas dans la brume. De toute façon, nous avons l'obligation de faire rapport du projet de loi à la Chambre à un moment donné, n'est-ce pas? Nous ferons plus que cela cependant; nous veillerons à examiner le fond du projet de loi et à en faire rapport au moment opportun.

Pour ceux qui s'intéressent au fond du projet de loi, qu'ils soient pour ou contre, si nous sommes d'accord, le projet de loi sera examiné, mais pas ce mois-ci. Il faudra essentiellement attendre un an encore.

M. Scott: Je crois que la motion reflète la volonté du comité - et c'est là ce que je voulais faire comprendre; il ne s'agit pas de mettre la mesure sur une voie de garage. D'après la lecture des observations faites par les membres du comité avant le dépôt de la motion, il semble que la mesure aurait sans doute été rejetée. Il ne faut toutefois pas conclure que nous voulons la mettre sur une voie de garage, bien au contraire.

Pour ma part, je considère que le problème est très grave et qu'il mérite d'être examiné sérieusement. Je ne voudrais pas qu'on puisse penser le contraire du fait que la démarche proposée ne m'a pas persuadé. Il se peut bien que je finisse par être persuadé par le bien-fondé de la démarche, mais je ne le suis pas encore. C'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre la motion que j'ai proposée et c'est ce que j'ai compris des propos qu'ont tenus les membres du comité.

Le président: J'ai été assez impressionné par tout le courrier que j'ai reçu sur cette question en ma qualité de président du comité. Les représentants de l'industrie m'ont écrit, et leurs vues n'avaient rien de surprenant. Les ministres de la Santé des provinces et territoires m'ont écrit, ainsi que divers groupes particuliers, et ils appuyaient tous sans réserve l'esprit du projet de loi de Paul et ce qu'il aurait permis de réaliser.

Pauline.

[Français]

Mme Picard: Je ne sais pas si j'ai bien compris, monsieur le président. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, dans une prochaine étude, on va remettre le projet de loi C-222 entièrement sur la table?

.1105

[Traduction]

Le président: Tout dépend de ce que nous déciderons ici. Nous avons trois ou quatre possibilités. Nous avons devant nous un rapport du sous-comité. Nous pouvons, naturellement, rejeter le rapport, ce qui reviendrait essentiellement à dire au sous-comité de se remettre au travail et de s'acquitter de la tâche que nous lui avions confiée à l'origine, c'est-à-dire d'examiner le projet de loi article par article.

Nous pouvons simplement recevoir le rapport, et c'est là une façon aimable de dire qu'il n'y aura pas de suite; nous remercierions simplement le sous-comité pour son rapport.

Nous pouvons adopter le rapport, nous pouvons l'approuver. Cela signifierait que nous ferions ce que nous recommande le sous-comité dans son rapport. Nous ne ferions pas rapport du projet de loi à la Chambre à ce moment-ci. Nous opterions plutôt pour l'inclure dans l'examen de la politique canadienne sur les drogues que nous avons décidé d'entreprendre. Nous ferions alors rapport du projet de loi quand nous aurions terminé cet examen et que nous en ferions rapport à la Chambre.

En fait, nous avons donc deux possibilités. Nous pouvons accepter le rapport, l'adopter, ou bien, nous pouvons, naturellement, refuser de l'adopter et, de ce fait, le retourner au comité. Ça va?

[Français]

Mme Picard: Je ne comprends pas, monsieur le président. Nous avons siégé à un sous-comité, nous avons entendu plusieurs témoins, et les membres du comité avaient tous le souci de vous remettre un rapport sérieux. Maintenant vous nous dites que nous avons deux ou trois choix. Pour notre part, nous vous avons fait rapport de cette motion et nous nous attendons à ce qu'elle soit adoptée; sinon, on se demande à quoi sert tout le travail que l'on vient de faire. Faut-il recommencer? Je ne suis pas du tout d'accord d'avoir à recommencer tout ce travail et, en ce qui me concerne, j'ai accepté la proposition de M. Scott. Je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi on voudrait passer outre les recommandations du sous-comité.

[Traduction]

Le président: Pauline, j'ai peut-être semé la confusion. Je voulais parler des possibilités que nous avions sur le plan de la procédure. Je ne veux pas du tout vous dire ce que vous avez à faire. Il se peut que vous ne vouliez pas recommencer tout le travail, Pauline, et je pourrais moi aussi décider que je ne vais pas tout recommencer, mais nous devons nous en remettre au comité. C'est le comité qui décidera de ce que nous devrons faire.

Nous avons deux ou trois possibilités - ou nous en avons plutôt deux, chacune étant assortie de la possibilité inverse. Nous pouvons accepter le rapport. Nous pouvons remercier le comité pour son rapport, ce qui signifierait qu'il n'aurait pas de suite. Nous pouvons simplement dire que nous acceptons le rapport, mais que le projet de loi est toujours à l'étude au comité et qu'il nous reste encore à décider de la façon dont nous en ferons rapport à la Chambre.

Ainsi, nous pouvons simplement accepter le rapport ou nous pouvons l'adopter. Si nous adoptons le rapport, le projet de loi serait alors incorporé à notre étude sur les drogues. Voilà les possibilités qui s'offrent à nous.

Inversement, nous pourrions refuser l'une ou l'autre possibilité. Nous pourrions refuser d'accepter le rapport, de sorte qu'il retournerait au comité, ou bien nous pourrions refuser de l'adopter.

Je suis désolé; je parle constamment d'«accepter», quand je devrais dire «recevoir». Nous avons deux possibilités. Nous pouvons recevoir le rapport ou nous pouvons l'adopter. Je ne voulais pas du tout dire «accepter».

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Notre sous-comité a proposé une motion visant à ce que le projet de loi soit examiné dans le cadre de la politique canadienne sur les drogues. Voilà ce que nous recommandons.

Le président: Si nous adoptons le rapport, c'est ce que nous ferons.

M. Murphy: Exactement. C'est ce que nous avions dit que nous ferions. N'est-ce pas? C'est ce que nous avions dit que nous ferions.

[Français]

Le président: Vous avez encore des problèmes avec ça?

Mme Picard: Je ne comprends pas pourquoi nous avons plusieurs choix. Je pensais qu'on arrivait ici avec une recommandation et que le choix était simplement de l'accepter ou pas. Qu'est-ce que cela veut dire, avoir deux ou trois choix? Il y a une proposition qui est faite et on l'accepte ou on ne l'accepte pas. Pour moi, c'est le seul choix que nous avons.

.1110

Le président: Le sous-comité est une création de ce comité. Le sous-comité a tout à fait le droit de proposer une direction à prendre, mais le comité principal a également le droit de décider s'il va suivre ou non la direction qui est recommandée.

Mme Picard: D'accord.

Le président: Oui.

[Traduction]

C'est au comité qu'il appartient de décider si nous allons faire ce que nous recommande le sous-comité.

Mme Gaffney: Je prends maintenant la parole en tant que membre du comité plénier. Si nous décidons d'accepter la motion telle que proposée par le sous-comité, rien n'empêche à mon avis le comité de modifier la motion. Nous pourrions proposer, par exemple, qu'il y ait un échéancier, qu'une décision devra être prise avant telle date, ou nous pouvons dire que le projet de loi doit être examiné dans le cadre, non pas des drogues et de l'alcool, mais des stratégies de prévention axées sur les enfants. Nous pourrions proposer toutes sortes de modifications, mais il me semble que nous devrions en tout cas envisager la possibilité d'inclure un échéancier dans la motion.

Le président: Si toutefois l'échéancier ne correspondait pas à celui qui serait établi pour l'étude sur les drogues, nous nous trouverions à vraiment embrouiller les choses. Si cela faisait partie de l'étude sur les drogues, j'ose espérer que nous nous en tiendrions à l'échéancier que nous nous fixerons pour l'étude sur les drogues.

Mme Gaffney: Avons-nous un échéancier pour l'étude sur les drogues?

Le président: Nous en aurons un. C'est un des points à l'ordre du jour de la séance de ce matin.

Mme Gaffney: Très bien.

Le président: Joe.

M. Volpe: Aidez-moi, monsieur le président. J'ai ici un rapport de comité qui comporte deux éléments. D'une part, le comité «demande» que le projet de loi soit retiré et, d'autre part, il «recommande» que la question soit étudiée. Est-ce là la motion dont nous sommes saisis, ou dois-je comprendre que nous sommes saisis d'une autre motion, où il y aurait des mots comme «recevoir» ou «adopter»?

Le président: Sur le plan de la procédure, la présidence est en fait dans l'erreur. Nous ne discutons de rien puisque le comité n'est saisi d'aucune motion. En ma qualité de président, j'essayais de guider un peu les membres du comité quant à la motion qui serait proposée. Quelqu'un doit proposer avant longtemps que nous recevions le rapport ou que nous l'adoptions.

Nous ne sommes saisis d'aucune motion pour l'instant.

Mme Gaffney: Je suppose que je proposais l'adoption du rapport quand je l'ai présenté. En tant que présidente, n'est-ce pas à moi qu'il reviendrait d'en proposer l'adoption?

Le président: Pourquoi ne pas le faire maintenant?

Mme Gaffney: Je propose la motion du premier rapport du sous-comité.

Le président: Vous proposez l'adoption du rapport.

Bon, alors, tout le monde comprend que si nous adoptons le rapport, cela signifie que nous ferons ce qu'il nous est recommandé de faire dans le rapport. Nous inclurons la question dans notre étude sur les drogues.

Mme Hayes: Et si nous ne l'adoptons pas?

Le président: Si nous ne l'adoptons pas, il y aurait une autre motion.

La greffière: Si vous n'adoptez pas le rapport, il s'ensuit que le projet de loi reste à l'étude au sous-comité et que le comité permanent lui demande essentiellement de poursuivre ses travaux sur la question.

Le président: Cela signifierait qu'il vous faudrait peut-être entendre d'autres témoins et examiner le projet de loi article par article.

La greffière: Si vous n'adoptez pas le rapport, vous vous trouvez à rejeter et le rapport et la demande du sous-comité.

M. Volpe: À moins que quelqu'un propose une autre motion visant à ce que nous recevions le rapport.

La greffière: Oui.

Le président: Nous sommes donc saisis d'une motion visant à ce que nous adoptions le premier rapport du sous-comité.

Paul.

M. Szabo: Ce que je dirai facilitera sans doute la tâche à tout le monde. Quand je suis devenu député et que j'ai eu l'honneur d'être nommé pour siéger au Comité de la santé, j'ai parcouru les documents relatifs aux travaux du comité des cinq ou dix dernières années pour me faire une idée de ce qui avait été fait.

Je puis vous dire que ce qui m'a le plus frappé, et le coeur et l'esprit, c'était le rapport de juin 1992, dans lequel le Comité permanent de la santé, du bien-être social, du troisième âge et de la condition féminine recommandait que des avertissements santé soient imprimés sur les contenants de bière, de vin et de spiritueux afin d'alerter tous les consommateurs au fait que la consommation d'alcool pendant la grossesse peut être à l'origine du syndrome ou des effets de l'alcoolisme foetal chez le foetus.

.1115

J'ai ensuite examiné la réponse qu'a faite le gouvernement à ce rapport, comme c'est la règle quand un sous-comité publie un rapport. En réponse à cette recommandation, le gouvernement a dit ceci:

Je ne réclame pas la paternité de mon projet de loi d'initiative privée, le projet de loi C-222. Il a été proposé pour la première fois à la Chambre des communes par l'honorable Marc Lalonde, ministre de la Santé, en 1976.

J'ai profité de mes privilèges comme député pour présenter un projet de loi d'initiative privée sur une question qui me tient beaucoup à coeur. J'ai fait de mon mieux, et je n'ai pas échoué.

J'ai rencontré le ministre à deux reprises. Je me suis entretenu avec mes collègues. J'ai écouté ce qu'ils avaient à dire. Mon projet de loi ne survivra pas à ce moment-ci à un examen article par article.

Le ministre m'a aidé à organiser ma réflexion pour voir ce qu'il me conviendrait de faire maintenant. J'accepte ses conseils, car j'ai du respect pour le ministre. Je ne veux pas que la question soit reléguée aux oubliettes. Même si j'aurais préféré pour ma part que le projet de loi soit adopté et qu'il soit renvoyé dès maintenant au comité, je comprends que je ne peux pas toujours obtenir tout ce que je veux et que je dois accepter la sagesse du jugement de mes collègues.

Je crois donc savoir que notre sous-comité continue à exister. Je crois aussi savoir que si cette motion est adoptée, le projet de loi continue à exister. Je crois enfin savoir que l'intention et le principe du projet de loi feront l'objet d'une étude, d'une consultation ou d'un examen plus approfondi dans le cadre de l'examen de la stratégie canadienne sur les drogues et que, conformément aux règlements de la Chambre, le projet de loi devra être soumis à l'étude article par article et que, s'il est accepté, il en sera fait rapport à la Chambre.

J'ai aussi pris note de ce que vous avez dit, monsieur le président, à savoir que c'est la meilleure approche à adopter si nous voulons que l'intention et le principe du projet de loi survivent. Je suis, par conséquent, prêt à appuyer la motion.

.1120

Le président: Très bien. Merci beaucoup, Paul. La motion est la suivante: que nous adoptions le rapport du sous-comité. Sommes-nous prêts pour la mise aux voix?

La motion est adoptée

[Français]

Mme Picard: Je voudrais avoir des explications. Cette motion est proposée pour étudier les moyens les plus efficaces à mettre en oeuvre pour sensibiliser la population sur le SAF, dans le cadre de la politique canadienne sur les drogues. C'est bien de cette partie-là que nous allons nous occuper? Je suppose que nous n'allons pas étudier le projet de loi C-222 dans son entier et ensuite l'étudier encore article par article. Pour ma part, je voudrais voter pour qu'on puisse étudier, dans le cadre des politiques canadiennes sur les drogues, le syndrome de l'alcoolisme foetal, et qu'ensuite on puisse faire des propositions qui sensibiliseront un peu plus la population à ce problème. Je ne veux pas voter pour qu'on remette le projet de loi C-222 sur la table. Je préfère voter tout de suite contre.

Le président: Vous avez raison, mais pas complètement.

[Traduction]

Vous avez raison, mais vous n'avez pas dit tout ce qu'il y avait à dire sur le sujet.

Il y a deux obligations en cause ici. Tout d'abord, en adoptant le rapport, nous nous sommes engagés à faire ce que le sous-comité nous recommandait de faire, à savoir d'examiner la question dans le cadre de notre examen sur les drogues. Voilà un engagement que nous avons pris. Nous avons aussi un autre engagement, auquel nous n'avons pas encore satisfait. La Chambre nous a renvoyé le projet de loi C-222, et nous devons à un moment donné en faire rapport. Avant de faire cela, nous devons toutefois l'examiner article par article.

Ainsi, nous avons en fait deux engagements, le premier qui découle du rapport du sous-comité et l'autre qui tient au fait que le projet de loi nous a été renvoyé par la Chambre. Nous devons à un moment donné faire rapport du projet de loi. Pour faire cela, nous devons l'examiner article par article.

Avons-nous besoin de refaire ce qui a déjà été fait? Non. Cela fait maintenant partie des comptes rendus du comité. Pour parer à cette éventualité, nous devons faire en sorte que tous les témoignages qu'a reçus le sous-comité fassent dorénavant partie des comptes rendus du comité, afin que nous n'ayons pas à refaire ce travail. Dans ce contexte, il faudrait que quelqu'un propose que les témoignages reçus par le sous-comité dans le cadre de ses délibérations sur le projet de loi C-222 soient réputés avoir été reçus par le comité plénier.

M. Murphy: Je le propose.

La motion est adoptée

Le président: Pendant que nous siégeons toujours en public, je veux revenir à quelque chose qui s'est passée au début de la réunion et qui paraissait quelque peu frivole; il s'agit des propos que j'ai échangés avec celle que j'ai appelée «mon adorable greffière».

Je suis très fier du fait que je suis très égalitaire quand il s'agit de questions comme celle-là, mais j'ai aussi ajouté quelque chose d'autre, et je tiens à illustrer en deux mots ce que j'ai voulu dire. J'ai aussi ajouté qu'étant Terre-Neuvien, j'ai une façon particulière de parler. Dimanche dernier, j'ai apporté des homards à un bon ami à moi, un homme d'environ 65 ans, qui m'a dit: «Simmons, vous êtes adorable». Je suis sûr qu'il n'avait pas de visées amoureuses sur moi quand il a dit cela.

C'est comme quand le Torontois utilise le terme «joli». Par ce terme, on souligne bien sûr la grande beauté de quelqu'un ou de quelque chose, n'est-ce pas? Mais quand quelqu'un dit d'un autre qu'il s'est «joliment trompé», le mot joli prend un tout autre sens, et il en est ainsi pour plusieurs des mots que nous utilisons. Ainsi, quand je dis, par exemple, «mon adorable greffière», je ne pense à rien d'autre qu'à sa compétence comme greffière.

Je tiens à bien préciser que jamais, au grand jamais, je ne profiterais de quelque occasion que ce soit pour m'écarter le moindrement de la correction politique sur des questions comme celle-là. Par contre, il ne faut pas non plus me demander de m'écarter le moindrement de mes origines terre-neuviennes sur des questions comme celle-là.

Beryl.

.1125

Mme Gaffney: Je crois simplement, monsieur le président, que la bienséance et le respect pour notre greffière et notre attachée de recherche exigent que nous nous efforcions en tant que députés d'user d'un langage acceptable. Je ne crois pas qu'il soit acceptable de... Cela dénote un manque de respect, à mon avis, pour notre greffière, qui est une professionnelle, tout comme notre attachée de recherche.

Moi aussi, j'aurais tendance, à cause de mes origines, à user de certaines tournures ou de certains mots, mais je les ai bannis de mon vocabulaire parce qu'ils ne sont pas acceptables.

Le président: Votre argument est tout à fait valable, mais avant de vous mettre à juger ce qui est acceptable, essayez de vous renseigner sur le milieu d'où vient l'autre personne. Dans mon milieu, des tournures comme celle-là sont tout à fait acceptables. Si elles ne le sont pas dans le vôtre et puisque je suis dans Nepean et près de Nepean, j'essaierai dorénavant de répondre aux normes qui s'appliquent chez vous.

Mme Gaffney: Je ne suis pas d'accord avec vous. Je suis désolée.

Le président: Mais je ne vous demande pas d'être d'accord avec moi, je veux simplement que vous compreniez que nous venons de milieux différents, voire de solitudes différentes. Il est aussi futile pour moi d'essayer de vous changer qu'il le serait pour vous d'essayer de me changer sur ce point-là et sur ce qui est acceptable.

Je viens de vous montrer au moyen d'un exemple qu'il était tout à fait acceptable que Frank me dise dimanche que j'étais adorable. Je n'ai pas pensé qu'il voulait me faire des avances. J'ai pensé qu'il me félicitait pour lui avoir apporté des homards.

Je tiens à préciser que j'ai beaucoup de respect pour ma greffière. J'utiliserais un terme terre-neuvien pour la décrire, mais je suis trop loin de Terre-Neuve, semble-t-il, pour l'utiliser. J'essayerai donc d'adopter un style descriptif plus conforme à celui du continent, bien que plus limité, pour dire certaines des choses qui me viennent à l'esprit.

M. Volpe: Parlez comme si vous étiez «loin».

Le président: Ah, ah! Oui.

Y a-t-il d'autres points à l'ordre du jour qui peuvent être examinés en public, ou peuvent-ils tous être examinés en public?

La greffière: Bien sûr.

Le président: Je ne crois pas qu'il soit vraiment nécessaire que nous siégions à huis clos pour discuter des autres points.

Permettez-moi de dire encore deux ou trois mots puisque je parle de ma greffière. Je parlerai d'elle sans utiliser d'adjectifs. Quand vous entendrez ce que j'ai à dire, vous voudrez sans doute présenter des adjectifs.

Je lui ai déjà dit: «Entendons-nous: Pas de réunions avant 9 heures» - et voilà que nous nous réunissons avant 9 heures - «Pas de longues réunions» - et voilà que nous avons une longue réunion - et «Si nous devons nous réunir avant 9 heures, prévoyons de quoi manger» - et nous n'avions rien à manger ce matin.

Je n'étais donc pas d'excellente humeur quand nous avons commencé la réunion aujourd'hui. C'est une réunion beaucoup trop longue. Je ne peux pas vous promettre que nous n'aurons plus de longues réunions, mais je vous promets que je ne présiderai plus de longues réunions comme celle-ci. Ça, je vous le promets. Trois heures, c'est beaucoup trop long.

Passons au premier point. Grâce à Beryl et à d'autres, nous avons maintenant un président. Je nommerai John O'Reilly, qui n'est ni membre permanent ni substitut de ce comité - il aura été nommé comme substitut avant la fin de la journée demain - , comme président du comité sur le VIH. J'ai demandé à John, étant donné les retards que nous avons connus ici, de bien vouloir faire avancer rapidement les choses et convoquer une réunion du comité dès la semaine où la Chambre reviendra.

Nous avons tous les autres membres de ce comité, et le comité a enfin un président, grâce à John.

Le nom de John ne figurait pas sur la motion qui a déjà été présentée, alors il faudrait que quelqu'un propose que John O'Reilly assume la présidence.

M. Scott: Je le propose.

Le président: Andy propose que John O'Reilly soit nommé président du sous-comité sur le VIH. Êtes-vous prêts pour une mise aux voix?

La motion est adoptée

Le président: Étant donné qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, je veux simplement vous présenter brièvement la question qu'il faut régler, et vous pourrez ensuite décider si vous voulez la régler maintenant ou attendre à la prochaine réunion, selon la longueur de la discussion.

Nous sommes engagés dans une étude exhaustive sur les stratégies de prévention axées sur les enfants. À notre première réunion, nous nous sommes entendus pour entreprendre une étude sur la politique canadienne sur les drogues. Il y aurait en fait deux façons de procéder. Nous pouvons mener les deux études de front. Nous pourrions dire que nous nous occupons de l'étude sur les enfants les mardis matin et de l'étude sur les drogues les jeudis, les menant ainsi de front.

L'autre possibilité serait de terminer l'étude sur les enfants et de commencer l'autre après. Si nous optons pour cette possibilité, nous voudrons peut-être décider du temps que nous voudrons consacrer à l'étude sur les enfants. Étant donné que nous nous sommes engagés à faire l'étude sur les drogues, je ne crois pas que nous puissions la retarder indéfiniment.

.1130

Vous voudrez peut-être y réfléchir un peu, ou vous avez déjà, comme moi, une idée bien claire de ce qu'il faudrait faire. Pour ma part, je trouve qu'il faudrait terminer d'abord l'étude sur les enfants, sans toutefois y porter préjudice, car cette étude mérite d'être bien faite. Nous avons encore besoin d'une tranche de temps assez importante pour terminer cette étude et il faut aussi tenir compte de la nécessité d'aborder l'étude sur les drogues avant trop longtemps.

J'ai demandé au personnel d'examiner les scénarios possibles. D'après Nancy Miller Chenier, pour bien faire l'étude sur les enfants, il nous faudrait à tout le moins jusqu'à la fin de septembre ou jusqu'à la première semaine d'octobre. Auquel cas, si vous acceptez qu'il s'agit là d'une prévision raisonnable, nous avons la possibilité soit de mener les deux études de front à partir de maintenant, soit de terminer la première étude d'ici à la fin septembre ou au début octobre et d'entreprendre ensuite l'étude sur les drogues au début octobre.

Voulez-vous avoir le temps d'y réfléchir ou voulez-vous prendre une décision maintenant?

Mme Gaffney: Je crois que nous pouvons les mener de front, monsieur le président. Je crois qu'elles sont toutes deux très importantes et qu'elles ne devraient pas être retardées davantage. Plus nous retardons, bien sûr, plus... Il faut entreprendre l'étude sur l'alcoolisme et la toxicomanie. Il me semble que nous avons pris un engagement - du moins c'est un engagement que j'ai pris au fond de moi-même - envers ceux qui sont venus témoigner devant nous; nous devons montrer que notre comité prend au sérieux bien des choses que nous avons entendues au sujet de l'alcool, notamment au sujet du SAF.

Je propose qu'elles soient menées de front.

Le président: D'accord. Nous avons donc une motion visant à ce que les deux études soient menées de front.

M. Volpe: Voulez-vous que nous en discutions ou que nous votions?

Le président: Je veux connaître les vues des membres du comité sur cette question, à moins que vous ne soyez prêts à prendre une décision.

M. Volpe: Nous avons discuté de cela et du programme des travaux du comité il y a deux semaines. On nous avait alors présenté des arguments très valables pour que nous suivions le programme proposé. Tous les facteurs avaient été pris en considération, notamment le travail d'organisation nécessaire pour tenir à la fois des réunions du comité et des réunions du sous-comité, et on nous avait indiqué que le programme serait soumis au comité.

Il me semble que nous nous étions entendus pour dire que, si le comité voulait bien s'acquitter de son mandat et accorder à chaque étude l'attention qu'elle mérite, il faudrait d'abord terminer l'étude sur les enfants et la santé et entreprendre ensuite l'autre étude; nous avions voté là-dessus, vous vous en souvenez sans doute, à la suite d'une communication que nous avions reçue du Sénat, dans laquelle on nous demandait d'enquêter sur ces questions.

Je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi nous voudrions revenir sur une décision que nous avons déjà prise la semaine dernière.

M. Scott: Monsieur le président, je me trouve dans une situation difficile, car je suis pressé par le temps et en outre, je ne veux rien perdre de l'élan créé par le sous-comité. Puis-je demander que la décision à ce sujet soit reportée à la prochaine réunion?

Le président: Nous reporterons la décision.

John.

M. Murphy: Je n'étais pas à la réunion dont Joe a parlé. Le comité a-t-il déjà pris une décision? Il dit que le comité a pris une décision. En a-t-il pris une?

La greffière: Il avait été décidé d'entreprendre l'étude sur la politique relative aux drogues et il avait aussi été décidé que le président et le personnel examineraient la question et recommanderaient au comité à sa réunion d'aujourd'hui de quelle façon les deux études pourraient être effectuées. Le personnel recommande, en fin de compte, que nous essayions de finir d'entendre autant de témoins que possible sur la santé des enfants avant la fin juin, afin que le personnel de recherche puisse rédiger un résumé des témoignages pendant l'été et que nous puissions ensuite revenir terminer l'étude en septembre, avant d'entreprendre l'étude sur la politique relative aux drogues. Il a été décidé la semaine dernière d'entreprendre l'étude sur la politique relative aux drogues, mais aucune décision n'a été prise quant à l'échéancier. Je crois toutefois que, deux semaines plus tôt, il avait été décidé de poursuivre l'étude sur la santé des enfants jusqu'en novembre. Cette décision avait toutefois été prise avant qu'il ne soit question d'entreprendre l'étude sur les drogues.

Je ne sais pas si j'ai embrouillé les choses davantage.

M. Volpe: Vous avez raison là-dessus. Sauf que vous nous avez ici présenté un plan de travail, et les arguments, si vous vous reportez aux procès verbaux, en faveur de ce plan de travail étaient très complets et excluaient la décision ou la motion dont nous sommes maintenant saisis.

.1135

Le président: C'est précisément pour cette raison que je vous ai dit que nous avions deux possibilités: les mener de front ou les faire l'une après l'autre. Faisons comme le demande Andy et reportons la décision à la prochaine réunion.

La motion est reportée

Le président: Nous devrons également prendre des décisions au sujet des témoins.

Nous pourrons faire cela, Nancy.

Par ailleurs, avant de mettre fin à la séance, je veux simplement vous prévenir que nous avons à notre programme l'examen du Budget des dépenses principal. Nous devons en faire rapport au plus tard le 21 juin. Si les membres du comité ont des motions à proposer à ce sujet, il faudrait qu'ils soient prêts à les présenter à la prochaine réunion.

La séance est levée.

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