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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 avril 1997

.1718

[Français]

Le président (M. Roger Simmons (Burin - Saint-Georges, Lib.)): À l'ordre.

Bien que nous attendions toujours d'autres membres du comité, nous allons commencer. Bonjour à vous tous. Il me fait plaisir, à titre de président du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes et au nom de tous les membres du comité, de recevoir aujourd'hui les membres de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale de la République française.

Je vous présente les membres de notre comité: premièrement, de l'Opposition officielle, le Bloc québécois, mon ami Pierre de Savoye et ma chère amie Pauline Picard, tous deux de la province de Québec; du troisième parti à la Chambre des communes, le Parti réformiste, Grant Hill de l'Alberta; et finalement du parti gouvernemental, le Parti libéral du Canada, Andy Scott du Nouveau-Brunswick, John Murphy de la Nouvelle-Écosse, Herb Dhaliwal de la Colombie-Britannique et moi-même, Roger Simmons, de Terre-Neuve.

Pourriez-vous, monsieur Jacquat, nous présenter vos collègues?

M. Denis Jacquat (député, membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale de la République française): Merci, monsieur le président.

Je vais vous présenter mes collègues de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale française. Ce sont Bernard Leccia, qui est maire adjoint de Marseille et médecin; Michel Ghysel, qui est député de Roubaix, dans le nord de la France, et qui est aussi médecin; Francisque Perrut, qui est professeur retraité et député de Villefranche-sur-Saône, au nord de Lyon; Claude Bartolone, qui est député-maire du Pré-Saint-Gervais, une commune de la périphérie parisienne située au nord-est de Paris; et moi-même, Denis Jacquat, député de Metz et médecin ORL.

.1720

Nous sommes accompagnés par deux personnes, Mme Patriarche, qui est administrateur à l'Assemblée nationale et responsable des problèmes de santé, et M. Laurent Polonceaux, qui est le deuxième secrétaire à l'Ambassade de France ici, à Ottawa. Nous sommes très heureux que vous ayez bien voulu nous accueillir.

Le président: On nous a dit que votre commission désirait discuter de questions ayant trait à l'alcool et à la santé, en particulier des aspects liés à la prévention et au traitement. Les membres du Comité permanent de la santé et le personnel de recherche s'efforceront de répondre à toutes vos questions. Nous avons aussi parmi nous un représentant du ministère fédéral de la Santé, Jim Anderson, qui pourra vous donner des détails supplémentaires.

Vous savez sans doute qu'un autre comité a entrepris à l'automne 1996 une étude de la politique fédérale sur les drogues. Les drogues dont il est question dans cette étude englobent le tabac, l'alcool, les médicaments et les drogues illicites comme le cannabis et l'héroïne. Le comité a tenu des tables rondes sur le tabac, les drogues illicites et les médicaments d'ordonnance. On tiendra une table ronde sur les problèmes reliés à l'alcool dans quelques semaines. Si vous le désirez, le comité vous fera parvenir le procès-verbal de cette table ronde dès qu'il sera terminé.

Les attachés de recherche du comité, Odette Madore et Nancy Miller Chenier, ont compilé de l'information sur l'alcool au Canada, dont elles vous ont déjà remis copie. Le greffier du comité, Pierre Rodrigue, vous a également distribué certains documents. J'espère que ces renseignements vous seront utiles.

Peut-être, monsieur Jacquat, avez-vous quelque chose à ajouter. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

M. Jacquat: Merci, monsieur le président, et merci aussi pour les dossiers. Nous avons déjà pu les feuilleter rapidement et ils sont, je dirais, parfaits. Je vous remercie à l'avance pour l'envoi des conclusions de la table ronde.

J'énoncerai d'abord le but de cette mission au Canada. Dans notre pays, nous sommes actuellement soumis à un grave problème, celui de l'alcoolisme chez les jeunes le samedi soir, ce que nous appelons en français «la défense du samedi soir». C'est un nouveau phénomène que nous ne connaissons pas bien et qui est un petit peu éclipsé par d'autres toxicomanies telles que le problème des drogues douces, des drogues dures et autres. À l'analyse, on s'aperçoit en fait qu'il y a un mélange d'alcool et de drogues.

Même si nous avons des idées et avons auditionné beaucoup de personnes dans notre pays, il nous a semblé bon d'aller voir ce qui se passait à l'étranger. Notre mission s'est aussi rendue en Suède et en Italie, et est actuellement chez vous, au Canada, avant de se rendre aux États-Unis.

En fait, notre but est de savoir ce que vous faites dans votre pays pour prévenir l'alcoolisme chez les jeunes, qui semble en recrudescence, d'autant plus que nous savons que très souvent cet alcoolisme et l'utilisation de drogues douces sont en rapport avec les difficultés socioéconomiques rencontrées par les familles. Nous voudrions savoir comment vous vous attaquez au problème.

Bien entendu, nous sommes maintenant dans un milieu interactif. C'est un mot à la mode. Donc, un jeu de questions et réponses sera, je crois, monsieur le président, la meilleure solution pour aborder notre travail.

Le président: Pas du tout. Aujourd'hui, vous posez les questions.

[Traduction]

Pierre, aimeriez-vous prendre la parole en premier?

.1725

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Messieurs, j'ai eu le plaisir de vous saluer plus tôt et je le fais à nouveau maintenant. Bienvenue à ce comité où, fondamentalement, on ne peut pas vous apporter des réponses toutes faites aux questions importantes que vous soulevez. Vos connaissances, ce que vous-même percevez, sauront sans doute enrichir heureusement nos propres réflexions.

Si je pouvais résumer en un mot la perception que j'ai de l'instrument qui répond le mieux à ce besoin d'éviter ou tout au moins de contrôler les problèmes relatifs à l'alcool, je dirais que c'est l'éducation. Les témoins que nous avons entendus ont à maintes reprises répété que les approches punitives, prohibitives et restrictives ne pouvaient faire que tant. Par contre, les approches éducatives, particulièrement auprès des jeunes, ont davantage de succès, mais encore faut-il dire que l'expérience passée en matière d'éducation n'a pas été très soutenue. C'est une problématique qui n'est pas nécessairement nouvelle, mais sur laquelle on jette un oeil neuf. Par conséquent, selon les endroits du pays, l'expérience passée est très différente.

À un extrême, on pourrait retrouver chez nos populations autochtones des situations de détresse qui ont amené ces gens à une surconsommation d'alcool. Les témoignages de leurs représentants qui sont venus nous rencontrer nous ont indiqué que les meilleures façons de contrer ce problème étaient d'aider le tissu familial et d'aider les personnes à reprendre en main leur fierté et leur destinée, ce qui revient encore à une forme d'éducation ou d'intervention éducative.

Je pourrais vous en parler pendant deux heures, mais ce n'est pas ce que mon président souhaite. Alors, monsieur le président, je vous remets la parole.

Le président: Madame la vice-présidente, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Oui, j'aimerais apporter un exemple plus concret en vue de vous démontrer un fait. Pierre a parlé de sensibilisation ou d'éducation. À la suite de la publicité qu'elle a faite, la Société d'assurance automobile du Québec a observé que cette publicité avait eu un impact significatif sur les jeunes, chez qui on a constaté une baisse marquée de la consommation d'alcool au volant.

La candidate que vous avez rencontrée à Montréal vous a sûrement parlé de la campagne publicitaire menée pendant un an qui a vraiment sensibilisé et touché les jeunes, et par le fait même les adultes. Dans cette campagne de sensibilisation et d'éducation, on montrait des images chocs des conséquences des accidents provoqués par les gens qui consommaient de l'alcool, les mortalités ainsi causées, ainsi que les victimes qui se retrouvaient handicapées. Comme Pierre, je pense qu'une façon de faire efficace est d'éveiller la population au phénomène et aux conséquences de l'alcool.

Le président: Monsieur Grant Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Vous dites qu'il y a un grave problème en France. Nos statistiques indiquent qu'approximativement 72 p. 100 des Canadiens boivent de l'alcool. Disposez-vous de telles statistiques? Il nous serait très utile d'établir une comparaison entre nos deux pays.

.1730

M. Jacquat: Les chiffres sont quasiment les mêmes dans nos deux pays. Il y a, d'une part, une baisse de la consommation d'alcool en général et, d'autre part, même si les pourcentages sont difficiles à déterminer, on constate une alcoolisation de plus en plus précoce chez les jeunes, avec une consommation de boisson de plus en plus forte. Quand le milieu est extrêmement défavorisé, on peut penser que dans un deuxième temps, il y a utilisation de drogues douces, puis de drogues dures et, dans un dernier temps, une chute vers la délinquance.

Comme vous et Mme Picard l'avez dit il y a quelques instants, nous nous sommes rendus dans la province du Québec et nous avons pu rencontrer des gens d'Éduc'alcool et en particulierMme Nadeau. Nous pensons aussi, et notre présence dans votre pays réaffirme notre conviction interne, qu'il faut s'attaquer, comme l'a dit Pierre de Savoye, à l'éducation auprès des jeunes. C'est évident. Comme le mentionnait Mme Picard au sujet du problème des buveurs excessifs, un de ces moyens, c'est la publicité qui a été faite par les assurances canadiennes. Il y a un noyau très dur, au Canada comme en France, qu'on n'arrive pas bien à attaquer. Faut-il le faire par une publicité comme celle qu'on a vue à la télévision canadienne, qui était violente au point où ceux qui n'étaient pas des buveurs excessifs éteignaient leur télévision ou zappaient, si vous préférez, lorsqu'elle était diffusée?

On peut dire, en réponse à la question de M. Hill, qu'on a des problèmes similaires qu'on essaie de résoudre. On ne voudrait pas passer à côté de bonnes idées que quelqu'un aurait eues quelque temps auparavant. Mais l'alcool a été un peu supplanté par le problème des drogues douces et dures. Or, cela reste un phénomène constant qui fait plus de morts dans nos pays que les problèmes de drogues en général. Ceci est extrêmement important.

[Traduction]

Le président: John.

M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Encore une fois, bienvenue.

Vous allez devoir m'excuser. Je ne parle pas français, mais vous aurez accès à la traduction.

Comme vous l'avez indiqué, l'alcoolisme chez les jeunes constitue un problème grave dans votre pays. Ce phénomène connaît également une recrudescence au Canada.

J'aimerais vous expliquer ce qui se fait en Nouvelle-Écosse, où j'ai participé à la mise sur pied d'un programme de traitement. Nous avons choisi de concentrer nos efforts sur les jeunes plutôt que sur les adultes. Nous avons un programme de prévention et de traitement de l'alcoolisme, de même qu'un programme d'éducation. Nous effectuons beaucoup de travail dans les écoles primaires et secondaires, et nous mobilisons pour cela les efforts des principaux intervenants, soit les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les enseignants, la police et les travailleurs correctionnels.

Nous avons une équipe de plus de 300 bénévoles qui dessert une région regroupant environ 45 000 habitants. Ces bénévoles s'occupent des enfants et des adultes qui ont des problèmes d'alcool. Ils deviennent en quelque sorte leurs mentors. Ce sont des gens qui, en général, ont font partie du mouvement AA. Le groupe compte également des orienteurs qui élaborent des programmes d'information pour les écoles, en plus d'avoir recours à l'éducation par les pairs. Nous avons aussi le groupe MADD - Mothers Against Drunk Drivers - , que vous connaissez sûrement.

Nous mettons également à profit les recettes que nous tirons de la vente d'alcool. Les recettes sont réinvesties en partie dans des programmes d'éducation et de traitement. J'ai toujours trouvé bizarre qu'on vende de l'alcool et qu'on utilise ensuite une partie des produits de la vente pour lutter contre ce carnage. De toute façon, c'est ce que nous avons tendance à faire.

.1735

Nous avons constaté que ces programmes, surtout ceux qui mettent l'accent sur l'éducation et la prévention, de même que les efforts déployés par les divers organismes, ont contribué à sensibiliser les jeunes aux méfaits de l'alcool. Je pense que le programme d'éducation par les pairs est très efficace. Il existe dans la plupart des écoles, et elles le trouvent très utile. Ce programme fait appel à des jeunes qui jouent un rôle de premier plan dans le milieu scolaire, qui ont peut-être éprouvé des problèmes d'alcool.

Ces jeunes ont également recours à des images-chocs. Souvent, ils vont installer sur le terrain d'une école secondaire la carcasse d'une voiture qui a été impliquée dans un accident causé par des personnes conduisant avec les facultés affaiblies. Les faits entourant cet accident sont également décrits aux étudiants.

Ce programme existe dans la région depuis une dizaine d'années. D'après certaines études qui ont été réalisées, la consommation d'alcool chez les jeunes a diminué. Je ne connais pas le pourcentage, mais je pense qu'il est assez faible.

Voici, grosso modo, ce qui se fait dans ma région.

[Français]

Le président: Nous entendrons maintenant un député du Québec, Michel Dupuy, qui est membre du parti au pouvoir, le Parti libéral.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, je ne sais pas trop comment procéder. Je n'ai jamais présidé deux comités en même temps. Cela n'a pas d'importance qui pose les questions et qui donne les réponses, mais peut-être que nous pouvons ensemble...

[Français]

Est-ce que les membres de la commission ont d'autres questions?

M. Jacquat: Oui, les Français ont toujours des questions, mais certains de vos autres collègues ont peut-être encore des questions à poser ou aimeraient évoquer, comme vient de le faireM. Murphy à l'instant, des expériences personnelles comme celle qui s'est passée en Nouvelle-Écosse, avec le problème des carcasses de voitures. Je pense que c'est une image forte pour les jeunes. Il faut leur faire comprendre.

[Traduction]

Le président: Andy Scott.

M. Andy Scott (Fredericton - York - Sunbury, Lib.): Merci.

[Français]

Bienvenue au Canada et à notre comité.

[Traduction]

J'aimerais savoir si vous avez effectué des recherches pour voir s'il existe un lien entre ce phénomène et les conditions socio-économiques des jeunes que vous ciblez.

Si je vous pose cette question, c'est parce que nous constatons très souvent, surtout lorsque nous menons des campagnes de publicité, d'éducation et de marketing social, que nous avons tendance à cibler le groupe d'âge le plus accessible, qu'il soit ou non la source du problème.

Dans ma propre province du Nouveau-Brunswick, plus de 25 p. 100 des habitants ne possèdent pas le niveau de lecture requis d'un étudiant de 9e année. À l'heure actuelle - et ce n'est qu'une supposition - , le nombre de personnes souffrant d'un problème d'alcool est sans doute plus élevé chez ce groupe que chez les autres membres de la communauté. Or, les campagnes de marketing, d'éducation, se font surtout par le biais de l'écrit. Par conséquent, cette façon de procéder ne constitue pas un bon moyen de transmettre le message à la population.

.1740

J'aimerais savoir si vous avez été en mesure de cibler un groupe socio-économique précis. Dans l'affirmative, quelles mesures avez-vous prises pour venir à bout du problème?

[Français]

M. Jacquat: Pour répondre à votre question, monsieur Scott, l'une des raisons pour lesquelles nous allons à l'étranger, c'est que nous avons constaté une augmentation de la prise d'alcool chez les jeunes, en particulier le samedi soir; c'est un jour qui a été déterminé. Les personnes concernées sont souvent des jeunes âgés de 16 à 25 ans, issus très souvent de familles monoparentales, qui ont une maman, mais pas de papa. Leur mère se retrouve parfois et même très souvent dans des difficultés financières extrêmement importantes et n'a plus de prise morale sur son ou ses enfants. Ces enfants ont aussi très souvent été de mauvais élèves à l'école, faisant des fugues, ayant un absentéisme extrêmement important et n'ayant pas souvent de travail ou n'ayant jamais eu de travail, ou ayant du travail mais de façon non stable, n'étant eux-mêmes pas stables dans leurs activités.

Chez eux, on constate que c'est une recherche de sensations fortes. L'alcool, qui très souvent est de la bière au départ, est pris avec des alcools plus forts, puis avec des drogues douces genre haschisch ou cannabis qui sont prises en même temps et extrêmement rapidement.

Ce que nous avons constaté aussi dans notre pays, et le phénomène est moins connu, c'est qu'actuellement, les femmes qui se retrouvent seules, parfois à la tête d'une famille monoparentales, c'est-à-dire où il n'y a plus de mari ou bien où il n'y en a jamais eu, se prêtent à un début d'alcoolisme. Les femmes boivent seules, de façon extrêmement isolée.

Voilà les deux réponses que je puis faire à la question que vous avez posée. Les personnes sont extrêmement bien cernées. Nous pensons aussi, et ça rejoint le traitement d'amont dont je vous parlais tout à l'heure, qu'on touche au problème éducatif. Comme les parents, et en particulier les mamans, ne peuvent pas s'occuper de leurs enfants, il est de notre devoir en tant qu'État, en tant que collectivité, de prendre le relais et d'avoir une prise sur ces enfants aux âges auxquels on peut encore intervenir, psychologiquement surtout, et c'est souvent entre l'âge de 5 ans et celui de 12 ans. Nous sommes donc en faveur d'une prévention extrêmement précoce.

Nous avons pu voir ce matin l'expérience d'Éduc'alcool au Québec, une expérience, il faut le reconnaître, que notre délégation juge remarquable.

Monsieur Bartolone.

M. Claude Bartolone (membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale de la République française): Chers collègues, à mon tour je voudrais vous remercier pour l'accueil que vous nous réservez.

Je crois qu'au travers de l'exemple qui est le vôtre, nous voyons bien les actions qui relèvent des provinces et les actions qui doivent être des actions fédérales. C'est peut-être sur ce point que je voudrais à mon tour vous poser une question. Comme l'a dit mon collègue Denis Jacquat, sur un certain nombre de causes et sur un certain nombre de chiffres, nous rencontrons à peu près les mêmes problèmes: la proportion des hommes qui boivent, la proportion qui touche les jeunes et la proportion qui semble irréductible à tout programme de prévention, même à des actions lourdes. Mais il y a des actions qui, elles, ne relèvent pas du niveau local ou du niveau provincial, mais du niveau national pour nous ou fédéral pour vous.

Je voudrais en évoquer deux: la fiscalité et les problèmes liés à la publicité. Je voudrais savoir où vous en êtes dans votre réflexion sur la fiscalité. Est-ce que vous pensez qu'il y a un lien entre une fiscalité lourde et le fait de détourner un certain nombre de consommateurs éventuels de l'alcool?

Deuxièmement, il y a la publicité. Si mes informations sont exactes, jusqu'à une date assez récente, il était de la responsabilité du pouvoir fédéral de fixer les règles publicitaires, les règles de diffusion à la radio et à la télévision de messages sur le contenu et sur la forme.

.1745

On sait très bien que toutes les actions de prévention doivent relever de l'école, mais on sait aussi qu'aujourd'hui, les jeunes écoliers passent autant de temps devant la télévision que devant leurs enseignants. Donc, il y a le message qui doit être celui de l'école, mais celui qui relève de la publicité me paraît extrêmement important.

Or, à une date tout à fait récente, vous avez transféré ce pouvoir qui était fédéral et confié cette responsabilité à l'industrie de la radio et la télévision. Je voudrais savoir quelles sont les raisons qui vous ont amenés à prendre ce genre de décision. Quel est l'impact du transfert d'un pouvoir de décision fédéral en matière de règles de diffusion de la publicité à un organisme comme celui que je viens d'évoquer?

Le président: Je peux inviter M. Jim Anderson à répondre à vos questions. Jim est expert-conseil en programmes au ministère de la Santé. Il se penche sur des questions relatives à l'alcool, aux drogues et à la dépendance.

[Traduction]

M. Jim Anderson (conseiller du comité): Pour ce qui est de la publicité sur les boissons alcoolisées qui est diffusée à la radio et à la télévision, j'ai fait partie du comité d'examen du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Je me suis également occupé, pendant à peu près huit ans, de l'évaluation des messages publicitaires qui étaient diffusés sur les ondes.

Le CRTC a décidé de ne plus réglementer de façon directe la publicité sur les boissons alcoolisées au motif que les radiodiffuseurs eux-mêmes devraient, après de nombreuses années, connaître les règlements et pouvoir les appliquer. Les radiodiffuseurs, surtout ceux du secteur privé, ont refusé d'assumer cette responsabilité et ont décidé de la confier à la Fondation canadienne de la publicité, un organisme privé qui représente divers publicitaires.

Je tiens toutefois à préciser que le code de la publicité sur les boissons alcoolisées est toujours en vigueur et que le CRTC peut intervenir à la demande du public, si la publicité est jugée offensante en ce sens qu'elle tente d'influencer les jeunes à consommer de l'alcool. Voilà où en sont les choses.

[Français]

Le président: Michel Dupuy.

M. Michel Dupuy (Laval-Ouest, Lib.): Le CRTC est l'autorité qui émet les permis d'opération aux radiodiffuseurs. Il est toujours possible au CRTC de ne pas renouveler le permis lorsqu'il arrive à échéance. Donc, bien qu'il y ait un certain transfert de responsabilités, la responsabilité ultime demeure entre les mains du CRTC.

Le président: Pauline Picard.

Mme Pauline Picard: J'aimerais soulever un autre aspect de la question. Vous semblez dire que le phénomène de l'augmentation de l'abus de l'alcool se retrouve chez les jeunes. Est-ce que vous constatez des problèmes chez certains autres groupes de personnes? Par exemple, nos statistiques et nos données - et je pense que c'est vérifiable - semblent indiquer qu'on trouve notamment chez les autochtones un grave problème de consommation et d'abus d'alcool qui entraîne des problèmes sociaux très importants. Est-ce que vous retrouvez ce phénomène parmi vos ethnies en France ou chez certains groupes particuliers de personnes?

M. Bernard Leccia (député, membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale de la République française): On peut globalement dire que, comme chez vous, la consommation d'alcool diminue et que, de manière générale, les gens boivent moins et consomment des alcools de meilleure qualité. Le problème est particulièrement aigu chez les jeunes.

.1750

Je dirais que c'est surtout le cas chez une classe de jeunes en désespérance, avec un profond malaise, notamment dans certaines cités dites en difficulté, où ils galèrent, comme dit une expression française. C'est-à-dire qu'ils ont peu d'espoir devant eux, qu'ils sont à la recherche d'un travail, sans formation et souvent analphabètes ou illettrés. C'est là qu'on observe la plus grande vulnérabilité aux alcools forts, souvent associés à des tranquillisants ou à des drogues. Il y a également une deuxième catégorie de population où l'on voit apparaître un alcoolisme très dur: chez les populations en grande précarité, notamment les SDF, les clochards que l'on voit en plus grand nombre et qui ont vraiment des consommations d'alcool, en général du vin, très très importantes.

Comment remédier à ce genre de problème majeur qui est en fait un véritable problème de société, si je puis dire? Nous avons eu deux mesures: une mesure et une loi qui a été votée et est appliquée depuis le 1er janvier 1997, qui était le Pacte de relance pour la ville et qui voulait amener dans des cités en difficulté, en plus des mesures sociales et de réhabilitation urbaine qui existaient, un volet économique pour essayer de faire que beaucoup de ces jeunes puissent être formés et se trouver un emploi. On a créé jusqu'à 100 000 emplois en cinq ans, des emplois ville, qui sont des emplois non marchands, pour une durée de cinq ans, des emplois que l'on propose à ces jeunes issus de ces quartiers en difficulté. Ces emplois sont en général des emplois d'accompagnement. On peut créer ainsi des médiateurs dans les cités. Ces emplois comportent également une période de formation de 10 heures par semaine pour 30 heures de travail. C'est vrai que 100 000, c'est peu, compte tenu de ce qui existe. Nous pensons toutefois que nous pourrons ainsi en sortir quelques-uns de l'ornière parce que je crois que le principal travail, c'est d'abord de les resocialiser, de les rééduquer et de les habituer, puisqu'ils n'ont jamais été habitués à le faire, à prendre le chemin de l'emploi.

Vous avez soulevé tout à l'heure le problème de l'illettrisme qui est très important. Nous sommes également à préparer une loi contre l'exclusion, qui vise particulièrement à prendre des mesures pour lutter contre l'illettrisme, pour donner à ces jeunes souvent en désespérance un projet social, un parcours d'insertion, en favorisant les mesures d'accès au logement et également en tentant de créer 300 000 emplois par le biais de contrats d'insertion.

On pourrait discuter très longtemps de l'alcoolisme et des jeunes, du moins dans notre pays. Je suis tout de même l'élu d'une cité en difficulté dans la banlieue nord de Marseille. Je crois que c'est par ces mesures d'accompagnement social très fortes qu'on pourra mieux arriver à lutter contre ce fléau.

Mme Pauline Picard: Est-ce qu'il existe chez vous comme chez nous, dans chacune de nos provinces, des associations ou des groupes communautaires subventionnés par les différents gouvernements, provinciaux ou fédéral, qui ont mis sur pied, par le biais de programmes, des maisons de thérapie où les jeunes qui veulent s'en sortir se retrouvent avec des parrains, où on les amène à suivre une thérapie pendant un certain temps et où on fait le suivi par la suite pour ne pas qu'ils récidivent? Est-ce que vous avez ce genre de maisons?

M. Michel Ghysel (député, membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale de la République française): Je vais prendre la parole parce que je suis président du groupe d'étude de lutte contre la toxicomanie à l'Assemblée nationale.

.1755

Jusqu'ici, en France, le problème de la toxicomanie était surtout un problème de drogues illégales. C'est comme ça qu'avec Denis Jacquat et Claude Bartolone, on a déjà pu faire des missions en Hollande, en Italie et en Suède. Mais, petit à petit, il est apparu que l'alcool, tout en étant chez nous légal, induisait une dépendance qui causait autant de problèmes chez l'individu que dans la société, et M. Leccia vient d'en parler, si bien qu'il est tout à fait important maintenant d'envisager un ensemble global où le problème des toxicomanies se résume à un problème de dépendance. C'est un peu ce chapeau qui explique ma position à côté du président Jacquat.

Pour répondre à votre question, je considère maintenant que les toxicomanies peuvent être au niveau des drogues illégales, de l'alcool, des médications ou des benzodiazépines, qui génèrent elles aussi des dépendances. Nous avions en France un schéma de traitement qui est en train d'évoluer. Le gouvernement est à la veille de sortir un plan triennal de lutte contre la toxicomanie et l'année prochaine, en 1998, et c'est la raison pour laquelle la mission menée par Denis Jacquat nous paraît importante, il devrait donner des moyens adéquats ou supplémentaires par rapport à ce qui était jusqu'ici alloué à la lutte contre l'alcool. Jusqu'ici, en effet, la lutte contre l'alcool avait été décalée par rapport à la lutte contre d'autres toxicomanies.

Donc, je souhaiterais, et je pense que mes collègues sont d'accord avec moi, en faire un tout homogène. Il est important, certes, de sortir de toutes les dépendances, mais il est encore plus important de ne pas y entrer, d'où le problème de la prévention et notre intérêt à venir chez vous, qui avez à l'évidence des programmes de prévention.

Jusqu'ici, la loi française nous permettait d'obtenir vis-à-vis des trafiquants de drogues une certaine dissuasion, même si, comme toute loi répressive, elle a ses limites. Pour revenir sans plus tarder à votre question, nous avons, pour sortir les personnes des dépendances, la prise en charge et la cure de sevrage qui se fait surtout en milieu hospitalier. J'ai entendu dire que chez vous, il y avait une partie hospitalière, mais surtout une partie ambulatoire. Nous, nous faisons plutôt de l'hospitalier. C'est vrai pour l'alcool, comme c'est vrai pour la toxicomanie à l'héroïne.

Ensuite, il y a ce qu'on appelle des postcures, afin que les personnes qui ont été sevrées physiquement et dont la dépendance physique a été enlevée par des médicaments thérapeutiques puissent acquérir une force psychologique pour qu'elles puissent revenir dans leur quartier sans crainte de rechute. C'est à ce moment-là que nous avons la possibilité de leur offrir des communautés thérapeutiques.

Il n'y a pas que cela, mais puisque vous posez la question, nous souhaitons, et on a mené une étude en Italie, avoir des communautés thérapeutiques qui soient à la française, c'est-à-dire plus restreintes que les communautés italiennes qui sont très vastes et qui s'appuient sur la volonté de régénérer l'homme.

Le président: Monsieur de Savoye, et ensuite M. Dhaliwal.

M. Pierre de Savoye: Plus tôt, Mme Picard a évoqué les publicités à la télévision de la Société d'assurance automobile du Québec, une société d'État. Je voudrais faire une distinction entre cette publicité dont on parlait plus tôt qui, à toutes fins pratiques, restreint la possibilité de faire certaines publicités - c'est une intervention passive - et la publicité active qu'a faite la Société d'assurance automobile du Québec, et vous faire part du témoignage que j'ai vécu. Une décennie auparavant, la coutume voulait que lorsqu'une soirée tirait à sa fin, on se retourne vers un individu et on dise «T'es assez homme pour en prendre un autre». C'était une remarque sexiste, bien sûr. C'est du québécois en plus.

.1800

En l'espace d'une décennie, le comportement des gens a changé de façon dramatique. Aujourd'hui, quelqu'un répond: «Non, je conduis», cela à cause de la publicité active qui entraîne un changement dans les comportements à partir d'une perception des réalités.

Il y a un autre phénomène qui s'est propagé en Suisse - je ne sais pas si tel est le cas en France - et c'est Opération Nez rouge. Avez-vous déjà entendu parler de Nez rouge? Cette opération a débuté à Québec il y a une quinzaine d'années, et on rejoint maintenant des gens qui ne seraient pas autrement rejoints par la publicité traditionnelle. C'est monsieur et madame Tout-le-Monde qui, à la fin d'une soirée, à l'époque des Fêtes, demandent qu'on vienne les reconduire chez eux avec leur automobile.

On y rencontre toutes sortes de personnes, des personnes les plus instruites aux personnes les moins instruites, des personnes les plus aptes aux personnes les plus inaptes. Je le sais, car j'ai été bénévole. Une telle opération passe aussi un message, un message de responsabilisation face à la consommation d'alcool.

Je vais terminer en parlant d'un document qui a été remis à notre comité par un représentant d'un groupe autochtone et qui essentiellement propose quelque chose d'absolument novateur. C'était la première fois que je voyais cela. C'est une approche nutritionnelle au traitement de l'alcoolisme, basée sur la prémisse que certains individus n'ont pas de problème d'alcool et savent le métaboliser, tandis que d'autres en ont et ont donc physiologiquement des difficultés. Est-ce qu'on peut contrer ce problème par une alimentation appropriée? On prétend ici que oui. Avec votre permission, monsieur le président, je remettrai une copie du document à nos visiteurs. Merci.

M. Jacquat: Oui, c'est un problème. Monsieur le président, tel que vient de le dire Pierre de Savoye, c'est un problème important, mais il y a beaucoup de publications sur ce point. Je me méfie parfois énormément. Les producteurs, et en France il y a beaucoup de régions viticoles, sont représentés par certains parlementaires qui vont parfois jusqu'à utiliser ce type de documents en indiquant presque que l'alcool est bon pour la santé.

Donc il faut, je dirais, aborder avec prudence ce type de document. Il y a beaucoup de paramètres qui peuvent intervenir dans le métabolisme de l'alcool, dont le fait qu'on soit un homme ou une femme, qu'on soit fatigué ou pas, qu'on soit d'un tel âge ou d'un tel poids. Il faut quand même faire très attention et parfois se demander qui a commandé l'étude. A-t-elle été commandée par des fabricants d'alcool ou des ayatollahs de l'alcool? Tout existe à ce sujet-là. Nous, les membres de la délégation française, ne voulons pas surtout interdire la consommation d'alcool, mais qu'il y ait une consommation modérée. C'est extrêmement important. Nous pensons que la prohibition n'aboutit jamais à un résultat parfait.

M. Pierre de Savoye: Monsieur le président, une petite précision. L'étude ne propose pas la consommation d'alcool comme étant une cure, mais propose une alimentation saine comme moyen d'éviter les problèmes reliés à l'alcool.

M. Jacquat: C'est vrai que l'alcoolémie est totalement différente si l'alcool est consommé à jeun ou lors d'un repas.

M. Pierre de Savoye: Mais vous lirez l'étude.

M. Jacquat: Merci. Nous avons le député du Beaujolais ici.

M. Francisque Perrut (député, membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale de la République française): Si vous me le permettez, je voudrais dire deux mots de plus. Évidemment, je représente une région viticole dont la production vient jusque chez vous, puisque le Beaujolais est connu également dans votre pays. Il est bien évident, pour revenir sur ce que vient de dire mon collègue, que l'essentiel dans la prévention n'est pas d'interdire, mais de préparer dès le jeune âge un individu à une attitude raisonnable et raisonnée devant l'utilisation de l'alcool ou du vin, à lui faire faire cet apprentissage.

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On a aussi commencé des expériences chez nous. Nous avons aussi chez nous Éduc'alcool qu'on s'apprête à lancer, bien que de façon moins évoluée que ce que nous avons appris ce matin. Personnellement, j'ai été assez surpris de ces initiatives extraordinaires qui sont mises en place chez vous par cet organisme, Éduc'alcool. Mais ce sont des initiatives d'ordre privé, indépendantes.

Je voulais justement vous demander si chez vous, le domaine de l'éducation participe officiellement à ce travail de prévention par des programmes. Est-ce que l'on prépare des enseignants à ce domaine de l'instruction, de la formation, de l'hygiène sanitaire auprès des enfants dans les collèges et même dans les écoles primaires?

Il faut faire l'éducation le plus tôt possible, apprendre au jeune à déguster un peu de vin en lui montrant comment on peut apprécier ce vin, mais surtout en lui montrant que ce ne peut être bénéfique que si sa consommation est très modérée, que ça devient un danger dès qu'on abuse de ce liquide. Si on l'habitue très tôt, lorsqu'il sera devenu adolescent et adulte, il sera plus prudent face à sa consommation. Il vaut mieux agir ainsi plutôt que de lui dire directement que c'est à rejeter complètement et qu'il ne faut pas consommer de vin.

Actuellement, il y a une part qui revient certainement aux formateurs de jeunes. Je suis moi-même dans l'enseignement et je me rends compte que l'enseignant, pas forcément un enseignant spécialisé, peut avoir une influence sur les élèves. Ça vient de l'enseignant normal, du professeur principal aussi bien que du professeur qui enseigne la langue, le français ou n'importe quelle autre matière. Ça peut venir de l'enseignant qui a une part entière de responsabilité dans la formation des jeunes. Il faudrait que dans les programmes, on prévoie une formation dans cette matière. Nous essayons de la développer, mais cela ne se fait que sporadiquement, et souvent par la bonne volonté des enseignants qui veulent bien s'y impliquer. C'est ce que je voulais dire.

Le président: Il ne reste que cinq minutes parce qu'on nous attend à une réception où sera servi de l'alcool, peut-être?

[Traduction]

Herb, et ensuite Michel.

M. Herb Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): Je vous souhaite à tous la bienvenue. J'ai eu l'occasion de me rendre en France à plusieurs reprises. J'ai visité Marseille, la Côte d'Azur et d'autres régions de la France. J'ai beaucoup aimé mes voyages.

J'aimerais vous faire part de mon expérience dans ce domaine. Avant de me lancer en politique, j'ai travaillé comme bénévole avec un groupe qui venait en aide aux nouveaux immigrants. Nous avons constaté, entre autres, que les programmes de lutte contre l'alcool ne donnaient pas de résultats dans certains groupes ethniques. Le taux de réussite était très faible.

Nous avons rencontré les employeurs, les fonctionnaires provinciaux et les membres de la communauté, et nous avons mis sur pied un programme spécial qui ciblait un groupe ethnique en particulier. Nous avons constaté que ce type de programme donnait de bien meilleurs résultats, et que les employeurs en tiraient eux aussi partie, puisqu'ils doivent assumer des coûts économiques énormes lorsqu'ils ont des employés qui ont des problèmes d'alcool. Ce programme, à mon avis, a permis d'aider un grand nombre de personnes.

Avez-vous ciblé certains groupes auxquels les programmes nationaux ne conviennent pas, et préparé des programmes adaptés à leurs besoins, avec la participation de la communauté? Vous pouvez peut-être répondre à cette question. Nous avons obtenu de bons résultats dans le cas du programme auquel j'ai participé. Il s'est avéré beaucoup plus efficace que les programmes nationaux.

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[Français]

M. Jacquat: Concernant l'alcoolisme pur et les problèmes ethniques, il y a une étude sur les habitants de notre pays, mais nous n'avons pas ciblé des personnes d'origine étrangère. Par contre, le Dr Ghysel pourrait vous répondre au sujet du problème des drogues douces ou dures. Là, nous avons déterminé des cibles beaucoup plus précises avec de jeunes Maghrébins d'une part, et d'autre part de jeunes Antillais. C'est évident dans ces deux catégories de population.

M. Michel Dupuy: En écoutant votre description de l'état du problème, on a l'impression que le problème est plus un problème urbain qu'un problème rural, qu'il est attribuable à la situation désavantagée de certaines classes urbaines à la périphérie des villes. Est-ce que l'alcoolisme rural existe toujours? Il y a les buveurs de calvados et les buveurs de bon cognac. Est-ce que le problème s'est déplacé ou si vous devez faire face au problème sur deux fronts?

M. Jacquat: Je vous répondrai en disant que l'alcoolisme en général, comme on vous l'a indiqué tout à l'heure, est en nette diminution dans notre pays pour plusieurs raisons, notamment des raisons éducatives extrêmement importantes. Je dirais qu'au détriment de la quantité, il y a la qualité actuellement.

Quant au problème rural, on peut dire qu'il y a eu une diminution extrêmement importante qui peut être attribuable, on le pense, à ces facteurs que je viens de vous indiquer, mais aussi aux contrôles faits par la police pour prévenir l'alcool au volant. Actuellement, le taux est à 0,5 et, croyez-moi, le passage de 0,8 à 0,5 est quelque chose qui fait peur aux gens. Par précaution, même nous, en tant que parlementaires, si nous levons un verre de l'amitié, nous faisons quand même très attention parce que le contrôle peut porter sur nous en cas d'accident ou si nous sommes victimes d'un accident, même si nous ne l'avons pas provoqué. Il y a aussi des contrôles effectués par la police de façon inopinée. Vous êtes en train de rouler et on vous fait signe, que vous soyez député ou non. Le contrôle est pour tout le monde. Il y a quand même une peur du gendarme extrêmement importante.

Le Dr Ghysel veut peut-être ajouter quelque chose.

M. Ghysel: M. Jacquat parle du problème de l'alcool dans les campagnes. Il affectait surtout une catégorie, une strate de personnes déjà adultes.

Je voudrais revenir au problème de l'alcool tel que nous le concevons, à l'alcool en tant que produit toxique, en tant que générateur de dépendance. Nous avons là un problème. C'est un problème parce que l'alcool fait maintenant partie du panel de toutes les substances qui créent la dépendance et qui viennent attaquer notre jeunesse. On a effectivement des situations où on se bat contre le haschisch et contre l'héroïne. On se bat parfois contre des médicaments de substitution; je pense à la méthadone et à la buprénorphine. Il arrive souvent que, d'une part, la drogue en général soit partie des villes où il règne des conditions économiques particulièrement désagréables, mais soit diffusée comme du sucre mouillé dans les campagnes.

Le deuxième élément qui nous interpelle également, c'est que quand vous donnez des médicaments de substitution pour sortir les jeunes de leur produit toxique illégal, ils prennent souvent de l'alcool comme une médication de substitution.

Il y a un troisième point qui nous intéresse au niveau de l'alcool. Actuellement, et c'est probablement vrai dans d'autres pays, les pires violences que nous observons chez ceux qui prennent des produits toxiques viennent du mélange alcool-benzodiazépines.

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Cela crée de la violence après l'acte de toxicomanie, alors qu'on avait tendance jusqu'à présent à penser que la violence vient avant, pour se procurer l'argent pour se procurer des drogues. Donc, il y a une parfaite évolution, et c'est la raison de notre présence parmi vous.

[Traduction]

Le président: Je crois que John souhaite ajouter quelques mots.

M. John Murphy: Comme vous cherchez des modèles, surtout pour les jeunes, je pourrais vous proposer celui de la communauté thérapeutique, qui comporte un niveau de prévention secondaire. Ce groupe est composé de travailleurs sociaux, d'enseignants, de professionnels de la santé, de conseillers, de bénévoles, de travailleurs correctionnels, ainsi de suite.

Nous nous occupons, entre autres, des problèmes que posent les soirées organisées par les jeunes les samedis soirs. S'il y a une fête en quelque part et que la police est obligée d'intervenir parce qu'il y a trop de bruit, ainsi de suite, les jeunes sont convoqués le lundi suivant pour discuter de la question avec un intervenant. Ils peuvent être renvoyés de l'école, et une réunion est organisée avec les parents. Les jeunes reçoivent la visite d'un bénévole ou d'un conseiller, et ils doivent passer deux jours dans ce programme avant de pouvoir réintégrer l'école. On utilise la même démarche lorsque les jeunes consomment de l'alcool lors d'une soirée dansante alors que l'école l'interdit.

Avec le modèle communautaire, quand un jeune se retrouve devant un tribunal de la jeunesse, un travailleur du service correctionnel est là avec un bénévole pour le prendre en charge, intervenir auprès de lui. Les jeunes ne peuvent pas se défiler. Ils sont encadrés parce que tous les organismes collaborent ensemble. C'est un modèle très efficace. Je voulais tout simplement vous en parler.

[Français]

Le président: Ceci met un terme à cette réunion. J'espère que cet échange vous a été utile. Est-ce que vous avez d'autres commentaires en guise de conclusion?

M. Jacquat: Merci. Au nom de mes collègues, je voudrais vous donner, monsieur le président, un souvenir de l'Assemblée nationale française. Voilà, c'est un instrument de travail.

Le président: Dont je pourrai me servir avec l'Opposition officielle.

M. Jacquat: Vous réglez vos problèmes entre vous.

Le président: Nos invités et les membres du comités sont maintenant invités à une réception organisée par l'Association Canada-France qui aura lieu à la pièce 257-S. Le dîner aura lieu à19 h 30 ce soir au 5, Coltrin Place.

[Traduction]

Le dîner aura lieu au 5, Coltrin Place, et non pas au 20, rue Coltrin, comme l'indique le carton d'invitation. Coltrin Place débouche sur la rue Coltrin.

[Français]

La séance est levée.

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