[Enregistrement électronique]
Le mercredi 4 décembre 1996
[Traduction]
Le président: Commençons par l'ordre du jour: en conformité avec l'ordre de renvoi adopté par le Comité permanent de l'industrie le mercredi 2 octobre 1996, considération de la reconversion de l'industrie militaire à des fins civiles.
Je me dois d'informer les témoins qu'il pourrait y avoir aujourd'hui des votes à la Chambre et que nous devons nous attaquer à notre tâche sans tarder.
Nous commencerons par entendre notre premier témoin, Pierre Lagueux, du ministère de la Défense nationale. Il disposera de 10 ou 15 minutes pour faire un exposé aux membres du comité, puis nous passerons tout de suite aux questions.
Allez-y, monsieur Lagueux.
M. Pierre Lagueux (sous-ministre adjoint, Matériels, ministère de la Défense nationale): Merci, monsieur le président et membres du sous-comité.
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au sous-comité et de participer à vos délibérations sur la reconversion de la défense.
Les commentaires que je vais formuler cet après-midi toucheront les cinq domaines qui ont été soulignés dans l'ordre de renvoi à votre sous-comité.
Je vais vous donner d'abord un aperçu de l'organisation et de la structure de ce qu'on a communément appelé l'infrastructure industrielle de défense du Canada, mais avant, je dois fournir un contexte plus général.
Comme vous le savez, au cours de la guerre froide, l'Union soviétique a établi une gigantesque force militaire et l'infrastructure industrielle de défense la plus complète au monde. Des milliers de complexes industriels de défense ont littéralement vu le jour partout en Union soviétique. La politique industrielle de défense est devenue la principale politique nationale.
Parallèlement, les États-Unis ont maintenu une grande force militaire et, pour l'appuyer, une infrastructure industrielle de défense énorme, complexe et coûteuse.
Tant pour l'Union soviétique que pour les États-Unis, les forces armées et l'industrie de défense sont devenues les catalyseurs économiques du pays. Elles déterminaient les priorités budgétaires. Et, dans une large mesure, elles déterminaient la politique économique nationale. Elles commandaient la politique nationale de recherche et de développement. Elles ont créé plus d'emplois que n'importe quel autre secteur.
[Français]
Entre-temps, le Canada est devenu membre de l'OTAN et un promoteur principal du maintien de la paix dans le cadre des Nations unies. Nous avons conservé une force militaire très modeste et nous avons utilisé notre capacité industrielle pour appuyer les Forces armées. La capacité de l'industrie canadienne d'appuyer nos Forces armées a toutefois évolué d'une façon bien différente de celle des deux superpuissances.
[Traduction]
Les dépenses militaires du Canada étaient parmi les moins élevées de tous les pays industrialisés. Notre armée était très petite et nous n'avons pas développé ou maintenu une infrastructure industrielle de défense de grande envergure. Avec l'annulation du projet Avro Arrow dans les années 50, le Canada a quitté les ligues majeures de l'industrie de la défense, comme on peut encore le constater.
Aujourd'hui, le Canada n'effectue pas de travaux de recherche et développement pour la fabrication de puissants systèmes d'armes. Nous ne fabriquons pas de chars de combat principal, ni d'avions de chasse. Même pour nos nouvelles frégates, nous avons importé tous les systèmes d'armes.
[Français]
L'industrie canadienne a toutefois acquis une expertise de niveau international dans deux domaines liés à la défense, et ces derniers ont tendance à se chevaucher. Des entreprises canadiennes sont en tête, à l'échelle internationale, dans certains marchés à créneaux, au chapitre de la technologie, des composantes et des sous-systèmes. De plus, nous sommes des leaders mondiaux en ce qui a trait à certains produits et technologies à double usage, ce qu'on appelle communément dual-use technology. Par exemple, Xenon Environmental Inc. de Burlington est le chef de file en matière de systèmes d'épuration des eaux. Ils vendent des appareils aux forces militaires aux fins des opérations de maintien de la paix partout au monde. Même si elles représentent des ventes au chapitre de la défense, elles sont très éloignées de la notion populaire du métier de la défense.
[Traduction]
De nombreux produits de l'industrie canadienne se vendent aussi bien dans le secteur de défense que le secteur commercial. Par exemple, les unités d'affichage à glace plane sont en train de remplacer des centaines d'indicateurs et d'instruments qu'on voit dans le poste de pilotage des aéronefs. La technologie et le produit en tant que tels sont presque identiques, qu'ils soient installés à bord d'un Boeing 777 ou d'un avion de chasse. La même chose s'applique pour le train d'atterrissage des aéronefs, là encore, le Canada est en tête.
Je voudrais souligner que le secteur de l'industrie aérospatiale du Canada connaît un succès retentissant. Il surclasse tous les autres secteurs de l'économie canadienne en ce qui à trait à la croissance des exportations. Les ventes de 1996 dépasseront les 12 milliards de dollars et créeront plus de 50 000 emplois directs. Le Canada est en voie d'avoir la quatrième industrie aérospatiale au monde d'ici l'an 2 000. Elle sera alimentée par les ventes commerciales, la part du marché de la défense diminuant de 32 p. 100 en 1993 à 15 p. 100 estimé en 1999.
Toutefois, un nombre croissant de technologies, de composantes et de sous-systèmes demeureront tels quels, qu'ils soient destinés à des fins commerciales ou de défense.
Pendant la guerre froide, la technologie était le fruit des travaux de recherche et développement dans le domaine de la défense. La technologie de la défense venait en premier, et les sous-produits commerciaux, quoique importants, passaient en deuxième lieu. Aujourd'hui, les rôles ont changé. La technologie commerciale est devenue l'élément catalyseur des stratégies nationales de recherche et développement, et la technologie commerciale guide la technologie de défense dans bien des domaines, dont les communications, le matériel informatique, le développement de logiciels, le traitement de l'information et les procédés de fabrication.
[Français]
Très peu d'entreprises oeuvrent dans le seul domaine de la défense au Canada. Bombardier était le plus important entrepreneur dans ce domaine en 1995, mais les ventes liées à la défense comptaient pour moins de 4 p. 100 des recettes globales. Quarante-six pour cent des recettes du deuxième entrepreneur en importance dans ce domaine, CAE, à Montréal, provenaient des ventes d'équipement militaire, mais les produits tels quels - simulateurs de vols et systèmes d'entraînement - étaient identiques, sur le plan de la technologie et de l'utilisation, aux produits commerciaux. C'est le cas de Xenon, une compagnie canadienne que j'ai mentionnée plus tôt, chef de file et concurrentielle à l'échelle mondiale, qui vend des produits presque identiques sur les marchés commerciaux et de la défense. À l'encontre des superpuissances, le Canada a mis sur pied une infrastructure industrielle nationale très concurrentielle qui peut avoir comme fonction secondaire de combler certains besoins en matière de défense.
[Traduction]
Les coûts faramineux liés aux forces militaires de l'Union soviétique et à son énorme infrastructure industrielle de défense requise pour appuyer ces forces ont joué un rôle déterminant dans l'éclatement du système soviétique. Par suite de cet éclatement, des millions de travailleurs et des dizaines de milliers d'entreprises de défense ont perdu leur raison d'être, et le pays a frôlé la faillite. La diversification ou la reconversion industrielle n'était pas une option, mais une nécessité pour la survie du pays.
[Français]
Au même moment, les États-Unis ont commencé à réduire leurs forces militaires et à concentrer leurs efforts sur la concurrence internationale et la croissance économique nationale. Ils ont réduit les forces militaires et les budgets de défense. Des réductions dans l'acquisition du matériel de défense ont occasionné la perte définitive de plus d'un million d'emplois dans l'industrie de la défense aux États-Unis. Ces réductions sont provenues d'un secteur industriel de défense très spécialisé qui s'était développé entièrement à l'écart de son équivalent commercial.
[Traduction]
Les initiatives de reconversion de l'industrie de défense des États-Unis entraient dans deux catégories. Tout d'abord, les technologies de défense ont été mises à la disposition de l'industrie pour fins de commercialisation. Par exemple, la technologie liée aux essais non destructifs pour examiner les ogives nucléaires a été mise à la disposition de l'industrie du matériel médical dans l'espoir qu'elle puisse servir à la détection précoce du cancer.
Ensuite, on a encouragé les entreprises à élaborer une technologie à double usage, soit une technologie ayant des possibilités commerciales, mais pouvant aussi servir à la défense. Je tiens à souligner, en ce qui concerne ces deux secteurs, que le Canada fait la même chose depuis des dizaines d'années. La question toutefois est la suivante: puisque les États-Unis ont développé une industrie de défense très spécialisée, très éloignée de son équivalent commercial, la reconversion de la défense a suscité de l'inquiétude lorsque plus d'un million d'emplois allaient être supprimés.
La restructuration de l'industrie de la défense des États-Unis a été guidée par une poignée de grandes entreprises qui ont décidé de devenir les chefs de file de l'industrie. Elles ont, en retour, fait l'acquisition d'un grand nombre de petites entreprises. Ces grandes entreprises n'ont pas opté pour la diversification, loin de là, elles ont tout simplement diminué leurs effectifs. Le travailleur industriel typique évincé par suite de cette réduction a été sans emploi pendant six mois et a trouvé un emploi qui payait 20 p. 100 de moins que son emploi précédent.
C'est le dynamisme du marché du travail des États-Unis, et non les initiatives de reconversion, qui a créé les occasions d'emploi. Les initiatives officielles de reconversion de l'industrie de la défense des États-Unis n'ont créé que très peu d'emplois.
Mais revenons à la situation canadienne. Aujourd'hui, des personnes très compétentes travaillent dans l'industrie canadienne, tant au sein des forces canadiennes qu'à l'exportation vers les marchés de défense étrangers. Aussi longtemps que le Canada aura une force militaire, l'industrie canadienne aura l'occasion et le devoir de combler nos besoins opérationnels.
Les réductions importantes de notre budget de défense ne nous permettent tout simplement pas de maintenir le niveau d'expertise et de soutien en matière de défense que nous estimons nécessaire. Nous relevons ce défi de trois façons.
Tout d'abord, nous sommes à modifier notre politique d'approvisionnement militaire de façon à ce qu'elle soit axée davantage sur les produits commerciaux. Nous favorisons ainsi la compétitivité internationale de l'industrie sur le marché commercial. Nous avons déjà beaucoup d'exemples. Nos nouveaux hélicoptères polyvalents sont des hélicoptères commerciaux, modifiés légèrement sur le plan militaire, fabriqués par Bell-Textron à Montréal. De plus, nous utilisons le système logistique de renommée internationale de Bell pour les appuyer.
En fait, nous nous tournons vers l'industrie commerciale pour obtenir encore plus de soutien par le truchement de notre programme de diversification des modes de prestation de services. Par exemple, nous avons confié à l'industrie la gestion et l'entretien de nos installations du Camp Meaford en Ontario. Cela crée de l'emploi dans le secteur privé, diminue les coûts du MDN et libère des postes militaires, nous permettant ainsi de réduire nos effectifs et de contribuer à la réduction du déficit.
[Français]
Deuxièmement, nous aidons les entreprises canadiennes à commercialiser leurs produits à l'étranger. Il s'agit en réalité d'une entreprise très difficile. Les compressions apportées aux budgets de défense à l'échelle internationale ont intensifié la concurrence sur le marché de la défense. Chaque pays d'importance seconde ses entreprises dans la commercialisation de leurs produits militaires. La plupart des pays se sont dotés d'énormes organisations consacrées à la commercialisation des produits militaires. Quant au Canada, la vente de produits militaires à l'étranger est effectuée conformément à notre politique de contrôle de l'exportation des armements, qui est l'une des plus rigoureuses au monde.
Je dois souligner que le ministère de la Défense nationale aide les entreprises canadiennes à exporter leurs produits, non à titre d'activité indépendante liée à la défense, mais également dans le cadre de notre contribution à la stratégie gouvernementale de promotion du commerce international, au programme axé sur l'emploi et la croissance, ainsi qu'à d'autres initiatives de développement économique connexes. Cela ne signifie pas que nous agissons de façon tout à fait altruiste. En aidant nos entreprises à faire de bonnes affaires par l'entremise de l'exportation, nous réduisons leurs frais généraux, conservons des compétences au Canada et diminuons nos coûts. Cela est avantageux pour tous.
[Traduction]
Enfin, nous avons des entreprises qui oeuvrent dans les seuls domaines de la défense. Un exemple est Les Technologies industrielles SNC Inc., de Québec. Les forces canadiennes ont - et auront toujours - besoin de munitions, même à un niveau moindre. La politique gouvernementale canadienne veut que nous conservions une capacité de fabrication de munitions au pays. Les Technologies industries SNC Inc. constituent une grande partie de cette capacité. Puisque le besoin militaire est réel, si on convertissait les installations de cette compagnie en fonction d'un autre produit, même si cela était possible, nous perdrions notre investissement dans cette compagnie et dépenserions l'argent des contribuables canadiens pour financer des emplois et des capacités semblables ailleurs, tout probablement aux États-Unis. En outre, cette entreprise, ainsi que d'autres semblables, détenant une expertise en matière de munitions, permettent au Canada de jouer un rôle de premier plan dans la détection et l'élimination de mines.
D'autres entreprises canadiennes oeuvrant dans le domaine militaire sont souvent associées à de grandes entreprises étrangères qui ont fermement décidé de demeurer dans le domaine de la défense, comme General Dynamics et Lockheed-Martin des États-Unis. Ces filiales canadiennes font l'objet de compression des effectifs et de restructuration dans le cadre de la stratégie globale de la société mère. Par contre, les sociétés mères ont souvent comme politique de ne pas se diversifier dans les produits commerciaux, ce qui signifie que les filiales canadiennes ne peuvent être considérées pour fins de reconversion sans difficulté. Éliminer ces entreprises signifierait tout simplement la perte de ces emplois au Canada, puisque nous serons probablement obligés d'importer leur technologie ou leurs produits, à un coût plus élevé.
[Français]
À la lumière de l'expérience d'autres pays, il y a quelques points importants à souligner. Dans le contexte de la guerre froide, leur industrie de défense différait beaucoup de celle de l'industrie commerciale. L'industrie de la défense n'avait qu'un acheteur, lequel établissait les règles touchant à la politique d'approvisionnement, l'impartition, l'assurance de la qualité, les méthodes de fabrication et la comptabilité.
L'expertise ainsi générée n'avait aucune utilité dans le secteur commercial. Lorsque venait le temps de se convertir aux produits commerciaux dans un marché libre, ces entreprises et leurs gestionnaires étaient souvent dans une position désavantageuse et, par conséquent, elles échouaient très souvent.
[Traduction]
Bref, il est très difficile de comparer la petite partie de l'infrastructure industrielle commerciale du Canada qui sert la clientèle militaire et les énormes infrastructures industrielles de défense mises sur pied à l'étranger. L'industrie canadienne ne conçoit pas et ne fabrique pas d'importants systèmes d'armes, mais elle a néanmoins des technologies de marchés à créneaux et produits de moindre importance, concurrentiels à l'échelle nationale.
[Français]
Le ministère de la Défense encourage la commercialisation de l'industrie canadienne en insistant sur des pratiques, spécifications et produits commerciaux, dans toute la mesure du possible. Les emplois créés et maintenus par les exportations à la clientèle militaire sont des emplois de technologie de pointe et à grande valeur ajoutée. En raison de l'énorme écart entre nos circonstances, très peu de l'expérience des États-Unis ou de l'Union soviétique en matière de reconversion de la défense peut s'appliquer au Canada.
[Traduction]
Nous sommes effectivement privilégiés au Canada. Les politiques industrielles et de défense que nous avons établies au fil des ans nous ont très bien placés pour la transition, du contexte de la guerre froide, guidé par des préoccupations de sécurité nationale, vers la nouvelle économie mondiale, caractérisée par la croissance économique et la concurrence internationale. Nous avons déjà transformé notre industrie afin de relever les défis que pose ce nouveau contexte. Nous avons déjà atteint un bon nombre des objectifs de reconversion de la défense que les autres pays tentent d'atteindre. La voie que nous suivons garantira une infrastructure industrielle nationale durable, pouvant combler nos besoins en matière de défense, tout en étant solidement fondée sur la compétitivité internationale des technologies et des produits commerciaux.
Monsieur le président, c'est ainsi que se termine mon exposé. Je suis prêt à répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Monsieur le président, je crois savoir qu'on fait un premier tour de 10 minutes et un deuxième de cinq minutes. Est-ce qu'on fonctionne comme dans les autres comités? J'imagine que oui.
[Traduction]
Le président: C'est exact. Nous aurons dix minutes, dix minutes encore, puis nous passerons à des périodes de cinq minutes chacune. Tout le monde pourra poser ses questions.
[Français]
M. Ménard: Excellent, monsieur le président.
D'abord, je me joins à vous pour souhaiter la bienvenue à M. le sous-ministre adjoint.
Je veux vous dire que c'est une revendication du Bloc québécois, depuis que nous sommes à ce Parlement, et que nous avons eu un écho favorable chez les collègues du gouvernement.
L'aide concrète à la reconversion, nous en sommes tous bien conscients, va venir principalement du ministère de l'Industrie. Je ne m'attendais pas à ce que vous teniez un discours différent cet après-midi.
Les militants pacifistes, dont je suis, seront certainement d'accord sur le fil conducteur de votre analyse, à savoir que le Canada a une très petite armée et que notre contexte n'est pas du tout comparable à celui des États-unis. Cela m'amène à vous poser deux questions.
Y a-t-il quelqu'un au ministère de la Défense, soit dans l'appareil sous-ministériel, soit à des niveaux subalternes, qui suit les exemples de reconversion à travers le monde ou en Amérique du Nord? Cette personne a-t-elle des banques de données ou de l'expertise à jour sur ce qui se fait au niveau de la reconversion ou de la diversification aux États-unis, en Europe ou ailleurs? Peut-être le faites-vous essentiellement pour la question des bases militaires.
Deuxièmement, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'un certain nombre d'industries qui produisent du matériel de défense produisent aussi des technologies civiles? Il y a une trentaine de ces grandes entreprises. Vous avez nommé SCN-Lavalin, et on pourrait en nommer d'autres.
Êtes-vous d'accord avec moi qu'à l'heure actuelle, un nuage plane sur la réalité de l'industrie du matériel de défense? Si nos évaluations sont justes, compte tenu du fait que vous vivez et allez vivre avec des coupures de l'ordre de 25 p. 100 - il y a eu unanimité des partis à la Chambre - , s'il n'y a pas de fonds publics réservés pour aider les entreprises qui produisent des munitions, des sous-systèmes ou des systèmes liés aux communications de l'industrie militaire, on va certainement perdre 10 000 emplois au Québec dans les cinq prochaines années, d'après l'évaluation du groupe de recherche sur l'industrie militaire présidé par M. Yves Bélanger.
Pouvez-vous vous prononcer et dire clairement au sous-comité que sans l'aide des fonds publics... Je ne parle pas nécessairement de la reconversion au niveau des industries, car il faudra aussi qu'on se préoccupe de ce qu'on va faire des bases militaires désaffectées.
M. Lagueux: Je vais d'abord répondre à votre première question sur l'expertise du ministère de la Défense, car je crois que c'est à cela que vous vouliez en venir.
On a un groupe de personnes qui a la responsabilité de voir à l'industrie et à tous ses domaines. Pour nous, à la Défense, la base industrielle est la responsabilité du ministère de l'Industrie et non celle du ministère de la Défense. Nous sommes du côté de la défense et non de l'industrie. Mais on doit avoir une industrie qui est compétitive et qui peut nous appuyer sur le plan militaire, en nous donnant des produits qui sont à la fine pointe de la technologie ou en nous appuyant dans ce que l'on appelle l'after-sales.
Il est très important d'entretenir nos équipements, de les garder en bon état, etc. Donc, on a certainement intérêt à s'assurer que l'industrie canadienne est là pour nous appuyer. Notre équipement est réparé ou entretenu en bonne partie par l'industrie canadienne. Ce n'est pas fait à un autre dépôt militaire, comme chez les Américains, par exemple, et dans plusieurs autres industries militaires. On dépend beaucoup de l'industrie canadienne pour notre soutien de troisième ligne, c'est-à-dire l'entretien de la machinerie lourde.
M. Ménard: Je voudrais juste comprendre. Il y a, au ministère de la Défense nationale, des gens qui suivent les expériences de reconversion et de diversification en Amérique du Nord ou en Europe.
M. Lagueux: Le même groupe est chargé de suivre plusieurs aspects de l'industrie. Il suit aussi ce qui se fait du côté de la conversion et de la reconversion industrielle partout dans le monde. Ce n'est pas la seule responsabilité de ces gens-là. Je n'ai pas de gens spécialisés dans ce domaine.
M. Ménard: Est-ce que vous accepteriez de partager l'information que détient votre ministère avec les membres de ce comité?
M. Lagueux: Je crois que cette information est disponible. On n'a pas d'information qui n'est pas disponible dans la presse ouverte ou ailleurs. On n'a pas d'information privilégiée.
M. Ménard: J'aimerais beaucoup qu'entre vous et moi, il n'y ait pas de secrets. Je sais qu'il n'y en a pas, parce que vous êtes un ministère très transparent. Cela commence d'ailleurs par votre ministre, qui est certainement l'un des plus sympathiques de ce cabinet. Mais puis-je penser qu'un ministère aussi informé que le vôtre n'a comme expertise, en matière de reconversion, que ce qui est décrit dans les revues de presse? Je ne peux pas passer ça.
M. Lagueux: On a de l'information par nos contacts aux États-Unis sur ce qui se passe là-bas au niveau de la fermeture des bases, de l'approche vis-à-vis de l'approvisionnement et des achats et de plus en plus au niveau de ce qu'on appelle la technologie à double usage, la dual-use technology.
Les États-Unis vont de plus en plus vers les achats commerciaux, et tout ça fait partie de la reconversion de l'industrie. On est certainement en très étroit contact avec eux afin de voir la façon dont ils modifient leur approche vis-à-vis de l'industrie.
M. Ménard: Si jamais vous m'invitiez au ministère dans les prochains jours, je pourrais peut-être jeter un coup d'oeil à votre centre de documentation et juger par moi-même quelle information pourrait être utile à notre comité, en vous assurant de mon entière discrétion. C'est une de mes caractéristiques bien connues.
M. Lagueux: Ça serait une légère exagération, monsieur Ménard, que de dire qu'on a un centre de données ou un centre de recherche axé spécifiquement sur la reconversion. On n'a rien de spécifique. On ne peut dire que nous avons un centre de données ou une bibliothèque sur un tel sujet.
M. Ménard: Je tiens cependant pour acquis que si vous jugiez que de l'information écrite pouvait être utile à ce comité, vous nous la transmettriez. Je vous en remercie à l'avance.
Vous sembliez un peu sceptique dans votre exposé, ou certainement moins enthousiaste que moi, concernant les expériences de reconversion réalisées aux États-Unis. Je pense au Vermont et au Connecticut. Plusieurs gouverneurs se sont fait élire en s'engageant à faire adopter des lois, un peu comme l'avait fait l'actuel ministre Axworthy, du temps où il était dans l'opposition. Ce fut certainement l'une des périodes les plus fertiles de sa vie. Il avait déposé un projet de loi pour doter de fonds publics les entreprises et les groupes qui voulaient s'engager dans des expériences de reconversion.
Est-ce qu'on peut convenir de part et d'autre que, là où il y a eu des expériences de diversification, c'est-à-dire là où les entreprises ont développé une gamme de produits différents ou là où il y a eu des expériences de reconversion en utilisant des équipements du ministère de la Défense ou des bases à des fins civiles, ces projets étaient appuyés par des fonds publics, des études de marché et de la planification?
Une des formes que pourrait prendre la collaboration de votre ministère avec les collectivités où surviennent des licenciements serait de trouver une façon de faire en sorte que ces équipements-là puissent être utilement repris par les communautés.
Est-ce une chose qui peut être envisagée?
M. Lagueux: Certainement, et on l'a vu dans ma présentation. Aux États-Unis, il y a eu certains succès, mais grosso modo, les résultats n'ont pas été aussi favorables qu'on aurait pu le croire.
Pour les fermetures de bases, ce qui est un peu différent de la reconversion de l'industrie, plusieurs États américains ont mis des fonds publics à la disposition des petites villes et des villages qui entouraient ces bases-là pour aider à les fermer et surtout pour essayer de reconvertir les bases à d'autres fins.
Certaines démarches ont été faites pour encourager l'industrie ou des entreprises à but non lucratif à s'établir sur les bases et à prendre l'infrastructure qui existait déjà. Il y a eu des succès et des échecs.
Pour ce qui est de l'industrie elle-même et de la conversion d'équipement à des fins commerciales, je n'ai malheureusement pas d'exemples qui me viennent à l'esprit.
Je pense qu'il serait difficile de convertir à des fins commerciales de l'équipement qui a été établi principalement à des fins militaires. Je ne dis pas que ce n'est pas possible ou que cela n'a pas été fait, mais je ne suis vraiment pas au courant des détails.
M. Ménard: Je reviendrai au second tour.
[Traduction]
Le président: Monsieur Murray.
M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.
Monsieur Lagueux, nous sommes heureux de vous accueillir. Après avoir entendu vos remarques, je dois en conclure qu'à votre avis, nous ne devrions pas trop nous inquiéter de la reconversion de l'industrie militaire. Par le passé, le problème a été de convertir des installations commerciales en installations militaires, au Canada du moins, contrairement à ce que vous avez décrit pour les États-Unis et la Russie.
Si je fais ce commentaire, ce n'est pas pour me montrer complaisant. J'ai simplement été frappé de ce que la nécessité de convertir l'industrie militaire pour répondre aux besoins civils ou commerciaux ne semble pas être pour vous un problème important. Êtes-vous d'accord avec ma conclusion?
M. Lagueux: Monsieur Murray, votre comité a la tâche très importante d'expliquer clairement à tous les Canadiens ce qu'il en est de la conversion de l'industrie militaire au Canada. Bien des gens sont influencés par ce qu'ils entendent dire des États-Unis, de l'Europe et de l'Europe de l'Est au sujet de la conversion de l'industrie militaire. Ils se demandent donc pourquoi nous n'en faisons pas autant au Canada.
Il est donc très important que votre comité étudie cette question et explique l'état de l'industrie militaire au Canada - où nous en sommes, les avantages de la conversion de l'industrie militaire. Il existe de très nombreux mythes à ce sujet.
Quant à votre conclusion sur mes commentaires, c'est à peu près cela. Ce que j'essaie de vous dire, aujourd'hui, c'est que la situation au Canada est très différente de celle des États-Unis, de la Russie, de l'Europe de l'Est et d'un bon nombre de grands pays européens. Dans ces pays, il y avait de grandes industries vouées à la défense, où se faisait beaucoup de recherche et de développement pour la mise au point, de a jusqu'à z, de systèmes de défense. Ces industries fonctionnaient de façon indépendante et n'avaient aucun rapport avec l'industrie commerciale.
Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mes observations, avec l'annulation du projet Avro Arrow, depuis les années 50, c'est un domaine où nous ne sommes plus présents. Nous ne nous sommes plus occupés de la fabrication de gros systèmes. Cela ne signifie pas que nous n'avons pas de technologie de la défense au Canada, que nous ne produisons pas à l'intention de certains marchés à créneaux, et cela ne signifie pas non plus que nous ne fabriquons pas des équipements tout à fait à la hauteur de ce qui se fait ailleurs dans le monde, mais dans l'ensemble, nous n'avons pas une base industrielle spécialisée comme il en existe dans certains pays.
Par conséquent, une grande partie de notre base commerciale fonctionne sur deux tableaux. J'ai parlé des unités d'affichage à glace plane qui sont utilisées dans plusieurs avions, à la fois commerciaux et militaires. J'ai parlé également des simulateurs produits par CAE, par exemple, qui sont utilisés pour l'aviation civile et pour l'aviation militaire. Vous avez des simulateurs de cockpit d'appareils commerciaux et également des simulateurs d'appareils de transport ou encore des simulateurs d'avion de chasse: même technologie, applications doubles.
Voilà donc où en est notre industrie, et il ne s'agit pas d'un grand complexe militaro-industriel comme cela existait aux États-Unis pendant la guerre froide.
M. Murray: C'est vraiment dommage que vous n'ayez pas pu venir quand j'ai piloté un de ces simulateurs à Vancouver il y a longtemps. Mais j'ai piloté et j'ai atterri.
J'aimerais me pencher sur les dépenses dans le secteur de la recherche et du développement. Si j'ai bien compris, le total pour 1996-1997 s'élève à plus de 177 millions de dollars. C'est une baisse par rapport aux années précédentes.
M. Lagueux: Pour la défense nationale?
M. Murray: Oui, pour la défense nationale.
Est-ce que nous avons participé à des activités de recherche et de développement avec certains de nos partenaires de l'OTAN, ou bien est-ce que nous participions à des projets qui ont subi des changements à la fin de la guerre froide? Par exemple, avons-nous été associés à des projets qui sont devenus inutiles? Est-ce que nous nous sommes heurtés à des problèmes de ce genre au cours de ces dernières années, des entreprises qui se poursuivent mais qui semblent être devenues inutiles?
M. Lagueux: Pour commencer, vous avez raison quand vous dites que le budget de recherche et de développement de la défense diminue. Cela est dû à plusieurs facteurs. D'une part, nous essayons d'acheter plus de produits finis et nous nous écartons de plus en plus des projets de développement spécifiquement canadiens, exclusivement militaires.
Toutefois, la R-D reste nécessaire car nous devons nous tenir au courant de ce qui se fait dans le reste du monde dans le domaine militaire. Nous avons des projets de recherche et de développement en collaboration. Pour ces projets-là, nous suivons des directives et des restrictions bien précises, en particulier avec les pays de l'OTAN et nos partenaires australiens. Les projets portent le plus souvent sur des domaines où les besoins de deux pays coïncident. Il s'agit de créneaux bien précis.
Par exemple, le Canada a une expertise particulière sur le plan de la détection sous-marine. C'est une spécialité de notre industrie. Nous avons donc des possibilités de recherche et de développement dans ce domaine. Nous travaillons en collaboration avec d'autres pays qui ont des besoins comparables dans le même domaine.
Mais je le répète, nous ne participons plus depuis un certain temps à la conception de nouveaux chars de combat ou de nouveaux avions de chasse. Nous ne nous intéressons plus autant à cette recherche fondamentale, et nous nous tournons plutôt vers le développement. C'est l'inverse des États-Unis où on se livre à beaucoup de recherche et de développement en partant de zéro.
Donc effectivement, nous avons actuellement des projets en collaboration. Pour nous, c'est un excellent moyen de tirer parti au maximum de notre budget restreint pour la recherche et le développement, parce que de cette façon, nous pouvons mettre en commun nos ressources avec d'autres pays.
M. Murray: Vous avez parlé de la nécessité d'aider l'industrie canadienne à vendre à l'étranger, ce qui m'a paru très intéressant. J'ai eu l'impression que vous n'alliez pas directement faire du battage à l'étranger, que vous n'alliez pas chercher les contrats vous-mêmes, mais que vous fournissiez des informations aux Affaires étrangères, au Commerce international ou encore au ministère de l'Industrie, chaque fois que vous voyez des possibilités. Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce que vous avez des responsables qui recherchent activement les possibilités commerciales?
M. Lagueux: Monsieur Murray, nous sommes le ministère de la Défense nationale; nous ne sommes pas le «ministère des Ventes commerciales». Cela dit, il y a la CCC, la Corporation commerciale canadienne, il y a également la Société pour l'expansion des importations et Industrie Canada, sans parler de nos ambassades autour du monde qui jouent le rôle de conseillers commerciaux. Nous avons donc toutes ces ambassades, dont certaines ont également des attachés militaires qui, dans le cadre de leur travail, cherchent à s'informer des besoins des autres pays en matière de matériel militaire pour ensuite déterminer si le Canada pourrait être un fournisseur, et cela, qu'il s'agisse de matériel ambivalent ou de matériel purement militaire. Par exemple, la division diesel de General Motors à London, Ontario, produit un véhicule blindé léger dont la qualité se compare très bien à ce qui se fait dans le reste du monde et qui a d'ailleurs été vendu à plusieurs pays.
Le ministère de la Défense joue donc un rôle qui correspond au rôle d'une industrie de défense; il intervient lorsqu'il s'agit d'exécuter des tâches que les autres ministères ne peuvent pas exécuter. Par exemple, nous pouvons fournir des experts sur le matériel. Il s'agit d'un matériel que nous utilisons déjà, nous pouvons envoyer des spécialistes pour assister les Forces armées d'un autre pays en expliquant la performance de ce matériel. Un représentant du ministère de l'Industrie ou du ministère des Affaires étrangères pourrait peut-être le faire également, mais il ne pourrait pas parler avec la même autorité qu'un soldat qui utilise lui-même ce matériel régulièrement. Évidemment, nous pouvons également favoriser les contacts entre l'industrie et les Forces armées d'autres pays, mais cela, à cause de nos relations avec ces Forces armées.
Dans l'ensemble, nous sommes sensibles aux besoins de l'industrie, mais nous ne vendons pas de matériel. C'est une tâche que nous laissons à l'industrie, qui bénéficie d'ailleurs de l'aide des Affaires étrangères et du Commerce international.
M. Murray: Monsieur le président, il reste peut-être quelques minutes, et j'aimerais en profiter pour céder la parole à Mme Brown. Nous aurons peut-être un peu de temps après les votes.
Le président: Je précise que nous n'avons pas besoin de partir tout de suite, il nous reste encore 10 ou 12 minutes. J'apprécie votre geste. Je vais donner cinq ou six minutes à Mme Brown.
Mme Brown (Oakville - Milton): Je suis d'accord avec M. Murray; il conclut que le fait que nous n'ayons pas fait les choses comme les États-Unis et la Russie n'est pas une raison pour conclure que nous n'avons pas de problème ou que nous ne sommes pas aussi fautifs et que, par conséquent, il n'est pas aussi nécessaire de nous «convertir» pour utiliser une analogie religieuse.
Dans votre rapport, vous avez dit des choses qui m'ont paru intéressantes. Par exemple, vous avez parlé de la privatisation ou de la commercialisation de la gestion et de l'entretien des installations du Camp Meaford, une mesure qui a fait baisser les coûts du ministère de la Défense. Avez-vous des chiffres sur les économies réalisées par les Forces armées grâce à cette privatisation? Est-ce que nous avons déjà un bilan annuel?
M. Lagueux: Effectivement, mais malheureusement, je n'ai pas cela sous la main.
Mme Brown: Pouvez-vous nous envoyer ces chiffres?
M. Lagueux: Certainement, je peux vous envoyer une évaluation des économies que nous pensons réaliser pour avoir confié la gestion et l'entretien de ce camp à un sous-traitant civil.
Mme Brown: Merci.
Toute cette idée d'aider les compagnies canadiennes à vendre leurs produits à l'étranger, des produits liés à la défense, est une idée qui m'inquiète. Comme vous le savez, il y a actuellement un mouvement contre les exportations d'armements et les foires d'armements. On parle de «marchands de mort». Cela m'ennuie de voir nos Forces armées aider ces industries à vendre leurs productions d'armes à d'autres pays, parfois des pays du tiers monde. Je sais que nous sommes au quatorzième rang en ce qui concerne l'exportation d'armements, nous sommes donc loin d'être en tête, mais cela ne devrait pas nous empêcher de nous demander si c'est vraiment ce que nous voulons faire.
Vous avez dit que cela se situe dans la stratégie de développement du commerce international du gouvernement et également dans le cadre du programme d'emplois et de croissance. Y a-t-il une loi qui oblige le ministère de la Défense à favoriser ces transactions commerciales?
M. Lagueux: Je me suis peut-être mal exprimé et je vous prie de m'en excuser. Nous aidons les industries de défense à vendre à l'étranger, mais dans le cadre de la Loi sur le contrôle des exportations. Cela peut sembler évident, mais je tenais à le rappeler. Comme je l'ai dit dans mes observations, le Canada est un des pays du monde les plus stricts en ce qui concerne le contrôle des exportations. Une industrie qui souhaite exporter doit obligatoirement se conformer à ces règles et la transaction doit être approuvée par les Affaires étrangères avant qu'on puisse faire quoi que ce soit.
Mme Brown: Est-ce que vous acceptez d'envoyer un spécialiste avant qu'un tel permis ait été délivré?
M. Lagueux: Non. Pour qu'une industrie puisse mettre sa production en marché à l'étranger, pour que nous puissions intervenir, il faut d'abord qu'un permis des Affaires étrangères ait été délivré.
Vous avez dit que nous étions au quatorzième rang en ce qui concerne les ventes. Je n'ai pas les chiffres à l'esprit, mais il y a une très grosse différence entre les trois ou quatre premiers exportateurs et le quatorzième. Ce n'est pas comme si nous étions tous très proches du premier rang. Vous devez comprendre cela.
Mme Brown: Je comprends cela. Je comprends que la différence entre les Américains, les Russes et tous les autres pays est énorme.
M. Lagueux: Sans parler des Français et des Britanniques.
Mme Brown: Exactement, et je sais qu'au quatorzième rang nous sommes très près du bas de l'échelle. D'un autre côté, quand on a des ambitions sur le plan du maintien de la paix, quand on défend ce genre de valeurs, il vaudrait peut-être mieux ne pas être sur la liste du tout. Vous dites que nous sommes au quatorzième rang, que nous sommes un très petit exportateur, mais cela ne devrait pas nous empêcher de surveiller de très près ces exportations, de les analyser, et de nous tenir au courant de l'aide fournie par les autorités militaires.
M. Lagueux: Il ne faut pas oublier non plus qu'une bonne partie de ces ventes qui sont considérées comme du matériel de défense, sont en réalité du matériel utilisé dans beaucoup de domaines, avions de transport, hélicoptères, matériel de purification de l'eau, etc. Les autorités militaires accomplissent un peu partout dans le monde des tâches très diverses, et en particulier, elles interviennent en cas de désastre national, etc. Ce matériel est souvent le même matériel qui est utilisé dans ces circonstances.
La situation n'est donc pas si nettement découpée. Ce sont des chiffres qu'il faut comprendre, il faut se rendre compte qu'une bonne partie du matériel que nous vendons peut être ensuite utilisé à des fins tout à fait différentes par quelqu'un d'autre.
Mme Brown: Je sais bien que la situation est complexe. Monsieur le président, je crois que...
Le président: Vous allez devoir vous contenter d'une observation, car nous entendrons ensuite une courte question de M. Ménard, après quoi nous devons aller voter.
Mme Brown: Je comprends.
Je vois peut-être seulement ce qui est noir, mais de votre côté, vous semblez voir en priorité ce qui est blanc quand vous citez le matériel de purification de l'eau comme un exemple d'exportation de défense. Vous ne trouverez pas un seul Canadien pour s'opposer à ce qu'on vende ce genre de matériel n'importe où dans le monde, et c'est d'ailleurs une compagnie dont nous sommes très fiers. Cela dit, j'ai remarqué que vous évitiez de citer en exemple des types de production plus toxiques. Si vous l'aviez fait, cela nous aurait donné une idée plus claire de la situation.
Le président: Monsieur Ménard.
[Français]
M. Ménard: Un autre commentaire. Le Canada vend aussi des véhicules blindés légers à l'Arabie saoudite et à d'autres pays tels l'Argentine.
M. Lagueux: L'Argentine?
M. Ménard: J'ai devant moi la liste où on indique que le Canada a vendu des véhicules blindés légers.
M. Lagueux: Je ne crois pas qu'on en ait vendu à l'Argentine, monsieur Ménard.
M. Ménard: On parle d'exportations militaires vers certains pays, entre autres l'Algérie, l'Allemagne, l'Arabie saoudite, la Belgique, l'Espagne, l'Indonésie, le Portugal, etc. La liste est encore très longue, mais ce n'est pas ma question.
Dans votre mémoire, vous avez signalé, et je vous cite:
- Nous avons déjà atteint un bon nombre des objectifs de reconversion de la défense que les autres
pays tentent d'atteindre.
M. Lagueux: Sans avoir d'objectif spécifique, je parle de la réduction du nombre d'industries orientées uniquement vers la défense. Au Canada, nous n'avons pas beaucoup d'industries qui sont orientées uniquement vers la défense. La plupart de nos industries sont des industries commerciale qui font certains produits à double technologie ou militaires. Les États-Unis ont encore plusieurs industries dont le chiffre d'affaires est réalisé entièrement ou presque entièrement du côté militaire. C'est ce que je veux dire.
M. Ménard: On en a une vingtaine qui sont à 80 p. 100 orientées vers la défense, mais elles sont surtout au Québec.
Voici ma dernière question. En guise de contribution intéressante, le ministère de la Défense serait-il assez aimable pour faire parvenir au comité une liste exhaustive des bases militaires qu'il prévoit fermer? Nous en avons eu une dans l'avant-dernier budget, mais elle n'était pas exhaustive. Même si vous n'avez pas de centre de documentation, tout autre document qui pourrait les éclairer serait apprécié par les membres du comité. Je vous remercie pour votre exposé.
M. Lagueux: Je vous remercie. Quant aux bases militaires qu'on prévoit fermer, je ne les suis pas au courant, sauf pour celles dont la fermeture a déjà été annoncée dans les budgets précédents. On sait déjà qu'elles vont fermer, mais on n'a pas encore pris la décision d'en fermer d'autres.
M. Ménard: Non?
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Malheureusement, on me dit qu'il est temps d'aller voter. Je tiens à remercier le sous-ministre adjoint d'être venu aujourd'hui et de nous avoir fait cet exposé. Je suis certain que nous vous contacterons à nouveau si nous avons d'autres questions à poser, mais en attendant, nous vous remercions infiniment.
Je remercie les députés d'être arrivés à l'heure. La présidence convoquera la prochaine séance lorsque nous serons un peu plus organisés. Nous allons essayer d'éviter de nous réunir la semaine prochaine à cause des célébrations qui sont prévues.
Merci.
La séance est levée.