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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 17 juin 1996

.1533

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous avons le quorum.

Nous étudions le Budget des dépenses principal du Service canadien du renseignement de sécurité et notre témoin d'aujourd'hui est son directeur, M. Ward Elcock.

Bonjour, monsieur Elcock. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire.

M. Ward Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité): Une toute petite déclaration préliminaire, monsieur le président.

Le président: Pourquoi ne pas commencer tout de suite.

M. Elcock: Monsieur le président, membres du sous-comité, le fait que vous m'ayez invité à vous rencontrer aujourd'hui pour discuter de la partie du Budget des dépenses principal qui traite du SCRS me donne la possibilité de dire certaines choses dont je n'ai pas souvent la chance de parler en public.

[Français]

Le contexte global dans lequel évolue le SCRS est plus fragmenté et instable que celui qui existait pendant l'après-guerre. Lorsque le Parlement nous a confié notre mandat il y a 12 ans, c'était pour nous tout un défi. Nous vivions alors dans un monde inquiétant. Toutefois, avec le recul, nous pouvons dire que c'était alors un monde plus ordonné. Aujourd'hui, en cette période où les ressources diminuent, le défi à relever est encore plus grand.

.1535

[Traduction]

Comme vous avez pu le constater récemment dans notre Rapport public et Perspectives liées aux programmes pour 1995, le budget du service subira une baisse de 20 p. 100 entre 1993-1994 et 1997-1998. Entre 1992 et 1997, nos effectifs auront été réduits de 27 p. 100.

Même si je suis en désaccord avec certaines des choses qui sont dites au sujet du service dans l'édition de cette année de How Ottawa Spends, je trouve au contraire que les auteurs ont raison lorsqu'ils affirment que la direction du SCRS fait manifestement face à un défi de taille.

Quoi qu'il en soit, nous croyons avoir largement réussi à nous acquitter de notre mandat. D'ailleurs, je crois que les faits récents le démontrent bien. Plus important encore, je crois que nous y sommes parvenus tout en respectant les normes et les règles qui sont nécessaires dans une société démocratique comme la nôtre.

Dans une certaine mesure, ces réductions ont été possibles par la diminution de nos frais administratifs. Le virage et les progrès technologiques nous ont aussi aidés à nous adapter. Cependant, lorsque des employés ont dû quitter les organisations autrement que dans le cadre du processus d'attrition, nous les avons, je crois, traités humainement et nous nous sommes souciés de leur bien-être. Nous croyons que nous avons obtenu les moyens de servir la population du Canada avec efficience et efficacité. Je crois que nous avons géré nos ressources en tenant parfaitement compte du climat économique auquel nous devons tous actuellement faire face.

[Français]

Tout compte fait, notre succès est également attribuable au professionnalisme et au dévouement des gens avec qui je travaille au SCRS. J'ai déjà dit que je n'ai jamais rencontré un groupe de Canadiens qui soient plus professionnels ou qui aient plus à coeur leur travail et le respect des lois du Canada. En 12 ans, le SCRS a mûri et est devenu l'organisation que le Parlement envisageait en 1984.

[Traduction]

Dans l'état actuel des choses, nous avons montré que nous pouvons nous acquitter de notre mandat - même dans ce contexte complexe et instable - avec les ressources dont nous disposons. Permettez-moi cependant de bien préciser qu'il s'agit ici de gestion des risques dans sa forme la plus pure. Nous évaluons les risques pour la sécurité nationale, ou les menaces comme les appelle à la Loi sur le SCRS - et nous conseillons le gouvernement en conséquence. Nous devons donc maintenir un délicat équilibre. Et, comme pour toute gestion des risques, quelle qu'elle soit, il n'y a pas de garantie absolue. Il est simplement probable que la diminution des ressources pourrait entraîner une augmentation des risques.

Nous savons maintenant que le budget du service sera de nouveau réduit de 1,6 million de dollars en 1998-1999. Dans ces circonstances, il sera toujours possible de gérer les risques, mais leur niveau augmentera. En tant que gestionnaires du service, mes collègues et moi continuerons d'évaluer ces risques, de fixer des priorités et de faire rapport de notre analyse au gouvernement. C'est au gouvernement qu'il incombera de décider quand le niveau de risque deviendra inacceptable.

En attendant, je peux assurer aux membres du sous-comité que le gouvernement continuera d'être bien servi par l'organisation que je dirige et que les fonds publics consacrés aux aspects de la sécurité nationale dont le SCRS est responsable sont bien utilisés.

Le président: Merci, monsieur Elcock.

Avant de passer au premier tour de questions, je voudrais mentionner que je suppose que les membres du sous-comité ne refuseront probablement pas a priori une invitation à visiter le nouveau quartier général du service. Cela pourrait donner à certains d'entre une petite idée de ce que cela nous coûtera. Il nous sera peut-être difficile de trouver un cadeau adéquat pour célébrer cet emménagement, mais c'est notre problème. Je vous laisse y réfléchir.

La parole pour le premier tour de 10 minutes est à M. Langlois.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Je vais commencer par la question du bilinguisme au sein du Service, qu'il faudrait éclaircir une fois pour toutes. Quelle est votre position, monsieur Elcock, sur la prime au bilinguisme? Traitons d'abord des agents de la GRC qui ont été transférés au SCRS avec la garantie que leur prime serait respectée. Elle l'a été pendant un certain temps, puis elle a été abolie. Est-ce que vous êtes prêt maintenant, avec le budget de fonctionnement qui vous est alloué, à rétablir la prime pour les agents transférés qui y avaient droit ainsi que pour les autres membres du SCRS qui n'ont pas vécu le transfert?

[Traduction]

M. Elcock: La réponse à cette question est relativement longue. Contrairement à ce que l'honorable député semble dire, les agents du SCRS n'ont pas droit à une prime au bilinguisme. Les tribunaux ont clairement indiqué que le droit des agents du SCRS à percevoir la prime au bilinguisme a pris fin quand le service a été réorganisé en 1985.

.1540

Nous appliquons depuis une politique de recrutement d'agents bilingues. Depuis cette réorganisation, c'est pratiquement devenu la règle. C'est la solution que nous avons adoptée pour régler le problème, si vous voulez.

Personnellement, j'étais disposé à revenir sur cette question s'il était clair que nous aurions des fonds supplémentaires. Étant donné mes responsabilités de directeur du SCRS, il est clair que sans ces fonds supplémentaires nous n'en aurions pas les moyens. Mais comme l'honorable député le sait certainement, nous avons reçu un nombre considérable de demandes de rétablissement de la prime au bilinguisme. Étant donné que nous n'avons pas de fonds supplémentaire et que nous vivons selon nos moyens, il nous est impossible de verser ces primes sans réduire de manière considérable le niveau de sécurité que nous offrons au pays et, en conséquence, nous avons pris la décision de fermer définitivement le dossier.

[Français]

M. Langlois: En votre qualité d'employeur distinct, si des fonds vous étaient octroyés par le Conseil du Trésor, seriez-vous disposé à prendre la décision administrative de verser les sommes pour les primes au bilinguisme aux gens qui ont été transférés et aux gens qui y auraient droit ne serait-ce de l'application du statut distinct du Service?

[Traduction]

M. Elcock: Les employés du SCRS n'ont aucun droit à percevoir la prime au bilinguisme, si c'est la question que pose l'honorable député.

[Français]

M. Langlois: J'ai probablement mal formulé ma question, le témoin l'a peut-être mal comprise ou il y a eu un heureux mélange des deux. Je reconnais que les employés n'ont probablement pas le droit de réclamer la prime. Si on vous octroyait des fonds supplémentaires, seriez-vous prêt à donner la priorité au versement d'une prime au bilinguisme, que vous avez l'autorité de verser, et à rétablir le statut qui prévalait avant janvier 1985?

[Traduction]

M. Elcock: J'ai dit, et je l'ai expliqué clairement aux employés du SCRS, que nous serions prêts à revenir sur cette politique si des fonds supplémentaires étaient dégagés. Étant donné qu'il n'y a pas de fonds supplémentaires, la question reste entièrement hypothétique. Nous visons à une époque où les fonds supplémentaires ne courent pas les rues.

[Français]

M. Langlois: Si je comprends bien, en réponse aux pressions politiques qu'on pourrait exercer sur le ministre et sur le gouvernement en leur demandant de prévoir de sommes supplémentaires en vue du versement d'une prime au bilinguisme, le Conseil du Trésor devrait préciser que ces sommes doivent être affectées à la prime au bilinguisme, sinon vous les incluriez dans votre budget global et vous ne feriez pas de la prime une priorité. Est-ce que je comprends bien votre position?

[Traduction]

M. Elcock: C'est au gouvernement qu'il incombe de décider ou non de débloquer des fonds supplémentaires pour le SCRS. Je ne suis pas là pour exercer des pressions politiques sur quiconque et je n'ai nullement l'intention d'indiquer à l'honorable député ce qu'il pourrait ou devrait faire. En ce qui me concerne, pour le moment, le dossier est clos.

[Français]

M. Langlois: Je vais changer de sujet, monsieur Elcock. Au chapitre 8 de son rapport, le vérificateur général du Canada s'attarde un petit peu à votre service. Entre autres, il constate qu'à son avis, vous auriez manqué aux obligations de l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques en payant par anticipation des honoraires à Travaux publics Canada. Est-ce qu'on a remédié à la situation? Est-ce que des sanctions ont été prises contre des personnes qui ont agi de façon non autorisée aux yeux du vérificateur général?

[Traduction]

M. Elcock: Je n'ai pas avec moi le texte du vérificateur général, mais c'était une des clauses de notre contrat avec Travaux publics. Si quelqu'un a des reproches à faire, si le vérificateur général a des reproches à faire, c'est à Travaux publics et non pas à nous.

[Français]

M. Langlois: On constate aussi dans le Rapport du vérificateur général que les honoraires des consultants en vue de la construction de l'immeuble qui abrite l'administration centrale avaient été évalués à 8,75 millions de dollars et se sont finalement élevés à 15,5 millions de dollars.

.1545

Est-ce que vous êtes capable de nous expliquer pourquoi ils ont doublé? Aucune explication n'a été fournie, même pas au vérificateur général lui-même.

[Traduction]

M. Elcock: Encore une fois, monsieur le président, il faudra poser la question à Travaux publics. Nous devons passer par Travaux publics et nous payons ce que ce ministère nous réclame.

[Français]

M. Langlois: Vous pouvez donner la parole à Mme Meredith; je reviendrai au deuxième tour si nous avons encore du temps, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci.

Madame Meredith.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Merci, monsieur le président.

J'aimerais quelques éclaircissements à propos des réponses à une lettre dans laquelle je vous demandais, monsieur Elcock, de clarifier qui avait ajouté un commentaire - et quand - au bon de transit daté du 10 novembre 1989. Je vous demandais spécifiquement si c'était le chef ou le directeur général. Dans la réponse que vous avez envoyée à notre président, vous ne répondez toujours pas à ces questions; donc j'aimerais à nouveau vous demander qui a écrit: «je suggère» blanc «gouvernement - personne inconnue» et quand cela a-t-il été écrit?

M. Elcock: Monsieur le président, nous avons déjà longuement discuté de cette question à une autre occasion. Comme je le répète depuis le début, M. Manning n'a jamais fait l'objet d'une enquête malgré les efforts d'imagination de certains pour faire croire à une conspiration. Il est assez difficile d'examiner cette question, car certains documents sont expurgés, ce qui empêche d'avoir accès à tous les faits contenus dans ce dossier pour en discuter.

J'admets que cela puisse gêner l'honorable député étant donné sa théorie des événements. Je reconnais volontiers que c'est malheureux. Cependant, je ne peux pas faire plus. Je crois avoir été jusqu'où je pouvais aller en essayant de fournir une réponse à toutes les questions que l'honorable députée m'a posées à ce sujet.

Monsieur le président, permettez-moi de conclure en répétant simplement que l'enquête n'a jamais porté sur M. Manning. Elle a toujours concerné la contribution financière ou la contribution financière suspectée d'un gouvernement étranger à la campagne de M. Manning.

Deuxièmement, monsieur le président, pour répéter ce que quelqu'un a déjà dit lors d'un des épisodes de cette discussion, si nous avions vraiment voulu conspirer, je n'aurais certainement pas cherché à le faire avec les documents que nous avons rendus publics.

Nous vous avons fourni tout ce que nous pouvions vous fournir en termes de documents et nous vous avons fourni les originaux sous réserve des passages expurgés conformément à la Loi sur l'accès à l'information. Je ne peux vraiment pas faire plus.

Mme Meredith: Monsieur le président, j'aimerais attirer l'attention de M. Elcock sur le rapport mentionné dans le formulaire 4002. Ce formulaire 4002 est daté, censément, du 17 octobre 1989 et il comporte une note indiquant qu'un rapport a été envoyé le 1er novembre 1989. C'était deux semaines après que le 4002 ait été rempli. Vous avez expliqué que ce renseignement était déjà connu et que le numéro du message cité après ce renseignement était également déjà connu, et c'est peut-être exact, mais j'aimerais savoir comment vous expliquez le fait que cette date du1er novembre figurait également sur ce document deux semaines avant le 1er novembre.

M. Elcock: Encore ne fois, monsieur le président, je ne peux pas vraiment faire plus pour l'honorable députée puisqu'il s'agit de documents qui sont expurgés à plusieurs endroits. Nous sommes allés aussi loin dans les explications que nous le pouvions. Nous vous avons envoyé toutes ces explications dans une lettre que je vous ai adressée et j'ai répondu aux questions de l'honorable députée que vous m'aviez communiquées après notre discussion précédente.

Il n'y a pas de conspiration et il est évident qu'une discussion qui se fonde sur des documents expurgés ne satisfera pas l'honorable députée. Il est clair qu'elle trouve les réponses que je vous ai données inacceptables. Je n'y peux rien mais c'est tout ce que je peux faire. Votre comité devra juger s'il trouve ma réponse crédible.

Mme Meredith: Monsieur le président, j'aimerais demander à M. Elcock si la demande d'ouverture de dossier - le dossier personnalisé - qui a aussi été déposée le 17 octobre 1989, n'a pas en fait été déposée dans le but d'obtenir un numéro de dossier. N'est-ce pas l'objet de ce formulaire?

.1550

M. Elcock: Je ne vois pas l'intérêt... Je ne peux pas aider l'honorable députée. Encore une fois, il s'agit de documents qui ont été expurgés. Ils ne sont pas complets, cette discussion est sans issue et je ne peux vraiment rien faire pour l'honorable députée.

Mme Meredith: Monsieur le président, il est évident qu'un des numéros de message avait un numéro de dossier afin de pouvoir être entré dans le système de récupération et de conservation des documents et des rapports. Dans ce système, les messages ne doivent-ils pas comporter un numéro de dossier pour être entrés?

M. Elcock: Monsieur le président, je ne vois pas l'intérêt de ces discussions sans fin sur ces questions. Au mieux, je ne pourrais donner que des réponses partielles, ce qui ne satisfera pas l'honorable députée.

Le président: Très bien. Si Mme Meredith a une question recevable, je suis certain queM. Elcock fera de son mieux pour y répondre.

Les questions concernent des sujets très précis; il faudrait se souvenir des détails de certains documents déposés il y a déjà un certain temps et ressortis dans le cadre de l'étude par notre sous-comité de l'affaire dite du Heritage Front; j'aurais donc du mal à en vouloir à quiconque ne se souvient pas de tous les détails de tous les documents que nous avons examinés.

Quoi qu'il en soit, monsieur Elcock, je vous demanderais simplement d'essayer de répondre aux questions qui vous sont posées d'une manière générale par Mme Meredith, sans préjudice du fait, bien entendu, que vous avez déjà répondu par écrit et par le menu à ces questions.

Sur ce, je redonne la parole à Mme Meredith.

Mme Meredith: Monsieur le président, j'aimerais préciser que ces questions sont la conséquence d'une lettre de M. Elcock reçue la semaine dernière. Il ne s'agit donc pas de questions qui remontent à un passé lointain. Il s'agit de questions relativement récentes et vous ne me ferez pas croire qu'il ne peut pas se souvenir. S'il refuse de répondre, c'est sa décision, mais mes questions, monsieur le président, font suite à une lettre que vous avez reçue la semaine dernière.

Étant donné que le directeur refuse de répondre à mes questions, je ne vois pas l'intérêt de poursuivre.

J'aimerais passer aux commentaires du solliciteur général à la Chambre des communes concernant l'interrogatoire d'une personne. Le 28 mars 1996, M. Gilles Duceppe, le leader en Chambre du Bloc québécois, a demandé au solliciteur général si Pierre Roy n'avait pas été renvoyé précisément parce qu'il avait des renseignements impliquant la gestion du SCRS dans l'affaire du soi-disant espion russe.

Le solliciteur général lui a répondu:

À votre avis, la réponse du solliciteur général était-elle exacte?

M. Elcock: Je crois qu'on a mis fin au contrat de M. Roy. La différence entre ne pas renouveler un contrat ou y mettre fin n'est pas énorme. Surtout que je crois qu'au mieux il s'agissait d'un contrat d'un an.

Mme Meredith: Donc, vous dites que M. Roy a été renvoyé. Son contrat n'a pas été simplement non renouvelé.

M. Elcock: Non. Il a été mis fin à son contrat. On ne renvoie pas quelqu'un qui est à contrat. On peut mettre fin au contrat pour toutes sortes de raisons.

Je ne suis pas en mesure de vous dire les raisons pour lesquelles on a mis fin au contrat deM. Roy. Ce serait une intrusion dans la vie privée et j'estime ne pas en avoir le droit. Il est possible que d'autres pensent autrement, mais pour moi la question est claire.

Mme Meredith: Qui a le pouvoir de licenciement au SCRS?

M. Elcock: De licencier un employé?

Mme Meredith: Oui.

M. Elcock: C'est moi.

Mme Meredith: Est-ce que certains de vos subordonnés ont aussi ce pouvoir?

M. Elcock: Je ne le pense pas. Si ma mémoire est exacte, ce pouvoir n'a pas été délégué, mais il faudrait que je m'en assure.

Mme Meredith: Qui a le pouvoir de mettre fin à un contrat?

M. Elcock: Je ne pense pas pouvoir vous donner comme ça une réponse précise. Je suppose qu'un certain nombre de personnes ont le pouvoir de mettre fin à un contrat. Ce n'est pas inhabituel dans toute organisation.

.1555

Mme Meredith: Quand la décision a été prise de mettre fin à son contrat, M. Roy l'a contestée et M. Jean-Louis Gagnon, dans sa réponse, lui a indiqué que la manière dont il avait été mis fin à ce contrat était juste et équitable.

Êtes-vous d'accord?

M. Elcock: C'est ce que j'ai cru comprendre, monsieur le président.

Mme Meredith: Pouvez-vous nous expliquer alors la raison pour laquelle le SCRS a prétendu que la CRTFP n'avait pas juridiction pour entendre l'appel de M. Roy et, quand cette dernière a décrété qu'elle avait juridiction, a immédiatement décidé de régler le solde du contrat de M. Roy?

M. Elcock: Monsieur le président, il faudrait que je vérifie dans le dossier pour déterminer précisément la raison pour laquelle cette décision a été prise. Mais je suppose que j'y trouverais que, comme chaque fois pratiquement qu'il y a litige, il finit par s'avérer plus coûteux de poursuivre l'affaire que de simplement verser une somme relativement petite - je dis relativement petite, car les honoraires des avocats et le coût de la procédure sont tels que cela revient moins cher. Ce n'est pas toujours notre option préférée, mais c'est comme ça.

Mme Meredith: Pensez-vous que les employés du SCRS doivent suivre aveuglément les ordres de leurs supérieurs ou les encouragez-vous à les contester?

M. Elcock: Oui, monsieur le président. Mais nous attendons également d'eux qu'ils fassent preuve de jugement.

Mme Meredith: Quand quelqu'un a fait preuve de jugement, permettez-moi de citer ce qu'en a dit le CSARS:

Pensez-vous qu'il aurait dû être traité de la manière dont il l'a été pour avoir fait preuve de jugement concernant la protection du Canada?

M. Elcock: Je ne me prononcerai pas sur la qualité de son jugement. Dans ces circonstances, si une taupe faisait l'objet d'une enquête - je suppose que c'est à cela que l'honorable députée fait allusion - ce n'est pas une simple enquête de routine. C'est une enquête très complexe et très importante et il n'est pas vraisemblable qu'elle soit confiée à un agent chargé seulement des enquêtes de routine.

Le président: Merci, madame Meredith.

Il faut passer au suivant. Nous passons au troisième chapitre du premier tour.

Madame Cohen.

Mme Cohen (Windsor - St. Clair): Si je suis la première à intervenir de ce côté-ci, c'est pour une bonne raison. Je tiens à vous avertir, monsieur Elcock, que j'ai fait beaucoup de recherches. Je me sens en conséquence beaucoup plus qualifiée que quiconque ici présent pour parler d'espions, car la semaine dernière, j'ai vu à la fois The Rock et Mission Impossible.

Je veux en savoir plus sur ces Lambert. En fait, je veux en savoir plus sur les gens qui se livrent aux activités de renseignements comme celles qui ont fait la manchette des journaux dernièrement. Nous avons été tout particulièrement intrigués par ces gens qui fabriquent - je connais aussi tout le jargon - ces légendes au Canada.

Il me semble qu'avec le genre de ressources à notre disposition aujourd'hui au Canada, nous devrions pouvoir savoir qui est mort et qui est vivant, savoir si des certificats de naissance ou des certificats de décès ont été délivrés, ce genre de chose. Je sais que revenir en arrière est difficile. Le SCRS devrait-il recommander des façons de mieux tenir ces dossiers ou cela en vaut-il la peine? Y a-t-il un grand nombre de ces gens qui entrent dans notre pays?

M. Elcock: Que je sache, monsieur le président, aucune province ne conserve de dossiers qui aillent de la naissance à la mort, ce qui donne une certaine latitude aux personnes qui souhaitent fabriquer des légendes.

Quant à savoir si nous pouvons avoir une influence sur la manière dont ces dossiers sont traités, je n'en suis pas sûr. Je crois qu'il faudrait probablement quelqu'un avec un peu plus de poids que nous. Est-ce que ce serait une bonne idée? Oui. Mais pour le moment, je ne sais pas combien cela pourrait coûter. Ce serait peut-être être un obstacle.

Mme Cohen: Y a-t-il suffisamment d'incidents de ce genre pour justifier ce genre de dossiers? Je suppose qu'il y aurait d'autres raisons de conserver dans un même dossier les certificats de naissance et de décès, mais le SCRS considère-t-il le problème suffisamment important pour le justifier?

M. Elcock: Cela nous serait certainement utile, monsieur le président. Toute initiative qui nous facilite la tâche est séduisante et celle-ci la faciliterait certainement beaucoup.

.1600

Quant à savoir si les cas sont très nombreux, je ne peux pas vraiment m'avancer. Je ne suis pas certain que je pourrais vous donner un chiffre vraiment précis.

Mme Cohen: Cela faisait combien de temps que ce couple était au Canada?

M. Elcock: Malheureusement, pour des raisons de sécurité, je préfère m'abstenir de tout commentaire sur la durée de leur séjour au Canada...

Mme Cohen: Nous ne le répéterions à personne.

M. Elcock: ...ou tout du moins sur ce que nous en savons.

Mme Cohen: J'aurais dû m'y attendre après avoir vu ces films.

Je n'ai qu'une autre question à vous poser. Est-ce que c'est par hasard que vous avez découvert leurs activités? J'ai l'impression de participer à What's My Line?, mais le hasard a-t-il joué un rôle ou est-ce que vous avez des procédés particuliers?

M. Elcock: Nous avons certains procédés mais il y a toujours le hasard qui joue dans ce genre d'affaire.

Mme Cohen: Dans ce cas particulier, lorsque le SCRS a conclu qu'il y avait des raisons de s'inquiéter, quelles mesures a-t-il pris d'une manière générale?

M. Elcock: Monsieur le président, il n'est pas possible de prendre des mesures immédiates de vérification. La vérification peut parfois prendre très longtemps. Se servir de gens en situation irrégulière est commun dans ce métier. Ils sont très habiles, très bien formés et ce sont généralement des agents d'un service de renseignements étranger. Toute opération les visant doit être menée avec grand soin. Autrement, c'est toute l'enquête qui s'écroule. On perd toute chance d'obtenir des renseignements. On perd toute possibilité de retournement, par exemple, d'un de ces agents.

Il faut donc beaucoup de patience pour découvrir qui sont ces gens, ce qu'ils font ici, etc. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Mme Cohen: Non. Il pourrait donc être utile pour le SCRS ou pour le Canada de les laisser poursuivre leurs activités tout en les observant.

M. Elcock: Oui. Comme cela prend longtemps, il est toujours intéressant d'obtenir le maximum de renseignements sur la manière dont ils opèrent.

Mme Cohen: Savons-nous ce qui leur est arrivé à leur retour en Russie?

M. Elcock: Je suppose qu'ils ne vont probablement pas garder éternellement leur emploi. Mis à part cela, je n'ai pas de raison de croire qu'ils courent un danger quelconque.

Mme Cohen: Qui a payé leurs avocats?

M. Elcock: Pas nous, monsieur le président.

Mme Cohen: Ce sont toutes mes questions.

Le président: Merci.

C'est un tour de dix minutes qui a pris environ cinq minutes.

Y a-t-il des objections à ce que ce qui reste soit utilisé par M. Discepola? Très bien. Monsieur Discepola, cinq minutes.

M. Langlois est d'accord et il est tout à fait prêt...

Une voix: Il n'est pas du tout d'accord.

Le président: Il n'est pas d'accord.

[Français]

M. Langlois: Mme Cohen a vu Mission impossible; je pense plutôt à Un violon sur un toit. Nous n'avons pas eu beaucoup de collaboration de la part du Service, et vous en savez quelque chose, monsieur Elcock. N'ayant pas l'intention de reprendre la discussion, aux fins du procès-verbal, j'aimerais qu'on note que dans l'affaire que nous avons étudiée relativement aux dossiers dont parlait Mme Meredith, j'en suis venu sensiblement aux mêmes conclusions qu'elle. Ces événements seront par ailleurs rendus publics dans les jours à venir.

Tout à l'heure, vous avez rapidement renvoyé la balle à Travaux publics Canada. Je vais vous ramener aux commentaires du vérificateur général au paragraphe 8.53. Ce dernier est assez précis lorsqu'il dit:

.1605

Pourquoi avez-vous payé? Quelles mesures avez-vous prises en vue de corriger cette lacune d'administration publique qui m'apparaît assez fondamentale?

[Traduction]

M. Elcock: Pour ce qui est de la référence, dans le rapport du vérificateur général, aux sommes payées par anticipation pendant la construction de l'édifice, ces sommes ont été payées conformément aux termes du contrat entre nous et Travaux publics et nous.

[Français]

M. Langlois: Regardons le paragraphe 8.41. Grâce à collaboration, ça ne sera pas long. On nous dit:

[Traduction]

M. Elcock: Au tout début du projet, nous nous sommes demandé s'il était nécessaire d'avoir une salle qui pourrait servir de salle à manger. Il a ensuite été décidé que ce serait souhaitable et l'édifice a été construit en conséquence.

En vérité, c'est une salle de réunion, mais elle est équipée de façon à pouvoir servir de salle à manger en cas de nécessité. Nous l'utilisons à l'occasion pour recevoir certains dignitaires en visite. Il y a des gens à qui il est parfois plus difficile d'offrir un repas dans un restaurant ou même dans un club, car il y a certaines questions de sécurité à respecter et cette salle nous permet de le faire.

[Français]

M. Langlois: Les plans de construction originaux de votre édifice, tels qu'approuvés par le Conseil du Trésor, n'ont pas été suivis. Aux dires du vérificateur général, vous vous retrouvez avec 13 000 mètres carrés de plus, sans dépasser les coûts prévus. De tels événements sont rares en 1996 ou dans les années 1990. Avait-on artificiellement gonflé les coûts prévus? Étaient-ce des gens incompétents qui avaient fait ces prévisions? Comment en arrive-t-on à 13 000 pieds carrés de plus que ce qui était prévu aux plans? Qui a autorisé ce dépassement ou le changement dans les normes contractuelles?

[Traduction]

M. Elcock: C'est au tout début que la superficie a été fixée. Quand les contrats ont finalement été accordés et que la conception de l'édifice a été arrêtée, il y avait de l'espace en trop, et il y a toujours de l'espace en trop, comme le fait remarquer le vérificateur général. Cependant, comme vous l'avez aussi fait remarquer, le budget n'a pas été dépassé. Il aurait été très difficile de gonfler le coût et personne n'aurait eu d'intérêt particulier à gonfler le coût pour y trouver un bénéfice quelconque.

Le président: Merci.

Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci.

Une des questions que je veux vous poser, monsieur Elcock - elle a déjà été abordée - concerne l'espionnage économique. Je me demande si notre pays est bien préparé dans l'optique des nouvelles technologies et si nos entreprises sont bien préparées.

Pensez-vous que votre rôle consiste à informer certaines de ces compagnies de technologie avancée qu'elles pourraient être la cible d'espionnage économique, par exemple? Notre pays a-t-il les moyens d'informer les entreprises qui commercent outremer avec d'autres pays? Y a-t-il un risque de sécurité? Sont-elles vulnérables et simplement livrées à elles-mêmes?

M. Elcock: Étant donné la situation mondiale actuelle, il ne fait aucun doute que certains pays - et nous l'avons dit, je crois, dans notre rapport annuel - tentent d'obtenir ce genre d'information technologique dans l'espoir d'en tirer un quelconque avantage.

L'une de nos missions les plus importantes est la collecte des renseignements de sécurité sur toute tentative par un pays étranger d'obtenir, directement ou indirectement, ce genre de renseignements. Cela fait clairement partie du mandat qui est le nôtre en vertu de la Loi sur le SCRS.

.1610

Cependant, nous ne nous occupons pas d'espionnage industriel. En définitive, si un fabricant de savon veut voler la formule d'un autre fabricant de savons, ce n'est pas notre souci. Nous nous intéressons uniquement à l'implication, directe ou indirecte, d'un pays étranger.

Dans pareil cas, nous ouvrons une enquête et nous sommes à l'affût de toute activité de ce genre. Nous ne fournissons aucun service aux entreprises. En vertu de la loi, nous sommes tenus expressément de donner des conseils uniquement au gouvernement du Canada, de sorte que nous ne sommes pas habilités à alerter individuellement des entreprises précises. Toutefois, nous pouvons organiser pour leur gouverne des séances d'information sur les risques qui existent, sans entrer dans les détails, et c'est ce que nous faisons.

Ces derniers temps, nous avons participé à environ 1 600 séances d'information de ce genre que de nombreuses sociétés ont trouvées utiles. Nous les avons aussi trouvées utiles puisque, souvent, ces sociétés sont en mesure de nous fournir des renseignements qui nous intéressent.

Discepola: J'aimerais revenir à la question des locaux excédentaires qu'a soulevée M. Langlois. Cherchez-vous à sous-louer ces locaux à d'autres organismes, par exemple? Est-ce imaginable étant donné votre mandat en matière de sécurité nationale?

M. Elcock: Monsieur le président, en réalité, nous n'avons pas beaucoup de locaux excédentaires malgré d'importantes réductions des effectifs. Nous avons installé au siège social les employés du bureau de la région d'Ottawa et cela a occupé la plupart des locaux qui auraient été excédentaires. Nous avons des locaux non aménagés qu'il serait coûteux d'aménager. Nous avons quelques bureaux inoccupés qui sont en fait des locaux d'appoint comme on en trouve dans toute grande organisation. Si une organisation relativement petite et ayant la même vocation que nous se cherchait des locaux, bien entendu, nous accepterions de l'accueillir. Cependant, nous n'avons pas eu de candidats.

Le président: Merci.

Monsieur Hanger, vous avez cinq minutes.

M. Hanger (Calgary - Nord-Est): Monsieur Elcock, je suis curieux. En 1994, le ministre Gray a déposé un rapport au Parlement et a ensuite fait part de ses préoccupations aux médias. Le directeur du SCRS à l'époque lui en avait manifestement parlé. Le rapport indiquait que le SCRS comptait alors 2 366 employés au lieu de 2 700 auparavant. Le budget était passé de 229 à 207 millions de dollars la même année.

À cette époque, le ministre a dit que le rapport du SCRS était instructif et donnait à réfléchir. Il a ajouté que le gouvernement fédéral souhaitait veiller à ce que les immigrants récents au Canada ne soient pas manipulés par le gouvernement ou des groupes extrémistes de leur pays d'origine ou ne deviennent leurs victimes. Il a ajouté par ailleurs que, bien que la Guerre froide soit terminée, la situation mondiale ne justifie pas la complaisance. Le nombre de points chauds s'accroît partout dans le monde, ce qui accroît le nombre de menaces potentielles.

Dans votre rapport, aujourd'hui, vous dites que vous devez maintenir un équilibre délicat pour gérer les risques et vous parlez de la probabilité que la diminution des ressources correspond à une augmentation des risques. J'imagine que vous dites par là que le SCRS, comme tant d'autres ministères, fait l'objet de compressions budgétaires. Vous dites que les ressources diminuent tandis que les menaces pour la sécurité du Canada augmentent. D'abord, est-ce bien ce que vous voulez dire?

M. Elcock: Monsieur le président, comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire et sûrement ailleurs, nous croyons que pour l'instant les risques sont gérables.

Quelqu'un a déjà demandé au commissaire de la GRC quel effectif il faudrait pour garantir une protection adéquate ou une protection totale de nos frontières. Il a tenté de calculer combien d'agents de la GRC il faudrait si on voulait en placer un toutes les dix verges. Cela serait très coûteux. Il est impossible de garantir une sécurité absolue. Au bout du compte, cela se résume toujours à gérer les risques.

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Nous croyons qu'à l'heure actuelle nous sommes en mesure de gérer les risques; nous pouvons gérer les cibles actuelles et les problèmes courants avec les effectifs dont nous disposons et grâce au système informatisé et aux autres mécanismes dont nous nous sommes dotés et qui nous ont permis de continuer à nous acquitter de notre mandat bien que nous n'ayons plus 2700 employés et que notre budget ait beaucoup diminué. Cela ne veut pas dire que nous ne souhaiterions pas plus d'argent ou qu'avec plus d'argent nous ne ferions pas les choses autrement, mais le risque n'est pas ingérable.

M. Hanger: Quelle part du budget est consacrée aux activités anti-terroristes?

M. Elcock: À l'heure actuelle, environ les deux tiers de nos dépenses opérationnelles servent à financer les activités anti-terroristes.

M. Hanger: Périodiquement - une fois par année en fait - , le ministre de l'Immigration dépose un rapport concernant les permis ministériels. Cette année, le rapport révèle qu'environ5500 personnes jugées inadmissibles ont pu être admises au Canada grâce à un permis ministériel; 394 de ces personnes avaient été reconnues coupables d'une infraction criminelle, agression sexuelle ou meurtre, punissable d'une peine maximale de 10 ans ou plus, et 10 permis ont été accordés à des personnes soupçonnées de terrorisme. Comment le SCRS s'acquitte-t-il de son rôle dans de telles évaluations? Manifestement, pour qu'une personne soit qualifiée de terroriste, le SCRS a dû avoir son mot à dire dans l'approbation de la demande.

M. Elcock: Notre rôle est de faire des analyses, de collecter de l'information et de fournir des conseils au gouvernement. Au bout du compte, pour un dossier donné, le gouvernement a peut-être des motifs qui justifient sa décision d'accorder un permis ministériel. Bien entendu, je ne peux pas commenter des cas précis, mais notre rôle se limite à la fourniture de conseils. C'est au gouvernement de prendre la décision. Je ne peux pas vous dire ce que nous aurions recommandé dans un cas donné.

M. Hanger: Le SCRS collecte-t-il de l'information non seulement sur les terroristes qui entrent au Canada, mais aussi sur le crime organisé?

M. Elcock: Dans la mesure où le crime organisé ou, comme nous avons pris l'habitude de le dire, l'activité criminelle transnationale, relève du mandat du SCRS, et c'est parfois le cas, nous agissons.

M. Hanger: Si le SCRS possédait des renseignements sur des personnes présentes au Canada qui s'adonnaient à de telles activités, les transmettrait-il à juste titre cette information à l'organisme ou au ministère compétent?

M. Elcock: Nous les transmettrions au ministère compétent ou encore, si nous avions des renseignements sur des activités criminelles, nous les transmettrions aux autorités policières.

M. Hanger: Ainsi, les activités de ce ministère en ce qui concerne l'arrestation ou le renvoi relèveraient de ce seul ministère, indépendamment de la durée du séjour de ces personnes au Canada.

M. Elcock: Si vous dites que la décision ne nous appartient pas, vous avez raison. Je ne voudrais pas commenter... La décision est prise selon les procédures établies du ministère. Nous ne sommes là que pour donner des avis.

Le président: Monsieur Rideout.

M. Rideout (Moncton): Dans une optique légèrement différente, le SCRS a-t-il un accord de partage d'information avec le CST?

M. Elcock: Oui, il y a un protocole d'entente entre le SCRS et le CST.

M. Rideout: Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances l'information est partagée?

M. Elcock: Il y a un échange continu d'informations entre le SCRS et le CST. Je ne suis pas disposé à vous donner des détails sur la nature de l'information que nous échangeons.

M. Rideout: L'information collectée par le SCRS ou le CST est-elle parfois transmise à d'autres institutions gouvernementales ou à des institutions étrangères?

M. Elcock: En ce qui concerne l'information recueillie par le SCRS, oui. Nous ne recueillons pas de l'information uniquement pour la classer, mais plutôt pour l'utiliser dans le cadre d'une enquête ou pour la transmettre au gouvernement.

M. Rideout: Le SCRS reçoit-il parfois du CST de l'information recueillie par des organismes de renseignement de sécurité d'autres pays?

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M. Elcock: Oui, monsieur le président. Cela dépend de la nature des accords que nous avons avec d'autres pays, mais le CST recevrait ce genre d'information.

M. Rideout: Le partage d'information avec le SCRS et le CST est-il bidirectionnel?

M. Elcock: Oui, monsieur le président.

Le président: J'aimerais poser une question légèrement différente sur un point soulevé déjà par M. Rideout. Cela concerne des renseignements recueillis à l'étranger de temps à autre par le SCRS à la demande des ministres autorisés à formuler de telles requêtes en vertu de la loi.

Dans le rapport annuel du CSARS de 1994-1995, sous la rubrique «Renseignement étranger», à la page 45, troisième paragraphe, il y a deux phrases sur lesquelles j'aimerais vous interroger. Le CSARS dit:

La plupart d'entre nous comprenons la difficulté qui se pose pour le SCRS lorsqu'il doit alerter des tiers ou leur transmettre de l'information. Pouvez-vous nous indiquer comment procède le SCRS en pareil cas pour faire en sorte que les intéressés soient avertis? Dans ce cas-ci, je crois qu'il s'agit d'espionnage industriel ou d'espionnage concernant la production d'armes.

M. Elcock: Monsieur le président, normalement nous acheminons l'information par l'entremise de l'autorité compétente, selon le cas. Il peut s'agir d'un ministère, d'un service policier ou d'un autre organisme qui serait compétent soit pour utiliser l'information directement dans l'exercice de son propre mandat soit pour fournir des conseils à quelqu'un à l'extérieur du gouvernement.

Le président: En ce qui a trait aux services de police, il faudrait, j'imagine, que l'espionnage s'accompagne d'activités criminelles. Autrement, pourquoi s'en préoccuperaient-ils? Puis-je tirer cette conclusion?

M. Elcock: Je crois que vous interprétez cela peut-être trop étroitement. Je ne crois pas qu'il y ait eu une description précise de l'information. Il se peut qu'une menace précise ait été proférée contre une personne comme nous en avons déjà discuté, je crois, avec l'un des membres du comité.

Le président: Il est question de menaces proférées contre des personnes, mais il est question de noms de personnes, de sociétés et de produits fréquemment liés à la prolifération des armements. C'est de cela dont ils parlaient.

Si cela n'avait rien de criminel et ne pouvait intéresser un service de police, avertiriez-vous alors le ministère concerné?

M. Elcock: Oui, monsieur le président.

Le président: Le ministère serait alors en mesure d'alerter le fabricant. Est-ce ce que vous laissez entendre?

M. Elcock: Ou d'alerter quelqu'un. Il faudrait alors trouver le moyen de transmettre l'information si cela s'avérait nécessaire. Il y a peut-être des cas où ce n'est pas nécessaire.

Le président: Alors le SCRS est en mesure d'alerter les intéressés, mais pas directement. Cela se fait par l'entremise d'un tiers, un service de police ou un ministère.

M. Elcock: Oui. Comme nous l'avons déjà dit, lorsqu'une menace est proférée directement contre une personne, nous ne donnons pas de conseils directement à cette personne. Nous communiquons avec une autre instance en mesure d'agir directement - dans le cas d'un service de police, d'agir pour protéger quelqu'un; dans le cas d'un autre ministère, capable de donner des conseils sur une question précise à une entreprise, au besoin.

Le président: Puis-je vous demander de commenter un exemple hypothétique concernant la fabrication d'armements? Dans le cadre de son travail, le SCRS prend connaissance d'une tentative d'obtenir d'un fabricant canadien d'armements une technologie qui ne serait pas disponible autrement. Des armes utilisant cette technologie doivent être achetées par le gouvernement canadien ou encore doivent être fabriquées et le gouvernement canadien est l'une des parties à ce transfert de technologie. Comment le SCRS s'y prendrait-il pour avertir le fabricant canadien de la tentative de voler les secrets de fabrication des armes dans cet exemple?

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M. Elcock: En pareil cas, ce serait relativement facile puisque, si j'ai bien compris votre exemple hypothétique, le gouvernement est partie à la transaction. Si c'est le cas, alors il s'agirait tout simplement de veiller à ce que l'information soit transmise aux personnes responsables de la transaction. Ces personnes pourraient avertir l'entreprise.

Le président: Existe-t-il une directive ministérielle ou un protocole quelconque applicable aux moyens que peut mettre en oeuvre le SCRS pour avertir les intéressés?

M. Elcock: La loi est, pour ainsi dire, le protocole qui s'applique dans ces circonstances puisqu'elle exige tout simplement que nous donnions des conseils au gouvernement. Nous ne pouvons pas donner des conseils directement à quiconque à l'extérieur du gouvernement.

Le président: Madame Meredith.

Mme Meredith: Je serais curieuse de savoir où je pourrais trouver dans votre budget le montant des sommes consacrées à vos sources. Avez-vous des crédits affectés...?

M. Elcock: Cela fait partie de notre budget.

Mme Meredith: Du budget opérationnel?

M. Elcock: Notre budget est réparti essentiellement entre trois postes pour ce qui est des informations à caractère public, mais cela émarge à notre budget.

Mme Meredith: Comment décidez-vous quel degré de protection accorder à une source?

M. Elcock: La loi nous charge de l'obligation de protéger nos sources, et nous prenons cette obligation très au sérieux.

Mme Meredith: La protection est-elle la même pour toutes vos sources? Les traitez-vous toutes de la même façon ou les hiérarchisez-vous?

M. Elcock: Chaque situation est différente et chaque source aura besoin d'une aide personnalisée, pour ainsi dire.

Mme Meredith: Prenez-vous des mesures disciplinaires si l'identité d'une source est révélée par un membre du personnel ou un agent d'information?

M. Elcock: Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président. La loi nous interdit de révéler l'identité de nos sources.

Mme Meredith: Je ne savais pas que je demandais qu'on me révèle une identité. Je veux savoir si des mesures disciplinaires sont prises contre quelqu'un qui révélerait l'identité d'une source ou qui poserait des actes qui permettraient l'identification d'une source.

M. Elcock: Cela dépend des circonstances. Je ne saurais répondre à une question hypothétique.

Mme Meredith: Monsieur le président, j'essaie de savoir - et je n'obtiens pas de réponse - si des mesures disciplinaires sont prises advenant que des gestes posés par un employé du SCRS contribuent à l'identification d'une source?

M. Elcock: Ce n'est pas une question à laquelle on peut répondre par oui ou par non. Cela dépend des circonstances.

Mme Meredith: Ainsi, j'en conclus qu'aucune mesure disciplinaire n'est prise quand l'identité d'une source est révélée du fait de gestes posés par un employé du SCRS.

M. Elcock: Je ne crois pas avoir dit cela, monsieur le président. J'ai dit que cela dépend des circonstances.

Mme Meredith: Cette question me préoccupe, monsieur le président, car nous avons des raisons de croire que certaines sources sont très bien traitées, qu'elles reçoivent une aide financière...mais une source à Toronto a perdu son emploi car son identité a été révélée à cause des actions des employés du ministère. Je serais curieuse de savoir quelle procédure est prévue quand une personne ou plusieurs personnes sont responsables de la perte d'emploi d'une personne qui aurait coopéré avec votre organisme - si les gens sont réprimandés, disciplinés ou encore s'il est acceptable que certaines personnes, mais pas d'autres, révèlent l'identité d'une source.

M. Elcock: Je ne suis au courant d'aucun cas. Je ne suis pas du tout au courant du cas dont parle la député.

Certainement si une source s'estimait lésée - et cela s'est déjà produit - elle peut porter plainte auprès du CSARS.

Mme Meredith: Ainsi, une personne qui aurait à se plaindre du SCRS devrait s'adresser au CSARS?

M. Elcock: Si cette personne a à se plaindre du SCRS, oui.

Mme Meredith: Il n'existe aucun autre recours?

M. Elcock: J'imagine qu'il est toujours possible, dans un premier temps, que la personne tente d'obtenir un règlement, mais je ne sais rien du tout des cas dont la députée prétend avoir connaissance. Je ne sais pas si ce sont des cas légitimes.

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Mme Meredith: Ainsi, une personne souhaitant se plaindre du SCRS devrait s'adresser au CSARS. Le CSARS a-t-il accès à toute l'information requise pour régler le dossier?

M. Elcock: Bien sûr.

Le président: Monsieur Rideout.

M. Rideout: Je me suis dit que je pourrais peut-être poser quelques questions au sujet du budget des dépenses, puisque c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Je n'ai pas vu l'un ou l'autre film, alors je n'ose pas m'aventurer sur ce terrain-là.

Vous parlez de compressions budgétaires et je me demande si vous allez regrouper ou éliminer certains de vos programmes et opérations. Si oui, quelles activités seront touchées?

M. Elcock: Au fil des ans, nous avons - je ne vais pas répondre entièrement à votre question...

M. Rideout: Pourquoi ne sommes-nous pas étonnés?

M. Elcock: ... regroupé certaines activités. Par exemple, nous avons réduit le nombre d'affectations à l'étranger. Nous avons réduit la taille de nos bureaux dans tout le pays, dans certains cas à un point tel qu'il n'y a plus qu'une présence minimale que nous avons jugée essentielle pour assurer la liaison avec les fonctionnaires provinciaux des diverses régions du pays. Voilà quelques exemples du genre d'activités que nous avons regroupées.

Nous avons aussi informatisé énormément nos opérations pour réduire les dépenses, essentiellement. Nous n'avons plus beaucoup de commis au classement tout simplement parce que nous n'avons plus de documents à classer, ou très peu. Nos opérations sont informatisées pour l'essentiel. Nous avons mis en place des systèmes pour assurer une transmission aussi rapide que possible de l'information et pour faire en sorte que les décisions sur divers dossiers soient prises le plus rapidement possible. Nous avons ainsi pu réduire nos dépenses de beaucoup. Nous avons aussi regroupé ou réduit la taille des opérations directes, mais je préfère ne pas entrer dans les détails.

M. Rideout: Les réductions de dépenses résultent-elles directement de l'examen des programmes et le gouvernement vous avait-il fixé une cible à atteindre?

M. Elcock: Le gouvernement a certainement dit au ministère de combien devait être la réduction des dépenses. Je crois que le gouvernement à de la difficulté à traiter avec nous puisque, de même qu'il y a beaucoup de gens à l'extérieur du gouvernement qui savent peu de choses sur nous, il y a aussi beaucoup de gens au gouvernement qui n'en savent pas plus long et c'est donc extrêmement difficile.

Nous avons essayé d'absorber les coupures qu'on nous a demandé de faire et d'être aussi ouverts que possible quant aux réductions. Toutefois, comme j'ai essayé de le dire dans mon exposé liminaire, nous avons aussi tenté de faire comprendre que la réduction des ressources s'accompagne d'une augmentation des risques et de dire aussi qu'à notre avis nous approchons de la limite, si nous n'y sommes pas déjà et peut-être même, selon la définition que l'on choisit, si l'on ne l'a pas dépassée légèrement... Nous croyons que pour l'instant nous pouvons encore garantir la sécurité de façon efficace et efficiente, dans la mesure où c'est humainement possible.

M. Rideout: Avez-vous offert à vos employés un programme d'encouragement à la retraite anticipée semblable à ce qui a été offert à d'autres?

M. Elcock: Nous avons été parmi les ministères les plus touchés par la PDA et le PERA. Aux travailleurs syndiqués nous avons offert plus particulièrement la PDA, ou prime de départ anticipé. La plupart de ceux qui l'ont acceptée étaient des employés syndiqués plutôt que des membres du secteur opérationnel, des agents de renseignement.

M. Rideout: Enfin, parmi ceux qui prennent une retraite anticipée, beaucoup ont-ils travaillé auparavant dans le service de sécurité de la GRC?

M. Elcock: Non.

Le président: Monsieur Hanger.

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M. Hanger: Merci, monsieur le président.

Je sais que quatre secteurs feront l'objet d'un examen spécial. Il y a d'abord les organismes étrangers, ensuite le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et les conseils que le service leur fournit; il y aura aussi une évaluation de l'échange d'information au Canada dans le contexte de la lutte contre le crime organisé. Est-ce possiblement tout...

M. Elcock: Je ne sais pas au juste de quoi veut parler le député.

M. Hanger: Il s'agit du budget des dépenses du Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité pour 1996-1997 et ses projets. Je suppose qu'il s'agit du CSARS.

M. Elcock: C'est le CSARS. Voilà son programme pour la prochaine année.

M. Hanger: Ce sont les prévisions de dépenses du CSARS. Il fera donc l'évaluation des activités du SCRS en ce qui a trait aux opérations au Canada.

M. Elcock: Dans certains cas, monsieur le président, il s'agit d'une description assez large de ce qu'il a l'intention de faire. Il vérifie régulièrement nos opérations dans un secteur donné, dans une province, par exemple. C'est quelque chose qu'il fait régulièrement mais pour une région différente du Canada chaque année.

M. Hanger: J'imagine que, de temps à autre, il s'avère presque essentiel de contrôler les activités de certains citoyens canadiens, n'est-ce pas, s'ils sont associés à un groupe terroriste ou soumis à des influences étrangères?

M. Elcock: Si le SCRS ouvre une enquête dans un secteur donné, il se peut que le CSARS décide de faire un examen plus poussé de ce même secteur pour une année donnée.

M. Hanger: Dans le passé, les Mohawks auraient-ils figuré sur la liste?

M. Elcock: Je ne peux pas répondre, monsieur le président, et je ne veux pas donner l'impression de ne pas vouloir coopérer...

Mme Cohen: A-t-on fait un film là-dessus?

M. Elcock: Je ne peux pas dire qui nous pourrions cibler plus particulièrement. S'ils satisfont aux critères énoncés dans la Loi sur le SCRS en ce qui a trait aux menaces pour la sécurité du Canada et si nous pensons qu'une enquête est justifiée, nous ciblons les intéressés, quels qu'ils soient.

M. Hanger: J'ai eu la possibilité de rencontrer, à l'étranger, des agents de l'immigration, des agents de la GRC qui font des vérifications de sécurité dans le cas des candidats à l'immigration. Ils se sont plaints notamment de ne pas toujours pouvoir compter sur votre coopération pour obtenir de l'information, par exemple. L'information peut être transmise mais, pour une raison inconnue, aucune suite n'y est donnée, particulièrement lorsqu'il s'agit de candidats ayant des antécédents douteux, qu'ils aient eu des liens avec le crime organisé ou soient des terroristes.

Il semblerait que le blocage ne soit pas uniquement là-bas, pour ainsi dire, mais peut-être... L'information ne serait-elle pas ensuite transmise au SCRS une fois que la GRC et les responsables de la sécurité à l'étranger ont mis en commun leur information et fait leur rapport sur les personnes entrant au pays.

M. Elcock: Je ne sais pas au juste quel problème le député croit percevoir. Il y a peut-être des problèmes de temps à autre dans des missions précises. À ma connaissance, il n'y a pas de problème particulier à l'heure actuelle. Nous travaillons en étroite collaboration avec la GRC et avec les agents de l'immigration pour veiller à ce que soit transmise l'information en fonction de laquelle les agents de l'immigration prendront leur décision ou, dans certains cas, si c'est une question qui intéresse la police, qui permettra à la police de prendre une décision.

M. Hanger: Je serai un peu plus précis. Une mission diplomatique reçoit une demande. Les informations sont compilées et envoyées aux sources désignées, mais le demandeur peut se rendre dans une autre région du monde et faire une demande qui ne sera pas... Les sources originales d'information ne sont pas connues de tous. On dirait que ça tombe entre les mains d'une personne ou que ça arrive à un point en particulier et que ce n'est pas diffusé à partir de là.

M. Elcock: Je n'ai pas le droit de répondre, monsieur le président. Je ne connais pas assez bien le système du ministère de l'Immigration, et j'imagine que c'est ce dont vous parlez.

M. Hanger: Je parle des vérifications sécuritaires de l'immigration.

M. Elcock: Si les informations sont portées à notre attention, n'importe quel agent y aura accès à partir de notre base de données, donc je serai surpris si cela causait le moindre problème.

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Franchement, je ne sais même pas si l'Immigration a un problème, je n'ai donc pas le droit de répondre. Il existe une masse colossale d'information et il y a beaucoup de demandes. Il n'est pas impossible qu'il y ait des failles, mais chose certaine, je sais que nous faisons tout en notre pouvoir pour assurer la coordination et la transmission des informations.

Le président: Mme Cohen.

Mme Cohen: Faisant suite à ce que M. Hanger disait, ce sont des questions comme celles-là que je pose au CSARS. Souvent, dans nos bureaux de circonscription, nous aidons des réfugiés qui demandent le statut d'immigrant reçu ou des immigrants qui arrivent dans notre pays. Il arrive fréquemment qu'au même moment le SCRS fasse enquête, et ces enquêtes semblent s'éterniser. Ce n'est pas un reproche; je me demande seulement si ces retards sont causés par vos compressions et s'il y a quelque chose qu'on peut faire pour vous aider à accélérer les choses.

Je me demande aussi s'il n'y a pas quelqu'un d'autre qui pourrait faire ces vérifications afin que le SCRS puisse faire autre chose. Le SCRS est-il vraiment obligé de faire enquête sur toutes ces personnes, ou n'y a-t-il pas un autre organisme qui pourrait s'en occuper?

M. Elcock: Nous intervenons au niveau du filtrage sécuritaire. Nous ne recherchons pas d'information sur des affaires criminelles, mais si nous en trouvons, nous les transmettons. Nos enquêtes se limitent à notre sphère de compétences, et nous avons probablement, en fait, de meilleurs contacts que quiconque pour ce faire, dans la mesure où ces enquêtes sont nécessaires.

Pour vous donner une idée des chiffres, en 1994-1995, nous avons vérifié enviro 52 000 demandes, et 43 994 d'entre elles ont été vérifiées dans les 90 jours. Environ7 000, c'est-à-dire à peu près 14 p. 100, nous ont pris une année, et 569 ont pris plus d'une année. En 1995-1996, 51 p. 100 des demandes ont été traitées en 62 jours, 49 p. 100 en 110 jours, et 0,7 p. 100 ont pris plus d'une année.

Il arrive que ces enquêtes prennent beaucoup de temps, non pas parce que la demande comporte quoique ce soit de grave ou d'important. C'est simplement qu'il faut parfois beaucoup de temps pour obtenir des informations des autorités compétentes d'un pays en particulier, à partir desquelles nous pouvons faire une recommandation dans un sens ou l'autre.

Mme Cohen: Y a-t-il des pays qui posent plus de problèmes que d'autres, où cela prend plus de temps? Y a-t-il certaines tendances?

M. Elcock: Il peut s'agir de la taille du pays, de la compétence de sa bureaucratie, et dans certains cas de l'état des communications qui nous permettent de faire ces vérifications, c'est beaucoup plus tout cela qui intervient que la lenteur elle-même.

Mme Cohen: Lorsqu'on tarde à traiter une demande, y a-t-il quelqu'un à qui l'on peut téléphoner, non pas pour savoir ce qui se passe, mais pour s'assurer que quelqu'un sait qu'on tarde à agir dans tel ou tel dossier?

Soyons francs: il arrive que des dossiers s'égarent. Je ne dis pas que c'est arrivé, et chose certaine, je ne connais pas de cas de ce genre, mais lorsque les choses traînent en longueur, que vous êtes député de Windsor et que vous avez une famille dans votre bureau, vous aimeriez à tout le moins être en mesure d'agir afin de la rassurer ou de vous rassurer vous-même que le système fonctionne et qu'on va finir par obtenir un oui ou un non.

Cette famille peut éprouver des difficultés. Il se peut qu'elle ait fait faire tous les examens médicaux qu'il lui faut et qu'elle n'ait pas les moyens d'en faire faire de nouveaux, et le délai approche. Y a-t-il quelqu'un qu'on peut contacter au SCRS? Dans les autres ministères, il y a une personne qu'on peut contacter. Voulez-vous nommer cette personne? Donnez-nous une source.

M. Elcock: Dans certains cas, nous ne sommes même pas la cause du retard; nous faisons tout simplement partie du processus. Ce n'est pas nous qui décidons au bout du compte. Nous ne faisons que réunir les informations et faire une recommandation, et de là, quelqu'un d'autre prend le relais.

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Dans la mesure où il y a en fait un problème de sécurité qui se pose à nous, je reçois beaucoup de lettres - parfois des coups de fil, mais plus souvent des lettres - où on nous demande de voir où en est tel ou tel dossier. Nous ne donnons pas de réponse, mais nous faisons à tout le moins les vérifications voulues.

Le président: Monsieur Elcock, j'ai quelques questions. Le 30 mai, le sous-ministre de la Justice a témoigné devant le comité plénier, et nous avons discuté d'un groupe de travail interministériel qui se penche sur l'utilisation éventuelle des données réunies par le SCRS dans les enquêtes criminelles. On se penche là-dessus. Pouvez-vous me dire si le SCRS est présent au sein de ce groupe de travail?

M. Elcock: Oui, monsieur le président. Si nous n'y étions pas, cela m'inquiéterait un peu.

Le président: Nous aussi. Pouvez-vous nous dire quel est l'objectif de ce groupe de travail, ou ce que j'ai dit est-il suffisant?

M. Elcock: Pour ma part, je n'ai rien à dire. Le sous-ministre de la Justice a dit ce qu'il avait à dire. Au bout du compte, toutes les recommandations que le groupe fera sur les mesures à prendre seront adressées aux ministres. Je ne peux pas dire ce que les ministres voudront en faire.

Le président: C'est bien répondu.

Il pourrait être nécessaire de repenser la loi sur les secrets officiels, ou peut-être pas.

M. Elcock: Peut-être.

Le président: En tant que directeur du SCRS, pensez-vous que cette loi a grand besoin d'être mise à jour?

M. Elcock: Beaucoup m'ont dit que ce n'est peut-être pas la meilleure loi du monde moderne. C'est peut-être une loi qu'il faudrait examiner, monsieur le président.

Le président: Nous avons parlé des compressions qui se font en ce moment et de l'utilisation plus efficiente de vos crédits. Votre effectif va diminuer en fonction de la cible que vous vous êtes donnée, mais il se peut qu'un jour vous ayez un plus grand besoin de ressources pour vos activités d'enquêtes. Le service a-t-il un plan d'urgence qui lui permettrait de grossir son effectif d'enquêteurs en cas de besoins urgents?

M. Elcock: Voulez-vous savoir, monsieur le président, où nous trouverions des gens si une urgence se présentait soudainement?

Le président: C'est exact. Vous faites un travail qui exige un peu de formation.

M. Elcock: Malheureusement, monsieur le président, il faut une longue formation. Je dois dire que nous ne serions pas en mesure de recruter instantanément beaucoup de monde. Il faudrait faire des réaffectations et repenser nos priorités jusqu'au moment où nous pourrions trouver assez de monde, en partant de l'hypothèse bien sûr qu'on aurait l'autorisation voulue pour dépenser davantage. Je pense que nous pourrions nous débrouiller, mais on ne planifie jamais en fonction de deux ou trois crises à la fois, donc il n'y a jamais de certitude absolue.

Le président: J'ai une toute petite question à ce sujet. Le service recrute-t-il en ce moment, étant donné qu'il faut beaucoup de temps avant que ces gens ne puissent entrer en fonction?

M. Elcock: Oui, nous n'avons pas cessé de recruter tout au long de la période de gel. Il nous faut faire ça. Il y a des gens qui partent, nous devons en trouver de nouveaux, particulièrement du côté opérationnel, mais aussi à tous les autres niveaux. Nous devons recruter des gens qui comprennent les opérations et qui peuvent les mener à bien. Ce qui veut dire qu'il nous faut constamment renouveler notre personnel. Strictement du côté opérationnel, nous engageons entre 30 et 40 personnes par année.

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Le président: Il y a donc encore place chez vous pour les jeunes gens qui veulent faire carrière.

M. Elcock: Absolument. Nous recrutons des jeunes gens très brillants, monsieur le président.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Hanger: J'aimerais savoir comment le SCRS dispose ses ressources dans le secteur où le crime organisé est très actif. Je songe particulièrement aux triades, étant donné qu'elles sont répandues dans le monde entier et qu'elles préoccupent tant les services policiers, sans parler des avanies qu'elles font subir à leurs propres compatriotes. Étant donné qu'il faut des ressources considérables pour contrer des criminels aussi mobiles, le SCRS compte-t-il vouer aussi plus de ressources à ce secteur?

M. Elcock: Comparativement à ce qu'on faisait il y a quelques années, on se préoccupe davantage aujourd'hui des activités criminelles transnationales. C'est un secteur qui nécessitera davantage de ressources, mais vous dire dans quelle mesure c'est un problème grave pour nous... Au bout du compte, nous ne sommes pas un service policier, nous sommes un service de renseignements. Il y a plusieurs façons dont nous pouvons agir et conseiller le gouvernement et communiquer également des informations à la police de temps à autre.

Donc, nous pourrons peut-être intervenir ici sans obérer nos autres ressources. Il nous faut continuellement gérer nos ressources et les affecter aux bons endroits. Tout dépend de la nature des défis qui se posent à nous. Chose certaine, nos agents de renseignements constituent un effectif très flexible qui peut passer aisément d'un problème à l'autre.

M. Hanger: Quand on voit certaines personnes qui entrent dans notre pays et qui reçoivent même la citoyenneté canadienne, on se demande ce qu'on fait de toutes ces informations, pas seulement pour ce qui concerne les triades mais aussi la maffia russe, qui est à peu près aussi active sur la côte est que les triades partout au Canada et plus particulièrement sur la côte Ouest.

Je crois que toute la question est là. Je me rappelle cet incident de 1993, où l'on a permis à un certain Abdirahman, l'ancien ministre de la Défense somalien, d'entrer au Canada et d'obtenir une habilitation sécuritaire quelconque. Personne ne sait comment il a réussi à passer à travers les mailles du filet. Et pourtant c'était un personnage très connu, c'était l'ancien ministre de la Défense de la Somalie. Chose certaine, il a réussi à se faufiler chez nous. Que fait-on depuis pour donner aux Canadiens l'assurance que des incidents de ce genre ne se reproduiront plus, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas eu d'autres depuis, mais...

M. Elcock: Il n'y a pas d'assurance absolue. Il n'existe pas de moyens absolus de s'assurer qu'une personne ayant un casier judiciaire n'entrera pas au pays, soit parce qu'elle a détruit tous ses documents d'identité avant son arrivée, et il faut donc des mois et parfois même des années pour l'identifier, ou soit parce qu'elle est arrivée ici avec de faux documents ou quelque chose du genre. Nous faisons de notre mieux, tout comme la GRC et l'Immigration, pour nous assurer que cela ne se produit pas, mais il n'y a pas de garantie absolue. Il n'y a pas de moyen absolu de s'assurer que toute personne qui arrive ici est bel et bien celle qu'elle dit être et même qu'elle a une identité quelconque.

Une fois que la personne est ici, nous pouvons aussi, si un problème se présente, commencer à réunir les informations qui permettront au gouvernement de l'expulser. Cela arrive, comme vous l'ont appris, j'en suis sûr, certaines affaires qui ont été rapportées dans la presse.

M. Hanger: Ce qui est scandaleux ici, lorsqu'il s'agit de personnages très connus comme celui-là, ou même de ceux qui ne sont que de simples voyous ou des assassins ou quoi que ce soit d'autre, c'est le fait que le gouvernement semble incapable de les expulser lorsqu'il a en main les informations voulues.

M. Elcock: Au bout du compte, ce n'est pas moi qui peux résoudre ce problème.

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M. Hanger: Je suis d'accord.

M. Elcock: Je compose avec un système où la solidarité est la règle, comme l'a dit un personnage célèbre. En fait, je crois que bon nombre de gens ont profité de ce système.

Il ne fait aucun doute qu'on voudrait un système très efficace, mais bien sûr, pour respecter les droits et les libertés démocratiques et autres, il faut vivre avec certaines choses. Il ne m'appartient pas, au bout du compte, de dire ce qu'il faut accepter. En fait, mesdames et messieurs, c'est beaucoup plus à vous qu'à moi qu'il appartient d'agir ici.

J'aimerais faire seulement une autre observation. Au bout du compte, comme je l'ai dit, nous n'avons pas toujours toutes les informations voulues. Certains pensent que les services de renseignements disposent de moyens illimités pour réunir des informations et qu'ils ont à leur disposition des tonnes et des tonnes d'informations. Nous croyons que nous avons d'excellents contacts et nous croyons que nous avons en place d'excellents systèmes d'information qui nous permettent de prendre des décisions, mais nous ne sommes pas omniscients; nous n'avons pas tout ce qu'il nous faut.

Dans de nombreux cas, il se peut fort bien que les accusations qui pèsent contre ces gens ne puissent être prouvées et même que l'enquête confirme qu'elles sont sans fondement. Donc, franchement, tout est ici beaucoup plus facile à dire qu'à faire.

Le président: Madame Meredith, avez-vous une question?

Mme Meredith: J'aimerais qu'on parle de votre discrétion. Il y a eu deux cas au Canada où vos employés avaient des contacts non déclarés avec des cibles. Vous aviez deux personnes qui travaillaient pour vous comme traducteurs, une à Vancouver et une à Montréal. Pourquoi votre service s'est-il montré si sévère dans l'affaire Kwan, à Vancouver, envers ce traducteur chinois, et pourquoi avez-vous réagi tout à fait différemment envers ce traducteur russe à Montréal?

M. Elcock: Monsieur le président, je trouve plus qu'offensante cette allusion au racisme. Cela dit, permettez-moi de vous dire sans ambages que ces cas étaient très différents et que les décisions qui ont été prises reposaient sur des éléments très différents. Il n'y avait aucune ressemblance entre ces deux situations, et il est parfaitement inexact d'insinuer le contraire.

Mme Meredith: Vous avez parfaitement raison, monsieur Elcock. À Vancouver, il s'agissait strictement d'une personne qui avait eu des contacts non déclarés. À Montréal, non seulement la personne avait des contacts non déclarés, elle a échoué au polygraphe. Les deux cas n'étaient pas semblables, pourtant, dans celui qui semble moins grave pour le profane, la personne a été punie très durement. Vos services ont refusé de l'engager même après qu'un tribunal fédéral a dit que vous devriez l'engager, et même après que le CSARS a dit que vous devriez l'engager. Dans l'autre cas, qui me paraît beaucoup plus grave à moi en tant que profane, rien n'a été fait. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre ces deux cas?

M. Elcock: Monsieur le président, malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous donner tous les détails de ces affaires, non seulement parce que les informations dans certains cas ont trait à des questions de sécurité, mais aussi parce que la loi qui protège la vie privée de ces deux personnes me l'interdit. Je donne l'assurance au comité que ces deux affaires étaient totalement différentes, que les décisions qui ont été prises étaient les bonnes dans les circonstances, peu importe les apparences qu'elles peuvent avoir pour un profane.

Mme Meredith: J'ai une dernière question, monsieur le président. Je veux savoir pourquoi une personne présentant un dossier faisant état de son excellent rendement est congédiée cinq mois plus tard parce qu'elle n'a pas obéi aux ordres et a mis un terme à une enquête.

M. Elcock: Monsieur le président, je n'ai pas la moindre idée de ce dont on parle et je ne peux donc rien dire.

Mme Meredith: Il s'agit de M. Pierre Roy de la région de Montréal.

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M. Elcock: Comme je l'ai déjà dit, monsieur le président, M. Roy n'a pas été congédié. Il n'était pas à l'emploi du service. C'était un simple contractuel qui faisait des enquêtes de filtrage sécuritaire de routine.

Mme Meredith: N'est-il pas vrai que le dernier contrat de M. Roy avait été renouvelé, et qu'il ne s'agissait pas d'un contrat pour une seule année?

M. Elcock: Je ne suis pas au courant de ses états de service antérieurs au SCRS. Mais je crois qu'il s'agit d'une période relativement brève.

Mme Meredith: Je crois qu'il a eu plus d'un contrat et qu'on a mis un terme à son contrat. Il a été congédié. Pouvez-vous nous expliquer comment une personne qui a été félicitée pour son rendement excellent peut être congédiée la même année?

M. Elcock: Dans ce cas-ci, monsieur le président, je ne suis pas en mesure de vous en dire plus que ce que vous savez sur cette affaire. Encore là, pour des motifs de sécurité et pour protéger la vie privée de cette personne, il n'est pas inconcevable que ce genre de choses se produisent, même dans un cas hypothétique. Et franchement, même si c'est un cas hypothétique, je ne vois rien d'étrange à cela.

Le président: Merci.

Je crois que nous avons un consensus. Il est 17 heures et nous avons réussi à discuter de la plupart des questions à l'ordre du jour.

Avant de clore la séance, pour en revenir à ce que je disais au début, monsieur Elcock, les membres du comité vont planifier leur calendrier d'automne au cours de l'été et je tiens à vous remercier d'avoir été des nôtres.

La séance est levée.

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