[Enregistrement électronique]
Le vendredi 4 octobre 1996
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Torsney): Bonjour à tous.
Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour souhaiter la bienvenue à notre Comité sur les institutions financières internationales, à M. Omar Kabbaj, président de la Banque africaine de développement.
Monsieur Kabbaj, voulez-vous nous présenter les collègues qui vous accompagnent.
[Français]
Vous pouvez le faire en français ou en anglais.
[Traduction]
M. Omar Kabbaj (président, Banque africaine de développement): C'est comme vous voulez. Je vais parler dans les deux langues.
Permettez-moi de vous présenter mes collègues, mais auparavant, je vous remercie d'avoir organisé cette réunion. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré votre temps qui est très précieux.
Je suis accompagné de Mme Scrimshaw, la directrice exécutive pour le Canada à notre conseil d'administration. M. Rwegasira est mon conseiller spécial, M. H'Midouche dirige les opérations de notre société au Canada.
M. Jim C. Carruthers (directeur général, Institutions financières, Direction générale des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement international): Je m'appelle Jim Carruthers, de l'ACDI, institutions financières internationales.
M. Peter Mousley (directeur, Banques de développement multilatérales, Institutions financières, Direction générale des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement international): Je m'appelle Peter Mousley, et je travaille à l'ACDI, à la même direction.
La présidente suppléante (Mme Torsney): Formidable. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous.
Peut-être pourriez-vous faire des déclarations d'ouverture, peut-être en cinq ou dix minutes, après quoi mes collègues voudront vous poser des questions. Ensuite, nous vous libérerons pour que vous puissiez aller à votre réunion suivante.
M. Kabbaj: Merci beaucoup. J'ai l'intention d'aborder deux questions en particulier.
Premièrement, j'aimerais dire quelques mots de la situation actuelle dans le continent africain car elle a une incidence sur nos activités. Deuxièmement, je vais bien sûr vous parler de la banque et de ses activités actuelles.
La présidente suppléante (Mme Torsney): Je veux seulement vous rappeler que nous avons l'interprétation simultanée et que vous pouvez parler dans la langue qui vous convient le mieux.
M. Kabbaj: Merci. En ce qui concerne le continent africain, un gros changement est en train de se produire. Au début des années 90, la croissance était très lente, ne dépassant pas 1 p. 100. L'inflation était élevée et d'autres problèmes surgissaient également.
Depuis 1994, 1995 et 1996, on observe une relance de la croissance. L'année dernière, nous avons assisté à une croissance moyenne de 3 p. 100. En 1996, elle est de 5 p. 100. Toutes les organisations internationales, y compris la BAD, s'attendent à ce que ce niveau de 5 p. 100 se maintienne, au moins jusqu'à la fin du siècle, à condition bien sûr que les pays continuent à appliquer de «bonnes» politiques. Nous pensons que cela devrait être le cas parce que la majeure partie des pays africains mettent en oeuvre actuellement des programmes d'adaptation et de croissance, et cela, avec le soutien du FMI et de la banque mondiale, ce qui permettra probablement de maintenir ces conditions favorables.
Je devrais mentionner également que ces taux de croissance pourraient être plus élevés si certains pays, qui ne participent pas à ce mouvement, mettaient en oeuvre de tels programmes. Il s'agit principalement du Zaïre et du Soudan, par exemple, qui sont d'énormes pays et qui ont un potentiel considérable. Cela vous donne une idée du potentiel de croissance si ces pays-là décidaient de reprendre le chemin de la croissance. Dans cette éventualité, je suis certain qu'on pourrait atteindre des niveaux de 7 et peut-être même 8 p. 100, des niveaux qu'on pourrait maintenir, ce qui démontrerait que le potentiel de l'Afrique est à la hauteur des taux de croissance qu'on voit en Asie.
Les taux d'inflation ont baissé en Afrique; on se tourne de plus en plus vers une plus grande libéralisation des échanges et l'ouverture. Certains pays privatisent de plus en plus, et tout cela suscite des espoirs pour le continent africain.
Nous espérons pouvoir démontrer, peut-être d'ici deux ou trois ans, que ce scepticisme et ce soi-disant afro-pessimisme, qui se justifiait peut-être il y a quelques années, ne se justifiera plus dans l'avenir, et peut-être même d'ici très peu de temps.
Toutefois, comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais maintenant vous parler de la BAD. Comme vous le savez sans doute, en plus des problèmes auxquels se heurtent toutes les BDM, la BAD a traversé une période de problèmes particuliers. Cette période a commencé aux environs de 1992 ou 1993 pour se poursuivre jusqu'à l'année dernière. Problèmes de qualité du portefeuille, problèmes de gestion de la banque, problème de régie qui ont provoqué des tensions entre les partenaires de la banque.
Devant cette situation, l'année dernière nos gouverneurs ont décidé de changer la direction de la banque. Depuis un an, nous avons donc mis en oeuvre un programme exhaustif de réformes qui portent sur tous les secteurs d'activité de la banque et tous ses services. Nous avons restructuré en réduisant le personnel et en nommant de nouveaux administrateurs: 70 p. 100 des administrateurs sont nouveaux venus, et 30 p. 100 des postes administratifs ont été éliminés. D'autre part, on a réduit le personnel total de 20 p. 100.
[Français]
Nous avons aussi agi sur les opérations, sur la qualité du portefeuille, sur la supervision des projets et sur la postévaluation. Nous avons renforcé la politique de crédit en ne donnant des crédits non concessionnels qu'à un certain nombre réduit de pays qui ont la capacité de les servir. Nous avons créé des unités en ce qui concerne la fourniture de biens et services dans les programmes financés par la Banque, qui est indépendante et qui supervise les opérations, parce que là aussi il y avait eu des problèmes.
Nous avons créé une unité de gestion de risques et nous avons donné une impulsion importante au développement du secteur privé. Nous avons fait approuver par notre conseil d'administration une stratégie du secteur privé qui est similaire à celle des autres institutions de développement et qui comprend un certain nombre de choses qui vont aider les pays à créer un environnement favorable au développement du secteur privé, à financer des projets en prenant des participations et en accordant des prêts, avec l'accent mis sur la nécessité d'avoir une synergie entre le secteur privé étranger et le secteur privé local.
Nous allons participer à des opérations de financement d'infrastructures, de transfert de secteur public à secteur privé, plus particulièrement dans l'énergie et les télécommunications, qui sont importantes en termes d'avantages comparativement aux entreprises canadiennes.
Nous allons participer aux processus de privatisation qui commencent, comme je l'ai dit tout à l'heure, à se développer au niveau de beaucoup de pays du continent. Et enfin, nous allons fournir des prêts et du financement aux micro-entreprises par l'intermédiaire d'organisations non gouvernementales avec lesquelles nous sommes en train de développer des relations suivies.
Nous avons organisé une réunion qui aura lieu au début de décembre à Abidjan, avec des ONG représentant tout le continent africain ainsi que des ONG non régionales, dont deux ONG canadiennes. Nous travaillons aussi sur les aspects financiers et sur les aspects du gouvernement. Je crois qu'on n'a pas assez de temps pour parler de tout cela. Je vous laisserai cependant des copies du discours que j'ai fait hier et qui donne un peu plus de détails sur ces questions.
En ce qui concerne la stratégie de la Banque, celle-ci est axée sur la lutte contre la pauvreté. C'est l'élément essentiel de notre travail. Notre mission, d'après nos statuts, consiste à aider les pays membres, à accompagner leurs efforts de développement économique et social.
[Traduction]
Ceci correspond parfaitement à notre travail. Nous avons 65 p. 100 de nos ressources concessionnelles qui sont dirigées vers la lutte contre la pauvreté, c'est-à-dire l'agriculture, le développement rural et les secteurs sociaux comme la santé et l'éducation, et également tous les thèmes de développement durable, à savoir l'environnement, le développement de la femme et d'autres choses dans ces domaines.
Nous avons également créé une unité spéciale qui s'occupe maintenant, à la Banque, de ces cross-cutting teams - je ne sais pas comment on le dit en français. Donc, nous sommes en train de développer ces activités.
Évidemment, nous faisons aussi de l'infrastructure. Il faut compter à peu près 65 p. 100 pour le social et 20 p. 100 pour les infrastructures, et le reste est consacré à la participation au financement des opérations d'ajustement structurel de notre pays dans tous les domaines, particulièrement dans le secteur financier, et pour créer des conditions favorables au développement du secteur privé.
Naturellement, on ne peut pas faire du social tout seul. Alors, nous mettons en place des mécanismes pour aider à la croissance. Nous contribuons donc, avec les autres organisations internationales, par nos conseils et par notre participation à ces prêts à l'ajustement structurel, à créer des conditions propices à la croissance économique parce que, sans croissance, on ne peut naturellement pas faire de social.
Dans cette stratégie de croissance, comme vous le voyez, nous donnons une importance accrue au secteur privé. Notre objectif pour les cinq prochaines années est d'avoir 25 p. 100 des activités de notre banque consacrées au développement du secteur privé.
Il me reste à dire quelques mots sur les relations de la Banque avec le Canada. Je crois que ces relations sont excellentes. Le Canada a toujours été un ardent supporteur de l'Afrique et de la BAD. Le Canada est l'un des membres les plus importants non régionaux de notre banque. Il détient 3 p. 100 du capital de la Banque et a participé à 10 p. 100 au financement de notre guichet concessionnel FAD jusqu'à la dernière reconstitution de ce guichet.
Nous avons des accords de coopération qui fonctionnent et en vertu desquels le Canada a mis à notre disposition une assistance technique sous la forme de consultants canadiens et autres. Hier, j'ai eu le plaisir de signer un nouvel accord avec Son Excellence M. Pettigrew. Dans ce domaine également, des entreprises et des consultants canadiens participent évidemment aux projets financés par la Banque, et nous n'avons qu'à nous féliciter de cet ensemble de relations qui sont exemplaires et que ma visite ici va certainement consolider.
À partir du mois de novembre, nous allons envoyer des missions plus ciblées, après cette mission de premier contact, pour prendre les contacts nécessaires, particulièrement avec le secteur privé, pour développer sa participation à la fois en matière de fourniture de biens et services au niveau des opérations de la Banque et au niveau des investissements possibles, parce que nous considérons que notre rôle sera de plus en plus de faire le catalyseur entre l'investisseur local et l'investisseur non régional.
Honorables représentants et députés, voilà ce que j'avais à dire. Mes collègues et moi sommes à votre disposition, Mme Scrimshaw particulièrement, pour les questions que vous pourriez avoir. Merci beaucoup.
La présidente suppléante (Mme Torsney): J'ai ici deux collègues, Philippe Paré, qui est député du Bloc Québécois et Herb Grubel, qui est député du Parti réformiste et vient de Colombie-Britannique. Monsieur Paré, vous avez une question?
M. Paré (Louis-Hébert): Je voudrais me joindre à la présidente pour vous souhaiter la bienvenue et vous dire que nous sommes heureux de vous accueillir. Malheureusement, le nombre de députés est un peu restreint. Le vendredi, c'est toujours plus difficile, d'autant plus qu'aujourd'hui il y a une délégation roumaine qui occupe un certain nombre de députés.
Le Comité des affaires étrangères et du commerce international a procédé l'an passé à une analyse, qu'on a voulu faire en profondeur, des institutions financières internationales. Cela a fait l'objet d'un rapport que vous avez sans doute déjà entre les mains, de sorte qu'une longue réflexion a été faite autour de ces thèmes-là.
Au moment où on avait procédé à cette étude et au moment où on avait procédé à la révision de la politique étrangère en 1994-1995, on avait reçu un très grand nombre de témoins qui ont parlé de différents sujets, entre autres toute la question de la coopération internationale, de l'aide publique au développement, de la pauvreté et du développement durable. À ce moment-là, un bon nombre de témoins avaient mis en cause les programmes d'ajustement structurel que des institutions financières internationales avaient mis en place. Ces programmes n'ont pas toujours, bien au contraire, atteint leur objectif, si tant est que leur objectif était l'élimination de la pauvreté.
Dans votre exposé, monsieur le président, en parlant du taux de croissance de l'Afrique, vous avez un peu assimilé ce taux de croissance à l'application de programmes d'ajustement structurel et de programmes de croissance. J'ai mes réserves, bien sûr, par rapport à l'ajustement structurel, mais j'aimerais que vous me donniez votre appréciation parce que vous avez dit que la principale stratégie de la Banque était la lutte contre la pauvreté.
J'aimerais que vous me rassuriez. Est-ce qu'en Afrique, les programmes d'ajustement structurel ont été un moyen d'éliminer la pauvreté ou s'ils n'ont pas, au contraire, créé de la pauvreté? Vous avez parlé de croissance économique et vous l'avez fait à juste titre. Par contre, la croissance économique est une chose et le développement économique durable en est une autre. Peut-être y a-t-il adéquation entre les deux, mais j'aimerais que vous me rassuriez par rapport à ces éléments-là.
M. Kabbaj: Merci beaucoup. C'est une question très importante. Je crois que le temps qui m'était imparti pour m'expliquer était peut-être trop court pour aller plus dans les détails et j'ai peut-être donné l'impression de rendre équivalents la croissance et le développement et de les allier trop à l'ajustement.
J'ai quand même une expérience des deux côtés de la table, parce que j'étais à la fois représentant au niveau des institutions et représentant des pays de l'autre côté de la table. Donc, j'ai eu à défendre votre point de vue tout en tenant compte du point de vue de l'autre côté.
Évidemment, le monde n'est pas aussi simple. Il y a des contraintes qui vont avec ces institutions. Les pays ont souvent des contraintes et des problèmes. En Afrique, en général, les problèmes sont complexes. Quand un pays se présente au niveau du Fonds monétaire et de la Banque mondiale, et c'est surtout arrivé dans les années passées, il a laissé la situation se détériorer à un degré tel qu'elle est devenue pratiquement ingérable. C'est comme un malade qui arrive chez le médecin après avoir négligé sa maladie pendant des années. Évidemment, la dose de médicaments ou la durée du traitement qui lui est imposée dans ce cas-là est beaucoup plus importante que s'il était venu au moment opportun.
Malheureusement, dans nos pays, quand il y a des baisses de matières premières très brutales, les responsables politiques ont toujours tendance à penser que c'est temporaire et que ça va s'arranger.
C'est ce qui est arrivé en Afrique d'ailleurs. Je prends l'exemple de la Côte d'Ivoire qui a coulé de cette façon. M. Houphouët-Boigny a vu le cacao chuter, mais il n'a pas compris que c'était une chute permanente. Donc, il a laissé pendant cinq ou dix ans son pays détruire ses équilibres macro-économiques. Évidemment, quand on se présente au FMI dans ces conditions, il faut prendre des mesures radicales.
La question de savoir si c'est nécessaire ou non est évidemment une question politique. Je crois que sur le plan financier, il ne peut pas y avoir croissance si vous n'avez pas au moins, je ne dis pas l'équilibre parfait, mais de meilleurs équilibres sur le plan macro-économique. Il faut que vous ayez un budget soutenable parce que c'est lié à la dette. C'est valable pour les grands pays comme pour les petits. Donc, quand vous avez un niveau de dettes très élevé, vous ne pouvez pas vous permettre de déficit budgétaire. Pour l'extérieur, c'est la même chose, puisque le déficit du compte courant est lié. Si vous n'arrivez pas à le financer, si vos bailleurs de fonds ne peuvent pas le financer, vous êtes bloqué. Donc, vous ne pouvez plus payer votre dette. À un moment donné, des pays africains ne payaient même plus leurs fonctionnaires pendant des mois.
Il y a donc des réalités qui font que les pays, quels qu'ils soient, à un moment donné, n'ont pas d'autres choix que d'appliquer des programmes d'ajustement pour ramener leurs déficits à des niveaux raisonnables. Le secteur privé ne viendra jamais dans un pays qui n'est pas capable de gérer sa dette ou qui n'est pas capable de payer ses fonctionnaires.
Mais ceci ne veut pas dire qu'il nous faut faire seulement de l'ajustement financier. C'est là que nous entrons. Les institutions de développement entrent en créant ce qu'on appelle les prêts à l'ajustement structurel qui permettent aux pays de supporter temporairement ces mesures et de préparer les conditions pour une croissance durable.
Tous ces crédits couvrent les domaines de la réforme de l'administration, de la réforme du secteur financier pour mobiliser l'épargne, pour créer des bourses de valeurs dans ces pays, pour améliorer le système judiciaire de ce pays, etc. toutes conditions nécessaires à la croissance et au développement.
Maintenant, je vais peut-être vous paraître un peu plus provocateur en disant que très souvent, les institutions multilatérales ne sont pas les seules responsables de la situation dans laquelle se trouvent ces pays. En dehors de la situation de dégradation avancée dans laquelle les pays se présentent souvent pour les réformes, il y a également les choix budgétaires internes qu'ils doivent faire et qui ne sont pas toujours bien faits.
Si on néglige le social dans beaucoup de ces pays, c'est souvent parce qu'on ne coupe pas autant dans les domaines de dépenses improductives, notamment les dépenses militaires. Des organisations internationales essaient de jouer sur ces choses-là, mais souvent le politique l'emporte dans ces pays. C'est trop facile de venir dire que c'est le FMI ou la Banque mondiale qui nous a fait cela. Et ça, on l'a vu à travers le continent.
Ça commence à changer, cependant. Pendant un certain temps, on a eu affaire à des lobbys, parce que là également le problème des inégalités de revenu fait que les classes dirigeantes ou les classes aisées arrivent à préserver leur niveau de vie et leurs privilèges au détriment des populations pauvres qui n'ont pas le même pouvoir politique.
Nous essayons de corriger cela. Nous essayons de lutter contre la pauvreté en travaillant sur le milieu rural, parce qu'en Afrique, plus de 80 p. 100 de la population vit dans les campagnes. Si nous agissons sur l'agriculture, sur le développement rural, sur les projets sociaux intégrés que nous faisons maintenant et qui sont devenus l'un de nos produits importants, c'est-à-dire faire en même temps l'irrigation, la santé, l'éducation, les petites routes, l'eau potable si possible et les communications, nous aidons ces pays. Mais nos moyens ne sont pas illimités parce que l'aide publique au développement est en train de baisser. Les ressources concessionnelles sont devenues de plus en plus rares, et nous ne pouvons pas prétendre que nous allons résoudre le problème.
Nous essayons de faire ce que nous pouvons avec nos moyens et nous essayons de les mettre en commun avec les autres institutions. La Banque mondiale et toutes les institutions de l'ONU travaillent avec nous dans ce domaine, le PNUD, la FAO, l'UNESCO et d'autres. Je crois donc que si cette politique continue et si cette croissance continue à s'améliorer, les choses vont s'améliorer.
Il y a un impact certain que nous voyons déjà dans certains pays, mais ces pays ont aussi des problèmes de croissance de population qui ne sont pas gérables. En Afrique, la moyenne est supérieure à 3, et pour la plupart des pays, notamment de l'Afrique du Sud, du Sahara, on est autour de 4,8 p. 100. C'est donc une situation qui, quoi que vous fassiez pour la croissance ou pour le social, laisse des franges importantes de la population dans la pauvreté.
Je crois qu'il faut, là aussi, que nous soyons réalistes. Une partie de la responsabilité incombe à ces pays. Nous agissons là-dessus, mais l'évolution des esprits est très lente. Voilà mes commentaires, monsieur le député.
M. Paré: Serait-il possible d'établir un pourcentage des interventions financières de votre banque qui vont directement à l'allégement de la pauvreté? Je pense que ce n'est pas facile, mais je vous serais reconnaissant de répondre à ma question.
M. Kabbaj: On a ce pourcentage pour les ressources concessionnelles, et cela correspond à 65 p. 100 des ressources. On a maintenant un pool de 3 milliards de dollars sur deux ans et demi. Nous mettons donc environ 1,2 milliard de dollars par an en moyenne pour ces phénomènes et cela représente 65 p. 100 de nos ressources concessionnelles. Mais nous le faisons aussi par le guichet non concessionnel pour les pays un peu plus avancés, puisque le critère est le revenu par tête d'habitant. La moyenne globale serait peut-être un peu moindre puisque, dans ces pays-là, nous faisons beaucoup plus de projets économiques que de prêts à l'ajustement et de lignes de crédit pour les investissements.
Pour le concessionnel, cela intéresse 39 pays parmi les plus pauvres d'Afrique, et pour certains autres pays du monde, ce n'est pas un pourcentage mais une directive de faire 65 p. 100 dans ce domaine-là.
La présidente suppléante (Mme Torsney): Merci beaucoup, monsieur Paré.
Monsieur Grubel, vous avez une question?
[Traduction]
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, madame la présidente.
Pour commencer, j'aimerais faire une ou deux observations personnelles, si vous le permettez. Je vous ai dit qu'après être allé en Afrique plusieurs fois, j'ai maintenant ce continent dans le sang, et je connais donc très bien votre institution. Jusqu'à ma famille qui a l'Afrique dans le sang. Ma fille, qui est au début de la vingtaine, s'est baladée en Afrique orientale et a descendu en canot la partie supérieure du Congo. Je suis donc particulièrement heureux de vous rencontrer, d'autant plus qu'un de mes étudiants a été directeur de la Banque africaine de développement. Je le vois de temps en temps parce que ses parents vivent à Vancouver et qu'il me tient au courant.
Je suis heureux d'apprendre que sous votre direction, grâce à la fermeté de vos interventions, les problèmes internes de la banque ont été résolus et que vous avez réussi à diminuer le personnel et à améliorer l'efficacité. Tout cela est très encourageant. J'ai été heureux également d'entendre ce que vous avez dit au sujet de la performance économique des pays africains. Contrairement à mon collègue, je suis entièrement d'accord pour que le FMI encourage les pays à s'orienter vers des économies de marché et je suis heureux également d'apprendre que votre banque a mis l'accent sur la privatisation. En effet, un peu partout dans le monde, l'expérience prouve que cela donne de meilleurs résultats que les institutions dirigées par des bureaucrates.
Tout cela est extrêmement encourageant et je suis enchanté de l'apprendre, mais en même temps, j'aimerais aborder quelques questions difficiles, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Il s'agit de trois questions, et si vos réponses sont suffisamment courtes, nous aurons le temps de les aborder toutes.
Première question: quel pourcentage de votre portefeuille est improductif ou n'est pas remboursé?
M. Kabbaj: A l'heure actuelle, les prêts en souffrance représentent 10 p. 100 de notre portefeuille. C'est un pourcentage très élevé.
M. Grubel: Ce sont des défauts de remboursement, 10 p. 100.
M. Kabbaj: Oui, 10 p. 100 de non-remboursements.
Évidement, cela est dû aux politiques de prêts qui avaient cours avant. En effet, on prêtait sans conditions de faveur des ressources à des pays qui ne pouvaient assurer le service de la dette. Depuis, nous avons mis en place des mesures très fermes, ce qui a eu pour effet d'aplanir la courbe qui représentait l'augmentation de ces arriérés. Nous travaillons en étroite collaboration avec le FMI et la Banque mondiale pour redresser la situation dans le cas de ces prêts en souffrance. Nous avons observé une amélioration, mais malheureusement, nous avons également un certain nombre de pays qui ont un arriéré chronique, ceux-là mêmes justement dont j'ai parlé qui ne participent pas à la croissance générale. A l'heure actuelle, en Afrique, c'est surtout le Zaïre et d'autres qui connaissent des troubles civils, le Libéria, la Somalie, le Soudan. Ces pays là sont responsables de plus de 80p. 100 de ces 10 p. 100.
La présidente suppléante (Mme Torsney): Je suis désolée, mais je dois prendre un avion. Mon collègue, M. Loney va me remplacer. J'ai été enchantée de vous rencontrer. Je vous remercie beaucoup et je vous souhaite bonne chance dans votre travail.
M. Kabbaj: Merci. J'ai été très heureux de vous rencontrer.
M. Grubel: Comment cette situation va-t-elle changer avec le plan d'allégement de la dette qui vient d'être élaboré aux réunions de Washington?
M. Kabbaj: Nous participons à cet exercice depuis un an, nous avons discuté de certains éléments de ce plan qui a été approuvé lundi par le Comité de développement. Nous assistions à cette séance à titre d'observateurs et on nous a invités à participer.
C'est une initiative particulièrement importante car elle s'attaque à la question de durabilité de la dette dans ces pays-là. En effet, les partenaires intéressés ont maintenant convenu que l'objectif n'était pas d'alléger la dette, mais plutôt de parvenir à une dette qui puisse être maintenue sur une longue période. Nous espérons que cela résoudra en partie les problèmes posés par les pays qui ne remboursent pas, parce qu'en effet, 33 des 41 pays, qui en théorie, pourraient profiter de ces nouvelles dispositions, se trouvent en Afrique.
M. Grubel: Je sais.
M. Kabbaj: C'est un gros problème et nous détenons près de 40 p. 100 du découvert de ces pays dans le cadre de cette initiative.
M. Grubel: Vous espérez que cela va faire diminuer les 10 p. 100.
M. Kabbaj: Oui, évidemment cela prendra un certain nombre d'années, car l'initiative encourage les pays à mettre en place des programmes d'ajustement très fermes sur une période de trois à six ans.
Certains d'entre eux vont en profiter immédiatement. L'Ouganda, qui applique déjà ces politiques depuis plusieurs années, est le premier candidat. Ses créanciers pensent que ce pays devrait pouvoir en profiter.
On a donc convenu que le Club de Paris dépasserait les termes de 67 p. 100. La limite est maintenant passée de 67 à 80 p. 100. Si cela ne suffit pas à assurer la durabilité de la dette, les institutions de développement, y compris la BAD, vont devoir apporter une contribution financière pour que ces objectifs soient plus faciles à atteindre.
M. Grubel: En écoutant cela, j'ai une réaction instinctive. En effet, je connais beaucoup d'Ougandais, et je suis heureux pour l'Ouganda, et peut-être même pour la Tanzanie et le Kenya. Toutefois,...
Quand vous parliez des pays qui posent des problèmes, vous n'avez mentionné que le Soudan et le Zaïre. Qu'en est-il du Nigéria?
M. Kabbaj: En ce qui nous concerne, le Nigéria est à jour, car s'il a pour politique de ne pas rembourser les banques commerciales et autres créanciers, il insiste cependant pour assurer le service de sa dette envers les institutions financières multilatérales, comme la Banque mondiale et nous-mêmes. Nous n'avons donc pas ce problème avec le Nigéria.
M. Grubel: Je passe à une autre question? À la fois parmi les théoriciens et dans le secteur privé, il y a beaucoup de gens qui remettent en question le rôle de la Banque mondiale et des banques régionales de développement qui n'acheminent plus aujourd'hui qu'une infime portion des ressources totales destinées à ces régions. On se demande donc si elles accomplissent encore des fonctions utiles compte tenu de l'importance des coûts administratifs, etc.
Je vous attaque en douceur, car je connais déjà la réponse, mais j'aimerais entendre votre version.
Je me dis que d'une certaine façon on a besoin de plus de coordination entre le secteur privé, le secteur public et tous les intéressés. Évidemment, cela nous amène au problème qui se pose du fait que ces prêts vont systématiquement à des gens à qui le secteur privé refuse de prêter, sous prétexte que le risque est trop élevé, etc.
M. Kabbaj: C'est une question que j'entends partout dans le monde, y compris en Afrique. À mon avis, c'est une bonne question, mais je pense que nous avons besoin de tous ces intervenants, précisément parce que toutes ces institutions disposent de moins en moins de ressources.
J'ajoute que nous ne sommes pas les seuls à travailler dans ces pays. Il n'y a pas seulement la Banque mondiale et nous, ou bien la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, ou encore la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ou la Banque asiatique de développement. Il y a évidemment les donneurs bilatéraux qui sont très actifs et qui font du financement direct ou qui passent par leurs institutions bilatérales ou multilatérales comme la Banque européenne d'investissement, ou encore les agences européennes et japonaises, DEG, CDC, CFD France, etc. Vous avez aussi toutes les institutions des Nations Unies, PNUD, FAO, UNESCO...
M. Grubel: Qui sont toutes critiquées, précisément pour la même raison.
M. Kabbaj: Oui, bien sûr, mais chacune d'entre elles commence par apporter quelque chose à la table, par participer à l'élaboration et à la conception de ce programme, etc. On ne saurait donc envisager qu'une seule institution accomplit toutes ces tâches, même s'il s'agit de la Banque mondiale.
Bien sûr, comparés à la Banque mondiale, nous avons des caractéristiques particulières. Nous sommes établis plus près du continent, nous avons financé pratiquement tous les secteurs d'activités, économiques ou sociaux, et en Afrique nous avons accumulé une longue expérience. D'autre part, pour économiser les frais d'intermédiaires et donner suite aux requêtes des donneurs, nous collaborons plus étroitement en organisant des missions conjointes dans certains pays, par exemple lorsque nous négocions des ententes FASR avec le FMI et la Banque mondiale.
Nous participons maintenant à ces discussions, et c'est très important, car cela nous permet de définir ensemble une stratégie pour les projets et pour les programmes, et de nous répartir le travail entre nous. Cela nous évite le double emploi, et dès le départ, nous décidons que nous nous chargerons de tel et tel projet et que, de leur côté, ils se chargeront de tel projet, ce qui est avantageux pour le pays en question. D'autre part, si nous ne pouvons pas exécuter un projet seuls, nous l'exécutons ensemble, et parfois avec d'autres également.
Nous sommes aussi en train de mettre sur pied des missions d'évaluation conjointe. Nous élaborons des documents de stratégie par pays et d'ailleurs, la semaine prochaine, nous devons commencer une expérience de ce genre avec la Côte d'Ivoire. À l'avenir, lorsqu'un projet est cofinancé par deux institutions, une seule d'entre elles enverra des missions de surveillance. Nous travaillons donc sur ces dossiers. Il y a de plus en plus de coopération entre toutes les BDM, à la fois au niveau des dirigeants et au niveau des différents services. Les chefs des services d'évaluation se rencontrent deux fois par an, les trésoriers se rencontrent de même que les secrétaires. Il est très important de nous concerter pour offrir aux pays dont nous nous occupons les meilleurs services et les meilleurs conseils possibles.
Il y a un autre argument, financier celui-là, celui de la répartition du risque. Si vous mettez tous vos oeufs dans le même panier, cela pourrait être une recette désastreuse pour l'ensemble du continent.
M. Grubel: Je comprends bien que les banques régionales de développement et la Banque mondiale continuent à avoir leur utilité dans un monde où elles sont dépassées de très loin par le capital privé, et si elles peuvent être utiles, c'est en recueillant des informations sûres, et en faisant circuler cette information parmi les intéressés. C'est un rôle extrêmement utile. J'espère qu'on pourra le jouer d'une façon satisfaisante et que les donneurs seront heureux de continuer à travailler avec vous. Dans ces conditions, ce que vous faites dans votre organisation est une bonne nouvelle.
J'ai une dernière question.
Le président suppléant (M. Loney): Monsieur Grubel, je dois redonner la parole à M. Paré. Il nous reste très peu de temps, mais je reviendrai à vous, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
[Français]
M. Paré: J'aurais quelques questions. J'aimerais poursuivre un petit peu sur la question de l'endettement. Vous avez parlé de la décision du Club de Paris de modifier le pourcentage de la dette admissible à un allégement. J'aimerais vérifier une chose: est-ce qu'il s'agit des dettes antérieures, quand on propose de passer de 67 à 80 p. 100, comme vous l'avez signalé, ou si ce nouveau pourcentage ne serait appliqué qu'aux nouvelles demandes d'allégement de la dette?
M. Kabbaj: C'est une question importante qui n'a pas été résolue totalement, parce que la couverture de ce que ça veut dire n'est pas claire. Mais je peux répondre à votre question parce qu'elle est très claire. Il ne s'agit pas de nouvelles dettes puisque le Club de Paris a une règle très précise, qu'on appelle la règle butoir, qui est une date à laquelle les nouveaux crédits ne sont pas rééchelonnables. C'est un principe sacro-saint au Club de Paris que l'on n'a jamais voulu changer.
Ce principe est appliqué à partir du premier jour où vous demandez le rééchelonnement. C'est-à-dire qu'un pays qui a demandé un rééchelonnement en 1984 ne peut voir rééchelonnées que les dettes contractées avant 1984. En effet, la condition du rééchelonnement est que le pays doit devenir plus sérieux. Sinon, si on accepte de changer cette date tout le temps, certains pays vont se dire qu'ils peuvent constamment rééchelonner sans problèmes. Donc, pour les créditeurs, cette règle est sacro-sainte. Il est très clair qu'il ne peut s'agir que de créances contractées avant la première date de demande de rééchelonnement, même si elle remonte à 10 ans.
Maintenant, à l'intérieur de ces montants, des créanciers ont fait, et je crois que c'est ce qu'ils vont continuer à faire, des rééchelonnements du rééchelonné. Ils jouent sur les choses qui ont déjà été rééchelonnées dans ce cadre d'avant la date-butoir, et quelquefois ils les rééchelonnent trois ou quatre fois. Ils jouent aussi sur les rééchelonnements des intérêts et du principal. Quelquefois ils couvrent le principal seulement, et quelquefois ils étendent. Selon les besoins, il y a une flexibilité importante autorisée par le Club de Paris, et je suis sûr qu'il continuera à le faire dans ces cas-là pour que le 80 p. 100 puisse couvrir ces créances. Évidemment, le Club de Paris essaie de limiter autant que possible ces pratiques, mais mon expérience m'a montré que le Club de Paris a toujours été compréhensif en couvrant ce qui pouvait être couvert.
M. Paré: Toujours sur le thème de la dette, je voudrais que vous nous parliez du nouveau fonds dont il est question. Est-il exact que, pour que des pays puissent y avoir accès, ils devront avoir fait la preuve qu'ils ont appliqué pendant un minimum d'années, entre trois et six ans, des programmes d'ajustement structurel? Et est-ce que les années pendant lesquelles on a appliqué l'ajustement structurel mais qui ont précédé la demande d'ajustement comptent?
M. Kabbaj: Oui. Au départ, en octobre de l'année dernière, la première proposition sur cette initiative était très dure parce qu'il s'agissait, même si on avait fait de l'ajustement avant, d'avoir deux programmes d'ajustement structurel renforcé, donc sur six ans. Ce n'était qu'à la septième année que ces pays pouvaient bénéficier de l'ajustement.
Les pays en voie de développement ont manifesté et posé le problème que vous venez de poser, monsieur le député, et ont dit: Il n'est pas normal, pour des pays qui ont déjà fait six, sept ou dix ans d'ajustement avec de bons résultats, qu'on leur demande d'attendre six années supplémentaires. Ceci a été admis dans la formule qui a été retenue, puisqu'on a ouvert la porte à un cas comme l'Ouganda, dont j'ai parlé tout à l'heure, qui va bénéficier dès février de l'année prochaine de l'initiative, parce qu'on considère qu'il a déjà fait le travail nécessaire et qu'il est proche de la soutenabilité de la dette.
L'exemple extrême est peut-être le Zaïre, qui n'a jamais rien fait et qui aura peut-être besoin de six ans, mais entre les deux, il y aura des cas qui seront à trois ans et d'autres à quatre. C'est une appréciation que le Fonds monétaire et la Banque mondiale auront à faire, cas par cas, pour dire si oui ou non on est arrivé à ce stade.
M. Paré: Les banques régionales seront aussi mises à contribution, je pense, dans l'établissement de ce fonds. Je présume que la Banque africaine sera aussi sollicitée, mais compte tenu du grand nombre de pays pauvres du continent africain, est-ce qu'on ne rend pas encore plus difficiles vos interventions et moins importants les fonds dont vous disposez?
M. Kabbaj: Absolument, monsieur le député, vous avez raison. Vu le grand nombre de pays et l'exposure que nous avons, compte tenu de la dette globale de ce pays, nous avons des ressources importantes à mettre en oeuvre. Nous avons un certain nombre de mécanismes que nous allons étudier avec notre conseil d'administration pour le faire. Mais il est très clair que nous n'avons pas suffisamment de ressources pour participer pleinement à l'initiative. Ceci étant, nous ne prévoyons pas que tous les pays seront en mesure d'en bénéficier puisqu'il y a cette condition d'ajustement qui ne sera peut-être pas remplie par un certain nombre de ces pays. De ce fait, les montants seront donc malheureusement ou heureusement réduits.
D'autre part, nous prévoyons de demander des contributions bilatérales à un certain nombre de pays. Certains sont prêts à le faire et ils le font aussi avec la Banque mondiale, qui a aussi besoin d'un complément par rapport à ses propres ressources. Il devrait y avoir bientôt des réunions internationales pour essayer de générer des ressources en vue de cette initiative. Évidemment, ce sont des ressources qui ne vont pas être nécessaires tout de suite puisqu'il s'agit d'un travail qui se fera sur six ou sept ans. C'est quelque chose qui, à mon avis, sera tout à fait gérable.
M. Paré: Le Fonds monétaire international ne pourrait-il pas réduire la dette en puisant dans ses réserves? Que pourraient faire les pays donateurs pour inciter le Fonds à accepter cette position alors qu'il demande plutôt de nouvelles contributions? On sait très bien que l'aide publique au développement dans les pays développés est pratiquement en chute libre, et on peut se demander si le Fonds monétaire ne joue pas un double jeu quand il s'entête à ne pas toucher à ses réserves qui se montent à plusieurs milliards.
M. Kabbaj: Le Fonds monétaire demande deux choses pour participer à cette dette. Il demande qu'on pérennise la facilité d'ajustement structurel renforcé, parce qu'au départ, quand elle a été créée, elle a déjà été renouvelée une fois. Il s'agit de prêts que font les pays donateurs et qui doivent donc revenir et être remboursés lorsque les pays remboursent. Le Fonds dit maintenant que le prochain renouvellement doit consister en fonds à fonds perdus et qu'ils doivent rester au Fonds pour qu'il en fasse un fonds renouvelable. Je crois que ceci est maintenant admis par les donateurs. Ce fonds se monte à environ 3,5 milliards de dollars.
La deuxième chose que le management du Fonds demande pour qu'il puisse contribuer au pool de réduction de la dette de ces pays, c'est de vendre une partie de l'or pour dégager sur les bénéfices. Il ne perd pas l'or. C'est uniquement les revenus des placements qui résulteraient de la vente qu'il utiliserait pour financer sa contribution à la réduction de la dette, compte tenu également de son exposure. C'est proportionnel à l'exposure des institutions.
À ce sujet, il y a pratiquement un consensus au niveau des pays membres du Fonds. Il y a un certain nombre de pays, très limité, qui ne sont pas d'accord, en particulier l'Allemagne, l'Italie et la Suisse. En fait, il y a quatre ou cinq pays, mais je crois que le Fonds monétaire est tout à fait optimiste sur le fait qu'on arrivera à un consensus. Là aussi, comme ce n'est pas quelque chose qui doit être utilisé tout de suite, le problème sera, à mon avis, résolu.
Il s'agit d'un tout petit montant, soit 2 milliards de dollars, par rapport au pool d'or du Fonds monétaire. Ce n'est pas quelque chose qui mettra le Fonds en danger car il s'agit de 5 p. 100 du stock d'or. Cela ne mettra pas en danger l'intégrité financière du Fonds monétaire international.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Loney): Merci beaucoup.
Monsieur Grubel, vous m'excuserez, mais on est en train de me faire signe. Nos invités doivent se rendre à leur prochaine réunion. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous...
M. Grubel: J'y vois un inconvénient, mais je m'incline.
Le président suppléant (M. Loney): Merci beaucoup. Vous êtes un gentleman.
M. Kabbaj: Merci beaucoup. J'ai trouvé la discussion que nous avons eue particulièrement intéressante.
Le président suppléant (M. Loney): Au nom de la personne qui m'a précédé à la présidence et des membres du comité, je vous remercie beaucoup d'être venu ce matin.
M. Kabbaj: Merci. J'y ai pris grand plaisir.
Le président suppléant (M. Loney): La séance est levée.