[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er mai 1996
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs, nous allons commencer, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
Nous formons le Sous-comité sur le VIH/sida du Comité permanent de la santé. Vous avez déjà reçu la convocation, et la question à l'ordre du jour est la Table ronde nationale sur l'accès aux médicaments de recherche pour raisons humanitaires.
Comme vous l'entendez, le timbre sonne en ce moment, et un vote aura lieu dans une vingtaine de minutes. Nous allons donc nous mettre à l'oeuvre tout de suite.
Je voudrais que nos témoins commencent par faire un exposé d'environ cinq minutes. Une fois que tous les témoins auront fait leur intervention, les députés pourront poser des questions. Nous allons débuter avec la Société canadienne du cancer, et nous accueillons le président du chapitre de l'Ontario.
Monsieur Iscoe, je vous en prie.
[Français]
Mr. Volpe (Eglinton - Lawrence): Monsieur Iscoe, est-ce que vous reviendrez ici après le vote?
M. Neil Iscoe (président, chapitre de l'Ontario, Société canadienne du cancer): Oui.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de comparaître de nouveau devant le comité et de livrer mes réactions à l'ébauche de rapport qui suit la première série de rencontres de la table ronde.
Malheureusement, je devrai vous quitter peu après avoir fait mes observations et je ne pourrai pas suivre le reste des délibérations du comité, qui étudie une question qui intéresse vivement les patients atteints de cancer et la Société canadienne du cancer.
Je rappelle au comité que, étant donné la nature de la société, les opinions que j'exprimerai sont strictement les miennes. Elles concordent généralement avec la position globale de la société, mais elles sont les miennes. Elles ne représentent pas la position d'autres instances dont je fais partie, l'Université de Toronto, le Sunnybrook Health Science Centre et la Fondation ontarienne pour la recherche en cancérologie et le traitement du cancer.
Je dois dire pour commencer que le rapport me semble constituer un résumé exact des discussions de la table ronde auxquelles j'ai pris part, et je félicite les rédacteurs. Je voudrais réagir aux préoccupations du comité en signalant des questions qui figurent dans le rapport ou que le rapport fait surgir.
Il ne fait aucun doute pour moi que, dans un avenir prévisible, il y aura toujours des personnes qui souffriront d'affections qui font peser sur leur vie une menace immédiate. Bien que ce ne soit probablement pas la question dont le comité est saisi, je crois qu'il convient de demander quels problèmes le programme envisagé vise à résoudre.
S'agit-il de la lenteur du processus d'approbation des médicaments? Du besoin d'une approbation conditionnelle, comme il est souligné dans le rapport? De l'accès insuffisant pour les malades aux médicaments en voie d'évaluation? De restrictions excessives qui pèseraient sur les essais cliniques? Le comité voudra peut-être s'interroger là-dessus, au moment de proposer des modifications au programme d'accès aux médicaments pour des raisons humanitaires.
Je ne distingue pas clairement, d'après le rapport, ce que doit contenir un tel programme. De façon générale, on peut distinguer deux types d'accès: illimité et limité. Dans le contexte actuel, il me semble probable qu'il aurait des restrictions quelconques dans tout programme de cette nature. Dans ces conditions, comment faut-il trancher les questions d'équité?
Des questions d'équité se posent à divers niveaux. Elles se posent à propos de l'accès dans le contexte de la maladie ou du traitement en cause. Elles se posent dans le contexte des limites des programmes d'accès pour raisons humanitaires, entre les diverses maladies et les divers traitements. Il y a aussi une question d'équité entre le soutien de l'accès pour des raisons humanitaires et les soins médicaux pour la génération actuelle et les générations futures. Le rapport parle d'équité intergénérationnelle. Je vous ferais observer qu'il faut également aborder les questions d'équité à l'intérieur d'une même génération.
La société n'a aucune réponse bien assurée à ces questions difficiles, mais je voudrais reprendre ce que j'ai déjà dit au cours des premières discussions auxquelles j'ai pris part: la société croit au droit à l'autodétermination, mais elle ne croit pas que ce droit permet à une personne ou à un groupe d'exercer son droit au détriment d'une autre personne ou d'un autre groupe.
Dans le contexte d'une diminution des ressources affectées aux services de santé, compressions qui, en Ontario, au cours des deux ou trois prochaines années, vont bouleverser de fond en comble, voire révolutionner les services de santé tels que nous les connaissons, la société croit que nous devons préserver notre engagement à donner les services qui font une vraie différence dans la vie des patients avant de nous aventurer sur d'autres terrains.
Le rapport fait grand cas d'un formulaire de consentement normalisé. La société n'a aucune position à ce sujet, mais elle est favorable à un processus de consentement ouvert, éclairé et sans coercition, un processus qui respecte les valeurs des personnes, des familles et de la société et, ce qui est également important, qui soit stable. Comme le Conseil national de la bioéthique en recherche chez les sujets humains, je me demande si un «formulaire normalisé» est à la hauteur de ce défi.
En outre, il semble quelque peu artificiel de croire que des personnes dont la vie est menacée envisageront le processus de consentement de la même manière que des personnes qui ont le choix. Nous devons donc préciser clairement ce que nous attendons de ce processus.
Au coeur même du processus de consentement se pose la question de la responsabilité. S'il appartient au praticien et au CER local d'assumer la responsabilité du processus de consentement, j'estime qu'ils devraient avoir le dernier mot quant au contenu de ce formulaire.
Le rapport dit également, ou laisse entendre, que les CER locaux assument une fonction de surveillance, dans le processus de consentement, dans leurs établissements, et peut-être aussi dans le milieu médical. Les CER locaux ont-ils le mandat et sont-ils structurés de façon à assumer cette tâche? Ont-ils les ressources voulues? Dans mon propre établissement, les membres bénévoles, j'insiste sur le terme «bénévoles» du CER, examinent entre 200 et 300 projets de recherche par année.
La question des rapports obligatoires est soulevée par des personnes qui ne prennent pas part à des essais cliniques, et le travail administratif en cause est une question qui revient sans cesse. J'ai dit à la première table ronde que la Société canadienne du cancer investit dans la recherche depuis maintenant plus de 50 ans par l'entremise de l'Institut national du cancer du Canada. La société attache donc une valeur à l'acquisition de connaissances nouvelles. Cependant, je n'ai aucune réflexion à vous livrer sur la responsabilité à l'égard de cette activité.
Cela dit, je suis convaincu que, peu importe que le soutien vienne du gouvernement ou de l'industrie, c'est en fin de compte le public ou les patients qui assument les coûts par le biais de médicaments plus chers ou d'une modification du soutien accordé aux programmes de médicaments. Il ne faut pas perdre cela de vue.
Les rapports signalent que les discussions sur l'approbation conditionnelle ont été limitées. Je crois que la société serait favorable à l'approbation conditionnelle, mais elle se pose un certain nombre de questions.
Qu'est-ce qui constitue un problème de santé qui menace la vie de façon immédiate? Une personne atteinte de la maladie de Parkinson ou encore d'une sclérose en plaques avancée serait-elle admissible? Une personne séropositive ne présentant pas de symptômes ou une femme atteinte d'un cancer du sein avancé le serait-elle? L'approbation conditionnelle dépendrait-elle de l'exécution d'essais de phase III ou de quelque autre activité, comme la surveillance obligatoire après la commercialisation? Ces activités doivent-elles se terminer, être évaluées et faire l'objet d'un rapport dans certains délais? Ces détails ne sont pas précisés dans le rapport initial, et je crois qu'il faut s'y attarder.
Le rapport pose la question: qui doit obtenir l'accès pour raisons humanitaires? J'ai déjà fait quelques réflexions à ce sujet, mais j'ai relevé au bas de la page 16 une affirmation qui me semble particulièrement troublante.
L'idée de fournir gratuitement des médicaments aux patients à l'étape des essais cliniques n'est pas nouvelle, mais celle de faire payer le produit aux patients qui préfèrent ne pas prendre part aux essais sur le même agent faire surgir le spectre de la création de deux catégories de patients: ceux qui ont les moyens d'acheter le médicament, et les autres. S'agissant de personnes rendues vulnérables par une maladie qui menace leur vie, la distinction est particulièrement odieuse, et elle paraît à tout le moins grandement coercitive pour les personnes moins riches, qui sont forcées d'envisager de participer à des essais d'une façon qui n'est pas vraiment volontaire.
La société est consciente que la collecte d'information sur les patients inscrits à des essais cliniques se fait souvent sur la base d'un financement au cas par cas. Y aurait-il une fonction de recouvrement des coûts analogues pour un groupe parallèle de patients qui ont obtenu l'accès au médicament pour des raisons humanitaires? À titre de membre du CER, j'ai vu dans notre établissement des études de surveillance après commercialisation menées avec un financement par cas. Si on procède de cette façon - et les motifs importent peu, à mon avis - est-ce différent du cas d'une société qui appuie la collecte d'information sur l'activité et la toxicité auprès de patients qui reçoivent un traitement dans le cadre d'un programme d'accès pour raisons humanitaires?
Je crois savoir que, depuis déjà de longues années, une forme de surveillance après commercialisation se fait couramment en Grande-Bretagne. Nous pouvons peut-être tirer des enseignements de cette expérience et voir si cela produit des renseignements satisfaisants.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir permis de livrer ces réflexions au comité
Le président: Merci beaucoup, monsieur Iscoe.
Nous accueillons maintenant M. Michael O'Shaughnessy, du Réseau canadien pour les essais VIH.
M. Michael O'Shaughnessy (directeur, Réseau canadien pour les essais VIH): Merci. Le Réseau canadien pour les essais VIH est heureux de pouvoir comparaître aujourd'hui afin de commenter le rapport.
Comme vous le savez, notre organisme cherche à faciliter l'établissement de protocoles nationaux concernant la distribution de nouveaux médicaments pour raisons humanitaires. Dans le cadre de ces initiatives, des milliers de Canadiens ont obtenu des médicaments avant leur homologation, et nous croyons que le réseau a joué à cet égard un rôle crucial. Il a fourni une gamme complète de services, y compris l'inscription, la collecte de données et l'analyse et, dans certaines circonstances, un système de loterie.
Vous ne l'ignorez pas, on a plusieurs fois fait intervenir le hasard lorsque la quantité de médicament disponible pour des cas humanitaires ne suffisait pas à la demande. La loterie a été établie conformément à des lignes directrices rédigées après qu'on a mené de vastes consultations dans le milieu et demandé des conseils. Le réseau croit cependant que les loteries ne sont pas le moyen idéal de fournir des médicaments à toutes les personnes inscrites à un programme, mais il admet que, à l'occasion, l'offre de médicaments ne peut satisfaire la demande. Nous croyons également que la formule définitive à appliquer pour fournir les médicaments en situation de pénurie n'a pas encore été trouvée.
Après la lecture du rapport, on doit se demander si la distribution de médicaments pour des raisons humanitaires a des chances de se poursuivre. Nous croyons qu'il le faudrait, car l'étude des demandes d'homologation de nouveaux médicaments prend beaucoup de temps.
Nous demeurons convaincus que le processus pourrait être plus efficace s'il y avait en Amérique du Nord une meilleure synchronisation des approbations. Récemment, deux médicaments importants ont été approuvés d'abord aux États-Unis. Ce décalage dans l'offre du médicament et les activités de relations publiques qui entourent l'homologation de médicaments aux États-Unis ont fait augmenter en flèche le nombre de Canadiens séropositifs qui veulent obtenir ces médicaments pour des raisons humanitaires.
Autrement dit, nous sommes inondés de demandes d'accès pour raisons humanitaires. Il suffit de songer au 3TC et à quelques autres médicaments nouveaux, pour lesquels le nombre de demandes a bondi de 500 à 3 500 en un ou deux mois. Selon nous, les organismes nord-américains de réglementation devraient davantage mettre en commun leurs ressources et leur information.
Notre système pourrait-il fonctionner mieux? Nous le croyons, car, pour le moment, le programme de médicaments pour raisons humanitaires n'a aucune assise dans les provinces. Dans l'état actuel des choses, il permet aux malades d'obtenir un traitement avant que la société pharmaceutique n'obtienne l'autorisation de mise en marché. Des milliers de séropositifs obtiennent ces nouveaux médicaments, mais une fois terminé le programme d'accès pour raisons humanitaires, il existe une incertitude considérable quant à la prise en charge des coûts par les programmes de médicaments provinciaux.
Lorsque le programme d'accès pour raisons humanitaires prend fin, il incombe aux provinces de fournir le médicament. La demande des nouveaux médicaments est satisfaite selon des modalités et à des moments très variables, car les économies provinciales sont extrêmement différentes. Les provinces restent donc en marge, mais se retrouvent avec le problème sur les bras, car, jusque-là, toutes les discussions se sont déroulées uniquement entre les autorités fédérales et les fabricants.
Il ne faut pas oublier que le programme d'accès pour raisons humanitaires exige des ressources provinciales importantes. Il suffit de songer au paiement des consultations du patient, des tests de laboratoire et des soins en établissement que nécessite un programme de cette nature. Ces programmes sont donc appliqués. Ils font appel à des milliers de personnes, et il n'y aucun porte- parole des provinces. Nous estimons qu'il s'agit là d'une faiblesse du système actuel et qu'un dialogue plus suivi s'impose entre les deux ordres de gouvernement.
Enfin, après avoir lu le rapport, nous estimons qu'il importe de soulever une autre grande question. L'engagement du gouvernement fédéral à l'égard du sida nous semble demeurer incertain. Aujourd'hui, nous parlons au sous-comité de la fourniture de médicaments aux séropositifs pour des raisons humanitaires, et c'est une question importante. Mais nous croyons que le même gouvernement fédéral qui a organisé cette rencontre tergiverse, pendant que nous parlons d'accès pour raisons humanitaires, au sujet du soutien qu'il accordera à l'avenir à une stratégie ou à un programme de lutte contre le sida.
À dire vrai, il importe peu à notre pays que le soutien soit assuré dans le cadre d'une stratégie ou au moyen de divers programmes ministériels. L'essentiel, pour nous tous, est que le soutien soit là. Nous avons entendu dire que le gouvernement fédéral n'était pas favorable à la poursuite de la stratégie, dans sa forme actuelle, et qu'il envisageait une réduction draconienne qui amputerait les ressources des trois quarts. C'est nettement inacceptable. Selon les estimations du gouvernement fédéral, il y aurait au Canada près de 50 000 personnes infectées. Il est incompréhensible qu'on songe à réduire les services et les ressources alors que l'épidémie continue de faire rage. Nous ne croyons pas possible d'aborder la question de l'accès pour raisons humanitaires en l'isolant de tout ce qui se passe au même moment.
Nous comprenons que le VIH et le sida ne soient pas un sujet particulièrement populaire à Ottawa, mais un gouvernement montre sa vraie valeur en étant capable d'assurer un leadership et un soutien. Rien de plus facile que de céder aux arguments fallacieux qui opposent une maladie contre une autre, mais l'histoire nous jugera à nos actes. Nous sommes également responsables de ce que nous ne faisons pas, quelles que soient nos raisons.
Je vais m'en tenir là. Merci.
Le président: Merci beaucoup, M. O'Shaughnessy. Comme il nous reste quatre ou cinq minutes, nous allons nous rendre à la Chambre des communes et nous reviendrons aussitôt après le vote. Il nous faudra une vingtaine de minutes. Nous reprendrons avec M. Benjamin Freedman dès notre retour, dans environ 20 minutes. Merci.
Le président: Nous allons reprendre la séance. Comme je l'ai dit lorsque nous sommes partis voter, nous allons donner la parole tout d'abord à M. Benjamin Freedman, président du Comité d'éthique dans la conception des recherches du CNBRSH.
Vous avez la parole, M. Freedman.
M. Benjamin Freedman (président, Comité d'éthique dans la conception des recherches, Conseil national de la bioéthique en recherche sur les sujets humains): Merci beaucoup, monsieur le président. Au nom du président et des membres du Conseil national de la bioéthique en recherche sur les sujets humains, je vous remercie de nous avoir invités à participer à votre dernière session de travail sur la réforme du programme d'accès pour raisons humanitaires aux thérapies expérimentales de Santé Canada.
Nous sommes heureux que certaines questions soulevées dans le mémoire que nous avons remis au sous-comité en 1995 aient été abordées dans le document de travail rédigé par la Bibliothèque du Parlement. Ce document et les échanges qu'il suscite devraient constituer un fondement solide pour rédiger le rapport final du comité.
Nous voudrions limiter notre intervention à trois points qui ont été exposés au chapitre du document consacré à l'éthique, soit les normes d'éthique nationales, le rôle des comités d'éthique de la recherche, ou CER, la distinction à faire dans les définitions entre recherche et traitement, le rôle du CNBRSH en ce qui concerne l'accès pour des raisons humanitaires.
À propos du premier point, les normes d'éthique nationales, le rapport fait état des inquiétudes exprimées par certains intervenants, qui craignent que des CER autonomes n'agissent au détriment des normes nationales.
Ces inquiétudes font ressortir des questions plus sérieuses au sujet du rôle et des fonctions des CER à l'intérieur d'un système national d'examen de l'éthique de la recherche. Le Canada a adopté le modèle de l'examen de l'éthique en recherche composé de trois volets: tout d'abord, l'obligation que les recherches sur des sujets humains soient soumises à un comité local d'éthique en recherche; deuxièmement, l'application, dans l'évaluation des diverses propositions, de critères nationaux sur l'éthique en recherche; troisièmement, des buts et objectifs énoncés en des termes généraux pour guider le travail des comités locaux. Ce modèle de base se retrouve en France, aux États-Unis, en Australie et en Grande-Bretagne.
Dans certains pays, les obligations et la marche à suivre sont régies par des dispositions législatives. Dans d'autres, elles le sont au moyen de lignes directrices, ce qui a été le cas au Canada jusqu'ici. Dans un cas comme dans l'autre, l'élément central du modèle est un processus national d'éthique en recherche qui est appliqué grâce à un examen local. Comme notre conseil l'a déjà fait observer, «en décentralisant intentionnellement l'administration de l'examen éthique de la recherche, le modèle fait apparaître une tension inhérente entre des lignes directrices ou des critères nationaux et leur application au niveau local».
Un modèle vise à concilier ces deux pôles d'attraction opposés. Il a été adopté aux États-Unis pour certaines études qui font intervenir plusieurs centres. Dans ce cas, un groupe central appelé Office of Protection from Research Risks établit un formulaire de consentement type qui est transmis aux comités locaux. Ceux-ci ont le loisir de l'adopter tel quel ou de le modifier au gré des besoins locaux. Si le comité local souhaite modifier certains renseignements sur les risques et les avantages, il doit présenter une justification à l'Office of Protection from Research Risks.
Les efforts visant à définir des normes nationales minimums dans le fonctionnement des comités d'éthique en recherche constituent une tentative nécessaire en vue de perfectionner ce modèle international.
Nous signalons au sous-comité que, le 15 avril, le Conseil de recherches médicales du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie ont publié conjointement un projet de code d'éthique pour les recherches sur des sujets humains. Cette ébauche des trois organismes comporte de nombreux détails sur la composition et le fonctionnement des CER, et le code se veut plus normatif que ne l'ont été jusqu'ici les lignes directrices.
Le deuxième point concerne le problème de définition. Je serai bref.
À propos des définitions permettant de distinguer recherche et traitement, nous tenons à insister de nouveau sur l'exigence de clarté dans la compréhension du rôle des comités d'éthique en recherche et des programmes d'accès pour raisons humanitaires. La difficulté tient en partie au fait que les CER ont généralement la responsabilité d'examiner les protocoles de recherche du point de vue de l'éthique. D'autres comités d'éthique d'établissement ou d'hôpital - comité de bioéthique clinique, par exemple - sont normalement ceux qui se sont chargés de la dimension éthique des décisions en matière de traitement clinique.
Il y a risque de confusion lorsqu'une initiative thérapeutique, comme l'accès à des thérapies expérimentales pour des raisons humanitaires, comporte à la fois des éléments de recherche et de traitement.
Les anciennes notions de recherche et de traitement reconnu sont-elles suffisantes ou en faut-il de nouvelles, comme celle de méthode nouvelle? Il faut étudier la question de près, repenser le problème et peut-être prévoir de nouvelles structures et responsabilités.
Le troisième point concerne le rôle du CNBRSH à l'égard de l'accès pour raisons humanitaires. Le document de travail donne à entendre que l'organisme pourrait assumer le leadership et demande s'il devrait gérer également l'accès pour raisons humanitaires. À notre avis, il joue déjà au moins deux rôles importants dans ce domaine. Tout d'abord, il conseille et consulte les CER locaux au sujet de questions d'éthiques difficiles ou ambiguës que soulève l'accès pour raisons humanitaires. Deuxièmement, il joue le rôle de conseil consultatif national indépendant en éthique de recherche auprès des gouvernements, de ceux qui financent les recherches, des chercheurs, des universités, de l'industrie et du grand public.
Nos responsabilités actuelles comme conseiller et source d'information sont nettement distinctes des rôles de réglementation et de gestion. Nous admettons que nous ne pouvons pas, en toute justice, demander à d'autres d'imaginer comment on peut mobiliser les ressources nationales au Canada pour élaborer une politique cohérente sur l'accès pour raisons humanitaires sans revoir nous-mêmes l'ensemble des contributions que nous pouvons faire. Assurément, le conseil est prêt à envisager de nouveaux rôles et de nouvelles responsabilités qui lui permettront, pourvu qu'il ait le mandat,le pouvoir, les ressources et l'autonomie voulue, de mieux exploiter ses compétences interdisciplinaires dans l'intérêt du public.
Si vous le voulez bien, nous allons repousser jusqu'au moment des discussions nos observations sur les aspects techniques de l'accès pour raisons humanitaires.
Merci de nous avoir donné l'occasion de faire part au comité de certaines de nos réflexions sur ces questions. Nous ne demandons pas mieux que d'avoir une coopération fructueuse à ce sujet avec vous et d'autres intervenants fédéraux.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Freedman.
Monsieur Jones, c'est à vous. Vous étiez ensemble? D'accord.
Ce sera donc M. Armstrong.
M. Russell Armstrong (directeur exécutif, Société canadienne du sida): Merci, monsieur le président, de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. J'ai quelques observations générales à faire au sujet du rapport. Comme mon collègue, M. Freedman, je crois que nous repousserons jusqu'au moment de la discussion les observations spécifiques sur certains aspects techniques.
Mes observations générales portent sur certains mots employés dans la transcription et ce qu'ils laissent supposer au sujet des valeurs. Il me semble important d'attirer l'attention sur ces préoccupations et d'insister sur le fait que, si nous voulons que ces discussions aboutissent, nous devons nous assurer d'avoir quelques valeurs fondamentales en commun.
J'ai trois exemples à donner qui expliqueront ce que je veux dire.
À un ou deux endroits, dans le texte, il est question de ce qu'on appelle la «tricherie». Il s'agit des cas ou des personnes qui participent à des essais cliniques ne respectent pas le protocole et partagent leurs médicaments ou essaient de savoir quels médicaments à l'étude ils prennent. Je n'aime pas qu'on parle de «tricherie», et je ne suis pas sûr que cela corresponde à ce qui se passe. C'est une question de point de vue, l'emploi de ce terme montre qu'on porte un jugement.
Il me semble important de ne pas oublier que le VIH et le sida sont des maladies que, au départ, on refusait largement de traiter, et il y a maintenant une réticence largement répandue. Il est clair que, face à ces deux choses qui se produisent, et quand on sait qu'on a la maladie, c'est la seule manière d'obtenir un traitement adéquat.
Ce n'est pas vraiment tricher. Il s'agit ici de jeunes gens qui font face à une maladie terminale, pour la plupart. Ce sont des personnes qui peuvent, dans une certaine mesure, exercer un droit de choisir, comprendre les processus auxquels ils participent et choisir de faire certaines choses, dans ce cadre-là, pour tenter de sauver leur vie, au fond, ou au moins de faire des choix susceptibles d'améliorer leurs chances face à la maladie.
Si des modifications sont apportées au rapport, nous pourrions envisager de remplacer ce mot. Nous parlons ici des personnes qui ne respectent pas les conditions du protocole et des raisons qui les poussent à agir ainsi.
Deuxième exemple. Il est dit dans le texte qu'une partie importante des séropositifs et des sidéens font des choix émotifs en matière de traitement. Du point de vue de la Société canadienne du sida et des séropositifs et des sidéens qui participent à ses activités, on peut dire que, dans la majorité des cas, cela est faux. Cette façon de s'exprimer suppose là encore un jugement de valeur, et il est présenté sous un jour très négatif. Je pense qu'on ne respecte pas l'évolution du militantisme en matière de traitement, le type de militantisme qui peut imposer l'examen de cette question au niveau national et faire en sorte qu'un comité comme celui-ci s'en occupe. Ces affirmations ne montrent pas que le séropositifs et les sidéens peuvent être informés sur la maladie et choisir rationnellement entre les diverses possibilités qui s'offrent à eux.
Mon troisième exemple est un paragraphe qui parle de la mise au point de médicaments. Il est dit que, exception faite des malades graves et de ceux qui les défendent, tous les intervenants estiment que rien ne doit entraver la mise au point des médicaments. Cela me semble encore trompeur. Il est au moins aussi important pour les séropositifs et les sidéens que pour n'importe qui d'autre qu'on trouve des thérapies efficaces. Les formulations employées dans le rapport sont troublantes. Elles opposent ces personnes à toutes les autres.
Il se pose là une question d'équilibre vraiment difficile. Je pense que, par ces formulations, en dressant un groupe contre les autres, on passe à côté de certains des vrais problèmes.
Ces trois exemples m'ont amené à m'interroger sur certaines des hypothèses qui sous-tendent ce débat qui a maintenant duré plus de trois séances. Malheureusement, je n'ai pas pu assister à toutes, mais j'ai suivi les échanges de près. J'ai lu les transcriptions au fur et à mesure de leur publication.
Je tiens à souligner que, dans une grande mesure, le problème a été soulevé par des séropositifs et des sidéens qui sont renseignés sur leur maladie et sont assez motivés pour remettre le statu quo en cause. Malgré les passages que j'ai cités en exemple, ces personnes ne sont pas des désespérés atteints de pathologies mentales. Ce ne sont pas des égoïstes qui veulent satisfaire leurs besoins aux dépens de tout le monde. Ce sont des personnes vraiment bien renseignées sur ces problèmes, capables de s'y attaquer et d'en imposer le débat. Je ne crois pas que la transcription reflète vraiment cet état de choses.
Malheureusement, ce que je constate dans le texte, c'est que la voix qui se fait entendre le plus fort, parfois, est celle des représentants qui ont témoigné au comité, des médecins qui essaient de traiter les séropositifs et les sidéens. Malheureusement, ils sont représentatifs de médecins qui sont presque à bout, essayant de satisfaire les besoins énormes qui existent dans le traitement de cette maladie. Jusqu'à un certain point, ils semblent avoir atteint le point de rupture. Il est compréhensible qu'ils disent par exemple: «Ne me proposez plus rien.» Je ne veux surtout pas manquer de respect pour le travail héroïque de ces médecins. J'attire simplement votre attention sur ce fait, parce qu'il sous- tend le problème de l'équilibre à préserver dans ce dossier, et dans le texte.
Il me semble clair que cette discussion fait ressortir des conflits entre des valeurs et des intérêts divers, et il est certain que la question n'est pas facile, mais je ne suis pas sûr que nous allons pouvoir parvenir à une conclusion à moins que nous n'affirmions avec le maximum de clarté et de vigueur qu'il faut mettre au moins sur le même pied que toutes les autres préoccupations celles des séropositifs et des sidéens et d'autres personnes atteintes de maladies catastrophiques. Ce n'est pas l'impression que me laisse la lecture du rapport. J'ai l'impression qu'il y a d'une part un petit groupe de radicaux qui ont certains problèmes et, de l'autre, le statu quo, les protagonistes institutionnels, qui peuvent se montrer beaucoup plus raisonnables à propos de ce problème.
Je crois que l'une des difficultés du rapport est qu'il présente la question en faisant ressortir trop de choix mutuellement exclusifs. Il semble trop faire ressortir des oppositions entre divers intérêts, et j'espère que les exemples que j'ai donnés le montrent bien. Selon moi, il faudrait jeter un peu plus de lumière sur les valeurs qui sous-tendent la discussion. Je n'ai pas la certitude que le rapport traite assez longuement des valeurs qui doivent primer les autres, lorsqu'il n'est pas possible de parvenir à un équilibre.
Je dirais, pour conclure ces observations liminaires, que la Société canadienne du sida n'est certainement pas d'avis qu'il s'agit de faire des choix qui s'excluent les uns les autres, ni d'opposer les intérêts des institutions à ceux des séropositifs et des sidéens. Il y a de nombreux moyens de répondre aux besoins de tous. Il nous faut créer, dans ces échanges, un climat propice à l'étude des choix rationnels qui peuvent être faits et respectés et à la mise en place d'un système qui permet d'exercer ces options. Le grand exemple qui a été donné est que, si nous libéralisons trop l'accès aux thérapies expérimentales, nous n'aurons jamais de bonnes recherches cliniques. Selon mon expérience personnelle, car je travaille dans ce domaine depuis maintenant plus de dix ans, il s'agit ici d'un groupe de personnes, c'est-à-dire les séropositifs et les sidéens, qui comprennent clairement la nécessité de recherches cliniques et peuvent faire en sorte que, tout en satisfaisant les besoins, on ne compromette pas les possibilités de bonnes recherches cliniques.
C'est tout pour ma déclaration d'ouverture. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Armstrong.
Nous accueillons maintenant M. James Kreppner, de la Société canadienne de l'hémophilie.
M. James Kreppner (conseil d'administration, Société canadienne de l'hémophilie): Je voudrais tout d'abord reprendre à mon compte tout ce que M. Armstrong a dit. Il a fait ressortir des éléments que j'aurais moi-même signalés au sujet du ton du rapport et de la manière dont tous les consommateurs semblent être mis dans le même sac. Le rapport laisse l'impression qu'ils sont peut-être trop émotifs et ne saisissent pas toutes les ramifications de tous les problèmes. Il est certain que, d'après mon expérience, ce n'est tout simplement pas vrai.
La grande communauté de ceux qui se préoccupent du sida a beaucoup réfléchi à ce problème, qui a suscité d'abondantes discussions. Nous avons examiné le pour et le contre, et nous sommes conscients des inconvénients et des avantages. Enfin de compte, la question se résume au problème de l'accès aux médicaments pour raisons humanitaires et à la définition de cet accès. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit ici de compassion. Il s'agit de traiter avec des médicaments des personnes qui n'y auraient pas normalement pas accès, et nous le faisons par compassion, devant les difficultés dans lesquelles elles sont plongées.
Le document de travail passe en revue un certain nombre de questions. Nous considérons les conséquences pour d'autres protagonistes. Quelles seront-elles pour les sociétés pharmaceutiques? Y aura-t-il davantage de problèmes administratifs pour Santé Canada? À l'avenir, les sociétés pharmaceutiques voudront-elles faire des essais au Canada si nous leur imposons des exigences coûteuses concernant l'accès pour raisons humanitaires? Ce sont toutes des questions importantes, et, je le répète, elles n'ont rien de neuf pour nous. Ce sont des questions dont nous avons discuté. Pas plus que d'autres, nous ne voulons prendre des mesures qui empêcheraient que des essais cliniques soient menés dans notre pays.
Je crois néanmoins qu'il y a moyen de trouver un compromis et d'inciter les sociétés à faire des essais cliniques au Canada tout en permettant la distribution de médicaments pour raisons humanitaires aussi, de façon que tous y trouvent leur compte, les Canadiens et les sociétés pharmaceutiques qui font ces essais. Le Réseau des essais cliniques est un bon exemple.
Lorsque des personnes demandent de l'aide à ce réseau ou lorsque des sociétés pharmaceutiques le font, une question qui figure dans le formulaire à remplir porte sur les plans d'accès aux médicaments pour raisons humanitaires. La seule présence de cette question est très utile du point de vue de la persuasion morale. Elle fait comprendre à la société pharmaceutique que les consommateurs sont au courant de cette pratique, qu'ils y pensent, et qu'ils voudraient avoir une réponse à ce sujet. C'est une manière d'encourager la société pharmaceutique à prendre la question au sérieux et à faire quelque chose.
Si on regarde ce qui s'est passé dans les essais appuyés par le réseau et chez certaines sociétés pharmaceutiques qui se sont dotés d'un service des médicaments pour raisons humanitaires, je crois qu'on peut dire que cette formule a été efficace. Il a été utile qu'un organisme pose cette question et dise clairement que, à son point de vue, il s'agissait de l'option privilégiée.
Il est bien que le réseau l'ait fait, mais il me semble beaucoup plus important que la Direction générale de la protection de la santé le fasse. La persuasion morale serait plus forte, et les résultats seraient semblables à ce qui s'est passé pour les médicaments pour lesquels on a demandé l'aide du réseau.
Je sais que la COQ-SIDA a proposé - je lis le rapport - de refuser l'homologation d'un autre médicament de la société si elle ne donne pas une réponse satisfaisante au sujet du refus d'accès pour raisons humanitaires, si telle est sa décision. C'est l'une des propositions qui ont été faites.
J'ai remarqué que le rapport récusait rapidement cette proposition en disant: «Et si le médicament en question était le 3TC?» Selon moi, c'est nous lancer sur une fausse piste. Je pense que la proposition vise plutôt un médicament qui aurait de nombreux concurrents sur le marché, qui n'aurait peut-être strictement rien à voir avec le sida, et dont l'absence ne risque pas d'avoir un effet notable sur la santé des malades.
Les auteurs de la proposition ne pensaient pas au 3TC, par exemple, et il m'a semblé un peu étrange qu'on choisisse cet exemple.
Évidemment, lorsque cet autre médicament n'existe tout simplement pas... Il est possible que tous les médicaments d'une société soient importants, efficaces et sans substituts. En pareille situation, on pourrait se rabattre sur une sanction monétaire, par exemple, si la société ne donne pas d'explication satisfaisante pour refuser l'accès aux médicaments pour des motifs humanitaires.
Quant à la possibilité que ces façons de faire soient contestées en vertu du GATT et de l'ALENA, j'ai du mal à y croire. Pour commencer, n'importe quoi peut être contesté par n'importe qui à n'importe quel moment. Je suis avocat. Je le sais. On peut se présenter devant les tribunaux pour n'importe quelle raison, qu'on ait une cause valable ou non. On pourrait effectivement invoquer l'ALENA ou le GATT, mais je ne pense pas que la cause soit solide. Les pays peuvent accorder ou retirer l'homologation de médicaments à leur guise, et ils le font sans cesse.
Il n'y aurait de cause défendable que si on pouvait prouver que l'homologation d'un médicament a été retirée pour donner un avantage commercial injuste à un médicament canadien ou pour influencer le marché d'une manière quelconque à cet égard, mais ce n'est évidemment pas ce qui est proposé ici. C'est donc là un risque qu'on exagère beaucoup.
Enfin, à propos du programme d'accès spécial, je puis vous dire que, après en avoir parlé avec d'autres et avoir lu sur ce que ce programme suppose, je me pose des questions. Le PUM a un bilan excellent. Il est même connu à l'étranger. Je consulte sans cesse Internet, et je remarque des messages sur de nouveaux groupes, par ex., et le PUM a une excellente réputation. J'ai entendu des commentaires un peu jaloux d'autres pays, où des gens se demandent pourquoi ils n'ont pas un PUM ou un programme équivalent. Je ne suis pas certain que le programme d'accès spécial, tel que proposé, le remplacera de façon vraiment satisfaisante.
C'est une chose que d'avoir un gouvernement qui s'adresse à une société pharmaceutique pour lui demander de rendre un médicament disponible parce que quelqu'un le réclame, et c'en est une autre que d'avoir un patient qui fait la même démarche: «Voulez-vous rendre ce médicament disponible parce qu'il me plaît?»
J'ai participé aux deux démarches. J'ai eu recours au PUM, et il m'est aussi arrivé de m'adresser directement aux sociétés pharmaceutiques. Cela ne vous étonnera pas - ou peut-être que si - d'apprendre que, habituellement, ce sont les demandes du PUM qui sont considérées avec le plus de sérieux par les sociétés. Cela ne devrait pas être étonnant, car elles savent fort bien que, si elles refusent, ce sera remarqué.
Si la société pharmaceutique répond... Avec le programme d'accès spécial, le plus facile est de dire non. Si elle dit non, elle n'a plus rien à faire. Si elle dit oui, elle doit communiquer avec Santé Canada et fournir de l'information sur le médicament et tout le reste. Elle doit prévenir la direction des médicaments dans les 48 heures.
Il me semble qu'on met en place un système qui complique au lieu de faciliter l'accès à ces médicaments en situation d'urgence. On prétend, je sais, qu'on fait disparaître un intermédiaire, ce qui devrait accélérer le processus. Croyez-moi, les sociétés pharmaceutiques peuvent gaspiller autant de temps que les gouvernements sinon plus, surtout lorsque le gouvernement n'est pas là pour leur rappeler qu'il faut faire plus vite.
On se plaint également que le PUM est surchargé de demandes de thérapies expérimentales pour le sida. À cela, je réponds que, si c'est vraiment un problème pour le PUM, il faut mettre en place un programme ou un train de politiques qui incitera les sociétés, lorsqu'elles déposent des protocoles - je songe aux protocoles des phases II et III - pour faire approuver leurs médicaments, à faire intervenir leur service d'accès pour raisons humanitaires. On fera naturellement disparaître en grande partie les raisons qu'on peut avoir de faire des démarches pour obtenir le médicament grâce au PUM; ce sera devenu inutile; il y aura un autre service qui fournira le médicament. Cela déchargera grandement le PUM et résoudra le problème dont on nous parle à Santé Canada au sujet de ce programme.
Les essais peuvent être menés d'une manière qui permet le recrutement et, simultanément, fournit les médicaments pour des raisons humanitaires. Certains malades ne satisfont pas aux critères des essais initiaux, et ceux qui n'ont aucun autre moyen d'accès pour raisons humanitaires sont laissés à eux-mêmes, sans aucun recours. Nous savons également que le seul fait de pouvoir obtenir un médicament peut avoir un effet psychologique profond. Nous avons constaté récemment que les inhibiteurs de la protéase n'ont pas qu'un effet psychologique. Pour les malades, ils font une différence.
Ce n'est peut-être qu'un fait anecdotique, mais, personnellement, j'ai déjà eu un compte de CD4 de seulement quatre. J'ai pris simultanément plusieurs médicaments, dont deux grâce aux protocoles d'accès pour raisons humanitaires. Mon poids est passé de 105 à 140 livres et mon compte de CD4 de quatre à 50, et je me suis senti beaucoup mieux, au point que je puis comparaître devant vous aujourd'hui, alors que je n'ai pu le faire aux audiences précédentes. Ce n'est qu'un fait divers, mais je veux dire que l'accès pour raisons humanitaires peut avoir des avantages concrets dans la vie des malades, et nous devrions faire tout notre possible pour que les médicaments soient accessibles pour des raisons humanitaires.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant céder la parole à Mme Atkinson, de AIDS Action Now.
Mme Maggie Atkinson (coprésidente, AIDS Action Now): Merci.
Comme vous le savez, AIDS Action Now est un organisme militant de Toronto qui lutte afin qu'on améliore la recherche, le traitement et les services de soutien pour les malades atteints du sida.
À peu près à la même époque l'an dernier, mon collègue, Brian Farlinger, alors coprésident de AIDS Action Now, a pris la parole devant votre comité. Il m'avait alors demandé de l'accompagner et de prendre la parole moi aussi, mais j'étais malheureusement trop malade pour le faire.
Tout comme James, j'ai personnellement profité de l'accès aux médicaments pour raisons humanitaires. C'est ainsi que j'ai commencé à prendre du 3TC en mars dernier. À l'époque, j'étais alitée depuis environ sept mois. J'étais gravement malade et je n'étais pas censée survivre. J'ai pris concurremment de l'AZT et du 3TC, et mon compte de lymphocytes T est passé de 60 à 200 en un mois. J'ai eu un regain d'énergie, et le pronostic est certainement bien meilleur aujourd'hui qu'il y a un an. Mon expérience personnelle me porte donc à appuyer vigoureusement l'accès aux médicaments pour raisons humanitaires. Un grand nombre de mes connaissances ont également profité de cet accès aux médicaments.
Malheureusement, retarder l'accès au traitement, c'est, au fond, le refuser. Bien des gens comme Brian Farlinger, qui n'ont pas vécu assez longtemps pour que le saquinavir, par exemple, soit accessible pour des raisons humanitaires et qui avaient épuisé toutes les autres possibilités, sont morts avant de pouvoir obtenir ces médicaments.
La situation a certainement beaucoup changé au Canada. Même au cours des derniers moins, il y a eu un réel changement dans la manière dont les sociétés abordent l'accès aux médicaments pour des raisons humanitaires. Je crois que le Réseau canadien pour les essais VIH y est pour quelque chose. James Kreppner et moi faisons partie du comité consultatif canadien de ce réseau et, à ce titre, nous avons examiné un grand nombre de protocoles. Nous avons observé une évolution progressive non seulement dans les sociétés, mais aussi dans l'attitude des chercheurs à l'égard de l'utilisation des programmes d'accès pour raisons humanitaires.
Au départ, il était très difficile d'amener les sociétés ne fût-ce qu'à parler d'accès pour raisons humanitaires. Je crois qu'il a été utile que le Réseau canadien inscrive cette question dans son formulaire de demande de protocole. L'organisme a également assuré un suivi en amenant le directeur national à écrire aux sociétés pour leur demander quels étaient leurs plans concernant l'accès pour raisons humanitaires. C'est ce qui a déclenché le mouvement.
Au départ, il y a eu le programme d'accès au Glaxo 3TC pour raisons humanitaires. Beaucoup y ont participé, et le programme a été une réussite. Il y a eu ensuite la classe des médicaments désignés comme des inhibiteurs de la protéase, produits très puissants et dont la fabrication est très difficile. Le processus est beaucoup plus long et plus coûteux, si bien que la quantité de médicaments a été limitée. Il y a donc eux des restrictions dans l'accès pour raisons humanitaires, autre problème que notre milieu a dû aborder: comment peut-on rationner la compassion?
C'est ainsi qu'est apparu au Canada le programme d'accès pour raisons humanitaires saquinavir ou Roche. Depuis décembre, l'accès a été accordé pour deux nouveaux inhibiteurs de la protéase, le Crixivan et le ritonavir, médicaments produits par Merck Frosst et Abbott. Là encore, l'accès est limité, mais il s'est progressivement élargi.
En fait, nous venons de négocier avec Abbott un accès accru au ritonavir pour raisons humanitaires. La société a dit au départ qu'elle n'accorderait aucun accès, puis elle a consenti à un certain accès. Il y a un mois, elle nous a proposé de l'offrir à 160 personnes partout au Canada et, il y a environ une semaine, le nombre est passé à 500 immédiatement. Il y a donc une évolution progressive vers un accès plus large pour raisons humanitaires.
Lorsqu'un nouveau médicament est sur le point d'être mis en marché, des groupes comme AIDS Action Now communiquent avec les sociétés et les incitent à appliquer des programmes d'accès pour raisons humanitaires. Nous faisons évoluer la situation au Canada, et on s'attend qu'il y aura une forme d'accès pour raisons humanitaires.
À l'automne, nous avons rencontré par exemple Boehringer Ingelheim et nous avons pu faire accepter l'accès humanitaire par cette société. Ensuite, au début de l'année, Pharmacia & Upjohn a communiqué avec nous parce qu'elle voulait mettre sur pied un programme d'accès pour raisons humanitaires et souhaitait avoir le point de vue de notre milieu. Nous venons de rencontrer les représentants de Janssen et nous avons discuté de la mise en oeuvre d'un programme d'accès pour raisons humanitaires.
Nous assistons donc, je crois, à une évolution encourageante vers un plus grand accès. Il y a aussi autre chose qui change au Canada: il y a davantage de médicaments disponibles. Auparavant, les sidéens avaient fort peu de choix. Il y avait trois médicaments, AZT, ddI et ddC. Il y a aussi le d4T, dont la vente n'est pas encore autorisée au Canada, et le 3TC, qui n'est pas autorisé non plus.
Il est autorisé maintenant? Ces choses-là changent assez rapidement.
Une chose que je veux faire remarquer, c'est qu'il y a maintenant davantage de possibilités. Cela peut avoir une influence sur la question de savoir si l'accès pour raisons humanitaires peut compromettre les essais cliniques. Par le passé, les possibilités étaient si peu nombreuses que les patients épuisaient vite tous leurs recours. Des médicaments comme le ddI et le ddC ont des effets toxiques et peuvent provoquer une pancréatite et une neuropathie périphérique. Les malades ne pouvaient donc pas continuer à les prendre. Maintenant qu'il y a davantage de médicaments sur le marché, je crois que les malades risquent moins de quitter un programme d'essai pour avoir accès un nouveau médicament.
Ce que nous voulons, au fond, c'est obtenir les médicaments plus rapidement. Cela peut se faire de différentes manières. Il a tout d'abord l'accès pour des raisons humanitaires. Nous souhaiterions que cette forme d'accès soit exigée au moment des essais des phases II et III. Je crois comprendre que COQ-SIDA a déjà fait cette proposition, s'inspirant de lignes directrices élaborées par AIDS Action Now il y a à peu près un an.
Quant à l'accès pour raisons humanitaires, je crois qu'il faut améliorer le PUM ou le programme d'accès spécial pour accélérer l'accès. Je conviens avec James que le programme d'accès spécial comporte des problèmes. Je crois qu'il est important que le gouvernement intervienne dans la présentation de la demande. Même avec le PUM, les sociétés préfèrent ne pas tenir compte des personnes. Nous avons constaté que les sociétés n'étaient réceptives que lorsque des organismes comme AIDS Action Now les appelaient.
Nous voudrions que la direction des médicaments renonce à l'exigence des protocoles. Lorsque nous négocions avec la société l'accès à un médicament pour raisons humanitaires, et qu'elle accepte, dans le cadre du PUM, de donner cet accès immédiatement aux personnes qui en font la demande, la société nous apprend que la direction des médicaments exige un protocole pour fournir le produit aux personnes qui en font la demande.
Cette exigence retarde les choses pendant des mois. Entre temps, des patients meurent tous les jours. En Ontario seulement, plus d'une personne meurt du sida chaque jour. Ces retards de quatre à six mois sont intolérables quand on songe au nombre de vies qui sont emportées.
On peut aussi se demander si une approbation est vraiment nécessaire dans le cas de l'accès pour raisons humanitaires. Selon moi, ce type d'accès équivaut en fait à un traitement. Ce n'est pas un essai, et il ne faut pas le considérer comme tel. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir un protocole, ni non plus qu'il faille une approbation sur le plan éthique.
S'il faut une approbation sur le plan éthique, il pourrait peut-être y en avoir une seule, centrale. Le Comité national d'éthique du Réseau canadien pour les essais VIH a assumé cette fonction par le passé, par exemple.
Je voudrais ajouter autre chose. Je serais disposée à présenter des observations écrites. J'ai beaucoup de mal à accepter ce que dit le rapport au sujet des inconvénients. Je dois m'inscrire en faux contre un grand nombre d'affirmations, de prémisses qu'on y trouve, et contre ce qu'il dit des inconvénients.
Je me ferai un plaisir de participer à des échanges plus généraux. Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Milligan, de l'Association canadienne de l'industrie du médicament.
M. William D. Milligan (vice-président, Association canadienne de l'industrie du médicament): Merci, monsieur le président, de me permettre de faire quelques observations au nom de l'ACIM. Comme c'est la raison d'être de cette dernière discussion, je suis ici pour donner au sous-comité et aux autres participants un complément d'information et des éclaircissements sur la position de l'ACIM sur les questions étudiées ici et formuler des recommandations afin de résoudre des problèmes concernant l'accès pour raisons humanitaires aux médicaments expérimentaux.
Étant donné que l'ACIM a été restructurée de fond en comble ces derniers mois et que leDr Fourie a remis sa démission comme président du sous-comité VIH de l'ACIM, il ne nous a pas été possible de discuter à fond des mécanismes proposés dans le rapport et d'établir sur chacun la position officielle de l'ACIM.
Néanmoins, je vais traiter de la position de mon association sur les grandes questions qui ont été examinées au cours des discussions de la table ronde, notamment celles de l'accès pour des raisons humanitaires, la réglementation, l'éthique, les aspects juridiques ainsi que les responsabilités de chaque protagoniste.
Malheureusement, le Dr Levy, qui est notre spécialiste des essais cliniques et de la réglementation, n'a pas pu venir aujourd'hui. Il est retenu par la maladie.
Voyons d'abord l'accès pour raisons humanitaires. Maggie y a fait allusion, ces quatre derniers mois, pendant que nous discutions de la question, des informations nouvelles sont venues au sujet de la disponibilité des médicaments contre le VIH.
En novembre 1995, juste avant le début de la session, les patients atteints du sida en situation catastrophique n'avaient largement accès qu'à trois analogues de nucléoside ou inhibiteurs de la transcriptase inverse: l'AZT, le ddC et le ddI, comme Maggie Atkinson l'a dit. Leur seule autre option thérapeutique était d'ajouter le d4T, le 3TC ou le saquinavir grâce aux programmes d'accès à ces médicaments pour des raisons humanitaires ou au PUM. Nous avons déjà dit que l'inhibiteur de protéase n'était alors disponible qu'en quantité limitée.
Exception faite du saquinavir, les options se limitaient à des combinaisons d'analogues de nucléoside, ce qui ne constituait qu'une seule manière de s'attaquer au VIH et à la maladie. L'offre d'inhibiteurs de protéase était déficiente, et les sociétés s'efforçaient d'augmenter leur capacité de production pour faire face à une demande mondiale croissante.
En décembre, la DGPS a approuvé le 3TC, qui est devenu largement disponible. Le seul obstacle était la question de savoir qui paierait le médicament. Puis, en mars 1996, la DGPS a approuvé l'utilisation générale du d4T et du saquinavir. Là encore, la seule difficulté était de savoir qui paierait le médicament.
Il probable que, en juillet 1996, la DGPS approuvera deux autres inhibiteurs de la protéase, l'indinavir et le ritonavir, pour utilisation générale. Une fois de plus, la seule entrave sera la question de savoir qui paiera ces médicaments.
Au plus tard à la fin de 1996, 20 ans après le début de la pandémie en Amérique du Nord, la DGPS approuvera probablement pour utilisation générale une autre catégorie de médicaments, le premier inhibiteur de la transcriptase inverse qui ne soit pas un nucléoside, la nevirapine. Le seul problème qui subsistera sera de savoir qui doit payer.
En 1996, par conséquent, les médecins auront à leur disposition neuf médicaments contre le VIH qui agissent de trois manières différentes et qui auront été approuvés sans restriction par la DGPS et pourront être combinés pour lutter contre le VIH. Le problème crucial sera alors celui du coût de ces thérapies à plusieurs médicaments et de la prise en charge de ces coûts.
Le Dr Cameron et le Dr Tsoukas ont insisté sur la nécessité de collaborer pour trouver la meilleure utilisation des diverses combinaisons possibles et résoudre le problème du coût de la thérapie.
Les sociétés membres de l'ACIM ont prédit, à l'occasion d'un récent sondage, que d'ici à 1999, il y aurait plus de 17 thérapies contre le VIH dont l'utilisation sera approuvée au Canada, et agissant de quatre façons différentes contre le virus. Bien qu'il n'y ait pas de guérison en vue, on espère qu'il sera possible, en alliant thérapies et intervention précoce, de ralentir considérablement la progression de la maladie.
Jusqu'à présent, toutes les sociétés membres de l'ACIM qui ont mis au point des médicaments contre le VIH pour utilisation au Canada ont accordé l'accès pour des raisons humanitaires dans la mesure où la logistique le permettait. L'ACIM ne s'attend pas à ce que cette attitude à l'égard de l'accès pour raisons humanitaires change avec l'arrivée de nouveaux produits. L'ACIM tient, comme les patients et les médecins, à ce que les médicaments qui permettent de sauver ou de prolonger la vie des malades soient le plus tôt possible à la disposition des médecins pour que ceux-ci puissent traiter leurs malades. Nous sommes conscients que, au cours des prochaines années, il y aura également une forte augmentation du nombre d'options thérapeutiques pour lutter contre d'autres maladies qui peuvent être mortelles.
En ce qui concerne la réglementation, pour en venir au résumé qui a été rédigé après les tables rondes, l'ACIM estime que des mécanismes d'application obligatoire exigés par voie législative ne sont pas une solution acceptable au problème de l'accès pour raisons humanitaires. Notre association demeure persuadée que la meilleure façon d'assurer l'accès aux nouveaux médicaments est de passer par la Direction générale de la protection de la santé.
La DGPS a amélioré considérablement son processus d'examen, et d'autres mesures peuvent être appliquées pour le simplifier davantage. Nous avons discuté de diverses possibilités. Parmi les moyens envisageables pour accélérer l'examen et l'approbation, notons l'examen commun avec les autorités américaines, les approbations conditionnelles et le recours à des experts indépendants.
L'ACIM appuie les efforts que la DGPS continue de déployer pour trouver des solutions originales afin de mettre plus rapidement à la disposition des Canadiens des médicaments qui peuvent sauver ou prolonger des vies. L'exemple de l'examen conditionnel en 47 jours du ritonavir, aux États-Unis, alors qu'on prévoit un examen qui exigera 180 jours au Canada, montre assez qu'il y a encore place pour des améliorations.
L'ACIM est d'accord sur le processus d'accès simplifié proposé par la Direction générale de la protection de la santé pour faciliter l'accès aux médicaments de recherche, et elle estime que le système doit être soigneusement étudié.
Le Dr Logue et le Dr Tsoukas ont également parlé de la charge administrative liée aux programmes d'accès pour raisons humanitaires et au PUM. Nous estimons que le médecin est le premier contact avec le patient pour le traitement au moyen des médicaments obtenus pour des raisons humanitaires. Par conséquent, nous ne voyons pas comment il est possible d'alléger cette charge administrative. Nous estimons toutefois qu'il faudrait tenir compte de ces activités dans la structure de rémunération des médecins.
Il faudrait clarifier d'autres points concernant ce programme d'accès et approfondir le débat. Par exemple, il faudrait que les responsabilités de chaque intervenant soient claires et que le fabricant ait le droit de refuser le médicament pour des motifs valables.
Le processus est une question à débattre, et nous sommes heureux de constater qu'il est fait mention de certains mécanismes. Il faut également clarifier les définitions, par exemple celles des effets secondaires graves, des diverses circonstances et des urgences. Il faut préciser ces termes avant d'aller plus loin.
En ce qui concerne les rapports, le nombre de patients, la durée du traitement et les exigences du processus de réglementation, y aura-t-il des vérifications? Selon quelles méthodes? Quels renseignements seront demandés? De quel mandat l'industrie pharmaceutique aura-t-elle besoin pour mettre ce nouveau système en vigueur?
Il est également d'une importance cruciale d'éviter toute conséquence fâcheuse sur les essais cliniques si nous voulons éviter de retarder le processus d'approbation. Il faut débattre beaucoup plus longuement de la question. Nous croyons que, si les choses sont un peu plus précises et plus claires, le nouveau processus permettra d'avoir un régime plus efficace d'accès pour raisons humanitaires pour tous les intéressés, sans que des contrôles soient imposés par voie législative.
Quant aux préoccupations d'ordre éthique et juridique, les questions d'éthique sont très difficiles parce qu'elles font intervenir des questions sociales. Nous estimons que le gouvernement a un important rôle de guide à jouer pour que les valeurs sociales soient respectées. Nous estimons que le CNBRSH et les commissions d'éthique régionales ont également un rôle à jouer, pour protéger les valeurs sociales, en conseillant les médecins et les fabricants qui doivent se prononcer sur l'utilisation de médicaments de recherche pour raisons humanitaires.
Le gouvernement doit définir clairement la composition et le mandat des CER et élaborer le mandat du CNBRSH à cet égard avant d'aller plus loin. Cette option intègre une position juste, correcte du point de vue social, sur une approche au cas par cas à l'intérieur d'une structure existante regroupant des spécialistes en médecine et en éthique.
Les questions juridiques que nous avons discutées gravitent autour de la capacité ou de l'incapacité de dégager un consentement vraiment éclairé. Lorsqu'il s'agit de médicaments sur lesquels fort peu de données ont été établies ou vérifiées, il n'est pas possible de faire une évaluation des risques et des avantages. Si le médicament est à une étape précoce du développement, la décision de l'utiliser chez une personne relève de l'éthique. Les lignes directrices régissant les recherches sur des sujets humains et les décisions concernant l'engagement du médecin à ne causer aucun tort au patient doivent également intervenir.
L'ACIM estime également que le gouvernement doit, avant que la responsabilité ne soit déléguée aux médecins et aux fabricants, régler les questions du système d'accès spécial qui est proposé, du cadre juridique et de responsabilité qui est sous-jacent.
Les responsabilités morales, juridiques et de fiduciaire des fabricants ont été examinées minutieusement. Nous ne devons pas négliger non plus la responsabilité du fabricant envers ses actionnaires, sa responsabilité de gérer le risque et de prendre de bonnes décisions commerciales.
La publication de Pharmaceutical Research Manufacturers of America, New Medicines Report, a signalé, dans son enquête de 1995, qu'il y avait en ce moment plus de 110 médicaments à l'étude pour combattre le VIH et le sida, et plus de 200 médicaments pour lutter contre le cancer. Un grand nombre de ces médicaments expérimentaux seront un jour approuvés à des fins thérapeutiques, mais beaucoup d'autres ne le seront pas pour divers motifs de sécurité et d'éthique. Cela suscite d'autres inquiétudes, d'autres risques, car il se peut qu'on fournisse, dans le cadre d'un contrôle obligatoire ou volontaire, des produits qui ne seront jamais approuvés pour que les médecins et les patients s'en servent. Si on fournit un produit dans le cadre d'un programme d'accès pour raisons humanitaires, rien ne garantit que le produit sera un jour approuvé ou remboursé au Canada.
L'ACIM est résolue à poursuivre le travail avec d'autres parties intéressées pour trouver une solution à ces problèmes complexes et offrir un système d'accès pour raisons humanitaires qui soit plus simple, efficace et équitable.
Je répète pour conclure que, selon nous, il n'y a pas encore eu un débat suffisant à l'intérieur de l'ACIM et entre l'ACIM et Santé Canada au sujet des mécanismes proposés au sujet de l'accès aux médicaments de recherche. Nous demandons à pouvoir discuter davantage de ces mécanismes avec Santé Canada.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Milligan.
Nous accueillons maintenant M. Jacques Bouchard, de Santé Canada,
[Français]
le chef intérimaire de la Division du SIDA et des maladies virales,
[Traduction]
et Mme Beth Pietersen, directrice associée, Bureau des produits biologiques.
Madame Pietersen.
Mme Beth Pietersen (directrice associée, Bureau des produits biologiques, Santé Canada): Nous n'avons pas beaucoup d'observations à faire pour l'instant. J'ai rédigé un texte que je vais déposer.
Le président: Merci beaucoup.
Le deuxième appel n'a pas encore débuté. Lorsqu'il retentira, nous aurons encore dix minutes, et il nous faut cinq minutes pour nous rendre à la Chambre. C'est un appel de 15 minutes. Y a-t-il des observations?
[Français]
Monsieur Ménard.
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): J'aimerais confirmer que la comparution du ministre de la Justice aura lieu dans cette pièce à 18 heures, puisque je devrai aussi être présent.
Tout ceci est très intéressant. J'attendrai l'arrivée de Mme Atkinson puisque que je veux lui adresser la parole.
Je n'oublie pas que la première fois que j'ai abordé cette question en comité et proposé la création d'une table ronde, c'était à la suite de ma rencontre avec AIDS Action Now! et M. Farlinger. Je désire obtenir quelques précisions supplémentaires; je n'adresse pas nécessairement mes questions à Mme Atkinson. Je voudrais rappeler les propos de M. Farlinger parce qu'il me semble très clair que ce comité devra faire une recommandation pour la mise en oeuvre de mécanismes d'accès compassionnel pour les industries pharmaceutiques.
La question qui me semble se poser est: est-ce que l'on doit conditionner l'autorisation de protocoles... Avons-nous des problèmes techniques?
[Traduction]
Une voix: [Inaudible]
Le président: Il faut passer sur le deux.
M. Ménard: Le français est une belle langue.
Comme vous le savez, M. Goldbloom a déposé son rapport hier, et il nous rappelle que nous avons ici deux langues officielles.
Une voix: Je vous prie de m'excuser.
Le président: C'est très bien.
M. Ménard: Alors, tout va bien?
[Français]
J'aimerais que nous partions du principe que tous les comités et tous les députés autour de cette table sont d'accord pour faire en sorte que les gens qui sont considérés comme des malades catastrophés... Je suis d'accord sur la nécessité d'avoir des définitions claires, comme certains d'entre vous le recommandaient. Doit-on, dans le cadre d'un projet de loi du gouvernement ou d'un projet de loi privé que je pourrais déposer, obliger le gouvernement, et par conséquent les compagnies pharmaceutiques, à autoriser l'accès compassionnel? Ainsi, Santé Canada ou le Réseau canadien d'effets cliniques sur le VIH ne pourraient pas autoriser un protocole de recherche au Canada si les compagnies pharmaceutiques ne rendaient pas disponibles des modalités d'accès compassionnel.
Certains témoins, entre autres M. Armstrong dont je connais la sensibilité, disaient avoir de la difficulté quant à la teneur de certains propos qui sont rapportés. Je désire vous rappeler que nous ne sommes pas à l'étape de la rédaction du rapport du comité; nous n'avons que rapporté les propos de certains témoins. Nous devrons faire un rapport qui fera état des recommandations que nous ferons au gouvernement.
Croyez-vous que nous devrions adopter une approche plus coercitive dans ce projet de loi afin qu'on donne l'autorisation de protocole d'essai clinique moyennant la reconnaissance de modalités d'accès compassionnel?
Je crois deviner un peu la réponse de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, bien qu'il soit très important que vous nous donniez des garanties ou des idées très claires sur cette question puisque certains témoins ont déclaré qu'il en coûterait de 30 à 40 millions de dollars à une compagnie pharmaceutique pour conduire un effet clinique et rendre l'un ou l'autre des médicaments disponibles à des fins humanitaires.
Comment devrions-nous procéder? Devrions-nous adopter une approche plus coercitive? Devrions-nous l'inscrire dans un projet de loi? Quels mécanismes recommanderiez-vous précisément à ce comité?
[Traduction]
Le président: Quelqu'un voudrait répondre? Les réponses peuvent-elles être brèves?
Monsieur Milligan.
M. Milligan: L'un des points intéressants, dans la question de M. Ménard, c'est que, lorsqu'on aborde les programmes d'accès pour raisons humanitaires dans l'optique de l'industrie - la logistique pose un problème lorsqu'il s'agit de produire un médicament très tôt ou rapidement - mais une fois réglé le problème de logistique, il est avantageux pour elles de fournir des médicaments dans le cadre de programmes d'accès pour raisons humanitaires. Ils permettent aux patients et aux médecins d'acquérir une expérience. D'énormes pressions s'exerceront sur les services provinciaux pour qu'ils remboursent ces médicaments lorsque sera terminée la période d'accès pour raisons humanitaires. Ces programmes présentent donc une foule d'avantages pour les sociétés pharmaceutiques, lorsqu'elles s'attendent à mettre le produit sur le marché.
Les problèmes surgissent lorsqu'on en est à une étape tellement précoce des essais qu'on ne sait pas si le produit va satisfaire aux normes d'efficacité ou de sécurité nécessaires pour le mettre sur le marché ou l'utiliser efficacement à des fins thérapeutiques. C'est là que se poseraient des problèmes d'une extrême gravité si des obligations ou des dispositions législatives nous étaient imposées.
J'en reviens à l'excellent exemple qu'est le 3TC, fabriqué par une société canadienne, Biochem Pharma. Elle a un seul médicament. Si elle refusait de fournir pour des raisons humanitaires un deuxième médicament et si une loi permettait de lui enlever le 3TC, on pourrait détruire cette société pharmaceutique canadienne. Est- ce que c'est vraiment ce que ce groupe de témoins et de participants et le gouvernement souhaitent au Canada?
[Français]
M. Ménard: Je veux bien comprendre. Prenons l'exemple de Biochem, une compagnie québécoise et canadienne. On ne pouvait pas choisir un meilleur exemple, puisqu'au nom de ce comité-ci j'ai été mis en instance de négocier directement avec cette compagnie. Pour une des rares fois dans ma vie, je me suis mêlé de ce qui ne me regardait pas. J'ai communiqué avec la compagnie et demandé à des fonctionnaires du gouvernement canadien si nous pouvions nous asseoir autour d'une table pour élargir l'accès compassionnel.
Nous nous sommes retrouvés dans deux situations extrêmement troublantes dans le cas de personnes atteintes au Canada. Dans un premier cas, nous n'étions pas convaincus que le médicament serait disponible ici avant de l'être aux États-Unis. Dans le deuxième cas, nous avons éprouvé des difficultés à cause d'un manque de places. Des personnes qui souhaitaient avoir accès, à des fins humanitaires, à ce médicament s'en trouvaient privées.
Vous dites qu'il est intéressant pour des compagnies pharmaceutiques d'offrir ce médicament, mais ce n'est le cas que lorsque le potentiel de commercialisation est très prometteur.
Je me souviens d'avoir participé à une rencontre où l'on disait que la compagnie Abbott avait initialement huit places en accès compassionnel pour un des produits qui étaient en voie d'être commercialisé. Je sais que le CPAVIH à Montréal, près de la circonscription que je représente, a fait des pressions énormes. Vous parliez plus tôt 500 places; tant mieux.
Reconnaissez-vous, tout comme moi, que dans certaines situations l'accès compassionnel ait été élargi parce que des militants, des activistes et des groupes communautaires se sont organisés? L'exemple du 3TC n'est-il pas un exemple de certaines difficultés?
Le président: Monsieur Ménard, j'aimerais qu'on s'en tienne à deux minutes et demie et qu'on obtienne des réponses de M. Milligan et M. Armstrong.
M. Ménard: Si je parle trop, dites-le moi, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Milligan, voulez-vous terminer?
M. Milligan: Monsieur Ménard, comme d'habitude, vous avez encore fait ressortir un excellent point de vue: il y a eu des problèmes. J'ai dit tout à l'heure, vous vous le rappellerez, que toutes les sociétés qui produisent des médicaments pour lutter contre le VIH, en ce moment en tout cas, prévoient assurer l'accès pour raisons humanitaires dans la mesure où cela est possible sur le plan logistique.
Le problème que posent les inhibiteurs de la protéase - et je sais que Maggie Atkinson en a parlé, surtout du ritonavir et du saquinavir - est un problème de production à l'échelle non pas locale, mais mondiale. Lorsqu'un groupe comme AIDS Action Now intervient et fait des démarches auprès d'une société pharmaceutique, il se trouve en fait à concurrencer d'autres pays.
Dans le cas du saquinavir, nous avons eu l'occasion, en décembre, de discuter de la possibilité d'accroître l'accès à ce produit pour des raisons humanitaires, et de l'offrir à 1 000 patients au lieu de 415. Ce dernier chiffre tenait compte des limites de production à notre siège social, en Suisse, où on reçoit les demandes de 132 pays.
Nous avons pu négocier avec les États-Unis et les convaincre de débloquer une plus grande quantité de médicament pour qu'un plus grand nombre de Canadiens en profitent, même si, selon les prévisions, la demande américaine pouvait tout absorber. Ils ont pris le risque de nous en donner davantage à cause du débat que nous avons eu avec certains des...
On peut très bien négocier, réclamer, faire du bruit pour accroître le nombre de patients qui profitent du médicament, mais il faut comprendre qu'il y a concurrence internationale avec d'autres pays. La décision sur le nombre de patients n'est pas prise au niveau local. Elle se prend au niveau mondial.
Le président: Monsieur Armstrong, vous avez une minute.
M. Ménard: Je propose que nous allions voter. Nous pourrons revenir ensuite.
Le président: Non, nous ne pouvons pas revenir après, c'est justement le problème. Il faut mettre fin à la séance. Mais si certains témoins veulent rester un peu, M. Murray, qui est notre chargé de recherche, aura probablement quelques questions à poser.
Monsieur Armstrong, une brève observation, s'il vous plaît.
M. Armstrong: Dans ces conditions, je préfère que James ou Maggie aient le mot de la fin.
Le président: L'un ou l'autre, mais une seule observation.
Mme Atkinson: Selon moi, une approche coercitive serait probablement préférable. Il faudrait exiger l'accès pour raisons humanitaires pour autoriser les essais des phases II et III.
Je dirai à M. Milligan que, une fois qu'une société se lance dans des essais de phase III, elle offre le médicament à des milliers de personnes dans le monde entier. Elle doit donc avoir certaines données sur la sécurité et l'efficacité pour prendre ses décisions. Ce sont des millions qu'elle investit.
Selon moi, il est raisonnable d'accorder l'accès pour raisons humanitaires.
Le président: Je remercie tous nos témoins. Nous sommes profondément désolés, mais il faut retourner à la Chambre pour un vote. C'est l'un des rares votes libres, et nous voulons tous être présents. Merci beaucoup d'avoir été là cet après-midi.
Merci. La séance est levée.