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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 novembre 1996

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[Traduction]

Le président: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le sous-comité poursuit son étude de la pauvreté et de la discrimination. La séance est ouverte.

Je voudrais d'abord demander le consentement unanime des membres du comité pour permettre à un de nos témoins de garder l'anonymat.

Des voix: Oui.

Le président: Merci.

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos témoins, et je les remercie d'être venus. Vous verrez peut-être des membres du comité entrer et sortir pendant la séance. Nous devons être au moins trois pour entendre des témoignages et les consigner dans le compte rendu de nos travaux; il ne faudra donc pas vous étonner s'il y a du va-et-vient. Il y a d'autres séances en cours.

Nous entendrons sept témoins aujourd'hui: la présidente de la Société canadienne d'hémophilie, Mme Derhane Wong-Rieger; un porte- parole du Comité sur le sida de Terre-Neuve et du Labrador, M. Gerard Yetman; trois représentantes de l'Association canadienne de santé publique, Mme Mary Ann Mulvihill, qui est directrice de programme par intérim, Mme Hannah Cowen, qui est infirmière, et Mme Judy Redpath, qui est rédactrice en chef de l'association; et enfin, Mme Joanne Decarie, du HIV-T Group, de même qu'un membre de cette organisation.

Bienvenue aux témoins et merci d'être venus.

Si vous êtes d'accord, nous allons d'abord écouter ce que chacun de vous a à nous dire, après quoi nous passerons aux questions.

Mme Derhane Wong-Rieger va commencer.

Mme Derhane Wong-Rieger (présidente, Société canadienne d'hémophilie): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités à vous présenter nos vues sur la pauvreté, la discrimination et le VIH/sida. Je profite également de l'occasion pour vous remercier de nous avoir donné la chance de témoigner devant le sous-comité à diverses reprises dans le passé.

En fait, je suis très contente de commencer parce que je pense que les hémophiles et les autres personnes qui ont contracté le VIH par transmission sanguine - et qui sont aussi représentées par la Société canadienne d'hémophilie - sont un exemple de ce que le gouvernement peut faire grâce à ses programmes d'aide pour réduire la pauvreté des gens contaminés par le VIH, et pour atténuer certains de leurs problèmes.

Les hémophiles ont connu à la fois ce qui s'est passé avant et ce qui s'est passé après l'octroi d'une aide financière et d'indemnisations par les gouvernements. Je vous rappelle que les produits sanguins infectés ont eu des conséquences particulièrement tragiques pour les hémophiles. Par conséquent, nous avons mis sur pied un groupe de soutien pour les gens qui ont contracté le VIH par transfusion sanguine et nous avons travaillé très fort, au milieu et à la fin des années 80, pour obtenir de l'aide financière ou des indemnisations des gouvernements.

Nous avons été très chanceux que le gouvernement fédéral réagisse comme il l'a fait en 1989. Nous avons obtenu un programme d'indemnisation de quatre ans, et les gouvernements provinciaux se sont ensuite engagés à verser eux aussi des indemnités vers la fin de cette période de quatre ans, après des efforts considérables de notre part au nom des hémophiles et des autres personnes qui avaient contracté le VIH par transfusion.

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Ces mesures ont eu des effets concrets. Comme vous le savez peut-être, la plupart des hémophiles ne peuvent pas souscrire à une assurance-vie à cause de leur incapacité chronique. La plupart des gens touchés étaient soutiens de famille. Beaucoup d'entre eux ont perdu leur emploi quand ils sont tombés malades. Beaucoup ont perdu leur maison. Beaucoup ont dû se tourner vers l'aide sociale. Les indemnités et l'aide que nous avons obtenues ont permis à ces gens d'assurer l'avenir de leur famille. Beaucoup d'entre eux étaient inquiets de leur capacité de se recycler pour trouver un nouvel emploi, mais grâce à cette aide, ils ont pu cesser de recevoir de l'aide sociale et retourner sur le marché du travail, pour occuper un emploi qui leur convient.

Il est évident que cette aide a également permis à certaines personnes d'avoir accès à une nourriture suffisante, à des suppléments, à des médicaments et à un logement - toutes choses qui sont essentielles à notre avis. Il y a beaucoup d'éléments qui ont été laissés de côté dans ce programme d'indemnisation, et nous avons déjà fait des représentations à ce sujet-là, mais nous tenons à dire que toutes les personnes infectées par le VIH ont droit au même niveau d'aide financière et d'indemnisation.

Nous constatons encore des différences marquées parmi les gens que nous desservons; je pense en particulier aux conjoints et aux enfants qui ont été infectés indirectement et qui n'ont reçu aucune assistance. Nous connaissons des familles où les deux adultes et les enfants ont été infectés, et nous constatons le stress que la pauvreté leur impose puisqu'elle leur empêche d'avoir une qualité de vie acceptable.

Nous comptons également parmi nos membres des gens qui ont contracté l'hépatite C à cause de produits sanguins - ceux qui n'étaient pas contaminés par le VIH - et qui n'ont reçu aucune indemnité. Nous les voyons se battre quand ils perdent leur maison et leur emploi. Ces gens-là ne peuvent pas soutenir convenablement leur famille. À mon avis, la perte de leur dignité est une tragédie aussi grave pour ces gens que pour le reste de la collectivité.

Il est très clair, d'après les recherches effectuées jusqu'ici, qu'il existe un lien étroit entre les ressources économiques, l'apparition des symptômes et le nombre de jours d'hospitalisation. Le réseau public des services sociaux doit assumer des coûts très lourds parce que bien des gens ne peuvent pas se recycler pour retourner au travail et qu'ils doivent donc vivre de l'aide sociale. Il est très clair à mes yeux que, si les gouvernements doivent fournir une aide financière suffisante à tous ceux qui ont été infectés, ce n'est pas seulement pour des raisons morales, mais aussi pour des motifs économiques. Il ne faut pas sous-estimer les effets de ce problème sur la santé, tant physique que mentale.

Nous avons livré une dure bataille pour obtenir un programme d'indemnisation, et nous demandons aux gouvernements d'accorder la même attention et la même assistance à tous les gens qui ont été infectés, quelle qu'en soit la cause.

Pour terminer, je voudrais également souligner qu'il y a un important groupe d'hémophiles qui ont contracté l'hépatite C et qui connaissent les mêmes problèmes de discrimination et de pauvreté que ceux qui ont été infectés par le VIH. Dans ce cas, nous avons des preuves encore plus claires de la négligence des gouvernements, et du terrible mépris pour la vie humaine qui a fait que quelque 200 000 Canadiens par année ont participé à une expérience de recherche contrôlée visant à évaluer l'efficacité du dosage de remplacement du sang donné.

Cette expérience a été jugée contraire aux normes déontologiques aux États-Unis à cause des avantages très nets du dosage de remplacement... et même quand les données recueillies au Canada auprès de patients canadiens ont indiqué que cette méthode permettrait en fait d'éliminer l'hépatite C, ni la Croix-Rouge ni les gouvernements n'ont rien fait pour imposer le dosage de remplacement et mettre fin à cette expérience.

Et ce qui est encore pire, c'est que trois ans après la fin de l'expérience, aucune donnée n'avait encore été publiée sur cette étude. Les résultats n'avaient pas été confirmés et ce n'est qu'au moment de l'enquête, lorsque la Société canadienne d'hémophilie a fait cette révélation en public, que les données ont été connues.

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Enfin, même après la mise au point d'un test de dépistage, le gouvernement canadien et la Croix-Rouge canadienne ont permis l'utilisation de plasma non testé dans les produits sanguins jusqu'à ce que les médecins travaillant sur le terrain insistent encore une fois pour que ces produits soient retirés parce qu'il était clair que le traitement des produits ne suffisait pas à tuer l'hépatite C.

En gros, nous croyons que les gouvernements doivent en faire beaucoup plus pour veiller à ce que les personnes infectées par le VIH et par l'hépatite C reçoivent une assistance financière suffisante.

Le président: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant M. Gerard Yetman, du Comité sur le sida de Terre-Neuve et du Labrador.

M. Gerard Yetman (directeur général, Comité sur le sida de Terre-Neuve et du Labrador): Bon après-midi. Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

Comme notre organisation provinciale est celle qui reçoit le moins de fonds parmi toutes celles du pays, je voudrais prendre quelques minutes pour vous décrire nos programmes et vous parler des difficultés qu'a entraînées chez nous un type d'infection très particulier; je voudrais aussi vous parler de quelques-uns de nos principaux problèmes financiers.

Le Comité sur le sida de Terre-Neuve et du Labrador a vu le jour de façon très informelle en 1987. Il s'agit d'un groupe de bénévoles formé en réaction au nombre élevé de personnes infectées dans la communauté gaie, même si le gouvernement provincial affirmait à l'époque que le VIH se retrouvait surtout dans les autres provinces et que nous n'avions aucune raison de nous inquiéter dans notre île.

À cause de cette suffisance du gouvernement, les programmes d'éducation et de soutien ont mis beaucoup de temps à se développer. Terre-Neuve ne différait en rien du reste du Canada au début de l'épidémie. Le sida était considéré comme une maladie d'homosexuels, et cette catégorisation a incité notre gouvernement provincial, notre système scolaire confessionnel et nos gens d'affaires à réagir exactement comme des autruches. Nous nous sommes tous enfoui la tête dans le sable en espérant que, si nous refusions assez longtemps de voir le problème, il se résoudrait tout seul. Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est passé.

Notre organisation bénévole s'est constituée très rapidement et a commencé à implanter des programmes dans la communauté gaie. De concert avec la Société d'hémophilie et la Croix-Rouge, nous avons commencé à nous pencher sur la question des dons de sang par la communauté gaie. C'est grâce à ces efforts que le taux d'infection a diminué de façon constante dans cette communauté depuis 1987.

En 1989, le Comité sur le sida de Terre-Neuve et du Labrador a reçu une première contribution dans le cadre de la stratégie fédérale de lutte contre le sida, pour développer une approche coordonnée de ses services. Mais dès cette époque, trois cas avaient été diagnostiqués chez des femmes hétérosexuelles; une était séropositive, et les deux autres avaient le sida.

Il était donc tout à fait évident pour nous, sur le terrain, que l'information qui circulait sur le VIH/sida était erronée. Nous avions été induits en erreur, et il fallait élaborer très vite des stratégies de promotion de la santé. En 1990 et 1991, nous avons noué des liens très étroits avec les collectivités et nous avons diffusé un important message de prévention dans le grand public. La même année, nous avons aussi dû mettre en place des programmes dans les régions rurales parce que la majorité des personnes infectées vivaient dans de toutes petites communautés isolées.

En 1991, on avait diagnostiqué 23 cas d'infection, dont huit seulement pour lesquels l'homosexualité ou la bisexualité était un facteur. Il était évident que Terre-Neuve faisait face à une épidémie très différente de celle qui sévissait dans le reste du Canada.

À la fin de 1992, nous étions rendus à 124 cas de VIH ou de sida. Plusieurs cas avaient été diagnostiqués parmi des étudiants de niveau secondaire, grâce à des campagnes de dépistage dans les écoles. À la fin de 1992, la collectivité avait dû mettre en place un programme d'envergure provinciale pour aider les familles à résoudre les problèmes psychosociaux avec lesquels elles et leur entourage devaient vivre.

À cause du manque d'aide du gouvernement provincial, il a fallu créer un fonds d'urgence pour aider les gens à assumer les coûts élevés associés à cette maladie. Une campagne de sensibilisation axée sur les jeunes a été lancée à la grandeur de la province, et il a fallu mettre sur pied un projet portant sur les femmes et le sida pour nous occuper des nombreuses femmes de la province qui étaient séropositives.

Il y a en ce moment à Terre-Neuve et au Labrador 228 cas connus d'infection au VIH et 57 cas connus de sida. Ces chiffres ne tiennent toutefois pas compte des résidents de la province qui ont subi des tests dans d'autres provinces, et dont le nombre est particulièrement élevé au Labrador, ni de ceux qui vivaient auparavant dans les grandes villes du Canada et qui sont revenus après avoir appris qu'ils étaient infectés par le VIH.

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Il faut souligner également que 47 des cas diagnostiqués à Terre-Neuve concernent des femmes hétérosexuelles; notre province vient donc au deuxième rang au Canada pour ce qui est du taux d'infection des femmes, mais il n'y a pas d'argent pour s'occuper de ce problème de plus près. En outre, le rapport sur la séroprévalence chez les femmes enceintes a révélé que le taux d'infection des femmes enceintes dans notre province est le plus élevé au Canada; il est de 1 sur 900 dans notre province, comparativement à 1 sur 10 000 à l'échelle nationale. Par ailleurs, nous avons eu jusqu'ici six bébés sidéens à la naissance.

À Terre-Neuve, le VIH se transmet de plus en plus dans la communauté hétérosexuelle, ce qui touche tout particulièrement nos jeunes. Selon le ministère provincial de la Santé, 70 p. 100 des cas de transmission récents à Terre-Neuve résultent de contacts hétérosexuels. Selon les données recueillies dans le cadre des programmes d'action communautaire et d'appui du Comité sur le sida de Terre-Neuve et du Labrador, la moitié des clients de ces programmes sont des femmes qui ont été infectées à l'adolescence dès leur première expérience sexuelle ou dans le cadre d'une relation stable. D'après le document intitulé Decision Making: a Study of Newfoundland Youth, 56 p. 100 des jeunes Terre-Neuviens de 11e année avaient eu des relations sexuelles au moins une fois, comparativement à 47 p. 100 à l'échelle du pays. Et selon l'Étude sur les jeunes Canadiens face au SIDA, financée par le gouvernement fédéral, 60 p. 100 d'entre eux avaient eu deux partenaires ou plus. Le ministère de la Santé de Terre-Neuve affirme également que le pourcentage des grossesses et des MTS chez les jeunes est plus élevé dans notre province que partout ailleurs au Canada. Malheureusement, nous ne recevons pas assez de fonds pour nous pencher sur ces questions.

L'environnement sociopolitique de Terre-Neuve et du Labrador ne favorise pas du tout la prévention. Le système scolaire confessionnel détermine dans une large mesure ce qui est étudié en classe, et certaines écoles ne permettent pas qu'on y parle du sida. En outre, la province est en pleine dépression économique, avec un taux de chômage supérieur à 21 p. 100, ce qui n'inclut même pas les 25 000 pêcheurs et pêcheuses qui sont sans travail à cause du moratoire sur les pêches, ni les gens qui ont tout simplement renoncé à trouver du travail, surtout parmi les jeunes. Or, le chômage est un facteur qui prédispose à l'alcoolisme et aux autres toxicomanies, qui peuvent à leur tour augmenter les risques d'infection par le VIH. C'est la situation que nous vivons actuellement, et nous avons donc dû mettre sur pied des programmes d'échanges de seringues et d'intervention auprès des gens de la rue.

Le climat économique qui règne dans la province n'a guère incité le gouvernement provincial et les administrations municipales à offrir leur soutien. À l'heure actuelle, exception faite des 9 000$ par année que le gouvernement provincial fournit pour une ligne d'information 1-800, aucun de ces paliers de gouvernement ne soutient financièrement les programmes de lutte contre le sida. L'organisation provinciale - et la seule - qui s'occupe du VIH/sida dans la province dépend entièrement de la Stratégie nationale sur le sida pour son financement opérationnel. Le gouvernement fédéral consacre 180 000$ par année aux programmes communautaires dans le cadre de cette stratégie, ce qui lui a permis d'économiser plus de 500 000$ par année sur le plan de la prestation des services grâce à deux employés et à 238 bénévoles oeuvrant dans l'ensemble de la province.

En cette période de compressions budgétaires, le gouvernement fédéral doit continuer de jouer son rôle de chef de file pour lutter contre cette épidémie, et il doit maintenir les programmes rentables qui sont déjà en place. L'élimination de la stratégie fédérale serait dommageable pour la santé de la population canadienne. Elle aggraverait les problèmes de santé publique à Terre-Neuve et irait à l'encontre des efforts du gouvernement canadien pour éliminer le déficit, puisque les pertes de productivité attribuables au sida nous coûtent actuellement 1 milliard de dollars par année, d'après le B.C. Centre for Excellence. À l'expiration de la Stratégie nationale sur le sida, prévue pour 1998, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas continuer à investir dans les services communautaires relatifs au VIH/sida. Je vous implore d'en tenir compte.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Notre troisième groupe de témoins représente l'Association canadienne de santé publique. Mary Ann, est-ce que c'est vous qui allez commencer?

Mme Mary Ann Mulvihill (directrice par intérim du programme OASIS, Centre de santé communautaire de Sandy Hill; Association canadienne de santé publique): Je vais commencer.

Le président: Allez-vous prendre la parole toutes les trois?

Mme Mulvihill: Seulement deux d'entre nous.

Le président: Merci.

Mme Mulvihill: Je voudrais préciser pour le compte rendu que je suis ici en tant que porte-parole de l'Association canadienne de santé publique, mais que je suis aussi directrice par intérim du programme OASIS, qui est un programme communautaire offrant des services intégrés d'aide aux sidéens, ici à Ottawa.

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Je voudrais moi aussi remercier le comité de nous avoir invités à venir vous parler aujourd'hui. Cette invitation démontre le sérieux de vos préoccupations sur le VIH/sida et, de façon plus générale, sur la justice sociale et la réduction des inégalités.

L'Association canadienne de santé publique et son programme sur le sida reconnaissent la nécessité de réduire les inégalités dans le domaine de la santé; c'est à la fois une fin importante en soi et un moyen efficace de lutter contre la transmission primaire du VIH, de réduire les effets néfastes de l'infection par le VIH et de prévenir les conditions qui augmentent les risques d'infection. Entre 2 500 et 3 000 Canadiens sont infectés chaque année, et les statistiques récentes du Laboratoire de lutte contre la maladie montrent que ce sont souvent des personnes plus jeunes qu'avant. Il faut poursuivre et améliorer les efforts de prévention si nous voulons qu'ils aient un effet sur les générations successives.

Des données publiées à Vancouver et à Montréal font état d'une flambée de cas d'infection par le VIH chez les usagers de drogues injectables. Un récent sondage Gallup, effectué en septembre dernier par la Société canadienne du sida, a montré qu'un Canadien sur trois connaît quelqu'un d'infecté ou d'affecté par le VIH/sida. Les annonces qui ont été faites à la conférence de Vancouver ont amené certaines personnes à croire, à tort, que les nouvelles thérapeutiques équivalaient à la découverte d'un moyen de guérison du VIH/sida. Mais ce n'est pas le cas. Certains parlementaires estiment peut-être que le sida n'est plus une question de santé prioritaire pour les Canadiens, mais les sondages continuent de prouver le contraire. Je voudrais donc vous parler rapidement de quatre grands points.

Le premier, c'est que la prévention du VIH ne réussit que lorsque les gens comprennent les causes et les conséquences de l'infection par le VIH et qu'ils sont suffisamment motivés pour agir en conséquence.

Le deuxième point important dont il faut se rappeler, c'est que, pour être efficace, la prévention et le traitement du VIH/sida doivent être placés dans la perspective plus générale des déterminants de la santé, ce qui inclut par exemple l'accès à la nourriture, au logement, à l'éducation et à un revenu suffisant, la possibilité de contribuer à la vie communautaire et - ce qui est très important - un accès équitable aux soins de santé. Les gens qui ont peu de ressources risquent tout particulièrement de contracter le VIH, et ils manquent également de ressources pour réagir lorsqu'ils l'ont contracté. La pauvreté et le VIH sont inextricablement liés l'une à l'autre. Donc, en réduisant les inégalités, il est possible de réduire la vulnérabilité au VIH. En améliorant les soins de santé accessibles aux gens qui sont infectés ou affectés par le VIH, les gouvernements peuvent réduire les coûts humains et financiers de l'épidémie.

Troisièmement, il faut une réponse stratégique soutenue. Pour être efficaces, les campagnes de santé publique destinées à prévenir les maladies transmissibles doivent porter sur le long terme et inclure par exemple l'éducation, la prévention de la maladie, la promotion de la santé et l'appui aux personnes contaminées.

Enfin, un leadership national est essentiel. Maintenant plus que jamais, il faut des investissements soutenus et une volonté d'appliquer dans tout le pays des normes assurant un accès équitable à la santé.

Je voudrais soumettre deux grandes recommandations au comité. Premièrement, nous vous demandons d'étendre votre rôle de leadership à la réduction des inégalités en matière de santé pour prévenir les dommages causés par le VIH/sida. Deuxièmement, nous vous demandons de maintenir votre appui et votre contribution au financement de la Stratégie nationale sur le sida au-delà de l'échéance de mars 1998.

Je tiens à insister sur le fait qu'il y a des solutions. Il se fait en ce moment même du travail innovateur et prometteur dans tout le pays. Nous vous invitons instamment à continuer de nous accompagner dans ce travail. Le programme OASIS pour lequel Hannah Cowen et moi travaillons n'est qu'un exemple du travail innovateur qui se fait partout au Canada, et vous venez d'entendre parler d'un autre programme innovateur important mis sur pied à Terre-Neuve et au Labrador.

Je vais maintenant laisser le micro à Hannah, qui va vous parler un peu plus en détail de ce que nous essayons de faire dans le cadre du programme OASIS.

Mme Hannah Cowen (infirmière, OASIS, Centre de santé communautaire de Sandy Hill; Association canadienne de santé publique): OASIS est une clinique pour les gens de la rue, ici à Ottawa, qui se spécialise dans la prévention et le traitement du VIH et du sida. Nous recevons des gens qui s'inquiètent du VIH, d'autres qui font partie des groupes à risque, et d'autres encore qui doivent vivre avec ce virus. Notre travail quotidien porte sur les effets du VIH sur le plan physique, mais ce n'est qu'un des aspects de l'épidémie; l'aspect le plus important, c'est la façon dont nous nous traitons les uns les autres en tant qu'êtres humains, tant sur le plan individuel, dans notre vie personnelle et très intime, que dans nos institutions publiques et par notre politique gouvernementale.

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Nous constatons souvent que le VIH n'est pas une préoccupation majeure pour nos clients. Ils sont trop occupés à chercher un endroit où rester, un refuge sûr pour la nuit ou la semaine, assez à manger pour la semaine ou le mois, un emploi parfois, ou les autres nécessités essentielles à la vie et à la santé. Donc, ils nous permettent - et même, ils nous le demandent - d'inclure les soins touchant le VIH parmi tous les services que nous leur offrons pour les aider à atteindre certains de ces autres déterminants de la santé dont d'autres vous ont déjà parlé.

À notre avis, il serait très utile d'adopter des réponses visant surtout à réduire les effets néfastes de la consommation de stupéfiants dans notre société, plutôt que de privilégier l'attitude punitive courante en Amérique du Nord. Cette opinion s'appuie sur les recherches en cours dans toute l'Amérique du Nord et en Europe. Nous considérons également qu'il est essentiel de mieux protéger les femmes et les enfants contre les agressions sexuelles et la violence si nous voulons nous attaquer plus efficacement au VIH et au sida. Il y a parmi nos clients bien des gens pour qui le VIH n'est même pas la pire chose qui leur soit arrivée dans leur vie. Si je contractais le VIH, ce serait bien la pire chose de ma vie, mais pour bien des gens, ce n'est qu'un élément de plus sur la liste déjà longue de leurs malheurs. Donc, tant que cette situation persistera, nos efforts seront sérieusement entravés.

Il serait utile d'adopter des mesures qui aideraient les gens à devenir plus forts et qui leur permettaient d'avoir un meilleur accès aux soins offerts dans nos établissements. Les responsables de la planification de la santé et les hôpitaux nous sont également très utiles, tout comme la nouvelle mentalité qui pousse les établissements à mettre en place des programmes comme OASIS et même d'autres mesures qui vont au-delà de ces programmes pour offrir des soins aux gens par des moyens nouveaux, chez eux et dans leur milieu. Ces mesures seront également très utiles pour nous permettre de continuer à lutter contre l'épidémie.

Il est souvent décourageant d'entendre parler des nombreux problèmes que nous connaissons tous, et des liens étroits entre ces problèmes, mais pour moi, c'est également une bonne nouvelle. Toute mesure qui permet de régler un seul de ces problèmes contribue à la lutte contre le VIH et le sida, et contre les maux qu'ils ont entraînés dans notre société.

Merci.

Le président: Nous entendrons maintenant Mme Joanne Decarie et un membre du HIV-T Group.

Un témoin: Je vais prendre la parole en premier.

Mesdames et messieurs les membres du comité, je suis ici aujourd'hui en tant que porte-parole du HIV-T Group, dont je suis d'ailleurs la présidente. J'ai demandé à garder l'anonymat parce que personne ne sait pour le moment que je suis séropositive. Je n'en ai pas parlé à ma famille, et c'est encore très difficile pour moi.

Par les objectifs qu'il s'est fixés, votre comité reconnaît que les membres pauvres et marginalisés de notre société, qui sont particulièrement vulnérables aux maux sociaux comme la violence, les problèmes de santé, le chômage et tout le reste, sont aussi particulièrement vulnérables à l'infection par le VIH. Et c'est aussi le cas des femmes. Vous vous rendrez compte également que les gens qui contractent le VIH, de quelque manière que ce soit, deviennent presque inévitablement pauvres et marginalisés, quelle qu'ait été leur situation économique et sociale lorsqu'ils ont été infectés. Ils sont marginalisés parce que le sida fait l'objet d'une phobie généralisée. La stigmatisation des gens atteints de cette maladie et la tendance à blâmer les sidéens sont multipliées bien des fois par les craintes liées au sida, par l'ignorance générale et le manque d'information sur la transmission du VIH, et par les dommages qu'ont causés les stéréotypes créés au début de l'épidémie. Je ne sais pas trop pourquoi, mais le grand public n'a jamais vraiment compris que le sida est causé par un virus, et que les virus ne font pas de discrimination. À l'heure actuelle, la majorité des nouveaux cas se retrouvent chez des gens qui ont été infectés par suite de rapports hétérosexuels, souvent des gens mariés ou vivant une relation stable.

Je voudrais maintenant vous parler de la pauvreté. Beaucoup d'entre nous perdent leur emploi d'une façon ou d'une autre. Beaucoup ne sont pas assez malades pour avoir droit à des prestations d'invalidité du RPC, mais pas assez bien non plus pour travailler à plein temps. Peu d'entre nous ont une assurance- invalidité ou un régime de soins médicaux pour le conjoint et la famille. Nous perdons nos maisons, nous nous faisons encore mettre à la porte par nos propriétaires, et nous nous retrouvons souvent dans des logements subventionnés, à dépendre des banques d'alimentation. Les gens des régions rurales constatent également qu'ils sont isolés par la peur et la méfiance, ou qu'ils doivent déménager dans une ville plus grande pour recevoir les soins médicaux dont ils ont besoin. La vie familiale est bouleversée, et la sécurité d'une vie stable et ordinaire disparaît.

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Les femmes séropositives ont énormément de mal à faire face au stress physique et psychologique associé à leur maladie tout en essayant de s'occuper de leurs enfants et de se procurer de la nourriture, des vêtements, un logement et les autres nécessités de la vie pour elles-mêmes et pour ceux dont elles sont responsables. Et elles doivent composer en plus avec des frais de plus en plus élevés pour les soins de santé et avec des budgets de plus en plus réduits. Beaucoup de femmes doivent choisir entre leur propre alimentation et celle de leurs enfants. Et elles finissent souvent aussi par économiser sur les soins de santé.

Je ne peux pas passer sous silence la question du coût et de l'accessibilité des médicaments contre le sida. Par exemple, les inhibiteurs comme l'indinavir, le ritonavir et le saquinavir, qui font partie du cocktail, coûtent entre 6 000$ et 8 000$ US par année. Ajoutez à cela des coûts similaires pour l'AZT et le 3TC, de même que les coûts du traitement des infections opportunistes, des suppléments nutritionnels et des autres thérapies complémentaires, et vous obtiendrez des sommes énormes. Mes suppléments nutritionnels me coûtent à eux seuls entre 200$ et 300$ par mois, et je n'ai même pas commencé à prendre d'antiviraux.

C'est un cercle vicieux. Tout le monde peut être infecté par le VIH. Si vous êtes pauvre ou marginalisé, les risques sont encore plus grands. Et si vous êtes pauvre, vous allez tomber malade plus tôt, vous allez avoir accès plus difficilement aux traitements et vous allez mourir plus vite. Et même si vous avez des ressources suffisantes au départ, le sida peut vous appauvrir. Nous sommes tous dans le même bateau, et il faut nous débarrasser des étiquettes discriminatoires. Il faut garantir des soins de santé et des traitements abordables, équitables et accessibles à toutes les personnes qui vivent avec le VIH et le sida.

Nous vous présentons nos recommandations plus en détail dans notre mémoire écrit. Il y a en a environ six pages. J'aimerais vous en dire quelques mots rapidement. Nous avons besoin de recherche axée spécifiquement sur les femmes et d'un programme concentré permettant une détection précoce du papillomavirus humain et du cancer du col de l'utérus chez les femmes séropositives. Nous devons assurer un niveau de vie décent à tous les gens qui vivent avec le VIH/sida au Canada. Il faut aussi mettre sur pied des campagnes efficaces pour prévenir la transmission du VIH, surtout auprès des jeunes qui pensent que cela ne peut pas leur arriver et des femmes, qui sont souvent impuissantes à adopter des moyens de prévention. Nous avons besoin de mesures pour contrebalancer les compressions provinciales dans les domaines des soins de santé et des services sociaux. Et enfin, il faut que le gouvernement fédéral s'engage à renouveler et à accroître son financement à la Stratégie canadienne sur le sida.

Merci beaucoup de votre attention. Je voudrais maintenant vous présenter Joanne.

Le président: Merci beaucoup.

Joanne.

Mme Joanne Decarie (membre, HIV-T Group): Je m'appelle Joanne Decarie. Je suis séropositive par suite d'une transmission sanguine que j'ai reçue en 1985. J'ai une petite fille de sept ans, qui s'appelle Bille Jo Decarie. Elle est née le 19 juin 1989 et est également séropositive. Et nous avons découvert en septembre 1992 que mon mari, Bill, l'était aussi.

Je voudrais ajouter quelque chose au témoignage du porte- parole de notre groupe. Vivre avec une maladie comme le sida, ça veut dire aussi vivre avec la discrimination. Notre société ne comprend pas que le sida s'attaque à n'importe qui. Grâce à nos efforts acharnés, et aux efforts de nombreuses victimes de notre système de gestion du sang, nous avons réussi à susciter un peu de compréhension. Le message que beaucoup d'entre nous ont pu transmettre, c'est que le VIH touche des milliers de personnes innocentes qui faisaient confiance à un système de santé qui a échoué.

Nous devons nous faire entendre collectivement. Nous devons sensibiliser le grand public au sida et aux dommages qu'il cause à tout le monde. La vie avec le VIH est une des tâches les plus difficiles qui soient. L'insécurité, les baisses de revenu, les hausses de dépenses, les dettes qui s'accumulent, la santé qui décline, l'énergie qui s'en va, la frustration, la colère, la peur et la discrimination deviennent un mode de vie. Ce que nous faisons pour survivre jour après jour est incroyable et insoutenable. Et pourtant, nous faisons notre possible pour que tout le monde mène une vie aussi normale que possible. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Nous allons commencer par l'opposition.

Mais je dois d'abord vous avertir que la fête de Centraide va commencer au bout du couloir à 16h30. Nous allons peut-être avoir du mal à poursuivre notre séance, mais comme tous les comités de la Chambre des communes siègent aujourd'hui, il n'y a pas d'autres salles disponibles.

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Nous donnons généralement beaucoup de latitude aux personnes qui répondent aux questions, mais nous sommes souvent un peu plus sévères pour celles qui les posent.

Monsieur Ménard, vous avez dix minutes pour le premier tour.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je vous reconnais bien là, monsieur le président. Tout d'abord, je ferai un commentaire en souhaitant que tous les membres de ce comité, qu'ils soient de la majorité ministérielle ou de l'opposition, aient bien entendu votre appel.

Il y a eu un fil conducteur dans chacun des témoignages que vous avez livrés aujourd'hui: c'est celui de la lutte que l'on doit poursuivre contre le sida et en faveur des personnes atteintes. On ne pourra pas en sortir gagnants si la Stratégie nationale n'est pas maintenue.

Je crois que ce n'est pas une question partisane ou une question idéologique. Il y a un fait objectif qui a été réitéré à la conférence de Vancouver à laquelle j'assistais: c'est que le gouvernement doit continuer d'accorder 40 millions de dollars par année, si possible plus mais une somme minimale de 40 millions de dollars par année, pour maintenir les cinq volets de la Stratégie nationale sur le sida que vous connaissez bien.

Ce témoignage a été renforcé quand le témoin de Terre-Neuve, M. Yetman, nous a dit que le seul organisme qui faisait une intervention nationale dans sa province était financé à 100 p. 100 par la Stratégie. Ce sont les échos que j'en avais eus et j'espère aller visiter Terre-Neuve d'ici la fin de l'année pour bien comprendre.

À plusieurs reprises, j'ai eu des échos d'une réalité qui est très spécifique à Terre-Neuve et qu'on ne retrouve pas ailleurs. Il y a somme toute un faible nombre de personnes infectées, mais on y fait face à une épidémie hétérosexuelle, comme vous l'avez réitéré. Je crois qu'il aurait valu la peine que notre comité se rende à Terre-Neuve, mais je comprends que les conditions n'aient pas été réunies pour ce faire.

J'ai six questions que j'adresserai à l'ensemble des panélistes et que je vais mentionner l'une à la suite de l'autre.

Est-ce que vous partagez mon point de vue qu'une des façons que l'on pourrait mettre à notre disposition comme parlementaires et comme société pour lutter contre le sida et en faveur des personnes atteintes, serait de reconnaître les conjoints de même sexe?

Vous savez que nous avons eu un débat sur la reconnaissance des conjoints de même sexe il n'y a pas tellement longtemps à la suite du projet de loi que j'avais déposé en Chambre. Quand on a commencé nos travaux, on nous a fait valoir que, par rapport à la réalité des années 1980, le Canada et l'Australie sont les seuls pays où les gens qui contractent le virus du sida sont plus jeunes que ceux qui l'ont contracté au début des années 1980.

Je prétends qu'une des façons intéressantes de lutter contre le sida, puisqu'à l'échelle canadienne la réalité de l'épidémie est une réalité homosexuelle sauf dans certaines communautés comme Terre-Neuve, c'est d'envoyer un message clair sur la tolérance que nous sommes prêts à accorder nous-mêmes à la communauté gaie en reconnaissant les conjoints de même sexe. C'était ma première question.

Deuxièmement, je crois qu'il serait intéressant de vous entendre sur le Régime de pensions du Canada. Comme comité, nous allons certainement faire des propositions très concrètes parce que plusieurs témoins nous ont dit que le Régime de pensions du Canada tel qu'il fonctionne actuellement ne peut rendre justice aux personnes atteintes. L'invalidité dont on parle dans la loi est une invalidité permanente, alors que la réalité de la personne atteinte est telle qu'une journée, elle peut être en forme pour laver les murs, peinturer la maison et faire le jardinage alors que le lendemain, elle peut être incapable de sortir du lit.

Je crois que vous rendriez service à la communauté en nous indiquant très clairement que vous souhaitez qu'à la fin de nos travaux, nous fassions un rapport unanime, si c'est possible, qui nous permettra de faire des recommandations au gouvernement canadien en vue de modifier le Régime de pensions du Canada.

Troisièmement, deux d'entre vous ont parlé de l'accès aux médicaments. Il est certain que l'accès aux médicaments est une réalité très préoccupante parce qu'il y a une nouvelle génération de médicaments qui verra le jour et qu'il est très possible qu'on se retrouve dans deux ans et qu'on constate que le sida, de maladie mortelle qu'il était, est devenu une maladie chronique. Cette possibilité n'atténue pas l'urgence de la situation. Quand j'en parle devant certains groupes, les gens ont l'impression que je veux dédramatiser la chose, mais ce n'est certainement pas mon intention.

.1615

Cependant, même si le sida devenait une maladie chronique, ce qui est tout à fait possible avec les inhibiteurs de protéases et la combinaison de trois médicaments, est-ce que vous partagez mon point de vue, à savoir que nous devrions, comme parlementaires, lors de la révision de la Loi sur les brevets - le projet de loi C-91 qu'avaient adopté les conservateurs et qui permettait de rendre le Canada concurrentiel sur le plan de l'obtention des brevets - en janvier par le Comité permanent de l'industrie dont je fais partie, demander aux compagnies pharmaceutiques de permettre un accès humanitaire à des médicaments?

Je déposerai au cours de la première semaine de décembre un projet de loi en ce sens et j'ai bon espoir que les libéraux l'appuieront. La vie politique est ainsi faite qu'il y a parfois des alliances. Ce n'est pas toujours le cas, mais il y a certains dossiers où on peut parler le même langage. J'aimerais connaître votre position concernant l'accès humanitaire aux médicaments.

Les témoignages très importants de M. Yetman et de la personne non identifiée nous ont rappelé qu'il y a dans la société des conditions de discrimination, que tout le monde ne part pas égal, que lorsqu'on est pauvre, on risque davantage de mourir plus jeune et on est davantage exposé à vivre des privations. Vous nous avez aussi rappelé, tout comme en faisait état la note de recherche que nous avons reçue, que tout particulièrement à Terre-Neuve, il y a des comportements homophobes extrêmement importants qui ajoutent à la difficulté de lutter efficacement contre le sida.

Puisque vous n'avez pas été très précis à cet égard, il serait intéressant que vous resserriez votre témoignage et nous disiez comment nous pourrions, à partir de la Stratégie, de notre action comme parlementaires ou d'autres véhicules que vous pourriez nous indiquer, contribuer à lutter contre les comportements homophobes. Quelles sont les suggestions précises que vous pourriez nous faire?

Je termine ainsi mes questions, monsieur le président. Vous voyez que j'ai été très raisonnable, comme toujours. Mais si je dispose de temps supplémentaire, je vais y revenir.

Des voix: Oh, oh!

[Traduction]

Le président: Qui veut commencer? Avez-vous des commentaires à faire sur un aspect en particulier?

Allez-y.

M. Yetman: Monsieur Ménard, merci beaucoup de vos questions. Je vais faire de mieux pour répondre à toutes. Puisque j'étais à Vancouver avec vous et que nous y avons discuté de VIH et de sida, j'espère pouvoir vous faire des recommandations utiles.

Je voudrais répondre d'abord à votre dernière question, au sujet de l'accès aux médicaments. À mon avis, les différences entre les provinces à ce chapitre sont une des injustices les plus graves qui existent dans notre pays. La réalité, c'est qu'à Terre-Neuve, l'accès aux médicaments dépend uniquement de la bonne volonté du gouvernement; c'est lui qui décide s'il va les payer ou non. Et s'il décide que non, les gens n'y ont pas accès. Nous avons une population assez restreinte. Par conséquent, nous ne participons pas aux programmes d'essais de médicaments parce que nous ne formons pas un groupe d'échantillonnage assez gros pour les compagnies pharmaceutiques.

Même si on ne faisait rien d'autre au sujet du sida, j'aimerais beaucoup qu'on s'assure au moins que tous les Canadiens infectés, quelle que soit leur situation socio-économique, ont accès aux mêmes médicaments. Je serais très content que vous déposiez un projet de loi à ce sujet-là et que le gouvernement libéral appuie vos efforts.

Deuxièmement, au sujet du Régime de pensions du Canada, ma seule recommandation, c'est que le gouvernement fédéral commence à travailler avec les gouvernements provinciaux pour veiller à ce que les gens puissent aussi bénéficier des autres programmes sociaux comme l'aide sociale et l'assurance-médicaments. Malheureusement, une fois qu'ils reçoivent des prestations du Régime de pensions du Canada, bon nombre des clients avec qui je travaille chaque jour n'ont plus droit à plusieurs de ces programmes provinciaux, qui leur permettaient pourtant de survivre. J'aimerais bien que le gouvernement fédéral collabore plus étroitement avec les gouvernements provinciaux dans ce domaine-là.

Votre première question me touche personnellement puisque je suis homosexuel. Je pense que la seule façon de lutter contre le sida dans la communauté gaie, c'est d'assurer l'égalité des droits et d'éliminer toute stigmatisation.

J'ai beaucoup parlé dans ma présentation de la transmission hétérosexuelle, mais nous avons aussi des cas de transmission homosexuelle à Terre-Neuve. Il n'y en a pas beaucoup, mais nous constatons que ce sont souvent les jeunes hommes homosexuels de 15 à 19 ans qui contractent le virus, bien avant de pouvoir se tourner vers une communauté envers laquelle ils peuvent développer un sentiment d'appartenance et où ils se sentent capables de prendre leur vie en main.

.1620

Il est consternant de voir que les jeunes gais et lesbiennes de nos écoles secondaires n'ont pas accès à des programmes d'éducation. Ils ne sont pas traités comme des être humains. Quand ils sortent de l'école secondaire, ils ont l'impression d'être des hommes ou des femmes éléphants. Ils se sentent démunis avant même de commencer à vivre, et je pense que la reconnaissance des conjoints de même sexe...

Nous avons de gros problèmes. Terre-Neuve, par exemple, est une des trois provinces au Canada où le code provincial des droits de la personne ne reconnaît même pas l'homosexualité.

Nous avons certainement besoin que le gouvernement du Canada assume le leadership dans ce domaine et qu'il travaille avec les gouvernements provinciaux pour les inciter à emboîter le pas.

Merci.

Mme Cowen: Je peux répondre moi aussi à quelques-unes de vos questions. Il est certain que la reconnaissance des conjoints de même sexe, de même que tous les autres signaux que nous pouvons envoyer par notre politique, notre législation et notre comportement personnel, ou le vôtre - puisque vous avez un certain poids à titre de parlementaires - tous les signaux, donc, qui peuvent réduire l'homophobie et les autres formes de discrimination contribuent, comme le démontrent diverses études, à la santé des communautés et à la baisse du taux d'infection par le VIH. C'est ce qu'on peut lire dans une des études qui ont été publiées à Vancouver; il en est question en détail dans le rapport de l'ACSP.

Cela se rattache à ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet des liens entre nos différents problèmes. Toutes les formes de discrimination, que ce soit contre les homosexuels, contre les femmes ou contre qui que ce soit d'autre, font partie des raisons pour lesquelles le VIH continue de croître et de se multiplier.

Les études portant sur les jeunes de 15 à 24 ans, le groupe dans lequel le pourcentage de nouveaux cas augmente le plus rapidement, nous montrent aussi que, quand on laisse entendre aux jeunes homosexuels, et même aux enfants, qu'ils sont méchants et qu'ils ne valent rien, on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils prennent soin d'eux-mêmes et qu'ils se protègent contre un terrible virus quand ils deviennent actifs sexuellement à l'âge de 16 ou 17 ans. Ça ne fonctionne pas. Je pense que nous appuierions sans réserve tout ce que pourrez faire en ce sens.

Je suis d'accord au sujet du Régime de pensions du Canada et de tous nos programmes de soutien du revenu. Il est possible d'établir des parallèles entre le VIH et d'autres maladies, mais le VIH présente des problèmes particuliers, par exemple les hauts et les bas dont vous avez parlé. Beaucoup de gens pourraient donc travailler à temps partiel quand ils en sont capables, et ça leur ferait beaucoup de bien, mais comme ils ont présenté une demande de pension du Canada en remplissant une formule générale, ils ne veulent vraiment pas courir le risque de tout perdre. Nous en souffrons tous.

En ce qui concerne l'accès aux médicaments, je dirais qu'il y aurait plusieurs choses à modifier dans le projet de loi C-91, mais il est certain que plus nous aurons de programmes de distribution de médicaments pour raisons humanitaires, mieux ce sera. Les compagnies pharmaceutiques ont fait leur part à cet égard. Je pense qu'au début, elles y ont été poussées par le mouvement de lutte contre le sida, mais elles ont maintenant des programmes de ce genre, et plus il y en a, mieux c'est.

J'appuie aussi ce que vous avez dit au sujet des inégalités entre les provinces. C'est particulièrement visible dans une ville frontalière comme Ottawa. C'est très net: il y a des médicaments couverts au Québec, mais pas en Ontario, et vice-versa.

Le président: Est-ce que quelqu'un d'autre veut répondre à ces questions - Joanne ou notre autre témoin?

Un témoin: Nous parlons un peu de cette question dans notre mémoire, mais nous sommes un petit organisme et, surtout, nous sommes un peu naïfs; donc, ce n'est peut-être pas ce que vous cherchez. Nous aimerions que les prestations du Régime de pensions du Canada soient maintenues - parce que j'ai entendu dire qu'elles pourraient être menacées - et que les exigences soient assouplies. Vous pourriez probablement vous servir de la Loi canadienne sur la santé et des paiements de transfert aux provinces et aux territoires en matière de santé pour favoriser l'égalité d'accès aux traitements.

Nous croyons qu'il devrait y avoir un plan d'action pour répondre aux maladies catastrophiques et dévastatrices que nous vivons actuellement, et peut-être aussi aux maladies futures. C'est vraiment important à notre avis parce que, si vous examinez comment du sang contaminé a pu servir à des transfusions, vous constaterez qu'il n'y avait rien en place pour apporter une réponse.

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Nous aimerions que les exigences relatives au crédit d'impôt pour handicapés soient assouplies et que l'incapacité soit redéfinie en fonction de l'avis des spécialistes du VIH et du sida.

Il y a aussi un problème de temps pour certaines personnes, qui ne peuvent pas avoir droit à ces avantages parce que le diagnostic a été long, parce qu'elles sont tombées malades ou pour d'autres raisons de ce genre. Comme vous l'avez dit, elles peuvent travailler certains jours, mais pas tout le temps; ça pose donc un problème.

Pour ce qui est des paiements de transfert aux provinces, vous pourriez vous en servir pour vous assurer que les dispositions de la Loi canadienne sur la santé sont respectées et pour garantir des traitements équivalents, abordables et accessibles. Certaines provinces ont pris récemment des mesures assez dures, et il incombe peut-être au gouvernement fédéral de se servir des paiements de transfert pour atténuer certains effets de ces mesures et pour s'assurer que tous les Canadiens bénéficient d'un filet de sécurité sociale.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président: Rose-Marie Ur, je pense que c'est votre tour.

Mme Ur (Lambton - Middlesex): Merci, monsieur le président.

Merci de vos commentaires. Je suis sûre qu'il est difficile de parler de son expérience personnelle dans un domaine comme celui- là. Je sympathise de tout coeur avec nos témoins.

On peut lire dans le document d'information que le groupe HIV-T Group nous a remis:

Mais toutes ces choses-là existent déjà. Qu'est-ce qui ne va pas?

Un témoin: Nous avons souvent dit que les condoms devaient être disponibles dans le milieu de vie, dans les écoles...

Mme Ur: Quels autres endroits suggéreriez-vous?

Un témoin: Nous nous sommes rendu compte que les gens n'avaient pas confiance.

Mme Ur: Confiance en qui?

Un témoin: C'est difficile à expliquer, mais il faut en quelque sorte que les jeunes se sentent en sécurité parmi leurs pairs. Les messages qui viennent de Santé Canada n'ont pas le même effet que ceux qui viennent des voisins ou d'un groupe comme le Teresa Group, qui s'adresse directement aux jeunes. Les groupes comme celui-là peuvent créer un environnement sûr et un processus d'apprentissage, des cliniques de rue pour les jeunes sans abri, et d'autres choses du genre.

Mme Ur: Avez-vous une idée du nombre de groupes qui existent en ce moment? Nous avons reçu un nombre incroyable de témoins dans le cadre de notre étude sur le sida. Je suis ici depuis le premier jour à peu près; j'ai manqué seulement quelques séances. Je ne pourrais pas vous dire combien de gens sont venus témoigner, tellement il y en a eu.

Est-ce que c'est vraiment la bonne façon de faire, ou si nous devrions avoir un groupe unique qui s'occuperait de tous les aspects? C'est simplement que les groupes poussent comme des champignons, et nous ne savons pas toujours s'ils sont acceptables sur le plan moral - quoique le terme «moral» soit peut-être mal choisi; nous ne savons pas toujours s'ils font la promotion de leur cause pour les bonnes raisons, si ce sont vraiment les malades qui bénéficient de leurs efforts, ou s'ils recherchent seulement leur propre intérêt. Je regrette de devoir le dire, mais il a été question récemment dans le London Free Press d'un groupe de lutte contre le sida qui a été fermé jusqu'à ce que sa comptabilité soit faite.

C'est ça qui est dommage. Est-ce que les gens qui ont vraiment besoin de cet argent sont servis au mieux par toutes ces organisations?

Le président: Joanne, je vais vous laisser, à vous ou à l'autre témoin, le soin de répondre à cette question, après quoi je donnerai la parole à tous les autres témoins qui voudront commenter.

Mme Decarie: Comme vous l'avez dit, le matériel a été distribué pour que tout le monde en prenne connaissance. Je suis d'accord avec notre présidente; il faudrait plus d'information dans des endroits où les enfants se sentent bien, comme le Teresa Group.

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Mme Ur: Mais combien y a-t-il de gens qui connaissent ces groupes? Y a-t-il quelque chose de plus accessible pour un jeune qui n'est peut-être pas séropositif, mais qui veut simplement en savoir plus long?

Mme Decarie: Je comprends ce que vous dites. C'est malheureux, mais je pense qu'il faudra tout simplement continuer à imprimer notre matériel et espérer. Je ne sais pas comment vous garantir que les jeunes vont le lire.

Mme Ur: C'est ce que j'essaie de vous dire. On peut avoir les meilleures lois du monde, la meilleure information, mais on ne peut pas imposer le bon sens par des mesures législatives. On peut amener les gens à la fontaine, mais pas les forcer à boire.

Mme Decarie: C'est exact.

Mme Wong-Rieger: Je voudrais revenir à la deuxième partie de votre question; vous faites bien de la poser. Il y a effectivement beaucoup de groupes communautaires, mais je ne pense pas que le problème vienne du fait que ces groupes prolifèrent, qu'il y en a trop ou qu'ils ne sont pas surveillés.

J'ai beaucoup travaillé avec de nombreux groupes communautaires; j'ai fait de la recherche pour Santé Canada, j'ai évalué des programmes et j'ai travaillé comme animatrice pour la Société canadienne d'hémophilie. Nous avons préparé un certain nombre de manuels d'évaluation et de ressources pour travailler avec les groupes communautaires. Je pense qu'une bonne partie du problème, c'est que même s'il y a une stratégie quinquennale qui dispose d'un budget de 40 millions de dollars, beaucoup de ces groupes doivent sans cesse se battre pour trouver des ressources. Ils n'ont pas de sources de financement stables. Beaucoup reçoivent de l'argent pour des projets sans même avoir les ressources suffisantes pour les mener à bien.

Quand ils reçoivent un dollar, la plupart des groupes avec lesquels je travaille produisent non seulement pour 10$, mais pour 100$ grâce à leur travail. Nous demandons aux groupes de faire des choses avec des ressources très limitées, en faisant appel à des bénévoles, et quand ils réussissent à travailler assez efficacement, nous leur retirons leur financement parce que le projet est terminé; ils sont donc obligés de faire autre chose, de se pencher sur un autre problème pour obtenir de l'argent.

Donc, oui, il y a beaucoup de groupes, et il y en a peut-être effectivement qui trouvent des expédients, qui essaient d'utiliser leurs ressources le mieux possible et qui se font parfois prendre parce qu'ils ont du mal à s'occuper à la fois de l'administration et des programmes. Beaucoup de nos gens sont éparpillés parce qu'ils essaient de couvrir tous les angles.

La Société canadienne d'hémophilie est unique en son genre en ce sens que nous avons une structure nationale, une structure provinciale et une structure communautaire, et que le tout fonctionne de façon très bien intégrée. Une bonne partie de notre travail, par exemple, a consisté à élaborer et à mettre à l'essai un programme d'envergure nationale, à l'évaluer, à le diffuser par l'entremise de nos organisations provinciales et à demander aux chapitres locaux, quand il y en a, d'appliquer ce programme.

Nous pouvons fournir les conseils et le matériel de développement. Nous pouvons nous occuper de l'évaluation. Nous pouvons offrir de la formation pour aider les gens à appliquer ces programmes... Mais nous devons compter dans une très large mesure... Comme l'ont dit les représentantes du groupe HIV-T, la mise en oeuvre des programmes se fait très localement, au niveau communautaire.

Le problème, c'est le manque de ressources disponibles au niveau communautaire. Très souvent, comme l'a dit Joanne, les groupes reçoivent de l'argent pour préparer du matériel, mais pas pour le diffuser efficacement. Ils ont de l'argent pour mettre sur pied un projet pilote et, quand ce projet se révèle une réussite, ils ne reçoivent plus d'argent pour le poursuivre. On leur dit plutôt que leur travail consiste maintenant à trouver des appuis communautaires pour poursuivre le travail. Mais ces groupes ne peuvent pas faire les deux. Ils ne peuvent pas à la fois offrir un programme et ramasser de l'argent. Donnez-leur l'argent et laissez- les faire le travail pour lequel ils ont été créés au départ et pour lequel ils ont de l'expérience.

La Société canadienne d'hémophilie a fait beaucoup d'efforts, puisqu'il s'agit d'une organisation nationale, pour essayer de régler certains de ces problèmes, et d'autres groupes communautaires qui s'occupent du sida ont développé d'autres modèles également. Le témoin de Terre-Neuve vient de nous donner un exemple d'un modèle vraiment excellent. Il y a une base provinciale, et ensuite des efforts communautaires. C'est exactement ce que Gerard a réussi à faire, mais il le fait avec un budget extrêmement réduit, sans aucune garantie. On lui a demandé de recueillir des fonds, d'établir des liens avec les entreprises et de sensibiliser la population, en même temps que de faire de l'éducation et de la prévention primaires. C'est trop.

Donc, effectivement, il semble y avoir beaucoup d'argent et beaucoup de groupes. La réponse, à mon avis, consiste à essayer de soutenir suffisamment ces groupes plutôt que de leur dire de se débrouiller et de se faire concurrence entre eux; il ne faut pas leur verser de l'argent pour un petit bout de temps seulement et les laisser ensuite s'organiser comme ils peuvent.

Le président: Mary Ann.

Mme Mulvihill: Je voudrais seulement ajouter un petit commentaire à ce qui a été dit.

Ce qui a fait le succès du mouvement de lutte contre le VIH/sida, à mon avis, c'est le fait qu'il repose sur des heures et des heures, et même des années de travail bénévole et qu'il s'agit dans une large mesure d'un mouvement communautaire. Ce qui signifie qu'il y a nécessairement beaucoup de petits groupes. C'est ce qui a fait une bonne partie de notre succès, et le succès a toujours ses limites. Donc, je pense qu'il est vraiment important de reconnaître que les nombreux groupes dont vous constatez l'existence comptent en réalité des centaines de bénévoles.

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L'autre problème, c'est que la réalité du VIH/sida est omniprésente. Elle se fait sentir partout. Ce qui se passe, en fait, c'est que tous les groupes qui essaient d'offrir des soins de santé, des services sociaux ou n'importe quel autre type d'aide se retrouvent avec des cas de VIH et de sida. C'est une réalité omniprésente dans notre société. Pour être efficaces, les programmes doivent venir du milieu où les gens vivent, c'est-à-dire de la rue.

Dans notre cas, beaucoup de nos clients vivent dans la rue. Ils n'ont pas de logement stable. Ils ne viennent pas aux réunions. Ils ne sont pas faciles à rejoindre. Donc, il faut beaucoup de personnel. Le mouvement s'est débrouillé en faisant appel à des bénévoles, mais il faut vraiment beaucoup de monde pour que ce soit efficace. J'ajoute que c'est aussi un énorme investissement, qui a toutefois des retombées très positives quand on prend la peine de le faire.

Quant à l'organisme que vous avez mentionné, et dont il a été question aux nouvelles, je ne veux pas le nommer parce que je n'ai pas son nom exact sous la main. Si vous l'avez, vous me corrigerez; je ne veux pas le dire pour le compte rendu au cas où je me tromperais. Mais il est important de souligner que c'est le mouvement lui-même qui a signalé ce cas. Il faut le rappeler parce que nous comprenons que les ressources sont extrêmement précieuses; nous voulons tellement bien les utiliser que nous signalons nous- mêmes les problèmes.

Le président: Merci beaucoup.

S'il y a d'autres témoins qui veulent répondre à cette question, n'hésitez pas.

M. Yetman: En fait, je n'ai pas vraiment grand-chose à ajouter parce que je pense que Derhane et Mary Ann ont très bien cerné la question. Mais je voudrais dire au comité que vous vous trompez lourdement si vous tenez pour acquis qu'il y a des condoms et de l'éducation. C'est limité. Il y a une foule d'obstacles.

Par exemple - et je ne peux parler que pour la province dans laquelle je travaille - il ne se fait pas de sensibilisation au sida dans les écoles à cause de l'opposition des groupes religieux; il n'y a pas de condoms dans les écoles parce que le système d'éducation confessionnelle s'y oppose. Il faut avoir 16 ans pour acheter un condom dans une pharmacie.

Toutes ces raisons limitent l'accès aux petites choses simples qui aideraient au moins à ralentir l'épidémie. Il ne faut pas tenir pour acquis que ces choses existent. Parce que ce n'est pas le cas. C'est pourquoi nous devons poursuivre nos efforts, et c'est aussi pourquoi nous avons encore énormément d'obstacles à surmonter. Il faudrait notamment des programmes d'éducation obligatoires. C'est une question de santé publique, pas de morale.

Le président: Hannah.

Mme Cowen: Je peux dire deux mots à ce sujet-là, parce que j'ai vu ce qui se passe en Nouvelle-Écosse, en Ontario et en Colombie-Britannique depuis que j'ai commencé à travailler bénévolement pour lutter contre le sida, dans le domaine de l'éducation au sujet du sida et de la sexualité. C'est très inégal.

Il y a des écoles à Ottawa où on nous demande de revenir encore et encore. C'est la même chose à Victoria. Mais il y a d'autres écoles où nous ne sommes pas autorisés à livrer notre message. La dure réalité pour nous, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, c'est qu'il faut continuer d'améliorer nos méthodes.

Je ne dis pas que nous n'avons pas besoin d'apprendre de nouvelles méthodes et de trouver de nouvelles idées. Nous ne connaissons toujours pas tous les moyens possibles pour aider les gens à adopter des comportements plus sûrs. Mais quand nous réussissons auprès d'un groupe, nous devons pouvoir répéter nos succès avec la génération suivante - les petits garçons qui vont devenir des hommes gais, les petites filles qui vont devenir des femmes agressées, ou qui que ce soit d'autre. Nous devons trouver sans cesse de meilleurs moyens pour les atteindre. C'est une des raisons qui font que c'est très frustrant, parce que nous pensons que nous avons très bien réussi avec certains groupes, ce qui est vrai, d'ailleurs.

À mon avis, l'épidémie serait encore pire au Canada si nous n'avions pas accompli tout ce travail sur les plans de l'éducation, de la prévention et des soins, mais tout est toujours à recommencer.

Le président: Merci.

Monsieur McKinnon.

.1640

M. McKinnon (Brandon - Souris): Je tiens à dire pour le compte rendu que j'ai moi-même travaillé dans le secteur de l'éducation. J'ai été dans la même école secondaire pendant 31 ans. Voilà qui vous donne une idée de mon âge! Nous avons essayé d'obtenir l'autorisation de notre conseil scolaire pour installer des distributrices de condoms dans les écoles secondaires. Et, comme le témoin l'a dit tout à l'heure, des groupes de l'extérieur sont intervenus pour les faire enlever. Le conseil scolaire en voulait, les professeurs et les autres membres du personnel en voyaient la nécessité, mais le milieu a refusé. Et je pense que les choses n'ont pas changé depuis. Nous n'avons pas encore réussi à surmonter cet obstacle sociologique.

À la même époque, le Manitoba avait un programme obligatoire, quoique très limité, dans les écoles secondaires. L'information était accessible à tout le monde. Il devait y avoir des cours sur le sujet.

Ma question est la suivante: est-ce que le Manitoba constitue un cas isolé ou s'il y a d'autres provinces qui font la même chose, qui essaient de mettre sur pied un programme de prévention dans les écoles?

Mme Cowen: Oui, il y a d'autres provinces qui essaient de s'attaquer à ce problème, avec un succès variable. À Terre-Neuve, il est clair que l'Église joue un grand rôle. Mais c'est très différent en Colombie-Britannique. Les choses varient beaucoup d'une collectivité à l'autre, et bien sûr d'une province à l'autre. Dans certaines villes, les élèves du secondaire peuvent se procurer des condoms auprès de l'infirmière de l'école. Dans d'autres, il n'y a rien du tout. La situation varie aussi d'une classe à l'autre, parce que les professeurs ne sont évidemment pas tous aussi à l'aise pour parler de la sexualité et des questions liées à cette maladie mortelle, par exemple.

C'est très compliqué, et nous aimerions bien qu'il existe des solutions faciles. Nous serions très contents de pouvoir vous recommander trois petites choses toutes simples pour régler le problème.

Il faut accepter cette complexité jusqu'à un certain point. Oui, il y a beaucoup de groupes différents, mais nous en avons probablement besoin.

Un petit mot encore sur l'éducation, et sur la nécessité d'éduquer les femmes au sujet des condoms. C'est encore une de nos lacunes. Dans beaucoup de nos messages d'éducation, nous insistons beaucoup sur les femmes, et pas tellement sur les hommes qui doivent porter les condoms. Il faut bien sûr que les femmes soient conscientes de cet aspect. C'est une des mesures très simples sur lesquelles nous pourrions nous concentrer davantage. Quand les condoms pour femmes seront plus répandus et qu'il y aura de meilleures méthodes obstructives à la disposition des femmes, nous devrons peut-être insister davantage sur leurs responsabilités. Mais pour le moment, je pense que le principal problème est d'inciter les hommes à utiliser le condom.

Le président: Monsieur Yetman.

M. Yetman: Pour répondre à votre question à titre d'ancien membre du conseil d'administration de la Société canadienne du sida, presque tous les groupes du pays ont essayé différents moyens pour s'introduire dans les écoles ou pour aider les conseils scolaires à élaborer des programmes. Nous essayons pour notre part d'inciter le gouvernement provincial à adopter des mesures législatives obligeant les écoles à donner des cours sur la santé.

C'est probablement une partie du problème. Nous nous concentrons sur les condoms et sur la sexualité. Mais la question du sida est beaucoup plus vaste. Chaque fois que j'en ai la chance, je parle de drogues et d'alcool quand je vais dans les écoles. Je parle des MTS, de la violence, de la pauvreté. Je parle aussi de l'estime de soi. C'est essentiel.

Nous n'avons pas de programmes dans nos écoles pour promouvoir l'estime de soi. Quoi que nous donnions à nos adolescents, ils ne pourront rien en faire s'ils ne s'estiment pas eux-mêmes. Et nous aurons beau leur transmettre toutes les connaissances au monde, ils ne profiteront jamais des moyens dont nous leur parlons. Nous devons mettre sur pied pour nos jeunes un programme d'éducation complet, dont le sida serait un élément.

M. McKinnon: Je ne sais plus lequel d'entre vous a parlé de «gagner la bataille contre le VIH et le sida». Je me suis demandé immédiatement ce que vous entendiez par là. Voulez-vous dire qu'il faut empêcher le taux de propagation d'augmenter, ou quoi?

.1645

Un témoin: Puis-je revenir à la question précédente? Nous avons beaucoup de suggestions.

Je voudrais parler de la réussite de la campagne antitabac auprès des jeunes. Je ne parle pas de la campagne sur l'alcool ou sur l'alcool au volant.

Il semble extrêmement difficile de rejoindre les gens, et je ne pense pas qu'il y ait de réponses faciles.

M. McKinnon: Il faut faire comme Coca-Cola. Ils nous bombardent de publicité sans arrêt.

Un témoin: Je pense en effet que c'est ce qu'il faut faire, mais il faut énormément d'argent.

Connaissez-vous l'émission de Sue Johanson sur la sexualité? Elle ou quelqu'un comme elle pourrait faire un excellent travail pour rejoindre les gens parce qu'elle a déjà un public. Elle sait parler aux gens. Et elle est extrêmement populaire. Nous ne pouvons pas passer par-dessus la tête des gens. Nous devons aller à leur rencontre et trouver un moyen de gagner leur confiance. C'est quelqu'un de très spécial, et elle peut réussir. Je pense qu'il faut des gens comme elle.

Peut-être que quelqu'un d'autre voudra répondre à votre dernière question.

Mme Cowen: Je pense que c'est moi qui ai employé cette expression-là. Pour moi, cette victoire a plusieurs aspects. Il y a bien sûr la guérison sur le plan médical... mais il faut aussi s'attaquer aux autres déterminants de la santé et réaliser des progrès dans la lutte contre la discrimination et la pauvreté, qui existaient déjà à l'époque où la syphilis, une autre maladie transmise sexuellement, était incurable.

La syphilis a compliqué notre approche de la sexualité humaine. Elle a compliqué les problèmes liés aux agressions sexuelles contre les enfants. Elle a suscité en bonne partie les mêmes problèmes et les mêmes discussions que le VIH aujourd'hui. Ce qui me préoccupe surtout, c'est que tant que nous ne réussirons pas mieux à endiguer la pauvreté et la discrimination dont il est question aujourd'hui, nous aurons beau trouver un moyen de guérir le VIH, nous serons quand même pris de court quand une nouvelle maladie surgira, un nouveau virus, une nouvelle catastrophe, comme quelqu'un l'a déjà dit.

Pour moi, c'est vraiment la question la plus cruciale. La lutte contre le VIH, ce n'est pas seulement la lutte contre le VIH. Quand on aborde la question sous cet angle, c'est trop restreint. Donc, tout ce que nous faisons - parce que j'aime bien insister sur les éléments positifs - toutes les mesures que nous prenons aident notre monde, notre pays, notre collectivité, pour demain tout autant que pour aujourd'hui.

Mme Mulvihill: J'allais justement dire, pour reprendre une expression des années 60, que la guerre que nous menons, c'est peut-être la guerre contre la pauvreté.

Comme l'a dit Hannah, le VIH/sida, c'est la réalité à laquelle nous devons faire face aujourd'hui, mais il y a d'autres problèmes qui s'annoncent. Nous allons devoir nous attaquer très bientôt à une nouvelle réalité très intéressante, celle des souches de tuberculose résistantes aux médicaments. Toutes ces choses-là sont liées. C'est la mauvaise nouvelle, comme l'a dit Hannah. La bonne nouvelle, c'est que tout ce que nous faisons au sujet du VIH/sida a aussi une incidence sur ces autres questions.

[Français]

M. Ménard: Ai-je bien compris que le témoin de Terre-Neuve nous suggère de formuler des recommandations dans notre rapport final en vue de modifier le Régime de pensions du Canada, parce que lorsqu'un prestataire reçoit une rente d'invalidité du régime canadien, il est exclu des autres régimes existant partout au Canada, dont les régimes en vigueur dans les provinces? Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Yetman: Vous avez bien compris. En gros, nous recommandons que, pour tous les changements que vous envisagerez d'apporter au Régime de pensions du Canada, vous travailliez avec les gouvernements provinciaux pour régler le cas des gens qui n'auraient plus droit alors aux services provinciaux, par exemple aux services des ministères provinciaux des affaires sociales qui administrent la plupart des programmes d'assurance-médicaments.

.1650

Par exemple, beaucoup des clients avec qui je travaille à Terre-Neuve n'ont plus droit à l'assurance-médicaments ni aux suppléments nutritionnels une fois qu'il ont accès au Régime de pensions du Canada. Ils sont privés de programmes provinciaux très importants, et dans bien des cas, ils se demandent aussi s'ils ne seraient pas mieux traités par le système provincial d'aide sociale que par le Régime de pensions du Canada. Trop souvent, le choix qui s'impose est une affaire de dignité plutôt que de maintien en santé.

Donc, je pense vraiment qu'il faut travailler beaucoup sur le plan des ententes fédérales-provinciales.

[Français]

M. Ménard: Je pense qu'il serait embêtant pour les membres de ce comité de faire une recommandation visant une harmonisation complète, mais serait-il envisageable et ultimement souhaitable que l'on recommande que, comme dans le cas du Québec où il y a la Régie des rentes du Québec, où le Régime de pensions du Canada ne s'applique pas et donc où existe un seul programme d'invalidité, on puisse peut-être rejoindre une recommandation qui a été faite par l'une d'entre vous, à savoir que dans les transferts aux provinces, on prévoie des dispositions très précises pour l'invalidité et que dans chacune des provinces, il n'y ait qu'un seul programme d'invalidité et qu'il soit administré par la province? Je pense que ce serait une formule beaucoup plus intéressante que la formule contraire, où le Canada administre le Régime de pensions du Canada.

[Traduction]

M. Yetman: La dame qui a témoigné au nom du groupe des personnes transfusées a recommandé notamment d'examiner la notion d'incapacité, et d'incapacité croissante, pour répondre aux besoins des gens qui vivent avec le VIH. Il faudrait peut-être envisager d'augmenter le montant accordé quand quelqu'un réclame des prestations du Régime de pensions du Canada parce qu'il a le VIH ou le sida puisque, dans presque toutes les provinces, ces gens-là n'ont plus droit à toute une foule de services provinciaux... Donc, il faudrait peut-être envisager une augmentation des paiements...

[Français]

M. Ménard: Vous vous rappellerez que lorsque le Parti progressiste-conservateur était au pouvoir, un parti qui, à toutes fins pratiques, n'existe plus politiquement - je sais que ça va faire de la peine à certains de mes collègues que je rappelle un tel souvenir - il avait révisé et adopté le projet de loi C-91 qui faisait en sorte que les brevets émis par le commissaire aux brevets au Canada deviennent concurrentiels. La portée de ce projet de loi s'étendait sur 20 ans et les quelque 600 compagnies pharmaceutiques canadiennes s'engageaient à investir 10 p. 100 de leurs profits en recherche et développement, ce qui représente à peu près 500 millions de dollars d'ici l'an 2000.

Lors de vos contacts auprès des compagnies pharmaceutiques en faveur des gens que vous représentez, avez-vous été témoins de certaines situations ou auriez-vous des témoignages à livrer à ce comité au sujet de compagnies pharmaceutiques qui auraient été de mauvais citoyens corporatifs, qui auraient refusé l'accès à des médicaments ou refusé de s'engager dans des essais cliniques?

[Traduction]

Mme Cowen: Je ne dirais peut-être pas que ces compagnies manquent de sens civique, mais ce qui nous préoccupe dans le projet de loi C-91 et dans ses mécanismes d'application, c'est d'abord qu'il n'y a pas d'exigences - et nous en avons déjà parlé quand il a été question de l'accès aux médicaments pour raisons humanitaires - et que le gouvernement n'accorde pas systématiquement sa préférence aux compagnies qui acceptent effectivement de rendre leurs médicaments accessibles pour des raisons humanitaires. Les gouvernements pourraient aider beaucoup en faisant de ce critère un élément important de l'examen des demandes de brevet.

L'autre question qui nous préoccupe beaucoup, au sujet du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, c'est évidemment que cet organisme n'a aucun pouvoir véritable pour forcer les compagnies à respecter les engagements prévus dans le projet de loi C-91 au sujet de la recherche et du soutien aux collectivités. Nous savons que les compagnies se sont engagées à y consacrer 10 p. 100. Malheureusement, le Conseil n'a aucun moyen coercitif à sa disposition pour obliger les compagnies à dire quel genre de recherche elles effectuent ou ce qu'elles y consacrent, et il n'y a aucune exigence au sujet du genre de recherche qui devrait se faire.

Trop souvent, il s'agit d'études que les compagnies auraient faites de toute façon. Et les essais cliniques, qui ne profitent pas vraiment aux malades, sont aussi considérés comme de la recherche. Je pense que si nous voulons vraiment que le projet de loi C-91 ait les effets qu'il était censé avoir, nous devons augmenter les pouvoirs du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.

.1655

[Français]

M. Ménard: Nous ne nous connaissions pas avant la rencontre d'aujourd'hui. C'est la première fois que je vous rencontre et je constate que le projet de loi que je vais déposer au cours de la première semaine de décembre va un peu dans le même sens. Il y a toutefois une difficulté qui doit être présente dans votre esprit. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est un organisme quasi judiciaire. Vous devez être consciente que toute la question de la réglementation des prix des produits pharmaceutiques ne relève pas du gouvernement fédéral. Il n'y aura aucune assise constitutionnelle pour ainsi faire. Ce qui relève du gouvernement fédéral, c'est l'émission des brevets.

Les compagnies pharmaceutiques, particulièrement celles qui sont membres de l'ACIM, l'Association canadienne de l'industrie du médicament que dirige Mme Judith Erola, ex-ministre du gouvernement Trudeau dans les années 1970, ont pris un engagement qui n'était pas un engagement juridique proprement dit. Le projet de loi C-91 ne précise pas que l'industrie pharmaceutique a l'obligation d'investir 10 p. 100 de ses profits, ce qui représente 500 millions de dollars. L'industrie a pris un engagement de bonne foi, sur une parole donnée en cours de témoignage lorsque les parlementaires de l'époque, dont je ne faisais pas partie, ont été saisis du projet de loi C-91. À partir du moment où le projet de loi C-91 a été d'intérêt public, les compagnies pharmaceutiques ont pris cet engagement.

On ne saurait dire que, de façon générale, l'industrie n'a pas tenu ses promesses. Nous aurions beaucoup de difficulté à prouver que l'industrie pharmaceutique ne fait pas véritablement de la recherche, parce que ce que le Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés évalue, c'est l'effort de recherche qui est fait par ceux qui détiennent un brevet. Il y a évidemment des compagnies pharmaceutiques qui n'ont pas de brevets, mais qui font quand même de la recherche.

Lorsque le Comité permanent de l'industrie approfondira cette question, vous constaterez que la définition de la recherche qu'emploie le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, et que je pourrais vous faire parvenir si elle vous intéresse, est la même que celle qu'utilise Revenu Canada lorsqu'il accorde le crédit d'impôt pour la recherche et le développement expérimental au niveau de sa fiscalité.

Compte tenu que cette industrie et l'industrie bancaire sont les deux secteurs industriels qui se sont le plus enrichis au cours des deux dernières récessions, je crois qu'il faut demander à l'industrie pharmaceutique de faire un effort supplémentaire pour rendre disponible un accès humanitaire aux médicaments. C'est une belle bataille et j'espère que vous serez là lorsque viendra le temps de la livrer.

C'est une question passionnante que l'industrie pharmaceutique. Vous aurez certainement l'occasion de comparaître devant le Comité permanent de l'industrie.

[Traduction]

Le président: Madame Mulvihill.

Mme Mulvihill: J'insiste sur la question de l'accès humanitaire aux médicaments. C'est une question très importante. Je pense aussi qu'il est important de demander cet accès dans tous les secteurs, pas seulement pour les médicaments contre le VIH/sida. C'est important dans bien des secteurs, et pour beaucoup de maladies, et les compagnies pharmaceutiques peuvent sans aucun doute se le permettre.

J'ai une question à vous poser. J'aimerais savoir s'il est question dans votre projet de loi de raccourcir la durée des brevets de 20 ans.

[Français]

M. Ménard: Mon projet de loi sera un projet de loi privé et j'ai bon espoir que les libéraux vont l'appuyer. Je me sentirais toutefois mal à l'aise d'en divulguer aujourd'hui le contenu. Je puis toutefois vous dire que j'espère que ce projet de loi sera repris par le Sénat et qu'il fera l'objet d'un vote. Je le déposerai au cours de la première semaine de décembre, alors que se tiendra la Journée internationale du sida. Je suis très fier de ce projet de loi auquel je travaille depuis un an. Je suis convaincu qu'il ne sera pas inconstitutionnel. Même si vous savez que les projets de loi privés ont peu de chance d'être adoptés, je suis confiant qu'il deviendra une heureuse exception.

[Traduction]

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Excusez-moi, monsieur le président.

Le président: Oui.

M. Volpe: Vous avez laissé M. Ménard parler à loisir de ses vues sur les effets du projet de loi C-91 et faire en même temps un peu de politique, et je suis sûr qu'il l'apprécie.

Le président: Il fait bien ça.

Cela dit, je profite de l'occasion pour remercier les témoins. Je sais que vous avez gardé M. Ménard aux aguets.

Encore une fois, je vous remercie beaucoup. Vous nous avez donné des conseils très intéressants et très utiles, et je vous remercie de nous avoir accordé votre temps. J'espère que nous vous en avons accordé suffisamment de notre côté, que nous avons entendu tout ce que vous aviez à dire et qu'il en sortira quelque chose de bon. Merci beaucoup.

.1700

La séance est levée.

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