[Enregistrement électronique]
Le mercredi 27 novembre 1996
[Traduction]
Le coprésident (M. Duhamel): Je vais être audacieux et ouvrir immédiatement la séance. Je vais vous expliquer la procédure, en espérant que mes collègues se seront joints à nous lorsque je terminerai. Sinon, je devrais faire une pause, même si ce n'est pas ma préférence.
Je m'appelle Ron Duhamel et je suis coprésident du comité.
[Translation]
I am co-chair of this comittee with my colleague, the Honorable Michel Dupuy, who is unavailable today
et qui m'a demandé de vous adresser ses salutations. Il aurait beaucoup aimé participer à ces audiences, surtout à celle d'aujourd'hui.
Notre procédure est très simple. Je vais vous inviter à faire une brève déclaration liminaire, en espérant que vous ne dépasserez pas sept minutes car nous souhaitons vous poser des questions et que nous aimerions peut-être aussi que vous débattiez entre vous.
J'espère que vous pourrez respecter cette limite de temps.
Bonjour, monsieur Penson. Comment allez-vous? Je suis ravi de vous voir.
Je crois que nous pouvons maintenant commencer. J'ai attendu assez longtemps.
Pour ce qui est de l'ordre de comparution, je vais le choisir au hasard, en espérant que cela vous convient. Sinon, vous pourrez m'en parler en privé après la réunion.
Nous accueillons donc d'abord M. Terry Collins-Williams, du ministère des Finances. Je suppose que vous êtes le porte-parole de votre groupe. Voulez-vous commencer?
M. Terry Collins-Williams (directeur, Division des relations économiques internationales, Direction des finances et du commerce internationaux, Ministère des Finances): Merci, monsieur le président, de nous donner l'occasion de comparaître devant votre comité. Nous avons écouté attentivement les remarques et les propositions faites par les témoins qui nous ont précédés. La meilleure aide que nous pourrions offrir aux sous-comités aujourd'hui consisterait peut-être à souligner les principes fondamentaux qui seront selon nous utiles pour évaluer ces propositions.
J'aimerais tout d'abord parler du principe important de l'équilibre. De par leur nature, les droits antidumping et compensateurs, et plus précisément leur application, créent une dichotomie d'intérêts. La loi a pour objet de protéger l'industrie canadienne contre le subventionnement et le dumping préjudiciables, mais elle doit aussi tenir compte du risque d'accroissement des coûts qui en résulte pour les producteurs en aval, les détaillants et les consommateurs.
Un certain nombre de propositions ont été soumises à votre sous-comité par des usagers du système en vue d'apporter des modifications qui, à leur avis, permettront à la loi d'assurer une meilleure protection. Des propositions ont aussi été avancées afin de donner plus de souplesse au système et d'atténuer les répercussions économiques néfastes de l'imposition de droits.
À notre époque de globalisation croissante et de division internationale du travail, l'ouverture des marchés est essentielle pour attirer les investissements et préserver la compétitivité. Les entreprises nationales doivent pouvoir s'approvisionner à des prix concurrentiels. Selon une étude publiée par l'OCDE en 1993, les fabricants canadiens dépendent plus de l'importation que leurs homologues des principaux pays avec lesquels nous faisons du commerce, c'est-à-dire les États-Unis, la France, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni.
En même temps, en vertu des règles internationales, les producteurs canadiens qui font face à une concurrence déloyale du fait de marchandises importées en dumping ont le droit de porter plainte et de voir cette jugée de façon équitable. Si l'on conclut que le dumping ou le subventionnement leur cause un préjudice, ils ont le droit d'obtenir une protection sous forme de droits antidumping ou compensateurs. Et c'est la LMSI qui fixe le cadre juridique d'imposition de telles mesures.
Le défi de l'équilibre consiste donc à assurer une protection efficace lorsque c'est nécessaire mais sans imposer de coûts inutiles aux autres segments de notre économie. Dans l'ensemble, nous estimons que la LMSI, dans ses 12 années d'application, a raisonnablement bien joué son rôle.
L'une des questions-clés qui ont été soulevées devant votre comité est celle de l'intérêt public. Les dispositions de la LMSI sur l'intérêt public ont pour objet de réduire l'impact négatif de l'imposition de droits sur d'autres secteurs de l'économie ou sur la concurrence au sein du marché intérieur. Ces dispositions de la LMSI ont été élaborées en réaction directe aux recommandations d'un ancien comité, présidé par M. Mackasey. Cependant, la loi actuelle ne précise pas les conditions dans lesquelles il faut protéger l'intérêt public, ni quels facteurs il faut prendre en considération dans ce contexte.
Afin de déterminer s'il faut ou non éclaircir les dispositions relatives à l'intérêt public, il conviendrait peut-être aussi de se demander quels autres mécanismes, parmi ceux qui ont été proposés devant votre comité, pourraient réduire les coûts économiques issus des recours commerciaux. Je songe en particulier à la règle des droits moindres, que de nombreux témoins ont également évoquée devant vous.
Trois des quatre autres principaux utilisateurs de recours commerciaux parmi nos partenaires commerciaux - l'Union européenne, le Mexique et l'Australie - appliquent une telle règle. L'autre, les États-Unis, ne l'appliquent pas. L'application d'une règle de droits moindres serait conforme à l'article 9.1 de l'accord de l'OMC concernant l'imposition et la perception de droits antidumping, qui se lit comme suit:
- Il est souhaitable que l'imposition soit facultative sur le territoire de tous les Membres et que le
droit soit moindre que la marge si ce droit moindre suffit à faire disparaître le dommage causé à
la branche de production nationale.
Les règles de l'OMC obligent les parties à respecter certaines exigences de procédure et d'échéancier. Considérant la complexité du processus d'enquête, il faut prévoir assez de temps pour permettre aux autorités compétentes d'évaluer toutes les informations pertinentes. Cela dit, il faut aussi veiller, tout en respectant ces contraintes, à ce que le système soit aussi rapide que possible et permette d'appliquer des recours le plus rapidement possible.
En ce qui concerne la question de l'équité, il convient que les parties intéressées aient la possibilité, aux étapes appropriées de l'enquête, de présenter leur opinion aux autorités. Ce principe devrait être renforcé dans la loi, chaque fois que possible, mais en tenant compte bien sûr de ses répercussions sur le respect des échéanciers.
Les parties ont le droit de connaître les motifs des décisions prises par les autorités. Il faut également tenir compte de l'incidence des propositions de modification de la loi sur sa transparence et sur la transparence du processus de décision.
Finalement, conformément aux objectifs généraux du gouvernement visant à accroître l'efficience de l'appareil public et à rationaliser les procédures, il convient d'évaluer les propositions de changement en fonction de leur incidence à cet égard. Le système étant déjà très complexe, on ne devrait en accroître le fardeau administratif que si l'on a des raisons impérieuses de le faire.
En résumé, il importe que votre comité, lorsqu'il évaluera les propositions qui lui sont faites, s'efforce de bien en mesurer l'incidence globale. Le système ne sera pas viable si la loi ne peut offrir une protection efficace ni si le fardeau de cette protection devient trop lourd pour le reste de l'économie.
J'aimerais ajouter, avant de conclure, que le gouvernement de la Colombie-Britannique m'a dit qu'il avait adressé son opinion sur la LMSI au greffier de vos sous-comités, afin qu'elle soit prise en considération lors de la préparation de votre rapport.
J'espère que cet aperçu vous sera utile et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, M. Collins-Williams. Votre témoignage est très utile et je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser pour en éclaircir certains points.
De la Direction des recours commerciaux du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous recevons M. John McNab. Monsieur McNab.
[Traduction]
M. John McNab (directeur, Direction des recours commerciaux, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international):
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie d'avoir invité des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international à comparaître devant votre comité.
Je suis accompagné aujourd'hui de Mike Robertson et de Steven Rhealt-Kihara, également de la Direction des recours commerciaux.
Pour commencer, j'aimerais décrire dans ses grandes lignes le rôle du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en matière de recours commerciaux. Comme vous le savez peut-être, le Ministère n'est pas directement responsable de la Loi sur les mesures spéciales d'importation ni de son application. Son rôle principal en ce qui concerne les recours commerciaux est de promouvoir et de défendre les intérêts canadiens face aux actions en recours commerciaux, qu'il s'agisse de droits antidumping ou compensateurs ou de mesures de sauvegarde, intentées par d'autres pays à l'encontre d'exportations canadiennes, ou intentées au Canada à l'encontre d'exportations d'autres pays.
En matière d'exportations, nous avons la responsabilité principale de veiller à ce que les autres pays, notamment les États-Unis, mènent leurs enquêtes sur les recours commerciaux en parfaite harmonie avec leurs obligations découlant des accords commerciaux internationaux ainsi que de leur législation intérieure. En outre, nous protégeons les intérêts canadiens en surveillant les changements proposés aux régimes de recours commerciaux de nos principaux partenaires, pour veiller à ce qu'ils soient conformes aux exigences de l'OMC.
En matière d'importations, nous surveillons le déroulement des enquêtes menées par Revenu Canada et par le TCCE, et nous participons à l'élaboration de la politique canadienne sur les recours commerciaux telle qu'elle se reflète dans la législation et les règlements intérieurs, pour nous assurer que le Canada respecte ses obligations en matière de commerce international.
Notre participation est utile notamment parce que notre Ministère reçoit souvent des questions de nos partenaires commerciaux sur nos propres enquêtes dans ce secteur. De manière plus générale, notre Ministère a la responsabilité principale des initiatives visant à éliminer l'utilisation de recours commerciaux entre le Canada et ses autres partenaires, et il participe pleinement, de concert avec les ministères des Finances et du Revenu national, aux travaux des comités de l'Organisation mondiale du commerce chargés d'appliquer les disciplines sur l'utilisation par ses membres des droits antidumping et des droits compensateurs.
C'est pour ces raisons que nous sommes probablement moins directement concernés que nos collègues des Finances et du Revenu national par l'examen de la LMSI, bien que notre intérêt en la matière soit quand même très réel. Nous reconnaissons que la législation sur les recours commerciaux doit assurer un équilibre entre les besoins des producteurs pouvant subir un préjudice en raison d'importations déloyales et ceux des consommateurs et des usagers de ces importations, ainsi que de l'économie en général.
En plus de contribuer à assurer que la législation ou les pratiques en matière de recours commerciaux sont conformes à nos obligations découlant des accords commerciaux, ce qui va sans dire, nous veillons principalement, dans le cadre du processus de révision de la LMSI, à ce que toutes les modifications qui seront apportées n'entament pas notre possibilité de conclure d'autres accords sur les recours commerciaux ni de défendre les exportateurs canadiens. Il est souvent difficile de s'opposer aux pratiques des autres si l'on agit comme eux.
La réforme fondamentale, si ce n'est l'élimination, des mesures de recours commerciaux dans le cadre de l'ALENA, notamment des dispositions antidumping, reste un objectif prioritaire du gouvernement. Bien que cet objectif à long terme fasse l'unanimité, il semble que le secteur privé soit divisé quant à la stratégie à suivre pour l'atteindre.
L'industrie de l'acier, en particulier, estime depuis longtemps que l'adoption du régime antidumping américain, théoriquement plus rigoureux, renforcerait la position du Canada dans ses négociations sur la réforme des recours commerciaux avec les États-Unis. Toutefois, certains manufacturiers canadiens, notamment ceux qui ont recours à des intrants importés, et que vous avez déjà entendus, croient que l'instauration au Canada d'un système de recours commerciaux plus rigoureux non seulement n'aurait aucun effet sur les États-Unis mais aussi nuirait à notre économie.
Il reste à voir si la stratégie du gant de fer nous donnera les moyens de pression voulus vis-à-vis des États-Unis. Quoiqu'il en soit, en ce qui concerne les recours commerciaux d'un point de vue général, le gouvernement entend continuer de travailler à l'échelle multilatérale, au sein de l'OMC, et à l'échelle bilatérale, avec ses partenaires de l'ALENA, pour améliorer les disciplines. Nous continuerons par ailleurs à nous opposer à tout pays qui semblerait agir contrairement à ses obligations contractuelles.
J'aimerais profiter de votre réunion pour dire quelques mots de l'accord de libre-échange que nous venons de conclure avec le Chili, étant donné que je sais que des témoins qui nous ont précédés vous en ont parlé.
Comme vous le savez, cet accord contient une clause qui éliminera progressivement en six ans le recours aux droits antidumping entre les deux pays. Je sais que votre comité a entendu beaucoup de commentaires, surtout négatifs, au sujet de cette disposition, et j'espère pouvoir vous aider dans votre réflexion en vous expliquant pourquoi on trouve une exemption en matière de dumping dans l'accord avec le Chili.
Il ne faut pas oublier que le gouvernement affirme très clairement depuis de nombreuses années que l'utilisation de mesures antidumping n'est ni logique ni appropriée entre les parties à un accord de libre-échange. Bien que certains pays aient réussi à négocier une telle exemption dans leurs accords de libre-échange, c'est la première fois que le Canada fait de même, dans son accord avec le Chili.
L'exemption antidumping avec le Chili doit être analysée en tenant compte du fait que l'accord avec ce pays est transitoire dans la mesure où nous nous attendons à ce que le Chili devienne à terme un membre à part entière de l'ALENA. En vertu de l'accord avec le Chili, les exportations canadiennes auront accès au marché chilien en vertu d'un tarif préférentiel ou en franchise de droits. En outre, contrairement à leurs concurrents américains, les exportateurs canadiens bénéficieront non seulement d'un avantage douanier mais aussi d'une préférence quant à l'utilisation de mesures antidumping. À notre avis, cela leur donnera un avantage sur leurs concurrents américains.
De manière plus générale, nous croyons que la réforme de la législation sur les recours commerciaux, notamment sur les droits antidumping, dans le contexte d'un accord de libre-échange avec le Chili aura valeur d'exemple pour les États-Unis et contribuera par conséquent à l'objectif premier du Canada qui est de réformer fondamentalement l'utilisation des mesures antidumping imposées sur les exportations canadiennes vers les États-Unis. Certes, nous savons qu'il est peu probable que nous réussissions à convaincre les États-Unis, à court ou à moyen terme, d'éliminer les mesures antidumping qu'ils appliquent aux exportations canadiennes, mais nous croyons que l'exemple du Chili sera quand même bénéfique à long terme. Au minimum, cela mettra le problème en relief et encouragera les parties concernées des États-unis à en débattre.
Je précise que le débat semble avoir d'ailleurs déjà commencé aux États-Unis, si l'on en juge d'après la presse américaine spécialisée. Nous avons lu en effet dans un récent numéro du Journal of Commerce un éditorial appuyant clairement l'exemption antidumping négociée entre le Canada et le Chili. Je crois comprendre qu'un exemplaire de cet éditorial a été remis au greffier des sous-comités.
Par ailleurs, certains groupes industriels semblent s'inquiéter de la possibilité d'accroissement d'importations chiliennes au Canada. Nous pouvons leur répondre que les producteurs canadiens auront toujours la possibilité d'invoquer les clauses normales de sauvegarde s'ils subissent un préjudice à cause d'une hausse des importations. De plus, bien que le Canada et le Chili n'aient jamais eu de problèmes de dumping, il existe dans leur accord plusieurs dispositions qui visent à faciliter la transition vers l'exemption antidumping et à faire face aux éventuelles circonstances imprévisibles.
Il convient tout d'abord de signaler que les mesures antidumping ne seront pas immédiatement éliminées dès l'entrée en vigueur de l'accord. L'exemption ne s'appliquera en effet que lorsque les tarifs de douane sur un produit donné auront atteint zéro dans les deux pays, ce qui risque de prendre jusqu'à six ans pour certains produits. Cela donnera aux industries sensibles aux importations le temps nécessaire pour s'adapter aux nouvelles conditions du marché; pendant cette période de transition, elles auront la possibilité d'invoquer les mesures antidumping s'il y a lieu.
Il y a également dans l'accord deux autres dispositions intéressant les industries que préoccupe l'exemption antidumping. Il s'agit tout d'abord d'une clause de révision en vertu de laquelle les deux pays se sont engagés à revoir l'accord dans cinq ans. Il s'agit ensuite d'une clause de circonstances exceptionnelles en vertu de laquelle ils se sont engagés à tenir des consultations spéciales en cas de problèmes particuliers. Ces circonstances exceptionnelles pourraient être, par exemple, le détournement vers le marché canadien de certaines marchandises chiliennes suite à l'application de mesures antidumping par une tierce partie contre des exportations chiliennes.
Par ailleurs, l'accord n'abolit pas le droit de prendre des mesures de sauvegarde au cas où la hausse des importations chiliennes causerait un sérieux préjudice au Canada. Finalement, il faut signaler que les deux pays auront toujours la possibilité de prendre des mesures de droits compensateurs face à un préjudice causé par des importations subventionnées.
Merci, monsieur le président, de m'avoir donné la parole. Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, M. McNab. Je vous remercie de ces explications. Bien que vous ayez raison de dire que certaines préoccupations aient été exprimées devant notre comité, je suppose que c'est surtout parce que les parties concernées ne connaissaient pas exactement les dispositions pertinentes.
Je vais maintenant donner la parole aux représentants de Revenu Canada, M. Brimble etM. Séguin, de la Direction des droits antidumping et compensateurs.
Monsieur Brimble.
M. Brian Brimble (directeur général, Direction des droits antidumping et compensateurs, Administration des politiques commerciales, Ministère du Revenu): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de nous donner l'occasion d'exposer la position de Revenu Canada sur votre examen de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Robert Séguin, directeur de l'Administration des politiques commerciales à la Direction des droits antidumping et compensateurs.
Comme nous vous avons adressé un mémoire assez détaillé, je n'ai pas l'intention de vous le lire en entier. Je voudrais profiter de cette réunion pour exposer les principales préoccupations de Revenu Canada au sujet de la LMSI, après quoi je serai très heureux de répondre à vos questions. Je dois préciser également que je ne parlerai que de la mise en application de la LMSI plutôt que des politiques fondamentales sur lesquelles repose la loi.
Comme vous le savez, la mise en application de la LMSI est une responsabilité partagée de Revenu Canada et du Tribunal canadien du commerce extérieur. À Revenu Canada, c'est la Direction des droits antidumping et compensateurs qui est chargée, avec l'aide des agents régionaux du Ministère, d'appliquer les conclusions du Tribunal, c'est-à-dire de percevoir les droits pertinents.
Bien que la LMSI ne touche qu'une proportion relativement minime des importations canadiennes, son application a beaucoup d'importance à l'échelle internationale et elle reste un recours crucial pour les entreprises canadiennes qui subissent un préjudice lorsque des marchandises importées font l'objet de dumping ou d'une subvention déloyale de la part d'un gouvernement étranger.
À l'heure actuelle, nous assurons la mise en application de 39 décisions de dumping ou de préjudice et de trois engagements de prix concernant un large éventail de marchandises industrielles ou de consommation importées au Canada en provenance d'environ 35 pays.
Du point de vue administratif, Revenu Canada est très satisfait du fonctionnement de la LMSI depuis son adoption, en 1984. Il n'en reste pas moins que nous avons identifié plusieurs problèmes d'ordre administratif et technique qui justifieraient que l'on apporte des modifications à la loi.
La LMSI a été rédigée en 1984 en fonction des recommandations du sous-comité Mackasey. Certaines des ces recommandations constituaient des changements importants par rapport à l'ancienne loi antidumping, notamment en ce qui concerne les méthodes administratives de Revenu Canada. Par exemple, on trouve dans la LMSI des échéanciers exécutoires pour chaque étape des enquêtes. On trouve également des dispositions concernant la divulgation de renseignements. Je crois pouvoir dire que nous avons bien relevé le défi que constituait la mise en oeuvre de ces changements.
En outre, la LMSI a été modifiée depuis 1984 pour intégrer les changements résultant de l'adoption de l'ALE et de l'ALENA, notamment de la création du mécanisme binational de résolution des litiges émanant des décisions relevant de la LMSI.
La loi a également été profondément remaniée en 1995 pour tenir compte des résultats des négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round qui touchaient les mesures antidumping et les droits compensateurs.
Revenu Canada assure aussi l'application d'un certain nombre de programmes reliés au commerce, comme le programme des douanes, les mesures d'exonération de droits, l'évaluation du prix des marchandises et la détermination de leur origine. Nous gérons également un certain nombre de programmes fiscaux, touchant notamment l'impôt sur le revenu, la TPS et les taxes d'accise.
Revenu Canada s'est fixé certains principes pour la mise en oeuvre des divers programmes fiscaux et commerciaux dont il est responsable, lesquels comprennent cette loi. Il s'agit des principes de certitude, de prévisibilité, d'équité, de cohérence, d'accessibilité et de transparence.
Nous tenons à ce que toutes nos méthodes administratives reposent sur ces principes. Sur le plan pratique, en ce qui concerne la LMSI, cela se traduit par plusieurs concepts importants que je voudrais vous exposer.
Premièrement, les entreprises canadiennes, notamment petites et moyennes, ne devraient pas être empêchées d'invoquer la LMSI à cause du coût ou de la complexité des procédures.
Deuxièmement, les importateurs devraient savoir au moment où ils importent leurs marchandises si celles-ci sont assujetties à des droits au titre de la LMSI et, dans l'affirmative, quel en est le montant.
Troisièmement, sous réserve qu'ils aient respecté les décisions de Revenu Canada, les importateurs devraient avoir la certitude que les droits perçus en vertu de la LMSI au moment de l'importation sont définitifs et que le Ministère n'imposera pas plus tard d'autres droits qu'il aurait été impossible de prévoir au moment de l'importation.
Finalement, le processus d'enquête de la LMSI devrait être assez ouvert et transparent pour que toutes les parties puissent comprendre comment Revenu Canada prend ses décisions et pour qu'elles puissent défendre leurs intérêts.
Considérant l'importance de ces objectifs administratifs pour Revenu Canada et pour les divers groupes touchés par le processus de la LMSI, nous invitons votre Comité à envisager plusieurs changements à la loi.
En ce qui concerne nos préoccupations particulières au sujet de la LMSI, je précise que Revenu Canada favorise pour la mise en oeuvre de ses programmes un système d'auto-cotisation fondé sur les connaissances et l'honnêteté des particuliers et des entreprises. Le Ministère fait tous les efforts possibles pour offrir la gamme complète des services nécessaires pour faciliter le respect volontaire des dispositions législatives.
Notre objectif est de fournir aux importateurs les informations nécessaires pour établir si les marchandises qu'ils importent sont assujetties à une décision de la LMSI. De plus, il faut que les importateurs puissent déterminer le montant des droits antidumping ou compensateurs pertinents, afin de pouvoir les acquitter au moment même où ils payent leurs autres droits de douane ou taxes.
Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, nous pensons que le taux actuellement bas de respect volontaire des dispositions de la loi n'est pas acceptable en ce qui concerne les importations pour lesquelles on doit acquitter des droits au titre de la LMSI. Pour régler ce problème, nous proposons que l'on intègre à la loi un régime plus efficace d'intérêts et de sanctions similaire à celui que l'on trouve désormais dans les autres lois mises en oeuvre par le Ministère, comme la Loi sur les douanes pour ce qui est du paiement des droits de douane ordinaires.
Pour être efficace, le régime d'intérêts et de sanctions devrait comprendre plusieurs caractéristiques. Premièrement, les importateurs devraient être clairement obligés de par la loi à calculer eux-mêmes le montant des droits relevant de la LMSI. Cela veut dire que, dès que des mesures sont prises au titre de la loi, les importateurs seraient obligés d'indiquer clairement que leurs marchandises font l'objet d'une telle mesure et d'indiquer le montant des droits qu ils sont tenus d'acquitter. Deuxièmement, il faudrait que les droits relevant de la LMSI soient acquittés au même moment que les autres droits de douane, et qu'un intérêt soit perçu en cas de paiement tardif. Troisièmement, il conviendrait d'envisager d'imposer des sanctions, dans certaines circonstances, aux importateurs qui ne règlent pas les droits relevant de la LMSI dans les délais prévus, sans raison valable.
Pour qu'un système d'auto-cotisation et d'application volontaire de la loi soit efficace, il faut que l'importateur ait à sa disposition toutes les informations nécessaires pour s'assurer que les marchandises importées font l'objet d'une décision de la LMSI et, dans l'affirmative, pour calculer la marge de dumping ou le montant de la subvention.
Cela m'amène au deuxième problème que je veux soulever, celui de l'auto-cotisation. Dans le cas des droits antidumping, il faut que l'importateur connaisse la marge de dumping des marchandises pour calculer le montant des droits pertinents. Il s'agit de la différence entre le prix normal des marchandises et leur prix d'exportation. En règle générale, l'importateur connaît le prix d'exportation étant donné qu'il s'agit typiquement, mais pas toujours, du prix de vente des marchandises à la sortie de l'usine. La valeur normale est établie par Revenu Canada en faisant des enquêtes. Il s'agit du prix de vente sans dumping, fondé sur le prix de vente de l'exportateur dans son marché intérieur ou sur son coût de production.
Si l'importateur n'a pas accès à la valeur normale, il ne peut calculer le montant des droits. En conséquence, Revenu Canada a pour politique de divulguer la valeur normale des marchandises aux importateurs qui ont besoin de cette information pour calculer les droits dont ils sont passibles. Toutefois, si les exportateurs s'opposent à cette divulgation et s'ils peuvent démontrer que la valeur normale est confidentielle, le Ministère est tenu de garder cette information secrète et d'établir lui-même le montant des droits exigibles.
Ce problème pourrait être réglé en intégrant à la LMSI des dispositions plus claires autorisant la divulgation de la valeur normale des marchandises. Nous recommandons que l'on donne au sous-ministre le pouvoir de divulguer la valeur normale dans certaines circonstances précises. D'après nous, la divulgation devrait être la règle plutôt que l'exception.
Le coprésident (M. Duhamel): Veuillez m'excuser, M. Brimble, mais vous avez déjà dépassé votre temps de parole. Pourriez-vous conclure rapidement? Je regrette de devoir intervenir mais j'y suis obligé par égard aux autres.
M. Brimble: Je vois.
Le coprésident (M. Duhamel): Pourriez-vous résumer la fin de votre mémoire, s'il vous plaît?
M. Brimble: J'avais l'intention de faire mon exposé au complet. Veuillez m'excuser s'il dépasse les limites que vous avez indiquées.
Le coprésident (M. Duhamel): Je suppose que vous ne saviez pas qu'il y avait une limite de temps. C'est cela? Je ne veux pas dire aujourd'hui mais auparavant aussi.
M. Brimble: C'est exact.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): De toute façon, le mémoire sera joint au procès-verbal de la séance, n'est-ce pas? Les rédacteurs de notre rapport auront à leur disposition les documents que vous avez remis.
Le coprésident (M. Duhamel): Bien sûr.
M. Brimble: Si vous voulez, je peux vous remettre mon mémoire.
Le coprésident (M. Duhamel): J'y tiens beaucoup. C'est absolument essentiel.
Comment proposez-vous de résoudre le dilemme?
M. Brimble: Je vais conclure sur une dernière question.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Je m'excuse d'avoir dû vous couper la parole. Allez-y.
M. Brimble: Ma dernière remarque concernera le coût et l'accessibilité. J'aimerais soulever une préoccupation que nous avons au sujet du coût du processus de la LMSI à la fois pour le secteur privé et pour le secteur public. Nous craignons en effet que le coût et la complexité actuels du processus de la LMSI n'aient un effet préjudiciable sur l'accessibilité du programme de la LMSI aux petites et moyennes entreprises qui pourraient être tentées de l'invoquer ou qui sont tenues de défendre leurs intérêts dans le cadre d'une enquête.
Pour contribuer à résoudre ce problème, Revenu Canada tente de fournir toute l'aide possible aux entreprises canadiennes qui entendent déposer une plainte. Cela veut dire que notre personnel collabore souvent avec ces entreprises pour les guider dans le processus, surtout lorsqu'elles préparent leur plainte et qu'elles essayent de rassembler les preuves nécessaires.
Malgré cela, les entreprises doivent toujours assumer des frais considérables pendant le processus. Bien que je n'aie pas de chiffres précis à cet égard, nous savons qu'ils peuvent être très élevés.
Je sais bien que le processus actuel de la LMSI résulte de nos obligations internationales au titre de l'OMC et de l'ALENA, et que le nombre de solutions possibles pour réduire les coûts que doivent assumer les entreprises est sans doute bien limité, en tout cas pour ce qui est du rôle de Revenu Canada. Cela dit, il me semble important que le comité évalue toutes les recommandations de modifications législatives ou administratives en fonction de ces critères de coût et d'accessibilité, de façon à veiller à ce que les avantages éventuels de telles modifications soient largement supérieurs à la hausse des coûts du processus.
Vous trouverez le résumé de nos autres préoccupations dans notre mémoire. Tous ces facteurs revêtent la même importance à nos yeux et je vous invite à lire le mémoire à votre convenance.
Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'exposer notre point de vue sur la LMSI, et je serai très heureux de répondre à vos questions.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Nous lirons votre mémoire.
Je m'excuse de devoir accélérer la procédure mais, malheureusement, nous sommes dans une position assez difficile. Je sais que nous serons sans doute convoqués en Chambre pendant l'heure qui vient et je voudrais que nous ayons la possibilité de vous interroger.
Nous accueillons maintenant trois représentants du Tribunal canadien du commerce extérieur. Qui est votre porte-parole? M. Eyton?
[Français]
M. Antony Eyton (président, Tribunal canadien du commerce extérieur): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie, monsieur le président, de nous donner l'occasion de nous adresser aux deux sous-comités au sujet de la mise en oeuvre de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.
Cet examen législatif arrive en temps opportun dans la mesure où le tribunal procède lui-même en ce moment à l'examen de ses procédures pour améliorer l'efficacité des mécanismes de recours commercial.
Nous avons remis au greffier un exemplaire du rapport que nous remettons à toutes les parties intéressées par la révision de nos procédures. Notre objectif est de simplifier et de rationaliser le processus qui permet au tribunal d'établir s'il y a ou non un préjudice causé par des importations. J'y reviendrai dans un instant.
Je voudrais tout d'abord vous présenter mes deux collègues. En fait, vous l'avez déjà fait, monsieur le président, mais je voudrais préciser leurs fonctions. Ron Eardmann est directeur général de notre service de recherche, et Gerry Stobo est l'avocat général du tribunal.
J'ai moi aussi remis un exemplaire de notre mémoire au greffier et je vais donc simplement vous en présenter les dominantes.
[Français]
Le Tribunal est un organisme quasi judiciaire indépendant qui, comme vous le savez, enquête sur les litiges commerciaux et relève du Parlement par l'entremise du ministre des Finances. Il compte sept membres qui s'acquittent des divers volets de son mandat avec l'appui d'un effectif de 92 employés. La vaste expérience collective de nos membres et de notre personnel nous a été utile pour faire face de façon réussie, je crois, aux questions diverses et complexes auxquelles nous avons été quotidiennement confrontées.
Je souligne avec une fierté particulière les très hauts égards qu'accordent à nos travaux et à nos décisions la Cour fédérale et les groupes spéciaux binationaux institués aux termes de l'ALENA.
[Traduction]
Depuis 1984, nous avons mené 83 enquêtes de dumping et de subventionnement. Dans près de 67 p. 100 des cas, le tribunal a conclu à l'existence d'un préjudice pour les producteurs nationaux. Les chiffres montrent qu'il n'y a donc pas eu de conclusion de préjudice dans près de 33 p. 100 des cas. Je tiens à préciser que ces proportions sont généralement similaires à celle de notre homologue des États-Unis, la International Trade Commission.
Avant d'aborder les questions d'ordre législatif, j'aimerais faire quelques remarques sur deux initiatives que vient de prendre le tribunal: l'examen des procédures d'enquête au titre de la LMSI et l'examen de la modification des règles du TCCE.
Comme vous, nous avons entendu dire que le processus d'enquête actuel est lourd, complexe et coûteux. Je dois dire que ce processus n'est à nos yeux ni plus lourd, plus complexe ou plus coûteux que celui des États-Unis, mais il est sensiblement différent.
Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas perdre de vue que l'exploitation d'un régime transparent et équitable de recours commerciaux coûte nécessairement de l'argent. Il ne faut pas oublier que les affaires de dumping et de subventionnement mettent en jeu des intérêts économiques très importants. En outre, même dans les affaires concernant des enjeux financiers moins élevés, le litige peut mettre en cause la survie économique de certaines entreprises, c'est-à-dire la survie de nombreux emplois directs et indirects. Voilà pourquoi, comme les autres témoins qui se sont adressés à vous aujourd'hui, nous prenons nos responsabilités très au sérieux.
[Français]
Nous avons donc examiné en profondeur les procédures qui régissent les enquêtes que nous menons en vertu de la LMSI et les règles du Tribunal de façon à définir quels changements autres qu'une modification législative pourraient améliorer la convivialité du mécanisme.
Nous avons sollicité l'opinion des parties intéressées au Tribunal sur l'amélioration des procédures. Nous sommes satisfaits des réponses reçues; elles témoignent de beaucoup de sérieux et d'imagination.
[Traduction]
Le tribunal modifiera la manière dont il mène ses activités avant les audiences, afin de veiller à ce que les parties puissent s'échanger les informations importantes de manière opportune. Nous allons également surveiller ces échanges d'informations dans le but d'intervenir rapidement en cas de retard. Nous allons accélérer la distribution du rapport de notre personnel, document-clé qu'utilisent les avocats pour préparer leur cause. Nous avons l'intention de le distribuer deux semaines plus tôt qu'auparavant. Grâce à ces changements, conjugués à d'autres que nous envisageons, nos futures audiences ne devraient pas durer plus de deux semaines en tout.
J'ai lancé ce processus d'examen interne de nos procédures après avoir présidé une audience sur des importations d'acier galvanisé. Ces audiences ont duré quatre semaines et, lors de la conclusion, j'ai pris l'engagement devant les parties concernées que nous allions réviser nos procédures pour les raccourcir. Je crois que les méthodes que je viens d'annoncer nous permettront d'atteindre cet objectif. J'affirme que nous n'aurons plus d'audience durant plus de deux semaines.
J'aimerais maintenant aborder plusieurs questions qui vous intéressent particulièrement et qui ont fait l'objet d'autres interventions devant votre comité. Il s'agit tout d'abord de la question de la bifurcation et du rôle que devrait jouer le tribunal dans la détermination préliminaire d'un préjudice.
[Français]
Les connaissances expertes du Tribunal dans les affaires liées à la LMSI touchent sa compétence à analyser les effets sur les producteurs nationaux du dumping ou des subventions injustes.
Actuellement, la loi stipule que Revenu Canada doit rendre des décisions provisoires, à savoir, premièrement, si les marchandises font ou non l'objet de dumping ou de subventions et, deuxièmement, si c'est le cas, s'il existe une indication raisonnable de dommage à la branche de production nationale. S'il conclut que ces deux critères sont confirmés, le Tribunal commence une enquête sur le dommage subi. Revenu Canada poursuit son enquête jusqu'à la décision définitive de dumping pendant que nous ouvrons notre enquête de dommage.
[Traduction]
Certains des témoins que vous avez entendus ont dit que le tribunal devrait participer plus tôt au processus de détermination de l'existence d'un préjudice. Cela pourrait se faire si le tribunal était chargé de la détermination préliminaire du préjudice. Il est intéressant de noter que c'est précisément ce que nous avons été invités à faire dans près de 70 p. 100 des cas récents, c'est-à-dire que l'on nous a demandé de donner un avis sur la question du préjudice à l'étape d'ouverture de l'enquête, même si l'affaire relevait encore à ce moment-là de Revenu Canada.
L'expérience récente nous a montré qu'il peut être très utile que le tribunal intervienne tôt dans une affaire car cela nous fait gagner un temps important alors que nous sommes limités à un échéancier extrêmement serré de 120 jours. Il nous faut accomplir beaucoup de choses durant cette période et nous ne tenons pas à compliquer le processus plus qu'il ne le faut. Si la loi était modifiée pour inclure l'exécution de ces fonctions dans le mandat du tribunal - je parle ici de la détermination préliminaire d'un préjudice - celui-ci pourrait rendre rapidement des décisions définitives sur des questions générales telles que la nature des marchandises similaires et la composition de la branche de production nationale. Ce sont là des questions que nous sommes actuellement obligés de réexaminer lorsqu'on entreprend une enquête en vertu de l'article 42. C'est une obligation qui nous est faite mais, malheureusement, elle réduit le temps disponible pour les audiences.
Prendre rapidement des décisions sur ces questions nous permettrait dans bien des cas de gagner du temps et de faire économiser de l'argent à toutes les parties. Je ne veux pas surestimer les sommes qui pourraient être économisées mais je suis sûr qu'elles ne seraient pas négligeables.
[Français]
Le deuxième sujet dont j'aimerais discuter est celui de l'intérêt public. Beaucoup de parties qui ont comparu devant vous ont présenté divers points de vue à cet égard. Par exemple, certains théoriciens disent qu'il faut modifier les dispositions portant sur l'intérêt public pour rééquilibrer, aux termes de la LMSI, les intérêts des producteurs nationaux et ceux des personnes visées par l'imposition de droits.
Ces mêmes témoins et plusieurs autres ont fait valoir que la LMSI devrait exiger que le Tribunal établisse des droits moins élevés dans chaque cas où il y aura une conclusion de dommage. J'aimerais vous faire connaître mes observations sur ces deux propositions, en commençant par la question de l'intérêt public.
[Traduction]
Il est intéressant de noter que des parties n'ont en fait que rarement demandé au tribunal de faire une enquête d'intérêt public et que la plupart de ces demandes portaient sur des biens de consommation. Nos statistiques montrent que nous avons mené 83 enquêtes depuis 1984 et qu'il n'y a eu de demande d'enquête d'intérêt public que dans 13 cas. Sur ce nombre, 3 ont effectivement mené à une enquête d'intérêt public et le tribunal a recommandé une réduction des droits dans deux cas.
Considérant notre expérience, je crois que le législateur pourrait aider le tribunal et les parties à mieux comprendre ses intentions en matière d'équilibre des intérêts en cause s'il nous donnait des précisions législatives sur la question de l'intérêt public. Je crois qu'il conviendrait au minimum d'étendre la portée de l'article 45 pour y inclure une liste non exhaustive de critères que nous serions tenus de prendre en considération lorsque nous menons une enquête d'intérêt public.
Le coprésident (M. Duhamel): Veuillez m'excuser, monsieur, mais je vais aussi devoir vous interrompre. Comme votre temps de parole est déjà écoulé, je vais vous inviter à conclure. Soyez certain que nous en tiendrons compte dans la discussion. Je m'en excuse.
M. Eyton: Merci, monsieur le président.
Je voudrais faire quelques remarques sur la question des droits moindres, dont les deux sous-comités ont également beaucoup entendu parler. Vous trouverez des détails à ce sujet dans mon mémoire. Je crois que la meilleure solution en ce qui concerne les droits moindres serait d'en traiter dans un contexte d'examen d'intérêt public. De graves problèmes se posent si nous essayons de l'intégrer à une audience en vertu de l'article 42. Et cela peut également poser des problèmes aux parties qui comparaissent devant le tribunal. Je suis sûr en particulier que les importateurs et les exportateurs auraient beaucoup de difficulté à traiter de la question des droits moindres pendant une audience au titre de l'article 42.
Vous trouverez également dans mon exposé et dans le document plus long que nous avons remis au greffier quelques remarques sur la confidentialité des renseignements et sur l'importance que nous attachons à cette question. Je ne doute pas que le Bureau de la concurrence ait besoin d'un accès plus facile au processus. Peut-être pourrait-on envisager une méthode pour permettre à son personnel d'avoir accès à ces renseignements, à condition d'établir des conditions très rigoureuses car je ne voudrais pas que les renseignements obtenus pendant la conduite de nos travaux soient utilisés dans d'autres contextes, en vertu d'autres lois. C'est une chose à laquelle nous attachons beaucoup d'importance. Je ne voudrais pas en effet que les entreprises deviennent extrêmement réticentes à invoquer nos procédures par crainte que des renseignements confidentiels ne tombent entre de mauvaises mains.
J'en reste là, monsieur le président. Vous trouverez le reste de mes remarques dans mon mémoire.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur Eyton. Votre mémoire sera lu. Je vous remercie de votre coopération.
Je donne maintenant la parole à M. Lancop et à M. Sadeque du Bureau de la concurrence, d'Industrie Canada.
M. Robert Lancop (chef, Division «A», Direction des affaires civiles, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à venir témoigner au nom du Bureau de la concurrence d'Industrie Canada.
Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de Zulfi Sadeque, chef des Affaires internationales à la Direction des affaires économiques et internationales, et de Roy Hines qui nous a conseillés au sujet de cette comparution et qui est un ex-membre du TCCE.
[Français]
Le Bureau de la concurrence a pour préoccupation principale la recherche d'un équilibre raisonnable entre les intérêts des producteurs et ceux des utilisateurs dans la conception et l'application des régimes de droits antidumping et compensateurs du Canada.
Les avis du Bureau en cette matière prennent leur essence dans l'objet de la Loi sur la concurrence, qui est de maintenir et de favoriser la concurrence au Canada. Cet objet est mis en oeuvre par le directeur des enquêtes et recherches et son équipe du Bureau du la concurrence, principalement par la mise en application de la Loi sur la concurrence ainsi que par des interventions des tribunaux de réglementation et d'autres forums.
L'intérêt du Bureau de la concurrence, par la Loi sur les mesures spéciales d'importation, remonte aux délibérations du comité Mackasey en 1982. À l'époque, le directeur des enquêtes et recherches, Lawson Hunter, avait vivement recommandé l'inclusion d'une clause d'intérêt public dans la loi.
Il avait soutenu qu'en l'absence d'une telle clause, les droits antidumping et compensateurs ne tiendraient pas compte des intérêts des consommateurs, des détaillants et des parties intéressées dans les industries qui utilisent des intrants importés.
Nous sommes intervenus à sept reprises dans des causes entendues par le Tribunal canadien du commerce pour discuter des questions de dommages importants et d'intérêt public. Lors de ces interventions, le Bureau a préconisé la sauvegarde du régime de concurrence par la modération des droits dans les cas où l'industrie nationale est très concentrée.
[Traduction]
La notion d'intérêt public a été intégrée à la LMSI pour concilier les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs et des industries en aval. Hélas, la méthode actuelle de prise en compte de l'intérêt public n'a pas permis d'intégrer efficacement des intérêts autres que ceux des producteurs nationaux. Cela résulte à la fois de l'absence de définition détaillée de l'intérêt public et de la nature des procédures de décision mises en oeuvre à ce sujet. En conséquence, nous recommandons que l'on assure un meilleur équilibre entre, d'une part, la protection des producteurs canadiens contre des importations préjudiciables du fait de leur dumping ou de leur subventionnement et, d'autre part, la nécessité d'assurer que les recours commerciaux ne limitent pas inutilement la concurrence au Canada ou n'augmentent pas les prix que devraient assumer les consommateurs et les entreprises en aval, lesquelles doivent elles aussi faire concurrence sur les marchés canadiens et étrangers.
Nous avons donc une double recommandation à formuler à ce sujet. Il conviendrait de conserver la notion d'intérêt public mais en remplaçant les recommandations par des décisions et en ajoutant un ensemble de critères permettant de définir l'intérêt public, notamment des critères de concurrence. Plus important encore, et conformément à l'expérience acquise au Canada et dans d'autres juridictions, il conviendrait d'établir comme critère distinct une règle de droits moindres qui ferait partie intégrante d'une enquête unique du TCCE. Les droits moindres devraient être définis de manière à assurer le maintien de la production dans les industries touchées par des importations faisant l'objet de dumping ou de subventionnement.
Nos recommandations sont de portée générale mais elles sont aussi, pensons-nous, pratiques. Si le comité y voyait quelque mérite, leur mise en oeuvre serait complexe, certes, mais possible. De fait, certains de nos partenaires commerciaux importants, dont l'Union européenne, le Mexique, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, appliquent un mécanisme de droits moindres dans leur examen des affaires de dumping et de subventionnement.
J'aimerais maintenant vous présenter le raisonnement qui fonde nos recommandations, en abordant trois questions. Premièrement, pourquoi l'application de droits devrait être limitée par l'intérêt public et par des droits moindres? Deuxièmement, pourquoi des droits moindres? Et, troisièmement, pourquoi des droits moindres dans tous les cas?
En réponse à la première question, pourquoi limiter les droits en fonction de l'intérêt public et de droits moindres, nous précisons dans notre mémoire les coûts économiques importants qu'entraînent les actions en recours commerciaux. Ces coûts engendrent des prix élevés pour les consommateurs, des prix élevés pour les industries et entreprises en aval, une production inefficiente au Canada dans les industries protégées, du fait d'une réduction de la concurrence, et une baisse de l'emploi dans les industries utilisatrices, voire dans les industries protégées elles-mêmes, à cause d'un accroissement du pouvoir sur le marché. Tous ces coûts augmentent lorsque la concurrence intérieure diminue.
Question évidente et supplémentaire: pourquoi avons-nous besoin d'une méthode purement canadienne alors qu'il n'y a absolument aucune limite aux droits dans le régime américain? La réponse à cette question réside dans les différences qui existent entre les économies canadienne et américaine. Premièrement, le commerce représente un pourcentage beaucoup plus élevé de notre revenu national, ce qui veut dire que des actions antidumping sont susceptibles d'avoir des conséquences beaucoup plus coûteuses pour les consommateurs et utilisateurs industriels canadiens que pour leurs homologues américains.
Deuxièmement, la production intérieure canadienne a tendance à être plus concentrée, ce qui veut dire que des droits seraient plus susceptibles de permettre à des producteurs protégés d'exercer un pouvoir abusif sur le marché et d'augmenter leurs prix et leurs profits de manière déraisonnable. Cela entraînerait une baisse de l'emploi et soulèverait des questions d'équité.
Troisièmement, considérant le pourcentage élevé de propriété étrangère des industries canadiennes, il se peut fort bien que ce ne soient pas les Canadiens qui tireraient avantage de mesures protectionnistes.
Finalement, les États-Unis sont le seul grand utilisateur de recours commerciaux qui n'impose pas de limites d'intérêt public ou de droits moindres, comme prévu dans les accords de l'OMC.
Deuxième question: pourquoi des droits moindres? Dans un souci d'équité, tout profit excessif causé par des recours commerciaux devrait être limité, étant donné les coûts qui en résultent pour les usagers, comme je viens de le dire. Des droits moindres obligeraient le TCCE à se faire une opinion sur les prix ou les profits nécessaires pour maintenir la production, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Cela obligerait le tribunal à se pencher sur les coûts de production et à établir un taux de rendement normal. Le tribunal a déjà accès à ce type d'informations, qu'il utilise lorsqu'il s'efforce de quantifier le préjudice.
Voilà pourquoi nous avons recommandé que l'on intègre à la loi des dispositions en matière de droits moindres et de détermination du préjudice. Cela permettrait d'appliquer le processus de manière relativement plus efficiente dans le cadre d'une seule enquête. L'application de droits moindres pour protéger la production d'une industrie touchée serait conforme au but central de la LMSI.
Dernière question: pourquoi des droits moindres dans tous les cas? Le facteur le plus important est que l'on ne saurait justifier l'application de droits supérieurs à ceux nécessaires pour éliminer le préjudice. Les droits moindres existent dans l'Union européenne et en Australie. Le TCCE a envisagé des droits moindres dans les affaires du maïs et de la bière mais il y a renoncé en invoquant des circonstances spéciales avant que les intérêts des usagers ne limitent ces producteurs.
Nous avons conclu qu'il serait nécessaire que les droits moindres soient appliqués dans tous les cas si nous voulons assurer le succès du mécanisme. L'utilisation d'une règle de droits moindres par le TCCE permettrait d'atténuer les préoccupations résultant des problèmes de détermination de la valeur normale, notamment lorsqu'on a recours à des valeurs hypothétiques et dans les cas d'approvisionnement limité.
Plusieurs questions accessoires se posent au sujet du rôle du directeur des Enquêtes et de la recherche, et du traitement cohérent des questions de droits moindres et d'intérêt public. Ces questions concernent les engagements, la clôture des enquêtes et les examens provisoires, les renseignements confidentiels et le pouvoir d'intervention du directeur. Nous les abordons en détail dans notre mémoire.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions, monsieur le président.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, M. Lancop.
J'aimerais maintenant passer
[Français]
à mon collègue, le député de l'Opposition officielle, M. Bélisle, qui va commencer le premier tour de questions. Monsieur Bélisle.
M. Bélisle (La Prairie): Monsieur McNab, pouvez-vous nous donner les noms des autres pays qui ont tenté de procéder à l'élimination des droits antidumping? Pouvez-vous nous donner plus d'information sur ces cas? De quelle façon cela se passe-t-il dans ces cas-là? Donnez-nous aussi les noms des autres pays qui ont adopté une politique semblable à celle du Canada.
[Traduction]
M. McNab: Les mesures antidumping ont été éliminées entre les pays membres de l'Union européenne et entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
M. Grubel: Il s'agit des mesures antidumping mais pas des cas de subventionnement, n'est-ce-pas? Les recours existent toujours dans le cas d'importations subventionnées?
Le coprésident (M. Duhamel): Les mesures antidumping ont été éliminées - c'est ce que nous disions - mais les subventions sont toujours en place, n'est-ce-pas? En avez-vous confirmation?
M. McNab: À ma connaissance, monsieur le président, il n'y a plus de droits compensateurs entre les états membres de l'Union européenne, mais je ne pense pas que ce soit le cas entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
[Français]
M. Bélisle: Monsieur McNab, lorsqu'on dit que l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont en train de remettre leur politique en question, est-ce fondé? Est-ce toujours vrai pour la Nouvelle-Zélande et l'Australie?
[Traduction]
M. McNab: Si je comprends bien la question, monsieur le président, l'accord de libre-échange entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande est tel que les deux pays ont décidé d'éliminer le recours à des mesures antidumping.
Le coprésident (M. Duhamel): Mais je crois que M. Bélisle voulait aussi savoir si ces deux pays réexaminent leur décision ou s'ils la maintiennent.
M. Steven Rhealt-Kihara (agent des politiques commerciales, Direction des recours commerciaux, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Ils avaient négocié un accord de libre-échange et ils ont décidé de l'éliminer au bout d'un certain nombre d'années, mais nous n'avons connaissance d'aucune remise en question.
M. McNab: Vous avez peut-être déjà entendu dire que...
Le coprésident (M. Duhamel): Dites-nous ce que vous lui avez dit.
M. Rhealt-Kihara: L'accord entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande était appliqué depuis quelques années déjà lorsque les deux pays ont décidé d'abolir les mesures antidumping. La décision n'a donc pas été prise dans le contexte de leur accord de libre-échange mais plus tard. À ce que je sache, ils n'ont pas décidé de revenir sur cette décision. Cela dit, si vous avez des informations particulières à ce sujet, nous vous serions très reconnaissants de nous les communiquer.
[Français]
M. Bélisle: Cela répond à ma question. Monsieur McNab, dans votre document, au deuxième paragraphe de l'introduction, on peut lire:
- Notre principal rôle dans les recours commerciaux est de promouvoir et de défendre les intérêts
canadiens face aux actions en recours commerciaux, qu'il s'agisse de droits antidumping ou
compensateurs ou de mesures de sauvegarde,...
[Traduction]
M. McNab: Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais demander à M. Robertson, qui fait partie de cette Direction depuis plusieurs années, de vous répondre.
M. Mike Robertson (directeur adjoint, Direction des recours commerciaux, Ministère des Affaires étrangères et du commerce international): En ce qui concerne les droits compensateurs, notre ministère coordonne les réactions à toutes les enquêtes. Autrement dit, nous nous sommes occupés, ces dernières années, du magnésium, des porcs vivants, de la viande de porc et du célèbre bois d'oeuvre. Chaque fois qu'il y a une enquête concernant une entreprise canadienne ou un secteur canadien, le rôle de notre Ministère est de coordonner la réponse à l'enquête et de veiller à ce que celle-ci soit exécutée conformément aux obligations commerciales internationales des États-Unis mais aussi au droit intérieur américain.
Pour ce qui est des affaires de dumping, notre rôle est relativement moins direct. Nous donnons des conseils au cours de l'enquête mais celle-ci concerne essentiellement les méthodes de tarification d'entreprises privées. Nous sommes là pour prêter main forte pendant l'enquête, pour expliciter les droits et obligations des parties en vertu de l'OMC et du droit intérieur des États-Unis, et nous pouvons également intervenir dans les domaines au sujet desquels les organismes d'enquête d'autres pays soit agissent contrairement aux dispositions de l'OMC, soit ont une certaine latitude pour prendre une décision.
Le cas le plus récent - il y a dans cette salle plusieurs personnes qui le connaissent très bien - est celui des importations d'acier laminé aux États-Unis en 1992 et 1993. Notre ambassade de Washington est intervenue à 13 reprises sur des questions concernant ces enquêtes, sur instruction de notre Ministère et en en consultant d'autres.
Le coprésident (M. Duhamel): Si vous me le permettez, je pense que mon collègue voulait également savoir si nous avions gagné.
M. Robertson: Ça dépend à qui vous posez la question.
[Français]
M. Bélisle: Je vais reformuler ma question, monsieur le président, si vous me le permettez. C'est justement ce que vous souleviez. Si vous me permettez une expression un peu imagée, la moyenne au bâton des entreprises canadiennes a-t-elle été bonne dans ces cas-là? Les entreprises canadiennes ont-elles obtenu gain de cause dans la majorité des cas? Ont-elles finalement eu du succès?
[Traduction]
M. Robertson: Dans les affaires d'acier laminé, nous avons gagné deux fois et avons perdu deux fois. Sur les affaires de droits compensateurs, je crois que notre moyenne est d'environ50 p. 100 sur les 15 dernières années. Autrement dit, le tribunal a conclu qu'il n'y avait pas de préjudice ou les plaignants ont cessé les poursuites dans environ la moitié des cas. Est-ce satisfaisant?
Le coprésident (M. Duhamel): Oui, M. Robertson. Merci. Je crois que M. Bélisle voulait une idée générale.
M. Penson.
M. Penson (Peace River): Je saisis bien le dilemme auquel fait face votre Ministère,M. McNab, étant donné que vous voulez poursuivre la réforme des dispositions relatives aux recours commerciaux dans le cadre de l'OMC et de l'ALENA, bien sûr, alors que vous subissez des pressions ici même, au Canada, pour invoquer de plus en plus ce système. J'aimerais savoir comment vous conciliez cela avec le fait que votre Ministère participera bientôt à la conférence de l'OMC à Singapour pour faire avancer la cause de la libéralisation du commerce.
Nous avons entendu dire qu'il faudrait rendre le processus plus facile et moins coûteux pour les entreprises canadiennes. Je crois avoir compris que le Canada est l'un des principaux utilisateurs des recours commerciaux, notamment dans des affaires de dumping, même si le pourcentage n'est pas très élevé.
M. McNab: S'il est vrai que le Canada a recours à ces lois, c'est aussi un membre actif de l'OMC, qui réclame des réformes, la libéralisation et un système commercial vraiment mondial. Le fait que nous invoquions ces lois ne diminue en rien les efforts que nous avons déployés à l'OMC, par exemple dans les négociations de l'Uruguay Round, pour obtenir des disciplines quant au dumping et aux subventions. De fait, ces négociations ont débouché sur un nombre tout à fait impressionnant de réformes concernant par exemple les processus, les procédures et le règlement des litiges.
L'un des changements fondamentaux apportés par les négociations de l'Uruguay Round a été l'inclusion de tous les pays. Autrement dit, tous les membres de l'OMC, et plus seulement ceux qui choisissent de ratifier le code sur les subventions, sont liés par l'entente sur les subventions, par l'entente sur le dumping et par l'entente sur les mesures de sauvegarde. Cela veut dire que les disciplines adoptées quant à l'utilisation de ces lois s'appliquent maintenant à tous nos partenaires commerciaux.
Le fait que les règles soient plus claires ne veut pas dire que nous ne devrions pas les utiliser. Certes, il y a aujourd'hui plus de disciplines mais, comme d'autres témoins l'ont dit, c'est à chaque membre de l'OMC qu'il appartient d'évaluer sa situation intérieure en fonction des utilisateurs de la loi et de leurs obligations.
M. Penson: Vous avez dit dans votre exposé que vous deviez tenir compte de l'économie dans son ensemble. Je suppose que vous vouliez parler de l'intérêt national du pays. Je crois que le Canada a pas mal gagné en prenant la tête du mouvement de libéralisation du commerce et de meilleure définition du code des subventions.
Je voudrais cependant vous demander, en ce qui concerne les dispositions antidumping qu'utilisent les États-Unis, s'il n'y a pas là un peu de harcèlement, si l'on veut, surtout dans l'industrie de l'acier où le respect des dispositions est tellement difficile. Est-ce qu'on ne pourrait pas considérer cela comme un obstacle non tarifaire et aller défendre cette thèse à l'OMC, en disant que cela va au-delà des exigences normales? Lorsqu'on trouve de nouvelles méthodes pour contourner les règlements ou pour rendre le processus plus lourd, cela devient un obstacle non tarifaire.
M. McNab: Je crois que resserrer les règles... c'est peut-être bien ce sentiment de harcèlement qui a motivé les efforts déployés pour resserrer les règles lors des négociations de l'Uruguay Round. Voila par exemple pourquoi il faut déterminer clairement le degré de soutien de l'industrie nationale avant d'intenter une poursuite. Je vais à nouveau demander à M. Robertson ce qu'il en pense puisqu'il a suivi de près nos litiges sur l'acier avec les États-Unis.
M. Robertson: De manière générale, considérant notre dépendance à l'égard du marché américain, on pourrait sans doute considérer que la masse énorme de documents qu'il faut fournir lors d'une enquête revient à du harcèlement. En outre, la loi américaine est appliquée de manière très inflexible, surtout dans certains domaines. Bien sûr, la méthode américaine de perception des droits et d'exécution d'une décision d'imposition de droits antidumping diffère de la nôtre et comporte beaucoup d'incertitudes.
En ce qui concerne le facteur de harcèlement, nous pensons que les normes appliquées par les États-Unis sont beaucoup trop faibles depuis de nombreuses années en ce qui concerne le lancement d'une poursuite. Mais ils n'en ont intenté aucune en matière de dumping depuis la conclusion de l'Uruguay Round.
Comme l'a dit M. McNab, le degré de soutien de l'industrie est un facteur important pour les autoriser à lancer une poursuite. Auparavant, leurs critères étaient très laxistes à cet égard. De fait, il y a eu plusieurs cas où ils ont intenté des poursuites avec moins de 25 p. 100 d'appui de l'industrie concernée. Aujourd'hui, ils doivent prouver qu'ils ont l'appui d'au moins la moitié de l'industrie.
Ils ont apporté beaucoup de changements à leur système à la suite de l'Uruguay Round mais ces changements n'ont pas encore été mis à l'épreuve du feu à l'égard du Canada puisqu'ils n'ont tout simplement intenté aucune poursuite contre nous.
M. Penson: Bien.
M. Rhealt-Kihara: Pour préciser, le Canada a eu plusieurs occasions, à l'OMC et dans d'autres contextes, d'examiner attentivement la législation américaine et celle d'autres pays. À ce moment là, avec nos collègues des Finances et du Revenu, nous avons pris l'initiative de nous assurer que toutes leurs lois sont conformes aux accords de l'OMC et à leurs autres obligations dans ces domaines.
Nous sommes prêts à agir vigoureusement contre tout pays qui, selon nous, ne respecterait pas ses obligations dans ce domaine, que ce soit sur le plan législatif, sur le plan de la réglementation ou sur le plan de l'action concrète.
M. Penson: J'aimerais en outre voir le Canada utiliser... Il est difficile pour le Canada d'aller à l'OMC demander d'autres améliorations si nous n'utilisons même pas les processus existants, par exemple le processus de mesures compensatoires que l'on était sur le point d'appliquer aux États-Unis dans l'affaire du bois d'oeuvre. Nous avons accepté des quotas d'exportation alors que nous aurions parfaitement pu aller devant l'OMC pour obtenir une décision. Il me semble assez paradoxal que nous soyons l'un des pays qui réclament le plus vigoureusement ce genre de règle mais que nous décidions ensuite de ne pas y avoir recours lorsque le moment arrive.
Je ne demande pas de réponse, c'est juste une remarque que je voulais faire.
Des voix: Oh!
Le coprésident (M. Duhamel): Très brièvement, M. McNab.
M. McNab: Dans l'affaire du bois d'oeuvre, nous avons porté une décision précédente - pas la dernière - des États-Unis devant l'OMC et nous avons gagné. Les États-Unis avaient décidé d'exiger une garantie qui devait être versée entre le moment où une affaire était intentée et la détermination préliminaire. Nous avons porté cela devant l'OMC, le GATT, et nous avons gagné.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Campbell.
M. Campbell (St Paul's): Merci, monsieur le président.
Avant de poser mes questions je dois vous dire que je suis très heureux de vous voir tous ici car cela règle le sort de l'expression «bureaucrates anonymes» que l'on entend si souvent. Je sais personnellement l'excellent travail que vous faites dans ce domaine. Vous vous occupez tous de l'évolution d'un secteur complexe et difficile du droit.
Et c'est un plaisir, monsieur le président, de les avoir tous avec nous en même temps.
Ma première question concerne l'intérêt public et les droits moindres. Plusieurs d'entre vous en ont parlé et je me demande si ce sont là deux notions qui s'excluent mutuellement. Quelqu'un peut-il répondre?
Le coprésident (M. Duhamel): Quelqu'un veut-il répondre à cette question? Est-ce ou/ou? Monsieur Lancop.
M. Campbell: Ou c'est peut-être les deux. D'après votre mémoire, j'ai eu l'impression que vous pensiez que c'est les deux.
M. Lancop: Oui. Nous avons vu la notion de droits moindres apparaître dans les premières décisions du TCCE sur le maïs et sur la bière.
Au départ, je pense que nous voulions clarifier la notion d'intérêt public de façon à pouvoir l'appliquer de manière plus efficace, mais nous avons finalement conclu qu'il serait plus efficient, d'un point de vue administratif, de la repousser à l'étape du préjudice matériel. Nous avons pensé que, s'il y avait simplement une clarification de l'intérêt public, nous pourrions nous retrouver avec une bifurcation du processus et que l'intérêt public serait invoqué très souvent dans le but d'éliminer ou de réduire des droits.
C'est comme cela que nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il était plus efficient de repousser cela à l'étape du préjudice matériel.
Je ne sais si cela répond à votre question.
Le coprésident (M. Duhamel): Quelqu'un d'autre veut-il répondre? M. Collins-Williams puis M. Eyton, dans cet ordre.
M. Collins-Williams: Ma réponse est que ce n'est pas une situation de ou/ou. Très franchement, ça peut être les deux.
Les droits moindres sont une méthode qui permet de réduire le montant des droits. On peut l'appliquer dans le contexte d'une détermination de l'intérêt public. On peut l'appliquer automatiquement dans chaque cas, comme nos collègues du Bureau de la concurrence le préféreraient. Si tel était le cas, cela réduirait le degré de protection que la LMSI accorde à l'heure actuelle aux producteurs nationaux.
M. Eyton: Comme c'est le TCCE qui assure l'application de cette disposition, j'ai manifestement une opinion sur la question, que j'ai d'ailleurs exprimée en partie dans mon exposé. Nous préférerions que cela fasse partie intégrante de l'enquête d'intérêt public, pour plusieurs raisons.
Premièrement, fixer le niveau des droits nécessaires pour compenser le préjudice n'est pas facile. C'est très subjectif et nous ne voudrions pas ajouter cette autre complication au processus de l'article 42 car cela aurait à mon avis pour effet d'amener beaucoup de petites entreprises à hésiter très sérieusement à s'adresser à nous et à Revenu Canada. Il y a donc un problème de coût et de complexité supplémentaires.
Si l'on devait intégrer la méthode des droits moindres à l'audience de l'article 42, je crois que les exportateurs et les importateurs - et peut-être aussi les producteurs intérieurs - auraient beaucoup de mal à s'y adapter. Je vous rappelle que le tiers des causes dont nous sommes saisis en vertu de l'article 42 n'aboutissent pas, c'est-à-dire que nous ne concluons pas à l'existence d'un préjudice.
Nous devrions donc passer par l'étape supplémentaire de calculer les droits moindres et d'entendre des arguments à ce sujet alors que nous parviendrions en fin de compte à la conclusion qu'il n'y a pas eu de préjudice, ce qui veut dire que tout cela aurait été fait pour rien.
Comparer notre processus à celui de l'Union européenne n'est pas très pertinent. Les institutions européennes sont différentes. Elles ne mènent pas leurs enquêtes avec le même degré de transparence des procédures quasi-judiciaires qui sont un élément crucial au Canada. En Europe, c'est plutôt un processus de chambre d'inquisition. C'est bien différent. Il ne faut donc pas comparer les deux.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Duhamel): Une autre question, M. Campbell.
M. Campbell: Très brièvement. J'ai une question supplémentaire à poser mais j'attendrai le tour suivant avant de le faire car je voudrais tout de suite aborder un autre sujet.
Il s'agit du précédent établi par l'accord avec le Chili. Je voudrais donner à nos témoins la possibilité de nous dire pourquoi les producteurs canadiens devraient avoir la conviction que les dispositions de cet accord leur donneront autant de protection, voire plus, que le régime antidumping actuel. Ou leur donneront le même niveau de protection mais d'une manière différente.
Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire là-dessus?
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur McNab, voulez-vous essayer?
M. McNab: Oui, monsieur le président.
Bien sûr, lorsque l'exemption antidumping sera complètement en vigueur, dans six ans, la situation sera bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Toutefois, comme je l'ai dit dans mon exposé, il y a encore dans l'accord des dispositions qui protègent les industries canadiennes si celles-ci se sentent menacées par une hausse brutale des importations chiliennes.
L'accord prévoit en effet une révision de la disposition d'exemption avant la fin de la cinquième année, et il y a aussi les mécanismes de sauvegarde, que j'ai décrits, qui restent disponibles.
Le coprésident (M. Duhamel): Donc, pour résumer, les mécanismes actuels continueront d'exister pendant plusieurs années. En outre, on peut invoquer les autres dispositions concernant les mesures de sauvegarde. Donc, contrairement à ce que nous pensions - que tous ces recours avaient d'un seul coup disparu - les mécanismes de protection existent toujours.
M. Campbell: Lorsque le nouveau système sera complètement entré en vigueur, sera-t-il moins coûteux, plus simple ou plus accessible que le régime actuel? Je sais qu'il s'agit là de l'avenir et que nous ne le saurons pas vraiment tant que les gens n'auront pas commencé...
M. McNab: C'est l'avenir qui nous le dira.
Il ne s'agirait pas de mener une enquête antidumping, quoiqu'il y aurait une enquête en cas de mesures de sauvegarde. Les deux parties ont également adopté des dispositions de consultation dans les cas exceptionnels, ce qui veut dire qu'une industrie canadienne pourrait toujours demander des consultations si elle pensait que cela se justifie par les changements qui se sont produits sur son marché.
Le coprésident (M. Duhamel): Vous vous sentez tout à fait à l'aise avec cela?
M. McNab: Oui. À long terme, je crois que les avantages qui peuvent en découler, sur le plan des changements d'attitude... En fin de compte, dans l'ALENA, je crois que les avantages seraient certainement présents.
Le coprésident (M. Duhamel): Mais ils veulent les noms de quelques personnes à appeler.
Des voix: Oh!
Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Monsieur Cullen.
M. Cullen (Etobicoke-Nord): Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions à poser, l'une à M. Eyton et l'autre à M. Lancop.
Considérant mon expérience avec le bois d'oeuvre, j'aimerais beaucoup aborder mon sujet favori des subventions nettes, et nous le ferons peut-être une autre fois.
Monsieur Eyton, je crois comprendre que le TCCE a proposé un nouvel échéancier pour entreprendre les enquêtes, en limitant les audiences publiques à dix jours. Comparez cela à la situation qui prévaut aux États-Unis où, si je ne me trompe, le processus ne dure qu'une journée. Qu'est-ce qui explique la différence?
M. Eyton: La ITC a été créée pour faire un travail bien différent. Il s'agit plus d'un travail d'enquête, alors que le nôtre est un double travail d'enquête et de décision. Dans son rôle, l'ITC fait un travail énorme avant de tenir son audience d'une journée ou de deux journées. Elle effectue des recherches, elle envoie des questionnaires détaillés, elle envoie des équipes de vérificateurs s'assurer de la véracité des informations fournies. Je me suis laissé dire que c'est un processus extrêmement complexe. Je suis sûr que d'autres personnes dans cette salle le connaissent beaucoup mieux que moi mais on m'a dit que le processus américain était en fin de compte aussi complexe et aussi coûteux, si ce n'est plus, que le système canadien.
Nous tenons une audience qui dure en moyenne de quatre jours à... Les audiences moyennes du TCCE durent quatre jours. Cela veut dire que certaines affaires sont réglées en deux jours ou deux jours et demi. En outre, avec la nouvelle procédure que nous mettons en place, nous espérons ramener l'audience moyenne à un maximum de deux semaines.
Cela s'explique par le fait que nous fonctionnons dans un système législatif différent. Nous devons tenir compte de la jurisprudence et de l'évolution du droit administratif, ainsi que des principes de justice naturelle, par exemple. Ce sont des facteurs que nous devons prendre en considération. Voilà pourquoi nos audiences sont plus longues que celles de Washington.
Le coprésident (M. Duhamel): Terry Collins-Williams.
M. Collins-Williams: Puis-je ajouter quelque chose? La raison pour laquelle le système canadien a été conçu de cette manière, avec le TCCE, est que l'on tenait absolument à permettre aux petites entreprises de présenter leur cause elles-mêmes pendant les audiences, sans assumer des frais d'avocat exorbitants. On voulait leur donner la possibilité d'exposer elles-mêmes leur dossier devant le tribunal sans devoir recruter des bataillons d'avocats et de comptables. Il se peut fort bien que le système soit aujourd'hui devenu trop complexe à cause de cela, mais telle est l'explication.
Le coprésident (M. Duhamel): Avez-vous une deuxième brève question, M. Cullen?
M. Cullen: En ce qui concerne Industrie Canada, on a beaucoup discuté de la clause de l'intérêt public. Vous avez dit qu'il faudrait appliquer des critères à ce sujet, ce que d'autres témoins ont aussi mentionné. Cela correspond-il au rôle des parlementaires? Avez-vous une idée des critères qu'il faudrait élaborer?
M. Lancop: Il s'agirait essentiellement de critères d'ordre économique; je suppose qu'il s'agirait de la hausse des coûts, des profits, de l'emploi, de la concurrence et des ruptures d'approvisionnement des industries en aval. Voilà essentiellement...
Le coprésident (M. Duhamel): La sonnerie que nous venons d'entendre est destinée à nous convoquer en Chambre, mais on me dit que l'heure limite n'a pas encore été fixée. Nous avons donc encore un peu de temps. Sinon, nous devrions lever la séance.
Monsieur Cullen, puis-je poursuivre?
Monsieur Graham. Je ne vous ai pas oublié, monsieur Grubel.
M. Graham (Rosedale): Merci, monsieur le président. J'allais interroger M. Eyton sur la question des droits moindres mais je pense que votre dernière réponse nous aide à comprendre la complexité du système. Je me demande toutefois si vous pourriez...
Comme j'ai personnellement dû comparaître devant le tribunal, il y a quelques années, je comprends bien que donner des preuves sur une question comme celle-là pourrait être très difficile et susciter des controverses. Ce serait simplement un débat d'économistes. Évidemment, M. Grubel en serait fort marri, et M. Penson, qui sera bientôt à l'OMC pour la ramener dans le droit chemin, le serait tout autant. En fait, croyez-vous que ce seraient vraiment les économistes du TCCE qui mèneraient la barque à ce sujet?
M. Eyton: Il est certain que les membres du tribunal auraient l'aide de leur personnel, lequel comprend des économistes. Ceux-ci ont déjà longuement réfléchi aux mécanismes qui conviendraient pour calculer les droits moindres. Le problème est qu'il ne peut y avoir de système unique à cet égard, chaque modèle devant reposer sur certains postulats. Et ce sont ces postulats qui sont très difficiles à cerner.
Même la simple question de ce qu'est un préjudice matériel est difficile à résoudre. C'est un concept bien complexe. Une entreprise peut subir un préjudice pour toutes sortes de raisons, par exemple parce qu'elle est mal gérée ou parce que l'évolution du marché ou des taux de change est défavorable. L'idée est que, grâce à nos ressources et à notre expertise, nous devrions en quelque sorte être capables d'estimer le degré de préjudice causé par chacun de ces facteurs différents, y compris les importations arrivant en dumping ou subventionnées. C'est une question très complexe, pleine de subjectivité.
M. Graham: Le problème vient aussi en partie de la cause, comme pour le préjudice matériel. C'est l'autre question qui susciterait probablement beaucoup de controverses.
M. Eyton: En effet, et je pense que les avocats représentant les différentes parties auraient sans doute pas mal de difficultés à traiter de cela, qui deviendrait un concept supplémentaire dans une procédure relevant de l'article 42.
M. Graham: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur Graham.
Monsieur Grubel, je crois que vous aviez une question particulièrement ésotérique, substantielle et intellectuellement brillante à poser. Nous sommes tout ouïe.
M. Grubel: Je voudrais tout d'abord m'associer à M. Campbell au sujet de la qualité des témoignages que nous avons entendus et des personnes qui sont ici. Je pense que les intérêts du Canada sont fort bien protégés.
J'ai une demande à formuler. Comme vous le savez, nous devrons produire un rapport qui sera un rapport du gouvernement. Le Parti réformiste sera invité à donner son avis et il se peut fort bien qu'il produise un rapport minoritaire.
Le coprésident (M. Duhamel): Mais il se peut que non.
M. Grubel: Il se peut que oui, il se peut que non.
M. Cullen: Ce n'est pas une obligation.
M. Grubel: Je voudrais avoir votre opinion sur certaines questions très factuelles. Les données devraient exister. J'aimerais avoir des données temporelles, peut-être sur dix ans, sur le nombre de causes portées devant le tribunal, le nombre de causes pour lesquelles on a conclu à un préjudice, la durée moyenne des causes, et les deux extrêmes - la plus courte et la plus longue. En outre, pour remettre ces données dans leur contexte, j'aimerais beaucoup connaître la valeur des échanges commerciaux touchés par les décisions qui ont été prises, par branche d'industrie, car je crains beaucoup que tout ce processus ne soit en fait utilisé que par une ou deux industries. J'aimerais voir un prospectus.
J'ai plusieurs autres questions à poser à ce sujet, concernant des choses telles que la valeur des droits supplémentaires perçus, le pourcentage que cela représentait, et la taille des industries touchées par ces choses. Finalement, j'aimerais savoir si vous avez une estimation quelconque des coûts d'administration de tout ce système. Je vous pose cette question parce que je pense évidemment au critère d'efficience.
J'ai une question.
Le coprésident (M. Duhamel): Je pensais que vous veniez d'en poser deux. Je ne vous suis pas.
M. Grubel: Je me demande s'il serait possible au groupe de donner ces informations générales au greffier du comité, qui pourrait ensuite nous les remettre. Je crois d'ailleurs que ces informations devraient figurer au début même du rapport libéral, pour l'édification de toutes les personnes qui le liront: industriels, universitaires, etc.
Le coprésident (M. Duhamel): J'espère que ce sera au début du rapport du comité. Mais vous savez que je suis optimiste, monsieur Grubel. Nous y réfléchirons.
J'ai quelqu'un qui veut vous répondre.
M. Grubel: Non, je n'attends pas de réponse. Il s'agit seulement qu'on nous donne les chiffres.
J'ai maintenant une question plus subjective à laquelle personne mieux que vous ne pourrait répondre. Certains témoins nous ont dit que nous devrions attaquer très fort les Américains pour leur faire comprendre qu'ils devraient mieux se comporter. Nous devrions aussi rendre le processus beaucoup plus complexe de notre côté de la frontière, pour que les Américains cessent de nous harceler. Quelqu'un veut-il réagir à cela? Est-il probable que les Américains comprendraient le message de cette manière? N'y a-t-il pas un risque qu'ils réagissent de manière encore plus dure?
Le coprésident (M. Duhamel): Si je vous comprends bien, monsieur Grubel, vous demandez si nous devrions être plus durs avec les Américains?
M. Grubel: Non. Je demande aux gens qui traitent quotidiennement avec les Américains ce qu'ils en pensent. C'est évidemment une question de jugement personnel. Ce n'est pas quelque chose que l'on pourrait prouver. Je voudrais savoir s'ils pensent qu'une telle attitude produirait les résultats voulus.
Le coprésident (M. Duhamel): Je vais faire un tour de table très rapide. Quelqu'un veut-il répondre?
M. Brimble: Notre opinion à ce sujet est purement personnelle et repose sur l'évolution du système au cours des dernières années. Nous ne pensons pas que ce genre d'activité produirait le résultat que vous mentionnez. Je crois que la plupart des entreprises qui sont impliquées dans des affaires de dumping ou de droits compensateurs sont prêtes à jouer le jeu dans les règles. Il est vrai que les règles américaines sont souvent très complexes, et c'est pour cette raison que les entreprises américaines doivent faire appel à des bataillons d'avocats.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Lancop.
M. Lancop: Notre position est que nous ne devrions pas prendre nos décisions en fonction de ce que font les Américains mais des meilleurs intérêts de l'économie canadienne. Nous ne devrions donc rien faire qui risquerait de rehausser les barrières, au détriment des entreprises canadiennes et de notre activité économique.
Je me demande cependant, monsieur le président, si je pourrais revenir sur quelque chose qu'a dit M. Eyton tout à l'heure. Je voulais en parler mais je n'en ai pas eu l'occasion.
M. Eyton a dit qu'ajouter la notion de droits moindres à l'étape du préjudice matériel amènerait plus de subjectivité dans la loi. Notre avis est absolument le contraire. Nous considérons que ce serait fondé plus sur les données factuelles présentées au tribunal. Dans la mesure où cela dispenserait de la nécessité d'une procédure sur l'intérêt public, lequel est foncièrement subjectif, nous pensons que la loi serait beaucoup plus claire, qu'elle serait beaucoup plus transparente et que, dans la mesure où toutes les parties la comprendraient beaucoup mieux, beaucoup plus objective.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Monsieur Collins-Williams.
M. Collins-Williams: En réponse à la question, je constate que le système antidumping fait partie depuis longtemps du système politique américain. Il existe aux États-Unis un engagement politique profond à l'égard du régime antidumping. Je crois que rien ne pourrait amener les Américains à renoncer à leur engagement à appliquer vigoureusement leur régime antidumping...
Le coprésident (M. Duhamel): Il faut donc taper fort, sinon ça n'a aucun effet.
M. Collins-Williams: ... à moins qu'il n'y ait des pressions internes d'autres groupes d'intérêt qui pourraient amener les États-Unis à comprendre quels coûts ils imposent à leur économie par leur régime antidumping. Tant que nous ne parviendrons pas à faire défendre cette cause par des groupes d'intérêt locaux, je ne pense pas que nous ayons une chance quelconque d'amener les Américains à renoncer à leur régime.
M. Grubel: Ce que nous ont dit les métallos et l'honorable MacDonald, il y a à peine deux jours, c'est que nous devrions taper fort sur certains importateurs américains, afin que ceux-ci interviennent directement auprès de leur gouvernement en exigeant qu'il fasse quelque chose pour qu'ils ne soient plus harcelés. Est-ce réaliste?
Le coprésident (M. Duhamel): J'ai dit que je voulais donner une chance à tout le monde, mais j'entends encore la sonnerie. Nous allons devoir partir. Je ne pourrais pas respecter mon engagement si nous n'avançons pas.
M. Eyton, faut-il taper fort ou non?
M. Eyton: Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question, monsieur le président. Je préside une agence indépendante quasi-judiciaire. Je dois protéger mon indépendance.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Ensuite?
M. McNab: Comme je l'ai dit, monsieur le président, nous avons déjà décidé de taper un peu plus fort dans certaines causes, si j'ai bien compris, et nous verrons bien quels seront les effets. Je suis tout à fait d'accord avec M. Collins-Williams lorsqu'il dit que le mouvement de réforme doit venir des groupes intéressés aux États-Unis même. C'est par leur intermédiaire que nous pourrons accomplir ce que nous souhaitons sur le régime antidumping. Mais, vous savez, les Américains sont très habitués aux longues bagarres judiciaires, et ils savent jouer dur.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Collins-Williams, je crois comprendre que vous vouliez réagir à ce qu'avait dit M. Grubel. Je ne veux pas vous forcer à répondre, j'avais simplement cru comprendre que vous vouliez le faire.
M. Collins-Williams: Les informations demandées par M. Grubel sont largement disponibles et je peux vous dire que les organismes représentés ici ont déjà fait pas mal d'analyses en ce sens. Si l'on pouvait nous donner une liste précise des informations demandées, je suis certain que nous ferions tous le maximum pour vous les fournir.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Bélisle, à vous maintenant.
M. Bélisle: Relativement à ce que M. Grubel disait, faudrait-il être plus méchants ou non avec les Américains? J'aimerais entendre vos commentaires et les commentaires des témoins si possible.
À la page 3, aux paragraphes 3 et 4 de la présentation de M. McNab, on dit:
- Il n'est pas sûr que la stratégie du «gant de fer»...
- ou du bras de fer
- ...nous donne les moyens de pression voulus vis-à-vis des États-Unis en termes de recours
commerciaux.
Vous dites, en ce qui a trait aux recours commerciaux, que l'approche du gouvernement canadien est une approche multilatérale au sein de l'OMC et une approche bilatérale avec ses partenaires commerciaux de l'ALENA.
Ai-je bien compris que la stratégie du Canada est beaucoup plus d'aller se chercher des alliés pour faire globalement contrepoids aux Américains? Est-ce bien ce qu'il faut comprendre de cela? C'est une stratégie qui est beaucoup plus subtile lorsqu'on a affaire à un partenaire commercial qui est neuf à dix fois plus gros que nous.
[Traduction]
M. McNab: Oui, je crois que c'est une bonne analyse. On dit souvent que, puisque nous sommes si petits et qu'ils sont si gros, nous sommes obligés de nous en remettre beaucoup plus qu'eux au respect des règles et de participer plus à leur établissement. C'est en tout cas la position qu'a prise le Canada au GATT, à l'OMC et dans les négociations de l'Uruguay Round. Or, comme on l'a dit tout à l'heure, l'OMC a permis d'apporter des améliorations non négligeables aux recours commerciaux. Même lors de la négociation de l'ALENA, nous avons obtenu des règles qui correspondent à notre avis à notre intérêt national et qui engagent aussi nos autres partenaires. Nous avons eu la preuve que c'est dans notre intérêt. C'est en tout cas selon ce principe que nous travaillons.
Le coprésident (M. Duhamel): Nous essayons de voir pourquoi la sonnerie s'est arrêtée. On me dit que le vote ne se tiendra pas avant 17 h 30. D'ici là, j'ai un petit problème.
[Français]
M. Bélisle: Je trouve cela intéressant. L'approche du Canada est de travailler avec tous ses partenaires pour améliorer les disciplines relatives. C'est peut-être la voie la plus souhaitable.
Le coprésident (M. Duhamel): Il ne faudrait pas oublier que c'est David qui a gagné le match dans l'exemple que vous avez utilisé. Non?
M. Bélisle: Justement, c'est pour cela que je demeure optimiste.
[Traduction]
Le coprésident (M. Duhamel): Une brève question de M. Penson.
M. Penson: Je ne sais pas à qui l'adresser. On verra bien. Il s'agit du fait que Revenu Canada intervient rapidement dans le processus et prend une position provisoire au sujet du préjudice éventuel. Je me demande si c'est vraiment nécessaire et si le TCCE ne pourrait pas s'occuper de tout lui-même. Il me semble que le processus serait alors plus rationnel, au lieu de voir Revenu Canada recueillir une quantité minime d'informations pour se former une opinion provisoire, avant de remettre le tout au TCCE pour qu'il prenne la décision finale.
M. Collins-Williams: Notre système est essentiellement un système à deux branches puisque c'est Revenu Canada qui reçoit la plainte, qui vérifie la documentation, qui lance l'enquête et qui prend une décision provisoire en matière de dumping et de préjudice. À cette étape, l'enquête se divise en deux. Revenu Canada poursuit son enquête sur le dumping, pour prendre sa décision finale, et le TCCE, qui a l'expertise nécessaire et le pouvoir judiciaire ou administratif de mener des enquêtes publiques, mène l'enquête sur le préjudice. Ce que l'on a proposé, c'est de faire intervenir le TCCE beaucoup plus tôt dans le processus, du fait de son expertise sur la détermination du préjudice, afin qu'il mène lui-même toute l'enquête préliminaire et qu'il prenne la décision finale sur le préjudice. C'est certainement une réforme que l'on pourrait envisager.
M. Penson: Je comprends mieux le système maintenant mais je me demande pourquoi on a besoin d'une décision provisoire. Pourquoi ne pas attendre que l'enquête soit complètement terminée, afin de rendre une décision définitive, sans passer par une décision provisoire?
M. Collins-Williams: Le système a été conçu de cette manière pour respecter les règles internationales de l'OMC. On prévoit une décision provisoire sur le préjudice afin de pouvoir clore le dossier si cette décision-là est négative. Par contre, si certains éléments permettent clairement de conclure qu'il y a probablement un préjudice causé par le dumping, les règles de l'OMC nous permettent d'imposer des droits provisoires pour mettre fin au dumping et à ses effets délétères, jusqu'à ce que l'enquête soit terminée. Ce n'est pas inutile.
M. Eyton: J'aimerais préciser une remarque que j'ai faite dans ma déclaration liminaire. J'avais dit qu'il serait utile que les sous-comités envisagent une bifurcation plus complète, c'est-à-dire que le tribunal se charge de prendre la décision provisoire en matière de préjudice, laquelle est actuellement prise par Revenu Canada. Cela dit, je ne recommande pas une bifurcation aussi complète que celle qui existe actuellement aux États-Unis.
À mon avis, les petites et moyennes entreprises seront plus susceptibles d'invoquer cette législation si Revenu Canada conserve son rôle de cerbère à la porte d'entrée. Revenu Canada continuerait donc d'être chargé de déterminer si la plainte a été correctement documentée et continuerait, avec ou sans contribution du TCCE, à décider si l'affaire mérite ou non d'être poursuivie. Il y a bien des cas où Revenu Canada considère que les documents ne sont pas satisfaisants ou qu'ils ne prouvent pas de manière raisonnable qu'il y a un préjudice, auquel cas la procédure est arrêtée.
C'est seulement lorsque l'on a pris la décision d'aller de l'avant qu'il pourrait être utile de voir si le TCCE devrait intervenir ou non. Dans l'affirmative, il demanderait des informations aux parties pour déterminer s'il y a ou non des preuves suffisantes permettant de conclure provisoirement à l'existence d'un préjudice.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur Eyton.
Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose? Monsieur Brimble.
M. Brimble: Je voudrais simplement confirmer ce que viennent de dire M. Eyton etM. Collins-Williams. Il s'agit, en fin de compte, de limiter les coûts que doivent assumer les plaignants. Or, nous pensons que les coûts sont probablement moins élevés si le processus est moins formel. En permettant aux plaignants de s'adresser au Ministère, on leur donne accès à un seul organisme pour répondre aux deux questions. Troisièmement, le Ministère est tout à fait capable d'aider les producteurs à interpréter la loi pour mieux comprendre leurs obligations s'ils veulent poursuivre l'affaire et demander une protection.
Le coprésident (M. Duhamel): Il y a un certain pourcentage d'affaires qui ne vont pas au-delà du Ministère. Pourquoi?
M. Brimble: Il y a un grand pourcentage d'enquêtes qui ne débouchent jamais sur des poursuites. De fait, la proportion d'enquêtes qui ne débouche pas sur des poursuites est beaucoup plus élevée que celle des enquêtes qui aboutissent devant le tribunal. Je crois qu'il n'y en a que25 p. 100 environ qui sont portées devant le tribunal.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
Avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus, monsieur Graham? Non? Nous allons donc passer à M. Cullen.
On me dit que le vote a été reporté. Je vais donc vous proposer, à moins que vous ne soyez pas d'accord - auquel cas je résisterai - de passer à M. Cullen puis à M. Graham. Je demanderai ensuite à chacun des témoins de faire une déclaration finale pour préciser sa position ou pour ajouter ce qu'il veut.
Monsieur Cullen.
M. Cullen: Merci, monsieur le président.
Je suis très convaincu par l'argument voulant que nous ne pourrions pas gagner une bataille avec les Américains si nous décidions de taper plus fort. En revanche, je ne vois pas comment nous pourrions améliorer la situation car je sais que des représentants des ministères des Finances et du Commerce ont parlé de la possibilité d'obtenir l'appui des consommateurs des États-Unis.
Dans le cas du bois d'oeuvre - que je connais assez bien - nous savons tous que dans les trois causes de droits compensateurs l'industrie et le gouvernement du Canada ont tenté de convaincre les consommateurs qu'ils allaient devoir payer 2 000 $ ou 3 000 $ de plus par maison mais que cela n'a eu aucun effet, malgré des efforts sérieux qui sont devenus de plus en plus intenses au cours des années. Je ne vois donc pas de lumière au bout du tunnel.
En contrepartie, si nous ne pouvons améliorer nos relations commerciales en nous comportant de manière plus rigoureuse à l'égard des Américains, et si nous ne réussissons pas à faire comprendre aux consommateurs quel est leur intérêt réel, comment pouvons-nous nous en sortir?
Le coprésident (M. Duhamel): Alors, que faisons-nous? Quelqu'un peut-il répondre à la question? Monsieur Collins-Williams.
M. Collins-Williams: Nous n'allons certainement pas résoudre le problème, ni aujourd'hui ni demain. Je crois cependant que l'idée de taper plus fort sur les États-Unis n'est pas bonne. D'autres témoins, aujourd'hui et lors d'audiences précédentes, ont dit que nous voulons un système de recours commerciaux qui soit adéquat pour notre économie et qui réponde aux intérêts de nos entreprises et de nos consommateurs.
L'une des toutes premières priorités du gouvernement est de réformer le système pour arriver en fin de compte à faire disparaître les régimes antidumping et compensateurs avec les États-Unis. Nous essayons d'atteindre cet objectif par plusieurs voies différentes, comme l'a dit M. McNab. L'une d'elles est la voie multilatérale, essentiellement à l'OMC, mais aussi dans certains regroupements régionaux, comme l'Amérique latine, avec le libre-échange, et l'APEC. Croyez bien que nous avons des alliés qui partagent nos préoccupations sur le régime antidumping des États-Unis. Il y a aussi les procédures de règlement des différends de l'OMC et de l'ALENA. Elles fonctionnent différemment mais toutes deux constituent des méthodes efficaces pour contester les décisions américaines d'imposition de droits antidumping ou compensateurs. D'ailleurs, comme l'a dit M. Robertson, les Américains n'ont pas invoqué leur loi contre nous ces dernières années. Donc, les nouvelles règles imposées par l'OMC en matière de subventions, de droits compensateurs et de droits antidumping, n'ont pas encore été mises à l'épreuve mais elles le seront.
La troisième voie est la voie bilatérale, qui procède d'une stratégie évolutive et à longue échéance. Nous voulons convaincre un certain nombre d'entités économiques des États-Unis que leur régime antidumping ne répond pas à l'intérêt économique national du pays. Il est intéressant de voir que certains organismes américains, comme le Council of Economic Advisers, commencent à parler des coûts du régime antidumping.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Graham, je vous donne la parole pour une dernière question, après quoi nous résumerons.
M. Graham: J'espère être bref, monsieur le président. Il s'agit de droit international, de droit constitutionnel, et de l'affaire du maïs. C'est une question pour des avocats comme nous. Elle fait suite à ce que disait M. Penson sur l'intégrité de notre système national dans le contexte du système international.
Vous vous souviendrez que, dans l'affaire du maïs, la Cour Suprême du Canada avait déclaré que si le tribunal ou la Cour fédérale choisissait d'appliquer la loi canadienne d'une manière qui aille à l'encontre de nos obligations en vertu du GATT, ce n'était pas un problème qui la concernait, c'était un problème qui concernait le gouvernement du Canada, et que la bataille devait être menée au sein du GATT. Le rôle du tribunal national est simplement d'appliquer la loi locale.
Certains d'entre vous savent peut-être que, dans le cas des affaires d'extradition, par exemple, la loi sur l'extradition indique clairement que les traités d'extradition priment sur les dispositions de la loi elle-même. Si nous voulons nous assurer que notre loi nationale est conforme à nos obligations internationales, ne serait-il pas souhaitable d'y inclure une disposition indiquant que, lorsqu'on applique la loi, les tribunaux prendront en considération les décisions des nouveaux comités de l'OMC pour s'assurer que nous ne retombons pas dans une autre situation semblable à celle du maïs, lorsque, pour le maïs et le boeuf désossé, nous appliquions clairement une loi canadienne qui n'était absolument pas conforme à nos obligations internationales?
M. Collins-Williams: Il y a deux volets à votre question. Premièrement, il s'agit de la pratique constitutionnelle voulant que l'on mette en oeuvre les accords internationaux en apportant des modifications aux lois nationales. De ce fait, ce sont les lois nationales qui nous donnent le pouvoir d'appliquer nos engagements internationaux.
En cas de contradiction entre, par exemple une décision d'un comité de l'OMC et une décision de l'un de nos organismes administratifs, nous avons apporté à la LMSI des amendements disposant que le gouvernement peut apporter des ajustements ou exiger que des ajustements soient apportés pour assurer la conformité avec nos obligations internationales.
Je vais devoir prendre votre question en délibéré. Je vais y réfléchir.
M. Graham: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Duhamel): Puis-je essayer d'interpréter cela? Si je comprends bien ce que vous avez dit, ce que M. Graham suggérait est possible en vertu des amendements apportés à la loi. C'est cela?
M. Collins-Williams: Oui. On me dit que cela relève d'un amendement apporté au paragraphe 76.1 de la LMSI.
Le coprésident (M. Duhamel): Bien.
Y a-t-il d'autres réponses à ce sujet? Sinon, nous allons passer aux conclusions.
Monsieur McNab, avez-vous une dernière remarque à faire?
M. Grubel: [Inaudible]
Le coprésident (M. Duhamel): Je n'entends pas ce que je ne suis pas censé entendre,M. Grubel. Je suis le président.
M. McNab: Merci, monsieur le président. Je voudrais dire simplement que nous vous remercions beaucoup de nous avoir permis de participer à cette séance avec nos collègues et que nous avons été très heureux de répondre à vos questions. Je suis ravi de voir qu'il y avait des questions allant au-delà de la simple application de la loi, ce qui montre bien l'intérêt de toute cette problématique pour les membres du comité. Nous suivrons vos délibérations avec beaucoup d'attention.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Eyton.
M. Eyton: Merci, monsieur le président. Je me contenterai simplement de vous recommander, à vous et à vos collègues, de lire mon excellent mémoire, que je n'ai pu lire qu'à moitié.
Le coprésident (M. Duhamel): J'en suis vraiment désolé, et je vous promets que je le lirai, avec celui de M. Brimble, avant de retourner au bureau demain.
M. Eyton: La seule chose que je voudrais ajouter concerne une question que j'abordais dans la deuxième partie de mon mémoire. Il s'agit des examens. Si nous examinons l'expérience acquise au cours des huit dernières années par le tribunal, nous pensons qu'il serait utile de clarifier la nature des différences entre les examens provisoires et les examens définitifs.
Il serait également utile que l'on nous donne le pouvoir de faire enquête, de manière partielle, sur le processus d'examen provisoire. Autrement dit, si une catégorie de marchandises n'est plus produite au Canada, à mi-chemin d'une affaire qui dure cinq ans, les importateurs et les exportateurs ont aujourd'hui une décision bien difficile à prendre. En effet, ils doivent décider s'ils veulent nous demander un examen provisoire, auquel cas nous allons nous pencher sur toute la catégorie de marchandises concernée et, si notre conclusion est qu'il y a toujours une menace de préjudice, la décision s'appliquera pour 5 années supplémentaires.
Nous pensons que l'on pourrait modifier légèrement ce système dans l'intérêt des producteurs canadiens, ce qui nous rendrait également la vie un peu plus facile, je dois le dire.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Collins-Williams.
M. Collins-Williams: Je vous remercie de nous avoir invités devant votre comité, monsieur le président, et je conclus en vous disant que nous restons à votre disposition si vous avez besoin d'informations complémentaires.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Lancop.
M. Lancop: Merci, monsieur le président. Je voudrais simplement réitérer ce que nous disions dans notre exposé et dans notre mémoire.
Tout d'abord, nous sommes fermement convaincus qu'il faut une solution purement canadienne à cette loi. Nous croyons qu'il est particulièrement important que la loi favorise la concurrence et la prospérité économique. Cela veut dire qu'il faut trouver un meilleur équilibre entre les intérêts des producteurs nationaux, ceux des usagers en aval qui dépendent d'importations pour pouvoir exporter, et ceux des consommateurs. Nous croyons que la meilleure solution à cet égard consiste à établir un système permettant d'appliquer des droits moindres à l'étape de l'enquête sur le préjudice matériel, en conservant la notion d'intérêt public avec des critères exhaustifs, notamment de concurrence. Nous croyons que cela nous donnerait plus d'efficience administrative, plus de transparence dans l'application de la loi et plus d'équité sur le plan des procédures.
Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Brimble.
M. Brimble: Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue.
Pour résumer, je dirais que notre souci, en ce qui concerne les droits moindres, est d'éviter de rendre le système plus complexe - je parle ici de complexité administrative et de complexité pour toutes les parties concernées - lorsqu'on essaie de déterminer comment appliquer des droits moindres. C'est une chose que de prendre une décision, mais c'en est une autre que de veiller à ce qu'elle soit correctement appliquée, de manière continue. J'invite donc le comité à tenir compte très sérieusement du problème des coûts et de la complexité.
De même, sur la question de la bifurcation, je comprends l'avantage qu'il y aurait à ce que le tribunal intervienne plus tôt dans le processus, après le lancement d'une enquête. Cela ne me cause aucune difficulté mais je tiens cependant à rappeler notre mise en garde, c'est-à-dire qu'il faut absolument éviter d'accroître les coûts et la complexité car cela pourrait être tout à fait néfaste aux petites et moyennes entreprises.
Merci.
Le coprésident (M. Duhamel): Merci.
[Français]
Merci à vous tous, chers témoins, pour vos témoignages que j'ai beaucoup appréciés.
[Traduction]
J'invite tous ceux qui n'ont pas eu le temps de lire complètement leur mémoire à m'appeler d'ici demain à midi pour me poser des questions sur ce qu'ils n'ont pas pu lire afin de vérifier si j'ai respecté mon engagement.
Je dois vous dire très sincèrement que je vous remercie de votre patience. Je n'aime pas présider dans ces conditions, lorsqu'on attend un vote, mais je voulais veiller à ce que chacun d'entre vous ait la possibilité de présenter ses principaux arguments. Je voulais aussi donner à chacun de mes collègues la possibilité de vous interroger sur ses préoccupations les plus importantes. Sachez bien que j'apprécie beaucoup votre patience à tous.
Les informations que vous aviez à nous communiquer étaient très importantes. Je me demandais à un certain moment si nous n'allions pas aller participer au vote en Chambre puis revenir ici pour poursuivre le débat. Cela dit, comme on ne sait jamais comment peut évoluer la situation en Chambre - nous aurions pu être retardés là-bas, ce qui vous aurait fait attendre inutilement - nous allons simplement conclure ici cette séance. Veuillez noter toutefois que nous reprendrons peut-être contact avec vous pour vous demander des renseignements complémentaires. Je tenais simplement à vous le dire.
[Français]
Merci. Bonsoir.
La séance est levée.