[Enregistrement électronique]
Le mercredi 13 mars 1996
[Traduction]
La présidente: La séance est ouverte.
Nous avons pu réunir tout le monde, à l'exception de M. Gouk, qui se trouve soit à l'extérieur du pays, soit dans les provinces Maritimes. Plutôt que de tout suspendre, nous avons décidé que nous allions entendre M. Boudria, qui est en train en ce moment de consulter vos whips. Il demeure que ce n'est qu'une personne. Pour ce qui est de ce projet de loi, cependant, je ne suis pas du tout certain qu'il sera considéré comme pouvant faire l'objet d'un vote. Si nous pouvions entendre tout le monde aujourd'hui, cette question pourrait être réglée d'ici à la fin de la réunion.
Heureusement, M. Stinson ne vous criera pas après, M. Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz, (député de Yorkton - Melville): Je ne sais pas.
La présidente: Votre travail est de l'amadouer au cours de cet exposé.
Vous avez cinq minutes pour vous adresser au comité, après quoi les membres vous poseront des questions.
M. Breitkreuz: Merci beaucoup. Je suis très heureux de comparaître devant le comité.
Voici la motion que je vous présente, dans l'espoir qu'elle sera considérée comme l'une des affaires faisant l'objet d'un vote:
- ... de l'avis de cette Chambre, le gouvernement doit adopter une loi disposant qu'à la prochaine
élection on organisera un référendum national, dont le résultat liera le gouvernement, où l'on
demandera aux Canadiens s'ils veulent que le gouvernement fédéral finance les avortements
sur demande.
Je vais aborder les 11 critères qu'on utilise pour choisir les affaires qui doivent faire l'objet d'un vote. Je les ai examinés et je suis persuadé que mon projet de loi satisfait à toutes ces exigences, même si je ne les énumérerai pas toutes.
Premièrement, les projets de loi ou les motions d'initiative parlementaire doivent être d'intérêt national, régional ou local, et être ou non sujets à la controverse, mais pour être choisis pour faire l'objet d'un vote, ils ne doivent être ni futiles ni insignifiants. La motion 91, que je présente, n'est ni futile ni insignifiante. Nous posons la question de savoir si les électeurs ont ou non le droit d'allouer les fonds qu'ils confient au gouvernement fédéral pour la prestation de soins de santé aux actes médicaux qu'ils estiment les plus essentiels et les plus importants. Nous posons la question de savoir si le Parlement doit ou non décider pour le peuple, ou si c'est le peuple qui a le droit de décider lui-même.
Aux élections provinciales de 1991 en Saskatchewan, les deux tiers des électeurs ont organisé un plébiscite pendant la période électorale pour que les avortements ne soient plus couverts par l'assurance-maladie. Les deux tiers ont dit que les avortements ne devaient plus être assurés. Un sondage effectué en Alberta en janvier 1995 a révélé des résultats semblables, 73 p. 100 des répondantes et 69 p. 100 des répondants souhaitant que les avortements ne soient plus couverts par l'assurance-maladie.
Quelque 100 000 avortements thérapeutiques seraient effectués chaque année au Canada. Quelque 70 000 avortements sont effectués dans des hôpitaux, à raison d'environ 500$ chacun, ce qui représente une dépense annuelle de 35 millions de dollars. De plus, 30 000 avortements sont pratiqués dans des cliniques autonomes, à raison de 250$ l'opération, soit un total de 7,5 millions de dollars. On estimait en 1992-1993 que les honoraires des médecins se situaient à 9,1 millions de dollars.
Selon le deuxième critère, ces projets de loi ou motions ne doivent pas susciter de la discrimination pour ou contre une région donnée.
Troisième critère, il ne faudrait pas choisir des projets de loi concernant les limites ou le nom des circonscriptions électorales.
Je vais parler un peu plus longuement du quatrième critère. Le projet de loi ou la motion ne devrait pas exiger de modification évidente parce qu'il reprend en substance la loi déjà en vigueur, étant donné que la population n'a absolument jamais eu l'occasion de se prononcer au cours d'un référendum national sur cette importante question. On ne peut pas dire de la motion 91 qu'elle n'atteint pas l'objectif qu'elle poursuit, ni qu'elle a une signification obscure ou comporte des lacunes dans sa rédaction.
Dans cette motion je ne propose pas le libellé de la question qui figurerait sur le bulletin de vote; je ne le fais pas. Je suggère seulement que la question figure sur le bulletin de vote à la prochaine élection.
À propos du cinquième critère, je dirais que le sujet de ma motion diffère grandement des affaires bien précises que le gouvernement a déjà incluses dans son programme législatif. À ma connaissance, la Chambre n'en a jamais été saisie. C'est une toute nouvelle question.
Pour ce qui est du septième critère, je pense que c'est la meilleure façon de s'y prendre. La question est très controversée. Quand on organise un référendum, l'information se retrouve toujours dans le domaine public, et on en discute alors de façon approfondie.
Les parlementaires peuvent ainsi faire connaître leur opinion personnelle sur un projet de loi d'initiative parlementaire. Je crois que la meilleure façon de s'y prendre, c'est de proposer un projet de loi d'initiative parlementaire. Il ne fait preuve d'aucun esprit partisan. Il ne se rattache à aucun parti politique. Il n'emploie pas un langage... et n'aurait pas pour effet de contrer la volonté de réformer les affaires émanant des députés.
Enfin, j'aimerais parler du neuvième critère. Ce projet de loi n'est pas nettement anticonstitutionnel du fait qu'il empiète sur le pouvoir législatif des provinces, viole la Charte canadienne des droits et libertés ou d'autres règles constitutionnelles bien établies. Il ne les viole aucunement. En fait, j'aimerais dire que je pense que cette motion dissiperait l'inquiétude qu'ont certains de voir une province s'opposer à une autre sur cette question, étant donné que celle-ci se pose déjà dans les provinces et que je pense qu'il serait bon qu'on en traite ici.
Quant aux critères dix et onze, je dirais que cette motion ne se rapporte à aucune question sensiblement identique à une question déjà décidée par la Chambre et qu'elle n'est pas sensiblement identique à une question contenue dans une affaire déjà choisie durant la session pour faire l'objet d'un vote.
C'était mon exposé, et j'espère que mon projet de loi sera choisi comme une affaire pouvant faire l'objet d'un vote.
La présidente: Merci. Y a-t-il des questions?
Monsieur Stinson.
M. Stinson (Okanagan - Shuswap): Vous parlez d'avortements sur demande. Pourriez-vous être un peu plus précis? Parlez-vous de tous les avortements?
M. Breitkreuz: Non. Certains avortements ne seraient pas considérés comme une question de choix. Je ne parle pas de ceux-là. Je parle simplement des avortements facultatifs. Si la vie de la mère est menacée par exemple, je ne parle pas de cela.
M. Stinson: Comment organiserait-on un référendum là-dessus? Avez-vous réfléchi à...?
M. Breitkreuz: La motion n'en traite pas. Le référendum et la question qui figurerait sur le bulletin feraient l'objet d'une décision par les parlementaires. Je demande simplement si les membres de la Chambre des communes seraient d'accord pour poser cette question aux Canadiens. Si les députés le jugeaient à propos, alors sans doute que l'on constituerait un comité à cette fin.
La présidente: Monsieur Langlois.
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): J'ai une question à vous poser au sujet de la constitutionnalité du neuvième critère. Vous parlez de référendum obligatoire. En anglais, c'est plus clair: binding national referendum. Nos tribunaux se sont déjà prononcés en 1919 dans la cause The Initiative and Referendum Act et ont dit qu'on ne pouvait pas avoir de binding referendum, que tous les référendums devaient nécessairement être consultatifs parce qu'autrement, on empiétait sur les pouvoirs de Sa Majesté de recevoir ses projets de loi des chambres élue et non élue du Parlement fédéral.
J'aimerais que vous expliquiez un peu le sens du mot «binding». Est-ce moralement obligatoire ou légalement obligatoire? Je verrais un problème si on ajoutait le mot «légalement».
[Traduction]
M. Breitkreuz: Je savais que quand les députés débattraient de cette question, tout cela ressortirait. Je n'ai pas l'intention de définir tout cela dans la loi. J'espère que les trois heures de débat permettraient de cerner un bon nombre de ces questions.
Je pense que ce référendum lierait le gouvernement tout autant que dans le cas de l'Accord de Charlottetown. Je pense que le gouvernement serait tenu d'y donner suite. Je ne pense pas que les tribunaux pourraient en décider autrement. Si c'est clairement ce que veut la population du Canada, je pense qu'alors le gouvernement aura l'obligation morale d'en tenir compte.
[Français]
M. Langlois: J'aimerais aborder le mérite de la question, monsieur Breitkreuz. C'est un peu normal de le faire. Vous parlez d'avortement sur demande. Je comprends bien, en lisant le libellé de la question, que vous n'êtes pas un partisan du libre choix en matière d'interruption de la grossesse, et c'est votre droit le plus strict d'avoir ce point de vue.
Mais l'adoption de votre motion n'aurait-elle pas pour effet de créer deux catégories de Canadiennes, celles qui ont les ressources nécessaires, qui habitent dans les centres urbains et qui pourraient profiter du libre accès à l'interruption de grossesse reconnu par nos tribunaux dans les arrêts Morgentaler et Borowski, et les autres Canadiennes qui habitent en région, dans des provinces où les gouvernements provinciaux sont beaucoup plus réticents sinon carrément opposés à l'application des décisions de nos tribunaux? Ne voyez-vous pas que cela pourrait créer un problème de catégories entre les Canadiennes?
[Traduction]
M. Breitkreuz: Mon projet de loi ne vise pas à ouvrir ce débat. Je rappelle à nouveau qu'il s'agirait d'un référendum portant sur le financement des interruptions de grossesses, et non pas sur la question du libre choix.
Vous avez dit que j'étais un tenant de - je n'ai pas bien saisi - du «libre choix» ou du mouvement «pro-vie» ou d'autres choses. Je ne fais partie d'aucun de ces camps pour ce qui est de ce référendum. C'est un référendum qui permettra aux gens de choisir; il ne s'agit pas de débattre de la façon de savoir si on est pour ou contre l'avortement. Ce n'est pas mon intention.
Mon intention, c'est de demander aux citoyens du Canada s'ils veulent ou non que des fonds publics servent au financement de l'avortement sur demande. Vous voyez? Je ne veux pas qu'on débatte pour savoir si je suis pour ou contre l'avortement.
[Français]
M. Langlois: Monsieur Breitkreuz, je ne veux pas du tout entrer dans cette discussion. Je veux faire ressortir que l'adoption de cette motion serait un premier pas dans le but de briser carrément la règle de l'universalité et de l'accessibilité de tous les soins de santé, que ce soit dans le cas d'une grippe, d'un cancer, d'une maladie de coeur ou d'une interruption de grossesse, et qu'un service de santé serait désassuré si votre motion devait être adoptée. C'est le seul point que je voulais soulever. Je sais qu'il y a deux écoles de pensées au Canada et que vous appartenez probablement à l'une d'elles, et d'autres à...
[Traduction]
M. Breitkreuz: Je comprends bien ce que vous dites. C'est une question dont il faudrait débattre au cours de la campagne référendaire. Ce n'est pas un débat qui, je pense, devrait être limité au Parlement.
Nous savons déjà qu'en partie le financement des soins de santé est compromis. Je pense qu'on donnerait ainsi aux gens l'occasion de dire ce qu'ils souhaiteraient inclure ou ne pas inclure dans le budget des soins de santé. Je suis sûr qu'au bout du compte le débat débordera le simple cadre du financement des services d'avortement.
Je pense qu'il faut tenir un débat public. Mon projet de loi donnerait une occasion de discuter de ce qu'on considère comme un acte médical nécessaire ou non. Le débat pourrait ne pas porter que sur l'avortement sur demande. Il pourrait aller plus loin, et je pense qu'il serait très sain que le gouvernement organise ce genre de débat à l'échelle du pays.
La présidente: M. Loney n'a pas de questions. Je vous remercie beaucoup.
M. Breitkreuz: Merci.
La présidente: M. Stinson suit. Il est d'accord pour attendre à la fin, puisque de toute façon il doit rester avec nous pendant des heures.
M. Cannis suit.
Soyez le bienvenu, John. Vous avez cinq minutes. Ne vous précipitez pas, puisque après il nous faut prendre autant de temps qu'il le faut pour vous poser des questions.
M. John Cannis, (député de Scarborough-Centre): Merci de m'accorder la parole. C'est la première fois que je comparais et que j'ai à présenter une motion; je demande donc votre soutien.
Ma motion a trait aux experts-conseils en immigration. Mon principal objectif est d'informer la Chambre et les gens de l'existence de problèmes dans le secteur des services de consultation en immigration, qui, comme nous le savons tous, est en pleine expansion depuis plusieurs années.
Surtout parce qu'ils ne demandent qu'à faire confiance et qu'ils connaissent mal la législation canadienne en matière d'immigration, les nouveaux immigrants et ceux qui veulent immigrer au Canada sont exploités par des experts-conseils. La grande majorité de ces experts-conseils demandent des honoraires exorbitants pour aider les immigrants ou les immigrantes potentielles à entrer au Canada... et aussi pour aider des gens qui veulent parrainer des parents qui veulent venir ici. De nombreux experts-conseils n'ont ni formation ni expérience en immigration. Ils font aux nouveaux immigrants des promesses qu'ils ne peuvent pas tenir. Dans certains cas, toutes les économies d'un immigrant peuvent être englouties par ces services de consultation. Dans la plupart des cas, les conseils fournis ne sont que des renseignements courants et auraient pu être facilement obtenus gratuitement des bureaux de l'immigration.
Actuellement, on n'est pas tenu d'obtenir un permis; il n'existe aucune condition relative au versement d'un cautionnement, pas plus qu'il n'existe de règles ni de règlements applicables à ces services de consultation. Non seulement les immigrants sont dépouillés de leurs économies sans obtenir d'aide réelle en retour, mais on manipule aussi le système d'immigration tant ici qu'à l'étranger.
J'ai entendu parler de plusieurs cas où l'on a versé des milliers de dollars à des experts-conseils en immigration qui avaient promis d'accélérer le processus ou de le simplifier au profit de nouveaux arrivants ou d'individus qui vivent dans notre pays et qui tentent d'obtenir le droit d'y rester. J'ai entendu parler de certains cas de personnes qui, après avoir cédé la totalité de leurs économies à ces experts-conseils, se sont vu expulser du pays ou à qui on en a refusé l'entrée.
Je peux mentionner l'exemple d'une famille qui était au Canada depuis six ans et demi ou sept ans. Elle venait d'un pays qui... nous ne les classifions pas comme réfugiés. Pendant des années on a laissé croire à cette famille que sa demande serait approuvée pour un coût d'environ 10 000$. En fin de compte, elle a été priée de repartir, ce que, bien sûr, elle a fait.
J'ai entendu parler d'un autre cas de gens qui avaient lancé une entreprise et qui travaillaient et avaient pu obtenir des permis de conduire, des cartes d'assurance-maladie de l'Ontario, et d'autres documents, mais en vain. On leur demandait quelque chose comme 1 000$ pour une simple lettre.
Je trouve cela tout à fait inacceptable, parce que certains de ces experts-conseils finissent par envoyer leurs clients au bureau de leur député, leur laissant croire que celui-ci peut régler leurs problèmes, peut prendre fait et cause pour eux, et que le député a le pouvoir de renverser des décisions rendues par le ministère de l'Immigration. Bien sûr, on exerce ainsi de nouvelles pressions sur le bureau du député, sur lui ou elle et son personnel, on le prie constamment de pressentir directement le ministre, dans la plupart des cas pour rien du tout.
Je viens du secteur privé. Je crois qu'il faut établir des directives, qu'il devrait y avoir des règles et des règlements, qu'il faudrait instaurer des barèmes d'honoraires, et que chacun devrait bien comprendre ce à quoi il est en droit de s'attendre quand il s'adresse à un expert-conseil en immigration. Je trouve la situation actuelle inacceptable. Quand nous allons voir le dentiste, par exemple, nous savons exactement ce que nous coûtera le service qu'il nous fournira.
Je sais que cette question est aussi de compétence provinciale, mais je crois fermement que, parce que l'immigration est aussi une compétence fédérale, nous pouvons collaborer avec les provinces pour nous assurer que ceux qui veulent entreprendre de représenter d'autres personnes sont régis par une réglementation bien définie, et sont cautionnés, pour que les clients soient protégés.
J'ai été heureux de voir dans la Montreal Gazette du 28 novembre 1995 que dans un rapport le comité recommandait l'adoption de règlements. Évidemment, il aurait fallu le faire depuis longtemps. Le Toronto Star du 6 décembre, sous la rubrique «Darts and Laurels», félicitait le comité pour son travail et pour le fait qu'il envisage de proposer une réglementation applicable à ce secteur d'activité.
C'est à peu près tout. J'ai apporté des documents contenant une description plus détaillée, et j'aimerais, madame la présidente, qu'on les distribue.
La présidente: Merci.
Y a-t-il des questions? Monsieur Stinson.
M. Stinson: J'aurais aimé que nous ayons ces documents avant d'entendre votre exposé.
J'ai du mal à croire qu'il n'existe aucune loi régissant les activités de ces experts-conseils à l'échelle provinciale ou fédérale ou par l'entremise du Barreau du Haut-Canada. Est-ce que cet organisme n'a pas aussi soulevé la question?
M. Cannis: Je pense que cela relève davantage du bureau des permis qui s'occupe de ceux qui veulent se lancer en affaires, plutôt que du Barreau.
À titre privé, j'avais une agence d'embauche, et nous étions soumis aux directives du ministère du Travail. Il y avait des directives spécifiques que nous devions observer. Chaque année, nous devions verser des droits pour le renouvellement de notre permis. Nous étions toujours à la disposition du ministère pour qu'il vérifie nos dossiers et s'assure que nous respections ces directives. S'il y avait eu fausse représentation, notre permis nous aurait été retiré, et on nous aurait interdit de continuer.
Nous devions observer des directives précises quant à la façon dont nous pouvions annoncer nos services. On fait beaucoup de publicité dans ce secteur, et c'est très trompeur, encore là, parce qu'il n'y a pas de directives définies.
M. Stinson: Les provinces s'y prennent-elles toutes de la même façon? Certaines provinces ont-elles des directives concernant les activités de ces experts-conseils?
M. Cannis: À ce que je sache, aucune province n'a de directives qui lui permettent de surveiller les activités des experts-conseils en immigration. C'est un problème qui se pose non seulement ici, madame la présidente, mais aussi à l'étranger. Je pense que nous le savons tous. J'aimerais prendre un instant pour apporter des précisions.
Ceux qui font une demande d'immigration au Canada se font guider dans les réponses qu'ils donneront aux questions qui leur seront posées. Lorsqu'ils arrivent à nos frontières, un certain processus se déroule et, pour se préparer, ils consultent un expert-conseil en immigration. Cet expert-conseil connaît bien le domaine et sait comment créer des obstacles. Certains se feront peut-être expulser dans six ou huit ans, alors que cela aurait pu se faire en un an ou deux. Bien sûr, nous connaissons tous les coûts que cela entraîne et les économies que nous pourrions réaliser.
Grâce à l'octroi de permis, nous pourrions accélérer ce processus et ainsi réaliser d'importantes économies.
La présidente: Monsieur Loney.
M. Loney (Edmonton-Nord): Monsieur Cannis, la Montreal Gazette a publié le 28 novembre dernier un article intitulé «MPs' report urges regulation on immigration and zones», qui traitait, je crois, d'un groupe d'avocats de Toronto spécialisés en droit de l'immigration qui avait témoigné devant le sous-comité étudiant le rapport «Diminishing Returns». Est-ce exact?
M. Cannis: Oui.
M. Loney: Qu'en est-il advenu? A-t-on pris des mesures depuis lors?
M. Cannis: Rien de précis n'a été fait. Voilà pourquoi je pense qu'il faut passer au niveau suivant.
J'estime que les avocats qui se spécialisent en droit de l'immigration ont des connaissances et des compétences supérieures. Mais n'importe qui peut, s'il le souhaite, se prétendre expert-conseil en immigration. Ceux qui tentent d'immigrer au Canada sont parfois désespérés et font appel à ces soi-disant experts après avoir vu leur annonce dans le journal local. Cet expert-conseil dirige parfois ses clients vers un avocat. Il sert d'intermédiaire, alors qu'on pourrait très bien s'adresser directement à un avocat.
M. Loney: Ou à un député.
M. Cannis: Ou à son député, en effet. Mon point de vue est celui d'un député fédéral, et non pas celui d'un expert-conseil en immigration. Lorsque des gens sont venus à mon bureau, nous les avons renvoyés aux bureaux de l'immigration.
Si je peux me permettre, je vous donne un exemple précis. Un homme dont la mère habitait ici, au Canada, et qui voulait immigrer officiellement, souhaitait la parrainer. Il s'est adressé à un expert-conseil en immigration qui lui a dit qu'il lui en coûterait 5 000$ pour ce faire. En réalité - et c'est ce que nous lui avons dit - il n'avait qu'à aller au bureau de l'immigration, obtenir un formulaire de demande et le remplir. Je suis heureux de vous dire que c'est ce qu'il a fait et qu'il a ainsi épargné 5 000$. Bien sûr, il a dû acquitter certains droits comme tout le monde, mais cela ne lui a certainement pas coûté 5 000$.
Nous faisons l'impossible pour aider ces personnes, mais il y a encore beaucoup trop d'abus.
M. Loney: Pour ma part, j'ai pris connaissance de différents cas de personnes ayant déboursé 1 000$ ou 1 500$ pour obtenir les services de prétendus experts-conseils en immigration qui n'ont rendu aucun service. Ces personnes sont ensuite venues me voir moi, leur député, et, heureusement pour elles, nous avons pu régler les choses. Mais cela leur a quand même coûté 1 500$.
M. Cannis: On exerce aussi des pressions sur les députés. Comme vous, des gens sont venus me voir. D'habitude, je leur dis de demander à leurs experts-conseils de m'appeler, mais ils ne le font jamais. De toute évidence, ils savent très bien ce qui les attend.
Ils servent d'intermédiaires. Je n'y vois pas d'objection, à condition que le processus soit transparent. Ceux qui ont besoin d'aide, comme je l'ai dit plus tôt, devraient pouvoir obtenir un barème des honoraires pour les services qu'ils recevront, et l'assurance - mais peut-être pas la garantie - que l'expert-conseil prendra certaines mesures précises en leur nom. Si cet expert-conseil ne sert qu'à fixer un rendez-vous avec le député fédéral, c'est inacceptable.
La présidente: Merci.
Monsieur Langlois, avez-vous des questions?
[Français]
M. Langlois: Non, c'était très clair. Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cannis.
Monsieur Blaikie.
M. Bill Blaikie, (député de Winnipeg Transcona): Merci, madame la présidente. Je serai bref. Je connais bien le processus. En fait, j'ai déjà siégé au comité qui recommande quels projets de loi d'initiative parlementaire feront l'objet d'un vote.
À une époque, après qu'on eut établi cette procédure par suite de l'adoption des recommandations du Comité McGrath, il existait un comité permanent des affaires des députés qui se réunissait à seule fin d'examiner quels projets de loi d'initiative parlementaire feraient l'objet d'un vote. J'ai siégé à ce comité jusqu'à ce qu'il soit fusionné à un autre, lorsque le nombre de comités a été réduit. Je vous dis tout cela en guise d'introduction, car j'estime que ma motion portant sur le travail des enfants répond aux critères qui ont été établis pour le choix des motions pouvant faire l'objet d'un vote.
Certains des critères qui ont été établis existent probablement encore quelque part. Les motions faisant l'objet d'un vote ne doivent pas être de nature trop régionale, afin de ne pas créer d'animosité entre les régions. Elles ne doivent pas être sectaires. Elles ne doivent pas traiter d'un sujet sur lequel la Chambre s'est récemment prononcée ou sur lequel on s'attend à ce qu'elle se prononce dans un avenir rapproché. Elles ne doivent pas être anticonstitutionnelles. Ces critères s'appliquent surtout aux projets de loi, alors que les motions, je présume, peuvent être anticonstitutionnelles, puisqu'elles n'imposent aucune obligation. À première vue, les motions et projets de loi faisant l'objet d'un vote ne doivent contenir aucune erreur de fait ou comporter tout autre problème législatif.
Cela dit, j'estime que la question du travail des enfants est très d'actualité. Elle l'est devenue encore plus depuis qu'un jeune homme de Toronto, Craig Kielburger, a suivi - je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il l'a accompagné - le premier ministre à l'occasion de son récent voyage en Asie en vue d'attirer l'attention du premier ministre sur cette question. Le premier ministre lui a finalement accordé un entretien.
Par suite de cet événement, le gouvernement a pris un engagement dans le discours du Trône que je cite:
- Toujours déterminé à faire avancer les droits de la personne et à faire respecter la dignité
humaine, le gouvernement fera des droits de l'enfant une priorité du Canada et cherchera à créer
un consensus international pour éliminer l'exploitation des enfants par le travail.
Si cette motion faisait l'objet d'un débat et d'un vote et était adoptée, ce serait très utile pour tout le monde, spécialement pour le gouvernement, puisque cela l'aiderait à créer un consensus international. Bien que je fasse partie de l'opposition, j'aimerais bien que le gouvernement, qui parle de créer un consensus international, puisse prétendre s'exprimer non pas seulement en son nom, mais bien au nom de tout le Parlement, l'appui à cette motion en faisant foi.
Voilà pourquoi j'estime qu'il serait opportun pour le Parlement de s'exprimer sur cette question. Cela susciterait un intérêt utile pour le gouvernement. En outre, c'est une motion qui, à mon avis, est tout à fait conforme aux critères que nous avons établis, il y a longtemps, pour les motions et projets de loi pouvant faire l'objet d'un vote.
La présidente: Merci, monsieur Blaikie.
Y a-t-il des questions?
M. Stinson: Je dois plaider l'ignorance ici, Bill. Vous dites dans votre motion «défini dans les conventions de l'Organisation internationale du travail».
M. Blaikie: Oui, il s'agit de l'OIT, l'Organisation internationale du travail, dont le siège est à Genève; le gouvernement du Canada en fait partie, est un pays signataire et y envoie des représentants. Nous avons mis cela dans la motion simplement parce que nous ne voulions pas une définition arbitraire du travail des enfants, mais plutôt une définition qui serait acceptée à l'échelle internationale.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Merci beaucoup.
M. Blaikie: Merci.
Madame la présidente, quel est l'échéancier du comité? Quand rendrez-vous une décision?
La présidente: Nous allons essayer de le faire ce soir, car nous devons nous présenter à la procédure demain matin avec une recommandation. Nous ferons de notre mieux pour décider dès ce soir.
Monsieur Shepherd. Bienvenue, Alex.
M. Alex Shepherd, (député de Durham): Merci beaucoup, madame la présidente.
La présidente: Vous avez cinq minutes pour dire ce que vous voulez, après quoi nous allons vous mettre sur la sellette.
M. Shepherd: Bon. Je crois que j'ai remis à tous les députés le document que je vais lire.
Madame la présidente, membres du comité, j'ai le plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous présenter mon projet de loi d'initiative parlementaire sur une déclaration des droits du contribuable. J'ai présenté ce projet de loi au Parlement il y a plus d'un an, et depuis je suis bombardé de demandes émanant de partout, de l'Alberta aux Maritimes, pour que j'aille donner des explications à la radio et ailleurs au sujet de ce projet de loi. Je suis heureux de dire que le projet de loi bénéficie d'une acceptation généralisée parmi la population et a suscité beaucoup d'intérêt.
Qu'est-ce qu'une déclaration des droits du contribuable, et pourquoi est-il important que la Chambre en discute dès maintenant? Je précise tout de suite qu'il n'est pas question de défendre les droits des tricheurs et des fraudeurs fiscaux et que, de façon générale, les employés de Revenu Canada se conduisent avec diligence et équité.
J'ai apporté la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est un énorme document. On trouve ici des dispositions de la loi qui traitent de la capacité de Revenu Canada de saisir des biens, des effets personnels, des comptes en banque, des paiements faits par des tiers, des comptes à recevoir, etc. Ces pouvoirs ont été graduellement renforcés au fil des années et sont entre les mains des fonctionnaires. En outre, à mesure que la fiscalité canadienne devient de plus en plus lourde, des pressions de plus en plus fortes s'exercent sur Revenu Canada pour que ses percepteurs tirent le maximum du système.
Il ne faut pas oublier que pour l'impôt sur le revenu personnel le Canada est au deuxième rang parmi les pays de l'OCDE, notre pays n'étant surpassé que par la France à ce chapitre. Cette pression entraîne souvent un zèle exagéré de la part des percepteurs d'impôt de Revenu Canada. Avant d'être en politique, j'ai exercé la profession de comptable agréé. Je puis vous assurer que de telles exagérations n'étaient peut-être pas courantes, mais n'étaient pas rares non plus.
Le projet de loi n'atténue pas le pouvoir de Revenu Canada, mais crée un protecteur du contribuable qui servira d'intermédiaire dans le règlement des différends afin de s'assurer que le ministère traite équitablement le grand public. Je crois que ce poste peut être créé et financé à même le budget actuel du ministère.
Dans le cas des vérifications et autres enquêtes, le projet de loi prévoit un processus pour fermer le dossier lorsque le contribuable n'est pas en cause dans le ralentissement du processus. Beaucoup de contribuables ont vu leur vie, et parfois leur entreprise, placée dans les limbes pendant des années, en attendant que Revenu Canada mène à terme des vérifications.
Madame la présidente, nous entendons souvent dire que les Canadiens estiment que le régime fiscal est trop complexe, et incompréhensible. Je crois que c'est en partie attribuable aux changements continuels et aléatoires apportés au système. Ces changements bureaucratiques apportés à la loi créent une avalanche de paperasse et jettent le grand public dans la plus grande confusion.
Mon projet de loi limiterait les modifications à la loi de manière que chaque modification ne pourrait toucher plus de 1 p. 100 des contribuables et que l'ensemble des modifications apportées chaque année ne pourraient toucher plus de 3 p. 100 des contribuables. Les refontes en profondeur ne pourraient avoir lieu qu'à tous les 10 ans. Je crois que si les contribuables bénéficiaient ainsi d'une certaine certitude, ils pourraient planifier leurs affaires, et même se familiariser avec le système. Cela réduirait le nombre de fiscalistes et entraînerait moins de dépenses pour le grand public.
Le projet de loi restreint également la capacité de Revenu Canada de forcer la vente de la résidence principale des personnes âgées de plus de 60 ans. Beaucoup d'entre nous ont entendu des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête de veuves forcées de vendre leur propre maison pour payer des dettes dues au fisc à la mort de leurs maris. Aux termes de ce projet de loi, Revenu Canada serait forcé d'attendre pour percevoir la dette jusqu'à la vente de la maison ou au décès du conjoint survivant. Le ministère ne serait toutefois pas empêché d'hypothéquer la propriété.
Enfin, la loi prévoit un dédommagement pouvant atteindre 50 000$ pour les contribuables qui ont été lésés. Cela permettrait de rembourser leurs frais généraux.
Maintenant, pourquoi avons-nous besoin d'une telle mesure? Je voudrais vous donner un exemple précis et concret mettant en cause l'un de mes commettants.
Cette femme, que j'appellerai Jane, travaillait durement pour élever seule ses deux enfants adolescents. Elle ne touchait pas de prestations d'assistance sociale, même si cela aurait été plus lucratif pour elle. Elle travaillait à temps partiel à titre de caissière dans une épicerie locale. Elle avait eu quelques problèmes cardiaques, même si elle n'avait que 45 ans. Sa vie était parfaitement réglée. Elle avait fait des chèques postdatés pour payer son assurance-automobile, les factures de téléphone, son loyer, etc. Elle s'est heurtée au problème courant de l'imposition des sommes qu'elle touchait pour ses enfants; elle n'avait pas prévu cette dépense dans son budget, mais elle s'est entendue avec Revenu Canada pour rembourser sa dette par mensualités. Cela durait depuis deux ans, et elle remboursait lentement, mais sûrement, sa dette. Elle a eu affaire à deux percepteurs qui ont reconnu sa situation, et elle continuait de payer comme convenu. Mais voici qu'un troisième percepteur est arrivé dans le tableau, et laissez-moi vous dire qu'il n'est pas rare qu'un fonctionnaire ambitieux fasse des vagues au ministère. Au début de décembre 1995, sans préavis, il a saisi son compte en banque, faisant ainsi main basse sur la somme nette de 94$.
Jane n'était pas une personne forte. Ce coup porté à sa dignité et le fait de voir ses chèques refusés par la banque, qui lui faisait payer 25$ par chèque, cela a été trop pour elle. Elle a eu une crise cardiaque et a dû s'absenter de son travail pendant deux semaines, sans rémunération. Il s'en est suivi qu'elle n'a pas pu acheter de cadeaux de Noël pour sa famille, et j'ai dû la diriger vers une banque alimentaire pour qu'elle se procure une dinde de Noël.
Le ministère a finalement admis qu'il avait eu tort, mais cela ne l'a pas dédommagée. Il lui a remboursé 800$ en pertes de salaire et autres dépenses. Vous avez beaucoup de cas semblables dans vos propres circonscriptions.
En terminant, je précise que j'ai ici une décision parmi bien d'autres, celle rendue dans l'affaire de Colin McPhail contre Sa Majesté la Reine, décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada le 28 janvier 1996, et dans laquelle on signale des activités affligeantes de Revenu Canada. Les procès de ce genre deviendraient inutiles si l'on avait une déclaration des droits du contribuable.
Je vous ai fait remettre des articles que j'ai écrits. Le premier sera publié ce mois-ci par la Canadian Taxpayers Federation; le deuxième a été publié en août 1995 dans CA Magazine; et le dernier a été publié à l'été 1995 dans la Revue parlementaire canadienne.
Enfin, au Royaume-Uni, il existe un protecteur du contribuable, et aux États-Unis il y a une déclaration des droits du contribuable qui a été adoptée en 1988 et qui a été récemment renforcée. Le Canada n'a rien fait dans ce dossier; je crois donc que ce projet de loi vient à point nommé et qu'un débat sur cette question est attendu de longue date à la Chambre.
La présidente: Merci, Alex.
Y a-t-il des questions?
Monsieur Langlois.
[Français]
M. Langlois: Je n'ai pas lu votre projet de loi dans son intégralité. Permettrait-il au protecteur du contribuable de faire des recommandations au gouvernement pour que des cas soient traités en équité plutôt qu'en droit strict, ce qui pourrait entraîner une injustice pour un contribuable?
[Traduction]
M. Shepherd: Le protecteur du contribuable ferait rapport annuellement au Parlement; essentiellement, il ferait ressortir les catégories de problèmes qui se sont posés dans l'administration et proposerait des changements au système pour y remédier.
[Français]
M. Langlois: Si je comprends bien, le protecteur du contribuable ne serait pas une personne à laquelle on pourrait faire appel lorsque les décisions des cours de révision de l'impôt auraient donné tort à un contribuable. Ce dernier ne pourrait pas dire: «J'ai tort en droit, mais en équité, je demanderais au protecteur du contribuable de faire une recommandation», comme cela se fait au Québec, où le protecteur du citoyen recommande parfois au gouvernement de procéder en équité plutôt qu'en droit.
[Traduction]
M. Shepherd: Oui. Si vous lisez le projet de loi, vous verrez qu'il y est explicitement question du comportement du fisc en cas de vérification. Il s'agit de l'administration du système plutôt que d'une réinterprétation précise de la loi. Autrement dit, on y précise la façon d'exercer les pouvoirs qui sont conférés par la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment quand il est question de saisies et autres mesures négatives pour la perception des impôts.
Le problème, c'est que dans le cas d'un gros ministère comme Revenu Canada, qui a un mandat s'étendant à l'ensemble du pays, il arrive invariablement que le filet se resserre sur des gens qui n'étaient pas censés être visés. À mon sens, c'est essentiellement l'objet de ce projet de loi: quel recours ont les Jane de ce monde, qui, de toute évidence, ne peuvent pas se permettre de retenir les services d'un avocat? Dans ces cas, on pourrait s'écarter du système normal pour faire appel à un protecteur qui examinerait le dossier et se demanderait sans doute si les mécanismes d'application de la loi déclenchés par Revenu Canada sont justes et raisonnables dans les circonstances.
[Français]
M. Langlois: À l'article 2 du projet de loi, il semble y avoir une divergence entre la version anglaise et la version française. Dans la version anglaise, on dit que la personne qui est nommée l'est par le gouverneur général sous le grand sceau du Canada «on the recommendation of the Senate and the House of Commons». Donc, il doit y avoir une recommandation. Quant à la version française, elle dit que la personne est nommée après consultation et non pas sur l'avis de la Chambre des communes et du Sénat.
Selon vous, la nomination doit-elle être faite avec le consentement de la Chambre des communes et du Sénat ou après que la Chambre des communes et le Sénat ont été consultés?
[Traduction]
M. Shepherd: Je suppose qu'on ferait cela après avoir consulté le Sénat et la Chambre des communes.
M. Langlois: On peut consulter la Chambre, avoir un mauvais conseil et nommer une personne, mais cela n'est pas possible dans la version anglaise. Il faut avoir une recommandation des deux Chambres. C'est peut-être une question de sémantique, mais enfin je pose la question.
M. Shepherd: Franchement, je devrai prendre note de votre question et vous répondre plus tard, car je ne suis pas sûr de bien comprendre ce qui vous préoccupe.
[Français]
M. Langlois: La traduction pourrait peut-être m'aider. Dans la traduction, voyez-vous une différence entre «sur la recommandation du Sénat et de la Chambre» et «consultation» en français? Comme on me dit qu'il y a une petite nuance, je me contenterai de soulever cette petite question.
Merci, monsieur Shepherd, et merci beaucoup à la traduction.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Loney.
M. Loney: Monsieur Shepherd, je cite la page 2 de votre exposé:
- Mon projet de loi limiterait les modifications à la loi de manière que chaque modification ne
pourrait toucher plus de 1 p. 100 des contribuables et que l'ensemble des modifications
apportées chaque année ne pourraient toucher plus de 3 p. 100 des contribuables. Les refontes
en profondeur ne pourraient avoir lieu qu'à tous les 10 ans.
M. Shepherd: En fin de compte, cette incertitude est créée par le gouvernement. Je pense que l'on injecterait une bonne dose de certitude dans notre économie si les gens savaient quelles sont les règles et avaient une certaine assurance que celles-ci demeureraient les mêmes pour, disons, les10 prochaines années.
Je suppose qu'en fin de compte, mon propos pourrait se résumer ainsi: au lieu d'avoir un système de perception d'impôt tout à fait aléatoire, nous devrions avoir une certaine certitude. D'une certaine manière, nous le faisons déjà. De façon générale, c'est un processus réfléchi, et nous procédons habituellement à une refonte du régime fiscal à tous les 10 ans, bien que ce ne soit pas gravé dans le marbre et que cela dépende des circonstances. L'objectif est de donner aux contribuables un certain degré de certitude. Si les gens pouvaient savoir au moins quels seront leurs taux marginaux...
Je vais vous donner un exemple. Aujourd'hui, les gens voient que 92 p. 100 de leur revenu disponible après impôt est affecté au service de la dette. De façon générale, il y a énormément d'incertitude au sujet du régime fiscal. Je dis que nous pourrions au moins donner aux gens une indication. On ne dira pas qu'on ne va jamais éliminer vos taxes, mais que dans le cadre d'un certain régime nous allons vous permettre de comprendre un petit peu mieux.
Dans leur vie quotidienne, les gens doivent subir des bouleversements constants; c'est comme un tour de montagnes russes, et c'est en partie dû à la Loi de l'impôt sur le revenu. On ne sait pas ce qui va nous arriver l'année prochaine ou l'année d'après. En fait, bien des dirigeants de petites entreprises pourraient vous dire qu'ils remarquent que les gens cessent d'acheter, cessent de consommer deux mois avant le budget parce qu'ils n'ont pas la moindre idée des répercussions qu'aura ce budget sur leur vie quotidienne. Je pense que cela aiderait si nous avions en place une loi quelconque qui leur donnerait au moins un certain degré de certitude.
En outre, si les gens sont tellement négatifs au sujet de l'impôt sur le revenu, c'est parce qu'ils croient et sont amenés à croire que c'est un système extrêmement lourd, qui prend beaucoup de temps et qu'ils n'arrivent tout simplement pas à comprendre. L'une des raisons pour lesquelles ils ne le comprennent pas, c'est qu'on le manipule presque chaque semaine en changeant les pratiques administratives et la loi.
Je me rappelle que quand je pratiquais mon métier, chaque semaine je recevais une pile épaisse comme cela de modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu. Quand on crée une telle incertitude relativement à la loi et un régime aussi aléatoire, personne n'y comprend plus rien, y compris les fiscalistes.
Pourquoi faisons-nous toutes ces modifications? Sont-elles nécessaires? Je soupçonne que si l'on installait un cadre pour régir tout cela et si l'on disait: «Non, vous ne pouvez pas faire cela», ou encore: «Vous devrez attendre 10 ans avant d'apporter des modifications en profondeur», alors on aurait davantage de clarté dans le système par rapport à la situation actuelle.
La présidente: Monsieur Stinson.
M. Stinson: Pas de questions.
La présidente: Merci beaucoup, Alex.
Dale Johnston, vous avez cinq minutes pour faire votre exposé.
M. Dale Johnston, (député de Wetaskiwin): Je suis certain que ce sera amplement suffisant.
Ma motion porte le numéro M-154: Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement doit appuyer le droit de tous les demandeurs d'emploi d'être évalués uniquement en fonction de leur mérite propre.
Pour commencer, je voudrais dire que je crois en l'équité. L'équité est une qualité tout à fait admirable qu'il faut rechercher et que j'appuie sans réserve.
À titre de critique du Parti réformiste pour les questions relatives au travail, j'ai eu l'occasion de rencontrer des cadres et des travailleurs dans des secteurs de réglementation fédérale qui m'ont dit qu'ils ne veulent pas de quotas d'embauche. Les travailleurs veulent que les chances soient égales pour tous et que les possibilités d'avancement soient en fonction de leurs connaissances, de leurs compétences et de leur mérite. Quant aux gestionnaires, ils veulent les personnes les plus qualifiées pour combler les postes vacants dans leurs organisations.
C'est déjà assez difficile de diriger une entreprise dans la conjoncture économique actuelle sans y ajouter le fardeau d'une réglementation gouvernementale qui vous impose des choix quant à l'embauche.
La concurrence entre les candidats à des postes fondée sur le principe du mérite est la clé pour instaurer à la fois l'égalité et la productivité.
Le projet de loi C-64, qui a été adopté à la Chambre pendant la dernière session, a été présenté comme une garantie que les employeurs des secteurs public et privé seraient en mesure de puiser dans les talents et les compétences de l'ensemble des Canadiens. Je soutiens qu'en cette époque de progrès technologique et pédagogique les demandeurs d'emploi devraient être évalués en fonction de leurs qualités correspondant à l'emploi, et non pas d'après leur sexe ou leur race, ou la présence ou l'absence d'un handicap physique.
Les programmes d'équité en matière d'emploi nuisent aux groupes désignés qu'ils cherchent à aider, parce que de tels programmes sont fondés sur une présomption d'infériorité sexuelle ou raciale. Aucun employé ne veut être connu comme le représentant symbolique d'un groupe désigné.
La grande majorité des Canadiens sont contre les programmes d'équité en matière d'emploi. Dans un sondage Gallup de décembre 1993, 74 p. 100 des répondants ont dit que les qualités du candidat devraient être le seul critère d'embauche pour des postes de cadre. La même année, Decima Research a effectué une étude qui a permis de conclure que les lois relatives aux pratiques d'embauche suscitaient une forte opposition. En 1995, les électeurs de l'Ontario ont élu un parti qui avait promis de se débarrasser des lois sur l'équité en matière d'emploi.
Je crois que la motion M-154 correspond aux critères de sélection des affaires devant faire l'objet d'un vote, critères qui ont été établis au comité des affaires émanant des députés de 1987, parce que c'est une question controversée d'intérêt national.
En 1993, le vérificateur général a dit que l'ancienne loi qui avait été adoptée en 1986 devrait faire l'objet d'un réexamen avant qu'une nouvelle loi soit présentée. Cela n'a pas été fait avant la présentation du projet de loi C-64.
Toute loi sur l'équité en matière d'emploi foule aux pieds les droits fondamentaux de la personne.
Ma motion ne porte absolument pas sur les limites des circonscriptions électorales.
La motion est claire et simple, son intention est évidente, et elle n'exige aucun amendement.
Il est improbable que cette affaire figure au programme du gouvernement pendant la présente session du Parlement, et la question nécessite un nouveau débat, puisque l'adoption du projet de loi C-64 a été marquée par des irrégularités. Je dis cela parce que je crois que seulement quatre des cinquante témoins proposés par le Parti réformiste ont pu témoigner et parce qu'à l'étude article par article le débat a été limité à cinq minutes par article.
Cette affaire devrait être prioritaire parce que le gouvernement ne proposera probablement aucun changement à la Loi sur l'équité en matière d'emploi et que les Canadiens veulent un changement. Il important que la volonté des Canadiens soit faite dans ce dossier.
Ma motion n'est pas contraire à l'esprit de la réforme des affaires émanant des députés.
La motion n'est pas inconstitutionnelle et n'empiète pas sur les compétences provinciales.
Ce n'est pas une atteinte aux droits fondamentaux de la personne.
La question n'a pas fait l'objet d'un vote et n'a pas été étudiée à la Chambre pendant l'actuelle session de la Chambre.
La présidente: Merci.
Des questions?
C'était un exposé très clair.
M. Johnston: Merci beaucoup, madame la présidente. La concision est le fondement de... je ne sais plus trop quoi.
La présidente: Monsieur Williams.
Notre réunion commence à ressembler à un caucus réformiste.
M. John Williams, (député de St-Albert): N'est-ce pas formidable?
La présidente: Vous avez cinq minutes pour faire votre exposé. J'espère qu'il sera aussi clair que le précédent et qu'il n'y aura pas de questions.
M. Williams: Je suis sûr que ce sera le cas, madame la présidente.
C'est un plaisir pour moi de comparaître devant le comité pour demander que ma motion M-166 soit acceptée comme une affaire devant faire l'objet d'un vote. C'est une question d'intérêt national, si je peux utiliser cette expression, parce qu'il s'agit de ce que j'appellerais le bon gouvernement du Canada.
Je demande que le rapport du vérificateur général soit automatiquement renvoyé aux divers ministères sur lesquels il exprime une opinion et que ceux-ci soient tenus de faire parvenir à la Chambre une réponse au vérificateur général. Le Comité des comptes publics n'a pas le temps de se pencher sur chaque question soulevée par le vérificateur général.
Le vérificateur général du Canada est un haut fonctionnaire de la Chambre des communes; il ne fait pas partie de la fonction publique. Il fait maintenant rapport au moins trois fois par année, faisant part aux parlementaires et aux Canadiens de ses questions et préoccupations relativement aux dossiers dans lesquels il a fait enquête. Ne perdons pas de vue qu'il fait rapport aux parlementaires. Essentiellement, ses rapports sont renvoyés au Comité des comptes publics, et les membres de ce comité se penchent sur la question, examinent de plus près certaines rubriques et font rapport à la Chambre. Mais ils ne peuvent pas tout étudier.
Si nous voulons boucler la boucle de la reddition de comptes, nous devons demander que les ministères répondent aux parlementaires au sujet des questions soulevées par le vérificateur général. C'est tout ce que nous demandons dans la motion 166, de boucler la boucle de la reddition de comptes.
Le vérificateur général nous dit à nous, parlementaires, qu'il a des préoccupations, et nous, nous laissons tomber l'affaire, à moins que nous n'adoptions la motion 166. Compte tenu de l'état actuel de nos finances, à un moment où il faut rendre compte de chaque dollar et que le ministre des Finances demande que l'on ne perde pas une occasion de réduire le gaspillage, il me semble que si le vérificateur général constate qu'il y a gaspillage ou mauvaise gestion ou mauvaise reddition de comptes, ou quoi que ce soit d'autre qui cloche, et s'il nous dit à nous, parlementaires, que c'est ce qu'il a constaté, alors, sûrement, nous pouvons et nous devons exiger des ministères qu'ils nous fassent part de leur version des faits et nous disent comment ils comptent remédier au problème, ou bien s'ils sont d'accord ou non avec le vérificateur général et quelles mesures ils prennent généralement à ce sujet.
Voilà donc l'intention de la motion 166, qui réclame que l'on boucle la boucle de la reddition de comptes en demandant aux ministères de répondre et de déposer un rapport, par l'intermédiaire de leur ministre, à la Chambre des communes, en réponse aux préoccupations soulevées par le vérificateur général. Voilà donc essentiellement de quoi il retourne, madame la présidente.
Voyons maintenant les autres points que l'on est censé aborder, comme on nous demande de le faire dans le Guide pratique des affaires émanant des députés. Je pense que les rubriques deux, trois et quatre ne s'appliquent pas. Quant au numéro cinq, il s'agit d'une affaire nouvelle et bien précise. Relativement au numéro sept, comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois qu'il est important que nous examinions cette question, compte tenu de la conjoncture.
Pour terminer, donc, je rappelle ce qu'a dit le président du Conseil du Trésor le 10 novembre 1995 au moment où il déposait devant la Chambre des communes le rapport intitulé «Pour une fonction d'examen plus efficace»:
- Dans une perspective plus générale, ce document fait également état de notre engagement
- - c'est-à-dire de l'engagement du gouvernement -
- à remplir les promesses électorales faites aux Canadiens et aux Canadiennes. Nous avons assuré
les contribuables que le gouvernement deviendrait plus efficace et qu'il coûterait moins cher.
Il a ensuite ajouté:
- Comme le vérificateur général l'a fait remarquer en 1993, le système de rétroaction du
gouvernement ne fonctionne pas toujours comme il le devrait.
Et, pour citer à nouveau le président du Conseil du Trésor:
- Il est possible de s'améliorer encore et nous avons pris l'engagement de le faire.
J'estime que la motion 166 peut contribuer beaucoup à faire en sorte que le Parti réformiste collabore avec le Parti libéral pour régler une grave question en matière de responsabilité gouvernementale et améliorer le fonctionnement du gouvernement de manière à nous permettre de fournir aux Canadiens les résultats qu'ils souhaitent.
Merci.
La présidente: Impressionnant.
M. Williams: Merveilleux.
La présidente: Y a-t-il des questions? Non? Excellent.
Merci, monsieur Williams.
M. Williams: Merci.
La présidente: Monsieur Grubel, si vous pouvez poursuivre dans la même veine, nous allons pouvoir partir avant minuit, et M. Hermanson m'épargnera. Il a attendu très longtemps hier, et il attend encore aujourd'hui.
M. Herb Grubel, (député de Capilano - Howe Sound): Puis-je commencer?
La présidente: Oui, vous le pouvez. Veuillez ne pas oublier que vous disposez de cinq minutes.
M. Grubel: Madame la présidente, il y a de cela quelques années, lorsque j'étais universitaire, j'ai publié à l'Institut C.D. Howe un article au sujet de mon projet de loi d'initiative parlementaire, à savoir l'interdiction des déficits et la limitation des niveaux de dépense du gouvernement. Les recherches que j'ai effectuées dans le cadre de ce projet m'ont fait déboucher sur deux nouvelles perspectives concernant la nature du Parlement et des dépenses gouvernementales. J'aimerais vous les faire connaître aujourd'hui, puisque j'estime qu'elles sont liées de très près à la valeur de mon projet de loi et à votre décision de consentir à ce qu'il soit acheminé vers la Chambre pour la deuxième lecture et un débat.
Ma première observation a trait au fait que toutes les démocraties modernes imposent des limites à la souveraineté des assemblées législatives pour ce qui est d'adopter des lois qui limitent les libertés individuelles fondamentales. Au Canada, nous avons la Charte des droits et libertés. Tout comme les dispositions comparables qui existent ailleurs, elle vise à protéger le régime démocratique et les particuliers des effets de lois adoptées par des majorités qui cherchent à se procurer des avantages politiques à court terme. Or, l'histoire a démontré, selon moi, qu'il est tout aussi nécessaire de limiter la souveraineté financière du Parlement. Les déficits et la dette accumulée des deux dernières décennies témoignent de cette nécessité.
Pourquoi imposer maintenant de telles limites et ne pas l'avoir fait auparavant, me demanderez-vous? La réponse se trouve dans une deuxième idée qu'ont proposée récemment des experts en sciences sociales. Selon l'optique proposée, une bonne partie des dépenses gouvernementales visent à acheter les votes de groupes d'intérêts particuliers, qui sont disposés à donner leurs votes en fonction des avantages considérables qu'ils retirent. Le coût de ces avantages est minime pour chacun des électeurs restants, et ces derniers n'ont aucune raison précise de s'opposer à de telles dépenses faites en fonction d'intérêts particuliers et aux politiciens qui en sont à l'origine. Aspect important, l'essentiel des coûts des déficits attribuables à ce genre de dépenses est imposé à des Canadiens qui ne sont pas encore nés, qui ne votent pas et qui ne sont pas en mesure de se défendre.
L'un de mes amis et collègues, James Buchanan, s'est vu attribuer un prix Nobel pour avoir étoffé cette idée, qui est désormais largement acceptée et qui constitue la base de mes propres inquiétudes concernant la taille du gouvernement.
La plupart des dépenses qui visent les intérêts de groupes particuliers ne servent pas l'intérêt public au sens large. Ce sont les coûts accumulés de telles dépenses qui expliquent la crise financière actuelle. Comme l'a dit quelqu'un, les dépenses qui favorisent des groupes d'intérêts particuliers constituent le talon d'Achille de la démocratie. Si le problème a pris une telle ampleur au cours des dernières décennies, c'est que l'avènement des technologies de communication modernes ont rendu les groupes d'intérêts, même les plus petits, plus efficaces sur le plan de l'organisation.
Mon projet de loi contraindrait le gouvernement à équilibrer son budget chaque année et exigerait que toute augmentation des dépenses soit limitée aux taux d'inflation et de croissance démographique. Si ces exigences n'étaient pas respectées, les députés ayant voté en faveur du budget se verraient imposer une amende. Leur rémunération serait réduite d'un montant égal au pourcentage des dépenses que représenterait le déficit ou au pourcentage du taux de croissance maximum des dépenses que représenterait tout dépassement, multiplié par cinq, un certain maximum étant toutefois prévu.
Je n'aborderai pas ici certaines autres dispositions du projet de loi. J'ai cependant demandé à quelqu'un de vous en distribuer un bref aperçu: il s'agit notamment de la nécessité d'un compte annuel pour imprévus; de conditions particulières qui autoriseraient le gouvernement à passer outre aux interdictions et selon lesquelles les députés ne verraient pas leur rémunération réduite; du plafonnement des amendes imposées aux députés; et d'autres mesures visant à empêcher le gouvernement d'acheter des votes de façon indirecte.
Les projets de loi qui interdisent des déficits et limitent les dépenses sont jugés essentiels par bon nombre de personnes, qui estiment que déficit et accumulation de dettes, comme on l'a constaté récemment, vont nécessairement de pair avec la liberté totale de dépenser dont jouit le Parlement. Voilà pourquoi de telles mesures ont été adoptées par la plupart des assemblées législatives du Canada.
D'autres estiment par contre que de telles mesures sont peu pratiques et sont déstabilisatrices. Il me semble que notre Parlement aurait grand avantage à en étudier attentivement le pour et le contre. C'est ce qui se passerait si le projet de loi était déposé devant la Chambre et faisait l'objet d'un débat libre. J'espère que vous rendrez possible un tel débat en décidant de donner suite à ce projet de loi.
Je vous remercie de votre attention.
La présidente: Des questions? Il n'y en a pas. Je vous remercie.
M. Grubel: Merci.
La présidente: Monsieur McTeague.
[Français]
M. Dan McTeague (député d'Ontario): Je voudrais commencer par vous présenter une petite photo.
[Traduction]
Madame la présidente, je suis heureux de comparaître devant vous à nouveau. Bien que mon projet de loi antérieur, le projet de loi C-353, soit malheureusement mort au Feuilleton à cause de la prorogation, je suis soulagé de constater que le même projet de loi vous a été présenté à nouveau sous l'appellation C-202.
Mon projet de loi vise essentiellement à faire reconnaître la Journée nationale des dons d'organes, qui serait célébrée le 21 avril de chaque année. La mesure s'inspire de l'idée d'un tableau d'honneur. Elle correspond également à la nécessité de sensibiliser le public.
J'ai déjà eu l'occasion de vous souligner à tous, sauf à l'un d'entre vous peut-être, l'importance de ce projet de loi. Il vise à créer un point d'ancrage nécessaire par rapport aux besoins des 3 000 personnes ou plus qui, à un moment donné de leur vie, ont besoin de recevoir un organe. Chaque année, environ 10 p. 100 seulement des gens sont en mesure de faire un don d'organe et environ10 p. 100 de ceux qui auraient besoin d'un tel don peuvent en bénéficier. Par conséquent, les besoins sont très considérables et touchent un grand nombre de personnes. En raison d'un manque de coordination et d'un manque de sensibilisation du public et parce que le gouvernement fédéral n'invite pas les divers partenaires à s'asseoir autour d'une même table, nous constatons que le don d'organe n'est tout simplement pas à la portée de la plupart des gens.
Je cite le cas d'un de mes anciens électeurs. Il s'appelle Stuart Herriot, et il est mort le 21 avril 1994. M. Herriot a succombé aux blessures qu'il a subies quand le hayon de la fourgonnette où il prenait place s'est accidentellement ouvert. Plusieurs de ses organes ont été donnés à des enfants, à l'hôpital pour enfants.
Pour moi, cet exemple justifie toute l'importance que j'attache à ce projet de loi. Il prouve que toute tragédie peut avoir du bon, dans la mesure où les gens font preuve de solidarité.
Ainsi, je demande à votre comité et au Parlement d'étudier la possibilité d'adopter une mesure législative qui rendrait hommage à tous ceux qui, à leur mort, ont fait don de leurs organes pour que d'autres puissent vivre.
La mesure permettra peut-être également - et j'y ai d'ailleurs travaillé avec bon nombre de mes collègues provinciaux - de faire en sorte qu'on accorde beaucoup plus d'importance à la carte ou au fameux formulaire qui figure à l'endos du permis de conduire - c'est le cas dans certaines provinces, mais pas dans d'autres - , pour que les gens soient conscients de la possibilité de sauver des vies.
Le temps est un facteur critique, mais les efforts de vulgarisation le sont également. Voilà pourquoi ce projet de loi vise à sensibiliser la population, de telle sorte que les gens sachent que leur passage dans l'autre monde peut permettre à d'autres de survivre.
Depuis le dépôt du projet de loi, que votre comité a approuvé - un rendez-vous manqué en quelque sorte, et de peu - de nombreux groupes ont communiqué avec des députés de toutes allégeances. Voilà justement un aspect que je tiens à souligner: il s'agit d'une question qui, pour tous les députés, transcende l'esprit de parti.
Prenons, par exemple, la Fondation des maladies du coeur du Canada, la Fondation canadienne du rein, l'Association pulmonaire du Canada et l'Institut national canadien pour les aveugles. Bon nombre de ces organisations ont pris la peine de faire valoir la nécessité de ce projet de loi. Il ne s'agit pas simplement d'une mesure par laquelle nous nous réjouirions du fait que certaines personnes font un don qui permet à d'autres de vivre.
Le projet de loi est conçu de telle sorte qu'il permet, grâce aux divers moyens de communication qui sont à notre disposition, de reconnaître l'importance du don d'organes pour notre société. Il s'agit également de montrer que nous pouvons tous ensemble, de façon unanime, comme parlementaires, comme société, faire preuve de sollicitude.
J'exhorte donc le comité à confirmer sa décision antérieure en donnant suite à ce projet de loi. Tout en reconnaissant la valeur des projets de loi que présentent bon nombre de mes collègues, j'estime que celui qui est devant vous correspondrait nettement au rôle de votre comité, à savoir celui de retenir des projets de loi qui ont une importance pour l'ensemble des Canadiens, quels que soient leur sexe, leur race ou la région d'où ils viennent.
[Français]
Si vous avez des questions concernant mon projet de loi, je suis disponible pour quelques minutes.
[Traduction]
La présidente: Y a-t-il des questions? Monsieur Stinson.
M. Stinson: On a déjà répondu à mes questions. Je n'ai pas à vous préciser mes états d'âme au sujet de ce qui se passe ici.
La présidente: Depuis votre dernière comparution, j'ai réussi à mettre la main sur mon permis de conduire et j'ai signé l'endos.
M. McTeague: Voilà qui est encourageant.
La présidente: Il a été égaré durant trois mois.
M. McTeague: Madame la présidente, si nous pouvions convaincre les 294 autres députés d'en faire autant, nous pourrions peut-être doubler le nombre de personnes qui font des dons d'organes.
La présidente: J'ai convaincu toute ma famille de le faire; nous sommes donc quatre.
M. McTeague: Merci.
La présidente: Heureusement, je n'ai pas été interpellée sans avoir mon permis de conduire.
Monsieur Hermanson, l'homme le plus patient de la Colline.
M. Stinson: Je croyais mériter cet honneur.
M. Elwin Hermanson, (député de Kindersley - Lloydminster): Chaque fois que je comparais devant votre comité - et ce n'est que la deuxième - je me félicite de ne pas être à votre place, vous qui avez la tâche peu enviable de devoir accorder toute l'attention voulue à diverses questions en sautant constamment du coq à l'âne.
Si je suis ici, c'est pour présenter la motion M-176, que j'avais déposée au cours de la dernière session, avant la prorogation. J'avais soutenu à l'époque qu'elle devrait faire l'objet d'un vote. Dans votre sagesse, vous ne l'avez pas jugé opportun, je crois, mais il me semble que les événements récents confirment son importance.
Selon ma motion, la Chambre doit favoriser un contexte où les producteurs agricoles prendraient eux-mêmes leurs décisions en matière de commercialisation de leurs produits.
Je sais qu'il existe toute une série de critères qui vous permettent de décider si un projet de loi ou une motion devrait pouvoir faire l'objet d'un vote. Je sais également que cette motion correspond à tous les critères qui vous concernent. Je ne vais pas tous les énumérer, puisque la plupart d'entre eux ne sont même pas pertinents. Par contre, je tiens à vous signaler que l'enjeu de la motion est d'une actualité brûlante dans les milieux agricoles, non seulement dans les Prairies, où c'est certainement le cas, mais également en Ontario, dans l'Atlantique et dans le Sud-Ouest de la Colombie-Britannique, où le régime de gestion de l'offre prédomine dans les activités agricoles.
Depuis ma dernière comparution devant vous, nous avons pris connaissance des résultats d'une enquête commanditée par la province de la Saskatchewan, résultats selon lesquels 58 p. 100 des producteurs de cette province disent croire que la participation à la Commission canadienne du blé devrait être rendue facultative. C'est toute une révolution dans ma province. Voilà une information extrêmement importante qui vient s'ajouter aux raisons pour lesquelles cette question doit faire l'objet d'un débat à la Chambre des communes.
Depuis la dernière fois que je vous ai parlé, le gouvernement américain a mis dans le collimateur le secteur de la gestion de l'offre. Évidemment, il nous vient des bruits plutôt étranges du sud de la frontière dans le contexte des élections primaires préparatoires à l'élection présidentielle.
Ainsi, un tribunal composé de deux Américains et de deux Canadiens et présidé par un Britannique cherche à déterminer si le Canada est justifié d'imposer des droits tarifaires sur les produits sous gestion de l'offre. Les délibérations du tribunal échappent tout à fait aux producteurs, mais ces derniers devront vivre avec les résultats de la décision.
Ceux qui participent au secteur agricole ne sont pas sans savoir, en effet, que bon nombre des décisions en matière de commercialisation leur échappent. Voilà un aspect qui les inquiète beaucoup.
J'ai parlé d'un débat qui fait rage dans tout le pays. On en parle aussi bien dans les Prairies que dans les localités rurales du sud de l'Ontario, des Maritimes et du sud-ouest de la Colombie-Britannique.
La Chambre des communes est le seul endroit où on n'en a pas parlé beaucoup. Je crois qu'il nous incombe - nous le devons au secteur agricole - de tenir un débat de fond sur une motion pouvant faire l'objet d'un vote à la Chambre des communes et portant sur l'opportunité de faire en sorte que les producteurs agricoles soient maîtres de leurs décisions en matière de commercialisation de leurs produits.
À cet égard, certains aspects leur échappent, mais d'autres sont tout à fait à leur portée, si l'on fait abstraction du rôle du gouvernement. En effet, le gouvernement a eu un rôle à jouer en matière de gestion de l'offre, mais la situation évolue. Le gouvernement a joué un rôle primordial dans la commercialisation des céréales de l'Ouest par le truchement de la Commission canadienne du blé, un organisme qui, à l'heure actuelle, fait l'objet d'un examen très rigoureux.
Par conséquent, étant donné qu'il s'agit là d'une question d'importance nationale qui suscite un débat parmi les Canadiens mais qui n'a pas été sérieusement abordée à la Chambre des communes, je vous exhorte à nouveau à faire de ma motion M-176 une motion pouvant faire l'objet d'un vote.
Une fois de plus, je vous remercie d'avoir pris la peine d'écouter mes arguments.
La présidente: Je vous remercie d'avoir patienté en attendant votre tour hier et aujourd'hui.
Y a-t-il des questions?
En passant, pour ceux qui ont des problèmes d'attention, il est formidable de pouvoir aborder une cinquantaine de sujets par jour. J'adore cela.
M. Hermanson: Vous vous tirez bien d'affaire.
La présidente: Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (député d'Hochelaga - Maisonneuve): C'est la troisième fois que j'ai le plaisir de comparaître devant vous. Donc, le hasard est favorable à mes initiatives. Cependant, cela ne s'est pas toujours soldé par un projet de loi votable.
Le projet de loi que je propose aujourd'hui fait référence à ce qui est survenu en août dernier dans mon quartier, où la lutte à laquelle se sont livrées des bandes de motards criminalisées, tels les Hell's Angels, a provoqué la mort d'un jeune garçon de 11 ans. À la suite de cet incident, on s'est demandé si le Canada ne devait pas se doter d'une loi antigang.
Les consultations que j'ai faites et les réflexions que j'ai menées m'amènent à proposer aujourd'hui que nous ayons un débat sur cette question au Parlement. Le projet de loi que je propose, s'il était adopté, contiendrait les principales dispositions d'une loi antigang comme celle que réclament les principaux chefs de police du Canada, d'un océan à l'autre. Pour l'essentiel, on y propose trois choses.
D'abord, on propose de créer une nouvelle infraction, celle de vivre des produits d'une organisation criminelle, et on propose de définir ce qu'est une organisation criminelle. On définit une organisation criminelle comme étant tout groupe d'individus qui s'adonne à des activités qui le mettent en conflit sérieux avec la société et les forces de l'ordre. C'est une première définition qui, me semble-t-il, devant un magistrat le moindrement sérieux et expérimenté, ne prêterait pas flanc à des abus et à des pratiques de l'ordre de l'arbitraire, comme chacun des membres ici présents souhaite en prémunir la société. On y propose également, s'inspirant d'une disposition du Code criminel déjà existante, qu'en plus de cette définition, on prenne en considération, à l'intérieur d'une organisation criminelle potentielle, cinq individus qui ont commis des infractions de criminalité organisée, ce qui existe déjà dans le Code criminel depuis l'adoption, par la précédente administration, du projet de loi C-61.
En fait, la grande originalité de mon projet de loi, en plus de proposer une définition qui, je crois, est respectueuse des libertés les plus élémentaires sur le plan de la jurisprudence, est de permettre à la magistrature, à la Couronne d'appréhender des criminels qui, jusqu'ici, ont été hors circuit.
Il faut bien voir que le projet de loi répond à la nécessité d'appréhender les têtes dirigeantes du crime organisé. On a actuellement des outils législatifs qui nous permettent d'arrêter les criminels plus subalternes, mais on n'a pas de dispositions dans le Code criminel qui nous permettent d'arrêter les gens qui donnent les ordres, puisque le Code criminel est ainsi libellé qu'il faut avoir une preuve hors de tout doute.
On sait que les gens qui exécutent et les gens qui donnent les ordres ne sont pas les mêmes. Mon projet de loi propose des présomptions qui pourraient être renversées, mais aussi utilisées par la Couronne.
Il y en a trois. Une première dit que lorsqu'on est réputé membre d'une organisation criminelle, on est réputé en vivre. Une deuxième dit que si un individu, sur la base des données fiscales qu'on est à même de vérifier depuis C-61, entre le moment où il a été appréhendé et le moment où il a commis l'acte répréhensible, s'est enrichi indûment, cela pourrait être pour la Couronne une présomption qui pourrait démontrer qu'il peut vivre du crime organisé ou des produits d'une organisation criminelle. La troisième dit qu'un individu dont on a des raisons de penser qu'il fréquente ou qu'il est réputé fréquenter les bunkers ou autres lieux assimilés à des organisations criminelles, serait réputé vivre des produits d'une organisation criminelle.
Donc, c'est un projet de loi très important. On me rappelait aujourd'hui que le chef de police de Toronto avait fait une déclaration au Globe and Mail dans laquelle il disait craindre que ce qui s'est passé chez moi, à Montréal, ne survienne cet été, puisque les affrontements entre criminels organisés en vue d'avoir un territoire accru pour y écouler des stupéfiants sont loin de se résorber. C'est un problème qui n'est pas que québécois.
J'ai une préoccupation en tant que député montréalais, mais il existe présentement une association qui regroupe les chefs de police de ce pays. De Vancouver en passant par Calgary, Toronto, Montréal et même les provinces Maritimes, la question se pose avec une acuité réelle.
J'ai confiance que vous partagerez mon sentiment d'urgence et que vous m'accorderez votre confiance pour ce qui est d'un vote.
Le président: Monsieur Langlois.
M. Langlois: Monsieur Ménard, j'ai lu attentivement votre projet de loi et vous savez que je m'intéresse aussi à ces questions. On a tous, en tant qu'êtres humains et individus, des valeurs et, en tant que députés, les valeurs de notre milieu transcendent parfois les nôtres, ce qui est tout à notre honneur.
Dans votre projet de loi, vous avez établi des présomptions. Avant, après ou pendant votre réflexion, vous êtes probablement arrivé à la conclusion que dans les deux derniers articles, il fallait que vous écartiez et la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne de 1960 pour avoir la certitude que cette loi ne succombe pas devant un test constitutionnel.
Comme ce serait la première fois dans l'histoire du Parlement fédéral canadien qu'on utiliserait la clause dérogatoire de l'article 31, j'aimerais que vous m'expliquiez brièvement - je sais que vous avez un grand don de concision - ce qui vous a amené, vous personnellement, en tant que député d'Hochelaga-Maisonneuve et aussi comme individu, à vous dire à un moment donné qu'il fallait que certains droits l'emportent sur les autres. Il y a une gradation là-dedans. Qu'est-ce qui fait que les droits garantis par la Charte doivent maintenant céder le pas à d'autres dans ce projet de loi? Ma question porte uniquement là-dessus.
M. Ménard: On sait bien que je suis un démocrate et que je suis un démocrate rose en plus, imaginez. Je me suis sérieusement interrogé là-dessus. Je me suis dit qu'il fallait faire oeuvre sérieuse en présentant un projet de loi. Dans les consultations que j'ai menées, j'ai rencontré trois groupes d'individus. J'ai rencontré des criminalistes, des chefs et des avocats procureurs de la Couronne.
Les trois groupes ont été unanimes à dire que ces dispositions, telles qu'elles sont libellées sur le plan juridique, contreviennent à l'alinéa 11d) de la Charte, celui qui parle de la présomption d'innocence. Cependant, il m'apparaît très évident qu'il y a des moments, dans une société, où il faut se poser la question: Les Canadiens et les Québécois ne sont-ils pas prêts à ce que leurs élus posent des balises pour limiter l'exercice de ce droit pour leur donner une sécurité accrue dans les rues, dans leur communauté, et enrayer ce fléau?
Je crois qu'on a le devoir de dire qu'il ne peut y avoir une loi antigang, avec les objectifs auxquels on souscrit, sans une limitation de l'exercice de ce droit. Cependant, nous proposons que les trois présomptions auxquelles vous avez fait allusion se posent dans le cadre de l'administration de la justice et des principes de justice naturelle, où les individus ont un procès et savent pourquoi ils sont appréhendés, et où la preuve peut être réfutée.
Un avocat, qui est de la partie adverse et qui représente l'intimé, pourrait très bien faire en sorte que la présomption évoquée par la Couronne tombe faute de preuve adéquate. Donc, le jeu de la justice, le droit d'être représenté et le droit concernant l'administration de la preuve vont s'appliquer clairement. Vous savez que, s'agissant de la clause dérogatoire, elle ne peut s'appliquer que pour l'article 2 et les articles 7 à 14, qui sont les garanties juridiques pour une période de cinq ans.
Donc, comme législateurs, donnons-nous les moyens d'enrayer un fléau qui n'est pas en voie de se résorber. Donnons-nous les moyens de le faire dans un cadre se rapprochant le plus possible des principes de l'administration de la justice. Dans cinq ans, une fois qu'on aura contré ce fléau avec la collaboration des corps policiers et de la GRC, qui sont très préoccupés et qui sont regroupés dans un comité qui s'appelle le CAPLAM, le projet de loi sera alors renvoyé devant le comité qui devra en faire le bilan. J'ai pleine confiance que si nous donnons cet outil aux corps policiers du Canada, avec la GRC et les autres corps policiers concernés, on sera capable d'enrayer ce fléau parce qu'on aura les outils nécessaires.
J'ai rencontré la GRC et M. Sangollo à Montréal. Vous serez surpris d'apprendre que ces gens connaissaient les individus criminalisés. Ils savaient comment ils s'étaient enrichis. Ils connaissaient leurs profils d'intervention, leurs zones d'influence. Ce qui les empêche de les appréhender, c'est la nature de l'administration de la preuve. La nature de l'administration de la preuve ne doit pas nous faire courir le risque qu'un autre enfant meure dans les rues de l'une ou l'autre de nos communautés. Je ne crois pas que c'est ce que les Québécois et les Canadiens entendent par liberté.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Ménard.
Monsieur White.
M. Ted White, (député de North-Vancouver): Merci, madame la présidente.
La présidente: Je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y aura peut-être des questions...
M. White: Il y a tout d'abord un aspect à tirer au clair, madame la présidente. D'après mes documents, ma motion porte le numéro 143, mais je constate qu'on a donné le numéro 143 à celle de M. Stinson et qu'on a donné le numéro 141 à la mienne dans vos documents.
La présidente: Ce sont des choses qui arrivent.
M. White: Ma motion porte donc le numéro 143.
La présidente: Ça y est. Merci.
M. White: Excellent. Je me demandais si le problème était de mon côté ou de celui des documents.
La présidente: Vous devez toujours supposer qu'il est du nôtre.
M. White: D'accord.
La motion M-143 porte sur la Constitution, et je dois dire qu'elle arrive à point nommé. Il est prévu qu'elle pourra faire l'objet d'un débat à un moment donné au mois de mai, et il serait tout à fait utile que le gouvernement puisse se faire une certaine idée de l'opinion des députés en en faisant une motion pouvant faire l'objet d'un vote. Évidemment, l'examen constitutionnel sera amorcé l'an prochain, et, puisqu'il s'agit d'une question qui touche un aspect important de la Constitution, il serait avantageux pour le gouvernement de connaître l'opinion de ses députés.
La motion se lit comme suit:
- Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait appuyer l'élimination du paragraphe
15(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui est contraire au principe de l'égalité énoncé au
paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés, et que le gouvernement devrait favoriser
l'égalité en milieu de travail en mettant fin aux programmes d'embauche discriminatoire qui
sont le résultat de l'application de la notion de promotion sociale du paragraphe 15(2).
Nous savons tous que le paragraphe 15(2) a été prévu dans la Charte pour des raisons très valables, de manière à ce que cheminions vers l'égalité. Cependant, bien des gens considèrent aujourd'hui que cette disposition a plutôt pour effet d'aller à l'encontre d'un traitement équitable pour tous les Canadiens, sans égard à la race, au sexe ou à la religion.
Voilà une question d'envergure véritablement nationale. Elle doit faire l'objet d'un débat sérieux à la Chambre, et, dans l'intérêt de la démocratie, un tel débat doit être suivi d'un vote inscrit. La motion n'est discriminatoire à l'endroit d'aucune région du pays. Son sens et son objet sont fort clairs. Si les députés choisissaient de respecter la volonté des électeurs à cet égard, la motion serait facile à mettre en oeuvre. Elle est d'ailleurs libre de tout esprit de parti. Si un référendum était jugé nécessaire pour confirmer la volonté populaire au moment des prochaines élections, le coût en serait minime.
Le gouvernement n'a présenté aucun projet de loi à la Chambre sur cette question, et aucun projet de loi ou motion d'initiative parlementaire n'a été rédigé à ce sujet depuis les dernières élections.
La motion n'est pas anticonstitutionnelle, n'empiète pas sur le pouvoir législatif provincial et ne fait pas obstacle aux relations fédérales-provinciales ou aux relations internationales. De fait, elle aurait pour effet de favoriser les relations internationales, étant donné qu'un grand nombre d'autres pays, et tout particulièrement notre principal partenaire commercial au sud, ont désormais tendance à prendre leurs distances par rapport à ce genre de disposition. Bon nombre des programmes qui ont été lancés aux États-Unis dans le cadre de programmes de promotion sociale du même genre sont aujourd'hui déclarés anticonstitutionnels par les tribunaux.
Enfin, je tiens à faire savoir à titre de député que, selon moi, toute affaire émanant des députés devrait pouvoir faire l'objet d'un vote. Pour moi, il s'agit d'un principe de démocratie fondamental. Merci, madame la présidente.
Je puis faire circuler les notes que j'ai en main. Elles pourront vous être utiles plus tard.
La présidente: Les membres du comité ont-ils des questions?
M. White: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Solomon.
M. John Solomon, (député de Regina - Lumsden): Merci, madame la présidente, et merci à vous, distingués membres du comité. Je suis reconnaissant que vous acceptiez de m'entendre aujourd'hui. Étant à l'extérieur de la ville hier après-midi, je n'ai pas été en mesure de participer à la réunion.
Si je comparais devant vous aujourd'hui, c'est pour vous demander d'accueillir avec bienveillance mon projet de loi portant sur la création d'une commission d'examen des prix énergétiques, qui devrait pouvoir faire l'objet d'un vote à la Chambre des communes. Le projet de loi vise à assurer l'examen et la réglementation des prix de gros et de détail de l'essence. Il favoriserait une uniformité acceptable des prix d'une région à l'autre. La commission étudierait l'état de la concurrence pour faire en sorte que la détermination des prix de l'essence ne donne lieu à aucune collusion et elle empêcherait les fournisseurs dominants de fixer des prix déraisonnables.
À titre d'information supplémentaire, je vous rappelle que les prix de l'essence ont fluctué au cours des dernières années. Par ailleurs, les prix sont beaucoup plus élevés dans certaines régions que dans d'autres, abstraction faite des écarts de taxes provinciales.
Je vous donnerai l'exemple de la Saskatchewan, celui que je connais le mieux. La Saskatchewan assure 15 p. 100 de la production pétrolière totale du Canada. L'exploration, la production, le raffinage et la transformation se font en Saskatchewan. Or, compte tenu des écarts attribuables à la taxe provinciale, le prix de l'essence est plus élevé en Saskatchewan que, par exemple, en Ontario. Même s'il est nécessaire de payer un peu plus.
Le président: Je n'y vois aucun problème.
M. Solomon: Je le sais. Je cite simplement un exemple de ce qui se passe d'une région à l'autre. Tout le monde sait que lorsqu'une station augmente ses à Toronto, toutes les autres suiventen l'espace d'une heure. Récemment, personne n'a donné d'explication logique pour justifier publiquement ces augmentations. En Saskatchewan, actuellement, le litre d'essence coûte58,9 cents. Il coûtait 55,9 cents. Rien ne justifie cette augmentation.
Si vous regardez le coût du pétrole au cours des 10 dernières années, vous constaterez qu'il a diminué d'année en année. Cette année, il est à peu près le même en moyenne, sur une base quotidienne, qu'au cours des deux ou trois dernières années.
En ce qui concerne les bénéfices des compagnies pétrolières, par exemple, Shell a connu une augmentation de 43 p. 100 entre 1993 et 1994, et de 63 p. 100 l'année dernière par rapport à l'année précédente. Ses bénéfices se sont élevés à 523 millions de dollars, ce qui n'est pas mal, sauf que la compagnie n'a pas expliqué pourquoi elle a dû augmenter le prix de l'essence. Malgré ses bénéfices substantiels, elle a licencié 471 employés.
Les bénéfices de la Compagnie pétrolière impériale ont augmenté de 29 p. 100 en 1994, et de 43 p. 100 l'année dernière. Elle a fait 514 millions de dollars de bénéfices et licencié 452 employés.
Par conséquent, il se passe des choses inhabituelles qui suscitent beaucoup de questions. Des milliers de personnes littéralement ont attiré mon attention là-dessus.
Au cours des deux dernières années, j'ai tenté d'amener le Bureau de la politique de concurrence à examiner la situation. Évidemment, il ne peut vraiment pas lancer une enquête tant qu'il n'a pas une lettre dans laquelle le président de la Shell dit au président de l'Impérial: «Entendons-nous pour augmenter les prix.» Bien entendu, ce genre de lettre n'existe pas, car, au Canada, il y a essentiellement quatre compagnies pétrolières qui fixent le prix de l'essence.
Je demande aux membres du comité d'examiner cette situation. C'est un problème de consommation et c'est un problème économique. L'énergie est très importante dans notre économie. Elle est très importante pour nos consommateurs. La seule justification que les pétrolières donnent parfois, c'est l'augmentation du cours du pétrole, mais elles ne vous disent jamais que 10 000 produits sont fabriqués à partir du pétrole. Par exemple, ce microphone et cette carafe d'eau sont fabriqués à partir du pétrole. Cette table est fabriquée à partir de sous-produits du pétrole, ainsi que les rideaux. Presque tout ce que vous voyez a un rapport avec l'industrie pétrolière et avec le pétrole, alors que les prix de ces produits ne varient pas tous les jours dans une situation de monopole, peu importe où ils sont vendus.
À mon avis, il existe des preuves importantes indiquant la nécessité de créer ce genre de commission, pour s'assurer que les consommateurs, les entreprises et les gouvernements sont traités équitablement en ce qui concerne l'achat de pétrole.
Avez-vous des questions? Je pourrais continuer pendant des heures, mais nous n'en avons pas le temps.
Le président: J'ai une question. Vous avez dit que l'énergie est essentielle dans notre existence, mais ne craignez-vous pas que si nous réglementons l'accès aux produits pétroliers ou à l'essence nous n'en fassions autant avec d'autres produits commercialisés par un petit nombre d'entreprises? Air Canada et Canadien International, mes meilleures...
M. Solomon: Par exemple, nous avons un organisme quasi judiciaire appelé le CRTC, qui réglemente les communications. Nous pouvons communiquer entre nous sans avoir besoin d'être réglementés, mais c'est le CRTC qui octroie des licences d'exploitation de compagnies de télévision, de radio et de câblodistribution. Ces dernières doivent comparaître devant le CRTC pour établir la tarification de leurs produits pour leurs clients, mais ce n'est pas tout le monde qui s'abonne au câble ou qui possède des antennes paraboliques. Certains n'en ont pas les moyens ou n'en ont pas besoin. Dans bien des cas, ces services ne sont pas disponibles dans les régions rurales. Mais tout le monde a besoin d'énergie. Il s'agit d'une ressource naturelle qui diminue dans notre pays. Qu'il s'agisse d'essence, de gaz naturel, d'huile de chauffage ou de propane, ce sont des sources d'énergie très importantes pour la bonne marche de notre économie.
Faute de mieux, il faudrait avoir au moins un organisme de réglementation ou exercer une influence réglementaire sur le secteur énergétique, à l'instar d'un domaine comme les communications, où la réglementation est également très importante.
La présidente: Quelqu'un d'autre a-t-il une question? Merci beaucoup.
M. Solomon: Une dernière observation, si vous le permettez. À titre d'exemple, dans le domaine des communications, lorsque Rogers a augmenté ses prix sans prévenir ses abonnés, le CRTC a voulu faire une enquête et lui a demandé de ramener les prix au niveau antérieur. Étant donné que de nombreux clients de Rogers étaient mécontents, la compagnie a volontairement obtempéré. Cela n'est pas évident dans le secteur énergétique, ce qui est dommage.
La présidente: Merci. Vous recevez probablement les mêmes appels téléphoniques que moi.
M. McClelland remplace M. Harris. Bienvenue. Il doit avoir une grande confiance en vous.
M. Ian McClelland, (député d'Edmonton-Sud-Ouest): Mesdames et messieurs, comme l'a dit la présidente, je remplace M. Harris, qui se trouve dans sa circonscription et qui n'a pas jugé utile de dépenser 2 000$ pour venir comparaître, même si cela en vaut largement la peine.
La présidente: N'essayez pas de m'amadouer en parlant du coût des billets d'avion.
M. McClelland: Nous ferons notre possible.
Le projet de loi C-201 vise à établir une sanction minimale lorsqu'un conducteur en état d'ébriété commet un meurtre. Tel est le véritable objet du projet de loi. Aujourd'hui, bien qu'il existe une peine maximale de 14 ans, il n'y a pas de peine minimale lorsqu'un conducteur en état d'ébriété tue quelqu'un.
Tout ce débat a commencé lorsqu'un conducteur en état d'ébriété a brûlé un feu rouge, causant ainsi une collision à une intersection et tuant trois membres de la famille Ciccone, à Prince George.
Le conducteur, M. Johnson, a été arrêté, et l'on a porté contre lui trois chefs d'accusation de conduite avec facultés affaiblies causant la mort et un chef d'accusation de délit de fuite. M. Harris a vu la scène de l'accident et suivi l'affaire dans les médias locaux. Il a attendu la sentence avec l'espoir que justice serait faite en réparation de ce crime horrible commis contre la famille Ciccone. Cependant, le 22 décembre 1995, le conducteur, M. Johnson, a été condamné à trois ans et demi de prison pour avoir enlevé la vie à trois personnes dans une même famille. Un peu plus d'un an par personne.
La sentence a créé un tollé chez les habitants de Prince George, et des manifestations publiques ont été organisées au palais de justice de cette localité. Les gens étaient furieux qu'une peine aussi légère soit prononcée pour un crime aussi horrible. Il convient de noter que ce genre de crime horrible ne touche pas simplement les personnes décédées. Dans bien des cas, les survivants se retrouvent avec des blessures au cerveau ou avec une invalidité physique permanente. Les répercussions sur la famille sont énormes et durent bien au-delà de la sentence imposée au conducteur coupable, même si cette sentence correspond à la peine minimale prévue dans ce projet de loi.
En regardant de près le contexte qui sous-tend ce projet de loi on constate que les sentences prononcées dans les cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort sont généralement légères. La moyenne nationale varie de trois à quatre ans. Par conséquent, la peine de trois ans et demi prononcée dans le cas qui nous intéresse n'était pas inhabituelle. Elle se situait dans la moyenne.
En discutant avec le procureur de la Couronne qui était chargé de ce dossier, M. Harris a appris que ce dernier s'attendait à une peine maximale de six à huit ans. C'est de là qu'est venu le chiffre de sept. C'est parce que le procureur de la Couronne a estimé que dans une affaire comme celle-ci il fallait demander une peine moyenne de six à huit ans.
Nous devons nous demander quelle conséquence aurait le fait de fixer une peine minimale en cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort.
Je m'explique: si quelqu'un a des facultés affaiblies - cela signifie que son taux d'alcoolémie est supérieur ou égal à 0,08 - et s'il tue quelqu'un, il sera automatiquement condamné à sept ans de prison. Cette sentence serait impérative. Conduite avec facultés affaiblies, taux d'alcoolémie de 0,08, meurtre: sept ans de prison. Pas de contestation, pas de négociation de plaidoyer, rien de ce genre; la sentence serait impérative.
Serait-elle dissuasive? C'est toute la question. La dissuasion est au coeur du problème. Une fois qu'on est mort, il n'y a rien à faire. Par contre, nous devons essayer de réduire le nombre de personnes et de familles qui subissent les répercussions des décès causés par les conducteurs en état d'ébriété.
Je dois également souligner que ce projet de loi a été appuyé par les députés de tous les partis à la Chambre des communes. Il bénéficie également d'un appui solide de la part des Mothers Against Drunk Driving, ou MADD, et des Élèves ontariens contre l'ivresse au volant.
En 1994, 87 838 personnes ont été accusées de conduire une voiture avec des facultés affaiblies, et 100 personnes ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort. En plus des 100 personnes accusées d'avoir causé la mort, 919 ont été accusées de conduite avec facultés affaiblies ayant causé des dommages corporels.
Nous devons ensuite chercher à savoir s'il existe de véritables preuves pour appuyer l'idée selon laquelle la condamnation obligatoire réduirait effectivement le nombre de décès imputables aux conducteurs avec facultés affaiblies. À cet égard, en 1992, Statistique Canada a publié un article indiquant qu'il y avait eu un déclin apparent dans la fréquence de la conduite avec facultés affaiblies au cours de la décennie précédente, et que ce déclin était dû, ne serait-ce qu'en partie, aux changements apportés aux lois fédérales et provinciales concernant la conduite en état d'ébriété, à l'application accrue de ces lois par la police, aux programmes de réadaptation financés par le gouvernement, aux initiatives communautaires visant les conducteurs ayant des facultés affaiblies, et aux changements dans les attitudes sociales face à l'alcool au volant. En 1994, le nombre de personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies a diminué de 7 p. 100. Par rapport à 1984, la diminution est de 47 p. 100.
Ce déclin spectaculaire découle directement du fait que les sanctions sont plus sévères, qu'elles sont appliquées plus régulièrement, et que les attitudes sociales à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies changent: elle n'est plus prise à la légère. Je sais que, pour de nombreux Canadiens, du moins de ma génération, nous ne sommes en vie que par la grâce de Dieu. Mais la société a changé. Ce projet de loi reflète ce changement social, pour le mieux. Nous reconnaissons que, peu importe si l'on tue une personne en utilisant une arme à feu ou une voiture, cette personne n'en perd pas moins la vie, et sa famille un de ses membres; par conséquent, il faudrait et il faut fixer une peine minimale pour ceux qui tuent parce qu'ils ont conduit avec des facultés affaiblies.
Je suis disposé à répondre à vos questions.
La présidente: En fait, j'en ai une. En décrivant le cas où l'intimé a été condamné à trois ans et demi de prison, vous avez dit que la poursuite avait demandé de six à huit ans.
M. McClelland: Dans cette affaire, le procureur de la Couronne a dit que normalement il demanderait un maximum de six à huit ans. Il a ajouté que s'il y avait un cas où la peine maximale s'imposait, c'était bien celui-là. Le juge a prononcé la peine moyenne, soit trois ans et demi, si la moyenne se situe entre trois et quatre. C'est discrétionnaire.
La présidente: En effet, c'est discrétionnaire. Ce qui me rend un peu nerveuse - et vous pouvez me l'expliquer - c'est que vous dites qu'il s'agit d'un dissuasif, et que le projet de loi est une mesure de dissuasion. Si tel est le cas et si le juge a toujours la possibilité d'imposer une peine de huit ans, en quoi une peine obligatoire de sept ans serait-elle différente? L'accusé aurait peut-être été condamné à huit ans de prison. Cela ne l'a pas empêché de se mettre au volant tandis qu'il était saoul.
M. McClelland: Mais il n'a pas été... il a été condamné à trois ans et demi.
La présidente: Mais il était possible...
M. McClelland: En effet, mais ce n'était pas certain, et en société la dissuasion est fondée sur la certitude. La possibilité d'être attrapé n'empêche personne de commettre une infraction. Par contre, la certitude d'être arrêté peut amener les gens à réfléchir sur leurs actes.
Ainsi donc, il est essentiel de remplacer la probabilité par la certitude. En effet, la certitude d'être condamné à sept ans de prison sera un dissuasif beaucoup plus efficace que la possibilité d'aller en prison, sous réserve de la rémunération de votre avocat et de sa compétence.
Ce n'est simplement pas juste si quelqu'un peut tuer trois personnes dans une famille - et infliger Dieu sait quelles autres blessures accablantes - et recevoir peut-être trois ans et demi, peut-être sept ans, selon les humeurs, les aléas du plaidoyer de culpabilité et tous les autres caprices du système de justice pénale.
La présidente: L'étude menée par la Fondation de recherche sur la toxicomanie en Ontario montre qu'en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété le dissuasif le plus efficace, c'est la possibilité de perdre son permis de conduire pendant un an. Plus que toute autre mesure, cela empêche les gens de conduire avec des facultés affaiblies.
M. McClelland: On ne s'inquiéterait pas de perdre son permis de conduire pour un an si l'on était condamné à sept ans de cachot.
La présidente: C'est vrai.
M. McClelland: Nous ne nous soucions pas le moins du monde de la personne qui a commis l'infraction. Ce qui nous préoccupe, c'est l'incidence sur les familles des victimes.
La présidente: Vous avez raison. Mon intervention était simplement fondée sur la curiosité. Je vous en prie, n'interprétez pas ma question comme...
M. McClelland: Je ne l'ai pas fait. Pas du tout. Je voulais simplement mettre l'accent sur ce phénomène.
M. Stinson: Je connais très bien l'affaire dont vous parlez. Dans un certain cas, le contrevenant en était à sa quatrième infraction.
Dans ma circonscription, il existe un endroit qu'on connaît, probablement dans toutes les régions du pays, sous le nom de killer mile.
La présidente: Là où vous habitez?
M. Stinson: Oui, c'est dans ma circonscription. On l'a dénommé ainsi à cause de décès dus à la conduite en état d'ébriété.
M. McClelland: Je comprends. Très peu de gens commencent leur soirée en se saoulant, en prenant le volant et en disant: «Je vais tuer quelqu'un.» Ceux qui conduisent avec facultés affaiblies ne sont pas nécessairement méchants. Ce sont des gens qui ont pris une décision, qui ont fait un choix et qui ont posé un acte, et ils doivent assumer les conséquences de cet acte. Peu importe si les gens sont bons ou méchants.
Quant aux récidivistes, c'est-à-dire ceux qui commettent plusieurs fois l'infraction consistant à conduire en état d'ébriété et à causer la mort...
Très souvent, nous constatons que les intéressés n'ont ni assurance, ni immatriculation.
Je ne veux pas généraliser, car c'est également une tragédie pour les contrevenants. Je peux imaginer ce qui se passerait si, après avoir bu un verre de trop, je me mettais au volant et tuais quelqu'un quelque part. Je serais tout aussi coupable. Cela peut arriver à n'importe qui, mais c'est une responsabilité que nous devons assumer quand nous décidons de prendre un verre.
La présidente: Le travail de ce comité consiste à étudier un projet de loi qui touchera tous les Canadiens...
M. McClelland: Exactement.
La présidente: ... dans toutes les régions du pays.
M. McClelland: Exactement, et c'est pour cela qu'il doit faire l'objet d'un vote, car il s'adresse à tout le monde. Nous avons parlé des statistiques et de la réduction de 47 p. 100 que l'on a observée de 1984 à 1994 en ce qui concerne le nombre de personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies; il s'agit d'une conséquence directe du changement social et de l'application de la loi, ce qui constitue un autre pas dans la bonne direction.
La présidente: Dites à M. Harris que vous avez fait un travail impeccable.
M. McClelland: J'ai apporté un document rédigé dans les deux langues officielles.
La présidente: Merci.
M. Harper est ici pour représenter M. Hanger. Bienvenue.
M. Ed Harper, (député de Simcoe-Centre): Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les membres du comité, je suis ici au nom de Art, qui est malheureusement empêché cet après-midi. Il a préparé un exposé que je suis ravi de lire en son nom.
J'apprécie beaucoup la possibilité que vous me donnez de présenter cette motion et de vous inviter à l'étudier. Je crois qu'elle mérite de faire l'objet d'un vote parce qu'elle offre une solution réelle, substantielle et permanente à un problème qui a jeté le doute non seulement sur notre système de détermination du statut de réfugié, mais aussi sur l'ensemble du programme canadien en matière d'immigration.
La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a été créée en 1989 pour recevoir les demandes de personnes qui sont venues au Canada et qui prétendent avoir été persécutées à l'étranger. Peu avant cela, la Cour suprême avait ordonné, dans l'affaire Singh, qu'une audience accordée sur papier à un réfugié, sans entretien, était contraire aux principes de justice naturelle. Néanmoins, au lieu de créer un système dans lequel des agents d'immigration formés pourraient mener des entrevues rapides, opportunes, mais axées sur la recherche de la vérité, le gouvernement du jour a créé la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Depuis lors, la CISR a perdu toute crédibilité tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Tandis que les autres pays acceptant des réfugiés approuvent à peu près 14 p. 100 des demandes, la CISR en approuve 60 p. 100, 70 p. 100, et même 90 p. 100 dans certaines régions.
Étant donné que la CISR ne rend de comptes à personne et qu'elle est composée d'avocats qui ont un intérêt dans le nombre de réfugiés acceptés, elle ne peut pas fonctionner comme un organisme imputable, efficace et responsable. Elle est foncièrement prévenue en faveur de l'acceptation de toutes les demandes, y compris celles provenant de personnes au passé douteux. Les Canadiens ont été choqués que des membres de la CISR soient allés au pénitencier de Kingston pour tenir des audiences de détermination du statut de réfugié.
La population a l'impression que la CISR travaille pour des intérêts spéciaux, et non pas dans l'intérêt national; qu'elle accepte n'importe qui sans vraiment faire le tri; qu'elle gaspille des dizaines, pour ne pas dire des centaines, de millions de dollars de fonds publics chaque année. À mon avis, ces impressions ne sont pas fausses. Elles sont vraies. La CISR ne fonctionne pas. Elle n'étudie pas les demandes pour déterminer qui sont les réfugiés légitimes. Elle accepte pratiquement tous ceux qui ont les moyens de voyager au Canada pour présenter une demande.
Dans tout cela, il y a un phénomène insidieux qui n'apparaît pas à première vue. Le Canada impose un quota sur le nombre de réfugiés qu'il peut accepter chaque année. Compte tenu du nombre phénoménal de demandeurs du statut de réfugié que la CISR accepte au Canada, et dont la plupart ne correspondraient jamais à la définition de réfugié établie par les Nations Unies, le nombre de véritables réfugiés que le Canada peut accepter à l'étranger est considérablement réduit. Il s'agit de réfugiés qui souffrent dans les régions touchées par la guerre, ou dans des camps, et qui n'ont pas l'argent nécessaire pour acheter un billet d'avion à destination du Canada. Nous devrions accorder la plus grande priorité à ces derniers, mais, comme par hasard, ce sont eux que la CISR rejette en ouvrant largement la porte à ceux qui savent qu'ils ne seront jamais refusés par la commission.
Il existe une autre façon de procéder: supprimer la CISR, confier ses tâches à des agents bien formés, et imposer aux chercheurs d'asile une définition stricte du réfugié. En le faisant, vous rendrez le système imputable, beaucoup moins coûteux, beaucoup plus axé sur l'intérêt national, et beaucoup plus humanitaire. Tout le monde y gagnera, les vrais réfugiés comme les Canadiens.
La CISR admet au Canada des gens qui ne devraient pas être ici. Elle gaspille de l'argent et des places de réfugié tout en mettant à l'écart les vrais réfugiés, qui pourraient ne pas vivre jusqu'à l'année prochaine si nous ne les aidons pas. La CISR doit disparaître.
J'ai hâte que ce débat arrive à la Chambre des communes, et j'ai hâte que tous les députés aient l'occasion de prendre position en faveur du statu quo ou en faveur de l'intérêt national. J'espère que vous contribuerez à faire en sorte que cette motion fasse l'objet d'un vote.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Des questions? Monsieur Stinson?
M. Stinson: Vous savez déjà ce que je pense.
La présidente: Mon interprétation est peut-être fausse, mais dans ma région, où les immigrants constituent 40 p. 100 de la population, la CISR est un organisme de dernier recours. C'est une instance d'appel. Officiellement, elle est composée de citoyens choisis au sein de la collectivité, et les agents d'immigration dont vous parlez s'occupent de la paperasserie. Si la demande de quelqu'un est rejetée, il fait appel à la CISR. Telle semble être la procédure que vous recommandez. C'est ainsi que les choses devraient fonctionner. Elles fonctionnent ainsi dans ma région. Je me demande simplement si les choses sont différentes dans les différentes parties du pays.
M. Harper: Je me suis fait accompagner de Morten comme assistant, car je viens de recevoir le mémoire. Morten peut peut-être en parler.
La présidente: Venez à la table.
M. Morten Paulsen (adjoint administratif du chef de cabinet du chef du Parti réformiste): La CISR a deux fonctions: choisir les réfugiés et entendre les appels en matière d'immigration.
La présidente: C'est exact.
M. Paulsen: La fonction dont nous parlons est le choix des réfugiés.
La fonction d'appel de la CISR est très limitée, car ce sont les tribunaux qui sont généralement saisis de la majorité des appels. Cette motion confierait la fonction de détermination du statut de réfugié de la CISR, qui est sa fonction principale, aux agents d'immigration qui ont les qualifications nécessaires. Les agents d'immigration incapables d'entendre des appels fondés sur des motifs juridiques transmettraient ces appels aux tribunaux, instances qualifiées pour ce genre de travail.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Stinson.
M. Stinson: Cette motion avait déjà été jugée apte à faire l'objet d'un vote le 10 novembre 1995, et débattue à la Chambre le 14 décembre 1995. Quel est le temps qui avait été attribué à ce débat?
M. Paulsen: J'ai peur de ne pas le savoir.
M. Stinson: Très bien, merci.
La présidente: Merci beaucoup.
J'aimerais que M. Langlois soit de retour. Nous allons maintenant entendre votre exposé, et, pour être juste, sa présence est nécessaire.
M. Stinson: J'ai un petit problème. Comme vous ne l'ignorez probablement pas, le sort déjà réservé à certains de ces projets de loi ne me plaît pas beaucoup. Je crois que je vais simplement retirer le mien de la liste. Il y a un projet de loi qui a déjà été accepté comme pouvant faire l'objet d'un vote, et, en toute conscience, je ne vois pas comment je pourrais aller à l'encontre de décisions ayant déjà été prises concernant les affaires émanant des députés.
La présidente: C'était quoi votre projet de loi?
M. Stinson: Il concernait le droit de vote des criminels et des patients en établissement psychiatrique.
La présidente: Vous voulez donc retirer votre projet de loi de la liste des projets de loi pouvant faire l'objet d'un vote?
M. Stinson: J'aurais aimé qu'il puisse faire l'objet d'un vote, mais cela me mettrait en position de conflit avec le choix que nous sommes sur le point de faire et qui m'agrée tout à fait.
La présidente: Très bien. J'accepte le retrait de votre motion, mais si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais demander au greffier de vous expliquer et de nous expliquer ce qui s'est passé en réalité, car c'est assez inhabituel. J'aimerais lui donner encore une fois la possibilité de nous expliquer ce qui est arrivé à ces projets de loi et la raison pour laquelle nous les retrouvons sur cette liste.
Je ne veux pas que vous retiriez le vôtre avant d'avoir bien écouté ce qu'il a à nous dire, car si l'hypothèse est que ceux qui devaient faire l'objet d'un vote sont automatiquement reconduits par notre groupe, alors nous avons trompé tous ceux et celles qui sont venus défendre leur projet de loi ou leur motion. Telle n'était pas l'intention de notre comité. Nous ne pouvons tenir pour acquis que, parce qu'ils avaient déjà été acceptés comme pouvant faire l'objet d'un vote avant que la Chambre ne soit prorogée, ils sont automatiquement reconduits; autrement, tous ces autres députés qui sont venus nous présenter leur motion ou leur projet de loi seraient venus pour rien.
J'aimerais que le greffier nous explique encore une fois exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons, car elle est inhabituelle. J'aimerais ensuite que vous réfléchissiez bien avant de retirer votre projet de loi.
Le greffier du comité: Madame la présidente, nous nous trouvons dans une situation unique parce que, pour la première fois, la Chambre a permis à des députés de réintroduire non pas les motions, mais les projets de loi qui avaient été adoptés en deuxième lecture ou à une étape suivante, et s'ils le faisaient, ils se retrouvaient automatiquement à l'étape à laquelle ils étaient restés en suspens. Cette règle ne s'appliquait, bien entendu, qu'aux projets de loi qui avaient été adoptés en deuxième lecture lors de la session précédente.
Le cas s'est déjà produit pour des projets de loi émanant du gouvernement, mais pour les projets de loi d'initiative parlementaire cela ne s'est jamais fait, et la situation est donc unique. Ils sont protégés. Mais ni la procédure ni le Règlement de la Chambre ne s'appliquent à quelque mesure que ce soit prise pendant la session précédente. Donc, du point de vue de la procédure, le champ est totalement ouvert. Les membres du sous-comité peuvent eux-mêmes décider du sort qu'ils veulent réserver aux motions qu'ils avaient jugées comme pouvant faire l'objet d'un vote, par exemple, lors de la session précédente. Ils ont tout le loisir de le faire.
La présidente: J'ajouterais que ce que vous nous présentez aujourd'hui est une motion. Aucune des motions n'a été recyclée...
Le greffier: Exactement.
La présidente: ... et nous devons en choisir cinq.
Je ne veux pas que vous vous désavantagiez vous-même; c'est tout. Ce sont des motions. Dans votre cas, c'est une motion. Nous n'avons aucune motion pouvant faire l'objet d'un vote qui nous vienne de la dernière session.
M. Stinson: De la dernière session?
La présidente: Exactement.
M. Stinson: Ce sont tous des projets de loi.
La présidente: Nous devons choisir cinq motions toutes nouvelles sans tenir compte de la possibilité qu'elles aient pu être jugées comme pouvant faire l'objet d'un vote ou non auparavant.
Le greffier: Pour ce qui est des projets de loi, je crois que nous avons un ou deux projets de loi pouvant faire l'objet d'un vote et un ou deux... Nous avons la motion de M. Hanger, qui avait été jugée comme pouvant faire l'objet d'un vote lors de la dernière session, et nous avons, par exemple, le projet de loi de M. McTeague que vous aviez jugé comme pouvant faire l'objet d'un vote à la dernière session.
La présidente: Combien de motions de la dernière session avons-nous - motions qui avaient été jugées comme pouvant faire l'objet d'un vote?
Le greffier: Je crois que nous n'en avons qu'une, celle de M. Hanger. Nous avons une motion de M. White qui n'avait pas été jugée comme pouvant faire l'objet d'un vote...
M. Stinson: Refusée.
Le greffier: La motion M-41 avait été jugée comme ne pouvant pas faire l'objet d'un vote, mais a fait l'objet d'un débat en avril dernier. Il n'y a donc qu'une seule motion, celle de M. Hanger.
La présidente: Très bien. Je voulais simplement que les choses soient claires.
M. Stinson: Oui. Je n'aime pas ce genre de procédure.
La présidente: Je vous comprends, mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est un nouveau comité. Deux des quatre membres ne sont pas les mêmes que la dernière fois. Ce serait être malhonnête que d'avoir fait parader tous ces députés pendant ces deux derniers jours sachant que notre choix était déjà arrêté pour un certain nombre de projets de loi.
Le problème que vous évoquez est beaucoup plus fondamental que notre procédure de sélection. Il s'agit de votre sentiment à l'égard de la prorogation. Si vous nous permettez de terminer notre travail, je vous inviterais à nous accompagner devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre quand nous lui remettrons nos rapports, et vous pourrez vous adresser à ce moment-là à lui. Est-ce que cela vous convient?
M. Stinson: Oui.
La présidente: Voudriez-vous dans ce cas nous présenter votre motion?
M. Stinson: D'accord, je vais vous la présenter.
Ma motion, la motion 143, concerne une question dont l'importance à mes yeux justifierait qu'elle fasse l'objet d'un vote. Le texte est le suivant: Que de l'opinion de cette Chambre le gouvernement devrait envisager l'opportunité de modifier l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés conformément à la formule d'amendement prévue à l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, amendement qui se lirait comme suit:
- Tout citoyen canadien, sauf s'il est a) interné dans un pénitencier, une prison, ou un
établissement psychiatrique ou b) hors d'un établissement cité au paragraphe a), avec ou sans
excuses légitimes, a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou
provinciales.
En 1992, le gouvernement fédéral a perdu sa cause contre Richard Sauvé, qui purge une peine à perpétuité au pénitencier de Kingston et qui poursuivait le gouvernement pour atteinte à son droit de vote. En conséquence, en 1993 le Parlement a adopté le projet de loi C-114, qui n'accordait le droit de vote pour les élections fédérales qu'aux prisonniers purgeant une peine maximum de deux ans et qui par conséquent sont internés dans des établissements provinciaux plutôt que fédéraux. Ce nouveau projet de loi a été lui aussi contesté. Le gouvernement fédéral a encore perdu, et tous les détenus ont retrouvé leur droit de vote.
Pour les élections fédérales de 1993, 7 502 détenus se sont inscrits et 6 500 ont voté. Il m'est impossible de déterminer l'effet exact de ce vote sur les résultats électoraux, car les votes des détenus sont additionnés à ceux des électeurs absents, y compris les militaires. Cependant, si on divise le nombre de détenus qui ont voté par 295, le nombre de circonscriptions fédérales, il est probable que dans certains cas ce vote ait été suffisamment important pour avoir un effet sur le résultat dans les cas très serrés.
Les prisonniers et les détenus font régulièrement l'objet de pressions de ceux qui les surveillent. Par exemple, on peut très bien les menacer de les priver de dessert s'ils ne votent pas d'une manière ou d'une autre. Leur donner le droit de vote dans de telles circonstances ne sert peut-être même pas leur intérêt. La majorité d'entre eux ne veut pas se retrouver dans cette situation ou se désintéresse complètement des élections, comme l'ont montré les chiffres: moins de 25 p. 100 des détenus se sont inscrits pour voter lors des dernières élections fédérales.
Je crois que la population canadienne s'est nettement prononcée: toute personne reconnue coupable d'un délit grave doit être punie proportionnellement à la gravité du délit. Laisser le droit de vote à ces personnes, surtout quand leur nombre est tel qu'il peut influer sur le résultat d'une élection dans une circonscription serrée, me semble personnellement injuste et aller à l'encontre de ce que souhaitent les citoyens canadiens respectueux de la loi.
Il y a un autre facteur, le coût. En moyenne, mon vote ou le vôtre coûte 9,38$. Le coût moyen pour les détenus est de 23,81$.
Quant à la question de savoir si oui ou non les pensionnaires d'établissements psychiatriques devraient avoir le droit de vote, je vous demanderais d'essayer de vous rappeler combien de fois vous avez entendu parler de personnes ayant commis des crimes particulièrement horribles, mais qui n'ont pas été jugées et placées directement en établissement psychiatrique. Aujourd'hui on demande aux pensionnaires de ces établissements psychiatriques de pouvoir répondre simplement à trois questions sur leur nom, leur âge et leur ville d'origine.
Y a-t-il dans de telles circonstances un semblant de justice à placer le droit de vote d'électeurs informés et respectueux de la loi sur un pied d'égalité avec celui de personnes à l'intelligence limite, de personnes qui ont commis de graves crimes ou de personnes souffrant de problèmes mentaux suffisamment graves pour qu'ils nécessitent qu'on les surveille en permanence? Le fait que ces personnes aient actuellement le droit de se présenter à la députation fédérale ou provinciale livre notre système démocratique au ridicule et aux abus.
Pour conclure, je crois que le projet de loi d'initiative parlementaire C-143 devrait faire l'objet d'un débat sérieux dans ce Parlement, car il concerne les règles de notre démocratie. C'est une question d'importance nationale, surtout au moment des élections. En conséquence, je vous demande de juger que ma motion 143 peut faire l'objet d'un vote.
Merci.
La présidente: Je m'abstiendrai de faire une petite plaisanterie.
M. Stinson: Ne vous gênez pas.
La présidente: Ils ne vont pas voter pour les Réformistes, n'est-ce pas?
M. Stinson: Non.
La présidente: Pas les types en prison.
M. Stinson: Non. Le problème, c'est que certains d'entre eux ne savent même pas... Je peux vous citer un exemple dont j'ai personnellement entendu parler après les élections à propos d'une de ces personnes. Après avoir coché son bulletin - et je ne comprends pas pourquoi personne ne l'a relevé - on lui a dit: «Non, c'est le nom en bas. Recommence et fais ta croix en face du dernier nom. Tu peux quand même comprendre cela.»
Je n'hésite pas à vous relater cet incident parce que c'est mon nom qui figurait en bas pour cette élection.
La présidente: Vous avez bien fait dans ce bureau?
M. Stinson: En fait, j'ai gagné haut la main, mais on m'a quand même rapporté cet incident. C'est ce qui m'incite à me poser des questions.
La présidente: Est-ce que vous voyez une différence entre cela et les foyers pour personnes âgées? Beaucoup de foyers et de maisons de retraite accueillent des bureaux de scrutin. Les personnes âgées sont soumises au même genre de pressions, car elles n'ont plus de mémoire immédiate, et les infirmières qui les accompagnent peuvent très bien leur dire comment voter.
M. Stinson: Il y a une différence. Personne ne devrait dire à quelqu'un d'autre... ou peut-être personne ne devrait pouvoir voter en cas d'incapacité mentale. Nous ignorons en fait ce qui se passe dans ces cas-là. Je crois que ce qui se passe dans certains de ces établissements inquiète pas mal de gens. Ce qui m'inquiète autant, c'est que dans notre système actuel ces gens peuvent même se présenter à des postes importants au gouvernement.
La présidente: Mais ils ne pourraient pas sortir pour les occuper, n'est-ce pas?
M. Stinson: Eh bien...
La présidente: Jamie a une explication. Est-ce que c'est sur le point d'être approuvé?
M. Jamie Robertson (attaché de recherche du comité): Je crois savoir que dans l'affaire qui a entraîné l'invalidation de la disposition stipulant que seuls les détenus purgeant une peine de moins de deux ans pouvaient voter, la Cour fédérale - je crois que c'était la Section de première instance, comme M. Stinson l'a dit - a jugé, cet été ou l'automne dernier, cette disposition inconstitutionnelle et que tous les détenus devaient avoir le droit de vote. Le gouvernement fédéral fait appel de ce jugement devant la Cour d'appel fédérale, mais ce n'est probablement pas demain que la décision sera rendue, et je pense que cela ira jusqu'à la Cour suprême du Canada, qui rendra un jugement définitif.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
La grande question, ou l'équipe illustre, est la suivante. Lors de sessions précédentes, nous arrivions toujours à nous décider en 10 ou 15 minutes. Aujourd'hui nous avons cinq projets de loi et cinq motions. Nous avons une liste assez longue. Il y a un vote à 18 heures. Je me demande si vous, vous trois, seriez disposés à revenir à 19 h 30 et à consacrer à cette décision une heure, ou tout le temps nécessaire.
M. Stinson: J'y suis tout à fait disposé. J'ai une réunion de caucus, mais je peux m'en échapper. Pour moi, les affaires des députés ont la priorité.
La présidente: Le greffier revérifie.
Y a-t-il un vote à 18 heures?
Le greffier: Oui. Il y a un vote 15 minutes avant la fin des affaires du gouvernement ce soir; donc, je suppose, en réalité à 18 h 15. C'est l'heure à laquelle les cloches commenceront à sonner.
La présidente: Cela nous donne une demi-heure. Est-ce que vous voulez que nous commencions? Nous pouvons commencer par les projets de loi ou par les motions.
M. Stinson: Vous voulez vraiment commencer? Personne ne veut commencer par attraper un morceau à manger? Tout à l'heure ce sera trop tard.
La présidente: Que souhaiteriez-vous faire, monsieur Langlois?
[Français]
M. Langlois: Je suis prêt à faire un bout. On va voir dans quelle direction on va et, si on ne peut terminer, on va pouvoir y réfléchir pendant la période de vote ou en prenant un sandwich. Je pense qu'il serait bon de commencer le processus. Cela va nous travailler entre les oreilles plus que d'habitude.
[Traduction]
M. Loney: Plus tard.
La présidente: Mon problème, c'est que je reçois des étudiants et qu'il y a aussi un repas avec eux à 18 h 30. J'aimerais au moins faire acte de présence pendant 15 minutes, parce que je risque de décevoir deux enfants si je ne le fais pas. C'est au bout du couloir.
M. Loney préfère revenir.
En toute honnêteté - et c'est dû en partie à un de mes maux - j'aimerais faire une pause. Je me sens un peu saturée. Est-ce que cela vous convient?
M. Stinson: Est-ce que ce sera diffusé?
La présidente: Dès que nous aurons commencé le débat, non. Il s'agit simplement de fixer notre programme.
M. Stinson: Faire une pause maintenant ne me déplairait pas.
La présidente: À quelle heure aimeriez-vous que nous nous retrouvions? À 19 h 30?
M. Loney: Il y a deux votes.
M. Stinson: Il y a deux votes?
M. Loney: En fait il y en a trois. Je crois qu'il y a trois motions.
Une voix: Oui, mais il y a deux votes.
M. Loney: Oui.
La présidente: Est-ce que 19 h 30 conviendrait à tout le monde?
M. Stinson: Moi, cela me va. Aux autres de décider; cela me va.
La présidente: Je vais jouer la maîtresse d'école et vous demander, puisque pendant les votes il n'y a pas grand-chose à faire lorsqu'on ne vote pas soi-même, d'emporter vos classeurs pour vous rafraîchir la mémoire sur ce qui s'est passé hier, pour que tout le monde soit traité sur un pied d'égalité.
M. Stinson: Cela fait beaucoup.
La présidente: Une petite montagne. Nous les séparerons en deux. Une pile pour les motions et une pour les projets de loi. Jusqu'à présent nous avons toujours fait preuve d'efficacité, et nous devrions encore en faire preuve ce soir.
Je regrette de vous garder, mais la Chambre a réduit nos délais, et je n'aime pas les échecs. Elle nous a dit de le faire dans ces délais, et nous le ferons.
Je vous attends donc pour 19 h 30, et nous essaierons d'aller aussi vite que possible.
[Français]
M. Langlois: Lorsque M. Lee occupait le fauteuil, il était assez fréquent qu'on ait des séances de trois heures ou trois heures et demie. Ce soir, je ne suis pas prêt à arriver à 19 h 30 pour sortir à 23 heures. Si on pense pouvoir aller un peu plus vite, ce sera peut-être possible. On a toujours essayé de trouver des consensus. Je pense qu'on a voté une fois, et c'est beaucoup plus long. Mais on va essayer et on va voir où on va. L'idéal aurait peut-être été de se faire pairer à la Chambre et de continuer à siéger, mais on ne l'est pas. Donc, je suis d'accord pour 19 h 30.
[Traduction]
La présidente: Je pourrais également ajouter - et je ne voudrais pas qu'on croie que je me vante - qu'il ne nous a jamais fallu plus de 15 ou 20 minutes quand je présidais, et il fallait en choisir deux dans une pile et trois dans l'autre. Disons que nous nous donnons une heure.
Ils peuvent vous le confirmer.
N'est-ce pas, Monsieur Stinson?
M. Stinson: Je crois qu'une fois il nous a fallu à peu près 45 minutes.
La présidente: Non!
M. Stinson: Oui, je crois que c'est arrivé une fois.
La présidente: Vous ruinez ma réputation.
M. Stinson: Non, non. Je n'oserais jamais.
La présidente: La séance est levée.