[Enregistrement électronique]
Le mardi 4 février 1997
[Traduction]
La présidente: Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue au comité. Vous avez cinq minutes. Votre tâche est de nous convaincre non pas nécessairement que votre projet de loi est valable, mais qu'il vaut la peine d'en débattre à la Chambre et d'en faire une question qui fait l'objet d'un vote. Vous avez la parole.
Mme Colleen Beaumier, députée (Brampton): La motion dit que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait présenter un projet de loi afin de protéger les fonctionnaires qui dénoncent les gaspillages de fonds publics, les activités illégales ou tout autre méfait qui menace l'intégrité du gouvernement du Canada.
Comme le texte de la motion le dit, le but est de légiférer de manière à protéger les fonctionnaires qui dénoncent toute activité illégale, soupçonnée ou autre. Contrairement à leurs homologues des États-Unis, les fonctionnaires canadiens ne jouissent d'aucune protection spéciale contre des représailles s'ils dénoncent des activités frauduleuses. Nous n'avons pas les mécanismes nécessaires pour dénoncer des activités frauduleuses soupçonnées et faire enquête à ce sujet.
Trop souvent, nous lisons des reportages dans les journaux après le fait. Mais après le fait, c'est trop tard. Il faut déceler précocement les problèmes de ce genre et, idéalement, créer un climat tel que quiconque envisage de se livrer à de telles activités sait qu'il ne pourra tout simplement pas s'en tirer impunément.
J'ai formulé cette motion en termes très généraux parce que je crois que les parlementaires de tous les partis, les universitaires, les organisations intéressées et bien sûr les fonctionnaires eux-mêmes devraient avoir leur mot à dire dans l'élaboration de ce projet de loi. Il est particulièrement important de donner voix au chapitre aux fonctionnaires pour déterminer à quoi ressemblera cette loi sur les dénonciateurs. Ce sont les fonctionnaires qui doivent avoir le sentiment que le régime choisi leur donne une protection efficace.
J'ai présenté cette motion parce que depuis environ trois ans que je suis députée au Parlement, il m'est arrivé à plusieurs reprises que des commettants qui sont fonctionnaires ou qui traitent avec la fonction publique communiquent avec moi pour me signaler des abus dont ils soupçonnent l'existence dans divers ministères. En pareil cas, je cherche avant tout à dénoncer l'abus soupçonné tout en préservant l'anonymat de mon commettant. Je l'ai fait dans le passé, et il y a eu enquête, mais je n'ai pas été contente du processus ou plutôt du manque de processus permettant de traiter correctement ces plaintes. Je suis convaincue que je ne suis pas le seul député à avoir vécu cette expérience et que les cas qui m'ont été signalés par mes commettants ne sont pas uniques. Il nous faut une loi sur les dénonciateurs.
Le problème est qu'actuellement, aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques, les fonctionnaires sont tenus de faire rapport de toute fraude soupçonnée, sinon ils sont passibles d'une amende de 5 000$ ou de cinq ans de prison. L'obligation de dénoncer les abus réels ou soupçonnés doit être accompagnée de la protection correspondante.
La mesure législative que le gouvernement proposerait aux termes de cette motion aurait deux raisons d'être: elle accorderait une protection aux fonctionnaires qui craignent des représailles et elle encouragerait les fonctionnaires à respecter à la lettre la Loi sur la gestion des finances publiques. Personnellement, je préférerais qu'une telle mesure législative soit élaborée à l'issue d'audiences publiques, afin d'avoir l'assurance que nous nous doterons d'une loi sur les dénonciateurs efficace.
Il y a eu déjà de l'excellent travail accompli au Canada dans ce dossier. Je voudrais vous en citer deux exemples.
En 1986, la Commission de réforme du droit de l'Ontario a publié un énoncé de position réclamant la création d'un bureau qui serait spécialement chargé d'entendre les allégations de méfaits émanant de fonctionnaires. Ce bureau lancerait une enquête, le cas échéant, tout en préservant l'anonymat du plaignant.
En 1994, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a publié une série de recommandations dans son document intitulé «Rompre le silence». L'institut a recommandé la création d'un bureau de l'ombudsman, dont les fonctions seraient semblables à celles du bureau susmentionné. Le bureau de l'ombudsman aurait également le pouvoir de veiller à ce que des mesures correctives soient prises.
Enfin, à titre de députée ministérielle, je fais mien l'engagement électoral de 1993 de présenter un projet de loi sur les dénonciateurs et je voudrais aiguillonner quelque peu le gouvernement afin de faire avancer ce dossier.
La présidente: Merci, madame Beaumier.
Y a-t-il des questions?
M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Comment envisagez-vous la création de cet organisme? Si le projet de loi est l'objet d'un vote et est adopté à la Chambre, envisagez-vous la création d'un ombudsman fédéral?
Mme Beaumier: Cette motion vise à long terme l'instauration d'un régime efficace pour les dénonciations. À cette fin, il faut établir un processus de consultation, une commission royale, publier un Livre blanc, ou bien on pourrait confier cette tâche à un comité permanent. Je pense qu'il y a différentes parties intéressées dans ce dossier et j'espère qu'on fera appel à elles pour rédiger le projet de loi.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Merci, madame Beaumier. Je constate que le spectre dans lequel on doit considérer la motion doit être plus large. Vous dénoncez le gaspillage de fonds publics. S'agit-il d'une dénonciation auprès des médias ou auprès de personnes en autorité à la Chambre ou au ministère de la Justice? Ciblez-vous une personne à qui doit être faite la dénonciation?
[Traduction]
Mme Beaumier: J'espère que ce serait un organisme nouvellement créé au sein de l'appareil gouvernemental.
Personne ne s'adresserait aux journaux. Ce serait simplement un mécanisme visant à confier à un groupe de gens le pouvoir de faire enquête tout en protégeant l'anonymat à la fois de l'accusé et du dénonciateur. Je ne pense pas que cela serait étalé dans les journaux.
M. Loney (Edmonton-Nord): Mais supposons que l'affaire se retrouve dans les journaux. Dans ce cas, la personne n'aurait aucune protection. Le dénonciateur n'aurait aucune protection s'il s'adressait directement à la presse au lieu de se confier au comité.
Mme Beaumier: Absolument. Mais je crois que le dénonciateur ne s'adresserait pas aux journalistes; il s'adresserait plutôt...
M. Loney: Je peux citer un incident où l'on s'est adressé directement à la presse.
Mme Beaumier: Mais la création d'un mécanisme compétent éliminerait le besoin de s'adresser à la presse.
La présidente: Je crois que la question que M. Langlois a posée et à laquelle on a répondu visait à préciser qu'il s'agirait d'un mécanisme visant à faire en sorte que les gens s'adressent à un organisme compétent ou lieu de simplement faire des accusations publiques hypothétiques.
[Français]
M. Langlois: Vous avez répondu au moins partiellement à ma deuxième question, que je vais quand même vous poser. Lorsqu'on parle d'activités illégales, on fait évidemment allusion à des textes juridiques qui peuvent prohiber certaines activités. Vous parlez aussi de tout autre méfait qui menace l'intégrité du gouvernement du Canada.
C'est une expression passablement large, et on entre peut-être ici dans des considérations plus politiques, même au sens partisan du terme, pour une personne, pour un fonctionnaire. Une personne peut considérer que le gouvernement en place commet des actes qui, au plan politique, sont nuisibles et constituent un méfait qui menace l'intégrité du gouvernement du Canada.
Évidemment, vous faites la suite des événements, mais il faut être capable de faire la distinction entre le droit de faire une dénonciation sans représailles et le droit du gouvernement à la loyauté de ses fonctionnaires. Il y a un équilibre qui doit être maintenu.
[Traduction]
Mme Beaumier: Non, je ne mets pas du tout en doute ce que vous avez dit, mais permettez-moi de vous parler de cas différents dont j'ai eu connaissance.
On m'a dit que dans un ministère il y a des fonctionnaires qui se font payer pour des services rendus. On m'a signalé des contrats octroyés sans appel d'offres et des conflits d'intérêts qui frôlent le pot de vin. C'est ce genre d'affaires qui seraient visées. C'est pourquoi il faut à mon avis établir un programme de consultation pour s'assurer de bien cerner les critères.
La présidente: Dois-je comprendre, madame Beaumier, que c'est la raison pour laquelle vous avez demandé une motion au lieu...
Mme Beaumier: C'est pourquoi j'ai demandé une motion. Ce n'est pas si facile. Il ne sera pas facile de rédiger le projet de loi, parce que ce n'est pas simple. Il faut un comité parlementaire ou une commission royale pour rédiger le projet de loi.
La présidente: Monsieur Frazer.
M. Frazer: S'il est souhaitable que l'anonymat du dénonciateur soit préservé, dans bien des cas cela ne sera pas possible parce que le renseignement ne pourra provenir que d'une seule source. Par conséquent, l'identité de la personne deviendra évidente. Comment pourra-t-on la protéger en pareil cas?
Mme Beaumier: Je n'anticipe pas sur le texte du projet de loi. Je m'intéresse à la nécessité de légiférer et de créer un comité ou un organisme quelconque qui sera chargé de rédiger un projet de loi et de s'occuper du dossier.
La présidente: Monsieur Loney, avez-vous d'autres questions?
M. Loney: Non.
La présidente: Merci, madame Beaumier.
Mme Beaumier: Merci.
La présidente: Monsieur Mills, je vous en prie. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Mills.
M. Dennis Mills, député (Broadview - Greenwood): Merci beaucoup, madame la présidente.
Si je comprends bien, la raison de ma comparution aujourd'hui, c'est d'essayer de convaincre le comité que ce projet de loi d'initiative parlementaire devrait faire l'objet d'un vote, et non pas d'une motion.
Premièrement, je voudrais vous dire quelques mots pour établir le contexte de ce projet de loi. Comme vous le savez, l'industrie du jeu pèse aujourd'hui plus de 500 milliards de dollars, uniquement en Amérique du Nord. Et le jeu sur le réseau Internet est en train de se répandre de façon vertigineuse. C'est comme une traînée de poudre. Même des gens qui sont de véritables analphabètes informatiques commencent à s'y mettre. Il y a beaucoup de sites de jeu sur le réseau Internet dans toute l'Amérique du Nord, et même dans le monde entier.
Pour l'instant, il n'existe aucun organisme pour réglementer tout cela. En conséquence, les sites se multiplient; on en crée dans les îles et en Indonésie et dans toutes les parties du monde où il n'y a aucun mécanisme d'application de la loi et de réglementation, ou aucune enquête ou vérification des antécédents des exploitants, où l'on n'exige aucune caution pour le paiement des lots, aucune assurance pour les erreurs ou omissions, aucune limite pour le montant maximum qu'un joueur peut perdre par jour ou par semaine, aucun contrôle interdisant aux mineurs de jouer, aucune taxe sur le jeu électronique avec des taux différenciés pour les organismes de charité, les États, les Autochtones, l'entreprise privée, aucun permis pour les exploitants et les principaux fournisseurs, aucun contrôle du blanchiment de l'argent, aucune protection contre les pirates informatiques, aucune protection des fonds déposés dans les comptes des joueurs et relativement aux données des cartes de crédit, et aucun arbitrage des conflits.
Comme le Canada est à l'avant-garde mondiale dans tout le domaine de l'inforoute, nous devrions être le premier pays dans le monde à essayer de légiférer de manière à instaurer un cadre et un organisme de contrôle pour tout ce vaste domaine du jeu sur Internet.
Il y a une autre raison pour laquelle le gouvernement du Canada devrait le faire. Comme vous le savez, on a remis aux provinces tout le dossier des loteries. Cela a commencé avec Joe Clark en 1979, et c'est Otto Jelinek qui a complété le dossier en 1987. Dans le dossier de l'autoroute de l'information, il est question de relations d'État à État. Si tout à coup nous laissons chaque province s'en mêler, on se retrouvera avec neuf ou dix normes différentes, et tout se fera à la va comme je te pousse.
Par ailleurs, du point de vue des affaires publiques, il y a là une occasion en or pour le gouvernement du Canada de mettre la main sur des recettes énormes, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Dès qu'un système établi aura l'approbation, l'imprimatur, d'un pays du G-7, les gens du monde entier vont se précipiter sur les sites en question pour jouer.
Il y aurait donc moyen, sous réserve d'une bonne réglementation, d'un contrôle serré, d'aller chercher des recettes fiscales qui se chiffreraient dans les milliards de dollars. Si j'avais plus de temps, je pourrais même soutenir que cela pourrait être l'instrument qui nous permettrait de sauver notre régime national de soins de santé au Canada.
Tous les députés devraient avoir l'occasion de se prononcer sur ce projet de loi, qu'ils soient pour ou contre. C'est un projet de loi qui ne plaira pas à ceux dont les cheveux se dressent sur la tête dès qu'ils entendent le mot «casino» - ceux-là vont courir se mettre à l'abri - mais laissez-moi vous dire qu'il faut faire front, parce que tout ce dossier évolue très rapidement.
Il y a à peine quelques mois, Bill Clinton a nommé une commission du jeu qui se penchera sur toute cette question. Compte tenu de l'expertise qui existe aux États-Unis, si les Américains estiment qu'il est dans leur intérêt de réglementer cela au lieu de faire semblant que cela n'existe pas, laissez-moi vous dire que s'ils prennent la tête du mouvement, nous serons largués pour de bon.
Je vous exhorte donc à envisager de faire en sorte que ce projet de loi puisse faire l'objet d'un vote à la Chambre des communes.
Merci.
[Français]
M. Langlois: Monsieur Mills, de quelle façon ce projet de loi peut-il gêner les activités de gens qui ont des sites Internet situés dans les îles dont vous parliez plus tôt, comme les Antilles ou les pays qui n'ont aucune réglementation?
[Traduction]
M. Mills: Eh bien, cela n'éliminerait pas ces activités, mais s'il y avait une organisation réglementée par le gouvernement du Canada, cela donnerait aux consommateurs - pas seulement aux consommateurs d'ici, mais à tous les consommateurs du monde - l'assurance que l'on a tout prévu.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, on réglementerait tous les aspects: les mineurs qui se livrent aux jeux de hasard, les enquêtes pour établir les antécédents de ces exploitants de jeux sur Internet, le blanchiment de l'argent, la protection contre les pirates informatiques, les fonds déposés dans les comptes des joueurs, la protection des données des cartes de crédit, etc. À l'heure actuelle, tout cela existe dans ces entreprises créées dans les îles, et il n'y a absolument aucun organisme de réglementation pour contrôler tout cela.
[Français]
M. Langlois: La lumière vient peut-être de se faire. Si je comprends bien, vous voulez assurer aux consommateurs des casinos, où qu'ils soient dans le monde, que le Canada va leur offrir un site Internet «propre» où ils auront des garanties juridiques de confidentialité. Est-ce que je me trompe?
M. Mills: C'est exactement cela.
M. Langlois: D'accord. Merci.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Loney.
M. Loney: Monsieur Mills, comment proposez-vous d'assurer la surveillance du processus de réglementation?
M. Mills: L'une des façons d'assurer la surveillance de tout cela, c'est que si l'on avait une loi régissant tout ce réseau du jeu sur Internet au Canada, alors les gens devraient présenter une demande pour pouvoir s'intégrer à ce réseau approuvé par les autorités. Il y aurait une enquête sur les antécédents, et l'on analyserait les mérites des diverses personnes en cause: les candidats, les banques et les institutions financières, parce qu'il faut des liens avec une institution financière d'envergure pour exploiter le système de cartes de débit et de crédit.
Tous ces gens-là devraient donc s'inscrire, et il y aurait vérification approfondie et continue de leurs livres et bilans et des vérifications ponctuelles de leur clientèle, tout comme dans le cas de Revenu Canada.
M. Loney: Comment cela s'appliquerait-il aux sites à l'étranger?
M. Mills: Eh bien, cela ne s'appliquerait pas aux sites à l'étranger. Autrement dit, actuellement, des gens exploitent des sites à l'étranger sans aucune réglementation, mais à mon avis, si le gouvernement du Canada approuvait officiellement un réseau de ce genre, cela donnerait au consommateur la protection dont je parle, puisqu'il s'agirait d'un réseau réglementé et faisant l'objet de vérifications approfondies.
La présidente: Monsieur Frazer.
M. Frazer: Je suis d'accord avec l'orientation que vous préconisez, monsieur Mills, mais j'ai un problème, car je ne vois tout simplement pas comment cela pourrait marcher. Si l'on impose une limite d'âge, les gens n'utiliseront pas le réseau canadien; ils s'adresseront ailleurs. Si l'on impose une limite de crédit, ils joueront au Canada jusqu'à concurrence de leur limite de crédit, après quoi ils iront ailleurs. Je ne vois pas comment on peut...
Bien des gens ont essayé de contrôler l'Internet, et, jusqu'à maintenant tout au moins, cela a fait l'objet d'une très vive résistance. En fait, je pense que toutes les tentatives de contrôle ont échoué.
Je reconnais avec vous que les gens pourraient trouver attrayant un réseau de jeux canadien parce qu'il serait surveillé et réglementé, mais cela n'empêcherait pas les gens d'aller jouer ailleurs.
M. Mills: Je suis tout à fait d'accord pour dire que l'on ne pourrait pas attirer tous les clients potentiels. Il est évident qu'il y a des gens qui choisiraient d'aller jouer ailleurs, dans un réseau non réglementé. Nous ne pouvons pas contrôler toute l'activité sur l'autoroute de l'information. Mais je suis d'avis, et d'autres sont d'accord avec moi là-dessus, que dès que les gens estiment qu'une organisation est bien contrôlée, respectée et digne de confiance, ils ont beaucoup plus tendance à se diriger vers ce système.
Je ne veux pas essayer de vous faire croire qu'il s'agirait d'un système complètement étanche. C'est impossible. Mais l'autre méthode, c'est de simplement laisser les activités non réglementées se multiplier chaque jour, chaque semaine de l'année, c'est de laisser faire, alors qu'en fait nous avons là l'occasion d'être le chef de file mondial dans ce qui constitue probablement dès maintenant la première industrie en importance dans le monde, et je veux parler de l'industrie du jeu. Rien qu'en Amérique du Nord, c'est une industrie de 500 milliards de dollars.
À mesure que les gens seront de plus en plus nombreux à savoir se servir d'un ordinateur, vous pouvez être certain que si nous n'intervenons pas pour organiser, réglementer, établir un mécanisme de protection quelconque, les gens vont se mettre à jouer ailleurs, dans un réseau non réglementé.
M. Frazer: Serait-il juste de dire qu'il y a là une véritable poule aux oeufs d'or, que le Canada devrait s'y intéresser parce que cela pourrait être très payant?
M. Mills: Personnellement, je pense qu'en disant que c'est une «poule aux oeufs d'or», vous êtes bien au-dessous de la vérité. J'ai travaillé avec des gens qui ont fait des calculs. Évidemment, tout cela est hypothétique, mais ces calculs ont été faits par des gens qui ont travaillé dans l'industrie du jeu. Cela pourrait représenter jusqu'à 20 ou 30 milliards de dollars par année - je dis bien par année - et à l'heure actuelle nous ne levons pas le petit doigt. Ce sont des sommes considérables qui pourraient être versées au Trésor du Canada.
M. Frazer: C'est une taxe volontaire.
M. Mills: Oui.
M. Frazer: Merci.
La présidente: C'est plus fort que moi, je dois poser cette question. En réglementant tout cela, en mettant le sceau du Canada là-dessus, en disant que c'est sûr, que c'est régulier, que les gens peuvent jouer en toute confiance, est-ce que nous n'encourageons pas littéralement les gens à se livrer aux jeux de hasard?
M. Mills: C'est exactement comme ce qui se fait actuellement avec les bingos, les casinos pour des fins caritatives, les casinos professionnels et les autres jeux...
La présidente: Où voulez-vous en venir, monsieur Mills?
M. Mills: Je veux en venir à ceci, madame la présidente: qu'on le veuille ou non, il s'agit d'une industrie qui existe déjà et qui vaut 500 milliards de dollars. Voilà pourquoi toute cette notion de moralité ne vaut pas. L'important, c'est que grâce à la technologie moderne nous puissions instaurer un système qui bloque l'accès à ces jeux à ceux dont les revenus sont en deçà d'un certain seuil. Autrement, dès lors que l'on implante un système de réglementation, il faut au départ avoir une carte pré-approuvée afin de pouvoir avoir accès à l'un ou l'autre des jeux. C'est comme pour obtenir une carte de crédit. Si je suis en chômage et que je n'ai aucune ressource financière ou si, pour une raison ou pour une autre, on me refuse une carte de crédit ou l'accès à l'Internet, je ne pourrai jouer.
La présidente: Vous ne pensez pas que cela revient à dire à quelqu'un qu'il doit avoir un certain revenu au départ, mais que s'il a tel ou tel problème de santé, il se verra remettre une carte disant qu'il n'a le droit de fumer que tant de cigarettes par jour, après quoi on lui coupera l'approvisionnement en cigarettes?
M. Mills: Ce n'est pas une question de santé. C'est une façon de s'assurer qu'à moins qu'un mineur ne dérobe la carte de son père ou de sa mère et n'obtienne le mot de passe, par exemple... Ça, c'est le genre de chose qu'on ne peut exclure complètement et qui continuera à arriver. Mais avec un système comme celui que je propose, même si quelqu'un vole une carte, il ne pourra pas jouer indéfiniment. Cela ressemble à ce qui existe déjà, si on pense aux limites imposées aux cartes de crédit. Cela ne constitue aucunement du paternalisme autoritaire. C'est tout simplement dans le but de pénétrer un énorme marché, qui est très lucratif quotidiennement.
Grâce à John Manley, nous avons réussi à avoir le meilleur dossier du monde en ce qui concerne l'autoroute de l'information. Nous pourrions facilement être les meneurs des pays du G-7, et, ce faisant, nous pourrions aller chercher de 20 à 30 milliards de dollars par année qui garniraient nos coffres.
La présidente: Avez-vous déjà abordé la question avec le Comité de l'industrie?
M. Mills: Nous espérons évidemment que notre projet de loi lui serait renvoyé, comme nous l'avons d'ailleurs demandé.
La présidente: Mais vous n'avez encore fait la suggestion ni au ministre de l'Industrie ni au comité, n'est-ce pas?
M. Mills: Non, mais nous espérons que le projet de loi sera renvoyé au comité.
La présidente: Bien. Merci.
M. Mills: J'ai déjà abordé la question, de façon officieuse, avec des gens du ministère, des représentants de la société i-STAR et avec d'autres encore, et ils sont tout à fait d'accord avec moi: il est impérieux que nous intervenions.
La présidente: Bien. Merci, monsieur Mills.
M. Mills: Merci de m'avoir donné l'occasion de m'expliquer.
La présidente: Monsieur Allmand. Serait-ce que nous avons tiré tous des libéraux cette semaine?
M. Warren Allmand, député (Notre-Dame-de-Grâce): Bonjour.
Le projet de loi C-249 vise à modifier la Loi sur la responsabilité nucléaire. Celle-ci a été adoptée en 1970, mais n'est entrée en vigueur qu'en 1976. La loi dit que, s'il y a défaillance d'une centrale nucléaire, comme une fuite par exemple, les exploitants ne sont tenus responsables que jusqu'à un maximum de 75 millions de dollars. C'était là le maximum fixé par la loi en 1970. La loi dit également que si les dommages dépassent les 75 millions de dollars, c'est le gouvernement qui versera l'indemnisation supplémentaire.
Mon projet de loi vise à porter la limite de 75 à 500 millions de dollars et prévoit également que dès que la responsabilité dépasse 500 millions de dollars, le gouvernement doit verser des indemnisations si la commission qui est créée en vertu de la partie II de la loi, qui existe déjà, recommande cette indemnisation supplémentaire. Pour l'instant, sur la recommandation de la commission, le gouvernement peut accepter ou refuser de verser l'indemnisation.
Pourquoi ce projet de loi-ci? D'abord, vous ne le savez peut-être pas, mais les particuliers ne peuvent obtenir de l'assurance personnelle contre des dommages subis lors d'un accident nucléaire. Vous auriez beau faire des recherches, aucune compagnie d'assurances au Canada n'acceptera cette responsabilité. Pourquoi? Parce qu'elles savent fort bien que cela constitue un risque réel et une possibilité. Même s'il n'y a eu aucun accident grave au Canada jusqu'à maintenant, il est impossible de détenir de l'assurance personnelle.
Il existe actuellement 23 centrales nucléaires au Canada. La plupart sont situées en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick, mais il y en a aussi ailleurs. Si l'on tient compte de l'inflation, la limite de 75 millions de dollars fixée en 1970 équivaudrait à 279 millions de dollars de 1989. Je n'ai pas de chiffres plus récents, mais ce maximum de 75 millions de dollars avait soulevé toute une controverse à l'époque.
Dans le mémoire présenté aux audiences d'Hydro-Ontario en 1990, les spécialistes ont signalé qu'un accident grave à la centrale de Darlington, en Ontario, pourrait facilement causer pour un billion de dollars de dommages. Pour établir ce chiffre, ils se sont fondés sur les accidents qui étaient survenus à Three Mile Island, aux États-Unis, et à Tchernobyl, en Union soviétique. Soit dit en passant, l'accident de Tchernobyl de 1986 a donné lieu à 300 milliards de dollars en dommages. Les dommages à Kiev, qui se trouve plus loin de Tchernobyl que Toronto ne l'est de Pickering, se chiffraient à 100 milliards de dollars de dommages faits aux particuliers, aux propriétés, etc. En Ukraine et au Bélarus, les dommages atteignaient quelque 300 milliards de dollars.
J'ai parlé de l'accident de Three Mile Island survenu en 1979 aux États-Unis, mais il faut également signaler un incident survenu en 1983 à l'unité 2 de la centrale A de Pickering, où il y a eu une fuite. On a réussi à fermer la centrale suffisamment rapidement pour éviter que la fuite ne se répande, mais les réparations qu'on a dû faire à la centrale à la suite de cette fuite ont coûté100 millions de dollars.
Il y a eu certaines tentatives visant à faire déclarer inconstitutionnelle la Loi sur la responsabilité nucléaire. À la suite de la fuite de Pickering survenue en 1983, la ville de Toronto, de concert avec Energy Probe et une femme nommée Rosalie Bertell, a intenté une action pour faire déclarer inconstitutionnelle la Loi sur la responsabilité nucléaire. L'affaire est demeurée devant les tribunaux pendant 10 ans, de 1986 à 1996, et était financée par la ville de Toronto et Energy Probe, qui recevaient des contributions de particuliers.
Hydro-Ontario, la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick et d'autres intérêts se sont débattus âprement dans cette affaire. Il s'agissait d'ailleurs d'une de ces causes qui ont pris une ampleur insoupçonnée. Mais en bout de piste, les plaignants ont dû abandonner l'affaire, étant à court d'argent. La cause était à ce moment-là devant la cour d'appel, et elle ne s'est jamais rendue en Cour suprême. Si je vous mentionne tout cela, c'est pour vous montrer à quel point la question suscite beaucoup d'intérêt.
J'aimerais vous renvoyer brièvement à certains des documents que je vous ai fait distribuer; vous voyez que cette question intéresse beaucoup les Canadiens. Évidemment, elle ne fait pas les manchettes lorsqu'il n'y a pas de défaillances à signaler, mais chaque fois que les Canadiens se rendent compte de ce qui pourrait leur arriver... Ainsi, si vous deviez être touché par un accident nucléaire survenu à Pickering ou au Nouveau-Brunswick, ou à Gentilly, au Québec, et que les vents devaient déposer des retombées radioactives sur le terrain de votre maison, sur votre ferme, ou là où vous travaillez, ces lieux pourraient devenir inhabitables pendant 10 ans, voire pendant cent ans. Ces retombées pourraient causer le cancer chez vos proches et entraîner des dommages génétiques chez les habitants. Les dommages causés par ces retombées pourraient être simplement incroyables, comme on a pu le constater à Tchernobyl, en Union soviétique.
Même la ministre des Ressources naturelles, Mme Anne McLellan, dont le ministère parraine le projet de loi, envisage la possibilité d'augmenter le plafond. Mon projet de loi mettra encore une fois cette question en lumière et permettra d'ouvrir la discussion à nouveau. Tous ceux qui s'y connaissent s'intéressent de très près à cette affaire.
On peut bien discuter du montant accordé. J'ai suggéré moi-même de porter le plafond de75 à 500 millions de dollars. Ce montant pourrait être modifié en comité si vous décidiez que le projet de loi peut faire l'objet d'un vote. C'est le principe qui compte; les limites sont beaucoup trop faibles aujourd'hui. Elles ne protègent aucunement les Canadiens qui habitent près des centrales nucléaires - et quand je dis qu'ils habitent près, les retombées peuvent se faire sentir dans un rayon de 100 milles autour de la centrale. C'est le principe qui est important.
Je suis prêt à modifier le plafond de 500 millions de dollars. C'est le comité qui pourrait décider si le montant devrait être de 600 millions ou de 1 milliard de dollars, par exemple. Mais ce sur quoi je ne transigerai pas - et cela suscite beaucoup de controverses - c'est sur l'obligation de l'État de payer les dommages qui vont au-delà de la responsabilité des entreprises, étant donné que c'est l'État, le gouvernement, qui autorise la construction de ces centrales et qui leur octroie leur permis de fonctionnement. Si le gouvernement octroie un permis de fonctionnement à une centrale dangereuse, il devrait en assumer une certaine responsabilité.
Mesdames et messieurs, voilà ma proposition. C'est une question qui préoccupe beaucoup les Canadiens et qui fait les manchettes dès qu'il se produit un accident ou une défaillance ailleurs dans le monde.
Laissez-moi aussi ajouter un détail qui a son importance: sachez que dans une seule année, en 1995, on a répertorié 786 incidents inhabituels en Ontario, d'une fuite mineure à une défaillance de l'équipement. Sur ces 786 incidents inusités, 391 ont fait l'objet d'un rapport officiel à la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Vous voyez que même si nous n'avons pas souffert d'un accident du type de celui de Tchernobyl, nous en avons connu néanmoins beaucoup d'autres. On a heureusement réussi à les circonscrire assez vite, mais il nous faut obtenir une certaine assurance pour nous protéger contre ce type d'accident terrible.
La présidente: Des questions?
[Français]
M. Langlois: Monsieur Allmand, vous parliez du projet de loi qui a été adopté en 1970 et proclamé en 1976. Étant donné que vous étiez à la Chambre des communes et au gouvernement à l'époque, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi cela a pris autant de temps mais, plus particulièrement, eu égard au premier paragraphe de votre projet de loi, qui a trait à une assurance de base, j'aimerais que vous nous expliquiez s'il s'agit d'une assurance en ce sens que c'est la Couronne qui devrait garantir ou un assureur avec des underwriters.
M. Allmand: Les compagnies impliquées dans cette industrie ont de l'assurance jusqu'à concurrence de 75 millions de dollars. Donc, même si les individus ne peuvent obtenir de l'assurance, les grandes compagnies ont la capacité d'en obtenir d'une façon ou d'une autre. Je ne connais pas exactement les termes commerciaux de ces accords, mais, pour le moment, ces23 installations sont assurées par les compagnies en question. Dans certains cas, ce sont les gouvernements des provinces qui le font, par exemple par l'entremise de la New Brunswick Power Corporation, d'Hydro-Québec et d'Ontario Hydro. Dans l'Ouest, il y en a quelques-unes aussi, mais je ne connais pas leurs noms. En général, ce sont des compagnies de la Couronne, des compagnies gouvernementales.
M. Langlois: Les simples citoyens comme vous et moi ne peuvent s'assurer contre les risques en matière nucléaire. Est-ce parce que le risque est trop élevé ou non évaluable, de telle sorte que les primes ne peuvent être calculées ou seraient trop élevées, alors que dans le cas d'une compagnie qui exploite les primes, cela est escompté dans ses profits et pertes?
[Traduction]
M. Allmand: Dans les années soixante, au moment où l'énergie nucléaire en était à ses premiers balbutiements, les entreprises qui mettaient au point l'équipement nécessaire, telles que General Electric et Westinghouse, ont demandé au gouvernement d'adopter une loi qui les dégagerait de toute responsabilité. Elles ont obtenu gain de cause, sous forme de la Loi sur la responsabilité nucléaire; mais c'est une autre paire de manches. On ne peut poursuivre les entreprises qui produisent l'équipement; par ailleurs, on ne peut poursuivre les utilisateurs de cet équipement que pour un maximum de 75 millions de dollars.
De nombreux Canadiens et Américains se sont opposés par principe à cette absolution générale. En effet, les fabricants d'équipements doivent généralement assumer une certaine responsabilité; toutefois, la loi de 1970 les dégage de toute responsabilité.
Même si la loi faisait l'objet de débats en 1970, il a fallu six ans avant qu'elle entre en vigueur, parce que certaines personnes, en voyant ce qui était arrivé à Three Mile Island et ailleurs, se sont rendu compte des terribles dommages qu'une défaillance pouvait causer. Elles ont essayé d'obtenir de l'assurance, mais aucune compagnie d'assurances ne voulait la leur accorder. Elles ont alors essayé de convaincre le gouvernement d'obliger les exploitants à acheter de l'assurance.
J'imagine que les compagnies d'assurances refusent d'assurer parce que le risque est trop élevé et, comme vous l'avez signalé, trop difficile à évaluer. D'ailleurs, cela peut même dépasser les limites envisageables. Comme je l'ai mentionné, les dommages atteignaient presque 200 milliards de dollars à Kiev. On a évalué à plus de 300 milliards de dollars les dommages subis par toute la région entourant Tchernobyl. Dans certains cas, il n'y a jamais eu quelque indemnisation que ce soit. Or, des gens souffrent encore aujourd'hui et en meurent aussi. Des gens non seulement ont perdu leur ferme et leur maison, mais ont dû aussi quitter leur chez-soi pour ne plus jamais y revenir. Et ne parlons pas non plus des dommages médicaux et génétiques, ni du cancer et des autres maladies, que nous ne soupçonnons toujours pas.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
M. Frazer: Monsieur Allmand, je conviens avec vous qu'il faudrait sans doute rediscuter des montants, car d'après les exemples que vous nous avez cités, le maximum de 500 millions de dollars ne pourrait pas suffire non plus.
M. Allmand: Je crois que le gouvernement envisageait d'aller jusqu'à 1 milliard de dollars, mais n'a pas encore pris de décision.
M. Frazer: Je comprends que le gouvernement doive assumer une certaine responsabilité, puisque c'est lui qui autorise la mise en oeuvre et qu'il devrait donc se sentir lié par les conséquences. Vous êtes-vous demandé ce que fait le gouvernement dans le cas des mauvais conducteurs? Les compagnies d'assurances sont obligées d'assurer les mauvais conducteurs, et elles le font en leur imposant des primes plus élevées. Mais dès lors qu'une compagnie d'assurances refuse d'assurer un mauvais conducteur, si le gouvernement impose à ce conducteur de s'acheter une assurance, cela oblige la compagnie d'assurances à assumer un risque proportionnel. Envisageriez-vous la même chose dans le cas de la responsabilité nucléaire, c'est-à-dire d'obliger les compagnies d'assurances à...?
M. Allmand: Vous voulez dire obliger les individus à s'assurer?
M. Frazer: Non.
M. Allmand: L'obligation serait pour les compagnies d'assurances.
M. Frazer: Oui, pour les compagnies d'assurances.
M. Allmand: En fait, cela se fait déjà. Actuellement, la loi oblige tous les exploitants à détenir des assurances jusqu'à un maximum...
M. Frazer: Mais les compagnies d'assurances sont-elles obligées de fournir cette assurance?
M. Allmand: Je ne sais pas exactement étant donné que plus de la moitié de ces installations sont dirigées par des administrations publiques. Je ne connais pas la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick. Au Québec, c'est Hydro-Québec; c'est un organisme gouvernemental. En Ontario, Hydro-Ontario est un organisme gouvernemental. Dans l'Ouest, je ne sais pas trop. Quelquefois, il s'agit de services publics qui appartiennent à des actionnaires privés.
À l'heure actuelle, la loi les oblige à être assurés, soit par l'intermédiaire de leur gouvernement, soit par... C'est donc actuellement obligatoire. C'est comme ça que cela se passe.
La loi actuelle les oblige à être couverts jusqu'à concurrence de 75 millions de dollars. Comme vous le dites, ce n'est pas forcément le chiffre exact. Ce n'est pas tellement ce qui m'importe d'ailleurs. Ce qui m'importe, c'est que ce n'est pas du tout suffisant. S'il y avait un problème à Pickering ou à Darlington, les dommages dans cette région très peuplée seraient incroyables - incroyables. Toronto deviendrait une ville fantôme. C'est la raison pour laquelle la ville de Toronto a passé 10 ans devant les tribunaux à essayer de faire déclarer cela anticonstitutionnel.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Allmand.
M. Allmand: Je vous en prie.
La présidente: Chaque exposé nous prend un peu plus de temps que d'habitude parce que, comme vous le savez tous, nous nous sommes posé certaines questions quant à notre mandat, que nous sommes en train de réexaminer, tout comme les règles que nous suivons. En attendant, nous essayons de nous assurer que tous ceux qui viennent ici ont le sentiment d'avoir été entendus convenablement. Je vous demanderais tout de même à tous de répondre aussi brièvement que possible lorsque l'on vous pose des questions, de sorte que nous puissions entendre un maximum de monde.
Monsieur Cannis.
M. John Cannis, député (Scarborough-Centre): Maintenant vous savez pourquoi j'ai perdu mes cheveux.
La présidente: Je pensais justement que John et moi-même ainsi que André - pauvre André - nous étions tous à Kiev après l'affaire de Tchernobyl. Un soir, nous avons d'ailleurs eu pour dîner un poulet à trois ailes. Tout cela est peut-être un peu inquiétant.
M. Cannis: Bonjour, et merci de me recevoir.
Madame la présidente, l'objet de ce projet de loi, le projet de loi C-296, est d'exiger que les détenus fédéraux suivent des programmes qui les aideront à se réintégrer dans la société et ne puissent bénéficier d'une libération conditionnelle que s'ils ont suivi avec succès de tels programmes. Vous me demandez pourquoi le comité devrait considérer que ce projet de loi mérite d'être mis aux voix.
Je vous dirais que le projet de loi C-296, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, est conforme aux critères énoncés dans le rapport que ce comité a présenté au Parlement en octobre 1987 pour les raisons suivantes.
Il n'est ni dérisoire ni insignifiant. Il est au contraire d'importance nationale. Étant donné qu'il apporterait des changements qui auraient une incidence sur la façon dont les détenus des prisons fédérales sont traités et remis en liberté, c'est évidemment très important pour notre sécurité publique nationale.
Cela ne favorise ni ne défavorise aucune région du pays. En fait, cela touche l'ensemble du pays.
D'autre part, à ma connaissance, l'objet de ce projet de loi diffère des questions spécifiques qui seraient au programme législatif du gouvernement.
Il ne peut être considéré comme anticonstitutionnel et ne porte pas sur des questions partisanes.
Le vérificateur général a tout récemment déclaré que le gouvernement dépense quelque75 millions de dollars par an pour essayer de procéder à la réintégration sociale des prisonniers fédéraux sans aucune garantie que les délinquants reçoivent le genre de traitement voulu ni que le résultat justifie les coûts. À mon avis, et de l'avis de beaucoup, ce n'est pas normal.
L'énoncé de mission du Service correctionnel du Canada déclare que son rôle est d'encourager activement et d'aider les délinquants à devenir des citoyens qui respectent la loi. Nous devrions donc pouvoir être assurés que c'est bien le cas avant de les remettre en liberté. Permettre que des délinquants soient remis en liberté alors qu'ils continuent à représenter un risque pour la société ne peut que nuire grandement à la population et mettre tout le monde en danger.
Je ne dis pas aujourd'hui que les programmes qu'offre le SCC ne sont pas efficaces ni à la pointe du progrès. En fait, des études démontrent que nous avons certains des meilleurs programmes du monde. Ce que je dis, c'est qu'il faut s'intéresser davantage à la façon dont ils sont administrés. Nous devons nous assurer que les délinquants suivent les programmes voulus et vont jusqu'au bout de ces programmes avant qu'on envisage leur libération conditionnelle.
Nous devrions d'autre part nous assurer que les programmes nécessaires existent pour tous, et non pas simplement pour une personne en particulier ou dans un seul pénitencier, etc. Je crois que ce n'est pas le cas actuellement et que ce problème devrait être examiné.
Madame la présidente, je pourrais vous citer plusieurs exemples, mais je sais que le temps presse, comme vous l'avez dit tout à l'heure, et je n'en citerai donc qu'un seul.
Je l'ai d'ailleurs utilisé lorsque j'ai parlé de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il s'agit de deux jeunes gens, Jamie Taylor et Mark Williams. À 17 ans, Mark Williams a essayé avec son frère d'aller cambrioler un appartement pour prendre tout ce qu'ils pourraient. Ils ont par accident tué la dame qui vivait dans cet appartement. L'article dit qu'aujourd'hui Mark a un fils de cinq ans. Il déclare lui-même qu'il n'a pratiquement jamais été traité. Il est maintenant marié et a un fils de cinq ans qu'il voit toutes les semaines. Il déclare qu'il a vu son équipe de gestion des cas quatre fois en six ans. Son cas sera examiné en 1998 en vue d'une libération conditionnelle. Inutile d'en dire plus.
Cet homme est maintenant animé par la colère. Il dit aussi qu'au cours des ans qu'il a passés derrière les barreaux il a vu des gens victimes de viols collectifs, de coups de poignard, d'autres se faire cogner dessus avec des tuyaux ou des bâtons de base-ball. Son meilleur ami s'est pendu après s'être vu refuser la libération conditionnelle. Un autre ami s'est fait entailler la gorge, etc.
Le ministre de la Justice, M. Allan Rock, a déclaré que les initiatives du ministère de la Justice visent à punir et à réadapter en même temps. Je crois que ma proposition vise à ce que ces détenus suivent un tel programme s'ils veulent que l'on envisage leur libération conditionnelle. Bref, si l'on termine le programme avec succès, on obtient un certificat, sinon le cas n'est pas examiné en vue d'une libération conditionnelle.
Considérez certains des exemples contenus dans le rapport du vérificateur général, qui déclare que 17 p. 100 des 10 millions de dollars consacrés à la réadaptation des délinquants sexuels en 1994-1995 ont permis de traiter 20 prisonniers - et je n'indiquerai pas la région - ce qui représente environ 85 000$ par délinquant, sans aucune preuve que c'était les délinquants qu'il fallait traiter ni que le programme donnait des résultats.
Il poursuit que les 8,3 millions de dollars restants ont été consacrés aux 1 800 autres cas dans le reste du pays, soit environ 4 600$ par personne. Je dirais que cette dame qui a perdu la vie valait certainement plus que 4 600$.
Je pourrais vous citer des tas d'autres exemples. On lit ici dans un autre article que la sécurité publique est menacée, car les délinquants dangereux sont remis dans la rue par des bureaucrates totalement incompétents.
Il nous incombe à titre de législateurs... On présente toujours des lois propres à améliorer la vie de tous et à servir l'ensemble de la nation. Par ce projet de loi, je voudrais que l'on précise un peu les initiatives proposées par le ministre de la Justice. Nous avons souvent dit que tout n'est pas parfait. Je ne crois pas que les mesures présentées par le ministre de la Justice soient parfaites.
Il peut arriver que quelqu'un ait une suggestion à faire pour améliorer une mesure législative et donner à nos concitoyens la conviction que nous faisons tout ce que nous pouvons pour améliorer la sécurité et les protéger.
Voilà qui résume mon propos.
La présidente: Monsieur Cannis, vous nous avez laissé entendre que vous avez déjà présenté cette documentation devant le Comité de la justice. Quelle a été leur réaction?
M. Cannis: Non, ce n'est pas exactement ce que je leur ai présenté. Je sais que c'est un sujet dont je parle depuis déjà un certain temps. J'en suis parfaitement conscient. Je ne suis pas naïf: je sais qu'afin de faire avancer une idée il faut suivre certaines procédures. Je sais que certaines des suggestions que j'ai faites, madame la présidente, ont progressé. Il y a un certain nombre de changements qui ont été faits, et j'en suis ravie.
Une des initiatives dont je parle depuis déjà longtemps, c'est justement celle-ci, c'est-à-dire que la demande de libération conditionnelle du délinquant dépende de sa réussite à un programme de réadaptation.
La présidente: Très bien. Je vais donc vous poser une autre question. Avez-vous soulevé cette question devant le Comité de la justice lorsqu'il faisait une révision de la loi sur la détermination de la peine?
M. Cannis: Non. Je sais qu'on en a fait mention, et j'espérais que quelqu'un prendrait le relais.
La présidente: Je suis simplement curieuse quant à leur réaction.
J'aimerais savoir ceci: si vous avez quelqu'un qui suit un programme quelconque ou qui est incarcéré, et que sa peine est d'une durée de dix ans, mettons, et qu'il se retire de tous ces programmes, ne veut participer à rien, et lorsque sa peine de 10 ans est purgée, il est libéré... Cela ne vous dérange pas?
M. Cannis: Oui, cela me pose un problème. Je sais, bien sûr, qu'il y a des initiatives aujourd'hui qui permettent qu'une personne soit déclarée délinquant dangereux, par exemple, beaucoup plus facilement que ce n'était le cas il y a 5 ou 10 ans. Je crois qu'un individu de ce genre représente certainement un danger pour la société, mais s'il a purgé toute sa peine, alors je ne peux rien faire d'autre que de le libérer, puisqu'il a purgé la totalité de sa peine.
Cependant, je crois que cet individu, si on le lui offre, comme on le fait parfois, je crois, dans le système, voudra, tout comme Mark Williams, par exemple, vivre une vie normale. Il voudra vivre une vie normale avec son garçon de cinq ans et son épouse, mais il n'est pas prêt pour cela. Il dit qu'il n'est pas prêt pour cela. Qu'est-ce qui va arriver à ce Mark Williams lorsqu'il sera libéré?
Il y a un autre cas - et j'ai un article paru dans un des journaux locaux il n'y a pas longtemps - où un individu sera libéré très bientôt. Il a refusé de suivre quelque programme que ce soit. Il sait qu'il va purger toute sa peine, et il n'y a rien à y faire, malheureusement.
La présidente: Très bien. Merci.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Frazer.
M. Frazer: Monsieur Cannis, j'ai deux préoccupations, je pense. Premièrement, vous avez dit de façon assez catégorique lors de votre exposé que cela ne va pas à l'encontre de la Constitution. Est-ce que vous en avez fait une évaluation à la lumière de la Charte des droits? Est-il possible d'insister pour que les gens suivent des cours?
M. Cannis: Je crois sincèrement - et j'ai fait des recherches là-dessus - que cela n'irait pas à l'encontre de la Constitution, tout simplement parce qu'une fois qu'ils ont purgé leur peine, monsieur Frazer, ils sont libérés. S'ils demandent une libération conditionnelle anticipée nous disons: oui, vous pourrez obtenir une libération conditionnelle anticipée, mais une fois que vous aurez suivi tel ou tel programme.
M. Frazer: En fait, ils obtiennent une libération d'office après avoir purgé les deux tiers de leur peine; donc, ils ne purgent pas toute leur peine.
Je me demande simplement si la Charte des droits nous permettrait de les obliger à participer à un programme auquel ils ont dit ne pas vouloir participer.
M. Cannis: Je ne crois pas qu'on les y oblige.
M. Frazer: Mais c'est ce dont vous parlez: l'exigence pour des détenus de participer à un programme de réadaptation. C'est une exigence. Est-ce les obliger?
M. Cannis: La question est délicate. S'il veut obtenir une libération conditionnelle, alors nous avons aussi une demande à lui faire: suivre le programme. C'est peut-être quelque chose que je devrais étudier plus en profondeur, si c'est...
M. Frazer: L'autre chose qui m'agace, c'est que n'importe qui peut décider de jouer le jeu. Si vous le forcez ou que vous exigez de lui qu'il le fasse pour obtenir sa libération conditionnelle, il fera ce qu'il faut. À moins qu'il ne veuille vraiment suivre la formation et s'efforcer de changer son comportement, vous n'aurez rien obtenu de lui, sinon qu'il devienne un meilleur comédien. Je ne vois pas comment on peut contourner ce problème.
M. Cannis: J'en conviens, mais revenons aux objectifs du ministre de la Justice, qui sont de punir et de réadapter, simultanément. Le deuxième objectif du ministre, ou du Parlement, ne sera pas atteint si nous avons un programme, mais pas de mesures proactives pour réadapter les délinquants.
Forcer quelqu'un? Je ne sais pas; je pense qu'on ne peut pas forcer quelqu'un à suivre le programme. Devenir un bon comédien? Je présume qu'ils le peuvent.
Voici comment je vois les choses. On sauvera peut-être la vie d'une femme si un homme comme Mark Williams sort de prison réadapté. Si on sauve ne serait-ce qu'une vie, on aura déjà fait beaucoup.
M. Frazer: Je trouve que cette affaire de Mark Williams n'est pas acceptable. Si quelqu'un veut être traité, je pense qu'on doit lui donner le traitement. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
La présidente: Avez-vous évalué les coûts du programme, John?
M. Cannis: Non, je n'ai pas fait d'évaluation des coûts, mais je pense que si l'on réfléchit aux millions de dollars qui sont consacrés... D'après le vérificateur général, l'argent est là. Je pense qu'il faut répartir ces millions dans les bons programmes. Lorsqu'il déclare que nous consacrons environ 85 000$ à chaque délinquant - considérons ce qu'il en coûte annuellement pour l'instruction d'un enfant moyen dans notre système scolaire qui l'accueille tous les jours, de 9 heures à 15h30, pour lui offrir une formation complète. C'est une goutte d'eau dans la mer. Si nous pouvions...
La présidente: La différence, John, c'est qu'on a 30 enfants dans la classe, et que ça coûte donc environ 5 000$ par enfant. Je connais quelqu'un qui travaille au centre de détention Metro Toronto West, et qui me dit qu'on ne peut s'occuper de plus de trois ou quatre détenus à la fois, ce qui est tout à fait compréhensible. Le coût serait donc exorbitant. J'ai posé la question par curiosité. Je ne veux pas évaluer le coût du salut des jeunes contrevenants, ou quoi que ce soit. Je me demande simplement si vous avez fait des calculs de ce genre; c'est tout.
M. Cannis: Non, je n'ai pas évalué le coût. Je regarde les chiffres qui sont à notre disposition actuellement; il y a une ventilation par détenu, d'après le vérificateur général. À mon avis, nous avons certainement de nos jours de meilleures méthodes. Nous devrions peut-être nous renseigner sur les autres méthodes utilisées ailleurs, à l'étranger.
La présidente: L'avez-vous fait, John?
M. Cannis: Non. C'est ce que je ferai ensuite.
La présidente: Bien.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Langlois.
[Français]
M. Langlois: Je ne veux pas trop me pencher sur le mérite du projet de loi, mais on y retrouve certains éléments sur lesquels j'aimerais avoir certaines explications.
Dans les pénitenciers, il y avait déjà des programmes qui permettaient à certains détenus de s'absenter ou de recevoir sur une base plus individuelle certains cours de niveau collégial ou universitaire. Je crois que ces programmes ont été supprimés. Vous ne cherchez pas directement à les rétablir, mais...
Je dirais qu'il y a au moins deux catégories de détenus qui auront beaucoup de difficulté à se servir des dispositions de ce programme-là, soit ceux qui sont sous-scolarisés et les plus âgés.
Je prends l'exemple d'une personne de 55 ans, ce qui n'est pas vieux dans notre société, qui est détenue, qui a peu de scolarité, qui a une peine de dix ans à purger et qui sera peut-être libérée au bout de 6 ans, c'est-à-dire à 61 ans, à la veille de toucher sa pension de vieillesse. À ce moment-là, fait-on un investissement vraiment intéressant et adéquat?
Il y a aussi les personnes hyperscolarisées. Si le colonel Frazer était condamné à l'emprisonnement demain matin, je me demande dans quoi on le recyclerait, car il a déjà une formation très vaste. Que ferait-on d'une personne comme notre ami de Saanich - Les Îles-du-Golfe? S'il ne pouvait en bénéficier, un autre pourrait le pourrait.
Quelle catégorie de détenus ciblez-vous et que faites-vous des autres?
[Traduction]
M. Cannis: C'est vrai; comme vous le dites, Karla Homolka est actuellement aux études. Je ne sais pas si elle vise la maîtrise ou le doctorat.
La présidente: En passant, ce sont ses parents qui paient ses études. Le gouvernement ne paie pas les études universitaires. Ses parents paient ses frais de scolarité.
M. Cannis: Bien, on a parlé des diplômes de niveau collégial. Je ne sais pas s'ils ont des cours par correspondance ou autre chose.
Ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus. Je veux parler de programmes qui aideront les détenus à revenir dans la société, que ce soit des cours de gestion de la colère ou l'apprentissage des compétences nécessaires pour décrocher un emploi, par exemple, pour le quinquagénaire qui, à sa sortie dans 10 ans, ne sera certainement pas en mesure de se réinsérer dans la société, étant donné ce qui se passe en 10 ans.
S'il a un emploi, bien franchement, le risque de récidive baisse de beaucoup. Si un détenu n'a pas d'instruction, pour quelque raison que ce soit, on peut peut-être lui préparer un programme qui lui en donnera un peu. Je pense particulièrement à une formation qui le préparera à la vie quotidienne, qui développera ses qualités humaines.
Pour revenir à Mark Williams, on dit ici que, malheureusement, il a été victime de sévices dans sa jeunesse. On l'a laissé à lui-même. Il ne s'est concentré que sur des films présentant des stéréotypes machos, comme Young Guns, dont il parle ici. Son héros, c'était le bandit à la gâchette facile Billy the Kid, et je pourrais vous en dire encore beaucoup. Je suggère que la formation porte sur ces domaines plutôt que sur la scolarisation. Si la réussite scolaire peut les aider, en ajoutant une dimension à leur formation, et que les professionnels estiment que c'est ce qui leur convient, je pense que c'est à eux d'en décider.
Je dis simplement que la demande de libération conditionnelle existe, et qu'aucune condition n'y est rattachée. Il s'agit d'une initiative volontaire plutôt que d'une obligation. Je dis qu'il y a un échange à faire. On s'entend à mi-chemin; nous lui donnons quelque chose, et il nous donne quelque chose en retour.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
M. Loney: J'ai une question. Comment distinguer entre les Mark Williams et les détenus qui ne suivent les programmes de réadaptation que pour faciliter leur sortie? La réadaptation de ces détenus nous coûte quelque chose, alors qu'eux ne s'y intéressent nullement. Dans ce milieu, la rumeur veut que la peine se passe plus facilement si l'on suit l'un de ces programmes, sans compter qu'une libération conditionnelle anticipée est alors plus facile à obtenir.
M. Cannis: Prenons un autre point de vue. L'avantage d'être admissible à une libération conditionnelle anticipée peut être envisagé un peu différemment. Lorsque l'on considère les demandes de libération qui sont présentées - je pourrais vous apporter un document à ce sujet - le nombre de cas, d'audiences de libération conditionnelle... le vérificateur général a constaté qu'il y avait de graves problèmes dans les démarches du gouvernement fédéral pour réinsérer les délinquants dans la société... De nombreuses audiences de libération conditionnelle sont annulées parce que les programmes de réadaptation, les plans de libération conditionnelle et la préparation sont incomplets. Je peux vous présenter...
La présidente: Vous n'avez presque plus de temps. Il faut que vous laissiez à M. Loney le temps de vous répondre.
M. Cannis: Les statistiques parlent d'elles-mêmes. Nous ne consacrons pas suffisamment de temps, au départ, pour sélectionner les participants aux programmes. Si nous prenions le temps de créer une courte liste des candidats sérieux, qui s'intéressent au programme parce qu'ils veulent améliorer leur vie, si on les séparait des comédiens, nous réussirions peut-être à en choisir quelques-uns qui réintégreraient la société en étant bien préparés.
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Grey, vous êtes ici au nom de M. Hermanson.
Mme Deborah Grey, députée (Beaver River): Merci. Je représente Elwin Hermanson au sujet du projet de loi C-250, qui est, comme vous le savez, la Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi électorale du Canada, au sujet des votes de confiance. Ce projet de loi a été présenté en mars, et je crois qu'il mérite certainement de faire l'objet d'un vote.
Le projet de loi prévoit qu'un Parlement durerait au maximum quatre ans. Une élection fédérale aurait lieu le 20 octobre 1997 et ensuite à tous les quatre ans, le troisième lundi d'octobre. C'est très important, puisque pendant la dernière année du mandat d'un Parlement on commence à s'ennuyer de toute façon. On le voit déjà dans les sessions parlementaires. Une fois passé le cap de...
La présidente: Je ne me suis pas ennuyée du tout hier.
Mme Grey: Eh bien, je ne pense pas que beaucoup de gens ont pu garder les yeux ouverts hier soir en écoutant la présentation de nouvelles lois.
De toute façon, une fois passée la période la plus fébrile, tout le monde n'a que l'élection en tête, et nous savons ce qui nous attend. Si on savait exactement quand elle se produira, on n'en ferait pas tout un plat.
Le projet de loi prévoit que la Chambre des communes peut continuer de siéger au-delà de quatre ans en cas de guerre, d'invasion ou d'insurrection, pourvu que cette prolongation ne fasse pas l'objet d'une opposition exprimée par les voix de plus du tiers des députés de la Chambre des communes. Le projet de loi tient donc compte du fait qu'il puisse y avoir une situation de crise au pays, auquel cas nous pourrions nous en occuper.
Le projet de loi prévoit par ailleurs qu'on ne peut demander la dissolution du Parlement à moins que la Chambre des communes n'adopte une motion de défiance à l'endroit du gouvernement ou que le gouverneur général soit convaincu qu'il est impossible de former un nouveau gouvernement susceptible d'obtenir la confiance de la Chambre.
Enfin, le projet de loi prévoit qu'en cas de vacance à la Chambre des communes une élection partielle doit se tenir dans les deux mois suivant la date établie pour l'élection générale. Des élections partielles sont tenues le troisième lundi d'avril et le troisième lundi d'octobre, sauf dans les 12 mois précédant une élection générale. Nous sommes dans cette situation actuellement, où il y a deux élections partielles qui doivent se tenir, mais personne ne sait quand elles se tiendront.
J'ai des arguments généraux en faveur de périodes électorales fixes. Nous en avons parlé lorsque nous avons discuté du projet de loi C-63 modifiant la Loi électorale du Canada, mais ces amendements ont été rejetés. Il est important de les réintroduire pour nous assurer qu'ils sont abordés, car avec les changements qui ont été apportés aux termes du projet de loi C-63 - certains de ces changements sont à mon avis de bons changements, d'autres le sont moins - il serait vraiment justifié de fixer les dates des élections.
Premièrement, cela accroîtrait l'imputabilité.
Deuxièmement, cela permettrait une meilleure représentation. Cela réduirait la menace de dissolution, qui est toujours un facteur important utilisé par les partis au pouvoir pour garder leurs députés au pas. Naturellement, on essaie toujours de deviner, et c'est exactement ce que nous avons fait au cours des 36 dernières heures depuis la rentrée parlementaire. Quand est-ce qu'on va déclencher des élections? C'est le principal sujet de discussion ici, plutôt que ce qui se passe au pays.
Troisièmement, cela permettrait une plus grande équité. Cela éliminerait l'avantage du parti au pouvoir, qui peut choisir le moment le plus opportun pour déclencher des élections. Les règles du jeu seraient donc plus équitables pour tous les partis politiques. Nous avons certainement pu constater que cela se produit lorsqu'un gouvernement fait un changement. Par exemple, prenez encore une fois le projet de loi C-63. Ce serait merveilleux si on pouvait dire qu'à compter de la prochaine législature, c'est ce qui se passera, mais lorsque le gouvernement tient les rênes du pouvoir, il a ce pouvoir également.
Il y aurait une plus grande certitude. Cela donnerait au gouvernement suffisamment de temps pour élaborer et mettre en place son programme législatif, et cela lui donnerait suffisamment de temps pour prendre certaines décisions plus difficiles.
Cela permettrait un débat public plus sain et plus transparent. Cela permettrait un débat plus constructif à la Chambre, puisque les partis de l'opposition sauraient que le gouvernement a un mandat déterminé.
Cela permettrait une meilleure efficacité sur le plan des coûts, et je suis certaine que nous sommes tous ici préoccupés par cette question. Cela permettrait aux partis politiques, aux membres du personnel électoral et aux candidats de mieux planifier les élections; par conséquent, les procédures seraient simplifiées et les coûts réduits. On aurait davantage de temps pour former les recenseurs et pour s'occuper des autres préparatifs en vue de l'élection. Comme vous le savez, une élection coûte des millions de dollars, et cela permet naturellement aux spécialistes des sondages de gagner leur vie en demandant si les élections auront lieu maintenant ou plus tard et en posant toutes ces questions. Cela serait beaucoup plus efficace sur le plan des coûts.
Permettez-moi de terminer en disant que le projet de loi C-250 répond entièrement à tous les critères pour faire l'objet d'un vote. Il est d'importance nationale. Son contenu est certainement clair. Nous saurions exactement à quoi nous attendre pour ce qui est de la date des élections. Ce n'est pas actuellement au programme législatif du gouvernement. Le projet de loi est rédigé de façon non partisane, car il mettrait tous les partis politiques sur un pied d'égalité. Cette question fait l'objet d'un débat général au Canada depuis des années. Le projet de loi est extrêmement pertinent, et il serait excellent pour nous.
Étant donné que cette année sera une année électorale, le gouvernement devrait saisir cette occasion pour encourager un débat vraiment vigoureux à la Chambre des communes sur cette question. Alors que nous nous apprêtons à nous lancer dans une nouvelle campagne électorale, nous saurions exactement à quoi nous attendre.
La présidente: Madame Grey, je vais procéder de façon plutôt inhabituelle. Normalement, nous demandons un avis juridique au cours de la séance pendant laquelle nous débattons ces motions et projets de loi, mais j'aimerais que Jamie prenne la parole, s'il veut bien.
Nous avons deux avis sur la question de savoir si ce projet de loi est acceptable ou non sur le plan constitutionnel, et j'aimerais qu'il vous donne son avis également, pour que vous soyez bien certaine que nous avons examiné les deux possibilités. Je ne vous demande pas de débattre de la question avec lui; c'est tout simplement pour que nous sachions bien de quoi il s'agit.
Allez-y.
M. James R. Robertson (attaché de recherche du comité): Je crois que la Chambre des communes a demandé à un avocat de l'extérieur, Mme Susan Krongold, qui rédige des documents législatifs pour la Chambre, de fournir un avis juridique, qui, je crois, a été remis aux membres du comité. La question qui est posée est la suivante: le projet de loi est-il clairement inconstitutionnel? Sa réponse est non.
Elle explique ensuite pourquoi à son avis cela pose certains problèmes relativement à l'article 4 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui stipule que des élections doivent être tenues tous les quatre ans, et relativement à l'article 50 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui exige la même chose.
Je pense qu'elle est d'avis que le projet de loi pose deux problèmes, le premier étant que pour modifier ces articles il faudrait l'accord des provinces - soit d'une majorité des provinces, soit de toutes les provinces - et le deuxième étant que cela pourrait changer les responsabilités du gouverneur en conseil.
Je l'ai examiné hier avec un de mes collègues, et nous sommes d'avis que le projet de loi en question ne laisse pas en fait entendre que la Constitution devrait être modifiée de quelque façon que ce soit. La Loi constitutionnelle - tant la version originale de 1867 que l'article 4 de la Charte des droits et libertés - dit qu'aucune législature ne peut durer plus de cinq ans. Voilà qui établit les paramètres extérieurs. Tout ce que dit ce projet de loi, c'est que dans la période de cinq ans prescrite par la Constitution, il doit y avoir une élection à intervalle fixe. Le projet de loi établit les critères utilisés pour fixer la date.
Je pense que le projet de loi ne modifie ni directement ni indirectement la Constitution. Il ne fait que modifier des lois fédérales, la Loi sur le Parlement du Canada et la Loi électorale du Canada, en prescrivant une procédure concernant la tenue des élections fédérales et en y ajoutant davantage d'éléments de certitude.
Je regardais justement le projet de loi, dont l'article 2 précise que le projet de loi n'affecte pas la prérogative de la Couronne en matière de prorogation du Parlement. Donc, à mon avis, le projet de loi n'empiète pas sur les droits du gouverneur en conseil ou du gouverneur général. Ces droits sont respectés. Le projet de loi ne fait que mettre en place une procédure qu'il faut respecter.
Mme Grey: Merci.
Pour ce qui est de l'article concernant les provinces, je pense que toutes les provinces au pays seraient ravies d'avoir une date fixe pour les élections fédérales, car on jongle constamment avec cela. John et moi-même sommes dans cette situation à l'heure actuelle en Alberta. Tout le monde joue constamment des coudes, ou le gouvernement provincial va de l'avant, etc. Et c'est une véritable bagarre chaque fois que les deux se déroulent en même temps. Donc, je pense que cet article serait très utile également. Et après avoir entendu votre avis juridique, je termine mon plaidoyer.
La présidente: C'est intéressant. Je veux que vous sachiez que nous avons en fait trois avis juridiques...
Mme Grey: Super.
La présidente: ...car la personne qui a aidé M. Hermanson à rédiger le projet de loi initialement est de toute évidence un avocat qui est à l'emploi du gouvernement fédéral. Nous avons eu trois avis, de sorte que nous pouvons être raisonnablement certains de pouvoir débattre du projet de loi et qu'il s'agit d'un projet de loi justifiable.
Je voulais tout simplement que vous sachiez ce qui se passe ici. Tout le monde pense que nous sommes un petit comité très secret, mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas?
Mme Grey: Je vous remercie. On m'a également fourni ce document; alors c'est parfait.
La présidente: Y a-t-il des questions pour Mme Grey?
[Français]
M. Langlois: J'aurais quelques commentaires à faire, madame Grey.
On entre un peu dans le mérite du projet de loi. Au paragraphe 2.1(1) proposé, on parle de quatre ans. Vous avez choisi quatre ans plutôt que cinq. Y a-t-il une raison particulière pour qu'une législature ne dure pas pendant tout le terme prévu dans la Constitution?
[Traduction]
Mme Grey: Je pense que si un gouvernement veut faire un travail efficace, il ne peut pas perdre beaucoup de temps. Et on peut certainement accomplir beaucoup de choses en quatre ans plutôt qu'en cinq.
[Français]
M. Langlois: Au paragraphe 2.2(2) proposé, on tente de circonvenir une convention constitutionnelle, parce qu'il n'est écrit nulle part que c'est le premier ministre ou un ministre de la Couronne agissant au nom du premier ministre qui va faire la demande de dissolution au gouverneur général.
Selon moi, on fait ici un accouplement d'un hérisson avec un serpent en essayant de baliser une convention constitutionnelle par un texte de droit statutaire. Ce n'est peut-être pas nécessairement mauvais, mais la dissolution demeure toujours une prérogative royale. Si, dans un cas de crise, le gouverneur général, au nom de Sa Majesté, est d'avis que la Chambre doit être dissoute, on ne peut empêcher par voie statutaire le Souverain de procéder à une dissolution, et je le comprends. Vous n'avez pas besoin de me convaincre sur le fond de la question, quant au mérite d'élections à date fixe. Il est évident que toutes les supputations qui surviennent environ 18 mois avant la fin d'un gouvernement font en sorte que l'accent est mis non pas sur les activités politiques ou législatives, mais sur la date des prochaines élections. On l'a vu dans les semaines qui ont précédé la rentrée parlementaire.
On ne parle pas tellement du mérite de ce projet de loi mais plutôt du fait qu'il est présenté en fonction des prochaines élections. Donc, sur la forme, je n'ai pas besoin d'être convaincu.
[Traduction]
Mme Grey: Merci. Permettez-moi d'ajouter brièvement que cet article du projet de loi précise que le premier ministre doit demander au gouverneur général de dissoudre le Parlement, mais n'exige pas nécessairement que le gouverneur général accède à la demande du premier ministre. La loi prévoit spécifiquement que ces dispositions ne changent ni ne modifient le pouvoir de la Couronne de proroger ou de dissoudre le Parlement, de sorte que le gouverneur général peut toujours le faire, par exemple, si la Chambre adopte une motion de défiance.
[Français]
M. Langlois: J'aurais une dernière question. À la dernière page du projet de loi, je ne comprends pas le paragraphe 329(2) proposé. Pourriez-vous me l'expliquer?
[Traduction]
Mme Grey: S'il y a une vacance à la Chambre des communes 60 jours avant la date prévue d'une élection partielle - comme je l'ai mentionné précédemment, en avril et en octobre - s'il y a une vacance deux mois avant cette date, la vacance sera comblée lors de l'élection partielle suivante. En d'autres termes, on ne déclenchera pas une élection partielle en février et une autre en avril. Nous avons des dates fixes également pour les élections partielles, soit en avril et en octobre. Donc, s'il y a une vacance dans les deux mois précédant cette date, il n'y aura pas une élection partielle, puis une autre à la date prévue.
[Français]
M. Langlois: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup. Je vous remercie de votre patience.
Mme Grey: Merci.
La présidente: Nous dirons à M. Hermanson que vous avez fait un excellent travail.
Monsieur Crête, bienvenue. Bonjour. Vous avez cinq minutes pour faire votre exposé.
[Français]
M. Paul Crête, député (Kamouraska - Rivière-du-Loup): J'ai présenté la motion pour que toutes les sociétés de la Couronne soient soumises à la Loi sur l'accès à l'information, parce que mon expérience de trois ans à titre de député m'a permis de me rendre compte qu'il arrive assez souvent que des organismes comme les sociétés de la Couronne, qui, dans le fond, ne sont qu'une forme administrative différente pour atteindre plus d'efficacité, engagent quand même l'imputabilité ministérielle.
On fait face à des situations un peu spéciales où des ministres sont imputables, tandis que les sociétés sous leur responsabilité ont la possibilité de se soustraire à la nécessité de rendre disponibles certains documents selon la Loi sur l'accès à l'information. On s'en est rendu compte dans plusieurs cas.
Je voudrais simplement mentionner la Société canadienne des postes, dont l'expertise fait l'objet de beaucoup de questions depuis quelques années. En tant que députés, nous ne pouvons absolument pas aller chercher de l'information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, parce qu'on se fait répondre que la Société canadienne des postes n'est pas soumise à cette loi.
C'est un peu comme si on avait créé un organisme, dont un ministre responsable, mais à qui on a donné une marge de manoeuvre si grande qu'on n'est pas capable d'avoir l'information nécessaire pour juger de son efficacité. C'est peut-être pour cela qu'on a abouti, dans le cas de la Société canadienne des postes, au comité Radwanski, qui doit faire une révision du mandat de la Société un peu en dehors de l'activité parlementaire parce qu'on n'avait pas les outils nécessaires pour donner l'apparence de justice de ce côté-là.
J'ai un autre exemple, celui de la Société pour l'expansion des exportations. Comme député, je pourrais être intéressé à connaître le résultat de l'effort d'une société comme celle-là pour les entreprises de ma circonscription tout en épargnant les renseignements nominatifs qui seraient protégés par la Loi sur l'accès à l'information. On pourrait quand même sortir des extraits qui nous permettraient de faire des bilans, alors qu'actuellement, l'organisme se cache derrière le fait qu'il n'est pas couvert par la loi pour ne pas nous transmettre l'information pertinente.
J'ai un dernier exemple, celui de VIA Rail Canada Inc. Là encore, il y a des choses qui touchent les citoyens, et des représentations sont faites à nos bureaux. Chaque fois qu'on veut obtenir de l'information pour évaluer la pertinence des lignes, des clientèles, etc., dès l'instant où on touche des éléments qui sont d'ordre un peu plus stratégique, mais qui devraient être disponibles s'ils étaient couverts par la Loi d'accès à l'information, on est frustrés dans nos efforts. On est frustrés parce que ces organismes sont exclus seulement à cause de leur statut juridique. Cependant, ils doivent rendre compte au public, parce qu'ils sont un service public.
En résumé, je trouve qu'il y a beaucoup de services publics qui sont actuellement exclus de l'application de la loi et qui ne devraient pas l'être. S'ils ne l'étaient pas, on aurait une meilleure transparence et une meilleure information serait fournie à l'ensemble des citoyens. C'est le sens de ma motion.
[Traduction]
La présidente: Merci. Y a-t-il des questions?
[Français]
M. Langlois: Monsieur Crête, si les sociétés que vous avez mentionnées étaient assujetties à la Loi sur l'accès à l'information, pourrait-on se trouver dans un situation où de l'information privilégiée deviendrait publique et serait récupérée par des entreprises privées qui oeuvrent dans le même domaine, ou s'agit-il d'organismes qui ont vraiment un monopole, ce qui exclurait toute implication pour des organismes privés?
M. Crête: Votre question me permet d'apporter une clarification. On ne demande pas l'accès à 100 p. 100 de l'information reliée à ces sociétés. On demande que les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information s'appliquent à ces sociétés-là. La Loi prévoit déjà toute une série d'exceptions et de conditions qui restreignent et régissent la façon dont l'information est rendue disponible.
Donc, le fait d'assujettir ces sociétés-là à la Loi sur l'accès à l'information ne veut pas dire qu'elles seront obligées d'ouvrir tous leurs livres demain matin.
Actuellement, vous ne pouvez aller chercher de renseignements nominatifs concernant une personne. Ce n'est pas permis par la loi. Ce sont des renseignements d'ordre plus global, des tableaux, etc., qui peuvent être rendus publics.
Si on crée une société d'État, c'est qu'on a choisi de lui donner un caractère public, sinon on l'aurait complètement privatisée. Si son statut public est maintenu, il est logique qu'on puisse avoir accès à l'information pertinente.
Je me permettrai d'ajouter que ma motion permet de débattre du cas de certaines sociétés qui mériteraient d'être exemptées des dispositions de la loi. Il s'agirait d'en débattre et de présenter les amendements nécessaires, mais le principe qui exclut une très grande quantité de sociétés d'État de l'application de la loi me semble aller à l'inverse de la tendance actuelle, qui est de rendre l'information disponible.
M. Langlois: Le fait que vous n'ayez pas procédé par projet de loi mais plutôt par motion permet d'ouvrir un peu plus largement le débat. D'ailleurs, on en a eu des cas ce matin.
Merci, monsieur Crête.
[Traduction]
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Madame Hayes, nous allons tenter de terminer d'ici à 11 heures, car nous devons nous rendre à un autre comité. Si vous n'avez pas terminé d'ici là, seriez-vous prête à revenir plus tard pour répondre aux questions si nous avons besoin d'un peu plus de temps? Cela pourrait se faire un peu plus tard cet après-midi, après 15h30.
Mme Sharon Hayes, députée (Port Moody - Coquitlam): Je vais essayer de faire vite, si possible, et nous verrons si nous aurons le temps de terminer. Je préférerais tout terminer maintenant, comme vous, j'en suis certaine.
La présidente: Très bien, terminons-en.
Mme Hayes: J'ai présenté la motion 147. Je vais donc répéter le texte de la motion:
- Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager, de concert avec les provinces,
de promouvoir activement et de créer un tribunal de la famille unique afin d'insister sur la
médiation dans les affaires relevant du droit de la famille et d'améliorer l'administration des
aspects du droit de la famille où plusieurs entités ont compétence.
Tout d'abord, il ne s'agit certainement pas d'une motion futile ou insignifiante. Je pense qu'elle permet de régler certains problèmes graves lorsqu'il y a éclatement de la famille, problèmes auxquels les gens doivent faire face dans toutes les provinces et dans tous les territoires canadiens. Le projet de loi C-41 émanant du gouvernement modifie la Loi sur le divorce, et le Sénat est actuellement saisi de ce projet de loi. Cependant, ce projet de loi n'aborde en aucune façon tous les problèmes que pose à des Canadiens, dans tout le pays, le processus actuel de divorce.
Je suis d'avis que ce sont les enfants qui sont les plus grandes victimes du processus actuel. La motion que je présente vise à réduire considérablement le mal qui peut être causé aux enfants par la procédure de divorce. Il s'agit par conséquent d'une question certainement non partisane, puisque tous les partis ont exprimé leur grande préoccupation face au bien-être des enfants. L'exemple le plus pertinent est l'étude qu'effectue actuellement le Comité de la santé - en fait, il a présenté son rapport, et on en a parlé aux nouvelles hier - qui recommande un cours obligatoire de 12 semaines avant le divorce. Cela concorderait certainement très bien avec un examen comme celui que nous avons proposé dans ce projet de loi d'initiative parlementaire.
Cette proposition n'est pas discriminatoire contre une région ou une autre du pays. C'est une proposition qui exige que l'on travaille avec les provinces. C'est une notion qui a beaucoup de mérite, et il existe déjà des précédents au gouvernement au sujet des transferts sociaux. Cette mesure ferait en sorte que cette approche serait également utilisée dans cet autre domaine important, afin que le droit familial soit uniforme dans tout le pays.
Cette motion cherche à corriger ce que je considère comme une omission sérieuse dans la loi existante, sans pour autant être redondante avec celle-ci. À ma connaissance, la Chambre ne s'est jamais penchée directement sur cette question, du moins pas au cours des quatre dernières années. Le projet de loi C-41 ne fait aucune mention de cet aspect particulier du processus de divorce. Il serait préférable que cette question fasse l'objet d'un projet de loi du gouvernement, mais il semblerait que le gouvernement n'a pas l'intention de présenter dans un avenir rapproché un projet de loi qui exigerait la médiation obligatoire ou qui aiderait les provinces à établir un tribunal de la famille unique.
Aucune question semblable n'a fait l'objet d'un vote à la Chambre pendant cette session ou la dernière, et la notion ne ressemble en rien à d'autres projets de loi ou motions choisis pour faire l'objet d'un vote au cours de cette session. J'estime que cette motion a pour but d'augmenter l'efficacité provinciale-fédérale en ce qui concerne le coût et l'uniformité, et, de façon tant générale que précise, de mieux servir les intérêts des enfants dans notre pays.
La présidente: Merci beaucoup.
Y a-t-il des questions?
M. Frazer: Sharon, pourriez-vous en dire un peu plus long sur la façon dont vous entendez - pour citer votre motion - «promouvoir activement et créer un tribunal de la famille unique»? Que devrait faire le gouvernement à votre avis pour accomplir cela?
Mme Hayes: Actuellement, le mariage est de compétence provinciale, tandis que le divorce est de compétence fédérale. À cause de cela, il y a des champs de compétence fédérale et provinciale qui sont en jeu lorsque l'on procède à la dissolution d'un mariage, selon l'aspect du mariage dont il s'agit. Cela a donné lieu à des problèmes, tant dans le processus qu'au sein de la famille qui subit ce divorce. De façon générale, les questions touchant les biens et la pension alimentaire versée au conjoint sont de compétence provinciale, tandis que la pension alimentaire pour enfants et les autres questions sont de compétence fédérale, et donc le tout devient confus.
Le gouvernement fédéral a le pouvoir de proposer aux gouvernements provinciaux que tout cela soit réuni dans un guichet juridique unique afin qu'il ne soit plus question de deux processus juridiques ou de deux champs de compétence. Cela a déjà été fait. Il y a eu des précédents au Manitoba et en Colombie-Britannique pendant de brèves périodes, et pour différentes raisons d'ailleurs. La raison ici, ce serait plus précisément pour avoir un tribunal qui s'occupe de tout afin que la notion que nous avançons - c'est-à-dire la médiation - devienne possible sous un même toit, et concerne tous les aspects de l'éclatement familial.
Je crois savoir que le ministère de la Justice s'est déjà penché sur cette question. J'aimerais que la motion fasse l'objet d'un débat public afin que nous puissions voir comment le gouvernement fédéral... Il pourrait s'agir d'une combinaison ou d'une juxtaposition des champs de compétence. Il s'agit donc de faire en sorte que les gouvernements décident de collaborer plutôt que de s'occuper de leur propre champ de compétence seulement et de créer de la confusion dans les résultats.
M. Frazer: Donc, quand vous employez le terme «promouvoir», vous dites que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative avec les provinces pour établir cette nouvelle formule?
Mme Hayes: Oui. Quelqu'un doit prendre les devants. Si on laisse chacun d'eux agir seul, ils vont simplement continuer comme avant dans leur seul champ de compétence.
M. Frazer: Dans les exemples précédents où cela a fonctionné - je crois que vous avez mentionné le Manitoba et la Colombie-Britannique - s'agissait-il de cas précis? Et si ces provinces ont décidé de laisser tomber cette formule, quelles en étaient les raisons?
Mme Hayes: Je n'ai pas les détails ici. En Colombie-Britannique, j'ai ouï-dire qu'il s'agissait d'un facteur coût, mais à cause de... Le gouvernement créditiste l'avait établi et les néo-démocrates l'ont supprimé. Je crois que c'était pendant la dernière décennie, cependant, et non pas très récemment. La notion, toutefois, c'était que cela a très bien fonctionné, mais n'était peut-être pas établi de façon efficace. Néanmoins, le public était mieux servi, et voilà où je voudrais en venir.
Comme le taux de divorce est aujourd'hui huit fois plus élevé qu'il y a 30 ans, je crois qu'il faut que les gouvernements fassent quelque chose de sérieux pour s'occuper de ce qui se passe dans ce domaine dans toutes les régions du pays.
M. Frazer: Donc, la décision de s'abstenir découle davantage de principes politiques que de toute autre chose dans ce cas-ci. Est-ce exact?
Mme Hayes: Je pense que oui.
M. Frazer: Merci.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
[Français]
M. Langlois: Madame Hayes, j'ai un commentaire plutôt qu'une question, mais cela pourrait susciter un commentaire de votre part.
En 1867, quand les Pères de la Confédération ont fait la répartition des pouvoirs, les familles étaient établies pour la vie. À l'époque, le divorce était tout à fait exceptionnel. On devait d'ailleurs procéder par projet de loi privé devant le Parlement. Donc, la société a beaucoup changé.
De façon assez curieuse, le mariage et le divorce sont de compétence fédérale, alors que ce qui entoure la célébration du mariage, notamment la publication des bans et l'officier qui a l'autorité de célébrer le mariage, relève de la compétence provinciale. En vertu de l'article 92, tout ce qui concerne la propriété et les droits civils est également de compétence provinciale.
Donc, quand il y a divorce, qu'un couple éclate, tout cela est mêlé. Des époux qui ont vécu un bout de temps ensemble ont amassé des biens. Il faut les partager, parfois en vertu de lois provinciales, parfois en vertu de lois fédérales. Parfois il faut prendre des recours en vertu de lois provinciales et d'autres recours en vertu de la Loi sur le divorce, et cela devient plus difficile. Je pense que toute chose qu'on pourrait faire pour alléger la situation de gens dont le mariage est un échec serait la bienvenue. Il ne s'agit pas d'ajouter à leur fardeau.
Il est évident, selon moi, que la solution serait de transférer la compétence pour le divorce et le mariage aux provinces, ce qui réglerait le problème. Je trouve que vous ouvrez une discussion opportune qui mériterait d'être considérée, du moins par ce comité-ci. Merci, madame Hayes.
[Traduction]
Mme Hayes: J'aimerais répondre à votre commentaire.
Malheureusement, il s'agit d'un champ de compétence fédérale selon la Constitution; alors cela signifie qu'il faut qu'il y ait entente entre les deux paliers de gouvernement. Ce que vous dites est vrai, cependant: cela ne peut pas être simplement transféré sans amendement constitutionnel. Toutefois, un tribunal unique peut être établi sans amendement constitutionnel. Donc, comme vous l'avez dit, il s'agit ici de lancer ce débat.
La présidente: D'accord, merci beaucoup. Nous avons réussi à faire tout ce que nous avions à faire.
Nous nous réunissons à nouveau dans la salle 306 à 15h30. J'espère que je reverrai tous les mêmes visages souriants; il est très difficile de prendre des décisions si nous n'avons pas écouté tout le monde. Je vais essayer de resserrer la discipline un peu cet après-midi afin de voir si on peut tout voir, et ensuite avoir un peu de discussion à la fin.
Merci. La séance est levée.