[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 janvier 1997
[Traduction]
Le président suppléant (M. Maloney): Mesdames et messieurs, nous allons reprendre la séance. Nous sommes le sous-comité du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques. Nous étudions le règlement de la Loi sur les armes à feu.
Le comité est maintenant réuni. Je voudrais vous présenter Antoine Chapdelaine, de la Conférence des Régies régionales de la Santé et des Services sociaux du Québec, et Robert Maguire, de Santé publique du Bas St-Laurent. Nous entendrons également Danielle Grenier et Catherine Leonard, qui représentent la Société canadienne de pédiatrie.
Bonjour, soyez les bienvenus. Vous avez, je crois, un exposé à présenter. Vous avez la parole.
[Français]
Dr Danielle Grenier (vice-présidente et directrice associée, Société canadienne de pédiatrie): Bonjour. Je m'appelle Danielle Grenier. Je suis pédiatre et vice-présidente et directrice associée à la Société canadienne de pédiatrie.
Notre société représente 2 000 membres au Canada et tient à manifester son appui à la Loi sur les armes à feu. Cette loi représente pour nous un avancement important pour la protection des enfants et des adolescents canadiens ainsi que de leur famille. Pour eux tous, nous vous en remercions.
[Traduction]
Je voudrais maintenant vous présenter le Dr Catherine Leonard qui est pédiatre. Elle est membre de la section des adolescents de la Société canadienne de pédiatrie et représente également l'Association canadienne pour la santé des adolescents. Elle est l'auteure principale de la prise de position de la Société canadienne de pédiatrie sur la prévention des morts d'enfants et d'adolescents canadiens causées par des armes à feu. C'est elle qui fera l'exposé principal.
Docteur Leonard.
Dr Catherine A. Leonard (Association canadienne pour la santé des adolescents; Société canadienne de pédiatrie): Bonjour; je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole devant vous.
Je voudrais commencer par une brève description de l'ampleur du problème des blessures causées par les armes à feu chez les enfants et les adolescents canadiens et passer ensuite à un examen des difficultés de développement chez les enfants et les adolescents qui les rendent particulièrement vulnérables. Je passerai enfin à un examen des règlements et de leur impact sur la vie des enfants et des adolescents.
Cette première diapositive montre le nombre de morts d'adolescents de 15 à 19 ans causées par des armes à feu en 1994. Cette année-là, 95 adolescents sont morts des suites de blessures causées par une arme à feu. Comme vous pouvez le voir, dans la majorité des cas, il s'agit de suicides. Au deuxième rang, viennent les homicides, puis un petit nombre de morts non intentionnelles. La dernière case indique le nombre des morts dont la cause est indéterminée.
Le problème des morts d'adolescents causées par des armes à feu concerne presque exclusivement les garçons puisqu'en 1994, 96 p. 100 des victimes de ce groupe d'âge étaient de sexe masculin. Du fait de cette prépondérance, les morts causées par une arme à feu constituent un pourcentage important des décès chez les garçons dans ce groupe d'âge. En fait, en 1994, 11 p. 100 des morts de garçons de 15 à 19 ans ont été causées par des armes à feu.
La diapositive suivante présente une répartition des morts d'enfants de moins de 15 ans causées par des armes à feu. En 1994, il y en a eu 25. Comme vous pouvez le voir, on relève encore un certain nombre de suicides chez ces jeunes adolescents, mais on note aussi une prépondérance beaucoup plus marquée des homicides et des morts non intentionnelles, ou ce que nous pourrions appeler des morts accidentelles.
Ces statistiques vous montrent donc le nombre de jeunes gens qui meurent de blessures causées par des armes à feu. Mais outre les victimes directes elles-mêmes, il y a un nombre beaucoup plus important d'enfants et d'adolescents qui sont affectés par la perte ou la blessure d'un ami, d'un frère ou d'une soeur, ou d'un parent.
Je voudrais maintenant vous dire quelques mots au sujet des caractéristiques du développement des enfants et des adolescents.
Les jeunes enfants n'ont pas atteint le stade de développement nécessaire pour comprendre ce qu'une blessure causée par une arme à feu peut avoir de permanent ou de grave. La pensée magique joue souvent un rôle important chez eux; ils ont le tort de se croire capables de manipuler une arme à feu alors qu'ils n'ont pas la coordination motrice nécessaire ni la connaissance du maniement sécuritaire d'une arme. Un exemple typique de ce type de pensée est celui de l'enfant qui est convaincu qu'il est capable d'esquiver une balle ou, s'il meurt, qu'il est capable de ressusciter.
Les enfants éprouvent une curiosité naturelle pour les objets qui les entourent, en particulier ceux qu'il leur est interdit de toucher. Quels que soient les règlements ou l'éducation donnée au sujet des mesures de sécurité relatives aux armes à feu, les jeunes enfants n'ont pas encore intériorisé un contrôle de soi suffisant pour éviter de jouer avec un objet interdit. Les enfants sont impulsifs et ne se soucient pas des conséquences de leurs actes.
La petite fille que vous voyez ici et qui porte une arme à feu à la taille est le général d'une armée de son quartier. C'est un cas typique d'enfant qui s'absorbe totalement dans un jeu de fiction. Tous ceux d'entre vous qui connaissent de jeunes enfants savent avec quelle force de conviction les enfants croient aux éléments imaginaires qu'ils intègrent à leurs jeux.
Lorsque les enfants sont plongés dans ce type de jeu de fiction, il est peu probable qu'ils se souviendront des messages de sécurité appris ou qu'ils feront preuve de jugement s'ils voient une arme à feu accessible.
Le dessin que vous voyez sur cette diapositive est l'oeuvre d'un petit garçon de cinq ans. L'histoire qu'il m'a racontée au sujet de son dessin illustre et résume parfaitement les caractéristiques développementales dont je viens de parler. Il m'a dit, «J'ai un fusil». C'est donc lui le garçon qui est armé du fusil le plus long. Il m'a dit, «J'ai un fusil. Mon frère Marshall a un pistolet. Je lui ai tiré une balle dans la jambe et une autre dans la tête. Je souris parce que je ne peux pas le supporter. Il m'a aussi tiré dessus mais j'ai esquivé le coup.»
Cette illustration devrait figurer dans un manuel médical sur le développement de l'enfant car elle en illustre parfaitement un grand nombre de caractéristiques. Premièrement, elle nous montre que ce petit garçon n'a pas la moindre idée du caractère permanent et de la gravité d'une blessure causée par une arme à feu. Il croit vraiment que, même blessé à deux reprises, son frère est capable de rester debout et de riposter. Deuxièmement, ce dessin illustre la nature impulsive des enfants. Il déteste le frère avec lequel il jouait tranquillement quelques minutes plus tôt et il veut le tuer. Dernière manifestation de cette pensée magique, il croit que lorsque son frère tire sur lui, il est capable d'esquiver la balle et de ne pas être blessé.
Je voudrais maintenant parler des étapes du développement chez les adolescents - des questions liées au besoin d'indépendance. Il est courant que les adolescents prennent des risques pour affirmer leur indépendance. Les adolescents ont toutes sortes de façons de prendre des risques, mais le danger présenté par les armes à feu est manifestement plus grand que bien d'autres formes de prise de risques.
Deuxièmement, chez l'adolescent, il y a les problèmes d'affirmation de l'identité et les pressions exercées par les camarades. En tentant de découvrir leur identité, les adolescents essaient souvent des comportements qu'ils considèrent comme adultes. Outre qu'ils veulent se percevoir comme plus adultes, ils veulent également que leurs camarades les respectent et les admirent, et l'utilisation d'une arme à feu est parfois un moyen de les impressionner.
À cause de leur impulsivité et de leur manque de maturité, les jeunes adolescents, comme les enfants, ne comprennent pas toujours toutes les conséquences des risques qu'ils prennent. En général, les adolescents plus âgés se rendent compte des dangers possibles de leurs imprudences, mais ils ont bien souvent l'impression qu'ils sont invulnérables et que rien de mal ne peut leur arriver.
Enfin, en grandissant, les adolescents découvrent qu'il est plus facile d'éluder les efforts que font leurs parents pour restreindre leur accès à des objets ménagers dangereux.
Je voudrais également mentionner l'abus de substances intoxicantes et les effets de ces substances. Dans de nombreux cas de morts causées par des armes à feu, on a constaté le rôle joué par des niveaux élevés d'alcool et d'autres substances. L'alcool et les drogues peuvent libérer les adolescents de leurs inhibitions et les amener à adopter un comportement plus dangereux que s'ils étaient sobres.
Je voudrais profiter de cette occasion pour mentionner brièvement le problème du suicide chez les adolescents. Si vous vous en souvenez, notre première diapositive montrait que c'était la cause prédominante de mort par arme à feu chez les adolescents. Le suicide est, en importance, la seconde cause de décès chez les adolescents canadiens et, dans ce groupe d'âge, ce sont des armes à feu qui sont le plus souvent utilisés dans les suicides réussis. La plupart des suicides d'adolescents ne sont pas dus à une maladie chronique ni à des troubles mentaux graves. Beaucoup de ces suicides sont le résultat d'un geste impulsif, sous l'influence de l'alcool ou des drogues.
Je voudrais maintenant faire quelques commentaires sur les règlements suivants. Il est bien connu que la Société canadienne de pédiatrie et l'Association canadienne pour la santé des adolescents sont très favorables aux exigences du projet de loi C-68 relatives au permis et à l'enregistrement des armes à feu. L'obligation d'avertir les conjoints actuels ou récents des demandeurs donnera à ceux-ci la possibilité d'exprimer leurs craintes pour leur propre sécurité ou celle d'autres personnes, notamment les enfants.
Voici un article que j'ai découpé dans le Toronto Star, il y a quelques mois. Cette petite fille de neuf ans a été saluée comme une héroïne. Elle était seule chez elle, avec sa mère, lorsque l'ex-mari de celle-ci est arrivé, armé d'un fusil. La petite fille est allée se cacher à l'étage et, pendant ce temps, sa mère a été blessée à deux reprises au cou et à la poitrine. Après le départ du mari, la petite fille est redescendue et s'est précipitée de l'autre côté de la rue pour demander à sa grand-mère d'appeler 911 et d'obtenir de l'aide pour sa mère qui, fort heureusement, a survécu.
L'expérience vécue par cette petite fille n'apparaîtra dans aucune des brochures de Statistique Canada. Nous n'avons aucun moyen de quantifier le coût du genre de problèmes que cette petite fille risque de connaître après avoir craint non seulement pour sa propre vie, mais pour celle de la personne à laquelle elle était la plus attachée. Je crois que lorsque l'on parle de violence familiale, il importe de tenir compte non seulement de l'impact de la violence directe à l'égard des enfants et des adolescents dans les ménages, mais aussi de l'effet indirect qu'a le fait d'assister à un acte de violence.
Les droits à acquitter pour l'obtention d'un permis de possession, d'acquisition, ou d'enregistrement d'une nouvelle arme à feu varient de 10 à 80 $. Il est instructif de placer ces droits en perspective. Si nous comparons les armes à feu avec d'autres produits de consommation, ces droits paraissent bien faibles par rapport aux droits d'immatriculation et de délivrance de permis exigés pour les automobiles, par exemple. Un casque de cycliste coûte au moins 25 $ et un siège-auto, de 40 $ à 100 $. La construction d'une clôture autour d'une piscine peut revenir à 1 000 $ et plus.
Les armes à feu sont peut-être plus répandues et mieux acceptées dans la vie des collectivités rurales autochtones, mais il ne faut pas oublier qu'elles jouent aussi un rôle dans les suicides, les homicides et les morts volontaires qui se produisent dans les collectivisés autochtones. Les taux d'homicide et de suicide y sont d'ailleurs plus élevés que dans le reste de la population canadienne.
Pour conclure, je voudrais vous parler des dispositions relatives à l'entreposage des armes à feu. Le règlement proposé ne change rien aux dispositions prévues par la loi précédente dans ce domaine. Je suis certaine que le Dr Chapdelaine vous donnera des détails sur une récente enquête d'un coroner, au Québec, qui avait été chargé d'étudier la question de l'entreposage sécuritaire des armes à feu. Je dirai simplement que cette enquête a abouti à plusieurs recommandations: l'adoption des mêmes règles d'entreposage pour toutes les armes au lieu d'exigences différentes selon qu'il s'agit d'une arme à autorisation restreinte ou non; des exigences plus précises en ce qui concerne la mise sous clé des armes; moins de dispenses pour ceux qui réclament la facilité d'accès à des armes à feu afin de pouvoir contrôler les animaux ou les prédateurs.
Comme je viens de le dire, je pense que le Dr Chapdelaine va vous décrire en détail une méthode particulièrement efficace et économique de neutraliser une arme à feu - le verrou d'arme. Grâce à ce dispositif peu coûteux, le coup ne peut pas partir.
Vous allez me demander quel est le rapport entre tout cela et les enfants et les adolescents. En 1981, un médecin du nom de Webster a fait une étude sur les propriétaires d'armes à feu au Maryland. Les parents qu'il a étudiés faisaient une confiance excessive à l'efficacité de mesures telles que l'éducation ou une surveillance attentive. Ils les jugeaient en effet suffisantes pour protéger leurs enfants en présence d'armes à feu. Les recherches dans le domaine de la santé publique et la meilleure connaissance des étapes du développement de l'enfant dont nous avons parlé ont montré que l'éducation et des mesures actives telles que la surveillance sont en fait les stratégies préventives les moins efficaces. Les stratégies qui peuvent être mises en place et qui demeurent effectives sans une attention et des efforts constants, comme c'est le cas de l'utilisation d'un verrou d'arme ou de la construction d'une clôture autour d'une piscine, constituent une protection plus fiable contre les risques de blessure.
Certains diront que ces mesures compliquent les choses. Cependant, si quelqu'un tient à avoir une arme pour faire du tir sur cible ou pour chasser, les quelques instants nécessaires pour libérer l'arme et les munitions ne risquent guère de nuire au plaisir qu'offrent ces passe-temps.
L'usage d'une arme à feu pour sa propre protection - on peut imaginer que dans ce cas, il faut avoir instantanément accès à l'arme - n'est en général pas accepté, sauf en de rares circonstances, comme une raison légitime de posséder une arme à feu au Canada. Les inconvénients de l'observation des mesures de sécurité relatives à l'entreposage des armes à feu doivent donc être considérés comme mineurs en comparaison des avantages qu'offre la réduction des risques d'utilisation impulsive ou non autorisée de l'arme au foyer.
En résumé, notre première recommandation est que la Société canadienne de pédiatrie et l'Association canadienne pour la santé des adolescents appuient fortement les règlements. Nous estimons que les règlements relatifs au permis d'utilisation, à l'enregistrement, à la mise en garde des conjoints, aux collectivités autochtones, et à l'augmentation des contrôles sur l'achat de munitions contribueront tout particulièrement à améliorer la sécurité des enfants et des adolescents.
Deuxièmement, nous recommandons l'adoption d'une norme universelle, clairement définie, relative à l'entreposage sécuritaire de toutes les armes à feu, quelles qu'elles soient. Nous recommandons particulièrement le verrou d'arme. La clé ou la combinaison ne devrait être accessible qu'au propriétaire, et non aux autres membres ou relations de la famille. Les munitions devraient être entreposées, également sous clé, dans un endroit différent. Enfin, et c'est le plus important, ces mesures de sécurité devraient être rigoureusement appliquées.
Je vous remercie.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, docteur Leonard.
Docteur Chapdelaine, voulez-vous...?
[Français]
Dr Robert Maguire (directeur, Santé publique du Bas Saint-Laurent): Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais continuer.
Tout d'abord, je voudrais excuser l'absence de M. Florian Saint-Onge, le président de Conférence des régies régionales. M. Saint-Onge nous a accompagnés à quelques reprises et il est très conscient des travaux que vous êtes en train de faire. Il m'a prié de vous dire qu'il appuyait le projet de réglementation que vous êtes en train de proposer.
Pour ma part, je suis médecin et responsable de la Direction de la santé publique à la Régie régionale. Au Québec, il y a 17 régies régionales qui ont la responsabilité d'offrir des services de santé à des populations déterminées.
Il y a le ministère de la Santé et des Services sociaux et 17 départements ainsi qu'un conseil pour les Cris. Ces gens-là ont la responsabilité d'offrir toute la gamme des services de santé et des services sociaux aux populations qui sont sur leurs territoires.
Le contrôle des armes à feu est un problème important qui incite la Régie régionale et les directeurs de la Santé publique à vous rencontrer pour vous encourager à continuer au niveau des règlements sur le contrôle des armes à feu. Le directeur de la Santé publique demande que, conformément à la responsabilité qui lui est donnée à l'article 373 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux - c'est une responsabilité personnelle du médecin et non de l'organisation - , recommande que le médecin puisse informer la population des problèmes qu'elle a et qu'elle peut avoir et aussi des mesures qui pourraient les prévenir. Donc, c'est un peu à titre de responsable d'une organisation mais aussi au titre de la responsabilité personnelle que je représente tous mes collègues directeurs de la Santé publique.
Comme vous pouvez le voir sur la page d'introduction, je suis président du comité de prévention des blessures. C'est un comité qui oeuvre au Québec et qui regroupe plusieurs professionnels de la santé qui se sont impliqués dans la diminution des problèmes reliés aux blessures intentionnelles et non intentionnelles.
Voilà pour les présentations. Le Dr Chapdelaine vous présentera le mémoire, qui rassemble les idées et les intérêts des gens qu'on représente ici. Le Dr Chapdelaine est médecin au Centre de santé publique du Centre hospitalier universitaire de Québec et il a une longue expérience dans le domaine de la prévention des blessures. Je lui cède la parole.
Dr Antoine Chapdelaine (médecin, Centre de santé publique, Centre hospitalier universitaire de Québec): Je vais essayer d'être assez bref pour qu'on ait plus de temps pour les questions. Je vais passer du français à l'anglais pour faciliter la compréhension.
Comme le disait le Dr Maguire, ce n'est pas la première fois qu'on se présente devant ce comité sur les armes à feu. C'est au moins la troisième fois depuis 1990. À cause des recherches qu'on a faites, qu'on a commandées et dont on a eu les résultats, à cause de la démarche obligatoire en matière de sécurité publique prévue dans notre loi québécoise, on a examiné avec beaucoup d'attention toutes les propositions faites au sujet de la loi. On en est maintenant à la phase des règlements, c'est-à-dire l'application de la loi. On est très satisfaits qu'il y ait actuellement une loi au Canada parce que, pour nous, c'est le pilier sur lequel peut reposer la réglementation.
Comme nous l'avions dit au greffier, nous n'allons aujourd'hui parler que de deux règlements: celui sur l'entreposage sécuritaire, qui est très important pour nous en termes de santé publique, et celui sur la procédure de dépistage lorsque quelqu'un veut obtenir un permis de possession d'armes à feu. Finalement, nous allons énoncer quelques recommandations sur des aspects de recherche que nous vous demandons de véhiculer auprès des ministères concernés, le ministère de la Justice en particulier, pour qu'on puisse suivre l'évolution de cette loi et l'évaluer.
En ce qui a trait au paquet de règlements, la Conférence des régies régionales du Québec appuie les règlements que vous avez devant vous tels qu'ils sont libellés. Ce qui nous importe le plus, c'est que le système de permis de possession et d'enregistrement soit mis en place, parce que c'est l'assise sur laquelle le reste va reposer.
Pour ce qui est des règlements sur l'entreposage, les recherches qu'on a faites nous ont indiqué... Je dois vous dire que c'est la Conférence des régies régionales qui a demandé au coroner en chef du Québec de tenir, il y a deux ans, une enquête importante sur une série de décès reliés à un problème d'entreposage. Au Québec, on a l'avantage d'avoir eu le rapport de cette enquête, qui a duré 15 jours mais qui a suscité énormément d'intérêt au Québec. La revue de presse est phénoménale. Cela peut expliquer un petit peu la position des Québécois par rapport aux questions de contrôle des armes à feu. Vous savez que le Québec est la province canadienne qui appuie le plus ces lois, et cela a permis au public de se familiariser avec les risques reliés aux armes.
Cette enquête a été menée par Me Anne-Marie David, qui a fait un certain nombre de recommandations que nous avons appuyées. Les règlements qui ont été déposés le 2 mai de cette année et qui ont ensuite été retirés reflétaient beaucoup les préoccupations qu'on avait soutenues devant Me David et que cette dernière avait traduites dans son rapport final.
Pour vous résumer la perspective dans laquelle nous voyons la réglementation sur l'entreposage et que nous aimerions que vous partagiez,
[Traduction]
L'entreposage sécuritaire a quatre objectifs: il doit empêcher tout usage non autorisé, tout usage impulsif; il doit empêcher le vol, et les mesures qu'il exige doivent être applicables et appliquées. Ce sont là les quatre principes qui ont guidé l'enquête du coroner David au Québec et qui ont inspiré les recommandations qu'il a faites et que nous appuyons.
Grâce aux diapositives que le Dr Leonard va projeter, je vais essayer de vous expliquer les raisons pour lesquelles nous sommes parvenus à ces conclusions.
En 1989, nous avons effectué une étude sur les suicides en général. À l'époque, nous ne nous intéressions pas encore aux armes à feu. Nous avons étudié les suicides dans la région de la ville de Québec, dans la région de Québec, et dans la région de Chaudières-Appalaches, qui est une zone rurale plus au sud, de manière à pouvoir faire une comparaison valable entre un milieu urbain et un milieu rural.
Nous avons examiné 600 enquêtes de coroner sur des morts par suicide. Nous avons constaté que les armes à feu y jouaient un rôle presque aussi important que la pendaison, mais que les armes étaient plus fréquemment utilisées en milieu rural qu'en milieu urbain.
Depuis, nous avons examiné de plus près les suicides commis avec des armes à feu et nous nous sommes rendu compte qu'un certain nombre d'armes de calibres différents étaient utilisées dans cette région. Nous pensons qu'il en va probablement de même dans le reste du Canada. Souvenez-vous que 96 p. 100 des suicides ont été commis avec des armes d'épaule et non avec des armes de poing, même s'il est beaucoup plus facile d'utiliser ces dernières. Les armes de poing n'occupent qu'une petite place dans ce graphique. Plus de 50 p. 100 des suicides par arme d'épaule ont été commis avec les calibres suivants: carabines .22 et fusils de chasse de calibre 12 et de calibre .410.
Trois ans plus tard seulement, pour l'enquête du coroner, nous avons effectué une étude exhaustive au Québec sur la manière dont les gens entreposent leurs armes à feu. C'est alors que nous avons découvert que la majorité des armes conservées à domicile étaient des .22, des calibres 12 et des calibres .410. L'accessibilité de ces fusils était probablement liée à la fréquence de leur utilisation dans les suicides.
Cette diapositive est un peu difficile à interpréter, mais elle est extrêmement importante. Voilà le genre d'étude que nous faisons en épidémiologie. Après avoir décrit le problème, nous examinons les causes. C'est ce que nous appelons les étiologies du problème. Une méthode consiste à faire des comparaisons avec les témoins. En voici une qui a été faite aux États-Unis et publiée dans le New England Journal of Medicine. Il s'agit de la relation entre le risque de suicide au foyer et les différentes caractéristiques de détention d'armes à feu.
Ce qui est extrêmement important c'est que le niveau de référence correspond à un. S'il n'y a pas d'armes à feu au foyer, le risque est égal à un. On calcule ensuite ce que l'on appelle les risques relatifs par rapport à ce chiffre de référence. Vous pouvez voir combien le risque augmente en fonction des caractéristiques d'entreposage des armes. Nous parlons bien ici de l'entreposage.
Le risque relatif présenté par un fusil chargé est neuf fois supérieur à celui qui existe dans une maison où il n'y a pas de fusil. Le simple fait de charger l'arme accroît considérablement le risque que quelqu'un l'utilise pour se suicider.
Lorsqu'une arme à feu n'est pas mise sous clé, le risque est cinq fois et demi plus grand que celui qui existe dans le foyer où il n'y a pas d'arme. Même en cas d'entreposage sécuritaire, le risque augmente, mais beaucoup moins que si l'arme n'est pas gardée sous clé. C'est pourquoi nous encourageons les détenteurs d'armes à feu à les garder en lieu sûr, et c'est pourquoi nous allons maintenant parler d'entreposage sécuritaire.
Il est bien évident que dans certaines situations, en particulier à cause du caractère impulsif des adolescents... Nous savons que les adolescents ont tendance à se suicider sur un simple coup de tête. Les troubles mentaux sont moins souvent responsables d'un suicide que les réactions impulsives, comme par exemple, lorsqu'un adolescent est abandonné par sa petite amie. Les cas de ce genre sont extrêmement nombreux. Parfois, comme pour les adolescents, il est préférable de ne pas garder l'arme chez soi, du moins pendant une crise, dans la mesure où celle-ci est prévisible. Le foyer le plus sûr est celui où il n'y a pas d'arme à feu.
L'homicide a toujours été traité comme un crime. Nous considérons que c'est aussi un problème de santé publique, car la plupart des homicides mettent en cause des personnes qui se connaissent très bien. Pourtant, lorsqu'un coup de feu est tiré dans un homicide, on ne relève d'intention criminelle que dans 20 p. 100 des cas. La plupart du temps, l'incident met aux prises des personnes qui vivent ensemble, dans des conditions normales. C'est pourquoi, dans un foyer, la présence d'une arme à feu qui n'est pas entreposée en lieu sûr peut présenter un risque énorme.
Il y a quelques années, aux États-Unis, on a effectué une étude sur... Dans ce pays, les gens ont tendance à être armés pour assurer leur protection personnelle. C'est une question de culture, mais cela ne fait pas partie de la culture canadienne, du moins je l'espère.
Vous pouvez voir ici le risque relatif que présente dans un foyer une arme à feu utilisée pour assurer sa propre protection. Comparez cela avec le chiffre concernant les suicides. Il y a 37 fois plus de chances qu'une arme à feu conservée à domicile et probablement chargée, pour la protection personnelle du propriétaire, tue un membre de la famille au lieu d'un intrus. Le risque est donc beaucoup plus grand pour les membres de la maisonnée que pour les intrus venus de l'extérieur.
Passons maintenant aux accidents. Nous les avons aussi étudiés. Heureusement, nous n'examinons pas que les accidents mortels, car il y en a environ 60 par an, et leur nombre augmente au Canada. Rien qu'au Québec, il y en a une douzaine, sur les 400 morts causées par des armes à feu chaque année dans la province. Habituellement, la meilleure façon de contrôler les accidents, les blessures intentionnelles et les blessures en général, est de comparer les efforts que les gens doivent faire pour se protéger avec la probabilité que cette protection sera efficace.
Comme l'a dit le Dr Leonard, l'entreposage sécuritaire est la moins efficace de ces méthodes. L'éducation, à elle seule, ne suffit pas non plus. Si vous y ajoutez l'observation de critères obligatoires qui sont clairs, compréhensibles, faciles à observer et à appliquer, vous obtiendrez cependant un taux de réussite comparable à celui des ceintures de sécurité: 95 p. 100. Vous pouvez accroître le taux d'entreposage dans d'énormes proportions.
Manifestement, la meilleure formule serait d'avoir un verrou d'arme automatique à combinaison qui serait incorporé à toutes les armes à feu vendues dans ce pays. La protection serait immédiate lorsque l'arme n'est pas utilisée.
C'est le même raisonnement que nous appliquons aux bouchons cache-prise pour les médicaments. Dans les années 50, nous avons essayé d'apprendre aux parents à toujours garder les médicaments sous clé, à augmenter le niveau de protection assuré par ces bouchons; finalement on a diminué le nombre des comprimés contenus dans le flacon.
Permettez-moi de vous parler des verrous d'arme et de vous en montrer un, ceci à l'intention des personnes qui ne connaissent pas grand-chose aux fusils et ne savent pas ce que sont des verrous d'arme. C'est un dispositif très facile à utiliser, qui coûte environ 10 $ et qui est extrêmement solide. Si vous essayez de le démolir, vous mettrez aussi probablement votre arme à feu hors d'usage.
J'ai découvert l'existence de ces verrous grâce à un armurier qui avait 38 armes à feu chez lui. Elles portent toutes un verrou qu'il peut ouvrir avec la même clé qu'il conserve dans sa poche. Il n'a donc rien à craindre pour ses deux filles et son fils. Il est certain qu'ils ne toucheront aucun de ses 38 fusils. Ce dispositif est d'ailleurs aisément adaptable aux armes de poing. Vous avez ici une arme de poing.
C'est une scène typique des zones rurales de l'Alberta ou du Québec. C'est la même chose. Il y a ce fusil qu'on garde dans le hangar. Avant d'enlever les balles contenues dans l'arme - elles sont là, en bas - j'ai pris le verrou, la glissière... Comment appelez-vous cela?
Une voix: La fermeture de culasse.
Dr Chapdelaine: Avant d'enlever la fermeture de culasse, qui est par terre, nous voyons que l'arme qui se trouvait dans le hangar était chargée. C'est essentiellement pour pouvoir tirer sur les prédateurs, sur les animaux tels que les ratons laveurs.
Si cette option était adoptée dans vos règlements, cela permettrait de limiter l'utilisation des armes à feu, à condition, bien entendu, que la fermeture de culasse ne soit pas laissée juste à côté du fusil.
Il s'agit ici d'une pharmacie à... Avez-vous une idée de l'endroit où l'on trouve des pharmacies qui vendent des fusils? Pour moi, c'est une excellente raison de ne pas vouloir être américain. C'est au Colorado que ça se trouve. Vous pouvez acheter des fusils et de l'aspirine au même endroit.
Je vais résumer, de manière à ce que vous puissiez poser quelques questions. Quant à nos recommandations, je dirai simplement que nous étions très satisfaits des règlements du 2 mai. Nous savons qu'ils représentent un compromis. Nous acceptons ce compromis qui vise à accroître l'efficacité de la loi et de la réglementation, mais nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions.
Notre seconde recommandation concerne les procédures de délivrance de permis. Nous vous encourageons à les accepter telles quelles. Elles nous paraissent raisonnables, équilibrées, et ne nous semblent pas poser de problèmes.
Pour terminer, nous avons quelques recommandations à faire dans le domaine de la recherche. Nous pensons que le Canada tout entier devrait bénéficier du genre d'études que nous avons effectuées au Québec. Il devrait y avoir une étude qui vous fournisse une base de référence sur la manière dont les armes sont entreposées au Canada.
Notre étude nous a permis de constater qu'un tiers des propriétaires d'armes à feu au Québec les entreposent de manière fort peu sûre. Ces armes sont accessibles à leurs enfants, à n'importe quelle personne qui pourrait les utiliser sur un coup de tête, ou s'en servir à mauvais escient.
Si vous mettez ces règlements en oeuvre sans base de référence, en l'an 2000 il vous sera impossible de savoir s'ils ont donné de bons résultats.
Nous vous encourageons également à demander que les mesures d'entreposage soient réexaminées en l'an 2001, même si elles sont particulièrement sûres, de manière à pouvoir encore les améliorer.
Je vous remercie. Excusez-moi d'avoir parlé si longuement.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, docteur Chapdelaine.
[Français]
M. de Savoye (Portneuf): Madame Grenier, madame Léonard, monsieur Maguire, monsieur Chapdelaine, c'est rafraîchissant de vous écouter nous rappeler les objectifs de cette loi, objectifs auxquels la réglementation doit être ajustée.
Vous mentionniez, docteur Chapdelaine, que les décès attribuables aux armes à feu étaient une question relevant davantage de la santé publique que du crime. Pendant un court instant, je me suis dit que la loi n'avait peut-être pas été soumise au bon comité. C'est peut-être le Comité permanent de la santé qui aurait dû s'en occuper, comme il s'est occupé des projets de loi C-7 et C-8 sur les drogues.
Si je mentionne ces choses, c'est parce que vous avez mis en relief d'une façon très claire que le but de cette loi est d'abord et avant tout de protéger la santé et de sauver des vies. On a parfois tendance à l'oublier.
J'ai apprécié les recommandations que, de part et d'autre, vous nous avez faites en vue de resserrer, dans le sens bonifiant du terme, un certain nombre de règles concernant l'entreposage des armes. Vous n'êtes pas le premier groupe à nous faire ces observations.
D'autre part, vous nous faites aussi des recommandations en ce qui a trait à la recherche, et cela se situe probablement à la périphérie du mandat de ce sous-comité qui, somme toute, vise à faire des recommandations sur l'ajustement de la réglementation. En ce moment, je n'y vois pas d'objections. Cependant, ce sera au sous-comité de décider, dans ses délibérations, s'il doit transmettre vos recommandations sur la recherche dans son rapport.
Vous le savez, je suis déjà un apôtre convaincu. Cependant, nous avons entendu à ce comité - et ce sera l'objet de ma question, parce que j'ai besoin de votre éclairage - des industriels et des gens de l'industrie du spectacle, du cinéma et du théâtre. Nous avons entendu des gens qui s'occupent de musées ou de reconstitution historique. Nous avons entendu des représentants de l'industrie du transport des valeurs comme SECOR, Brink's, Loomis et, bien sûr, nous avons entendu les autochtones. Dans ma première question, je voudrais me concentrer sur les groupes autres que les autochtones.
D'une part, l'objectif du projet de loi n'est pas d'empêcher des industries de fonctionner, mais on ne voudrait pas que ces industries constituent un risque pour la santé publique. D'autre part, il me semble que ces industries, ces entreprises ont acquis une expertise et ont agi en bons citoyens corporatifs sur le plan de la sécurité. Mais vous avez une expérience et une expertise bien plus considérables que les miennes et j'aimerais avoir votre opinion.
En ce qui a trait aux musées, aux reconstitutions historiques, à l'industrie cinématographique, au théâtre et au transport de valeurs, avez-vous des préoccupations en matière de santé publique dont on devrait tenir compte pour mieux juger des représentations qui nous ont été faites?
Dr Chapdelaine: Merci, monsieur de Savoye, de cette question.
D'abord, je pense que vous êtes le bon comité. À l'heure actuelle, on est souvent pris avec des problèmes de santé, mais ce sont d'autres ministères, d'autres secteurs de la société qui ont la solution. S'ils ne nous aident pas, on sera totalement démunis. Ceci est un très bon exemple. Le ministère de la Justice a probablement beaucoup plus de solutions que n'en a le ministère de la Santé, que ce soit au Canada ou au Québec.
Cela m'amène à votre question. Nous n'avions pas prévu de faire des commentaires sur des règlements autres que ceux que nous avons énoncés. Cependant, je vais vous rappeler brièvement les quatre règles en matière d'entreposage qui ont dirigé notre propos et que les législateurs devraient toujours garder à l'esprit. Qu'on soit dans un musée, dans une armurerie ou dans une maison, surtout dans une maison, ces quatre règles sont les mêmes.
Premièrement, il faut prévenir l'utilisation non autorisée.
Deuxièmement, il faut prévenir l'utilisation impulsive.
Troisièmement, il faut prévenir le vol, que ce soit dans un musée ou ailleurs. Des vols dans des magasins ou des armureries, il y en a eu. Il y en a eu à Lethbridge, en Alberta, il y a à peine quelques mois. Il y en a eu chez Latulippe à Québec, où je demeure, il y a quelques années.
Finalement, il faut que les règlements puissent être mis en oeuvre et le soient. Ils doivent être assez simples pour que les policiers qui arrivent sur la scène d'un vol avec effraction et trouvent une carabine de calibre .22 couchée sur le sofa - là je vous raconte des vraies histoires, ce n'est pas inventé - puissent dire: «Vous avez mal entreposé votre arme.» Les policiers ne devraient pas être obligés de regarder la loi et de dire: «Ah oui, la porte de devant était-elle verrouillée?» Si elle était verrouillée et qu'il y a eu effraction, l'arme était entreposée de façon sécuritaire.
Ce sont là des situations ambiguës. Nous ne sommes pas des légistes. On a donc demandé à des avocats de regarder la réglementation avec attention. On sait que les rédacteurs de lois sont obligés d'avoir recours un langage très complexe. Moi, je ne comprends pas le langage de l'entreposage, mais je sais que c'est nécessaire pour des raisons juridiques, pour des raisons de preuve devant la cour, etc. On nous a expliqué tout cela.
Donc, il faudrait que le message, et vous êtes un homme de communication, monsieur de Savoye, soit simple. KIS, keep it simple pour que le public le comprenne, pour que les propriétaires d'armes à feu le comprennent, pour que leurs familles le comprennent et pour que la communauté dans laquelle ils vivent le comprenne, parce que le risque est là pour tout le monde. C'est ma réponse.
M. de Savoye: Au Québec, nous avons des sociétés autochtones. Vous avez dit plus tôt que le Québec avait une régie pour s'occuper des Cris. Nous avons eu des représentations d'autochtones et nous en aurons d'autres. Dans leur présentation, ils parlent systématiquement de leur mode de vie et du fait que les armes à feu sont intégrées dans leur quotidien comme outils de chasse pour leur subsistance.
Ils nous ont aussi souligné que les problèmes de violence chez eux ne sont pas d'abord ou principalement reliés aux armes à feu et qu'ils auraient besoin de bien d'autres types d'aide avant que l'on ne touche aux armes à feu.
Quelle est l'expérience au Québec face aux peuplades autochtones? Que disent les statistiques? Comment doit-on interpréter leur usage des armes à feu dans leur quotidien?
Dr Chapdelaine: On n'a pas examiné attentivement cette question, mais un certain nombre d'études ont été faites dans les territoires que l'on dessert dans le Nord, dans le Nunavik, autour de Povungnituk et de ce qui s'appelait anciennement Fort Chimo, qui est maintenant Kuujjuaq, ainsi qu'au niveau de la baie James.
Ce qui est frappant, et c'est la même chose partout ailleurs au Canada, c'est que lorsque vous regardez les taux de mortalité,
[Traduction]
Si vous considérez les taux de mortalité dans le sud et dans les collectivités autochtones, vous constaterez que les taux de décès par suicide sont plus élevés, les taux de décès par homicide aussi, et les accidents, beaucoup plus nombreux que dans le sud. Peut-être tout cela est-il lié au nombre et à l'accessibilité des armes à feu.
Par exemple, si vous considérez les taux de décès en Ontario, qui sont les plus faibles de notre pays, vous constatez que 15 p. 100 des foyers, seulement ont des armes à feu, proportion également la plus basse. Si vous prenez la province ou le territoire où les taux sont les plus élevés... Il vous sera sans doute facile de deviner lesquels. Quelqu'un a-t-il une idée là-dessus?
M. de Savoye: C'est vous le témoin.
Dr Chapdelaine: J'ai entendu prononcer le nom des Territoires du Nord-Ouest, et c'était exact. J'ai entendu le nom du Yukon, et c'était juste aussi. Dans ces deux territoires, il y a des armes à feu dans 67 p. 100 des foyers.
[Français]
Dr Maguire: On pourrait ajouter à cela. On l'a vu dans le cas d'autres problèmes de santé, notamment l'utilisation des véhicules automobiles genre quatre roues et trois roues, pourvu que les gens utilisent ces véhicules ou d'autres outils sans prendre d'alcool.
On sait que l'alcool, tant chez les Québécois et les Canadiens que chez les autochtones, est tout de même un problème. Je ne connais pas d'études qui ont été faites à ce sujet, mais je connais bien le responsable de la Santé publique là-bas. On pourrait peut-être regarder ces données. On sait très bien que l'alcool et la route ne font pas un mélange très intéressant. Depuis qu'on a commencé à y travailler, on constate tout de même des changements assez importants.
J'ai l'impression que les gens seront capables de prendre les décisions qu'ils ont à prendre. On a toujours vu le problème des blessures comme un problème de fatalité. À partir du moment où on changera d'optique, à partir du moment où on ne verra plus le problème des blessures comme étant une fatalité et qu'on commencera à l'analyser et à le comprendre - l'étude sur les suicides dans la région de Québec nous donne ce genre d'information - , il y a aura certainement moyen de développer des façons de faire avec les gens qui sont impliqués sur ces territoires.
Je pense pouvoir dire rapidement qu'il n'y aura jamais de danger à entreposer une arme à feu de façon sécuritaire. Je pense que cela n'est pas dangereux. Pour moi, c'est très clair. Toutefois, comment les gens veulent le faire, il y a des recherches à faire et des choses à définir avec eux.
M. de Savoye: Docteur Leonard, aimeriez-vous ajouter quelque chose là-dessus?
[Traduction]
Dr Leonard: Votre question m'inspire quelques remarques.
Premièrement, je reconnais avec vous que les causes de suicide, en particulier dans les collectivités très pauvres, sont... Nous utilisons le terme «multifactoriel». De nombreux facteurs entrent en jeu.
Cependant, si nous recherchons des stratégies préventives, il faut en trouver qui soient efficaces et économiques. Il n'y a personne, chez nous, qui prétendrait que les mesures que nous proposons aujourd'hui sont les seules nécessaires pour régler certains des problèmes des collectivités rurales et autochtones. Nous disons simplement que la stratégie préventive que nous vous suggérons est efficace et économique. Il n'est pas question d'en faire une panacée ni d'ignorer d'autres besoins très pressants de ces collectivités.
Deuxièmement, vous avez parlé des complications que cela créerait dans des collectivités où les armes à feu sont des outils dont on se sert tous les jours. J'ai essayé d'en parler au cours de mon exposé.
Nous sommes prêts à accepter pas mal d'inconvénients dans notre vie lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité des membres de notre famille. Mes enfants ont passé l'âge de l'utilisation de ces horribles fauteuils porte-bébé. Chaque fois que j'emmenais mes enfants en voiture, il me fallait environ 20 minutes pour les attacher; pendant tout ce temps-là, ils hurlaient et me donnaient des coups de pied; après, ils sortaient de la voiture et il fallait tout recommencer. C'était incroyablement peu pratique, mais je le faisais, et même deux ou trois fois par jour jusqu'au jour où ils n'ont plus eu besoin de mon aide.
Je pense à ma mère. Lorsqu'elle vient nous rendre visite elle fait toujours très attention à ce que ses flacons de médicaments aient des capuchons de sécurité. Elle a un peu d'arthrite et elle a énormément de difficulté à enlever les capuchons, mais elle ne veut surtout pas que mes enfants puissent avoir accès à ses médicaments.
Je crois qu'il faut traiter tout cela comme une équation. Bien sûr, cela complique les choses, mais il faut peser les avantages en contrepartie. À notre avis, les inconvénients des dispositions relatives à l'entreposage et à la délivrance du permis et ceux des règlements relatifs à la mise en garde du conjoint et à l'enregistrement sont largement compensés par les avantages que l'on en retire.
[Français]
Dr Grenier: J'aimerais renforcer un point. Nous, les médecins, prenons soin de ces enfants-là et devons faire face à des suicides et à de la violence dans les familles. Nous avons absolument besoin de l'aide de votre comité pour avoir des règlements qui vont nous aider à protéger ces enfants-là.
Les enfants ne peuvent pas venir vous parler. Ils ne sont pas capables de venir témoigner devant ce comité, mais vous êtes responsables et on se fie à vous pour adopter la meilleure loi, celle qui sera la plus applicable pour sauver les enfants et surtout nos adolescents.
Quand on pense à nos adolescents, on pense surtout à ceux qui sont dépressifs. Comme le disait le Dr Leonard dans sa présentation, cela affecte surtout les garçons. Quant aux filles, on vient à bout de les sauver d'un suicide parce qu'elles prennent des pilules et se rendent à l'urgence. On a le temps de les sauver, de leur fournir de l'aide. On n'a pas cette chance avec les garçons. Donc, on a besoin que quelqu'un nous aide. On pense que vous êtes les personnes désignées pour le faire. Merci.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, monsieur de Savoye.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de ce matin pour leurs exposés.
Je voudrais tout d'abord examiner l'ampleur du problème que vous décrivez dans votre mémoire.
En 1994, 95 adolescents de 15 à 19 ans sont morts des blessures causées par des armes à feu. Prenons donc l'exemple de cette année-là. S'il y a de trois à six millions de propriétaires d'armes à feu au Canada - pour simplifier, prenons une moyenne de quatre millions - cela signifie qu'en 1994, 3 999 915 de ces détenteurs d'armes à feu n'ont pas eu du tout de problèmes. Donc, lorsqu'on considère l'ampleur du problème par rapport au nombre de familles et de foyers qui ont des armes à feu, quel pourcentage cela nous donne-t-il? Bien sûr, il faut faire tout notre possible pour réduire encore ce pourcentage.
Si vous aviez 100 millions de dollars à dépenser, les utiliseriez-vous pour l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse, ou pour des programmes de prévention du suicide et de lutte contre les causes des conflits familiaux? Quatre-vingt pour cent des morts causées par des armes à feu sont des suicides. D'après l'estimation du ministre de la Justice, nous dépensons donc 100 millions de dollars - 85 millions plus 18 millions environ pour la publicité et l'éducation.
Comment utiliseriez-vous cet argent? Pour guérir le cancer du sein? Pour réduire la conduite en état d'ivresse, qui tue une personne toutes les six heures dans notre pays? Le dépenseriez-vous plutôt pour lutter contre la pauvreté chez les enfants, qui touche semble-t-il, un enfant sur cinq? Ou l'utiliseriez-vous pour l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse?
La futilité de tout cela ressort particulièrement bien de l'exemple du mari qui a abattu sa femme à Mississauga. Le résultat aurait-il été différent si l'arme avait été enregistrée? Bien sûr que non, et c'est bien ce qui prouve tout ce que ce projet de loi a de vain.
Nous devrions utiliser les ressources dont nous disposons pour nous attaquer à la racine des problèmes. L'entreposage sécuritaire est très important, mais c'est déjà prévu par la loi. Nous sommes ici pour discuter du règlement du projet de loi C-68 et peut-être aussi, dans une certaine mesure, du projet de loi lui-même.
Vous avez dit que l'entreposage sécuritaire était une mesure nécessaire. Il y a maintenant une loi pour ça. Nous parlons d'un projet de loi qui permettra d'accorder un permis à de trois à six millions de propriétaires d'armes à feu et d'enregistrer de six à 20 millions d'armes à feu. Tout cela coûtera des sommes énormes.
Donc, comment dépenseriez-vous 100 millions de dollars si vous les aviez et si vous étiez le gouvernement? Auriez-vous pour priorité d'enregistrer les armes à feu et de délivrer des permis aux propriétaires alors que sur quatre millions de foyers, 95 seulement ont eu des problèmes à cause de ces armes? Serait-ce là votre priorité? Utiliseriez-vous au contraire votre argent dans un domaine différent, en particulier celui de la prévention du suicide, puisque 80 p. 100 des morts par arme à feu sont des suicides? Dans votre exposé vous n'avez pas précisé le nombre de suicides qui auraient pu se produire, même s'il n'y avait pas eu d'armes à feu. Nous ne savons donc pas exactement à quoi nous en tenir.
Si le problème des suicides nous préoccupe, nous devrions étudier la cause des suicides et celle des querelles domestiques. Pourquoi cet homme a-t-il traversé la rue pour abattre sa femme? Voulons-nous enregistrer l'arme à feu pour que la police puisse dire «Eh bien, il a utilisé son arme enregistrée pour tuer sa femme»? Est-ce pour cela que nous voulons dépenser 100 millions de dollars et est-ce là le résultat que nous attendons? Je n'en vois pas d'autre, à moins d'interdire à tous les civils de posséder des armes à feu. Si c'est cela le fond du problème, discutons-en. Mais ce n'est pas le cas et ce n'est pas du tout ce que le ministère de la Justice dit.
Nous allons donc enregistrer les armes à feu et délivrer des permis à leurs propriétaires. Si le détenteur d'une de ces armes se sépare de son conjoint et s'il devient irresponsable, cela ne l'empêchera pas de prendre l'arme, même si elle est enregistrée ou même si elle est gardée sous clé, et de l'utiliser contre lui-même, contre des membres de sa famille ou des membres de la société. À quoi donneriez-vous priorité? Nous allons dépenser un minimum de 100 millions de dollars. Ne serait-il pas plus utile si nous les consacrions à la prévention du suicide et de la violence familiale?
Dr Maguire: Monsieur Ramsay, vous savez que je ne suis pas du tout dans votre situation. Je crois qu'il y a quelques années vous étiez présent lorsque nous avons comparu avec quelqu'un qui s'appelait Eric Sirois. Il avait 18 ans lorsqu'il s'était tiré une balle de carabine .22 long rifle dans la tête, ce qui l'avait rendu aveugle. Il y a pas mal de gens comme Eric Sirois au Canada qui ne sont plus là parce qu'ils se sont tués. Le Dr Leonard nous a dit qu'il y en avait 90.
M. Ramsay: 95.
Dr Maguire: Quatre-vingt-quinze. Je ne suis pas un homme de chiffres; je suis quelqu'un qui travaille avec les jeunes, qui est témoin de leurs peines et de leurs souffrances.
Je n'essaie pas de faire vibrer la corde sensible, mais nous voyons souvent des gens qui arrivent à l'urgence et, la plupart du temps, ils sont déjà morts car ils ont utilisé des mesures radicales pour mettre fin à leurs jours. Je crois que vous avez employé le mot «futilité» ou quelque chose d'approchant, et je ne crois pas que dépenser 100 millions de dollars pour essayer d'intervenir efficacement dans ce domaine soit du pur gaspillage.
Si nous voulons que les armes soient entreposées en lieu sûr, il faut d'abord savoir où elles se trouvent. La première fois que j'ai comparu devant cette commission j'ai parlé d'un certain John Snow, de London. John ne savait pas que le choléra était causé par les bactéries, mais il en savait suffisamment pour enlever le bras de la pompe qui fournissait l'eau polluée. Nous avons à peu près le même genre de problème ici.
Il y a un gros problème. Plus de jeunes sont morts pour s'être suicidés avec une arme à feu qu'à cause d'accidents de la route. Vous nous dites que la meilleure façon d'essayer de régler le problème est de savoir où se trouvent les armes et de les placer en lieu sûr afin qu'on ne puisse pas s'en servir. Pour une fois, vous dépensez de l'argent pour une cause valable. J'ai le sentiment que nous nous engageons sur une voie qui nous aidera probablement à réduire la gravité de ce problème si préoccupant pour la société.
M. Ramsay: Permettez-moi de vous poser la question suivante. Si, dans l'exemple présenté à l'écran ce matin, le fusil avait été enregistré, en quoi cela aurait-il pu éviter à la pauvre mère de se faire abattre?
Dr Maguire: Il faut considérer deux choses dans ce problème. Nous pouvons parler du coût individuel. Je vous ai parlé d'Eric Sirois et vous m'avez donné votre exemple. Ce que j'essaie de dire c'est qu'il faut placer les choses dans un cadre plus large. C'est probablement la raison pour laquelle nous avons des lois dans notre société. Si nous considérons le problème dans son ensemble, je crois qu'il devient tout à fait logique d'enregistrer les armes et de les entreposer en lieu sûr. Peut-être le Dr Leonard...
Dr Leonard: Puisque nous sommes ici aujourd'hui pour parler des règlements, celui qui concerne l'obligation d'avertir le conjoint est précisément conçu pour ce type de situation, celle où quelqu'un devient furieux contre sa femme et veut mettre la main sur une arme à feu pour la punir. C'est pourquoi nous appuyons le règlement concernant la mise en garde du conjoint.
Je voudrais revenir à certaines de vos premières remarques, docteur Grenier et je... Notre tâche consiste essentiellement à protéger les enfants et les adolescents. Si vous insinuez que les 95 morts de 1994 ne représentent pas un problème suffisant pour justifier un très gros effort, je me dois de protester avec véhémence...
M. Ramsay: Je n'ai pas dit cela; je n'ai pas dit du tout cela.
Dr Leonard: C'est une des causes les plus fréquentes de mort chez les adolescents. Nous ne vivons plus à une époque où les enfants mouraient de polio et de maladies infectieuses.
J'ai ici une diapositive, que je ne vous ai pas montrée. Elle offre une comparaison entre les morts d'enfants et d'adolescents causées par des armes à feu et par d'autres causes. Vous avez parlé de cancer du sein. Eh bien, il y a beaucoup plus d'adolescents qui sont tués par des armes à feu que par le cancer. Je ne veux pas dire par là qu'il faut consacrer tout notre argent au contrôle des armes à feu au lieu de la lutte contre le cancer, mais c'est un point de vue intéressant car il nous amènera peut-être à changer notre façon de voir et à nous rendre compte qu'à notre époque, les blessures traumatiques constituent la menace la plus grave pour les enfants et les adolescents.
Vous nous avez également dit que nous devrions investir l'argent dans un programme de prévention du suicide. Eh bien, nous considérons ceci comme un programme de prévention du suicide, et comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas le seul...
M. Ramsay: Je parlais de la cause du suicide.
Dr Leonard: Il est plus utile de parler des facteurs contributifs. Ils peuvent être nombreux, mais en particulier chez les jeunes le suicide est souvent un acte impulsif, accompli sous l'influence de l'alcool ou des drogues. Et une des stratégies préventives les plus efficaces, sinon la plus efficace, est de réduire l'accès aux méthodes létales.
Je crois que nous voyons les choses différemment. Pour nous, l'enregistrement, la délivrance d'un permis, la mise en garde du conjoint, et l'entreposage sécuritaire constituent un programme de prévention du suicide.
M. Ramsay: Mais ce programme ne s'attaque pas à la cause des suicides.
Dr Leonard: Il s'attaque à un des facteurs qui, comme le Dr Chapdelaine l'a montré grâce à ses diapositives...
M. Ramsay: C'est une méthode de suicide.
Dr Leonard: ... accroît considérablement le risque de succès de la tentative de suicide.
M. Ramsay: Si nous pouvions nous attaquer à la cause du suicide, nous nous attaquerions non seulement au problème des enfants qui utilisent des armes à feu pour se suicider, mais aussi aux causes de tous les suicides - qu'il s'agisse de personnes qui se pendent, ou qui vont s'asseoir sur la voie ferrée comme cela se fait dans ma circonscription ou dans la circonscription voisine. Nous nous attaquerions ainsi à toutes les causes du suicide et nous aiderions du même coup tout le monde. Tout ce que vous faites ici c'est combattre la méthode utilisée pour se suicider.
Dr Grenier: Monsieur Ramsay, permettez-moi de vous rappeler qu'il ne s'agit que d'une première étape de la prévention. Nous qui sommes assis à cette table ne prétendons pas que c'est la seule mesure possible. Nous sommes prêts à accepter de l'argent à condition de pouvoir l'utiliser pour la prévention de la violence, la prévention de l'abus des drogues, la prévention de n'importe quoi. Mais c'est une étape importante. Mais il ne s'agit pas de 95 jeunes seulement. N'oubliez pas qu'ils ont moins de 13 ans. Vingt- cinq est-il un chiffre...
M. Ramsay: Je le sais.
Le président suppléant (M. Maloney): Le temps va nous manquer, monsieur Ramsay.
Dr Grenier: Permettez-moi de finir.
N'oubliez pas que ceux qui ne meurent pas coûtent aussi 70 millions de dollars aux Canadiens, ce qui n'est pas négligeable. Je suis prête à investir 100 millions de dollars si cela me permet d'empêcher plus de 100 morts et encore plus de cas de morbidité, et plus encore d'aide psychiatrique aux témoins d'actes de violence. Ce sont des problèmes auxquels il faut penser, et nous comptons sur vous pour nous aider.
M. Ramsay: On n'a toujours pas répondu à ma question. Ce que je veux savoir c'est comment vous dépenseriez 100 millions de dollars à une époque où l'argent est si rare? Le dépenseriez-vous ici? Le consacreriez-vous à des programmes de prévention du suicide destinés à tous les jeunes qui ont perdu la volonté de vivre, ou l'utiliseriez-vous pour lutter contre la pauvreté chez les enfants? Préféreriez-vous vous en servir pour lutter contre d'autres causes de mort chez les gens, ou le consacreriez-vous à l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse et à la délivrance de permis à leurs propriétaires? Voilà ma question.
Le président suppléant (M. Maloney): Docteur Chapdelaine, voulez-vous répondre à cette question? Nous passerons ensuite à autre chose.
Dr Chapdelaine: Je sais que nous sommes à court de temps, et j'aimerais également que les membres assis de l'autre côté de la table me posent des questions.
Je ne veux pas entreprendre une discussion sur la loi. Je croyais que nous venions ici pour parler des règlements. Si nous entamons une discussion sur la loi, je peux vous assurer que j'aurai des réponses intéressantes à donner à M. Ramsay. Mais peut- être serait-il préférable de poursuivre.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, docteur Chapdelaine.
Monsieur Kirkby.
M. Kirkby (Prince-Albert - Churchill River): On a dit qu'on pouvait investir de l'argent dans la prévention du suicide, mais vous avez fait observer que la plupart des suicides d'adolescents sont des actes impulsifs provoqués par un événement dans leur vie tel que la perte d'une petite amie. Un jeune peut être parfaitement équilibré, il suffit d'un événement traumatique dans sa vie pour qu'il se tue. À mon avis, la question à régler est celle de la facilité d'accès aux armes à feu. Si celles-ci sont entreposées en lieu sûr, cela donnerait peut-être à la personne qui veut s'en saisir les quelques minutes nécessaires pour réfléchir à ce qu'elle est en train de faire, et peut-être ainsi de sauver quelques vies.
D'autre part, M. Ramsay prétend que le gouvernement investit 100 millions de dollars dans tout ceci. Rien n'est plus faux. Ce dont nous parlons, c'est d'une contribution que l'on demande à chaque propriétaire d'armes à feu du pays. On me demande de verser 10 $ une seule fois dans ma vie, de passer une demi-heure à dresser la liste des armes à feu que je possède, de l'expédier à Ottawa, un point c'est tout. Grâce à cette contribution de 10 $ et à un système d'enregistrement qui nous permet d'imposer des mesures de sécurité pour l'entreposage des armes à feu - mesures qui, je le souligne, ne seraient pas applicables sans système d'enregistrement - quelque part dans notre pays, la vie d'un jeune pourra ainsi être sauvée. Je pense que cela vaut largement 10 $ et une demi- heure de mon temps, et tout argument contraire ne vaut rien.
Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de l'utilité de l'enregistrement? J'ai remarqué qu'un des témoins a déclaré qu'un des aspects importants de l'entreposage sécuritaire est son caractère exécutoire. Je voudrais savoir quel lien existe entre l'enregistrement et le caractère exécutoire du règlement.
Dr Chapdelaine: Dans un document qui a été publié par l'Association médicale canadienne en novembre dernier, document que je pourrai remettre au comité si vous le souhaitez, nous résumons exactement la réponse à votre question. Un mot suffit peut-être: en liant votre nom à un objet à caractère aussi mortel qu'une arme à feu grâce au système d'enregistrement et de permis, vous créez une imputabilité - une responsabilité. Vous créez une responsabilité qui vous incite non seulement à déclarer très rapidement la perte ou le vol de votre arme, parce que si quelqu'un en fait mauvais usage, vous en êtes responsable... À l'heure actuelle, il n'est pas obligatoire de déclarer les vols, et le vol, pratiquement par définition, fait que les armes tombent dans les mains des criminels - c'est un autre aspect.
L'autre obligation, l'autre responsabilité, c'est que vous devez maintenant savoir comment entreposer votre arme de façon sécuritaire, connaître les règlements, et j'espère que vous rendrez ces règlements aussi simples et limpides que possible. Si les règles sont simples et limpides, cela facilite aussi l'application de la loi.
Il y a quelques années, à Aylmer, un enfant dont le père était en Bosnie s'est présenté à l'école avec deux armes de poing. Un de ses camarades en a parlé à ses parents et, au bout du compte, la police s'est présentée au domicile de l'enfant. Les armes étaient très mal entreposées, même si les règlements afférents à l'ancienne loi étaient déjà en vigueur. Ces anciens règlements étaient fort semblables à ceux que vous proposez ici, mais les nouveaux sont un peu mieux pensés.
Aucune accusation n'a été portée contre le père, même si l'enfant avait trouvé les armes derrière une pile de vêtements, dans une armoire. Je ne parle pas de petits calibres. Il y avait deux ou trois armes de poing, un AK-47 et des fusils de chasse.
Il est donc tout à fait impossible de faire respecter le règlement s'il n'y a pas un lien direct entre le propriétaire et l'arme à feu.
Dr Leonard: Nous aimerions que l'on rende le plus difficile possible l'utilisation non autorisée ou impulsive des armes à feu. Un de ces obstacles est de physique. Si l'arme est verrouillée, si elle est munie d'un verrou d'arme et si elle n'est pas à la vue. C'est très important, et nous avons présenté une requête en ce sens.
Deuxièmement, le simple fait de devoir enregistrer l'arme, demander un permis et payer des droits rend le propriétaire plus conscient de sa responsabilité personnelle pour ce qui est d'empêcher l'utilisation non autorisée de l'arme à feu.
Enfin, de façon plus générale, le simple fait d'adopter la loi et un règlement bien pensé sensibilise la population au danger que présentent les armes à feu mal entreposées et au danger qu'il y a à garder une arme à feu dans la maison d'une personne suicidaire ou déprimée. De bien des façons, ces mesures contribueront effectivement à réduire la mortalité.
Dr Chapdelaine: Est-ce que je peux ajouter quelque chose au sujet des coûts dont vous avez parlé? Une étude publiée dans le Journal de l'Association médicale canadienne, une publication qu'on ne peut pas accuser de manquer de sérieux, porte sur les coûts des blessures au Canada. C'est une étude tout à fait particulière, et les chiffres qui y sont cités sont stupéfiants.
Récemment, l'économiste qui a réalisé l'étude, le Dr Leonard, et moi-même tenions une conférence de presse à Ottawa pour parler des coûts et des avantages de la loi. Si vous examinez les coûts des blessures attribuables à des armes à feu au cours d'une année et si vous les divisez par le nombre d'armes qu'il y a au Canada, vous obtenez le chiffre surprenant de 950 $ par année pour chaque arme qui est rangée sur une étagère, cachée sous un lit 12 mois par an, utilisée pour la chasse ou pour le tir sur cible, etc. - toutes les armes. C'est le coût total pour la société.
Si vous regardez ce qu'il en coûte au gouvernement, c'est 80 $ par arme, pas seulement pour les armes qui entraînent des décès ou des blessures, mais bien pour toutes les armes au pays. L'analyse coûts-bénéfices de ce que vous faites n'est donc pas difficile à établir.
Le président suppléant (M. Maloney): Madame Whelan.
Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci.
Je veux vous poser une brève question. Elle se rapporte aux exposés que nous avons entendus cette semaine. Je reconnais l'importance de l'entreposage sécuritaire et je reconnais l'importance d'un certain nombre de mesures de prévention.
Je viens d'une collectivité frontalière, et pas n'importe laquelle. J'habite en face de Detroit. Cette ville américaine a le taux de criminalité le plus élevé et un taux d'utilisation d'armes à feu parmi les plus élevés aux États-Unis. Je suis donc bien consciente des problèmes qui existent dans d'autres pays et des difficultés qui en découlent.
Je suis aussi bien consciente de la grande qualité, j'imagine que l'on peut parler ainsi, des lois que nous avons eues jusqu'à maintenant - certes, on peut encore les améliorer, mais nous avons adopté certaines des mesures législatives les plus efficaces au monde en matière d'entreposage sécuritaire.
Je m'inquiète toutefois de deux ou trois aspects. La loi antérieure n'avait pas encore pleinement pris effet, et je ne sais pas vraiment si c'est parce que l'on n'avait pas suffisamment sensibilisé la population au sujet du règlement sur l'entreposage sécuritaire pour que tout puisse se faire. Vous examinez toutefois la question sous un autre angle. Vous venez de mentionner le cas d'un jeune enfant qui a apporté deux armes à l'école, ce qui a donné lieu au dépôt d'accusations contre son père.
La nouvelle loi impose une responsabilité encore plus lourde à ceux qui n'entreposent pas de façon adéquate une arme qui, par la suite, est utilisée pour la perpétration d'un crime; ils s'exposent à des accusations. Il y a eu un décès absolument tragique en Ontario précisément dans de telles circonstances, et la personne qui possédait l'arme n'a pas fait l'objet d'accusations, pour diverses raisons, très certainement.
Nous devons être prudents lorsque nous parlons de réglementation; les règlements doivent s'appliquer, leur application doit être logique et il ne faut pas imposer un fardeau trop lourd à certains usagers, entre autres les musées. La réglementation doit répondre aux besoins. Il faut bien penser que lorsque nous établissons des règlements, même si nous voulons qu'ils soient simples et uniformes, nous devons agir avec prudence.
Le Dr Leonard a bien dit au début de son exposé qu'il fallait tenir compte des aspects du développement chez les jeunes enfants: la pensée magique, la curiosité, l'absence de maîtrise de soi, l'impulsivité. Mais il faut aussi tenir compte de ce qu'ils apprennent.
L'histoire nous enseigne quelque chose; la réalité de l'histoire offre des leçons. Il importe de permettre aux musées de dépeindre l'histoire comme elle s'est déroulée et de montrer les conséquences tragiques de la guerre. Nous devons être en mesure d'enseigner cela aux enfants d'aujourd'hui, pour éviter les guerres de demain. Si vous commencez à occulter ces réalités, si vous ne voulez pas que les enfants prennent conscience de ce danger, on finira peut-être par oublier. Dans le cas des musées, des règles spéciales doivent s'appliquer pour leur permettre de représenter ces situations, pour que nos enfants puissent découvrir ces scènes de guerre afin que cela ne se produise plus jamais.
Je pense entre autres à un des films que les enfants regardent aujourd'hui, Pocahontas. Bien des gens ne le savent peut-être pas, mais on y utilise des armes à feu dans le scénario. Et l'on montre bien que les armes à feu font du mal. Il y a donc des avantages et des inconvénients aux diverses choses que vous pouvez voir. Je suis totalement contre la violence dans les films pour enfants, mais j'ai regardé ce film à plusieurs reprises et je crois qu'il y a une leçon à en tirer. L'oeuvre contient bien sûr des aspects magiques, mais en même temps elle livre un message sous-jacent.
Je demande simplement que lorsque nous parlons de règlements en matière d'entreposage sécuritaire, nous reconnaissions aussi que l'histoire fait partie de notre enseignement. Les jeux historiques sont importants pour le développement des enfants et des adolescents de demain. Lorsque nous parlons de règlements, nous devrions tous reconnaître que les musées ont un rôle important à jouer pour préparer la relève.
Vous pouvez peut-être me dire ce que devrait être, à votre avis, l'entreposage sécuritaire.
Dr Leonard: Je suis tout à fait d'accord avec vous quant à l'importance de l'histoire et de la culture. Nous parlions précédemment du caractère multifactoriel des décès imputables aux armes à feu. Nous parlions de suicides, mais il est vrai aussi pour d'autres utilisations impulsives des armes à feu que tout un segment des médias et de notre société exerce véritablement une influence sur les attitudes à l'égard des armes à feu. Le genre de mesures dont vous parlez peuvent être très utiles.
Lorsque mes enfants ont regardé Pocahontas, ils ont été bouleversés lorsque l'un des personnages principaux a été tué par balle. C'était très triste. Ils étaient malheureux, mais c'est quand même bon qu'ils voient cela plutôt qu'un film de James Bond, où des personnages anonymes sont pulvérisés sans que l'on éprouve la moindre émotion.
Je suis aussi d'accord avec vous en ce qui concerne les règlements sur l'entreposage. C'est un problème à considérer s'ils sont impossibles à appliquer dans leur forme actuelle. C'est pourquoi nous demandons que les règlements soient simples et applicables.
Je ne suis pas une spécialiste des dispositions qui touchent les musées, mais j'aimerais souligner ce que j'ai dit précédemment au sujet de l'équation. Des règles d'entreposage strictes présentent des inconvénients qu'il faut peser en fonction des avantages. Il est dans l'intérêt de tous que la sécurité publique soit assurée, et il faut examiner les éventuels inconvénients des règles d'entreposage sécuritaire ou adéquat en fonction des avantages d'une plus grande sécurité publique.
Le président suppléant (M. Maloney): Docteur Chapdelaine.
Dr Chapdelaine: Je vous écoute et je me dis que vous présentez des arguments très convaincants au sujet de l'utilité des musées et des reconstitutions historiques. On apprend beaucoup dans ces établissements et ils ne devraient pas seulement nous enseigner l'histoire et ce qui s'est passé autrefois, mais aussi nous présenter l'avenir que nous voulons. Si les musées donnent l'exemple en munissant leurs armes de verrous d'arme ou en veillant à ce que la nouvelle norme canadienne soit respectée, c'est très bien.
Je crois que vous avez aussi répondu à votre propre question au sujet de tout ce qu'il faut faire pour expliquer les choses à la population, etc. Les musées sont tout indiqués pour informer la population de la norme canadienne en matière de sécurité.
Songez simplement qu'autrefois on voyait régulièrement des accidents de voiture au cinéma et le conducteur, Clint Eastwood ou quelqu'un d'autre, ne bouclait jamais sa ceinture de sécurité. On voit maintenant dans les films des personnages qui bouclent leur ceinture. Ce genre de choses sert d'exemples. Il modifie le climat. Les gens du milieu des communications savent bien que pour modifier la société il faut d'abord créer un cadre dans lequel le changement peut s'effectuer. Lorsque tous les acteurs de cinéma commencent à porter des ceintures ou des casques de sécurité, ils envoient un message à la population.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, docteur Chapdelaine.
Je remercie les témoins de ce matin de leur contribution. Les exposés étaient fort intéressants. Merci beaucoup.
Nous pourrions peut-être faire une courte pause. La séance reprendra dans cinq minutes.
Le président suppléant (M. Maloney): La séance est ouverte.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Robert Paddon, de la B.C. Wildlife Federation. Bonjour, monsieur Paddon.
M. Robert Paddon (président, B.C. Wildlife Federation): Bonjour, monsieur.
J'ai demandé au greffier de vous remettre trois documents: la réponse aux règlements sur les armes à feu, accompagnée de nos 31 recommandations de changement, mes notes d'allocution et notre brochure sur les armes à feu et la sécurité des enfants, que j'ai récemment mise au point.
J'aimerais préciser avant de commencer mon exposé que la Historical Arms Collectors Society de la Colombie-Britannique et la Vancouver Island Arms Collectors Association ont pris connaissance de la réponse de la BCWF aux règlements sur les armes à feu et qu'elles ont approuvé le texte de notre intervention d'aujourd'hui.
La B.C. Wildlife Federation est le plus important et le plus ancien organisme de conservation d'envergure provinciale en Colombie-Britannique. Fondée en 1956, la BCWF compte à l'heure actuelle 32 000 membres et 147 clubs affiliés. Nous sommes aussi membres de la coalition nationale des fédérations de la faune provinciale et territoriale. Cette coalition représente plus de 500 000 membres dans l'ensemble du Canada.
La BCWF et la fédération nationale ont signifié leur opposition au projet de loi C-68 au ministre de la Justice, devant les comités de la Chambre des communes et du Sénat, par des déclarations de politique et à d'autres instances. Notre exposé, aujourd'hui, ne doit pas être interprété comme un appui au projet de loi C-68. Il vise à mieux vous expliquer notre point de vue quant aux effets de ce projet de réglementation des armes à feu sur les usagers et les propriétaires d'armes à feu, les policiers, l'administration publique et la population en général.
Nous avons présenté 31 recommandations visant huit des 11 projets de réglementation des armes à feu. Ces recommandations ne doivent pas être interprétées comme un appui à la réglementation, mais plutôt comme des solutions de rechange pour atténuer l'impact économique de la réglementation sur les usagers d'armes à feu, alléger le fardeau administratif inutile des policiers, de l'administration publique et des usagers d'armes à feu, et réduire les frais de mise en oeuvre du projet de loi C-68 pour les contribuables canadiens.
Les règlements sont mal rédigés et vagues. Ils ne satisfont pas à nos critères élémentaires d'équité, d'efficacité, d'applicabilité et d'abordabilité pour tous les Canadiens. Ils doivent être modifiés en profondeur. La partisanerie politique ne devrait pas influer sur le débat et les recommandations de changements à apporter à ces projets de règlement. Nous espérons que le Parlement du Canada prendra le temps d'examiner sérieusement les principales modifications de ces projets de règlement et envisagera même une refonte.
Les difficultés posées par l'ensemble du processus viennent du ministre de la Justice. Les membres des comités permanents, les députés et les sénateurs, doivent convaincre Allan Rock qu'il convient de modifier en profondeur ce projet de réglementation.
Il n'y a aucune urgence à adopter les règlements en 1997. Il convient d'engager un vaste débat, de mener des études concrètes et de faire des essais avant d'adopter les règlements. Nous avons besoin d'une réglementation adaptée aux besoins de la population, et non pas de politiques gouvernementales à caractère politique.
Pour nous, la lecture du projet de réglementation a soulevé plus de questions qu'elle ne nous a fourni de réponses. Nous nous sommes entre autres demandé quels sont les avantages pour la société canadienne en ce qui touche la sécurité publique, la répression du crime, la santé publique, le contrôle des armes à feu, etc. Quelles sont l'intention et l'utilité de la réglementation? Dans de nombreux cas, ce n'est pas clair. Où se trouve la définition des mots clés et des déclarations générales? Quel est le coût du projet, qui va payer pour tous ces règlements? Dans quelle mesure les règlements contribueront-ils à éroder l'appui des usagers d'armes à feu à la police?
Ce qui nous inquiète, c'est que les règlements ont été conçus pour rendre plus difficile le fait de posséder des armes à feu et qu'ils détourneront les Canadiens moyens de la chasse, du tir sur cible et du collectionnement des armes à feu. Après avoir pris connaissance de ce projet de réglementation des armes à feu, nous croyons que nos inquiétudes sont fondées.
Certains diront peut-être qu'il n'y a qu'à se débarrasser des armes à feu et de la chasse, mais quels effets aura cette attitude à courte vue? Premièrement, il y aura des pertes d'emploi, des fermetures d'entreprise - cela a déjà commencé - , une baisse du tourisme, la disparition d'une partie de notre patrimoine et de notre culture, etc.
Dans le cadre de ce débat, on a rarement parlé de l'effet des règlements sur les utilisateurs d'armes à feu et les organismes d'application de la loi au Canada.
Les usagers d'armes à feu s'inscrivent dans l'infrastructure d'application de la loi au Canada. Nous fournissons des installations où nos membres, la population et les responsables de l'application de la loi peuvent utiliser des armes en toute sécurité. Les policiers locaux, la police provinciale, les agents de conservation, les douaniers, les militaires, etc. utilisent nos champs de tir. Nous offrons dans les collectivités des cours sur la sécurité des chasseurs et des cours d'accréditation en matière de sécurité des armes à feu au Canada. Nous offrons des cours sur le maniement sécuritaire des armes à feu, nous enseignons aux propriétaires d'armes à feu la déontologie et les exigences juridiques. Nombre de candidats à des postes liés à l'application de la loi ont suivi nos cours et sont membres de la BCWF.
La réglementation entraînera une réduction du nombre d'usagers d'armes à feu et la fermeture des clubs. Où les policiers pourront- ils s'entraîner et obtenir leur certificat s'ils ne peuvent plus utiliser nos installations? Les divers ordres de gouvernement sont- ils disposés à acheter des terrains et à aménager des champs de tir, à construire des installations de formation, etc.?
Aucun chasseur ne souhaite la disparition de nos programmes efficaces de gestion de la faune. Grâce aux permis de chasse et aux projets des clubs, les chasseurs contribuent aux programmes de conservation de l'habitat. La Wilderness Watch, une initiative de la BCWF en vue de lutter contre le braconnage et d'aider les agents de conservation, serait menacée si nos membres n'étaient pas sur le terrain.
Les usagers d'armes à feu constituent un segment de la population. Sans appui de la population, la police ne peut pas faire son travail. La loi sur le contrôle des armes à feu a, depuis quelques années, dressé un mur entre les usagers d'armes et la police. Les germes du soupçon et de la méfiance ont été plantés et ils se propagent. Le soutien qu'accordaient autrefois les usagers d'armes à feu à la police commence à s'éroder.
Les préposés et les agents de police le constatent chaque jour lorsqu'ils traitent avec les propriétaires d'armes à feu dans le cadre du système actuel d'enregistrement. Les membres des clubs hésitent à louer des installations aux organismes d'application de la loi, et parfois s'y refusent, parce que la GRC, les chefs de police et l'Association des policiers ont appuyé le projet de loi C-68.
Les initiatives de contrôle des armes à feu des projets de loi C-17 et C-68 ne sont pas appuyées par les usagers d'armes à feu. Des procédures judiciaires ont été entamées dans les deux cas. Comment ces initiatives pourront-elles jamais donner de résultats si les provinces et les usagers d'armes à feu refusent d'y participer?
Avec ces préoccupations à l'esprit, nous vous demandons d'examiner les déclarations relatives à l'analyse des impacts de la réglementation fournie par le ministère de la Justice. Nous ne sommes pas convaincus que certains de ces règlements n'auront qu'un effet minime sur les particuliers et les entreprises. Nous sommes d'avis que le ministère de la Justice a à nouveau sous-estimé les répercussions du projet de loi C-68 et des règlements.
Il est temps de s'arrêter un peu et de réfléchir sur les avantages et les coûts réels du projet de loi C-68 et des règlements. Est-ce que nous épargnerons une seule vie? Oui. Pouvons-nous épargner plus de vies en réduisant le fardeau administratif des policiers et des fonctionnaires? Oui. Mais certainement pas de la façon dont les règlements sont rédigés.
Linda Thom est avec moi. Elle est présidente de l'Association of Women Shooters of Canada. C'est une amie de la B.C. Wildlife Federation, et je lui ai demandé de m'accompagner aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter ces quelques commentaires. Je répondrai avec plaisir à vos questions au sujet de notre mémoire.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, monsieur Paddon.
Madame Thom, avez-vous des remarques préliminaires à nous faire?
Mme Linda Thom (présidente, Association of Women Shooters of Canada): Je vous remercie de bien vouloir m'entendre, monsieur le président.
J'aimerais simplement dire au comité que malgré les promesses du ministre de la Justice, qui nous avait dit que le tir sur cible et la chasse ne seraient pas touchés, ces sports ont déjà été profondément affectés dans l'ensemble du pays, pas seulement en Colombie-Britannique. Les clubs ont perdu des membres, et des personnes qui travaillent dans l'industrie de la chasse - les employés des pourvoiries, les armuriers, c'est-à-dire les personnes qui vendent des armes à feu à la population, etc. - ont perdu leur emploi. Les choses ont vraiment été très mal faites, parce que nous avions prévu que ces personnes seraient touchées et elles l'ont été.
Pour ce qui est des disciplines olympiques, le Canada a perdu son agrément au niveau «A». Même si nos compétitions de tir sont toujours des compétitions olympiques - en fait nous en avons 13 ou 14 - , le gouvernement a réduit sa contribution financière au sport du tir sur cible, malgré nos excellentes performances à l'étranger. Cela a bien sûr eu un effet sur les membres et sur la popularité du sport dans l'ensemble du pays. Il s'agit donc vraiment d'une attaque tous azimuts lancée contre les usagers d'armes à feu qui agissent de façon responsable.
Nous aimerions répéter encore que l'enregistrement n'est pas une mesure qui permet de sauver des vies. En fait, moi qui ai été membre d'un comité consultatif auprès de Kim Campbell à l'époque où elle était ministre de la Justice, je peux vous dire que c'est là l'opinion de la GRC. Le chef du service de l'enregistrement de la GRC est alors venu au ministère de la Justice pour affirmer, comme il l'avait fait auparavant, que l'enregistrement ne permettait pas d'épargner des vies au Canada. Cette personne est maintenant à la retraite, mais le message a été transmis de façon répétée au ministère de la Justice.
On n'en a pas tenu compte. On continue de nous dire que les forces de police appuient la position du ministère, alors que nous avons des preuves du contraire.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci.
Monsieur de Savoye.
[Français]
M. de Savoye: Je vous remercie pour votre présentation. J'ai pris connaissance de l'ensemble des recommandations que vous avez présentées dans l'autre document qui nous a été remis.
J'aimerais vous donner l'occasion d'expliquer certaines de ces recommandations, mais j'aimerais préalablement réagir à certains des mots que vous avez dits dans votre introduction.
[Traduction]
Vous dites «Nous avons besoin d'une réglementation adaptée aux besoins de la population, et non pas de politiques gouvernementales à caractère politique».
[Français]
J'aimerais vous indiquer que je suis très heureux qu'un organisme comme le vôtre ait prononcé ces mots. Mon parti, tout comme moi, a toujours vu nos interventions comme servant le bien public. Je n'ai jamais été influencé par ceux qui ont dit que si j'étais contre le projet de loi C-68, ils voteraient pour moi, et que si j'étais pour le projet de loi C-68, ils voteraient contre moi. Seul le bien public guide ma façon d'agir, et je vois que nous partageons le même point de vue.
Je m'attarderai à vos recommandations 13, 14 et 15, qui traitent du transport d'armes à feu. J'aimerais bien discuter de plusieurs autres de vos recommandations, mais je laisserai cela à mes collègues. Pourriez-vous nous indiquer la raison pour laquelle vous formulez chacune de ces recommandations? Quels sont les motifs qui vous amènent à croire que ces modifications à la réglementation seraient bénéfiques?
[Traduction]
M. Paddon: Je vous remercie de votre question.
La procédure actuelle est la suivante. Vous remplissez les formalités pour obtenir un permis d'acquisition d'arme à feu, vous suivez un cours, vous réussissez les examens, vous faites signer deux personnes et vous payez les 50 $. Vous vous présentez au poste de police et vous soumettez une demande, et on vous donne un permis d'acquisition d'arme à feu. Vous allez ensuite acheter une arme de poing. Vous la laissez au magasin, vous entamez le processus d'enregistrement et vous faites l'objet d'une autre vérification policière.
Vous apportez ensuite l'arme de poing chez vous, après avoir obtenu un autre permis. Vous devez ensuite vous présenter au club de tir pour faire une demande d'autorisation de port d'arme. Vous allez porter le formulaire au service de police et vous faites l'objet d'une troisième enquête. En un an, les policiers vous ont déjà vu trois fois pour la même raison.
À notre avis, si vous devez vous présenter pour demander un permis d'acquisition d'arme à feu, ou un permis de possession et d'acquisition, comme on l'appelle maintenant, alors automatiquement on devrait faire les vérifications requises pour l'autorisation de transport ou de port d'arme au même moment. Il ne faudrait pas attendre pour faire d'autres enquêtes. Tout devrait se faire en une seule opération.
Faites-le au complet, faites tout ce qu'il faut, et faites-le à fond. Les détachements locaux de la police n'ont ni le temps ni les ressources humaines pour constamment revoir ces personnes.
M. de Savoye: Alors, essentiellement, vous voulez rationaliser le processus.
M. Paddon: Oui, je veux rationaliser le processus.
À l'heure actuelle, lorsque je demande à un Canadien combien de temps il faut pour acheter une arme de poing et se rendre au champ de tir, on me répond «Oh, vous allez au magasin et vous repartez avec l'arme». Lorsque je leur présente l'organigramme sur lequel nous avons inscrit les 16 étapes nécessaires à l'acquisition d'une arme de poing et à l'obtention de tous les permis nécessaires pour se rendre au champ de tir, c'est de six à 12 mois qu'il faut prévoir, et des frais de l'ordre de 400 $ sans compter le prix de l'arme. Les Canadiens nous disent "Doux Jésus! Pourquoi toutes ces formalités? Pourquoi nous faut-il trois vérifications policières au cours d'une même année?»
Faites-le une seule fois.
[Français]
M. de Savoye: À votre recommandation 15, vous indiquez qu'aucune condition ne devrait s'appliquer à un permis lorsque le transport se fait sur une route directe. Je présume que vous voulez dire sans arrêt intermédiaire. Est-ce que vous pourriez nous fournir des précisions?
[Traduction]
M. Paddon: Oui. Le caporal Mike Lynn, coordonnateur des permis de la division E est venu rencontrer le comité des armes à feu de la B.C. Wildlife Federation et nous lui avons exposé nos préoccupations.
J'habite Vancouver et je dois me rendre à Williams Lake pour une compétition en fin de semaine. Je dois m'y rendre en voiture. Cela signifie que je dois dormir en route, parce que c'est un trajet de plus de huit heures. Est-ce que je dois me procurer une autorisation de transport ou est-ce que mon permis de port d'arme suffit? Le caporal Lynn m'a répondu «Votre permis de port d'arme suffira. Nous comprenons bien que vous devez vous arrêter pour mettre de l'essence. Vous avez des besoins physiques. Il faut que vous vous nourrissiez. Il faut que vous alliez à la toilette. Nous comprenons que vous voudrez peut-être faire un crochet pour prendre un ami qui vous accompagnera jusqu'au champ de tir, à la compétition, parce que c'est plus économique ainsi et pour d'autres raisons.»
Cela, il le comprenait. On peut peut-être dire qu'il faut emprunter le trajet le plus direct si l'on habite les Prairies, où tout est plat, où les routes se croisent à angle droit, mais en Colombie-Britannique nous avons des montagnes et des rivières, nous devons les traverser. Pour me rendre d'Abbotsford à Vernon, j'ai trois choix. Je peux prendre la route la plus directe, la plus courte, mais il y a un péage. En outre, mon véhicule n'est peut- être pas assez sûr sur cette route que la neige et le mauvais temps peuvent rendre dangereuse à cette époque de l'année.
Je pourrais préférer prendre la route un ou la route trois, mais si vous me dites que je dois absolument prendre la route deux, vous menacez ma sécurité à cause des conditions atmosphériques. Je vais donc prendre la route un, c'est une route en meilleur état, et j'enfreindrai les conditions liées à mon autorisation de transport d'arme. C'est pourquoi nous croyons que c'est inutile.
C'est important aussi lorsque je me rends à une exposition d'armes. J'habite Abbotsford, je pourrais donc me rendre directement par la grand-route jusqu'à Burnaby, mais je fais toujours un crochet de 20 kilomètres par Aldergrove, où je prends un ami qui vient avec moi à Burnaby. De la sorte, tout le monde fait des économies. L'exigence relative à la route directe est simplement une question de contrôle. Elle est difficile à faire respecter et finira par forcer les usagers d'armes à feu à violer les conditions de leur permis et on le leur fera sentir. C'est strictement une question administrative.
M. de Savoye: Vous voulez qu'on utilise le simple bon sens.
M. Paddon: Nous aimerions que le bon sens dans la loi soit appliqué; malheureusement cela ne se produit pas très souvent. Nous le demandons dans ce cas particulier.
[Français]
M. de Savoye: Votre recommandation 21 suggère qu'on retire de la réglementation toute référence aux peuples aborigènes. J'aimerais savoir pourquoi vous faites cette recommandation et pourquoi c'est votre organisme qui la fait.
[Traduction]
M. Paddon: J'ai discuté avec Bill Wimpney, l'agent des affaires autochtones de la B.C. Wildlife Federation, qui m'a indiqué qu'il y avait une affaire devant les tribunaux et nous croyons que c'est la Couronne contre Jack, John et John. L'affaire portait sur la question des permis de pêche. Les Autochtones soutenaient que les permis de pêche violent leur droit de pratiquer la pêche selon leurs techniques traditionnelles. La Cour suprême, d'après ce que je sais, a statué que ce n'était pas le cas. Une restriction est ainsi imposée, mais leur droit demeure.
Les procédures applicables aux Autochtones - dans notre mémoire nous avons dit que si vous enleviez le mot «Autochtones» elles s'appliqueraient à tous les Canadiens. Il est illogique qu'une personne qui habite dans le nord de la Colombie-Britannique, parce qu'elle est d'origine autochtone, doive se plier à un ensemble de règles donné alors que son voisin, un non-Autochtone, doit suivre un ensemble tout à fait différent de procédures. Ce sont deux personnes qui pratiquent la chasse de subsistance et elles devraient être traitées de la même façon.
Je comprends que l'on s'inquiète des cessions de munitions, en raison des exigences constitutionnelles en vertu desquelles certains groupes autochtones ont droit à un certain nombre de balles de plomb et à une certaine quantité de poudre chaque année, conformément aux traités, mais cela pourrait se faire en vertu du règlement sur le document requis pour la cession de munitions non prohibées. On pourrait tout simplement dire que le règlement ne s'applique pas à ces dispositions de la Charte ou à ces droits issus de traité.
[Français]
M. de Savoye: Vous mentionnez au point no 23 que si, chez les aborigènes, l'opinion d'un chef ou d'un aîné est suffisante pour une recommandation, cette même façon de faire pourrait aussi s'appliquer chez les non-aborigènes. Pourquoi ne voyez-vous pas de différence entre les communautés aborigènes et les communautés non aborigènes? Peut-être ne sont-elles pas présentes dans votre contexte? J'aimerais être sensibilisé à votre contexte. À première vue, je trouve extrêmement différentes les situations qu'on peut vivre dans le milieu urbain, et même dans le milieu rural québécois, et dans le milieu aborigène. Est-ce différent chez vous? Vous pouvez sans doute m'éclairer.
[Traduction]
M. Paddon: Pour moi qui vis dans le Lower Mainland, où il y a plusieurs familles ou tribus autochtones - je ne sais pas exactement quel mot utiliser. Les Autochtones sont assujettis à un ensemble de règlements. Ces chasseurs ne chassent pas pour leur subsistance lorsqu'ils habitent West Vancouver. Toute la question se résume à la subsistance, que vous soyez Autochtone ou non. Si vous vivez dans une collectivité où vous devez chasser pour vous nourrir, les règlements devraient s'appliquer à vous aussi.
Ce que nous disons ici, c'est que nous appuyons les règlements; nous appuyons les droits de chasse traditionnels des Autochtones, mais les non-Autochtones ont les mêmes droits ancestraux à cet égard. Ces droits nous viennent des colons européens, et ils sont encore valides aujourd'hui.
Je connais des habitants de l'intérieur de la Colombie- Britannique qui n'ont pas acheté de viande au Safeway depuis 14 ans. Ils prennent encore leur viande dans leur cour aujourd'hui. Vous dites qu'un ancien peut affirmer qu'un homme a les connaissances nécessaires, mais son voisin doit aller suivre le cours exigé et obtenir le certificat requis; vous créez ainsi deux normes, et ce n'est pas nécessaire. Nous devrions éliminer le mot «Autochtone» du règlement et parler de «personnes pratiquant la chasse de subsistance».
Le problème, c'est que dans nos collectivités non autochtones nous n'avons pas d'anciens. Nous avons des dirigeants. Mais, comme nous le mentionnions dans notre mémoire, qu'est-ce qui donne à ce dirigeant ou à cet ancien les connaissances ou le savoir nécessaires pour décider qui possède les connaissances requises? Quel est leur certificat, à eux? Est-ce simplement en raison du prestige dont ils jouissent dans la collectivité? Est-ce que vous ne pourriez pas vous-même, est-ce que le greffier du comité ne pourrait pas lui aussi dire «Eh bien, je suis député et je pense que vous possédez les connaissances requises»? Je suis désolé, cela ne va pas parce que vous n'êtes pas un dirigeant autochtone. Les règles devraient être appliquées uniformément dans les deux collectivités.
[Français]
M. de Savoye: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Maloney): Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Merci, monsieur le président.
Je veux remercier nos témoins, et j'aimerais saluer Linda. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous voir ici.
Mme Thom: Merci, Jack.
M. Ramsay: Ce processus me cause une grande frustration parce que des gens sincères se présentent devant le comité, comme c'est le cas du dernier groupe de témoins, pour appuyer le projet de loi. Ils expliquent les raisons pour lesquelles ils appuient le projet de loi et l'affectation de fonds à la mise en place du processus d'octroi de permis et d'enregistrement, mais personne ne veut discuter de la façon dont l'enregistrement d'une carabine ou d'un fusil de chasse permettra de prévenir l'utilisation criminelle de cette arme à feu.
Si vous étiez dans la salle, vous avez vu l'exemple qu'on a donné à l'écran, un ex-conjoint a traversé toute la ville pour blesser sa femme d'un coup de feu, en présence de leur petite fille. J'ai demandé quelle différence cela aurait fait si l'arme à feu avait été enregistrée. Personne ne m'a répondu.
Personne n'a répondu à la question, et cela montre bien l'orientation du projet de loi. Le règlement vise à mettre en place un processus qui permettra d'octroyer des permis aux propriétaires d'armes d'épaule, les propriétaires d'armes de poing doivent déjà enregistrer ces armes, et l'objet du projet de loi est d'instaurer un processus pour enregistrer les armes d'épaule à des fins de sécurité publique.
Si cette mesure devait réduire l'utilisation criminelle des armes à feu, je l'appuierais, mais personne ne veut répondre à la question. C'est notamment le cas de Mme Cukier, qui est venue témoigner lundi en compagnie du surintendant Don McLean, de la police municipale de Winnipeg. Si l'on vise principalement à assurer la sécurité publique grâce à ces deux mesures, on devrait certainement nous dire ou nous expliquer, à nous qui ne comprenons pas de quelle façon la sécurité publique s'en trouvera améliorée. Nous avons le droit de nous faire expliquer cet aspect, afin que nous puissions le comprendre. Personne ne l'a encore fait depuis le début de cet exercice, et je trouve cela fort irritant.
En outre, même si des groupes qui utilisent des armes à feu, dont le vôtre, sont venus témoigner devant nous... Que ce soient les musées, les organisations qui créent des reconstitutions historiques, les clubs de tir, les groupes de chasseurs, l'industrie du transport par véhicule blindé, les fabricants d'armes à feu, les guides et les pourvoyeurs, l'industrie cinématographique ou les arts du spectacle, tous utilisent les armes à feu avec beaucoup de rigueur, à tel point qu'aucun n'a jamais menacé la sécurité de la société. Pourtant, le projet de loi instaure des règlements très stricts pour eux, à tel point que certains d'entre eux - pas tous, mais au moins quelques-uns - nous ont dit qu'ils risquaient d'être acculés à la faillite.
Pourtant, ceux qui appuient le projet de loi ne tiennent pas compte des conséquences économiques pour ces groupes et ils refusent aussi d'expliquer logiquement de quelle façon nous obtiendrons ainsi une amélioration de la sécurité publique.
Alors qu'est-ce que nous faisons? Nous en sommes maintenant au point où nous discutons de réglementation. Monsieur Paddon, vous avez été entraîné dans ce débat et vous discutez maintenant de ce que nous devrions faire au sujet des règlements. Pourtant, le but premier, celui de la sécurité publique, n'est toujours pas atteint, rien ne prouve que l'octroi de permis aux propriétaires, l'enregistrement des armes à feu, accroîtront ou réduiront l'utilisation criminelle de ces armes à feu et, par conséquent, amélioreront la sécurité publique.
Alors qu'est-ce que nous faisons? Qu'est-ce que nous faisons? Nous construisons une machine bureaucratique coûteuse, que ce soit le gouvernement - c'est l'argent des contribuables - que ce soit les contribuables en général ou les propriétaires d'armes à feu en particulier. Il sera extrêmement coûteux d'inciter de trois à six millions de Canadiens à enregistrer entre six et 20 millions d'armes à feu.
C'est un objectif formidable, et cela coûtera des sommes énormes à quelqu'un. Par ailleurs, on nous dit qu'un enfant sur cinq vit dans la pauvreté au Canada. Mais nous préférons créer une grosse machine bureaucratique.
En 1994, 95 adolescents sont morts des suites de blessures par balle. Si quelqu'un peut m'expliquer les raisons sous-jacentes à ce projet de loi, me dire de quelle façon on pourrait prévenir ces décès, le sacrifice semblerait justifié. Mais personne ne le fait. Et chaque fois que l'on mentionne ces exemples, comme celui qu'on a vu à l'écran ce matin, on n'explique pas de quelle façon le projet de loi aurait permis d'éviter que cette ex-conjointe soit blessée par balle. Lorsque, comme je l'ai fait, nous demandons aux tenants du projet de loi de nous expliquer de quelle façon le projet de loi, qui prévoit l'enregistrement des armes à feu et l'octroi de permis aux propriétaires, mettra fin à ce genre de choses, on élude la question. C'est ce qui m'irrite.
Je ne sais pas si vous êtes aussi frustrés que moi, mais je sais une chose: les conséquences économiques du projet de loi, celles qui découlent de ces règlements, seront énormes, non seulement pour les Canadiens dans leur ensemble, mais aussi pour les neuf organisations que j'ai mentionnées précédemment. Je pense aux musées et aux groupes qui produisent des reconstitutions historiques, qui ne posent aucune menace à la société.
Pourtant, il semble que l'on soit bien déterminé à poursuivre, sans tenir compte de ceux qui se demandent pourquoi nous nous sommes engagés sur cette voie - pourquoi nous dépensons tout cet argent pour faire cela lorsque nous n'obtiendrons pas le résultat voulu, lorsque nous ne parviendrons pas à arrêter...?
Si l'arme à feu est enregistrée, quelle différence cela fait- il? Si elle était verrouillée avant que la personne ne perde la tête, quelle différence cela fait-il? L'intéressé a la clé pour ouvrir l'armoire. Il prend l'arme, il traverse la ville et il abat sa femme. Quelle différence cela fait-il?
Nous ne nous attaquons pas à la cause de la violence familiale, nous ne nous attaquons pas à la cause du suicide. Nous dépensons des millions de dollars pour mener un exercice qui me paraît parfaitement futile.
Mon honorable collègue ici présent a indiqué que nous avions besoin d'un système d'enregistrement pour faire respecter les règles relatives à l'entreposage sécuritaire, et je crois bien que personne ne s'oppose à l'entreposage sécuritaire. Je crois que c'est le simple bon sens, qu'il faut ranger les armes en lieu sûr. Mais il demeure que depuis plus de 60 ans nous avons un système d'enregistrement des armes de poing qui permet de savoir où sont ces armes, qui en possède. Est-ce que des inspections ont été menées? Je ne le sais pas; je n'ai jamais entendu parler d'inspections. En outre, les gouvernements provinciaux, responsables de l'administration du système judiciaire et notamment des règlements relatifs à l'entreposage sécuritaire, ont accès aux noms et adresses de tous les chasseurs du pays. Est-ce qu'on leur a demandé si oui ou non les règles relatives à l'entreposage sécuritaire étaient respectées?
Quant à l'idée qu'il nous faut un système d'enregistrement pour savoir où se trouvent les armes, pour pouvoir faire respecter les règles relatives à l'entreposage sécuritaire, je me demande alors pourquoi nous ne l'utilisons pas dans ce cas? Nous possédons l'information requise par le système d'enregistrement des armes. Nous avons cette information au sujet de milliers de propriétaires d'arme - les principaux usagers d'armes à feu, les chasseurs - et pourtant nous ne procédons à aucune inspection. Nous devons donc mettre en place ce coûteux système d'enregistrement pour pouvoir nous assurer que tout le monde respecte les règles d'entreposage sécuritaire.
J'ai peut-être été trop longtemps policier. Lorsque je devais témoigner devant un tribunal, si je ne réglais pas toutes les incohérences, l'avocat le plus minable me démolissait à la barre des témoins. Je constate des incohérences dans ce cas-ci, et cela m'irrite, parce que je veux une loi valable, je ne m'y oppose pas pour le simple plaisir.
Si la loi était valable, elle serait soutenue, elle serait soutenue par moi-même, par mon caucus et, j'en suis certain, par vous aussi. Elle ne l'est pas. Si elle pouvait vraiment accroître la sécurité publique, il est certain qu'après tout ce temps, quelqu'un nous en aurait exposé les raisons et nous aurait permis de les examiner. Cela n'a pas été fait.
Je me laisse emporter, j'imagine, et mon temps est écoulé.
Le président suppléant (M. Maloney): Le témoin veut peut-être nous faire part de ses réflexions.
Mme Thom: Merci, monsieur le président; en effet, j'aimerais commenter cette intervention.
Je suis d'accord avec M. Ramsay, comme je l'ai dit dans mes brèves remarques préliminaires, rien ne prouve que l'enregistrement améliore la sécurité publique - rien du tout. En fait, vu mon âge - j'étais jeune à l'époque - , je me souviens que le commissaire lui-même, le commissaire de la GRC, a parcouru tout le pays pour prononcer des discours, pour dire aux Canadiens que le système d'enregistrement des armes de poing ne donnait pas les résultats voulus. Il est même allé jusqu'à mettre la population en garde et à lui demander de refuser si jamais le gouvernement exigeait que l'on enregistre les armes d'épaule. Il encourageait en fait la résistance passive de la population. C'était dans les années 50.
J'aimerais dire un mot au sujet de l'enregistrement. Si l'enregistrement permettait de sauver des vies, les routes du pays seraient les lieux les plus sûrs que l'on puisse rêver, parce que tous les véhicules sont enregistrés. Je crois que nous savons tous que c'est plutôt le contraire.
Les chasseurs et les usagers d'armes de poing, évidemment, ont un enregistrement quelconque, et il faut aussi des permis d'acquisition d'armes à feu dans tout le pays. L'argument de M. Ramsay est donc très valable. J'y ai songé dès le début, dès que M. Rock, lors d'une des rencontres que j'ai eues avec lui, a annoncé qu'il voulait se débarrasser d'une grande partie des armes de poing, les calibres .32 et .25, parce qu'il les croyait mal entreposées. Et pourtant, il y avait déjà une loi en vigueur à l'époque, qui permettait aux agents de police de vérifier auprès des propriétaires si les armes étaient bien entreposées. C'était déjà en place.
Nous, les usagers d'armes à feu, les policiers et les agents de conservation, nous savons bien ce qui épargne des vies; c'est d'empêcher les morts par balles, et il y a deux façons d'y parvenir. Il faut éduquer la population, la sensibiliser aux questions de sécurité, au maniement et à l'entreposage des armes, et il faut appliquer de bonnes lois. Évidemment, aucun des usagers d'armes à feu qui ont témoigné devant vous ne conteste la nécessité d'un contrôle des armes à feu - je veux dire un contrôle logique, responsable et raisonnable. Les usagers d'armes à feu ont toujours appuyé cette notion. En fait, lors de nombreuses audiences et à l'occasion du dépôt de divers projets de loi depuis 1970, les honnêtes propriétaires d'armes à feu du pays ont toujours présenté des témoignages et des suggestions logiques au gouvernement.
J'aimerais simplement ajouter qu'avant le dépôt du projet de loi nous avions déjà des projets de loi, des lois qui visaient à prévenir les suicides, du moins nous l'espérions, les décès accidentels et, évidemment, les drames de violence familiale. Pour ce qui est de l'activité criminelle, il y a toujours eu au pays une tonne de lois, dont certaines se rapportaient directement aux armes à feu et d'autres pas, pour chercher à protéger les citoyens du pays contre toutes les formes de violence.
Il est très irritant de voir le gouvernement consacrer autant d'argent à cette question alors qu'il faut se serrer la ceinture et que nous avons besoin d'appui pour sauver des vies et améliorer la situation dans bien d'autres secteurs.
Par exemple, je suis certaine que quelques personnes sont venues ici pour faire valoir des questions de santé. Pourtant il semble ironique qu'on ne parle jamais de la nécessité de réduire les souffrances des victimes du cancer. Vous pouvez parler du cancer chez les femmes, du cancer du sein, si vous le voulez, parce qu'il y en a tant, mais je ne veux pas m'en tenir seulement aux femmes, les hommes aussi souffrent du cancer. Ces gens ressentent d'horribles douleurs, mais les Canadiens en général et le Parlement en particulier ne semblent pas y accorder beaucoup d'attention, ces gens souffrent autant que les rares personnes qui sont effectivement victimes des armes à feu.
Je ne cherche pas à excuser les crimes horribles commis avec des armes à feu, mais je m'étonne que l'on consacre tant d'argent, un milliard de dollars et plus, à cette loi et à son application à d'honnêtes citoyens, alors qu'on laisse mourir des milliers de personnes chaque année à cause des maladies du coeur et du cancer. C'est peut-être parce que ces gens meurent un à un, à la maison, sans attirer l'attention de la population, que le Parlement ne considère que leurs souffrances méritent qu'on finance la recherche en vue d'éliminer ou de réduire les décès attribuables à ces terribles maladies.
M. Paddon: J'aimerais ajouter quelque chose.
Le président suppléant (M. Maloney): Soyez bref, s'il vous plaît, monsieur Paddon.
M. Paddon: Quelqu'un a mentionné qu'il existait des lois sur l'entreposage et que les policiers devraient les appliquer. Le registraire des armes à feu de ma localité m'a affirmé qu'il était noyé sous la paperasse. Il n'a pas le temps de faire appliquer la loi. Il traite des demandes de permis d'acquisition d'armes à feu. Le procureur général lui a délégué toutes les tâches liées au traitement de tous les permis de port d'armes, alors au lieu d'en traiter une cinquantaine par année pour les nouvelles armes, il doit en traiter de 300 à 400. Il n'a pas le temps.
Je lui ai demandé de venir chez moi inspecter ma maison et de me dire si je respectais les normes. Il m'affirme qu'il n'a pas le temps. Je lui ai demandé d'envoyer son caporal. Il n'a pas non plus le temps. Ils ont trop de formalités à administrer. Les policiers n'ont pas les moyens de faire respecter la loi.
On a aussi parlé d'éducation. L'éducation, cela est prouvé, réduit le nombre des accidents et fait connaître les lois. Lorsque les permis de port d'armes ont été instaurés, en 1993 - le mien a été émis le 9 janvier - , j'ai téléphoné à la division et j'ai vivement remercié les responsables: je n'ai plus besoin de respecter les règles relatives à l'entreposage, au transport et au maniement. Le caporal Lynn m'a dit: Oh oui, vous le devez encore, Robert. Je lui ai répondu: Non, pas du tout, Mike; cela n'est pas écrit sur mon permis. Il m'a dit: Vous savez qu'elles existent, ces règles. Je lui ai répondu que lui et moi nous le savions, mais que les propriétaires d'armes à feu, eux, l'ignoraient.
Depuis ce jour, il est écrit sur le permis que les règlements relatifs à l'entreposage, au transport et au maniement doivent être respectés. Tout d'un coup, des gens sont arrivés au club en me demandant ce que cela signifiait. Quelles sont ces lois? Je leur ai répondu que c'était la loi, que c'était la façon dont elle s'appliquait et que c'était la façon dont il fallait utiliser les permis. C'est le processus d'éducation que nous avons utilisé.
Aujourd'hui, je vous ai distribué une brochure sur les armes à feu et la sécurité des enfants. Le message est simple: les enfants ne doivent pas toucher aux armes. On leur dit la même chose lorsqu'ils trouvent des seringues: arrêtez, n'y touchez pas; quittez le secteur et allez avertir un adulte. À l'arrière, il y a un message pour les parents: il existe des lois sur l'entreposage.
La semaine dernière encore, à l'école primaire que fréquente ma fille, j'ai organisé une exposition sur la sécurité. J'ai rencontré plusieurs adultes qui m'ont dit qu'ils ignoraient l'existence des lois sur l'entreposage. C'est exact, leur ai-je dit, ces lois existent depuis 1993. Vraiment? Et quelles sont- elles? Qu'est-ce que vous possédez? Et nous passons en revue tout le processus.
La population n'est pas suffisamment informée, sensibilisée et mise au courant. Lorsque je fais passer des examens pour le permis d'acquisition d'armes à feu, je rencontre encore des propriétaires d'armes qui ignorent les règles d'entreposage, et pourtant, ces personnes ont étudié en vue de l'examen. J'ai constaté la même chose chez les policiers qui, sur les lieux d'un vol avec effraction, déclarent «Je vais porter des accusations contre vous parce que vous avez mal entreposé l'arme, vous n'aviez qu'un verrou d'arme. L'arme n'était pas rangée dans un contenant verrouillé.» Si on rétorque qu'il s'agissait d'une arme sans restrictions et que cela n'était pas nécessaire, le policier insiste: «Ah oui, cela l'était.» Le propriétaire de l'arme déclare alors au policier d'aller demander l'avis d'un avocat parce qu'il a tort, parce qu'il ne connaît pas la loi sur les armes à feu.
Donc, les policiers ne connaissent pas la loi en matière d'entreposage, la population non plus, et la majorité des propriétaires d'armes à feu l'ignorent aussi.
Merci.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, monsieur Paddon.
Monsieur Kirkby.
M. Kirkby: Dans votre mémoire, vous laissez entendre que les règlements relatifs à l'entreposage sécuritaire sont incompréhensibles - est-ce que je me trompe?
M. Paddon: Ils sont difficiles à comprendre; il y a souvent confusion entre les exigences applicables aux armes sans restrictions et celles applicables aux armes à autorisation restreinte. Lorsque vous demandez à certains propriétaires d'armes à feu si l'arme est sans restrictions ou à autorisation restreinte, ils vous regardent et vous demandent ce que vous voulez dire. Ils ne sont pas au courant des décrets qui stipulent que les fusils d chasse sont des armes sans restrictions. Connaissez-vous le décret qui précise que cette arme est une arme à autorisation restreinte? Oh, vraiment, il existe une autre règle? Je croyais que la règle s'appliquait aux fusils de chasse et aux armes de poing. Non, ce n'est pas le cas; tout dépend de la catégorie d'armes à feu.
Les usagers d'armes à feu sont souvent déroutés par l'application de la loi. Comme je l'ai dit précédemment, même les policiers ne sont pas trop certains de ce qu'il faut faire.
M. Kirkby: Mais lorsque vous savez dans quelle catégorie s'inscrit votre arme à feu, les règlements, en eux-mêmes, ne sont pas difficiles à comprendre?
M. Paddon: De nombreux usagers d'armes à feu n'ont pas en main d'exemplaire des règlements qu'ils peuvent étudier. Les textes sont difficiles à lire. Ils offrent des options et ils proposent des méthodes sur les façons de faire. En fait, vous pouvez entreposer une arme en toute sécurité d'autres façons, mais cela contrevient aux règlements.
On me dit parfois «Je peux enlever le canon de mon arme de poing puisque, dans le cas des armes sans restrictions, je peux enlever le verrou. Je vais simplement enlever le canon de mon arme de poing, et l'arme sera entreposée de façon sécuritaire.» Je leur réponds: Non, non! Lisez le règlement. «Très bien, où est-ce que je peux obtenir le règlement?» Communiquez avec le service de police local.
L'information ne circule pas. Le message n'est ni clair ni précis. Tout est vraiment compliqué.
M. Kirkby: Vous dites que vous voulez épargner à la police la charge d'administrer cette loi. Pourtant, l'Association canadienne des chefs de police, l'Association canadienne des policiers, la GRC, la PPO, la Sûreté du Québec, tous appuient la loi, sans réserve. Pourquoi vous inquiétez-vous d'eux alors qu'ils appuient la loi?
M. Paddon: Je me permets de vous faire remarquer que l'organe politique de ces associations et les cadres appuient la loi. Ce n'est pas le cas de la base, des intervenants de première ligne. La base n'appuie pas la législation, elle a de la difficulté à l'accepter. C'est elle qui traite directement avec les gens.
M. Kirkby: Je crois qu'au moins dans le cas de l'Association canadienne des policiers, on a tenu un scrutin, et une forte majorité des membres a appuyé le contrôle des armes à feu. Pourquoi diriez-vous...? Je veux dire ce n'est pas la haute gomme, ce n'est pas le bras politique, ce sont des agents de police. Alors quelle est la difficulté?
M. Paddon: L'Association canadienne des policiers est l'organe politique de la police.
M. Kirkby: Et...
M. Paddon: L'association des policiers de la Saskatchewan s'est vivement opposée au projet. La résolution qu'elle a examinée n'a pas été rapidement adoptée, sans opposition. Il y a eu une vive opposition.
Nous avons parlé à des membres des services de police, qui sont souvent des membres de nos clubs. Nous leur avons demandé s'ils croyaient que la loi était bonne, s'ils l'appuyaient. Eh bien non. Mais l'association l'a approuvée. Elle a dit oui. C'est sans doute que nous devons faire un certain travail au sein de notre propre association; vous faites mieux de commencer à exposer vos vues au sein de votre association; vous vous taisez depuis trop longtemps et vous avez permis à certaines personnes d'imposer leurs propres vues.
M. Kirkby: Vous mentionnez aussi dans votre mémoire que vous avez de la difficulté à accepter l'avis au conjoint. Est-ce que vous appuieriez cette mesure si le demandeur avait la garantie, comme vous le dites dans le mémoire, que les règles de la justice naturelle s'appliqueront?
M. Paddon: Pourriez-vous répéter la question?
M. Kirkby: Vous avez de la difficulté à accepter les dispositions relatives à l'avis au conjoint ou à l'ex-conjoint lorsque quelqu'un demande un permis d'acquisition d'armes à feu, un certificat d'acquisition d'armes. Si l'on vous garantissait que l'intéressé sera assujetti à un processus conforme aux principes de la justice naturelle, est-ce que vous appuieriez la mesure?
M. Paddon: Malheureusement, en ce qui concerne les principes de la justice naturelle, il n'y a aucun mécanisme d'appel. Le hic, à l'heure actuelle, c'est qu'on stipule à l'alinéa 3(1)c) que le conjoint ne peut pas être répondant, mais on dit au paragraphe 4(2) qu'il n'est pas nécessaire d'aviser le conjoint qui a signé la demande.
En ce qui concerne le conjoint, dans de nombreux cas on vise le un pour cent des conjoints qui sont victimes de violence, tandis que 99 p. 100 d'entre eux...
M. Kirkby: Non, non...
M. Paddon: Laissez-moi terminer, s'il vous plaît. Dans 99 p. 100 des cas, ce n'est pas un problème.
Lorsque j'ai demandé mon dernier permis d'acquisition d'armes à feu, mon épouse n'a pas voulu signer la formule. L'agent m'a demandé pourquoi, et la réponse a été très claire: Mon épouse déteste le gouvernement. Elle déteste encore plus les bureaucrates et elle ne veut avoir aucun contact avec eux. L'agent a donc appelé ma femme et elle ne lui a pas mâché ses mots. J'ai constaté que de nombreux conjoints ont été offusqués par les questions que posent les policiers - par exemple, est-ce que votre mari vous bat?
M. Kirkby: Ce n'est pas la question que je vous pose. Je vous demande si vous appuieriez la disposition relative à l'avis au conjoint si l'on pouvait vous garantir que les principes de la justice naturelle s'appliqueront? Est-ce que vous appuieriez l'avis au conjoint si la justice naturelle s'appliquait?
M. Paddon: D'après ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, les principes de la justice naturelle ne sont pas respectés. Le mécanisme d'appel dont nous disposons à l'heure actuelle dans le système, soi-disant aux fins de la justice naturelle, n'est pas efficace. Nous sommes inquiets...
M. Kirkby: Mais il s'agit des tribunaux, monsieur! Est-ce que vous nous affirmez que les tribunaux de notre pays ne respectent pas les règles de la justice naturelle? Est-ce là ce que vous essayez de me faire croire?
M. Paddon: À notre avis, ils ne le font pas. Dans un processus de cette nature, le fardeau de la preuve repose sur la partie appelante, et non pas sur les policiers. C'est à vous qu'il incombe de prouver pourquoi on ne devrait pas vous refuser le permis. Le fardeau de la preuve devrait revenir aux autorités.
Notre inquiétude - et nous en parlons dans notre mémoire - c'est qu'une épouse, au cours d'un procès, affirme qu'à son avis vous ne devriez pas posséder d'arme. Vous habitez Vancouver. Quelle est la pertinence de ce témoignage? Allez-vous faire venir cette personne qui vous répond de l'autre bout du pays, pour l'interroger et la contre-interroger? Non, cela ne se passera pas ainsi. Le processus ne le permet pas. On vous répondra simplement que votre demande a été refusée; il vous incombe de prouver pourquoi on ne devrait pas vous refuser le permis. D'une façon ou d'une autre, en vertu du mécanisme, vous devez obtenir que cette personne se présente devant le tribunal pour pouvoir la contre-interroger, suivant les principes de la justice naturelle. Cela ne se fait pas ainsi dans le système d'appel actuel.
M. Kirkby: Dans votre mémoire, vous dites que les gens devraient pouvoir transporter des armes de poing si elles en ont envie. Est-ce exact?
M. Paddon: Non, ce n'est pas ce que nous disons. Si ces personnes satisfont aux exigences légales... Comme l'a indiqué le gouvernement du Canada, il y a certains critères juridiques à satisfaire pour pouvoir transporter une arme de poing; il faut être, par exemple, prospecteur ou travailler en forêt; certaines personnes ont besoin d'une arme pour se protéger, etc. Le gouvernement a déjà reconnu ce fait dans le règlement et la loi actuels.
M. Kirkby: Mais vous dites ici qu'à l'heure actuelle la nécessité doit être démontrée.
M. Paddon: À l'heure actuelle, il faut déclarer ce qu'on veut, pas ce dont on a besoin.
M. Kirkby: Non. À l'heure actuelle, la loi exige que la personne prouve qu'elle a besoin d'une arme de poing. C'est ce que dit la loi.
Vous affirmez que si ces personnes veulent une arme pour protéger leur vie - elles n'ont qu'à dire «Je veux une arme de poing pour protéger ma vie» - , cela suffit, et elles peuvent aller se procurer une arme de poing. C'est ce que vous dites dans votre mémoire.
M. Paddon: Je ne suis pas d'accord avec vous. Vous avez mal interprété notre raisonnement.
Nous parlons de personnes qui veulent une arme sur le terrain. Il y a des gens qui ont besoin d'une arme pour se protéger, et ce sont là des cas peu fréquents. Je crois qu'en Ontario il y a 15 personnes qui ont reçu cette autorisation. Nous ne demandons pas...
M. Kirkby: Vous dites «veulent». Vous dites que si je veux avoir une arme de poing pour me protéger, je devrais pouvoir en avoir une. Est-ce exact? C'est ce que l'on peut lire dans votre mémoire.
M. Paddon: Nous avons rencontré des gens qui disaient «Je veux pouvoir apporter mon arme de poing avec moi dans la forêt lorsque j'exerce mon métier, lorsque je vais prospecter, lorsque je cherche de l'or», et le gouvernement provincial leur a demandé de justifier ce besoin.
M. Kirkby: À la page 9 de votre mémoire, on peut lire: «Le règlement permet à un individu de porter une arme à feu pour se protéger ou dans le cadre d'une profession/d'un métier légitime». C'est écrit «ou».
Cela signifie qu'un géologue sur le terrain, quand il y a des ours, peut apporter une arme de poing à condition d'avoir démontré qu'il en avait besoin. Mais dans votre mémoire vous parlez de «protéger sa propre vie». Cela signifie plutôt que je dois prouver que quelqu'un a de mauvaises intentions à mon égard, et que j'ai donc besoin d'une arme de poing dans ces circonstances très particulières pour protéger ma vie, vous dites que si quelqu'un me veut du mal et que je souhaite acquérir une arme de poing, je peux le faire. Est-ce exact?
M. Paddon: Permettez-moi de revenir un instant au mémoire.
Si vous parlez des autorisations de port d'armes à utilisation restreinte et des règlements applicables aux armes de poing, vous pouvez obtenir un permis de port d'armes pour vous protéger et vous pouvez obtenir un permis de transport pour l'exercice légitime de votre profession ou métier. Ce qui nous inquiète, ici, c'est la profession ou le métier légitime.
M. Kirkby: Mais vous dites aussi «protéger sa vie».
M. Paddon: Parce que c'est la façon dont c'est rédigé.
M. Kirkby: Mais vous dites que vous voulez remplacer le mot «besoin» par le mot «désir».
M. Paddon: En effet.
M. Kirkby: Alors si je désire avoir une arme de poing parce que quelqu'un me veut du mal, je peux simplement me rendre au poste de police et déclarer «Je voudrais un permis d'arme de poing» et on m'en remettra un. C'est ce que vous dites dans votre mémoire. Est- ce que vous acceptez ce que vous dites ici ou pas?
M. Paddon: Ce que nous disons, c'est que dans notre formulation le mot «besoin» n'a pas le même sens que le mot «désir». Nous avons constaté, par le passé, que lorsque quelqu'un déclarait vouloir une arme de poing à des fins professionnelles légitimes on lui refusait le permis.
M. Kirkby: Vous ne parlez donc plus de «protection de la vie». Vous dites que c'est seulement pour les utilisations légitimes... Votre mémoire nous induit donc en erreur. Est-ce ce que vous dites?
M. Paddon: Je crois que vous avez mal interprété notre intention dans ce cas.
M. Kirkby: Je ne cherche pas d'intention; je cherche des mots. Il est écrit que si une personne souhaite porter une arme à feu pour se protéger ou à des fins professionnelles légitimes, à l'heure actuelle, il faut démontrer le besoin, et vous dites qu'il devrait suffire de mentionner le désir.
M. Paddon: En effet.
M. Kirkby: C'est donc dire que cela s'applique dans un cadre urbain? Si quelqu'un éprouve des craintes pour sa vie, il peut aller chercher une arme?
M. Paddon: D'après ce que nous avons pu voir de la police...
Le président suppléant (M. Maloney): Monsieur Kirkby, nous devons conclure. Votre temps est écoulé.
M. Kirkby: Très bien.
Le président suppléant (M. Maloney): Le témoin a-t-il quelque chose à ajouter pour clore la discussion.
M. Paddon: J'aimerais que le comité sache qu'à l'heure actuelle, le permis d'acquisition d'armes à feu est un permis qui coûte 50 $ et qui est valable pour tous les types d'armes à feu que l'on peut légalement se procurer. Si vous avez des droits acquis en ce qui concerne les armes automatiques ou, comme on le dit dans la nouvelle loi, pour les nouveaux pistolets politiquement incorrects, 58 p. 100 de toutes les armes...
En vertu du nouveau système, je devrais demander trois permis différents pour obtenir un permis de possession et d'acquisition. Cela me coûterait 220 $. Si j'y vais trois mois de suite et que je demande chaque permis de possession et d'acquisition séparément, cela signifie que la police fera trois enquêtes à mon sujet. Si je suis autorisé à posséder des armes prohibées, je devrais automatiquement être autorisé à posséder des armes à utilisation restreinte et des armes sans restrictions. L'exigence relative aux permis d'ordre inférieur entraînera un déluge de formalités.
Le système de permis d'acquisition d'armes à feu que nous avons à l'heure actuelle donne d'excellents résultats. N'y touchez pas. La police a mieux à faire de son temps et de son énergie.
Le président suppléant (M. Maloney): Merci, monsieur Paddon.
J'aimerais remercier les deux témoins qui se sont présentés devant nous aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos commentaires et nous vous remercions d'être venus.
La séance est levée. Nous nous réunirons à nouveau lundi de 10 h à 13 h, puis à 15 h 30.