[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 février 1997
[Traduction]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'être là aujourd'hui.
M. Pomerleau remplace pour quelque temps M. de Savoye et M. Frazer remplace M. Ramsay pour un moment.
Je souhaite la bienvenue aux témoins et les remercie d'être venus.
La séance est ouverte. C'est le dernier jour des audiences consacrées à l'étude des règlements élaborés en vertu de la Loi sur les armes à feu. Merci encore d'être là, messieurs.
Les témoins sont M. Jim Adam, M. Terry Burns et M. Steve Torino, du Groupe des utilisateurs d'armes à feu.
Monsieur Torino, vous êtes le vice-président de l'Association des collectionneurs d'armes à feu semi-automatiques du Québec Inc.?
M. Stephen Torino (Groupe des utilisateurs d'armes à feu): C'est exact, monsieur le président.
Le président: Vous êtes déjà venu témoigner.
M. Torino: Oui, monsieur.
Le président: Nous sommes heureux de vous revoir.
M. Torino: Merci, monsieur.
Le président: Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au nom de tous mes collègues. Nous voudrions entendre vos exposés, après quoi nous espérons que vous nous permettrez de vous poser des questions.
Je ne sais pas combien d'exposés il y aura ni qui commencera, mais allez-y, monsieur Adam.
M. James Adam (Groupe des utilisateurs d'armes à feu): Bonjour, monsieur le président; bonjour, mesdames et messieurs. Merci beaucoup de nous avoir invités à participer à ces audiences pour nous donner l'occasion de nous présenter, d'expliquer nos activités, d'exposer notre point de vue et de répondre à vos questions.
C'est important, monsieur le président. Nos commentaires ne porteront pas sur des sujets comme le projet de loi C-68, qui a été adopté. Nous préférerions nous en tenir à l'objet de ces audiences et à exprimer les opinions du groupe au lieu de nos opinions personnelles.
Étant donné que nous sommes un groupe relativement récent, nous commencerons par expliquer qui nous sommes, quel est le but poursuivi par la formation de ce groupe d'utilisateurs et comment le groupe s'acquitte de son mandat en exprimant une opinion commune sur les questions de principes qui lui ont été soumises.
Le Groupe des utilisateurs d'armes à feu a été instauré vers la fin de 1995 par le ministère de la Justice, qui lui a donné un mandat et des attributions précis, qui ont débuté au moment où l'on a donné la sanction royale au projet de loi C-68. Son mandat consiste à faire des recommandations, du point de vue des utilisateurs, sur la conception et la mise en oeuvre des divers éléments du système d'enregistrement des armes à feu ainsi qu'à dire comment il devrait fonctionner pour être efficace et rentable, facile à appliquer et pour qu'il réponde aux besoins de tous.
Le groupe doit également donner une perspective non gouvernementale pour permettre de tenir compte des préoccupations et des besoins des utilisateurs dans ce système. À cette fin, on tient des réunions sur l'élaboration et la mise en oeuvre de ce système, pendant lesquelles le groupe donne un avis utile sur les conséquences du nouveau système pour les utilisateurs d'armes à feu et recommande certains modes d'exécution ou certains changements.
Son mandat inclut également des consultations sur d'autres questions connexes. Voilà en quoi consiste notre mandat.
Le groupe se compose des catégories suivantes d'experts faisant partie de la confrérie des utilisateurs d'armes à feu: des membres des collectivités autochtones; un membre de l'équipe olympique canadienne de tir; des collectionneurs qui sont également des tireurs sur cibles et des armuriers; des tireurs sur cibles qui font de la compétition, dont certains sont des collectionneurs et des armuriers; des gens d'affaires qui font le commerce d'armes et qui sont également des collectionneurs et des tireurs sur cibles; des instructeurs s'occupant des autorisations d'acquisition d'armes à feu ou donnant des cours sur le maniement des armes à feu; un préposé aux armes à feu; des agents de la paix; deux pourvoyeurs ainsi que des chasseurs sportifs. Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un groupe assez varié.
Les membres du groupe représentent un large éventail d'utilisateurs d'armes à feu. Lorsque nous avons besoin d'opinions sur des points bien précis, chacun des membres met ses connaissances et sa compétence au service du groupe. Nous examinons toutes les questions de principes qui nous sont soumises; nous voyons par exemple quel est le meilleur moyen de mettre en oeuvre le système d'enregistrement pour que tous les utilisateurs d'armes à feu en bénéficient.
Un autre principe est de rendre les règlements plus compréhensibles à tous les propriétaires et futurs propriétaires d'armes à feu grâce à la préparation de guides couvrant tous les points, mais dans un langage accessible à tous.
Étant donné que nous sommes bénévoles, apolitiques, indépendants, et que nous ne sommes pas rémunérés, nous estimons exprimer honnêtement nos opinions en faisant de notre mieux et en les appuyant sur des exemples concrets puisés dans l'expérience et les connaissances de chacun d'entre nous. Étant bénévoles, nous sommes disposés à nous attaquer à n'importe quel projet qui nous est soumis.
J'insiste sur le fait que le ministre a signalé à nos membres à plus d'une reprise que leurs divergences d'opinions n'étaient pas une condition sine qua non pour être invités à faire partie du groupe.
Le fait que les opinions personnelles des membres concernant la Loi sur les armes à feu puissent être différentes permet au groupe d'examiner un sujet sous tous ses angles. Par conséquent, cela nous permet de nous faire ce que nous jugeons être une opinion plus éclairée.
Le ministre nous a d'ailleurs dit à plusieurs reprises qu'à son avis, la composition du groupe permet aux membres de son cabinet d'entendre tous les différents points de vue sur lesquels repose la décision finale du groupe.
Nous avons constaté que c'est vrai. Par conséquent, nous estimons que nos compétences personnelles et les opinions que nous avons exprimées ont aidé le gouvernement à commencer à simplifier toutes les procédures et tous les rouages législatifs et à les rendre plus compréhensibles aux utilisateurs.
Étant donné que bien d'autres groupes participent au processus de consultation, il serait difficile de dire exactement quels ont été nos accomplissements dans tel ou tel domaine, car dans la plupart des cas, le processus n'est pas encore terminé.
La façon dont le groupe exprime son opinion et celle dont il prend ses décisions sur les questions précises qu'il a été chargé de débattre, reposent pour ainsi dire sur le même principe. Nous participons régulièrement à des réunions qui ont lieu au Centre canadien des armes à feu. Nous avons actuellement des discussions sur des questions précises et nous utilisons les renseignements qui nous ont été fournis ainsi que des renseignements supplémentaires que nous demandons, selon les besoins. Il arrive fréquemment que des réunions supplémentaires se tiennent après les heures de travail pour poursuivre les discussions ou aplanir certaines difficultés.
Les résultats de ces réunions privées sont communiqués au cours de la réunion du lendemain. Lorsque nous sommes d'accord, les décisions ou les opinions sont transmises aux fonctionnaires affectés aux projets concernés et le groupe est ensuite mis au courant des décisions finales.
En outre, les membres du groupe ont eu à plusieurs reprises des entretiens personnels avec le ministre Rock et son sous-ministre au sujet de plusieurs questions concernant les armes à feu. Nous avons eu notamment un entretien privé avec le ministre Rock sur certains sujets en cours de discussion, entretien pendant lequel les membres du groupe ont exprimé leurs opinions personnelles et entendu celles du ministre.
Je vais maintenant parler de nos objectifs et de nos méthodes. Nos objectifs étaient et sont toujours de donner des conseils et de faire des recommandations afin d'aider à mettre en oeuvre le système d'enregistrement de façon à ce qu'il soit facile à utiliser et pratique, à ce qu'il réponde aux besoins des utilisateurs d'armes à feu et à faciliter l'observation des règlements par toutes les parties en les rendant plus compréhensibles. Cela permettrait d'appliquer ces lois et règlements de façon uniforme et équitable.
Le processus a d'abord été appliqué aux secteurs suivants puis il s'est étendu à d'autres secteurs. Les communications ont toujours revêtu une importance capitale, et c'est toujours le cas à cause des modifications apportées à la loi.
La première étape est la diffusion des renseignements sur les lois et règlements, et sur toutes les modifications qui y sont apportées, auprès des utilisateurs d'armes à feu, des organismes d'application de la loi et de la population en général. La création d'une méthode permettant aux divers groupes d'utilisateurs d'armes à feu d'avoir facilement accès aux divers ministères chargés d'interpréter la politique et la loi en fait également partie.
Grâce à cela, les possesseurs d'armes à feu peuvent se renseigner personnellement et avec exactitude sur leurs responsabilités et celles du gouvernement à l'égard des dispositions qui les concernent.
Le système de soutien correspondant ne devrait pas faire obstacle à l'observation des règlements ni au bon fonctionnement des mécanismes en place; il devrait au contraire encourager toutes les personnes concernées à s'en servir. Les règles de droit écrites doivent être aisément comprises par tout propriétaire d'armes à feu, d'intelligence moyenne, sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours aux services d'un conseiller ni à une interprétation juridiques. Par conséquent, des guides faciles à comprendre couvrant tous les points doivent être mis à la disposition des utilisateurs avant que de nouvelles règles de droit n'entrent en vigueur.
Les besoins des différents secteurs représentés par chaque membre de ce groupe ont largement contribué à accomplir cette tâche. Le présent guide sur les projets de règlements pourrait être plus complet, sans pour autant changer de présentation. Nous recommandons que l'on accorde la priorité aux communications et que le ministre de la Justice s'efforce de plus en plus de préparer des guides complets, écrits en langage clair, couvrant tous les domaines du droit qui touchent les propriétaires d'armes à feu. C'est une recommandation que nous faisons à titre permanent.
En outre, nous sommes convaincus qu'il faut accorder la plus haute priorité et la plus haute importance à la question des communications et de l'accès aux personnes chargées de mettre les règlements en application.
En ce qui concerne cette première série de règlements que vous êtes en train d'examiner, nous estimons qu'il faut accorder la plus haute importance à ces points-là, car la prochaine série de règlements qui doit être présentée cette année fait en réalité partie du même processus de mise en application de la Loi sur les armes à feu.
Étant donné que cette série de règlements ne constitue que la première partie et que le reste doit être déposé plus tard dans l'année, nous estimons que nos efforts et nos recommandations doivent être axés sur les règlements au complet et pas seulement sur ceux-ci.
Je vais maintenant parler de points bien précis. Nous avons examiné certains points ou exprimé nos opinions sur les principes en cause dans plusieurs cas, notamment en ce qui concerne la méthode d'établissement d'un système de communication entre le gouvernement et les divers groupes d'utilisateurs d'armes à feu pour que toute modification d'une règle de droit soit communiquée à ces groupes et à la population le plus rapidement possible.
Certains problèmes se posent toutefois. Le projet de loi C-17 a été présenté il y a environ quatre ans et le projet de loi C-68 n'existe que depuis un an. Nos constatations nous portent à croire que personne ne les comprend vraiment bien. Cette situation est due uniquement au manque de communication, dans un langage clair, quand communication il y a.
Pour parler uniquement du point de vue qui m'intéresse, j'estime que les informations que nous communique le journal le plus important sont généralement de nature négative: on parle généralement des personnes qui se tuent ou qui tuent quelqu'un d'autre. On accorde très peu d'attention au contexte, à l'orientation et aux intentions du gouvernement actuel ou aux objectifs du projet de loi C-68. Cela nous préoccupe beaucoup.
C'est strictement mon point de vue, mais il est valable pour tous les domaines. Ce problème préoccupe beaucoup les 15 membres de notre groupe.
Les mises à jour régulières, les méthodes de formation du personnel affecté aux tâches dont nous venons de parler ainsi que les documents nécessaires pour les accomplir ont également été expliqués.
Un autre exemple est la publicité faite d'avance sur tous les nouveaux règlements par l'intermédiaire des divers médias.
Nous avons également examiné des méthodes permettant d'assurer une application uniforme et équitable de tous les règlements dans tout le pays, grâce à une documentation complète remise à tous les groupes d'utilisateurs d'armes à feu et aux particuliers qui en possèdent ainsi qu'aux agents de la paix.
C'est également le cas en ce qui concerne les moyens de communication rapide entre les utilisateurs d'armes à feu et les fonctionnaires chargés de faire appliquer les diverses lois, règles et règlements sur les armes à feu. Pour le moment, ces personnes devraient savoir parfaitement qui elles peuvent appeler.
Le problème que nous avons découvert, c'est que les gens ont tendance à croire qu'une personne en uniforme, surtout un agent de police, peut fournir une réponse à toutes les questions. C'est évidemment faux. Les agents de police ont déjà suffisamment de choses à l'esprit sans devoir étudier la loi.
Il faudrait donc annoncer publiquement, à grands renforts de publicité, un système permettant aux gens de communiquer avec les bureaux de leurs chefs provinciaux des préposés aux armes à feu ou avec quelqu'un qui puisse leur fournir ces renseignements. Dans ce secteur, nous sommes constamment bombardés de questions telles que: À qui dois-je parler? Où dois-je aller? Comment interprétez-vous telle ou telle disposition?
Pour être tout à fait franc avec vous, messieurs, nous considérons que c'est n'est pas notre tâche. Cela dure depuis quatre ans, parce que les gens ne comprennent pas la loi et les règlements. Il existe non seulement des gens qui ne les comprennent pas, mais aussi des illettrés, qui sont toutefois propriétaires d'armes à feu.
Nous avons aussi étudié des moyens d'améliorer les relations entre les organismes gouvernementaux et les utilisateurs d'armes à feu.
Même chose, en ce qui concerne la vérification du système d'enregistrement électronique. Ce projet n'est nullement terminé.
Nous nous sommes penchés également sur diverses méthodes d'octroi des permis d'armes à feu.
En outre, nous avons examiné les préoccupations des Autochtones et l'incidence de la loi, des règles et règlements sur les diverses collectivités.
Nous avons discuté aussi de la matière des cours fédéraux de sécurité dans le maniement des armes à feu.
À cela vient s'ajouter l'étude du système de vérification pour l'octroi des permis d'armes à feu.
Et, pour couronner le tout, il y a les règlements qui ont été déposés.
Le groupe les a examinés plusieurs fois et il a fait de nombreuses recommandations concernant les principes que nous jugeons bon d'ajouter ou d'abandonner. Nous avons remarqué que l'on a tenu compte de la plupart de nos recommandations dans les projets de règlements.
Nous avons constaté par exemple que la recommandation concernant le maintien des règlements sur l'entreposage, sur la mise en montre et sur le transport des armes par des particuliers, tels qu'ils étaient dans le contexte du projet de loi C-17, a été acceptée, à notre satisfaction générale. Nous avions fait cette recommandation parce que les utilisateurs d'armes à feu commencent seulement à comprendre ces règlements et leur raison d'être, et que, s'ils avaient été modifiés, cela aurait causé des erreurs d'interprétation et des problèmes d'inobservation. La plupart des personnes auxquelles j'ai parlé, dans les domaines qui nous concernent, ont approuvé les règlements pris en vertu du projet de loi C-17. Par conséquent, à quoi cela servirait-il de les modifier alors qu'ils sont respectés et qu'aucun problème n'a surgi? Nous croyons savoir également que d'autres groupes sont du même avis que nous à ce sujet.
Comme nous avons pu suivre de près certains des processus d'élaboration des règlements, nous sommes en mesure de mieux comprendre les problèmes de rédaction des textes juridiques et par conséquent les raisons pour lesquelles ils sont rédigés de cette façon. À mesure que certains problèmes, comme la violence familiale, viennent s'ajouter, les rédacteurs essaient de relier tous ces points-là. Il en résulte une brochure qui a plusieurs fois la grosseur des règlements publiés en vertu de la loi précédente et on dirait qu'elle grossit sans cesse.
Une de nos préoccupations concerne le degré d'efficacité de certaines parties des règlements en raison de leur complexité ainsi que de leur subdivision en de nombreuses catégories différentes alors qu'il eut été possible de regrouper toutes ces dispositions pour les rendre plus compréhensibles au citoyen moyen. À notre avis, il faut partir du principe qu'il faut éviter de les compliquer au point de les rendre illisibles, ce qui cause des erreurs d'interprétation et par conséquent l'inobservation des règlements par des personnes qui essaient de comprendre quelles sont leurs responsabilités. Nous vous demandons d'examiner la question.
Voici quelles sont nos conclusions.
Le groupe estime que certaines initiatives positives ont été prises pour que le processus tende vers les objectifs que l'on s'était fixés c'est-à-dire de faciliter la compréhension et d'adopter de meilleures méthodes de communication avec les différents utilisateurs d'armes à feu. Si l'on veut que les groupes d'utilisateurs acceptent les règlements, ceux-ci doivent être logiques et équitables et non uniquement le résultat d'une réaction à un événement donné.
Pour être compris de tous, les règlements doivent être aisément lisibles pour le Canadien moyen, et il faut accorder une importance capitale à la diversité des milieux auxquels appartiennent les propriétaires canadiens d'armes à feu. En outre, tout système de réglementation doit être facile à respecter pour la majorité des propriétaires et futurs propriétaires ainsi que pour le directeur local de l'enregistrement des armes à feu.
Aucun des éléments, depuis l'accès aux renseignements nécessaires sous une forme pratique et lisible jusqu'aux attitudes des organismes responsables de l'application des règlements, en passant par le barème des droits, ne devrait constituer un obstacle pour les personnes touchées par la loi et les règlements.
Des règlements justes et équitables, faciles à comprendre, seront respectés aisément. Des règlements compliqués produiront immanquablement le résultat opposé.
Voici quelles sont en résumé nos recommandations.
Nous insistons à nouveau sur le fait qu'il faudrait accorder une forte priorité à l'amélioration des communications et des méthodes de communication, ainsi qu'à la facilité d'accès aux fonctionnaires chargés d'appliquer les règlements.
Il faudrait revoir les règlements qui sont tellement complexes qu'ils deviennent difficiles à comprendre pour les propriétaires moyens d'armes à feu, afin d'essayer d'établir un système efficace et facile à comprendre pour tous les intéressés. Le meilleur moyen d'y arriver consisterait à notre avis à publier des guides qui tout en donnant des renseignements sur tous les points de droit et toutes les dispositions réglementaires, seraient faciles à comprendre.
En regroupant les nombreuses dispositions qui sont répétitives, on pourrait pratiquement mettre un terme à la confusion puisque tous les renseignements pertinents se trouveraient à un seul et même endroit. Cela réduirait le nombre de règlements et faciliterait la tâche de tous.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Adam.
Passons aux questions.
[Français]
Monsieur Pomerleau.
M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): Merci, monsieur Adam. Vous avez fait un exposé assez intéressant. Votre groupe représente actuellement diverses personnes dans le domaine des armes à feu, soit des membres de la communauté autochtone, des collectionneurs, des commerçants, des pourvoyeurs et des chasseurs. Quel pourcentage des utilisateurs d'armes à feu au Canada votre groupe représente-t-il?
[Traduction]
M. Adam: Comme je l'ai déjà dit, nous comptons parmi nos membres toutes sortes d'utilisateurs d'armes à feu, dont un membre de l'équipe olympique de tir - et je signale en passant qu'il ne s'agit pas d'un ex-membre mais d'un membre actif - , des agents de la paix ainsi que des collectionneurs et des amateurs de tir.
Nous sommes 15 à faire partie de ce groupe et nous venons de 15 différentes régions du pays: les territoires, le Yukon, la côte Est et la côte Ouest ainsi que de toutes les régions situées entre les deux. Je ne peux pas dire quel pourcentage notre groupe représente. Je peux seulement affirmer que nous représentons beaucoup de gens, mais je ne sais pas quel pourcentage.
[Français]
M. Pomerleau: Presque tout votre rapport repose bien sûr sur le besoin d'avoir une communication raisonnablement compréhensible entre les utilisateurs d'armes à feu et le gouvernement. On sait que les règlements sont actuellement rédigés dans des termes de loi que la plupart des utilisateurs ont de la difficulté à comprendre. Vous l'avez souligné et c'est vraiment un aspect important. Lors de vos délibérations, avez-vous envisagé la possibilité de demander au gouvernement de produire un vidéo sur la série de règlements découlant ce cette loi?
[Traduction]
M. Torino: Nous avons examiné toutes sortes de modes de communication, y compris les vidéos. Un des problèmes que posent les vidéos, les magnétoscopes et autres systèmes de ce genre, c'est qu'ils ne sont toujours pas entièrement accessibles aux membres de bien des collectivités.
Un des principes que notre groupe a examinés est celui de la façon de communiquer les renseignements à tous les Canadiens, je dis bien tous les Canadiens. C'est le point capital. Dans les grands centres, les personnes qui ont accès aux bureaux des contrôleurs des armes à feu peuvent obtenir d'assez bons renseignements la plupart du temps. Les renseignements ne sont pas toujours exacts, mais ils sont au moins accessibles.
Des milliers de propriétaires d'armes à feu, et d'autres personnes susceptibles de souhaiter faire partie de la confrérie des utilisateurs d'armes à feu, vivent dans des régions isolées et n'ont pas accès au moindre organisme d'exécution de la loi. Ils ne peuvent pas obtenir les renseignements sans devoir faire, par exemple, un appel interurbain en utilisant le téléphone d'un de leurs amis. Ils n'ont peut-être même pas de téléphone à leur disposition. Ils n'ont accès à aucun mode de communication. Par conséquent, la bande vidéo n'est qu'un des moyens de diffuser ces renseignements.
Nous restons convaincus que le meilleur moyen est de publier une brochure contenant tous les renseignements nécessaires, ainsi que le texte des règlements et de la loi sur les armes à feu et autres textes indispensables, une brochure qui couvre tous les points, dans un langage clair. Nous avons examiné le guide sur les projets de règlements qui a été publié et nous estimons que c'est un bon début mais que ce guide n'est pas complet; il ne couvre pas tous les points nécessaires.
Si nous avons bien compris, il s'agit de projets de règlements et le guide est également une ébauche. Il faudrait que l'on examine la question et que la version définitive soit beaucoup plus complète, qu'elle soit facilement compréhensible et couvre tous les principaux points susceptibles de répondre aux besoins de telle ou telle personne. Nous estimons que sans une brochure, une bande vidéo ou un autre support contenant tous ces renseignements, le message ne passera pas et les craintes qu'éprouvent certaines personnes ne feront qu'augmenter, si elles ne possèdent pas les renseignements exacts.
Il faudrait que ces personnes-là puissent feuilleter une brochure et y trouver le genre de réponses qu'elles cherchent sur un sujet bien précis, tout en sachant que si elles ont d'autres questions à poser, elles pourront s'adresser aux responsables.
Quand ce sera fait et que les responsabilités auront été bien délimitées, on aura largement contribué à communiquer les idées sur lesquelles repose le projet de loi C-17, le projet de loi C-60 ou tout autre règlement, et l'on aura facilité la compréhension non seulement entre les utilisateurs d'armes à feu et les agents de la paix mais aussi entre tous ceux et celles qui participent au processus. D'autres citoyens qui ne s'intéressent pas le moins du monde aux armes à feu seront également en mesure de comprendre de quoi il s'agit et cela pourrait également apaiser dans une certaine mesure les craintes qui se manifestent dans l'autre camp, c'est-à-dire chez les non-utilisateurs.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Pomerleau.
[Traduction]
Monsieur Frazer.
M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie pour votre exposé.
Vous avez beaucoup insisté sur les communications et c'est effectivement vital. Si les citoyens ne comprennent pas la loi et les règlements, ils ont beaucoup de difficulté à les respecter.
Vous avez signalé que vous représentez certaines personnes qui sont en fait illettrées. Vous avez dit également que votre groupe est disposé à collaborer avec le gouvernement pour faciliter la réalisation du programme. Songez-vous à une méthode pour essayer de communiquer les dispositions de la loi et des règlements, ainsi que les diverses formalités, aux personnes qui ne sont pas capables de lire ou de comprendre la loi par leurs propres moyens?
M. Terrance Burns (Groupe des utilisateurs d'armes à feu): Je suis peut-être en mesure de répondre à cette question.
Les textes seront largement diffusés mais, comme vous l'avez signalé, il existe un certain pourcentage d'illettrés dans diverses provinces. Un vidéo pourrait être utile.
La plupart d'entre nous jouent le rôle d'instructeurs dans le cadre du cours fédéral de sécurité dans le maniement des armes à feu. C'est mon cas personnellement. Nous finissons par avoir deux, trois ou quatre élèves. La plupart des renseignements sont passés en revue. Nous passons en revue les exigences et nous discutons de la façon d'y répondre, par exemple. C'est le cas depuis que le projet de loi C-17 a été présenté. Nous avons trouvé que c'était un moyen relativement efficace de transmettre ces connaissances aux nouveaux venus ou aux personnes qui font renouveler une AAAF.
En ce qui concerne l'utilisateur d'armes à feu qui possède son AAAF mais ne la comprend pas, qui ne lit pas, tout ce que nous espérons, c'est que si une forte proportion des utilisateurs comprennent clairement de quoi il s'agit, ces renseignements puissent être communiqués aux diverses personnes concernées par l'intermédiaire des clubs de tir, des activités cynégétiques et des expositions d'armes à feu, par exemple.
Si un très grand nombre de personnes comprennent - et j'insiste sur le fait qu'il faut qu'elles comprennent très bien - des règlements très clairs, très concis et très complets, ces renseignements seront diffusés, et il s'agira de renseignements très précis et non d'ouï-dire ou de toutes sortes d'interprétations.
Je le répète, le tout, c'est que, quelle que soit la nature des règlements qui seront établis, il faudra que l'information soit diffusée clairement, rapidement et en bloc dans toutes les régions du Canada, dans toutes les collectivités, et qu'elle soit exacte. Ce n'est pas un domaine où l'on peut couper les angles.
M. Frazer: Étant donné le nombre de personnes que vous représentez, avez-vous fait des études ou des évaluations du coût de la mise en oeuvre de ce programme? Possédez-vous des chiffres de cette nature?
M. Torino: Nous ne possédons pas de chiffres de ce genre. Nous avons obtenu toute une série de chiffres - on peut obtenir tous les chiffres qu'on veut. Je suis sérieux.
M. Frazer: Je vous crois.
M. Torino: D'après ce que les intéressés nous ont fait comprendre, comme il s'agit d'un processus en cours, des chiffres définitifs ont été établis, mais ils n'ont pas encore été approuvés définitivement par les divers comités et caucus concernés. Par conséquent, je ne crois pas que nous soyons disposés à répondre immédiatement à cette question, parce que nous ne pouvons pas donner une réponse exacte.
M. Frazer: Poussons les choses un peu plus loin: vous représentez également certains armuriers. Est-ce que l'on a fait une étude sur les répercussions que la loi aura sur ces gens-là?
M. Torino: Je crois que le porte-parole de cette industrie est René Roberge, qui représente l'Association des armuriers canadiens; il est venu témoigner hier et j'espère qu'il a répondu à ce genre de question. Les armuriers reçoivent ces renseignements de ces diverses sources et jusqu'à présent, nous avons reçu... Comme je l'ai dit, certaines études ont été négatives, certaines positives et d'autres neutres, et il serait prématuré de faire des commentaires pour le moment. Je vous recommande d'examiner les mémoires que ces gens-là ont présentés.
M. Frazer: J'ai une dernière question à poser.
Pour en revenir à la question de la communication et au problème des personnes qui sont illettrées ou très difficiles d'accès, vous avez signalé que certaines personnes peuvent éprouver notamment de la difficulté à visionner des vidéos. Cela me frappe de voir que votre groupe et d'autres groupes comme le vôtre devraient assumer une partie de la responsabilité de communiquer ces renseignements. Même si l'on produit un guide facile à lire et à comprendre, il faudra toujours que quelqu'un communique ces renseignements aux personnes auxquelles on a difficilement accès, et j'espère que des gens comme les membres de votre groupe seront disposés à assurer cette communication. On pourrait effectivement fournir un numéro de téléphone permettant aux citoyens d'entrer directement en communication avec le gouvernement et de demander ce que signifie telle ou telle disposition, mais ce système ne permettrait pas de communiquer avec tout le monde, pour les raisons que vous nous avez citées.
M. Torino: Je trouve cette remarque très intéressante, parce que le groupe d'utilisateurs est depuis deux jours en réunion avec le Centre canadien des armes à feu et avec des représentants du ministère de la Justice, et que c'est précisément une des choses dont ils sont en train de discuter. C'est un processus qui est toujours en cours.
Ce que nous envisageons, c'est que des responsables du ministère de la Justice ou certains utilisateurs d'armes à feu qui s'intéressent de très près à la question, par exemple, se déplacent en personne. Qu'ils soient pour ou contre le projet de loi C-68, cela n'a pas beaucoup d'importance. Ce qui compte, c'est la diffusion des renseignements. On ne peut jamais dire que l'on est pour ou contre quelque chose avant d'avoir compris exactement de quoi il s'agit.
Si certaines personnes, comme des illettrés, n'ont pas accès à des bandes vidéos ou à des magnétoscopes, il ne vous reste plus qu'à communiquer avec elles en personne et c'est ce que l'on envisage pour le moment. Comme je l'ai dit, c'est un projet en cours.
M. Frazer: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Frazer. M. Kirkby est le suivant.
M. Kirkby (Prince-Albert - Churchill River): Je tiens à remercier les témoins de s'être donné la peine de nous exposer leurs opinions. J'apprécie également le fait qu'ils aient travaillé aussi dur et qu'ils aient fait bien des recommandations très utiles au gouvernement.
Au cours de vos travaux, vous avez rencontré les responsables du Centre canadien des armes à feu, le sous-ministre adjoint responsable du processus, le sous-ministre et le ministre. Est-ce exact?
M. Adam: C'est exact.
M. Kirkby: Vous êtes les représentants de diverses catégories de personnes qui utilisent les armes à feu de façon légitime. Est-ce exact?
M. Torino: Je me permets de faire une petite rectification. Nous avons été choisis pour des raisons que beaucoup d'entre nous ne comprennent pas tout à fait. C'est la vérité. Nous sommes toujours en train d'essayer de comprendre.
Nous ne représentons pas des régions précises. Tous les membres de notre groupe sont très actifs dans les collectivités locales, provinciales et territoriales, et c'est ainsi que nous entendons toutes sortes d'opinions très différentes. C'est également grâce aux compétences et aux connaissances personnelles de chaque membre que nous sommes capables d'essayer d'élaborer ensemble des recommandations communes pour chaque problème qui nous est soumis.
Nous avons des opinions différentes quant au bien-fondé du projet de loi C-68. Certains d'entre nous pensent qu'il ne se justifie pas alors que d'autres estiment que oui. Il n'est pas toujours évident de concilier toutes les différentes opinions qui ont été exprimées dans une salle de conférence, mais, à l'instar de ce qui se passe dans n'importe quel caucus, nous sommes toujours arrivés jusqu'à présent à faire des recommandations unanimes.
Cette unanimité est réalisée grâce à notre analyse du niveau d'expérience, du nombre d'années d'expérience de chaque membre du groupe dans sa spécialité. Aucun d'entre nous n'a moins de 15 ou 20 ans d'expérience. Aucun membre du groupe n'est totalement inexpérimenté ou n'est un nouveau venu. C'est ce qui nous a frappé dès le premier jour, dès que nous nous sommes mis à nous examiner et à discuter, à nous demander mutuellement depuis combien d'années nous faisions cela, par exemple.
Par conséquent, ce sont les connaissances de chaque membre qui plus que toute autre chose contribuent à la réussite de l'entreprise. Quand nous rentrons chez nous et discutons des problèmes qui ont été réglés, des solutions qui sont devenues officielles, les gens comprennent que leurs sujets de préoccupation ont au moins été exposés au gouvernement et que dans certains cas, nous sommes parvenus à inciter celui-ci à changer son fusil d'épaule, à procéder autrement. Nous avons gagné sur certains points et perdu sur d'autres mais étant donné que notre groupe est récent, la grosse majorité de nos projets sont toujours en cours.
M. Kirkby: Par conséquent, d'après ce que vous dites, je suis sûr que, lors des contacts que vous avez eus avec divers représentants du gouvernement et divers services gouvernementaux, vous avez exprimé vos opinions avec beaucoup de fermeté et que vous en avez longuement discuté en toute franchise, si je puis m'exprimer ainsi. Vous n'avez pas nécessairement prié vos interlocuteurs d'envisager telle ou telle possibilité. Je crois qu'il est juste de dire que vous avez été relativement actifs. Quand vous décelez un problème, vous l'exposez sans mâcher vos mots. Est-ce exact?
M. Adam: Je crois que c'est un résumé très exact de la situation, monsieur Kirkby.
M. Kirkby: Vous avez signalé que, comme vous êtes un groupe récent, la plupart de vos tâches, la plupart de vos projets, ne sont pas terminés et vous savez que vous avez encore du pain sur la planche. Vous ne pouvez pas prévoir tous les problèmes susceptibles de survenir. Envisagez-vous de continuer à jouer à l'avenir le même rôle que maintenant?
M. Torino: Le mandat du groupe d'utilisateurs est d'une durée minimum de deux ans, avec une prolongation de cinq ans. Je suis certain que cela dépendra des résultats des élections. Tous les membres de ce groupe tiennent absolument à rester le plus longtemps possible, à supposer que nous ne nous fassions pas éjecter à cause de nos opinions. Je ne pense toutefois pas que cela risque d'arriver pour le moment.
Étant donné que nous sommes un groupe de bénévoles, nous sommes toujours en service,28 heures par jour. C'est peut-être une manière étrange de s'exprimer, mais cela veut dire que nous sommes là pour essayer de nous acquitter de notre mandat et que, comme nous sommes des bénévoles, nous estimons avoir été jusqu'à présent en mesure d'atteindre un de nos objectifs, celui d'exprimer nos opinions. Personne ne sait si nous pourrons continuer à le faire ou non, mais nous avons bon espoir.
M. Kirkby: Vous êtes donc parvenus à exprimer vos opinions comme vous le vouliez, si je ne me trompe. Je crois comprendre également que dans divers milieux, bien des gens s'opposent au projet de loi C-68. Je comprends que certains d'entre vous aient eu beaucoup de difficulté à décider de participer et d'exposer ces problèmes. Tout ce que je veux dire, c'est que j'admire votre courage et votre volonté de servir votre pays. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kirkby.
Monsieur Adam, monsieur Torino, je remarque que vous êtes accompagnés de certains collègues, qui se trouvent derrière vous. Si vous voulez les présenter et dire quels organismes ils représentent ainsi que d'où ils viennent, n'hésitez surtout pas. Cela nous donnera peut-être une idée de la diversité de votre organisation.
M. Adam: Monsieur le président, préféreriez-vous qu'ils se présentent eux-mêmes ou que le fasse?
Le président: Vous pourriez peut-être le faire.
M. Adam: Voici M. Peter Ernerk, de Rankin Inlet, dans les Territoires du Nord-Ouest,M. Gerry Pyke, du Service de police de Vancouver et M. Ron Gibson... Où habites-tu, Ron? Je sais que cela change d'une saison à l'autre.
M. Ronald Gibson (Groupe des utilisateurs d'armes à feu): Disons Thunder Bay.
M. Adam: C'est un pourvoyeur de Thunder Bay, en Ontario.
Remy Gendron est venu nous retrouver hier et je regrette...
M. Torino: Remy travaille pour le Bureau du contrôleur des armes à feu. Il représente le capitaine Guy Asselin, le chef provincial des préposés aux armes à feu pour le Québec.
M. Adam: Le dernier est M. Don Cameron, de Virden, au Manitoba.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Adam. Merci, messieurs.
Je passe maintenant la parole à
[Français]
M. Pomerleau. Avez-vous d'autres questions?
M. Pomerleau: Non, je voudrais juste en profiter pour remercier nos panélistes de leurs présentations et, comme mon collègue M. Kirkby, reconnaître que le travail qu'ils ont accompli n'a pas dû être facile, surtout que dans certains cas, certains d'entre eux n'étaient probablement pas d'accord sur le projet de loi. Le fait d'en étudier les dispositions et d'en discuter, comme M. Kirby a bien fait de le souligner, témoigne de votre désir réel de faire avancer les choses.
Je remercie personnellement tous les participants. Leur contribution saura certainement nous sensibiliser un peu plus au fait que le problème fondamental dans ce projet de loi reste au niveau de la communication. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Pomerleau.
[Traduction]
Madame Whelan.
Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président.
Vous nous avez expliqué pourquoi vous êtes là et pourquoi vous faites partie du groupe. J'ai jugé bon de commencer par vous expliquer pourquoi je fais partie de ce comité.
Lorsque j'ai été élue, en 1993, si quelqu'un m'avait dit que je participerais à un débat sur la réglementation des armes à feu, je l'aurais traité de fou. Je représente une circonscription très variée où l'on trouve toutes sortes de propriétaires d'armes à feu - des collectionneurs, des chasseurs, des gens qui font de la reconstitution historique - ainsi que des citoyens qui se préoccupent beaucoup de la criminalité. Par ailleurs, j'habite une localité qui est située en face de Detroit, où le taux de criminalité est extrêmement élevé. Il s'agit également d'une localité frontalière.
Par conséquent, nous sommes en présence de toute une série d'intérêts différents. Je me plais toutefois à croire qu'une des autres raisons pour lesquelles je fais partie de ce comité, c'est que j'ai beaucoup dénoncé plusieurs problèmes que pose le projet de loi C-68 au cours de son étude, et que je tiens à m'assurer que nous finirons par adopter une solution raisonnable.
Bien des collectionneurs, des tireurs sur cibles et des chasseurs de ma circonscription sont très inquiets au sujet de leurs droits ainsi que des frais, et ils tiennent à ce qu'on leur explique tout convenablement. Ce que vous avez dit au sujet de la communication m'a beaucoup intéressée. Je trouve que les députés ont de la difficulté à diffuser l'information, à la communiquer. Cela me rassure d'apprendre que vous avez fait cette recommandation et j'espère que le ministère de la Justice vous écoutera.
Rien que dans ma circonscription, environ 500 personnes m'ont écrit pour demander des renseignements, alors qu'aucun député ne pouvait se procurer un aussi grand nombre d'exemplaires de la brochure la plus récente. Cela ferait des milliers et des milliers d'exemplaires. Par conséquent, j'apprécie vos efforts, et je suis un peu préoccupée par un certain nombre de choses qui se trouvent également dans le guide.
Je me demande si vous avez pu communiquer avec certains groupes. Existe-t-il des listes? A-t-on fait des suggestions de ce genre au ministère de la Justice?
M. Burns: En fait, divers membres du groupe ont dit qu'il fallait communiquer les renseignements à tel ou tel groupe. Je pense que l'on a distribué deux ou trois mille brochures aux 800 instructeurs qui donnent des cours de sécurité dans le maniement des armes à feu dans ma province. Ils ont communiqué les renseignements - ils avaient leur brochure et, comme je l'ai dit, il en a fallu 800 - dans le cadre des divers cours. Nous avons également envoyé la brochure aux divers bureaux de district du ministère des Richesses naturelles, car c'est là que la plupart des chasseurs vont acheter leur permis. D'autres personnes ont dit qu'elles avaient besoin de brochures pour tel ou tel groupe; ces gens-là sont passablement influents.
Je crois que c'est une très bonne façon de procéder. J'encourage toutes les personnes qui jugent nécessaire de diffuser ces brochures, peu importe qu'elles soient députés ou qu'elles représentent tel ou tel organisme, d'exercer au besoin des pressions sur le ministère de la Justice. Quand on établit des règlements, il faut s'assurer que les citoyens les comprennent. Bien des personnes ont des craintes. Essayons d'apaiser celles-ci, qu'elles soient légitimes ou non. Il ne faut du moins pas les laisser agir à l'aveuglette.
Mme Whelan: Je suis on ne peut plus d'accord avec vous, monsieur Burns. Je crois qu'il est très important que les citoyens sachent ce que nous proposons, qu'ils sachent de quoi il s'agit et qu'ils comprennent la loi et les règlements. Pas plus tard qu'hier, un collectionneur qui s'est mis en communication avec mon bureau a été étonné d'apprendre le montant des droits qu'il allait devoir payer pour pouvoir garder ses armes. J'ai été très surprise qu'après plusieurs mois de communication et que malgré tout le tapage qui a été fait à ce sujet dans les médias, il ignorait encore le montant des droits qui avaient été proposés. Par conséquent, je constate qu'un problème de communication subsiste et qu'il faut le régler. Il serait peut-être bon que nous fassions également des recommandations à ce sujet.
J'apprécie ce que fait votre groupe. Vous n'ignorez sans doute pas qu'un certain nombre de personnes voulaient en faire partie. Vous ne savez peut-être pas comment vous avez été choisis, mais je puis vous dire que vous avez été triés sur le volet. À l'instar de tous mes collègues, j'apprécie vos efforts. Je vous souhaite bonne chance pour l'avenir.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, madame Whelan.
Avez-vous d'autres questions à poser, monsieur Frazer?
M. Frazer: Non, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions à poser mais à l'instar de M. Pomerleau, de Mme Whelan et de M. Kirkby, je tiens à féliciter ce groupe.
Il est possible qu'un certain nombre d'entre nous n'approuvent pas le projet de loi C-68 ni sa raison d'être, mais j'estime que, quand on a affaire à une loi, il faut essayer de s'y conformer. Le seul moyen d'y arriver est de savoir de quoi il s'agit, de savoir ce qu'elle veut dire et quelles seront ses répercussions pour vous, ainsi que ce qu'il faut faire pour la respecter. Par conséquent, la communication joue, comme vous l'avez dit, un rôle vital. Si votre groupe est capable de faciliter les choses à cet égard, vous n'aurez pas perdu votre temps. Je vous félicite.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Frazer. C'est maintenant le tour de M. Maloney.
M. Maloney (Erie): Messieurs, je tiens à vous remercier très rapidement - car le temps passe vite - d'avoir communiqué vos opinions non seulement sur ces règlements mais également sur le cheminement du projet de loi C-68. Je crois qu'il était important que vous ayez votre mot à dire, que vous ayez accès au ministre et au ministère de la Justice, et que ceux-ci vous écoutent dans certains cas. C'est à mon avis une très bonne chose.
Votre recommandation de simplifier le jargon juridique utilisé dans les règlements et les lois est très importante et j'estime qu'il faut la prendre à coeur en ce qui concerne non seulement ce projet de loi mais aussi les autres textes législatifs. Je pense que nous avons parfois une meilleure idée de la façon dont les tribunaux vont interpréter ces textes que de la façon dont vont l'interpréter les simples citoyens. J'estime que vos commentaires sont très importants.
Je suis entièrement d'accord avec vous en ce qui concerne les communications. Un des problèmes que j'ai, c'est que j'essaie d'envoyer le plus de renseignements possible à mes «amateurs d'armes» comme je les appelle - ce sont les personnes qui m'ont écrit pour se plaindre du projet de loi C-68 - mais je reçois souvent une autre lettre me disant de ne pas envoyer de renseignements supplémentaires. Ces personnes ne sont pas disposées à écouter. Elles se montent la tête mutuellement et ne sont pas disposées à le reconnaître. Bien des problèmes seraient déjà moins lourds si seulement elles essayaient de comprendre de quoi il s'agit. J'ai certaines difficultés à admettre cette attitude. Je voudrais que vous me disiez ce que je peux faire pour régler le problème.
Vous avez parlé plus particulièrement de publier une brochure complète. Aidez-vous le ministère de la Justice à préparer un tel document? Dans la négative, pourrions-nous encourager le ministère à collaborer avec vous?
Enfin, nous avons beaucoup parlé de ces règlements de façon très générale, sans entrer dans les détails. Nous pourrions passer une journée complète à écouter vos commentaires sur des points précis. Nous sommes là pour en entendre parler, mais je pourrais peut-être me contenter de parler des droits.
Avez-vous certaines inquiétudes à ce sujet? Sont-ils trop élevés, trop bas ou raisonnables? Avez-vous des commentaires à faire sur certains droits en particulier? Certains ne sont peut-être pas exagérés alors que d'autres le sont. Sans vouloir mettre le nez dans un nid de guêpes, je voudrais que vous nous disiez ce que vous en pensez.
M. Torino: Pourrais-je répondre? Si je comprends bien, ces audiences durent depuis deux semaines et elles ont peut-être même commencé avant les vacances de Noël. Nous avons examiné certains des mémoires et des exposés d'autres groupes et nous estimons que ces questions ont été examinées de façon approfondie - du moins tous les principaux points auxquels vous faites allusion - par tous les autres organismes qui sont venus témoigner. En faisant des commentaires à ce sujet, nous exprimerions une opinion personnelle sur des questions qui ne sont pas encore réglées. Par conséquent, nous préférerions ne pas faire d'autres commentaires à ce sujet.
M. Maloney: Monsieur Adam, avez-vous...
M. Adam: À l'instar de M. Torino, j'estime que nous ne sommes pas là pour exprimer une opinion personnelle et que c'est ce qu'exige votre question. C'est pourquoi je préférerais ne pas y répondre.
M. Burns: Je ne tiens pas à parler de certains droits en particulier parce que tel groupe estimera que le montant de tel droit est raisonnable alors que personnellement, je le trouverai exagéré. Ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que lorsqu'on élabore des règlements, il faut parler des principes qui sous-tendent ce processus, car ils en constituent le fondement, avant de discuter de montants précis, de parler de tel ou tel organisme ou d'aborder des questions de détail. Ces principes sont la compréhensibilité, la communication, la facilité d'accès, et le désir de l'agent - qu'il s'agisse d'un agent du Bureau du chef provincial des préposés aux armes à feu, d'un agent de la GRC ou de quelqu'un d'autre - d'aider les intéressés à respecter la loi et les règlements, à comprendre leur raison d'être et la façon de faire. La question n'est pas de savoir s'ils sont d'accord ou non. C'est la loi et le tout, c'est de savoir comment faire pour la respecter.
Une question qui me préoccupe, c'est qu'il faudrait adopter une démarche préventive et sensée, manifester la volonté d'examiner toutes les difficultés qu'une personne peut avoir, qu'elles soient d'ordre géographique ou qu'il s'agisse de la difficulté de se rendre aux divers bureaux, d'obtenir un chèque certifié, un mandat postal, bref, de payer le montant des droits. Nous devons nous efforcer d'essayer d'aider les gens à éviter les problèmes qui sont prévisibles.
En ce qui concerne les droits, je ne répondrai pas à votre question avec précision mais je dirai qu'aucun des frais que l'on envisage de faire payer ne doivent être exagérés. Il faut éviter qu'ils constituent un tel fardeau que les gens soient obligés de trouver un moyen de les éviter. Tout mécanisme d'exécution qui sera élaboré doit faciliter le respect des règlements. Il ne faut pas que les gens se fassent renvoyer d'un service à l'autre, par exemple.
Ce matin, nous avons essayé de venir ici. Nous sommes allés dans deux ou trois édifices et nous sommes passés au contrôle. Une personne nous a dit que nous étions effectivement au bon endroit alors qu'une autre a dit qu'il fallait aller à tel autre endroit. Une personne nous a dit d'entrer alors qu'une autre nous a dit que nous ne pouvions pas, parce que nous devions passer par le poste de contrôle. Une troisième personne nous a dit qu'elle allait s'occuper de nous alors qu'une autre personne nous a dit qu'il fallait faire telle ou telle chose. Et nous avions un guide qui connaissait le chemin.
Imaginez un peu le cas d'une personne qui veut tout simplement respecter la loi. Elle n'est même pas certaine qu'il s'agisse d'une bonne loi mais elle veut la respecter. Elle va au Bureau du chef provincial des préposés aux armes à feu pour être envoyée à la GRC, voire au ministère des Richesses naturelles, puis encore ailleurs. Selon l'heure de la journée et la réponse qu'elles obtiennent, ces personnes-là se sentiront frustrées et vous voulez en plus les faire casquer!
Ce que nous essayons de vous faire comprendre, ce sont les principes qui sous-tendent l'élaboration des règlements. Lorsqu'on a élaboré tel ou tel règlement après s'être convaincu de sa nécessité, il faut le faire connaître pour que les citoyens se renseignent. Il ne reste plus qu'à espérer que les renseignements qu'ils obtiendront seront exacts.
M. Maloney: Il y a une question à laquelle vous n'avez pas répondu: est-ce que vous essayez de préparer, avec le ministère de la Justice, une brochure simple et facile à comprendre qui aiderait à mettre les utilisateurs d'armes au courant de ces règlements et de la loi?
M. Adam: Oui, monsieur Maloney, pour répondre en un mot. Je voudrais toutefois parler de ce qui se trouve juste au-dessus de la tête du président: «le sens du message imprimé». C'est ce qui nous intéresse. Il faut trouver le sens du message imprimé facile à comprendre pour que tout le monde puisse comprendre ces projets de loi et ces lois compliqués.
M. Maloney: Merci, monsieur Adam.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Maloney.
Merci beaucoup à vous, messieurs Adam, Torino et Burns ainsi qu'à vos collègues qui sont assis derrière vous, d'avoir persévéré et de nous avoir trouvés. Nous apprécions votre témoignage et votre collaboration. Cela a été très utile. Je crois que nous avons soigneusement pris note de l'importance que vous accordez aux communications.
M. Adam: Merci, monsieur le président. Au nom du groupe tout entier, je vous dis que nous apprécions le fait que vous nous ayez permis de venir témoigner et nous nous réjouissons d'avance d'être réinvités.
Le président: Je suis certain que vous le serez.
Passons maintenant au témoin suivant, qui est M. Bruce Phillips, le commissaire à la protection de la vie privée. Nous allons faire une pause de deux ou trois minutes pendant que nous nous préparons.
Le président: Je souhaite la bienvenue à M. Bruce Phillips, le commissaire à la protection de la vie privée et je le remercie de s'être donné la peine de venir malgré son horaire chargé. Je tiens également à souhaiter la bienvenue à Mme Holly Harris, avocate générale.
Vous êtes nos derniers témoins pour ces audiences sur les projets de règlements. Nous nous réjouissons d'avance d'entendre ce que vous avez à dire, car vous êtes un vieil ami du Comité de la justice et de tous les sous-comités qui en relèvent. Allez-y quand vous serez prêt, monsieur. Nous sommes tout oreilles.
M. Bruce Phillips (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Monsieur le président, je résisterai à la tentation de dire que vous avez gardé le meilleur pour la fin.
Le président: Je vous en prie.
M. Phillips: Merci beaucoup de nous avoir fait revenir ici parce que la question à l'étude est en fait au coeur du problème de la protection des renseignements personnels. La dernière fois que nous sommes venus ici, nous avons examiné la loi qui ne disait pas grand-chose à ce sujet. Il restait à décider quand les règlements seraient promulgués. Maintenant, nous les avons examinés.
J'ai un mémoire dont vous avez reçu un exemplaire. Je vais passer la partie habituelle dans laquelle j'explique aux comités en quoi consistent mes activités. Il est également inutile de vous rappeler que je suis un mandataire du Parlement et que je travaille pour vous, que nous sommes chargés de vous conseiller. Cela vaut ce que cela vaut. Je m'en tiendrai uniquement aux questions à l'étude.
En guise de préambule, je dois dire que je suis un peu déçu de ce que j'ai vu dans les règlements jusqu'à présent en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Et quand je dis un peu, c'est un euphémisme.
Je tiens tout d'abord à signaler que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'applique qu'aux 100 organismes fédéraux énumérés dans son annexe. Elle ne s'applique à aucune institution provinciale ou municipale ni au secteur privé. En outre, on peut déroger aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels concernant la confidentialité grâce aux exemptions prévues dans d'autres lois du Parlement. Je crois que c'est une chose que nous ne devons pas perdre de vue.
En ce qui concerne la protection juridique des renseignements qui seront recueillis en vertu de cette loi, j'ai beaucoup moins d'espoir que les rédacteurs du résumé de l'étude d'impact annexé à la réglementation sur les armes à feu. Ce résumé renferme deux énoncés qui ne correspondent pas du tout à la situation, telle que je la conçois.
Le premier, qui concerne, si je ne me trompe, le règlement no 9, dit ceci:
- ... applicables à l'accès aux renseignements conservés ainsi qu'au caractère privé de ceux-ci
seront celles prévues par la législation fédérale et provinciale pertinente.
- C'est ce que les rédacteurs disent dans leur résumé de l'étude de l'impact de la réglementation.
Je ne suis d'accord dans aucun des deux cas, et je vais vous expliquer pourquoi.
Premièrement, certaines provinces et certains territoires n'ont pas de loi sur la protection des renseignements personnels. L'Île-du-Prince-Édouard et le Yukon, par exemple, n'accordent aucune protection légale aux renseignements personnels.
Deuxièmement, certaines lois provinciales sur la protection des renseignements personnels règlent uniquement la question de l'accès d'un citoyen à ses fichiers. Elles ne réglementent nullement la collecte, l'utilisation et la divulgation de ces fichiers personnels par le gouvernement. C'est le cas au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve.
Troisièmement, dans certaines provinces et dans certains territoires, la loi sur la protection des renseignements personnels ne s'applique pas aux forces policières municipales qui seront appelées à constituer les fichiers et à les administrer. C'est le cas au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest.
Je crois que ces trois observations suffisent à mettre en doute la véracité de l'affirmation faite dans le résumé de l'étude d'impact qui a été préparé, je présume, par le ministère de la Justice. Dans six des 12 provinces et territoires, la protection de ces fichiers est incomplète, du moins par rapport à celle qui est prévue dans la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels.
Il faut absolument comprendre la nature disparate de la législation canadienne sur la protection des renseignements personnels, parce que le registre proposé est essentiellement une sorte d'entité hybride. Si j'ai bien compris, les renseignements personnels, y compris ceux qui concernent la vérification des antécédents, seront recueillis et stockés par les préposés locaux aux armes à feu, c'est-à-dire habituellement par des agents de police, par le contrôleur des armes à feu qui sera, dans certains cas, un fonctionnaire provincial et dans d'autres, un membre de la Gendarmerie royale du Canada, qui tient lieu d'agence de police provinciale. Par ailleurs, certains renseignements personnels seront inscrits dans un registre administré par le gouvernement fédéral, auquel s'appliquera la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cela signifie qu'en fait, les renseignements sur le requérant seront stockés dans trois registres différents, dont un seul est régi à coup sûr par une loi exhaustive sur la protection des renseignements personnels.
Plusieurs des questions que j'ai posées devant le comité du Sénat - à la fin de l'automne 1995, si je ne me trompe - sont restées sans réponse parce que les règlements ne sont pas suffisamment détaillés. La plus importante est peut-être la question fondamentale suivante: que peut-on faire pour protéger le droit des Canadiens de contrôler certains renseignements personnels, qui pourraient être de nature très délicate, lorsque la compétence est partagée, qu'il n'existe aucune loi détaillée concernant la protection des renseignements personnels et qu'aucun système de protection général n'est prévu dans les règlements.
À qui le requérant s'adressera-t-il pour essayer d'avoir accès à ces fichiers? Quels renseignements personnels doivent être recueillis? Qui aura le contrôle de ces renseignements? Comment seront-ils utilisés? À qui les renseignements seront-ils révélés? À qui l'intéressé pourra-t-il s'adresser pour porter plainte?
Il semble qu'il faudra attendre les formulaires et le schéma détaillé du processus pour obtenir une réponse à certaines de ces questions et j'estime que c'est une situation qui doit tous nous mettre quelque peu mal à l'aise. Je vous encourage à essayer d'obtenir des réponses à ces questions.
Je vais maintenant parler de problèmes précis qui concernent surtout sur les règlements no 1 et no 9, selon la numérotation que vous avez adoptée.
Bien qu'un membre de mon équipe collabore avec le Centre des armes à feu depuis plusieurs mois, nous n'avons été consultés qu'au sujet du règlement no 9. Malheureusement, nos commentaires semblent avoir eu très peu d'influence sur les règlements que vous avez actuellement sous les yeux.
Ma première préoccupation concerne le règlement no 1; je me demande surtout quelles conséquences aura le fait de devoir aviser les conjoints actuels et précédents, du point de vue de la protection des renseignements personnels. Étant donné que les renseignements recueillis dans le contexte du registre des armes à feu peuvent être accessibles au requérant lorsqu'il existe une loi sur la protection des renseignements personnels, les conjoints et les éventuels informateurs devraient être avisés que le requérant a légalement le droit de lire leurs commentaires, sous réserve des exemptions applicables. L'autre solution, qui consiste à promettre la confidentialité, pourrait poser un problème, selon la nature de la loi de la province ou du territoire concerné.
Si vous me le permettez, je vais vous expliquer cela au moyen d'un exemple. La Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels reconnaît le principe qui consiste à nous permettre de savoir ce que d'autres ont dit à notre sujet, à être en fait libre d'être confronté à son accusateur. La loi permet aux citoyens d'avoir accès à leurs renseignements personnels, à quelques exemptions près.
Une de ces exemptions, par exemple, dont on retrouve peut-être l'équivalent dans certaines lois provinciales, est la capacité de refuser de divulguer des renseignements personnels si l'on estime avec raison que cela risque de compromettre la sécurité d'autrui. Je crois que cette exemption pourrait s'appliquer lorsqu'une personne qui fait une demande de permis voudrait voir son fichier. Cependant, il ne s'agit pas d'une exemption automatique, pas plus que toutes les autres exemptions - la plupart, en tout cas - prévues dans la loi fédérale. Il faut qu'elle soit justifiée par des motifs raisonnables et qu'elle ne soit pas uniquement fondée sur des allégations.
Une autre question qui me préoccupe, c'est comment les contrôleurs des armes à feu vont pouvoir s'assurer que les renseignements sont exacts, qu'ils ne sont pas déformés par les craintes du conjoint ou de l'informateur à l'égard du requérant, par leur unique désir de lui nuire ou de se venger, ou encore par leur malveillance. Dans des cas analogues, les conséquences de renseignements erronés pourraient être passablement graves. J'en reparlerai dans un instant.
Ce problème, celui de l'exactitude des renseignements, de la méthode d'investigation qui sous-tend la collecte, est très grave, compte tenu des pouvoirs très étendus qu'ont les contrôleurs des armes à feu en matière d'enquête et de collecte de renseignements «supplémentaires» sur les requérants, du fait que l'on n'a pas essayé de leur imposer certaines limites, raisonnables ou non.
J'ai lu attentivement les témoignages qu'ont faits à ce sujet devant un autre comité les représentants du ministère de la Justice, et je suis toujours préoccupé par l'ampleur des pouvoirs accordés en matière de collecte de renseignements et par l'absence de délimitation précise de ceux-ci. Dans certaines provinces et certains territoires, les requérants n'auront absolument pas le droit d'avoir accès aux renseignements - pas en vertu d'une loi, du moins - et par conséquent, ils n'auront pas l'occasion d'en contester la pertinence ou la véracité. Ce sera par exemple le cas à l'Île-du-Prince-Édouard où il n'existe pas de loi concernant la protection des renseignements personnels. Le requérant n'aura pas légalement le droit de consulter son fichier.
Dans d'autres provinces ou territoires, le droit d'indiquer les objections concernant certains points précis est totalement inexistant. Par exemple, la Loi sur la protection des renseignements personnels vous permet de contester l'exactitude d'un fichier que le gouvernement tient à votre sujet. Même si celui-ci n'est pas d'accord avec vous, la loi l'oblige à indiquer dans le fichier que vous avez fait des objections et à préciser la nature de ces objections.
Si un requérant réclame une révision judiciaire d'un refus ou d'une révocation de permis, qu'est-ce qui empêchera la révélation publique de détails personnels susceptibles d'être embarrassants et inutiles, voire trompeurs et malveillants?
Voici un problème très intéressant qui a été signalé, si je ne m'abuse, par Mme Whelan à une séance antérieure, et qui concerne le processus d'appel. Dans les cas où un contrôleur des armes à feu décide de révoquer un permis ou refuse d'en accorder un, la loi prévoit un processus d'appel devant les tribunaux afin d'examiner les motifs de sa décision. Cet examen n'est associé à aucun chef d'accusation assorti d'une présomption d'innocence et, d'après ce que je peux comprendre, il est possible qu'au cours de ce processus, bien des renseignements dénués de tout fondement - voire du commérage malveillant de la part d'un voisin qui n'aime pas le requérant, qui peut avoir donné au contrôleur des armes à feu des renseignements très trompeurs ou très inexacts, parfois par pure malveillance - soient révélés dans une salle d'audience publique, parce que le ministère de la Justice a décrété que le processus d'examen doit être public. Par conséquent, des renseignements non fondés peuvent être consignés au compte rendu, être accessibles au public, voire être largement diffusés, au détriment de la réputation de la personne concernée.
Ce n'est pas une affaire à prendre à la légère. Essayons d'imaginer un cas hypothétique où beaucoup de renseignements de ce genre sont présentés au tribunal et accessibles au public. Ces renseignements concernent peut-être une personne jouissant d'une certaine notoriété, mais cela n'a pas d'importance; il peut également s'agir d'un parfait inconnu. Ces renseignements sont toutefois imprimés alors qu'il s'agit de commérages dénués de tout fondement. Cela nuit à la réputation de la personne concernée et risque de lui coûter son emploi ou d'avoir toute une série d'autres conséquences désagréables. Par conséquent, il faut examiner ce problème.
Cette réflexion m'amène à faire une suggestion ou deux. La première est d'essayer de définir quels types de renseignements «supplémentaires» peuvent être pertinents pour l'octroi d'un permis, pour éviter des interrogatoires à l'aveuglette. À mon avis, le fait que l'on donne carte blanche aux enquêteurs dans ce genre de cas doit nous mettre plutôt mal à l'aise.
Ma deuxième suggestion est de mettre en oeuvre un processus d'examen intermédiaire pour les personnes à qui l'on refuse d'octroyer un permis ou dont le permis a été révoqué. Un recours immédiat aux tribunaux est entre autres choses pénible pour le requérant, voire pour les tribunaux. J'ai déjà discuté de la divulgation publique de certains renseignements que cela implique.
Ne peut-on pas instaurer un système provisoire qui permettrait aux requérants de contester le refus? Je songe notamment à un tiers indépendant ou à un comité d'experts.
Je voudrais maintenant parler du règlement no 9, celui qui concerne le registre des armes à feu. Les inquiétudes que j'ai au sujet de ce règlement viennent pour la plupart des commentaires que j'ai faits antérieurement sur la nature hybride de la collection de fichiers. Quelles règles concernant la protection des renseignements personnels s'appliquent aux fichiers, lorsqu'il n'existe pas de loi provinciale ou territoriale en la matière? Lorsqu'il existe une loi, comment va-t-on déterminer qui est en charge des fichiers lorsqu'il s'agit d'y donner accès et d'y apporter des corrections? En quoi consiste un fichier? Lorsque la loi ne couvre pas tous les cas, qui peut être éventuellement tenu responsable de la collecte, de l'utilisation et de la divulgation des renseignements à bon escient?
Il ne faut pas oublier que ces règlements ne prévoient aucune infraction à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans les cas où il n'existe pas de loi provinciale. Il n'existe pas de loi, un point c'est tout.
Il me semble évident qu'à moins que ce ne soit précisé dans les règlements, dans certaines provinces et certains territoires, les Canadiens ne jouiront d'aucune protection légale des renseignements qui sont parfois de nature extrêmement délicate que contiennent les fichiers personnels. Je ne crois pas être la première personne à soulever le problème. Plusieurs organismes en ont déjà parlé. Sous leur forme actuelle, les règlements ne font rien pour apaiser des préoccupations que j'estime légitimes et sérieuses.
Nous avons également des suggestions à faire au sujet de certaines questions de détail. Par exemple, les fichiers doivent être conservés pendant une période de dix ans après avoir été ouverts. Au lieu de faire commencer le délai de conservation à partir du jour où le fichier a été ouvert, nous recommandons de se baser sur la date de la dernière intervention administrative, comme prévu dans la loi fédérale. Cela permettrait aux requérants de disposer d'un délai raisonnable pour régler les différends ou les appels qui pourraient être en suspens au moment où la période de dix ans est écoulée.
Il serait bon d'envisager d'autres délais de conservation. Je dis cela en toute humilité, parce que je sais qu'il n'est pas facile de décider combien de temps il convient de conserver les fichiers lorsqu'il s'agit d'armes à feu. Par exemple, je me demande pourquoi les résultats des examens subis par le requérant doivent être conservés à vie. Si les propriétaires repassent un examen à intervalles réguliers - chose qui n'est pas claire dans les règlements - j'estime que seuls les résultats du dernier examen devraient être conservés dans le fichier car ils sont certainement les plus exacts et les plus valables.
Une autre question concerne le stockage à vie des ordonnances d'interdiction et de probation. Par exemple, une ordonnance du tribunal interdisant à quelqu'un de posséder une arme à feu pendant une période de cinq ans resterait à vie dans son fichier. À supposer que ce document puisse servir à évaluer et rejeter une demande ultérieure, elle aurait en réalité pour effet de prolonger une ordonnance par autorisation administrative.
Je comprends que techniquement parlant, la question des délais de conservation relève de l'archiviste fédéral, mais dans ces deux cas, j'estime que cela a des incidences sur la protection des renseignements personnels. De toute façon, ces délais sont prévus dans les règlements. Je ne sais pas dans quelle mesure l'archiviste a été consulté à cet égard.
En conclusion, je recommande que tous les renseignements personnels recueillis, utilisés et divulgués en vertu de ces règlements soient au moins assujettis aux principes du traitement équitable de l'information qui constituent la pierre angulaire de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des lois détaillées en la matière qui sont actuellement en vigueur en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et dans deux ou trois autres provinces ou territoires. Les règlements devraient le préciser clairement. Le gouvernement devrait évidemment avoir la possibilité - et il l'a - d'adopter des mesures de contrôle encore plus strictes, sans quoi les Canadiens se feront avoir, à mon avis.
Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Phillips.
[Français]
Nous allons commencer la période des questions par M. Pomerleau.
M. Pomerleau: Monsieur Phillips, merci beaucoup pour votre présentation. Vous êtes commissaire à la protection de la vie privée et, dans le cadre de ces projets de règlements, vous soulevez des questions d'une importance extrême, des questions capitales. Vous semblez mettre un bémol important sur la confiance qu'on a semblé accorder jusqu'à présent à la protection de la vie privée dans ces projets de réglementation.
Vous soulevez des points extrêmement précis ainsi que des solutions ou des suggestions. Lorsque le gouvernement vous a demandé de participer ou de fournir des conseils en vue de l'élaboration de ces projets de règlements, est-ce que vous avez émis les suggestions que vous nous faites aujourd'hui?
[Traduction]
M. Phillips: Non, puisque nous n'avons pas participé à la rédaction du texte législatif même. On nous a consultés au moment de rédiger certaines des dispositions réglementaires, mais uniquement celles du règlement no 9.
[Français]
M. Pomerleau: Est-ce que ce n'est qu'après la publication des projets de règlements que vous avez étudié en profondeur le règlement no 1 et en êtes arrivé aux suggestions que vous présentez aujourd'hui?
[Traduction]
M. Phillips: Je dois vous donner une réponse en deux parties. Nos observations sur la loi qu'a adoptée le Parlement pour le contrôle des armes à feu ont été formulées après coup, c'est-à-dire une fois le projet de loi rédigé et déposé à la Chambre. On nous a consultés, toutefois, durant la rédaction des règlements et nous avons alors pu faire des recommandations.
M. Pomerleau: Est-ce que ce sont les mêmes que vous venez de nous présenter?
M. Phillips: Oui.
[Français]
M. Pomerleau: C'est bien. Merci.
Le président: Merci, monsieur Pomerleau.
[Traduction]
Le président: Monsieur Ramsay.
M. Phillips: Auparavant, je voudrais préciser que vous ne devez pas accorder une signification trop grande au fait que nous n'avons pas participé à la rédaction de la loi. Cela ne fait pas partie de nos attributions.
Nous sommes consultés de temps en temps, mais pas systématiquement. Ça dépend du ministère et du sujet du projet de loi en préparation. Lorsque le projet de loi prévoit la collecte de nombreux renseignements personnels, il arrive que nous soyons consultés, mais pas toujours.
[Français]
M. Pomerleau: Ce n'est pas automatique. Autrement dit, même si ces projets de règlements font obligatoirement en sorte qu'on va recueillir de l'information privée sur des individus privés, vous n'êtes pas automatiquement consultés sur leur portée générale.
[Traduction]
M. Phillips: C'est exact. J'ajouterais que, depuis quelques années, les ministères consultent de plus en plus souvent le Commissariat à la protection de la vie privée tout simplement parce que les méthodes modernes d'administration impliquent la collecte d'un plus grand nombre de renseignements et que les techniques de gestion ont des répercussions sur la vie privée. Néanmoins, les ministères n'ont aucunement l'obligation de nous consulter.
Le président: Je m'excuse, monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président. Monsieur Phillips, je veux vous remercier pour l'exposé que vous nous avez présenté ce matin. Je trouve que votre service joue un rôle primordial.
Le gouvernement serait sage de vous consulter chaque fois qu'il est question d'obtenir des renseignements personnels pour l'exercice d'un droit ou d'un privilège des Canadiens. Ainsi, il bénéficierait de votre expertise et de votre expérience pour pouvoir agir sans porter atteinte aux droits des citoyens canadiens.
Personnellement, je suis préoccupé par le paragraphe 5(2) de la loi même. C'est celui en vertu duquel le contrôleur des armes à feu, ou le préposé provincial aux armes à feu qui est le contrôleur au sens de la loi, tient compte «pour l'application du paragraphe (1), [...] pour les cinq ans précédant la date de la demande, des éléments suivants» et vient ensuite une énumération des considérations.
La première, ce sont les déclarations de culpabilité ou absolutions en vertu de divers articles du Code criminel. À mon sens, il n'y a pas de problème, car s'il y a eu une condamnation, c'est parce que la preuve était suffisante. Un tribunal, une instance compétente a soupesé la preuve et rendu son jugement.
L'alinéa 5(2)b) se lit comme suit:
- qu'il ait été interné ou non, il a été traité, notamment dans un hôpital, un institut pour malades
mentaux ou une clinique psychiatrique, pour une maladie mentale caractérisée par la menace, la
tentative ou l'usage de violence contre lui-même ou autrui;
Disons que ça ouvrira la voie à des abus dont vous parlez dans votre mémoire. Ça pourra être des rumeurs, des commérages, de la méchanceté ou encore quelqu'un qui veut se venger. Autrement dit, l'alinéa demande au contrôleur des armes à feu de tenir compte des éléments indiqués à l'alinéa 5(2)b) concernant la maladie mentale sans lui donner le pouvoir d'aller jusqu'à examiner effectivement les conclusions du médecin, les traitements donnés et les résultats de ces traitements.
Est-ce que ça vous inquiète?
M. Phillips: Je vais tenter de vous répondre de mon mieux, monsieur Ramsay. Si je ne m'abuse, comme j'ai lu le compte rendu des témoignages entendus aux séances antérieures du comité, la question a été soulevée à une autre occasion. Je pense que les fonctionnaires du ministère de la Justice qui comparaissaient cette fois-là ont admis que la disposition ne conférait pas aux contrôleurs le pouvoir d'examiner des dossiers médicaux confidentiels.
Il y a eu toute une discussion sur la nature des renseignements que ces personnes recueillent. Il est ressorti assez clairement de cette discussion - du moins pour moi - que la collecte de renseignements avait une dimension heureux hasard. Autrement dit, tout ce que le préposé aux armes à feu peut trouver est utilisable, puisque la norme de preuve n'est pas précisée.
Je me rends bien compte que je réponds à votre question d'une manière assez générale, mais je pense que ça renforce l'argument que je vous ai exposé tout à l'heure, à savoir qu'il faudrait définir plus précisément les renseignements à prendre en considération. Les dispositions concernant l'utilisation et la communication de ces renseignements devraient aussi figurer dans le règlement.
Je comprends ce que vous voulez dire, monsieur Ramsay, et je trouve votre observation judicieuse. Vous vous méfiez de la nature très vaste et indéfinie du mode de collecte des renseignements, un processus mal protégé par les règles de droit en matière de vie privée.
Je pense que c'est la meilleure réponse à votre question.
M. Ramsay: Ce sujet me préoccupe énormément. Certains des événements au Canada qui, selon moi, ont précipité la présentation de ce projet de loi et peut-être même du projet de loi C-17, ont été causés par des gens qui étaient manifestement déséquilibrés. Personne parmi les membres du comité ou les gens avec lesquels j'en ai discuté ne veut qu'un être atteint d'une maladie mentale ou ayant déjà souffert d'une maladie mentale dans le passé... Ça entraînerait toutes sortes d'atrocités comme celles déjà commises avec des armes à feu, que ce soit le massacre de Montréal ou celui plus récent de la Colombie-Britannique. Pourtant, le contrôleur des armes à feu a les mains liées et le médecin aussi, dans une certaine mesure, même s'il sait que le patient qu'il est en train d'examiner souffre d'une maladie mentale susceptible de le pousser à la violence et est en possession d'armes à feu. Il ne pourra pas transmettre ces renseignements aux autorités.
D'une part, à cause de l'obligation de protéger la vie privée, les médecins seront incapables de coopérer avec les autorités pour s'assurer que des armes à feu ne se retrouvent pas entre les mains d'individus qui ne devraient pas en avoir. D'autre part, les contrôleurs des armes à feu iront à contresens, glanant les bribes de renseignements qui leur seront disponibles. Ils ne pourront pas obtenir les dossiers ni demander des renseignements aux médecins lorsqu'ils voudront confirmer la décision qu'ils auront prise. C'est pourtant une décision vraiment cruciale.
C'est un peu paradoxal. Je pense que c'est une anomalie, puisque d'une part on ne devrait pas délivrer des permis aux malades mentaux et, d'autre part, le contrôleur des armes à feu n'a pas accès aux dossiers mêmes qui permettraient de confirmer l'existence ou l'inexistence de problèmes et donner l'occasion... Les médecins devraient peut-être demander si la personne est sujette à des accès de violence, s'il existe un risque. Seul le médecin, probablement, peut prendre cette décision et pourtant, on demande au contrôleur des armes à feu de le faire en se fondant sur des bribes d'informations, voire des commérages pour savoir si une personne a eu une maladie mentale ou si la rumeur veut qu'elle en ait eu une.
Ça ne va pas. Je m'en suis rendu compte tout de suite en lisant le projet de loi. J'ignore comment régler le problème. Avez-vous des suggestions?
M. Phillips: Je ne suis pas certain que vous ayez besoin de mon avis sur la question, monsieur Ramsay. Comme tout le monde, je trouve effectivement qu'un individu qui est aliéné ou qui a une propension à la violence causée par des troubles psychiatriques quelconques ne devrait pas avoir d'armes à feu en sa possession. Aucune personne sensée ne le niera. Je présume que nous sommes d'accord là-dessus.
M. Ramsay: Mais comment l'empêcher...
M. Phillips: La manière dont le contrôleur des armes à feu doit obtenir cette information devrait être énoncée de la façon la plus détaillée possible. Je crois que nous sommes au courant de ce qui s'est dit sur la question lors de réunions antérieures du comité.
J'hésite à vous faire des suggestions sur la façon d'aborder cette question si vaste des règles de confidentialité dans le domaine médical afin que les préposés aux armes à feu puissent obtenir des renseignements plus précis. De façon générale, je pense que tous les renseignements utilisés à cette fin devraient être vérifiables et exacts dans toute la mesure du possible et que la personne qui les recueille devrait avoir à observer des règles bien précises sur l'application, le stockage, l'utilisation et la communication.
Mme Harris a peut-être quelque chose à ajouter.
Me Holly Harris (avocate générale, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada): J'ai l'impression que le pouvoir de réglementation énoncé dans la loi est assez vaste pour qu'il soit prévu dans le règlement que, faute de dispositions protégeant la vie privée, la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels s'appliquera, ou qu'en cas de dispositions incompatibles, la loi fédérale l'emportera. Or, si la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels s'appliquait à la situation dont vous parlez, il se pourrait qu'on soit soumis en l'occurrence à l'obligation de communiquer des renseignements dans l'intérêt public.
M. Ramsay: Merci. Mon tour est fini.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Ramsay.
Monsieur Maloney.
M. Maloney: Merci, monsieur le président.
Vous avez fait allusion à certains ressorts dont les lois en matière de vie privée ne sont pas identiques au régime fédéral ou sont moins efficaces. Savez-vous si ces provinces ont l'intention de modifier leurs lois sur la protection de la vie privée afin qu'elles se rapprochent des lois fédérales?
M. Phillips: À ma connaissance, il n'y a aucune modification imminente, mais je pourrais me tromper. Il semble que le Nouveau-Brunswick envisage actuellement la possibilité d'adopter une nouvelle loi sur la protection de la vie privée qui sera meilleure que les lois actuelles, s'il suit les recommandations que j'ai présentées à son comité législatif lors de ma comparution. Je n'ai entendu parler d'aucun projet comparable dans les autres provinces. Je crois d'ailleurs que c'est la seule province qui n'a pas encore de loi dans le domaine et qui envisage actuellement une loi plus complète sur la vie privée.
M. Maloney: Est-ce que les commissaires à la vie privée fédéral et provinciaux se réunissent de temps en temps? Discutent-ils de ces questions ou pourraient-ils le faire?
M. Phillips: Oui, nous avons notre téléphone arabe qui est assez occupé. Nous nous rencontrons une ou deux fois par année pour discuter de problèmes comme celui-là, surtout lorsqu'ils font intervenir les deux ordres de gouvernement. Par exemple, nous avons discuté à plusieurs reprises du système du CIPC. Bref, nous discutons passablement entre nous.
M. Maloney: Est-ce une question que le ministre fédéral de la Justice et le solliciteur général devraient soulever lorsqu'ils rencontreront leurs homologues provinciaux?
M. Phillips: Je crois qu'ils le font déjà. Il faudrait leur demander plus de détails, mais les sous-ministres se sont certainement réunis plus d'une fois pour discuter de problèmes de protection de la vie privée relevant d'un champ de compétence mixte. Je pense par exemple à la question de l'identification publique des personnes ayant été déclarées coupables d'un comportement criminel violent, un sujet dont on parle beaucoup ces temps-ci. Les sous-ministres se sont réunis dans l'espoir d'arriver au moins à établir une procédure uniforme pour la gestion de ce type de problème.
M. Maloney: Si toutes les provinces, les territoires et le fédéral avaient un régime commun ou semblable, est-ce que vous auriez moins de réserves au sujet de cette loi?
M. Phillips: Oui, à la condition que toutes les provinces concernées aient une loi renfermant en essence les mêmes dispositions que la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et garantissant aux gens le droit d'avoir accès à leurs dossiers, sous réserve de certaines exceptions expresses et limitées; qu'elle oblige le contrôleur de l'information à protéger la sécurité et la confidentialité et qu'elle impose des restrictions à la divulgation des renseignements sans autorisation. Je crois que ça réglerait bien des problèmes, mais malheureusement, ce n'est pas comme ça en ce moment. Voilà pourquoi tant aux séances antérieures qu'aujourd'hui...
Comme vient de le dire Mme Harris, si les ententes conclues entre le gouvernement fédéral et les autorités provinciales concernées renfermaient au moins une disposition précisant que toute collecte de renseignements est soumise à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels, ou s'il y avait une entente exprimant cet objectif d'une manière ou d'une autre, je crois que nous nous rapprocherions d'une solution. Je n'ai vraiment pas l'impression que tout envoyer en vrac en se croisant les doigts soit la meilleure façon de faire.
M. Maloney: Vous avez suggéré une procédure intermédiaire entre le refus du permis par le contrôleur des armes à feu et l'examen par un juge de la cour provinciale. Il s'agissait d'un comité provisoire quelconque. Croyez-vous que ce soit réalisable par règlement ou faudra-t-il modifier la loi? Avez-vous quelque chose à dire?
M. Phillips: Nous avons eu toute une discussion là-dessus au commissariat. Selon mes conseillers juridiques, il serait préférable de modifier la loi, mais je les ai mis au défi de trouver une solution qui nous éviterait de modifier la loi.
Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Harris?
Me Harris: Il serait sans doute préférable de poser la question aux légistes du ministère de la Justice. Je peux répéter que le pouvoir de réglementation conféré par la loi autoriserait peut-être une telle procédure intermédiaire. Dans le résumé de l'étude d'impact de la réglementation, on mentionne la possibilité qu'un comité consultatif quelconque soit formé, mais j'ignore si on a l'intention de procéder en marge de la loi, sous le régime réglementaire, ou en vertu d'une entente. Peut-être pourrait-on envisager de conclure une entente sur la tenue d'un examen indépendant ou d'un examen intermédiaire.
M. Maloney: Voici ma dernière question. Dans votre exposé, vous avez dit avoir des réserves au sujet de la collecte de renseignements supplémentaires sur les demandeurs si l'on ne tente pas de préciser quels sont ces renseignements. Avez-vous des suggestions concrètes à nous faire?
M. Phillips: «Supplémentaire», en fait, veut dire n'importe quoi. Je ne suis pas à l'aise avec l'idée de donner ainsi carte blanche. Personnellement, je pense qu'il faudrait supprimer cette épithète.
M. Maloney: Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Maloney): Monsieur Kirkby.
M. Kirkby: Merci.
Vous avez parlé d'un problème au sujet des ordonnances d'interdiction qui seraient gardées éternellement dans les fichiers. Quel est ce problème?
M. Phillips: Si une ordonnance judiciaire stipule que l'interdiction sera valide deux ans, par exemple, mais que l'ordonnance reste dans le dossier à perpétuité, cela signifie que la personne visée par l'ordonnance pourra être privée de certains droits trente ou quarante ans plus tard, alors que le problème à l'origine de l'ordonnance aura disparu depuis longtemps et que l'ordonnance aura été exécutée intégralement. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, il me semble que cela revient à transformer une ordonnance de deux, trois ou cinq ans en ordonnance à perpétuité.
M. Kirkby: Nombre de ces ordonnances judiciaires, beaucoup d'ordonnances d'interdiction sont rendues à la suite de condamnations au criminel. Or, ces condamnations figurent dans le casier judiciaire pour la vie, n'est-ce pas?
M. Phillips: Il n'y a pas de réponse simple à cette question. Toutes les réponses se trouvent dans les casiers judiciaires, dans les lois et dans les règlements. En deux mots, on peut dire toutefois que ça dépend énormément de la nature de l'infraction. Certains dossiers sont gardés de trois à dix ans, d'autres restent pour la vie.
M. Kirkby: Voulez-vous dire que toutes les ordonnances d'interdiction devraient être retranchées du dossier une fois arrivées à échéance? Supposons que quelqu'un soit accusé et déclaré coupable d'un crime, par exemple un vol à main armé ou une tentative de meurtre, puis condamné à dix ans de prison, après quoi il demande une autorisation d'acquisition d'armes à feu. Selon l'argument que vous avez utilisé, une fois la peine purgée et la situation problématique disparue... Logiquement, il me semble que les accusations criminelles et l'ordonnance d'interdiction continueront d'être pertinentes même dans l'avenir. Ça ne sera pas déterminant, mais ça pourrait être un facteur susceptible de priver un demandeur de son droit d'obtenir un permis d'armes. Est-ce que ce ne serait pas un facteur...?
M. Phillips: C'est un argument fort judicieux. Ce que nous voulons dire, c'est qu'il faut définir ces affaires avec plus de précision, parce qu'on pourrait trouver des tas d'autres exemples différents. Supposons que vous avez 17 ou 18 ans et que vous avez un casier judiciaire pour un vol mineur. 35 ans, alors que vous êtes devenu un citoyen modèle, bien établi, vous présentez une demande de permis afin de vous acheter une carabine de calibre .22 pour aller à la chasse à la perdrix. Qu'est-ce qui serait acceptable dans les circonstances? Voilà pourquoi je pense qu'il faut préciser quels types d'ordonnances judiciaires à prendre en considération, pendant combien de temps et pour quelles infractions, au lieu d'imposer une règle générale sans faire de distinction.
M. Kirkby: Mais ne croyez-vous pas que n'importe quelle condamnation ou n'importe quelle ordonnance interdisant de posséder des armes à feu est pertinente, non comme élément déterminant mais comme facteur dont le préposé aux armes à feu doit tenir compte? Je peux très bien imaginer qu'un jeune de 16 ans se voit imposer une ordonnance d'interdiction et que, rendu à 40 ans, il ait une vie où tout tourne rond et qui ne justifie pas de tenir compte de l'ordonnance. Il obtient donc son permis d'armes à feu mais, par la suite, ça va de travers; il fait quelque chose de mal. La première recommandation à l'issue de l'enquête du coroner, ce sera de garder les ordonnances d'interdiction dans les dossiers, n'est-ce pas? C'est immanquable.
M. Phillips: Je pense n'avoir rien à ajouter aux observations que j'ai faites plus tôt. Je suis certain qu'il y a un juste milieu.
M. Kirkby: D'accord.
Vous avez mentionné le risque que des renseignements faux ou calomnieux soient présentés au contrôleur des armes à feu et entraînent le refus d'un permis. S'il y a appel de la décision devant un juge de la cour provinciale et que les mêmes renseignements faux sont présentés par un témoin assermenté, n'aura-t-on pas un recours comme cela arrive quand de graves allégations fausses sont faites contre un accusé dans un procès criminel? N'est-il pas possible d'accuser l'auteur des allégations mensongères de méfait ou quelque chose du genre? Pourquoi serait-il nécessaire de prévoir des critères différents?
M. Phillips: Je crois que ce n'est pas ça qui est visé. Tout d'abord, la réponse dépend de la nature de l'examen lui-même. S'il s'agit simplement que le juge de la cour provinciale demande au contrôleur des armes à feu de présenter au tribunal les renseignements qui ont motivé sa décision, sans que des témoins soient convoqués et donc sans qu'il y ait contre-interrogatoire, ça ne règle pas le problème.
En outre, le fait de produire tous ces renseignements à une audience publique d'un tribunal signifie qu'on aura porté atteinte à la vie privée avant même que la véracité des renseignements ait pu être appréciée.
Je fais ces observations - et je suis certain que d'autres viendront après moi faire valoir les mêmes arguments - en présumant que le degré de responsabilité des contrôleurs des armes à feu sera fixé par ceux qui les nommeront. Selon moi, ça ne suffit pas pour justifier un pouvoir aussi vaste et un tel manque de protection.
Il faut toujours agir en présumant que les gens en cause sont de bonne foi, mais ça ne veut pas dire qu'il faut nier la nécessité de prévoir dans les règlements des obligations beaucoup plus précises pour ceux qui se chargent de recueillir les renseignements et ceux qui les utilisent.
M. Kirkby: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Ramsay, second tour.
M. Ramsay: Je n'ai qu'une question à ce propos. Je comprends vos commentaires et votre prudence dans ce domaine. Si les citoyens canadiens n'ont aucun moyen pour se défendre contre des conclusions fausses et erronées, exposées dans des documents gouvernementaux qui ont un effet sur eux, nous avons un pied sur une pente savonneuse.
Plusieurs personnes sont venues me trouver pour discuter précisément du problème, au niveau tant provincial que fédéral. Pour une raison ou pour une autre, il y a quelque chose dans des dossiers du gouvernement qui fait qu'à un moment donné, ces personnes se heurtent à un mur. Elles ignorent ce que c'est et elles n'ont pas accès au dossier afin de pouvoir se défendre. Elles finissent par entendre dire entre les branches de quoi il s'agit et c'est alors qu'elles se tournent vers leur député fédéral ou provincial pour qu'il fasse quelque chose.
Si on ouvre la voie un peu plus largement à de telles situations, où des gens sont faussement accusés, où des conclusions erronées sont tirées sur leur moralité alors qu'il leur est tout à fait impossible de se défendre...
Je pense à un cas récent - et je vais m'abstenir de donner des détails - qui s'est terminé par un règlement à l'amiable en vertu de ce même principe. Il est possible que des renseignements erronés se retrouvent dans des documents gouvernementaux et qu'ils mènent à des conclusions et à des affirmations fausses sur la moralité des gens. S'il leur est impossible de se défendre contre ces... Comme vous dites, même si l'on peut se défendre, le mal est fait, uniquement à cause de la présence de ces renseignements et des conclusions auxquelles un fonctionnaire est arrivé.
J'ai donc certaines inquiétudes à ce sujet. Je tenais simplement à ce que ça figure dans le compte rendu. Je veux vous remercier d'avoir abordé la question dans votre exposé aujourd'hui, monsieur Phillips.
M. Phillips: Merci, monsieur Ramsay.
Cette fois encore, je n'ai pas d'observations particulières à faire à la suite de cette déclaration, si ce n'est rappeler que la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels est la solution qu'ont choisie les législatures et gouvernements précédents pour régler ce type de problème. C'est une tentative, et assez heureuse dans l'ensemble, d'établir en droit les droits que possèdent les citoyens de voir les renseignements que le gouvernement fédéral détient sur eux dans ses dossiers. On leur a fourni un moyen d'avoir accès aux renseignements et d'apporter des corrections au besoin, en établissant les règles que doit suivre le gouvernement lorsqu'il utilise et communique ces renseignements. La loi ne confère aucun droit absolu, parce qu'il y a certains types de renseignements que le gouvernement et le Parlement ont convenu de ne pas divulguer aux gens qui demandent à les voir, par exemple les renseignements concernant la sécurité nationale et certains renseignements policiers. Quand on fait enquête sur un cambriolage dans une banque, on ne va évidemment pas révéler au principal suspect où en est l'enquête. Néanmoins, certains droits généraux ont été établis.
Ce que je veux dire, c'est que ces droits qui seront conférés par les règlements sur les armes à feu, dans la mesure où les renseignements relèvent de l'organisme fédéral... Je voudrais être certain que ces mêmes droits s'appliquent pour tous les renseignements recueillis par le système entier de contrôle des armes à feu et le régime d'enregistrement. Ce qui est prévu actuellement, c'est l'observation et le reflet d'une partie seulement des droits de la population et c'est loin d'être suffisant.
Le président: Madame Whelan.
Mme Whelan: Monsieur Phillips, je vous suis reconnaissante des observations que vous avez faites ce matin. Je dois avouer que je suis profondément troublée par certaines des questions que vous soulevez, notamment le pouvoir discrétionnaire que posséderont les personnes chargées de délivrer les permis et l'absence de lignes directrices à ce sujet.
Je vais vous présenter un cas vécu. J'espérais, avant le projet de loi C-68, que le problème aurait été corrigé par la loi et les règlements. Un monsieur de ma circonscription a demandé un permis de possession d'une arme de poing dans le but de devenir membre d'un club de tir, mais on le lui a refusé à cause de quelque chose qui s'était passé trente ans plus tôt. Ça avait un rapport avec le monsieur qui avait été son témoin à son mariage. Il avait fait partie d'un club de motards trente ans plus tôt.
Ce même monsieur à qui on a refusé le droit de se joindre à un club de tir et qui avait déjà possédé une arme de poing auparavant, donne des cours de moto aux policiers. Il leur apprend à les conduire. Les policiers lui confient leur vie mais ils se méfient de sa capacité de faire partie d'un club de tir.
Il n'avait aucun recours. La seule solution pour lui, c'était de présenter une nouvelle demande ou encore de prendre un recours judiciaire et de tout exposer publiquement, mais comme ça aurait pris deux ans et beaucoup d'argent, il a préféré s'abstenir.
À l'époque, son histoire m'a inquiétée et j'en ai discuté avec des fonctionnaires de la Justice, parce que je croyais qu'il devait bien exister une procédure de révision quelconque. C'est très suggestif. C'est le fonctionnaire qui a le dossier sous les yeux qui tranchent.
En toute déférence pour M. Kirkby, l'idée de permettre que de tels renseignements restent dans les dossiers personnels pendant trente ou quarante ans, selon le type de crime commis évidemment, m'effraie. Il y a des dispositions qui permettent à certains dossiers d'être... Je n'ose pas dire effacés, mais c'est ce qui se produit. Au bout de cinq ans, on a le droit de demander que son dossier soit blanchi, pour certains types d'actes criminels, conformément aux fondements mêmes de notre système de droit. On croit à la rééducation. Sans ça, notre système judiciaire n'a plus sa raison d'être et aussi bien dire qu'il n'existe plus.
Il y a des députés fédéraux qui ont le pouvoir de signer une attestation d'acquisition mais qui n'y ont pas droit eux-mêmes. C'est un peu ridicule, à 30 ou 40 ans, de se faire tenir rigueur de quelque chose qu'on a fait à l'âge de 18 ou 19 ans.
Je suis effrayée à l'idée que deux provinces n'aient pas de lois pour protéger la vie privée. J'ai toujours affirmé aux Canadiens que ces renseignements resteraient confidentiels et ne seraient utilisés que par les autorités pour s'assurer que les lois sont respectées.
Pourtant, d'après ce que vous dites, l'Île-du-Prince-Édouard et les Territoires du Nord-Ouest n'ont aucune loi établissant la manière de stocker et d'utiliser ces renseignements.
M. Phillips: Ce sera laissé à l'entière discrétion des gens qui détiendront les renseignements.
Mme Whelan: Au sujet d'un tribunal d'appel indépendant ou d'une forme d'examen quelconque - il y en a un pour le Régime de pensions du Canada et un autre pour l'assurance-emploi - , y a-t-il eu des discussions entre votre commissariat et le gouvernement?
M. Phillips: Non. Je dois avouer que nous présentons cette suggestion au comité pour la première fois et il se peut fort bien qu'elle découle de mon interprétation des témoignages et des discussions auxquelles vous avez participé.
Mon raisonnement est très simple. Je crois que dans un cas pareil, quand on tente d'apprécier la véracité d'un grand nombre de renseignements dont certains peuvent avoir été obtenus par des moyens non conventionnels et ne pas avoir été soumis aux critères probatoires habituels qu'applique le tribunal, deux têtes valent mieux qu'une. De plus, tout comme l'a découvert votre électeur, il faut trouver une procédure d'examen de la décision contestée qui, premièrement, n'oblige pas à dévoiler publiquement tous les renseignements et, deuxièmement, n'oblige pas l'appelant à supporter une procédure judiciaire difficile, longue et dispendieuse.
Il pourrait donc y avoir une sorte de processus d'examen intermédiaire, quelque chose comme un ombudsman qui reverrait le dossier ou un petit comité qui ne coûterait pas cher, qui ne prendrait pas trop de temps et qui examinerait l'affaire avec le bon sens des gens responsables et dignes de confiance. Je ne propose rien d'autre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Phillips. Merci, madame Whelan.
Je veux vous remercier, monsieur, d'avoir bien voulu comparaître une nouvelle fois devant notre comité, bien que ce soit en fait un sous-comité du comité permanent. Votre coopération, comme celle de vos collaborateurs, est toujours vivement appréciée. Merci encore. Vous avez fait des observations très pertinentes et je suis certain que nous allons y réfléchir attentivement.
Malheureusement, je ne serai pas là pour l'interrogation des fonctionnaires. Je vais céder le fauteuil présidentiel à M. Maloney. Je dois retourner dans ma circonscription où il est survenu quelque chose. Je tiens néanmoins à vous remercier, monsieur, d'être venu ici.
Je vais suspendre la séance le temps de nous préparer à accueillir les fonctionnaires du ministère de la Justice, nos prochains témoins.