[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 mars 1997
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.)): Bonjour tout le monde. Bienvenue au comité.
André, veuillez présenter vos collaborateurs. Nous aurons des questions et à vous poser une fois que vous aurez terminé votre exposé, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
M. André Juneau (sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques et de la consultation, ministère de la Santé): Merci, madame la présidente.
Je suis accompagné de Phyllis Colvin, directrice de la politique de la santé de notre ministère, et de Susan Zimmerman, la représentante du ministère de la Justice qui travaille en fait aux Services juridiques de Santé Canada.
J'aimerais faire quelques observations avant de commenter brièvement les dispositions du projet de loi à l'intention du comité et de répondre ensuite aux questions. Nous sommes à votre disposition.
Le projet de loi C-47, Loi concernant les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique, interdit le recours aux techniques de reproduction et de manipulation génétique que les Canadiens considèrent moralement et socialement inacceptables. L'objectif primordial de Santé Canada est de préserver la santé et la sécurité des Canadiens. Nous voudrions aussi assurer le traitement convenable des éléments et produits du corps humain servant à la reproduction et protéger la dignité et la sécurité de toute personne, particulièrement les femmes et les enfants.
Le projet de loi interdit les utilisations dangereuses et contraires à la morale des techniques de reproduction et de manipulation génétique, mais il prépare le terrain pour l'instauration de règlements qui porteront sur les pratiques acceptables en ce domaine. En l'absence de législation, ces techniques prolifèrent dans le vide juridique, mettant en danger la santé et le bien-être des particuliers et des familles ainsi que des générations futures.
Les Canadiens l'ont dit au gouvernement, comme ils l'ont dit à la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction: ils souhaitent que les autorités fédérales gèrent les nouvelles techniques de reproduction d'une manière qui protège ceux qui risquent d'être le plus exposés, qui reflète nos valeurs collectives et qui nous prépare à affronter les enjeux du XXIe siècle. Les Canadiens souhaitent que les pratiques contraires à la morale soient bannies par la loi, et c'est ce que fait le gouvernement.
La constitution divise les compétences en matière de santé entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Le gouvernement fédéral a la faculté d'adopter des lois quand la santé et la sécurité publique sont concernées ou pour préserver la paix, l'ordre, la sécurité et la moralité. Le projet de loi qui nous occupe s'inscrit parfaitement dans la tradition canadienne de recourir au droit criminel pour protéger la santé des Canadiens, leur sécurité et leurs valeurs. La plupart des lois canadiennes concernant la santé, telles que la Loi réglementant les produits du tabac et la Loi sur les stupéfiants, s'appuient sur ce recours au droit criminel, et les tribunaux les ont reconnues comme des instruments valides de l'autorité du gouvernement fédéral.
Le gouvernement fédéral considère qu'il est de son devoir d'établir les paramètres fondamentaux en matière de santé, de sécurité et de moralité publique auxquels peuvent se référer les Canadiens, peu importe où ils habitent. Afin que les Canadiens jouissent d'une protection satisfaisante au plan des techniques de reproduction ou de manipulation génétique, il faut que, dans tout le Canada, on interdise ou on autorise les mêmes pratiques et que l'on applique les mêmes mesures de sécurité.
Comme c'est toujours le cas en matière de législation pénale, les provinces auront la possibilité, si elles le souhaitent, de jouer un grand rôle dans les poursuites engagées à la suite des infractions décrites dans ce projet de loi. De fait, des législations provinciales parallèles dans ce domaine seraient fort opportunes. Même si plusieurs provinces devaient adopter de telles lois, cela ne réduirait toutefois en rien la nécessité d'adopter une loi fédérale garantissant que, nulle part au Canada, le recours à ces techniques puisse ne pas être réglementé. De toute façon, c'est parler d'un scénario hypothétique, puisque jusqu'à présent, aucune province ne dispose d'une législation complète relative à ces techniques.
[Translation]
Les lois fédérales sur les nouvelles techniques de reproduction et de génie génétique sont valides sur le plan constitutionnel et sur le plan éthique. Ces nouvelles techniques peuvent affecter tous les Canadiens aujourd'hui comme à l'avenir, peu importe où ils habitent au pays. La création d'une vie humaine soulève des questions sociales, morales, éthiques, économiques et juridiques fondamentales. Elles sont trop graves pour qu'on se contente de les trancher de façon fragmentaire au niveau de chaque province. Nous ne voudrions pas que le tourisme entre provinces se transforme en tourisme de la reproduction.
Le Canada n'est pas le seul État à se servir de son pouvoir de légiférer en droit criminel pour interdire les usages inacceptables des nouvelles techniques de reproduction et de manipulation génétique. Le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France ont des lois semblables. Le projet de loi C-47 suit une tendance observée à l'échelle mondiale, soit la volonté de la société de mener la technologie pour ne pas être menée par elle. Ce texte de loi traite de crimes uniques et interreliés, mettant en cause des techniques qui les distinguent des autres crimes. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de créer une loi distincte plutôt que d'ajouter des interdictions dans des loi existantes. Quand cette loi sera en vigueur, si le Parlement l'adopte, les Canadiens auront l'assurance d'être protégés contre les usages de la technologie qui ne sont ni sûrs ni conformes à l'éthique.
Les pratiques qui portent atteinte à la dignité humaine et qui traitent les femmes, les enfants et les éléments ou produits servant à la reproduction comme de simples objets seront illégales partout au Canada. Le gouvernement sera alors en mesure de poursuivre son projet d'adopter une réglementation pour veiller à ce que les techniques jugées acceptables sur le plan éthique soient appliquées de façon sûre et efficace.
[Traduction]
Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'ignorer les profonds dilemmes que font naître les nouvelles techniques de reproduction et de manipulation génétique. La rapidité avec laquelle ces techniques peuvent évoluer est illustrée par le récent clonage d'un mouton adulte, clonage qui a produit le mouton communément connu sous le nom de Dolly et qui a focalisé l'attention du monde entier sur la possibilité de clonage des êtres humains.
Pour des raisons qui sont évidentes pour la grande majorité des Canadiens, le clonage des êtres humains est inacceptable d'un point de vue éthique, et ce projet de loi s'attaque directement à la question en interdisant la création d'un clone humain.
En juillet 1995, le gouvernement fédéral a imposé un moratoire sur ce genre d'activité, et le président Clinton vient tout juste de faire la même chose aux États-Unis. Le gouvernement canadien passe maintenant au stade de l'interdiction par voie législative. Certains avaient jugé une telle protection légale inutile. La naissance de Dolly démontre exactement pourquoi, au contraire, elle est nécessaire.
Cependant, à cause de l'affaire Dolly et parce que d'autres questions touchant la recherche sur les embryons humains sont jugées préoccupantes, le sous-ministre a écrit au président du Comité consultatif sur le moratoire provisoire de Santé Canada pour lui demander que le comité se concentre tout particulièrement sur les problèmes découlant de la recherche sur les embryons humains. Le comité consultatif aidera ainsi le sous- ministre et le ministère et, par leur intermédiaire, le ministre à formuler une politique dans ce domaine.
Ce projet de loi s'appuie sur une longue réflexion nourrie de l'avis d'experts dans tous les domaines touchant les techniques concernées. La Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction a ouvert ses travaux par de vastes consultations impliquant plus de 40 000 Canadiens, a compulsé 13 volumes de projets de recherche et a formulé 293 recommandations dans son rapport final.
Le gouvernement fédéral a examiné les travaux de la Commission et a procédé à des consultations auprès de quelque 50 groupes concernés et des 12 gouvernements provinciaux et territoriaux. Le Comité consultatif sur les nouvelles techniques de reproduction et de manipulation génétique, ainsi que le groupe de recherche sur les embryons, ont apporté une précieuse contribution à nos travaux.
Nous savons, comme vous, que l'unanimité est impossible compte tenu de la résonnance émotive de ces questions. Toutefois, vu la valeur probante des éléments de preuve qui ont été accumulés grâce aux initiatives que j'ai décrites, il est possible - en fait, nécessaire, selon nous - d'agir en fonction des concordances de vues qui sont ressorties des innombrables sondages que nous avons effectués pour nous prévaloir des opinions d'experts canadiens et internationaux.
Je dirais, pour conclure, que je ne doute pas que les membres du comité examineront le projet de loi avec beaucoup d'application. Quant à nous, les fonctionnaires de Santé Canada, nous nous efforcerons de vous aider du mieux que nous pouvons.
Je vous remercie de votre attention.
Si vous n'y voyez pas d'objection, madame la présidente, mes collaborateurs pourraient maintenant vous indiquer brièvement quelle est la structure du projet de loi et vous résumer ses principales dispositions.
La présidente: Si tout le monde est d'accord, je n'y vois pas d'inconvénient.
Mme Phyllis Colvin (directrice par intérim, Direction de l'information et de la politique de la santé, Direction générale des politiques et de la consultation, ministère de la Santé): Comme fil conducteur, on pourrait peut-être prendre le tableau qui se trouve à la fin du projet de loi sous le titre «Table analytique». C'est la dernière page de la version officielle de la loi, dont il constitue un très court récapitulatif, y compris, naturellement, le titre.
Mme Susan Zimmerman (conseillère juridique, ministère de la santé): Nous espérons, naturellement, que les choses changent pendant la période de transition et que les donneurs s'habituent à ne plus être payés.
Le projet de loi donne la définition des diverses techniques en cause, des parties prenantes et des différents aspects des techniques sur lesquelles il porte. Pour ce qui est de l'objet du projet de loi, il est très important de préciser, entre autres, qu'il y a, en gros, deux catégories de techniques, celles qui sont interdites en vertu de cette législation et celles qui sont considérées acceptables dans un cadre réglementaire.
Le projet de loi C-47 porte sur les premières, et nous allons bien sûr prendre des dispositions en ce qui concerne les autres, comme cela a été indiqué dans le document de travail sur le projet de réglementation récemment rendu public par le gouvernement.
En ce qui a trait à l'interdiction des techniques inacceptables, le projet de loi présente, dans leurs grandes lignes, ce que seraient les actes prohibés. Il mentionne spécifiquement la rétribution des mères porteuses, l'achat et la vente, notamment de cellules sexuelles, et l'utilisation d'un ovule sans consentement. Il passe ensuite aux divers articles se rapportant au contrôle d'application: infraction et peine, avis aux autorités intéressées, ordonnance, consentement du procureur général, inspecteurs et analystes qui seraient impliqués dans le processus d'application et règlements susceptibles d'être élaborés à partir de cette mesure législative.
En ce qui a trait aux principaux actes prohibés, ce projet de loi traite - entre autres et pas nécessairement dans l'ordre suivant - de pratiques comme le choix du sexe, le clonage, la formation d'hybrides animal-humain et le traitement des cellules sexuelles sur le plan de l'aspect commercial de ces opérations et du point de vue de la recherche, puisque plusieurs dispositions se rapportent à la dynamique des travaux de recherche. Parmi les principaux domaines d'intérêt, on peut citer la recherche sur les embryons passé le 14e jour, de même que la création d'embryons aux seules fins de recherche, l'interdiction de la vente d'ovules, de sperme et d'embryons et les propositions relatives à la fourniture ou à l'achat de services interdits. En outre, le projet de loi porte sur d'autres aspects inusités des techniques: l'ectogenèse et la modification génétique de cellules germinales. Un des autres sujets très importants qui est également abordé dans le projet de loi est le consentement éclairé; en effet, nous devons nous assurer que les techniques, plus précisément les éléments ou produits du corps humain sur lesquels elles portent, sont respectées et utilisées dans le cadre d'une procédure de consentement éclairé.
Tel est l'essentiel du projet de loi. Nous sommes maintenant prêts, je pense, à répondre aux questions.
La présidente: Madame, avez-vous des questions?
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur Juneau, le projet de loi C-47 s'accompagne d'un projet réglementaire. Ce volet prévoyait modifier le projet C-47 pour fixer un cadre à d'autres techniques qu'on ne peut seulement interdire. Où en est la préparation de cette réglementation? Est-ce que vous y travaillez présentement?
M. Juneau: Oui, nous y travaillons présentement.
Mme Pauline Picard: Qu'arriverait-il au projet de loi C-47 si des élections étaient déclenchées d'ici la fin avril pour le début juin? Est-ce que le projet de loi serait mis sur les tablettes? Est-ce qu'on recommencerait à nouveau?
M. Juneau: Ce n'est pas nécessairement convenable, madame Picard, pour un fonctionnaire de faire des commentaires sur la possibilité qu'on déclenche des élections et sur ce qui arrivera au projet de loi.
Mme Pauline Picard: Vous me dites que vous y travaillez présentement. Je pense qu'il est urgent qu'on agisse dans les semaines qui vont venir. Nous savons très bien que dans la situation politique où on se trouve, ce genre de projet reste habituellement en plan au Feuilleton à la dissolution du Parlement. C'est parce que c'est urgent que je vous demandais où en est la réglementation et si vous y travaillez présentement. Aurons-nous bientôt quelque chose à ce volet?
M. Juneau: Comme vous le savez, le gouvernement juge qu'il est urgent d'adopter le projet de loi C-47 qu'étudie votre sous-comité. En ce qui concerne le projet réglementaire, à la lumière de notre connaissance du dossier, il serait naturellement souhaitable qu'il soit également adopté le plus rapidement possible. Le dépôt d'un projet de loi relève des décisions du gouvernement plutôt que des miennes. Par conséquent, ce n'est pas moi qui vais annoncer ce qui va se produire à cet égard. Si vous me demandez s'il est souhaitable que l'autre projet de loi suive rapidement l'adoption du premier, je vous répondrai oui.
Mme Pauline Picard: Dernièrement, nous avons vu l'apparition de Dolly. Savez-vous si ce genre de recherche sur le clonage existe actuellement au Canada? Ce genre de clonage peut-il être effectué par nos scientifiques et apparaître dans nos laboratoires scientifiques? Est-ce qu'on effectue une surveillance? Quel genre de suivi fait-on auprès de nos scientifiques pour ce genre de manipulations génétiques?
M. Juneau: Vous posez une très bonne question et je demanderai à Mme Colvin d'y répondre de façon plus détaillée. Vous soulevez plusieurs questions. À notre connaissance, ce genre de recherche ne se fait pas maintenant.
Cependant, vous posez une question orientée vers l'avenir et vous demandez si on effectue une certaine surveillance. Dans notre esprit, tous ces éléments ont pour effet de justifier l'importance du projet de loi que nous étudions et le prochain projet de loi. Je cède la parole à Mme Colvin afin qu'elle vous donne plus de précisions.
[Traduction]
Mme Colvin: Oui, nous avons été continuellement en contact pendant que la loi était en préparation - notamment en ce qui concerne le clonage - avec le Conseil de recherches médicales, lequel est essentiellement l'organe officiel du gouvernement fédéral en matière de recherche médicale. Ses responsables nous ont assurés qu'à leur connaissance, rien de semblable n'avait cours au Canada dans le domaine de la recherche médicale.
Manifestement, on a là un problème lié à l'affaire Dolly qui concerne la recherche animale mais aussi celle qui porte sur les humains; si votre question a trait à la recherche sur les humains, nous avons cette garantie. De fait, nous avons consulté le conseil non seulement à propos du clonage mais également des 13 pratiques couvertes par le projet de loi. Le conseil a sondé les milieux de la recherche et nous a assurés que les dispositions concernant les 13 pratiques énoncées dans cette mesure législative sont respectées à l'heure actuelle.
[Français]
Mme Pauline Picard: J'ai remarqué que dans le projet de loi qui a été déposé, on ne fait pas allusion à la recherche au niveau de l'infertilité chez les femmes. On pousse plutôt l'action en reconnaissant qu'il est nécessaire de légiférer au niveau de certaines pratiques qui sont tout à fait inacceptables. Au niveau médical, au lieu de chercher des moyens de procréation assistée en laboratoire, on aurait pu chercher des moyens de guérir l'infertilité chez les femmes et d'en identifier les causes. Pouvons-nous nous attendre à ce qu'à un moment donné, on nous suggère de mener une étude pour trouver les causes de l'infertilité de plus en plus fréquente, particulièrement chez les jeunes femmes de cette génération?
M. Juneau: Tout comme la commission royale d'enquête menée par la Dre Patricia Baird, nous avons beaucoup réfléchi à cette question. Il est évident que le projet de loi ne touche pas à ces questions puisqu'il vise à prohiber et à interdire certaines pratiques. Il n'aurait pas été un bon endroit pour parler du genre de recherche très importante dont vous parlez.
On a réfléchi et on a travaillé à des documents dont Phyllis peut vous parler.
[Traduction]
Mme Colvin: La politique relative aux techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique a plusieurs composantes et, vous avez tout à fait raison, l'une des principales cibles de l'action gouvernementale est l'infertilité. La question de la fertilité peut bien sûr être abordée de bien des façons.
Le gouvernement a choisi une approche non législative. Il collabore actuellement avec les provinces à l'élaboration d'un plan cadre relatif à la santé sexuelle et génétique dont les Canadiens pourront bientôt se prévaloir et qui sera rendu public, soit sous la forme d'un document, soit par le biais de communiqués officiels.
La mise au point de ce plan cadre est manifestement une tâche complexe, car les provinces sont impliquées à chaque stade du processus destiné à régler cette question, et le besoin se fait sentir d'informer les Canadiens et de leur donner plus de renseignements sur les diverses options dont ils disposent au plan de l'infertilité.
Pour ce qui concerne les techniques, celles qui sont efficaces et utiles et qui se prêtent à la correction des problèmes d'infertilité, elles seront bien sûr prises en compte dans le projet de réglementation. Mais il y a beaucoup de problèmes d'infertilité qui peuvent être traités autrement, notamment par le système de santé publique ordinaire. Telle est la portée et l'objet du plan cadre que nous mettons au point à l'heure actuelle avec les provinces.
La présidente: Madame Parrish.
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci.
Je ne sais pas si cela m'a échappé, s'il n'en est pas question dans le projet de loi ou si cela fera surface dans les règlements, mais... d'abord, je pense que c'est un projet de loi très équilibré. À mon avis, il protège les droits de ceux qui veulent continuer d'utiliser certaines des techniques qui ont cours depuis déjà quelque temps, sans nous laisser nous aventurer pour autant dans des voies nouvelles qui effraient beaucoup les religions et un grand nombre de gens au Canada.
J'ai reçu plusieurs délégations qui m'ont fait remarquer qu'il y avait des registres d'adoption au Canada. Si vous adoptez un enfant, vous pouvez vous informer sur ses antécédents médicaux et ceux de sa famille. J'ai noté qu'un donneur doit consentir à ce que son sperme soit utilisé, mais il ne semble pas qu'il y ait de registre ou d'informations quelconques qui soient automatiquement transmises à la mère lorsqu'elle bénéficie d'un don de sperme. Tiendra-t-on compte de cela dans le projet de réglementation ou est-ce quelque chose dont on ne s'occupe pas?
Mme Colvin: Ce sera couvert dans le projet de réglementation. Dans une partie du document de travail portant sur le cadre réglementaire que nous avons publié, nous avons dit explicitement que la question des registres serait abordée. Il existe plusieurs types de registres dans ce domaine.
Manifestement, il pourrait s'avérer avantageux d'avoir des registres afin de connaître le degré de risque que comportent ces techniques. Ce serait utile, par exemple, pour assurer, dans les cas où les gens qui recourent à ces techniques prennent des médicaments, on peut retracer les résultats obtenus. Ce serait particulièrement profitable du point de vue de l'évaluation des résultats et de l'autocorrection du système au cas où cela s'avérerait nécessaire.
En outre, dans notre pays, on semble vouloir, exiger même, plus d'informations sur l'origine de la cellule sexuelle. Déterminer si l'on doit conserver des renseignements signalétiques ou non signalétiques dans de tels registres est une question très complexe sur laquelle nous nous penchons à l'heure actuelle.
Mme Carolyn Parrish: Deuxièmement, j'ai constaté que près de l'endroit où j'habite les cliniques se multipliaient, surtout depuis que les sommes payées aux médecins par l'OHIP font l'objet d'une réglementation. Beaucoup d'entre eux se lancent dans la pratique de ce type de techniques. Mon intention n'est pas de critiquer, mais c'est une excellente façon de gagner de l'argent, en plus de ce qu'assure l'OHIP. Il y a une clinique au coin de ma rue qui est autorisée à procéder à des interventions chirurgicales. Je présume que cela comprend l'implantation d'oeufs fécondés.
Je sais que tous les règlements dont on parle peuvent être appliqués dans les hôpitaux, mais comment peut-on réglementer une clinique comme celle-là? Il faut obtenir un permis, je sais, mais comment va-t-on réglementer une telle clinique et savoir ce qui s'y pratique?
Mme Colvin: La structure de réglementation que l'on envisage permettra effectivement l'agrément de ces cliniques en ce qui concerne la façon dont elles gèrent leurs procédures du point de vue de la santé et de la sécurité. Il existe de nombreuses façons d'administrer et de contrôler l'appareil de la santé, si on peut dire. Nous n'empiétons pas sur les compétences provinciales à cet égard, et donc ce qui a trait aux infrastructures en place, au nombre de cliniques, etc., relèvera des provinces.
La structure de réglementation abordera explicitement l'aspect des procédures utilisées dans ces cliniques qui touche la santé et la sécurité.
Mme Carolyn Parrish: Il faut donc s'attendre à ce que les provinces supervisent nos règlements en la matière?
Mme Colvin: La façon dont le dispositif réglementaire prendra forme reste à déterminer. On va avoir des discussions avec les provinces au fur et à mesure que l'on progresse. Peut-être va-t-on partager les infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre du cadre de réglementation, mais pour l'instant, nous ne pouvons pas nous prononcer.
Mme Carolyn Parrish: Compte tenu du fait que nous progressons à pas de géant pour réglementer tout cela, pensez-vous que ces cliniques privées sont menacées de quelque façon et que ce genre de techniques devraient être rapatriées dans les grands hôpitaux?
Mme Colvin: Ce n'est pas mon impression. Non, je ne pense pas que l'activité des cliniques soit compromise à l'heure actuelle au Canada par la réglementation qui est susceptible d'être mise en place dans quelques mois ou quelques années.
C'est un secteur en développement, dans le monde entier, d'ailleurs. Il faut s'attendre à ce que cette activité s'intensifie. Tout comme il y a quelques années encore, au Canada, c'était un domaine pratiquement vierge en tant qu'activité médicale majeure, nous nous attendons à ce qu'il se développe rapidement, en partie à cause de la demande générée par l'infertilité, mais aussi par suite de la poussée technologique. Une nouvelle technique apparaît pratiquement chaque jour, apportant aux Canadiens de nouveaux avantages dont ils peuvent se prévaloir.
Mme Carolyn Parrish: Ai-je bien compris que vous interdisez la vieille technique qui consistait à mettre du sperme dans une centrifugeuse, si bien que les cellules femelles montaient et les mâles restaient au fond?
Mme Colvin: Il y a plusieurs façons de faire une sélection sexuelle, et la technique dont vous parlez est celle de la sélection sexuelle pré-fécondation. Oui, faire un choix entre garçon ou fille est interdit par la loi parce que nous donnons beaucoup d'importance à l'égalité entre les hommes et les femmes et, évidemment, leurs précurseurs.
Mme Carolyn Parrish: Parfait. Je vous remercie.
La présidente: Je voudrais poser une question. Si ce projet de loi est adopté, est- ce que cela va inciter nos scientifiques à partir à l'étranger? Va-t-on perdre nos meilleurs chercheurs en science médicale à cause de ce projet de loi?
Mme Colvin: J'espère que non. Une des raisons pour lesquelles je considère que la chose est peu probable, c'est que la plupart des pays qui font preuve de responsabilité en ce domaine - j'entends par là la plupart des pays industrialisés - sont en train d'adopter des mesures similaires.
Il y a un nombre extraordinaire de précédents internationaux en la matière. Au cours de la discussion, je peux indiquer quels sont les pays du monde industrialisé qui ont déjà légiféré en ce domaine.
Ils mettent en place les mêmes structures de réglementation et les mêmes interdictions que celles dont nous venons de parler. L'objectif, bien sûr, est de protéger la population au plan de la santé et de la sécurité. Les praticiens et les scientifiques responsables reconnaissent certains des risques associés à ces techniques.
En fait, on pourrait dire, au contraire, que le Canada est plutôt à la traîne par rapport aux autres pays au niveau de la mise en place de structures législatives dans ce domaine. Je pense que nous devons agir, afin de nous assurer que nous sommes aussi protégés que les autres pays qui se sont déjà dotés d'un cadre réglementaire.
La présidente: J'ai une autre question avant de clore ce sujet. Présumons que le projet de loi est adopté. Certaines personnes, d'après ce que j'ai entendu dire, craignent que ceux qui sont payés pour donner leur sperme se retrouvent condamnés à une amende ou à quatre ans de prison. On parle d'une lourde amende de 500 000$.
Y a-t-il un moyen d'assurer, dans le projet de loi, que cela ne se produit pas? Aujourd'hui, on leur verse quelque chose comme 20 à 25$ pour les aider à payer la contravention qu'ils peuvent attraper pendant qu'ils apportent leur contribution, si je peux m'exprimer ainsi. Y a-t-il moyen de ne pas criminaliser de telles activités?
Mme Colvin: En ce qui concerne le don de sperme, le gouvernement reconnaît que la commercialisation de cette pratique est un fait établi dans la société canadienne. Par conséquent, on a décidé qu'en l'occurrence, uniquement en ce qui touche les interdictions, il y aurait une transition de trois ans, pour que les gens qui font don de leur sperme et qui contribuent aux banques de sperme puissent s'adapter au nouveau régime, lequel est de nature non commerciale, comme le précise la loi.
Quant aux conséquences pour les individus, Susan?
Mme Susan Zimmerman (conseillère juridique, ministère de la Santé): Nous espérons bien sûr que, grâce au régime de transition, la pratique évoluera et que les donneurs s'habitueront à ne plus être rémunérés.
Toutefois, à la fin de ce régime transitoire, quand cet article entrera en vigueur, les intéressés encourront-ils des pénalités? Oui, bien sûr. Encourront-ils les pénalités prévues par la loi? Je mettrais les peines maximales de côté. Il est très peu probable que les gens soient condamnés aux amendes ou aux peines de prison maximales prévues pour la vente de sperme. N'oubliez pas que les dispositions de cette loi relatives aux pénalités encourues se rapportent à toutes les activités interdites, de la moins sérieuse à la plus grave, si je peux m'exprimer ainsi.
La présidente: Je sais qu'en ce moment, on leur achète leur sperme. Or, il va falloir qu'il le donne de la même façon que l'on donne son sang, sans être payé. Si nous adoptons ce genre de mesure, pensez-vous que cela devrait prendre la forme d'un projet pilote? Parce que l'on ne veut pas courir le risque de perdre des donneurs qui ne viendront plus parce qu'ils ne reçoivent plus leur 25 ou leur 20$, quelle que soit la somme en cause. Envisagez-vous par conséquent un projet pilote pour voir si le nombre de gens qui donnent leur sperme...?
Mme Colvin: C'est exactement ce à quoi songe le gouvernement, un projet pilote pour mettre en contexte l'instauration d'un système complètement non commercial, volontaire et altruiste.
À l'heure actuelle, la communauté internationale, dans l'ensemble, tend à s'orienter vers les systèmes non commerciaux, mais il faut que nous ayons une meilleure idée des conséquences précises que cela peut avoir sur les dons de sperme.
Le gouvernement s'est engagé, en ce qui concerne la disponibilité de sperme, à ce que la transition d'un système commercial à un système non commercial ne se solde pas par des conséquences fâcheuses. C'est la raison pour laquelle l'idée d'un projet pilote a été soulevée avec les autorités médicales concernées, notamment la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et la Société canadienne de fertilité et d'andrologie. Nous leur avons fait savoir que nous souhaitons procéder à une expérience pilote dans ce domaine.
La présidente: Je vous remercie.
Y a-t-il d'autres questions? Colleen.
Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): J'aimerais aussi parler de la rémunération. Quand il est question de prélever un ovule, je pense que c'est probablement beaucoup plus compliqué et que cela engage beaucoup plus. Je ne saisis pas très bien ce que vous essayez d'accomplir en supprimant totalement ce que l'on peut qualifier de commercialisation, une forme d'indemnisation pour le temps perdu, les dépenses. Je ne comprends pas pourquoi on stipule qu'il n'y aura absolument aucune forme de paiement. On ne parle pas ici d'importants bénéfices. Je pense que c'est ce qui préoccupe bien des gens.
Mme Colvin: C'est un domaine relativement complexe, mais en fait, les montants d'argent qui peuvent être encaissés par un donneur de sperme peuvent être importants. Il y a une échelle des prix. En haut de l'échelle, on parle d'environ 120 $ par don, et en bas, autant que nous puissions en juger d'après les informations dont nous disposons, c'est 20$ par don.
Si l'on se fonde sur ces chiffres, il est difficile de dire exactement s'il s'agit de rembourser une dépense ou d'inciter les gens à faire un don. Par ailleurs, comme c'est une procédure répétitive - autrement dit, souvent, ceux qui donnent leur sperme ne le font pas une seule fois, mais de manière répétée - le système est susceptible, pour certains individus, d'offrir des incitatifs.
Quant aux précédents en ce qui concerne les autres tissus, au Canada, comme vous le savez, on peut dire que nous avons, de façon générale, des systèmes non commerciaux pour le don d'autres tissus, tel que le sang, etc., et quand nous avons parcouru le pays et demandé aux Canadiens leur opinion sur ce sujet, nous avons décelé un fort consensus, une communauté d'idées, quelle que soit l'expression que l'on veuille utiliser, en faveur d'un système essentiellement non commercial pour ce qui est du don de gamètes, car ce sont les éléments de base de la vie.
Elles ne sont pas du même ordre que les autres tissus. Elles sont d'un ordre différent. Elles contribuent à la création de la vie. En fait, vous entendrez sans doute des gens qui viendront témoigner devant le comité arguer que le moratoire a donné un préavis suffisant à l'industrie, si l'on peut dire, que la non-commercialisation est ce que souhaite le Canada et que l'on devrait passer immédiatement à ce régime.
Dans le cas des donneuses d'ovules, nous avons quantité d'informations sur l'impact du don d'ovules sur les femmes impliquées, et c'est pourquoi le projet de loi interdit cette pratique ainsi que sa commercialisation. Mais comme je l'ai dit auparavant, pour le don de sperme, il y a un système en place. Nous avons reconnu qu'un régime de transition est probablement nécessaire et c'est ce que nous allons instaurer.
À mes yeux, il y a une chose très importante: c'est tout ce qui touche la santé et la sécurité. Même si le dépistage aide beaucoup, et même si nous avons donné priorité à la santé et à la sécurité en prescrivant l'analyse du sperme, par exemple, tout n'est pas garanti. Quand les gamètes sont fournies dans des circonstances où il existe certaines formes d'encouragement, il y a de fortes chances, selon les informations que l'on a sur le don d'une variété de tissus, que vous n'obtiendrez pas une information aussi complète que possible sur les antécédents médicaux, génétiques, etc. du donneur.
Nous adoptons une attitude préventive à cet égard dans l'intérêt de la santé des femmes receveuses et dans l'intérêt des enfants qui naîtront de ces techniques.
Mme Colleen Beaumier: Quand vous parlez de demander aux Canadiens ce qu'ils pensent de tout cela et de la commercialisation, parlez-vous de Canadiens infertiles? Je suis sûre que, n'ayant jamais eu aucun problème, je n'ai pas du tout la même attitude que quelqu'un qui serait confronté à ce genre de difficulté. Je ne sais pas si tous les Canadiens comprennent véritablement ce qui est en cause. Le son de cloche que j'entends aujourd'hui n'est pas le même qu'au début, quand j'ai commencé à siéger à ce comité, et je suis sûre que les choses évolueront encore dans l'autre sens avant que le comité ait terminé ses travaux. C'est une de mes questions.
Deuxièmement, vous parliez de l'aspect réglementaire. Voulez-vous dire que la province établira aussi un bureau de réglementation ou un organisme de surveillance, pour s'assurer qu'un donneur ne se retrouve pas être le principal fournisseur dans une région ou dans un endroit quelconque? C'est une idée assez terrifiante. Je suis sûre que ça l'est pour les parents de ces enfants. Quand ils rencontrent d'autres parents avec leurs enfants, ils pourraient se poser des questions sur la relation entre ces enfants et se dire: «Oh, mon Dieu, je me demande si nos enfants sont liés par le sang.»
Mme Colvin: Au sujet des personnes infertiles, nous les avons interrogées dans le cadre de nos consultations. Je ne nierai pas qu'il y a des opinions divergentes au sein de cette communauté ou parmi ceux qui sont concernés par l'infertilité. Bref, nous avons procédé à des sondages d'opinion parmi les personnes infertiles, et un de leurs représentants qui s'intéresse de très près à cette question siège à notre comité consultatif. Le problème est de trouver un équilibre. Je pense que le régime de transition est un pas dans la bonne direction pour assurer que la question pécuniaire que soulève la transition d'un système commercial à un système non commercial est bien gérée.
Pour ce qui est de la réglementation des dons et des liens au niveau de l'approvisionnement, effectivement, cette question a fait surface assez fréquemment. Nous savons que, parmi les gens que les problèmes de fertilité concernent, l'absence d'une réglementation qui encouragerait la diversité au plan de l'approvisionnement en sperme est un sujet d'inquiétude. Pour ce qui est des filières, si l'on peut dire, par l'entremise desquelles les tissus peuvent être utilisés médicalement, il y en a certainement dont on devrait s'occuper. Nous allons nous y employer dans le cadre du projet de réglementation.
Mme Colleen Beaumier: Merci.
La présidente: Nous allons entreprendre une autre série de questions en commençant par Pauline, suivie de Carolyn.
[Français]
Mme Pauline Picard: Les recherches en bioéthique évoluent tous les jours et arrivent même à un stade où nous somme tous dépassés. On a vu dernièrement une mère porteuse qui portait deux embryons de couples différents. Est-ce qu'il y aura un comité ou est-ce qu'on mettra en place une stratégie pour nous permettre de réagir tout de suite à ce genre de situations qui touche en fait à toutes les questions dont nous parlions plus tôt, des questions d'ordres social, moral et éthique?
La population canadienne et la population québécoise veulent savoir où on doit aller. Est-ce que la femme deviendra un laboratoire d'expérimentation? C'est ce qui m'inquiète.
Il y a un projet de loi sur lequel nous sommes d'accord et que tout le monde veut. Nous devons légiférer sur certaines pratiques qui sont totalement inacceptables. Il y a d'autres choses qui s'en viennent et qui poussent. On est rendu presque plus loin que ça. Est-ce que des comités ou des gens se pencheront sur ces nouvelles questions au fur et à mesure pour voir venir les situations?
M. Juneau: C'est une autre très bonne question. Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, nous demanderons à un comité existant qui regroupe des experts de différentes disciplines, dont l'éthique et la génétique, de se pencher sur ces nouvelles questions. Nous avions d'abord mis sur pied ce comité pour nous conseiller sur le moratoire et nous lui demanderons de s'intéresser plus particulièrement aux développements qui sont survenus depuis quelque temps et qui risquent de survenir.
De plus, bien que l'on s'éloigne du projet de loi qui fait l'objet de vos réunions actuelles, comme on l'a indiqué dans le projet réglementaire, dans le document qui a été rendu public il y a quelques temps, nous pourrons dans un deuxième temps nous donner différents moyens encore plus pointus de suivre les questions qui vous préoccupent.
[Traduction]
Mme Colvin: En me fondant sur mon expérience, je considère que parmi toutes les questions médicales dont je me suis occupée - et il y en a eu beaucoup, y compris celle du tabac, entre autres - c'est celle où la participation a été la plus large. Si un plus grand nombre de Canadiens souhaitent participer activement à la discussion de cette question, c'est justement parce qu'elle se rapporte à la vie, à la reproduction des espèces et parce que, selon moi, ils souhaitent avoir l'impression de mieux contrôler le processus.
C'est l'un des sujets sur lesquels la commission royale a fait une recommandation. Essentiellement, la commission a recommandé la création d'une autorité, d'un organe quelconque, où ce type de discussion pourrait se poursuivre en permanence et où pourrait se forger une sorte de consensus social sur la façon dont ces techniques doivent fonctionner - en fait, sur la façon dont certaines des questions fondamentales liées à la protection des femmes et à l'utilisation adéquate de ces techniques devrait être réglée.
Dans le cadre du projet de réglementation, nous allons nous attaquer à la question de l'infrastructure. Il faudra probablement mettre en place des infrastructures transitoires jusqu'à la création de l'organisme, quel qu'il soit, qui doit voir le jour une fois les discussions concernant l'aspect réglementaire terminées. De nombreuses solutions peuvent être envisagées. Nous allons en discuter avec les provinces pour avoir une meilleure idée de la façon dont elles perçoivent la question au fur et à mesure que le dossier de la structure réglementaire progresse.
Bref, nous sommes convaincus de la nécessité de poursuivre les discussions et de nous assurer qu'un aussi grand nombre de Canadiens que possible y participent car, en dernière analyse, il s'agit de déterminer comment la société va évoluer à l'aube du XXIe siècle.
La présidente: Je vous remercie. Carolyn.
Mme Carolyn Parrish: Dans le cadre de la réglementation qui est en voie d'élaboration, sera-t-il toujours possible qu'une femme donne un ovule à sa soeur, ou cela va-t-il être supprimé?
Mme Colvin: La disposition sur le prêt d'utérus ou sur la pré-fécondation, que l'on trouve dans la loi recouvre l'aspect commercial de cette pratique, c'est-à-dire une situation où une personne apporte son entremise pour trouver une mère porteuse ou celle où un couple est prêt à payer une femme pour devenir la mère suppléante de leur enfant. Cela ne comprend pas ce que l'on a souvent appelé les «arrangements non commerciaux» qui peuvent être conclus avec la mère porteuse.
Il y a manifestement des limites à ce que peut faire l'État en ce domaine. Certains pays se sont attaqués à la question et ont déterminé que le prêt d'utérus à des fins non lucratives doit être réglementé par voie législative. Mais pour l'instant, la mesure qui nous occupe s'intéresse en priorité aux aspects commerciaux du prêt d'utérus, en particulier à ce que l'on peut appeler la dimension mercantile du prêt d'utérus, et au rôle de ceux qui apportent leur entremise pour favoriser cet arrangement.
Mme Carolyn Parrish: Si l'on désire supprimer le paiement du sperme, ce que j'approuve, soit dit en passant... Je pense que c'est comme le système de collecte de sang aux États-Unis. Il a toujours été sujet à caution car les gens peuvent donner un litre de sang toutes les deux heures s'ils ont besoin d'argent pour une chose ou pour une autre.
J'espère toutefois que deux sujets qu'ont abordés mes collègues... un, le fait qu'un donneur prolifique, qui a un sperme très viable, puisse avoir 7 000 petits descendants sur la terre, ce qui n'est pas bon, démographiquement parlant, même si bien sûr, c'est une exagération.
Deuxièmement, ce qui me préoccupe aussi, c'est la situation des tiers donneurs, des étudiants en médecine, des gens qui s'intéressent vraiment aux techniques de reproduction - de ceux qui veulent faire un geste pour aider les autres. Il y a là toute une éducation à faire; je présume que l'on s'en occupe.
Mme Colvin: C'est exact. Nous allons aussi nous occuper de l'aspect éducatif, naturellement; par exemple, dans le cadre du projet pilote dont j'ai parlé plus tôt.
Normalement, ce qui se passe à l'étranger, c'est qu'au fur et à mesure que l'on adopte un système de plus en plus non commercial - et plus ouvert, comme on dit dans le document de travail - , on attire un type différent de donneur. On a des donneurs plus âgés, peut-être plus matures, des donneurs qui ont réfléchi aux conséquences de leur don, pas uniquement au niveau de la pratique médicale, mais également par rapport aux personnes avec qui ils ont des liens, leur propre famille, et à ce qui peut en découler à long terme, au plan des responsabilités, advenant que l'enfant retrouve un jour la personne qui a fait le don, et ainsi de suite. Ce sont des questions très compliquées.
En France, par exemple, les hommes mariés qui veulent faire un don sont obligés de faire participer leur femme à la discussion du projet à cause des conséquences que cela peut avoir sur la famille qui se forme, au plan technique, mais aussi parce que cela fait entrer en jeu le respect de leur propre famille.
Habituellement, c'est un système différent qui se développe. Un système où les donneurs sont plus concernés par les conséquences, et donc plus conscients de ce qu'elles peuvent être à long terme et - en tout cas on l'espère - plus conscients de leurs responsabilités.
Mme Carolyn Parrish: Et qu'en est-il de ces 7 000 petites têtes blondes qui courent le monde?
Mme Colvin: Ce qui est en cause, ce n'est pas tant le donneur ou la composition de la collectivité du donneur que la capacité du système d'assurer un maximum de diversité parmi les paillettes recueillies auprès des donneurs dans une collectivité donnée. Le problème se pose, par exemple, dans les petites localités rurales où il peut très bien n'y avoir qu'une seule source de sperme, disons, et un seul médecin qui pratique ce genre d'intervention. Il est bien connu, dans l'industrie des banques de sperme, que dans certains cas, le bassin de donneurs auxquels on fait appel est très limité. Une banque de sperme peut très bien ne compter que sur quelques centaines de donneurs potentiels, et un beaucoup plus petit nombre de donneurs réellement actifs.
Il y a donc, à ce niveau, des procédures de sélection auxquelles on doit s'intéresser. C'est une question dont nous discutons toujours.
Mme Carolyn Parrish: Je peux donc être sûre que c'est un sujet dont on s'occupe actuellement et qui est suivi de près.
Merci.
La présidente: J'aimerais revenir une minute à la question de la mère porteuse. Je suppose que ce n'est pas tant une question qu'une affirmation. Nous devons faire attention de ne pas faire du prêt d'utérus un cadeau réservé aux riches, et nous assurer qu'un couple d'ouvriers qui souhaite avoir un enfant puisse se payer une mère porteuse. Donc quand on parle de compensation, il faut qu'elle soit la même pour les riches et pour les pauvres. Je voudrais que tout le monde s'en souvienne.
C'est une chose à garder à l'esprit quand on se penche sur l'aspect légal de cette question - nous ne voulons pas nous battre uniquement au bénéfice de quelques-uns, les riches.
André, je vous remercie, vous et vos collaborateurs, d'être venus aujourd'hui.
Chers collègues, merci.
La séance est levée.