[Enregistrement électronique]
Le lundi 14 avril 1997
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.)): Nous allons commencer.
Monsieur Graham, soyez le bienvenu, c'est la première fois que vous comparaissez devant notre comité. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous aujourd'hui.
Docteure Baird de Vancouver, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous avoir ici. Nous allons vous donner amplement le temps de nous présenter votre exposé. Mes collègues vous poseront ensuite des questions lorsque vous aurez terminé, et nous commencerons par les membres de l'opposition. Voulez-vous commencer? Vous avez la parole.
Dre Patricia Baird (ancienne présidente, Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction): Merci beaucoup de m'avoir invitée. Je n'ai pas réussi à résumer suffisamment mon exposé pour pouvoir vous le présenter en cinq minutes comme je voulais le faire mais je ne prendrai pas plus de sept ou huit minutes.
La commission royale a présenté deux recommandations principales. La première demandait au gouvernement canadien d'encadrer le recours aux techniques de reproduction. La deuxième était d'adopter un régime de réglementation qui permettrait de contrôler, sur une base permanente, l'accès aux techniques prometteuses.
Ces deux aspects - prohibitions et contrôle efficace - sont importants. Il faut mettre en place des prohibitions pour éviter que les techniques de reproduction ne soient pas utilisées de façon mercantile ou contraire à l'éthique; il faut cependant aménager l'accès à ces techniques pour les personnes qui ne pourraient autrement avoir des enfants, parce qu'il y a environ sept pour cent des Canadiennes qui ne réussissent pas à tomber enceintes après deux ans; avoir des enfants est une chose importante sur le plan affectif pour la plupart des gens.
Il est essentiel de créer un organisme de réglementation qui pourrait également favoriser un débat sur ces questions - et élaborer des politiques dans ce domaine à mesure qu'il évolue. Personnellement, je crois qu'un tel organisme est encore plus nécessaire que les prohibitions.
Je suis convaincue que toutes les personnes qui sont assises autour de cette table savent que le projet de loi C-47 ne concerne qu'une seule de ces recommandations. C'est pourquoi j'espère qu'aux prohibitions du projet de loi C-47 viendra s'ajouter le contrôle de l'accès à ces techniques.
Pour ce qui est du projet de loi lui-même, j'y suis dans l'ensemble favorable. En fait, comme vous le savez sans doute, il s'inspire, dans une large mesure, des recommandations de la commission. Dans l'ensemble, ce projet de loi est bien conçu et reflète ce que les Canadiens ont demandé à la commission. La plupart de ses dispositions définissent très clairement les dommages que l'on souhaite éviter et nous avons constaté qu'il existait un large consensus favorable à ce projet de loi dans l'ensemble du pays. Trois de ses articles imposent toutefois des prohibitions absolues qui sont trop générales et qui pourraient, sans que cela soit voulu, nous empêcher d'utiliser certaines techniques prometteuses. Je vais aborder chacun de ces trois articles et vous expliquer pourquoi je pense qu'il serait bon d'envisager de confier à un régime de réglementation les questions que l'on entend régler par voie de prohibition.
La première de ces trois prohibitions touche les sous-alinéas 4(1)f)(i), 4(1)f)(ii) et 4(1)g)(i). Ces dispositions interdisent la recherche sur les ovules et le sperme d'un foetus ou d'une personne décédée. Ce genre de recherche pourrait pourtant nous aider à mieux comprendre les causes de l'infertilité - par exemple, pourquoi le sperme de certaines personnes n'arrive pas à maturation. Il me paraîtrait préférable d'autoriser ce genre de recherche, en l'encadrant de façon stricte, en exigeant, notamment, la possession d'un permis, l'obtention du consentement éclairé des personnes concernées, et en interdisant l'implantation chez une femme d'un zygote obtenu de cette façon.
Il me semble qu'on éviterait ainsi les utilisations contraires à l'éthique, tout en permettant l'accumulation de connaissances utiles.
Le deuxième aspect que je veux aborder est celui dont traite l'alinéa 4(1)k). Cette disposition interdit la fécondation d'un ovule à l'extérieur du corps humain à des fins de recherche.
Vous savez sans doute très bien, tout comme moi, qu'il existe de nombreuses opinions sur ce que représente un zygote. Il est évident que l'on ne peut utiliser n'importe comment les zygotes. Ces cellules sont reliées de nombreuses façons à l'humanité. La plupart des organismes qui ont examiné la question ont estimé qu'avec une réglementation très stricte, il n'était pas contraire à l'éthique d'effectuer de la recherche sur des zygotes humains jusqu'à 14 jours après la fertilisation, parce que cette recherche est nécessaire à la sécurité et au bien-être des patients dont on traite l'infertilité.
La commission avait recommandé que l'on interdise les interventions ayant pour seul but de se procurer des ovules à des fins de recherche, mais avec le consentement de la personne concernée, il devait être permis d'extraire des ovules supplémentaires au cours d'un traitement pour les utiliser à des fins de recherche. Nous avons formulé cette recommandation parce qu'il existe des domaines de recherche qu'on ne peut étudier qu'avec des ovules non fertilisés. Je vous donnerai un exemple très simple, il faut pouvoir conserver des ovules non fertilisés dans différents types de milieux de culture pour déterminer si, une fois en contact avec du sperme, ces ovules peuvent être fertilisés; cela permet de savoir quel genre de milieu il faut utiliser pour les différentes techniques.
Je crois qu'il serait contraire à l'éthique d'interdire ce genre de recherche parce que de cette façon, on utiliserait sur les femmes des techniques de FIV qui n'ont pas suffisamment été testées sur le plan de la sécurité. Un des objectifs énoncés dans le projet de loi C-47 est de préserver la santé et la sécurité des Canadiens dans le domaine de la procréation assistée. Je pense qu'il serait préférable de supprimer du projet de loi C-47 l'alinéa 4(1)k) et d'exiger des laboratoires qui utilisent les zygotes humains d'obtenir au préalable un permis. Il ne faudrait pas interdire en même temps la recherche qui peut être utile à la population et le genre de recherche qu'on ne devrait jamais effectuer.
Le troisième aspect que je veux aborder est celui qui est traité au paragraphe 6(2), qui énonce que les dépenses exposées pour le prélèvement, le stockage ou la distribution d'ovules ou de sperme peuvent être remboursées, sauf au donneur.
Bien souvent, l'adoption n'est pas une solution réaliste et il faut pour certains couples envisager l'insémination par don de sperme. Ce n'est pas une solution qui est acceptée par tout le monde, mais elle convient à certaines personnes. Il nous faut un régime qui nous permette d'obtenir du sperme conforme à certaines normes et qui a fait l'objet d'un contrôle administratif efficace, et où le donneur et la bénéficiaire sont en mesure de donner un consentement éclairé à l'opération.
Il faut que les hommes qui donnent leur sperme réfléchissent bien à ce qu'ils pourraient ressentir plus tard en sachant que leur sperme a été utilisé de cette façon. Au cours des audiences de la commission, nous avons entendu plusieurs hommes déclarer qu'ils avaient donné leur sperme lorsqu'ils étaient étudiants et que ce n'était que par la suite qu'ils avaient compris toute l'importance de leur acte. On nous a également dit que cette décision concernait également le conjoint et les parents de ces donneurs.
Lorsque le don de sperme est le fruit d'une réflexion et que les donneurs ont l'appui de leur famille parce qu'ils veulent ainsi permettre à d'autres couples d'avoir des enfants, tout le monde ne peut qu'y gagner.
La commission a recommandé la mise sur pied d'un système sécuritaire et financé par le gouvernement, assorti de contrôles administratifs efficaces, et je cite:
- Il conviendrait d'indemniser les donneurs pour les frais et les coûts se rapportant directement au
don. L'indemnité ne devrait pas avoir pour effet d'inciter les hommes à faire ce genre de don.
En outre, pourquoi interdire aux seuls donneurs la possibilité de recevoir une indemnité, alors que tous les autres acteurs le peuvent? Ce sont plutôt les banques de sperme qui pourraient faire des bénéfices importants. Chaque don de sperme permet de préparer huit à dix paillettes, que les banques de sperme vendent ensuite aux médecins à un prix d'environ 125$ chacune. Cela représente plus de 1 000$ pour chaque échantillon de sperme. Il paraît évident que les banques de sperme ont la possibilité de couvrir avec ces revenus ce qui leur en coûte pour contrôler, gérer et transporter les échantillons de sperme et tenir des registres détaillés.
Je tiens à signaler que je serais très en faveur d'adopter un système sans but lucratif. Je sais que l'on a prévu une période de transition et que cet aspect est déjà peut-être réglé mais je voulais attirer votre attention sur cette question parce que je ne pense pas qu'il faut mettre fin aux dons de sperme.
En résumé et pour conclure, je dirais que j'appuie la plupart des dispositions de ce projet de loi.
Il y a trois sujets précis qui, d'après moi, devraient être retirés du projet de loi et faire l'objet d'un contrôle administratif. J'estime que, dans l'ensemble, les Canadiens souhaitent manifestement que soient interdits les autres actes visés par le projet de loi.
J'aimerais terminer en disant que je suis très favorable à ce projet de loi. Il faut encadrer l'utilisation des techniques de reproduction au Canada et je crois que c'est à notre gouvernement qu'il incombe de protéger l'intérêt public.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, docteure Baird.
À cause du temps dont nous disposons, je vais immédiatement donner la parole à Pauline pour qu'elle pose des questions.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Bonjour, madame Baird. Plusieurs témoins ont indiqué que les techniques de manipulation génétique et de reproduction ne devraient pas être réunies dans ce projet de loi. Ainsi, on a indiqué que sauf pour la génétique prénatale, les techniques de manipulation génétique et les nouvelles techniques de reproduction seront habituellement appliquées dans des contextes différents, par des praticiens différents. Êtes-vous d'accord sur ce type de distinction?
[Traduction]
Dre Baird: Je crois que les techniques de manipulation génétique offrent d'intéressantes possibilités, si elles sont correctement encadrées et réglementées. La modification génétique d'un zygote destiné à être implanté dans une femme n'est pas une pratique acceptable. Cela pourrait causer un préjudice très grave alors que cette opération n'offre apparemment aucun intérêt immédiat.
Il existe d'autres façons d'avoir des enfants que de jouer avec la structure génétique d'un zygote avant de l'implanter dans une femme. Cet enfant va se développer mais la mère et la famille de l'enfant ne savent pas vraiment à quoi s'attendre. Nous ne savons pas non plus, dans ce genre de cas, en tant que société, à quoi nous attendre. Je suis en faveur de cette disposition.
[Français]
Mme Pauline Picard: Je crois comprendre que vous ne seriez pas d'accord qu'il y ait un projet de loi distinct régissant les applications des nouvelles techniques de reproduction et un autre régissant la procréation assistée. Certains témoins ont affirmé qu'en interdisant certaines techniques génétiques, le projet de loi actuel abolira complètement certaines techniques qu'on utilise pour la procréation assistée. On nous dit qu'il ne faut pas mêler les deux. Est-ce que vous seriez d'accord qu'on formule une réglementation spéciale pour les techniques de procréation assistée et une réglementation spéciale pour les techniques de manipulation génétique?
[Traduction]
Dre Baird: Il me paraît bon que le projet de loi contienne cet article. Il faut obliger les gens à rendre des comptes et réglementer la façon dont sont utilisées les techniques de procréation assistée et les techniques génétiques, lorsqu'il s'agit d'êtres humains. La commission avait recommandé la création d'un organisme réglementation dont un sous-comité examinerait cinq questions, dont l'une était le diagnostic prénatal. Le diagnostic prénatal diffère toutefois de la manipulation génétique d'un zygote et de l'implantation de ce zygote; c'est un domaine dans lequel il ne faudrait pas faire de la recherche au Canada.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Picard.
Madame Parrish, avez-vous des questions?
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Non. Je tiens seulement à exprimer ma reconnaissance envers la docteure Baird pour son intervention et pour tout le travail qu'elle a accompli avec la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction. Je suis heureuse d'apprendre qu'elle est satisfaite des principaux aspects du rapport, et nous allons examiner de très près les suggestions qu'elle nous a présentées aujourd'hui. Merci beaucoup.
Dre Baird: Je suis prête à vous envoyer mes commentaires par télécopieur, un peu plus tard cet après-midi, si cela peut vous être utile.
La présidente: Très bien. Merci.
M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Docteure Baird, vous avez recommandé que le comité envisage de remplacer la prohibition générale des articles auxquels vous avez fait référence par un cadre réglementaire plus souple. Dans cette optique, à quel organisme devrait-on confier ce rôle de contrôle et de réglementation? À quel organisme existant devrait-on confier le soin de prendre ces décisions?
Dre Baird: Nous avons recommandé la création d'un organisme de réglementation composé de 12 personnes dont la moitié serait des femmes. Nous recommandions également qu'il s'inspire des lignes directrices et des travaux des professions médicales. La profession médicale a élaboré un certain nombre de normes et présenté des suggestions concernant ces lignes directrices mais cela ne suffit pas. Il faudrait que l'organe chargé de contrôler les techniques génétiques et de procréation assistée soit beaucoup plus largement représentatif de la société.
Par exemple, dans le domaine de la génétique, nous avons dit qu'un laboratoire devrait être préalablement agréé par le Collège canadien des généticiens médicaux pour pouvoir présenter une demande de permis à l'organisme réglementaire de façon à ce que cet organisme puisse se pencher sur les aspects éthiques, sociaux et économiques, ce qu'un organisme médical autoréglementé ne peut pas faire.
Pour ce qui est des techniques de reproduction, il existe des instances médicales professionnelles qui connaissent bien les aspects techniques. Mais pour ce qui est de l'attribution de permis à des laboratoires, il ne faut pas se limiter aux aspects techniques; il faut également examiner les aspects sociaux et éthiques, c'est pourquoi il faut élargir la composition de l'organisme qui serait appelé à poser des jugements sur les activités de ces laboratoires.
Est-ce que cela répond à votre question? Le son n'est pas très bon, de sorte que je n'ai pas très bien entendu.
M. Bill Graham: C'est peut-être parce que je n'avais pas suffisamment réfléchi à cette question avant de vous la poser. Ce n'est peut-être pas la faute du système de son mais simplement ma façon de concevoir le problème.
Je déduis de votre réponse qu'il n'existe pas, d'après vous, d'organisme existant qui pourrait remplir ce rôle. Il faudrait donc créer un nouvel organisme qui serait chargé d'exercer ces fonctions.
Dre Baird: Je dirais que oui, parce que nous avons besoin, non seulement, d'un organisme ayant les pouvoirs d'attribuer des permis et de réglementer ces activités mais également de jouer le rôle de catalyseur de façon à ce que la population soit en mesure de faire connaître son point de vue sur la façon dont il y aurait lieu de modifier les politiques dans ce domaine en fonction de l'évolution de la situation.
C'est un domaine qui évolue constamment. Le mois dernier, c'était la question du clonage. Cela ne va pas s'arrêter là; il y en aura beaucoup d'autres. Il nous faut donc un organisme qui soit plus largement représentatif de la population pour qu'il puisse tenir compte, non seulement des aspects médicaux, mais également des questions sociales plus larges.
M. Bill Graham: Merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Graham.
Docteure Baird, j'aimerais vous poser une question avant de vous laisser partir, il s'agit des dons de gamète. Vous avez déclaré qu'il conviendrait d'indemniser le donneur pour ses frais. Pourriez-vous nous donner quelques précisions là-dessus?
Dre Baird: Les gens doivent venir plusieurs fois. Ils donnent des échantillons de sang. Ils donnent des échantillons de sperme. Ils subissent un examen médical. Toutes ces démarches ne sont guère agréables et coûtent de l'argent. Les donneurs ne devraient pas avoir à payer leur stationnement, ou leurs frais de transport s'ils n'ont pas leur propre véhicule, et peut-être qu'il faudrait leur donner une indemnité en fonction de la distance parcourue. Il est vrai que nous avons déjà déclaré qu'une somme supérieure à 75$ pourrait être considérée comme une incitation financière mais nous avons pensé que le remboursement des dépenses personnelles n'aurait pas l'effet d'une incitation financière.
Il est un autre aspect tout aussi important que celui-ci, à savoir que les hommes qui envisagent de faire un don de sperme devraient tous bénéficier de services de counselling. Ils devraient réfléchir à tout ce que cette décision comporte. Ce n'est pas un acte sans importance que l'on fait avec quelques camarades étudiants après avoir bu de la bière. C'est un acte grave qui entraîne la naissance d'enfants, et ces derniers se sentiraient beaucoup mieux si le don de sperme était un acte d'altruisme réfléchi.
La présidente: Merci beaucoup.
Je crois que Mme Picard voudrait poser une autre question.
[Français]
Mme Pauline Picard: J'ai une toute dernière question, Madame Baird, relativement à l'article 5 qui porte sur les mères porteuses. Les témoins que nous avons reçus, surtout les femmes et entre autres l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité, ont soulevé de nombreux commentaires au sujet de cet article, disant que le recours au droit criminel dans le cas des mères porteuses aurait un effet néfaste sur les femmes. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette affirmation?
[Traduction]
Dre Baird: Je crois qu'il serait davantage préjudiciable pour les femmes de continuer à autoriser cette pratique et, ce faisant, d'approuver implicitement la rémunération des mères porteuses. Il serait beaucoup plus dangereux pour les femmes de ne pas contrôler cette pratique.
Les femmes qui le font, qui acceptent d'avoir un enfant parce qu'elles vont être indemnisées, ne sont pas les riches épouses de directeurs de clinique. Ce sont des femmes défavorisées parce qu'elles sont, dans l'ensemble, pauvres. La commission a examiné la question des mères porteuses et des personnes qui demandaient ce service... cela varie énormément. Les gens qui le demandent sont en général à l'aise financièrement et instruits alors que les femmes qui le font sont moins instruites et beaucoup moins riches. Elles sont souvent dans le besoin. Je crois qu'il y a là un risque manifeste d'exploitation des femmes et que ce serait leur causer un tort beaucoup plus grave que de ne pas interdire cette pratique.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci beaucoup. Je vous félicite pour votre excellent travail, madame Baird.
[Traduction]
Dre Baird: Merci.
La présidente: Merci, docteure Baird, d'être venue aujourd'hui. Je vous prie de m'excuser pour les difficultés que vous a peut-être causées le fait que nous ayons changé la date et l'heure de notre audience. Nous avons beaucoup de choses à faire et c'est un projet de loi que nous aimerions voir adopté par la Chambre des communes. Votre venue aujourd'hui nous a beaucoup aidé. Merci beaucoup et je vous souhaite une très bonne journée.
Dre Baird: Merci beaucoup.
La présidente: Nous allons prendre une brève pause avant de passer aux témoins suivants.
La présidente: Bienvenue au comité, docteure Martin. À cause de l'heure, je vous demanderais de commencer votre exposé dès que vous serez prête.
Dre Sheilah Martin (présidente, Comité consultatif sur le moratoire provisoire visant les techniques génétiques et de reproduction): Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. Comme notre mémoire l'indique, je représente le Comité consultatif sur le moratoire provisoire visant les techniques génétiques et de reproduction, un organisme représentatif qui a été mis sur pied par Santé Canada et qui fait rapport au sous-ministre au sujet du moratoire provisoire. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises pour examiner les questions dont traite le projet de loi C-47; j'aimerais préciser notre position et peut-être, répondre à vos questions à ce sujet.
Je ne vais pas reprendre ce que dit le mémoire sur l'ensemble des questions que soulève ce sujet mais j'aimerais attirer votre attention sur deux aspects. Le premier est que j'aimerais souligner au sous-comité que nous sommes tout à fait en faveur du recours au droit pénal dans ce domaine. Il y a eu beaucoup de discussions, dont les médias ont fait mention et comme l'indiquent les comptes rendus que j'ai reçus des travaux de votre sous-comité, sur la nécessité d'adopter à ce moment-ci un projet de loi qui commence par imposer des prohibitions. Notre comité consultatif aurait sans doute préféré voir réunis ensemble les prohibitions et le cadre réglementaire. Cela aurait été la solution idéale. Mais étant donné que le gouvernement a décidé de scinder le projet pour des raisons qui nous paraissent légitimes, nous appuyons malgré tout cet ensemble de prohibitions, en attendant la mise en place d'un cadre réglementaire qui viendrait compléter ces prohibitions.
Lorsque nous avons commencé à réfléchir à la question des prohibitions, je crois que les membres de notre comité étaient tous convaincus qu'il était urgent et important de réglementer ces questions de cette façon. Nous savons, bien sûr, que le droit pénal ne doit être utilisé qu'en dernier recours; nous avons néanmoins estimé, non pas en nous fondant uniquement sur notre point de vue et celui des groupes que nous avons consultés mais également sur les conclusions de la commission royale, que ce recours était justifié et qu'une réglementation ne pourrait à elle seule contrôler le recours à ces techniques. Nous savons qu'il y a lieu d'interdire certaines pratiques - c'est-à-dire, qu'elles doivent être interdites dans tous les cas - et qu'elles ne devraient pas être assujetties à un régime de permis prévu par règlement.
Le deuxième aspect est un sujet qui vient s'ajouter à ceux que nous abordons dans notre mémoire. Nous aimerions que soient modifiés le préambule et l'article qui traite des objets du projet de loi de façon à tenir compte du fait que les prohibitions sont également imposées au nom des droits à l'égalité des femmes et des enfants. Il nous paraît important de procéder à une telle modification qui pourrait en outre renforcer la validité constitutionnelle de ces prohibitions. Nous pensons qu'en énonçant officiellement les valeurs canadiennes qui sous-tendent ce projet de loi, cela pourrait aider le public à mieux le comprendre.
Pour être plus précis, la commission royale devait, dans le cadre de son mandat, et je suis certaine que vous le savez également, aborder la question de la protection des droits à l'égalité des femmes et des enfants. Nous aimerions que ce principe soit repris dans le projet de loi.
Nous connaissons également les règles constitutionnelles d'après lesquelles, en cas de violation d'un droit ou d'une liberté individuels, dans ce cas-ci, par la pratique ou la recherche en matière de reproduction ou les autres actes visés par ces dispositions, il est possible de démontrer que ce genre de violation se justifie dans une société libre et démocratique. Une des façons d'y parvenir est d'établir que la prohibition visée répond à un intérêt pressant et important dans le domaine des droits à l'égalité. Cette modification viendrait, d'après nous, renforcer la validité constitutionnelle du projet de loi.
Nous proposons également que cette modification ne s'attache pas uniquement aux droits individuels, aux libertés des particuliers, mais aussi à recentrer le débat sur des questions reliées aux droits à l'égalité, qui sont des droits collectifs, et qui pourraient aider à justifier le fait d'interdire aux Canadiens de poser des actes qu'ils souhaitent poser. Le comité a décidé unanimement qu'il convenait d'attirer votre attention sur le fait qu'il y a, d'après nous, une lacune dans ce projet de loi et que la modification que nous proposons serait bonne pour le projet de loi sur le plan du droit constitutionnel et pour sensibiliser les personnes visées par lui, c'est-à-dire bien entendu, tous les Canadiens, sur les raisons qui justifient dans ce genre de circonstances que l'on limite les libertés individuelles.
La présidente: Merci, docteure Martin.
Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard: Bonjour, madame Martin.
Les témoins de l'Association médicale canadienne que nous avons rencontrés nous ont dit que le projet de loi établissait un précédent dangereux en matière de criminalisation des actes médicaux et scientifiques et qu'on devait séparer les techniques de reproduction humaine et la génétique humaine. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Dre Martin: Je ne suis pas d'accord avec ces témoins. J'estime que le recours au droit pénal et à des prohibitions sévères se justifie parfaitement dans ce domaine. Il s'agit là de mesures de dernier recours. Le moratoire provisoire a démontré, il me semble, que les Canadiens ne sont pas prêts à renoncer volontairement à certaines pratiques et qu'il faut des lois pour les y obliger, non pas des lois qui autorisent ces pratiques mais des lois qui disent qu'il est justifié d'interdire certaines activités parce que nous en connaissons mal les conséquences.
On pourrait faire une comparaison avec les dispositions sur la protection de l'environnement; ces dispositions visent à empêcher les dommages à l'environnement parce que nous ne connaissons pas exactement la nature de ces dommages et qu'à cause de cette incertitude, il est justifié de procéder par voie de prohibition. Il est bien connu que l'incrimination de certains comportements est une chose dangereuse et qu'il faut éviter de recourir au droit pénal mais comme nous l'avons vu, je crois dans des circonstances plus heureuses, on a déjà utilisé le droit pénal pour protéger la santé et la sécurité de diverses catégories de Canadiens dans des domaines très divers.
[Français]
Mme Pauline Picard: Madame Martin, certains témoins nous ont dit que dans le projet de loi, on mélangeait les pommes et les oranges. Si on criminalise certaines pratiques qui relèvent du domaine de la génétique et qu'on ne fait pas la division entre les deux, si on ne fait pas un projet de loi pour réglementer les pratiques de procréation assistée et un autre pour la manipulation génétique, on risque de limiter certaines techniques de fécondation in vitro. Que pensez-vous de cela?
[Traduction]
Dre Martin: Un scientifique serait peut-être mieux placé pour vous donner une réponse scientifique, mais je vous répondrai que le projet de loi C-47 va mettre un terme à certains types de recherche et je crois que cela est bon, compte tenu de nos connaissances actuelles. Je vous signale qu'on a interdit la recherche sur les lignées germinales, prohibition très stricte dans le sens qu'elle touche la recherche fondamentale et non pas seulement la recherche appliquée. Le comité estime néanmoins que cette prohibition est justifiée à cause des graves dangers que pourrait causer ce type d'activité.
Je crois que la profession médicale se fonde sur une hypothèse que je ne partage pas. Elle affirme que les connaissances ne peuvent être acquises qu'en utilisant certaines méthodes. Je ne pense pas que cela soit nécessairement le cas. Il existe d'autres façons de faire progresser les connaissances.
Il faut également nous demander si les avantages promis risquent de se concrétiser. Nous savons que les dangers sont réels. N'importe quelle personne intelligente peut formuler une hypothèse qui indique que l'on pourra obtenir certains avantages. Si quelqu'un souhaite défendre ce point de vue à l'avenir, il pourra toujours le faire.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci beaucoup, madame Martin.
Mme Martin: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, docteure Martin, d'être venue nous parler aujourd'hui.
La présidente: Nous allons reprendre. Je vais demander aux représentants de Santé Canada s'ils ont des commentaires à faire avant que nous poursuivions nos travaux.
Mme Phyllis Colvin (directrice intérimaire, Direction de l'information et de la politique de la santé, Direction générale des politiques et de la consultation, ministère de la Santé): Nous n'avons prévu vous présenter un exposé. Vous pourriez peut-être nous poser certaines questions sur les sujets qu'ont abordés les autres témoins.
La présidente: Mes collègues ont-ils des questions?
[Français]
Mme Pauline Picard: Pas nécessairement, mais est-ce que l'on procède maintenant à l'étude article par article? Sont-ils ici en vue de l'étude article par article?
[Traduction]
La présidente: Les représentants de Santé Canada n'ont pas de commentaires à faire.
Avez-vous une question à poser? Après cela, nous pourrons commencer l'étude article par article.
[Français]
Mme Pauline Picard: J'ai quelque chose à vous proposer. Vous allez comprendre que puisque je n'ai pas reçu les amendements, il m'est très difficile de faire une étude article par article. On étudie ce projet de loi depuis trois mois, et là on m'arrive avec des amendements et il faudrait que je dise consciencieusement mon appréciation d'articles que je n'ai pas étudiés. Je trouve difficile de procéder de cette façon. J'ai investi beaucoup de temps dans ce sujet. À mon avis, c'est un projet de loi qu'on ne peut adopter à la légère.
Mais j'ai tout de même quelque chose à vous proposer puisque le temps presse et que ça fait longtemps qu'on veut ce projet de loi. Je suis un peu frustrée de la situation, mais d'un autre côté, je me dis que les élections s'en viennent et je serais surprise que le projet de loi reçoive la sanction royale. Alors, pourquoi ne pas aller le plus vite possible? On sera probablement obligés de revenir sur toute cette question si je suis élue l'année prochaine. Donc, procédons à l'étude article par article, mais chaque article sera adopté avec dissidence. Je n'aurai pas de questions à poser là-dessus.
De toute façon, je suis toute seule; vous n'aurez pas une grosse opposition.
[Traduction]
La présidente: Vous êtes suffisamment forte.
[Français]
Mme Pauline Picard: Je le sais, mais je pense sérieusement que tous les membres du comité doivent prendre ma position en considération. Comment voulez-vous que je vote consciencieusement sur des articles qui renferment des choses très techniques? Je suis ici de bonne foi et je suis honnête. Quand je pose des gestes comme celui de voter, il faut que j'aie au moins fait une étude préalable. Pour que les choses aillent plus rapidement, je suis prête à ce qu'on procède à l'étude article par article. Je vous préviens cependant que chaque article sera adopté avec dissidence.
[Traduction]
La présidente: Vous pourriez peut-être me poser des questions ou en poser aux représentants de Santé Canada au cours de l'étude article par article et Santé Canada pourra expliquer les difficultés techniques. Cela vous convient-il?
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci.
[Traduction]
La présidente: Très bien.
Madame Parrish, vous avez une question?
Mme Carolyn Parrish: Non, je crois que je vais attendre que nous en arrivions à cet article. Si les représentants de Santé Canada sont prêts à nous expliquer les modifications, j'aimerais, en tant que membre du gouvernement, obtenir certains éclaircissements au sujet d'une ou deux modifications.
Les membres du comité ont fait preuve d'une telle collaboration - Mme Picard a été extrêmement compréhensive - que je crois que nous pourrions peut-être procéder de façon très informelle. J'aimerais demander aux représentants de Santé Canada de fournir ces renseignements, parce qu'ils m'ont remis ce classeur il n'y a même pas 10 minutes. Je me sens à l'aise avec cette façon de faire. J'aime bien cette formule.
La présidente: Nous formons une bonne équipe.
Mme Carolyn Parrish: Nous sommes excellents. Nous devrions résoudre tous les problèmes du gouvernement.
La présidente: Monsieur Graham, vouliez-vous poser une question?
M. Bill Graham: Non, je crois que je vais m'abstenir pour cette fois.
La présidente: Vous sentez-vous en minorité, monsieur Graham?
Articles 2 et 3 adoptés avec dissidence
Article 4 - Actes prohibés
Mme Carolyn Parrish: Madame, j'ai un certain nombre de modifications qui touchent l'article 4. Si nous pouvions examiner tous les amendements et ensuite, passer aux alinéas... Est-ce de cette façon que vous entendez procéder?
À l'alinéa 4(1)a), à la ligne 31 de la version française, nous allons remplacer «manipuler un ovule» par «manipuler une cellule humaine».
[Français]
En français, «un ovule» sera remplacé par «une cellule humaine».
[Traduction]
Ce n'est pas moi qui vais empêcher Mme Picard de se moquer de mon français.
Un peu plus bas, à l'alinéa 4(1)f), à la ligne 10 de la version anglaise, le mot cadaver est remplacé par le mot corpse. La version française demeure inchangée.
Dans le même article, à l'alinéa 4(1)g), à la ligne 17 de la version anglaise, nous allons également substituer au mot cadaver le mot corpse. La version française demeure telle quelle.
À l'alinéa 4(1)h), nous allons substituer au premier mot de la ligne 24 de la version anglaise use, le mot perform. La version française demeure inchangée.
De plus, à l'alinéa 4(1)i), nous allons remplacer, à la ligne 30 de la version anglaise, le mot use par le mot perform. La version française demeure inchangée.
À l'alinéa 4(1)j), à la ligne 34...
La présidente: Madame Parrish, voulez-vous vous arrêter un instant. Les représentants de Santé Canada souhaitent...
Mme Carolyn Parrish: Ils vont modifier les modifications.
Mme Susan Zimmerman (conseillère juridique, ministère de la Santé): Je crois que la version française de l'alinéa 4(1)i) doit peut-être être modifiée.
Mme Carolyn Parrish: C'est vrai. Je suis désolée. J'ai fait une erreur.
L'alinéa 4(1)i) se lira «pratiquer une procédure» au lieu de «utiliser un test».
À l'alinéa 4(1)j), à la ligne 34, nous allons remplacer maintain an embryo par maintain a developing embryo.
[Français]
En français, à l'alinéa 4(1)j), on aura «conserver un embryon en développement à l'extérieur du corps humain».
[Traduction]
Je crois qu'il n'y a pas d'autre changement à l'article 4.
Mme Zimmerman: Peut-être un changement au paragraphe 4(2).
Mme Carolyn Parrish:
- No person shall offer to do anything prohibited by subsection (1).
Mme Zimmerman: Non.
Mme Carolyn Parrish: Cela termine, je crois, toutes les modifications apportées à l'article 4.
Modifications adoptées avec dissidence
Article 4 adopté tel que modifié avec dissidence
Article 5 - Rétribution de la mère porteuse
Mme Carolyn Parrish: Madame la présidente, je viens d'apprendre que je peux me contenter de lire l'anglais. Le français va suivre logiquement et magiquement sans que j'aie à le massacrer. Cela va donc nous permettre d'accélérer un peu les choses.
J'ai des modifications à l'article 5, madame la présidente. Au paragraphe (1) de la version anglaise, dans la phrase No person shall give, nous allons remplacer le mot give par le mot provide; provide consideration to a woman. Au lieu de to act as a surrogate mother, nous allons insérer le mot serve; serve as a surrogate mother. Et il y a un ajout...
[Français]
Mme Pauline Picard: Si personne n'a de questions sur vos amendements, vous n'êtes pas obligée de les lire. On peut les adopter tout de suite.
[Traduction]
La présidente: Vous nous direz donc s'il y a des questions et nous...
Mme Carolyn Parrish: Mme Picard a en main les modifications. C'est pourquoi je n'ai même pas besoin de les lire.
[Français]
Mme Pauline Picard: Oui, c'est ça.
[Traduction]
Mme Carolyn Parrish: C'est encore mieux.
La présidente: Je réussirai peut-être à vous apprendre le terre-neuvien avant la fin de la journée.
Mme Carolyn Parrish: Nous avons donc en main les modifications à l'article 5.
Modifications adoptées avec dissidence [voir les Procès- verbaux]
Article 5 adopté tel que modifié avec dissidence [voir les Procès-verbaux]
Article 6 - Achat et vente
Mme Carolyn Parrish: Il y a des modifications.
La présidente: Y a-t-il des questions, madame, sur l'article 6? Non.
Modifications adoptées avec dissidence [voir les Procès- verbaux]
Article 6 adopté tel que modifié avec dissidence [voir les Procès-verbaux]
Articles 7 à 10 adoptés avec dissidence
Article 11 - Consentement du procureur général
La présidente: Il y a une modification.
Amendement adopté avec dissidence [voir les Procès- verbaux]
Article 11 adopté tel que modifié avec dissidence
Articles 12 à 14 adoptés avec dissidence
Article 1 - Titre abrégé
La présidente: Il y a une modification.
Modification adoptée avec dissidence [voir les Procès- verbaux]
Article 1 adopté tel que modifié avec dissidence
La présidente: Le préambule est-il adopté?
Des voix: D'accord.
[Français]
Mme Pauline Picard: Avec dissidence.
[Traduction]
La présidente: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
[Français]
Mme Pauline Picard: Avec dissidence.
[Traduction]
La présidente: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
[Français]
Mme Pauline Picard: Avec dissidence.
[Traduction]
La présidente: Le comité va-t-il demander une nouvelle impression pour l'étape du rapport?
Des voix: D'accord.
[Français]
Mme Pauline Picard: Avec dissidence.
[Traduction]
La présidente: Dois-je présenter à la Chambre le rapport sur l'étude du projet de loi?
Des voix: D'accord.
[Français]
Mme Pauline Picard: Avec dissidence.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup à tous. La séance est levée.