[Enregistrement électronique]
Le mercredi 24 avril 1996
[Français]
Le coprésident (M. Caccia): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous nous rencontrons ici pour tenir une séance avec les représentants de la Commission mixte internationale sur les niveaux d'eau du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.
[Traduction]
D'une certaine façon, il s'agit d'une occasion unique car deux comités permanents siègent ensemble, soit le Comité des transports, présidé par mon distingué collègue Andy Mitchell, et le Comité de l'environnement et du développement durable. Excusez-moi. En fait, il s'agit du comité des ressources naturelles, et non pas du Comité des transports. On me dit que le Comité des transports sera sans doute représenté, mais plus tard au cours de l'après-midi.
L'occasion est donc assez unique, car ce n'est pas souvent que nous recevons les représentants distingués de la Commission mixte internationale sur la Colline. S'il s'agit d'un événement rare, c'est parce que nous ne prenons pas assez souvent le temps de les entendre. Par conséquent, nous ferons notre possible à l'avenir pour consolider les relations que nous établirons ici aujourd'hui et nouer avec la Commission les liens que tous ceux d'entre nous qui veulent assainir les Grands Lacs aimeraient établir.
Avant de présenter les membres de la Commission qui sont présents ici dans cette salle, mon collègue Andy Mitchell aimerait faire une intervention. Ensuite je laisserai le député de Lachine - Lac-Saint-Louis, M. Lincoln nous présenter nos témoins car il a des liens de longue date avec la Commission et il connaît bien les questions relatives aux Grands Lacs. Donc, sans plus tarder, monsieur Mitchell, à vous la parole.
Le coprésident (M. Mitchell): Merci beaucoup, monsieur Caccia. Au nom des membres du Comité des ressources naturelles, j'aimerais moi aussi vous souhaiter la bienvenue et vous dire à quel point nous sommes ravis d'avoir l'occasion aujourd'hui de vous accueillir conjointement avec nos collègues du Comité de l'environnement. Je suis impatient d'entendre votre témoignage, tout comme le sont les membres de mon comité et ceux du comité de Charles, j'en suis certain. Nous sommes impatients de discuter avec vous et d'explorer certaines des questions dont nous sommes saisis.
Charles, merci beaucoup. Allons-y.
Le coprésident (M. Caccia): Merci beaucoup. Nous allons maintenant donner la parole à l'honorable M. Lincoln qui nous présentera nos témoins aujourd'hui.
Monsieur Lincoln, allez-y.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Messieurs les présidents, je vous remercie de me faire le plaisir et l'honneur de présenter nos trois témoins aujourd'hui.
Pour ceux qui s'intéressent de près aux Grands Lacs et au Saint-Laurent, nous avons la chance d'avoir ici aujourd'hui des gens de haut calibre pour aborder ces questions avec nous.
Tom Baldini, qui est le coprésident de la Commission, représente les États-Unis. Il a fait carrière dans le domaine de l'éducation et il a été adjoint en chef pour notre collègue James Blanchard, ancien ambassadeur des États-Unis au Canada, lorsque Jim était gouverneur du Michigan.
En tant que citoyen du Michigan, Tom s'est intéressé de très près, comme Jim l'a fait au cours des ans, à la question des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Nous avons beaucoup de chance d'avoir pu compter sur la contribution et la participation de Tom à un moment crucial pour la question de l'eau pour nos deux pays et un à moment crucial où l'environnement est devenu une question extrêmement délicate sur le plan politique.
Pour ce qui est du côté canadien, nous avons Adèle Hurley, qui est, je pense, la première femme à présider la Commission tant du côté canadien que du côté américain.
Adèle a été nommée commissaire et présidente de la section canadienne de la Commission mixte internationale il y a quelques mois. À ceux qui s'intéressent depuis longtemps aux questions environnementales, je n'ai pas besoin de rappeler sa grande contribution, particulièrement dans la lutte contre les pluies acides; quand elle était très jeune, elle est presque devenue «ambassadrice» du Canada auprès du Congrès américain pour ce qui est de la lutte contre les pluies acides. Il y a plusieurs années, elle est allée à Washington travailler comme bénévole pour le compte de la Coalition canadienne contre les pluies acides. Adèle et Michael Perley ont énormément lutté contre les pluies acides, ce qui a mené aux amendements de la Clean Air Act aux États-Unis et à une entente entre le Canada et les États-Unis sur la lutte contre les pluies acides.
Adèle s'est faite la championne du développement durable en travaillant en tant qu'expert-conseil pour essayer de concilier les questions économiques et les questions environnementales sur le plan pratique. Je suis vraiment ravie que l'on ait choisi quelqu'un qui a d'aussi bonnes lettres de créance dans le domaine de l'environnement pour représenter le Canada auprès de la Commission.
Adèle est accompagnée de
[Français]
Pierre Béland, qui est très connu de beaucoup d'entre nous ici. Pierre représente aussi une force environnementale pour nous tous.
Il a commencé un travail extraordinaire pour la sauvegarde des bélugas du Saint-Laurent où, pendant plusieurs années, son Institut national d'écotoxicologie du Saint-Laurent a fait le suivi des baleines dans le fleuve. Il a procédé à l'éducation de la population en faisant l'adoption de baleines du Saint-Laurent qu'il suivait par l'entremise de son Institut et de ses scientifiques.
Il vient d'écrire un livre sur son épopée avec les bélugas du Saint-Laurent, livre qui a été lancé la semaine dernière. Je l'en félicite, et nous sommes très heureux que Pierre se soit joint à la Commission mixte internationale.
Monsieur le président, je pense que nous devons nous réjouir d'avoir avec nous trois personnes de la stature de Thomas Baldini, Adèle Hurley et Pierre Béland.
Le coprésident (M. Caccia): Merci.
[Traduction]
Madame Hurley, vous avez la parole. Je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à M. Baldini et à Pierre Béland.
Mme Adèle M. Hurley (présidente, Section canadienne, Commission mixte internationale): Merci.
Merci, monsieur Lincoln.
Honorable président et membres distingués de nos comités parlementaires,
[Français]
cela me fait grand plaisir d'être ici aujourd'hui et d'avoir cette occasion de vous informer du travail permanent qu'effectue la Commission mixte internationale concernant la régularisation du système du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.
[Traduction]
Mais tout d'abord, monsieur le président, j'aimerais reconnaître votre engagement personnel et vos réalisations depuis de nombreuses années dans le domaine de la protection environnementale.
Votre rôle dans l'établissement de la politique environnementale, à titre d'ancien ministre de l'Environnement et aujourd'hui en tant que président du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, est bien connu. Votre leadership et le travail des membres du comité et du personnel lors de l'élaboration de votre rapport au Parlement intitulé «Notre santé en dépend» rappellent de façon opportune au gouvernement qu'une société qui souhaite promouvoir une économie saine doit le faire tout en protégeant la santé de ses citoyens et ses ressources naturelles.
J'aimerais remercier un autre pionnier de l'environnement, à l'échelle provinciale et nationale, M. Clifford Lincoln. Il a été ministre de l'Environnement pour la province de Québec ainsi que président du Conseil canadien des ministres de l'Environnement pendant un an. C'est au cours de son mandat qu'a été créé le Groupe de travail national sur l'environnement et l'économie. Il est bien connu pour ses efforts infatigables pour la protection des Grands Lacs et, j'ajouterais, pour son appui à la Commission mixte internationale.
Je suis également très ravie de la présence de M. Andy Mitchell, président du Comité permanent des ressources naturelles.
La Commission mixte internationale a été établie aux termes du Traité des eaux limitrophes de 1909, traité qui établit les principes et les mécanismes pour prévenir les conflits relatifs à l'utilisation des eaux limitrophes et résoudre d'autres questions concernant les frontières communes entre le Canada et les États-Unis. Par conséquent, la commission mixte internationale a quelque 80 ans d'expérience continue pour aider à résoudre les problèmes environnementaux transfrontaliers.
Le traité de 1909 a par ailleurs établi le cadre juridique pour l'utilisation et la gestion des eaux transfrontalières par les deux pays, qui vous sera expliqué de façon plus détaillée au cours de notre exposé.
Depuis les 25 dernières années, la Commission est responsable devant les gouvernements du Canada et des États-Unis de surveiller et de signaler les conditions et les programmes relatifs à la qualité de l'eau des Grands Lacs aux termes de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Le travail de la Commission aux termes de cet accord est considérable. Cependant, je tiens à souligner que nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour parler des questions liées à cet accord.
Permettez-moi de vous parler des principales caractéristiques de la Commission mixte internationale. La Commission est un organisme permanent unitaire, indépendant des politiques des deux gouvernements nationaux. En tant qu'organisme établi, la CMI fournit instantanément un mécanisme et des connaissances pour aider les gouvernements à prévenir et à résoudre les problèmes qui peuvent survenir le long de la frontière.
La Commission est composée de six commissaires; chaque gouvernement en nomme trois. Les commissaires font preuve d'impartialité et leur rôle ne consiste pas à défendre les opinions de leurs gouvernements respectifs. Les décisions sont prises par consensus. La commission établit des conseils consultatifs composés d'experts du Canada et des États-Unis à qui elle confie des tâches spécifiques. Ces experts proviennent de diverses organisations gouvernementales et non gouvernementales et ils sont au service de la Commission en tant que professionnels.
Cet important processus a créé un bassin de plus en plus grand d'experts qui se connaissent et se respectent mutuellement et qui sont prêts à s'attaquer aux problèmes. Les recommandations découlant de ce processus sont habituellement créatrices et les gouvernements s'appuient sur ces recommandations pour modifier les politiques qui pourraient autrement sembler être fixes pour toutes sortes de raisons.
Un facteur crucial dans la capacité de la CMI à influencer le gouvernement, c'est la participation directe du public. Peu de gens se rendent compte que la Commission a été l'un des premiers organismes ayant un mandat fort et des règles de procédure à devoir consulter le public.
Comme je l'ai dit, la Commission est responsable de la régularisation des niveaux de l'eau dans le lac Ontario et dans le réseau du Saint-Laurent ainsi que des débits de l'eau, à la suite de la planification et de l'aménagement des projets hydroélectriques et de navigation dans le fleuve Saint-Laurent par les gouvernements du Canada et des États-Unis dans les années 1950. Par conséquent, les débits sortant du lac Ontario font l'objet d'une régularisation depuis 1960, quand le projet d'hydroélectricité et de la Voie maritime du Saint-Laurent a été achevé.
Au cours de la séance d'information aujourd'hui, nous vous parlerons des efforts en vue de réduire au minimum les effets néfastes des fluctuations des niveaux de l'eau dans le réseau des Grands Lacs et du Saint-Laurent et des principales considérations liées à la régularisation de l'eau, notamment les caractéristiques physiques du réseau, le cadre juridique et les risques pour les divers intérêts. Nous voulons en outre vous décrire les initiatives en vue d'essayer d'améliorer la régularisation.
[Français]
Nous ne pouvons pas accomplir tout ce travail sans avoir recours à l'expertise fournie par les membres du Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent. Ce conseil est un organisme binational qui relève de la Commission et conseille sur les sujets relatifs aux niveaux des débits du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent ainsi qu'aux ouvrages de contrôle et de navigation sur le fleuve Saint-Laurent jusqu'à Montréal. Ce conseil doit tenir compte des divers intérêts qui existent dans le système tout en essayant de répondre aux besoins de ceux-ci.
[Traduction]
La régularisation de ces eaux n'est pas une tâche facile. Nous ferons de notre mieux aujourd'hui pour vous expliquer comment nous gérons ce réseau complexe.
Permettez-moi de vous présenter maintenant deux de mes collègues commissaires, qui sont présents aujourd'hui. Tom Baldini est président de la section États-Unis de la Commission mixte internationale depuis 1994. Il est originaire du Michigan, État qui a la particularité d'être situé en bordure de quatre des cinq Grands Lacs.
Pendant presque toute sa vie il s'est intéressé de près aux questions concernant les Grands Lacs et a participé à la négociation de la Charte des Grands Lacs et du «Great Lakes toxic substance control agreement» pour l'État du Michigan. Je n'aurais certainement pas pu me tirer d'affaire sans son aide au cours des six derniers mois, lorsque je suis arrivée à la Commission.
Le commissaire canadien, Pierre Béland, est originaire de Montréal. C'est un chercheur scientifique qui a travaillé dans le domaine environnemental pendant presque toute sa vie professionnelle. Il est actuellement président et directeur des sciences de l'Institut national d'écotoxicologie du Saint-Laurent. Comme M. Lincoln l'a souligné, ses recherches sur les bélugas ont contribué à attirer l'attention internationale sur les problèmes des substances toxiques dans les Grands Lacs et dans le fleuve Saint-Laurent. Comme vous le savez, il est en outre l'auteur d'un livre qu'il a publié récemment sur le sujet, livre intitulé Les bélugas ou l'adieu aux baleines.
[Français]
Ce livre est aussi disponible en français et s'intitule Les bélugas ou l'adieu aux baleines.
[Traduction]
Sont également présents des membres des deux bureaux de section de la Commission. De la section canadienne, nous avons M. Murray Clamen, conseiller ingénieur; Marie Terrien, notre conseillère en relations publiques; et Michael Vechsler, notre conseiller juridique. Du bureau de la section des États-Unis à Washington, nous avons Lisa Bourget, conseillère ingénieur.
Du Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent, nous avons M. Ed Eryuzlu, de la Garde côtière canadienne. Il est également secrétaire de la section canadienne du Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent. Du Bureau de régularisation des Grands Lacs et du Saint-Laurent d'Environnement Canada, nous avons David Fay. Son bureau offre un soutien technique au Conseil international.
Au cours de cette séance d'information, nous vous présenterons une série d'exposés à l'aide de diapositives dont on vient tout juste, je crois, de vous distribuer un exemplaire pour faciliter les choses. La séance d'information durera environ une heure, et nous serons ensuite très heureux de répondre à vos questions.
Comme nous savons que vous êtes des gens très occupés, nos réponses seront brèves et nous tenterons donc de limiter la période de questions et réponses à 15 minutes, quoique vous voudrez peut-être la prolonger. Nous vous demandons de garder vos questions pour la fin de la séance, car il se peut que l'on réponde à plusieurs de vos questions plus tard au cours de la séance d'information.
[Français]
J'aimerais maintenant céder la parole à Murray Clamen, qui va vous expliquer les caractéristiques physiques du système du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.
[Traduction]
M. Murray Clamen (conseiller ingénieur, Section canadienne, Commission mixte internationale): Merci. Il est important de reconnaître que le lac Ontario, qui est en amont du réseau des Grands Lacs, fait effectivement partie de l'immense réseau des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent.
Sur cette diapositive, on voit le lac en amont, le lac Supérieur, qui se jette dans la rivièreSt. Mary' puis dans le lac Michigan et le lac Huron, puis dans la rivière Sainte-Claire, la rivière Détroit, puis le lac Érié. Excusez-moi. Le lac Érié se déverse dans la rivière Niagara, puis dans le lac Ontario. Les eaux du lac Ontario se déversent dans le fleuve Saint-Laurent, puis l'océan Atlantique.
En plus de l'apport au lac Ontario par la rivière Niagara, qui représente environ 80 ou 85 p. 100 de l'apport d'eau, il y a également l'apport local d'eau au bassin hydrographique. Certaines années, cet apport local d'eau peut être égal ou même supérieur à l'apport de la rivière Niagara.
J'aimerais souligner certaines caractéristiques du projet dont nous discutons aujourd'hui. Le barrage hydroélectrique qui a été construit à Cornwall-Massena, qui s'appelle le projet hydroélectrique Moses-Saunders, fournit de l'hydroélectricité au Canada et aux États-Unis.
Je voudrais mentionner également le dragage considérable qui a été fait pendant la construction du projet, et qui a permis un plus grand écoulement d'eau du lac Ontario que ce n'était possible auparavant. Je devrais également souligner que le projet offre la possibilité d'atténuer, mais pas d'éliminer les fluctuations du niveau d'eau, tant dans le lac que dans le fleuve.
Une autre caractéristique importante qui mérite d'être soulignée, c'est la rivière des Outaouais et son bassin de drainage. Ce bassin est presque égal à celui du lac Ontario, mais les structures de contrôle ne permettent pas une régularisation considérable du bassin. L'exploitation du barrage Moses-Saunders doit en fait tenir compte non seulement des effets de l'écoulement du fleuve Saint-Laurent en aval, mais également de l'écoulement provenant de la rivière des Outaouais, particulièrement pendant la crue printanière comme celle que nous connaissons à l'heure actuelle.
Un autre facteur important est le vent. Il est important de reconnaître que même si les niveaux d'eau dans le lac Ontario et dans le fleuve Saint-Laurent, en aval jusqu'à Montréal, peuvent être moyens ou inférieurs à la moyenne, le vent peut avoir un impact sur les niveaux d'eau à n'importe quel endroit. Par exemple, des vents extrêmes peuvent avoir un impact sur le niveau des eaux dans le lac Ontario pouvant atteindre deux à trois pieds.
Un autre facteur important du projet est son exploitation pendant l'hiver. À partir d'environ décembre jusqu'en avril de l'année suivante, les débits d'eau doivent être bien régularisés afin de permettre la formation d'une couche de glace lisse. Il est essentiel d'avoir une couche de glace lisse afin d'avoir des débits qui permettront la production d'hydroélectricité et qui ne causeront pas d'embâcles qui pourraient avoir un impact sur l'inondation des rives, tant en amont qu'en aval du projet. Sans une couche de glace lisse, il serait pour nous très difficile d'exploiter le projet efficacement.
Le projet permet un meilleur contrôle des fluctuations des niveaux de l'eau qu'auparavant. La diapositive que vous voyez montre trois types différents de variation. La variation globale avant la construction du projet était d'environ six pieds et demi. Grâce à la construction du projet, il est maintenant possible de régulariser le lac avec une variation de quatre pieds, quoiqu'en période d'apports extrêmes, la variation peut être plus importante.
Les variations saisonnières sont d'environ 2,3 pieds avec régularisation. Cette variation est un peu plus importante qu'elle ne le serait sans régularisation, la principale raison étant qu'au cours des 35 dernières années, les apports ont été plus importants que ceux que l'on avait connus précédemment.
Encore une fois, je tiens à souligner que les travaux de dragage du chenal ont été maintenus au niveau minimum requis pour la navigation au moment où le projet a été aménagé et que cela constitue aujourd'hui une caractéristique très importante qui limite les débits du lac Ontario.
Sur cette diapositive, on voit deux types différents de périodes au cours desquelles la régularisation du lac Ontario a profité à ceux qui se trouvaient en amont des deux côtés de la frontière sans que ce soit au détriment de ceux qui vivent en aval.
Le graphique du haut montre une période de sécheresse au cours de laquelle, dans les années 1960, il a été possible d'augmenter le niveau de l'eau alors que cela n'aurait pas été possible sans le projet: la ligne supérieure rouge montre ce qui s'est passé avec la régularisation, tandis que la ligne bleue en pointillé dessous indique quel aurait été le niveau naturel sans régularisation. On peut voir que dans ce secteur général nous avons une élévation du niveau de l'eau d'environ 1,8 pied.
Le graphique du bas montre une période au cours de laquelle les niveaux de l'eau étaient élevés, et encore une fois, la ligne rouge indique ce qui s'est passé avec la régularisation. La ligne supérieure montre ce qui se serait passé sans la régularisation. Dans ce cas, les niveaux d'eau élevés qui auraient pu causer des dommages au cours des années 1980 ont été baissés d'environ trois pieds grâce à la capacité excédentaire créée par le dragage et l'exploitation du projet hydro-électrique.
Par ailleurs, il est important de reconnaître les fluctuations saisonnières dans tous les Grands Lacs. Ici, on voit la fluctuation saisonnière atypique pour le lac Supérieur, le lac Michigan, le lac Huron, le lac Érié et le lac Ontario. On peut voir qu'il y a une fluctuation saisonnière à la hausse des lacs en amont qui se produit plus près de l'automne, tandis que pour le lac Ontario, cela se produit en juin. C'est à peu près la même chose pour le lac Érié. L'ampleur de cette fluctuation saisonnière est d'environ 1,6 pied.
Bien qu'il y ait effectivement fluctuation du niveau d'eau des lacs et que nous en connaissions le cycle, il est peu probable que les niveaux de l'eau suivent exactement le même cycle d'une année à l'autre. Bien que le projet puisse en réduire l'impact, un apport d'eau supérieur à la normale dans le réseau des Grands Lacs signifie habituellement des niveaux d'eau plus élevés, et un apport inférieur à la normale signifie habituellement des niveaux d'eau plus bas.
J'aimerais maintenant demander à Michael Vechsler de vous résumer certains des aspects juridiques du réseau.
Le coprésident (M. Caccia): Nous allons permettre une question d'ordre technique au sujet du graphique, pourvu qu'elle soit très brève.
M. Adams (Peterborough): C'est juste que j'ai lu au sujet du cycle saisonnier moyen des Grands Lacs de 1900 à 1985. Cela doit comprendre un grand nombre d'années naturelles et quelques années artificielles. Comme nous avons maintenant un régime artificiel, est-ce qu'on ne devrait pas normalement inclure uniquement les années artificielles?
M. Clamen: Les fluctuations saisonnières des Grands Lacs tiennent compte des contrôles qui existent. Le lac Supérieur est en fait un lac régularisé, comme le lac Ontario. Cependant les lacs Michigan, Huron et Érié n'ont pas de contrôle artificiel, ils sont donc naturels.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
M. Michael Vechsler (conseiller juridique, Section canadienne, Commission mixte internationale): Merci. Comme vous l'avez entendu, le Traité relatif aux eaux limitrophes de 1909 a été signé en vue de prévenir les conflits et résoudre les questions et les divergences qui pourraient survenir entre les deux pays. La Commission mixte internationale Canada-États-Unis a été établie comme élément clé pour mettre en oeuvre le traité.
Il y a deux éléments du Traité relatif aux eaux limitrophes qui concernent directement la régularisation des débits du lac Ontario aux centrales hydro-électriques de Cornwall-Massena. Tout d'abord le traité prévoit que toute utilisation, obstruction ou diversion des eaux limitrophes qui affecte les niveaux ou les débits de l'eau de l'autre côté de la frontière doit recevoir l'approbation internationale soit de la Commission ou des deux gouvernements. Ensuite, les deux gouvernements peuvent renvoyer tout litige devant la Commission afin qu'elle effectue une étude internationale.
En fait, ces deux procédures ont été utilisées relativement au processus de régularisation du Saint-Laurent. Un processus d'approbation internationale quasi judiciaire a été mis en place et des études internationales ont été entreprises pour examiner le régime de réglementation qui a été établi.
En 1952, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont demandé à la Commission mixte internationale d'approuver les projets hydroélectriques. Les décisions de la Commission dans de tels cas doivent être fondées sur des règles ou des principes qui sont établis dans le traité. L'une des tâches les plus importantes de la Commission consiste à exiger la protection et l'indemnisation adéquates de tous les intérêts qui peuvent être touchés.
Donc, lorsque la Commission a approuvé l'aide des gouvernements en 1952 pour Cornwall et Massena, elle l'a fait sous réserve de plusieurs conditions qui ont été respectées par Hydro Ontario et la New York Power Authority. Ces conditions étaient notamment que le projet soit exploité de façon à respecter l'ordre de préséance dans le traité, qui donne priorité aux utilisations domestiques et sanitaires, suivi de la navigation, puis à l'hydroélectricité et à l'irrigation. L'une des conditions consiste également à sauvegarder, le plus possible, tous les droits et les intérêts en amont du lac Ontario et du projet hydroélectrique le long du fleuve Saint-Laurent. En outre, il est obligatoire de sauvegarder les droits de ceux qui produisent de l'hydroélectricité en aval de Cornwall, et les débits du lac Ontario doivent être régularisés conformément à un plan spécifique. Un conseil international de contrôle doit superviser le processus de régularisation.
Plusieurs années plus tard, la Commission a terminé les études internationales que les gouvernements lui avaient demandé d'entreprendre en vue d'améliorer les niveaux d'eau sur le lac Ontario. À la lumière de ces études, la Commission a proposé des amendements à son ordonnance de 1952 et a introduit de nouveaux critères de régularisation. La Commission a entrepris de longues audiences publiques et obtenu l'approbation des gouvernements avant de mettre en place ces critères. Une fois les critères en place, elle a modifié l'ordonnance.
Cependant, je pense qu'il est intéressant de souligner que l'ordonnance ne comporte aucune condition ou aucun critère portant spécifiquement sur les questions environnementales ou sur la navigation de plaisance. Les révisons de 1956 comprenaient des critères en vue de maintenir le niveau minimum du port de Montréal, de fournir un débit fiable maximum pour l'hydroélectricité, de réduire les fluctuations extrêmes dans le lac Ontario et de prendre des mesures d'urgence dans l'éventualité d'un niveau extrêmement élevé ou extrêmement bas. Par ailleurs, le projet doit être exploité de façon à ne pas offrir aux intérêts de navigation et le long des rives en aval une protection inférieure à celle qu'ils auraient eue avant la construction du projet lorsque, comme on vous l'a dit, il n'y avait pas beaucoup d'eau qui pouvait s'écouler dans la partie du fleuve entre Cornwall et Massena.
Le Conseil de contrôle international du Saint-Laurent, établi et nommé par la Commission, joue un rôle important qui consiste à surveiller le fonctionnement du projet et à mettre en oeuvre les dispositions de l'ordonnance. Le conseil est composé de 10 membres, cinq du Canada et cinq des États-Unis. Les membres offrent leurs services à titre personnel et professionnel et doivent agir par consensus. Le conseil détermine quels débits du lac Ontario peuvent passer par les centrales hydroélectriques pour répondre aux exigences de l'ordonnance de la Commission.
J'aimerais maintenant vous présenter David Fay d'Environnement Canada qui travaille au bureau du représentant de la régularisation du Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent et qui vous parlera du fonctionnement du système.
M. David Fay (représentant de la régularisation, Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent): Comme Michael l'a dit, la quantité d'eau qui sort des barrages est déterminée conformément aux ordonnances d'approbation de la Commission mixte internationale. La plupart du temps, c'est le débit prescrit par le plan de régularisation - c'est le plan 1958-D. Cependant, le Conseil de contrôle international du Saint-Laurent peut ordonner un débit différent de celui prescrit par le plan pour satisfaire à la demande des divers intérêts, mais seulement si ces écarts ne nuisent pas à d'autres intérêts. Le Conseil doit être unanime dans sa décision dans de tels cas.
Le Conseil se réunit plusieurs fois par an et donne aux représentants de la régularisation des directives générales sur la façon de régulariser les débits dans une situation particulière. Le Groupe consultatif sur les activités rencontre les représentants de la régularisation au moins une fois par semaine pour arriver à recommander un débit pour les barrages pour la semaine qui vient. Les membres du groupe consultatif sont des représentants des organismes d'exploitation: Hydro Ontario, la New York Power Authority, Hydro-Québec, l'Administration de la Voie maritime et la Garde côtière canadienne. Les représentants de la régularisation donnent de l'information sur les conditions et le débit de l'eau spécifié dans le plan de régularisation, le plan 1958-D, et transmettent au Groupe consultatif sur les activités toute directive provenant du Conseil.
À partir de ces renseignements, le Groupe consultatif sur les activités recommande un débit pour la semaine suivante aux représentants de la régularisation du Conseil. Tous sont habituellement d'accord et après que la Garde côtière du Canada a donné une confirmation officielle, on donne instruction aux compagnies d'hydroélectricité de l'Ontario et de New York d'ajuster le débit au niveau prescrit. Dans des circonstances inhabituelles, par exemple dans le cas d'un désaccord entre les membres du Groupe consultatif sur les activités ou entre le Groupe consultatif sur les activités et les représentants de la régularisation du Conseil, les représentants de la régularisation doivent consulter le Conseil. Si le Conseil ne peut pas en arriver à un consensus total, il doit alors communiquer avec la Commission ici pour qu'elle tranche.
Au moment de prendre une décision, on tient compte d'un certain nombre de facteurs. Ils comprennent notamment les niveaux d'eau et l'alimentation en eau du lac Ontario et de tout le fleuve Saint-Laurent de Kingston au lac Saint-Pierre. Nous surveillons de près l'alimentation du réseau en eau et nous nous en servons pour prendre des décisions à court terme. Malheureusement, nous ne pouvons pas prévoir très bien l'alimentation future en eau parce qu'elle dépend fortement des précipitations des jours et des semaines à venir et que nous ne pouvons pas encore prévoir avec beaucoup de précision les précipitations longtemps d'avance.
Je dois signaler que le plan de régularisation comporte des contraintes. Nous devons respecter les critères de régularisation contenus dans les ordonnances d'approbation. Nous ne pouvons pas dépasser les niveaux d'eau maximums ou minimums en amont et en aval. Nous devons maintenir les débits d'eau entre certains maximums et minimums. En hiver, nous devons ajuster le débit de manière à éviter les embâcles. Nous devons être prêts à d'éventuelles crues printanières, mais nous devons tout de même être prudents car nous pourrions avoir besoin de garder de l'eau en prévision d'étés secs.
C'est tout ce que nous avons à dire sur notre processus de prise de décisions. Je veux maintenant vous parler de ce qui se passe dans le fleuve Saint-Laurent lorsqu'on change les débits. Vous comprendrez ainsi certains facteurs qui peuvent parfois préoccuper vos commettants.
Si l'on arrêtait complètement l'écoulement au barrage Moses-Saunders, le niveau en amont du barrage serait le même que celui du lac Ontario. Plus on augmente le débit, plus grande est la différence entre le niveau d'eau du lac Ontario et celui du barrage. Autrement dit, la pente du fleuve change au fur et à mesure que le débit change. Ainsi, un faible débit entraîne des niveaux élevés juste en amont du barrage, alors que des débits élevés créent des niveaux plus bas dans ce secteur. En aval du barrage, sur le fleuve Saint-Laurent dans la région de Montréal, un débit élevé au barrage Moses-Saunders causera des niveaux d'eau élevés, et un débit plus bas causera des niveaux d'eau plus bas.
Il arrive parfois que des préoccupations dans un secteur du lac ou du fleuve limiteront ce qu'on peut faire dans un autre secteur. Par exemple, lorsque le niveau du lac Ontario est élevé, on pourrait contribuer à l'abaisser en laissant s'écouler de plus grandes quantités d'eau, mais cela réduirait le niveau d'eau dans le fleuve juste en amont du barrage et augmenterait les niveaux d'eau dans le secteur de Montréal, ce qui préoccupe parfois les résidents locaux. Inversement, lorsque le niveau du lac Ontario est bas, le fait de réduire le débit pourrait aider, mais cela pourrait entraîner des inondations juste en amont du barrage et abaisser les niveaux d'eau dans le secteur de Montréal.
En ce qui concerne les niveaux d'eau en aval, il faut tenir compte du débit de la rivière des Outaouais et de celui des autres affluents locaux. Lorsqu'on prend des décisions quant au débit, il faut tenir compte de la répercussion des niveaux d'eau du lac Ontario et en aval jusqu'au lac Saint-Pierre.
Bien que la régularisation puisse influencer les niveaux d'eau, nous ne pouvons pas les contrôler complètement. Des périodes d'inondation et de sécheresse surviendront même dans le cadre d'un réseau régularisé. La nature constitue encore la force dominante dans ce réseau.
J'ai sauté quelque chose ici. Je vais retourner au point où nous aurions dû être.
L'exploitation du réseau du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent est vraiment un art. Avec l'aide d'un plan de régularisation, nous essayons d'équilibrer les exigences de niveaux et de débit de plusieurs intérêts différents dans le réseau. Lisa Bourget, conseillère ingénieure de la Commission mixte internationale (CMI) de Washington, vous donnera maintenant plus de détail sur certains de ces intérêts.
Mme Lisa Bourget (conseillère ingénieure, Section américaine, Commission mixte internationale): Des changements dans les niveaux d'eau et les débits du lac et du fleuve peuvent avoir des répercussions sur un certain nombre d'intérêts différents. Parfois les représentants de ces intérêts sont d'accord entre eux, mais souvent, ils ne le sont malheureusement pas. Nous classons généralement ces intérêts dans les cinq catégories qu'on voit ici: les riverains, l'hydroélectricité, la navigation, les plaisanciers et l'environnement.
Les riverains ne représentent pas un groupe d'intérêts unifiés. Leur intérêt dépend de l'emplacement géographique où ils se trouvent dans le réseau et il est donc vraiment fonction d'un lieu. Les membres de ce groupe tiennent vraiment beaucoup à ce que les fluctuations des débits demeurent dans des limites très étroites. Trop d'eau peut signifier des problèmes d'inondation et d'érosion, tandis que trop peu d'eau peut signifier des problèmes d'accès à l'eau.
La centrale hydroélectrique Moses-Saunders utilise généralement tous les débits prescrits pour produire de l'électricité. Son intérêt consiste principalement à produire de l'électricité de la manière la plus efficace possible.
L'entreprise est également très préoccupée par les ajustements du débit au début de l'hiver. Son intérêt est d'avoir une couche de glace stable, comme nous l'avons mentionné tantôt. Cela donnera une plus grande flexibilité vers la fin de l'hiver.
La régularisation du flot à la centrale Moses-Saunders touche non seulement cette centrale, mais aussi deux centrales hydroélectriques importantes en aval, près de Montréal.
La navigation requiert des niveaux d'eau adéquats dans toute la Voie maritime du Saint-Laurent pour permettre le transport maritime pendant toute la saison de navigation. Là encore, cependant, une trop grande quantité d'eau peut créer un problème. Les vitesses élevées du courant et les courants de travers peuvent rendre la navigation dangereuse. Au début de l'hiver, lorsqu'il est dans l'intérêt des compagnies d'hydroélectricité d'essayer de maintenir une couche de glace stable, il peut à l'occasion y avoir un conflit avec les intérêts de la navigation, qui sont de naviguer dans l'ensemble du réseau, ce qui peut contribuer à briser la glace.
Les trois premiers groupes d'intérêt dont je viens de parler sont mentionnés spécifiquement dans les ordonnances d'approbation. Les deux groupes suivants ne le sont pas. Le Conseil en tient toutefois compte dans ses délibérations. Ces deux groupes d'intérêts ont vraiment évolué beaucoup depuis la rédaction des ordonnances originales.
Les plaisanciers veulent prolonger leur saison, qui commence maintenant à la mi-mai et peut se poursuivre jusqu'après la Fête du travail. Tout comme les riverains, ils ne constituent pas un groupe d'intérêts unifiés, et leur intérêt varie selon l'endroit où ils se trouvent dans le réseau.
En fait, une personne qui possède un quai flottant peut ne pas voir de problème alors que son voisin, qui a un quai fixe, eut en voir un, alors que le niveau d'eau est le même. Les plaisanciers veulent principalement s'assurer de conserver des niveaux d'eau adéquats pour avoir accès à l'eau et pouvoir naviguer pendant toute leur saison.
Comme c'est le cas des riverains et des plaisanciers, les intérêts du secteur environnemental sont incroyablement diversifiés. Les niveaux d'eau et les débits peuvent avoir une incidence tant sur la flore que sur la faune. Alors que les riverains peuvent vouloir une brève interdiction de la régularisation du débit et des changements limités dans le niveau de l'eau, des périodes occasionnelles d'inondation et de temps sec peuvent en fait aider à remplir les marécages et à soutenir la diversité des espèces. Il y a donc encore là un conflit.
Je voudrais maintenant passer la parole à M. Clamen, qui parlera des initiatives en cours.
M. Clamen: Je tiens à souligner aux membres des deux comités parlementaires présents ici deux initiatives que la Commission a entreprises pour vérifier la possibilité d'améliorer la régularisation des débits dont on vient de vous parler.
Ces mesures découlent d'une étude de huit ans effectuée de 1986 à 1994, que nous appelons l'étude de référence sur les niveaux d'eau. Elle a été déclenchée à cause des niveaux d'eau élevés sur la plupart des Grands Lacs.
Les deux initiatives examinent ce qui suit: (1) si l'on peut apporter des changements et des améliorations au plan actuel de régularisation, soit le plan 1958-D; et (2) si dans les ordonnances actuelles d'approbation, dont on vient de vous exposer les aspects légaux, nous pouvons tenir suffisamment compte de tous les intérêts, en amont et en aval. Comme on vient de vous le dire dans l'exposé, les critères utilisés pour les ordonnances de la Commission n'incluent pas actuellement les intérêts de l'environnement et des plaisanciers.
L'étude sur le plan de régularisation est en train d'être évaluée par notre Conseil du Saint-Laurent sur une période d'essai de trois ans. Cette période se terminera au début de 1997. Le Conseil informera la Commission des résultats. Nous déterminerons alors quelles autres mesures s'imposent.
Le plan 58-D, comme nous l'appelons, est celui qui est en vigueur depuis une trentaine d'années. Le Conseil l'utilise pour prendre les meilleures décisions possibles sur une base hebdomadaire. Il tient compte de certaines contraintes et fixe un débit fondé sur des conditions moyennes à long terme et l'alimentation prévue dans le réseau.
Le plan 35-P est un des plans de régularisation de rechange et il est d'une nature semblable au plan 1958-D, mais il incorpore en fait 30 années de plus de données et d'expérience accumulées depuis la construction du projet et il inclut tout cela dans le modèle de régularisation.
L'autre plan de rechange, que nous appelons IS-4 - lettres qui signifient satisfaction des intérêts - est essentiellement une nouvelle méthode qui évalue dans quelle mesure divers niveaux d'eau ou débits sont souhaitables pour chacun des différents intérêts qui se trouvent le long du lac et du fleuve et dont on vient de vous parler. Dans le cadre de ce plan, on choisit le débit qui, tout en respectant certaines limites et contraintes, donnera le plus haut résultat total combiné quant à la satisfaction de tous les divers intérêts. Je souligne le mot «combiné» parce que c'est l'aspect du plan qui vise l'optimisation.
Au sujet de la seconde initiative, que nous appelons examen des critères - ces critères étant les ordonnances d'approbation de la Commission - je tiens à mentionner qu'on a demandé à notre Conseil de contrôle du Saint-Laurent de préparer un énoncé des travaux qui donnerait une idée du genre d'études nécessaires pour déterminer si l'on peut apporter d'autres modifications à l'ordonnance et si l'on peut tenir compte des intérêts que nous avons mentionnés.
Le Conseil a tenu cinq séances publiques dans des localités le long du fleuve et du lac pendant l'été et l'automne de 1995, des deux côtés de la frontière, afin de donner des renseignements dans la façon dont les débits sont régularisés dans le réseau et de recueillir des idées qui aideraient à rédiger l'énoncé des travaux.
Le Conseil de contrôle a étudié ces idées dont on lui a fait part et a préparé le texte final de ses conseils pour la Commission. La Commission a reçu l'énoncé des travaux du Conseil à Washington la semaine dernière, pendant la séance de notre exécutif et nous sommes en train de l'étudier.
Je voudrais maintenant passer la parole au commissaire Béland, qui résumera certains des aspects clé de notre présentation.
[Français]
M. Pierre Béland (commissaire, Section canadienne, Commission mixte internationale): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, vous me permettrez de résumer la présentation, non pas en rappelant chacun des faits, mais plutôt en la plaçant dans le contexte de la position de la Commission, qui doit interagir avec les gens qui habitent des deux côtés de ce système et qui sont les gens que vous représentez.
Premièrement, il faut bien voir que le système Ontario - Saint-Laurent se situe dans un contexte binational - deux pays, huit États et deux provinces qui ont chacun leur administration et leur législation - , qu'il a des caractéristiques physiques complexes qu'on ne peut pas modifier et qu'il doit répondre à des intérêts variés d'une population qui a grandi considérablement depuis le moment de l'aménagement du Saint-Laurent et dont les intérêts ont changé. C'est tout cela qui détermine la façon dont le débit au barrage de Moses-Saunders est fixé.
Je voudrais maintenant vous donner une petite idée de la complexité du système en montrant que pour les gens qui habitent à Rochester, dans l'État de New York, le système est relativement simple. Il s'agit d'un lac. Par contre, pour quelqu'un qui habite Montréal, ce système comprend le lac Ontario en amont, le Saint-Laurent et l'Outaouais. Sa perception de la façon dont on doit gérer le système est donc très différente.
C'est dans ce contexte que la Commission gère le système, qu'elle essaie de répondre aux demandes de ces gens qui habitent un peu partout et qui ont des intérêts diversifiés, cela en appliquant un plan qui a été élaboré dans les années 1950 et qui ne tenait compte que de trois intérêts, comme on l'a vu aujourd'hui: la navigation, l'aménagement hydro-électrique et les intérêts des riverains.
Depuis ces années, deux domaines d'intérêt se sont développés considérablement: la navigation de plaisance et la conception que nous avons aujourd'hui de l'environnement, conception qui n'existait pas à l'époque et qui fait même dire à des gens que, si on avait eu à l'époque la conception de l'environnement qu'on a aujourd'hui, on n'aurait probablement jamais réussi à faire construire ce système qu'on essaie maintenant de régler.
Lors des rencontres que nous avons eues avec ces gens, particulièrement l'an dernier - nous avons eu cinq rencontres publiques un peu partout le long du bassin - , on a constaté que les gens étaient davantage prêts à accepter une catastrophe s'ils considéraient qu'elle avait été causée par la nature, et beaucoup moins prêts à accepter un dérangement bien moindre lorsqu'ils avaient la perception que ce dérangement avait été causé par quelqu'un ailleurs.
La perception engendre des émotions et l'analyse des faits engendre la connaissance, mais il ne sert à rien de combattre des émotions avec des faits.
Notre action auprès des gens que vous représentez doit faire appel à l'éducation, c'est-à-dire à des rencontres pour essayer d'expliquer aux gens comment le système fonctionne ainsi que ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire.
Lors de ces rencontres-là, on a affaire, à un bout du système, à un propriétaire de bateau de plaisance de la ville de Rochester qui a certaines exigences lorsqu'il veut placer son bateau dans sa marina ou, à l'autre bout, à un pêcheur commercial qui prend du brochet dans le lac Saint-Pierre. À première vue, ces gens ont des intérêts complètement divergents. Notre tâche est d'essayer de faire comprendre à ces gens qu'ils doivent partager l'eau tout comme ils partagent l'espace géographique.
Sur ce, je redonne la parole à la présidente de la Section canadienne, Mme Hurley.
[Traduction]
Mme Hurley: Merci, Pierre.
Je tiens seulement à remercier les députés d'avoir eu la patience de nous écouter parler de certains aspects évidemment assez techniques de cette question. Je vous signale également queM. Murray Clamen, du bureau de la Commission à Ottawa, serait le mieux en mesure de répondre à toute demande de renseignements et de documents qui suivra cette réunion.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Caccia): Merci. Je me demandais si M. Baldini voulait ajouter quelques mots. Nous serons certainement heureux d'entendre ses commentaires.
M. Thomas L. Baldini (président, Section américaine, Commission mixte internationale): Merci, monsieur le président.
J'apprécie l'occasion qui m'est donnée d'être ici et nous vous remercions de nous donner l'occasion de venir discuter avec vous de ce réseau hydrographique. Au fur et à mesure que se prolonge mon expérience au sein de la CMI, je deviens de plus en plus conscient du caractère unique des Grands Lacs, de cet immense réseau hydrographique dont jouissent nos deux pays. Le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent font partie de ce réseau, et c'est la partie dont nous discutons avec vous aujourd'hui.
J'ai trouvé particulièrement intéressant ces dernières années que nous découvrions deux secteurs d'intérêts sur le Saint-Laurent - l'environnement et la navigation de plaisance - qui n'ont jamais été inclus dans le mandat original préparé par les deux gouvernements, et des questions liées à ces secteurs surgissent tout au long du réseau des deux côtés de la frontière.
Sur les rives des lacs Ste-Croix, Rainy et Namakan au Minnesota, et même le long des réseaux fluviaux dont nous régularisons le débit dans l'ouest, nous constatons maintenant que les gens qui viennent s'installer dans ces régions y restent et deviennent des résidents permanents. Autour des lacs Rainy et Namakan, par exemple, nous constatons que dans le passé les gens y construisaient un chalet, où ils venaient en juin, juillet et août, mais pas davantage. Maintenant, ils construisent leur chalet qu'ils quittent en janvier, février ou mars pour aller dans le sud, mais c'est là qu'ils vivent maintenant.
Nous constatons que ces gens demandent davantage aux gouvernements des provinces et des États où ils habitent, espérant que nous résoudrons certains de leurs problèmes. Ce réseau hydrographique dont nous régularisons le débit est immense. En plus d'être immense, il a une incidence sur la vie de millions de personnes. Je suis persuadé que vos électeurs viennent vous dire, à vous, leurs leaders politiques, s'ils sont satisfaits ou non de la façon dont les choses fonctionnent.
Je viens de Marquette, au Michigan, sur les rives du lac Supérieur. C'est un très grand lac que nous acceptons tout de même lorsqu'il décide de se déchaîner un peu au printemps ou à l'automne. Il est immense et il a une incidence considérable sur le reste du réseau.
Je remarque un membre du comité que j'ai rencontré à Thunder Bay et qui habite également sur les rives du lac Supérieur.
Dans nos conseils internationaux, nous prenons notre responsabilité à cet égard très au sérieux et la population avec qui nous oeuvrons prend également cela très au sérieux. Comme le commissaire Béland l'a dit, les gens pensent très souvent que nous avons des pouvoirs magiques et que si nous laissons écouler de l'eau au barrage de Moses-Saunders, le niveau de tout le lac baissera immédiatement d'un pied en une heure. Ce n'est évidemment pas le cas, mais nous pouvons comprendre que les gens sont préoccupés par leurs bateaux, leurs maisons et leur environnement, ou par toutes sortes d'autres questions. Nous apprécions donc cette occasion qui nous est donnée de venir parler ici de ces questions et de continuer de nous en occuper.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, monsieur Baldini.
J'ai déjà plusieurs noms sur ma liste de députés qui veulent poser des questions. Je suis persuadé que nous aurons une bonne réunion. J'invite mes collègues à poser des questions brèves et précises afin de permettre à d'autres d'en poser.
[Français]
Monsieur Asselin.
Mr. Asselin (Charlevoix): Je dois féliciter les membres de la Commission de leur excellent travail. Je suis convaincu que votre commission est de plus en plus rassurante pour ceux qui ont à utiliser la Voie maritime ou qui ont accès aux cours d'eau du fleuve Saint-Laurent et du lac Ontario.
On a appris que vous vous réunissiez au moins une fois par semaine. J'aimerais savoir combien de fois par année vous devez intervenir par des actions concrètes pour régulariser les niveaux d'eau, principalement sur le fleuve Saint-Laurent. On a eu l'occasion dernièrement de lire dans les journaux au Québec que les niveaux d'eau sur le fleuve Saint-Laurent étaient dans une situation critique pour la deuxième année consécutive à cause de la crue des eaux.
Environnement Canada et d'autres devaient sûrement être au courant cette inquiétude, car des gestes concrets devaient être posés à court terme afin de protéger la faune et la flore. Cela semblait problématique.
J'aimerais savoir quelles décisions ont été prises et quels gestes ont été posés, et si l'état actuel du niveau d'eau du fleuve Saint-Laurent continue de se détériorer présentement. Il faut aussi se préoccuper de la surveillance des inondations éventuelles dans la région du fleuve Saint-Laurent.
Le coprésident (M. Caccia): Madame.
[Traduction]
Mme Hurley: Premièrement, lorsqu'on a parlé de réunions une fois par semaine... il ne s'agissait pas de la Commission. La Commission se réunit en fait deux fois par année et les membres de l'exécutif se réunissent environ tous les deux mois. Cependant, le Conseil de contrôle du Saint-Laurent, qui relève de nous, se réunit plus fréquemment en fonction justement du genre de problèmes dont vous venez de parler.
Nous pourrions peut-être répondre à votre question en deux parties. Je voudrais qu'un représentant du Conseil, peut-être David Fay, ou encore Ed, s'approche pour répondre à la question. Le commissaire Béland voudrait aussi commenter l'article de journal auquel vous faisiez allusion, je pense. Nous sommes au courant de cet article.
[Français]
Le coprésident (M. Caccia): Monsieur Eryuzlu, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Numan E. Eryuzlu (secrétaire, Conseil de contrôle du fleuve Saint-Laurent): Je m'appelle Ed Eryuzlu, et je suis secrétaire de la section canadienne du Conseil de contrôle du fleuve Saint-Laurent. J'essaierai d'abord de répondre à la question concernant le contenu de ces articles.
[Français]
À l'époque où les articles ont été écrits, la crue n'était pas encore arrivée, mais je peux dire aujourd'hui que, depuis trois jours, elle est déjà commencée. Ce n'est pas trop tard; c'est normal. D'habitude nous avons deux crues, la première vers la dernière semaine d'avril, ce qui est la réalité à l'heure actuelle, et une deuxième qui se produit souvent au début de mai, mais on n'en est pas encore là. Je peux donc dire qu'il n'y a rien d'anormal.
Aujourd'hui, les niveaux à Montréal sont à plus de deux mètres au-dessus du chart datum. Donc, tout est normal.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Asselin: Quels auraient été les gestes posés afin de protéger la faune et la flore si on n'avait pas eu de crues d'eau? On sait que, depuis quelques jours, on a de la pluie, ce qui a aidé à améliorer la situation du fleuve Saint-Laurent afin de protéger la faune et la flore. Si on vivait une sécheresse pendant l'été, quels gestes seraient posés à ce moment-là pour les eaux du fleuve Saint-Laurent?
M. Eryuzlu: Parlez-vous de l'année passée ou de cette année?
M. Asselin: Cela importe peu, car j'imagine que vous ne devez pas avoir une politique pour une année et une autre politique pour l'autre année. Votre politique doit être la même en tout temps.
M. Eryuzlu: Puis-je ajouter que le Conseil est bien au courant de la situation et qu'il nous a autorisés à ne pas couper le débit si les crues n'arrivaient pas?
[Traduction]
Je vais passer à l'anglais, si vous le permettez.
Nous savons fort bien qu'il peut y avoir un retard ou que les eaux n'arrivent pas en temps voulu ou ne soient pas suffisamment abondantes pour le poisson. Par conséquent, il y a à peine une semaine environ, le Conseil nous a autorisés à ne pas réduire le débit, si une telle préoccupation existe.
Cependant, comme je viens de le dire, depuis trois jours environ, à cause du beau temps et du réchauffement de la température, la crue normale se produit maintenant - et les niveaux d'eau ont monté. De fait, on craint maintenant qu'ils soient trop élevés pour le lac Saint-Louis, mais là encore, il n'y a pas de crise.
[Français]
M. Béland: Je ne peux que confirmer ce que M. Eryuzlu a dit, peut-être en d'autres termes. Le Conseil de contrôle suit le plan qui a été établi en 1958, qu'on appelle le 1958-D. Ce plan lui permet certaines variations.
Par exemple, avant la période dont vous parliez, vers la mi-avril, on avait déjà prélevé trois centimètres d'eau sur le lac Ontario, pour permettre qu'il y ait une certaine quantité d'eau en bas. Mais lorsque la pluviosité est très faible et qu'il n'y a pas d'apport de pluie pendant une très longue période, il n'y a à peu près rien que l'on puisse faire, sauf espérer qu'il y aura de la pluie.
C'est le genre de réponse que le Conseil de contrôle va apporter s'il y a vraiment peu de pluviosité, comme cela a été le cas l'automne dernier: on ajoute un peu plus d'eau que cela est prévu dans le plan. Mais il y a des limites qu'on ne peut pas dépasser.
Pendant l'hiver, on prélève de l'eau du Lac Ontario quand on prévoit qu'il y aura des pluies abondantes au printemps ou que la fonte des neiges va ajouter beaucoup d'eau. Mais s'il n'y a pas de neige pendant l'hiver, on a pris des précautions en prévision de quelque chose qui ne s'est pas produit et on ne peut pas réparer ce qu'on a fait. Il faut attendre la pluie.
Donc, les caractéristiques physiques du système sont celles qui, finalement, dirigent ce qui va arriver. On essaie d'améliorer les choses, mais on ne peut pas toujours le faire.
Heureusement, la crue est arrivée depuis les premiers articles de journaux. Maintenant tout va bien. J'ai constaté moi-même aujourd'hui, dans le train en provenance de Montréal, que la rivière des Outaouais coule abondamment. Il serait trop long d'expliquer toutes les caractéristiques du système, mais il faut savoir que lorsque la rivière des Outaouais coule abondamment, ça ne donne pas grand-chose d'envoyer de l'eau par le Saint-Laurent parce que le courant de l'Outaouais ferme à toutes fins pratiques l'arrivée de l'eau du Saint-Laurent.
[Traduction]
Le coprésident (M. Caccia): Cela met-il fin à votre réponse, monsieur Béland et madame Hurley? Pouvons-nous passer à la question suivante? La liste s'allonge.
La parole est d'abord à M. Finlay, qui sera suivi de M. Thalheimer, de M. Reed, de M. Lincoln et de Mme Kraft Sloan, après quoi ce sera au tour du président, si personne d'autre n'exprime le désir de participer au premier tour de questions. Nous aurons ensuite un rapide deuxième tour de questions pour ceux qui auront des questions supplémentaires à poser.
Monsieur Finlay, je vous en prie.
M. Finlay (Oxford): Monsieur le président, merci beaucoup. C'était un exposé des plus intéressants. J'ai quelques questions à poser.
Si je comprends bien, d'après les documents que vous nous avez fournis, nous avons réduit les fluctuations de débit, dans des circonstances normales, et c'est évidemment ce que nous devrions vouloir faire.
Vous avez mentionné qu'initialement l'environnement et la navigation de plaisance n'entraient pas en ligne de compte. M. Clamen a dit, je crois, que le dragage a été effectué jusqu'à la profondeur minimale requise pour la navigation. C'est dans les notes que j'ai prises en écoutant ces explications. Était-ce pour faire des économies? Je me demande quelle en était la raison.
Monsieur Béland, vous avez dit qu'on n'avait pas au début pensé au concept de l'environnement et qu'on n'aurait jamais aménagé un tel réseau si l'on avait songé à l'environnement et à la navigation de plaisance. Qu'entendiez-vous par là?
M. Béland: Je répondrai d'abord à la seconde question, si vous le permettez.
Étant donné la façon dont on doit maintenant tenir compte des aspects environnementaux, c'est-à-dire qu'il faut tenir des audiences, examiner tous les besoins des poissons, des oiseaux aquatiques, certains disent que si nous devions entreprendre un projet de cette nature maintenant, il faudrait des décennies pour le faire accepter, à cause de la complexité des aspects environnementaux.
Je voulais simplement souligner combien il est difficile de tenir compte des aspects environnementaux une fois qu'un réseau est déjà aménagé.
M. Vechsler: J'ajouterai que vous avez raison de dire que la réduction des fluctuations de niveau sur le lac Ontario constitue l'un des objectifs du projet.
Pour ce qui est du dragage, je voulais parler du dragage qui s'est fait en amont et en aval. Il avait essentiellement deux objectifs. En augmentant la capacité d'écoulement du fleuve, on a alors un écoulement plus grand qu'auparavant du lac Ontario, qu'on peut acheminer dans le fleuve. Deuxièmement, c'était nécessaire pour la navigation commerciale à l'époque de la construction de la Voie maritime.
Le projet comportait un certain niveau de dragage tenant compte de la dimension des navires qui devaient utiliser le réseau.
En outre, le dragage coûte énormément cher. Les coûts étaient prohibitifs et on devait en tenir compte dans la conception du projet.
M. Finlay: Vous avez mentionné l'élément éducation et les efforts que vous avez faits pour amener ces gens à comprendre ce qui se passe. Ai-je raison de dire qu'à cause de notre intervention, celle de l'administration, du conseil ou de l'homme, comme vous l'avez signalé à juste titre, on nous blâme probablement quelque peu pour des répercussions qui seraient encore pires dans des conditions naturelles?
C'est peut-être une chose que nous devons comprendre.
M. Béland: En effet. C'est pourquoi j'ai dit que les gens sont souvent plus disposés à accepter des choses qu'ils considèrent comme naturelles que des choses qui sont le résultat de l'intervention de l'homme. Maintenant que nous avons modifié le réseau, nous devons en accepter les conséquences et nous devons nous efforcer d'expliquer ce qui se passe, tandis que si nous n'avions rien fait, nous dirions: «Eh bien, il ne pleut pas cette année». C'est aussi simple que cela.
Maintenant, c'est plus complexe, parce que nous avons simplifié la situation.
Le coprésident (M. Caccia): Merci. Monsieur Thalheimer, vous avez la parole.
M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Je veux comprendre la topographie. Tous les lacs, les quatre lacs, se déversent dans le lac Ontario et ensuite dans le Saint-Laurent. C'est tout le bassin hydrographique. Il y a aussi la rivière des Outaouais et d'autres, mais essentiellement, les quatre lacs se déversent dans le lac Ontario, puis dans le Saint-Laurent et enfin dans l'Atlantique.
Les mesures de régularisation sont-elles toutes prises sur le Saint-Laurent? Est-ce qu'il y en a ailleurs? Les seuls secteurs où l'on prend des mesures de régularisation sont-ils au-delà du lac Ontario?
M. Vechsler: Deux lacs font l'objet de mesures de régularisation prises par l'homme: à l'embouchure du lac Supérieur de même qu'à l'embouchure du lac Ontario.
M. Thalheimer: Vous prenez des mesures de régularisation au lac Supérieur?
M. Vechsler: Oui. À l'extrémité de la rivière St. Marys, il y a un autre aménagement qui a été approuvé par cette Commission en 1914. Il existe une autre commission de régularisation, appelée la Commission de régularisation du lac Supérieur.
M. Thalheimer: Elle régularise quoi?
M. Vechsler: Elle supervise le fonctionnement de cet aménagement particulier.
M. Thalheimer: C'est pourquoi vous parlez d'une commission conjointe du lac Ontario et du Saint-Laurent. N'est-ce pas? C'est celle qui s'occupe de la rivière St. Marys?
M. Vechsler: Nous avons en réalité une vingtaine de commissions de régularisation de la côte ouest à la côte est du pays.
Mme Hurley: Vous entendez aujourd'hui les représentants d'une seule d'entre elles.
M. Thalheimer: Il s'agit de la Commission de régularisation du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.
M. Vechsler: C'est exact.
M. Thalheimer: Mais cette commission régularise nécessairement le niveau de tous les Grands Lacs et l'ensemble hydrographique qu'on voit sur la carte.
M. Vechsler: Nous voulions seulement vous montrer l'ampleur de tout le réseau des Grands Lacs, car nous reconnaissons que le lac Ontario est situé en aval et est donc alimenté par les lacs situés en amont. Le seul autre endroit où l'on régularise le débit, si vous voulez, est le lac situé le plus en amont, soit le lac Supérieur.
M. Thalheimer: Par conséquent, le fleuve Saint-Laurent est le secteur crucial, en réalité, parce que c'est là que les mesures de régularisation peuvent vraiment avoir des effets, dommageables ou autres.
M. Vechsler: Il est certain que le fleuve Saint-Laurent doit recevoir toute l'eau qui vient de la partie du réseau située en amont.
M. Thalheimer: Quand vous dites qu'on n'a pas tenu compte de l'environnement au moment de l'aménagement du réseau dans les années 1950, dites-vous que l'environnement a subi des dommages qu'on ne peut pas réparer ou contrôler?
M. Vechsler: Je pourrais essayer de répondre, si vous le permettez.
Les gens étaient au courant des aspects environnementaux, au moment des travaux d'aménagement. Ces aspects prennent maintenant plus d'importance et sont plus évidents. En outre, les répercussions de la régularisation sont plus évidentes maintenant qu'elles ne l'étaient dans le passé.
Nous n'insinuons pas qu'il y a eu des dommages. Il s'agit seulement de reconnaître les répercussions sur l'environnement et la navigation de plaisance. Nous en sommes beaucoup plus conscients maintenant qu'on ne l'était au moment des travaux d'aménagement.
M. Thalheimer: Les problèmes environnementaux concernent-ils seulement la navigation de plaisance ou y a-t-il d'autres répercussions environnementales?
M. Vechsler: Il s'agit de questions environnementales concernant la flore et la faune dans l'ensemble du réseau, en amont et en aval; il y a notamment les conditions de frai pour les poissons et diverses conditions dans les marécages, en amont et en aval. La navigation de plaisance est une question distincte, tant en amont qu'en aval, sur le lac Saint-Louis.
M. Thalheimer: Il s'agit évidemment dans tous les cas d'une question de niveau d'eau.
M. Vechsler: Il existe un rapport très important entre ces activités et les niveaux d'eau, ainsi que les débits dans les réseaux, tant en amont sur le fleuve qu'en aval jusque dans le lac Saint-Louis, et au-delà du secteur de Montréal.
M. Thalheimer: Êtes-vous en mesure de gérer cela en conformité des règlements imposés, je suppose, par les divers États et gouvernements en cause?
M. Vechsler: À l'heure actuelle, nous avons une ordonnance d'approbation qui prévoit des niveaux d'eau et des débits pour les principaux intérêts que nous avons mentionnés. Dans la mesure du possible, le Conseil a l'autorité nécessaire pour dévier de ce plan afin de répondre à certains besoins des plaisanciers et tenir compte des intérêts environnementaux, sans nuire aux intérêts déjà reconnus. Grâce aux deux initiatives que nous entreprenons en ce moment, nous tentons de voir si nous pouvons inclure, d'une manière plus codifiée dans les ordonnances d'approbation, les besoins des intérêts dont on n'avait pas tenu compte au moment de l'approbation originale du projet par la Commission dans les années 50.
J'ignore si l'un des représentants du Conseil ou quelqu'un d'autre voudrait ajouter un complément d'information.
M. Baldini: Si vous le permettez, j'ajouterai un seul commentaire. Vous vous souvenez peut-être que l'une des diapositives précédentes montrait que le niveau d'eau variait de six à six pieds et demi avant la construction de la Voie maritime. La fluctuation est maintenant de moins de quatre pieds.
Si vous pensez à ce que représente un pied d'eau et jusqu'où une telle quantité d'eau remonterait sur une plage ou un littoral régulier, vous comprendrez que les écologistes éprouvent des craintes pour l'habitat du poisson, les marécages... Comme l'un d'entre eux me le disait, certains des marécages sont maintenant des terres sèches. Cette question les préoccupe donc.
Vous vous souviendrez que tout récemment, on a laissé sortir toute l'eau de l'un des barrages lorsque le secrétaire de l'intérieur, Bruce Babbitt, était dans l'ouest. Cela a créé un débit énorme, dont l'objet était en partie de nettoyer la rivière, mais aussi de remettre de l'eau dans le système.
Certains nous proposent de faire davantage avec nos fluctuations. Manifestement, le problème c'est qu'il y a de nombreux riverains le long de la rivière et du lac qui souhaiteraient que nous maintenions le niveau de l'eau très stable. En fait, certains voudraient que l'eau fluctue de deux pieds au maximum.
Il y a donc des intérêts contradictoires, et je ne suis pas sûr que nous puissions satisfaire tout le monde. La Commission essaie de satisfaire le plus d'usagers possible, parfois à des saisons différentes. Mais je doute que nous puissions jamais les satisfaire tous étant donné que chacun souhaite qu'on tienne compte de ses intérêts particuliers.
M. Thalheimer: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, monsieur Thalheimer.
Nous allons maintenant entendre M. Reed, suivi de M. Lincoln.
M. Reed (Halton - Peel): Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à féliciter la nouvelle présidente de la section canadienne, Adèle Hurley. Je peux vous dire, d'après mon expérience, qu'elle apporte à ce poste une vision, une ténacité, ainsi qu'une objectivité qu'elle a démontré à l'envie au fil des années. Les Canadiens seront très bien servis par sa présence.
Je vous félicite, Adèle.
J'ai appris aujourd'hui une chose que je ne savais pas. En 1986, il y a eu une période où l'eau était incroyablement haute, suivie d'une période où elle était très basse. Si ma mémoire est bonne, je me souviens de n'avoir pas pu traverser en bateau les eaux boueuses près de Penetang. Malheureusement, j'ai été pris au beau milieu de la controverse politique entre l'État du Michigan et la province de l'Ontario. À l'époque, j'étais l'adjoint administratif du ministre des Ressources naturelles et j'ai dû traiter avec l'adjoint administratif du gouverneur. Étiez-vous l'adjoint administratif?
Des voix: Oh, oh!
M. Reed: Je crois que c'est cette querelle qui a donné lieu à l'étude.
M. Baldini: Oui.
M. Reed: De toute évidence, ses conclusions ont été plus réalistes que les suppositions qui avaient cours à ce moment-là.
À l'époque, on avait mis en cause la dérivation du lac Ogoki. D'après les renseignements dont nous disposions, la dérivation du lac Ogoki n'influait guère sur le niveau du lac - son influence était minime - mais on lui a fait porter le blâme plus parce qu'il était en Ontario, je crois, que pour toute autre raison.
Pourriez-vous nous résumer très brièvement les conclusions de cette étude?
M. Clamen: J'ai une ou deux choses intéressantes à dire.
Premièrement, la Commission n'a aucune autorité en ce qui concerne la dérivation du lac Ogoki. Cela relève d'Hydro Ontario, et il importe de le reconnaître.
Deuxièmement, à l'époque du gonflement des eaux, les riverains et tous les usagers du système souhaitaient obtenir toute l'aide possible. La Commission est venue à leur secours en emmagasinant de l'eau dans le lac Supérieur et en la libérant ensuite. Elle a aussi permis d'améliorer la situation en aval du lac Ontario.
Nous avons essayé de faciliter un dialogue avec les personnes qui souhaitaient renverser le flux de l'eau vers les Grands Lacs grâce aux dérivations du lac Ogoki-Long pour le ramener où il était à l'origine, c'est-à-dire dans le système d'évacuation des eaux de la Baie d'Hudson. Nous avons organisé des consultations avec Hydro Ontario et les intervenants des États-Unis et du Canada. Cela ne relevait pas de notre mandat, mais les personnes qui travaillaient pour nous au sein de divers conseils, et ainsi de suite, connaissaient les participants à cette opération.
Malheureusement, il n'a guère été possible d'atténuer les problèmes, mais que je sache, Hydro Ontario a fait des efforts considérables pour circonscrire autant que possible le flot dans le lac Supérieur tout en tenant compte de l'incidence écologique qu'aurait tout changement apporté à cette dérivation qui existe depuis plusieurs années déjà.
Il ne suffisait pas simplement de revenir à la situation antérieure parce que cela aurait causé des inondations dans d'autres parties du système.
Je ne sais pas si cela répond à la question que vous avez posée au sujet de la dérivation du lac Ogoki.
M. Reed: J'essayais simplement de vous faire dire que l'étude a apporté une certaine objectivité de sorte que lorsque des problèmes sont survenus par la suite, nous n'étions pas en présence d'arguments strictement politiques.
M. Clamen: C'était certes là l'objectif de cette étude de 1986. À l'époque, on discutait beaucoup de ce que pouvait faire la Commission mixte internationale, étant donné qu'elle assume la responsabilité des contrôles pour le lac Supérieur et le lac Ontario. On se demandait dans quelle mesure le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des États pouvaient intervenir pour lutter directement contre les inondations. On a demandé à d'autres organismes, comme la Voie maritime du Saint-Laurent et Hydro Ontario, de faire ce qu'ils pouvaient.
M. Reed: Je suis heureux que nous ayons fini par devenir amis.
La Commission a-t-elle quoi que ce soit à voir avec le traité de prise d'eau à Niagara?
M. Clamen: En fait, pas directement. Ce traité est un traité entre gouvernements et son application est surveillée par les deux gouvernements signataires. Cela dit, nous avons un conseil de contrôle pour la Niagara chargé, entre autres, de faire rapport sur les dérivations à partir d'une nappe d'eau que nous appelons le Chippewa-Grass Island Pool. On y trouve un dégorgeoir qui relève de l'autorité de la Commission.
M. Reed: Je vois.
M. Clamen: Mais le traité lui-même est un traité distinct entre les gouvernements du Canada et les États-Unis.
M. Reed: D'accord. Merci beaucoup.
Monsieur le président, j'aimerais faire consigner au compte rendu un dernier commentaire. Des environnementalistes ont exprimé des inquiétudes au sujet de l'ampleur de ce projet. Je me souviens d'avoir vu, au moment de la construction, en 1957, qu'on déplaçait des cimetières et que des vraquiers longeaient la berge. C'était assez spectaculaire. Même si nous nous soucions tous de l'environnement, je pense qu'il faut reconnaître que la nature elle-même, outre l'intervention humaine, a eu des répercussions considérables sur la face de la terre au fil du temps. Je songe aux éruptions de volcans, à la fonte des glaciers et aux tremblements de terre qui ont tous eu des répercussions énormes.
Ce projet peut sembler avoir une incidence considérable, mais je pense qu'il importe de mettre cela en perspective. D'aucuns sont allés jusqu'à dire qu'on ne pourrait pas construire le projet maintenant. À mon avis, ces personnes se trompent.
Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, professeur.
M. Lincoln, suivi de Mme Kraft Sloan.
M. Lincoln: Je voudrais vous poser une question au sujet de l'érosion et de la protection des rives. Il y a quelques années, j'étais sur la rive ouest du lac Michigan, avec des universitaires du Wisconsin. Ces personnes nous ont amenés sur la rive ouest pour que nous puissions constater nous-mêmes que de grands pans de la rive tombaient dans le lac. L'eau était extrêmement haute. Au Québec, nous essayons de promouvoir depuis de nombreuses années la protection des berges alors que tout est contre nous étant donné que nous sommes toujours en conflit avec divers intérêts.
Je voudrais savoir quelles ont été les conclusions des experts de la Commission en ce qui a trait à l'érosion des berges des lacs. Quelle est l'ampleur du problème? S'agit-il d'un problème ponctuel qui va et vient avec le niveau de l'eau ou est-ce un problème permanent lié à l'accroissement de la construction sur les rives mêmes du lac? Quelles sont les conclusions? Pouvez-vous me dire également si la situation s'améliore ou se dégrade?
M. Clamen: À long terme, l'érosion des berges ne va pas s'améliorer. L'étude a permis de constater que le problème est exacerbé par le haut niveau de l'eau et par les vents. Depuis les années 1960, notre Commission a toujours préconisé que l'on construise plus judicieusement près du rivage. Ce que nous avons constaté, c'est que les gens qui s'établissent le long du rivage pendant les périodes de basses d'eaux préconisent ensuite la protection des rives au cours des périodes où le niveau de l'eau est moyen ou élevé. Ce n'est pas une activité de type durable.
Nous avons essayé de promouvoir cela le plus possible. Nous avons demandé aux gouvernements des deux pays d'appuyer cette politique. Cependant, elle est très difficile à appliquer étant donné que les gens veulent vivre le plus près possible de l'eau. Il existe de nombreuses publications et brochures de conseils pour les personnes qui, dans le respect de la loi, ont construit leur propriété le long du rivage et veulent la protéger le plus possible. On peut se procurer un grand nombre de ces brochures auprès de divers organismes aux États-Unis, comme le Service de génie, et au Canada, au niveau fédéral, auprès d'Environnement Canada et de la Garde côtière. Dans les provinces, il faut s'adresser aux organismes de conservation.
Il y a donc énormément d'information disponible. La Commission a essayé de faire tout son possible pour informer la population. Mais nous n'avons pas dévié de notre politique générale qui est de préconiser que l'on reste loin des rivages, surtout des rivages qui sont vulnérables à l'érosion et aux inondations.
M. Lincoln: Je sais qu'il y a énormément d'information disponible. J'en ai vu des masses. Le gros problème tient aux intérêts contradictoires: l'agriculture, l'immobilier, etc. Vous en avez vous-même mentionné plusieurs. Il y a aussi les diverses municipalités avec leurs règlements de zonage et aussi des normes et concepts différents d'une province à l'autre et d'un État à l'autre. Dans certains endroits il y a une réglementation, alors qu'ailleurs il n'y en a pas.
Je me demande si la Commission ne pourrait pas jouer le rôle de rassembleur. Il me semble que ce qui fait défaut depuis ce temps... Dieu sait que lorsque j'étais ministre de l'Environnement à Québec, j'ai essayé, sans grand succès, de rassembler les divers intervenants, mais c'est extrêmement difficile. Nous avons réussi dans une certaine mesure, mais non sans mal.
Le problème transcende les frontières ou les États. C'est un problème qui concerne tout le système. Je me demandais s'il n'y aurait pas lieu d'organiser une conférence qui rassemblerait les divers partenaires et qui illustrerait les torts causés par l'érosion et les avantages d'un zonage adéquat pour protéger le rivage. Dans certains cas, la résistance des personnes qui veulent s'établir le long des rives va à l'encontre de leurs propres intérêts, mais parfois elles ne s'en rendent pas compte à cause d'un manque d'éducation. Nous sommes en présence d'une multitude d'intérêts, bon nombre contradictoires et indifférents les uns aux autres. Je me demandais si la Commission, avec son prestige, son objectivité et son bagage d'expérience au fil des ans, ne pourrait pas dans un proche avenir jouer un rôle de rassembleur.
M. Baldini: L'une des recommandations de l'étude était que les États, les provinces et les gouvernements envisagent une mesure visant à limiter la construction de propriétés riveraines, ce qui est très controversé. Je sais que les maires des Grands Lacs doivent se rencontrer d'ici deux mois et qu'ils souhaitent aborder avec nous cette recommandation qui les met sur la sellette dans leurs collectivités locales.
Je sais qu'au Michigan nous avons des règles à cet égard. Les hautes eaux ne sont pas toujours le problème. Ce sont les hautes eaux accompagnées de vents qui causent des difficultés. Je me souviens de ce qui s'est passé en 1986. Les gens protestaient vivement auprès de la Commission parce qu'ils pensaient que nous retenions l'eau du lac Supérieur pour protéger tous les résidents autour du lac Michigan. Ils pensaient qu'il nous suffisait d'ouvrir les vannes et que le lac baisserait de deux pieds.
J'ai des amis qui ont acheté un terrain et qui ont construit une maison - en toute sécurité, croyaient-ils - sur une dune de sable entre 100 et 200 pieds du lac Supérieur. Après une tempête, ils ont maintenant 70 pieds de façade sur le lac.
C'est un très gros lac qui peut être parfois assez méchant. C'est un lac très fougueux. La prochaine fois que vous y serez si vous prenez du sable et que vous le laissez filer entre vos doigts, vous verrez qu'il cherche toujours le même angle. Par conséquent, lorsque l'eau commence à gruger la rive, le sable de la plage va constamment rechercher le même angle et éventuellement grignoter votre façade ou votre terrain tout entier.
À mon avis, c'est un problème dont nous devrions parler, parce qu'il est très coûteux pour les personnes en cause. Il provoque des torts personnels considérables. Il met aussi en péril la vie et la propriété.
C'est l'une des recommandations... C'est un dossier qui ne figure pas à notre programme à l'heure actuelle, mais nous serions tout à fait prêts à en discuter avec les maires. D'ailleurs, ils ont demandé à nous rencontrer à ce sujet. Cette rencontre doit avoir lieu à Québec en juin.
Le coprésident (M. Caccia): Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci beaucoup. Cette séance d'information a été très riche. Vous commencez à comprendre... compte tenu des intérêts complexes dont vous devez tenir compte, on jurerait que vous êtes des hommes politiques.
J'ai moi aussi grandi sur les rives du lac Supérieur, et nul ne saurait en nier la fougue. J'ai une affection particulière pour le lac Supérieur, l'un des plans d'eau les plus beaux du monde. J'ai aussi vécu pendant un moment à St. Catharines, et je pouvais voir les bateaux remonter le canal Welland, de sorte que j'ai beaucoup d'affinités avec le système des Grands Lacs.
J'ai de nombreuses questions, mais je ne les poserai pas toutes. L'une d'elles porte sur les compressions budgétaires des gouvernements fédéraux, tant du côté canadien qu'américain. En outre, j'ignore quel sort les autorités provinciales ont réservé à vos programmes.
Le coprésident (M. Caccia): Je m'excuse de vous interrompre, mais j'avais cru comprendre que la séance d'aujourd'hui, à la demande de la commission, devait porter sur les niveaux de l'eau...
Mme Kraft Sloan: Oui.
Le coprésident (M. Caccia): ...et non pas sur les budgets ou d'autres aspects. Madame Hurley, vous voudriez peut-être apporter une précision à cet égard, avant que nous poursuivions.
Mme Kraft Sloan: Je voulais simplement savoir si les compressions budgétaires avaient nui à votre capacité de faire votre travail de régularisation des niveaux de l'eau.
M. Baldini: Je suis d'accord avec vous. Il commence à y avoir... En fait, la semaine dernière, les commissaires ont discuté de cette question. Nous subissons les contrecoups de décisions d'autres ministères. Je peux vous parler plus précisément des États-Unis. Nous avons un service géologique dont les fonds de surveillance des indicateurs de niveau pour tous les cours d'eau ont été comprimés, réduits, appelez cela comme vous voudrez. L'effet de ces coupures commence à se faire sentir tout au long de la Sainte-Croix, et cela nous préoccupe beaucoup. Nous avons écrit des lettres aux autorités gouvernementales et nous comptons continuer à élever des objections, étant donné que pour assumer notre responsabilité de régularisateurs il nous faut des données, et que le problème devient critique.
Peut-être voulez-vous ajouter quelque chose au sujet du volet canadien...
Mme Hurley: Nous avons les mêmes préoccupations, mais nous n'avons pas encore vu de compressions qui nous ont amenés à prendre une position. Cela dit, certains de nos conseils et certains de nos conseillers principaux ont attiré notre attention sur certaines choses, mais il n'y a rien qui me vienne à l'esprit... Laissez-moi vérifier une chose.
M. Clamen: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'à ma connaissance, jusqu'à maintenant, les compressions budgétaires, où qu'elles aient frappé, n'ont pas perturbé la façon dont la commission s'acquitte de ses responsabilités à l'égard du système. Nous avons toujours demandé à nos conseils, peu importe d'où ils viennent, de nous le faire savoir si tel était le cas. En tant qu'organisme international, nous voulons être mis au courant, peu importe la provenance des coupures. Je crois être en mesure de dire catégoriquement, à moins que quelqu'un ne veuille me contredire, qu'à l'heure actuelle nous n'avons pas de mal à obtenir auprès des conseils les avis dont nous avons besoin.
Mme Kraft Sloan: Merci. J'ai une brève question sur le niveau des herbes. D'après ce que j'ai lu dans votre documentation sur l'incidence des fluctuations de l'écoulement de l'eau... la présence d'herbes dans le système peut avoir un effet. Je me demande s'il y a eu une augmentation des herbes. Le volume des herbes dans le système a-t-il augmenté, et, dans l'affirmative, quelles peuvent être les causes de cette augmentation?
M. Baldini: Il faudrait que je consulte notre scientifique, puisqu'il s'agit d'une question de propreté de l'eau. Si certains éléments nutritifs ou certains produits chimiques entrent en jeu, cela peut stimuler la croissance des herbes, comme cela s'est produit il y a quelques années dans le lac Érié. Je ne pense pas que la présence d'herbes ait quelque effet que ce soit sur l'écoulement des eaux. Les moules zébrées, peut-être, mais...
Mme Hurley: Les moules zébrées peut-être, mais pas les herbes.
M. Fay: Chose intéressante, dans les rivières Sainte-Claire et Détroit, les moules zébrées mangent tellement que la clarté de l'eau et la végétation s'en trouvent passablement améliorées. On note une croissance accrue de la végétation aquatique. C'est là qu'on voit que tout est lié.
Mme Kraft Sloan: Précisément.
M. Fay: Pour répondre à votre question, nous n'avons pas remarqué que la croissance des herbes avait un effet sur nos mesures de l'écoulement de l'eau dans le fleuve Saint-Laurent.
Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Caccia): Merci. Monsieur Comuzzi, à vous la parole.
M. Comuzzi (Thunder Bay-Nipigon): Merci, monsieur le président. C'est bon de revoirM. Baldini et ses collaborateurs. Je pense que la dernière fois que nous les avons vus, c'était au lac Supérieur, un jour où nous pataugions dans les marais.
Monsieur le président, je vais passer mon tour. Ma question ne porte pas sur les niveaux de l'eau et est hors sujet. Je la poserai à M. Baldini après la réunion. Elle porte sur certains problème que nous avons sur la côte ouest. Je lui en parlerai personnellement.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, monsieur Comuzzi. J'ai moi-même quelques questions à poser, mais avant de prendre la parole, je voudrais savoir si Mme Cowling ou M. Steckle ont des questions.
Monsieur Steckle.
M. Steckle (Huron - Bruce): Oui, monsieur le président. Étant donné que nous sommes entourés de brillants cerveaux cet après-midi, je me demandais s'il y avait une solution à un problème que j'ai connu toute ma vie, étant donné que j'habite sur les rives du lac Huron. Je crois que la présidence sait fort bien de quoi je parle. Nous avons aussi atteint la laisse de crue, et ce, à maintes reprises depuis 100 ans. Dans ma brève vie, j'ai fait l'expérience deux ou peut-être trois fois de la laisse de crue, particulièrement en 1986, bien sûr. D'ailleurs, nous en avons déjà parlé plus tôt cet après-midi.
Dans le cadre de votre mandat, envisagez-vous de faire quelque chose à ce sujet? Est-il possible d'envisager une dérivation ou une autre méthode pour contrôler efficacement la laisse de crue, de basses eaux, particulièrement au lac Huron?
M. Baldini: Dans l'étude qui a été terminée, on proposait... je crois que Murray pourrait vous répondre. Il y a un groupe de personnes autour des Grands Lacs qui souhaiteraient que l'on dépense des sommes considérables - sans doute des milliards de dollars - , pour construire des structures afin d'essayer de contrôler l'écoulement des eaux. Murray, peut-être pourriez-vous être plus précis.
M. Clamen: L'étude dont nous avons parlé tout à l'heure, qui a commencé en 1986 pour se terminer en 1994, a donné lieu à un sérieux examen de ce problème. On a fait un effort exhaustif pour envisager la possibilité de régulariser complètement le système des Grands Lacs. On a envisagé de régulariser la totalité des cinq lacs et, en fait, de régulariser le lac Supérieur et le lac Ontario conjointement avec d'autres lacs.
Après y avoir mis beaucoup d'efforts et dépensé beaucoup d'argent, les meilleurs cerveaux du pays n'ont pu élaborer un système de régularisation. Sur le plan de l'ingénierie, c'est faisable, mais il en coûterait très cher, sans compter que les effets sur l'environnement et les diverses parties prenantes seraient négatifs. En fait, cela serait préjudiciable pour toutes les parties au système.
Néanmoins, il reste un certain nombre de choses que l'on peut faire, mais elles ne prendront pas la forme de contrôles physiques importants. Par exemple, la Commission a recommandé un plan de gestion d'urgence. En fait, il a été envoyé par la Commission aux deux gouvernements. Il tient compte de certaines dérivations et des autres activités dans le bassin qui échappent à notre contrôle. Je tiens à souligner, cependant, que cela n'a pas beaucoup d'effet sur le lac Huron.
Si l'on pouvait faire tout cela du même coup, en collaboration, il serait possible d'abaisser le niveau des hautes eaux et de rehausser le niveau des eaux basses, mais pas de beaucoup. À ce jour, c'est la seule possibilité qui s'offre, à ma connaissance, pour ce qui est d'agir sur le niveau et l'écoulement de l'eau de façon utile, hormis, bien sûr, les mesures spécifiques visant à contrer un problème local si le niveau de l'eau est trop haut ou trop bas. Dans ce dernier cas, on peut prendre des mesures de consolidation de la rive et agir de concert avec les voisins, en amont et en aval, etc. Mais je dois vous dire que la conclusion de l'étude, c'est qu'il n'existe aucun moyen faisable et souhaitable de régulariser les eaux des lacs Michigan et Huron.
M. Steckle: Avant de terminer, je voudrais faire une mise en garde. Je vous prie de ne jamais nous faire de recommandations proposant que les gouvernements paient, ne serait-ce qu'en partie, les coûts de ce genre, car les gouvernements n'ont pas d'argent. J'ai fait partie d'une administration municipale qui a examiné la question. Dans notre cas, nous avions perdu près de 500 pieds de rivage en un endroit précis.
Le gouvernement ne peut absolument pas se permettre d'intervenir. Les gens qui décident de se rapprocher de la rive, peut-être à l'encontre du règlement municipal local, doivent s'attendre à en subir les conséquences en perdant une partie de leur propriété ou en payant ce qu'il en coûtera pour prendre des mesures dans le but de protéger l'avant de leur terrain. Dans certains cas, les gens ont payé de leur poche.
Je le répète, ne revenez plus jamais nous conseiller ou nous recommander que les administrations locales ou les gouvernements provinciaux ou fédéral consacrent de l'argent à cela. C'est un coût que les particuliers assument et doivent continuer d'assumer.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, monsieur Steckle.
Avant de lancer la deuxième ronde, je voudrais poser moi-même quelques questions.
Dans votre exposé de cet après-midi, vous nous avez parlé de divers groupes d'intérêts et avez indiqué que les loisirs et l'environnement ne sont pas inclus dans l'ordonnance d'approbation, et vous nous avez expliqué pourquoi.
Pourriez-vous nous dire ce qu'il faudrait sur le plan politique pour que les loisirs et l'environnement soient inclus dans votre ordre d'approbation, si c'est bien le terme que vous avez employé?
M. Baldini: D'après ce que j'ai compris en consultant les données historiques, nous n'avons pas été inclus dans le mandat original des deux gouvernements parce qu'en 1952, ou vers cette époque, ces deux questions n'avaient tout simplement pas l'importance qu'elles ont aujourd'hui.
Quant à votre deuxième question, à savoir ce que l'on peut faire maintenant, les deux gouvernements pourraient nous donner le mandat d'inclure ces questions. Les États-Unis et le Canada pourraient tout simplement dire à la Commission mixte internationale que son mandat est modifié ou qu'elle a un nouveau mandat.
Comme on l'a dit tout à l'heure, nous passons en revue le travail que nous avons fait sur le Saint-Laurent. Nous examinons plus précisément ces deux facteurs, de même que les autres que nous sommes tenus d'étudier, parce que nous sommes tout à fait conscients de l'importance de ces questions pour ce qui est de mieux faire notre travail de régularisation du système de manière à avoir une influence positive sur l'environnement.
Le coprésident (M. Caccia): Monsieur Baldini, si vous étiez membre de notre comité et que vous cherchiez à inclure ces deux dossiers, quelles mesures prendriez-vous?
M. Baldini: Je déciderais probablement d'attendre, car nous sommes actuellement au beau milieu de l'étude. Nous sommes très conscients de la question. Nous voulons inclure ces deux éléments, parce que nous entendons des intervenants, comme vous-même, dans les deux pays qui posent des questions sur l'environnement et sur la navigation de plaisance. Comme M. Clamen l'a dit, ces éléments font partie de notre étude actuelle.
Vous nous verrez peut-être revenir à la charge à un moment donné pour réclamer cela. En fait, nous demanderons aux deux gouvernements de nous aider dans cette tâche.
Le coprésident (M. Caccia): Quand peut-on s'attendre à cette demande?
Mme Hurley: Je l'ignore.
M. Baldini: Le premier examen de l'étude sera terminé en 1997.
M. Clamen: En ce qui concerne l'examen de la réglementation entrepris par le conseil, ces deux plans possibles de réglementation sont à l'étude depuis maintenant deux ans. Cet examen sera terminé au début de 1997, et le conseil soumettra alors un rapport à la commission.
Je ne sais pas si David ou Ed Eryuzlu ont autre chose à ajouter au nom du conseil, mais voilà en quoi consiste le programme.
Mme Hurley: Si j'ai bien compris, si nous décidions de soumettre cette demande aux parties, celles-ci étudieraient la possibilité et, en cas d'accord, nous demanderaient d'intégrer cela dans la réglementation.
Le coprésident (M. Caccia): Peut-être ne devrais-je pas commenter cet aspect-là, mais il me semble que l'inclusion des éléments récréatifs et environnementaux pourrait susciter un soutien politique considérable si vous le recommandiez. Tout le monde connaît et comprend les raisons qui justifient cela, mais si vous pensez que nous devrions attendre vos conclusions pour prendre des mesures, c'est ce que nous ferons.
Cela m'amène à une autre question, au sujet de la responsabilité politique. Au niveau fédéral, c'est bien les dirigeants des Affaires étrangères au Canada et les dirigeants du Département d'État à Washington qui détiennent la responsabilité politique, n'est-ce pas, de même que les gouverneurs des huit États et les premiers ministres des deux provinces? C'est bien cela?
M. Baldini: Un des aspects uniques de la Commission mixte internationale, c'est que c'est un des rares organismes dans le monde à jouir d'une certaine souveraineté.
Mon budget relève du Département d'État, et je suis nommé par le président, et je conserve mon poste à son bon plaisir. Je n'ai pas consulté le Département d'État pour demander des instructions avant de me rendre aux réunions. Ce qui est unique à la commission, c'est qu'elle est probablement composée de six personnes qui sont là à titre individuel. Évidemment, nous savons où résident les intérêts de nos pays respectifs, mais...
Le coprésident (M. Caccia): Monsieur Baldini, vous n'avez pas bien répondu à ma question. Quand vous voulez obtenir qu'un gouvernement fasse quelque chose, à qui vous adressez-vous?
M. Baldini: Nous communiquons directement avec le Bureau du Secrétariat d'État aux États-Unis et avec le ministère des Affaires étrangères ici au Canada.
Le coprésident (M. Caccia): Et dans les huit États et les deux provinces?
M. Baldini: S'ils sont concernés par une question particulière, nous nous adressons alors aux dirigeants gouvernementaux de chacune de ces entités. Dans ce cas particulier, c'est aux deux gouvernements que nous nous adresserions, car c'est eux qui ont signé un premier accord dans les années 1950.
Le coprésident (M. Caccia): Merci.
Avant d'entreprendre un second tour, peut-être pourrais-je poser une ou deux questions, probablement à M. Clamen.
Avez-vous un moyen de déterminer quelle est la proportion entre précipitations et évaporation dans le bassin des Grands Lacs? Si cette mesure existe, de quoi a-t-elle l'air?
M. Clamen: Je vais demander à David Fay, qui suit de très près ce domaine au bureau des Grands Lacs, de répondre à cette question.
Le coprésident (M. Caccia): Deuxième question, avant que vous ne quittiez la table, au cas où il vous serait possible d'y répondre: pensez-vous qu'il nous serait utile de connaître l'impact de la fonte des calottes glaciaires sur le niveau de l'eau dans les Grands Lacs? Je pense au réchauffement de la planète.
M. Clamen: La façon dont la fonte des calottes glaciaires affecte le niveau de l'eau.
Le coprésident (M. Caccia): Oui. Les météorologues nous disent qu'on assiste à un réchauffement progressif de la planète et que cela a un impact sur la température des deux calottes glaciaires. Apparemment, la fonte de ces glaces a un effet sur la température de l'Atlantique et du Pacifique, ce qui pourrait faire monter le niveau de l'eau.
Est-ce que le niveau de l'eau dans les océans a un impact sur le niveau de l'eau dans les Grands Lacs?
M. Clamen: Je ne connais pas d'étude qui tente d'établir un rapport entre la fonte des calottes glaciaires et le niveau des océans, mais je connais de nombreuses études qui établissent un rapport entre les changements climatiques et le niveau de l'eau dans les Grands Lacs. Dans l'ensemble, ces études tiennent compte des précipitations, de l'évaporation, etc., et à l'heure actuelle on semble prévoir que les changements climatiques finiront par faire baisser le niveau de l'eau dans les Grands Lacs. Cela suppose certaines hypothèses, par exemple que la quantité de dioxyde de carbone va doubler, etc.
Voilà donc une réponse générale à votre question sur les changements climatiques, mais non, je n'ai pas entendu parler de l'effet de la fonte des calottes glaciaires.
Le coprésident (M. Caccia): Pourriez-vous nous montrer un graphique?
M. Clamen: Oui, nous pouvons vous envoyer cela, mais je ne l'ai pas ici. Nous avons effectivement un tableau qui résume la situation, c'est-à-dire une baisse des niveaux d'eau. Cela se fonde probablement sur les prédictions des climatologues depuis un an ou deux.
Une étude internationale importante est actuellement en cours, mais pas sous l'égide de la commission. Il s'agit du projet du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Cette étude, qui doit durer cinq ans, tente de trouver des stratégies d'adaptation qui pourraient être adoptées par les deux pays. L'étude a été confiée à Environnement Canada et, aux États-Unis, à l'Administration nationale des océans et de l'atmosphère (National Oceanic and Atmospheric Administration). Ce n'est pas la CMI qui s'en occupe. Cette étude devrait fournir des réponses beaucoup plus concluantes à la question que vous avez posée.
David, avez-vous des informations en ce qui concerne les précipitations?
M. Fay: Non.
M. Clamen: Nous n'avons pas cela aujourd'hui, mais nous nous ferons un plaisir de vous faire parvenir ces informations. Si j'ai bien compris, ce qui vous intéresse, c'est la proportion relative des précipitations et de l'évaporation, principalement dans le lac Ontario, ou dans l'ensemble du bassin des Grands Lacs.
Le coprésident (M. Caccia): Dans l'ensemble du bassin.
M. Clamen: Je sais que nous avons ces informations. Nous vous les ferons parvenir.
Le coprésident (M. Caccia): Merci.
Un second tour, monsieur Finlay, je vous en prie.
M. Finlay: Merci, monsieur le président.
J'ai une autre question à poser. Quelqu'un a parlé du traité de Niagara, de l'eau qui vient des Grands Lacs. Il y a également l'eau qui vient du lac Michigan et de la région de Chicago, et cette eau-là, du moins une petite quantité, aboutit dans le bassin du Mississippi. Je sais que le lac Michigan se trouve entièrement en territoire américain, mais il fait tout de même partie du bassin des Grands Lacs.
Quel est le rapport avec la quantité d'eau qui peut être prélevée à Chicago? Est-ce que la CMI peut contrôler cela, donner son opinion, ou bien s'agit-il d'un traité international? Quelle est la situation?
M. Baldini: Nous n'avons aucun contrôle sur cette question. Comme vous l'avez dit, c'est un lac qui est situé entièrement en territoire américain. Toutefois, pour vous donner une idée de la situation actuelle, c'est une des rares questions pour lesquelles la Cour suprême américaine a maintenu son domaine de compétence, le détournement de l'eau au niveau de Chicago.
L'État du Michigan fait de nouveau appel à la cour fédérale, car ses responsables considèrent que Chicago détourne plus d'eau qu'elle ne le devrait. Si j'ai bien compris, mais on peut me reprendre si je me trompe, on a décidé que Chicago pouvait puiser une quantité d'eau sur une période de 20 ans, et, d'après cet accord, si une certaine année on détourne plus d'eau, l'année suivante on doit compenser en détournant moins d'eau. Apparemment, la ville puise des quantités d'eau supplémentaires chaque année, à tel point qu'il lui sera impossible de se contenter de ce qui restera, aux termes de l'accord, à la fin de la période.
L'État du Michigan fait de nouveau appel aux tribunaux pour contester les prélèvements effectués par Chicago. Cela dit, je n'ai pas les derniers détails à ce sujet.
M. Finlay: Merci.
Le coprésident (M. Caccia): Je vais maintenant donner la parole à Mme Kraft Sloan, qui a quelque chose à annoncer, après quoi le président aura une question à poser, à moins...
Monsieur Clifford Lincoln.
M. Lincoln: J'ai une question à vous poser au sujet de ce que le comité permanent pourrait faire en ce qui concerne la CMI - en fait, deux comités sont en cause.
Je crois savoir qu'il y a très longtemps que la CMI n'a pas comparu devant un comité de la Chambre. À votre avis, que pourrait faire le comité pour vous aider à faire accepter certaines recommandations politiques en ce qui concerne les niveaux d'eau, et plus particulièrement en ce qui concerne la qualité de l'eau lorsque vos rapports sont publiés? Que pouvons-nous faire pour mettre vos travaux plus en évidence sur la scène politique?
Je ne sais pas si M. Baldini peut nous parler des relations entre la CMI et les comités du Congrès. Si ces relations existent, de quelle nature sont-elles, et y a-t-il des éléments utiles aux États-Unis que nous pourrions reproduire ici?
M. Baldini: Nos relations avec les comités du Congrès sont... Disons que nous travaillons en plus étroite collaboration avec certains ministères, comme l'EPA, comme le Service géologique américain, ces diverses entités du Cabinet. Évidemment, je comparais devant le Congrès pour des questions budgétaires, et une fois par an je comparais devant la Chambre pour la même raison. Dans les deux chambres il y a des gens qui sont très en faveur de tout ce qui se fait pour les Grands Lacs, en particulier au Sénat, où plusieurs sénateurs de la région des Grands Lacs suivent de très près ce dossier depuis fort longtemps. Disons que certains gouverneurs de la région des Grands Lacs ne sont pas aussi enthousiastes que leurs prédécesseurs quand il s'agit de défendre les Grands Lacs. Je n'en dirai pas plus.
Cela dit, je considère personnellement que c'est un investissement extraordinaire. Quand je suis arrivé à la CMI, je connaissais déjà cette organisation, car j'avais travaillé avec le gouverneur Blanchard. La CMI fait partie du mode de vie des habitants des Grands Lacs.
C'est un organisme fascinant. Quand vous pensez à ce que les deux pays ont dû faire pour mettre sur pied cette organisation... Quand je retourne en arrière, je dois remonter jusqu'à 1909, à l'époque où les deux pays ont commencé à discuter de la qualité de l'eau, et non plus seulement de la quantité. Quand on y réfléchit, on prenait de très gros risques en cédant une partie de sa compétence à une commission de six personnes jouissant d'une certaine souveraineté... Je ne suis pas certain que nous réussirions à négocier quelque chose de comparable entre les deux pays aujourd'hui, et pourtant nos relations sont très bonnes et très amicales.
À mon avis, nous avons fait des progrès sur le plan du nettoyage des Grands Lacs. L'année prochaine marquera le 25e anniversaire de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, signé par le premier ministre Trudeau et le président Nixon. En fait, la semaine dernière nous discutions de cette question. Nous avons l'intention de célébrer cet anniversaire l'année prochaine, et nous commençons à nous préparer.
Nous considérons que c'est une étape. Les Grands Lacs sont plus propres aujourd'hui, et s'ils sont plus propres, c'est parce que les deux gouvernements ont eu le courage et la volonté d'affronter ces questions et de prendre des décisions quant à ce qui devait être fait.
Récemment, j'ai prononcé un discours devant un groupe d'étudiants d'un collège, et je l'ai intitulé «L'or du 21e siècle». Je suis convaincu que l'eau propre sera l'or du 21e siècle. Les Grands Lacs sont une des grandes ressources naturelles du monde.
On peut citer un excellent exemple... et je demanderai l'indulgence de mes collègues, car ce n'est pas la première fois qu'ils l'entendent. Si on versait toute l'eau du monde dans un gallon, l'eau douce représenterait une cuillerée à soupe de cette eau-là. Quand on y réfléchit, c'est quelque chose d'extrêmement précieux.
Parmi les commissaires, nous avons commencé à nous demander - et cela ne relève pas de nous, mais il nous arrive de sortir du sujet - comment les besoins en eau vont évoluer dans les deux pays au cours du prochain siècle. Ici dans l'Est... Parfois, quand je sors de chez moi... Je vois cet énorme lac, ce véritable géant. Par contre, quand je voyage dans l'Ouest, comme nous le savons tous, là-bas la demande est pressante. À mon avis, des pressions considérables vont s'exercer sur les Grands Lacs.
Je vais vous raconter une histoire au sujet de ma mère, une immigrante italienne, qui ne comprend toujours pas très bien ce que fait son fils. Elle pense que je devrais trouver un emploi permanent. Elle m'a demandé: qu'est-ce que c'est ce nouveau travail que tu vas faire? Je lui ai expliqué. Elle a répondu: je ne sais pas, je ne suis pas sûre de comprendre, mais tout ce que je sais, c'est que tu ne dois pas les laisser prendre cette eau.
J'ai trouvé l'observation particulièrement intéressante, parce qu'elle suit la politique dans une certaine mesure, mais là, c'est une question qui lui tient à coeur. J'ai trouvé cela intéressant.
À mon avis, à cause du problème de l'eau propre, de la quantité et de la qualité de l'eau, des pressions considérables vont s'exercer sur nos deux pays. D'autre part, on s'aperçoit que les besoins et les exigences des gens évoluent, et cela, des deux côtés de la frontière. Qu'il s'agisse de la rivière Sainte-Croix, du Saint-Laurent, des Osoyoos, ou de la Kootenay, on nous demande de plus en plus de changer la façon dont nous faisions les choses il y a 10, 20, 40 ou 50 ans. Nous commençons à le sentir. Les gens sont en train de changer, ils ont de nouvelles exigences, et nous commençons à le sentir très nettement.
Je suis vraiment convaincu que cette eau propre sera l'or du siècle prochain, et que, nous possédons une véritable mine.
Le coprésident (M. Caccia): Monsieur Baldini, l'un de vos commissaires ou vous-même pourriez peut-être nous avertir lorsque nos deux comités peuvent se réunir pour discuter de la qualité de l'eau.
M. Baldini: Nous sommes prêts à vous rencontrer chaque fois que vous voudrez discuter de la qualité de l'eau. Vous vous fatiguerez probablement de m'entendre parler interminablement de la qualité de l'eau, mais nous sommes prêts à vous rencontrer.
Le coprésident (M. Caccia): Cette réunion a été organisée à votre suggestion pour discuter de la quantité de l'eau; c'est donc la raison pour laquelle nous nous sommes réunis aujourd'hui. Vous avez été une excellente source d'information, mais maintenant le sujet suivant semble inévitable, celui de la qualité de l'eau. Nous aimerions donc savoir quand vous serez prêts à assister à une réunion consacrée à ce sujet-là.
Mme Hurley: Je pense que nous pourrions vous contacter pour nous mettre d'accord sur une date. Il faut que nous en discutions d'abord avec les commissaires qui ne sont pas ici aujourd'hui. Évidemment, trois d'entre eux sont absents aujourd'hui.
Le coprésident (M. Caccia): Très bien, vous nous préviendrez.
Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le sous-comité du Comité permanent de l'environnement et du développement durable doit se réunir les 13 et 14 mai pour un forum télévisé qui aura lieu dans cette même pièce. Nous allons nous pencher sur la question des emplois dans le secteur du développement durable, et cela dans trois domaines différents: la conservation de l'énergie, la prévention de la pollution et la gestion des déchets. Nous allons étudier des exemples précis, des initiatives et des projets réussis par des communautés et des petites et grosses entreprises. Voilà ce que nous ferons mardi. La veille, le 13 mai, nous aurons une table ronde sur le développement durable.
Si je vous annonce cela à cette séance mixte des deux comités, c'est pour inviter les membres du Comité des ressources naturelles à venir à ce forum. En plus des députés, nous aurons des représentants de l'industrie, des groupes communautaires, des ONG, des universitaires et également des écoliers. Les différents ministères du gouvernement qui prennent des initiatives dans ces domaines et également l'industrie et les groupes communautaires auront des stands d'information.
Je viens de recevoir le feu vert du président de la Chambre. Il va donner une petite réception sans cérémonie le lundi soir. Il y aura également une réception le mardi soir. Nous voulons aider les députés à comprendre toutes ces questions, et en même temps permettre à tous ceux que cela intéresse de prendre des contacts.
Je voulais seulement vous annoncer cela. Merci.
Le coprésident (M. Caccia): Merci.
De plus, à l'intention des membres du Comité de l'environnement, demain matin nous nous réunissons à 9 heures dans la pièce 701, au 151, rue Sparks.
Au nom de mes collègues qui ont assisté à cette séance, et également au nom de ceux qui suivront ces délibérations d'une autre façon, je tiens à vous remercier tous, madame Hurley, monsieur Baldini, monsieur Béland, et, bien sûr, votre personnel. Nous avons appris beaucoup de choses en vous écoutant, et vous nous avez apporté des concepts et des sujets de réflexion particulièrement intéressants.
Certains d'entre nous attendent l'année prochaine avec impatience, c'est-à-dire la publication de votre étude ou de votre examen et les recommandations spécifiques que vous formulerez en ce qui concerne les aspects récréatifs et l'environnement. Nous serons heureux également de vous rencontrer pour discuter de la qualité de l'eau à une date qui nous conviendra mutuellement.
Nous vous souhaitons beaucoup de succès et nous vous remercions pour l'excellent travail que vous accomplissez pour le compte du public canadien et américain.
Mme Hurley: Merci.
Le coprésident (M. Caccia): La séance est levée.