[Enregistrement électronique]
Le jeudi 16 mai 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Bonjour à tous. Nous sommes réunis ce matin afin de mieux comprendre la biotechnologie. Pour ma part, je suis impatient de connaître l'impact de cette discipline et d'en apprendre davantage au sujet de cette technologie qui commence à modifier les aliments que nous mangeons et l'environnement qui nous entoure. C'est avec un peu d'appréhension que notre comité a décidé d'entreprendre cette étude, car nous ne savons pas comment cela se passera. C'est une étude qui constitue un défi sur le plan intellectuel, et nous disposons de peu de temps pour faire cette étude.
Nous la faisons pour deux raisons. La première est la LCPE et la réponse du gouvernement; la deuxième, c'est qu'il semble y avoir un vide politique qu'il faut en quelque sorte combler en ce qui a trait à la biotechnologie. Comme vous pouvez le constater, nous sommes un petit groupe de parlementaires et nous avons l'intention de consacrer notre temps et notre énergie à cette étude au cours des quatre ou cinq prochaines semaines avant l'ajournement d'été.
Pendant l'été, nous songerons à ce que nous aurons appris, et en septembre, à notre retour, nous déciderons si nous sommes en mesure de faire des recommandations spécifiques en ce qui a trait au projet de loi. D'ici là, la Chambre aura peut-être été déjà saisie du projet de loi, mais il pourrait être modifié si des recommandations acceptables étaient rédigées afin que le Cabinet puisse les étudier. Si nous n'avons pas de recommandations pratiques à faire, alors nous n'en ferons pas.
J'ai trouvé assez intéressant d'apprendre qu'au moment même où nous siégeons ici se déroule à Ottawa une conférence internationale sur la biotechnologie sous les auspices de l'Organisation mondiale de la santé où il est question entre autres, je crois, de l'étiquetage des produits issus de la biotechnologie afin de mettre le public en garde quant à leur contenu. Jusqu'à présent, il semble que seules la Norvège et la Finlande aient indiqué leur appui à l'étiquetage de ces produits. Apparemment, les États-Unis s'y opposent.
La question de la biotechnologie n'est évidemment pas nouvelle. Elle a été portée à l'attention du public à de nombreuses reprises. Alors que je cherchais rapidement de l'information qui soit compréhensible - il y en a beaucoup qui est plutôt incompréhensible pour l'être humain normal - j'ai trouvé deux publications que j'aimerais porter à l'attention de mes collègues. L'une est le numéro de mai de Policy Options - Options politiques, qui est entièrement consacré à la biotechnologie, en ce qui concerne le brevetage et d'autres aspects, mais surtout par rapport au brevetage. Je vous encourage à prendre le temps de le lire. L'autre est une publication de l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement intitulée The Citizen's Guide to Biotechnology. Vous pouvez obtenir cette publication en vous adressant à leurs bureaux de Toronto.
Je suis certain qu'il existe d'autres publications qui méritent d'être parcourues. Comme vous le savez, nous aurons toute une semaine de congé parlementaire; alors nous aurons amplement le temps de lire et de méditer tout en écoutant nos commettants.
Ces audiences que nous entreprenons avec vous ce matin nous permettront de comprendre votre rôle en ce qui a trait à la biotechnologie. J'espère que vous nous donnerez en outre votre point de vue sur la meilleure façon pour vos ministères respectifs de servir l'intérêt public.
Cela étant dit, le nom de chacun des membres de notre comité se trouve devant sa place; alors je vous invite à vous présenter. À vous de décider de l'ordre dans lequel vous nous présenterez vos exposés. Veuillez vous assurer de garder suffisamment de temps pour les questions. Encore une fois, bienvenue à notre comité.
M. Bruce Deacon (directeur général et gestionnaire, Direction des services de gestion et de coordination, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur le président. C'est pour nous un plaisir d'être ici ce matin.
Je pourrais peut-être vous présenter mes collègues; ensuite je dirai quelques mots au sujet de notre approche et de ce que nous avons l'intention de vous présenter ce matin. Je suis Bruce Deacon, d'Industrie Canada.
J'aimerais vous présenter M. Keith Bailey, de Santé Canada, et M. Morrissey, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Je suis également accompagné ce matin de M. Terry Walker, d'Industrie Canada, et de John Buccini, d'Environnement Canada.
Ce matin, nous avons l'intention de vous présenter quatre exposés afin de vous expliquer le rôle que joue chacun de nos ministères dans cet important domaine de la biotechnologie. Nous répondrons ensuite à vos questions. Nos exposés seront d'environ 10 minutes chacun, et nous sommes entièrement entre vos mains pour ce qui est du moment où vous aimeriez poser des questions.
Le président: Oui, si vous pouvez vous limiter à 10 minutes chacun, cela nous amènera à 9 h 50. Cela nous laissera une heure pour les questions, pourvu que vous vous limitiez à 10 minutes chacun.
M. Deacon: Nos exposés ce matin visent surtout à vous donner un aperçu de la biotechnologie et, ce qui est encore plus important, du rôle que joue chacun des ministères dans cette question et de quelle façon les divers intervenants coordonnent la gestion de la biotechnologie en général. Les exposés se feront dans l'ordre où ils ont été distribués.
M. Morrissey vous fera un petit historique et parlera de la mise au point traditionnelle des applications de la biotechnologie. Il vous décrira ce qui se fait dans le secteur de l'agroalimentaire. M. Bailey parlera de l'impact de la biotechnologie et du rôle de cette dernière dans les secteurs des médicaments et de la santé. M. Buccini abordera la question de la LCPE et du cadre de réglementation. Enfin, M. Walker et moi-même parlerons de la biotechnologie strictement d'un point de vue industriel, et nous tenterons de vous donner une idée de l'orientation de cette discipline du point de vue du développement industriel. Nous vous donnerons en outre la réponse actuelle du gouvernement qui a trait à l'appui et à la mise au point de la biotechnologie.
Si cela vous convient, monsieur le président, nous allons commencer.
Le président: C'est bien. Allez-y.
M. J.B. Morrissey (sous-ministre adjoint, Direction de la recherche, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le texte que j'ai distribué est plus long que celui à partir duquel je travaillerai ce matin. Il s'agit essentiellement de la même chose, sauf que j'ai abrégé le texte afin de laisser du temps pour les questions.
Au cours des prochaines minutes, je vais essayer de définir la biotechnologie, de vous décrire les quatre phases de son développement conceptuel et de résumer le rôle d'Agriculture et Agroalimentaire Canada pour ce qui est de l'évaluation de la sécurité et de l'efficacité.
La biotechnologie a été définie par les ministères fédéraux réglementants comme l'application des sciences et de l'ingénierie à l'utilisation des organismes vivants ou de leurs parties ou produits, sous leur forme naturelle ou modifiée. Monsieur le président, il s'agit là de la définition de la LCPE. En termes simples, la biotechnologie est l'application de la technologie à la biologie. Autrement dit, c'est l'application des sciences aux organismes vivants.
La biotechnologie est passée par quatre étapes. La première étape s'est déroulée au début de la civilisation et de l'agriculture. L'homme s'est initié à la biotechnologie par la culture et l'élevage pour en tirer de la nourriture, des fibres et du combustible. Ces premières incursions dans la biotechnologie se sont poursuivies avec la sélection de certains végétaux et animaux plus faciles à domestiquer, comme certaines graminées que nous désignons maintenant sous le nom de céréales et certains animaux dont descendent nos vaches et nos poulets contemporains. À partir de ces techniques agricoles primitives, l'homme a commencé à utiliser des produits tirés de ces organismes vivants, par exemple les procédés biologiques traditionnels que sont l'affinage des fromages et la panification.
Ensuite est venue la seconde phase. Avec les produits de la civilisation, la biotechnologie a évolué, et la sélection génétique délibérée est apparue. Les humains ont appris à reconnaître les caractéristiques recherchées des végétaux et des animaux qu'ils avaient domestiqués et ont commencé à ne multiplier et à ne reproduire que les sujets possédant les caractères souhaités. Au cours des quelque cent dernières années, la sélection à partir du mâle et de la femelle de l'espèce a été améliorée et a adhéré aux principes de la génétique pour produire des variétés ou races de végétaux ou d'animaux d'un rendement supérieur.
À la fin des années 40, les scientifiques ont trouvé la première preuve que la molécule complexe de l'ADN était porteuse d'information génétique. On en était alors à la troisième phase. Par la suite, la recherche a montré que la permutation d'au plus quatre molécules simples, les bases de l'ADN, déterminait de fait tous les caractères d'un organisme. Cela équivalait, monsieur le président, à utiliser un alphabet à quatre lettres pour envoyer des messages génétiques. L'ADN se trouve dans les cellules de tous les organismes vivants, de la bactérie au chou.
La différence entre tous ces organismes réside dans la séquence des lettres dans l'ADN. Ces bases sont rassemblées en une structure communément appelée gêne. Les gênes codent les caractères de l'être vivant, et ces codes génétiques sont transmis d'une génération à l'autre. En 1962, Watson et Crick ont reçu le prix Nobel pour leurs travaux dans ce domaine, qui, depuis, ont débouché sur la possibilité relativement nouvelle de transférer de façon précise des gênes d'un organisme à l'autre. Cela diffère des croisements traditionnels mâle/femelle, en vertu desquels des nombres élevés de gênes sont combinés de façon imprécise.
Par exemple, le sélectionneur doit retrouver parmi les milliers de sujets de la progéniture des deux parents celui possédant la combinaison recherchée de caractères. Il faut souvent de nombreuses années pour éliminer les caractères aléatoires non recherchés. On peut donc, en utilisant les nouveaux outils du génie génétique, isoler les gênes et les transférer d'une variété à l'autre de la même espèce, comme par exemple entre deux plants de maïs.
À la quatrième phase, les gênes peuvent se transférer entre espèces différentes. Les scientifiques appliquent désormais ce nouvel outil à l'amélioration des caractéristiques génétiques de végétaux ou d'animaux d'importance agricole. On veut ainsi améliorer notamment la résistance naturelle aux maladies afin d'offrir la même protection que celle prévue par la nature. Parmi les autres applications, citons l'amélioration de la qualité nutritive des aliments, l'obtention de vaccins plus sûrs et plus efficaces pour prévenir les maladies et l'emploi de micro-organismes pour la dépollution.
Un exemple de produit commercialisé est la nouvelle pomme de terre «NewLeaf», qui possède une résistance accrue au doryphore.
Je reprends donc, monsieur le président, les quatre phases décrites jusqu'à maintenant: (1) la sélection de certains végétaux; (2) la sélection génétique de végétaux particuliers; (3) le transfert de gênes d'un végétal à l'autre de la même espèce; et (4) le transfert de gênes entre des végétaux d'espèces différentes. Il est évident que ces transferts pourraient se faire d'un organisme à un autre; j'ai simplement choisi les végétaux pour illustrer mes propos.
Enfin, monsieur le président, voici un bref aperçu des lois qui s'appliquent dans le domaine agricole. Agriculture et Agroalimentaire Canada est chargé de l'application de plusieurs lois visant l'innocuité et l'efficacité des produits agricoles. Ce mandat englobe l'évaluation agronomique et écologique de l'innocuité des produits issus de procédés biotechnologiques comme le génie génétique.
La législation est fondée sur l'exigence voulant qu'un produit soit sûr et efficace, peu importe la façon dont il a été mis au point. Les végétaux et les arbres forestiers sont réglementés en vertu de la Loi sur les semences. La Loi relative aux aliments du bétail vise les aliments pour animaux. Les produits vétérinaires biologiques sont réglementés sous le régime de la Loi sur la santé des animaux. Ces produits servent à prévenir, à traiter et à diagnostiquer les maladies infectieuses des animaux et englobent les produits tels que les vaccins et les trousses de diagnostic.
Les engrais sont assujettis à la Loi sur les engrais. Les engrais microbiens ont servi de solutions de remplacement aux produits chimiques pendant de nombreuses années, particulièrement comme enrobages des semences.
L'importation de végétaux, de micro-organismes et d'animaux est réglementée grâce à des permis d'importation délivrés en application de la Loi sur la santé des animaux et de la Loi sur la protection des végétaux. À la faveur des révisions des permis d'importation, on examine la possibilité qu'un végétal nouvellement importé, un animal ou un micro-organisme ait des effets néfastes sur la santé humaine et animale, de même que sur l'environnement.
La loi ne catégorise pas les produits d'après les nombreuses méthodes ou techniques utilisées pour leur obtention. Les évaluations de l'innocuité et de l'efficacité se fondent sur le risque et s'appliquent à tous les produits, quelle qu'en soit la méthode de mise au point. C'est pourquoi on dit que le régime réglementaire canadien porte sur le produit, et non pas sur le procédé. Comme telle, la structure des règlements en vigueur, conçue à l'origine par le Parlement, s'applique également à la réglementation des nouveaux produits obtenus par des moyens traditionnels ou par le génie génétique.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci.
Le président: Merci, monsieur Morrissey. C'était très bien fait, en moins de 10 minutes. À qui la parole maintenant?
[Traduction]
Monsieur Bailey.
M. Keith Bailey (directeur, Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter les activités de Santé Canada en biotechnologie. Je présenterai moi aussi une version quelque peu abrégée du texte remis au comité.
Santé Canada s'occupe de la biotechnologie essentiellement de deux manières. Nous réglementons les produits qui arrivent sur le marché et nous effectuons des recherches. Les projets de recherche et de développement fournissent les bases scientifiques de nouvelles lignes directrices et de procédures, afin d'assurer une application sans risques de la biotechnologie, en ce qui a trait à la santé humaine. Ils favorisent aussi la santé humaine par l'élaboration d'outils destinés à prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies.
Ce matin, je me concentrerai sur la première des activités que j'ai mentionnées, à savoir la réglementation des produits. Envers toutes les Canadiennes et tous les Canadiens, le ministère a la responsabilité de s'assurer que les produits de la biotechnologie, réglementés en vertu des capacités de Santé Canada, sont sans risques.
Nous nous sommes engagés à produire un ensemble de principes directeurs. Mon collègue vient d'y faire allusion. Ces lignes directrices en vue de réglementer les produits de la biotechnologie ont été annoncées en janvier 1993 par les ministères. Ce cadre de réglementation et ses principes traduisent une préoccupation pour le bien public. Ces principes sont les suivants: maintenir les normes élevées du Canada relatives à la protection de la santé des travailleurs, du grand public et de l'environnement; utiliser la législation existante et les institutions de réglementation pour préciser les responsabilités et éviter les chevauchements; élaborer des lignes directrices précises pour évaluer les produits de la biotechnologie, qui soient en harmonie avec les priorités nationales et les normes internationales; fournir une base de données scientifiques solides, grâce auxquelles il sera possible d'évaluer les risques et les produits; assurer que l'élaboration et la mise en application des règlements canadiens touchant la biotechnologie sont ouvertes et comportent une consultation; contribuer à la prospérité et au bien-être des Canadiennes et des Canadiens en favorisant un climat attrayant pour l'investissement, le développement, l'innovation et l'adoption des produits et des procédés durables de la biotechnologie canadienne.
Les activités actuelles prennent appui sur la législation et les institutions qui existent, en précisant de ce fait les responsabilités juridictionnelles, en évitant les chevauchements et en utilisant une compétence de longue date dans des secteurs de produits particuliers. À notre avis, l'approche est solide du point de vue économique et scientifique, puisqu'elle permet aux autorités chargées de la réglementation de faire fond sur les connaissances et l'expérience existantes.
L'utilisation d'une législation particulière à une catégorie de produits, dans le cadre de la biotechnologie, comme l'a mentionné mon collègue, fait en sorte que la gamme des produits de la biotechnologie sont couverts par une évaluation adéquate et des instruments de contrôle, et assure une approche cohérente et harmonisée de la réglementation fédérale, pour l'ensemble des différents ministères.
À Santé Canada, un certain nombre d'actes différents du pouvoir législatif couvrent la biotechnologie. La Loi sur les aliments et drogues et son règlement d'exécution régissent les aliments et les additifs alimentaires, les instruments médicaux, les médicaments, et je parlerai de ces derniers tout à l'heure. La Loi sur les produits antiparasitaires et son règlement d'exécution régissent tous les produits antiparasitaires, y compris les micro-organismes d'origine naturelle et ceux produits par génie génétique. La Loi sur le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, qui a créé le ministère, dont découle le Règlement sur l'importation des agents anthropopathogènes, régit l'importation des micro-organismes de divers groupes de risques. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement et son règlement d'exécution, dont nous parlerons plus tard, régissent les enzymes et d'autres produits biochimiques et biopolymères produits par des procédés de la biotechnologie et des micro-organismes utilisés dans la lutte contre la pollution, le lessivage minier et d'autres utilisations.
La situation peut sembler complexe, mais on peut l'expliquer aux moyens de quelques exemples. Je voudrais donc maintenant vous donner quelques exemples du genre de produits que Santé Canada réglemente, le premier étant les médicaments. Bien que la biotechnologie ait acquis une place prééminente au cours des dernières années et que les moyens grâce auxquels la biotechnologie peut être appliquée s'accroissent sans cesse, la technologie n'est pas vraiment nouvelle dans le domaine de l'élaboration de médicaments. L'utilisation d'organismes pour la fabrication de médicaments comme les antibiotiques et les vaccins a été une pratique normale pendant des dizaines d'années. Des règlements importants pour contrôler l'innocuité de ces produits biologiques, qui sont plus rigoureux que ceux qui s'appliquent aux produits pharmaceutiques chimiques, ont été promulgués il y a bien longtemps.
Ce qui est plus récent dans son application aux médicaments, et ce à quoi bien des gens pensent lorsqu'ils entendent parler de biotechnologie, c'est l'utilisation de procédures comprenant l'ADN recombiné. Ici encore, ce n'est pas tout à fait nouveau. L'Annexe D de la Loi sur les aliments et drogues, qui définit les médicaments biologiques, a été amendée en 1982 pour y inclure les médicaments obtenus par des procédures d'ADN recombiné. Le premier médicament dérivé de l'ADN ribosomique, l'insuline, a été approuvé en janvier 1983. Il y a maintenant de 18 à 20 médicaments, dérivés de l'ADN ribosomique, qui sont approuvés au Canada, et d'autres sont en attente. La biotechnologie est particulièrement importante pour des médicaments qui autrement ne seraient pas disponibles, parce qu'on ne les trouve à l'état naturel qu'en très petites quantités ou parce qu'ils sont traditionnellement isolés de sources humaines ou animales, et pour lesquels existe un risque de contamination par des substances ou des agents biologiques comme les virus, qui peuvent être nocifs.
Un exemple en est l'hormone humaine de croissance recombinée. Auparavant, on obtenait ce médicament en quantité minuscule à partir de cadavres humains, et il a été associé avec la transmission de maladies. D'autres exemples incluent les facteurs de coagulation sanguine, qui, autrement, sont fractionnés à partir du sang humain, et les médicaments qui ne sont pas d'origine naturelle et dont la seule source est le génie génétique et la biotechnologie, par exemple les antibiotiques modifiés, mis au point pour surmonter les problèmes de l'apparition de la résistance bactérienne.
On entend beaucoup parler de thérapie génique et de thérapies des cellules somatiques. On s'attend à ce que ces méthodes prennent une importance croissante dans le traitement de nombreuses maladies et de plusieurs syndromes.
Le processus d'examen des médicaments biologiques est particulièrement approfondi, parce qu'il comporte un examen du procédé de fabrication, et non pas seulement du produit final. Les instruments médicaux que l'on peut considérer comme étant des produits de la biotechnologie sont en premier lieu les trousses de diagnostique qui doivent se conformer à des dispositions générales de réglementation et à l'Annexe X. Les règlements stipulent que l'instrument doit être sans risques et efficace et que la preuve soit disponible pour démontrer ses caractéristiques.
Je passe maintenant aux aliments, dont vous avez parlé tout à l'heure, monsieur le président. Santé Canada est le ministère qui a la responsabilité première des questions touchant la sécurité alimentaire. La direction générale dispose d'un système complet d'examen de l'innocuité des aliments produits au moyen des techniques de la biotechnologie, y compris une proposition réglementaire qui rendra obligatoire l'envoi d'un avis à la direction générale avant la mise en marché de tous ces nouveaux aliments.
Des agents responsables de la direction générale évalueront les renseignements et les données soumis par l'entreprise assumant le développement du produit et effectueront un examen approfondi de l'innocuité des aliments avant d'émettre une opinion sur l'acceptabilité de l'aliment en vue de son utilisation au Canada. La direction générale a publié des lignes directrices relatives à l'évaluation de l'innocuité des aliments nouveaux.
Le rôle d'Agriculture et Agroalimentaire Canada dans le processus d'examen comporte la responsabilité d'examiner l'innocuité pour l'environnement des cultures dérivées de la biotechnologie, comme vient de l'expliquer M. Morrissey. Pour donner un suivi à son exemple des pommes de terre NewLeaf, Santé Canada a effectué une évaluation poussée de la nouvelle variété qui a été modifiée génétiquement pour la protéger contre le doryphore de la pomme de terre. Dans ce cas précis, des gênes isolés d'une bactérie naturelle ont été introduits comme protection contre ces insectes.
Cette famille de protéines insecticides sont des protéines d'origine naturelle qui sont incluses comme agent insecticide dans certains produits commerciaux de lutte antiparasitaire qui sont utilisés en toute sécurité depuis plus de 30 ans par les jardiniers, les agriculteurs organiques et les producteurs commerciaux. À ce jour, Santé Canada a évalué 13 variétés végétales et n'a émis aucune objection à l'utilisation de leurs produits pour l'alimentation au Canada.
Les enzymes servant d'additifs alimentaires, produites par l'application de modifications génétiques, sont examinées en vertu des dispositions existantes, concernant les étapes préalables à la mise en marché, du Règlement sur les aliments et les drogues qui traitent des additifs alimentaires. On donne dans le texte l'exemple de la rénine, l'enzyme utilisée dans la fabrication du fromage, qui est traditionnellement extraite du veau, mais que l'on produit maintenant par une culture de micro-organisme.
Pour les produits antiparasitaires, on donne de l'information sur les pesticides chimiques, et des règlements sont élaborés à cet égard. Pendant plus de 30 ans, les produits antiparasitaires microbiens ont été homologués au Canada en vue de la lutte contre certains insectes. On donne l'exemple du Bacillus thuringiensis, connu sous le nom de Bt, dont j'ai déjà parlé.
Lorsque des produits sont soumis en vue de leur homologation, leur innocuité fait l'objet d'une évaluation, ainsi que leur mérite et leur valeur; il en va de même pour tous les produits antiparasitaires. Un fabricant doit fournir des données spécifiques avant que l'approbation ne soit donnée.
Les tests particuliers requis sont adaptés à l'organisme examiné. Si l'organisme a été produit par génie génétique, on porte une attention toute spéciale aux détails des modifications génétiques.
Mes collègues vous parleront plus en détail de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Santé Canada a la responsabilité d'évaluer et de gérer les risques pour la santé des nouvelles substances, dont les produits de la biotechnologie, aux termes de la LCPE et du règlement connexe. La LCPE fait en sorte qu'il existe une base législative pour l'évaluation et le contrôle de tous les produits de la biotechnologie, quoique pas nécessairement en vertu de cette loi elle-même. En vertu du règlement concernant les renseignements à fournir pour les nouveaux produits de la biotechnologie, toutes les nouvelles substances seront évaluées sous l'angle de leurs effets nocifs éventuels pour la santé humaine et pour l'environnement.
Enfin, il y a l'importation d'agents pathogènes. Le Laboratoire de lutte contre la maladie du ministère de la Santé réglemente, par son bureau de la biosécurité, l'importation au pays d'agents pathogènes connus chez l'homme. Des lignes directrices concernant la production à grande échelle de micro-organismes ont maintenant été intégrées dans l'édition de 1996 des Lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire, qui aideront l'industrie de la biotechnologie dans la conception et l'exploitation sécuritaire d'installations d'envergure au Canada.
En terminant, monsieur le président, je voudrais informer le comité que Santé Canada s'est engagé à assurer l'évaluation environnementale des produits de la biotechnologie, c'est-à-dire à créer une approche de guichet unique pour la réglementation des aliments, des médicaments et des instruments médicaux en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, dans une perspective concernant aussi bien l'environnement que la santé et l'innocuité. Cela fait partie de notre engagement en ce qui a trait au programme Emploi et croissance. L'innovation: la clé de l'économie.
Merci, monsieur le président et membres du comité.
Le président: Merci, monsieur Bailey. Qui est le suivant?
M. Deacon: L'exposé suivant portera sur le cadre de réglementation de la LCPE.
Le président: Monsieur Buccini.
M. John Buccini (directeur, Direction d'évaluation des produits chimiques commerciaux, Service de la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement): Merci, monsieur le président.
La LCPE remonte, et je suis certain que le président s'en souvient, aux années 1987-1988, pendant les délibérations sur la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. C'est en raison des préoccupations que soulevait à ce moment-là l'introduction de nouveaux produits de la biotechnologie que la définition de la biotechnologie, que M. Morrissey a lue ce matin, a été élaborée et incorporée à la LCPE, en prévision du besoin futur de traiter des dossiers de la biotechnologie aux termes de la LCPE.
Cette définition a été par la suite adoptée, comme M. Morrissey l'a dit, par le comité interministériel sur la biotechnologie en 1993. Ainsi, cette définition est communément acceptée dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental fédéral.
En examinant les lois élaborées dans d'autres pays en matière de biotechnologie, nous avons remarqué que l'on a tendance à traiter plus spécifiquement d'organismes ayant subi des modifications génétiques. L'expression généralement utilisée pour décrire ce type de législation est «loi génétique».
Nous faisons remarquer que notre définition est plus large et nous permet d'aborder les espèces exotiques, étrangères ou non autochtones, ainsi que les organismes modifiés génétiquement obtenus par toute technique permettant de modifier la composition génique, y compris les nouvelles biologies moléculaires dont M. Morrissey nous a entretenu.
Dans le contexte de la LCPE, nous reconnaissons l'existence de ce qu'on appelle la capacité limite de l'environnement. Qu'il s'agisse de la mer et des organismes aquatiques ou des systèmes terrestres, ce qui nous préoccupe, c'est la capacité des organismes naturels, habituellement des micro-organismes, de dégrader les polluants potentiellement dangereux en produits chimiques bénins. À leur tour, ces produits chimiques sont la source alimentaire des bactéries.
Vous avez entendu plusieurs interventions de mes collègues sur les programmes du ministère de la Santé et du ministère de l'Agriculture et sur la gamme des produits qui les préoccupent. Je suppose que nous sommes une équipe de nettoyeurs. Nous nous occupons, par défaut, de ce qui reste. Je vais donc mentionner les produits qui nous préoccupent, tout au moins ceux que nous prévoyons traiter dans le cadre de la LCPE.
Peut-être la technologie la plus traditionnelle est-elle l'utilisation d'organismes microbiologiques dans les usines municipales et industrielles de traitement des eaux usées. On a utilisé divers noms pour décrire cette technique. La plus descriptive est peut-être l'expression «étang de boue». Des populations de micro-organismes naturels très sélectionnés digèrent les déchets pour les nettoyer avant leur déversement dans le réseau fluvial ou dans la mer.
Une autre application industrielle qui relèverait de la LCPE, c'est la production et l'utilisation de produits spécialisés, par exemple les enzymes industriels. Ces produits sont utilisés en très grande quantité, par exemple pour blanchir la pâte à papier. C'est le passage d'une technologie chimique plus dure à une technologie peut-être plus écologique.
Les catalyseurs industriels - et on parle ici de l'utilisation d'enzymes - est un secteur en pleine croissance marqué par l'adoption de produits et de procédés industriels plus écologiques. À mesure que nous adoptons des produits et procédés plus écologiques, abandonnant même l'approche de réduction et de recyclage, nous voulons nous diriger vers la lutte contre la pollution fondée idéalement sur l'approche de l'absence totale de production ou de rejet de polluants. La biotechnologie se présente comme une technologie motrice dans ce secteur.
L'objectif actuel est de mettre au point des procédés et des produits plus propres en faisant appel aux technologies de la prévention de la pollution basées sur l'utilisation de biotechnologies dans le traitement des polluants lors du processus et dans la conception de produits issus de la biotechnologie, c'est-à-dire des produits biodégradables. Un exemple est le passage des catalyseurs à base de sels métalliques à des catalyseurs biologiques dans le traitement industriel. En l'occurrence, il s'agit d'enzymes.
Il y a d'autres secteurs qu'ont pénétrés les biotechnologies, notamment celui de l'exploitation minière. L'exploitation biologique minière et la lixiviation biologique sont des applications plus récentes faisant suite à la découverte par l'industrie de bactéries naturelles spécifiques capables de modifier les caractéristiques chimiques des sels métalliques pour les rendre solubles dans l'eau. On obtient ainsi des rendements d'extraction supérieurs. Le même procédé peut servir à mobiliser les polluants métalliques persistants.
La biorestauration est l'utilisation d'organismes vivants, habituellement des micro-organismes, mais également certaines plantes, comme accumulateurs de métaux lourds pour dépolluer l'air, le sol ou l'eau.
Pour le moment, en ce qui a trait à la biorestauration, à l'exploitation biologique minière et à la lixiviation, la biotechnologie sert surtout à stimuler des populations de bactéries existant à l'état naturel plutôt qu'à créer de nouvelles bactéries par ingénierie génétique. La différence en l'occurrence, c'est que nous sommes en mesure d'isoler un organisme susceptible de donner les résultats escomptés, mais là où le problème se pose, c'est lorsqu'il s'agit d'en obtenir en quantité et en concentration suffisantes, et ensuite de les relâcher à grande échelle ou dans une concentration supérieure à la normale.
Les technologies plus récentes permettent le transfert de gênes qui codent les propriétés de bactéries inhabituelles ou peu fréquentes en des bactéries plus courantes ou plus adaptables. Dans certains cas, la dégradation de polluants récalcitrants comme les BPC ou les HPA peut passer par des plantes ou des animaux supérieurs, et les gênes de ces derniers peuvent être transférés dans des bactéries.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure au sujet de l'exploitation biologique minière et de la lixiviation biologique, la notion qu'un processus «naturel» n'est pas nécessairement «sûr» sous-tend notre approche et celle de la LCPE. L'intérêt de notre définition de la biotechnologie, c'est qu'elle permet au gouvernement d'exiger une évaluation de la santé de l'environnement et de la sécurité publique avant d'autoriser la dissémination à grande échelle dans l'environnement de tout nouvel organisme.
Mon collègue de la Santé a déjà mentionné les dispositions pertinentes de la LCPE. Ces dernières visent à protéger la santé humaine et l'environnement face à l'introduction éventuelle de nouvelles substances, et il s'agit d'une application judicieuse du principe de précaution.
Bien que la LCPE soit le principal instrument du vaste ensemble de moyens dont dispose le gouvernement fédéral pour assurer la protection de l'environnement, le gouvernement fédéral a toujours eu pour principe que la protection de l'environnement et de la santé humaine est une responsabilité partagée au sein du gouvernement. D'ailleurs, ce matin même, des représentants des ministères de l'Agriculture et de la Santé se sont dits disposés à participer à un examen environnemental des produits qui relèvent d'eux.
Les dispositions relatives à la déclaration de substance nouvelle exigent que le déclarant - fabricant ou importateur - fournisse des renseignements suffisants à Environnement Canada et à Santé Canada pour permettre une évaluation de la sécurité de la substance avant son importation ou sa fabrication. La loi donne aux ministres le pouvoir d'imposer des conditions quant à l'utilisation - pour atténuer l'exposition - jusqu'à et y compris l'interdiction.
Le libellé de la LCPE a créé un filet de sécurité. Des dispositions dérogatives de l'article 26 de la loi permettent la déclaration et l'évaluation de substances nouvelles en vertu d'autres lois fédérales. Les raisons en sont les suivantes: ces dispositions reconnaissent l'expertise spécialisée que possèdent d'autres ministères du gouvernement, comme Santé Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada, particulièrement en ce qui a trait à de nouveaux produits spécifiques; les applications de la biotechnologie portent sur tellement de domaines qu'aucun ministère ne pourrait couvrir toutes les applications adéquatement; et la nécessité de préserver la relation de client des ministères ayant une responsabilité sectorielle. À notre avis, cela est un objectif souhaitable des programmes gouvernementaux. Cet aspect résiduel de la LCPE présuppose l'expression «filet de sécurité», qui est dorénavant utilisée pour décrire les applications de la LCPE.
Les dispositions actuelles de la LCPE permettent la prise de règlements, mais je signale qu'à l'heure actuelle aucun règlement pris en vertu de cette loi ne vise les substances biotechnologiques. Par conséquent, la LCPE n'exige pas pour le moment la déclaration et l'évaluation des substances biotechnologiques nouvelles. Le travail se poursuit sur l'élaboration d'un règlement sur les substances biotechnologiques en vertu de la LCPE et d'autres lois fédérales. Environnement Canada et Santé Canada ont travaillé avec d'autres ministères à la mise au point de leurs règlements concernant l'aspect sécurité humaine et environnementale des produits relevant de leur responsabilité.
Dernier point, mais non le moindre, comment cela s'inscrit-il dans un contexte international? Le Canada a beaucoup appris des approches adoptées par d'autres pays, notamment nos principaux partenaires commerciaux. Grâce à cet apprentissage, nous avons pu éviter de nombreux problèmes que ces pays tentent actuellement de corriger.
Par exemple, j'ai mentionné tout à l'heure que l'approche des «lois génétiques» était un problème que nous avons évité. Il y a aussi l'approche très rigide de certaines instances que nous avons pu éviter en recourant à des dérogations et à des experts pour mener à bien les évaluations. Dans certains cas, l'absence de participation publique au système de réglementation a été critiquée. Sur ce dernier point, je pense que le Canada se distingue particulièrement, étant donné qu'il a fait appel à une multitude d'intervenants pour formuler son cadre réglementaire et d'autres programmes.
L'ébauche du règlement relevant de la LCPE a été élaborée dans le contexte d'approches internationales visant à assurer la sécurité humaine et l'intégrité de l'environnement. La principale organisation à laquelle nous avons recours depuis cinq ans dans ce processus est l'OCDE, et cette relation se poursuit avec un apport canadien important au programme de l'OCDE visant l'harmonisation des approches réglementaires en matière de biotechnologie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Buccini.
Qui est le prochain? M. Walker?
M. Deacon: Je prendrai la parole au sujet de la dernière partie, qui porte sur le commerce. Mes collègues vous ont expliqué abondamment ce qu'est la biotechnologie et comment elle a évolué du point de vue scientifique. Du point de vue de la réglementation, ils ont également expliqué l'approche adoptée par le gouvernement pour gérer les produits issus de la biotechnologie.
J'aimerais pendant quelques minutes aborder la question dans une perspective bien différente et vous expliquer que la biotechnologie s'inscrit largement dans un contexte commercial. Vous pourrez ainsi comprendre que certaines pressions découleront du cadre réglementaire, pressions qui seront largement attribuables aux exigences des milieux d'affaires.
En termes simples, d'un point de vue mercantile, cette innovation est fort souhaitable. Il s'agit là d'un instrument extrêmement pointu qui transforme notre capacité de produire des produits, mais aussi de mettre au point de nouveaux processus plus concurrentiels pour assurer cette production.
À l'heure actuelle, ce secteur compte environ 500 entreprises disséminées dans tout le Canada. On les retrouve dans les niches où l'industrie s'est concentrée. À l'heure actuelle, leurs chiffres d'affaires s'élèvent à quatre milliards de dollars par an au Canada. Environ un tiers de ces rentrées sont liées à l'exportation de la technologie.
Depuis quelques années, l'industrie affiche une concentration accrue. De plus en plus, les grandes multinationales s'intéressent à la biotechnologie en raison de ses applications dans la mise au point de produits et de processus. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive.
Dans la trousse que je vous ai distribuée, vous verrez à la page 4 un graphique qui illustre la croissance extrêmement rapide du secteur de la biotechnologie au Canada. Le secteur affiche en moyenne une croissance de 25 p. 100 par année, et il n'y a pas de raison pour que cela ne se maintienne pas. Ce qu'il faut comprendre essentiellement, c'est que la biotechnologie deviendra un facteur décisif de compétitivité pour environ 25 p. 100 de l'économie canadienne.
À l'échelle internationale, on utilise la biotechnologie à un rythme croissant, ce qui exercera de plus en plus de pression sur les entreprises canadiennes pour qu'elles élaborent et mettent en oeuvre des techniques biotechnologiques.
Le graphique que vous avez en main montre le taux de croissance dans les trois principaux secteurs, soit les produits de santé, l'agroalimentation et l'environnement. Le secteur des produits de santé a progressé d'environ 17 p. 100 par année sur une certaine période. Le secteur de l'agroalimentation a progressé d'environ 5 p. 100 par année, tandis que celui de l'environnement progressait à un rythme d'environ 25 p. 100 par année. Pendant cette période, nos exportations ont gardé à peu près la même proportion, soit une croissance annuelle juste un peu plus rapide que la croissance générale dans le secteur.
Au Canada, non seulement nous acquérons la capacité d'élaborer des techniques de biotechnologie et de les mettre en pratique dans l'industrie canadienne, mais nous créons aussi des possibilités d'exportation de ces technologies mêmes.
Je voudrais maintenant parler de chacun de ces trois principaux secteurs, du point de vue de la perception qu'on a de la biotechnologie dans chacun de ces domaines et de l'importance de ce secteur particulier.
Si vous regardez les secteurs de l'agroalimentaire et de l'aquaculture - nous combinons ces deux secteurs pour simplifier les choses - vous constatez qu'ils concernent de 57 à 60 entreprises, qui emploient quelque 6 000 personnes. Je répète que ce secteur connaît un taux de croissance annuel de 5 p. 100 et qu'on s'attend à ce que ce taux se maintienne ou s'accélère. Le secteur est responsable d'environ 8 p. 100 du produit intérieur brut au Canada, et la biotechnologie constitue un facteur croissant de production.
L'exemple que nous donnons ici - et mes collègues ont fait allusion à plusieurs autres exemples - concerne l'une des applications du génie génétique, soit le canola résistant aux herbicides. Maintenant, ce canola a seulement besoin de la moitié de la dose normale d'herbicide, ce qui réduit considérablement l'impact sur l'environnement et, ce qui est encore plus important, cela réduit le coût des intrants et les frais de production.
Une modification de 50 p. 100 n'est qu'un des exemples de l'ordre de grandeur de l'incidence des applications de la biotechnologie dans des secteurs particuliers. C'est l'une de ces technologies qui constitue un outil. C'est très précisément ciblé. Cette technologie peut coûter cher, mais elle peut avoir une incidence énorme sur les méthodes de production, réduisant considérablement les coûts nets de production. Des facteurs de 50 p. 100, 80 p. 100 et 60 p. 100 sont la norme. L'incidence de ces technologies est d'un tel ordre de grandeur.
Si vous passez au secteur des produits de santé, qui inclut les médicaments et la médecine diagnostique, vous constatez qu'il concerne environ 116 entreprises au Canada, employant entre 15 000 et 16 000 personnes. L'emploi, qui est un bon indicateur de croissance générale, augmente d'environ 17 p. 100 par année dans ce secteur.
Ce secteur est responsable de 10 p. 100 du produit intérieur brut et a un impact très considérable sur l'élaboration de nouveaux médicaments. Environ 50 p. 100 des médicaments actuellement soumis pour des essais cliniques comportent un certain degré de biotechnologie dans leur élaboration et dans leur production.
Les applications sont également énormes. Il peut s'agir de nouveaux médicaments pour traiter de maladies qui étaient auparavant incurables, ou encore des médicaments qui peuvent réduire énormément les coûts des maladies chroniques. Il y a aussi des médicaments qui peuvent améliorer le dépistage des maladies, permettant ainsi de les traiter plus tôt au moyen de médicaments, ce qui encore une fois a un impact considérable sur le coût total du traitement.
C'est tout simplement une application de la technologie qui peut réduire radicalement les coûts ou avoir une incidence majeure sur le coût total des soins de santé, grâce à des applications très spécifiques.
Si vous passez maintenant au secteur des ressources et aux applications abordées par certains de mes collègues au sujet des secteurs des forêts, des mines et de l'environnement, environ 130 entreprises oeuvrent dans ces secteurs, employant entre 2 000 et 2 500 personnes. Le taux de croissance est d'environ 25 p. 100 par année.
C'est le taux de croissance le plus élevé parmi les secteurs visés, et, à certains égards, cela montre où en est rendu le développement du secteur de la biotechnologie au Canada. On a visé des créneaux très précis, on a ciblé des applications très spécifiques et dans des domaines où le Canada joue un rôle important à l'échelle internationale, au chapitre des débouchés et de la production. On a vu dans la biotechnologie le facteur qui nous permettrait de garder notre part du marché, ou même de l'augmenter. Autrement dit, on y voit un facteur de compétitivité à l'échelle internationale.
Dans tout ce secteur, on voit une augmentation très importante de l'utilisation de la biotechnologie pour la décontamination des sites de déchets toxiques. On s'attend même à ce que cela devienne une industrie d'un milliard de dollars d'ici à l'an 2000, car la croissance se maintiendra à un rythme très rapide, soit environ 80 p. 100 par année. Les avantages se comparent à ceux des autres secteurs. Il s'agit d'une application très ciblée d'une technologie visant à résoudre des problèmes de manière naturelle. Le processus est relativement peu onéreux et est écologique.
Les autres applications présentent également un grand intérêt et peuvent avoir une incidence majeure dans d'autres secteurs de l'économie, comme la régénération des carburants.
La biotechnologie offre non seulement la possibilité d'étendre la gamme de substances à partir desquelles on peut produire des carburants de rechange, mais elle peut contribuer aussi à réduire considérablement le coût de production de ces carburants. Si l'on a des sources de carburant de rechange qu'on produit à un coût relativement bas - c'est ce qu'on envisage, par exemple, dans le secteur de l'automobile - on a maintenant la possibilité de modifier radicalement le coût général de production des véhicules et l'impact environnemental des moteurs à combustion. On pourrait bien voir, à cause des progrès de la biotechnologie, un changement très important dans ce domaine.
Certains des autres exemples ont déjà été mentionnés: le nettoyage et la récupération du pétrole déversé, le lessivage bactérien des minéraux et les changements dans les processus utilisés.
Je veux parler en dernier lieu, très brièvement, de la croissance du marché global. Le marché mondial augmente de 20 p. 100 par année. Ce marché est grandement dominé par les États-Unis, dont la part est d'environ 50 p. 100. Les entreprises canadiennes devront élaborer et appliquer ces technologies pour demeurer concurrentielles, en particulier sur le marché américain et l'ensemble du marché nord-américain.
Tout cela nous pousse davantage à mettre en place un cadre de réglementation qui nous permette de contrebalancer les pressions concurrentes sur la biotechnologie. Nous avons là un intérêt commun avec l'industrie. Les industriels veulent un cadre de réglementation efficace, mais souple, qui peut permettre le développement. On sera poussé à le faire de plus en plus, au fur et à mesure qu'on adoptera ces nouvelles technologies.
En dernier lieu, monsieur le président, je veux parler du rôle des ministères. Mes collègues ont décrit ce que chacun de leurs ministères respectifs fait. J'aimerais commenter très brièvement le rôle d'Industrie Canada, qui est de voir les activités dans une perspective de développement industriel et de s'assurer qu'on élabore et met en application des technologies qui permettent au Canada de demeurer concurrentiel. Nous devons également aborder ces questions du point de vue des consommateurs, car c'est l'une des responsabilités d'Industrie Canada. Nous nous occupons beaucoup de questions comme la propriété intellectuelle, la législation et les règlements en matière de brevets, etc. Nous assurons la coordination des diverses activités entre les ministères. Industrie Canada joue aussi le rôle principal, à l'échelle internationale, dans les négociations et l'élaboration d'approches communes, en particulier au sein de l'OCDE et avec l'Europe.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci. Au suivant.
M. Deacon: C'étaient nos exposés.
Le président: Cela met fin à vos exposés.
M. Deacon: Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Bien. Cela nous donne une bonne heure. J'ai les noms suivants sur ma liste:M. Forseth, M. Adams et M. Lincoln. Voulez-vous commencer, monsieur Forseth?
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci, monsieur le président. On nous a certainement fait des exposés complets et variés, et j'en suis presque dépassé. Je pourrais cependant commencer par poser une question des plus générales.
Il y a une citation à la fin de votre texte au sujet de tout ce domaine dans lequel nous nous lançons:
- L'investissement s'échappe des nations dont l'environnement est défavorable au
développement de la biotechnologie au profit de celles qui sont favorables à ce secteur.
Nous savons que s'il existe un créneau sur le marché, il y aura toujours un entrepreneur qui s'y installera. Mais l'histoire nous a appris que ce n'est pas nécessairement la chose la plus sage à faire. Le secteur de la technologie et celui de l'industrie se sont toujours précipités dès qu'un créneau devenait disponible. Nous essayons simplement de dire que nous allons évaluer en détail toutes les questions et tous les aspects et nous assurer que nous prenons la bonne décision. Est-ce que cela veut dire que nous prenons un certain recul et que nous allons tout bien peser à l'avenir?
Au lieu de dire que c'est magnifique de participer aux secteurs de la biodiversité et de l'écologie, essayons-nous également de déterminer, à un niveau supérieur, si c'est la bonne chose à faire? Peut-être vaudrait-il mieux mettre un frein à cette évolution ou décider de procéder plus lentement au lieu de simplement essayer de damer le pion à nos compétiteurs. Il faut étudier la question de très près, sinon il se pourrait fort bien qu'une des générations futures se trouve dans le pétrin à cause de décisions trop hâtives
M. Deacon: Peut-être que la meilleure façon de répondre à votre question serait de l'aborder en donnant un exemple particulier. M. Morrissey pourra vous répondre au nom du secteur agricole.
M. Morrissey: Merci beaucoup, Bruce.
Monsieur Forseth, j'ai été frappé par votre emploi de l'expression «environnement favorable» et je crois que la réponse dépend de ce que vous entendez par le terme «favorable».
Il n'y a pas très longtemps j'ai vu la bande vidéo qu'a utilisée Michael Porter pour la publicité entourant son livre. Je crois que cela s'intitulait The Competitive Advantage of Nations. Il avait étudié les centres de biotechnologie qui ont été créés dans les États de la Nouvelle-Angleterre. Il a constaté que les industries s'orientaient vers ces États pas simplement parce que les règlements n'étaient pas trop stricts. Elles s'y rendaient pour deux grandes raisons. Tout d'abord, elles sont déménagées là-bas parce que les règlements et les exigences étaient stricts, et comparables aux règlements les plus stricts et les meilleurs du monde. La deuxième raison est la plus importante: la situation était prévisible. En d'autres termes, une compagnie disposée à investir des sommes importantes et disposée à attendre 10 ans avant d'avoir un produit à vendre savait alors pertinemment que ces règlements stricts et exigeants existeraient encore 10 ans plus tard.
Ainsi, pour ce groupe d'entreprises, un climat réglementaire favorable voulait dire des exigences strictes, respectées et prévisibles. Cela nous ramène au vieux principe de la règle de droit prévisible, ce qui est préférable au simple caprice des fonctionnaires comme fondement des décisions prises.
Merci, monsieur le président.
M. Forseth: Permettez-moi de ramener cette question à un niveau pratique; si je pense au deuxième exposé, les témoins nous ont parlé de la protéine dérivée de la bactérie Bt qui est utilisée pour la lutte contre les insectes nuisibles. Je suppose qu'un de ces produits peut également être utilisé pour détruire la spongieuse. Si j'ai bien compris, cet insecte fait ses nids sur des navires de charge, ces derniers arrivent au port, puis l'insecte quitte le navire. Il s'installe dans les arbres de la côte ouest et ne fait pas partie de l'écosystème naturel de la région. Sa présence est donc nuisible. C'est pourquoi Agriculture Canada veut se rendre dans la région pour vaporiser ce produit Bt.
Cela est devenu un grave problème dans ma communauté. Les résidents s'insurgent, pas nécessairement en raison de l'enzyme Bt en soi, mais simplement parce qu'ils se demandent quand le produit sera vaporisé, et comment il le sera, et de plus ils veulent savoir s'ils auront voix au chapitre. Ils veulent en connaître plus long sur les agents propulseurs, les agents transporteurs ou les produits chimiques qui seront utilisés pour lutter contre la spongieuse.
De plus, il y a le problème des fonctionnaires fédéraux qui disent aux résidents que lorsque certains seuils sont atteints il faut absolument vaporiser ce produit. Les fonctionnaires semble préférer procéder de cette façon plutôt que de laisser chaque propriétaire foncier installer des pièges sans procéder à la vaporisation de l'insecticide. Les résidents veulent être responsables de ce qui se passe sur leur propriété.
Nous pouvons parler de cette question à un niveau supérieur, mais, finalement, ce qui compte, c'est ce qui se passe dans la rue ou dans le quartier.
J'ai reçu beaucoup de plaintes de gens qui sont confrontés à ce système. Le conseil municipal entend les délégations parce que ces résidents ne savent plus à qui s'adresser pour dire: «Arrêtez, nous avons besoin de plus amples renseignements et nous voulons assumer la responsabilité de ce qui se passe sur notre terrain.»
La question de l'arrosage du produit Bt n'est rien de nouveau. C'est un problème politique dont on discute à Vancouver depuis déjà un bon moment. Mais c'est une question qui refait surface à nouveau dans ma circonscription, et les résidents de la région sont inquiets. J'aimerais donc qu'on me dise quelques mots sur une application pratique et pragmatique; je voudrais qu'on m'assure qu'on fera ce qu'on doit dans la collectivité.
M. Morrissey: Merci, monsieur le président. Je crois que cette question comporte deux volets. Le premier touche Santé Canada et l'aspect humain; l'autre touche Agriculture Canada et nos collègues du ministère de l'Environnement, et les aspects écologiques et agronomiques.
Il convient de signaler que la spongieuse existe sous deux formes qui nous intéressent. La première est la spongieuse traditionnelle, qui n'est pas celle dont on parle maintenant. L'autre est la spongieuse asiatique, qui est une nouvelle espèce au Canada, une espèce exotique, pour laquelle il n'existe aucune nouvelle substance au Canada.
Il n'existe que trois façons pour l'être humain de contrôler un insecte nuisible si vous acceptez le fait que nous faisons partie de l'écologie et que nous voulons obtenir combustibles et fibres de nos arbres. La première est une méthode physique: vous pouvez tailler les arbres ou couper les parties qui ont été attaquées par la spongieuse. Cela coûte cher et prend beaucoup de temps. La deuxième façon est la solution chimique que nous employons depuis la guerre, qui est accompagnée de problèmes particuliers. La troisième est la méthode biologique, où intervient le produit Bt. Ce sont là les seules solutions. Si nous voulons intervenir nous devons choisir une de ces trois méthodes, ou un mélange de ces méthodes.
Encore une fois, nous devons évaluer les avantages et les coûts. À mon avis il est impossible dans la nature de procéder à une intervention qui ne comporte pas de coûts ou d'avantages. Il faut donc se demander: si nous intervenons, comment maximiser les avantages et minimiser les coûts?
À mon avis la spongieuse asiatique présente un danger important pour le secteur forestier au Canada, un secteur fort important. Si nous voulons intervenir, quelle est la façon la moins perturbatrice de le faire?
On vient de parler des pièges. À mon avis les pièges sont utiles si l'on veut déterminer si en fait il y a des spongieuses dans la région, mais ces pièges ne suffisent pas à contrôler ou à détruire le problème. Il faudra probablement faire quelque chose de plus. Il n'y a pas de solution magique et facile au problème de la spongieuse; ou nous devons l'empêcher de venir, et c'est ce que nous essayons de faire, ou, une fois que cet insecte est arrivé, il nous faut accepter le fait, essayer d'endiguer les dommages ou essayer de détruire l'insecte. Toute intervention aura des avantages et des coûts.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur Adams.
M. Adams (Peterborough): Nous sommes très heureux d'avoir entendu vos exposés, messieurs. Le président a déjà signalé que vous vous en étiez tenus à la période réservée aux exposés, que vous avez été clairs et précis et que vous avez abordé toute une série de questions.
Notre comité s'est déjà penché sur la question, mais vous nous avez donné une bonne idée de l'importance de la question dans la société d'aujourd'hui et de la mesure dans laquelle il se produit des interventions passives dans le système et des interventions agressives dans la nature. Je crois que c'est ce qui inquiète le public.
Vous avez parlé d'un taux de 25 p. 100 de l'économie, ce qui m'a frappé, parce que je n'avais jamais vu les choses sous cet angle; je crois que l'ensemble des Canadiens croient que la biotechnologie, peu importe ce que cela représente, envahit notre société de diverses façons. Je crois qu'ils ont raison.
Le président a signalé que nous avons entendu, et c'est probablement votre cas d'ailleurs, des commentaires à la radio ce matin à la suite de la conférence qui se déroule à Ottawa. Je crois qu'il s'agit de la conférence sur le Codex organisée par l'Organisation mondiale de la santé à Ottawa. C'est toute une coïncidence.
Les journalistes ne se sont pas servis d'un exemple pour démontrer que la biotechnologie permettrait d'avoir recours moins souvent aux herbicides, aux produits antiparasitaires ou aux choses de ce genre. L'exemple que j'ai entendu était celui d'une tomate à qui on avait injecté une protéine de porc. Les journalistes se sont servis de cet exemple plutôt que de l'autre, qui est un recours réduit au contrôle chimique dans le secteur de l'agriculture, en raison de ce que cela laissait entendre.
Ainsi, on a l'image en tête non pas d'une tomate meilleure pour la santé, mais d'une tomate qui en quelque sorte a quatre pattes. Je crois qu'ils se sont servis de cet exemple pour attirer mon attention et celle de ceux qui étaient à l'écoute. Cela ne fait qu'alimenter la perception qu'a le public de la biotechnologie, une question que vous avez longuement discutée avec nous et une question à laquelle s'attaquent les gouvernements.
Pourquoi, comme on l'a signalé à la radio ce matin, la majorité des pays qui participent à cette conférence hésitent-ils à étiqueter les produits issus de la biotechnologie? Pouvez-vous nous en parler? Pourquoi hésitent-ils en ce moment à étiqueter ces produits?
M. Buccini: Je pourrais vous faire quelques commentaires généraux, mais je crois que mes collègues d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada voudront sans doute ajouter quelque chose.
L'exemple que vous nous avez donné ce matin, la tomate à quatre pattes, tout compte fait, est un exemple classique qui attire l'attention du public. Je crois que la question des denrées alimentaires est une chose qui tient à coeur aux consommateurs, tout particulièrement ceux qui ont des allergies.
C'est une chose de penser qu'on peut se rendre chez le vendeur de légumes ou de produits alimentaires et y acheter une tomate et supposer que cette tomate est la même qu'on aurait achetée il y a dix ans. Mais si on commence à insérer des gènes particuliers dans ces produits, les gens qui ont des allergies aux arachides, ou à certaines protéines, devront peut-être se demander si la tomate d'aujourd'hui en fait ressemble de quelque façon que ce soit à la tomate qu'ils pouvaient jadis se procurer. Je crois que le secteur des denrées alimentaires est un des secteurs les plus sensibles.
Comme MM. Morrissey et Bailey l'ont signalé plus tôt, les processus biotechnologiques en soi n'ont rien de nouveau; ce sont ces nouvelles techniques d'épissage qui sont nouvelles et qui suscitent la plus vive controverse.
Peut-être Keith Bailey pourrait-il vous en dire un peu plus long.
M. Bailey: Je suis d'accord avec ce qu'a dit mon collègue. Nous avons déjà discuté de la biotechnologie traditionnelle, où il y a eu introduction et interaction de plusieurs gènes. En fait, le public a accepté les croisements hybrides de tous genres, sans se demander si cela pouvait créer des problèmes.
Venons-en au fait. La tomate à quatre pattes me nuit parce que je mange quelque chose qui est de conception biotechnologique. Quelque chose d'étrange s'est peut-être produit dans les gènes, et cela pourrait me nuire physiquement.
Le fait est que les gens mangent des tomates lorsqu'ils mangent du porc. Ils mangent toutes sortes de gènes des porcs, des tomates, et d'autres produits.
Ce qui s'est produit par le passé lorsqu'il y avait amélioration génétique d'une espèce, c'est qu'il y avait un mélange que personne ne connaissait vraiment. On ne savait pas ce qu'il advenait de ces gènes, ce qui se passerait si certains gènes apparaissaient ou disparaissaient dans la nouvelle espèce ou la nouvelle variété, peu importe. Nous nous trouvons maintenant face à une situation beaucoup plus précise et contrôlée, et nous pouvons vraiment suivre ce qui s'est produit.
Pour en revenir à la question que vous avez posée plus tôt, à savoir pourquoi on ne veut pas prévoir un étiquetage particulier, je crois que cela est attribuable au simple fait qu'on craint que cela ne fasse ressortir un changement qui, pour ce qu'on en sait, ne représente pas un changement dramatique ou précis dans le produit même.
Néanmoins, puisque l'on opte progressivement pour une plus grande consultation du public, ce à quoi d'ailleurs personne ne s'oppose... Par exemple, il y a des fraises qui sont protégées contre le gel: les gens acceptent dans l'ensemble ce changement génétique qui vise à protéger les fraises. On croit que c'est une bonne chose.
Le fait que les médias se concentrent sur des aspects particuliers pour attirer l'attention du public pourrait poser des problèmes. C'est pourquoi je crois qu'on se demande comment aborder la question, comment diffuser les renseignements pertinents.
M. Adams: Vous nous avez donné des chiffres sur la croissance des divers secteurs. Dans quelques années, quelqu'un s'adressera à un comité comme le nôtre et annoncera que cela représente maintenant 75 p. 100 de l'économie.
Pour en venir à l'étiquetage, le fait est que la société essaie de composer avec tous ces changements. Qu'en pensez-vous?
M. Bailey: Je suis d'accord.
M. Deacon: Je crois que mes deux autres collègues aimeraient, si vous le leur permettez, monsieur le président, dire quelques mots sur cette question fort importante.
M. Morrissey: J'ai suivi cet échange, et je pense qu'il faudrait revenir aux principes de base. L'humanité peut intervenir d'une façon physique, chimique ou biologique. À mon avis peu importe la méthode choisie, l'intervention peut être positive ou négative. La biotechnologie fait maintenant la une, et certains pensent que la biotechnologie ne peut qu'avoir des incidences négatives. À mon avis cette méthode n'est pas vraiment différente des trois autres. Nos interventions peuvent être positives ou négatives. La même chose se produirait probablement pour n'importe quel autre type d'intervention: comment pouvons-nous maximiser les avantages et minimiser les coûts pour la société et pour la nature?
J'aimerais ajouter que je crois qu'il faut faire la différence entre les types de biotechnologies dont nous parlons. Le type de biotechnologie qui a probablement suscité la plus vive controverse est l'exemple de la tomate, où il y a croisement d'espèces. Cependant, nombre d'activités dans le secteur de la biotechnologie ne suscitent aucune controverse. Si vous déplacez un gène d'un plant de pois à un autre, cela ne cause aucun problème. C'est probablement un type de biotechnologie bien particulier qui suscite cette controverse.
Nous avons déjà, en utilisant des techniques traditionnelles, procédé à des croisements. Par exemple, le triticale est un hybride de blé et d'avoine. Nous avons procédé à ce croisement avant que les nouvelles biotechnologies existent.
J'aimerais, monsieur Adams, essayer de vous expliquer pourquoi les gens s'inquiètent peut-être de l'étiquetage. Vous savez que le blé, par exemple, est mélangé peut-être 15 fois avant la cuisson. S'il y avait un étiquetage particulier pour les produits de la nouvelle biotechnologie, il faudrait un double système de production, et un double système de transport et de transformation, ce qui coûterait très cher.
Il existe de plus un problème pratique. J'ai lu que l'utilisation du maïs - pour le soja c'est même encore plus - est tellement répandue que s'il y a 10 000 produits sur les rayons à l'épicerie, probablement que 2 000 d'entre eux contiennent une fraction de maïs. À quel moment cessez-vous de mentionner sur l'étiquette les fractions d'un élément qui entre dans la composition d'un produit?
Mes deux derniers commentaires portent sur la perception de ce qui est naturel et de ce qui ne l'est pas. Si vous préparez une étiquette qui identifie le produit comme étant suffisamment différent pour justifier ces coûts et ces renseignements supplémentaires, les gens penseront que ce produit n'est pas naturel alors qu'un autre le serait. On y verra peut-être même une distinction entre ce qui est sécuritaire et ce qui ne l'est pas, parce que, si j'ai bien compris, la principale raison pour laquelle Santé Canada demande l'étiquetage, c'est que l'innocuité du produit est en jeu, que la composition du produit est telle qu'une mise en garde est justifiée.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Walker.
M. Terry Walker (coordinateur d'équipe, Direction de la biotechnologie, Direction générale des matériaux, produits chimiques et bio-industries, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur le président. J'aimerais ajouter quelques commentaires à ce qu'ont déjà dit mes collègues.
Pour ce qui est de l'étiquetage, M. Morrissey a clairement fait ressortir qu'il est difficile d'étiqueter les produits lorsqu'ils sont fabriqués à partir de certaines denrées céréalières, comme le blé, le canola et l'orge, qui peuvent d'ailleurs être employés pour la fabrication de la bière. Cependant, au Royaume-Uni, où on a pu identifier des produits particuliers qui ne contiennent qu'un produit génétique résultant de la biotechnologie, comme le fromage qui contient de la rénine produite par génie génétique, ou de la purée faite à partir de tomates de la Californie qui ont fait l'objet d'une intervention génétique pour pouvoir mûrir toutes au même moment; ces produits ont en fait été étiquetés, et je crois qu'ils sont acceptés du public.
Le président: Merci.
L'intervenant suivant sera M. Lincoln, qui sera suivi de Mme Guay et de Mme Kraft Sloan.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Monsieur le président, je poserai toutes mes questions en même temps si vous me le permettez.
Tout d'abord, monsieur Buccini - vous pourrez répondre plus tard - j'aimerais savoir ce qu'il en est des règlements que l'on rédige actuellement. Quelle en sera la portée? Quand seront-ils déposés? Comment doit se dérouler leur application?
Pour ce qui est du commentaire qu'a fait M. Morrissey, qui a dit que nous allons avoir un contexte prévisible de règlements stricts sur l'innocuité des produits de sorte que les investisseurs sachent, avant d'essayer de fabriquer des produits biogénétiques, quels seront les règlements qu'ils devront respecter, je crois que nous sommes tous d'accord. Il nous faut vraiment un contexte prévisible. Le problème - et je crois que c'est pourquoi nous posons tant de questions sur la biotechnologie - c'est qu'il est impossible de prédire quelles seront les incidences de certains produits. Les conséquences ne se manifesteront que beaucoup plus tard, et personne ne sait vraiment ce qui se produira.
Par exemple - et je ne parle pas vraiment de la biotechnologie - à une époque le DDT était jugé parfaitement sûr. Les gaz dérivés des CFC étaient jugés une découverte extraordinaire. Nous utilisions jadis de l'essence au plomb, et on n'y voyait aucun inconvénient. Aujourd'hui nous posons des questions sur la présence du mercure dans les plombages.
Ces réactions viennent toujours plus tard. Vingt ans après la découverte d'un produit, nous constatons qu'on n'aurait pas dû procéder à sa fabrication. C'est pourquoi les gens s'inquiètent autant.
Je suis convaincu que lorsque les Britanniques ont commencé à préparer leurs provendes pour leur bétail, ils n'avaient jamais pensé qu'il existerait un jour quelque chose qu'on appellerait la maladie de la vache folle.
Pour ce qui est de la BST, je peux vous assurer que nombre de membres du caucus s'inquiètent sérieusement de la question et se demandent si on devrait autoriser son utilisation au Canada; d'énormes pressions sont exercées au nom des ministères pour que l'on autorise l'utilisation de ce produit.
Ce qui m'amène à ma deuxième question. Dans le rapport sur la LCPE nous avions proposé que la modification et l'évaluation touchant les produits de biotechnologie soient prévues dans les dispositions de cette loi. Cependant, ces propositions ont été modifiées, et on se retrouve maintenant avec le principe du filet de sécurité, qui précise que lorsqu'il n'existe pas de loi ou de règlements, la LCPE assurera un filet de sécurité générale pour protéger la santé et l'environnement.
Il serait intéressant de savoir quelle est votre vision de ce filet de sécurité qui serait conçu pour protéger la santé de l'environnement. Est-ce qu'il s'agirait simplement du filet de sécurité qui est actuellement assuré par la loi?
La Loi sur la protection de l'environnement n'entrerait pas en ligne de compte s'il existe déjà une loi et si les règlements portant sur la notification et l'évaluation du produit et visant à protéger la santé et l'environnement ont été approuvés par le gouverneur en conseil.
Je me souviens qu'en novembre dernier - je n'ai malheureusement pas ce communiqué sous les yeux - le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a décidé de confier la responsabilité des produits de la biogénétique à l'industrie. Je crois que cela portait sur les produits génétiques pour l'industrie laitière. Il se peut que je me trompe; il s'agissait peut-être d'un autre domaine connexe. Cela semble être à la mode de nos jours. Nous disons que nous ne pouvons pas adopter de règlements et nous laissons l'industrie adopter un système d'auto-réglementation.
Qu'est-ce qui se produit dans ces circonstances? Qui est vraiment responsable? Est-ce que c'est la loi qui est responsable, compte tenu du filet de sécurité qu'elle assure? Est-ce le ministre de la Santé ou le ministre de l'Agriculture? Qu'est-ce qui se produit lorsque le ministre de l'Agriculture décide de confier sa responsabilité à un groupe industriel, à une association laitière ou à une association de producteurs de provendes à poussin, peu importe? Qu'arrive-t-il lorsque le ministre leur confie la responsabilité de la réglementation au titre des produits biogénétiques?
M. Buccini: Je crois que la première question de M. Lincoln portait sur l'état actuel des règlements découlant de la LCPE. Je répondrai d'abord à cette question.
La section du Bureau du Conseil privé - Justice étudie actuellement ce qui, si je ne me trompe, est la dernière ébauche des règlements. Si ces règlements sont retenus ils seront fournis au moment opportun au ministre de l'Environnement et au ministre de la Santé, parce qu'ils sont tous deux responsables de l'application de la LCPE. Évidemment, il faudra suivre le processus habituel d'examen et d'approbation par le Conseil des ministres et de publication dans la Gazette du Canada. Je ne peux pas vous dire quels sont les échéanciers, mais nous nous attendons à récupérer ces règlements sous peu.
Votre autre question portait sur la portée des règlements. Il y a trois grands volets à ces règlements. L'un porte sur les produits biochimiques, comme les enzymes ou les biopolymères. Il s'agit de produits non vivants ou inanimés de la biotechnologie. Le deuxième volet est celui des micro-organismes. Comme je l'ai signalé plus tôt dans mon exposé, il s'agit habituellement des produits que l'on utilise pour la biorestauration, l'exploitation biologique minière et la lixiviation biologique. La troisième catégorie serait celle des autres organismes. Je crois que c'est tout simplement une explication générale. Cela permettrait d'assurer le filet de sécurité dont on a parlé.
Monsieur Lincoln, ai-je répondu à vos questions?
M. Lincoln: Oui. Lorsque vous dites «sous peu», qu'entendez-vous? Un mois ou deux mois?
M. Buccini: Oh, vous savez, là où il y a de la vie il y a de l'espoir. J'espère que nous pourrons récupérer ces règlements dans environ un mois. Il y a déjà un bon moment qu'ils ont été renvoyés au ministère de la Justice.
M. Lincoln: Pouvez-vous me parler de la troisième catégorie, celle des autres organismes? Est-ce qu'il s'agit d'une catégorie générale?
M. Buccini: Nous avons l'intention de garder cette catégorie très générale afin de ne pas exclure quelque organisme que ce soit. Pour conserver la notion de filet de sécurité, ce dont j'ai déjà parlé et ce que vous avez mentionné dans vos commentaires, si une autre loi fédérale ou d'autres règlements fédéraux ne visent pas ces produits, ils seront visés par la LCPE.
Est-ce que cela suffit?
M. Lincoln: Oui, merci.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
M. Morrissey: Oui, monsieur le président.
M. Lincoln a parlé des délais. J'aimerais vous rappeler que Churchill a dit que prédire les choses était difficile, tout particulièrement en ce qui a trait à l'avenir. Je crois que nous serions tous d'accord.
Je crois qu'il est fort possible que certains des principes qui sous-tendent ce délai ou cette période d'attente puissent être bien prévisibles ou durables. Par exemple, lorsque notre pays a été formé à la fin des années 1800, le ministère de la Santé, le ministère de l'Agriculture et d'autres ministères ont été chargés de l'application de certaines mesures législatives afin d'assurer que les nouveaux animaux ou nouveaux légumes qui étaient importés au Canada ou créés au Canada étaient sûrs, efficaces et ne présentaient aucun danger.
La loi n'a pas vraiment changé de façon marquée au cours des 100 dernières années. Elle a été utile parce que pour ces produits, comme les nouveaux vaccins destinés aux animaux ou à l'être humain - parce qu'après tout l'être humain fait partie du royaume animal - qu'ils soient produits selon des méthodes traditionnelles ou de nouvelles méthodes, la technologie a changé, les processus ont changé, mais le contrôle exercé sur les produits n'ont pas changé. Ces produits doivent toujours être sûrs, efficaces, et ne présenter aucun danger.
J'aimerais ajouter quelque chose en ce qui a trait aux principes de base. Monsieur Lincoln, je crois que vous avez raison de dire que nous ne pouvons pas prédire l'avenir en ce qui a trait au DDT. Vous avez parfaitement raison de dire qu'il y avait des facteurs inconnus dans les années 40 lorsqu'on a commencé à avoir recours assez souvent au DDT.
Si vous revenez à la méthode scientifique, qui est à l'origine de tout processus décisionnaire bien éclairé dans le secteur, il faut se rappeler qu'elle est fondée sur l'observation, les explications physiques, un nombre d'appels limités, des déclarations qui se rapprochent de la vérité, ce qui est très important. Parce que nous ne connaissons pas l'avenir, parce que nous ne connaissons pas ce que nous ne connaissons pas, tout ce que nous pouvons dire, peu importe à quel point nous nous croyons intelligents, c'est quelque chose qui se rapproche de la vérité.
Pour ce qui est du DDT, nous avons dit à peu près la vérité. Nous avons dit qu'en fonction des meilleures connaissances disponibles nous prenions alors une décision. Lorsque de nouvelles connaissances sont devenues disponibles, il a fallu prendre une nouvelle décision, rajuster notre tir. Nous avons dû reconnaître que nous avions eu tort et revenir sur la décision qui avait été prise.
J'ai un troisième commentaire à faire sur les règlements découlant de la LCPE et sur les règlements d'Agriculture Canada. Au niveau opérationnel, nous nous sommes entendus sur les renseignements nécessaires pour assurer que les nouvelles substances, animales ou végétales, qui seront présentes dans l'écologie ou dans l'environnement seront sûres, pures, efficaces, et ne présenteront aucun danger. Nous espérons que nous pourrons fonctionner avec les deux séries de règlements, le filet de sécurité et les ministères responsables, pour obtenir tous les mêmes renseignements.
Pour ce qui est de la décision de confier le contrôle du dossier de la biotechnologie à l'industrie laitière, je ne suis pas au courant de cette affaire. Avez-vous de plus amples détails, monsieur Lincoln?
M. Lincoln: Comme je l'ai dit, je ne sais pas vraiment s'il s'agissait de l'industrie laitière, mais j'essaierai de retrouver le document. C'était un communiqué du ministre publié en novembre dernier où l'on parlait de confier la responsabilité de certains secteurs biotechnologiques. Je ne sais pas s'il s'agissait de l'industrie laitière ou d'une institution agricole quelconque. Je retrouverai ce document, parce que j'aimerais vraiment avoir de plus amples détails. Il s'agissait d'une délégation de pouvoir quelconque. J'ai posé la même question au président. Je lui ai demandé s'il s'en souvenait, et il se rappelait que quelque chose s'était passé dans ce domaine, mais je n'ai pas le document. Il est à mon bureau. J'aurais bien voulu l'apporter.
Le président: On cherche actuellement le document.
M. Lincoln: Peut-être qu'avant la fin de la réunion nous pourrons en reparler.
Envisagez-vous de procéder à une délégation de pouvoir? Quelle est la position adoptée par le gouvernement à cet égard?
M. Morrissey: Monsieur Lincoln, je ne suis pas au courant d'une délégation de pouvoir dans le secteur de la biotechnologie à l'industrie laitière. Si vous retrouvez ce document, je serai heureux de le consulter.
J'aimerais signaler que pour ce qui est de la réglementation, les ministres responsables, s'ils sont par là tenus d'assurer que les produits sont sûrs, purs, efficaces et ne présentent aucun danger, rien ne les empêche de déléguer l'administration du dossier, par exemple, à des fonctionnaires ou à d'autres intervenants, mais ils ne peuvent pas vraiment déléguer la responsabilité que leur confie le Parlement.
M. Lincoln: Je vous remercie de cette précision.
Pourriez-vous nous parler brièvement de la BST? Où en est ce dossier? Est-ce que vous ou le représentant du ministère de la Santé avez rouvert le dossier? Est-ce qu'il a été tabletté? Qu'en est-il de ce dossier?
Le président: Je vous demanderais de ne donner qu'une brève réponse.
M. Morrissey: Santé Canada a demandé aux fabricants de présenter de plus amples renseignements sur la santé animale il y a déjà plusieurs mois. Santé Canada n'a pas encore pris de décision définitive, et on ne sait pas encore si les fabricants ont fourni les renseignements demandés. Aucune décision n'a encore été prise.
Le président: Merci, monsieur Lincoln.
Madame Guay, puis Mme Kraft Sloan, et enfin le président.
[Français]
Mme Guay (Laurentides): J'aimerais revenir brièvement sur la somatotrophine bovine puisque je crois que c'est un point très important.
Nous savons que cette hormone qui est injectée aux vaches permet de produire plus de lait plus rapidement. Nous parlions plus tôt de l'étiquetage des produits pour lesquels on aurait utilisé certaines hormones. En tant que consommatrice, lorsque j'achète une pinte de lait, j'aimerais bien savoir si le lait a été produit en utilisant une hormone. Les consommateurs sont en droit de savoir ce qu'ils consomment, de savoir si un produit est naturel ou s'il ne l'est pas. Par ailleurs, on le fait déjà aujourd'hui, mais nous devrions nous assurer qu'on continue de le faire. C'est un engagement que l'on doit prendre face aux consommateurs, face à la population.
Deuxièmement, on constate que la définition de la biotechnologie varie énormément d'un ministère à l'autre. Cela me fait un petit peu penser au développement durable; nous en avons chacun notre définition, mais il faudra réussir à nous entendre et à établir une seule définition, et non pas dix.
Je crois que le ministère de l'Environnement a une définition très exhaustive de la biotechnologie et que les autres ministères devront s'y ajuster. Plus on avance dans la technologie, plus on a de produits, de sous-produits, d'hormones, etc. Ça devient très large et très vaste. Il faut faire très attention parce que nous pourrions utiliser un produit et injecter une hormone comme la somatotrophine et découvrir dans 20 ans qu'elle est cancérigène ou qu'elle a quelque autre effet néfaste.
Je crois qu'il faut être très prudent et j'aimerais savoir si les différents ministères sont prêts à se plier à une définition qui, selon nous, membres du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, semble très précise et vise à protéger la population.
Les différents ministères sont-ils prêts à faire un effort à ce niveau, plus particulièrement le ministère de la Santé et celui de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire?
Les gens ont le droit de savoir, d'être au courant de ce qui se trouve dans les produits qu'ils achètent et consomment. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
[Traduction]
M. Deacon: J'aimerais faire un commentaire. Je crois que les ministères collaborent de très près pour s'entendre sur une définition et pour formuler les règlements les plus complets possible.
Peut-être M. Morrissey voudra-t-il vous parler précisément de la BST.
[Français]
M. Morrissey: Selon moi, nous sommes tous d'accord quant à la définition de la biotechnologie, soit la définition que j'ai donnée ce matin et qui est celle de la LCPE. À mon avis, il n'y a pas de conflit au niveau de la définition.
Quant à l'étiquetage des produits issus de la biotechnologie, dans ce cas précis la somatotrophine bovine, je crois que nous devons nous pencher sur deux aspects de cette question. Le produit est-il acceptable au niveau de la santé selon le ministère de la Santé? Si c'est le cas, selon ce que je comprends, la compagnie ne serait pas obligée d'apposer un étiquette spéciale du point de vue de la santé.
Du point de vue de l'information au consommateur, nos loi actuelles - je ne dis pas qu'elles ne pourraient pas être changées - , qu'elles émanent du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ou de celui de la Santé, exigent que l'étiquette soit vraie et honnête. En anglais, nous disons: it must not be false or misleading. Dans ce cas-ci, en autant que l'étiquette soit vraie et ne soit pas trompeuse, il n'y a pas d'obligation de mettre autre chose.
Le deuxième volet est purement un problème de faisabilité, un problème technique. À ce que je sache, aucun test n'existe actuellement pour différencier la somatotrophine naturelle qui se trouve dans le lait de la somatotrophine qui a été ajoutée par l'intervention de l'homme.
Mme Guay: Si j'ai bien compris, si on injecte de la somatotrophine bovine, on n'est pas obligé de l'indiquer sur l'étiquette ni d'en informer la population. C'est épouvantable. En tant que consommatrice, lorsque j'achète une pinte de lait, j'aimerais bien savoir si une hormone a été injectée afin que j'aie le choix entre un produit naturel et un produit auquel on a ajouté une hormone. Vous me dites qu'on n'a pas à le déclarer. C'est vraiment terrible.
Le président: Merci, madame Guay.
Mme Kraft Sloan suivie par M. Knutson.
[Traduction]
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): En fait, d'après ce que je sais de la somatotrophine bovine, il est possible d'y mettre un traceur. Vous ne pourriez peut-être pas faire la différence entre deux types de somatotrophines, mais il est possible d'ajouter un traceur qui vous permettra de déterminer si ce produit a été ajouté au lait ou injecté dans les vaches.
De toute façon, je veux vous poser une question sur l'étiquetage. On retrouve de plus en plus de cas d'allergie chez les adultes et chez les enfants. Une des formes d'allergie les plus dangereuses, tout particulièrement chez les petits enfants, c'est l'allergie à divers types de noix. J'ai entendu parler d'une situation où on avait pris l'ADN de noix du Brésil pour fabriquer des produits de soja ou de tofu. Une personne allergique aux noix avait mangé ce produit et avait en une très forte réaction.
Donc, même si une substance ne semble peut-être pas toxique ou nocive pour la santé humaine dans la plupart des cas, ce produit pourrait avoir des conséquences graves pour une personne qui souffre d'allergies graves. Nous avons par ailleurs l'étiquetage nutritionnel. J'ai donc de la difficulté à comprendre pourquoi il y a tant d'obstacles à l'étiquetage.
Une autre chose que je voulais dire au sujet de l'étiquetage, c'est que si la biotechnologie devient si envahissante dans nos vies quotidiennes, alors je pense que le grand public devra se sentir un peu plus à l'aise avec cela, et les attitudes devront changer. La perception du public à cet égard devra donc changer.
D'après ce que je comprends, on permet l'étiquetage négatif aux États-Unis pour ce qui est de la STbr.
Vous pourriez peut-être faire des commentaires au sujet de certains points que j'ai soulevés.
M. Bailey: Permettez-moi de commencer par votre dernière observation, concernant le niveau de tranquillité et l'intérêt public. Je pense que vous avez tout à fait raison. On ne pourrait peut-être pas redonner confiance au public si toute la question de l'étiquetage n'était pas examinée de très près, et c'est pourquoi en ce moment le Canada examine de très près ce qui se fait dans le cadre de la conférence qui se déroule à l'heure actuelle, c'est-à-dire toute la question de l'étiquetage et la meilleure orientation à prendre à cet égard.
Pour revenir à l'une des questions d'un de vos collègues au sujet de l'étiquetage et de la possibilité d'indiquer sur l'étiquette les mots «produit issu de la biotechnologie», cela donne plutôt l'impression d'être un genre d'étiquette qui donne un consentement éclairé, comme s'il y avait un consentement éclairé face à une certaine préoccupation.
Santé Canada examine tous les produits qui ont été modifiés sur le plan génétique, comme nous l'avons dit précédemment pour les aliments nouveaux, et la façon dont ils sont évalués ainsi que leur étiquetage font partie de cet examen. Les recommandations du comité ainsi que les consultations publiques des ministères à l'heure actuelle sont extrêmement utiles pour faire avancer ce dossier.
En ce qui a trait aux questions posées par votre collègue précédemment au sujet de l'étiquetage, comme M. Morrissey l'a souligné, il est pratiquement impossible de savoir si une hormone que l'on retrouve dans le lait est, disons, d'origine naturelle, car, en fait, on administre cette même hormone à l'animal. On ne peut donc pas faire la différence entre les deux.
Cependant, comme M. Morrissey l'a également souligné, il est essentiel que nous surveillions constamment la situation, en utilisant les connaissances que nous avons aujourd'hui pour prendre les meilleures décisions possible et à mesure que nous acquérons de nouvelles connaissances, que nous réexaminions toutes ces questions. C'est ce que font continuellement les ministères. C'est certainement ce que fait le ministère de la Santé - par exemple dans le domaine des médicaments, lorsque de nouveaux produits sont introduits sur le marché, à la lumière des meilleures connaissances que nous avons pour le moment. Nous croyons qu'ils sont non seulement sûrs et efficaces, mais qu'ils seront également efficaces et efficients pour la population.
Ce n'est qu'après en avoir évalué l'effet sur peut-être des dizaines ou des centaines de milliers de patients après de nombreuses années que nous pourrons vraiment connaître toute la valeur d'un médicament. Ce sera la même chose dans bon nombre de domaines, je pense, notamment dans tout le domaine de la biotechnologie.
Mme Kraft Sloan: Peut-on ou non ajouter un traceur?
M. Bailey: C'est possible. Comme mon collègue...
Mme Kraft Sloan: Quel est le problème? Si nous parlons d'une déclaration, on a ici une déclaration dans laquelle on parle d'un environnement pour la biotechnologie et du fait que des investissements seront faits dans ce domaine. Ce sont tous des principes fondés sur le libre marché. L'un des plus importants principes du libre marché, c'est l'accès à l'information et l'égalité de l'accès pour tous les gens. C'est ce que j'ai appris dans un cours de base en finances. C'est ainsi que les marchés fonctionnent. S'il n'y a pas égalité d'accès à l'information, alors il n'y a pas libre marché, et les consommateurs ne sont pas en mesure de prendre des décisions. Si ce sont de bons produits, alors les consommateurs n'hésiteront pas à les utiliser.
Si on ajoute un traceur, il est alors possible de différencier entre deux types de lait, le lait auquel on a ajouté la STbr et celui auquel on n'en a pas ajouté. Le fait que l'on retrouve une substance naturellement dans le lait est une chose, mais lorsque l'on rajoute un certain type de substance que l'on retrouve naturellement dans un produit, il y a des conséquences. Mais c'est là une autre question. On parle beaucoup ici du libre marché, et si c'est vraiment ce que l'on veut avoir, il faut alors en respecter tous les principes. Où est donc le problème?
M. Bailey: Je répondrai peut-être tout d'abord à la question de l'ajout d'un traceur. Comme mon collègue me le mentionnait, on pourrait fort bien se retrouver dans une situation encore pire en ajoutant un traceur, du fait qu'on introduit ainsi une autre substance étrangère.
Je me rappelle il y a quelques années - je suis certain que mes collègues s'en rappellent également - lorsqu'il a été question d'ajouter dans le lait divers agents antimicrobiens, antibactériens. On avait ajouté de la pénicilline à cause des mammites, et on parlait d'ajouter un traceur pour vérifier si les agriculteurs utilisaient ce produit et pour déterminer le temps qui s'était écoulé depuis l'exploitation agricole.
L'une des suggestions était en fait d'ajouter une teinture - je pense qu'à l'époque on parlait d'un bleu éclatant - pour déterminer s'il y avait encore des traces de ce bleu dénotant la présence d'antibiotiques. L'idée a en fait été rejetée à cause du bleu, plutôt qu'à cause de l'antibiotique.
Encore une fois, je suis convaincu que les ministères apprennent très rapidement qu'il est extrêmement important d'informer pleinement le public, et le plus gros problème consiste sans doute à trouver un mécanisme permettant de le faire.
Mme Kraft Sloan: C'est l'une des questions que j'ai soulevées concernant les allergies. Si un produit ou un procédé est mis à l'essai et que l'on s'aperçoit qu'il est bénin ou qu'il ne nuit pas à la santé humaine, mais que des gens qui ont des allergies consomment ce produit parce qu'ils pensent qu'ils achètent un produit alimentaire alors qu'en fait ils en achètent un autre, un produit qui a été mis au point grâce à un procédé biotechnologique, ce produit nuira à leur santé. C'est pour cette raison qu'à mon avis de tels produits devraient être étiquetés.
M. Bailey: Monsieur le président, vous pourrez sans doute examiner ces questions plus en détail lorsque votre comité entendra nos collègues des ministères au sujet d'aspects réglementaires bien spécifiques.
Si j'ai bien compris, tout au moins à la Direction des aliments, lorsque de nouveaux produits sont introduits, on évalue la possibilité d'effets nocifs de ces produits, notamment la possibilité qu'ils augmentent le risque de réaction allergique.
J'ai trouvé assez fascinant l'exemple que vous nous avez donné. Je devrais examiner ce dossier et voir ce qui s'est produit dans ce cas. Je crois que vous avez mentionné que des gènes provenant de noix du Brésil avaient été introduites dans le tofu et qu'il y avait possibilité de réaction allergique. On entend constamment parler d'exemples de ce genre, mais après enquête, on s'aperçoit que la réaction n'a aucun rapport avec la consommation d'un tel produit.
C'est un défi scientifique assez intéressant, mais naturellement pour le consommateur, c'est une question de sécurité. À mon avis, c'est le ministère de la Santé qui doit relever ce défi aujourd'hui.
Mme Kraft Sloan: Oui.
Le président: Merci.
Monsieur Morrissey, vouliez-vous faire une observation?
M. Morrissey: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais revenir à la question de l'allergie. Pour le ministère de l'Agriculture, si ce produit - et je crois comprendre qu'il s'agit de gènes provenant de noix du Brésil qui avaient été incorporées dans un produit nord-américain - avait été ajouté dans l'alimentation des animaux, nous reviendrions aux principes de base.
Tout d'abord, l'alimentation animale doit être sûre, pure, puissante et efficace. Si on s'aperçoit qu'elle n'est pas sûre, on la retire du marché. Si elle n'est pas vraiment dangereuse, mais n'est pas parfaitement sûre, alors on peut y apposer une étiquette, comme on le fait dans le cas des pesticides ou de tout autre produit homologué où on appose une étiquette de mise en garde.
En ce qui concerne la STbr, l'étiquetage négatif est toujours permis au Canada en raison du principe selon lequel l'étiquette ne doit pas être fausse ou induire en erreur.
L'étiquetage négatif dirait par exemple: «Ce lait a été produit par des vaches qui n'ont pas été traitées avec la STbr». Pourvu que l'on puisse prouver que ce que dit l'étiquette est vrai et que cela n'induit pas en erreur, n'importe qui au pays peut poser une telle étiquette, tout comme on le fait aux États-Unis.
Le président: Merci. Monsieur Knutson.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Monsieur Morrissey, j'aimerais revenir à votre observation lorsque vous avez cité Churchill: «On ne sait pas ce qu'on ne sait pas». Vous avez parlé de la méthode scientifique. Si vous me permettez de paraphraser ce que vous avez dit, essentiellement votre message était que tout était un risque calculé. Je veux vous poser une question qui va au coeur même du problème fondamental. La différence entre un risque calculé acceptable et un risque calculé inacceptable dépend souvent de la personne qui le calcule et de sa motivation.
Du point de vue de l'agroalimentaire - et je viens d'une circonscription fortement agricole - je constate qu'il y a une vive motivation pour la biotechnologie. Cette dernière aide les agriculteurs à produire leurs produits, rend ces derniers plus rentables, crée un marché plus fort pour l'exportation, améliore leur encaisse, améliore leurs profits nets et, de façon générale, crée un niveau supérieur de prospérité pour l'agriculteur et la collectivité en général.
Dans un système capitaliste, c'est l'impératif commercial qui domine. Les gens sont essentiellement en affaires pour faire de l'argent. C'est tout à fait différent du point de vue strictement environnemental où ce n'est pas selon les profits réalisés que l'on évalue le bien public. Pour un écologiste convaincu, le profit est un mal nécessaire, non pas un motif particulièrement louable.
J'aimerais que vous me disiez qui, à votre avis, devrait s'occuper de l'évaluation, du contrôle et de la réglementation. Étant donné les nombreux échecs de l'industrie ou du système capitaliste en général, il s'agit... C'est parfois en toute bonne foi que les gens ont permis à de nouveaux produits de se retrouver sur le marché, mais ce n'était pas toujours le cas. Parfois ils ont agi en toute bonne foi pour ce qui est de maximiser la valeur de l'actionnaire, mais pas du point de vue de l'intérêt public.
Qui, à votre avis, devrait avoir le contrôle et dans quelle mesure?
M. Morrissey: Si j'ai compris la question que vous me posez essentiellement, monsieur Knutson, vous me demandez si c'est la communauté agricole ou la communauté environnementale qui devrait prendre les décisions. Autrement dit, comment peut-on atteindre le bon équilibre entre le développement et la durabilité, la durabilité étant la sensibilité environnementale et le développement étant le rendement économique et la production de richesses?
M. Knutson: Tout en reconnaissant que quiconque a un intérêt commercial a un parti pris initial.
M. Morrissey: Je dirais que quiconque n'a aucun intérêt est donc désintéressé et a un autre parti pris.
M. Knutson: Je ne suis pas certain que cela ait autant d'importance.
M. Morrissey: À mon avis, ce n'est pas l'un ou l'autre. On ne peut choisir la durabilité ou le développement, il faut avoir un juste équilibre entre les deux.
Le président: Je m'excuse de vous interrompre, mais dans les deux cas, on doit toujours se préoccuper de la santé publique, n'est-ce pas?
M. Morrissey: Oui.
Le président: On ne peut donc pas accepter vraiment l'image de l'équilibre que vous nous décrivez, équilibre entre la durabilité d'une part et le développement de l'autre.
M. Morrissey: Peut-être pourrais-je alors tenter de répondre à la question d'un autre point de vue.
D'après ce que j'ai pu comprendre de la question, vous dites qu'en agriculture on n'est peut-être pas aussi sensible à l'environnement étant donné que quelqu'un doit gagner sa vie en cultivant le sol. Je dirais qu'il y a là une certaine part de vérité. Cependant, permettez-moi de vous signaler que c'est la communauté agricole qui a inventé l'expression «intendance du sol». Les agriculteurs ont inventé cette expression car ils ont compris qu'ils ne faisaient pas tout simplement cela pour avoir un emploi; que l'agriculture serait un mode de vie pour des générations à venir.
Dans l'ouest du Canada, nous avons endommagé l'environnement. Avec la charrue à versoir et un peu d'aide de mère nature - nous avons eu des années de sécheresse - nous avons transformé l'Ouest en un véritable bol de poussière. Il nous a fallu revenir en arrière et remettre l'Ouest en état.
L'un des points qu'a soulevés M. Clifford, c'est que nous ne pouvions prédire les conséquences de certaines choses que nous avons faites, et que lorsque nous avons commis une erreur, nous avons dû l'admettre, revenir en arrière et la corriger.
M. Knutson: À cet égard, la terre de surface était-elle en bon état?
M. Morrissey: Oui. Nous avions réduit la fertilité dans l'Ouest jusque vers le milieu des années 70, mais nous l'avons améliorée à partir du milieu des années 70.
L'autre observation que je voulais faire, c'est que l'agriculture fait tout simplement partie de la nature. Si on regarde les chiffres, on s'aperçoit qu'environ 70 p. 100 des fonds de recherche en agriculture dans le monde entier sont consacrés à la durabilité et non pas au développement. C'est tout simplement parce que nous ne pouvons faire autrement que de faire partie de la nature. Par exemple, les variétés de blé que nous avons mises au point dans les années 20, qui résistaient à la rouille, sont devenues disposées à la rouille lorsque la nature a commencé à se défendre et à trouver de nouvelles façons d'attaquer le blé.
Encore une fois, nous consacrons environ 70 p. 100 de notre budget à tout simplement essayer de maintenir le pain que nous mettions sur la table par le passé.
M. Knutson: Du point de vue de l'exploitation familiale, je ne suis pas en désaccord. De façon générale, les agriculteurs s'occupent de la terre, ils en sont les gardiens. Leur motivation est certainement bonne. Mais dès que l'on va au-delà de l'exploitation agricole familiale, plus loin dans la chaîne de production, je ne suis pas si certain que l'on se soucie toujours des conséquences à long terme.
On croirait qu'une société forestière ou quelqu'un qui a une entreprise forestière comprendrait qu'il ne faut pas détruire toutes les forêts, pourtant si on regarde la vallée de l'Outaouais, cette région était à une époque l'une des principales régions forestières au pays, mais nous n'avons plus d'arbres aujourd'hui. Il ne reste plus d'industrie forestière importante en Ontario.
Le capitalisme regorge d'exemples où les gens ont voulu maximiser leurs profits à court terme sans tenir compte du fait que cela pouvait poser un problème grave d'intérêt public général, à court ou à long terme.
Je dis tout simplement que si nous adoptons un tel point de vue, alors le gouvernement devra sans doute mettre en place une réglementation environnementale assez stricte, ou tout au moins plus stricte, des nouvelles technologies.
M. Morrissey: Je pense qu'il serait peut-être utile de faire la différence entre une exploitation agricole ou une propriété privée, où le propriétaire est directement intéressé à maintenir sa valeur, et une propriété publique, où ce que les économistes appellent la «tragédie des ressources d'usage commun» entre en jeu. Par exemple, si un stock de poisson est propriété publique, je n'en suis pas propriétaire, de sorte que je n'ai pas le même incitatif à préserver ma propriété pour la transmettre aux générations futures. J'ai l'impression que l'observation qui a été faite au sujet de l'industrie forestière tombe peut-être en fait dans cette catégorie.
Il y a une différence entre la propriété privée, comme une exploitation agricole - et presque toutes les terres agricoles au Canada sont des propriétés privées...
M. Knutson: Pour faire une autre distinction, cependant, qu'en est-il du comportement des sociétés?
Permettez-moi de vous donner un exemple d'un cas où une société a pris une décision qui, de toute évidence, n'était pas dans l'intérêt public. Le cas le plus classique que l'on cite dans les écoles de commerce, est celui de la compagnie Ford qui avait mis sur le marché une voiture qui s'appelait la Pinto. La société s'est aperçue qu'il y avait un problème avec le réservoir à essence. Elle a alors calculé ce qu'il lui en coûterait pour rappeler le modèle et combien lui coûteraient les poursuites à la suite des décès dans les incendies causées par les réservoirs à essence. Elle a donc fait le calcul, et s'est aperçue qu'il lui en coûterait moins cher de laisser les accidents se produire et de faire face à des poursuites plutôt que de rappeler le modèle.
Je ne sais pas si cette éthique est différente dans d'autres entreprises. Ils ont pris la décision qui, pour eux, maximiserait la valeur pour les actionnaires.
Ce que je dis, c'est que les sociétés prennent des décisions qui privilégient leurs actionnaires mais qui ne respectent en aucune façon l'environnement à long terme, à moins que les gouvernements ne les obligent à le faire en disant tout simplement: «Vous devez le faire car nous vous obligerons».
Bien que les gouvernements aient un intérêt à encourager la biotechnologie et l'innovation dans le secteur agroalimentaire, pour moi c'est une question d'équilibre. Je reviens à mon commentaire initial quant aux principes qui devraient s'appliquer, étant donné que tout est un risque calculé et que cela dépend de qui fait le calcul.
M. Bailey: Je ne peux répondre à la question. Je pense que c'est une question très difficile. Je pense à un exemple de ce à quoi les gouvernements doivent faire face dans le secteur des transports.
Je ne voudrais pas trop m'éloigner du sujet à l'étude, monsieur le président, mais prenez par exemple les sommes investies dans le secteur routier. On pourrait décider de construire un pont de 100 millions de dollars afin de sauver des vies. Ces calculs malheureusement doivent être faits et les chiffres auxquels arrivent divers organismes ne sont pas toujours les mêmes. Les hôpitaux doivent prendre des décisions tout comme on le fait dans le domaine des transports. Vous avez posé une question très difficile et je ne sais pas comment on pourrait vraiment y répondre.
M. Deacon: J'aurais une petite observation à faire rapidement. Une chose que nous avons constatée dans le processus interministériel qui est en place dans le domaine de la biotechnologie, c'est que l'un des avantages de ce processus est qu'il stimule le débat entre les ministères qui ont des points de vue divergents. À mesure que ces questions sont soulevées, le processus que nous utilisons à l'heure actuelle permet à chacun de s'exprimer sur ces divers points de vue. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites qu'il s'agit de trouver un juste équilibre entre des intérêts concurrentiels très importants, mais tout au moins ces derniers sont pris en compte. Je pense que c'est au cours de ce processus qu'on en tient compte.
Le président: Merci.
Monsieur Knutson, vous avez soulevé des questions assez intéressantes ici, mais le temps est un véritable tyran. Nous devons quitter cette pièce sous peu pour faire place à un autre comité. Il y a quatre députés qui veulent poser des questions lors du deuxième tour de table, et pour le premier tour de table, il reste encore M. Finlay et moi-même.
Monsieur Finlay.
M. Finlay (Oxford): La matinée a été des plus intéressantes, et je m'excuse si je n'y étais pas depuis le tout début, car j'étais en bas.
J'abonde dans le même sens que Mme Guay et Karen Kraft Sloan au sujet de l'étiquetage et du droit du public de savoir. Je suis particulièrement intéressé par ce qu'a dit M. Knutson, car c'est ce qui me trottait dans l'esprit.
Nous venons tout juste de tenir un forum de deux jours sur les emplois et le développement durable, et dans les notes d'information qu'on nous a fournies, on disait que si tout le monde sur la terre aujourd'hui vivait comme nous vivons en Amérique du Nord, il faudrait avoir deux planètes de plus pour fournir l'énergie et les aliments nécessaires à cinq ou six milliards de gens. Il me semble que c'est ce genre de chose dont M. Knutson parlait.
Je prends la plupart de vos réponses, particulièrement celles de M. Morrissey, et je ne trouve rien à y redire. Il me semble que l'innocuité, la pureté, la puissance et l'efficacité sont d'excellents critères sauf que pour bien des choses dans le domaine de la biotechnologie, il faudra attendre encore 10, 15 ou 20 ans avant de savoir si un produit est sûr. Il est peut-être pur, il est peut-être efficace, mais ce que nous ne savons pas, c'est quels seront ses autres effets.
Nous savons que le nombre d'amphibiens diminue. Nous savons qu'il y a une accumulation de substances toxiques non biodégradables et rémanentes dans l'Arctique. Nous savons qu'il y a une accumulation semblable dans les Grands Lacs. Nous voulons essayer de faire quelque chose, mais nous ne savons certainement pas si nous réussirons ni jusqu'à quel point il faudra réduire la pollution pour stabiliser la situation. Nous ne semblons vraiment pas être en mesure de le faire même pour les gaz à effet de serre, le monoxyde de carbone et le réchauffement de la planète, bien qu'à l'échelle internationale, les pays aient convenu de se fixer un certain niveau de réduction d'ici l'an 2000.
Vos réponses en viennent à quelque chose que nous devons peut-être accepter en tant qu'êtres humains: il y a un risque dans tout ce que nous faisons. À quel niveau ce risque est-il acceptable et à quel niveau ne l'est-il pas? Si nous ajoutons dans une grande mesure le principe de la prévention, et dans l'affaire économique tout comme dans le monde des affaires nous ajoutons une grand part de responsabilités, car comme on a pu le constater par le passé, certaines sociétés ont dû payer - Gar a mentionné les réservoirs à essence, et je pense que les implants mammaires et la thalidomide sont quelques autres bons exemples. Peut-être pourrions - nous progresser aussi rapidement que possible sans créer un désastre total.
J'aime votre commentaire au sujet des routes, monsieur Bailey, car j'y avais pensé.
Monsieur Morrissey, lorsque vous dites que nous avons amélioré la fertilité dans l'Ouest, cela m'encourage. J'ai lu quelque part que si je montais en haut de la tour du CN, je pourrais voir 37 p. 100 des terres agricoles de première catégorie au Canada et 23 p. 100 des terres agricoles de seconde catégorie, et je dois vous dire que la plupart sont couvertes de routes, de maisons et d'usines.
Nous ne faisons pas tout ce que nous devrions faire pour maintenir notre qualité de vie. Malheureusement, la plupart du temps, nous prenons des mesures très ponctuelles et à court terme.
Le président: Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir des commentaires succincts?
M. Bailey: Je vais essayer d'être le plus succinct possible, monsieur le président. Dans mon exposé, j'ai à peine mentionné l'aspect recherche, mais je n'en ai pas parlé plus en détail. Au moment de l'introduction de la stratégie nationale sur la biotechnologie, il y a quelque 12 ou 13 ans, je suppose, la recherche était l'un des éléments clés. Je suis fermement convaincu qu'en continuant d'appuyer les recherches de la stratégie nationale sur la biotechnologie, cela nous aidera à régler certains des problèmes très importants dont a parlé M. Finlay.
Je devrais peut-être dire que non seulement nous devrions essayer de trouver des méthodes pour déterminer le risque absolu, mais aussi faire des recherches concernant la perception de ce risque par le public et essayer de trouver un moyen de faire parvenir cette information au public afin qu'il le comprenne facilement.
Le président: Nous entamons maintenant le deuxième tour de table. Je vais essayer de poser mes questions le plus rapidement possible.
Monsieur Buccini, pouvez-vous nous dire si, à votre avis, la réponse du gouvernement à notre rapport sur la LCPE tient suffisamment compte du principe de la prévention?
M. Buccini: J'hésite ici, monsieur Caccia, car le principe de la prévention a une signification différente pour différentes personnes. Je dois tout simplement savoir exactement ce que cela signifie pour vous.
Le principe de la prévention, pour moi, est un principe qui découle, je pense, du principe 15 du document de la CNUED en 1992, qui parle essentiellement de l'absence du dernier élément d'information, si vous me permettez de paraphraser. Ce n'est pas une raison pour ne pas prendre une décision.
Le président: Je voudrais que l'on prenne comme critère le principe de la prévention tel que défini dans notre rapport, et que l'on s'en tienne à cette interprétation.
M. Buccini: Très bien. La réponse du gouvernement tente de mettre en place le principe de la prévention selon lequel aux termes des dispositions de la LCPE concernant les nouvelles substances, pour les produits assujettis à la LCPE, l'industrie devrait présenter suffisamment d'informations pour déterminer les risques éventuels pour la santé humaine ou l'environnement. Pour répondre à la question de M. Lincoln, le projet de règlement auquel j'ai fait allusion nous donnera, je crois, le cadre de travail nécessaire pour obtenir l'information de façon à pouvoir examiner les produits avant qu'ils soient introduits sur le marché.
Donc, à mon avis, c'est le règlement qui vous permettra sans doute de voir si le principe de la prévention est respecté.
Est-ce là où vous vouliez en venir, monsieur?
Le président: Oui, effectivement. Pour ce qui est de ce qui n'est pas là - dans votre réponse vous avez fait allusion à ce qui n'était pas là - qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Buccini: Je m'excuse, monsieur, mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
Le président: Je parle des aspects de la biotechnologie qui ne sont pas visés par la LCPE.
M. Buccini: Je crois que M. Morrissey en a parlé tout à l'heure. On envisage ce que j'appellerais des lois sectorielles, comme celles que M. Morrissey a énumérées, et qui visent les semences, le fourrage, les engrais, la santé des plantes et des animaux. Nous travaillons de concert avec le personnel de son ministère depuis maintenant un an, ou peut-être un peu plus. Des dispositions très semblables à celles de la LCPE sont envisagées pour la réglementation aux termes des lois d'Agriculture Canada.
Je pense que les propositions touchant le règlement de la LCPE applicable aux nouveaux produits de la biotechnologie constitueront, si je peux utiliser ce terme, une grille que les autres ministères s'efforcent de reprendre dans leurs propres règlements. Par conséquent, étant donné la nature résiduelle de la loi, je pense que nous avons une influence plus large, qui ne se limite pas strictement aux produits visés par la LCPE.
Le président: Dans le cadre de cette approche mettant en jeu quatre ministères, lequel d'entre eux aura le dernier mot en cas de divergence?
M. Buccini: La question n'est pas tellement de savoir lequel aura le dernier mot, c'est plutôt une question juridique. Je crois comprendre que dès qu'un produit doit faire l'objet d'un avis, par exemple aux termes de la Loi sur les semences, alors c'est en application de cette loi que l'avis est promulgué.
Comme M. Morrissey l'a dit tout à l'heure, l'évaluation qui sera faite tiendra compte de l'innocuité, de la pureté et de la puissance du produit. En principe, si cette série de règlements est adoptée, le travail sera fait de la même manière, que ce soit par un fonctionnaire d'Agriculture Canada, de Santé Canada ou d'Environnement Canada. Ce serait la situation idéale.
Le président: Merci.
J'ai visuellement l'impression ce matin, en regardant le groupe de témoins, qu'un ministère est représenté par deux fonctionnaires, tandis que les autres n'ont qu'un seul représentant. Je suis porté à conclure que, pour une raison ou une autre, Industrie Canada a un rôle de chef de file en matière de biotechnologie. Fais-je erreur?
M. Deacon: Je crois qu'Industrie Canada a un rôle de coordination, mais comme on l'a dit tout à l'heure, les responsabilités incombent aux ministères compétents. Chose certaine, nous avons un rôle de coordination et un rôle de chef de file pour ce qui est de piloter le dossier à l'étranger. Mais nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues.
Le président: Pouvez-vous dire au comité pourquoi ce rôle de coordination a été attribué au ministère de l'Industrie et non pas à celui de la Santé, de l'Agriculture ou de l'Environnement?
M. Bailey: Monsieur le président, je crois pouvoir me rappeler de ce qui s'est passé au début des années 80, quand on a introduit la stratégie nationale de biotechnologie.
À la suite d'un rapport au gouvernement fédéral sur la biotechnologie au Canada, il a été décidé de lancer ce front. Et c'est le ministre de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie qui s'est vu confier le rôle de chef de file. En fait, le comité consultatif national sur la biotechnologie relève du ministre de l'Industrie.
M. Morrissey: Merci, monsieur le président.
Je pourrais peut-être ajouter à ce que M. Bailey vient de dire. D'après ce que je me rappelle, c'est le ministère d'État aux Sciences et à la Technologie, comme on l'appelait à l'époque, qui avait le mandat de coordonner les dossiers scientifiques qui recoupent les mandats de plusieurs ministères. Quand le ministère d'État aux Sciences et à la Technologie a été supprimé, le mandat de coordonner certains dossiers qui restaient en plan a été confié à Industrie Canada. Ainsi, dans le cas de la biotechnologie, comme il ne s'agit pas d'un produit fini, mais plutôt de technologie relative aux procédés, comme il s'agit d'un outil utilisé par sept ou huit ministères et parce que nous sommes organisés par produit (l'agriculture, le poisson, les aliments), quelqu'un devait coordonner l'ensemble du dossier.
Le président: En toute bonne logique, cela aurait pu être un autre ministère, n'est-ce pas?
M. Morrissey: Oui, absolument.
Le président: Merci.
J'ai une dernière question. Je ne veux pas retenir mes collègues, mais cela me tracasse. En bref, je perçois une contradiction, tout au moins en apparence. À la page 4 de votre document, monsieur Morrissey, vous dites:
- C'est pourquoi on dit que le régime réglementaire canadien porte sur le produit et non sur le
procédé.
- Le processus d'examen des médicaments biologiques est particulièrement approfondi parce
qu'il comporte un examen du procédé de fabrication, et pas seulement du produit final.
M. Bailey: Merci, monsieur le président. Je ne crois pas qu'il y ait contradiction. En fait, dans le cas des médicaments biologiques, le processus se trouve souvent à définir le produit. Le produit est fabriqué par un procédé biologique, comme un vaccin, par les biotechnologies plus conventionnelles utilisées dans le passé, ou encore par un nouveau produit de biotechnologie. Ce processus est très important. Il est examiné très attentivement pour garantir la sûreté du produit fini résultant de ce processus. C'est donc un processus axé sur le produit. C'est le produit qui est approuvé.
Le président: Cela s'applique-t-il seulement aux médicaments?
M. Bailey: Non, je ne le crois pas.
Le président: Dans ce cas, pourquoi le ministère de l'Agriculture dit-il que le système réglementaire canadien porte sur le produit et non pas sur le procédé? Pouvez-vous m'expliquer cela?
M. Morrissey: Les lois canadiennes, en tout cas dans le domaine de l'agriculture, exigent que l'on donne avis au ministre d'un produit et qu'on lui fournisse des renseignements sur ce produit. Très souvent, les renseignements sur le produit comprennent, comme mon collègue vient de le dire, des renseignements sur le procédé de fabrication du produit, procédé qui peut exiger lui-même une surveillance.
Par exemple, pour la production d'un vaccin, il faut s'assurer que le vaccin ne s'échappe pas dans l'environnement. Cette étape s'applique à presque tous les produits réglementés. C'est le cas des produits de la biotechnologie et de la délivrance d'un permis pour des essais en milieu fermé ou hors confinement. Vous avez donc absolument raison, c'est le produit. Mais s'il y a des étapes de la fabrication du produit qui pourraient être dangereuses, alors il faut contrôler également ces étapes.
Le président: Merci beaucoup.
Pour la deuxième ronde, nous avons M. Forseth, Mme Guay, M. Lincoln et Mme Kraft Sloan. Monsieur Forseth, vous avez la parole.
M. Forseth: Merci beaucoup.
Nous avons parlé plus tôt aujourd'hui de l'étiquetage ou, de façon générale, du droit de savoir. De plus, les témoins que nous accueillons aujourd'hui nous ont parlé de la participation des intéressés. Mais j'ai eu l'impression quand on a mentionné cela que les plus importants intervenants, à savoir le public et le consommateur et les citoyens du Canada, au nom desquels nous sommes censés travailler, n'étaient pas particulièrement considérés comme des intervenants.
J'en reviens à l'attitude dont parlaient M. Lincoln et M. Knutson. Nous détenons le savoir, cela ne vous fera pas mal et nous allons voir à tout cela. Ces derniers jours, nous avons discuté de la capacité des particuliers de prendre des décisions éclairées fondées à la fois sur le prix, c'est-à-dire sur l'absence de facteurs de distorsion, et sur la compréhension des meilleures pratiques. Pour faire ce qui convient le mieux à la fois pour l'environnement et pour nous-mêmes, nous devons être éclairés. Nous avons besoin d'information. J'ai l'impression que la bonne vieille dynamique s'est réinstallée. C'est nous qui détenons le savoir, nous allons répondre aux besoins du marché et nous verrons plus tard si c'est nuisible. Je pose donc une question d'ordre général: qu'avons-nous appris?
On a dit également qu'il y a une saine tension entre les divers ministères. Il y a des discussions, etc. À quel niveau le public est-il en cause dans cette tension? S'agit-il d'une guerre de territoire entre les ministères? Ou bien le processus est-il ouvert, de manière que le public sache comment on dépense son argent dans le cours de ces discussions?
J'en donne plus précisément l'exemple du droit de savoir et d'être en mesure de prendre une décision éclairée. J'en reviens à ce dont je parlais tout à l'heure, la bouillie de pulvérisations Btk. Je veux savoir précisément quels sont les ingrédients qui entrent dans la composition de cette bouillie? Quels sont les ingrédients et à quelle concentration? En fait, qu'est-ce qu'on utilise au niveau des particuliers? Qu'est-ce qu'on pulvérise?
Le président: Veuillez répondre brièvement.
M. Morrissey: Merci, monsieur le président. Je vais essayer de répondre brièvement aux questions dans l'ordre dans lequel elles ont été posées.
Au sujet de la consultation sur l'étiquetage, tous les ministères gouvernementaux ont travaillé ensemble pour obtenir des consultations publiques en 1993. On est revenu à la charge en 1995 et le tout a été suivi d'un document de consultation aboutissant aux consultations Codex au niveau international.
Pour la deuxième observation, au sujet des experts qui détiennent le savoir, ce que j'ai essayé de faire comprendre tout à l'heure, c'est que nous avons appris depuis la dernière guerre qu'aucun d'entre nous n'en connaît davantage que la vérité approximative. Il faudra faire preuve d'une grande humilité en prenant l'une ou l'autre de ces décisions, puisque, comme M. Finlay le disait tout à l'heure, nous ne savons tout simplement pas ce que nous saurons peut-être dans 20 ans. Et même dans 20 ans, nous ne saurons toujours pas ce que nous apprendrons peut-être encore 20 ans plus tard.
Pour la dernière question, portant sur la pulvérisation Bt, je ne peux pas vous dire tout de suite quelle est la liste des ingrédients actifs ou inertes dans la bouillie de pulvérisation Bt, mais je me ferai un plaisir de vous faire parvenir ce renseignement, ou peut-être pourrais-je consulter nos collègues qui pourront nous fournir ce renseignement.
Le président: Veuillez le faire.
M. Forseth: J'espère que je recevrai une très bonne réponse, parce que j'ai fait inscrire cette question au Feuilleton et j'attends une réponse depuis pas mal longtemps. C'est une question à quatre volets et on refuse obstinément de me répondre.
Le président: Merci. Nous essaierons de vous obtenir une bonne réponse. Je suis certain que M. Morrissey va s'en occuper.
Monsieur Lincoln.
M. Lincoln: Monsieur le président, je remercie ma collègue Mme Guay de m'avoir cédé son tour de parole, car je dois partir pour aller à un autre comité.
Je voudrais revenir brièvement à ce que j'ai déjà dit au sujet de toute cette histoire de délégation, et aussi à ce qu'a dit mon collègue M. Knutson.
Je dois d'abord énoncer très clairement mon parti pris. Je suis sans réserve en faveur du principe de la prévention. Je suis pour le long terme, par opposition au court terme. Dès que nous avons la moindre hésitation, je crois que nous devrions trancher en faveur de l'environnement et de la santé, par-dessus toutes les raisons économiques.
En réponse à M. Morrissey, je conviens que dans 20 ans, nous devrons en quelque sorte prendre des décisions pour les 20 années suivantes, mais nous n'en saurons pas davantage, sinon que les dangers et les risques deviennent dès aujourd'hui tellement immenses, comme on l'a vu dans tellement de cas, que je crois que nous devons faire preuve de la plus grande prudence, ce qui m'amène à mon point.
Dans notre étude de la LCPE, à la page 123, l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement dit que si des lois différentes continuent de s'appliquer à des produits de biotechnologie différents, alors tous les produits de biotechnologie diffusés dans l'environnement devraient être évalués en fonction des mêmes critères et normes exigés dans la LCPE, comportant la participation du public et les options de prévention disponibles. L'Institut énonce six critères.
M. Buccini nous a longuement entretenus de l'évaluation dans le cadre de la réglementation.
J'ai mentionné tout à l'heure ce communiqué du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire daté du 14 novembre 1995. Le ministre dit dans ce communiqué que nous consacrerons 12,4 millions de dollars au cours des trois prochaines années à la création du Canadian Dairy Network qui s'occupera des vaches laitières, du contrôle laitier et de l'évaluation génétique. Le CDN a été constitué et doit reprendre les fonctions qui étaient auparavant assumées par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il assumera la responsabilité à l'égard de toutes les activités liées au contrôle laitier et à l'amélioration génétique.
Le secteur laitier accorde énormément d'importance à l'amélioration génétique comme outil pour rivaliser avec la concurrence mondiale. Il n'a nullement été fait mention de l'environnement ou de toute autre considération. On se contente de transférer toute la responsabilité à l'égard des programmes laitiers, ainsi que la participation permanente de AAAC à l'amélioration génétique et aux programmes d'évaluation du bétail canadien.
Des programmes semblables pour le boeuf, le porc, l'agneau et les chèvres laitières ont été ainsi transférés avec succès en mars 1995, date à laquelle on a décidé que le secteur du bétail serait mieux servi si les programmes étaient gérés par l'industrie. Je sais qu'on me dira probablement que cela s'applique seulement à la reproduction par croisement.
À partir de quel moment passe-t-on de la reproduction par croisement à la modification des gènes? Et qu'en est-il des essais expérimentaux? Sont-ils visés par la réglementation actuelle? Je crois savoir que non. Nous ouvrons toute grande la porte au sujet des vaches laitières, du contrôle laitier, de l'évaluation génétique. Et qu'arrivera-t-il maintenant que nous nous déchargeons de la responsabilité pour l'évaluation de l'amélioration génétique du boeuf, du porc, du mouton et des chèvres laitières?
Quelle est l'étape suivante? Finira-t-on par dire que le secteur décidera lui-même s'il y a lieu d'évaluer les produits du lait et si une hormone quelconque pourrait améliorer le lait?
Quelle surveillance, quel contrôle, quelle garantie avons-nous? Ne sommes-nous pas en terrain glissant? L'ICDPE ne nous a-t-il pas justement donné un avertissement très catégorique à ce sujet dans notre étude? Est-ce la raison pour laquelle nous sommes très inquiets au sujet de ces contrôles multidisciplinaires qui deviennent l'absence totale de contrôles, quand on commence à céder les excellents leviers de contrôle publics que nous avons actuellement?
Le président: Vous comprenez maintenant, monsieur Morrissey, pourquoi notre comité s'est intéressé à la biotechnologie.
M. Morrissey: Merci, monsieur le président et monsieur Lincoln.
Je suis conscient de la question que vous soulevez et qui remet en cause le contrôle des vaches laitières et des porcs qui a été institué après la guerre. Au début, c'était essentiellement des agents du gouvernement qui se rendaient sur place, dans les fermes laitières et chez les producteurs de porc pour faire des vérifications ponctuelles, pour mesurer la quantité de lait donnée par chaque vache, afin de vérifier ce qu'on disait au sujet des vaches qui donnaient le plus de lait.
C'est exactement la même chose pour le porc. Les inspecteurs se rendaient chez les producteurs de porc pour peser les porcs de façon périodique afin d'établir s'il était vrai que certains porcs étaient génétiquement supérieurs et prenaient davantage de poids. Ce qu'on a transféré, ce sont ces visites sur place pour mesurer et peser, cela n'a rien à voir avec la reproduction génétique ou la biotechnologie.
M. Lincoln: Excusez-moi, monsieur Morrissey, je dois vous croire sur parole, mais en même temps, je me dois d'être sceptique.
Ce n'est pas ce que j'ai lu. Il est question d'amélioration génétique. Il est question d'exportations canadiennes d'embryons de vaches laitières, de sperme et d'animaux de race pure... Cela ne se limite pas à aller voir sur place pour peser le lait. S'il est question d'amélioration génétique, ce n'est pas pour rien. Cela veut dire la reproduction par croisement et l'amélioration des embryons et du bétail. Quand je dis amélioration génétique, cela ne correspond sûrement pas à ce que vous venez de me répondre, à moins que je ne sois plus stupide que je le croyais.
M. Morrissey: M. Lincoln a absolument raison. Les renseignements obtenus par la pesée d'animaux individuels, pour voir quelle a été l'augmentation de poids d'un porc ou mesurer l'augmentation de production de lait d'une vache, ces renseignements servent à l'industrie de l'insémination artificielle et du transfert d'embryons pour décider quels taureaux ou quels verrats il convient de garder. C'est fondé sur la performance des rejetons observés sur place. Vous avez donc absolument raison de dire que ces renseignements servent à cela, mais ce qui a été transféré, ce sont les visites d'inspection des entreprises agricoles, les mesures proprement dites.
M. Lincoln: Êtes-vous en train de me dire qu'il n'y a aucune possibilité, quand vous parlez d'évaluation génétique, que cela ait quelque chose à voir avec la modification des gènes ou la reproduction par croisement? Il n'est absolument pas question de cela?
M. Morrissey: Monsieur le président, d'après ce que j'ai compris du document, la privatisation du programme d'évaluation génétique s'applique à la collecte des données simplement.
Les agences se servent ensuite de ces données pour l'insémination artificielle ou le transfert d'embryons dans le cadre de leurs programmes de sélection et d'évaluation génétique des animaux qu'ils ont déjà sélectionnés.
Le président: Merci.
Deux questions: Madame Guay et madame Kraft Sloan.
[Français]
Mme Guay: Monsieur le président, je regarde la façon dont on légifère sur les pesticides. On a un problème en ce moment et on en est très conscient au Québec. On continue à légiférer et à permettre l'utilisation de nouveaux pesticides, mais on coupe dans la recherche sur les produits organiques, normaux, non dangereux pour l'environnement.
Vous me dites que votre définition de la biotechnologie est la même que la nôtre. On prépare une hormone qui s'appelle la somatotrophine bovine. On va l'introduire sur le marché. On nous dit qu'il n'est pas obligatoire d'indiquer la présence de cette hormone sur une étiquette. On met sur les paquets de cigarettes des avertissements très voyants qui disent que c'est dangereux pour la santé, mais on n'a pas le droit de savoir ce qu'on va consommer.
Il va falloir qu'on ait dans la LCPE une définition très précise de la biotechnologie et qu'on l'applique. Un tel code d'éthique devrait être respecté dans tous les ministères. La situation actuelle est très décevante et inquiétante. C'est simplement un commentaire.
Le président: Madame Kraft-Sloan.
[Traduction]
Mme Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
Michael Porter a dit que l'industrie voulait des règlements cohérents et forts. On veut une certaine prévisibilité. Je me demandais ce que les témoins pensent du fait que la réponse du gouvernement dans la LCPE permet des normes minimales différentes. Si les associations industrielles ont la possibilité de se réglementer, il y aura des normes minimales très différentes et moins prévisibles. Cela va à l'encontre de ce que Michael Porter a dit que l'industrie voulait vraiment.
Le président: Monsieur Buccini, s'il vous plaît.
M. Buccini: J'essaierai d'y répondre. Je peux seulement parler à partir de ma propre expérience et, comme d'autres, je ne serai pas capable de prédire ni les événements à l'avenir ni le comportement des humains.
Je déduis de mes consultations avec l'industrie et dans d'autres domaines, qu'un régime de réglementation de première classe prévisible est considéré comme étant un atout pour la planification des entreprises. De mon point de vue, cela nous aidera aussi à mettre en oeuvre des mesures de précaution, de prévention de la pollution, et toute autre mesure qui aide à protéger la santé et l'environnement.
De plus, comme vous l'avez dit, le règlement de la LCPE plus précisément ne permet pas d'ententes avec l'industrie. Il s'agit d'une approche de protection générale.
Mme Kraft Sloan: Je ne parle pas de la LCPE; je parle des autres ministères.
M. Buccini: L'autre chose que je voulais dire, comme M. Morrissey l'a dit, c'est qu'un examen public des règlements des produits issus de la biotechnologie agricole et de la LCPE nous donnera une occasion excellente d'étudier tout le régime.
Si vous craignez qu'il y ait trop d'exemptions à ces règlements ou qu'on tolère des écarts, il faudra y réfléchir et en discuter au cours des consultations. Pour répondre directement à votre question, je pense que les exemptions des lois fédérales seraient couvertes par le règlement de la LCPE. C'est comme ça que nous voyons les mesures de protection générale.
Peut-être pourriez-vous jeter un coup d'oeil sur le règlement lorsqu'il sera publié dans la partie I de la Gazette du Canada pour fins de discussion publique, pour voir si vos inquiétudes tiennent toujours.
Le président: Merci.
Monsieur Knutson, avez-vous un dernier commentaire?
M. Knutson: Non, merci.
Le président: Alors, merci beaucoup.
J'aimerais aussi remercier les membres du Comité des ressources naturelles pour leur patience.
Je vous remercie chacun d'entre vous d'être venus ce matin. Comme vous l'avez vu, il faut rapprocher ministères et politiciens. Nous essaierons de nous pencher sur cette question et de réduire le fossé qui nous sépare dans les semaines à venir. Nous voudrons peut-être vous revoir au mois de juin.
La séance est levée.