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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 21 novembre 1996

.0834

[Français]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous allons commencer tout de suite parce que nous avons un ordre du jour très chargé.

.0835

Nous entendrons d'abord, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, un groupe de témoins représentant l'Association minière du Canada, Pentland Firth Ventures Ltd., Placer Dome Canada Ltée, l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, l'Association canadienne des pâtes et papiers et le Congrès du travail du Canada. L'ordre du jour est donc bien chargé.

Avez-vous décidé entre vous qui lancerait la discussion de ce matin?

[Traduction]

Je vous souhaite à tous la bienvenue au nom du comité. Je suppose que vous préféreriez que nous fassions cela en deux temps, mais si vous voulez être reçus comme un seul groupe, je vous laisse décider entre vous comment vous allez vous organiser, une fois que vous vous serez présentés.

Encore une fois, bienvenue. Nous aimerions commencer immédiatement. Nous avons un programme chargé et nous sommes déjà un peu en retard, ce dont nous nous excusons, d'ailleurs.

Qui voudrait commencer par se présenter?

[Français]

Mme Gisèle Jacob (vice-présidente, Affaires publiques, Association minière du Canada): Monsieur le président, membres du comité, c'est avec plaisir que nous sommes ici ce matin pour vous faire part de nos vues et de nos engagements envers la protection des espèces menacées au Canada.

Je m'appelle Gisèle Jacob et je suis de l'Association minière du Canada. Je suis accompagnée ce matin de M. Anthony Andrews, directeur exécutif de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs du Canada, de M. David Comba, qui est président d'une compagnie d'exploration, Pentland Firth Ventures Ltd., et de M. Michael Farnsworth, de la compagnie Placer Dome Canada Ltée, à Vancouver.

M. Andrews et moi-même allons nous partager la présentation ce matin. MM. Comba et Farnsworth se feront un plaisir de répondre à vos questions si elles sont plus détaillées et portent sur les opérations précises de différentes compagnies.

[Traduction]

Je voudrais maintenant vous présenter quelques acétates qui exposent les grandes lignes des questions que nous comptons aborder avec vous ce matin.

J'ai oublié de mentionner que j'étais également membre du groupe de travail sur les espèces en voie de disparition, et avec les autres membres du groupe, nous nous sommes efforcés d'en arriver à un document qui reflète le consensus du groupe. Quand nous avons examiné le projet de loi C-65, nous nous sommes justement basés sur les recommandations du groupe de travail pour évaluer la mesure législative proposée. Nous avons également utilisé un cadre pour voir dans quelle mesure les dispositions de la Loi vont vraiment protéger les espèces canadiennes.

Nous nous sommes donc fondés sur un certain nombre de critères. D'abord, la Loi permettra-t-elle de protéger les espèces en cause? Est-il possible de protéger les espèces qui sont ciblées par la Loi? Deuxièmement, la Loi est-elle fondée sur la coopération, comme l'a vivement recommandé le groupe de travail, et reconnaît-elle l'importance d'une approche coopérative, au lieu de suivre le modèle américain? Troisièmement, la Loi reflète-t-elle un désir de réduire au maximum les coûts? L'aspect coût-efficacité est-il inclus dans cette Loi? Quatrièmement, les propositions, les accords, les interdictions, et les plans de rétablissement sont-ils prévisibles et clairs du point de vue des responsabilités des uns et des autres et des délais à respecter? Ces quatre critères ont sans aucun doute influencé notre examen du projet de loi.

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Mon collègue, M. Andrews, va vous faire quelques remarques d'ordre général concernant le projet de loi et notre réaction à certains éléments de ce dernier, ainsi que sur l'approche générale qu'il reflète, par rapport aux cinq grandes rubriques. Je vais donc aborder un certain nombre de détails, dont il est question au prochain acétate. Je vais parler de cinq domaines en particulier où nous avons des commentaires précis à faire au sujet de ce qui est proposé. Voilà donc les grands axes de notre exposé.

Comme je vous l'ai déjà dit, j'étais membre du groupe de travail du ministre, et nous avons travaillé très fort pendant 18 mois pour essayer de dégager un consensus sur les nombreuses questions que soulève la protection des espèces canadiennes.

Je représente également un organisme qui a participé de façon intensive à un autre processus de concertation plurilatérale appelé l'Initiative minière de Whitehorse. L'Initiative minière de Whitehorse a permis de reconnaître bon nombre des besoins de l'industrie minière au Canada et d'autres intervenants qui sont concernés par les terres et tous les problèmes qui s'y rattachent.

Certes, nous sommes résolus à participer à tout processus axé sur la coopération et le consensus et à assurer la protection de toutes les espèces, qu'elles soient menacées d'extinction ou non. Nous nous employons activement à favoriser la prévention.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'Initiative minière de Whitehorse a marqué un tournant décisif dans notre industrie, non seulement parce qu'elle traduisait l'engagement de cette dernière vis-à-vis de l'environnement et de la conservation, mais aussi parce qu'elle a permis de définir un consensus avec d'autres intervenants sur la façon d'y donner suite. Encore une fois, l'IMW a été le point de départ de notre examen du projet de loi.

J'ai déjà parlé des quatre critères que nous avons utilisés. Ce sont des critères très importants. Dans chaque décision que nous prenons quotidiennement, nous essayons de déterminer si elle a une incidence sur les coûts, si on peut l'exécuter dans la pratique, et surtout si elle va permettre d'atteindre les résultats escomptés.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Andrews, qui va faire quelques remarques d'ordre général au sujet du projet de loi.

M. Anthony Andrews (directeur exécutif, Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs): Merci, Gisèle.

Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.

L'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs est un organisme national qui soutient le secteur de la prospection. Notre principale activité consiste à chercher de nouveaux gisements de minéraux et de nouvelles mines.

Je vais aborder quatre points généraux avant de me livrer à des commentaires plus précis.

D'abord, l'industrie minière est résolue à protéger l'ensemble des espèces au Canada, qu'elles soient menacées de disparition ou non. Notre industrie va donc continuer à recourir à des pratiques qui respectent les habitats fauniques et les écosystèmes.

Deuxièmement, nous appuyons l'approche adoptée par les autorités nationales dans le cadre de cette initiative, parce qu'elle est destinée à élaborer un régime de réglementation qui soit à la fois adéquat et efficace tout en permettant de protéger les espèces en voie de disparition d'un bout à l'autre du pays. Nous appuyons cette démarche parce que nous nous efforçons de faire adopter ce même genre d'approche harmonisée pour le régime réglementaire touchant l'industrie minière. Le défi est certainement de taille, et nous-mêmes, nous n'avons pas encore réussi à le relever.

Troisièmement, le rapport du groupe de travail insistait sur le fait que tous les Canadiens ont un rôle à jouer dans la protection des espèces. À notre avis, c'est particulièrement le cas de notre industrie, étant donné que nous travaillons surtout en milieu rural et dans les régions sauvages, et par conséquent, nous vivons et nous travaillons aux côtés des espèces sauvages. Cela implique des responsabilités tout en présentant certaines possibilités, et nos exploitants de mines participent déjà à des activités qui favorisent la protection des espèces et la préservation de la biodiversité.

Quatrièmement, l'industrie minière, par l'entremise de la Fédération de l'industrie minérale canadienne, a récemment donné son aval au principe de la conservation de la biodiversité. Mon propre organisme est actuellement en train de modifier son code de bonne pratique du secteur de l'exploration, que nous avons publié en 1990, pour en tenir compte.

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Je voudrais maintenant faire quelques remarques spécifiques concernant deux questions précises. Comme vous allez le voir sur l'acétate, la première concerne la nécessité d'une approche intégrée à la protection des espèces intégrées afin d'assurer un maximum d'efficacité.

Pour ce qui est du premier point que vous voyez sur l'écran, nous insistons sur la nécessité d'apprendre de nos amis américains, dont l'approche s'est inspirée d'une loi fort stricte qui est en vigueur depuis environ 23 ans. Aux États-Unis, ils ont dépensé, sans exagération, plusieurs milliards de dollars et ont réussi à faire biffer de la liste seulement 15 espèces sur un total d'environ 970 qui y figuraient.

Le conseiller du secrétaire adjoint chargé de la pêche, de la faune et des parcs au Département de l'intérieur des États-Unis a comparu devant le groupe de travail. Il a recommandé d'éliminer les mesures de dissuasion, de légitimiser davantage les démarches coopératives et de confier des responsabilités accrues à des États individuels aux États-Unis, qui étaient prêts à les accepter. Quand on lui a demandé ce qu'il ferait s'il pouvait partir de zéro, il a insisté sur les avantages de la carotte, par rapport au bâton, sur la nécessité de donner des encouragements aux propriétaires fonciers et sur l'importance de mécanismes coopératifs. N'oublions donc pas ses conseils.

L'enseignement que nous devons tirer de tout cela, c'est qu'une approche fondée sur une loi à la fois normative et punitive ne marche pas. Non seulement elle est inefficace, mais elle favorise l'intervention de la justice.

Vu ce conseil, nous sommes convaincus qu'une approche axée sur l'intégration et la coopération sera la plus efficace.

En ce qui concerne l'intégration, nous envisageons, pour notre part une panoplie de mécanismes efficaces, dont la loi, et peut- être même un cadre de travail général. Parmi ces mécanismes, nommons l'action volontaire, l'éducation, la sensibilisation du public, la diffusion des connaissances et de la formation, les mesures d'incitation et les instruments économiques. Dans ce contexte, le préambule du projet de loi devrait à notre avis situer cette mesure législative dans le contexte plus général d'une initiative nationale axée sur une approche intégrée et préciser s'il s'agit d'un outil parmi d'autres pour garantir la protection des espèces en vue de disparition.

Nous craignons qu'on remette en question l'esprit du projet de loi, étant donné que 50 articles sur 107 prévoient différents moyens de punir ceux et celles qui enfreignent les autres 57 dispositions. J'espère que nous n'allons pas suivre le modèle législatif américain, qui prévoit que la majeure partie des efforts et des ressources financières soient consentis aux mesures de contrôle et aux actions en justice plutôt qu'à la protection des espèces elles-mêmes. Il faut que le principe de la coopération et une approche axée sur l'intégration, plutôt que de simples mesures d'exécution, sous-tendent ce projet de loi.

Pour ce qui est du troisième point de l'acétate, concernant l'application nationale, nous dans l'industrie minière estimons que les pouvoirs de chaque administration doivent être respectés. Il n'est pas acceptable de traiter les provinces comme des associés minoritaires dans la Confédération et de présumer que leurs lois et programmes sont moins fiables que ceux du gouvernement fédéral.

À notre sens, la loi fédérale doit être aussi efficace que possible dans le champ de compétence qu'on lui reconnaît, mais il faut en même temps recourir aux lois provinciales dans les secteurs qui relèvent des responsabilités des provinces. Il faut surtout décourager le recours à des outils puissants, tels que le Code criminel ou les décrets d'urgence, afin de se substituer à l'autorité provinciale. Encore une fois, cette loi législative ne sera efficace que si elle est fondée sur la coopération, la confiance et le respect de toutes les administrations.

Pour ce qui est du quatrième point sur l'écran, nous recommanderions qu'on procède à un examen complet de l'ensemble des lois fédérales et provinciales concernant la protection des espèces et de l'habitat actuellement en vigueur avant d'élaborer de nouvelles lois et de nouveaux règlements. Pour éviter le double emploi, le chevauchement de responsabilité et la confusion, il conviendrait de mener un examen approfondi des lois déjà en vigueur et d'incorporer les éléments de ces dernières que nous souhaitons conserver dans la nouvelle mesure législative.

Enfin, le dernier point de cet acétate concerne le développement durable. L'approche adoptée pour protéger les espèces au Canada doit être fondée sur le développement durable - c'est-à- dire, un juste équilibre entre un ensemble de facteurs écologiques, sociaux et économiques. À cet égard, nous souhaitons qu'un bilan économique fasse partie intégrante de la démarche, notamment en ce qui a trait à la loi et au règlement d'application. Ce genre de bilan économique est tout à fait approprié dans le contexte de l'initiative fédérale de réforme réglementaire, qui se poursuit d'ailleurs dans le cadre du programme L'Innovation, la clé de l'économie moderne lancé par le gouvernement en 1995.

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La deuxième question que je voudrais aborder concerne plus précisément les plans de rétablissement et le désir du secteur de la prospection de notre industrie de s'assurer que ces plans vont être fondés sur les principes scientifiques bien solides. En ce qui concerne la protection, on ne choisit pas l'emplacement des gîtes minéraux, qui sont d'ailleurs très difficiles à trouver. Les gîtes rentables sont très rares. Seulement une découverte sur 100 000 débouche sur un gîte rentable. Il nous faut par conséquent disposer de terres aussi importantes que possible pour assurer le succès de nos activités de prospection.

Le nombre de terres disponibles au Canada diminue sans arrêt à cause des innombrables désignations de tous types qui interdisent les activités de développement. Nous craignons justement que les plans de rétablissement donnent lieu à d'autres recommandations de protection de l'habitat, et présentent ainsi une autre possibilité de diminution des terres pouvant servir pour la prospection, surtout s'il s'agit de mesures de protection qui sont d'application générale.

Notre longue expérience nous a appris que, dans la plupart des cas, il est possible de mener des activités de prospection et d'exploitation minière en perturbant au minimum les espèces sauvages et l'habitat. Il arrive fréquemment que des caribous, des chevreuils, des ours, des renards, des castors et d'autres animaux sauvages se déplacent et même élisent domicile dans nos aires d'exploitation. Il semble que notre présence leur importe peu. Un collègue me racontait récemment qu'un aigle avait fait son nid dans l'aire d'exploitation d'une opération minière dans le nord du Manitoba. Donc, on peut citer de nombreux exemples de situations où les opérations minières de prospection et la faune coexistent sans difficulté.

Il nous semble essentiel que les plans de rétablissement et les méthodes de protection de l'habitat reposent sur des principes scientifiques solides, de sorte qu'on puisse évaluer les différentes activités de développement en fonction de l'importance de leur incidence environnementale. La notion de rétablissement ne doit pas nécessairement exclure automatiquement toute activité; d'ailleurs, nous sommes convaincus que dans la grande majorité des cas, les activités de prospection et d'exploitation ne seront pas incompatibles avec les plans de rétablissement.

Pour illustrer la nature de nos préoccupations, j'attire votre attention sur une récente annonce fédérale concernant le retrait de certaines terres de l'île Bathurst, que vous voyez sur cet acétate. La partie hachurée représente les terres qui ont été retirées afin de protéger le caribou de Peary. La ligne pointillée rouge représente une zone à potentiel minéral élevé, que nous appelons la zone de plissements de Cornwallis, qui fait d'ailleurs partie des terres retirées.

Nous croyons comprendre que le caribou de Peary est en péril pour deux raisons: d'abord et avant tout à cause de conditions climatiques qui sont aggravées par la chasse pratiquée par différents groupes autochtones locaux. Cela n'a donc rien à voir avec les activités de développement. Il va sans dire que le retrait de ces terres fort prometteuses ne peut qu'avoir une incidence très négative sur notre industrie.

À notre avis, il n'était pas du tout nécessaire d'inclure la zone de plissements de Cornwallis dans les terres retirées. Les seules activités de développement futures auraient été des opérations de prospection et d'exploitation minière. Nous sommes convaincus qu'il aurait été possible de mener à bien ces activités en réduisant au minimum - ou sans qu'il y ait d'incidence du tout- sur le troupeau, et vous pourriez même prévoir des dispositions particulières pour en être sûrs. Voilà justement le genre de mesure de protection de l'habitat d'application générale qui, à notre avis, n'est pas fondée sur des principes scientifiques solides et n'est pas non plus nécessairement dans l'intérêt de la population canadienne. Des mesures de ce genre sont à éviter, à notre avis.

Monsieur le président, voilà qui termine mes remarques. Je voudrais céder de nouveau la parole à ma collègue, Gisèle Jacob, qui va maintenant vous parler de notre réaction au projet de loi proprement dit.

Le président: Merci.

Mme Jacob: Je vais faire cela rapidement. Je sais que notre temps est limité. J'ai identifié cinq sections du projet de loi que je voudrais commenter et qui devraient, à notre sens, être améliorées.

En plus de l'esprit de coopération sur lequel il convient à notre avis de mettre davantage l'accent dans ce projet de loi, nous aimerions attirer votre attention sur un certain nombre de dispositions où des améliorations s'imposent. La première section concerne les définitions. Il s'agit, entre autres, de la définition d'habitat essentiel; de plus, le terme «habitat» tout court revient souvent dans le projet de loi sans jamais être défini. Nous avons constaté qu'on emploie également l'expression «habitat important» dans le texte du projet de loi. À notre sens, il faut inclure une définition précise du terme «habitat», puisque c'est le terme qui revient le plus souvent dans le projet de loi C-65.

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L'emploi du terme «résidence» nous préoccupe également. Vous aurez remarqué que le groupe de travail n'a jamais utilisé ce terme, et qu'il a toujours précisé le plus possible les conditions attachées aux interdictions, pour limiter les interdictions visant les aires réellement occupées par les différentes espèces. Et pourquoi? Parce que la notion de rétablissement, et non les interdictions, est à notre avis la clé de voûte de ce projet de loi, et si nous pouvons limiter les interdictions visant les espèces et leur résidence immédiate, nous pourrons consacrer beaucoup plus de temps et d'énergie à l'élaboration de plans de rétablissement adéquats qui comprennent des mesures de gestion de l'habitat des espèces. D'après la définition actuelle de «résidence», ce terme peut maintenant désigner toute aire fréquentée par une espèce pendant sa vie. Nous recommandons par conséquent que la définition de «résidence» fasse l'objet de certaines restrictions, et à cet égard, il serait peut-être utile de revoir les recommandations du rapport du groupe de travail.

Pour ce qui est de la définition d'habitat et d'habitat essentiel, tous ces éléments ont besoin d'être davantage précisés, car comme vous le verrez plus loin dans le projet de loi, quand nous allons aborder la question des accords et des arrêtés d'urgence - et ce sont bien les termes que vous utilisez - il est très difficile de savoir quelles terres seront visées par l'accord.

Un autre terme qui a besoin d'être éclairci se trouve, encore une fois, dans la section des définitions. Quand nous parlons de «ministre» et de «ministre compétent», c'est clair; mais quand nous parlons plus loin d'«autorité responsable», on ne sait pas vraiment qui est désigné par ce terme. Donc, nous estimons que toute la section des définitions a besoin d'être examinée en profondeur afin qu'on puisse y apporter certaines améliorations et surtout une plus grande précision.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le fait que ces définitions ne soient pas claires influe sur le genre d'accords que le projet de loi propose d'établir avec les provinces et d'autres organismes, puisqu'il est très difficile de savoir quelles terres seront visées par un tel accord.

En ce qui concerne les interdictions, encore une fois, étant donné que le terme «résidence» n'est pas clair, nous craignons que certains groupes maintienne que ces interdictions visent l'habitat. Nous trouvons inquiétant également qu'on recoure aux dispositions du Code criminel relatives à la cruauté envers les animaux pour régler le problème des espèces frontalières. Notre industrie estime justement que c'est dans le cas des espèces frontalières que l'esprit de coopération est si essentiel. Les provinces sont des partenaires égaux en ce qui concerne la protection des espèces en péril. Nous reconnaissons leur importance en concluant un accord qu'elles ont signé et en créant un conseil qui peut servir d'organe de règlement de différends ou de tribunes de coopération plus poussée. Le Code criminel représente peut-être un moyen d'intervention plus énergique qu'il ne faut en réalité et qui doit malheureusement être adapté à chaque situation.

Nous avons deux autres préoccupations relativement au Code criminel. Même si le projet de loi précise que le Code s'appliquera aux espèces frontalières - c'est-à-dire qui migrent à l'extérieur du Canada - nous ne voyons pas pourquoi ce dernier ne pourrait pas s'appliquer aux espèces interprovinciales. Il serait possible à notre avis de prévoir d'appliquer les dispositions du Code à toutes les espèces frontalières.

L'autre élément qui nous préoccupe, en ce qui concerne le recours au Code criminel - et c'est une autre raison pour laquelle ce moyen d'intervention ne convient pas pour régler ce problème en particulier - c'est que les dispositions du code ne visent que les animaux, alors que la définition des espèces frontalières qu'on retrouve dans le projet de loi englobe les voies migratoires ainsi que l'aire de répartition des espèces en question. Le fait est que bon nombre d'espèces - de même que bon nombre de plantes, ont une aire de répartition qui s'étend au-delà d'une frontière, mais le Code criminel ne vise que les animaux dont l'aire de répartition s'étend au-delà des frontières. Cela voudrait-il dire que la responsabilité relève des autorités provinciales lorsqu'il s'agit de plantes, mais non quand il s'agit d'espèces animales? Donc, pour nous, cette différenciation est illogique et, de toute façon, il s'agit d'un moyen d'intervention trop énergique pour régler le problème des espèces frontalières. Il serait de loin préférable de prévoir que ce genre de problème soit du ressort du conseil et de l'accord.

Les dispositions relatives aux arrêtés d'urgence sont également préoccupantes. Si vous vous reportez encore une fois au rapport du groupe de travail, vous verrez que ce dernier a dit très clairement que, dans la mesure du possible, nous voulions privilégier l'application régulière de la loi. Nous avons renforcé le rôle du COSEPAC. Nous avons recommandé qu'on s'assure d'établir une assise législative solide pour légitimiser ses activités. Et nous avons également recommandé que l'on ne prévoie le recours aux pouvoirs d'urgence que lorsque la survie de l'espèce est menacée de façon imminente.

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Cependant, selon le libellé actuel, le gouvernement pourrait à notre avis invoquer ses pouvoirs d'urgence chaque fois qu'il estime qu'une espèce est menacée. Les conditions dans lesquelles on peut recourir aux arrêtés d'urgence sont définies de façon très vagues et ne sont aucunement limitées dans le temps. Nous estimons que la période d'application devrait être d'un an, avec la possibilité de renouveler l'arrêté si la situation ne s'est pas améliorée. Bref, il faut très certainement limiter la période d'application des arrêtés d'urgence et préciser dans quelles conditions on peut y recourir.

Je pense qu'en faisant appel aux offices du COSEPAC, à des principes scientifiques solides et à la recherche, il sera possible de protéger les espèces en péril. Par contre, le recours aux arrêtés d'urgence ne doit être prévu que dans des circonstances bien précises et limitées. Nous craignons justement, comme je le disais il y a quelques instants, que le libellé actuel de cette disposition permette d'y recourir pour un oui ou pour un non.

Les plans de rétablissement, comme je le mentionnais tout à l'heure, sont pour nous la clé de voûte de ce projet de loi, et c'est donc à cette activité - et non aux actions en justice et aux interdictions - qu'il convient de consacrer un maximum d'efforts, d'énergie et de ressources financières et autres, afin de rétablir les espèces et de les aider à se développer. C'est d'ailleurs pour cela que les intervenants - surtout ceux qui sont directement intéressés par la zone où se trouve une espèce en péril - devraient, selon nous, participer à l'élaboration des plans de rétablissement, au lieu d'être simplement consultés.

Nous avons également de sérieuses inquiétudes à l'égard de ce qu'on appelle «l'action en protection», un mécanisme qui permet aux citoyens de poursuivre le gouvernement en justice s'il n'applique pas la loi de façon adéquate. Nous reconnaissons aux citoyens le droit de demander de l'information s'ils soupçonnent que la loi a été enfreinte, mais nous sommes réticents à accepter qu'on leur accorde le droit d'intenter une action.

Dans notre optique, le ministre est responsable devant le Parlement et les citoyens de ce pays de l'administration et de l'exécution adéquates de la loi. À notre avis, cette responsabilité n'incombe qu'à lui.

Il est prévu que la Loi fera l'objet d'un examen dans trois ans, et si l'on constate alors qu'elle n'est pas respectée, il conviendrait de la modifier pour relever le degré de conformité. De plus, la Loi sera réexaminée tous les cinq ans par la suite, et donc il faut essayer de corriger ces lacunes en modifiant la Loi, plutôt qu'en donnant aux citoyens le droit de traîner le gouvernement devant les tribunaux. Nous trouvons inquiétant aussi - et vous comprendrez pourquoi si vous lisez les dispositions en question - que les motifs pouvant être invoqués par un citoyen pour intenter une action reposent sur un qualificatif tel que l'expression «pas raisonnable» - c'est-à-dire que les mesures que le ministre entend prendre ne sont pas ou sont considérées ne pas être raisonnables. Il s'agit d'un terme très vague, et je pense que cela pourrait nous coûter très cher si la décision d'intenter une action était fondée sur de tels qualificatifs.

Je vais m'arrêter là. Voilà donc les principaux points que je voulais soulever à propos du texte du projet de loi. J'insiste une fois de plus sur notre désir de travailler avec vous. Nous sommes convaincus qu'il nous sera possible de continuer à mener nos activités tout en réalisant les objectifs fixés en matière de conservation. Nous avons d'ailleurs des exemples qui le prouvent. Nous voulons travailler avec vous pour nous assurer d'avoir une bonne loi de rétablissement des espèces, mais cette loi doit faire partie d'une panoplie de moyens d'intervention, et nous nous attendons à ce que vous fassiez le nécessaire pour élaborer une mesure législative énergique et efficace qui repose sur la prévention et la coopération.

Merci.

[Français]

Le président: Merci, madame Jacob.

L'Association canadienne des pâtes et papiers.

M. Jean-Pierre Martel (directeur, Habitats fauniques, Association canadienne des pâtes et papiers): Je m'appelle Jean-Pierre Martel et je suis de l'Association canadienne des pâtes et papiers. Je suis forestier de formation et je suis directeur de l'aspect forêts à l'Association.

Tout d'abord, j'aimerais remercier les membres du comité permanent de cette occasion de présenter notre point de vue sur un projet de loi qui, d'après nous, est très, très important et prioritaire.

[Traduction]

Nous avons l'intention aujourd'hui de vous parler surtout des moyens à prendre pour faciliter l'application de ce projet de loi et la conservation des espèces en péril au Canada, plutôt que de considérations d'ordre juridique.

Pour m'aider à vous expliquer les aspects pratiques de la question, je suis accompagné de deux experts de la faune et de l'habitat faunique. Ces deux biologistes de la faune vont présenter la position de notre Association, position qui a été élaborée avec l'apport de notre réseau de la biodiversité, qui comprend des aménagistes forestiers et biologistes de la faune qui travaillent pour nos compagnies membres. Environ 65 personnes ont donc contribué à élaborer notre exposé.

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Rick Bonar est biologiste de la faune en chef chez Weldwood of Canada, en Alberta, etJohn Gilbert est directeur de l'habitat du poisson et de la faune chez J.D. Irving au Nouveau-Brunswick. Ils vont donc faire l'exposé en notre nom et au nom du réseau de la biodiversité.

M. Rick Bonar (biologiste de la faune principal, région de l'Ouest, Weldwood of Canada Ltd.): Mesdames et messieurs, notre exposé aura deux volets. Je vais commencer par vous donner un aperçu général de notre position, et ensuite, John Gilbert vous présentera nos conclusions, qui reprennent un certain nombre de points soulevés par nous collègues de l'Association minière.

Nous aimerions tout d'abord insister à nouveau sur le fait que l'Association canadienne des producteurs de pâtes et de papier appuie la conservation de la biodiversité, et notamment la conservation des espèces en péril au Canada. Pour nous, la conservation de la biodiversité est une notion clé pour l'aménagement forestier durable, notion à laquelle a souscrit notre industrie dans le cadre de diverses initiatives industrielles, interprovinciales, fédérales-provinciales et internationales. Nous estimons cependant que le respect de nos engagements dans le domaine de la conservation de la diversité biologique et des espèces en péril passe par la coopération et le partenariat, plutôt que par la réglementation et l'intervention de la justice.

Nous voulons surtout insister sur la nécessité d'assurer une coopération adéquate entre l'administration fédérale, les administrations provinciales et les ONG. Nous aimerions que les ressources disponibles servent vraiment à favoriser la conservation des espèces, plutôt que des querelles d'ordre juridique ou des conflits de compétence. Nous sommes fermement convaincus que telle est l'orientation qu'il faut prendre. Notre analyse du rapport nous permet d'ailleurs de démontrer que des changements s'imposent dans certaines sections du projet de loi si l'on veut réaliser de tels objectifs.

Avant d'entrer dans le détail, je voudrais tout d'abord vous présenter un aperçu général de la situation en ce qui concerne les espèces actuellement en voie de disparition ou en péril au Canada et de l'influence que peut avoir l'industrie forestière à cet égard.

La liste actuelle comprend quelque 276 espèces. Une soixantaine d'entre elles vivent dans les forêts. Cependant, environ 55 espèces actuellement inscrites sur la liste le sont surtout en raison de problèmes d'aménagement agricole et urbain au Canada. Ces problèmes se posent surtout dans le sud de l'Ontario, par exemple, où l'aménagement rapide des terrains a compromis l'habitat de ces espèces. Si vous regardez la liste nationale, vous verrez que seulement cinq espèces sur 276 sont actuellement touchées par les activités de l'industrie forestière.

Ce sur quoi nous voulons insister auprès des membres du comité, c'est que la situation au Canada en ce qui concerne l'activité de l'industrie forestière et les espèces en péril est assez bonne, et nous aimerions qu'elle continue de l'être. Nous voulons travailler avec les différentes administrations pour maintenir la position enviable dans laquelle nous avons su nous placer.

Nous avons un mémoire plus détaillé qui a déjà été distribué aux membres. Nous demandons que des améliorations soient apportées à quatre parties importantes du projet de loi. Je vais d'abord décrire l'intention des articles en question avant d'expliquer en détail notre position à ce sujet.

Parlons tout d'abord de la partie du projet de loi qui concerne le processus d'inscription des espèces sauvages. Nous estimons que le processus d'inscription devrait se dérouler de façon ordonnée et efficace, et qu'il faut éviter d'adopter le modèle américain, où la décision d'inscrire ou de ne pas inscrire revêt une importance critique. Les gens se disputent pour savoir si une espèce devrait être inscrite ou non, car une fois qu'elle est inscrite, les restrictions sont très lourdes.

À notre avis, il est essentiel que la décision d'inscrire une espèce soit fondée sur l'information la plus exacte possible et que nous donnions la priorité à l'élément clé, c'est-à-dire les plans de rétablissement, comme le soulignait l'Association minière. Il est très important de faire intervenir les critères scientifiques dans la décision et que cette dernière déclenche le processus d'élaboration des plans de rétablissement. Ce que nous recommandons, c'est que le COSEPAC se charge d'examiner, de façon ordonnée, la situation des espèces, qu'une décision soit prise sur l'inscription ou non de ces espèces, et que le processus d'élaboration des plans de rétablissement s'enclenche aussitôt après.

.0910

En ce qui concerne les interdictions résultant de l'inscription de certaines espèces, nous sommes d'avis que le projet de loi devrait viser à protéger les animaux individuels et à prévoir un maximum de souplesse pendant la préparation des plans de rétablissement. À notre avis, c'est une condition critique.

Dans notre optique, c'est pendant la période de préparation du plan proprement dit qu'il faut obtenir tout renseignement complémentaire qui puisse favoriser l'élaboration d'un plan de rétablissement efficace, y compris la définition des besoins en matière d'habitat et des besoins des espèces concernées. Il s'agit donc de prévoir la pleine participation des intervenants touchés; d'élaborer le plan de rétablissement de façon coopérative; et d'expliciter les mesures à prendre, y compris pour la protection de l'habitat, dans le cadre du processus de préparation des plans de rétablissement. Voilà ce qui nous semble être une méthode ordonnée et efficace qui permet de consacrer toute notre énergie au rétablissement de l'espèce, plutôt qu'à un débat visant à déterminer si elle est réellement en péril.

En ce qui a trait à la section traitant de l'application de la loi - une expression fourre-tout désignant tout le reste du texte de loi - nous avons trois préoccupations importantes à vous signaler. La première concerne la nécessité de garantir une bonne coopération fédérale-provinciale, et nous nous inquiétons justement de ce que certains articles n'encouragent pas cette coopération. La deuxième concerne la participation des citoyens et leur capacité d'intenter une action en vertu de cette loi. Enfin, la dernière concerne l'affectation et la répartition des ressources financières et autres, et la diffusion de l'expertise et des connaissances.

Je vais donc revenir sur ces quatre éléments en essayant de vous donner un peu plus de détails. Nous allons cependant nous en tenir aux points saillants. Notre mémoire présente un complément d'information important sur certaines de ces questions.

Dans la partie qui traite du processus d'inscription, le projet de loi prévoit actuellement que le COSEPAC établira des critères scientifiques une fois que la loi sera en vigueur, et les recommandera au ministre. À notre sens, ces critères sont très importants et nous ne pouvons trop insister sur la nécessité de faire reposer les décisions d'inscription sur des principes scientifiques solides. Nous estimons d'ailleurs qu'ils sont à ce point importants qu'il faudrait même les définir avant l'adoption et les incorporer dans le projet de loi, plutôt que de demander au COSEPAC d'entreprendre ce travail par la suite.

L'autre élément qui nous préoccupe, relativement au processus d'inscription, c'est la définition du terme «habitat essentiel», et là, notre position se rapproche beaucoup de celle de l'Association minière. D'après la définition actuelle, l'habitat dit «essentiel» sera l'habitat qui aura été identifié comme tel dans un rapport de situation, alors qu'à notre avis, il ne convient pas d'aborder la question de l'habitat essentiel dans ce contexte. Nous proposons plus loin que la définition d'habitat soit modifiée pour prévoir que cette activité fasse partie du processus d'élaboration des plans de rétablissement.

Au moment de prendre la décision d'inscrire ou de ne pas inscrire une espèce, il nous semble qu'on dispose, dans la plupart des cas, de très peu d'information concernant l'habitat de l'espèce visée. De plus, on peut présumer que définir l'habitat essentiel de l'espèce exigera beaucoup plus de temps à cette étape-là du processus, ce qui va nécessairement retarder le travail des autres étapes. Ainsi nous recommandons que la décision d'inscrire ou de ne pas inscrire soit prise en fonction de l'information la plus exacte qui soit disponible et que les décisions concernant l'habitat fassent partie du processus d'élaboration des plans de rétablissement.

L'autre point important, en ce qui concerne la sélection des espèces prioritaires, c'est que le projet de loi prévoit actuellement que le COSEPAC inscrira les espèces sur une liste prioritaire, en mettant celles dont la situation est la plus urgente en tête de liste, et il offre aussi aux citoyens la possibilité de proposer au COSEPAC l'éventuelle inclusion d'autres espèces sur la liste. Notre préoccupation découle du fait que cette disposition est susceptible de donner lieu à de nombreuses demandes d'inscription de la part des citoyens, demandes auxquelles le COSEPAC est obligé de répondre aux termes du projet de loi, de telle sorte que le comité aura moins de temps à consacrer aux dossiers des espèces dont la situation est considérée la plus urgente par le comité lui-même. Il faut donc trouver un moyen de régler cette difficulté.

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Pour récapituler, notre position sur l'habitat est la suivante: nous sommes d'avis que la question de l'habitat ne devrait pas être abordée dans le contexte du processus d'inscription, sauf dans la partie traitant des arrêtés d'urgence, si la protection de l'habitat est réellement en cause. À notre avis, cela devrait se produire très rarement et ne ferait donc pas partie des activités normales du COSEPAC.

Dans la section traitant des interdictions, la définition actuelle parle du fait de tuer un individu d'une espèce sauvage faunique, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre. L'emploi de tous ces termes nous inquiète parce qu'ils ne sont pas bien définis. Cet article devrait viser, à notre avis, à protéger automatiquement les individus d'une espèce; or, les termes «nuire», «harceler» et «prendre» peuvent être interprétés de diverses façons. Aux États-Unis, l'interprétation donnée aux termes «nuire» et «prendre«, c'est qu'on ne peut rien faire qui influe sur l'habitat de l'individu. Encore une fois, nous estimons que toute décision concernant l'habitat devrait être prise dans le cadre du processus d'élaboration des plans de rétablissement, et que l'interdiction devrait viser tout acte qui porte atteinte aux individus d'une espèce, sans faire intervenir la question de l'habitat.

De même, le mot «résidence» n'est pas clair. Il est très ambigu. Encore une fois, nous sommes d'accord pour dire que la résidence correspond bien à l'aire spécifique occupée par l'espèce, mais il nous semble néanmoins important de faire une distinction entre la résidence et l'habitat. Pour illustrer ce point, il convient peut-être de se poser certaines questions: On sait bien que la résidence du castor est la hutte, mais est-ce que celle-ci inclut l'étang où se trouve la hutte? Inclut-elle l'aire où le castor trouve sa nourriture? Quand on se pose de telles questions, on se heurte rapidement à un problème.

Une autre façon de voir la chose serait de se demander comment on définit la résidence d'une plante, car ces organismes sont visés par la loi. À notre sens, s'il n'est pas possible de définir ces termes avec précision, il faut tout simplement les supprimer, afin qu'il soit clair que les interdictions ne viseront pas les actes qui influent sur l'habitat. Cette position cadre d'ailleurs avec celle du groupe de travail.

D'après le libellé actuel du projet de loi, le rétablissement d'une espèce doit être réalisable au point de vue technique et biologique. Nous insistons cependant sur la nécessité de tenir également compte, dans les décisions de rétablissement, de facteurs à la fois sociaux et économiques, et de s'assurer que les ressources consacrées à la préparation des plans de rétablissement soient utilisées de manière à maximiser les avantages de la conservation. Autrement dit, nous voudrions que les ressources prévues pour le rétablissement des espèces soient affectées aux espèces qui ont les meilleures chances d'être rétablies et non pas simplement gaspillées, si le rétablissement de l'espèce concernée semble irréalisable ou d'utilité douteuse pour la société en général.

Monsieur le président, comme les ressources pouvant servir au rétablissement des espèces sont limitées, nous devons faire preuve de pragmatisme en décidant de leur répartition. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les définitions proposées devraient être changées pour prévoir que toute question afférente à l'habitat essentiel soit rattachée au processus d'élaboration des plans de rétablissement, plutôt qu'aux rapports de situation.

Enfin, le projet de loi ne prévoit pas le dédommagement de particuliers ou de parties qui pourraient être lésés par des mesures prises conformément à un plan de rétablissement. À notre avis, une disposition de cette nature devrait absolument être incorporée dans le projet de loi.

Je cède maintenant la parole à John Gilbert, qui va présenter nos conclusions.

M. John Gilbert (directeur, Habitat du poisson et de la faune, J.D. Irving Ltd.): Merci, Rick, et merci, monsieur le président.

En ce qui concerne la section traitant de l'application de la loi, il nous semble que les mesures que le projet de loi autorise l'administration fédérale à prendre à l'égard des espèces animales frontalières risquent de créer des conflits entre les autorités fédérales et provinciales, parce qu'il y a énormément d'espèces dont l'aire de répartition s'étend au-delà de la frontière canado- américaine ou des frontières provinciales. À ce moment-là, les responsabilités des uns et des autres peuvent ne pas être très claires. Comme j'ai l'expérience des animaux et plantes frontaliers, je pense que cette disposition pourrait poser problème pour toutes les parties, notamment les propriétaires de petits boisés, mais aussi les grandes compagnies, qui auraient certainement beaucoup de mal à assurer la gestion adéquate d'espèces de ce genre.

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À notre avis, le gouvernement fédéral devrait travailler en étroite collaboration avec les administrations provinciales pour s'assurer que chaque partie connaît ses responsabilités. À l'heure actuelle, nous devons nous conformer à différents règlements où il existe justement un conflit de compétence. La Loi fédérale sur les pêches en est un exemple typique, puisque certaines dispositions relatives à l'habitat relèvent maintenant des provinces. Le gouvernement fédéral a cependant conservé d'autres pouvoirs. Quand il s'agit d'obtenir des permis - et c'est très fréquent dans les opérations d'exploitation forestière - nous nous retrouvons devant des lois et des mécanismes d'exécution contradictoires. Cela finit par créer énormément de confusion, confusion dont sont victimes à la fois les petits agriculteurs, les propriétaires de boisés et les grandes entreprises.

Pour nous, le rôle confié aux citoyens dans le cadre de ce projet de loi doit être très positif. Si des organismes représentant des citoyens estiment que le gouvernement fédéral ne remplit pas ses obligations, ils devraient avoir la possibilité d'intenter une action contre les gouvernements qui sont fautifs. Par contre, le citoyen ne devrait pouvoir intenter une action contre un particulier que si ses arguments reposent sur les principes scientifiques et les éventuelles recommandations du COSEPAC. À notre avis, il convient d'apporter des améliorations à cet article.

Les ressources ne sont pas identifiées. Comme l'expliquait mon collègue, Jean-Pierre Martel, les ressources sont limitées de nos jours. Il ne devrait donc pas être question de détourner des ressources actuellement utilisées pour des programmes de conservation efficaces pour les réaffecter à toutes ces nouvelles activités. Beaucoup d'argent frais sera nécessaire pour mettre en application cette mesure législative, et à cette fin, il conviendrait que le gouvernement procède à une évaluation des incidences sur les ressources. Encore une fois, bon nombre de ces points sont abordés en détail dans notre mémoire.

Pour conclure, nous avons un exemple typique de l'autre côté de la frontière. À notre avis, il ne faut surtout pas adopter le modèle américain. Il existe, selon nous, une approche véritablement canadienne, qui consiste à favoriser la collaboration des administrations fédérale et provinciales et des ONG, approche dont nous nous considérons partie prenante. C'est la coopération qui devrait être le thème dominant, et non les actions en justice.

En ce qui nous concerne, c'est sur la prévention qu'il faut surtout mettre l'accent. Une fois que les animaux ou les plantes sont en péril, les moyens d'action sont évidemment très limités. À notre avis, ce projet de loi doit surtout reposer sur la prévention. Il faut donc insister sur les mesures d'encouragement, plutôt que sur l'action en justice et les interdictions. Il va sans dire qu'il n'y a pas assez de gardes-chasse ou de personnel d'exécution pour nous permettre de bien contrôler une région quelconque du pays.

Pour que ce projet de loi soit efficace, il faut qu'on offre des mesures d'incitation aux propriétaires de petits boisés ou aux petits exploitants et aux citoyens ordinaires, pour leur permettre de participer, d'y voir quelque chose de positif, et d'être fiers de faire don d'un terrain acheté à l'origine à des fins de production, ou de changer ses pratiques pour se conformer aux exigences de ce genre de loi.

Il faut également mettre l'accent sur les partenariats, et notamment les partenariats entre les différentes branches industrielles. Nous participons tous aux programmes d'incitation écologiques. Bon nombre d'entreprises d'exploitation forestière le font déjà. Nous voyons dans cette nouvelle loi de conservation des espèces en péril une mesure très positive. Nous voulons être à même de prouver que notre industrie est écocompatible. Nous menons donc nos opérations d'exploration forestière en fonction d'un écosystème sain et vigoureux.

De plus, on devrait envisager d'offrir une aide financière aux petits et grands exploitants pour les encourager à participer. Si ces derniers doivent abandonner certains terrains qui servaient précisément à des fins de production, il conviendrait d'offrir aux propriétaires une aide quelconque, soit une aide financière directe, soit des allégements fiscaux. Il s'agit là à notre avis d'un élément très important si l'on veut que tout le monde participe de façon positive et proactive pour prévenir le stress.

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Nous sommes convaincus que l'industrie forestière sera un important partenaire dans la mise en oeuvre de cette mesure législative. Nous y voyons quelque chose de très positif, et moyennant quelques changements mineurs, nous pourrons travailler de façon à favoriser son exécution en sentant que nous sommes de véritables partenaires.

Jean-Pierre.

M. Martel: Voilà qui termine notre exposé, monsieur le président.

J'aimerais simplement mentionner - j'ai oublié de vous le dire au début - que moi, aussi, j'ai été membre du groupe de travail qui a présenté des recommandations au ministre de l'Environnement dans ce domaine. Je suis l'un des membres - avec mon collègue de l'Association minière - qui ont participé de façon étroite à tout ce processus au cours des 18 ou 24 derniers mois.

Le président: Merci.

Avant de donner la parole au prochain témoin, permettez-moi de réagir aux remarques que j'ai entendues jusqu'à présent en vous disant que nous ne serions pas en train de discuter de ce projet de loi si nous nous étions comportés de façon responsable jusqu'à présent. Là je m'adresse à tous ceux qui sont actifs dans différents domaines, non seulement sur ce continent, mais sur d'autres continents également, et qui, en raison d'une grande gamme d'activités humaines, ont rendu nécessaire la ratification de la convention en 1992 par le Canada - le premier pays à le faire - et enfin l'élaboration de mesures législatives comme celle-ci.

Ce matin, je vous ai entendu dire qu'il faut mieux définir certains éléments, ne pas faire ceci, éviter les actions en justice, privilégier la carotte et écarter le bâton, et toutes sortes d'autres mises en garde, mais il faut bien comprendre que la situation actuelle exige des mesures énergiques. Nous faisons face à une véritable urgence; autrement, nous ne serions pas là. Si nous tous, collectivement, nous étions comportés de manière responsable, nous n'aurions pas besoin de ce projet de loi. Les espèces ne seraient pas en péril, comme elles le sont actuellement.

J'espère que vous allez réfléchir un peu plus à ce que vous avez dit ce matin avant de demander au comité de rafistoler ceci et cela. La situation actuelle exige que nous prenions des mesures assez énergiques au nom de la population et des générations futures, si nous ne voulons pas faire disparaître la faune qui reste. C'est justement pour cela que nous sommes tous là, car les plus importantes menaces qui pèsent sur les espèces en péril sont en l'occurrence l'espèce humaine et l'activité humaine. Il faut bien le reconnaître.

Donc, monsieur Bennett, après ce petit intermède, voulez-vous maintenant nous faire vos remarques liminaires?

M. Dave Bennett (directeur national, Santé, sécurité et environnement, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président. C'est exactement ce qu'allait dire le Congrès du travail du Canada.

Le Congrès du travail du Canada est très heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de comparaître devant le comité. Nous comparaissons avec les associations professionnelles, milieu, y compris certaines avec lesquelles nous entretenons de bonnes relations de travail. Notre présence aujourd'hui indique peut-être que nous avons un intérêt socio-économique dans cette mesure législative visant les espèces en péril, et c'est vrai. Je vous signale également que le Comité de l'environnement du Congrès du travail du Canada a pour mandat d'assurer la protection de notre environnement, et la première question que nous nous posons est celle de savoir si cette mesure va vraiment permettre de protéger notre environnement - et en l'occurrence, les espèces qui l'habitent.

Nous avons un observateur, M. Kim Pollock, du Syndicat international des travailleurs du bois d'Amérique, IWA Canada. L'IWA est un des principaux membres du Comité de l'environnement du CTC et a joué un grand rôle dans l'élaboration de notre position. IWA Canada présentera ses principales préoccupations à votre comité à Vancouver.

Le CTC est la principale centrale syndicale au Canada. Il représente plus de deux millions de membres dans le pays, dans les secteurs public et privé. Tous nos membres sont intéressés, en tant que citoyens, par la protection des espèces en voie de disparition. De nombreux travailleurs entrent en contact avec les espèces envoie de disparition ou menacées, en leur qualité d'agents des parcs, de garde-chasse, de travailleurs agricoles et forestiers, d'employés du gouvernement, et autres. Ce point de contact des travailleurs avec les espèces vivantes constitue l'élément central de notre exposé.

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Le Comité de l'environnement du CTC, au sein duquel sont représentés tous les groupes de travailleurs mentionnés, collabore depuis deux ans avec la Coalition pour les espèces en voie de disparition et appuie les aspirations de celle-ci en ce qui concerne l'avenir et les améliorations à apporter au projet de loi C-65. Tout comme la coalition, nous voyons dans ce projet de loi un premier pas nécessaire et essentiel dans le cadre d'un plan national pour la protection des espèces en voie de disparition.

En signant la Convention des Nations unies sur la biodiversité, en s'engageant à répondre aux recommandations du groupe de travail sur les espèces en voie de disparition, et par la signature d'un accord national pour la protection des espèces en péril au Canada, le gouvernement fédéral a accepté certaines obligations. Nous demandons à votre comité d'y satisfaire, et de tenir compte en même temps des préoccupations des travailleurs et de leurs communautés, préoccupations que nous vous exposons dans ce mémoire.

Il est deux éléments qu'il nous paraît essentiel d'intégrer dans une loi fédérale fonctionnelle. En premier lieu, si le projet de loi C-65 constitue une première étape, et une pièce du puzzle fédéral-provincial, il n'utilise pas pleinement les pouvoirs que le gouvernement fédéral s'est attribués et qu'il dit vouloir exercer afin de protéger les espèces en voie de disparition.

Deuxièmement, le projet de loi ne tient pas réellement compte des problèmes des travailleurs et des collectivités qui sont en contact avec les espèces en voie de disparition et qui pourraient être fortement touchées par un projet de loi dans lequel le gouvernement devrait, disons-nous, utiliser pleinement ces pouvoirs.

Nous tenons à rappeler à ce comité que les communautés durables sont un thème constant du programme Action 21 issu de la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, la CNUED, en 1992. Les besoins des travailleurs et des collectivités sont spécifiquement mentionnés dans l'énoncé des principes forestiers de la CNUED, et plus particulièrement dans les articles 2 et 9.

Essentiellement, le projet de loi vise à protéger trois catégories d'espèces en voie de disparition: les espèces aquatiques, certains oiseaux migrateurs et les espèces qui se trouvent sur les terres fédérales. Dans ce cas, le gouvernement pourrait étendre son champ d'autorité de deux manières. Premièrement, il pourrait étendre la protection à toutes les espèces qui traversent les frontières nationales, conformément à son autorité internationale. Il ne suffit pas de suggérer que cette protection pourrait être assurée plus tard par règlement, comme le fait l'article 33. Il faut la prévoir dès maintenant et de manière concrète dans le projet de loi C-65.

Deuxièmement, le gouvernement devrait user de son autorité pour protéger toutes les espèces qui traversent les frontières provinciales et territoriales, autrement dit les espèces qui migrent d'une province à l'autre, ou dont le terrain de parcours s'étale de part et d'autre d'une frontière provinciale. Cette disposition touchant les espèces interprovinciales est conforme à l'Accord national pour la protection des espèces en danger au Canada, lequel prévoit des lois complémentaires et une coopération entre les gouvernements en vue d'établir des plans de rétablissement interfrontaliers.

Le gouvernement fédéral pourrait respecter l'esprit de cet accord national en introduisant dans le projet de loi C-65 des dispositions qui prévoiraient un délai de deux ans pour la mise en oeuvre des aspects interprovinciaux du projet de loi, permettant ainsi aux provinces concernées d'arriver à une entente sur l'application des normes prévues dans les lois fédérales, et laissant le temps au gouvernement fédéral d'arriver à une entente sur la procédure à adopter à l'égard de ces espèces qui passent des terres fédérales aux terres provinciales. Au bout de ce délai, le gouvernement appliquerait les dispositions fédérales-provinciales et provinciales-provinciales, de préférence dans le cadre d'accords obtenus dans l'intervalle. Si le ministre est satisfait que les ententes interprovinciales respectent les normes et les procédures d'application prévues dans la loi fédérale, il ne serait pas nécessaire de faire intervenir celle-ci.

Le mandat du Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada serait élargi en conséquence. Il ne faut pas oublier que l'accord national ne porte que sur les intentions et les procédures. À moins qu'on ne prévoie certaines échéances pour la mise en oeuvre de ces dispositions, la protection des espèces transfrontalières intracanadiennes risque de continuer à briller par son absence.

Le gouvernement devrait également se prévaloir de tous ses pouvoirs pour protéger l'habitat et instituer des plans de rétablissement. La protection de l'habitat des oiseaux migratoires n'est pas prévue. Même pour les espèces que protège le projet de loi, la protection de leur habitat n'est pas imposée; elle est facultative. Elle doit faire l'objet d'un plan de rétablissement, mais ces plans n'ont aucune valeur légale. Le gouvernement s'est laissé toute liberté quant aux mesures qui seraient appliquées, le cas échéant, y compris dans le domaine essentiel de la protection de l'habitat, en contravention des termes de l'accord national.

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Il s'est laissé la même liberté à propos de la protection d'urgence. Rien n'oblige le ministre à émettre une ordonnance, même si le CSEMDC a décrété une urgence. De plus, l'examen préalable des projets qui pourraient avoir un impact sur les espèces en voie de disparition et leur habitat n'est prévu que lorsqu'il est déjà nécessaire en vertu d'une autre loi fédérale.

Ces lacunes sont d'autant plus évidentes que l'on sait que le gouvernement détient déjà de tels pouvoirs constitutionnels sur l'habitat du poisson, pouvoirs qu'il a utilisés dans la Loi sur les pêches, mais pas dans le projet de loi C-65. Or, le gouvernement peut utiliser ses pouvoirs dans de telles lois, ce qui ne fait que souligner la différence entre ces deux lois. Il faut renforcer le C-65 en rendant obligatoire la prise de règlements pour la protection de l'habitat, y compris l'obligation pour les ministères fédéraux de les respecter, et en prévoyant un examen public et un mécanisme de recours si le gouvernement décidait de ne pas protéger l'habitat critique d'une espèce ou de réagir face à d'autres menaces graves à l'endroit d'une espèce en voie de disparition.

Sur la question des pouvoirs du gouvernement, nous estimons que le gouvernement a fait erreur en décidant que le CSEMDC aurait pour mission de «conseillera» le cabinet sur l'inscription à la liste et que celui-ci prendrait la décision. C'est un recul par rapport à l'avant-projet de 1995. Il faut, par un amendement au C-65, permettre au comité scientifique de prendre les décisions en matière d'inscription à la liste critique. Car il y a une énorme différence entre prendre une décision sur les dangers qui menacent une espèce - ce qui relève de la science - et les politiques qui doivent en découler, lesquelles relèvent justement de la compétence politique et législative. Il est mauvais de mélanger les deux.

Le deuxième point qui nous préoccupe tout autant, c'est que le gouvernement n'a pas tenu compte de la situation difficile des travailleurs et des collectivités dans l'élaboration des plans de rétablissement des espèces, et leurs conséquences pour l'habitat et autres activités qui pourraient nuire aux espèces. La seule disposition qui touche à cette question est l'article 39, qui impose de consulter les autochtones dans le cadre des conseils de gestion de la faune institué sous le régime des revendications territoriales. Toute autre consultation reste facultative. Il faut faire remarquer que la consultation des peuples autochtones est de caractère très limité et qu'il n'y aucune obligation de consulter les autres groupes, y compris les travailleurs et leurs collectivités. Or ces consultations devraient être étendues et obligatoires.

Mais même cela ne répondrait pas à toutes nos préoccupations. Nous recommandons que soit insérée dans le projet de loi une disposition portant obligation de répondre aux besoins et aux difficultés des travailleurs et de leurs collectivités. Cela ne signifie pas que ces considérations doivent primer sur les mesures de protection, mais plutôt que l'incidence économique et sociale - y compris les effets sur la santé et la sécurité - des mesures prévues dans un plan de rétablissement soit prise sérieusement en considération et fasse partie intégrante du plan. Par exemple, quand on limite l'abattage des arbres afin de protéger l'habitat d'une espèce, cette activité se déplace vers des zones dangereuses pour les travailleurs.

En outre, lorsqu'on n'a pas tenu compte de ces considérations, la Loi sur la protection des espèces en voie de disparition devrait autoriser les tribunaux à accorder de façon définitive des indemnités de nature économique et autres aux collectivités et aux travailleurs touchés. Les restrictions que prévoit le projet de loi, telles la nécessité pour le tribunal de juger la réaction du gouvernement déraisonnable, doivent être éliminées.

Si le gouvernement finit par adopter une loi qui étend et applique l'autorité fédérale sur les espèces en voie de disparition et protège en même temps les travailleurs et les collectivités, il aura produit une loi environnementale dont le Canada pourra être fier.

Le président: Merci monsieur Bennett.

Nous pouvons maintenant continuer, à moins que d'autres personnes à la table ne souhaitent prendre la parole. Monsieur Comba? Monsieur Farnsworth?

M. Michael Farnsworth (Affaires publiques, Placer Dome Canada Ltd.; Association minière du Canada): Oui, monsieur le président, j'aimerais répondre à quelques observations.

Tout d'abord, vous avez dit essentiellement que nous ne serions pas ici à débattre de la loi si nous nous étions comportés de manière responsable, et que le plus grand danger qui menace les espèces, c'est l'espèce humaine. Je voudrais dire quelques mots à ce propos. Je peux comprendre votre point de vue.

Je travaille pour une société minière, et je n'ai pas une vision manichéenne des choses. Il ne s'agit pas pour moi de stricte application ou de collaboration seulement. Il faut parvenir à un équilibre. La loi doit avoir du muscle, j'en conviens. Mais il faut aussi reconnaître que notre industrie - et j'ai l'impression que c'est le cas aussi de l'industrie des pâtes et papiers - a fait beaucoup de progrès sur la voie de la collaboration avec les autres intéressés. Nous sommes engagés dans la voie de la collaboration, et les diverses parties concernées peuvent aller assez loin dans ce sens.

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J'aimerais dire encore une chose. On a mentionné à quelques reprises l'importance du rétablissement des espèces. Je suis tout à fait en faveur, peut-être en collaboration avec les habitants des localités voisines, qu'ils soient autochtones ou autres, ou avec les groupes environnementaux, les syndicats, peut-être même les enfants des écoles, ou par divers programmes de coopération.

Le président: Je vous remercie, monsieur Farnsworth, de cette intervention positive.

J'ai une liste de députés qui souhaitent poser des questions. Nous allons essayer de nous en tenir à la règle des dix minutes.

Je devrai plus tard céder la présidence à Mme Payne, vice-présidente, car je dois aller à la Chambre présenter un projet de loi d'initiative privée sur les cartes de crédit. Je reviendrai dès que possible. J'espère que vous comprendrez les raisons de ma brève absence.

La liste des intervenants est la suivante: M. Asselin, Mme Jennings, M. Knutson et M. Adams.

[Français]

M. Asselin (Charlevoix): J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt la présentation des témoins de ce matin. Je n'ai pas voulu déranger le comité parce qu'il entendait des témoins qui se sont préparés et qui se sont déplacés pour se faire entendre. J'aurais cependant pu intervenir à plusieurs reprises pour ramener à l'ordre d'abord la présidence et ensuite les témoins, car les témoins ont fait allusion à un projet de loi qui n'existe pas. Vous faites allusion au projet de loi C-65 qui a été déposé à la Chambre des communes, mais qui n'a jamais fait l'objet d'un débat. Normalement, il faut qu'un projet de loi fasse l'objet d'un débat et que la Chambre des communes en renvoie l'étude au comité. En aucun temps on n'a reçu un mandat de la Chambre des communes pour étudier le projet de loi C-65.

Ce matin, les témoins se sont fait avoir. Ils sont arrivés ici préparés et dans leur allocution, ils font allusion à des articles du projet de loi et de la loi, et c'était irrecevable. En tant que membre de l'Opposition officielle, je n'ai pas interrompu par politesse pour les témoins qui se sont déplacés, mais ce seront sûrement les derniers témoins.

Monsieur le président, je dois vous assurer qu'on va y mettre autant d'énergie qu'on en met pour la réussite d'un projet de loi. Si on n'a pas la collaboration du comité pour suspendre les délibérations tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu de débat à la Chambre et que la Chambre ne nous aura pas renvoyé le projet de loi pour étude, nous allons intervenir constamment par des motions, des rappels au Règlement et différentes choses.

Le Bloc québécois a toujours collaboré à l'étude des projets de loi. Bien sûr, le Bloc québécois a toujours apporté une grande contribution à la réussite du gouvernement.

Monsieur le président, j'ai quelques questions à vous poser.

Le président: Monsieur Asselin, vous pouvez poser votre question, mais je voudrais d'abord répondre à votre intervention sur le plan politique en disant qu'avec les projets de loi C-44 et C-45, la même procédure avait été adoptée. On avait travaillé conformément au paragraphe 108(2) du Règlement comme nous le faisons maintenant. Jusqu'à maintenant, comme les autres membres du comité, vous avez posé des questions aux témoins en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement.

Je comprends bien votre frustration et j'apprécie beaucoup que vous et votre parti vous déclariez prêts à collaborer à l'étude de ce projet de loi. Maintenant, posez votre question, s'il vous plaît.

.0945

M. Asselin: Monsieur le président, j'aimerais savoir quand le projet de loi sera déposé à la Chambre et qui a demandé qu'il soit étudié avant son dépôt. On n'a jamais eu ce mandat de la Chambre des communes. On est en train de déplacer et d'entendre des témoins sur un projet de loi que le comité n'est pas mandaté d'étudier.

Ce n'est pas parce qu'il y a eu un précédent ou des erreurs à d'autres endroits - vous faites allusion au projet de loi C-45 - qu'on est obligés de les répéter. Monsieur le président, vous savez aussi bien que moi que le ministre dépose le projet de loi à la Chambre des communes, qu'il doit y avoir un débat d'au moins trois heures et qu'ensuite la Chambre des communes demande au comité d'étudier le projet de loi. On n'a pas ce mandat, monsieur le président. La Chambre nous a renvoyé une foule de choses que nous avons mises de côté. Respectons les ordres de la Chambre des communes et étudions les choses qui nous ont été confiées. Je vous le dis, monsieur le président, le Bloc québécois va embarquer à pleins pieds dans l'étude du projet de loi lorsqu'on aura ce mandat.

Le président: On apprécie cela. Il y a beaucoup de précédents avec les projets de loi C-44, C-45 et C-25. Nous travaillons en vertu de l'article 108 et, si vous voulez poser votre question, vous avez encore cinq minutes.

M. Asselin: Monsieur le président, je ne poserai pas de questions sur le projet de loi parce qu'il n'est pas déposé à la Chambre des communes. Il est déposé, mais il n'y a jamais eu de débat. Il doit y avoir un débat de trois heures au minimum, et on doit avoir un mandat de la Chambre des communes pour étudier le projet de loi.

Le président: Le Règlement nous permet de faire le travail que nous faisons ce matin en vertu de son article 108. Si vous ne voulez pas poser de questions, c'est votre choix.

M. Asselin: Monsieur le président, je demande au comité de suspendre immédiatement ses travaux. Si c'est refusé, nous allons déposer une motion dans les prochaines minutes pour demander la suspension des travaux jusqu'à ce qu'il y ait eu un débat à la Chambre et que le comité ait reçu son mandat.

Si des questions sont posées par le Parti libéral ou le Parti réformiste relativement à un article du projet de loi ou de la loi, j'invoquerai le Règlement à chacune des interventions.

Le président: Vous n'avez pas à invoquer le Règlement, monsieur Asselin. Vous pouvez utiliser l'élément de temps, mais je vous dis que nous travaillons en vertu de l'article 108. Il y a beaucoup de précédents. Jusqu'à maintenant, vous avez posé des questions à d'autres témoins. Vous avez posé des questions à des témoins, comme les autres membres du comité, conformément à la même disposition du Règlement. Si vous ne voulez pas poser de questions, c'est votre choix.

Madame Jennings.

M. Asselin: Monsieur le président, j'aurais quelques questions à vous poser et j'aimerais qu'elles soient notées pour que vous puissiez y répondre dans les plus brefs délais.

Quand le projet de loi sera-t-il déposé à la Chambre pour débat? Qui a demandé que ce projet de loi soit étudié en comité avant qu'il y ait eu débat? Le comité n'a jamais reçu de la Chambre des communes le mandat d'étudier le projet de loi C-65. Vous ne pouvez pas le nier, monsieur le président. Vous ne pouvez pas dire que le Bloc québécois est une entrave au travail du comité ce matin. C'est le ministre lui-même qui est fautif. Il n'a qu'à apporter le projet de loi au leader du Parlement et à le déposer à la Chambre pour un débat. Je me demande ce matin si ce sont les espèces qui sont en péril ou si c'est le ministre.

Le président: Monsieur Asselin, j'apprécie beaucoup votre question. Il y a trois leaders en Chambre et aussitôt qu'ils seront d'accord sur la procédure, on pourra avoir un débat en deuxième lecture. Vous connaissez bien le Règlement.

M. Asselin: Monsieur le président, je suis en droit... Vous en avez la preuve et on en a tous la preuve. Vous avez demandé l'approbation unanime de tous les partis politiques pour vous déplacer à Vancouver, Edmonton et Toronto. Nous étions d'accord, mais dans notre naïveté, nous ne savions pas qu'il n'y avait jamais eu de débat à la Chambre des communes. La preuve en est que le Bloc québécois vous a refusé tout déplacement au Canada tant et aussi longtemps que vous n'auriez pas fait le débat et que vous n'auriez pas eu le mandat de la Chambre.

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Le président: Monsieur Asselin, je vous réponds qu'il y a des précédents. Le Comité des transports, lors de l'étude du projet de loi C-44, a voyagé pour étudier ce projet de loi. Il était alors assujetti, comme nous, aux dispositions de l'article 108. Il y a des précédents et ils sont parfaitement réguliers aux termes de la loi.

M. Asselin: Vous conviendrez avec moi, monsieur le président, qu'un précédent, ce n'est pas légal.

Le président: Oui, il est légal.

M. Asselin: Un précédent permet de faire certaines choses s'il y a entente unanime, mais le seul fait qu'il y ait un précédent ne nous place pas automatiquement dans la légalité. Ce n'est pas parce que quelqu'un a posé un mauvais geste qu'on est obligés d'en pose un.

Le président: Monsieur Asselin, excusez-moi, mais vous devez lire le paragraphe 108(2), s'il vous plaît.

[Traduction]

Madame Jennings, vous avez la parole.

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Tout d'abord, mon collègue du Bloc soulève une question, probablement grave, et je ne voudrais pas faire perdre du temps à nos témoins, ni de l'argent aux contribuables. Ils sont venus de loin. Nous avons déjà fait un investissement de ce point de vue. Mais j'aimerais demander au comité d'examiner la question et de la régler avant que nous n'entreprenions une autre étude comme celle-ci. Je ne connais pas le Règlement 108(2), mais je vais certainement en prendre connaissance.

Je tiens à vous dire combien nous apprécions votre présence ici ce matin; j'ai trouvé vos exposés fort intéressants. Je suis nouvelle ici. Je suis membre du Comité de l'environnement depuis peu et je n'ai peut-être pas l'expérience qu'ont certains de mes collègues. Mais un certain nombre de questions me préoccupent. Je vais les poser à la suite l'une de l'autre et y répondra qui voudra.

J'ai des questions quant à l'exploration minière sur les terres domaniales ou fédérales. Madame Jacob, monsieur Comba et monsieur Andrews, je ne sais pas si les activités minières se déroulent toujours sur des terres fédérales, ou s'il y a des exceptions. Allez-vous toujours être touché par cette loi si elle est adoptée? Car elle porte sur les terres fédérales, si c'est bien cela qui vous inquiète.

L'autre jour, quand nous avons entendu les éleveurs de bovins, les propriétaires de ranchs et les agriculteurs, ils nous ont dit qu'à leur sens le groupe de travail couvrait 80 p. 100 des problèmes, mais il en restait bien 20 p. 100 qui n'étaient pas réglés. J'ai eu l'impression qu'ils étaient un peu blessés, car par le passé, de leur propre initiative, ils s'étaient attachés à résoudre certains des problèmes dont nous admettons tous la réalité. Ils nous ont demandé pourquoi on ne le reconnaissait pas, au moins dans le préambule. Je me demandais si vous aviez le même genre de réserve. Estimez-vous que le groupe de travail n'en a pas tenu compte dans son élaboration du projet de loi?

J'aimerais avoir votre point de vue sur l'initiative minière de Whitehorse. S'il était possible de corriger... nous avons peut-être été négligents par le passé, et nous n'avons pas tenu compte des initiatives lancées par les collectivités minières, l'industrie des pâtes et papiers, et même le mouvement syndical. Je suis sûre que ce dernier aussi a des préoccupations fondamentales qu'il aurait pu avancer. Aurions-nous dû avoir un rapport? Faudrait-il prévoir un rapport annuel sur la situation?

Par exemple, en ce qui concerne Whitehorse, y aurait-il moyen de savoir maintenant? Je ne sais pas depuis combien de temps ont été lancées les initiatives de Whitehorse, mais pourrions-nous savoir ce qui a été fait, afin que nous puissions, en tant que députés, lorsque nous nous penchons sur ces questions, dire voilà ce qui a déjà été fait, les problèmes qui ont déjà été réglés? Nous devrions être au courant des partenariats actifs et des initiatives communes qui ont eu lieu.

Avant de passer aux pâtes et papiers, le corridor... Si je comprends bien, la zone de plissement de Cornwallis qui est une région retirée... c'est peut-être vous, monsieur Anderson qui en avez parlé. Pensez-vous qu'une partie ne devrait pas être exclue? Y a-t-il une partie qui devrait l'être? Y a-t-il une solution viable? Comme vous l'avez dit, le caribou est en perte de vitesse à cause des changements climatiques et peut-être aussi à cause de la question autochtone, si l'activité minière a eu une incidence là-dessus.

Quant aux pâtes et papiers, j'ai deux questions. Vous êtes très préoccupés par le rôle des citoyens. Vous m'avez donné l'impression que d'après vous, par le passé, certaines préoccupations ont été soulevées qui étaient non fondées. Peut-être avez-vous le sentiment que l'environnement est devenu une question trop émotive et trop peu rationnelle. J'aimerais avoir votre idée là-dessus.

Lorsque vous parlez d'aide au partenariat, voulez-vous parler d'aide financière, ou d'allégements fiscaux?

.0955

Merci, madame la présidente. Pardonnez-moi, cela fait beaucoup de questions.

M. Andrews: Je vous remercie de ces questions. Je vais essayer de répondre à la première et à la quatrième.

Pour la première question, si j'ai bien compris, vous vous demandiez s'il y a exploration et exploitation minières sur toutes les terres fédérales, c'est bien cela?

Mme Jennings: Est-ce qu'il s'agit toujours de terres fédérales?

M. Andrews: Non, ce sont souvent des terres provinciales, car une vaste superficie de la masse terrestre canadienne est sous juridiction provinciale.

Mme Jennings: Mais jamais de terres privées?

M. Andrews: Dans certains cas, les terres domaniales ne nous sont pas accessibles, par exemple lorsqu'elles sont désignées comme parcs ou mises en réserve dans le cadre de revendications territoriales autochtones. Mais la plupart des lois sur l'exploitation minière nous donnent encore accès aux terres privées, à condition que nous ayons la permission du propriétaire. Les droits de surface et les droits sur les ressources minières sont généralement distincts.

En ce qui concerne votre quatrième question, à propos de la zone de plissement de Cornwallis, la réponse est affirmative. Je n'ai peut-être pas été assez clair. Nous ne sommes pas opposés à l'idée de zones protégées et de protection de l'habitat. Nous admettons qu'il y a un problème là-haut, avec ce troupeau de caribous de Peary.

Nous ne voulons pas dire qu'il ne fallait soustraire aucune terre, mais nous estimons qu'il aurait été possible de trouver une solution en évitant d'inclure le secteur très prometteur de la zone de plissement de Cornwallis, car l'expérience a démontré qu'il est possible de faire de l'exploration et de l'exploitation en ne perturbant que très peu la faune.

Mme Jennings: Merci.

La vice-présidente (Mme Payne): Nous allons passer maintenant à M. Knutson.

Une voix: Je ne sais pas si on a répondu à toutes ces questions.

La vice-présidente (Mme Payne): Je suis désolée, je croyais que vous aviez terminé.

Mme Jennings: Je n'ai pas encore toutes mes réponses.

La vice-présidente (Mme Payne): Quelqu'un d'autre? Madame Jacob.

Mme Jacob: Vous avez posé une question à propos des 20 p. 100 des recommandations du groupe de travail, et vous vouliez notre avis. Nous retrouvons dans la proposition actuelle une bonne partie des travaux du groupe de travail au cours des 18 derniers mois. Il est toutefois juste, comme on vous l'a dit, que certaines recommandations n'ont pas été retenues.

Mais ma déception se situe surtout - et monsieur Martel peut peut-être aussi vous donner son point de vue là-dessus - au niveau de l'esprit que le groupe de travail voulait insuffler à cette loi... Il y avait notamment le fait que cette loi devait être un des éléments d'une panoplie d'outils; elle a un rôle légitime, mais comme l'un des nombreux instruments nécessaires pour véritablement protéger les espèces menacées de disparition.

Nous avons recommandé des critères et des échéances très précises, et nous avons été très clairs sur l'autorité qu'il conviendrait d'exercer. Les membres du groupe de travail avaient notamment conscience de l'importance de la prévisibilité, de savoir qui est responsable de quoi et quand les choses allaient se faire.

Les écologistes surtout, parmi les membres du groupe de travail, avaient conscience que l'industrie a besoin d'un régime aussi prévisible que possible. Cet élément n'est pas aussi présent que nous l'aurions souhaité dans le projet de loi. Bon nombre de conditions sont présentées ici de manière beaucoup moins rigoureuse que ne le recommandait le groupe de travail.

Mme Jennings: Pardonnez-moi, madame la présidente, mais je dois me rendre immédiatement à la Chambre. Je vous présente mes excuses. J'espère que quelqu'un d'autre posera les questions.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, madame Jennings. Monsieur Knutson.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci beaucoup.

Je voudrais demander aux divers membres du groupe de travail qui a préparé ce projet de loi si vous êtes arrivés à un consensus sur les requêtes des citoyens.

M. Martel: Je vais essayer de répondre. Ce qui me paraît particulièrement intéressant dans le rapport du groupe de travail et dans le fonctionnement de celui-ci, c'est que nous sommes tous arrivés avec des opinions et des expériences différentes. Nous avons tous appris quelque chose. Nous sommes arrivés avec des positions extrêmes dans certains cas, mais nous nous sommes tous rapprochés et, sur bien des questions, nous sommes parvenus à des positions communes.

.1000

L'un des éléments... À la rédaction de notre rapport, nous avons essayé de faire en sorte que les personnes qui, comme vous, auraient à prendre des décisions sur la nouvelle législation, sachent où il y avait consensus, où il y avait divergence, et quelles étaient les différentes positions, afin que vous compreniez bien pourquoi il n'y avait pas eu consensus. L'une de ces divergences concernait le droit des citoyens à entamer des poursuites au civil. Certains membres du groupe estimaient que l'application de la loi relève du gouvernement. D'autres jugeaient que c'était insuffisant et que les citoyens devaient avoir le droit de faire appliquer la loi ou de forcer le gouvernement à une application plus stricte.

Il y a à mon avis différentes façons d'obtenir ce résultat, d'atteindre le même objectif. Nous sommes d'accord sur la nécessité d'une plus grande participation des citoyens, mais nous ne sommes pas d'accord quant aux mécanismes proposés.

M. Knutson: Il n'y avait donc pas consensus là-dessus?

M. Martel: Non.

M. Knutson: Les articles 56 à 60 du projet de loi touchent les requêtes de citoyens. Essentiellement, un citoyen ne peut pas intenter de poursuites à moins de pouvoir prouver que le ministre n'a pas agi de manière raisonnable. À priori, cela me paraît tout à fait sensé. Il peut arriver que des ministres de l'Environnement ne fassent pas leur devoir pour protéger l'environnement. Je vois là une protection supplémentaire par laquelle, si un ministre ne fait pas son travail, un citoyen peut présenter une requête devant un tribunal, démontrer l'insuffisance de l'action du ministre, et intenter une poursuite. Puisqu'il doit d'abord démontrer que le ministre n'a pas agi de façon raisonnable, quel est le problème?

M. Martel: Mon collègue pourra compléter la réponse.

Un des problèmes est précisément ce que vous avez mentionné. Qu'est-ce qui est raisonnable? Ce sera au juge d'en décider. On revient encore une fois à l'idée du litige, et nous préférerions que l'argent soit consacré à la protection des espèces plutôt qu'à des actions en justice.

Nous avons pensé qu'il pouvait y avoir des abus, et que les ressources et l'énergie disponibles risquaient d'être détournées de l'aspect essentiel de la protection des espèces.

M. Bonar: J'aimerais insister là-dessus. Si, par exemple, le ministre rejetait une requête pour cause de frivolité, le requérant pourrait, théoriquement, décider que cette décision du ministre ne correspond pas à ses souhaits, et donc demander à un juge de considérer que la décision du ministre n'était pas raisonnable.

Si on veut se faire l'avocat du diable, on pourrait dire que le requérant n'aurait qu'à trouver un juge sympathisant, et nous voilà lancés dans un litige. Nous sommes convaincus...

M. Knutson: Quelle disposition faudrait-il prévoir - pour se faire l'avocat du diable - dans le cas où le ministre n'est pas raisonnable?

M. Bonar: Dans une démocratie, c'est le système parlementaire qui constitue le recours. Si un citoyen n'est pas satisfait de l'action d'un ministre, il peut l'exprimer par son vote.

Mme Jacob: Je partage l'opinion de nos collègues des pâtes et papiers. Nous avons longuement discuté au sein du groupe de travail de la question des requêtes civiles. Ce qui nous inquiète, c'est qu'un citoyen puisse entamer une action civile sur une base aussi subjective que l'acte raisonnable.

Il y a d'autres moyens de faire pression sur les ministres qui ne font pas bien leur travail, y compris par l'examen régulier de la loi, y compris par le tribunal de l'opinion publique, plutôt que dans les tribunaux de droit, où la procédure est coûteuse. Nous voulions éviter d'utiliser au Canada le recours en justice pour résoudre tous nos problèmes. C'est ce qui se fait souvent aux États-Unis. C'est coûteux, et rien ne prouve que ce soit satisfaisant.

M. Knutson: Mais peut-être que l'espèce ne peut pas attendre que le gouvernement change, qu'un nouveau ministre soit nommé qui fasse bien son travail. Il arrive, parfois, que des ministres de l'Environnement ne fassent pas très sérieusement leur travail. La démocratie n'est pas parfaite; les gouvernements ne sont pas parfaits. La loi le reconnaît implicitement et prévoit donc qu'un citoyen peut, si certains critères sont satisfaits...

.1005

Mme Jacob: La loi donne au citoyen le droit de demander une enquête et une action. Si la réponse n'est pas satisfaisante, il y a d'autres moyens que d'intenter tout de suite des poursuites. Il y a d'autres solutions pour une personne qui n'est pas satisfaite de la réponse obtenue. Il y a d'autres solutions que les tribunaux.

M. Knutson: Changer le gouvernement.

Mme Jacob: Non, pas nécessairement, comme je l'ai dit, il y a le tribunal de l'opinion publique. Il y a les discussions en caucus, au conseil des ministres, les pressions que peut exercer le nouveau conseil créé par la loi, l'accord fédéral-provincial. Il y a d'autres solutions que de dépenser l'argent du contribuable dans les tribunaux.

M. Knutson: Bon.

Permettez-moi de poser quelques questions aux représentants de l'industrie minière. Dans votre mémoire, vous avez souligné l'importance d'une recherche scientifique solide. Vous avez donné en exemple la protection du troupeau de caribous, qui n'a pas véritablement de bases scientifiques. Nous avons également entendu d'autres témoins, et le groupe de travail, nous dire que l'inscription sur la liste des espèces en voie de disparition devrait relever strictement d'une démarche scientifique, par l'entremise du CSEMDC, qu'il ne devrait y avoir aucune intervention politique au niveau du cabinet, ou autre, que nous devons laisser au CSEMDC seul le pouvoir de décider, car sa décision sera basée strictement sur des considérations scientifiques. Qu'en pensez-vous?

M. Andrews: Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question.

M. Knutson: Le CSEMDC devra prendre des décisions sans considération d'ordre politique. Il recommandera les espèces qui doivent être inscrites sur la liste, mais la décision finale appartient au conseil des ministres, au gouvernement. Certains groupes environnementaux ont critiqué la méthode disant que c'est de l'ingérence politique dans le domaine scientifique.

Vous semblez aller dans le même sens lorsque vous dites qu'en protégeant l'île, nous ne l'avons pas fait pour des raisons scientifiques, mais politiques. Je vais donc au bout de votre logique sur la protection de l'île. Pensez-vous également que le CSEMDC devrait avoir toute autorité quant à l'inscription sur la liste, puisqu'il s'agit d'un groupe scientifique?

M. Andrews: Je crois qu'il y a place pour les deux régimes. Ce serait bien agréable de pouvoir fonder les décisions sur des faits scientifiques, à n'importe quel niveau, que ce soit à celui du CSEMDC ou au niveau politique. Si les politiques peuvent fonder leurs décisions sur des informations justes, il ne devrait pas y avoir de problème.

M. Knutson: Permettez-moi de revenir à un des thèmes les plus fréquents - je crois que tous les groupes l'ont mentionné - celui de l'insistance sur le rétablissement et non sur l'interdiction.

Ce que nous reconnaissons comme point de départ... Lorsque nous en arrivons à un plan de rétablissement, nous sommes arrivés essentiellement à une utilisation inefficace des ressources. Dans un sens général, si on peut empêcher qu'une espèce passe de la catégorie en péril à celle des espèces menacées, si on peut arrêter les activités, généralement en les interdisant, c'est beaucoup plus efficace que les plans de rétablissement, qui par leur nature même sont très coûteux. Et souvent inutiles. J'ai entendu des environnementalistes dire que si une espèce se dégrade trop, il vaut mieux simplement la laisser disparaître, car il est préférable d'affecter cet argent à empêcher que d'autres espèces n'en arrivent au même point.

Vous dites, quant à vous, qu'il faudrait insister davantage sur les plans de rétablissement et moins sur l'interdiction. Cela ne semble pas correspondre au souci d'efficacité que vous exprimez par ailleurs.

Mme Jacob: Notre remarque s'applique aux plans de rétablissement, y compris à la bonne gestion de l'habitat des espèces. Les interdictions ne s'appliqueraient qu'aux espèces et non à leur habitat.

C'est là la différence. Les interdictions sont justifiées dans la mesure où elles s'appliquent aux espèces et à leur environnement immédiat. Mais la loi est surtout importante par la protection qu'elle apporte à l'habitat, de manière à prévenir le déclin des espèces et à encourager leur rétablissement. C'est à cela que nous tenons surtout.

Si les interdictions frappent les habitats, comment traiter le problème de l'expansion urbaine? D'autres témoins ne vous ont-ils pas dit que la plupart des espèces actuellement menacées sont dans le sud du pays, à proximité des villes, où la population est concentrée? Comment régler ce problème-là? Comment régler le problème de l'expansion urbaine si les interdictions frappent l'habitat?

.1010

Ce qu'il faut viser, c'est la gestion prudente de l'habitat, qui doit inclure les plans de rétablissement et la protection des espèces par la protection de leur habitat. On ne peut pas arrêter l'expansion urbaine. On ne peut pas empêcher la population d'agrandir les villes qu'elle habite, et de se doter d'infrastructures.

M. Knutson: Non, mais on peut parfois faire preuve d'imagination pour nous permettre d'avoir des villes sans éliminer des espèces.

Mme Jacob: Nous estimons que la meilleure façon de le faire, c'est par des plans de rétablissement, pas par des interdictions.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, monsieur Knutson. Monsieur Adams.

M. Adams (Peterborough): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'être venus et je remercie tous ceux d'entre vous qui ont participé à la démarche jusqu'ici. J'ai le sentiment que nous souhaitons de part et d'autre trouver un régime qui assure la protection des espèces en voie de disparition à l'échelle nationale. La question est de savoir quel est ce régime.

Vous avez pu vous rendre compte ce matin du climat dans lequel nous travaillons. Je suis sûr que tout le monde ici souhaite voir adopter des dispositions. Nous sommes sollicités de toutes parts et nous devons battre plusieurs fers à la fois.

Il me semble que l'habitat constitue le noeud de la question. Comme l'a dit quelqu'un hier, le problème ne se résume pas à quelques animaux abattus ou quelques plantes piétinées; c'est avant tout un problème d'habitat. Si nous pouvions régler ce problème-là - et vous avez parlé d'y affecter des ressources - 80 p. 100 à 90 p. 100 du travail serait fait. Nous sommes humains, nous vivons sur cette planète. Nous avons des villes, des fermes, mais c'est avant tout une question d'habitat.

Ma question s'adresse à nos amis des pâtes et papiers - et j'aimerais aussi avoir l'avis des autres. Vous avez dit qu'il faut définir l'habitat dans le contexte d'un plan de rétablissement plutôt que par une liste des espèces menacées. Pour commencer, qui devrait arrêter la définition de l'habitat dans le contexte de ce plan? Et puis, comment peut-on s'assurer que cette définition soit scientifique?

M. Bonar: Si vous le permettez, j'aimerais essayer de répondre. Je crois que je peux toucher aussi à ce qu'ont dit les autres à ce propos, c'est-à-dire que l'habitat constitue le problème essentiel. Nous souhaiterions voir adopter des mesures de prévention, en dehors du cadre de cette loi, en vue de préserver l'habitat, surtout dans le but d'éviter que des espèces se retrouvent sur la liste. C'est dans ce sens là que devrait aller l'essentiel des efforts.

Ne pensez donc pas que lorsque nous demandons des mesures sur l'habitat, nous nous éloignons de cette démarche. Nous pensons que c'est la solution. Et, soit dit en passant, nous estimons que cela permettra de récupérer aussi bon nombre d'espèces qui figurent maintenant sur la liste.

Nous voulons dire par là que si l'on juge qu'une espèce est menacée, il faut examiner attentivement son habitat et trouver le meilleur moyen d'assurer le rétablissement de l'espèce, y compris en agissant sur l'habitat.

En tant que scientifique conscient que la science est faillible et que la distinction entre science et politique est floue, je crois pouvoir dire que la science n'est pas en mesure d'apporter des réponses définitives à l'étape de l'inscription sur la liste, et probablement pas non plus à l'étape du plan de rétablissement, quant à l'importance ou non de l'habitat. Habituellement, à l'étape de l'inscription à la liste, nous ne savons que très peu de choses de l'espèce concernée. Par définition, c'est généralement une espèce rare et donc difficile à étudier. Nous ne connaissons pas sa distribution. Nous connaissons peu de choses quant à son habitat. Nous procédons souvent à l'aveuglette. Nous nous fondons sur une opinion scientifique et notre instinct, mais nous n'avons pas véritablement de réponse définitive.

Ce que nous voulons dire, c'est que dans l'élaboration d'un plan de rétablissement, il y a très peu de marge pour obtenir de meilleures informations sur la population et son habitat, et concevoir à partir de là une solution plus éclairée pour permettre le redressement de l'espèce. Si à l'étape du rapport nous consacrons des ressources à cette recherche, nous n'aboutirons probablement pas. L'imposition d'interdictions automatiques risque de constituer un obstacle au plan de rétablissement.

.1015

M. Adams: Donc, pour ce qui est des huttes, ou des mares, ou des digues de castors, vous ne considérez pas que le CSEMDC puisse jouer un rôle dans la définition...

M. Bonar: Nous souhaiterions que le CSEMDC résume toute l'information disponible dans un rapport de situation. Qu'il dissémine l'information connue et souligne ce qu'on ignore encore.

M. Martel: Vous soulevez un point très important, sur lequel nous nous sommes arrêtés longtemps. Nous en avons beaucoup discuté au sein du groupe de travail, et nous sommes arrivés à un consensus là-dessus.

Outre l'aspect pratique et l'aspect scientifique que Rick a mentionné, il y a un autre élément important. Lors d'une réunion du groupe de travail, un Américain - je crois qu'il s'agissait deDon Barry, du Département de l'intérieur - est venu nous faire un exposé sur la loi américaine, son fonctionnement, et ainsi de suite. Nous lui avons posé cette question: s'il devait recommencer à de zéro, après 20 ou 23 années d'expérience, que changerait-il dans la loi? Il a immédiatement parlé de l'habitat. Il a dit que le problème tenait au fait qu'au moment de l'inscription sur la liste, il fallait définir l'habitat. Et non seulement cela pose-t-il un problème d'ordre scientifique, mais la discussion devient très politique.

Il estime donc que l'inscription à la liste doit être fondée sur des critères scientifiques. On classe l'espèce dans une certaine catégorie. Mais ensuite, la définition de son habitat devrait intervenir lorsqu'on a mis sur pied une équipe pour le redressement de l'espèce, lorsque tous les scientifiques et les personnes concernées se réunissent, cherchent toutes les informations disponibles, définissent les options, ainsi que le type d'habitat indispensable à la survie de la population. Voilà la leçon de l'expérience américaine.

D'après leur expérience, les Américains estiment qu'il faut le faire à l'étape du redressement plutôt qu'à celle de l'inscription à la liste.

M. Adams: À propos des propriétaires privés, je crois savoir que quatre provinces ont déjà des lois prévoyant la participation des citoyens: le Nouveau-Brunswick - au moins l'un d'entre vous vient de cette province - le Québec, l'Ontario et le Manitoba. Cela représente une énorme superficie. Vous avez tous des activités industrielles dans ces provinces. À votre connaissance, y a-t-il eu des exemples de citoyens qui auraient intenté des poursuites - j'allais dire frivoles, mais je ne le dirai pas - , de citoyens qui se soient prévalus de la possibilité que leur offrent déjà ces quatre provinces d'entamer des poursuites contre des sociétés ou des propriétaires privés?

Mme Jacob: Je n'en connais pas d'exemple, mais nous avons rencontré les représentants des provinces et nous leur avons posé la question. Nous leur avons posé des questions sur le régime législatif.

Les provinces n'étaient pas très enthousiastes quant à l'efficacité de la mesure. Leurs porte-parole nous ont dit que très peu de personnes l'utilisaient et ils n'étaient pas certains que cela vaille la peine... Ce n'est pas vraiment une disposition très active. L'un d'eux a même dit que cette section serait abrogée lors de la prochaine révision de la loi.

M. Adams: De quelle province s'agit-il?

Mme Jacob: Je ne m'en souviens pas. Je suis désolée; il faudrait que je puisse consulter mes notes.

M. Adams: Je crois que c'était M. Gilbert qui a parlé des espèces qui migrent au-delà des frontières. Vous avez dit quelque chose à ce propos. Je dirais la même chose. Dans quatre provinces il y a déjà des lois solides pour protéger les espèces provinciales, ainsi que les oiseaux migrateurs et les autres que le gouvernement fédéral a... et les oiseaux des territoires fédéraux. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Gilbert: Oui, au Nouveau-Brunswick, nous avons une loi sur les espèces menacées de disparition. Elle a été élargie cette année à diverses espèces ainsi qu'à certains insectes et plantes.

Au Nouveau-Brunswick, l'approche est de type coopératif: la participation des citoyens en fait partie. C'est une participation de type consultatif, et beaucoup de sociétés au Nouveau-Brunswick collaborent avec des groupes de citoyens pour inventorier les sites uniques, les habitats des espèces en voie de disparition, etc. Le temps nous dira ce que cela vaut, mais pour le moment cela semble bien fonctionner.

Ce que j'ai voulu dire, c'est que lorsqu'il y a conflit entre la loi fédérale et la loi provinciale, ça devient compliqué pour tous ceux qui travaillent dans la forêt.

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Notre propre société est propriétaire d'un grand territoire, mais nous achetons environ 40 p. 100 de notre produit à des petits propriétaires forestiers. Ceux-là seront très touchés par cette loi.

M. Adams: Mais ils sont déjà touchés. Je me demande si la situation est très différente dans ces quatre provinces pour les propriétaires forestiers. Il y a peut-être une différence en Alberta, je ne sais pas.

M. Comba, je veux montrer par là que si vous avez pu dire que personne n'a intenté de poursuite, c'est à cause du critère de diligence raisonnable. De fait, pour la plupart des propriétaires, s'ils ont une girafe d'une espèce rare dans leurs forêts, ils ne vont pas lui scier les jambes. Ils vont se demander quoi en faire.

M. David Comba (président-directeur général, Pentland Firth Ventures Ltd.): Oui, environ la moitié de notre budget annuel d'exploration va à des terres privées où les droits miniers appartiennent à des propriétaires privés. Mais nos permis de travail ne font aucune distinction entre territoire public et terre privée, et notre activité est circonscrite par le permis.

J'aimerais dire quelques mots sur votre hypothèse selon laquelle c'est l'habitat, pas la chasse, qui met une espèce en danger. Je crois savoir que les pigeons voyageurs ont essentiellement été abattus, et que c'est la chasse qui est responsable de l'extinction du bison des Prairies.

M. Adams: Nous en avons probablement empoisonné quelques-uns, mais je suis heureux que vous m'ayez corrigé sur ce point.

M. Comba: C'est exact. C'est un ensemble de causes. Peut-être que les pressions de la chasse et de la pêche représentent aussi une menace importante pour les espèces.

M. Adams: C'est une menace, je le reconnais. Merci.

Le président: Merci, monsieur Adams. La parole est maintenant à M. Taylor.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci beaucoup, monsieur le président.

M. Bennett a soulevé un certain nombre de questions importantes au nom du Congrès du Travail du Canada et des membres des associations professionnelles. Ces points n'avaient pas été soulevés par les représentants de l'industrie minière ou des pâtes et papiers. J'aimerais maintenant leur poser quelques questions à propos de ce qu'a dit M. Bennett.

Le premier point portait essentiellement sur la démarche que prévoit le gouvernement pour la mise en place de plans de rétablissement. M. Bennett dit qu'il n'y a aucune obligation à consulter qui que ce soit, y compris les travailleurs et leurs collectivités. Il dit que ces consultations devraient vastes et obligatoires.

J'aimerais savoir ce que pensent les représentants des associations industrielles de la composition des équipes chargées de l'élaboration des plans. Qui doit y participer? Incluriez-vous les travailleurs et les représentants des collectivités au sein de l'équipe? Pourriez-vous également donner votre point de vue sur le caractère facultatif des plans? Une fois le plan arrêté par l'équipe et le ministre, devrait-il être exécutoire? Doit-il avoir force de loi?

Deuxièmement, une fois que tout cela est fait et que le plan de rétablissement est mis en place, il se pourrait qu'un lieu de travail soit déplacé. Dans le cas de l'agriculture, certaines terres agricoles productives pourraient être exclues de la production, ce qui entraînerait des conséquences pour les collectivités.

Que pensez-vous de l'idée de l'indemnisation qu'a mentionné M. Bennett pour perte d'emploi ou de revenu par les personnes déplacées par le plan?

M. Martel: C'est une question très importante. En ce qui concerne la notion de rétablissement, si vous voulez établir les bases d'une bonne coopération, il faut que toutes les parties touchées participent à l'élaboration du plan. L'idée est sous-jacente dans le rapport du groupe de travail et dans notre présentation également. Quand nous avons parlé de parties concernées, il est bien évident que cela comprend aussi les travailleurs qui travaillent sur un terrain critique du point de vue de la gestion de l'habitat. Il est donc très important qu'ils participent à la démarche.

.1025

La loi mentionne effectivement la nécessité de consulter les parties concernées, mais je crois qu'elle parle aussi de coopération avec les provinces. Elle n'est donc pas claire quant au type ou au niveau des consultations. Il y a des améliorations à apporter de ce point de vue.

L'autre aspect que nous avons mentionné, est celui de l'indemnisation, dont il n'est aucunement question dans la loi. Lorsque des travailleurs ou des localités sont déplacés, ou que leur base socio-économique est touchée par un plan de rétablissement, il faut penser à indemniser ces personnes, ces localités, ces propriétaires et ces utilisateurs. Nous sommes tout à fait en faveur de ce genre de mesure.

M. Gilbert: Puis-je intervenir?

Au Nouveau-Brunswick, environ 50 p. 100 du territoire de la province appartient à la Couronne. En Nouvelle-Écosse, 85 p. 100 des terres sont dans le domaine privé. À l'Île-du-Prince-Édouard, ce pourcentage est encore plus élevé.

Au sein des comités techniques, on a beaucoup parlé de la nécessité d'informer et d'encourager une action commune avec les propriétaires privés, mais cela ne ressort pas dans le projet de loi.

Qui serait mieux placé pour participer à ces comités que les personnes qui travaillent directement sur ces terres? Les compagnies d'exploitation forestière ont des personnes sur le terrain qui peuvent recueillir des données et collaborer avec les autorités gouvernementales et les groupes de conservation. C'est très important. Je trouve que cet aspect-là manque dans le projet de loi, surtout dans l'aspect privé.

L'autre considération, c'est qu'il faut le faire au début du processus. Cela veut donc dire éduquer, avoir des gens dans la forêt qui peuvent délimiter les habitats, recenser les espèces menacées, plutôt qu'à la fin, où il faut en venir à une indemnisation.

Il est donc très important d'être proactifs. Nous n'avons pas les moyens d'assurer une surveillance même modestement adéquate. La seule solution, c'est donc d'obtenir la participation des propriétaires et des travailleurs concernés.

M. Farnsworth: Pour répondre à votre question, une démarche semblable à celle que nous utilisons souvent pour nos évaluations environnementales pourrait permettre de répondre àM. Taylor.

Prenons comme exemple l'une de nos activités d'exploitation minière, celle de Musselwhite, dans le nord-ouest de l'Ontario. À l'étape de la planification environnementale, en vue de l'obtention du permis d'exploitation, les réunions de l'agence ont essentiellement pris la forme d'une table ronde. Y étaient représentés tous les ministères provinciaux concernés, nous-mêmes, et les autochtones avec lesquels nous avons un accord pour ce projet. Il y avait là quatre communautés et trois conseils tribaux. Les divers intéressés se sont donc rassemblés pour parler de la planification et des choses à faire.

L'idée de la perte d'une partie de l'habitat du poisson a été acceptée, et on a donc parlé de l'indemnisation à prévoir. On pourrait envisager le même type de procédure.

M. Taylor: Gisèle veut-elle ajouter quelque chose? Non?

Puis-je demander à M. Bennett s'il faudrait ajouter quelque chose en particulier à propos de l'indemnisation? Je crois que les associations en ont parlé un peu, mais d'après moi il faut aller plus loin que l'indemnisation financière. M. Bennett peut peut-être nous donner une meilleure idée de ce qu'il avait en tête.

M. Bennett: Je voudrais simplement souligner que le Congrès du Travail du Canada suggère que ces questions soient réglées dès le départ. De cette manière, on pourra réduire au minimum les poursuites pour dommages-intérêts, et les complications procédurières en général.

Nous ne demandons pas un régime procédurier. Nous ne demandons pas de tout axer sur le recours. Nous disons simplement que les intérêts socio-économiques des travailleurs et des localités doivent être l'une des considérations premières dans l'élaboration des plans de rétablissement. On assurera ainsi non seulement la justice aux travailleurs et aux collectivités, mais on pourra aussi réduire au minimum les actions en justice. Il faut cependant les prévoir, sans quoi il n'y aura aucune incitation pour les gouvernements, ou toute autre partie, à tenir compte des besoins des travailleurs et de leurs collectivités.

.1030

Le président: Madame Payne, s'il vous plaît.

Mme Payne (St. John's Ouest): Merci, monsieur le président.

Le président a déjà dit que si nous avions bien fait notre travail nous n'aurions probablement pas besoin de cette loi, et nous ne serions pas ici aujourd'hui pour en discuter.

Dans la région d'où je viens, l'exploitation minière, l'exploitation des ressources, est un élément essentiel de la base économique.

On en a déjà parlé, mais j'aimerais avoir un avis général, en quelque sorte, sur ce qu'il aurait fallu faire, ou sur ce que l'on peut faire à l'avenir pour éviter d'avoir à adopter d'autres lois, à prévoir des amendes et des punitions encore plus strictes si nous ne faisons pas ce que nous sommes censés faire maintenant. Quels autres groupes faudrait-il inciter à se joindre à nous pour assurer la conservation et la protection des espèces en voie de disparition?

M. Bennett: La question qui nous est posée est très difficile. Je crois que personne ne peut prétendre détenir la réponse; et elle ne serait probablement pas très utile, puisqu'il s'agit des erreurs et des actes du passé.

Mais il y a une chose que je voudrais dire. Dans toutes les controverses et toutes les divergences qui ont tourmenté le Canada, et dans tous les efforts sincères que l'on a fait pour définir la nature du pays au cours des dernières décennies, la question de l'autorité constitutionnelle sur l'environnement n'a jamais vraiment été réglée.

Notre Constitution, qui a 150 ans, ne mentionne même pas l'environnement. Il faudra inventer une autorité à partir des diverses suggestions qui ont été faites il y a près de deux siècles.

Cette négligence à l'endroit d'une question qui préoccupe fortement les Canadiens a pour conséquence un régime environnemental qui ne satisfait personne, et une controverse destructive sur les pouvoirs du gouvernement fédéral par rapport à ceux des provinces et des territoires. Si nous avons commis une erreur, elle est profonde, vaste et générale, et c'est qu'il ne s'agit pas ici spécifiquement d'espèces en voie de disparition.

M. Martel: Je ne vais pas me lancer dans un débat constitutionnel.

Je voudrais simplement dire qu'on parle de cette loi comme si rien n'avait été fait jusqu'ici.

Or, en réalité, le CSEMDC, avec un budget très limité et avec l'aide des provinces, du fédéral et des territoires, a fait beaucoup de choses. Certaines espèces ont même pu être retirées de la liste, encore au printemps dernier.

Cette loi est un élément d'un ensemble. Nous essayons de mieux faire connaître le problème des espèces menacées afin qu'on leur consacre les ressources nécessaires.

Nous essayons également d'encourager une bonne base de collaboration entre tous les gouvernements, à tous les niveaux, et entre tous les participants. Il est essentiel d'avoir une loi qui mette ces questions à l'ordre du jour et mette en lumière le véritable problème. La loi est un des éléments d'une démarche globale, mais c'est un élément important, nous en sommes conscients.

M. Andrews: J'aimerais ajouter quelque chose. Avec le temps, nous en sommes arrivés à une meilleure prise de conscience.

.1035

Il y a quelques décennies, on avait très peu conscience de l'environnement et la société toute entière commettait des erreurs. Avec le temps, nous avons pris conscience de la problématique. Nous agissons maintenant différemment. Je pense que la même chose arrive avec les espèces menacées.

Je vais vous donner un exemple de choses qui se font maintenant et qui ne se faisaient pas il y a quelques dizaines d'années.

Nous avons une mine en activité dans le parc de Strathcona, sur l'Île de Vancouver, la mine de Myra Falls. Nous y collaborons avec les autorités du parc pour assurer la protection des espèces fauniques. Par exemple, notre personnel applique les interdictions de chasse et de pêche. Nous avons également inventorié plusieurs espèces qui figurent maintenant sur la liste des espèces menacées en Colombie-Britannique et nous participons au processus de surveillance. Nous aidons également les autorités à expliquer aux visiteurs comment se comporter dans le parc du point de vue de la conservation et de la protection de la faune.

C'est ce genre de choses qu'apporte une plus grande prise de conscience. C'est le genre de participation volontaire que nous souhaitons encourager.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant permettre à deux membres de poser une question chacun. Puis nous prendrons une petite pause et nous reviendrons à 11 heures pour entendre les autres témoins de la matinée.

M. Asselin, suivi de M. Knutson.

[Français]

M. Asselin: Le débat sur la procédure étant fait, je vais poser immédiatement une question, et lorsque le débat aura eu lieu à la Chambre, on pourra débattre de la question que j'aurai posée.

Tout à l'heure, j'ai entendu parler de chevauchements, de dédoublements, de respect de territoire. Est-ce que vous seriez d'accord que, lors du débat à la Chambre, le Bloc québécois se préoccupe d'éliminer les chevauchements et les dédoublements afin que la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada soit vraiment efficace?

Je vais vous faire une suggestion. Seriez-vous d'accord que le gouvernement fédéral informe les provinces de sa préoccupation de protéger les espèces en péril au Canada et leur demande de légiférer au plus tard d'ici un an, et que les provinces aient l'entière compétence, dans un esprit de partenariat, de légiférer, d'établir une loi, de voir à son application, de voir au contrôle des espèces en voie de disparition ou en péril et d'imposer des sanctions?

Ce serait la responsabilité des provinces, en collaboration avec les partenaires et les territoires concernés, parce que cela affecte aussi les territoires. On sait que chacune des provinces a des territoires qui se rapportent aux autochtones, aux industries ou encore à l'agriculture. Serait-il préférable, dans le cadre d'une grande orientation fédérale, que l'application, les contrôles, les sanctions et la rédaction de la loi relèvent exclusivement des provinces?

Mme Jacob: Notre position est que la loi fédérale doit s'appliquer dans les champs d'activité et d'autorité fédérales.

M. Asselin: D'activité fédérale. Mais qu'est-ce qui se passe? Prenons l'exemple du Québec. Est-ce que le gouvernement fédéral légiférerait, et s'il légifère, qui va contrôler? Il faut des agents de conservation de la faune. Cela existe déjà au Québec. On sait que le Québec protège déjà le chevreuil de l'île Anticosti et celui du Parc de la Gaspésie.

Si, à un moment donné, selon les agents et selon les inscriptions après la période de chasse à l'orignal, on voit que la population d'orignaux est à la baisse, le gouvernement du Québec interdit la chasse de la femelle pendant deux à trois ans, ce qui permet de sauvegarder l'animal. Cela pourrait être tout à fait la même chose pour...

Mme Jacob: D'où l'importance de l'accord fédéral-provincial et du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril auquel il est fait allusion dans le projet de loi.

M. Asselin: Qu'est-ce qui arriverait si une province, n'importe laquelle, s'opposait? Je ne veux pas présumer que le Québec serait en accord ou en désaccord. Peut-être serait-il d'accord sur des modalités ou un protocole. De toute manière, si une province s'opposait, la loi deviendrait un voeu pieux.

.1040

Le président: C'est la raison de l'accord de Charlottetown. On en a discuté et on a trouvé des réponses à cette question au moment de cet accord.

M. Asselin: Mais l'Accord de Charlottetown a été rejeté, monsieur le président.

Le président: Non, l'accord de Charlottetown sur la protection des espèces en péril au Canada. Il y a deux accords de Charlottetown.

M. Martel: Je pense que la notion de partenariat et de coopération entre les différents niveaux de gouvernement est une condition sine qua non du succès de tout programme de conservation des espèces menacées. Cela doit se faire en respectant les juridictions respectives aux niveaux provincial et fédéral et en éliminant la duplication. Il faut essayer de travailler ensemble et éviter que les ressources et les énergies soient prises pour essayer de déterminer qui a compétence sur quoi. Il faut essayer de clarifier ça, et ça doit se faire dans le cadre de cette loi-là.

[Traduction]

Le président: C'est une question très importante. M. Asselin nous aide beaucoup dans notre réflexion.

Il ne fait aucun doute qu'il y a compétence fédérale et compétence provinciale. Au lieu de se chevaucher, les deux peuvent se compléter. Nous trouverons peut-être lors de nos audiences la façon de définir cette complémentarité.

La question a été débattue en long et en large dans le contexte de Charlottetown, et il en est issu un accord de principe. Mais n'oubliez pas que certaines provinces, pour des raisons budgétaires, préfèrent laisser certaines responsabilités au gouvernement fédéral.

Les solutions varient donc selon les régions, mais nous allons certainement tenir compte de cet aspect du problème. Trop souvent, on parle de chevauchement, alors qu'on devrait parler de complémentarité.

Nous avons ici une occasion idéale pour les provinces d'adopter des lois semblables dans le contexte de leur autorité, pour compléter ce que fait le fédéral dans sa sphère de compétence. Mais il arrive qu'on ne puisse empêcher des oiseaux de se poser un beau matin sur un caillou fédéral, et de se transférer l'après-midi sur un rocher provincial. Demain matin, ils seront au Mexique.

L'être humain doit donc faire preuve de beaucoup d'imagination. Puisque nous sommes arrivés jusque sur la lune, nous devrions aussi pouvoir régler ce problème.

Monsieur Knutson.

M. Knutson: Ma question s'adresse à Mme Jacob. Vous avez exprimé des réserves à propos de l'article 33 qui concerne les espèces transfrontalières. Nous croyons comprendre que le groupe de travail a recommandé que le gouvernement fédéral en assure la protection. Je présume qu'il y a consensus là-dessus. Si l'approche actuelle n'est pas retenue, par quoi pourrait-on la remplacer?

Mme Jacob: J'estime que le gouvernement fédéral détient l'autorité légitime en ce qui concerne les affaires internationales. Il est en mesure de signer des accords au nom du Canada et de traiter des affaires internationales. Nous préférerions cette voie plutôt que l'invocation du Code criminel qui peut aussi s'appliquer aux espèces interprovinciales.

De plus, la compétence du gouvernement fédéral en matière internationale lui permettrait de protéger d'autres espèces en dehors du règne animal. Les dispositions actuelles ne s'appliquent qu'au règne animal, pas aux plantes. Je le mentionne parce que si les plantes ne migrent pas de part et d'autre de la frontière, la loi applique la notion de «transfrontière» au terrain sur lequel on rencontre une espèce.

Nous estimons donc qu'il y a d'autres mécanismes plus efficaces que les dispositions du Code criminel sur les actes de cruauté envers les animaux.

M. Knutson: Pensez-vous que la loi, telle qu'elle a été rédigée, reflète le consensus du groupe de travail sur cette question?

Mme Jacob: Pas en suggérant le recours aux dispositions du Code criminel.

Jean-Pierre, êtes-vous de mon avis?

.1045

M. Martel: Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne sommes pas ici pour parler de Constitution et de partage des responsabilités.

Au sein du groupe de travail, certains estimaient qu'il fallait utiliser toute l'ampleur de l'autorité fédérale. Nous avons dit qu'il vous appartenait de décider, mais assurez-vous qu'il y ait complémentarité.

La question de l'aire de distribution transfrontalière n'a pas du tout été abordée. J'en ai été étonné.

M. Knutson: À propos des plantes ou des grizzlys?

M. Martel: Dans les deux cas. Nous n'avons pas parlé de l'aire de distribution de l'habitat, ou de l'invocation du droit criminel en la matière. Il n'en pas du tout été question.

Mme Jacob: À propos des espèces transfrontalières, nous avons parlé des mouvements migratoires, pas de l'aire de l'habitat. C'est pourquoi nous avons été étonnés par la définition qui a été donnée de «transfrontalière» et par l'utilisation du Code criminel.

M. Knutson: L'un des groupes environnementaux que nous avons entendus a donné comme exemple un ours qui de l'Alberta se rend dans un état américain où il est protégé. En Alberta, on peut le tuer. S'il va dans le parc national de Banff, il est protégé. Puis il passe en Colombie-Britannique où il peut à nouveau être chassé. Ce groupe environnemental estimait qu'il incombait entièrement au gouvernement fédéral d'assurer la protection de cette espèce. Avez-vous des objections à ce raisonnement? Pouvez-vous me les donner?

M. Bonar: Si l'espèce figure sur la liste, nous n'avons aucune difficulté à accepter que la chasse en soit interdite partout, et ça réglerait ce problème-là.

Mais les problèmes d'habitat sont un sujet de discussion entre les provinces et le fédéral. Si l'ours se trouve sur une terre provinciale, j'imagine que c'est la province qui a pouvoir de décision sur l'habitat où il se trouve à ce moment-là.

J'aimerais qu'on applique l'esprit de l'Accord de Charlottetown plutôt que de faire intervenir la lourde main du Code criminel dans ces affaires. Les provinces et le fédéral sont arrivés à une entente. Utilisons-là, ainsi que les pouvoirs du gouvernement fédéral dans les affaires internationales, plutôt que d'utiliser le Code criminel.

M. Taylor: Je voudrais revenir rapidement à la position qu'a mentionnée M. Asselin au début de la réunion. Je ne voulais pas invoquer le règlement car nous aurions perdu du temps réservé aux témoins. Maintenant que cette partie-là de la réunion est terminée, j'aimerais tirer une chose au clair.

Les membres du comité savent qu'en tant que membre associé je ne peux pas voter ici, et que je ne siège pas au comité directeur, qui est un sous-comité de la planification. Je sais bien que ce comité agit comme il l'entend. Nous pouvons faire ce que nous voulons avec le consentement du comité. Mais je me demande simplement si la décision de procéder à une étude préalable du projet de loi C-65 a été prise par le comité ou par le président.

Le président: Ciel! Vous m'attribuez des pouvoirs que je n'ai pas.

Il y a trois semaines, le comité plénier a approuvé le programme des audiences ainsi que les déplacements du comité. C'est le comité tout entier qui a décidé d'invoquer le paragraphe (2), article 108 du Règlement. La décision est donc collective.

M. Taylor: Je présume donc que les représentants du Bloc québécois et du Parti réformiste ont participé à la décision.

Le président: Oui.

M. Taylor: Merci beaucoup.

Le président: La séance est levée.

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