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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

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Le jeudi 5 décembre 1996

[Traduction]

Le président: Au nom du comité, Mme Guay, M. Knutson et moi- même, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins: Vanessa Kennedy, de Le Body Shop et Scott Findlay, professeur agrégé à la faculté des sciences biologiques de l'Université d'Ottawa.

Nous avons également avec nous quelqu'un venu de loin, de l'Université Memorial. Est-ce vous, professeur Montevecchi?

M. William Montevecchi (professeur, Université Memorial): Oui.

Le président: Bienvenue au comité.

Nous pourrions peut-être commencer en respectant l'ordre dans lequel les témoins sont inscrits à l'ordre du jour. Vanessa Kennedy commencera par un exposé d'une dizaine de minutes, et elle sera suivie du professeur Findlay, puis du professeur Montevecchi.

La parole est à vous.

Mme Vanessa Kennedy (coordonnatrice de la campagne, Le Body Shop): Merci. Bonjour à tous. Nous commençons de bonne heure.

Je voudrais remercier le comité d'avoir invité Le Body Shop à participer à ses audiences d'aujourd'hui. Nous nous intéressons de très près à ce processus et au projet de loi qui vient d'être présenté. Nous nous réjouissons également beaucoup d'être ici, parce qu'un tas de gens se demandent pourquoi une entreprise qui vend du shampoing et du savon s'intéresse à une loi protégeant les espèces en péril.

En fait, notre société considère que ses responsabilités vont au-delà de ses bilans financiers. Elles englobent les besoins de sa clientèle. Le Body Shop vend ses produits dans 45 pays, son chiffre d'affaires atteint 1 milliard de dollars et plus de 86 millions de clients ont visité nos magasins l'année dernière.

Nous utilisons nos ressources pour répondre aux besoins de ces clients et les intéresser à des questions comme la protection des espèces en voie de disparition. Notre rôle a toujours été de soulever les masses et de leur apporter des renseignements clairs, concis et crédibles, afin de leur donner l'occasion de jouer un rôle, ce qu'elles ont fait avec enthousiasme. Les préoccupations de nos clients au sujet des espèces en péril sont profondes et émotives et elles les incitent à agir.

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Depuis huit ans, nos clients canadiens nous ont aidés à recueillir 500 000 $ pour protéger les espèces en voie de disparition, ils ont signé des pétitions, acheté des acres d'habitats menacés et écrit des lettres.

Quand Le Body Shop a appris que le gouvernement fédéral n'avait pas de loi particulière pour protéger les espèces en péril, nous en avons été très étonnés et nous étions certains que nos clients le seraient également. Nous pensions qu'ils seraient étonnés et inquiets, et nous avions raison.

En 1994, nous avons placardé des affiches spéciales, que vous verrez sur le dessus de votre documentation, dans nos 111 magasins du pays et nous avons publié un feuillet d'accompagnement, qui se trouve également dans votre documentation, pour expliquer le problème et la nature des espèces en voie de disparition au Canada.

Dans les quatre semaines qui ont suivi, nos clients ont fait clairement savoir ce qu'ils en pensaient. Les T-shirts vendus dans le cadre de notre campagne de financement avaient rapporté près de 60 000 $ et 75 000 personnes avaient signé une pétition demandant au gouvernement fédéral de légiférer pour protéger les espèces en péril. Ces pétitions ont été récemment présentées au Parlement.

Mais le plus révélateur est sans doute le fait que plus de 3 500 enfants canadiens ont écrit des lettres pour demander au gouvernement de légiférer pour protéger les espèces en péril. Leur voix est très importante étant donné qu'il s'agit de protéger leur avenir.

Je voudrais vous lire une de ces lettres, qui a été envoyée par une fillette de Moncton, au Nouveau-Brunswick, âgée de dix ans. Voici ce qu'elle écrit:

S'il vous plaît, aidez-moi! Je suis en voie de disparition! Nous ne sommes plus que 300 environ. Je suis la marmotte de l'île de Vancouver. Je vis dans des régions alpines et alpestres caractérisées par des pentes très abruptes... et de grandes prairies. J'étais heureuse jusqu'à ce que des gens viennent détruire mon habitat. J'ai dû me cacher. Quand je suis sortie de ma cachette, les gens étaient partis, Dieu merci, mais mon habitat également. J'ai dû partir, avec ma famille, à la recherche d'un nouveau logis. Mais les gens sont revenus commettre les mêmes dégâts. Ma famille et moi avons essayé de trouver un nouvel endroit où vivre, mais sans succès. Ma famille est morte de faim. Je suis si triste. Toutes les autres marmottes connaissent le même sort ainsi qu'un tas d'autres animaux... Si les humains n'agissent pas rapidement, avant qu'ils ne s'en rendent compte, nous aurons tous disparu. Et ce sera de leur faute. S'il vous plaît, aidez-moi bientôt!

Ces lettres d'enfants étaient une source d'inspiration, car elles montraient que les jeunes Canadiens comprennent le problème et qu'ils sont extrêmement inquiets. Leurs lettres montrent qu'ils sont conscients des mesures fondamentales à prendre pour protéger les espèces en péril. Il faut reconnaître qu'elles sont en danger, leur donner un endroit pour vivre et les protéger. Ce sont ces éléments fondamentaux qui devraient être à la base de cette loi.

Nous applaudissons le gouvernement d'avoir pris l'initiative d'élaborer une loi fédérale en l'espace de deux ans. Le Body Shop appuie cette initiative, ainsi que sa clientèle. Mais nous craignons que la loi actuelle ne règle pas efficacement les trois principales questions que les enfants canadiens considèrent clairement comme étant essentielles.

Il faut d'abord déterminer quelles sont les espèces en péril. L'inventaire de ces espèces doit être déterminé en fonction de considérations biologiques et non pas politiques. La loi actuelle charge un comité scientifique d'examiner la situation des espèces et de formuler des recommandations. C'est au gouvernement qu'il revient de décider d'inscrire ou non une espèce sur la liste. Il n'est pas tenu de suivre les recommandations du COSEPAC.

À notre avis, toutes les décisions concernant la liste des espèces en péril doivent être prises par un organisme scientifique indépendant. Si on laisse des considérations politiques intervenir dans le processus d'évaluation, on compromet l'intégrité et l'intention de la loi. Dans les quatre provinces où il y a une législation, de nombreuses espèces en voie de disparition n'ont pas été répertoriées. Nous craignons fort que cela puisse également arriver au niveau fédéral.

Cela risque de compromettre le militantisme du grand public. Le Body Shop Canada, la revue Hibou et de nombreux autres organismes du pays utilisent la liste des espèces en péril du COSEPAC comme instrument d'éducation et de motivation. Cette liste a la capacité remarquable de mobiliser les Canadiens moyens en les sensibilisant au problème. Ce n'est pas un phénomène qui se produit ailleurs ou dans les forêts tropicales; cela se passe chez nous. Que ce soit la marmotte de l'île de Vancouver, le faucon pèlerin ou la raquette le Rafinesque. Les Canadiens des diverses régions du pays connaissent ces espèces et s'inquiètent de les voir sur la liste.

Quand les gens constatent que des espèces de leur propre région sont menacées, cela les touche personnellement. Je suis originaire du sud de l'Ontario et je suis horrifiée de voir sur la carte que les espèces en voie de disparition sont si nombreuses dans le sud de l'Ontario qu'il n'y a même pas assez de place pour les inscrire toutes.

Cette prise de conscience incite les gens à regarder autour d'eux et à agir personnellement, qu'il s'agisse de modifier leurs habitudes d'achat, de faire du bénévolat au sein d'un organisme environnemental ou d'écrire des lettres. Nous craignons que cette motivation personnelle ne disparaisse si toutes les espèces en péril ne sont pas inscrites sur la liste.

Pour ce qui est des espèces inscrites, la loi ne garantit pas leur protection. Elle ne protège pas automatiquement les espèces contre ce qui les menace le plus. N'oublions pas que la disparition des espèces est attribuable, à 80 p. 100, à la perte de leur habitat, mais la loi ne donne qu'une définition très limitée de la résidence. La protection du reste de l'habitat est laissée au bon vouloir du gouvernement. Le plan de rétablissement doit tenir compte de l'habitat essentiel, mais le gouvernement n'est pas tenu de prendre des mesures.

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Le but de la loi est de protéger des espèces en péril comme l'indique son titre. Si nous savons que ce qui menace le plus les espèces sauvages est la perte de leur habitat, comment peut-on s'abstenir de rendre sa protection obligatoire? C'est comme si nous disions que nous garantissons nos produits pendant que vous êtes dans notre magasin, mais qu'une fois que vous franchissez la porte, notre garantie ne tient plus. La loi devrait interdire la destruction de l'habitat essentiel d'une espèce et obliger à prendre les mesures indiquées dans le plan de rétablissement.

Le dernier élément que les enfants ont jugé nécessaire était de protéger les espèces en péril. Cette mesure exige notre participation à tous, mais le gouvernement doit jouer le rôle de chef de file et appliquer la loi dans toute la mesure où son autorité morale et des pouvoirs juridiques le lui permettent. Pour le moment, il ne le fait pas. Cette loi devrait s'appliquer à toutes les espèces qui traversent les frontières.

L'Association du barreau canadien a confirmé que le gouvernement fédéral avait le pouvoir juridique absolu de protéger toutes les espèces, sans tenir compte des frontières politiques. S'il le faisait, il protégerait 20 p. 100 d'espèces en plus et notre système de protection national serait mis en oeuvre et coordonné de façon plus efficace.

Il serait totalement inefficace qu'une entreprise comme Le Body Shop ait un réseau de fabrication, d'étiquetage et de remplissage indépendant pour chacun de ses 45 marchés; ce serait un gaspillage de ressources. Le gouvernement gaspillera ses ressources et ses capacités s'il élabore un programme pour protéger une espèce en péril et si cette espèce se trouve menacée par l'absence de lois similaires lorsqu'elle traverse une frontière provinciale ou nationale. Une espèce animale ne voit pas sa situation biologique changer lorsqu'elle traverse une frontière. Elle risque d'être encore plus menacée.

C'est une bonne chose que le gouvernement fédéral ait donné suite à son engagement de légiférer pour protéger les espèces en péril. C'est une bonne chose pour les espèces en question, pour les Canadiens, pour le commerce et pour l'ensemble de la communauté internationale. Il faut que le gouvernement fédéral établisse des normes de protection élevées dans le cadre de cette loi. Une fois ces normes établies, nous aurons tous la possibilité et la responsabilité d'atteindre ces normes.

Le Body Shop met en présence les principales parties prenantes. Pour notre campagne en faveur des espèces en péril, nous avons réuni le public et les groupes environnementaux et nous avons donné au public l'occasion de rencontrer le gouvernement. Vous ne pouviez évidemment pas recevoir aujourd'hui 75 000 Canadiens, mais nous sommes en mesure de parler en leur nom et de vous faire valoir leurs préoccupations.

De nombreuses autres entreprises commerciales seraient prêtes à participer à ce genre d'initiative. Elles possèdent les ressources et le savoir-faire voulus et elles ont accès au grand public. Ce genre de partenariat améliore grandement nos chances de succès, mais il nous faut d'abord un cadre législatif, des normes et des objectifs.

Le Body Shop espère pouvoir continuer cette action commune pour répondre aux besoins d'aujourd'hui tout en assurant la protection de nos précieuses ressources pour l'avenir. Notre entreprise fait ce qu'elle peut pour répondre à ces besoins, pour participer à cette action et pour permettre à ses clients d'avoir voix au chapitre. Nous demandons maintenant à votre comité et au gouvernement fédéral d'en faire autant.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. C'était très intéressant.

Voulez-vous la parole, monsieur Findlay?

Scott Findlay (professeur, faculté des sciences biologiques, Université d'Ottawa): Je suis Scott Findlay. Je suis professeur de biologie à l'Université d'Ottawa. Mon champ de compétence comprend la biologie de la conservation, l'évaluation des risques écologiques, l'évaluation des effets de l'activité humaine sur la structure et la fonction des écosystèmes et l'économie écologique.

Je suis directeur associé de l'Institut de recherche sur l'environnement et l'économie de l'Université d'Ottawa. Cet institut cherche à évaluer et à établir des stratégies pour un développement économique et écologiquement durable. Certaines de mes observations d'aujourd'hui se rapporteront davantage à des questions d'économie écologique qu'à la biologie de la conservation, mais je vais essayer d'aborder les deux sujets, toutefois pas simultanément.

Selon moi, la loi proposée représente un pas important vers la protection des espèces en péril au Canada. C'est une mesure législative qui se faisait attendre depuis longtemps. Cela dit, le projet de loi me paraît insatisfaisant dans un certain nombre de domaines et, si on n'y remédie pas, j'ai bien peur que la loi n'atteigne pas ses objectifs.

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En particulier, je crains que, sous sa forme actuelle, la loi n'atténue pas suffisamment les risques pour assurer la protection des espèces en péril et surtout, pour faire en sorte que de nouvelles espèces ne viennent pas s'ajouter à la liste.

Je vais aborder quatre questions différentes. Ma collègue a déjà fait allusion à plusieurs d'entre elles. La première est celle de l'inscription des espèces en péril. La deuxième concerne la protection et la conservation de l'habitat et les chances de succès d'un programme de rétablissement des espèces en voie de disparition. La troisième, dont nous sommes tous très conscients, je pense, est la question des champs de compétence. C'est un domaine qui m'intéresse particulièrement.

Depuis trois ans, j'ai travaillé à un plan de rétablissement pour la région de Cornwall-Massena désignée par la Commission mixte internationale. Cette région soulève d'énormes problèmes de compétence. C'est une frontière binationale. En fait, elle est trinationale étant donné la présence de la nation mohawk d'Akwesasne. Vous avez donc à la fois les provinces, les États et les municipalités. Je me suis rendu compte, dans le cadre de ce processus, que ces questions de compétence étaient extrêmement importantes pour assurer le succès d'un plan d'action.

Si vous le permettez, j'aimerais me servir d'une métaphore pour illustrer certains des concepts que je vais aborder. Cette métaphore est empruntée à plusieurs cultures indigènes du Canada et d'ailleurs. Je veux parler du concept de la chaîne. Je n'ai pas apporté de chaîne de métal aujourd'hui, parce que je craignais que les services de sécurité ne me laissent pas passer, mais j'ai une chaîne de papier. Chaque maillon de la chaîne représente un élément de l'environnement nécessaire à la survie d'une espèce. Toute activité qui affaiblit un maillon de la chaîne pose un risque pour l'espèce en question. À l'inverse, toute activité humaine qui renforce les maillons faibles, et c'est ce que nous essayons de faire avec cette loi, atténue les risques pour l'espèce.

Compte tenu de cette métaphore, passons au premier problème, celui de l'inscription sur la liste des espèces en péril. Comme ma collègue l'a souligné, la désignation des espèces se fonde sur les recommandations du COSEPAC. Néanmoins, la décision ultime d'inscrire ou non une espèce sur la liste revient au gouverneur en conseil. En principe, il est possible que le gouverneur en conseil ne veuille pas inscrire sur la liste des espèces désignées par le COSEPAC ou vice versa.

À mon avis, ce genre de situation ne peut se produire qu'en cas de désaccord entre le gouverneur en conseil et le COSEPAC quant au risque évalué ou ce qui constitue un risque acceptable. En évaluation des risques, ce qui est l'un de mes champs de spécialisation, il faut établir une distinction entre les deux.

Pour ce qui est du risque évalué, je suppose que le gouverneur en conseil se fierait au jugement des experts plutôt qu'au sien pour décider de ce qui constitue un risque véritable pour une espèce. Par conséquent, le véritable problème est de s'entendre sur ce qui constitue un risque acceptable et, à cet égard, le gouverneur en conseil peut ne pas être du même avis que le COSEPAC.

La notion de risque acceptable est une question de norme et non pas une question scientifique. Cela dépasse le cadre de la science. L'évaluation des risques est une question scientifique, mais pas la définition du risque acceptable. Cela dit, il est important de ne pas laisser la notion de risque acceptable dépendre des caprices de la politique. Et selon moi, il est important de prévoir des garanties dans la loi pour éviter que cela ne se produise. Dans mon mémoire, je fais une suggestion à cet égard, mais je ne veux pas aborder la question maintenant. Je tenais seulement à souligner que c'est là un aspect important.

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Le président: Vous pourriez aussi bien le faire maintenant.

M. Findlay: Dans ce cas, je suggérerais de modifier l'article 31 de façon à ce que le gouverneur en conseil puisse modifier la liste des espèces sauvages en péril uniquement s'il est d'abord démontré que le risque évalué par le COSEPAC est plus faible que le niveau de risque jugé acceptable ou, inversement, s'il décide d'inscrire des espèces que le COSEPAC n'a pas désignées. Une autre solution consiste à éliminer entièrement l'article 31 afin que le COSEPAC soit seul chargé de dresser la liste des espèces sauvages en péril.

La deuxième question concerne la protection de l'habitat. Comme ma collègue l'a souligné, sous sa forme actuelle, le projet de loi protège seulement la «résidence», à l'article 32 et la protection de «l'habitat essentiel» n'est assurée autrement qu'à l'article 34, c'est-à-dire dans le cadre des arrêtés d'urgence.

À mon avis, la véritable valeur de l'article 32 dépend surtout de la définition de la résidence, laquelle n'est pas donnée dans le projet de loi. Aux yeux du profane, l'habitat d'une espèce est généralement l'habitat dans lequel elle se reproduit, mais pour de nombreuses espèces, et peut-être même la majorité d'entre elles, les habitats de reproduction ne représentent qu'un des maillons de la chaîne.

De nombreux poissons, par exemple, frayent dans un habitat, élèvent leurs jeunes dans un autre habitat, se nourrissent dans un habitat différent et passent l'hiver dans un habitat encore différent. C'est la même chose pour de nombreux reptiles, oiseaux et amphibiens. Chacun de ces habitats représente donc un maillon de la chaîne. Si l'un des maillons est rompu, la chaîne est brisée et l'espèce disparaît.

Le concept de l'habitat essentiel est encore plus problématique, selon moi, car il laisse entendre qu'il existe un habitat non essentiel. Autrement dit, des aires utilisées par une espèce font partie de son habitat, mais sans être importantes pour sa survie.

En tant que chercheur, je peux affirmer sans nul doute qu'il est pratiquement impossible de démontrer qu'un habitat est important pour une espèce tandis qu'un autre ne l'est pas. Le mieux que nous puissions faire est d'étudier l'éventail d'habitats utilisés par chaque espèce et d'essayer de documenter ces habitats. Avec un peu de chance, nous pourrons peut-être évaluer, par exemple, le temps qu'une espèce passe dans un habitat par rapport à un autre. Il est extrêmement difficile de déterminer quel habitat est important et lequel ne l'est pas.

Par conséquent, comme il n'est pas possible de délimiter les habitats essentiels, du moins dans ce sens, cela ne devrait pas figurer dans la loi.

Une solution serait de définir l'habitat essentiel comme tout habitat menacé qui est utilisé par une espèce en péril. Autrement dit, si un habitat est menacé, l'espèce l'est également. Selon cette définition, l'habitat essentiel d'une espèce évoluera avec le temps, au fur et à mesure qu'évolueront l'activité humaine et l'environnement.

Pour en revenir à l'exemple de la chaîne, nous pouvons considérer l'habitat essentiel d'une espèce, à un moment donné, comme les maillons affaiblis par les activités humaines, étant donné que les maillons ne sont pas tous faibles et que la résistance de chaque maillon évolue avec le temps.

Je suggère donc de réviser l'article 32 de façon à ce que ses dispositions s'appliquent à tous les habitats utilisés par les espèces en voie de disparition ou menacées.

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Troisièmement, pour ce qui est des champs de compétence, sous sa forme actuelle, le projet de loi ne vise explicitement que les espèces qui se trouvent, ou dont l'habitat se trouve sur le territoire domanial. Si j'ai bien interprété ses dispositions - ce qui est assez difficile - le projet de loi ne s'appliquera pas aux espèces qui se trouvent uniquement sur les terres provinciales et les mesures de protection que prévoient les articles 31 à 34 ne seront prises que sur les terres fédérales.

Personnellement, je crois que cela soulève trois questions importantes. Premièrement, comme ma collègue l'a souligné, du point de vue écologique, les champs de compétence politique ne devraient pas entrer en ligne de compte. Si un des maillons très faibles de la chaîne se trouve sur des terres provinciales, un renforcement diligent et consciencieux des maillons se trouvant sur les terres fédérales ne fera pas grand-chose pour améliorer les chances de survie d'une espèce et ces efforts seront même gaspillés. Par les temps qui courent, nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller nos efforts.

Deuxièmement, il ne faut pas espérer que davantage d'instances régionales, surtout les gouvernements provinciaux, renforceront leurs maillons, c'est-à-dire ceux qui se trouvent sur leur territoire ou auxquels s'étend leur champ de compétence, non pas parce que les gouvernements provinciaux n'en ont pas le désir, mais à cause de problèmes d'échelle. Par exemple, prenez deux provinces qui partagent un maillon, mais qui à cause d'une myopie inhérente à la limitation de leur champ de compétence ne voient que l'élément du maillon qui se trouve sur leur territoire. Chacune peut décider de laisser s'affaiblir un peu l'élément du maillon qui se trouve chez elle, car à ses yeux, l'ensemble restera suffisamment fort pour absorber la charge. Mais comme ni l'une ni l'autre ne voit la totalité du maillon, ni l'une ni l'autre ne peut évaluer les risques que ses propres activités présentent pour l'intégrité de l'ensemble du maillon. On voit alors le maillon se rompre et l'espèce disparaître. L'histoire de la gestion environnementale abonde d'exemples de ce que l'on appelle «la tyrannie des petites décisions».

Troisièmement, et c'est un aspect qui m'intéresse particulièrement, il y a la question de l'équité sociale. Si l'on a présenté un projet de loi comme celui-ci, c'est parce que la majorité des Canadiens considèrent les espèces en péril comme un bien public, une chose qu'il faut préserver dans l'intérêt non seulement de la population actuelle, mais des générations futures. Il s'agit, bien entendu, d'établir qui doit payer pour ce bien. Dans une certaine mesure, nous payons tous étant donné que les ressources fédérales vont servir à mettre en place et à superviser des programmes de rétablissement des espèces. Néanmoins, certaines personnes auront un prix supplémentaire à payer en ce sens qu'elles perdront des activités récréatives ou économiques auxquelles elles pourraient autrement se livrer sur le territoire domanial.

Cependant, étant donné le libellé actuel du projet de loi, ces possibilités ne seront peut-être pas perdues sur les terres provinciales, même si ce genre d'activités menacent sérieusement l'objectif global qui est la préservation de l'intérêt public. Par conséquent, non seulement ces personnes que je désignerais comme le «groupe d'usagers des terres fédérales» assument la part du lion du coût réel de la préservation de l'intérêt public, mais elles doivent le faire en sachant que leurs efforts risquent d'être sapés par les usagers des terres provinciales, lesquelles n'assumeront aucun de ces coûts.

Autrement dit, ce projet de loi fait assumer le coût à payer pour préserver la chaîne d'abord et avant tout par ceux dont les activités risquent d'affaiblir des maillons ou des parties de maillons de la chaîne situés sur les terres fédérales, tandis que ceux dont les activités peuvent compromettre l'intégrité des maillons situés sur les terres provinciales n'ont rien à payer. Du point de vue de l'équité sociale, cela me semble plutôt injuste. Je suggère donc que les articles 30 à 32, les règlements pris en vertu de l'article 42 et les arrêtés d'urgence s'appliquent à tout le territoire, sans distinction, et pas seulement aux espèces ou aux habitats qui se trouvent sur les terres fédérales.

Le président: Merci, professeur Findlay.

Ce que vous appelez une «myopie inhérente à la limitation du champ de compétence» est chose courante dans la Constitution canadienne; vous comprendrez donc pourquoi notre comité se trouve chargé d'une tâche assez difficile.

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Professeur Montevecchi, s'il vous plaît.

M. Montevecchi: J'ai quelques diapositives. Puis-je vous les présenter?

Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner. Je m'appelle Bill Montevecchi. Je suis professeur à l'Université Memorial, de Terre-Neuve. Je dirige un programme de biopsychologie centrée sur l'écologie du comportement et le comportement animal. Je dirige l'équipe de rétablissement du canard arlequin au Canada, ce qui explique mon intérêt pour la Loi sur les espèces en péril.

J'ai travaillé par le passé avec le professeur Findlay et je travaille maintenant avec lui à une lettre que nous faisons circuler dans l'ensemble du pays. Elle est signée par des biologistes, des physiciens et des environnementalistes et elle aborde certains des problèmes dont vous avez déjà entendu parler et sur lesquels je vais revenir. Cette lettre sera adressée au premier ministre. Je vais essayer d'examiner ces questions maintenant.

Après avoir écouté les deux autres témoins, le comité va sans doute entendre de nombreuses répétitions. C'est probablement une bonne chose, car il y a certaines questions cruciales qu'il est possible de régler pour rendre la loi plus efficace.

J'aborderai seulement quelques problèmes, et les questions qui ont été soulevées ce matin sont peu nombreuses, mais leur importance semble essentielle. Les quatre questions que j'examinerai maintenant sont celles dont nous venons d'entendre parler. J'aborderai, sous un angle légèrement différent, la protection de l'habitat et les ramifications de cette question. Deuxièmement, il y a le problème des espèces transfrontalières qui se déplacent d'une province à l'autre. Troisièmement, il y a le dérangement, qui n'est pas vraiment inclus. Nous avons prévu une protection contre ceux qui pourraient tuer les animaux ou leur faire du mal, mais pas pour ceux qui les dérangent. C'est essentiel pour les espèces en péril.

Le dernier aspect, le plus important à mes yeux en tant que scientifique, est la désignation des espèces qui est faite par les chercheurs, en fonction de l'information scientifique, même si la mise en oeuvre sera faite bien entendu par le gouvernement. Si nous ne prenons pas les décisions sur cette base, c'est-à-dire en fonction de l'information que nous possédons, je ne sais pas trop en fonction de quel critère nous pourrons le faire. Cela me paraît essentiel et j'essaierai d'aborder toutes ces questions brièvement.

D'abord et avant tout, en tant que chercheurs canadiens, nous considérons qu'il s'agit là d'une interaction positive et constructive. Nous sommes là pour apporter notre aide et non pas pour dresser des obstacles. Notre but est de rendre ce projet de loi plus efficace qu'il ne l'est sous sa forme actuelle et, dans certains cas, légèrement plus efficace que ne l'était sa première version de 1995. Quelques modifications ont affaibli cette mesure.

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D'autre part, il faut voir là une possibilité pour le Canada. Notre pays a une possibilité formidable de jouer le rôle de chef de file mondial pour toutes ces questions. Je le dis sérieusement, car la plupart des pays...

Le président: Veuillez entrer dans le vif du sujet. Si vous faites durer votre exposé trop longtemps, cela raccourcira la période de questions.

M. Montevecchi: D'accord.

Je crois que nous avons, au Canada, l'occasion de protéger les espèces en péril des autres pays, que ces derniers aient ou non une loi. Ils n'ont pas les mêmes possibilités que nous. Voilà pourquoi je suis ici.

La principale menace qui pèse sur les espèces en péril est ce qui compromet leur habitat. Nous avons entendu dire, jusqu'ici, que la principale mesure que nous pouvons prendre pour protéger ces espèces consiste à protéger leur habitat.

Le projet de loi C-65 protège l'habitat des espèces en voie de disparition sur le territoire domanial. Cela représente environ 5 p. 100 du territoire canadien. Ce n'est pas suffisant pour protéger les espèces en péril. Nous devons protéger leur habitat ailleurs que sur les terres fédérales. Le territoire domanial n'est pas suffisamment vaste.

Voici une carte de la partie insulaire de Terre-Neuve, d'où je viens. Nous considérons Terre-Neuve comme l'un des endroits sans doute les plus sauvages du pays. Les zones blanches sur la carte représentent les forêts non exploitées. Cette carte a été établie aux environs de 1990. Ces points blancs ont énormément diminué depuis. Ils ne sont pas très nombreux sur la carte. C'est le genre d'habitat dont a besoin la martre des pins, une espèce en voie de disparition. Si vous regardez combien il y a de ces points blancs sur le territoire domanial, le parc national de Gros Morne et le parc national Terra-Nova représentent sans doute environ 5 p. 100 de ces points blancs. Ce ne sera donc pas suffisant.

Pour le moment, dans l'ouest de la province, où vous verrez la plus forte concentration de points blancs, on est en train d'aménager, à un endroit appelé Star Lake, un petit barrage qui produira 12 mégawatts d'électricité. Cela va menacer la martre des pins de ce secteur. Le projet de loi C-65 ne prévoit rien pour protéger cette espèce.

Si vous prenez la question de la protection de l'habitat à plus grande échelle, il s'agit en fait de renoncer à la gestion d'une espèce unique. Par nécessité, la nature même de la Loi sur les espèces en péril vise à gérer les crises. Si l'on cherche à protéger l'habitat en prenant l'écosystème dans son ensemble, il est possible de faire un certain nombre de choses en même temps.

Le Canada s'est engagé, dans le cadre de la Convention des Nations Unies, à protéger la biodiversité. Si l'on aborde le problème des espèces en péril du point de vue de l'habitat, on contribue largement à protéger la biodiversité de même que les espèces en voie de disparition. On passe de la gestion d'une espèce unique à la gestion de l'écosystème. C'est vraiment important.

Ce que les Canadiens veulent protéger, ce sont les écosystèmes naturels. Nous voulons les protéger parce que nous ne les comprenons pas. En tant que scientifique, je peux vous parler des choses que je connais, mais je pourrais en dire beaucoup plus sur les choses que je ne connais pas. Nous ignorons comment ces systèmes fonctionnent. Si nous pouvons nous servir de la Loi sur les espèces en péril pour protéger les écosystèmes, il faut que nous le fassions. Vous avez la possibilité de le faire.

Dans la région de l'Atlantique, nous avons assisté à la gestion d'une espèce unique, soit la morue, et nous savons maintenant que ce type de gestion n'est pas très efficace. La protection de l'habitat offre des possibilités bien réelles, car la Loi sur les espèces en péril est une gestion de crise. En abordant le problème du point de vue de la protection de l'habitat, vous pouvez prendre des mesures proactives et préventives plutôt que curatives. Le seul moyen d'y parvenir est de protéger l'habitat. Vous pouvez aborder le problème de façon préventive au lieu de réagir simplement face à une crise. Vous pouvez essayer de prévenir la crise. Vous en avez la possibilité.

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La protection des espèces transfrontalières: cela semble important. À Terre-Neuve, nous dépendons beaucoup... Si je vivais dans une autre province, un territoire, une réserve autochtone ou ailleurs, je constaterais certainement l'utilité qu'une loi canadienne peut avoir pour protéger une bonne partie de la faune et du patrimoine naturel de notre pays. Cette question des espèces transfrontalières, dont on vous a déjà parlé ce matin, est d'une importance cruciale.

Le Canada est le seul endroit où les animaux qui se déplacent d'une province à l'autre entrent dans des champs de compétence différents et je crois absolument essentiel d'y remédier dans ce projet de loi. Si cette initiative est compartimentée entre les provinces, elle ne donnera pas les résultats escomptés. Nous sommes très conscients des conflits entre les provinces ou entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Ce débat ne date pas d'hier.

Avec une loi sur la protection des espèces en péril, il n'y a pas vraiment de conflit ni de confusion. Le consensus est clair: le tout est plus grand que la somme de ses parties et il est nécessaire de protéger, au niveau canadien, les espèces en péril qui traversent les frontières provinciales. J'espère que vous agirez de ce côté-là.

Le projet de loi protège les espèces en péril contre le risque de se faire tuer ou blesser. Nous pourrions abattre tous les vieux peuplements forestiers de Terre-Neuve et faire disparaître toutes les martres des pins sans jamais en tuer une seule directement si nous ne protégeons pas leur habitat. Mais surtout, aucune disposition ne protège les espèces contre le dérangement, ce qui est d'une importance cruciale. Il y a toutes sortes de sources de dérangement pour les espèces en péril du Canada, que ce soit l'écotourisme, les barrages hydroélectriques, les vols à faible altitude au Labrador où des avions à réaction passent juste au- dessus des canards arlequins et des faucons pèlerins. J'ai l'impression qu'il faut renforcer la loi pour protéger les espèces en voie de disparition contre ces dérangements.

Enfin, la dernière question que j'aborderai en tant que chercheur me paraît essentielle... et je ne pense absolument pas que les scientifiques cherchent à imposer leur volonté. Ils doivent essayer de vous montrer à quel point nous sommes ignorants à propos de la plupart de ces choses. Nous nous efforçons seulement de réduire l'incertitude en ce qui concerne les rapports environnementaux, les rapports entre les espèces en péril et leur environnement. Il ne s'agit donc pas d'imposer quoi que ce soit. Selon moi, la possibilité d'intervenir est très claire.

Nous devons agir à partir de l'information scientifique disponible. Autrement, l'intégrité de cette initiative sera totalement compromise. Cela ne veut pas dire que vous ne tiendriez pas compte des renseignements scientifiques. Je veux dire que la liste doit être établie en fonction des données scientifiques disponibles.

Trop souvent, on reproche aux scientifiques de ne pas donner de bonnes réponses au sujet de la morue et des questions de ce genre. En général, même quand ils le font, leurs réponses ne sont pas nécessairement retenues. Une analyse scientifique doit être transparente. Elle doit être ouverte à tous. Elle doit être claire. Nous devons agir en fonction des meilleures preuves disponibles. Je m'inquiète donc de voir que cette désignation ne sera pas faite à partir des recommandations du COSEPAC, un organisme scientifique qui, s'il a le moindre préjugé, penchera du côté de l'environnement, du côté des espèces en péril, en se basant sur l'information présentée. Selon moi, c'est sur cette base qu'il faut dresser la liste.

Je ne vois aucun autre moyen de procéder. À dire vrai, je ne vois aucune autre base crédible. Je suppose qu'il y en a d'autres, mais je n'en vois pas.

Je pourrais vous donner un exemple. Vous savez sans doute qu'aux États-Unis il y a un Congrès républicain. Ce Congrès a récemment imposé un moratoire sur la désignation des espèces en péril. C'est une stratégie incroyablement arrogante à mes yeux. Il est déjà arrogant, de la part de l'humanité, de se livrer à tout cet exercice, mais quand on prend de telles mesures... Que faut-il en conclure? L'environnement n'a pas cessé de se dégrader. L'évolution ne s'est pas arrêtée. Les processus écologiques non plus. Mais le Congrès républicain a décidé d'imposer un moratoire sur la désignation des espèces en péril.

C'est là que je vois un danger. Ces désignations doivent être faites par des scientifiques, c'est à eux de se pencher sur ces problèmes, des problèmes bien réels.

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Quand nous parlons des espèces en péril, nous pensons surtout à notre propre espèce. Si des espèces disparaissent de la surface du globe, à cause de nos actes, nous en sommes responsables. Mais nous allons surtout en payer le prix à long terme, car cela nous touche aussi. Ce phénomène sera de plus en plus évident au fil des années.

Je pourrais conclure en disant qu'à cause de l'ignorance dont j'ai parlé, la meilleure approche scientifique doit être une approche prudente. Nous devrions toujours protéger plus que le minimum indispensable. D'autre part, comme c'est une question que nous semblons devoir considérer à chaque fois, du moins à Terre- Neuve, il ne s'agit pas de protéger les espèces ou l'environnement aux dépens des droits des provinces, des emplois, de l'économie ou du développement. En fait, il s'agit d'un investissement. C'est un investissement à long terme dans le Canada. C'est un investissement à long terme dans la richesse naturelle du Canada et la richesse de ses provinces et territoires.

Je vais vous présenter ma dernière diapositive. C'est un oiseau dont l'espèce abondait à Terre-Neuve. Il a maintenant disparu. Il annonçait les Grands Bancs pour les pêcheurs basques qui fréquentaient cette région. C'est le crâne d'un grand pingouin (grand pingouin). Cet oiseau a disparu. Nous sommes responsables de son extinction. Nous l'avons fait il n'y a pas si longtemps.

Je terminerai en citant les paroles d'un biologiste et naturaliste marin. Il n'a jamais vu de grand pingouin, mais voici ce que l'extinction d'une espèce signifie à ses yeux:

C'est ce que veut dire l'extinction: un autre paradis et une autre terre.

Merci beaucoup. Bonne chance.

Le président: Merci, professeur Montevecchi.

Ne vous sentez pas coupable quant aux avis formulés par la communauté scientifique au sujet de la morue, étant donné qu'un de vos éminents collègues de l'Université Memorial a donné d'excellents conseils au gouvernement canadien, en février 1980, quant à la nécessité d'imposer un moratoire. Je veux parler de Leslie Harris. Cette recommandation de la communauté scientifique s'est révélée non seulement exacte, mais tout à fait opportune. Vous n'avez donc pas à en faire un complexe d'infériorité ou de culpabilité. Je tenais à vous rassurer sur ce point.

M. Montevecchi: Merci.

Le président: Passons maintenant aux questions.

[Français]

Madame Guay, s'il vous plaît.

Mme Guay (Laurentides): J'aimerais d'abord féliciter les témoins pour leur intervention.

.0925

J'ai beaucoup de sympathie pour The Body Shop. Je pense que vous avez été très avant-gardistes dans vos politiques pour la protection des espèces et des animaux.

Il est sûr qu'un projet de loi fait surgir des commentaires dans tous les sens. Certains sont entièrement contre et d'autres sont pour, tandis que certains autres trouvent que le projet de loi n'a pas assez de mordant. Ce n'est pas évident et ce n'est pas facile de faire un projet de loi sur les espèces menacées. On doit tenir compte du fait que quatre provinces canadiennes ont déjà adopté des lois sur la protection des espèces menacées.

Vous disiez plus tôt qu'il n'y avait pas de liste d'animaux protégés. Au Québec, une telle une liste a déjà été préparée. Il y a deux semaines, le ministre de l'Environnement a déposé une liste d'animaux qui doivent être protégés. C'est une obligation. Je crois qu'à cet égard, il y a quand même un côté avant-gardiste.

Je suis d'accord avec vous sur la question de l'habitat essentiel dont vous parliez. Bien que je ne me souvienne pas de la formulation que vous aviez utilisée, on ne peut parler uniquement d'habitat. On doit parler d'habitat essentiel. Il faudrait modifier le projet de loi en conséquence.

Il faudra toutefois faire confiance aux provinces pour l'application de leurs propres lois. Si on vient chevaucher ce qui existe déjà, on n'arrivera jamais à une entente. On doit aussi tenir compte de l'entente qui a été signée à Charlottetown il y a quelques mois entre le ministre fédéral de l'Environnement et ses homologues provinciaux. Le ministre fédéral de l'Environnement promettait aux provinces de ne pas créer de nouveaux chevauchements.

Je comprends très bien que les environnementalistes soient en faveur des chevauchements. Toutefois, sur le plan politique, la présence de chevauchements se traduit bien souvent par des situations où on met davantage à risque l'environnement. Il faut donc faire confiance à la communication entre les différents paliers de gouvernement.

Il est dans l'intérêt de tous que les espèces menacées soient protégées. Vous disiez plus tôt que ce n'était pas au COSEPAC de prendre des décisions. Ce comité ne regroupe pas que des gens du monde politique, mais aussi des scientifiques, des chercheurs et toutes sortes de personnes qui, à mon avis, sont qualifiées pour prendre des décisions.

C'est davantage un commentaire qu'une question. J'ai trouvé vos interventions intéressantes. Je vous encourage à continuer votre travail parce que sans vous, cette question serait peut-être laissée de côté. Quand on regarde la situation actuelle et l'économie, l'environnement prend un peu le bord. Il faut faire attention à tous ces éléments, tout en respectant le côté politique. C'est tout, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Guay.

[Traduction]

Monsieur Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci beaucoup.

On a mentionné tout à l'heure l'importance de l'habitat essentiel. Puis quelqu'un a dit que l'habitat essentiel est un concept qui ne peut pas être mis en pratique. Je me demande si vous pourriez nous en parler davantage étant donné que de nombreux témoins nous ont dit que, pour préserver les espèces en péril, il fallait avant tout pouvoir préserver leur habitat essentiel, plutôt que les nids et tout le reste.

Pourriez-vous nous expliquer davantage si «l'habitat essentiel» est un concept applicable? Il s'agit certainement de la zone de démarcation où il y a interaction et opposition entre les intérêts biologiques des espèces et les activités socio-économiques. C'est là que les politiques et les scientifiques risquent de s'affronter, étant donné que nous avons des priorités concurrentes en ce qui concerne l'utilisation des terres, le mode de vie, et ainsi de suite.

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Hier, par exemple, on nous a dit que de nombreuses routes qui avaient été ouvertes en Colombie-Britannique devraient être tout simplement fermées pour préserver l'habitat essentiel du grizzly, par exemple. Cela suscite tout un débat au niveau local quant à savoir si l'accès à une localité devra se faire par le long chemin qui contourne la montagne ou par le raccourci.

Alors peut-être pourriez-vous approfondir un peu la question de l'habitat essentiel.

M. Findlay: Avec grand plaisir.

Du point de vue purement scientifique, si vous me posez la question, dans toutes les régions où l'on retrouve une espèce d'un bout à l'autre de son cycle de vie, les régions géographiques habitées par une espèce, il est très difficile de dire quelles sont les zones nécessaires à la survie et à la persistance de l'espèce en question. Comme je l'ai dit, en tant que chercheurs, nous pouvons énumérer les séries d'habitats où se trouve cette espèce et l'usage qu'elle en fait. Mais quant à savoir quels sont les habitats nécessaires et essentiels à sa survie, c'est très difficile à dire.

Étant donné ce problème, si vous voulez parler de l'habitat essentiel, vous devriez plutôt parler de l'éventail d'habitats dans les aires où l'on trouve une espèce donnée. Autrement dit, tout est essentiel. Autrement, vous laissez logiquement entendre que certaines aires où se trouve une espèce ne sont pas nécessaires à sa survie; et c'est extrêmement difficile à déterminer de façon scientifique.

Je suis donc parfaitement conscient du fait que l'utilisation des terres peut entrer en conflit avec la persistance et la survie d'une espèce. Là où je ne suis pas d'accord c'est que le libellé actuel de la loi permet parfaitement aux partisans du développement de se servir du concept de l'habitat essentiel pour dire qu'il ne s'agit pas d'un habitat essentiel. C'est ce qui limite la portée du projet de loi.

Vous pouvez donc éliminer le mot «essentiel», en ce qui me concerne. Il suffit d'indiquer «l'habitat d'une espèce».

M. Forseth: Si je suis le même raisonnement, la terre, en tant que vaisseau spatial mondial qui navigue dans le système solaire, constitue un habitat essentiel. Nous ne devons donc jamais quitter notre fauteuil ou faire quoi que ce soit.

Prenons un exemple local, en Ontario, où il y a des contestations à propos de l'habitat essentiel de la pie-grièche migratrice de l'Ontario. Pourriez-vous me dire quel est l'habitat essentiel de cet oiseau?

M. Findlay: Vous pouvez faire un relevé des divers habitats utilisés par cette espèce et, en principe, il y aura une série d'habitats qu'elle n'utilise pas. Si vous vous intéressez particulièrement à la pie-grièche migratrice, vous pouvez faire valoir que les habitats qui ne sont pas utilisés par cette espèce ne font pas partie de son habitat.

On fait ici une distinction entre l'habitat d'une espèce et son habitat essentiel. Personnellement, je ne vois pas de différence entre les deux. Les aires où se trouve une espèce, quelles que soient les activités auxquelles elle s'y livre, font partie de l'habitat essentiel de l'espèce en question. Tous les habitats d'une espèce en voie de disparition sont essentiels. Il y a des aires qui ne sont peut-être pas utilisées par cette espèce et, dans ce cas, elles ne font pas partie de son habitat.

M. Forseth: Vous mettez en lumière la principale faiblesse de la loi, en ce sens que nous allons prendre des décisions fondées sur la science alors que, selon vous, la science ne peut pas nous dire ce qui constitue vraiment un habitat essentiel. Nous allons donc simplement discuter ou négocier pour parvenir à un compromis politique, car aucune science ne peut être assez précise pour nous donner ce genre de réponses.

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M. Findlay: Non. Je vous dis que ce n'est pas une question scientifique. Le concept de l'habitat essentiel... Vous avez l'habitat d'une espèce, qui se compose des diverses aires qu'elle utilise et vous avez les autres aires qu'elle n'utilise pas. Toutes celles que l'espèce utilise font partie de son habitat, l'habitat essentiel à sa survie et à sa préservation.

Si vous employez l'expression «habitat essentiel» dans la loi, ceux qui voudront promouvoir des projets de développement contraires aux dispositions visant à minimiser ou à réduire les risques pour les espèces en péril diront qu'effectivement telle espèce se trouve dans tel habitat, mais ce n'est pas un habitat essentiel.

M. Forseth: Mais dès que la pie-grièche migratrice se perche sur un arbre, c'est son habitat essentiel. Si une photographie peut montrer que l'oiseau se trouve là, aucune autre justification n'est nécessaire.

M. Findlay: Non. Là non plus, je ne suis pas d'accord. Et Bill vous dira que les écologistes du comportement passent énormément de temps à documenter l'utilisation que les diverses espèces font de certains types d'habitats.

J'ai fait une étude de l'esturgeon de la rivière Saskatchewan qui, comme vous le savez sans doute, est une espèce vulnérable. Nous voulons documenter le genre d'habitat dans lequel se déroule le cycle de vie de l'esturgeon, y compris les habitats où il fraye, ceux où il pond, ceux où le couvain est élevé, les habitats où il se nourrit et ceux où il passe l'hiver, car ils sont tous essentiels à la survie de l'espèce.

M. Forseth: Allez-y, monsieur Montevecchi.

M. Findlay: Absolument. Allez-y.

M. Montevecchi: Je tiens à ajouter que nous ne voulons pas obscurcir la situation. Ce n'est pas le rôle de la science, mais nous devons toujours mentionner que les choses sont complexes et qu'il ne faut pas chercher à trop les simplifier. Et je suis également d'accord avec la question que vous avez soulevée. C'est une énigme, comme l'a dit Scott.

Ma première diapositive montrait des points blancs représentant de vieux peuplements forestiers à Terre-Neuve. Il est assez clair que nous savons où se trouve l'habitat essentiel. Et il y a certainement un tas de cas de ce genre où nous pouvons le délimiter de façon très précise. Il arrivera aussi très souvent que nous ne puissions pas le faire.

M. Forseth: Merci, monsieur le président. Je vais céder la parole à mes collègues pour le prochain tour.

Le président: Vous pourrez revenir au deuxième tour.

Mme Kraft Sloan est la suivante, puis ce sera M. Steckle, suivi de M. Findlay.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci. Je m'excuse de mon retard. Il est toujours intéressant de devoir être partout à la fois.

Si j'ai bien compris, le Québec a une loi sur les espèces en péril depuis six ans environ et il y a à peu près 300 espèces en attente d'inscription. Mais comme Mme Guay l'a souligné, certaines espèces ont été inscrites récemment. En fait, environ neuf espèces de plantes ont été portées sur la liste et il y en a 300 en attente.

Connaissez-vous d'autres pays qui ont légiféré pour protéger les espèces en péril? Pourriez-vous nous dire comment ils établissent leur liste et quels sont les avantages et les inconvénients des différentes méthodes?

M. Findlay: Je regrette, mais je n'ai pas tout à fait compris la question. Parlez-vous du mécanisme selon lequel les espèces sont inscrites?

Mme Kraft Sloan: Oui, dans les autres instances gouvernementales.

M. Findlay: Au niveau international ou national?

Mme Kraft Sloan: International ou national.

M. Findlay: Les gouvernements provinciaux ont une méthode, comme mon collègue l'a souligné, pour déterminer quelles sont les espèces vulnérables, menacées ou en voie de disparition. C'est généralement le même genre de méthode, en ce sens qu'elle se base sur les données scientifiques accumulées et la désignation des espèces d'une de ces catégories. Nous avons donc une série d'espèces en Ontario, une autre série au Québec... c'est généralement le même genre de méthode.

Mme Kraft Sloan: Est-ce le COSEPAC qui dresse la liste ou est- ce le gouverneur en conseil?

M. Findlay: La désignation effective des...

Mme Kraft Sloan: Oui.

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M. Findlay: Le COSEPAC agit au niveau national. Il désigne une espèce et détermine si elle est disparue du pays, éteinte, vulnérable, menacée...

Mme Kraft Sloan: Très bien, mais qui l'inscrit sur la liste? Si j'ai bien compris, au Québec, c'est le gouvernement provincial qui prend cette décision.

M. Findlay: Oui, c'est une décision gouvernementale.

Mme Kraft Sloan: Y a-t-il des instances gouvernementales qui inscrivent automatiquement l'espèce sur la liste en suivant les recommandations du COSEPAC?

M. Findlay: Selon l'organisme scientifique qui détermine quelles sont les espèces à inscrire... Je n'en connais pas, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y en ait pas. Je ne suis pas particulièrement expert en la matière.

M. Montevecchi: C'est une excellente question. Je ne peux pas y répondre non plus, mais c'est un processus en deux étapes. La dernière fois, j'ai fait valoir que le COSEPAC provincial devrait avoir cette responsabilité. C'est évidemment un champ de responsabilité gouvernementale, si bien que l'adoption ou l'efficacité de la loi est, en fin de compte, une décision gouvernementale. C'est une excellente question. Peut-être y a-t-il de grandes possibilités de ce côté-là. Nous pourrions peut-être le faire.

À Terre-Neuve, nous n'avons pas de loi sur la protection des espèces en péril. Le mouvement commence tout juste à s'amorcer. Nous serions certainement prêts à faire ce genre de recommandation. Nous recommanderons que la désignation se fasse sur la foi des renseignements scientifiques disponibles. Là encore, il faut suivre tout un processus politique, mais ce serait une bonne chose.

Je ne sais pas comment cela fonctionne aux États-Unis. Je sais qu'ils peuvent simplement décider de ne pas désigner une espèce, car je crois qu'en fin de compte, les désignations sont politiques. C'est un exemple que j'ai essayé de souligner au Congrès des États- Unis.

Mme Kraft Sloan: Oui.

M. Montevecchi: C'est également curieux, car nous considérons souvent que la loi américaine est assez puissante et qu'elle donne de bons résultats.

Je ne vous ai pas encore remis mon mémoire, car je l'ai révisé ce matin, mais je vais certainement vérifier ce qu'il en est et l'inclure dans mon mémoire.

Mme Kraft Sloan: Merci.

Le président: Monsieur Steckle, s'il vous plaît.

M. Steckle (Huron - Bruce): Merci d'être venu ce matin. Je vous présente également mes excuses, car d'autres obligations m'ont empêché d'être là pour l'exposé du premier témoin, que j'aurais beaucoup aimé entendre.

Puis-je adresser cette question à vous trois? Une préoccupation ressort sans doute plus que les autres des témoignages que nous avons entendus ces derniers jours. C'est le fait que la loi n'accorde pas suffisamment d'importance à la protection de l'habitat. Êtes-vous d'accord, tous les trois, pour dire que c'est une des principales faiblesses de la loi? Je ne vous demande pas de répondre par l'affirmative, mais plutôt de me dire ce que vous en pensez?

Mme Kennedy: D'après ce que nous ont dit nos clients, la protection de l'habitat est très importante et indissociable de la protection des espèces en péril. Dans le cadre du travail que nous avons accompli au cours des années, nous avons certainement relié les espèces en péril à la protection de l'habitat. Il faut tenir compte de l'environnement.

Nous ne sommes pas des experts dans le domaine législatif, mais nous avons travaillé avec de nombreux organismes nationaux. Nous sommes des profanes, mais en lisant le projet de loi et en discutant avec vous, nous avons constaté qu'il s'agissait certainement d'un des principaux problèmes. William a souligné, je crois, que vous pouvez abattre tous les arbres sans faire directement du mal à une espèce, mais cette dernière ne survivra pas. C'est donc une dimension intrinsèque. Et c'est sans doute l'une des principales faiblesses de cette loi. Je pense que nos clients partagent le même avis.

M. Montevecchi: Ma réponse est oui. Mais je pense que nous avons là une possibilité d'agir au niveau législatif, car la loi sur les espèces en péril permet de relier les divers éléments. Le Canada s'est engagé, dans le cadre de la Convention des Nations Unies, à protéger la biodiversité. C'est la meilleure chose que nous puissions faire pour protéger les espèces en péril, mais pour protéger le processus naturel, que nous devons protéger parce que nous ne le comprenons pas très bien... De façon plus fondamentale, la protection de l'habitat rendrait la loi proactive et préventive plutôt que simplement réactive, comme c'est le cas sans disposition protégeant l'habitat.

M. Findlay: Je dirais oui, avec le problème des champs de compétence, car ce sont les deux... Si je devais classer les lacunes du projet de loi selon leur gravité, cet aspect et les limitations géographiques sont, à mon avis, les deux principales faiblesses de cette mesure et les deux questions qu'il faut régler en priorité.

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Si vous le permettez, monsieur le président, me laisserez- vous, à un moment donné, répondre à ce qui a été dit tout à l'heure au sujet des réalités politiques?

Le président: Faites-le maintenant.

M. Findlay: Excellent. Merci beaucoup.

Une des choses que vous apprenez quand vous étudiez le processus d'évolution est ce que l'on appelle la «redondance». Tous les systèmes biologiques ont une redondance intrinsèque, et cela pour une très bonne raison. C'est un mécanisme de protection en cas de mauvais fonctionnement. Nous avons donc des redondances fonctionnelles dans les systèmes biologiques.

Mon collègue ici présent disait tout à l'heure que nous voulions réduire les chevauchements. Je comprends très bien que la raison de tout cela n'est pas seulement la réalité constitutionnelle dont le président a parlé tout à l'heure, mais également le problème des ressources. Autrement dit, vous ne voulez pas dépenser des ressources à deux endroits, en faisant la même chose.

L'histoire de l'évolution nous apprend qu'une certaine redondance fonctionnelle est non seulement souhaitable, mais nécessaire. Je ne serais pas du tout d'accord...

Le président: Parce que?

M. Findlay: Parce que la redondance fonctionnelle, qui fait partie intégrante des systèmes, représente un mécanisme de secours. Si un mécanisme tombe en panne, vous en avez un autre qui prend la relève. C'est vrai pour pratiquement tous les systèmes biologiques évolutifs, ce qui est un modèle raisonnablement satisfaisant.

Je dirais que, dans l'intérêt public, auquel cette loi accorde beaucoup de valeur, nous ne pouvons pas prendre le risque d'avoir une loi qui ne permet pas de redondance fonctionnelle. L'histoire de la gestion et de la conservation de l'environnement à l'échelle mondiale montre que si vous confiez la protection des ressources naturelles aux autorités locales, à cause de la myopie dont elles font nécessairement preuve, vous courez au désastre. C'est ce que l'on appelle la tyrannie des petites décisions.

Le gouvernement fédéral a là une occasion d'éviter ce problème. Il lui incombe de le faire.

M. Steckle: Je voudrais poser une question au sujet de ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous avez fait allusion au fait que, lors de l'examen de 1995 et de l'élaboration de ce projet de loi, nous avons affaibli les dispositions de la loi. Pourriez-vous nous préciser votre pensée?

M. Montevecchi: C'est très intéressant, car c'est une question qui a déjà été soulevée au sujet du COSEPAC. C'est ce qu'a dit le Sierra Legal Defence Fund. C'est extrait de son interprétation juridique. C'est également l'avis émis par la coalition en faveur des espèces menacées d'extinction. Cette dernière affirme que l'avant-projet publié en août 1995 proposait d'inclure dans la liste des espèces en péril toutes les espèces désignées par le COSEPAC, ce qui répond à la question posée il y a un instant. Dans un certain sens, le projet de loi C-65 ne le fait plus.

Par conséquent, ce dont nous parlions figurait dans cette version antérieure du projet de loi. Toutes les espèces désignées par le COSEPAC seraient inscrites sur la liste des espèces en péril. Il en serait ainsi et il reviendrait au gouvernement de choisir la voie à suivre. Mais pour le moment, ces espèces ne seront pas nécessairement inscrites sur la liste. Il y a une autre étape à franchir.

C'est ce qu'a fait valoir le Sierra Legal Defence Fund. C'est un bon exemple et cela se rapporte directement à ce dont nous avons parlé, soit l'inscription sur la liste et la désignation.

M. Steckle: Comme nous parlons de Terre-Neuve, puis-je poser une autre question? Le pouvoir politique de Terre-Neuve est-il prêt à adopter une loi pour accompagner ce projet de loi?

M. Montevecchi: Je pense que oui. Je trouve toujours encourageant de travailler avec des gens à la protection de la faune, et même avec mes enfants, qui vivent là-bas. C'est très encourageant. Mais cela n'enlève rien à ce que Scott a dit tout à l'heure, quant à savoir que le tout est plus grand que la somme de ses parties et le Canada a certainement l'obligation d'agir le plus énergiquement possible.

Je sais que la Convention sur les oiseaux migrateurs représente une grande partie de cette protection. C'est un traité international. Il est sans doute encore plus influent qu'un traité canadien. Il n'aurait jamais donné de résultats si nous avions tenté de l'édifier morceau par morceau. Terre-Neuve ne faisait même pas partie de la Confédération quand ce traité a été adopté. Mais s'il avait fallu que Terre-Neuve se mette d'accord avec le Nouveau- Brunswick, avec l'Île-du-Prince-Édouard... ce traité ne se serait jamais matérialisé. Il fallait que le mouvement aille du haut vers le bas. Je sais que pour assurer au maximum la protection d'une espèce, certaines de ces questions de compétence doivent toujours se régler de cette façon. Je suis convaincu que Terre-Neuve fera de son mieux, mais elle a besoin de toute l'aide possible.

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Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à l'autre M. Finlay, sans «d».

M. Finlay (Oxford): Merci, monsieur le président. J'ai beaucoup apprécié ce que nous avons entendu ce matin.

Je voudrais vous poser deux questions en tant que praticien et spécialiste de l'écologie. Je voudrais savoir quelle est, selon vous, l'utilité ou l'importance des zoos et des jardins zoologiques et quelle leçon nous pouvons en tirer.

Le président: Monsieur Finlay, ce n'est pas dans le projet de loi, n'est-ce pas? Ou voyez-vous un rapport avec le projet de loi?

M. Finlay: Oui, on se livre à des expériences, dans des zoos du pays et du monde entier, en élevant des espèces en péril en captivité afin de les relâcher dans la nature. Nous parlons de l'habitat essentiel. Je suppose qu'un zoo peut offrir un habitat essentiel pour l'élevage. Il y a un tas d'autres habitats dont les animaux ont besoin, mais qui ne sont peut-être pas disponibles.

Quelle leçon pouvons-nous en tirer? Ce n'est pas tout le monde qui souhaite voir un grand pingouin ou qui se soucie de savoir s'il y en a déjà eu. Les chercheurs et les biologistes n'ont pas la même attitude. Nous nous intéressons à la diversité de la vie. Mais certaines personnes préfèrent regarder une partie de football que de faire du canoë, et c'est de cela dont Paul a parlé. Nous pourrions dire qu'effectivement nous voulons protéger les grizzlis, mais que nous ne pouvons leur accorder qu'une superficie de terrain limitée; il nous faut aussi des terrains de camping et...

M. Montevecchi: Quelle est votre question?

M. Finlay: Vous avez laissé entendre que la diversité était essentielle, que cela faisait partie de votre conception de la vie, si vous voulez. Vous avez mentionné le mot «évolution». Comment sensibiliser suffisamment les gens pour en faire un aspect important de la façon dont nous gérons la planète? Pouvons-nous citer un exemple de négligence de notre part qui a eu de graves conséquences et qui nous permettrait de dire que nous sommes tous touchés par le manque de biodiversité?

M. Montevecchi: Nous pourrions prendre l'exemple de la morue, dans l'ouest du pays. Le problème n'est pas vraiment différent. Il s'agit de notre interaction avec la faune de la planète. Si nous ne tenons pas compte de l'information scientifique, tout peut arriver. Les pêcheurs vous le confirmeront. À Terre-Neuve, nous pouvons récolter tous les vieux peuplements forestiers. Nous pouvons le faire, cela ne pose pas de problème.

Quant à savoir si vous préférez regarder une partie de football ou faire du canoë, peut-être serait-il agréable de pouvoir faire l'un ou l'autre. Certains préféreront la première activité et d'autres la deuxième, mais si nous devions tous regarder les parties de football, nous risquerions d'être vraiment coincés.

M. Findlay: En fait, nous avons là un projet de loi qui, du fait qu'il a été déposé, reconnaît que la conservation des espèces en péril est dans l'intérêt public, qu'elle est importante aux yeux du grand public, non pas de tout le monde, mais rien ne l'est jamais.

En fait, si nous produisons, à grands frais, une loi conçue pour faire quelque chose, nous devons veiller à ce qu'elle augmente au maximum nos chances d'atteindre notre objectif. Nous sommes venus ici aujourd'hui dans le but de faire quelques suggestions dans ce sens à votre comité.

.0955

La question de savoir si certaines personnes préfèrent regarder un match de football que de pratiquer un sport ou marcher dans la nature est intéressante, mais je crois que cette dernière activité est déjà jugée importante.

Mme Kennedy: Le public ne veut pas nécessairement aller regarder des oiseaux ou admirer des fleurs, mais il comprend que la préservation de ces espèces, non seulement pour ceux qui les apprécient, mais pour les avantages biologiques qu'elles présentent pour notre propre espèce, si l'on songe par exemple aux remèdes pour le cancer que l'on trouve dans des plantes... Ce sera dans notre intérêt à long terme. Non seulement l'existence de ces espèces, mais le bien-être de la société contribuent certainement à faire de cette loi une mesure qui intéresse tous les Canadiens.

Là encore, des partenariats sont possibles, si l'on aide les gens à comprendre que cette protection ne sert pas seulement les intérêts des gens qui veulent escalader une montagne ou admirer les papillons; c'est dans l'intérêt de tous et pour notre bien-être. Je pense que les Canadiens le comprennent, quel que soit leur degré de participation.

Le président: Merci.

C'est maintenant le tour de Mme Kraft Sloan, puis ce sera mon tour et nous passerons au témoin suivant.

Mme Kraft Sloan: Il est évident, je crois, pour beaucoup de gens réunis autour de cette table, que l'environnement naturel n'existe pas seulement pour notre usage et nos loisirs. Je veux dire que nous faisons partie de l'environnement naturel et que nous ne pouvons pas nous en dissocier.

Tout à l'heure, on a fait valoir la nécessité que la loi soit transparente et ouverte au public. Cela me paraît assez fascinant, car un profane a parfois du mal à comprendre le langage de la science. Peut-être faudrait-il que les écoles nous y préparent mieux.

Je me demande si quelqu'un pourrait nous parler des dispositions de la loi qui permettent à un citoyen d'intenter une poursuite au civil.

Mme Kennedy: Je peux parler en tant que profane qui a des gens pour lui expliquer les bases scientifiques.

À mon avis, cela montre que tous les membres de la société doivent s'intéresser à cette question et à cette loi, et qu'au lieu de laisser au gouvernement le soin de l'appliquer, nous en avons tous la responsabilité. La loi prévoit un mécanisme qui permet au grand public et aux citoyens de participer à la protection de nos espèces en péril. L'inclusion de ce mécanisme envoie donc un message très éloquent et offre de bonnes possibilités.

La seule critique que j'aie entendue est que l'utilisation de cette loi semble se heurter à de nombreux obstacles ou difficultés. Si vous intentez une action pour protéger une espèce en voie de disparition imminente, vous devez attendre que le gouvernement enquête. Ensuite, c'est seulement quand le tribunal aura jugé que le gouvernement n'est pas intervenu comme il l'aurait dû que vous avez le droit d'intenter une action. Par conséquent, même si cela fait clairement comprendre que le public a un rôle à jouer et qu'il doit assumer ses responsabilités, nous craignons que ce soit assez complexe étant donné la difficulté de recourir à cet article.

Mme Kraft Sloan: Merci.

M. Findlay: Je crois tout à fait dans la démocratie directe active et cet article de la loi me paraît donc absolument crucial. Je dirais toutefois que ce potentiel risque de ne pas se réaliser à cause de la limitation des ressources.

Certains d'entre vous ont certainement pris connaissance du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Le rapport fait notamment allusion au manque de ressources dont les peuples autochtones ont disposé jusqu'ici pour participer activement au processus démocratique. Si l'on veut que cette disposition ou cet article de la loi donne des résultats, il faudra mettre à la disposition des citoyens les ressources voulues pour leur permettre de participer activement.

M. Montevecchi: Je suis d'accord. Il est très important que ce soit fait. La plupart des gens qui ont examiné la loi s'entendent à dire que c'est là un de ses aspects importants.

Mme Kraft Sloan: D'accord.

Certains propriétaires de terrains privés qui ont comparu devant le comité craignent que cet article ne leur fasse perdre leur gagne-pain. Cela a suscité certaines inquiétudes. Les différentes conditions à remplir avant que les particuliers ne puissent déclencher ce processus visent sans doute à les protéger. Je me demande si vous avez des suggestions à cet égard.

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Je sais que nous parlons directement de la loi, mais nous voulons aussi pouvoir la mettre en oeuvre. Nous voulons que les gens se sentent rassurés. Vous dites qu'il est important que les Canadiens de tous les milieux participent à ces efforts, car c'est notre responsabilité et pas seulement celle du gouvernement. En réalité, si les gens assumaient leurs responsabilités, nous n'aurions pas à légiférer pour protéger les espèces en péril.

Je me demande si vous pourriez nous suggérer comment nous pouvons amener les différents points de vue à comprendre ce principe et à atténuer les inquiétudes que ce genre de loi peut susciter.

M. Montevecchi: Tout à l'heure, vous avez mentionné l'éducation du public. C'est toujours une bonne solution. Cela commence de bonne heure. Ce genre de stratégie de cogestion est certainement important de nos jours. Il faut voir les deux côtés de la médaille. Cela ne fait aucun doute.

Le fait que des emplois ou des gagne-pain soient menacés fait toujours partie des difficultés de votre tâche. En fait, ce genre de mesure contribue largement à la santé du pays. Elle contribue beaucoup à créer des emplois. Nous devons voir également quelles sont les retombées très positives de la protection de ces espèces. Je pense que cela peut beaucoup rapporter sur le plan économique. L'éducation et la coopération entre les groupes d'usagers devraient permettre de résoudre ce problème.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Forseth: Je voudrais me reporter, une fois de plus, au mémoire du Body Shop. Nous avons entendu dire, aujourd'hui, que nous avions tous des responsabilités. Dans votre mémoire vous dites ceci:

Aujourd'hui, nous avons passé pas mal de temps à reconnaître l'importance primordiale de l'habitat essentiel. En tant qu'organisme, seriez-vous prêt à faire le lien avec d'autres organismes non gouvernementaux, dans le but d'établir un fonds de compensation pour aider les personnes qui risquent de subir des torts économiques à cause de la protection des espèces en péril, et surtout de leur habitat, afin qu'elles puissent contribuer à la sauvegarde des habitats au lieu de voir la loi comme un conflit entre «lui ou moi»?

Cela nous ramène à «faites ce que je dis, mais pas ce que je fais». Il est trop facile de dire aux autres ce qu'ils doivent faire sans pratiquer ce que l'on prêche. J'aimerais que vous répondiez à cela. Pensez-vous que de nouveaux efforts pourraient être déployés, à l'extérieur du gouvernement, pour aider ceux qui vont devoir se battre contre ce genre de loi pour assurer la survie de leur propre espèce, qu'il s'agisse de l'agriculteur amateur ou de quelqu'un d'autre?

Le président: Pouvez-vous donner une brève réponse?

Mme Kennedy: Ces possibilités existent. Si nous voulons que cette mesure donne des résultats et si nous voulons rallier tout le monde, il faut tenir compte de ces préoccupations. D'après le sondage Angus Reid réalisé en 1995, les propriétaires de terrains privés approuvent la loi sur les espèces en péril. Ils seraient prêts à mettre des terrains de côté pour protéger ces espèces. Je pense qu'ils comprennent que cela protège leurs intérêts à long terme.

En tant qu'entreprise, Le Body Shop a investi des ressources importantes dans cette initiative. Nous avons consacré des centaines de milliers de dollars à notre campagne «Loutre Age!». Nous avons recueilli près de 500 000 $, depuis six ou sept ans, pour ce genre d'initiative et nous avons fourni gratuitement des ressources à des gens des diverses régions du pays. C'est la meilleure façon dont nous avons pu inciter le public à s'intéresser à ces questions et utiliser l'argent que nous avons déjà dépensé pour recueillir les fonds nécessaires.

Je crois que cette question intéresse les entreprises. Des associations qui accordent des subventions environnementales cherchent des moyens de rendre les efforts de la collectivité plus efficaces. C'en est peut-être un. Par conséquent, il est non seulement possible, mais nécessaire, d'établir des normes et d'amener toutes les parties prenantes à trouver des solutions.

Le président: Deux brefs commentaires.

M. Montevecchi: Oui, je suis d'accord. Il se passe déjà beaucoup de choses positives et constructives.

.1005

À Terre-Neuve, où la coupe du bois se poursuit, d'énormes pressions économiques incitent les sociétés forestières à exploiter la forêt différemment et à contribuer à la protection et à la préservation des espèces en péril. La pire chose que l'industrie forestière puisse faire à Terre-Neuve est sans doute de se faire du tort en menaçant davantage d'espèces en péril. Ses intérêts économiques sont en jeu et je suis certain qu'elle serait prête à investir dans cette protection. Il y a sans doute de nombreux autres organismes non gouvernementaux, sociétés et particuliers qui seraient prêts à en faire autant.

M. Findlay: J'ai deux brefs commentaires.

Premièrement, j'ai constaté, notamment en ce qui concerne la politique ontarienne à l'égard des zones marécageuses, que les conséquences de la politique perçues par les propriétaires de terrains privés ne correspondaient pas toujours aux répercussions réelles.

Deuxièmement, la question de savoir qui paie pour l'intérêt public et qui finit par payer la note nous ramène à la question de l'équité sociale. À mon avis, pour que cette loi réussisse à rallier et à engager les gens, nous devons veiller à ce que son coût ne soit pas assumé seulement par quelques personnes. C'est pourquoi j'ai soulevé la question des champs de compétence. Cela favorise précisément le genre d'iniquité que nous voulons éviter.

Le président: Je crois que les représentants du ministère des Pêches et des Océans sont déjà dans la salle. Comme le témoin suivant est prêt à partir, il m'est difficile de poser les questions que j'aurais aimé soulever. Je ferai une simple observation.

Notre comité est très conscient du fait que le succès de cette loi dépend des champs de compétence et de la protection de l'habitat. Nous pouvons consolider les dispositions concernant l'habitat, mais nous sommes coincés pour ce qui est des champs de compétence. Nous ne pouvons pas modifier la Constitution. Par conséquent, même si cela peut être justifié du point de vue écologique, nous devons tenir compte des réalités politiques.

Nous devrons donc, chaque fois que nous nous retrouverons devant le problème des champs de compétence, nous rappeler la nécessité de veiller à ce que les provinces adoptent des lois équivalentes suffisamment énergiques. Les provinces doivent rejoindre les endroits où le gouvernement fédéral n'a pas accès afin que la protection soit complète et non pas fragmentée.

Si nous ne réussissons pas à le faire, cette loi n'aura qu'un effet très limité. Par conséquent, nous devons continuer à mobiliser l'opinion publique afin que la législation provinciale équivalente soit mise en place si nous voulons vraiment protéger les espèces en péril.

Sur ces sages paroles, je voudrais vous remercier d'être venus et de nous avoir fait part de vos opinions. Vous nous avez beaucoup aidés tous les trois, madame Kennedy, professeur Montevecchi et professeur Findlay. Nous espérons recevoir vos suggestions par courrier ou autrement, au cours des semaines à venir, lorsque nous progresserons vers l'examen du projet de loi article par article, si vous avez des recommandations précises à formuler.

Nous allons procéder rapidement à la relève de la garde, car je vais demander à M. Knutson de bien vouloir me remplacer. J'invite le prochain témoin à venir à la table.

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.1012

Le président suppléant (M. Knutson): Le greffier vient de m'indiquer que nous aurons un vote dans une demi-heure environ.

Monsieur Doubleday, veuillez commencer.

M. William Doubleday (directeur général, science halieutique et océanique, ministère des Pêches et des Océans): Merci, monsieur le président et membres du comité.

Premièrement, le ministère des Pêches et des Océans appuie les objectifs de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada. Le ministre des Pêches et des Océans a le mandat d'assurer la conservation des espèces aquatiques et, en sa qualité de ministre responsable, il prendra les mesures nécessaires pour assurer la protection des espèces inscrites et de leur habitat.

Deuxièmement, je voudrais souligner que le ministre des Pêches et des Océans dispose de deux mesures législatives puissantes et efficaces à l'appui des dispositions de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada qui s'appliquent aux espèces aquatiques. Il s'agit de la Loi sur les pêches et de la nouvelle Loi sur les océans du Canada qui s'appliquent à toutes les espèces aquatiques et qui ont été rédigées de façon à assurer le respect de la juridiction du Canada sur toutes les espèces aquatiques, cela jusqu'à la limite de 200 milles.

Les pouvoirs, les devoirs et les fonctions prévus par la Loi sur les pêches ont pour objet la conservation et la gestion des pêches des eaux côtières et intérieures du Canada faites dans l'intérêt des générations canadiennes, tant actuelles que futures.

.1015

La Loi fédérale sur les pêches favorise l'application généralisée d'une démarche prudente à la conservation, à la gestion et à l'exploitation des ressources marines afin d'en assurer la protection de même que celle de l'environnement marin. Les éléments essentiels de la Loi sur les pêches sont la protection de l'habitat du poisson et la prévention de la pollution des eaux fréquentées par le poisson. Le ministre des Pêches et des Océans, en sa qualité de ministre responsable des espèces aquatiques, peut prendre un arrêté d'urgence en vertu de la Loi sur les pêches lorsqu'il s'avère qu'un plan de rétablissement est insuffisant ou qu'il y a lieu de prendre des mesures immédiates pour protéger une espèce aquatique en danger.

La réaction rapide au déclin sévère et subi de la morue du Nord, au début des années 1990, constitue un bon exemple des pouvoirs accordés par la Loi sur les pêches pour la mise en oeuvre d'un plan de rétablissement visant à protéger une espèce aquatique. Lorsqu'il est apparu que les stocks de morue s'épuisaient rapidement, un plan de rétablissement dont l'envergure était sans précédent, et qui a pris la forme d'un moratoire généralisé s'appliquant à la plupart des stocks de morue, a été adopté. Ce plan de rétablissement de la morue et d'autres poissons de fond de l'Atlantique coûtera 1,9 milliard de dollars. Ce plan a été réalisé en l'absence de toute inscription sur les listes du CSEMDC. Les pouvoirs accordés par la Loi sur les pêches ont permis au ministre des Pêches et des Océans de procéder rapidement et efficacement à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ce plan de rétablissement.

Monsieur le président, je voudrais également attirer l'attention du comité sur la nouvelle Loi sur les océans du Canada, qui est sur le point d'être promulguée. La Loi sur les océans du Canada réaffirme le rôle du Canada en tant que chef de file mondial en matière de gestion des océans et des ressources marines. La Loi sur les océans du Canada a pour objet de promouvoir la connaissance des océans, des phénomènes océaniques ainsi que des ressources et des écosystèmes marins en vue d'assurer la préservation des océans et la durabilité de leurs ressources. Elle a également pour objet de promouvoir la gestion intégrée des océans et des ressources marines. La loi favorise l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale pour la gestion des écosystèmes estuariens, côtiers et marins.

Une chose qui intéressera particulièrement votre comité aujourd'hui est que le mécanisme décrit dans la Loi sur les océans pour la création de zones de protection prend la forme du pouvoir de promulguer des règlements décrivant une aire géographique et les zones qui s'y trouvent et limitant les activités pouvant se dérouler dans cette aire et chacune de ces zones. Cet instrument peut être très efficace pour protéger l'habitat et améliorer la survie des espèces marines lorsque c'est nécessaire.

Pour ce qui est des critères d'inscription, je voudrais parler un peu du débat public qui se déroule dans le contexte de la réunion de l'Union internationale pour la conservation de la nature, au sujet des critères d'inscription des espèces marines, afin que le comité comprenne mieux le point de vue du ministère des Pêches et des Océans.

Nous considérons que les ministres responsables doivent être consultés et avoir donné leur accord aux critères d'inscription, car ce sont eux qui assument la responsabilité de l'élaboration et de la mise en oeuvre de plans de rétablissement pour les espèces inscrites relevant de leur aire de compétence. Nous considérons que le processus d'élaboration des critères pour l'inscription des espèces devrait être scientifiquement rigoureux, ouvert et transparent tout en faisant appel à une large gamme d'expertises scientifiques. Cette ouverture du processus sera la mieux atteinte par la participation de l'ensemble des ministres responsables.

À notre avis, les critères d'inscription des espèces marines doivent prendre en compte les principes de l'écologie marine moderne afin qu'il soit possible d'élaborer des critères adaptés aux espèces aquatiques. L'un des critères universels actuellement appliqués par l'Union internationale pour la conservation de la nature donne lieu à l'inscription d'espèces marines largement réparties et abondantes. De telles inscriptions sont sans fondement et compromettent la fiabilité des inscriptions valides.

.1020

Le ministère des Pêches et des Océans a l'intention de pleinement participer à l'élaboration des critères que le COSEPAC utilisera pour les inscriptions.

J'ai également inclus trois graphiques dans cet exposé. Le premier présente des données historiques pour deux espèces de poisson de mer, la sardine du Pacifique et l'anchois du Nord pêchées au large de la Californie. Ces espèces ont été choisies parce que des échantillons de sol prélevés au fond de l'océan révèlent la dynamique de ces espèces par l'entremise des dépôts d'écailles présentes dans ces sédiments. Les carottes de sol prélevées datent d'à peu près 200 ans après Jésus-Christ, c'est-à- dire longtemps avant l'ère moderne.

Si vous examinez ces graphiques, vous verrez que pour ce qui est de l'abondance de ces deux espèces, il y a d'importantes variations, supérieures à un facteur de dix. À de nombreuses reprises, il y a eu un déclin précipité et un rétablissement rapide. Par conséquent, un pourcentage de changement disons de 20 p. 100 sur dix ans, soit trois générations, est l'un des critères que l'UICN utilise. Compte tenu du critère que l'UICN utilise pour inscrire la morue comme espèce «vulnérable», la sardine du Pacifique et l'anchois du Nord auraient été «vulnérables» à bien des reprises avant qu'on ne commence à les pêcher.

J'ai également inclus une carte montrant la répartition de la morue de l'Atlantique. Les critères de l'UICN sont appliqués par espèce et non pas par unité de gestion. Cette carte indique les endroits où se trouve la morue de l'Atlantique. Comme vous pouvez le constater, elle se retrouve dans tout l'Atlantique Nord, dans un vaste secteur d'une superficie de centaine de milliers, sinon de millions de kilomètres carrés. Il y a plusieurs populations importantes de morue de l'Atlantique. Dans l'ensemble, les adultes ou géniteurs se chiffrent par centaines de millions. Également, comme la plupart des espèces de poisson de mer, la morue a un taux de fécondité assez élevé. Une génitrice produit généralement des millions d'oeufs.

Si vous multipliez des millions d'oeufs par des centaines de millions de géniteurs, vous verrez que les stocks de morue peuvent s'accroître assez rapidement si les conditions sont favorables. En fait, le stock de morue de l'Atlantique le plus important, qui se trouve au large de la Norvège, a sans doute quintuplé de la fin des années 1980 au début des années 1990.

Ce sont donc des ressources très dynamiques et un bon nombre de ces espèces sont réparties sur de grandes superficies. Une diminution de l'abondance de 20 p. 100, sur dix ans, n'a peut-être pas de signification réelle pour la survie de l'espèce, même si cela peut poser un problème sérieux du point de vue de la conservation qui vise à maintenir l'espèce à son niveau le plus productif.

J'ai également inclus un graphique des débarquements de homard dans la région de l'Atlantique, entre 1960 et 1994. Les débarquements de homard sont un assez bon indicateur d'abondance du homard. Vous remarquerez que les débarquements sont passés d'environ 15 000 tonnes au début des années 1970 à environ 45 000 tonnes en 1990. Cela représente une croissance généralisée des stocks de homard, de Terre-Neuve au Maine. Nous considérons que cela reflète surtout une augmentation de la productivité de la ressource.

.1025

C'est en 1991 que les prises de homard ont été les plus importantes depuis le siècle dernier. Il n'est pas étonnant que, ces dernières années, elles aient diminué par rapport à ce niveau record. S'il n'y a pas de nouveau déclin et si les prises se maintiennent à leur niveau élevé de 1994, le homard sera considéré comme une espèce vulnérable d'ici l'an 2001, selon les critères de l'UICN, même s'il reste plus abondant qu'il ne l'a été pratiquement depuis le début du siècle. Le comité peut sans doute comprendre qu'il nous sera difficile d'expliquer aux pêcheurs que le homard est maintenant vulnérable, même s'il est très abondant par rapport à toute autre période de ce siècle.

Pour conclure, la Loi sur les pêches est un puissant instrument, qui peut être utilisé efficacement pour la conservation des espèces aquatiques. La Loi sur les océans du Canada sera efficace pour protéger les habitats marins et les espèces marines en péril. La Loi sur les pêches fait actuellement l'objet d'une révision et sa nouvelle version contiendra des dispositions permettant au ministre d'annuler les ententes de gestion des pêches dans la mesure où ce sera nécessaire pour protéger les espèces aquatiques inscrites. Les ententes de gestion des pêches pourront céder le pas devant la conservation de la ressource étant donné que l'article 12 permet de prendre des arrêtés en ce sens. Le ministre des Pêches et des Océans peut interdire la pêche ou la récolte de plantes marines s'il est prouvé que la conservation de cette ressource ou de cette espèce en péril est compromise.

À notre avis, la nouvelle Loi sur la protection des espèces en péril au Canada peut et doit compléter la nouvelle Loi sur les pêches et la nouvelle Loi sur les océans du Canada. La Loi sur les pêches a assuré jusqu'ici la protection la plus efficace qui soit pour les espèces aquatiques et leurs habitats et il faudrait qu'elle demeure l'instrument législatif de choix à leur égard.

[Français]

Mme Guay: Bonjour, monsieur Doubleday.

La Chambre étudie actuellement le nouveau projet de loi C-62 concernant les pêches. Quelle loi va primer sur l'autre relativement à la protection des poissons et des plantes marines? Est-ce que ce sera la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada ou le projet de loi C-62 dont on discute présentement en Chambre?

[Traduction]

M. Doubleday: Si j'ai bien compris, la Loi sur les pêches aura la primauté à l'égard des espèces aquatiques.

[Français]

Mme Guay: Nous aurons encore un problème de chevauchement entre une loi qui relève du ministère de l'Environnement et une loi qui relève du ministère des Pêches et des Océans. On a vécu cette situation pendant très longtemps. Le ministère de l'Environnement a eu certains problèmes avec le ministère des Pêches et des Océans dans l'application des dispositions de certaines lois où il y avait chevauchement.

Je sais que le projet de loi C-62 est très sévère quant à la protection des poissons et des plantes marines. Je sais aussi que le ministre des Pêches et des Océans s'est donné un pouvoir discrétionnaire, tout comme l'a fait le ministre de l'Environnement. Comment est-ce qu'on va réussir à s'entendre lorsque surgira un vrai problème de fond entre ces deux ministères? Comment va-t-on gérer cette question?

[Traduction]

M. Doubleday: La possibilité de conflit ou de chevauchement entre les deux lois a fait l'objet de longues discussions avant le dépôt du projet de loi. Nous croyons que le fait de désigner le ministre des Pêches et des Océans comme le ministre responsable de l'application de la Loi sur les espèces en péril dans le cas des espèces aquatiques élimine cette difficulté. Le ministre des Pêches et des Océans peut choisir entre les instruments législatifs à sa disposition pour prendre les mesures de conservation les plus efficaces pour protéger les espèces en péril. Cette disposition du projet de loi est très importante dans ce contexte.

.1030

[Français]

Mme Guay: Vous savez que le COSEPAC a justement de l'information en vue de protéger les espèces qui sont en danger ou qui risquent d'être en danger et qu'il formule des recommandations. Est-ce que le ministère des Pêches et des Océans travaille en collaboration avec le COSEPAC ou s'il a l'intention de le faire? Est-ce que le COSEPAC vous a soumis des recommandations? J'aimerais savoir s'il y a un travail qui se fait en équipe à ce niveau.

[Traduction]

M. Doubleday: Je crois que le COSEPAC existe depuis 1976 et le ministère des Pêches et des Océans en est membre depuis sa création. Au cours des années, le comité a examiné un bon nombre d'espèces de poissons et de mammifères marins, établi des rapports et des listes et nous avons pris des mesures pour protéger les espèces inscrites sur la recommandation du COSEPAC. Le plan de rétablissement du béluga, dans le Saint-Laurent, et les mesures que nous avons prises pour protéger les baleines franches dans la baie de Fundy et les marsouins communs, dans le golfe du Maine et la baie de Fundy sont quelques exemples, mais je pourrais en citer d'autres.

Nous avons soutenu le COSEPAC, participé au processus et pris des mesures pour protéger les espèces inscrites.

Le président suppléant (M. Knutson): Monsieur Forseth.

M. Forseth: Dans la documentation que vous nous avez présentée aujourd'hui, vous citiez comme exemple des pouvoirs que confère la Loi sur les pêches pour mettre en place un plan de rétablissement visant à protéger les espèces aquatiques, la réaction rapide du gouvernement devant la baisse spectaculaire et précipitée des stocks de morue du Nord dans les années 1990. Vous dites que les pouvoirs que la Loi sur les pêches lui conférait ont permis au ministre des Pêches et des Océans d'agir rapidement et efficacement en mettant sur pied ce plan de rétablissement. En fait, vous venez nous présenter, noir sur blanc, de faux renseignements, comme tout le monde peut le constater.

Il y a un instant, le président de notre comité a souligné le fait que, dès le début des années 1980, les scientifiques réclamaient une réduction spectaculaire de la pêche. Dans ce cas, les deux mots «rapidement» et «efficacement» sont inexacts. Tous les Canadiens savent que le mot «rapidement» ne peut pas s'appliquer.

On peut toujours s'interroger quant au mot «efficacement». On peut sérieusement en douter. Je n'ai pas entendu un seul membre de la communauté scientifique dire que tout allait bien et que la pêche pouvait reprendre comme avant.

Vous parlez des pouvoirs considérables que votre loi vous confère. Comment pouvez-vous nous garantir, surtout si l'on se fie aux résultats passés, que ces pouvoirs seront utilisés à bon escient et efficacement?

M. Doubleday: Monsieur le président, je crois que je devrais répondre à la prémisse de cette question avant de répondre à la question proprement dite.

Si j'ai bien compris, le comité a entendu des témoignages selon lesquels la Commission Harris avait recommandé la fermeture de la pêche en 1991. Ce n'est pas ce dont je me souviens. J'ai relu hier les conclusions du rapport Harris. Je peux en remettre un exemplaire au comité, si cela vous intéresse. Le rapport ne recommandait pas de fermer la pêche à la morue du Nord en 1991. Ce qu'il recommandait, c'est de réduire à 20 p. 100 le taux de mortalité du poisson, qui était alors estimé à40 p. 100 environ.

J'ai également remarqué que, selon certains témoignages, si le COSEPAC avait existé, il aurait conseillé le gouvernement au sujet de la morue du Nord bien des années avant et il n'aurait pas été nécessaire de prendre des mesures draconiennes. Comme je viens de le dire, le COSEPAC existe depuis 1976. Ce comité a produit des rapports sur la situation d'un certain nombre d'espèces et a recommandé que certaines d'entre elles soient jugées vulnérables et d'autres en voie de disparition. Néanmoins, même s'il a eu largement l'occasion de le faire sur une période de 16 ans, il n'a jamais produit de rapport sur la morue.

.1035

Je m'intéressais à la morue à l'époque et je pense que toutes ces observations au sujet des recommandations formulées, il y a des années, en faveur d'une réduction spectaculaire de la pêche, sont faciles à faire a posteriori. La Commission Harris a tenu de vastes consultations et, si vous lisez son rapport, vous n'y trouverez sans doute même pas une opinion minoritaire selon laquelle ces mesures draconiennes auraient dû être prises plus tôt. Avec le recul, sachant ce que tout le monde sait, on peut conclure que des mesures plus hâtives auraient au moins atténué le déclin des stocks. Mais cette opinion n'a pas été formulée à l'époque.

Les mesures prises à l'égard de la morue du Nord et des autres espèces de poisson de fond de l'Atlantique l'ont été assez rapidement, quand le déclin rapide de ces espèces est devenu évident. La pêche de la morue du Nord était assez bonne en 1990. Les prises de la pêche côtière ont dépassé100 000 tonnes, pour la première fois depuis le début des années 1980.

C'est en 1991 que les pêcheurs ont eu de la difficulté à trouver du poisson. Nos recherches indiquent un déclin d'un facteur approximatif de deux, par rapport à l'année précédente. C'est en février 1992, je crois, que la pêche hauturière a été limitée, et au début de juillet que la pêche côtière a fait l'objet d'un moratoire.

Ces mesures n'ont sans doute pas été instantanées, mais on peut dire que la réaction a été rapide, surtout si l'on tient compte de l'ampleur du problème et de l'intervention. Cela démontre, selon moi, que le ministre des Pêches et des Océans peut prendre des mesures de conservation énergiques lorsque c'est nécessaire.

Merci.

M. Forseth: J'ai seulement une question supplémentaire au sujet de certains autres documents que vous nous avez présentés. Je voudrais seulement que vous nous parliez davantage du graphique sur les débarquements de homard où nous voyons une nette ascension à compter des années 1980 et maintenant, un mouvement potentiel vers le bas.

Ce graphique m'inquiète. Le déclin risque de nouveau d'être précipité et l'espèce d'être vraiment menacée.

Ce diagramme ne montre pas vraiment les changements dans la réglementation ou le climat politique au cours de cette période et ne montre pas ce qui s'est passé sur le plan technologique en ce qui concerne les systèmes de positionnement par satellite, les engins de pêche et la capacité de pêche. Cela ne montre pas non plus les changements qui se sont produits en même temps dans la situation économique. Il y avait d'autres possibilités de récolte. Quand une personne recherche un gagne-pain, elle choisit la voie la plus facile et, quand une voie est bloquée, elle se tourne vers une autre ressource. D'autre part, l'abaissement des barrières au commerce a permis de répartir le marché dans le monde entier et la possibilité de transporter le homard en 24 heures à l'autre bout de la terre a créé une nouvelle demande.

Ces autres facteurs peuvent avoir joué un grand rôle dans ce qui se passe ici. En examinant ce graphique, je crains que la hausse brutale des années 1980 ne signifie que le homard a pratiquement été éliminé et que, d'ici deux ans, nous verrons la courbe retomber brutalement.

M. Doubleday: Monsieur le président, faute de temps, je ne peux pas donner de réponse vraiment détaillée aujourd'hui. Néanmoins, cette question a été abordée en détail dans un rapport du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Je crois qu'il a été publié il y a un an, en novembre 1995. Il y a eu des changements technologiques et des changements à la réglementation au cours de cette longue période. La réglementation a été resserrée dans les années 1970, ce qui a réduit le braconnage et limité le nombre de casiers à homard que pouvaient utiliser les pêcheurs. Il y a eu aussi des changements technologiques. Les pêcheurs peuvent mieux se situer que ce n'était le cas il y a 30 ans, et il semble qu'ils pêchent sur une plus vaste superficie qu'auparavant.

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Néanmoins, cette augmentation importante n'est pas attribuable à ces changements. Les études scientifiques faites au début des années 1970 révélaient que la majorité des stocks de homard, ceux qui représentent la majeure partie des prises, étaient déjà exploités sur une assez grande échelle, et l'augmentation du taux d'exploitation ne représente qu'une très faible augmentation des prises. Cette augmentation reflète une plus grande abondance du homard sur la côte atlantique.

Quant à savoir si le homard risque de connaître un déclin précipité au cours des années à venir, il faut se poser sérieusement la question. Il est très possible que l'abondance de homard diminue aussi vite qu'elle a augmenté ou même encore plus rapidement. Nous n'attribuons pas la croissance des stocks à des mesures de gestion, même si elles peuvent y avoir contribué dans une certaine mesure. Les mêmes facteurs naturels que ceux qui ont accru la productivité pourraient très bien entraîner une diminution.

Si ce graphique est présenté ici, c'est parce que les ressources naturelles comme le homard, la crevette et le crabe connaissent un vaste éventail de variations naturelles, et quoi que nous fassions, les stocks augmenteront et diminueront au fil des ans, souvent sur une période de plusieurs dizaines d'années. Nous pouvons modérer ces fluctuations dans une certaine mesure et gérer la pêche de façon à obtenir les meilleurs résultats quand la productivité est élevée, mais nous ne pourrons jamais éliminer ces variations naturelles.

M. Forseth: Merci, monsieur le président.

Le président suppléant (M. Knutson): Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan: Les modifications à la Loi sur la pêche prévoient la délégation aux provinces du paragraphe 35(2) et cela inquiète certains membres de la communauté environnementale ainsi que les avocats environnementaux. Qu'en pensez-vous?

M. Doubleday: Je ne peux pas répondre en détail à cette question, monsieur le président. On a exprimé la crainte que les gouvernements provinciaux n'appliquent pas avec autant de rigueur que le gouvernement fédéral les dispositions de la Loi sur la pêche visant à protéger l'habitat.

Nous devons nous rendre compte que la conservation et la protection de l'habitat du poisson exigent la coopération d'un certain nombre de gens, notamment les Canadiens qui résident dans la région où se trouve l'habitat en question. Nous trouvons normal que le gouvernement fédéral et les provinces coopèrent pour remplir cette fonction.

Nous examinons certains moyens de procéder à cette délégation de pouvoir et je crois que l'on tient compte de ce désir de voir le gouvernement fédéral garder la possibilité de prendre les mesures nécessaires.

Mme Kraft Sloan: Quels sont ces moyens?

M. Doubleday: Encore une fois, monsieur le président, je ne suis pas en mesure de répondre en détail. Si le comité a besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet, je peux faire comparaître un fonctionnaire mieux informé. D'après ce que j'en sais, il y a une délégation plus ou moins importante. Je n'en sais pas plus.

.1045

Mme Kraft Sloan: D'accord. Ce serait sans doute utile et quand notre président permanent reviendra au comité, nous pourrons soulever la question avec lui. Nous pourrions voir quelles sont les options et ce qu'elles représentent pour la protection de l'habitat du poisson.

Vous avez dit tout à l'heure que la Loi sur les pêches avait la primauté sur la loi concernant les espèces en péril. Pourriez- vous préciser cela ou citer les dispositions en question?

M. Doubleday: Je crois que, si le ministre des Pêches et des Océans prend des mesures en vertu de la Loi sur les pêches pour promouvoir le rétablissement d'une espèce inscrite dans le cadre de la Loi sur la protection des espèces en péril, il n'est pas nécessaire de prendre d'autres mesures en vertu de cette loi.

Mme Kraft Sloan: Désolée, d'autres inscriptions?

M. Doubleday: D'autres mesures.

Autrement dit, si le ministre des Pêches et des Océans ferme une pêche ou établit une zone maritime protégée, il ne sera pas nécessaire d'élaborer un plan de rétablissement en vertu de la Loi sur la protection des espèces en péril en plus de ces mesures.

Mme Kraft Sloan: Si j'ai bien compris, les ministères sont chargés de mettre en oeuvre des plans de rétablissement et on pourrait donc faire valoir que ce que vous venez de dire ferait partie d'un plan de rétablissement...

M. Doubleday: Oui, en effet.

Mme Kraft Sloan: ...qui résulte du projet de loi C-65. Mais pour ce qui est de la liste, selon le libellé actuel de la loi, la décision d'inscrire une espèce est prise par le Cabinet. Elle ne revient pas au ministre des Pêches, par exemple.

M. Doubleday: Cette décision est prise par le gouverneur en conseil...

Mme Kraft Sloan: Oui, le gouverneur en conseil.

M. Doubleday: ...mais le ministre des Pêches et des Océans peut prendre des mesures sans qu'une espèce ne soit inscrite.

Mme Kraft Sloan: Dans le cadre de la Loi sur les pêches.

M. Doubleday: Oui.

Mme Kraft Sloan: Oui, mais alors, cela veut-il dire que la Loi sur les pêches a la primauté sur la Loi relative aux espèces en péril?

M. Doubleday: J'ai dit que le ministre des Pêches et des Océans pouvait prendre des mesures en vertu de la Loi sur les pêches, ce qui constituera un plan de rétablissement, même si ce n'est pas officiellement le plan de rétablissement décrit dans la Loi sur la protection des espèces en péril.

Mme Kraft Sloan: D'accord, mais si le ministre des Pêches et des Océans décide de ne pas agir et qu'une espèce aquatique est inscrite sur la liste par le gouverneur en conseil, s'il est nécessaire d'établir un plan de rétablissement et un plan de mise en oeuvre, le ministre devra s'en charger.

M. Doubleday: Oui.

Mme Kraft Sloan: D'accord, merci.

Le président suppléant (M. Knutson): Paul, avez-vous des questions?

M. Steckle: Oui.

Bonjour, monsieur Doubleday. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises.

Comme cette expression a été employée à de nombreuses occasions, je voudrais un éclaircissement. Quand nous parlons de la morue de l'Atlantique et de la morue du Nord, s'agit-il d'une seule et même espèce ou d'espèces différentes?

M. Doubleday: La morue du Nord est une des unités de gestion de la morue de l'Atlantique. Cette espèce, que les scientifiques appellent Gadus morrhua, ou morue de l'Atlantique, se trouve partout dans l'Atlantique Nord, de la Nouvelle-Angleterre, aux États-Unis, jusqu'à la baie de Biscaye, en Europe.

Il y a un certain nombre d'unités biologiques ou stocks assez bien délimités. Dans le domaine de la pêche, rien n'est compartimenté à 100 p. 100 et les études faites au cours des années ont montré que ces populations avaient tendance à se déplacer un peu dans les populations adjacentes, mais qu'elles étaient largement compartimentées.

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Dans la région de l'Atlantique, il y a un certain nombre d'unités de gestion ou de stocks différents: le banc Georges; le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse; l'est de la Nouvelle-Écosse; une petite population résidante de la baie de Sydney; une population migratoire qui passe l'été dans le sud du golfe du Saint-Laurent et s'installe dans la baie de Sydney en hiver; une population migratoire dans le nord du golfe du Saint-Laurent qui passe l'hiver sur la côte sud de Terre-Neuve, un stock le long de la côte sud de Terre-Neuve; un stock au sud des Grands Bancs; un stock au Cap flamand, juste à l'est, puis la morue du Nord, qui se trouve surtout dans la moitié nord des Grands Bancs, jusqu'aux environs de Hamilton Inlet, au Labrador; une autre unité de gestion ou un autre stock se trouve au nord de ce secteur, en haut du Labrador, après quoi nous arrivons dans les eaux du Groenland où il y a un stock de morue à l'ouest du Groenland.

Il y a un certain nombre de stocks distincts et les caractéristiques biologiques de la morue varient largement dans cet énorme secteur géographique. En général, quand vous allez vers le Sud et l'Ouest, la morue grandit plus vite. Elle est plus grosse, son taux de croissance et les conditions sont moins variables que lorsque vous allez vers le Nord et l'Est et les stocks sont plus stables et également plus résistants à l'exploitation.

Quand vous allez vers le Nord et l'Est, la croissance ralentit, le poisson est plus petit et nous avons observé de plus grandes variations dans leur développement. Certaines années, la morue est en mauvais état; elle n'a pas beaucoup de gras et peut en souffrir. D'autres années, elle se développe assez bien.

M. Steckle: Étant donné que la gestion d'une ressource halieutique est assez différente de la gestion de certaines espèces en péril dont nous avons parlé ces derniers jours et que la loi se rapporte à ce genre d'espèces, la gestion de l'habitat est certainement plus facile à contrôler que dans le cas de certaines autres espèces, car cet habitat ne se trouve pas dans une propriété privée. Nous supposons que toutes les eaux en deçà de la limite de 200 milles sont des eaux fédérales, et sont du ressort du gouvernement canadien. C'est donc beaucoup plus facile à contrôler, mais dans ce cas, que faire des intérêts divergents?

Il y a un certain nombre d'années, Greenpeace a soulevé la question de la chasse au phoque. Depuis des années, nous avons plus ou moins abandonné la chasse au phoque à cause des pressions qui ont été exercées. L'élément humain qui a contribué à l'épuisement des stocks de morue doit certainement entrer en ligne de compte; il a joué un rôle fondamental. Mais il faut également conclure que le phoque a joué un rôle important et continue de le faire. Nous avons une surpopulation de phoques, si j'en crois les chiffres qui m'ont été donnés. J'ignore si quelqu'un sait exactement ce qu'il en est, mais il y a certainement plus de phoques qu'avant.

Une industrie a été détruite à la suite d'un mouvement lancé par des gens qui croyaient devoir protéger les phoques. Nous avons cédé et nous avons vu un stock de morue et une industrie presque entièrement détruits, ce qui a coûté très cher au public canadien.

Comment concilier les intérêts de ces groupes qui défendent non pas les intérêts du trésor public, mais les intérêts d'une espèce? Comment faire face à ce genre de situation? N'est-il pas temps que le public canadien ait voix au chapitre plutôt qu'un petit groupe qui arrive à mobiliser les masses?

M. Doubleday: Premièrement, pour ce qui est du préambule de cette question, la Loi sur les pêches s'applique en eau douce aussi bien qu'en eau salée et la question de la propriété privée ou des droits de propriété se pose à propos des cours d'eau.

Pour ce qui est des phoques, le phoque du Groenland est celui qui est le plus répandu dans la région de l'Atlantique. La population de phoques est passée d'environ 2,5 millions de têtes en 1980 à près de 5 millions en 1994. Et d'après nos recherches, nous savons que ces phoques consomment une bonne quantité de poisson et d'autres aliments marins. La morue ne représente pas un élément important de leur nourriture. Ils passent une partie de l'année au nord de la zone où se trouvent nos stocks de morue. Lorsqu'ils sont dans le Sud, ils mangent surtout des petites espèces de poisson comme le capelan, la morue polaire, le lançon et la crevette. Néanmoins, comme ces phoques sont si nombreux, même si chacun d'eux ne mange qu'une petite quantité de morue, cela finit par s'additionner. Nous estimons qu'en 1994 les phoques ont consommé environ 140 000 tonnes de petite morue.

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En général, le phoque du Groenland mange de la petite morue âgée de un à trois ans. Il en prend une plus grosse, à l'occasion, mais il se nourrit surtout de jeunes morues. Si ces phoques limitent la productivité des stocks de morue, c'est en réduisant le nombre de jeunes morues qui pourraient par la suite être pêchées, plutôt qu'en réduisant le nombre d'adultes.

Les résultats de ces recherches ont été publiés en 1995 et ils ont servi lors des consultations avec les pêcheurs et les groupes environnementaux qui ont eu lieu à l'automne 1995 et à l'issue desquelles la chasse au phoque du Groenland a été élargie. Cette chasse, qui était beaucoup plus importante l'année dernière qu'au cours des dix années précédentes, s'est quand même faite à un niveau inférieur à ce que nous appelons le «rendement de remplacement». On a estimé qu'environ 290 000 phoques du Groenland pouvaient être chassés sans entraîner une diminution de la population. Le contingent canadien a été fixé à 250 000, ce qui est légèrement en dessous. Cette chasse ralentit la croissance du troupeau, mais sans vraiment le réduire.

La controverse au sujet de la chasse au phoque n'est pas finie. Ce n'est pas tant Greenpeace que l'International Fund for Animal Welfare qui joue un rôle actif dans ce domaine. Greenpeace s'intéresse à d'autres choses. Avec la croissance des troupeaux de phoques du Groenland, cet organisme ne considère plus qu'il y a un problème de conservation. Mais l'International Fund for Animal Welfare continue à s'opposer à la chasse au phoque et joue un rôle actif dans certaines régions, surtout au Royaume-Uni, en recueillant des fonds et en organisant un mouvement d'opposition.

Je ne vois pas ce que je pourrais dire de plus. Nous avons essayé de faire connaître les faits au monde entier, en Europe et au Canada et je pense que nous avons réussi dans une certaine mesure. La chasse au phoque continue de déchaîner les passions et bien des gens ont une opinion qui n'est pas tout à fait objective sur ce sujet.

M. Steckle: Je tiens à bien préciser que je n'ai pas déclaré de vendetta contre les phoques. Mais il faut se montrer réaliste et comprendre que les deniers publics ne peuvent continuer à subventionner une industrie parce que nous ne sommes pas intervenus d'un autre côté, à l'égard d'un aspect qui aurait pu développer une autre industrie. Je parle du point de vue de la gestion, bien entendu. J'implore simplement ceux qui prennent ces décisions à tenir compte du fait qu'il faudrait relancer cette industrie. Les chiffres sont là. Il s'agit de créer des emplois. C'est une industrie qu'il faudrait développer et en même temps, nous aiderions l'autre industrie.

M. Forseth: Monsieur le président, j'ai une dernière question.

Monsieur Doubleday, pour résumer, vous avez souligné aujourd'hui le caractère complémentaire du ministère des Pêches et des Océans, ses activités, son mandat et ce que vous voyez dans le projet de loi C-65. Voyez-vous une disposition du projet de loi qui pourrait poser un problème ou qu'il faudrait améliorer du point de vue de votre ministère?

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M. Doubleday: Je ne veux recommander de changements au projet de loi tel qu'il est formulé. J'insiste sur le fait que lorsque le moment viendra, pour le COSEPAC reconstitué, d'établir les critères d'inscription, nous aimerions beaucoup y participer. Nous croyons qu'il n'est peut-être pas souhaitable d'avoir les mêmes critères pour les mammifères, les poissons et tout le reste et que les critères devraient tenir compte de l'écologie des espèces en question.

M. Forseth: Merci.

Le président suppléant (M. Knutson): Madame Guay.

[Français]

Mme Guay: Ça va, merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Knutson): Vous avez mentionné un ou deux rapports. Le greffier a dit que le rapport Harris pourrait nous être utile. Je pense qu'il y en a eu un deuxième.

M. Doubleday: C'était le rapport sur le homard du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques.

Le président suppléant (M. Knutson): Très bien. Et Mme Kraft Sloan a posé une question au sujet des options disponibles en vertu des plans de rétablissement.

M. Doubleday: Pour la délégation de pouvoir concernant l'habitat.

Le président suppléant (M. Knutson): Avant que nous ne partions, j'ai une question à poser. Vous avez mentionné la biotechnologie dans le contexte des changements climatiques. Peut- on dire que la protection des espèces en péril, les plans de rétablissement et tout le reste, pourraient être purement symboliques si nous n'agissons pas du côté des changements climatiques?

M. Doubleday: Je pense que les changements climatiques contribuent à la disparition d'un certain nombre d'espèces au Canada. Si vous examinez la liste du COSEPAC pour les poissons, par exemple, ce qui m'intéresse, vous verrez qu'un certain nombre d'espèces se retrouvent principalement aux États-Unis, mais seulement en quantité limitée dans le sud de l'Alberta, le sud de la Colombie-Britannique, le sud de l'Ontario, et ainsi de suite.

Au cours d'une période de réchauffement, une espèce a tendance à se déplacer vers le Nord et, s'il y a une période de refroidissement, elle se déplace vers le Sud. Si ce phénomène n'est pas bien compris, il se pourrait que certaines espèces s'installent au Canada et y soient dénombrées pendant plusieurs années, puis qu'elles repartent vers le Sud et qu'on considère qu'elles sont en péril alors que ce sera seulement la conséquence naturelle des variations climatiques.

S'il y a un réchauffement climatique systématique, cela risque de causer de graves problèmes pour un certain nombre d'espèces de poissons, même si j'ignore si cela peut conduire à leur extinction. Par exemple, dans le Fraser, les températures estivales se rapprochent parfois du maximum que le saumon rouge peut tolérer. Si la température monte de quelques degrés, le saumon sera en difficulté dans le Fraser.

Le président suppléant (M. Knutson): Pensez-vous que cela risque d'arriver?

M. Doubleday: Ce n'est pas à moi de le dire. Certains modèles prévoient un réchauffement climatique associé au dioxyde de carbone, aux gaz à effet de serre. Je ne les qualifierais pas de prédictions pour le moment. Mais ces modèles, qui vont dans le même sens, signalent, autour de Winnipeg, un réchauffement important de peut-être six à huit degrés centigrades dans les températures moyennes et des précipitations très réduites si bien que les lacs, les étangs et les marécages de cette région du pays disparaîtraient. Le sud du Manitoba ressemblerait au Kansas, auquel cas on n'y trouverait plus de poisson. Du moins, il n'y aurait plus autant de poisson que maintenant.

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Dans les zones côtières, ce n'est pas aussi clair, et pas aussi dramatique. Mais je ne dirais pas que ce sont là des prédictions fiables de ce qui arrivera.

Le président suppléant (M. Knutson): Si vous hésitez à nous donner une opinion, une simple opinion basée sur les meilleures données disponibles, à qui devrions-nous nous adresser, au gouvernement fédéral, à propos du saumon rouge du Fraser?

M. Doubleday: La question n'est pas tant de savoir comment le poisson réagirait aux changements climatiques, mais plutôt si ces changements climatiques auront lieu. Les recherches sur le climat sont coordonnées par le ministère de l'Environnement, le Service de l'environnement atmosphérique et il serait donc peut-être souhaitable de demander à quelqu'un de ce ministère de vous parler de la probabilité des changements climatiques et de leurs effets potentiels sur la faune et la flore.

Le président suppléant (M. Knutson): Une dernière question. Au moment où je vous parle, êtes-vous optimiste au sujet des stocks de morue?

M. Doubleday: Oui. Nous avons procédé à une pêche indicatrice dans les régions visées par le moratoire, depuis deux ou trois ans, et dans tous les secteurs, on constate certains signes d'amélioration. En général, si l'on prend la pêche indicatrice, plus les relevés faits par nos navires de recherche, le déclin des stocks semble terminé. Dans tous les cas, l'état de la morue s'est amélioré par rapport à son état déplorable de 1992. Dans la plupart des cas, la croissance commence à reprendre. Les stocks croissent plus normalement. Ils ne sont plus aussi rachitiques qu'au début des années 1990. Dans certains cas, nous commençons à constater l'arrivée de nouvelles recrues, dont l'abondance se rapproche davantage de ce qu'elle était, mais ce n'est pas partout.

Notre conclusion générale est que le déclin a cessé, mais que la reprise a à peine commencé. Nous ne pouvons pas dire que le problème est réglé, mais le déclin nous paraît stoppé.

Le président suppléant (M. Knutson): Nous sommes arrivés au creux de la vague.

M. Doubleday: Oui.

Le président suppléant (M. Knutson): Je tiens à vous remercier infiniment d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui. Nous vous entendrons peut-être de nouveau à propos d'autres questions.

M. Doubleday: C'est toujours un plaisir, monsieur le président. Merci.

Le président suppléant (M. Knutson): La séance est levée.

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