[Enregistrement électronique]
Le mercredi 29 janvier 1997
[Français]
Le président: Bonjour. Nous commençons notre étude du projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.
[Traduction]
Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir comme témoins Glenda Hanna et Peter Sherrington, de l'Alberta Wilderness Association; Curt Schroeder et Roy John de Nature Saskatchewan, de la Saskatoon Nature Society et des Regina Natural History Clubs, ainsi que Mme Chambers, de la Manitoba Naturalists Society. Veuillez prendre place à la table.
Je crois savoir que Mme Chambers représente non seulement la Manitoba Naturalists Society, mais également d'autres organismes. Voulez-vous nous dire lesquels, s'il vous plaît?
Mme Alice Chambers (Manitoba Naturalists Society): Je représente également Parcs Canada, le chapitre manitobain de la Wilderness Society, la Brandon Naturalists Society, Time to Respect Earth's Ecosystems ou TREE, et je suis la coordinatrice du World Wildlife Fund pour le Manitoba. Avez-vous reçu notre documentation à ce sujet? Je crois qu'on en a fait des photocopies et qu'on vous les a distribuées
Le président: Nous sommes heureux de vous accueillir. Cet après-midi, nous allons essayer de faire preuve d'une plus grande discipline que ce matin. Au bout de dix minutes, je vous ferai signe et il vous restera alors cinq minutes, soit un total de 15 minutes.
Nous allons commencer par M. Sherrington.
M. Peter Sherrington (vice-président, Alberta Wilderness Association): Merci, monsieur le président.
Avant de commencer mon exposé, je voudrais vous présenter brièvement l'Alberta Wilderness Association. Nous somme le plus gros organisme environnemental caritatif à but non lucratif de l'Alberta. Notre organisme existe depuis plus de 27 ans et depuis sa création, nous travaillons auprès du public, des autorités et des industries pour diffuser le message de la préservation de la faune et pour exposer les problèmes qui se posent dans ce domaine, notamment ceux des espèces en péril.
Notre point de vue comprend notamment deux aspects. Tout d'abord, il faut mettre en place un système complet de zones sauvages représentatives protégées en Alberta et, deuxièmement, nous reconnaissons la valeur intrinsèque de la nature, c'est-à-dire la valeur de la nature en soi. Et nous sommes très heureux que ce principe soit expressément consacré dans le préambule du projet de loi C-65.
Nous sommes ravis de voir que le gouvernement fédéral a finalement décidé de concrétiser les engagements qu'il a pris dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique de 1992. Je signale que nous sommes favorables aux recommandations et observations de la Coalition canadienne des espèces en péril, que nous soutenons en tant qu'organisme. Cet après-midi, je voudrais mettre l'accent sur quelques thèmes particuliers en donnant des exemples spécifiques à l'Alberta.
Nous déplorons le fait que le projet de loi C-65 comporte plusieurs défauts importants qui risquent de nuire sérieusement à la réalisation de son objectif, c'est-à-dire la protection des espèces fauniques canadiennes de la disparition ou de l'extinction.
De façon très générale, le projet de loi ne semble pas tenir compte du fait que pour une espèce, le passage de la vulnérabilité à l'état d'espèce menacée puis à l'extinction forme un mouvement continu, et non pas une suite d'étapes distinctes. Avant cela, l'espèce rencontre des problèmes et sa population diminue. C'est un processus continu. Le projet de loi semble attribuer une valeur intrinsèque magique aux espèces en péril ou menacées. Leur situation a des causes précises. Elle résulte d'un processus. Peut-être faudrait-il le mentionner dans le préambule.
Dans certains cas, l'état d'une espèce en péril ou menacée peut résulter d'une attrition de l'espèce due à une exploitation ou une chasse excessive. C'est le cas, par exemple, du courlis esquimau. Cet état peut résulter d'une grave diminution du potentiel reproducteur à cause d'un agent chimique ou autre. C'est le cas, par exemple, du faucon pèlerin.
Pourtant, pour 80 p. 100 des espèces en péril au Canada - on peut discuter de la proportion exacte, mais elle est considérable - la régression d'une espèce est due entièrement ou en grande partie à la destruction, la dégradation ou la fragmentation de son habitat. Le projet de loi prévoit une infraction pour toute personne qui tue un individu d'une espèce menacée ou en péril, ou qui lui nuit, mais il n'exige pas la protection de ce qu'on appelle l'habitat essentiel de cette espèce.
En fait, à notre avis, la seule disposition importante du projet de loi est le paragraphe 34(4), concernant les arrêtés d'urgence. Cette disposition réglemente et interdit les activités susceptibles de nuire à l'habitat essentiel des espèces en cas de menaces imminentes envers cet habitat. Cependant, la notion d'habitat essentiel n'est pas définie à l'article 2, pas plus que la notion d'habitat, ni, comme on l'a fait remarquer ce matin, les notions d'écosystème et de biodiversité. Ces mots sont employés tout au long du projet de loi, mais ils n'y sont pas définis.
On ne mentionne aucunement l'«habitat» dans les articles 31 à 33, concernant les interdictions, de sorte qu'on semble tenir compte de la prévention de la destruction d'un habitat seulement dans des circonstances extrêmes et exceptionnelles. C'est-à-dire que cette question entre en jeu seulement dans des situations d'urgence.
Je dirais simplement que si l'on n'accorde pas une plus grande protection à l'habitat spécifiquement, la loi protégera vraiment très peu les espèces en péril et fera seulement en sorte que la liste des espèces en péril continuera de s'allonger pendant que l'habitat essentiel et l'habitat de toutes sortes d'espèces continueront de diminuer.
En somme, le projet de loi semble s'intéresser au symptôme d'un problème, pas au problème lui-même. Les espèces en voie de disparition et les espèces menacées sont la conséquence, il faut le répéter, d'un processus. Or on n'en tient pas du tout compte du processus même dans ce projet de loi.
Nous estimons essentiel que tout plan d'aménagement susceptible de modifier l'habitat d'espèces en péril - et cela inclurait les espèces vulnérables dans bien des cas - fasse l'objet dès le départ d'une évaluation et d'un examen complets, dans le cadre d'un processus ouvert avant que les travaux ne soient amorcés. On épargnera ainsi en fin de compte du temps et de l'argent.
Nous sommes pleinement conscients de la frustration éprouvée par les industries extractives qui investissent beaucoup de temps et d'argent dans des projets et qui finissent par les voir ralentis ou sabordés par des écologistes. Si l'évaluation se fait dès le départ, le processus sera beaucoup plus efficace et permettra d'éviter ce qui arrive trop souvent actuellement, c'est-à-dire que les sommes d'argent et le temps investis dans un projet servent d'excuse pour exempter le projet d'un examen plus poussé ou de tout examen.
Les témoins qui ont comparu ce matin ont parlé longuement de la portée du projet de loi et le président a résumé l'art du possible à la fin de cette séance. Il est cependant important de rappeler que le projet de loi C-65 s'applique seulement aux terres fédérales et aux territoires, aux espèces aquatiques et à certains oiseaux migrateurs, et qu'il prévoit de grandes exceptions dans le cas des oiseaux migrateurs.
L'aire de pénétration de la plupart des espèces en péril s'étend au-delà de ces terres et même habituellement au-delà des limites d'une seule province. Il faut donc modifier le projet de loi pour qu'il s'applique à toutes les espèces en péril dont l'aire de pénétration traverse les frontières d'une ou plusieurs provinces, c'est-à-dire partout où elles peuvent se trouver au Canada. Les règlements des provinces devraient s'appliquer seulement là où il existe une loi équivalente dans tous ses aspects à la loi fédérale, ou même supérieure, osons-nous dire.
Il est important que le gouvernement fédéral prenne l'initiative en élaborant des normes nationales dans ce cas particulier. Il faut qu'il joue ce rôle, car on doit admettre que dans la pratique, il faudra des accords bilatéraux et multilatéraux pour que cela fonctionne. Le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative.
Dans son libellé actuel, le projet de loi C-65 donne trop de pouvoirs discrétionnaires au gouvernement, au cabinet. Même la composition de la liste des espèces en péril résultera en fin de compte de décisions du cabinet, bien que sur recommandation de l'organisme scientifique compétent, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). Cependant, le gouvernement n'est pas obligé d'accepter les recommandations du COSEPAC, et d'après le libellé actuel, le gouvernement n'est pas non plus obligé de rendre publics les motifs invoqués pour refuser d'inscrire des espèces recommandées.
En outre, bien que la loi exige la préparation de plans de rétablissement et de mise en oeuvre pour les espèces en voie de disparition et les espèces menacées, il semble qu'il n'y ait aucune obligation de vraiment mettre en oeuvre ces plans en temps opportun.
Il y a beaucoup trop de suggestions dans le projet de loi et pas assez d'obligations. Il y a beaucoup trop de pouvoirs discrétionnaires.
En ce qui concerne l'Alberta plus spécifiquement, des exemptions générales sont accordées en vertu du projet de loi à des personnes qui agissent dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sécurité ou de la santé publique. Il y a un exemple particulier qu'on a mentionné ce matin, soit celui de la réserve militaire de Suffield dans le sud de l'Alberta, qui possède une immense étendue de terrains abritant de nombreuses espèces inscrites sur la liste de même que plusieurs espèces susceptibles d'être inscrites sur cette liste.
À l'heure actuelle, les militaires semblent faire preuve d'une grande coopération et d'une grande sensibilité à la question, mais il existe un pouvoir discrétionnaire et cela pourrait changer. Nous aimerions savoir s'il y aura une exemption générale au titre de la sécurité nationale pour des choses comme l'entraînement militaire, qui ne concerne pas nécessairement la sécurité directement?
Enfin, la réalisation des objectifs énoncés dans la loi dépendra dans une grande mesure de la disponibilité du savoir-faire scientifique et technique nécessaires pour identifier les espèces en péril, élaborer des plans de rétablissement et assurer le suivi de leur mise en oeuvre, et veiller au respect de la loi.
L'obligation d'établir un plan de rétablissement dans l'année qui suit l'inscription à la liste dans le cas des espèces en voie de disparition et dans les deux années suivant leur inscription dans le cas des espèces menacées repose sur la prémisse que l'on connaît suffisamment bien les espèces pour concevoir et faire respecter des plans appropriés. Or, ce n'est certainement pas le cas pour un grand nombre des espèces qui figurent actuellement sur la liste, notamment des espèces migratoires.
Par exemple, l'espèce qui est magnifiquement présentée dans le résumé du projet de loi, la chouette des terriers, fait l'objet d'études très poussées dans les Prairies canadiennes depuis une dizaine d'années, sinon plus. La population de chouettes des terriers continue de décliner à grande vitesse. Le Service canadien de la faune prédit que cette espèce sera probablement disparue du pays d'ici la fin de la décennie, soit dans quatre ou cinq ans à peine.
Il en est ainsi, entre autres choses, parce que c'est une espèce migratoire. Dès que ces oiseaux quittent les Prairies canadiennes, nous n'avons plus aucune donnée sur leurs migrations et leurs quartiers d'hiver. Même si nous savions tout ce qu'on doit savoir sur la biologie de l'oiseau pendant la saison de reproduction, nous ignorons tout du reste, ce qui fait que l'on peut dire tout au plus qu'on le connaît à moitié. On ne peut pas ainsi appliquer des plans de rétablissement réalistes, et je pense que jusqu'à maintenant le degré de réussite du programme en témoigne.
Triste réalité cependant, les budgets et les effectifs des organismes fédéraux comme provinciaux qui ont pour responsabilité d'étudier, de gérer et de faire respecter la faune ont subi d'importantes compressions ces dernières années. Sans accès au savoir-faire nécessaire, l'efficacité du projet de loi C-65, même convenablement amendé, serait gravement compromise.
Il nous semble que l'un des moyens de remédier à ce problème serait de redéfinir, et d'élargir peut-être, le rôle du Service canadien de la faune pour en faire une commission biologique nationale copiée sur le modèle de la Commission géologique du Canada qui existe depuis une centaine d'années. Je vous parle en tant que géologue et paléontologue qui a souvent eu à traiter avec cette commission. Je pense que même les entreprises de l'industrie des ressources sont en mesure de reconnaître la valeur du travail qu'elle a accompli. Nous n'avons pas d'agence équivalente pour ce qui est de la biologie. Le Service canadien de la faune s'occupe de certaines espèces très en vue. Il ne s'occupe pas des plantes. Il ne s'occupe pas vraiment d'écologie.
Les compressions sont majeures: il y en a dans les services de la faune et des pêches, dans le personnel national et provincial, ainsi que dans les programmes universitaires. Nous devons nous pencher sur la question du savoir, réfléchir à ce que nous savons et comment nous l'avons appris. Les études biologiques prennent du temps. Depuis cinq ou six ans, je travaille comme ornithologue sur le terrain, et nous avons de la chance quand nous pouvons passer plus de deux ou trois semaines dans une aire donnée. Nous pouvons tout au plus définir certains éléments à l'intérieur du système étudié.
Très peu d'études portent effectivement sur l'écologie. Dans la plupart des cas, nous ne connaissons même pas les éléments. Nous ne savons pas, par exemple, quels effets la sécheresse prolongée et les périodes humides dans les Prairies peuvent avoir sur certaines des espèces visées. Il nous faut du temps pour pouvoir les étudier.
Dans les parcs nationaux, nous savons certaines choses à propos des ours, des gros mammifères. C'est là le résultat de dix à quinze années d'étude intensive, et même là nous ne faisons que commencer à comprendre comment tous ces éléments fonctionnent à l'intérieur du cycle complet.
Je pense que mon temps de parole est écoulé. Peut-être qu'au cours des questions qui seront posées je pourrai traiter de certains de ces aspects de façon plus détaillée. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sherrington. Vous avez très bien respecté le temps de parole.
Nous entendrons maintenant M. Schroeder, s'il vous plaît.
M. Curt Schroeder (directeur exécutif, Nature Saskatchewan, et président, Regina Natural History Society): Merci, monsieur le président. Bon après-midi, à mes collègues du groupe et aux membres du comité.
La Regina Natural History Society est l'un des deux plus grands clubs organisés en Saskatchewan. Je ferai un bref exposé au nom de la société, après quoi je céderai la parole à nos collègues à Saskatoon et ils présenteront leur point de vue sur la loi; puis je reviendrai pour exposer le point de vue de l'organisation provinciale Nature Saskatchewan. C'est ainsi que nous avons réparti notre exposé. Nous présentons des visions complémentaires et nous ne voulions pas dédoubler inutilement nos efforts.
Très brièvement, la Regina Natural History Society compte entre 250 et 260 membres. Constitués en organisation depuis 1933, nous fonctionnons encore assez bien et demeurons très actifs. Nous portons un très grand intérêt à ce texte législatif.
Notre mémoire porte sur les articles 31, 32 et 33. Sur les transparents présentés, vous verrez qu'on fait brièvement allusion à ces articles afin de vous aider à bien saisir l'essentiel de notre propos.
L'article 31 stipule qu'il est interdit de tuer un individu d'une espèce inscrite comme espèce menacée ou en voie de disparition ou de lui nuire. Cela semble assez restrictif, ce qui m'apparaît très approprié. Toutefois, nous ne savons pas s'il faut interpréter cette disposition comme signifiant qu'elle vise aussi d'autres étapes du développement d'un individu, qu'il s'agisse des embryons ou des oeufs d'oiseaux, de poissons, etc. Dans la négative, il faudrait le préciser à l'article 31.
C'est sur quoi je tiens à obtenir une précision. Nous estimons que les embryons devraient être inclus dans la définition d'individu. Peut-être que ce terme d'«individu» devrait être précisé dans les définitions. En outre, il n'est pas fait mention dans cette disposition des espèces vulnérables ou disparues du pays, et nous estimons qu'il faudrait le faire. Il devrait y être fait mention de toutes les espèces désignées, et non pas seulement des espèces menacées et en voie de disparition.
Deuxièmement, il devrait être interdit aussi de blesser, d'empoisonner ou de collectionner. Cela aussi fait partie de l'article 31. Celui-ci interdit qu'on nuise aux individus, mais est-ce que cela inclut l'interdiction de blesser, d'empoisonner et de collectionner des individus d'espèces inscrites? Dans la négative, nous estimons que cette interdiction devrait figurer dans cette disposition, à moins de définir de façon claire ce qu'on entend par «nuire».
J'aimerais maintenant dire trois choses à propos de l'article 32 du projet de loi. La protection de l'habitat devrait être la même qu'en ce qui concerne le rétablissement des espèces. L'article 32 vise à faire en sorte que les espèces inscrites aient un endroit où vivre, c'est-à-dire que leur habitat doit demeurer intact. Ce type de protection est absolument essentiel pour assurer le rétablissement des espèces inscrites.
Les Prairies canadiennes sont un exemple de régions où la perte a été énorme au niveau de l'habitat, ce qui explique qu'on y retrouve un nombre disproportionné d'espèces menacées et en voie de disparition inscrites sur la liste du comité actuel. En même temps, toutefois, nous reconnaissons que nous partageons cet habitat avec les espèces, que les gens vivent et travaillent là où se trouvent ces espèces. Mais il nous faut trouver un équilibre qui nous permette de coexister dans ces zones. Nous devons trouver des mécanismes qui nous permettent de vivre côte à côte, et je pense que ces mécanismes ne sont pas encore au point.
L'article 32, devrait exiger la protection des espèces en voie de disparition, des espèces menacées et des espèces disparues du pays. Nous ne sommes pas certains que le mot «résidence» soit le mot à employer dans cette loi. Il vaudrait peut-être mieux parler d'«habitat». Je n'ai jamais vu le mot «résidence» employé dans aucune étude biologique. C'est la première fois que je vois ce mot employé dans ce sens.
Définissez le mot «habitat» pour inclure les régions où une espèce réside normalement pour la totalité ou pour une partie de sa vie, et reconnaissez que des gens peuvent aussi y vivre et y travailler. Je proposerais que nous définissions ces régions dans les plans de rétablissement, et non pas dans les rapports de situation d'espèces qui sont adressés au Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada (CSEMDC).
Fait ironique, le libellé d'un des textes législatifs fédéraux, la Loi sur les pêches, est plutôt ferme quand il est question de la protection de l'habitat des poissons. À l'article 35 de la Loi sur les pêches, on interdit la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, sauf autorisation du ministre, et cette loi ne porte même pas sur les espèces en voie de disparition. Pourtant on ne trouve pas vraiment de mention de ce genre dans le projet de loi C-65.
Je dirais donc qu'il nous faudrait peut-être examiner la Loi sur les pêches pour voir comment on peut protéger l'habitat, le mettre à l'abri des perturbations - non pas nécessairement de la destruction directe, mais des perturbations aussi. C'est déjà dans la loi. Toutefois, je reconnais que l'observation de la Loi sur les pêches à cet égard pose un problème; nous devrions essayer d'en connaître la cause pour en tirer un enseignement qui nous servira pour modifier le projet de loi C-65.
Je vous parlerai enfin de la protection des espèces frontalières. L'article 33 vise à protéger de toute attaque directe les espèces frontalières en voie de disparition, mais ne mentionne pas la protection de l'habitat de ces espèces. L'exemple qui vient d'être cité, celui de la chouette des terriers, est un bon exemple. Nous le savons pertinemment en Saskatchewan. Le faucon pèlerin en est un autre exemple.
Nous devons envisager d'exiger dans cette disposition que sur le territoire domanial on protège l'habitat de toutes les espèces migratoires, notamment tous les rapaces, c'est-à-dire les oiseaux de proie. Malgré les efforts déployés depuis plus de huit ans en Saskatchewan et en Alberta pour protéger la chouette des terriers, cette espèce est toujours en déclin.
Enfin, j'aimerais aussi que le gouvernement fédéral soit tenu en vertu de l'article 33 de conclure des ententes internationales avec d'autres pays dont les mêmes espèces sont inscrites sur la liste.
En conclusion, comme le constatent les auteurs d'un récent rapport des Nations Unies, nous assistons sur notre planète à une disparition massive et sans précédent de multiples formes de vie. La biodiversité, avec ses chaînes alimentaires complexes et inter-reliées, maintient la capacité de la terre à soutenir la vie. Avec chaque espèce qui disparaît, on voit s'affaiblir au risque de la voir disparaître un jour cette capacité qu'a la planète d'offrir un milieu propice à la vie telle que nous la connaissons. Si nous continuons de fermer les yeux sur les canaris qui meurent au fond de la mine, au bout du compte aucun d'entre nous n'en sortira vivant.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Monsieur John.
M. Roy John (président à la conservation, Saskatoon Nature Society): Merci, monsieur le président. J'aimerais poursuivre.
D'abord, je tiens à dire au comité que je suis un naturaliste depuis mon plus jeune âge et que j'ai travaillé toute ma vie comme professionnel des sciences de l'environnement. J'ai joint un bref curriculum vitae au rapport que j'ai remis au greffier.
Je représente ici aujourd'hui la Saskatoon Nature Society. Celle-ci compte 500 membres. Nous desservons Saskatoon et les régions agricoles environnantes, et nous existons depuis un peu plus de 40 ans.
J'aimerais tout d'abord dire que nous sommes très déçus de constater que la loi n'inclut pas toutes les espèces en péril. En Saskatchewan, il y a 27 espèces en péril, et cette loi n'en protège en fait que deux ou peut-être trois. Les autres sont toutes à l'extérieur du territoire domanial.
Les espèces en voie de disparition transcendent l'interprétation des lois ainsi que les politiques, et nous pouvons en donner pour exemple l'espèce en voie de disparition la plus connue en Saskatchewan, la grue blanche d'Amérique. Les deux tiers de la population sauvage restante migre et vit dans les alentours de Saskatoon. Ces oiseaux s'installent pour la plupart sur des terres privées. L'oiseau même est protégé, mais son habitat ne l'est pas, et il a besoin de celui-ci pour engraisser suffisamment et être en mesure de voler jusqu'au Texas.
Le présent texte de loi n'améliorera que très légèrement la législation actuelle. Si vous examinez la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et d'autres encore, vous verrez qu'on accorde une certaine protection à environ 48 p. 100 des espèces en péril en Saskatchewan. La Loi sur la protection des espèces en péril au Canada porterait ce pourcentage à 55 p. 100, ce qui est loin d'être satisfaisant.
Six des sept oiseaux migrateurs qui figurent sur la liste ne nichent pas sur le territoire domanial, et cela inclut le faucon pèlerin. En outre, il n'y a aucune protection prévue pour les faucons et les hiboux, ce qui nous inquiète tous.
La huitième espèce en voie de disparition en Saskatchewan est une plante. Ni cette loi ni aucune autre ne lui accorde la moindre protection.
J'aimerais aussi dire que les espèces en danger imminent doivent bénéficier d'une protection immédiate, mais la Loi ne prévoit rien à cet égard. Nous devons inclure une disposition pour garantir cette protection.
Par ailleurs, nous aimerions parler de l'examen préalable des projets. Nous estimons que les projets considérés comme pouvant avoir un effet sur les espèces en voie de disparition devraient faire l'objet d'un examen préalable.
Nous avons diverses inquiétudes en ce qui concerne le COSEPAC.
Une limite est imposée à la durée du mandat des membres; il y aurait lieu de revoir cette mesure. Nous sommes d'accord sur le fait qu'on doit pouvoir apporter des changements au sein du COSEPAC, mais vous devez reconnaître qu'il faut de nombreuses années pour acquérir une expertise dans les domaines que nous avons évoqués. On a parlé tout à l'heure des dix années de travail effectué sur les ours bruns. Comme les budgets de recherche actuels ne sont guère généreux, nous ne disposons en fait que de très peu d'experts. Nous acceptons l'idée d'un roulement, mais un mandat de trois ans c'est trop peu et il faudrait le prolonger de beaucoup, ou même n'imposer aucune restriction.
C'est le COSEPAC qui devrait prendre les décisions, et non pas les hommes politiques. Quand nous adoptons une loi, par exemple le Code criminel, on n'attend pas de la classe politique qu'elle veille à son observation. Nous comptons pour ce faire sur des professionnels qualifiés - des policiers, des avocats, des juges. Nous ne pensons pas que nous devrions confier la surveillance de l'observation de la loi aux politiciens. Elle devrait être confiée à des professionnels qualifiés - en l'occurrence, des gens ayant une formation en matière d'environnement.
Autre chose que j'aimerais dire au sujet du COSEPAC, c'est que le lieu de résidence ne devrait pas influer sur une nomination à ce comité. Ce n'est pas un critère. L'expertise appartient aux individus et ne tient pas à l'endroit où ils vivent. L'appartenance au COSEPAC ne doit pas servir à améliorer son crédit politique; le COSEPAC doit être un organisme scientifique, constitué par des scientifiques qui donnent de l'information scientifique.
Enfin, je pense que nous devrions aussi supprimer la restriction qui empêche des experts non canadiens de participer aux travaux du comité spécial du COSEPAC. Comme nous avons beaucoup de problèmes en commun avec les États-Unis, si le plus grand expert sur une question donnée vient des États-Unis, c'est à lui que nous devrions nous adresser.
Je suis aussi l'éditeur du Blue Jay, le magazine des naturalistes des Prairies, et nous recevons beaucoup d'informations de nos collègues des États-Unis. Les Prairies ne connaissent pas de frontière politique. L'information qu'on produit au sud de la frontière est tout aussi utile pour nous que l'est pour eux celle que nous produisons, et je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas utiliser de l'expertise étrangère quand c'est tout à fait approprié.
Pour ce qui est du point suivant, encore une fois nous sommes d'avis qu'il nous faut protéger les espèces au-delà des frontières interprovinciales. Sur le nombre d'espèces en péril en Saskatchewan, 67 p. 100 peuvent traverser nos frontières interprovinciales. En ce qui concerne vos susceptibilités politiques, monsieur le président, nous disons dans notre mémoire que nous attendons du gouvernement fédéral qu'il fasse preuve de leadership. Peu nous importe que vous le fassiez d'une façon politique, juridique ou à l'amiable; nous pensons tout simplement qu'il faut faire quelque chose pour protéger ces espèces qui franchissent les frontières interprovinciales.
Il en va de même également pour les espèces qui franchissent les frontières nationales. Nous estimons que le gouvernement fédéral a bel et bien la responsabilité de faire preuve de leadership dans ce domaine, quelle que soit la forme que cela prendra. J'aimerais me joindre à tous ceux qui ont pris la parole aujourd'hui pour dire que la protection de l'habitat est vraiment une faiblesse majeure de ce projet de loi.
En résumé, nous suivons ce dossier depuis longtemps et nous sommes certainement heureux qu'on ait réalisé beaucoup de progrès grâce à ce projet de loi sur la protection des espèces en péril au Canada, mais nous aimerions demander instamment au ministre de donner suite aux recommandations que nous et nos collègues naturalistes ont présentées aujourd'hui afin de renforcer ce projet de loi et de le rendre plus efficace. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
M. Schroeder: Nature Saskatchewan est le pendant provincial de la Manitoba Naturalists Society et de la Federation of Alberta Naturalists. Nous publions The Blue Jay, dont vient de parler l'orateur qui m'a précédé. Il y a longtemps que nous sommes dans le domaine de l'édition, et je ne parle pas que de ce journal, qui est distribué à l'échelle du pays et à l'étranger, mais aussi des 24 publications spécialisées que nous produisons, notamment le titre le plus récent, Atlas of Saskatchewan Birds.
Nature Saskatchewan aimerait faire quelques commentaires. En fait, ils sont résumés sur les acétates.
Les espèces désignées par le COSEPAC devraient être les mêmes qui figurent sur la liste nationale. Pour répéter un peu ce que l'on a déjà dit, Nature Saskatchewan a de sérieuses réserves à l'égard du processus d'établissement de la liste, qui avait été proposé à l'origine dans le projet de loi de 1995. Nous croyons que les modifications apportées dans la nouvelle version, le projet de loi C-65, sont régressives parce qu'elles permettent au ministre de passer outre aux désignations du COSEPAC. Nous croyons que ce n'est certainement pas ce que le public appellerait une évaluation juste et honnête du processus de désignation des espèces en péril.
Dans certaines provinces qui ont des lois sur la protection des espèces en péril, le ministre n'a pas inclus certaines espèces sur la liste pour une raison quelconque, comme les circonstances qui prévalent dans la province. Nous croyons que cela ne répond pas du tout aux attentes du public. Nous devons prendre des mesures rigoureuses à l'égard de la protection des espèces et nous devons agir de façon juste, honnête et scientifique.
La principale raison pour laquelle nous devons éviter de prévoir un pouvoir discrétionnaire est que toute décision doit être fondée exclusivement sur des considérations scientifiques. Le pouvoir discrétionnaire ne devrait être exercé qu'une fois les désignations faites, comme lors de l'élaboration de plans de rétablissement.
Nous croyons donc qu'il faut modifier l'article 30 pour que le ministre n'ait plus de pouvoirs discrétionnaires lui permettant de modifier la liste des espèces en péril désignées comme telles par le COSEPAC. En plus de recommander que les ministres soient tenus d'inscrire sur la liste toutes les espèces proposées par le COSEPAC, nous voulons également - et c'est plutôt intéressant - qu'ils ne soient pas autorisés à ajouter de leur propre chef, d'autres espèces à la liste. Nous croyons que tout doit être fait par l'entremise du COSEPAC.
Un plan de rétablissement représente une mesure de rétablissement. Le paragraphe 42(1) autorise le ministre compétent, s'il le désire, à éviter de prendre des mesures visant la mise en oeuvre de plans de rétablissement. Compte tenu de l'objectif visé par le projet de loi et de la volonté du public exprimée lors de nombreux sondages, nous croyons que ce n'est pas acceptable. Même l'Accord national sur la protection des espèces en péril exige l'adoption de mesures législatives fédérales, provinciales et territoriales complémentaires pour qu'on puisse assurer la mise en oeuvre de plans de rétablissement en temps opportun. Le projet de loi C-65 doit être modifié pour éliminer la possibilité que ne soit prise aucune mesure de rétablissement.
Des arrêtés d'urgence doivent entraîner des mesures d'urgence. J'entends par là que le projet de loi C-65 dans son libellé actuel propose que le ministre compétent soit autorisé à prendre un arrêté d'urgence s'il juge que l'urgence de la situation l'exige, mais il n'est pas tenu de le faire. Encore une fois, nous préférerions qu'on ne prévoie pas de pouvoir discrétionnaire au chapitre des arrêtés d'urgence, pour que des mesures soient prises sans tarder.
J'aimerais maintenant parler des enquêtes qui doivent tenir compte de la situation de l'espèce visée. Nous croyons que le simple citoyen, comme le permet d'ailleurs actuellement le projet de loi, peut intenter une action pour que la loi soit appliquée. Nous félicitons le gouvernement d'avoir proposé cette méthode novatrice, permettant ainsi au simple citoyen d'intenter des poursuites. Cela forcera donc le public à demeurer vigilant car il pourra maintenant prendre les mesures qui s'imposent pour s'assurer que les plans de rétablissement sont mis en oeuvre tels que proposés. Nous croyons que le public a un rôle à jouer et devrait être invité à participer à l'application de toute mesure qui vise la protection des espèces en péril. Nous croyons que c'est un aspect fort positif.
Cependant, le projet de loi précise que le demandeur ne peut agir qu'une fois que le gouvernement a procédé à une enquête et qu'on a démontré que la plainte est fondée; si le gouvernement s'oppose après cette enquête à ce qu'un particulier intente une action, cette personne ne peut aller de l'avant que si un tribunal juge que les explications données par le gouvernement ne sont pas raisonnables. Même si cela semble bien raisonnable de prime abord, nous croyons qu'il faut prendre des mesures pour s'assurer que ce processus est sensible à deux grands facteurs. Tout d'abord, au fait que l'espèce dont nous parlons est en péril et deuxièmement, à l'urgence de la situation si les activités qui ont inspiré le demandeur présentent des dangers pour cette espèce.
Le processus doit être rationalisé lorsqu'il y a urgence. Ainsi l'article 57 doit être modifié pour s'assurer que tout se déroule en temps opportun.
Nous croyons également que l'article 60 du projet de loi fournit les mesures de protection nécessaires contre tout abus des recours juridiques. Nous croyons donc que cela est fort approprié.
Le prochain acétate, nos derniers points, montre que les exceptions sont trop générales. Nous parlons tout particulièrement des articles 36 et 46. Des exemptions sont prévues pour toute activité visant à protéger la santé - notamment celle des animaux et des végétaux - ou à assurer la sécurité nationale ou du public». Nous croyons que des exemptions si générales sont inutiles et déraisonnablement vastes, comme l'a d'ailleurs mentionné l'Alberta Wilderness Association. Aucune disposition ne vise à s'assurer que les incidences négatives sur les espèces seront réduites au minimum dans ces cas ou que de telles exceptions figureront au registre.
Qu'est-ce qui constitue un facteur de sécurité? Qu'entend-on par protection de la santé? De quels animaux et végétaux s'agit-il? Puisque les interdictions et les plans de rétablissement du projet de loi visent les espèces sauvages, si l'on parle de la santé des animaux et des végétaux, on doit faire allusion aux espèces domestiques et aux cultivars. Si c'est le cas, on accorde ainsi aux considérations économiques une plus grande importance qu'à la survie des espèces sauvages. Il faut prévoir des mesures de protection afin de s'assurer qu'on n'abuse pas du pouvoir d'exemption.
Nous avons donc formulé diverses recommandations: par exemple, que l'article 36 soit modifié pour s'assurer que les mots «en vue de protéger la santé - notamment celle des animaux et des végétaux - ou d'assurer la sécurité nationale ou du public» sont mieux définis, et que l'article 46 est modifié de sorte que les exceptions prévues sont limitées aux cas d'urgence.
Mon prochain commentaire concerne l'examen préliminaire. Aux termes du projet de loi C-65, les projets devront faire l'objet d'un examen des évaluations environnementales conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Même si cette loi prévoit déjà une évaluation de ce genre, nous croyons qu'il serait raisonnable de confirmer cette pratique dans le projet de loi C-65.
Notre dernier commentaire porte sur les centres de données sur la conservation. Nature Saskatchewan se trouve dans une situation unique en ce qui a trait à ses activités avec le Saskatchewan Conservation Data Centre. Plusieurs provinces canadiennes ont des centres de ce genre - pas toutes cependant; par exemple l'Alberta n'en a pas alors que le Manitoba en a un. Nous assurons en partenariat la gestion de ce centre en Saskatchewan. Nous croyons fermement que ces centres sont nécessaires car ils recueillent tous les renseignements biologiques sur le terrain, que cela touche la faune ou la flore, et tiennent des dossiers précis sur les espèces en péril. C'est là leur mandat.
Nature Saskatchewan estimait que depuis 50 ans elle jouait le rôle de centre de données sur la conservation, et c'est pourquoi elle a décidé de s'associer au gouvernement dans ce domaine. Nous croyons que le gouvernement, l'industrie et les organismes non gouvernementaux doivent avoir accès à des données précises et adéquates lorsqu'ils planifient des projets de développement ou qu'ils envisagent prendre des mesures qui pourraient avoir un impact sur les espèces en péril ou sur leur habitat.
Nous croyons qu'on a tendance à recueillir de moins en moins de données sur l'environnement et que cela met en péril notre habileté à contrôler et surveiller ce qui se passe. Il faut renverser cette tendance. Une façon d'y parvenir, tout particulièrement en ce qui a trait aux espèces en péril, est d'appuyer la création de ces centres de données sur la conservation.
J'aimerais terminer en faisant une analogie: la conduite défensive peut être comparée à la protection des espèces. Cela semble peut-être un peu étrange, mais je crois que cela représente vraiment ce que nous faisons aujourd'hui. J'imagine que la majorité d'entre nous conduisent une voiture, et la majorité des gens reconnaissent que la conduite défensive est une bonne chose.
Une des principales caractéristiques de la conduite défensive est que l'automobiliste doit reconnaître les dangers. Lorsque nous sommes sur la route et que nous voyons un obstacle devant nous, nous reconnaissons que nous devons réagir. La même chose vaut pour les espèces en péril. Nous reconnaissons que la diminution de certaines populations animales ou végétales représente un problème que nous devons chercher à régler.
Il faut ensuite comprendre ce qu'est la défense. Comme automobiliste vous savez que vous devez éviter cet obstacle, le contourner ou arrêter afin d'éviter d'endommager votre véhicule ou de vous blesser. Ça c'est la deuxième étape, comprendre ce qu'est la conduite défensive. Nous reconnaissons ici qu'une partie de la défense en ce qui a trait aux espèces en péril consiste à adopter des mesures législatives appropriées, et nous espérons sincèrement que le projet de loi qui sera adopté nous permettra d'y parvenir.
La dernière étape c'est d'agir en temps opportun. Évidemment, nous ne pouvons pas attendre trop longtemps pour freiner, sinon nous aurons un accident. De la même façon, dans le processus qui nous occupe ici, nous devons agir. Nous ne pouvons attendre. Le problème existe. Nous savons quelles sont les mesures de défense à prendre. Il faut agir au bon moment.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Schroeder.
Dans un de vos documents, vous mentionnez cinq plantes qui ont besoin d'être protégées en Saskatchewan. Pourriez-vous les nommer aux fins du compte rendu.
M. John: Il s'agit de l'halimolobos mince, du chénopode glabre, du saule de Tyrell et de l'arméria de l'Athabaska. Je suis désolé, le nom de la cinquième plante m'échappe. Je vous ferai parvenir cette liste.
Le président: Très bien, merci. C'est simplement aux fins du compte rendu. Je vous remercie.
Nous entendrons maintenant Mme Chambers.
Mme Chambers: Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous avons préparé un assez long mémoire. Tout ce qui figure dans le texte est à nos yeux important, mais puisque le temps file, je vous ferai simplement part des points saillants. J'espère que vous pourrez me suivre sans trop de problèmes.
Le simple fait que toutes les provinces et territoires ont appuyé ces magnifiques documents aurait dû garantir que tous les paliers collaboreraient et qu'ils chercheraient, peut-être même avec enthousiasme, à adopter des mesures législatives visant à protéger les espèces sauvages en péril ainsi que leur habitat. Ce document existe déjà, et je ne comprends pas pourquoi les provinces ne peuvent pas emboîter le pas au fédéral pour que tout le monde s'inspire des mêmes mesures.
Ainsi, même si nous sommes heureux des initiatives du gouvernement fédéral au chapitre de la rédaction et de la proposition de cette mesure législative, nous sommes très déçus qu'on nous demande d'étudier une proposition fédérale au lieu d'une proposition nationale et que le projet de loi ne prévoie qu'un niveau de protection pour certaines espèces qui passent leur vie entière dans les terres, les eaux et l'espace classées comme terres fédérales. Au Manitoba, cela ne garantit pratiquement aucune protection. Les parcs nationaux, les réserves nationales de la faune et les autres terres sous régime fédéral représentent moins de 3 p. 100 de la superficie totale ou environ 1 p. 100 des régions boisées.
La définition du terme «résidence» est beaucoup trop limitée et doit être élargie pour inclure au moins l'habitat vital nécessaire à la survie d'une espèce. Pour ce qui est du caribou des bois, il faut assurer la protection du gîte d'hivernage, de la zone de mise bas ainsi que de l'aire d'accouplement. Il ne faut pas oublier les corridors de déplacement entre ces zones. Quelle protection la définition actuelle assurerait-elle au caribou des bois? La définition doit également s'appliquer à des populations générales ou à des groupes pour qu'on puisse la mettre en oeuvre pour toutes les espèces.
L'article 3 doit être élargi et rendu plus clair. Pourquoi ne parle-t-on que de certaines espèces sauvages? Pourquoi seul l'habitat des oiseaux protégés par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs est-il protégé sur les terres fédérales et territoriales? Les provinces ne devraient pas s'opposer à ce qu'on ajoute d'autres espèces à la liste, puisque ces dernières protègent déjà ces espèces dans leurs lois sur la faune. Nous ne comprenons donc pas pourquoi il y a des omissions tout particulièrement quand bon nombre de ces espèces sont déjà en péril.
Le paragraphe 3(2) devrait être supprimé. Nous voulons que le gouvernement fédéral fasse tout ce qu'il peut pour protéger les espèces en péril et leur habitat.
La protection obligatoire prévue à l'article 4 devrait également être accordée à toutes les espèces sauvages et à leurs habitats en ce qui a trait aux activités des sociétés d'État. Les mesures prises par les ministères fédéraux ou leurs organismes doivent être assujetties à la loi et ne doivent pas nuire aux espèces en péril ou à leur habitat.
Le paragraphe 6(2) devrait préciser les conditions ou les circonstances dans lesquelles il pourrait y avoir délégation de pouvoirs et de fonctions et indiquer de quels pouvoirs et fonctions il s'agirait. Il ne devrait y avoir aucune délégation du pouvoir de délivrance de permis. Ce paragraphe devrait être supprimé. Il est impensable que le gouvernement fédéral songe à déléguer une fonction aussi importante aux provinces - il s'agit des décisions touchant les mesures qui pourraient nuire à une espèce en péril ou à son habitat.
Le paragraphe 30(1) nous préoccupe beaucoup. Puisque ce projet de loi s'intitule «Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada» et puisque le COSEPAC ne formulerait certainement pas des recommandations à la légère, nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi le ministre n'accepterait pas et ne mettrait pas en application les recommandations du COSEPAC. Il faudrait donc modifier le libellé et stipuler «Le ministre doit par règlement...».
Le paragraphe 30(2) ne précise pas qu'il faut justifier la décision visant la modification de la liste. Si une proposition n'est pas acceptée, alors dans l'intérêt de la reddition de comptes, il faudrait expliquer pourquoi on a décidé de ne pas accepter la recommandation.
Le terme «perturber» devrait être ajouté à la liste des interdictions qui figurent au paragraphe 31(1) et à l'article 32. Comme on l'a fait au Manitoba, il faut modifier les articles 31 et 32 et y inclure «espèces disparues du pays», ainsi qu'ajouter à l'article 32 «habitat nécessaire».
L'article 33 dans son libellé actuel ne protège pas les espèces en péril et devrait être modifié comme suit: «Le ministre doit, par règlement,...». De plus, il faudrait ajouter au paragraphe 33a) le mot «perturber» et supprimer le mot «intentionnellement» - la loi manitobaine précise simplement qu'il est interdit de tuer, blesser, etc. - et il faudrait également inclure dans cette disposition les espèces migratoires qui traversent les frontières provinciales ou internationales. Seul le gouvernement fédéral peut protéger les espèces migratoires. Nous vous exhortons à faire tout ce que vous pouvez pour vous assurer que ces modifications seront apportées.
Dans le cadre de RESCAPÉ, les programmes de rétablissement ont inclus la collaboration entre les provinces et entre les nations. Les efforts de collaboration entre les pays visant à protéger des espèces en péril et leur habitat doivent être favorisés si nous voulons assurer la survie de ces espèces. Cela ne représente pas simplement un problème pour les espèces dont l'habitat chevauche des frontières internationales ou provinciales, mais cela représente un problème pour les terres domaniales, si les terres avoisinantes ne sont pas administrées d'une façon qui assure la protection des écosystèmes.
Le Parc national du Mont-Riding, qui est désigné réserve de la biosphère, est un exemple parfait des raisons pour lesquelles nous avons besoin d'adopter cette loi pour assurer la protection des espèces qui traversent les frontières fédérales-provinciales. Les pressions auxquelles est soumis ce parc national, comme le révèle le rapport de 1994 sur l'état des parcs, que nous avons annexé à notre texte aujourd'hui, illustrent la perte d'habitat attribuable à l'agriculture et à la diminution du manteau forestier. Si vous étudiez cette carte, elle illustre la perte de manteau forestier - elle ne remonte que jusqu'en 1993. Lorsque j'ai parlé aux représentants du secteur forestier, ils m'ont dit qu'au début du siècle, il n'y avait aucune interruption dans le manteau forestier. En 1972, voici ce qu'on trouvait dans cette région et voici ce qu'on trouvait en 1993. Et ça c'était avant que L-P obtienne son permis et commence à couper du bois dans les boisés privés. Si vous aviez une carte représentant la situation en 1997, elle serait bien différente de celle-ci, parce que la coupe de bois se déroule pratiquement jusqu'à la limite du parc.
Puisqu'ils s'inquiétaient de la perte de variabilité génétique et de l'élevage en ligne continue, les responsables du Parc national du Mont-Riding ont commencé des tests génétiques sur les élans, les orignaux et les loups. Les gros mammifères comme les élans, les ours et les loups qui osent se promener à l'extérieur du parc, peuvent être victimes de braconnage, d'activités de chasse ou même d'empoisonnement. Même s'il y a suffisamment de sources de nourriture pour assurer la survie d'un grand nombre de loups, d'après les chiffres de 1995-1996, il reste moins d'une trentaine de loups dans ce parc, alors qu'on en avait compté environ 120 en 1975.
L'absence de protection a également un impact sur les efforts visant à rétablir les espèces disparues du Canada dans ce parc. Des programmes de rétablissement de la martre des pins et du pékan sont actuellement en cours dans ce parc national. Il est très difficile d'encourager les employés du parc à dépenser une partie de leurs ressources financières limitées, ainsi qu'une partie de leur temps pour ces programmes lorsque ces espèces sont tuées parce qu'elles ne sont pas protégées lorsqu'elles quittent le parc. C'est décourageant pour tout le monde.
Avec la création proposée du Parc national de Lowlands, la situation du Parc national du Mont-Riding se répétera dans ce nouveau parc, et les choses y seront probablement pires. Les zones proposées sont petites et fragmentées. Si vous regardez cette carte, vous voyez que la section allongée est déjà traversée par des lignes de transmission, par des routes et des choses de ce genre. Nous aurons une autre route toutes saisons qui traversera également cette région. On propose également l'exploitation forestière tout le long de cette zone au cours des onze prochaines années. Repap procédera à cette exploitation. Il en va de même pour la section plus au nord.
Pour commencer, les zones proposées sont petites et fragmentées, choisies, à dessein, afin d'éviter les terrains d'une grande valeur pour les secteurs minier et forestier. Le niveau de coupe de bois, de construction de routes et de ponts envisagé, juste à l'extérieur des zones proposées, entraînera, encore une fois, l'isolement des populations. Il faut prévoir une protection des espèces d'une zone à l'autre, dans le but non seulement de protéger les espèces en péril, mais pour empêcher que d'autres espèces le deviennent. Les programmes de prévention sont beaucoup plus rentables que les programmes qui visent à rétablir des espèces et leur habitat.
Le paragraphe 36(1) «Application des interdictions» est beaucoup trop vaste - il limite les interventions d'urgence. Les ministères et organismes du gouvernement fédéral doivent limiter leurs interventions aux termes de ces dispositions. À moins qu'il s'agisse de situations d'urgence, rien ne justifie qu'on contourne les procédures habituelles d'autorisation. Il semblerait que les activités réglementées par l'Agence réglementaire de la lutte antiparasitaire soient assujetties au paragraphe a) et que l'utilisation d'insecticides ne soit pas soumise à un examen. Il a fallu des années et la coupe du bois sur une grande échelle pour limiter l'utilisation du carbufuran qui menace la survie de la chouette des terriers en péril. Il ne ressort pas clairement que l'adoption de ce projet de loi changera l'ancienne très longue procédure.
À titre d'exemple récent, l'octroi de licence à long terme permettant la pulvérisation, avant la récolte, du produit Roundup, si approuvée, pourrait avoir des effets marqués sur les étroites étendues qui donnent abri - ce que l'on qualifie de ruban d'habitat - qui offrent un habitat, une alimentation et un abri dont on a grandement besoin dans des zones agricoles autrement dégarnies. Vous trouverez en annexe quelques-unes des préoccupations du Manitoba à cet égard. Il doit y avoir moyen d'assurer la coopération et l'examen de l'incidence des décisions des autres ministères sur les espèces en péril de façon à ce qu'un ministère n'annule pas les efforts d'un autre. Il faut rehausser la reddition de comptes en rendant publiques les raisons des décisions prises aux termes de cet article.
Maintenant, le paragraphe 38(4) «Plans de rétablissement et d'aménagement.» On pourrait penser que si un groupe de chercheurs scientifiques croient que le rétablissement est réalisable aux points de vue technique et biologique, le ministre responsable donnerait suite aux avis reçus. La population devrait avoir la possibilité de revoir et de commenter les raisons invoquées par le ministre pour rejeter le plan.
L'article 46 «Accords et permis» est plutôt vague. Dans quelles conditions va-t-on conclure un accord? Les possibilités sont quand même limitées et il faudrait les prévoir expressément dans cette disposition.
Passons au bas de la page, à l'article 77 «Infractions et peines». Il faut modifier cette disposition afin de s'assurer que les peines prévues aux termes de la loi sont au moins l'équivalent de celles prévues aux termes de la loi fédérale concernant les pêches. Il n'y a aucune raison de procéder différemment.
Je voulais aborder quelques préoccupations connexes relativement à l'Accord national sur la protection des espèces en péril. Il a déjà été mentionné qu'en élaborant des lois et des programmes complémentaires, on risque de voir les provinces et les territoires adopter des lois et des programmes qui reprendront les dispositions les plus faibles de la loi fédérale. En renforçant le projet de loi C-65, on peut supposer que cela donnera des lois provinciales plus solides en vue de la protection des espèces en péril et de leur habitat.
Évidemment, il y a aussi le fait qu'il ne s'agit que d'un accord, lequel, pas plus que les autres stratégies, politiques et accords fédéraux, provinciaux et territoriaux ne lie les parties ou peut être appliqué. Il est tellement plus facile de prendre des engagements en mettant son nom sur un document que de vraiment donner suite aux dispositions qui s'y trouvent. La performance du Manitoba dans la mise en oeuvre des autres textes énumérés précédemment est épouvantable. Le gouvernement fédéral n'est pas du tout en mesure de préparer un rapport indépendant sur les progrès de la mise en oeuvre et dépend tout à fait de l'information que lui fournissent les provinces.
J'aimerais maintenant passer à la Loi manitobaine sur les espèces en voie de disparition. Bien que celle-ci soit en vigueur depuis le mois de mars 1990, elle n'a donné lieu à aucune poursuite. On n'a affecté aucune nouvelle ressource à sa mise en oeuvre ou à son application. Si vous avez regardé une émission récente de Nature of Things qui montrait le massacre, sur une grande échelle, des pélicans et des cormorans sur les îles du lac Winnipegosis au Manitoba, alors vous êtes conscients du manque d'intervention pour protéger la faune au Manitoba. J'ai d'ailleurs ici quelques articles à ce sujet.
La loi du Manitoba ne prévoit qu'une procédure pour dresser la liste. On n'y prévoit aucun plan de rétablissement obligatoire. Le ministre peut conclure des accords en vue de mener des enquêtes biologiques, de mettre en oeuvre des programmes de rétablissement ou de préparer des rapports de situation. Les espèces vulnérables ne sont pas visées par la loi.
En ce qui concerne les listes elles-mêmes, celles-ci sont très courtes. Par suite de changements apportés le printemps dernier, on a ajouté six espèces disparues du pays - il n'y en avait pas auparavant - et deux espèces en voie de disparition, ce qui a doublé le nombre d'espèces sur la liste. Il y a donc maintenant huit espèces en voie de disparition et deux espèces menacées. Les listes sont annexées et la seule surprise que vous aurez sera de voir quelles espèces ne figurent pas sur la liste.
Le Comité consultatif sur les espèces en voie de disparition du Manitoba n'est pas indépendant, mais relève de la direction du ministre. Les membres sont nommés par ce dernier et le comité se compose d'une majorité seulement de chercheurs scientifiques. La décision d'inclure une espèce sur la liste est discrétionnaire. On n'a adopté aucun règlement aux termes de la loi. En outre, le ministre peut exempter un projet de l'application de cette loi sans qu'il y ait de rapport au public, de participation publique ou de mécanisme d'appel. Les amendes sont minimes.
Malgré ces lacunes, cette loi à certains égards est supérieure au projet de loi fédéral. Le comité consultatif a pour mandat de conseiller sur les espèces menacées, disparues du pays ou disparues, ou celles dont l'habitat est menacé. Il est interdit de tuer, de blesser, de posséder, de déranger ou de gêner l'espèce; il est interdit de détruire, d'endommager ou de modifier l'habitat; il est interdit d'endommager, de détruire, d'entraver ou d'emporter une ressource naturelle dont dépend l'espèce pour sa vie et sa propagation. Dans tous ces cas, «espèce» signifie une espèce réintroduite aussi bien qu'une espèce en voie de disparition, menacée ou disparue du pays.
Dans l'ensemble, bien que la Loi pour la protection des espèces en voie de disparition existe depuis près de sept ans, rien ne semble avoir changé dans la façon de mener des activités assujetties à cette loi au Manitoba. Si l'on appliquait la loi, les résultats varieraient. Aussi longtemps que des études préparatoires ne sont pas nécessaires avant tout projet, aussi longtemps que l'évaluation environnementale exclut de nombreuses activités, aussi longtemps qu'on ne prévoit pas de budgets d'application, ni de plans obligatoires de rétablissement, la Loi sur les espèces en voie de disparition du Manitoba ne protégera pas les espèces en péril ni les autres espèces non plus.
J'aimerais maintenant parler de la protection des espèces au Manitoba. Celle-ci entraîne nécessairement la protection de l'habitat, des écosystèmes dont les espèces dépendent pour leurs besoins. La perte d'habitat constitue la plus grave menace pour les espèces en péril actuellement et risque d'augmenter le nombre d'espèces en péril. Pourtant la perte d'habitat continue au Manitoba. On continue à aménager les terres marginales dans le but d'y faire de l'agriculture. L'exode vers les villes représente un problème très réel dans le sud de la province et les projets domiciliaires se construisent sur des terres agricoles de choix.
Depuis le rapport fédéral sur la situation de l'environnement de 1991, jusqu'à 98 p. 100 des marais dans la région de Winnipeg ont été dragués et asséchés afin de permettre l'expansion de la ville, et cela se poursuit. On trouve de hautes herbes sur moins de 1 p. 100 du territoire antérieur. Le gouvernement provincial est déterminé à augmenter les activités dans le domaine forestier, même dans les régions les plus éloignées de la province, et à augmenter l'agriculture commerciale, ainsi qu'à promouvoir les activités minières, l'exploration du pétrole et du gaz et leur exploitation.
Les ententes conclues récemment sur la gestion des forêts et les provinces et...
Le président: Vu l'importance de ce que vous lisez, et le fait que l'auditoire n'arrive pas à vous suivre, je vous exhorte fortement à ralentir votre débit. Vous lisez des paragraphes très importants, mais leur impact sera amoindri par le fait que vous lisez aussi rapidement. Ne l'oubliez pas.
Mme Chambers: Très bien. Je crains simplement de ne pas avoir le temps de terminer.
Le président: Prenez votre temps.
Mme Chambers: Très bien.
Les ententes de gestion forestière conclues récemment entre la province et Louisiana-Pacific et Repap portent toutes deux sur la gestion forestière des terrains de parcs provinciaux dans leurs zones de permis, permis assortis dans les deux cas de restrictions prévoyant une extraction ne pouvant dépasser de 0,5 p. 100 sur plus de dix ans. Il y a garantie d'indemnisation de l'industrie pour toute augmentation des coûts.
J'ai inclus ici plusieurs pages de l'entente sur la mise en valeur des ressources forestières. C'est au haut de la page 21:
- La société a le droit d'utiliser les parties de l'avoir forestier à l'intérieur des parcs provinciaux
qui font partie de FML3
Le Manitoba n'a vraiment pas de protection de zones représentatives. Nous n'allons d'ailleurs jamais pouvoir y parvenir. Il y a de nombreuses zones pour lesquelles on reconnaît déjà qu'à cause de l'agriculture et de l'exploitation, ce ne sera pas possible.
Il en coûtera les yeux de la tête aux contribuables pour aménager des zones protégées d'une taille respectable.
Le plan d'aménagement de la Bloodvein, une rivière canadienne historique, prévoyait une zone tampon et le contrôle de l'utilisation des sols afin de protéger la faune et l'intégrité...
Le président: Voulez-vous revenir à l'endroit où vous vous êtes arrêté. Vous vous êtes arrêté à la Pine Falls Paper Compagny, vous n'avez pas terminé ce paragraphe.
Mme Chambers: Très bien. La Pine Falls Paper Compagny a déjà obtenu un permis de coupe de bois dans le Parc Nopiming. L'entreprise se procure des arbres dans au moins trois parcs provinciaux, à Whiteshell et à Duck Mountain, à l'extrémité ouest de la province deux sites qui sont à l'intérieur et à l'extérieur de sa zone de mise en valeur des ressources forestières.
À l'heure actuelle, des négociations se déroulent en vue d'agrandir la zone d'aménagement forestier de Pine Falls. L'entreprise veut tripler sa production. Il n'y a aucune zone de protection entre le Parc provincial Atikaki et le Parc national Wapusk, aucune planification de l'utilisation des sols et aucune participation publique dans le cadre des négociations actuelles. Seulement 40 p. 100 de l'approvisionnement en bois de cette usine a fait l'objet d'une évaluation environnementale.
Le plan d'aménagement de la Bloodvein, une rivière canadienne historique, prévoit une zone tampon et le contrôle de l'utilisation du sol afin de protéger la valeur et l'intégrité sauvage de la rivière, qui traverse la région la plus importante et représentative des forêts boréales sur terre haute au Canada et qui inclut des zones naturelles d'une importance nationale et internationale. En 1982, un rapport d'étude recommandait une zone tampon de quatre kilomètres le long des bras étroits de la rivière en direction du Lac Winnipeg à l'extérieur du parc Atikaki.
Au lieu d'étendre ce kilomètre à deux tel que prévu dans le plan d'aménagement, la zone tampon est maintenant de 250 mètres, moins dans d'autres régions, et Pine Falls a le droit de faire la coupe jusqu'à cette bande étroite. Il n'y a pas eu d'évaluation environnementale de cette exploitation forestière.
Une route toute saison se faufile du côté est. Aucune étude préparatoire n'a précédé la construction du lac en 1996. La proposition a été présentée en décembre. On veut commencer les travaux en janvier. On n'a pas du tout inclus d'information.
Lorsque le ministère a délivré le permis, on ne pouvait même pas dire combien de cours d'eau cette route allait traverser. On n'avait pas d'information. La route, la prochaine étape, c'est un pont sur la Bloodvein. Cette route changera la région à tout jamais entraînant des effets marqués sur la faune de cette région.
Le Manitoba va également se lancer dans l'élevage des porcs. Le premier ministre a déclaré récemment que d'ici l'an 2000, nous pouvions nous attendre à avoir 10 millions de porcs sans grand dommage pour l'environnement. Je pense que nos hommes politiques n'ont pas la moindre idée de ce qui se passe à la campagne.
Un petit nombre de réserves écologiques, 13 couvrant en tout 57 000 hectares, dont les deux tiers dans une réserve aquatique à l'extrémité nord de la province... C'est vraiment très loin dans le nord... au haut tout à fait de la province. Cette région n'est vraiment menacée, mais les deux tiers de nos réserves écologiques se trouvent dans cette petite réserve tout au nord.
On y offre une protection très élevée. On y protège des populations isolées et nombreuses et des populations d'espèces et d'habitat en péril. Malheureusement, nous avançons très lentement lorsqu'il s'agit de désigner de nouvelles réserves écologiques. On n'en a pas créées depuis 1991.
Les agents de protection des chauves-souris travaillent depuis des années à protéger les gîtes d'hivernage - les gîtes les plus au nord pour la petite chauve-souris brune. Contrairement à ce qui a été annoncé dans le numéro de juillet dernier de eco, le bulletin de nouvelles du Conseil canadien sur les zones écologiques bien qu'on ait promis d'annoncer incessamment la création d'une nouvelle réserve pour protéger cet habitat, les agents de la protection de la nature attendent toujours et l'exploitation se poursuit. Dans certains sites, le bois est déjà épuisé. Le terrain est calcaire et donc très fragile. À la surface, on ne voit pas toujours où sont les grottes. Malheureusement, il n'y aura pas de gîte d'hibernation à l'intention des chauves-souris d'inclus dans le Parc national Lowlands proposé.
L'un des problèmes que l'on retrouve constamment dans les tentatives de préservation des espèces au Manitoba, c'est le manque de données et le manque de financement destiné à la recherche et à la collecte de données. La création du Centre de préservation des données, qui met l'accent sur la collecte, la compilation et l'organisation des données sur les espèces sauvages de toute la province, constitue une première étape des plus appréciables. Il serait utile d'ajouter au projet de loi C-65, une disposition prévoyant un centre national de données qui faciliterait et coordonnerait la collecte de données partout au Canada dans le but de protéger, d'entreposer et de distribuer les données partout au pays.
Le programme de protection d'habitat de la faune menacée a encouragé la création de partenariats avec les autres provinces et avec des groupes de préservation à l'échelle nationale et locale. La Manitoba Naturalists Society est un partenaire actif de ce programme et c'est aux nombreuses heures de bénévolat de ses membres qu'il faut en grande partie attribuer la réussite des efforts pour créer une réserve d'herbes hautes des Prairies dans le sud-est du Manitoba. On aménage cette zone afin de protéger l'écosystème et toutes les espèces et leur habitat. On peut y voir une succession merveilleuse d'espèces sauvages pendant toute l'année. L'agriculture et l'élevage font partie des techniques d'aménagement et on a mis en place des programmes en vue d'extirper l'euphorbe ésule.
Cette région abrite plusieurs espèces en voie de disparition, la plus connue étant la habénaire olanchâtre de l'Ouest. C'est le seul endroit au Canada où l'on trouve cette plante. Il y en a entre 3 000 et 4 000 dans la région. On ne les trouve pas ailleurs au Canada. Il y a également le petit calypson bulbeux blanc. On trouve également à cet endroit plusieurs plantes extrêmement rares ailleurs au pays.
Même si c'est un ministre de l'Alberta qui a signé l'engagement à un réseau de zones protégées, le Manitoba est loin d'avoir donné suite à l'engagement de représenter nos régions naturelles dans des zones protégées au Manitoba. La province a annoncé la création de quatre grands parcs septentrionaux en 1995, à des endroits où il ne risquait pas d'y avoir conflit avec d'éventuels aménagements hydroélectriques ou miniers. On a ainsi augmenté les zones protégées de 0,6 p. 100 à 4,5 p. 100 à Riding Mountain. Sur le plan statistique, c'est encourageant, mais cela ne fait rien pour protéger l'habitat et les espèces dans leur habitat naturel dans la moitié sud de la province où il est fort peu probable que l'on atteigne les objectifs de représentation - dans plusieurs régions naturelles, c'est impossible.
Malgré le manque de terres naturelles, la province continue à accorder des permis de mise en valeur qui vont détruire des zones protégées. L'octroi d'un permis pour l'aménagement d'une pente de ski dans le petit Parc provincial Asessippi en est le cas le cas le plus flagrant. Une montagne de 22 mètres sera construite sur le seul exemple inchangé de till d'eau de fusion glaciaire en région naturelle, sans la moindre représentation. Cette zone offre un habitat à de nombreux oiseaux néotropicaux et est une escale importante pour les espèces d'oiseaux migratoires du nord et du sud. La protection de l'habitat n'est pas la priorité du gouvernement du Manitoba.
Le Manitoba est la seule province qui permette, même encourage, l'exploitation industrielle, à une grande échelle, des parcs provinciaux. En fait, la plupart de ceux-ci peuvent être qualifiés, à plus juste titre, de zones intégrées d'aménagement des ressources. Ce livret vous présente le plan d'aménagement du réseau. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de zones protégées légalement dans nos parcs provinciaux. Il s'agissait, sans changer en rien les capacités d'aménagement des ressources - il ne faut surtout pas les limiter - d'inclure certaines des zones interdites afin de les protéger, légalement et d'y interdire les activités minières, forestières, d'exploration du pétrole et du gaz, etc. Donc cette année, nous avons mis en place ce plan de réseaux. C'est un plan d'aménagement de parcs.
Très peu de gens, en jetant un coup d'oeil au Parc provincial de Grass-River sur la carte, pourraient croire que le fait d'avoir désigné moins de 2 p. 100 du parc comme zone protégée permettra, comme le dit expressément la loi, de «préserver des zones représentatives». Tout ce qui sera protégé sera un lac où se trouve des îles de mise bas du caribou des forêts et une petite coudraie à palse très spéciales.
Comme on a désigné 82 p. 100 du parc comme zone de gestion des ressources, il y a une multitude de concessions minières et d'activités forestières. On peut aussi extraire des ressources dans les 17 p. 100 du parc réservés aux loisirs tant que les activités d'extraction peuvent être cachées des zones récréatives. C'est l'exemple le plus extrême de zonage pour l'utilisation des ressources, mais on peut aussi exploiter les ressources dans d'autres parcs.
Dans le Parc provincial Nopiming, 22 p. 100 du territoire est désigné comme site naturel, surtout pour répondre aux besoins du troupeau de caribous des forêts le plus au sud au Canada. Ce troupeau descendait auparavant jusqu'au Minnesota, comme on peut le voir sur la carte donnant le territoire du caribou, que je vous ai remise. Le troupeau a lentement été repoussé de plus en plus loin vers le nord.
Même si l'on reconnaît l'importance de conserver le troupeau, on trouve encore des pêcheurs et des bateaux à moteur sur les principaux lacs de mise bas du caribou. Il n'existe pas non plus de couloir protégé entre le territoire d'été et le territoire d'hiver du troupeau, et personne ne sait s'il traverse parfois la frontière de l'Ontario. Il y a toutes sortes de chemins et d'activités d'exploitation forestière dans le parc et l'on y encourage et subventionne la prospection et l'exploitation minière. Dans la plupart des grands parcs provinciaux, la plus grande partie des désignations d'utilisation planifiée...
Le président: Excusez-moi, madame Chambers, votre exposé est extrêmement intéressant et je vous félicite d'avoir préparé tout cela. Je sais que vous parlez au nom de plusieurs organismes, comme le CEPA, la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, la Endangered Species of Manitoba, Time to Respect Earth's Ecosystems, la Brandon Naturalists Society et ainsi de suite. Vu que nous manquons vraiment de temps, puis-je vous demander de passer tout de suite aux conclusions et de laisser les députés lire le reste de vos paragraphes les plus intéressants?
Mme Chambers: Je pourrais peut-être dire seulement un mot au sujet de l'esturgeon. On songe à inscrire l'esturgeon sur la liste des espèces en péril, mais pour sauver l'esturgeon au Manitoba, il faudra la collaboration non seulement du gouvernement provincial, mais aussi du gouvernement fédéral et du gouvernement de la Saskatchewan à cause des centrales hydro-électriques le long de la Saskatchewan. L'esturgeon est menacé au Manitoba à cause des projets hydro-électriques et de la pêche excessive. Il s'agit nettement d'une espèce dont le gouvernement fédéral devrait s'occuper, de concert avec d'autres gouvernements provinciaux.
J'espère que vous pourrez lire le reste de mon exposé plus tard, mais je passe tout de suite aux conclusions.
Le président: Vous n'avez qu'à remettre votre texte aux collègues du Manitoba qui font partie du comité. Je suis certain que nous voudrons obtenir ce texte pour nos partis.
Mme Chambers: Pour terminer, il est bien évident que nous avons besoin d'une loi nationale rigoureuse pour protéger les espèces en péril. Les espèces en péril ne respectent pas les frontières et aucun échelon gouvernemental n'a suffisamment de pouvoirs pour surveiller et protéger les espèces en péril et appliquer les lois nécessaires.
Selon les juristes, le gouvernement fédéral a des pouvoirs beaucoup plus vastes que ceux qu'il utilise maintenant pour protéger les espèces frontalières. Le projet de loi laisse trop de place au débat politique dans les décisions visant à protéger les espèces. Il n'oblige pas à protéger toutes les espèces en péril et leur habitat. Il ne favorise pas l'adoption d'une approche qui protège tout l'écosystème.
Le projet de loi sur la protection des espèces en péril au Canada répond-il aux exigences de la Convention sur la diversité biologique? Si l'on fait la comparaison entre la convention et les dispositions que j'ai notées à la première page, on constate que ce n'est pas vraiment le cas.
Le projet de loi viendra-t-il en aide aux espèces en péril au Canada et plus particulièrement au Manitoba? S'il ne s'applique pas à toutes les espèces, s'il s'applique seulement à un petit pourcentage des terres et des eaux les plus menacées du Canada, s'il ne dit rien au sujet de l'habitat ou des effets transfrontaliers, si les recommandations du COSEPAC ne sont pas obligatoires, il est peu probable que le projet de loi réussisse à sauver un pourcentage élevé d'espèces en péril au Canada ou au Manitoba.
Comme vous pouvez le voir d'après ma description de quelques-uns à peine des énormes problèmes reliés à l'habitat au Manitoba et de l'absence de volonté politique pour s'attaquer à ces problèmes, les espèces du Manitoba ne recevront pas la protection qu'elles méritent. Sans certaines mesures très vigoureuses de protection, sans beaucoup de collaboration entre les divers échelons gouvernementaux et sans la participation d'un public bien renseigné, nous aurons peut-être bientôt plus d'espèces en péril au Canada. À la fin du compte, l'être humain lui-même risque d'être péril.
Les recommandations de votre comité permanent peuvent faire une très grande différence pour rendre le projet de loi plus efficace. Nous espérons que vous recommanderez instamment qu'on renforce le projet de loi afin de garantir qu'il peut vraiment protéger les espèces en péril du Canada et leur habitat. Si vous voulez essayer de convaincre vos collègues parlementaires de renforcer la loi, vous pourriez peut-être leur citer ce passage de RENEW 1994:
- Les diverses espèces de faune et de flore du Canada créent et maintiennent notre sol, recyclent
les éléments nutritifs et jouent un rôle essentiel dans le maintien de l'équilibre de l'oxygène et
du bioxyde de carbone. La faune et la flore et les services écologiques qu'ils nous rendent ont
permis aux êtres humains de vivre sur la terre. Sur le plan économique, cela représente des
milliards de dollars pour l'économie du Canada.
Le président: C'est très bien dit. Votre exposé était excellent. Je vous félicite. Je répète que nous le transmettrons certainement à nos collègues du Manitoba. Nous allons maintenant passer rapidement aux questions. Qui veut commencer? Monsieur Forseth, monsieur Adams et monsieur Steckle.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Nous sommes très heureux de la qualité des exposés. Dans presque tous les cas, nous avons de la documentation en plus des exposés et je peux vous garantir que nous nous en servirons.
Certains d'entre vous, d'ailleurs probablement vous tous, ont dit qu'il fallait essayer de s'attaquer aux problèmes avant que les espèces ne deviennent vulnérables. Si je ne m'abuse, madame Chambers, vous avez dit que la loi du Manitoba ne comprenait pas de catégorie vulnérable. L'une des raisons pour lesquelles nous voulons adopter une loi quelconque immédiatement, c'est parce que nous voulons faire quelque chose au Canada avant que la situation ne devienne aussi grave qu'elle ne l'est aux États-Unis ou qu'elle ne devienne aussi grave dans l'Ouest qu'elle l'est maintenant dans l'est du Canada.
Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez, soit vous, madame Chambers, soit vous tous. Que pouvons-nous faire entre l'adoption d'une loi sur l'écosystème, comme l'a dit un de mes collègues, pour protéger tout de façon générale? On nous a dit que certaines espèces étaient indexées. On nous a dit aussi que toutes les espèces inscrites sur la liste sont en réalité des canaris, comme je pense que vous l'avez dit vous-même, monsieur Schroeder. Vous pourriez peut-être nous donner des idées sur la façon d'en faire encore davantage sur le plan de la prévention au lieu d'attendre qu'on doive inscrire une espèce sur la liste.
M. Schroeder: Je peux peut-être commencer. C'est une très bonne question et nous voudrions vraiment encourager non seulement notre propre organisme, mais aussi tous les autres de même que les gouvernements à adopter une approche beaucoup plus proactive que réactive à ce sujet. À cet égard, il me semble que le projet de loi parle davantage de réaction que de prévention. Nous devons commencer quelque part. Nous devrions peut-être reconnaître maintenant que la prévention serait beaucoup plus efficace, non seulement pour protéger les espèces, mais aussi à cause du coût des plans de rétablissement.
Je sais moi-même pour avoir rédiger il y a bien des années le plan de rétablissement du renard véloce et pour m'en être personnellement occupé presque depuis les débuts que le coût de rétablissement d'une espèce disparue du pays est vraiment énorme. L'une des leçons que nous avons apprises, c'est qu'il est bien évident que si l'on veut protéger d'une façon quelconque les espèces en péril, il vaut beaucoup mieux le faire avant qu'elles ne disparaissent.
Je pense que nous devons tous commencer à le reconnaître. Les dispositions du projet de loi qui parlent d'un examen préliminaire représentent certainement un pas dans la bonne voie. Nous devons cependant aller encore plus loin et encourager tout le monde à planifier. Nous avons besoin de plus de renseignements pour cela. Nous avons besoin de surveiller les populations. Nous devons savoir si leur nombre diminue pour pouvoir prendre les mesures nécessaires. Il y a donc certaines choses que nous devons faire.
M. Adams: Pouvez-vous commenter cette question à la lumière de votre relevé biologique national?
M. John: Oui, volontiers. L'information est essentielle. Bon nombre d'espèces sont inscrites sur la liste à cause de ce que nous savons à leur sujet. Il y en a bien d'autres qui pourraient être inscrites sur la liste aussi mais on n'a pas fait les recherches nécessaires et l'on ne possède pas les renseignements voulus.
Puis-je faire une très brève digression? L'une des choses que j'ai constatées comme ornithologue depuis cinq ans, et j'ai travaillé surtout pendant ce temps dans la Cordillère à partir du sud de la Colombie-Britannique jusqu'au nord du Yukon, c'est qu'il suffit parfois d'une semaine sur place pour apprendre des choses vraiment remarquables. Je ne veux pas parler de petits détails, mais d'éléments importants d'un système que nous connaissons mal.
Par exemple, il y a cinq ans, je me suis rendu compte qu'il y avait une migration d'aigles dorés qui passaient au-dessus d'une région à dix minutes de la ville de Banff. Cela veut dire que de 6000 à 8000 oiseaux traversent la région deux fois par année sur une période de six mois. Auparavant, d'après les relevés faits par les responsables du parc, on avait compté au maximum quatre aigles dorés traversant le parc au printemps et neuf à l'automne. C'est un excellent exemple des précautions qu'il faut prendre.
Nous ne pouvons pas prendre de décisions sans avoir une bonne base de connaissances. Bon nombre de provinces, et la Saskatchewan fait exception à la règle, n'ont pas de base de données centralisée. Nous n'avons même pas encore dressé une liste complète de nos ressources, c'est-à-dire que nous n'avons pas encore compté les briques de notre immeuble, sans parler de voir comment ces briques sont reliées entre elles. Voilà le problème. Nous n'avons toujours pas défini les éléments. Je dis toujours aux gens que l'écologie, ce n'est pas la théorie de la relativité. C'est beaucoup plus complexe. À moins de pouvoir nous baser sur des données empiriques à peu près fiables, nous devons nous contenter de parler en termes d'abstractions. Peu importe ce que nous essayons de prouver, sans cela nous parlons en termes métaphysiques plutôt qu'en termes scientifiques.
J'insiste sur la nécessité d'une base de données centralisée. Nous ne pouvons pas prendre de décisions rationnelles à moins d'avoir les renseignements nécessaires.
Dans bien des cas, ce sont des experts-conseils qui effectuent la plus grande partie des recherches pour un client particulier. Ces données n'entrent jamais dans le domaine public. Les recherches sont effectuées, mais les résultats ne sont jamais publiés. Nous devons rassembler toutes ces données pour qu'elles soient à la disposition de tout le monde.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Adams.
Monsieur Steckle et ensuite madame Kraft Sloan.
M. John: Monsieur Adams, puis-je ajouter quelque chose de très important? Il y a des ensembles de données qui existent maintenant et qu'on peut utiliser. Le problème consiste à centraliser toutes ces données. À l'heure actuelle, on peut retrouver ces données sous une forme très facile à lire sur Internet. Cela répond à votre question pour les oiseaux, sinon pour les autres espèces, parce qu'on peut prendre ce qui est considéré comme une espèce courante et voir si les populations sont en déclin en Saskatchewan ou en Amérique du Nord ou si elles augmentent. Il existe déjà des mécanismes volontaires, mais cela fait seulement quelques années que ces données ont été rassemblées et qu'elles sont devenues facilement disponibles. Je ne connais pas d'exemples du même genre pour les mammifères, les insectes ou les plantes, et les bases de données pour les espèces comme les lichens et les mousses sont quasiment inexistantes.
Le président: Merci, monsieur John.
Monsieur Steckle.
M. Steckle (Huron - Bruce): Je voudrais signaler à nos témoins de cet après-midi que le sujet nous intéresse tous, sinon nous ne serions pas ici.
Je vous signale, Alice, que je suis originaire d'une région rurale de l'Ontario et que j'ai longuement travaillé dans l'industrie des porcins. Les députés doivent s'adapter à un nouvel environnement, mais je peux vous garantir qu'il y en a ici qui connaissent quelque chose à l'industrie et qui savent ce que cela représente.
Ma question, et je n'arrive vraiment pas à comprendre... Nous savons qu'il existe des espèces frontalières à cause de leur migration. Cela pose un problème sur le plan de la surveillance. Vous mentionnez deux de ces espèces à la page 12, en ce qui concerne la flore, l'habénaire blanchâtre et le petit sabot de la vierge blanc. Si une espèce est presque disparue, pourquoi ne pas la transplanter ailleurs, peut-être en Ontario?
Nous savons que certaines espèces ne poussent pas nécessairement... Le sapin de la Colombie-Britannique peut aussi pousser en Ontario. Son tronc n'atteindra peut-être pas six pieds de diamètre, mais il peut quand même pousser en Ontario.
Mme Chambers: C'est la même chose qu'introduire des espèces exotiques. Je ne pense pas...
M. Steckle: Je ne devrais peut-être pas poser une telle question, mais je peux vous dire...
Mme Chambers: De façon générale, une plante pousse dans une zone à cause du sol, du climat et de la géologie. Cela constitue son milieu naturel et la plante a aussi des liens avec les autres espèces de la même zone. Peut-être que la plante est une source de pollinisation pour un papillon ou un phalène. Il ne faut pas penser qu'on peut transplanter une espèce n'importe où dans le pays.
M. Steckle: Avons-nous essayé de le faire?
Mme Chambers: Je ne suis pas certaine que ce serait vraiment une bonne chose. En réalité, la Convention sur la biodiversité prévoit d'abord la protection d'une espèce sur place, c'est-à-dire dans son habitat naturel, et non pas dans un habitat transposé quelconque.
M. Steckle: Nous l'avons fait pour le renard véloce, nous l'avons fait pour le bison et nous l'avons fait pour diverses autres espèces. Je comprends votre argument, mais si nous ne tentons pas l'expérience... et c'est une chose qui ne coûte pas tellement cher. Le gouvernement ne peut pas tout faire. D'après toute la documentation que vous avez apportée aujourd'hui, vous formez une société importante et vous faites déjà bien des choses dans ce domaine. Je me demande simplement pourquoi on n'a pas tenté l'expérience. Il faudrait le faire avant de décider que cela ne peut pas fonctionner.
M. John: On a déjà fait certaines tentatives. Il faut comprendre que la germination de l'orchidée se fait dans un rapport de symbiose avec une espèce particulière de champignon. Le problème, c'est que nous ne savons même pas de quel champignon il s'agit. Il est très difficile d'obtenir la germination extérieure de la plupart des espèces terrestres d'orchidées. On a fait certaines recherches sur le clonage parallèle, mais il est très difficile d'obtenir que le clone de l'orchidée s'adapte à un sol particulier; mais c'est en partie à cause de notre ignorance.
Il y a très peu de cas où l'on a bien réussi à transplanter des orchidées terrestres. On l'a fait pour une espèce ou deux, mais pas très souvent et il s'agissait plutôt d'espèces plus robustes que d'orchidées qui ont des besoins environnementaux très précis.
Je dois aussi faire une mise en garde. Si vous introduisez une espèce quelque part, vous devez savoir à quoi cela va nuire aussi bien que ce que vous faites à l'espèce que vous voulez introduire. Nous avons tenté cette expérience trop souvent avec des résultats en grande partie catastrophiques, pas toujours, mais dans bien des cas.
M. Steckle: Il existe une espèce de sabot de la vierge en Ontario. Il y en a sur mon terrain. Je ne sais pas comment cette plante s'est rendue sur mon terrain, mais elle y est.
M. John: Êtes-vous de Huron?
M. Steckle: Oui.
M. John: Je pense alors qu'il s'agit du sabot de la vierge; c'est une des variétés les plus courantes. J'en ai sans doute vu 10 000 l'an dernier.
M. Steckle: Il faudrait peut-être alors lui faire connaître son cousin de l'Ouest.
Le président: Merci.
Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci beaucoup. La leçon de ces délibérations de comité, c'est bien que l'on s'expose à des tas d'ennuis si l'on commence à jouer avec mère nature.
Une voix: Père et mère nature.
Mme Kraft Sloan: Père et mère? Si vous voulez; il y a des soeurs et des frères, et le reste de l'humanité également...
Revenons à la question de la représentation régionale, et à ce que propose le texte législatif: «un effectif représentatif de l'ensemble des régions du pays», et «ils ne sont pas nommés pour représenter des régions ou des groupes d'intérêts particuliers». Ce libellé fait-il problème pour vous?
M. John: Nous ne pensons pas que ce genre de précision doive figurer dans le texte. Si les meilleurs spécialistes sortent de l'Université de Calgary ou de l'Université du Manitoba, eh bien, parfait. Ce n'est pas du tout une question régionale. Nous discutons ici d'un problème national, et nous devons pouvoir faire appel aux meilleurs spécialistes du pays.
Mme Kraft Sloan: Êtes-vous tous d'accord? Madame Chambers.
Mme Chambers: La précision que j'aimerais voir apporter, c'est que ces spécialistes seraient au courant de ce qui se passe dans les autres provinces. Il faut qu'ils sachent quelles espèces y sont présentes, et quelle est leur situation et leur état.
Mme Kraft Sloan: Je suis en ce qui me concerne ravie que nous ayons pu nous déplacer jusqu'ici. Après Vancouver, nous nous retrouvons à Edmonton pour entendre des témoins de la région. Chaque fois, c'est un petit peu un son de cloche différent. Pour l'essentiel, les grands principes sont les mêmes, ainsi que les préoccupations, mais lorsque l'on commence à entrer dans le détail des écosystèmes locaux, suivant l'espèce considérée, et suivant l'équilibre de l'écosystème lui-même, ce n'est plus du tout... Bien sûr, il s'agit d'une loi de portée nationale, mais nous devons en comprendre les effets localement, en tenant compte de ce que tel écosystème est essentiellement aquatique, désertique ou boisé, etc.
Certains se sont également plaints auprès du comité de ce que le projet de loi fait la part belle aux animaux, à l'exclusion des plantes. Si je pense alors à un écosystème... Il faut tenir compte des conditions locales. Lorsque le projet de loi parle des membres du COSEPAC qui devront également avoir une connaissance traditionnelle ou communautaire de la protection des espèces en péril, êtes-vous opposés à ce genre de considération?
Mme Chambers: L'une de nos recommandations, précisément, est...
Mme Kraft Sloan: Oui, je sais que vous êtes d'accord. Je pense plutôt maintenant aux témoins qui sont opposés à l'idée de parler de la représentation régionale dans le projet de loi.
Êtes-vous opposés à cette idée d'y faire siéger des gens qui ont une connaissance communautaire ou traditionnelle de l'écologie?
M. John: Vous constaterez que la plupart des grands spécialistes ne se limitent pas de façon étroite à la connaissance d'une région particulière.
Quand je pense à ces spécialistes, dans diverses disciplines, je vois qu'ils ont des connaissances spécialisées dans divers domaines, plus ensuite quelques domaines périphériques où leurs connaissances sont également assez développées. Qu'il s'agisse d'un herpétologiste, d'un spécialiste des mammifères, ou d'un botaniste, c'est la même chose. Parmi tous les spécialistes que je connais, très peu ont des connaissances qui se limiteraient à un domaine étroit. Je n'en connaissais qu'un, et il vient de mourir.
Mme Kraft Sloan: Et que pensez-vous de cette notion de connaissance écologique traditionnelle?
M. John: C'est une notion qui me pose quelques difficultés, car elle évoque des connaissances correspondant à une époque qui ne connaissait pas toutes les perturbations existant à l'heure actuelle. Toutes les données et connaissances remontent à cette époque. Les pratiques et les raisonnements correspondants étaient tout à fait valides à l'époque où ces données ont été recueillies, mais les choses ont évolué.
Mme Kraft Sloan: Voulez-vous dire alors que les connaissances des Autochtones, s'il s'agit de connaissances écologiques traditionnelles, ne sont plus valables dans les années 90?
M. John: Je crois qu'il faut faire preuve de beaucoup de prudence. Mais chaque fois que je me suis reporté à ce genre de savoir, j'y ai trouvé de graves lacunes et faiblesses.
Mme Kraft Sloan: De quel point de vue?
M. John: La dernière fois que j'ai eu affaire à ce type de données, il s'agissait de la réserve faunique Thelon. Certaines personnes proposaient qu'elle soit ouverte à la chasse. Si la réserve est ouverte aux chasseurs de la région, même si pour eux c'est une tradition, ce n'est plus du tout la même chose aujourd'hui qu'à l'époque où l'on avait affaire à une chasse traditionnelle de subsistance. À l'époque on avait des flèches avec des pointes de silex; tout se faisait à pied, et il n'était pas question de carabines puissantes, de motoneiges ou de bateaux à moteur.
Même lorsqu'il s'agit du cas simple de la chasse la situation n'est plus du tout la même. Comment alors parler des valeurs de la tradition lorsque cette tradition ne correspond plus du tout à ce qu'elle était à l'époque où l'écosystème trouvait son équilibre?
Je regardais un pêcheur d'une réserve, dans le nord de la Saskatchewan, qui utilisait un filet maillant d'invention japonaise; il ne s'agissait pas du tout d'une invention d'Autochtone américain, ni même d'une invention européenne, mais bien d'un filet d'inspiration japonaise.
Mme Kraft Sloan: Pour moi, cette connaissance écologique traditionnelle évolue également avec le temps, mais à l'intérieur d'un ensemble de valeurs culturelles et d'une conception du monde bien particulière. Ce que vous dites consisterait à penser que la science elle-même en est restée à l'époque de Copernic. Quand la science occidentale a-t-elle...? La science des Occidentaux n'est pas non plus statique.
M. John: Non, certainement pas, et il peut même arriver que subitement, comme vous avez pu l'entendre dire, nous ne trouvions pas les réponses dont nous avons besoin. Mais lorsque l'on progresse, l'on doit toujours privilégier la prudence, surtout si le résultat final de votre intervention peut entraîner la disparition d'une espèce sur terre.
Mme Kraft Sloan: J'ai l'impression que nous sommes d'un avis très divergent là-dessus. Le projet de loi lui-même parle de populations géographiquement distinctes, animaux, végétaux ou autres organismes. Si l'on parle d'organismes géographiquement distincts, cette connaissance communautaire me paraît reprendre toute sa valeur. Un des témoins voudrait-il répondre à cela?
Mme Chambers: C'est une valeur d'un ordre différent, mais qui s'ajoute certainement aux données scientifiques. Le savoir scientifique est quelque chose de remarquable, mais il ne nous donne pas non plus les réponses. Toute connaissance supplémentaire qui existe, et qui peut venir compléter votre savoir, est toujours utile.
Dans le cas des pêches, il était très clair que l'on n'est jamais allé sur place voir ce que pouvait être ce savoir communautaire et traditionnel. Il s'agissait pourtant de gens qui savaient où étaient les espèces, et ils savaient lesquelles étaient en voie de disparition.
C'est un petit peu la même chose pour ce qui est de la nature. Ceux qui vivent proches de la nature ont des connaissances que des scientifiques, en dépit de tout leur savoir, ignorent. Je pense que nous devons faire appel à toutes les connaissances disponibles.
M. Sherrington: Dans la même veine, j'ajouterais que la plupart des scientifiques, comme le reste de la population, sont concentrés sur cette frange sud du Canada de 200 à 300 kilomètres de profondeur. Si bien que dans certains territoires immenses de notre pays, le seul savoir disponible est celui des Autochtones. Dans ces territoires, ils font partie intégrante de l'écosystème. Il faut en tenir compte. L'ignorer serait se priver, dans bien des cas, des seuls savoirs disponibles.
Le président: Monsieur Adams, une dernière question.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Toujours sur ce point, même si je ne pense pas que ce soit le moment d'en discuter, cette connaissance écologique traditionnelle et locale, ou communautaire, est bien inscrite en toutes lettres dans le texte du projet de loi. Tout en comprenant certains de vos arguments, monsieur John, d'après ce qu'ont dit d'autres témoins, et d'après ma propre expérience, tout cela doit être évalué en fonction du cadre de référence plus large à l'intérieur duquel toutes ces données s'inscrivent, si vous parlez de systèmes et de la place de l'homme dans cet ensemble.
Certains nous ont dit que tous nos problèmes et maux sont dus à l'action de l'homme et à la multiplication des êtres humains. D'autres n'étaient pas du tout d'accord... C'est d'ailleurs le point de vue de notre président, pour qui c'est une question de mentalité et de comportement, et c'est là qu'est le problème; pour certains ce n'est pas un problème de surpopulation - nous pourrions être encore plus nombreux - c'est une question de mentalité.
Je ne cherche nullement à rabaisser la science moderne, mais je pense que les connaissances écologiques traditionnelles, la science autochtone, ont tendance à favoriser une meilleure attitude que celle que nous avons suscitée dans la société occidentale. C'est un de leurs avantages, selon moi.
Le président: Voudriez-vous dire quelques mots, monsieur John, monsieur Schroeder?
M. Schroeder: Oui, simplement pour dire qu'à mon avis, quand on jette un coup d'oeil sur les plans de rétablissement, il faut certainement y faire participer ceux qui vivent le plus près de l'habitat où se trouve une espèce, qu'il s'agisse des Autochtones ou des propriétaires privés. Il faut les faire participer aux plans de rétablissement. C'est là que l'information et la participation sont les plus nécessaires.
Le président: Peut-être pourrions-nous terminer ici cette partie de nos consultations.
Madame Chambers, monsieur John, monsieur Schroeder, monsieur Sherrington, nous vous remercions de votre participation, des précieux renseignements que vous nous avez apportés ainsi que de vos observations et de vos bons conseils. Nous en tiendrons compte, de même que des commentaires que vous nous avez apportés, du Manitoba, au nom de ceux qui n'ont pas pu venir.
Nous invitons maintenant les représentants de la Western Stock Growers' Association, de l'Alberta Cattle Commission et de la Manitoba Cattle Producers Association à bien vouloir s'avancer.
Normand Ward va-t-il parler au nom de la Western Stock Growers' Association?
M. Normand Ward (président, Western Stock Growers' Association): Oui, monsieur le président.
Le président: Et Arno Doerksen au nom de l'Alberta Cattle Commission?
M. Arno Doerksen (président, Affaires gouvernementales, Alberta Cattle Commission): Oui.
Le président: Et Marlin Beever au nom de la Manitoba Cattle Producers Association.
Vous avez chacun quinze minutes. Vous pouvez répartir entre vous, comme vous le désirez, le temps qui vous est alloué. Si, au cours de votre exposé, vous désirez présenter un de vos collègues autour de la table, n'hésitez pas à le faire.
Sans plus tarder, nous allons commencer par la Western Stock Growers' Association. Monsieur Ward, bienvenue au comité.
M. Ward: Merci, monsieur le président.
Le président: Puis-je simplement mentionner que vous êtes les gens qui pourraient rendre cette loi inutile?
M. Ward: Monsieur le président, je vais présenter une partie de notre exposé, et David Pope en présentera une autre. Nous nous partagerons le temps qui nous est imparti.
Si vous le permettez, je vais vous lire le résumé de notre mémoire. Je crois que vous avez reçu le mémoire complet. Il y a, au début, environ cinq pages qui résument le tout, et j'espère que vous aurez l'occasion de lire le texte intégral plus tard.
La Western Stock Growers' Association est l'organisation agricole la plus ancienne de l'Ouest. Elle dessert l'industrie bovine depuis un siècle. Nos membres nous soutiennent volontairement. Ensemble, ils possèdent et gèrent environ 500 000 têtes de bétail. Une bonne partie de ce bétail passe une partie de son temps à paître sur les terres domaniales. Les permis de pâturage accordés par le gouvernement fédéral vers 1880 sont en grande partie à l'origine du développement de l'élevage dans l'Ouest. Les fondateurs de notre association ont travaillé en collaboration étroite avec le gouvernement pour résoudre les problèmes de l'industrie à ses débuts. Le Canada a ainsi évité les guerres des terrains de parcours libre qui ont fait tant de tort à l'agriculture américaine et la tragédie causée par la politique à l'égard des terrains de parcours libre aux États-Unis.
Les éleveurs de bétail pratiquent librement l'écologie depuis un siècle. Notre gestion a généralement été excellente. Grâce à elle, la faune abonde dans les pâturages. Les prairies naturelles sont aussi productives aujourd'hui qu'elles l'étaient du temps où les bisons les parcouraient. Le labourage des prairies pour l'agriculture, au cours du premier tiers de ce siècle, a créé les cratères de poussière des années trente. Les producteurs de bétail ont rétabli une bonne partie de ces terres en les retransformant en prairies, créant ainsi un habitat pour la faune et la flore et des pâturages pour le bétail.
La Loi sur la protection des espèces en péril au Canada risque d'annuler une bonne partie du travail accompli par les producteurs de bétail et le gouvernement au cours du dernier demi-siècle parce qu'elle adopte une attitude d'affrontement et met fin à un siècle de coopération. Le Canada s'expose à commettre les mêmes erreurs que les Américains avec leur loi, et il obtiendra les mêmes résultats.
Si nous parlons de la loi américaine, c'est parce qu'elle est très similaire. Nous espérons que la loi canadienne n'aura pas les mêmes résultats.
Voici ce que disait le rapport que le Fish and Wildlife Service a présenté au Congrès des États-Unis le 30 octobre 1995:
- Les efforts déployés par l'Amérique pour sauver les espèces en péril ont permis d'éviter
l'extinction de 99 p. 100 des animaux et des plantes figurant sur la liste des espèces en péril.
De plus, le Fish and Wildlife Service signalait qu'entre 1989 et 1993 le coût direct de la loi était d'environ 69c. par personne, soit 200 millions de dollars. Cependant, en se basant sur d'autres données gouvernementales, le National Wilderness Institute a constaté que les dix principaux projets entrepris en 1992 avaient coûté près de 300 millions de dollars. Ces chiffres ne comprenaient même pas les coûts indirects comme la perte de recettes fiscales et l'augmentation du coût des programmes sociaux.
Dans une étude de 1994 portant sur 306 plans de rétablissement dressés entre 1972 et 1993 et couvrant 388 des 853 espèces en péril, le National Wilderness Institute a conclu que les coûts totalisaient près de 880 millions en dollars constants de 1994. L'évaluation du coût des plans de rétablissement est souvent incomplète, et les dépenses réelles du gouvernement dépassaient les prévisions de 119 p. 100 à 33 000 p. 100.
Au moins la moitié des plans mentionnent des conflits avec l'agriculture, le bétail et les pâturages. Les plans révèlent qu'on dispose de très peu de renseignements sur les plantes et les animaux jugés menacés ou en péril, et les plans réclament souvent des lois et des règlements supplémentaires.
Cette étude concluait:
- Le gouvernement n'a aucune idée du coût véritable du programme de protection des espèces en
péril...
La loi, telle qu'elle est actuellement formulée, ne permet pas de prendre des décisions rationnelles et équilibrées quant à la façon de répartir les ressources disponibles pour la protection des espèces en péril.
Même si les Américains étaient, au départ, pour la protection des espèces menacées, l'expérience de ces 24 dernières années a conduit la majorité des citoyens et des gouverneurs à croire aujourd'hui que la loi sur les espèces en péril est destructive et a besoin d'une révision de toute urgence. Trois projets de loi ont été présentés au Congrès avec l'appui des divers partis, pour atténuer le caractère destructif de la loi initiale, créer une plus grande collaboration pour la gestion des espèces menacées et protéger les droits de propriété des citoyens.
Je vais maintenant demander à David Pope de poursuivre la présentation de notre mémoire.
M. David Pope (directeur, Western Stock Growers' Association): La loi proposée pour la protection des espèces en péril au Canada va à l'encontre de plusieurs principes que bien des Canadiens considèrent comme les fondements du droit. L'un d'eux est la présomption d'innocence, le deuxième est qu'on ne doit être reconnu coupable qu'en dehors de tout doute raisonnable, et le troisième est la protection des droits humains fondamentaux, y compris le droit de propriété, qui fait partie de la tradition de la common law depuis la Grande Charte.
Si l'on avait voulu créer délibérément une loi propre à nuire à la faune et à la flore, à détruire son habitat et à dissuader les propriétaires privés de protéger la faune et la flore sur leurs terres, il serait difficile de surpasser la loi proposée. Si ce projet de loi est adopté, il nuira énormément aux espèces qu'il vise à protéger. L'erreur fatale, c'est que cette loi va surtout être utilisée comme un moyen de contrôler gratuitement l'utilisation des terres nationales plutôt que pour protéger les espèces rares.
En bref, nos principales critiques sont les suivantes. Premièrement, plus les propriétaires sont de bons intendants et plus ils protègent l'habitat des espèces sauvages, plus ils risquent de perdre la jouissance de leurs terres.
Deuxièmement, d'après ce qu'on nous a dit, les interdictions visant les espèces menacées et en voie de disparition et leur lieu de résidence s'appliqueront à toute activité sur toutes les terres fédérales, provinciales et privées.
Enfin, les catégories d'espèces en voie de disparition, menacées et vulnérables incluent pratiquement toutes les espèces de plantes et d'animaux indigènes des Prairies, où l'agriculture est presque la seule industrie. Ce projet de loi risque d'interdire les activités agricoles dans de vastes régions comme c'est le cas pour les activités forestières dans le nord-ouest des États-Unis.
Les pouvoirs fédéraux s'étendent des espèces qui migrent au-delà de la frontière à celles dont l'aire de répartition s'étend au-delà de la frontière, ce qui revient à englober pratiquement toutes les espèces qu'on trouve dans les Prairies. Les restrictions législatives et réglementaires visant l'utilisation des terres à cause de la présence réelle ou suspectée d'une espèce en voie de disparition ou menacée reviennent à une confiscation sans compensation.
Les articles de la LPEPC sur les coûts indiquent que seuls les coûts directs associés aux analyses scientifiques et aux plans de gestion et de rétablissement gouvernementaux seront pris en charge, et non pas les coûts qui touchent les particuliers, les communautés et les industries, les coûts qui entraînent des pertes de recettes fiscales et des augmentations de prestations sociales. Le droit d'intenter une action confère aux particuliers un pouvoir auparavant réservé à l'État, ouvrant ainsi la porte au harcèlement légalement sanctionné.
Le projet de loi encourage en fait les activistes à harceler tous ceux et toutes celles qui travaillent dans les domaines de l'agriculture, des forêts, de l'énergie, bref, dans tous les domaines d'activité rurale. Primo, l'inscription d'une espèce peut reposer sur le simple rapport d'une personne, sans aucun fondement scientifique. Pendant la durée de l'enquête, toute action susceptible d'aggraver la situation de l'espèce soi-disant en voie de disparition est interdite. Cela peut durer jusqu'à un an et demi, parfois plus.
Des arrêtés d'urgence sont pris à la demande de particuliers, et non pas du COSEPAC. Le ministre ne doit pas communiquer le nom des personnes à l'origine d'une enquête ou d'un arrêté d'urgence aux personnes accusées au nom de ce projet de loi, leur conférant ainsi le statut d'indicateur secret, espèce qu'on s'attend plus à voir dans un État policier que dans une société démocratique. Des poursuites individuelles peuvent être engagées même quand le ministre a déjà déterminé, pour une raison ou pour une autre, qu'une telle action n'est pas nécessaire.
La loi n'accorde aux personnes ou aux entreprises accusées aucune protection contre les perquisitions et les saisies injustifiées. Les dispositions pénales sont extrêmement lourdes. Surtout que fonder le fardeau de la preuve sur la simple prépondérance des probabilités est tout à fait subjectif. Les amendes imposées peuvent atteindre facilement des chiffres astronomiques - des centaines de milliers de dollars, ou cinq cent mille dollars, en fonction de la procédure utilisée.
Merci.
Le président: Avant de donner la parole au témoin suivant, monsieur Pope, pouvez-vous nous assurer que vous avez lu le projet de loi?
M. Pope: Oui.
Le président: Vous l'avez étudié à fond vous-même?
M. Pope: Oui.
Le président: Très bien. Merci.
Qui aimerait continuer?
M. Ward: Moi, monsieur le président, si cela vous convient.
Le problème majeur de ce projet de loi, c'est qu'il risque d'aboutir à un résultat contraire à celui qui est recherché. Si des métaux précieux ou des pierres précieuses sont découverts sur le terrain de quelqu'un, la valeur de ce terrain augmente, mais si un oiseau rare y est trouvé, sa valeur risque de diminuer, voire de devenir nulle. Aux États-Unis, certains estiment que les habitats d'espèces en voie de disparition ont été détruits quand la loi américaine a été adoptée, alors qu'ils ne l'auraient pas été si cette loi n'avait pas été adoptée.
En menaçant les propriétaires qui protègent la nature sans les compenser pour la perte de leurs terres, le projet de loi les encouragera à se débarrasser de ces habitats et à stériliser leurs terres. Les espèces sauvages seront désormais considérées comme un passif et comme une menace. Il faut récrire la loi pour inciter les propriétaires à conserver ces oiseaux ou ces espèces en voie de disparition sur leurs terres. La mesure la plus importante que le Parlement peut prendre, c'est de supprimer les mesures perverses qui se trouvent dans le projet de loi et qui découragent les meilleures intentions.
Troisièmement, les mesures d'incitation positive à inscrire dans ce projet de loi. Les propriétaires privés ne craignent pas la présence d'espèces sauvages sur leurs terres, mais craignent la présence d'agents fédéraux responsables de la réglementation. Supprimez cette crainte, et ils seront tout à fait disposés à faire ce qu'ils peuvent pour protéger les espèces sauvages et leurs habitats. Remplacez l'approche réglementaire obligatoire par un projet de loi récompensant les initiatives particulières et collectives non réglementées, un projet de loi selon lequel le gouvernement n'aurait plus le pouvoir de confisquer des terres ou de les réglementer pour protéger les espèces en voie de disparition ou leurs habitats.
Dans un tel contexte le gouvernement aurait plusieurs options à sa disposition pour atteindre ses objectifs: verser un loyer pour ces habitats à protéger, acheter des droits d'emprise pour la conservation, acheter des terres, indemniser les retards de récolte, payer les propriétaires pour qu'ils plantent ou cultivent certaines espèces, payer les propriétaires pour qu'ils protègent la faune en construisant des plates-formes ou des boîtes pour les nids ou en créant des types spécifiques d'habitats. La plupart de ces choses sont déjà faites par des organismes non gouvernementaux qui travaillent en coopération avec les propriétaires.
Un aspect vraiment important de ce genre de loi fondée sur le volontarisme serait que les propriétaires ne craindraient pas de partager leurs terres avec les espèces sauvages. L'influence de ce projet de loi s'étendrait alors au-delà des terres fédérales, car il se fonderait sur une des meilleures traditions canadiennes, la coopération. Les coûts associés à une telle loi seraient beaucoup moins importants que ceux qui seraient nécessaires pour maintenir une loi de réglementation draconienne puis exiger une compensation pour la perte de l'usage économique ou de la valeur d'un bien privé. Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse sembler, cette loi serait la seule loi de protection des espèces en voie de disparition qui ne ferait pas gonfler le budget, la seule loi qui ne nécessiterait pas de nouvelles sources importantes de financement ou une légion d'inspecteurs.
Ce concept passionnant porte en lui la promesse de création d'un nouveau paradigme environnemental. Il remplacerait la réglementation gouvernementale, le contrôle de l'utilisation des sols et les acquisitions, et les approches autoritaires. Au lieu de cela, il reposerait sur les institutions d'une société libre, sur le droit privé de propriété, sur les incitations économiques et sur les prix et les mécanismes du marché. C'est une nouvelle vision de la conservation issue du mécontentement massif vis-à-vis de la réglementation environnementale de plus en plus envahissante, conséquence de l'échec et du désastre créés par une loi analogue aux États-Unis. Ne répétons pas les erreurs de nos voisins du Sud, qui en ce moment même envisagent de modifier leur loi sur les espèces en péril pour emporter la coopération de ceux qui vivent jour après jour sur ces terres.
Voici certaines de nos recommandations:
- L'approche de la protection des espèces en voie de disparition dans ce projet de loi devrait partir de la base, avec des objectifs bien définis.
- Il faut que la procédure de classification des espèces et de désignation des habitats essentiels se fonde uniquement sur l'analyse de données scientifiques. Ces informations devraient être vérifiables, fiables, précises et suffisantes pour porter un jugement raisonnable sur le statut de la plante ou de l'animal en question.
- Les décisions du comité devraient être soumises un l'examen scientifique et à des critères biologiques avant d'être transmises au ministre.
- Tous les coûts économiques et tous les coûts assumés par les particuliers, les collectivités et les industries touchés par la désignation devraient être intégrés à la procédure d'analyse et de prise de décisions.
- Fixer des critères de rétablissement atteignables dans la loi.
- Solliciter la participation du public pour les plans de rétablissement.
- Énoncer clairement les critères pour la désignation d'habitats essentiels.
- Exiger un consentement écrit dans un plan de rétablissement pour tout lâchage d'animaux sur une propriété privée ou dans les environs.
- Le droit privé de propriété dont jouissent traditionnellement les Canadiens et qui est reconnu par les tribunaux en vertu de la common law doit être reconfirmé par un droit de propriété spécifique, et ce droit doit être protégé par cette loi.
- Les efforts de conservation doivent prendre en compte la stabilité économique et la protection de la propriété privée.
- Les plans de rétablissement ne devraient pas refuser aux propriétaires le droit d'utiliser raisonnablement leurs terres et ne devraient pas entraîner de réduction importante de leur valeur.
- Les propriétaires devraient être compensés pour toute perte de l'usage de leurs biens.
- Établir des normes claires pour les modifications de l'habitat qui constituent une infraction et permettre aux propriétaires fonciers de consulter le ministre en temps opportun pour déterminer si une mesure envisagée ira ou non à l'encontre du plan de rétablissement.
- Les poursuites civiles doivent être interdites.
- Le fardeau de la preuve doit être présenté de manière plus rigoureuse; ce ne saurait être qu'une prépondérance des probabilités. Il faut garder des garanties contre les saisies et perquisitions indues. L'accusé doit avoir le droit de connaître son accusateur ou d'être mis en sa présence.
- Prendre des mesures qui inciteront le propriétaire foncier à protéger les espèces.
- S'assurer que la loi ne comporte pas de mesures dissuasives qui causeront une détérioration de l'habitat.
Monsieur le président, voilà qui termine notre rapport.
Le président: Merci d'avoir respecté le temps qui vous était accordé.
J'invite maintenant le témoin suivant à prendre la parole.
M. Doerksen: Je suis accompagné cet après-midi par Stratton Peake.
Pour commencer, monsieur le président, je tiens à dire que les éleveurs de bovin de l'Alberta sont tout à fait en faveur de la protection des espèces, mais qu'il faut arriver à un équilibre raisonnable qui permettra à l'homme et à la faune de vivre en harmonie. Les propriétaires fonciers peuvent chaque jour jouer un rôle dans l'état de nombreuses espèces, et leur collaboration est essentielle à une protection efficace des espèces.
Dans son mémoire, l'Alberta Cattle Commission formule les commentaires et les suggestions qui suivent au sujet du projet de loi C-65, Loi sur la protection des espèces en péril au Canada.
Les éleveurs de bovin possèdent et gèrent de grandes terres dans la région habitée de l'Alberta. Une bonne partie de ces terres demeurent dans leur état naturel, et diverses espèces d'animaux y vivent, y compris des espèces en voie de disparition et des espèces menacées.
Dans les régions habitées de l'Alberta, la protection efficace de la faune et de son habitat dépend de la collaboration des propriétaires terriens.
Le gagne-pain des éleveurs et de leurs familles dépend d'une gestion responsable et durable de leurs terres. En outre, de nombreux éleveurs participent à des programmes coopératifs de protection de la faune et de son habitat.
Le projet de loi C-65 contient diverses dispositions qui décourageront les éleveurs de collaborer à la protection de la faune et de son habitat. Ces dispositions risquent de pénaliser les producteurs qui ont sur leurs terres des espèces en voie de disparition ou menacées. Il y a notamment l'article 33, le manque de dispositions d'indemnisation lorsque des coûts sont assumés et le risque de poursuites judiciaires coûteuses et pénibles, menées par des groupes d'intérêts spéciaux ou par des particuliers, au nom de la protection des espèces en voie de disparition.
Nous proposons que le comité envisage de modifier le projet de loi pour supprimer ces éléments qui risquent de pénaliser les propriétaires fonciers qui ont protégé la faune et son habitat, et d'ajouter des dispositions qui reconnaîtront et récompenseront les producteurs qui participent aux programmes de protection.
L'Alberta Cattle Commission est la plus grande association provinciale d'éleveurs de bovin, représentant quelque 30 000 éleveurs, soit 65 p. 100 de toute la production de boeuf au Canada. En 1995, les revenus à la ferme pour la vente de boeuf de boucherie en Alberta atteignaient 2,2 milliards de dollars, soit 38 p. 100 de tous les revenus à la ferme dans la province. En quadruplant pour tenir compte de l'effet multiplicateur, nous évaluons la contribution totale de l'industrie de l'élevage de boeuf à l'économie albertaine à neuf milliards de dollars.
La base de l'industrie de l'élevage de bovins en Alberta, c'est le troupeau de 1,9 million de vaches d'élevage de boucherie, géré par environ 30 000 éleveurs. Les pâturages d'été de la grande majorité de ces vaches sont de grands pâturages libres et d'autres terres marginales, impropres à la culture.
Ces terres possédées et gérées par les éleveurs ne représentent que l'un des principaux écosystèmes de l'Alberta et comprennent les plus grands espaces servant d'habitat à la faune qui restent dans les zones habitées de la province. Pour cette raison, la collaboration des éleveurs est essentielle à la protection de la faune et de son habitat ainsi qu'à la survie des espèces en voie de disparition et des espèces menacées de la province. Les éleveurs s'intéressent de très près aux politiques qui ont une incidence sur leur capacité de continuer à gérer ces terres de manière à ce qu'elles continuent de les faire vivre, ainsi que leurs familles, maintenant et dans l'avenir. Ils s'intéressent donc certainement au projet de loi C-65.
Nous croyons qu'une bonne gestion des activités sur d'importants pâturages est compatible avec la protection de la faune et de son habitat. La plupart des entreprises d'élevage de boeuf sont des entreprises familiales dont la propriété s'est transmise de génération en génération. La survie d'une entreprise d'élevage de boeuf dépend d'une bonne gestion et d'une utilisation durable du sol, des plantes et de l'eau, soit les ressources qui sont aussi essentielles pour la faune.
Dans les régions habitées de la province, les grands pâturages sont souvent les seules vastes étendues où le paysage a relativement peu changé et sont par conséquent l'habitat de nombreuses espèces fauniques, dont certaines sont en voie de disparition ou menacées. Le fait que ces vastes terres sont maintenant la cible de divers groupes, notamment de groupes environnementaux, afin qu'elles deviennent des zones protégées, ne fait que prouver qu'elles ont été gérées de manière responsable jusqu'ici.
Les producteurs de bovins reconnaissent qu'ils ont la responsabilité envers eux-mêmes et envers la société de gérer ces terres d'une manière durable. En 1987, l'Alberta Cattle Commission a fait une évaluation des risques environnementaux de l'industrie de l'élevage bovin dans la province, pour déterminer les secteurs où il fallait faire des efforts individuels ou collectifs pour réduire au minimum l'incidence de l'élevage bovin sur les écosystèmes naturels. Par suite de cette évaluation, bon nombre de projets ont été lancés, y compris un projet pour les vaches et le poisson, destiné à améliorer les habitats riverains des grands pâturages, et un projet d'amélioration de la qualité de l'eau, pour répondre aux préoccupations se rapportant à l'eau.
Les éleveurs albertains ont participé activement au Plan nord-américain de gestion de la sauvagine et à l'Opération chouette des terriers, tous deux destinés à protéger des espèces en voie de disparition ou menacées dans la province. Par suite notamment de ces programmes, nous avons adopté le concept des mesures volontaires coopératives pour régler les problèmes environnementaux et protéger les espèces et leur habitat. La protection des pâturages et de l'eau font partie d'une bonne gestion des terres, mais les mesures destinées à protéger des espèces et des écosystèmes particuliers peuvent représenter un coût pour le propriétaire foncier. Ainsi, il peut y avoir des pertes de production potentielles, des coûts de gestion plus élevés et des problèmes découlant d'un accès accru pour le public. Ces coûts sont assumés par les éleveurs, dans l'intérêt de toute la société. Bien que la plupart des éleveurs soient prêts à payer volontairement certains de ces coûts, nous n'accepterons pas qu'on nous les impose.
Nous reconnaissons que le projet de loi C-65 est destiné principalement aux terres fédérales et aux espèces faisant déjà l'objet d'une gestion en vertu de lois fédérales. Nous estimons toutefois que certains éléments du projet de loi pourraient avoir des incidences importantes sur les terres privées et provinciales, et particulièrement sur les éleveurs de bovins. Nous n'aimons pas l'approche générale de la loi, qui fonctionne plus avec le «bâton» qu'avec la «carotte» et qui ne reconnaît pas les concepts de partenariats volontaires qui ont caractérisé jusqu'ici la contribution des éleveurs de bovins à la protection de la faune.
Nous craignons beaucoup l'effet de certaines imprécisions du projet de loi, associées aux importants pouvoirs législatifs conférés à des particuliers et à des groupes de pression. Nous estimons que le projet de loi rend les propriétaires fonciers qui ont volontairement protégé les espèces et leur habitat particulièrement vulnérables à du harcèlement et à des poursuites judiciaires qui pourraient gravement compromettre leur capacité de continuer à vivre de l'élevage. Par contre, les éleveurs qui n'ont rien fait pour protéger les habitats et les espèces n'ont rien à craindre. Au bout du compte, on découragera les efforts volontaires coopératifs de protection des espèces et de leur habitat et on encouragera ceux qui ont protégé l'habitat de diverses espèces à l'éliminer, particulièrement s'il s'y trouve des espèces citées par la loi.
J'aimerais comparer cette situation à l'histoire, que vous connaissez sans doute, du pari entre le vent et le soleil au sujet d'un voyageur sur la route. Le vent dit au soleil: «Je parie que je peux faire tomber le manteau du voyageur avant toi.» Bien entendu, plus le vent soufflait, plus le voyageur serrait sur lui son manteau. Quand le vent est tombé et que le soleil est apparu, le voyageur n'a pas tardé à enlever son manteau de lui-même. D'une certaine façon, je crois que cette loi souffle comme une bise sur les propriétaires fonciers, menaçant aussi, je crois, les espèces en voie de disparition et les espèces en péril.
Je cède maintenant la parole à M. Stratton Peake.
M. Stratton Peake (Alberta Cattle Commission): Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs.
Nous sommes généralement d'accord avec les propositions que l'Association canadienne des éleveurs de bovins vous a faites en vue d'améliorer le projet de loi et de répondre à nos préoccupations. Toutefois, nous tenons à reprendre certaines des doléances exprimées par l'association canadienne et faire valoir d'autres préoccupations qu'il ne faudrait pas laisser de côté. Les voici.
Commençons par des amendements destinés à supprimer les dispositions décourageant les propriétaires terriens de protéger les habitats fauniques et les espèces inscrites: nous sommes convaincus que l'article 33 du projet de loi, auquel s'ajoutent de lourdes amendes ainsi que la disposition portant que les particuliers et les groupes d'intérêts spéciaux peuvent porter leurs propres accusations en vertu de la loi, constitue un facteur sérieux qui découragera toute coopération de la part des propriétaires terriens et toute velléité de leur part de protéger les habitats et les espèces.
Nous avons consulté plusieurs groupes de conservation là-dessus, et ils conviennent généralement avec nous que ces dispositions nuiront aux programmes mixtes visant les propriétaires fonciers. En fait, si le projet de loi est adopté dans son libellé actuel, nous devrons conseiller à nos membres de remettre sérieusement en question tout projet de coopération éventuel avec des groupes tels que Canards illimités et Opération chouette des terriers, au cas où des mesures de ce genre les exposeraient à des poursuites en cours de route. Nous allons également leur suggérer ceci: dès qu'ils apprendront que leurs terres hébergent certaines espèces qui pourraient être inscrites, ils devraient consulter des avocats pour savoir si certaines mesures pourraient s'appliquer à eux en vue de limiter leurs options de gestion et s'ils sont passibles d'éventuelles poursuites privées ou publiques aux termes du projet de loi.
Au lieu de se concentrer sur des mesures qui découragent activement toute action volontaire et tout partenariat, le gouvernement devrait plutôt changer son fusil d'épaule et proposer des mesures qui encourageraient et faciliteraient des interventions sur les terres vouées à l'agriculture. Nous vous encourageons à inclure dans le projet de loi un nouvel article qui permettrait l'enregistrement de projets conjoints entre les agences ou les organisations et les propriétaires fonciers en vue de protéger les espèces et leur habitat. Une fois ces projets dûment enregistrés, ils seraient traités de façon particulière par la loi, celle-ci prévoyant une protection contre toute poursuite et la possibilité d'être indemnisé pour perte de revenu ou pour augmentation de ses coûts. Nous discuterons plus amplement et avec plaisir de cette proposition. Il est également essentiel que tous les intéressés fassent partie des équipes élaborant les plans de rétablissement.
Plusieurs définitions de l'article 2 sont trop vagues ou pourraient porter à confusion d'un point de vue juridique ou administratif. Je pense notamment à celles-ci:
Le terme «individu» est si vaguement défini que l'on pourrait l'interpréter comme incluant toute matière organique située au Canada. Nous ne croyons pas que le gouvernement ait envisagé une définition aussi large.
Nous pensons qu'il faudrait définir de façon plus étroite le terme «résidence». Dans le texte actuel, on pourrait l'interpréter comme incluant tout habitat essentiel aux espèces, et nous ne croyons pas que c'était l'intention du gouvernement de le faire.
L'inclusion de l'expression «population géographiquement distincte» dans la définition d'«espèce sauvage» pourrait entraîner de graves contestations. En effet, jusqu'à quel point une population doit-elle être distincte avant d'être considérée comme digne d'être protégée?
Nous avons de sérieuses réserves concernant l'article 33, pour ce qui est des règlements s'appliquant aux résidences, qui semble donner au gouvernement fédéral le droit de supplanter toute législation provinciale et le droit privé de propriété. L'alinéa 33 b) donne au ministre le droit de réglementer toute activité qui détruit ou endommage la résidence de toute espèce sauvage, morte ou vivante, peu importe son état de développement, ce qui inclut les oeufs, le sperme, le pollen et les spores.
Nous remarquons que les limites qui s'appliquent à l'alinéa 33 a) ne s'appliquent pas pour autant à l'alinéa 33 b) et que nul n'est besoin pour l'individu d'être en voie de disparition ou menacé, ni même pour lui de traverser les frontières nationales. Nous ne savons pas si c'était bien là l'intention du gouvernement, mais, dans l'affirmative, nous croyons que cet article, combiné aux droits des individus et des groupes d'intérêts spéciaux que prévoit l'article 60, expose les éleveurs de bétail et autres propriétaires fonciers à des risques de harcèlement et de poursuites à la suite de toute activité qui pourrait avoir une incidence sur une espèce.
Nous nous opposons fermement aux principes énoncés dans la partie du projet de loi couvrant les articles 60 à 76. Vous semblez inviter tous les groupes d'intérêts spéciaux à invoquer la loi pour harceler le gouvernement et les propriétaires fonciers, qu'il y ait eu ou non des infractions. Les propriétaires fonciers seront obligés de se protéger chaque fois qu'une accusation sera portée en vertu de cette partie-là de la loi. L'application de l'alinéa 60(2)b) soulève des doutes considérables. Pour notre part, nous supposons que cet alinéa ne s'applique qu'aux habitats dans les zones définies à l'article 3; toutefois, cela reste à préciser.
Si le projet de loi doit maintenir la possibilité qu'il y ait des poursuites civiles, nous demandons que celui qui poursuit soit obligé de déposer une caution équivalente à l'amende demandée.
Enfin, nous ne représentons qu'un petit pourcentage de la population canadienne, mais nous prenons soin de vastes habitats qui abritent une grande variété d'espèces. Nous avons également pour tâche de fournir à tous les Canadiens des aliments sûrs et sains.
Merci.
Le président: Merci. Vous vous en êtes tenu au temps qui vous était imparti, et nous vous en remercions.
Monsieur Beever, allez-y.
M. Marlin Beever (président, Manitoba Cattle Producers Association): Merci, monsieur le président.
La Manitoba Cattle Producers Association a ceci à dire au sujet du projet de loi C-65, Loi sur la protection des espèces en péril au Canada.
Les producteurs de bovins possèdent et gèrent de vastes terres dans la région défrichée du Manitoba, qui abrite une grande variété d'espèces sauvages, dont plusieurs sont déjà classées comme étant en voie de disparition ou menacées.
Nous sommes convaincus qu'une véritable protection des espèces sauvages et de leur habitat dépend de la coopération et de la bonne volonté des propriétaires fonciers.
Pour subvenir à leurs besoins, les éleveurs de bovins doivent gérer leurs terres de façon durable et responsable. Par conséquent, nombre d'entre eux coopèrent avec les groupes de conservation et les agences gouvernementales en formant avec eux des partenariats dans le cadre de nombreux programmes qui réussissent à protéger les espèces sauvages et à mettre en valeur leur habitat.
À notre avis, le projet de loi contient certains éléments qui décourageront toute coopération entre les éleveurs de bovins et les groupes de conservation dans le but de protéger les espèces sauvages et leur habitat. Le projet de loi contient des dispositions qui risquent de pénaliser les producteurs dont les terres abritent certaines espèces en voie de disparition ou menacées. De plus, le projet de loi ne prévoit aucune indemnisation en cas de perte de revenu ou d'opportunité entraînant certains coûts, ou encore s'il y a des coûts découlant de dommages causés aux espèces ou découlant de l'accès public à leurs terres. Ce qui nous inquiète aussi, c'est le pouvoir que détiendraient des groupes d'intérêts spéciaux ou des individus qui pourraient perturber l'exploitation des éleveurs de bovins dont les terres abritent des espèces en voie de disparition ou menacées.
Nous encourageons le comité à adopter des amendements au projet de loi qui supprimeraient la disposition risquant de pénaliser les propriétaires fonciers qui ont déjà pris des mesures en vue de protéger des espèces sauvages et leur habitat. Le projet de loi devrait reconnaître et féliciter les producteurs de bovins qui ont fait preuve de coopération et qui ont participé à des programmes de protection conjointement avec des organisations de conservation.
Notre Association représente quelque 14 000 éleveurs dans la province. Le cheptel de vaches d'élevage de boucherie du Manitoba est évalué à 525 000 bêtes. En 1995, les revenus monétaires agricoles dérivés de la vente de bovins de boucherie étaient de 341 millions de dollars, ou 13 p. 100 des recettes monétaires agricoles dans la province.
L'industrie de l'élevage du bovin du Manitoba se fonde sur la production de veaux d'embouche. Cette production utilise de grandes terres qui ne conviennent pas à la production céréalière et qui sont encore, ou presque, à l'état naturel. Ces régions abritent une grande variété d'espèces animales et végétales, dont certaines sont en voie de disparition ou menacées. Dans les régions défrichées du Manitoba, les éleveurs de bovins gèrent plus de terres accessibles aux espèces sauvages que dans tout autre secteur, et, par conséquent, ils ont un rôle extrêmement important à jouer dans les programmes servant à protéger des espèces en voie de disparition ou à empêcher que d'autres espèces ne deviennent menacées.
Nous croyons qu'une gestion et une utilisation appropriées du sol, de l'herbe et de l'eau font partie intégrante de toute exploitation fructueuse d'animaux d'élevage. Ce principe assure également la vitalité du milieu naturel et la pérennité des habitats fauniques. Par conséquent, la gestion rationnelle des grands pâturages est compatible avec la protection de la faune et de son habitat. Les grandes terres de pâturage abritent souvent une multitude d'espèces fauniques et végétales, dont certaines sont en voie de disparition ou menacées.
Les éleveurs de bovins du Manitoba savent qu'il est important de gérer leurs terres de façon responsable, afin d'assurer le succès à long terme de leur exploitation et sa durabilité, pour l'avenir de leurs enfants et pour le plus grand bien de la société. Plusieurs projets ont été lancés dans la province et font appel à la coopération entre les éleveurs de bovins et les groupes de conservation ou les groupes de protection de la nature, et visent à réduire au minimum l'impact que peut avoir la production d'animaux d'élevage sur les écosystèmes naturels. Les éleveurs de bovins du Manitoba participent à des projets conjoints avec la Société protectrice du patrimoine écologique du Manitoba, en vue de mieux gérer les zones riveraines des pâturages. De plus, ils prennent part au programme des ressources des grands pâturages libres dans le but d'améliorer la qualité de l'eau et les zones riveraines, de concert avec Canards illimités pour préserver les terres humides, et de concert avec Sharp Tails Plus, programme destiné à bonifier et à protéger l'habitat de la gélinotte à queue fine.
Les éleveurs de bovins gèrent leurs terres de façon responsable et participent volontairement à des programmes de coopération destinés à corriger les problèmes environnementaux et à protéger les espèces et leur habitat. Leur engagement à la gestion durable de la terre et de ses ressources est cependant assorti d'un coût, presque toujours assumé par eux. Pensons notamment aux chances perdues, aux coûts élevés de gestion et aux problèmes que suscite un accès accru du public à leurs terres. Bien que la plupart des éleveurs de bovins soient disposés à assumer volontairement la majorité des coûts pour le plus grand bénéfice de la société dans son ensemble, il ne convient pas de les obliger à assumer toute l'augmentation réelle ou potentielle des coûts sans qu'ils soient indemnisés d'une manière quelconque.
Ce qui nous inquiète, c'est que le projet de loi C-65 puisse avoir de graves conséquences pour les terres privées et provinciales du Manitoba. Conséquemment, il aura également une incidence sur les éleveurs de bétail du Manitoba. À notre avis, le projet de loi accorde une trop grande place à la réglementation et à la coercition et ne fait rien pour susciter la coopération volontaire entre les propriétaires fonciers et les groupes de conservation. En fait, nous pensons au contraire que ce projet de loi pourrait inciter les propriétaires à se débarrasser de certaines des espèces qui habitent leurs terres et qui pourraient être inscrites comme étant en voie de disparition ou menacées, étant donné que leur présence expose les propriétaires qui ont volontairement protégé ces espèces et leur habitat au harcèlement et à des poursuites en justice. Par contre, les propriétaires qui n'ont fait aucun effort pour préserver les espèces et leur habitat ne courent aucun risque. Par conséquent, le projet de loi pourrait en réalité punir les propriétaires qui déploient des efforts pour protéger les espèces en voie de disparition et leur habitat, et récompenser ceux qui ne font rien.
La situation des pâturages communautaires relevant de la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies préoccupe les éleveurs de bétail du Manitoba. Ces pâturages fournissent 4,9 p. 100 du pacage dans les Prairies et dans les écozones boréales des plaines. La taille moyenne des troupeaux dans ces régions est de 55 bêtes, et 7 p. 100 des exploitations bovines recourent aux pacages relevant de la LRAP. Celles-ci confient en moyenne une quarantaine de bêtes aux pâturages. D'après les données de la LRAP et de Statistique Canada, les avantages économiques directs pour le Manitoba du pacage dans les terres relevant de la LRAP s'élèveraient à 8,7 millions de dollars. Les activités indirectes sont quant à elles évaluées à trois fois les avantages directs.
Si l'on réduisait la capacité de charge des pacages de la LRAP, cela pourrait préoccuper gravement les éleveurs de bovins du Manitoba et leur industrie dans son ensemble. Si l'on recourt de moins en moins aux pacages des terres fédérales, il y aura sans doute à court terme une augmentation de l'utilisation des pacages provinciaux et privés. Les éleveurs devront, en bout de piste, décider s'ils réduiront ou non la taille de leur cheptel, s'ils convertiront leurs terres cultivables annuelles au fourrage, ou s'ils se retireront carrément de l'industrie. Pour les agriculteurs de la LRAP, toute réduction dans leur allocation pourrait avoir une incidence directe sur leur exploitation et sur leurs revenus.
Nous partageons les préoccupations de l'Association canadienne des éleveurs de bovins et approuvons les propositions qu'elle a soumises au comité permanent en vue d'améliorer le projet de loi.
Les articles 33 et 60 du projet de loi nous préoccupent particulièrement. L'article 33 donne au ministre fédéral le pouvoir, par règlement, de déclarer qu'il y a une infraction si quelqu'un exerce sciemment une activité endommageant ou détruisant la résidence d'un individu inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition ou menacées. Que nous le sachions, ces règlements pourraient s'appliquer à tous les types de terrains, qu'ils soient fédéraux, provinciaux ou privés. L'article 60 donne à des particuliers le droit d'intenter des poursuites contre des propriétaires fonciers et contre quiconque exerce selon eux des activités contraires à la loi.
Ces deux articles donnent beaucoup de pouvoir à des particuliers qui voudraient, pour des raisons frivoles, faire cesser certaines activités sur des terres privées. Les dispositions pourraient même être interprétées comme incluant toutes les plantes et les animaux, et le terme «résidence» pourrait s'entendre des habitats, dans leur sens le plus large. Cela pourrait porter un préjudice grave aux éleveurs de bovins dont les terres pourraient abriter des espèces menacées ou en voie de disparition.
Il faut maintenant parler de l'indemnisation du propriétaire foncier. Si, en vertu de cette loi, le plan de rétablissement propose une mesure qui constituerait la prise d'un intérêt économique dans la terre ou dans un autre bien, il faut alors prévoir indemniser le propriétaire. Il ne fait pas de doute que l'absence d'indemnisation constitue un des écueils majeurs de la loi américaine en matière de protection des espèces en péril. Il ne faut pas que les propriétaires fonciers en viennent à croire que la présence d'une espèce en voie de disparition sur leurs terres menace leur gagne-pain. La protection des espèces en péril est une obligation sociale, et les coûts de cette protection devraient être assumés par l'ensemble de la société, et pas uniquement par une de ces parties, soit le propriétaire rural.
Si ce n'est déjà fait, votre comité devra recevoir sous peu des lettres de Sharp-Tails Plus, de la Manitoba Bison Association, de la Manitoba Equine Ranchers Association, du ministère de l'Environnement du Manitoba de l'Office des districts de conservation du Manitoba, et de la Société protectrice du patrimoine écologique du Manitoba. Nous, éleveurs de bovins, avons noué des relations de travail très positives avec bon nombre des groupes de conservation et sommes convaincus que la coopération reste la meilleure voie de l'avenir.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Beever, et merci aux autres.
Commençons par M. Forseth, au premier tour de questions.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): J'aimerais revenir à ce que vient de dire l'association manitobaine des éleveurs de bovins. Dans votre mémoire, au milieu de la page 2, vous affirmez ceci:
- De plus, le projet de loi ne prévoit aucune indemnisation en cas de perte de revenus ou de
possibilités de gains ou en cas de coûts découlant des préjudices aux espèces ou découlant de
l'accès public à leur terre.
- Bien que la plupart des éleveurs de bovins soient disposés à assumer volontairement la majorité
des coûts pour le plus grand bénéfice de la société dans son ensemble, il ne convient pas de
forcer les producteurs à assumer toute l'augmentation réelle ou potentielle des coûts sans qu'ils
soient indemnisés d'une manière quelconque.
- Si, en vertu de cette loi, le plan de rétablissement propose une mesure qui constituerait la prise
d'un intérêt économique dans la terre ou dans un autre bien, il faut prévoir indemniser le
propriétaire.
Voici ce que je puis lire dans la recommandation:
- Son Excellence le gouverneur général recommande à la Chambre des communes l'affectation
de deniers publics dans les circonstances, de la manière et aux fins prévues dans une mesure
intitulée «Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada».
J'aimerais vous donner à tous la possibilité de proposer des solutions à ce problème de la compensation et des façons de calmer les craintes de ceux qui croient devoir opposer ce projet de loi au lieu de coopérer à son adoption.
M. Ward: Si vous me le permettez, madame la présidente, le témoin Hawksworth croit fermement à la conservation et à la biodiversité et croit tout aussi fermement qu'il faut adopter une approche coopérative. À l'intérieur de ces limites, je dirais que dans la quasi-totalité des cas il y a moyen d'adopter une approche coopérative sans contraintes budgétaires ou sans compensation à verser au propriétaire foncier.
Dans bien des cas - et je songe plus particulièrement à mon propre cas - le pacage du bétail est tout à fait compatible avec une protection accrue de la biodiversité. Au fur et à mesure que la biodiversité augmente dans mon ranch, j'en tire un avantage puisque je peux mettre au pacage davantage de bêtes. D'ailleurs, nous accroissons la biodiversité d'une part et j'augmente mes revenus d'élevage, de sorte que tout le monde y gagne. J'estime que ce serait presque toujours le cas. Or, au bout du compte, nous devons néanmoins reconnaître la validité des droits de ces propriétaires fonciers, et dans ces cas où nous empiétons sur les droits à la propriété privée, il faudra qu'une compensation quelconque soit versée.
Il y a toutefois de nombreuses façons de le faire. Nous pourrions peut-être échanger des parcelles de terre, louer des terres, verser une somme au propriétaire foncier pour l'inciter à prendre des mesures pour le rétablissement sur une parcelle donnée. Il y a de nombreuses façons de parvenir au but et c'est possible, à mon avis, à faible coût. Le coût ne se chiffre pas en dollars. Il faudra surtout du temps pour adopter une approche coopérative et pour aller rencontrer les propriétaires fonciers pour discuter avec eux des solutions de rechange. Ce n'est pas quelque chose qui peut être imposé d'autorité, par exemple en adoptant une loi édictant que pour 100 000 $, le propriétaire foncier devra faire telle ou telle chose. L'autre approche est plus fine. Cela demandera peut-être un peu plus de temps, mais au bout du compte cela sera moins coûteux.
La vice-présidente (Mme Payne): Y a-t-il d'autres commentaires sur ce sujet?
Un témoin: Oui. Nous préconisons nous aussi l'approche coopérative et cela nous rappelle l'exemple du canard branchu dans les années 20 et 30. Ceux que la chose intéressait à l'époque - c'était un peu avant mon temps - ont remarqué que le canard branchu devenait très rare dans les voies migratoires de l'Est. Ainsi un groupe de personnes ont formé une association appelée Friends of the Wood Duck. Ils ont décidé de trouver une solution.
Il a fallu beaucoup de temps - n'allez pas croire que tout cela s'est fait du jour au lendemain - mais le groupe s'est organisé sur la côte est des États-Unis et du Canada et les membres de l'organisation se sont adressés aux propriétaires fonciers, ont fait des recherches et ont découvert le genre d'habitat que préférait le canard branchu et ils se sont mis à construire de petites boîtes pour les accueillir. Ils ont fait cela sur toute la côte est des États-Unis et du Canada et ont fini par créer un habitat accueillant pour cette espèce. À l'heure actuelle, une seule autre espèce de canard est plus répandue que le canard branchu dans les voies migratoires de l'Est.
Les habitants des centres urbains qui s'intéressaient à la survie du canard branchu sont allés à la rencontre des propriétaires fonciers sur les terres desquelles se trouvait l'habitat de cette espèce et ils ont mis au point une solution qui n'a rien coûté. D'ailleurs, quand j'ai fait mes recherches sur cette question, j'ai constaté que les propriétaires fonciers accueillaient volontiers les amis du canard branchu et leur permettaient de venir sur leurs terres pour y installer leurs petites boîtes. Au fil des ans, l'espèce est redevenue abondante et sa survie est assurée.
Un député: Vous décrivez en fait l'un des aspects d'un plan de rétablissement - dans le sens de ce que propose le projet de loi.
Un témoin: Je crois que oui. Mais ce sont les pénalités qui nous effraient absolument, qui nous préoccupent au plus haut point et qui pourraient être la conséquence d'un voisin qui nous dénoncerait. Un voisin qui ne nous aimerait pas particulièrement ou qui agirait ainsi pour toute autre raison. Ce projet de loi créerait un mécanisme qui lui permettrait d'intenter des poursuites contre nous. Ce n'est pas une façon de favoriser la bonne volonté dans les milieux ruraux.
Je parle d'un voisin mais cela pourrait être nos amis des régions urbaines qui ont d'autres objectifs dans la vie et qui pourraient faire de nos vies un enfer.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Doerksen.
M. Doerkson: J'ajouterais à tout ce qui a déjà été dit que là où il y a coopération et là où existent des programmes coopératifs, alors il n'est pas nécessaire d'imposer ce genre de mesures législatives, de restrictions rigoureuses et de pertes économiques aux propriétaires fonciers. C'est une des suggestions que nous avons déjà formulée.
Si nous devons avoir ce genre de loi, elle ne devrait pas nuire à ceux qui ont l'habitude de la coopération.
M. Forseth: J'aimerais conclure en disant que la question de la compensation vous préoccupe énormément. Y a-t-il un article précis du projet de loi pour lequel vous souhaiteriez proposer un autre libellé propre à améliorer le projet de loi? Il est question de coûts dans les plans de rétablissement. Vous en êtes conscients. Pouvez-vous proposer un autre libellé qui serait meilleur?
Un témoin: Je proposerais que dans le cadre des plans de rétablissement l'on prévoie un mécanisme de compensation si le plan de rétablissement implique un empiétement sur la propriété privée du propriétaire foncier. Certains songeront peut-être automatiquement à l'expropriation, mais cela va bien au-delà des mesures courantes en cas d'expropriation. Il s'agit de mesures prises dans l'intérêt public. Chacun souhaite voir la conservation et la préservation de la biodiversité, mais cela va au-delà d'une expropriation ordinaire aux fins de la construction routière ou de l'installation d'une ligne hydroélectrique ou autre chose du genre.
Dans le cadre des lois sur l'expropriation, nous faisons déjà des analyses et des démarches plus poussées. Cela peut se faire en vertu de la Surface Rights Act ici en Alberta, par exemple, qui gouverne les rapports entre les propriétaires fonciers et les pétrolières, quelque chose du genre, où l'on prévoit un échéancier et tous les détails du processus. Ainsi, lorsqu'un plan de rétablissement est imposé à un propriétaire foncier, il y a en place des mécanismes pour réduire les conflits entre le propriétaire foncier et la loi. Cela me semble une requête tout à fait justifiée. Soit, c'est déjà prévu dans les plans de rétablissement, mais de façon beaucoup trop générale. Il faudrait davantage de détails.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Beever, vous vouliez faire un commentaire, je crois.
M. Beever: Oui, j'aimerais réagir à ce que les autres ont dit.
Je crois que la coopération et la discussion sont deux éléments clés pour les propriétaires fonciers. Quand il sera question de créer un programme de rétablissement, il faudra qu'ils soient associés aux discussions. C'est quand on tente d'imposer ces programmes aux gens qu'il y a de la résistance. Je crois que si tout se faisait dans un esprit de coopération, cela calmerait énormément les craintes des uns et des autres.
Un témoin: J'aimerais renchérir sur ce que dit M. Beever. Il m'apparaît essentiel que les divers groupes d'intervenants soient représentés au sein des équipes de préparation des plans de rétablissement. Ma famille exploite des ranchs en Alberta depuis quatre générations. Il s'est transmis des choses d'une génération à l'autre dans ma famille qui pourraient s'avérer utiles pour ce processus. Nous vivons dans une prairie naturelle depuis plus de 100 ans. Cela ne semble peut-être pas un laps de temps très long pour certains, mais en Alberta c'est respectable.
Je crois donc que nous devons participer aux travaux des équipes de préparation des plans de rétablissement. Nous devons trouver une solution qui ne coûte rien à qui que ce soit et qui sera bénéfique pour tous.
La vice-présidente (Mme Payne): Je vous remercie de vos réponses.
Nous passons maintenant à M. Knutson, Mme Kraft Sloan puis M. Caccia.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci, madame la présidente.
Messieurs, j'aimerais dire, ne serait-ce qu'en réponse à la question de M. Forseth, que j'approuve tout ce que vous avez dit. La coopération est toujours la meilleure solution. Je suis d'accord pour dire que les propriétaires fonciers doivent être compensés si nous les privons d'une partie de leurs terres. Je comprends bien que vous vous sentiez responsables de la bonne gestion de vos terres et que vous demandez à être respectés pour cela. Je ne voudrais certainement rien dire qui pourrait vous faire croire que je manque de respect pour la qualité de gestion de vos terres, mais j'aimerais aborder néanmoins quelques questions.
Premièrement, on a mentionné l'article 60, qui porte sur le droit des citoyens d'intenter des actions. Vous avez dit que la loi proposée est semblable à la mesure législative américaine. En fait, le libellé du projet de loi est semblable à un certain nombre de lois qui ont été adoptées dans diverses provinces. Permettez-moi de vous signaler les principales différences entre ce projet de loi et la loi américaine.
Sous le régime de la loi américaine, un citoyen peut intenter une action devant les tribunaux. Le seul obstacle qui peut l'en empêcher, c'est si le gouvernement a déjà entrepris des poursuites devant les tribunaux, car on veut éviter la répétition. Le critère auquel il faut répondre pour se prévaloir de l'article 60 est bien différent, bien plus rigoureux que celui de la loi américaine. Tout d'abord, il faut présenter une demande au ministre, puis attendre que celui-ci fasse un rapport. Les poursuites ne peuvent être intentées que contre un propriétaire foncier... Pour intenter une action, il faut prouver au tribunal que le ministre n'a pas agi de façon raisonnable. Le citoyen ne peut intenter une action que si le ministre n'a pas agi de façon raisonnable.
Cette norme applicable aux actions intentées par les citoyens diffère grandement de ce qui est prévu dans la loi américaine. À l'application d'une loi provinciale semblable, on constate qu'à peu près aucun citoyen n'a intenté d'action. C'est pourquoi j'estime que l'analogie avec la situation du nord-ouest du Pacifique est fausse au départ, puisque la loi est différente. En outre, le recours aux tribunaux est différent dans la culture américaine.
Autre exemple, aux États-Unis, chacun paie ses frais de justice. Au Canada, si vous perdez votre procès, vous devez payer non seulement vos frais de justice, mais aussi ceux de la partie opposante. Cela empêche que soient intentées des poursuites frivoles.
Après vous avoir entendu tout cela, êtes-vous davantage convaincus de ce que vous n'avez rien à craindre quant aux actions que les citoyens peuvent intenter?
Un témoin: Pour ma part, non, puisque la disposition existe. Les lobbyistes de l'environnement pourraient, compte tenu des vastes sommes qu'ils reçoivent...rien ne les empêcherait d'intenter une telle poursuite s'ils le décidaient.
On ne peut simplement se contenter du fait que cela ne s'est pas encore fait... Cette loi fédérale n'est pas encore en vigueur. Qui sait ce qui peut se produire à l'avenir, la disposition sera encore là pour qui veut s'en prévaloir. C'est du moins ce que j'en pense.
M. Knutson: Pour examiner les possibilités que de telles actions soient intentées, il vaudrait mieux se fonder sur une province qui utilise un libellé semblable, comme l'Ontario, dont la déclaration des droits est rédigée de façon assez semblable au projet de loi, plutôt que de se fier à ce qui se fait aux États-Unis, dont la loi dans ce domaine est rédigée de façon très différente.
N'est-il pas logique d'examiner les lois de provinces canadiennes dont la formulation est semblable? À partir de là, nous pourrions discuter de façon plus réaliste des conséquences imprévues qui peuvent découler de la mesure législative.
Un témoin: J'ai une autre question au sujet de l'article 60. Devrions-nous vraiment exposer le gouvernement à de telles mesures contestataires, par le truchement du ministre dont le mandat est de surveiller les questions environnementales, et notamment la situation des espèces en péril? Manquons-nous de confiance dans la bonne volonté de nos ministres fédéraux? Je me demande vraiment pourquoi cette disposition doit se trouver dans le projet de loi.
M. Knutson: La nouvelle opinion de l'Alberta, selon laquelle nous faisons confiance à...
L'article 60 est en fait un mécanisme de sauvegarde, au cas où un responsable politique, un élu, ne ferait pas son travail. Le citoyen peut demander des recours aux tribunaux. Si vous consultez la jurisprudence sur des causes semblables, des cas où des gens ont amené des ministres devant les tribunaux parce qu'ils n'ont pas exercé leur pouvoir discrétionnaire comme il l'aurait fallu sous le régime de certaines lois, qu'il s'agisse de la Loi sur les transports ou d'autres lois, vous constaterez que les tribunaux détestent se prononcer sur les pouvoirs discrétionnaires des ministres au Canada. La disposition constitue donc un dernier recours, le pire des scénarios, au cas où un ministre n'agirait pas de façon raisonnable.
C'est du moins le libellé du projet de loi. Le tribunal doit décider que le ministre n'a pas agi de façon raisonnable. Cela devrait éviter que les contribuables canadiens aient à payer les frais d'une application frivole de l'article proposé ou de poursuites intentées par caprice, par un groupe écologiste bien financé.
Un témoin: Le malaise que cause cette disposition vient en partie des conséquences que ce libellé pourrait avoir dans 20 ou 50 ans.
M. Knutson: La signification du mot «raisonnable» sera encore la même dans 20 ou 50 ans.
Permettez-moi d'aborder une autre question d'ordre général, c'est-à-dire l'argument sur l'observation volontaire et le fait que les gens se comportent différemment lorsqu'on les oblige à quelque chose. Pour reprendre un argument entendu dans des audiences à Ottawa, je peux faire une analogie et dire que j'ai tout intérêt à respecter volontairement des méthodes de conduite automobile sécuritaires et raisonnables. Lorsque je retourne chez moi chaque jour ou lorsque je me rends dans ma circonscription, je conduis sur le côté droit de la route. Même s'il n'y avait pas de loi, que ce n'était qu'une convention, je conduirais quand même sur le côté droit de la route. Je suis néanmoins satisfait de ce qu'il y ait une loi exigeant que l'on conduise du côté droit de la route et qu'il y ait une loi imposant certaines limites de vitesse qui doivent être respectées sous peine d'amende, car ces lois prévoient des sanctions.
Je ne mentionne cela qu'à titre de point de référence.
On a fait valoir - je ne suis pas certain quel groupe l'a fait - que si ce projet de loi était adopté, vous conseilleriez à vos membres d'agir différemment et d'être moins les gardiens de leurs terres. Permettez-moi de vous demander... je crois qu'il s'agissait de M. Ward. À l'heure actuelle, il est possible d'imposer des sanctions sous le régime de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Les groupes ici présents ont-ils informé leurs membres de ces sanctions? Vous inquiétez-vous particulièrement des sanctions imposables sous le régime de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs? Êtes-vous particulièrement inquiets de ce que cette loi rigoureuse du Parlement canadien pourrait être appliquée et avoir des conséquences inattendues? Ou vous en accommodez-vous sans avoir de difficultés réelles à la respecter?
Un témoin: Permettez-moi de répondre à la question. Je ne connais pas aussi bien la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs que ce projet de loi, mais je ne pense pas qu'on puisse faire cette analogie.
M. Knutson: Vous ne connaissez pas très bien cette loi.
Un témoin: Je ne la connais pas très bien, même si des canards survolent mes terres et que cela ne m'a jamais posé de problème particulier. Mais dans le projet de loi, on parle d'habitat. L'habitat est sur le terrain... ce qui est inquiétant, c'est de voir des programmes appliqués par des forces externes, des programmes dont l'application n'est pas volontaire sous le régime de cette loi. Heureusement, on peut y apporter certains changements.
Mais les canards ne font que survoler les terres. Par contre, l'habitat de la chouette des terriers, du rat-kangourou ou du typhlomoge aveugle - selon l'endroit où l'on habite - demeure. Si ces espèces se trouvent sur nos terres, les gens viendront - et on ne peut que deviner comment cela fonctionnera, parce qu'on n'en saura rien tant qu'on ne sera pas aux prises avec une telle situation - , un programme de protection de l'habitat sera élaboré, en collaboration avec le propriétaire du terrain ou autrement, et voilà. On peut supposer qu'une opposition sera enregistrée à l'encontre de la propriété - j'imagine du moins - et qu'il faudra s'en accommoder tant que l'animal demeurera sur le terrain.
C'est très différent. Dans un tel cas - et c'est ce qui se fait généralement ailleurs - , on se trouve pris dans une telle situation. Quand vient le temps de vendre cette partie du terrain sur laquelle l'opposition a été enregistrée, le nombre des acheteurs potentiels sera sans doute moindre que s'il n'y avait pas eu d'opposition. Je pense donc qu'on peut difficilement comparer le régime de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs à celui de la mesure proposée.
M. Knutson: Je ne suis pas de cet avis, mais ce que je veux dire, c'est que je n'ai jamais entendu un éleveur s'inquiéter des sanctions imposées sous le régime de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.
Un témoin: Ces sanctions s'élèvent-elles à 500 000 $ par infraction?
M. Knutson: Elles sont rigoureuses et elles...
Un témoin: Portent-elles sur la conservation de l'habitat?
M. Knutson: ...protègent les résidences et... ce sont des sanctions rigoureuses.
Mais les gens peuvent néanmoins continuer à faire leur travail. Je crois volontiers que vous appliquez des normes élevées d'intendance et de conservation sur vos terres... et vous ne remarquez même pas que cette loi s'applique. À mon avis, il en sera de même lorsque ce projet de loi sera adopté. Dans 10 ans, vous ne serez même pas au courant de son existence. En fait, le projet de loi permettra de mettre en oeuvre ce régime de collaboration auquel vous êtes habitués et les sanctions ne s'appliqueront que dans de très rares cas, lorsque quelqu'un nuit sciemment à une espèce en voie de disparition ou menacée. C'est pour cela qu'il y a des sanctions prévues dans le projet de loi, pour punir les rares personnes qui feront exception à la règle, qui causeront délibérément préjudice à ces espèces.
Permettez-moi de conclure sur ce point.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Knutson.
Nous laisserons maintenant la parole à Mme Kraft Sloan, puis à M. Caccia et à M. Adams.
Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup.
Il nous est très utile de venir dans cette région du pays pour entendre vos témoignages. Nous avons entendu l'Association des éleveurs de bovins à Ottawa, mais le fait de venir nous-mêmes sur le terrain nous permet de mieux comprendre la situation.
Permettez-moi de faire quelques observations. Savez-vous que la Fédération canadienne de l'agriculture appuie la mesure législative et que le Comité national agriculture-environnement appuie également l'article 33, c'est-à-dire l'article qui vous inquiète tant? Je tenais à vous le signaler. Ces groupes défendent certes les intérêts particuliers des propriétaires de terrains privés.
Connaissez-vous l'alinéa 36(1)b) du projet de loi, qui porte sur l'application des interdictions? Connaissez-vous cet alinéa? Cette disposition confère une exemption à toutes les personnes qui participent à des mesures de conservation.
Si je comprends bien ce que vous dites, vous conseillerez à vos membres de ne pas participer à des programmes volontaires de conservation de crainte que la loi ne vous pose des problèmes. Les articles 31 et 32, les règlements pris au titre de l'article 33 ou 42 et les arrêtés d'urgence ne sont pas applicables aux personnes exerçant des activités de conservation. Est-ce que cela vous rassure, sur ce sujet?
La vice-présidente (Mme Payne): Est-ce que quelqu'un veut répondre à cette question?
Un témoin: Vous parlez bien de l'alinéa 36(1)b)?
Mme Kraft Sloan: Oui, cela se trouve dans le projet de loi sous le titre «application des interdictions».
Un témoin: Peut-on nous garantir que cette disposition sera interprétée comme s'appliquant aux propriétaires de terrains privés?
Mme Kraft Sloan: Eh bien, vous êtes une personne. On dit, dans le paragraphe, «ne sont pas applicables aux personnes exerçant des activités: (b) conformes aux régimes de réglementation et de conservation des espèces sauvages».
Un témoin: Continuez, s'il vous plaît.
Mme Kraft Sloan: D'accord. Je me suis peut-être mise les pieds dans les plats.
Un témoin: Si la disposition est interprétée de cette façon, il faudra certainement y apporter des précisions. Ce n'est pas ce qu'a compris notre groupe ni les groupes avec lesquels nous en avons discuté.
Un témoin: À mon avis, aucun d'entre nous n'appartient à ces catégories - un traité, un accord sur les revendications territoriales ou une entente d'autonomie gouvernementale ou de cogestion pour la conservation des espèces sauvages.
La vice-présidente (Mme Payne): Denis, vous voulez faire une observation?
M. Denis Hawksworth (président, Alberta Forest Products Association): Oui, j'ai un exemplaire des amendements au projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada, proposés par le Comité national agriculture-environnement. C'est le document que le comité a appuyé.
Il y a ici un article qui propose de modifier l'article 33. Il y en a un autre, à la fin, qui préconise la suppression des articles 66 à 76. C'est ce que proposent le Comité national agriculture-environnement et la Fédération canadienne de l'agriculture.
Mme Kraft Sloan: Le Comité national agriculture-environnement faisait partie du groupe de travail qui a appuyé ces articles à l'origine.
M. Hawksworth: Il s'agit de l'amendement proposé. Les deux points en question y sont mentionnés.
Mme Kraft Sloan: Comme je l'ai dit, cela découle des efforts du groupe de travail qui a appuyé à l'origine ces articles.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur le président, voulez-vous reprendre votre fauteuil avant de poser votre question.
M. Caccia (Davenport): Non, je préfère que vous restiez là, madame.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci.
M. Caccia: Merci.
Monsieur Doerksen, j'aimerais revenir brièvement sur un certain nombre d'éléments de votre mémoire.
Par exemple, j'adhère sans réserve aux points un deux et trois de votre résumé. Ce sont des énoncés que je respecte et j'en prends acte.
Au sujet du numéro quatre, j'ai du mal à croire que le projet de loi C-65 puisse provoquer le découragement, mais nous pourrons y revenir.
Au sujet du point cinq, le projet de loi n'a aucunement l'intention de pénaliser les propriétaires fonciers qui ont chez eux des espèces protégées. Au contraire, nous voulons rallier le plus grand nombre de propriétaires fonciers possible à la cause de la protection de la faune.
Croyez-moi, nous ne nous lancerions pas dans cet exercice et nous ne serions pas dans cette salle aujourd'hui si les efforts déployés jusqu'à maintenant, efforts de nature volontaire surtout, avaient produit les résultats voulus. Or, il se trouve qu'en 1997, il existe des espèces en voie de disparition. Par conséquent, nous devons nous demander collectivement si nous voulons continuer de jouir de la variété et de la richesse de la faune et de la flore, pour le plus grand bien de nos enfants et de nos petits-enfants. Nous espérons que ces derniers pourront connaître autant d'espèces que leurs grands-parents et leurs parents ont connues. De toute évidence, l'approche volontaire est très déficiente et nous devons prendre certaines mesures. Mais je peux vous assurer que nous n'avons aucunement l'intention de pénaliser les propriétaires fonciers qui protègent les espèces sauvages.
Si je poursuis ma lecture, tout ce que je peux vous dire au sujet du point un, lorsque vous abordez l'article 33 et ses effets, c'est que les sanctions sont prévues pour protéger toutes les parties concernées. En l'absence de sanctions, les personnes qui ne respectent pas la loi et ne font pas leur part sont traitées de la même façon que celles qui le font. Il faut d'une certaine façon reconnaître l'apport de ceux qui apportent une contribution à la société, en l'occurrence ceux qui participent aux efforts de protection des espèces sauvages, qui seront, j'en suis sûr, en majorité par rapport à ceux qui ne font rien. Voilà le contexte dans lequel s'inscrivent les sanctions. J'espère qu'il ne sera pas nécessaire de les évoquer, mais que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral, il convient de préciser ce qui attend les membres de la société qui vont à l'encontre des valeurs et des principes de la majorité, majorité composée des personnes sensibles à la cause de la protection des espèces sauvages, et dont vous faites partie.
Dans votre dernier point, vous souhaitez une précision, et la réponse à votre question est oui. Vous avez raison de croire que le paragraphe 62b) s'applique aux régions définies à l'article 3. C'est là son champ d'application, le seul d'ailleurs. Avant de commenter les propos des représentants de la Western Stock Growers' Association, je demanderais à M. Pope, qui a dit avoir lu le projet de loi, de nous indiquer les articles qui ont une incidence sur les droits des propriétaires privés.
Un témoin: Avec votre permission, je commencerai et David continuera. C'est l'article 33 qui nous amène à craindre une violation potentielle de la propriété privée.
M. Caccia: Potentielle. Fort bien, mais pouvez-vous nous donner un exemple?
Un témoin: Comme vous le savez, il existe des animaux qui, au moment de la migration, traversent les frontières internationales.
M. Caccia: Vous soulevez là un point intéressant. Il est exact que la Canada, en vertu du droit qu'il détient au nom de la Reine, a conclu certaines ententes internationales. Lorsque nous faisons cela, nous espérons que les ententes en question reflètent les valeurs de tous les Canadiens.
Nous avons certaines obligations. Si un oiseau migrateur atterrit sur un rocher et se trouve sur une propriété privée, nous souhaitons tout de même être en mesure de lui assurer protection. Je suis convaincu que la grande majorité de vos membres y verraient. Où est le tort potentiel?
Un témoin: Je suis tout à fait d'accord dans le cas des allées et venues des oiseaux migrateurs. En fait, il y a sans doute d'autres animaux qui font la même chose. Personnellement, j'habite près de la frontière. Et si l'on va au fond des choses, il n'en reste pas moins que si nous n'assurons pas la protection du droit à la propriété des citoyens et de la société...
Il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas faire en sorte que la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada puisse s'appliquer dans le respect de la propriété privée des particuliers. Nous ne préconisons pas de troquer l'un contre l'autre. Nous estimons que grâce à une démarche axée sur la coopération, nous pourrons faire les deux.
M. Caccia: D'accord, j'accepte votre argument jusqu'à un certain point. J'ajouterai que le droit à la propriété est assorti de devoirs. Je suis sûr que vos membres s'en acquittent tous les jours, et de multiples façons. En l'occurrence, votre devoir consiste à aider votre gouvernement à s'acquitter de ses obligations internationales. D'ailleurs, je suis convaincu que la grande majorité de vos membres n'y verraient aucune objection parce que tout autant que les citadins ils aiment admirer le vol des oiseaux migrateurs.
Un témoin: J'en conviens, mais pour en revenir à la propriété privée, nous devons vivre dans une société libre, mais aussi responsable. Ce que nous essayons tous deux de faire comprendre, c'est qu'il faut agir de façon responsable dans le contexte de la propriété privée.
M. Caccia: Si les membres de votre association comprennent que le droit à la propriété privée comporte certains devoirs, je ne pense pas que l'application du projet de loi pose de problème, ce qui m'amène...
Étant donné que j'ai pris trop de temps, je voudrais...
La vice-présidente (Mme Payne): C'est votre privilège, monsieur le président.
Une voix: Vous êtes le président.
M. Caccia: Vous avez raison et je devrais peut-être reprendre la parole au deuxième tour de table et laisser M. Adams parler.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci.
Monsieur Adams.
M. Pope: Le président m'a posé une question à laquelle j'aimerais répondre. J'ai parcouru le projet de loi...
Ma principale préoccupation concerne l'article 52, qui est formulé comme suit:
- En vue de faire observer la présente loi, ses règlements
- - que nous n'avons pas encore vus, soit dit en passant, et les règlements aux États-Unis se sont
avérés encore plus pénibles que la loi...
- et les arrêtés d'urgence, l'agent peut exercer sans mandat les pouvoirs mentionnés à l'article
487 du Code criminel
- Et voilà que nous retombons dans l'aspect criminalité de cette mesure; elle est de nature quasi
judiciaire, mais là nous sommes en plein dans le Code criminel.
- en matière de perquisition et de saisie lorsque l'urgence de la situation rend difficilement
réalisable l'obtention du mandat, sous réserve que les conditions de délivrance de celui-ci
soient réunies.
À la page précédente, on peut lire que «sur demande ex parte, le juge de paix peut signer un mandat autorisant l'agent à procéder à la visite si un refus a été opposé à la visite ou s'il y a des motifs raisonnables de croire que tel sera le cas». Encore une fois, on fait fi des dispositions habituelles qui exigent que l'on doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'un crime a été commis pour que soit autorisé une fouille et une saisie.
On retrouve ce genre de choses un peu partout dans le projet de loi, monsieur le président. Si nous avions le temps, nous pourrions passer en revue chaque cas.
M. Caccia: Madame la présidente, je profiterai sans doute du deuxième tour pour répondre.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Adams.
M. Adams: Merci, madame la présidente.
Messieurs, j'ai beaucoup apprécié votre exposé, ainsi que celui des représentants de la Canadian Cattle Association qui sont venus à Ottawa. Je tiens à dire que ce qui m'avait frappé à ce moment-là - et ce qui me frappe encore aujourd'hui - , c'est la fierté manifeste que suscitent chez vous les vastes étendues que vous exploitez et que vous exploitez peut-être depuis des générations. Ce ne sont pas seulement des champs, comme les habitants de l'Est seraient sans doute enclins à le croire, mais des étendues naturelles d'une grande diversité biologique. Il va de soi que nous avons besoin de votre collaboration, mais nous avons besoin de la collaboration de tous les Canadiens. À bien des égards, cependant, nous avons besoin d'une coopération plus étroite de votre part, ne serait-ce que parce que c'est vous qui êtes les gardiens de ce trésor.
Je voudrais discuter de la partie du mémoire qui porte sur la loi américaine. À mon sens, c'est l'une des raisons pour lesquelles nous présentons cette mesure maintenant. Nous n'avons qu'à voir ce qui se passe chez notre voisin du sud pour constater à quel point le système s'est dégradé. Il y a aux États-Unis un bien plus grand nombre d'espèces en voie de disparition ou disparues du pays qu'ici. Il n'y a qu'à regarder l'est du Canada - et l'est du Canada se porte beaucoup mieux que les États-Unis - pour constater qu'en Ontario, il y a un plus grand nombre d'espèces inscrites sur la liste que chez vous. C'est l'avance de la société urbaine et rurale qui a des répercussions sur ces espèces. À mon avis, la perte d'espèces reflète la dégradation de l'ensemble du système dans lequel nous vivons.
Pour le moment, le Canada est en meilleure posture que les États-Unis ne l'étaient il y a 20 ans lorsqu'ils ont adopté leur loi. Je suis sérieux. Autrement dit, nous avons plus d'une vingtaine d'années d'avance. Si nous faisons ce qu'il faut, nous aurons 50 ans d'avance, et même plus. Il suffit de prendre les mesures qui s'imposent.
Pour en revenir au préambule, nous avons autour de nous ces exemples de situations qui ont mal tourné.
Ces affirmations proviennent du U.S. General Accounting Office, qui est l'équivalent du Bureau du vérificateur général au Canada. Le vérificateur général examine l'appareil gouvernemental et en fait une évaluation. En l'occurrence, il s'agit d'une évaluation de leurs lois sur une période de huit ou dix ans. On peut y lire: «Près de 90 p. 100 de toutes les consultations» - il s'agit de cas survenus au cours d'une période de 4 ou 5 ans - «ont débouché sur des règlements informels». Et ensuite, «plus de 90 p. 100 de celles qui restent, les consultations formelles... se sont soldées par la conclusion que les mesures en question» - c'est-à-dire les mesures proposées - «ne seraient pas préjudiciables aux espèces inscrites sur la liste». Au sujet des «10 p. 100 et moins de consultations formelles» qui restent - celles qui ont débouché sur des mesures concrètes - , on a conclu qu'elles «seraient susceptibles de compromettre les espèces, mais dans 90 p. 100 des cas, on a proposé des mesures de rechange prudentes et raisonnables permettant» aux projets de développement d'aller de l'avant ou à la pratique agricole en question d'être appliquée. Au cours de cette période de 4 ou 5 ans, 20 permis seulement ont été demandés et un seul a été refusé.
Je vous ai déjà entendu parler de la loi américaine. Tout d'abord, comme mon collègue l'a dit tout à l'heure, cette loi est plus draconienne que la nôtre étant donné qu'il y a 20 ans, les Américains se trouvaient dans une situation pire que la nôtre. Cela dit, les statistiques laissent entrevoir qu'il y a eu énormément de coopération. La plupart des cas ont été réglés à l'amiable et ce n'est que dans de rares occasions que la loi est intervenue. Par conséquent, je pense que la clé du succès est la coopération.
En outre, si nous étudions les cas qui, à 90 p. 100, ont été réglés de cette façon, on constate que le propriétaire foncier ou l'exploitant de la mine ou qui que ce soit d'autre, avait fait preuve de diligence raisonnable. Autrement dit, s'il y avait un nid, ils en ont fait le tour dans la mesure du possible. Ils ne seront pas passés carrément dessus.
Je sais que vous avez cité dans votre mémoire certains chiffres quant à l'incidence de la loi américaine, mais il m'apparaît que même cette loi, qui est beaucoup plus rigoureuse que la nôtre...
J'ajouterai une chose. Leurs coûts, dans les cas où il y a eu des coûts, ont été beaucoup plus élevés que ne le seront les nôtres, tout simplement parce qu'ils étaient beaucoup plus avancés dans le cycle. Ils devaient rescaper davantage d'espèces. Nous espérons ne pas avoir à le faire car nous voulons éviter qu'elles deviennent en voie de disparition.
Je me demande où vous avez obtenu ces renseignements au sujet de l'expérience américaine ainsi que des effets et des coûts de cette loi.
Un témoin: Si nous pouvions revenir à la citation, je peux... Cela se trouve dans notre mémoire principal. Il y a six ou sept parties différentes. Cela se trouve dans le sommaire. Il y a une liste à la fin qui se trouve dans le corps du mémoire, à la deuxième ou troisième page, si je ne m'abuse. Nous avons puisé nos renseignements à quatre ou cinq sources différentes, et je pense qu'il s'agit de renseignements plutôt fiables.
Pour en revenir à la réglementation, nous craignons que l'on ajoute un autre paramètre pour l'exploitation agricole ou l'élevage. Nous sommes tenus de nous occuper de notre bétail et de prendre le meilleur soin possible de l'environnement, mais maintenant, nous aurons une tâche supplémentaire, soit celle d'examiner les règlements qui seront proposés dans le cadre des plans de rétablissement. À mon avis, les agriculteurs et les éleveurs de bovins ne pourront se permettre d'appliquer la réglementation rigoureuse découlant d'un plan de rétablissement.
Cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas collaborer à cet effort. Tout simplement, nous n'avons pas le temps de siéger à des comités jour après jour, ou de nous déplacer pour assister à des réunions sur la réglementation, toutes choses qui prennent beaucoup de temps. Il y a d'autres façons de procéder.
On risque d'imposer un très lourd fardeau à la communauté agricole. C'est une autre chose qui s'ajoute en marge de l'exploitation agricole.
Un témoin: Si vous me permettez de répondre, monsieur Adams, vous avez dit qu'à votre avis, nous étions bien en avant des Américains pour ce qui est de sauvegarder nos espèces et nos habitats.
M. Adams: Ce que j'essayais de vous faire comprendre, c'est que nous essayons de faire de la prévention pour éviter d'avoir à réparer les pots cassés.
Un témoin: Très juste. Et je vous demande d'envisager que c'est peut-être parce que nous n'avons pas été assujettis à ce genre de mesure au cours des 25 dernières années. Les Américains l'ont été et l'une des choses que nous mentionnons dans notre mémoire c'est que compte tenu des dispositions de la mesure proposée, de nombreux propriétaires fonciers vont considérer que le fait d'avoir sur leur terrain des espèces en voie de disparition est un inconvénient, plutôt qu'un atout.
Voilà la perception de nombreux intéressés aux États-Unis. Cette loi a donné lieu à des résultats néfastes que personne n'avait envisagé ou même imaginé à l'origine. Malheureusement, si votre terrain renferme du pétrole ou des diamants, c'est un atout. Cela donne de la valeur à votre propriété. Mais s'il abrite une espèce en voie d'extinction, à cause de lois comme celle qui est proposée, ce n'est pas la même chose.
M. Adams: Je crois cependant que nous avons en main des statistiques assez neutres, et elles laissent entendre que dans la majorité des cas, la loi a débouché sur une coopération entre les parties. Voyez-vous où je veux en venir?
Un témoin: Oui.
M. Adams: Chose certaine, j'espère que c'est ce qui se produira ici, que la mesure débouchera sur une action - dans notre cas, plus tôt qu'aux États-Unis - et que, par conséquent, il y a beaucoup plus de chance pour que s'établisse cette coopération et que les coûts soient moindres.
Un témoin: J'ai lu de nombreux livres consacrés à ce dossier aux États-Unis, et il y a un revers à la médaille, monsieur Adams.
M. Adams: Il y en a toujours un.
Un témoin: Il y a eu des cas horribles qui ont très mal tourné.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup...
M. Adams: Madame la présidente, pourrais-je dire quelque chose ici?
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Adams, nous allons faire un bref deuxième tour de table.
C'est M. Taylor qui commencera, suivi de M. Steckle.
Que la question et la réponse soient courtes.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Je pense pouvoir être bref. Je ne sais pas comment il se fait que je puisse poser ma première question au deuxième tour, mais je vais faire de mon mieux.
Comme un des députés d'en face, plus tôt aujourd'hui, je tiens tout d'abord à dire que je suis très sensible à la situation du propriétaire de terres privées, telle que vous l'avez décrite ici. Je suis très sensible aux arguments de ceux qui travaillent dans le secteur des forêts et qui vivent de la pêche, qui eux aussi nous ont dit que le projet de loi risquait d'avoir des conséquences économiques pour eux et leur famille. Il faut que le gouvernement en tienne compte dans l'examen du texte.
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout parce que l'on a recensé un certain nombre d'espèces en voie de disparition et que rien n'est fait actuellement pour assurer leur survie. Il ne s'agit pas de pénaliser ceux qui au contraire sont bien placés pour leur venir en aide. Dans l'ouest du pays, nous savons que cela concerne sept espèces sur les milliers qui existent.
Il nous faut donc une loi qui garantira la survie des espèces tout en tenant compte d'autres considérations. Mais d'abord et avant tout, il faut protéger les espèces.
J'espère que vous ne jugerez pas ma question trop abstraite, mais elle découle de ce que vous avez dit à propos des terres privées.
Le régime foncier qui existe aujourd'hui est le résultat de notre implantation en Amérique du Nord. Avant l'instauration du droit privé de propriété et de l'arrivée de l'homme et du bétail dans les prairies, les terres appartenaient aux bêtes, à la flore et à la faune qui l'occupaient. Nous les en avons dépouillés. Ne trouvez-vous pas que nous devons dédommager la faune et la flore pour ce que nous leur avons enlevé il y a 150 ans et que c'est ce qu'offre la loi, qui, aujourd'hui garantira leur survie.
M. Ward: Il faut d'abord définir «dédommagement». L'homme est aujourd'hui un élément de cet environnement. Nous ne pouvons pas retourner à l'époque du règne animal.
Je vis à environ trois milles de Head-Smashed-In Buffalo Jump, et l'homme est en interaction dans cet écosystème depuis près de 6 000 ans. J'imagine que le bison habite là depuis 7 ou 8 000 ans. Il y a eu des contacts et des interactions entre eux.
On ne peut pas revenir aussi loin en arrière. L'homme fait aujourd'hui partie de l'environnement. Tout ce que nous demandons, c'est que la loi nous permette de nous occuper des animaux menacés, mais aussi des humains qui vivent dans ce milieu. Les gens sont là; c'est un élément qu'il faut inclure dans tous les plans de rétablissement. Cela ne veut pas dire que les gens n'ont pas le devoir de s'occuper de ces espèces, et ce n'est pas ce que nous disons. Nous disons que dans certains cas, la gestion doit tenir compte des terres privées.
La pierre de touche, c'est si ma terre est assujettie à un plan de rétablissement au moment où je la mets en vente. Si ma terre vaut moins cher que celle de mon voisin qui n'en a pas, alors on aura vraiment confisqué mon bien.
M. Caccia: Elle pourrait peut-être aussi valoir plus. Cela pourrait être le contraire.
M. Ward: Si elle vaut plus, alors j'ai droit à ma part. Je suis quasiment propriétaire de cette terre, l'espèce menacée c'est moi, et je vais faire de mon mieux pour la protéger de manière à en retirer davantage. Ce que je vous dis, c'est de nous accorder une plus value. Ne nous compliquez pas la vie au point où la terre privée vaut moins au bout du compte.
M. Pope: J'aimerais ajouter quelque chose. Norm, la présence de l'homme est une réalité incontournable. Avant nous, les Autochtones y étaient. Leur présence se faisait sentir, en bien ou en mal, qui peut le dire. Les Européens n'y étaient pas encore. Mais depuis 200 ans, nous y sommes, et tous les chiffres nous montrent que toutes les villes nord-américaines, Calgary en tout cas, sont en expansion. On ne peut donc pas faire comme si l'homme n'y était pas. Et cela va taxer de plus en plus le milieu. Mais on ne peut pas éliminer la présence humaine et remettre une partie du territoire dans l'état où il se trouvait avant l'arrivée des Européens. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas réaliste.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Pope.
Monsieur Steckle.
M. Steckle: Merci, messieurs. Vous avez exposé ici un point de vue que je partage. Comme agriculteur, je comprends vos inquiétudes et cela m'a montré ce que l'on peut espérer réaliser ici.
La question du régime foncier, de la protection à accorder à ces terres, les sanctions en cas de manquements à la loi, la façon de protéger ce que nous estimons être notre droit de propriété, tout cela nous préoccupe. Mais plus j'entends de témoignages, plus je suis porté à croire que nous sommes proches de la vérité - et je l'ai déjà dit cette semaine - parce que nous sommes allés trop loin pour ceux qui, comme vous et moi, sont des propriétaires. C'est ce qu'ils pensent. Pour eux, nous sommes allés trop loin. Pour ceux qui aiment les arbres et l'environnement autrement - nous le comprenons aussi, mais d'une façon différente - eux, trouvent que nous ne sommes pas allés assez loin. Nous avons donc trouvé le moyen terme.
Mais la solution américaine n'est pas la bonne non plus. Voici ce que quelqu'un aux États-unis a dit récemment:
- La Endangered Species Act devrait récompenser les propriétaires de s'être occupés de leurs
terres. Créer des incitatifs pour les propriétaires terriens est peut-être la réforme la plus
importante de toutes.
J'estime donc qu'il s'agit d'une loi draconienne, comme quelqu'un l'a dit. Pour eux, elle n'est pas efficace. La nôtre peut l'être, et je suis plus convaincu que jamais maintenant que j'ai entendu passablement de témoignages et que je participe à l'étude article par article. Je suis de plus en plus convaincu qu'on trouvera dans la loi un juste milieu et que l'on saura protéger le droit des habitants ruraux, des agriculteurs qui possèdent des terres à la campagne.
Comme vous, je veux protéger et faire prospérer les espèces comme le canard col vert, le canard branchu... Dans nos régions, c'est le merle bleu de l'Ouest. On en fait autant ailleurs. C'est ce que nous voulons tous et on peut envisager une valorisation, même si ce n'est pas l'aspect pécuniaire qui nous intéresse au premier chef. Comme tout le monde, nous voulons soutenir et améliorer le milieu dans lequel nous vivons.
Je partage vos préoccupations et je peux vous assurer que nous apporterons des améliorations au texte lorsque cela est possible. Mais ce n'est pas aussi mauvais que nous aurions pu le croire.
M. Ward: Si vous pensez avoir trouvé le juste milieu, et vous avez peut-être raison, s'il y a des extrémistes du Comité de l'environnement qui réclament davantage et qui veulent préserver la biodiversité tandis qu'un groupe de propriétaires terriens qui vous disent eux aussi vouloir protéger la biodiversité, alors je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas la protéger tout en garantissant aussi les droits privés de propriété. Nos efforts vont tous les deux dans le même sens. Je demande seulement que l'on s'occupe aussi de l'autre volet, les droits privés de propriété.
En filigrane, et nous continuons de tourner autour du pot, je vois aussi la silhouette du ministre des Finances qui se demande si nous avons les crédits qu'il faut pour faire cela. Comme les ressources du pays sont limitées, sommes-nous en train de demander si pour y arriver, il faut procéder à une forme ou à une autre de confiscation.
Une voix: Lorsque quelqu'un essaie honnêtement... lorsque rien n'est négligé pour assurer la protection voulue, il y aura des protections pour vous dans le projet de loi.
Un témoin: Malheureusement, on ne le saura que si les tribunaux s'en mêlent un jour. Malheureusement vous avez peut-être raison. Nous faisons face à ce genre de choses et à des procès et nous avons autre chose à faire qu'à aller devant les tribunaux et c'est largement ce qui est arrivé aux États-Unis aussi.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Knutson.
M. Knutson: Revenons sur cette question de la confiscation. Dans l'histoire du Canada, il n'y a jamais eu de confiscation sans indemnisation, sauf en vertu d'une loi extraordinaire du Parlement, ce qui n'est pas le cas ici. Si vous avez en tête les promoteurs de l'aéroport international Pearson, je vous dirai que c'est un cas d'espèce puisque le marché a été signé 18 jours avant la tenue des élections. Rien dans le texte ne laisse entendre que des terres pourront être confisquées sans indemnisation. Ce n'est pas une loi de confiscation.
Si vous ne retenez que le pire scénario et critiquez le texte sous cet angle... qu'il s'agisse du policier qui va perquisitionner chez vous pour saisir vos biens... mais je dirais au bout du compte de l'examiner, que le pire cas possible n'est pas un argument très convaincant.
Un témoin: Où dans la loi est-il prévu une indemnisation pour les programmes appliqués à certains terrains?
M. Knutson: C'est indirectement prévu dans le plan de rétablissement, à l'article 8.
Si vous me dites que le libellé au sujet de l'indemnisation devrait être plus clair, je veux bien, c'est un argument raisonnable et légitime. Nous acceptons tous, je crois, que l'on traite différemment le pêcheur de Terre-Neuve âgé de 30 ans... si nous déclarons la morue espèce en voie de disparition et si nous lui interdisons de pêcher. Personne ici ne proposerait qu'on l'indemnise pour les 35 prochaines années sous prétexte qu'il ne pourra plus pêcher. On ne va pas le faire vivre jusqu'à l'âge de 65 ans. Par contre, il est tout à fait raisonnable, si l'on met de côté une partie d'un boisé - je ne veux pas du tout manquer de respect pour les Terre-Neuviens - ou si l'on met de côté un lopin de terre, ou si un ours brun dévore un de vos bovins et que la loi vous interdit d'abattre l'ours, d'indemniser la personne pour le bétail qu'elle a perdu. Cela, c'est raisonnable.
Un témoin: Mais le paragraphe 8.(1) dit ceci:
- Sous réserve de l'agrément du gouverneur en conseil, le ministre peut
- - peut ou non -
- conclure avec le gouvernement d'une province, une administration municipale ou avec toute
autre organisation ou personne un accord prévoyant le partage des coûts découlant de la mise en
oeuvre de mesures et de programmes
- - il s'agit donc de programmes -
- relatifs à des activités de conservation des espèces sauvages.
M. Knutson: À bien y penser, j'ai décidé de faire une nouvelle lecture du texte. Je vois votre argument. Vous voulez un libellé plus rigoureux au sujet de l'indemnisation. Cela me paraît légitime. À première vue, je suis ouvert.
Là où je ne le suis pas du tout, c'est le tableau pessimiste que vous peignez de ce qui va arriver alors que ce n'est pas ce qui est prévu dans le projet de loi. Il n'est nulle part question de confiscation sans indemnisation. Cela n'y est pas. Cela n'existe pas et cela ne fait pas partie de la jurisprudence canadienne.
M. Ward: Je veux bien. Peut-être faut-il prendre du recul et examiner le problème qui existe entre le comité et le secteur de l'agriculture. Peut-être faut-il prendre un mois ou deux pour régler la question parce que chez les agriculteurs, c'est un obstacle de taille. Le mot «peut» ne calme pas du tout nos craintes. Il faut prendre du recul et créer la filière qu'il faudra suivre pour que chacun sache à l'avance de quoi elle retourne. Nous aimerions participer à ces travaux.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Ward.
Monsieur Caccia.
M. Caccia: Madame la présidente, merci.
Lorsque nous avons été interrompus tout à l'heure, monsieur Pope, nous étions en train de discuter de l'article 52. Vous avez dit que les règlements pris aux États-Unis sont parfois plus sévères que la loi elle-même. C'est peut-être le cas. Au Canada, cependant, il existe un comité appelé le Comité permanent des textes réglementaires dont la tâche est d'examiner en permanence les rapports et l'adéquation entre les règlements et les lois. L'exemple américain ne s'applique donc pas au Canada.
Des erreurs peuvent survenir à l'occasion, mais au Canada les règlements doivent découler de la loi et ne peuvent pas être rédigés sans tenir compte des pouvoirs qu'elle accorde.
Cela m'amène à l'autre point du résumé du mémoire que vous avez présenté. On y retrouve la même chose. Ce qui y est dit pour les Américains ne vaut que pour les Américains, pas pour les Canadiens. Nous avons un régime parlementaire, non un régime présidentiel. Les pouvoirs de l'exécutif sont tout à fait différents aux États-Unis de ce qu'ils sont au Canada. C'est pourquoi toute référence à la situation américaine... Évidemment, nous pouvons apprendre des choses, comme nous l'avons fait à Vancouver lorsque nous avons entendu B.C. Hydro. Mais comparer les deux et dire que ce qui est arrivé dans un cas se reproduira ici dépasse l'entendement.
Cela m'amène à la page suivante de votre mémoire. Je suis certain que vous y avez mis beaucoup d'efforts. Il y a pourtant des affirmations qui n'ont ni queue ni tête. Affirmer que le projet de loi va à l'encontre de la présomption d'innocence, c'est un peu gros. La culpabilité ne sera déclarée que si elle est prouvée hors de tout doute raisonnable...
À la page suivante, il y a un point rond et une rubrique intitulée «Change and Incentive». Il n'y a pas de chiffres, ou plutôt si: III en chiffres romains.
La première capsule traite de l'extension des pouvoirs fédéraux. Ces pouvoirs existent déjà. Ils ne sont pas recréés. Lorsqu'il s'agit de questions interprovinciales, ces pouvoirs fédéraux existent.
La troisième capsule ne vise qu'à susciter la peur. Elle est parfaitement inutile parce que rien ne motive cela.
La quatrième capsule:
- Les poursuites au privé donnent aux personnes le pouvoir de poursuite qui était auparavant
réservé à l'État, ce qui ouvre la porte à un harcèlement légalisé.
- Encore là, on veut susciter la peur. Il est inutile de dire une chose pareille.
- La personne accusée ne bénéficie d'aucune protection statutaire...
- C'est absurde.
- La partie traitant des infractions et des peines est extrêmement onéreuse, particulièrement pour
ce qui s'agit du fardeau de la preuve...
- D'autres collègues en ont déjà parlé. Ces infractions et peines figurent déjà dans la Loi sur les
pêches, et elles sont là depuis des décennies. On ne les invoque que lorsque c'est absolument
essentiel, et on ne les invoque que s'il y a plus que l'intérêt privé qui est en danger, à savoir
l'intérêt public. Lorsque les deux entrent en conflit, il faut faire un choix dans l'intérêt de tout le
monde. Telle est l'histoire de l'humanité depuis des siècles.
Un témoin: Ce qui me préoccupe, monsieur le président, c'est qu'habituellement, le fardeau de la preuve est...
M. Caccia: Madame la présidente, et non monsieur le président.
Un témoin: Désolé, madame la présidente.
J'imagine que bon nombre de ces peines sont des peines criminelles si l'on peut aller en prison et écoper d'une amende de 500 000 $. Mais à l'article 66, le critère est moins sévère, à savoir:
- Dans une action en protection, le charge de la preuve repose sur la prépondérance des
probabilités.
M. Caccia: Madame la présidente, la question est de savoir si ces peines vont s'appliquer aux éleveurs de bétail, et la réponse à cela est tout probablement que non. Toutes ces mesures de protection s'appliqueront aux personnes qui, de propos délibéré, font le commerce d'espèces en péril ou de parties d'espèces en péril. Ces mesures s'appliqueront dans des secteurs complètement différents de ceux que vous représentez. Mais ces mesures ne peuvent être exprimées en toutes lettres dans le texte de loi, bien sûr. Voilà l'historique et le raisonnement qui motivent cette loi.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Caccia.
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Sinon, nous allons tout de suite passer à MM. Forseth et Adams.
M. Forseth: Merci.
Puisqu'il est question du ton du projet de loi, retournons à l'article 52, parce que c'est là qu'on fait mention de la perquisition et de la saisie et que l'on commence à invoquer le Code criminel et tout le reste.
Le ministère nous a expliqué que l'article 487 du Code criminel décrit les procédures que doit suivre l'agent qui veut procéder à une perquisition sans mandat et sans preuve qu'on a contrevenu à une loi. Le juge de paix qui reçoit la dénonciation assermentée d'un agent qui a des motifs raisonnables de croire que de telles preuves se trouvent à un certain endroit peut émettre un mandat de perquisition pour cet endroit. Chose certaine, vous pouvez vous adresser à un juge de paix et obtenir un mandat de perquisition. Cependant, l'agent peut mener une perquisition et saisir des choses sans mandat lorsque les conditions préalables à l'émission d'un mandat existent et lorsque les circonstances sont telles qu'il n'est pas possible d'obtenir un mandat parce que des obstacles ou des circonstances naturelles s'y opposent. Pourquoi serait-ce nécessaire? La loi contrôle des activités qui peuvent se produire loin de tout établissement, en pleine campagne. Il peut se produire des situations où des spécimens d'espèces sont en péril, en transit, ou cachées dans un camion ou quelque chose du genre, et il y a alors des motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a eu contravention. Dans de telles circonstances, il serait déraisonnable de s'attendre à ce que l'agent doive au préalable faire 100 milles de route, attendre que la cours siège, et obtenir un mandat pour procéder à une perquisition raisonnable s'il a des motifs raisonnables et probables de perquisitionner un véhicule ou une tente dans la nature pour vérifier s'il y a eu contravention.
Il y a une autre explication. Il y a tellement de situations différentes qui peuvent se produire qu'on ne pouvait inclure toutes celles où il y aurait des motifs raisonnables de procéder à une perquisition sans mandat. En conséquence, les tribunaux décideront si l'agent avait des motifs raisonnables de procéder à la perquisition. Si la cour décide, par exemple, qu'on aurait aisément pu protéger la preuve pendant que l'agent cherchait à obtenir son mandat, on pourrait alors considérer que la perquisition était déraisonnable. En outre, la Charte canadienne des droits et libertés prévoit déjà une protection contre toute perquisition ou saisie déraisonnable.
Donc, pour ce qui est de l'article 52, il s'agit davantage d'une disposition habilitante pour l'agent qui y trouve un pouvoir d'agir en vertu de la loi, et ce n'est pas du tout une situation déraisonnable où le domicile du propriétaire ou de l'éleveur risquerait d'être violé. On ne fait que permettre à l'agent, tout comme à l'agent de conservation, de faire son devoir en situation. Je crois comprendre que vous ne voyez pas les choses de la même façon.
Un témoin: Non.
M. Forseth: Qu'en est-il de l'article 8? L'article 8 dit ce que le ministre peut faire. Il y est question d'un accord, et un accord n'est pas un décret. Un accord signifie qu'il y a diverses parties, qu'elles concluent une entente. Il ne s'agit pas d'une directive ou d'un décret; c'est un accord. Pour qu'il ait accord, il faut que le propriétaire du lieu, ou qui que ce soit d'autre, y adhère, et en conséquence de telles actions, il peut y avoir indemnisation financière ou un paiement quelconque qui permettra à la personne de participer au programme auquel elle a adhéré. Évidemment, l'article ne parle pas des cas où la propriété perdrait de sa valeur; c'est parce qu'on ne peut pas construire une route sur la propriété où il y a un habitat protégé, on ne peut pas non plus la subdiviser pour faire de la promotion immobilière et tout le reste. Donc on perd la valeur établie de la terre ou l'argent qu'on a emprunté pour des activités économiques futures. Il n'en est pas question dans cet article.
Auriez-vous l'obligeance de relire cet article et de nous dire rapidement - peut-être dans les quelques jours à venir - comment on pourrait améliorer les conditions d'indemnisation limitée dans la loi. Il va falloir faire ça parce que dans les prochains jours, nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi. Nous n'avons donc pas tout un mois devant nous, comme vous l'avez dit il y a quelques instants.
Chose certaine, on ne trouvera pas dans la loi un principe comme «pas d'expropriation sans indemnisation». J'ai des exemples de la loi ontarienne pour des cas semblables, et l'on ne prévoyait aucune indemnisation.
M. Ward: Nous tâcherons de vous répondre rapidement.
J'ai décrit un mécanisme différent qui peut ressembler à une expropriation. Je pense que nous pourrions vous donner un peu plus de détails pour inclure les cas qui suscitent des préoccupations et que vous avez mentionnés. Ce serait semblable à ce qu'a fait l'industrie pétrolière et gazière là où des dommages ont été causés, avec indemnisation initiale lorsqu'on pénètre sur la propriété et ce genre de choses. On pourrait ainsi régler en partie la question du dommage à la propriété privée.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Ward.
Monsieur Adams.
M. Adams: Merci, madame la présidente.
Je tiens à répéter ce que j'ai déjà dit. Je pense que vous comprenez la biodiversité mieux que la plupart d'entre nous qui n'avons qu'une pelouse et quelques fleurs, et vous la comprenez mieux que la plupart de fermiers, ne serait-ce que parce que vos propriétés sont plus grandes. Je ne dis pas ça uniquement pour être gentil. C'est seulement parce que pour moi, cette loi ne traite que d'un aspect minime du maintien de la biodiversité. Je sais que vous vous intéressez à cette loi.
M. Doerksen et Peake, au sujet du quatrième élément de votre mémoire, là où vous mentionnez votre interprétation de l'alinéa 33(b), vous dites «toute espèce, vivante ou morte». Mais cela ne s'applique pas à toutes les espèces; cela ne s'applique qu'au cas mentionné à l'alinéa 33(a). Je pense que c'est ce que vous avez dit. Je sais que ce n'est qu'un élément mineur de votre mémoire, mais c'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas, que cela s'applique à toutes les espèces? Votre quatrième élément fait état de l'article 33.
Un témoin: Pour ce qui est de l'alinéa 33(b), je dis que si telle est la loi, elle s'ouvre à toutes les interprétations. Lorsque je lis «le fait d'exercer sciemment toute activité endommageant ou détruisant la résidence d'un tel individu», j'y vois toutes sortes de possibilités.
M. Adams: C'est ce que vous dites lorsque vous écrivez:
- Nous remarquons que les limites régissant l'alinéa 33(a) ne s'applique pas à l'alinéa 33(b), et
que l'individu n'a pas à être en péril ou menacé, et n'a pas non plus à traverser les frontières
nationales.
Un témoin: Merci.
M. Adams: Soit dit en passant, si ce n'est pas bien libellé, nous allons y voir... Ce n'est pas la lecture qu'il faut en faire. Il est question des diverses espèces et des diverses situations prévues par la loi.
Je tiens à dire aussi que quatre autres provinces ont déjà une loi semblable.
Monsieur Beever, vous êtes dans l'une de ces provinces. Est-ce que votre vie ou votre travail ont changé depuis l'adoption de la loi? Avez-vous des exemples des effets que la Loi sur les espèces en péril du Manitoba ont eus sur vos activités ou celles de vos amis?
M. Beever: Non. Honnêtement, je ne peux pas dire que j'ai été témoin de changements substantiels causés par cette loi. Je crois que la crainte... et je crois que dans une large mesure, c'est d'une crainte dont il s'agit ici, parce que nous ne savons pas quels seront les effets de la loi dans dix ou quinze ans.
On discute beaucoup aujourd'hui au Manitoba des servitudes liées à la conservation. Si une personne veut imposer une servitude à sa propriété et pense que c'est dans son intérêt supérieur - et tout probablement qu'elle a raison, c'est le cas - mais essaie ensuite de vendre sa propriété, il y a tout de suite enregistrement d'opposition. Si l'acheteur potentiel n'est pas enthousiasmé par cette idée de servitude, il y a automatiquement dévaluation de la propriété.
Je pense qu'il faut être au courant de ce genre de choses. Nous avons ici la possibilité de proposer une loi qui peut être équilibrée et qui peut satisfaire tout le monde, et j'espère que nous allons profiter de cette possibilité parce que notre gagne-pain et notre économie dépendent de l'utilisation de la terre. Si l'on compromet cela ou si nous ne pouvons pas agir, il sera extrêmement difficile pour certains d'entre nous de gagner notre vie si nous devons réduire notre assise foncière ou changer certaines choses que nous faisons maintenant.
M. Adams: Est-ce que la Loi sur les espèces en péril a compliqué cette histoire de servitude? En avez-vous des preuves?
Un témoin: Non, on discute encore de cette histoire de servitude. On en parle à l'heure actuelle. Mais c'est quelque chose qui nous préoccupe vraiment, du moins certains de nos producteurs. On songeait à imposer ces servitudes à perpétuité, et cela c'est injuste, parce que nous ne savons pas ce qui va arriver dans dix, quinze ou vingt ans. Nous devons tout simplement être prudents.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Peake.
M. Peake: J'aimerais faire une brève observation au sujet de vos craintes ou de votre confusion. Dans ma région, nous avons la chouette des terriers. On la trouve communément dans notre région. Nos homologues écologistes ne cessent de nous dire que ce qui les préoccupe essentiellement au sujet de la chouette des terriers, c'est la perte de l'habitat. Dans ma région, rien n'a changé depuis plus de cent ans. Je le sais parce que je connais notre histoire et parce que je suis au courant de plusieurs choses.
L'homme n'est pas le seul ennemi de la chouette des terriers. Tout animal plus gros en fera son repas. Tout animal qui marche ou vole et est plus gros que lui le bouffe.
Elle souffre aussi beaucoup pendant sa migration. Elle se fait tout le temps écraser. C'est un autre problème lorsqu'on conduit dans notre région. Le soir, lorsqu'elle est à la recherche de sauterelles le long des routes, elle se fait tout de suite... Personne ne le fait exprès, mais cela arrive souvent. Un biologiste m'a dit qu'il avait voyagé dans l'Idaho et ailleurs et qu'il avait cessé de compter les chouettes mortes sur la route tellement il y en avait.
Nos écologistes nous disent qu'il y a perte d'habitat. Moi je vis dans une région où il y a 2,5 millions d'acres de pâturage libre. C'est un excellent habitat pour la chouette des terriers.
Ce que je dis, c'est qu'il y a des gens confus. Quelqu'un vous dit une chose...
Voilà ce que je sais de la chouette des terriers. Que personne ne vienne vous dire qu'il ou elle possède toutes les réponses, parce que quand on a toutes les réponses, on ne fait que se leurrer.
M. Caccia: M. Peake, il y a autre chose à inclure dans votre équation ou vos études - et vous êtes mieux placé que nous pour le faire - et c'est l'incidence qu'auraient eu les herbicides et les pesticides au cours des cinquante dernières années.
M. Peake: Je peux vous dire que sur ma propriété, dans un rayon de 10 milles, l'utilisation des pesticides et des herbicides est nulle dans ce secteur...
M. Caccia: Dix milles, ce n'est pas beaucoup.
M. Peake: ... dans un habitat critique. Pour d'autres habitats critiques, je ne parle pas de région circulaire mais longitudinale, on peut aller beaucoup plus loin que ça. Nous vivons dans un très grand pays.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup. C'était un échange intéressant et valable. J'ai la certitude que personne ici ne veut jouer au bonhomme sept heures. Chose certaine, notre gouvernement sera heureux d'accueillir toute autre observation supplémentaire que vous voudrez nous faire parvenir dans les quelques jours à venir. Mais comme nous l'avons dit, il faudra que ce soit dans les quelques jours à venir.
Nous allons faire une pause d'environ cinq minutes.
Le président: Très bien. Nous approchons de la fin de la journée.
Nous sommes heureux d'accueillir l'Alberta Forest Products Association ainsi que l'Association canadienne des produits pétroliers. Auriez-vous l'obligeance de vous présenter. Pour commencer, vous aurez 15 minutes chacun. Je vous ferai un petit signe au bout de 10 minutes, après quoi nous aurons un bon échange. Bienvenue au comité.
M. Hawksworth: Merci, monsieur le président. Tout d'abord, nous tenons à remercier le Comité de l'environnement et du développement durable de nous avoir permis de présenter notre mémoire sur le projet de loi sur les espèces en péril.
Je m'appelle Denis Hawksworth. Je suis président de l'Alberta Forest Products Association. Je suis également directeur général des ressources forestières à la Weldwood of Canada Limited, division de Hinton, à Hinton, en Alberta. Je vous donnerai lecture de notre mémoire.
Les autres membres de notre délégation aujourd'hui sont: Andrea Moen, notre conseillère juridique, qui est ici pour répondre aux questions juridiques, Rick Bonar, biologiste régional de la Weldwood Canada Limited, division de Hinton, et Rick est également président du Comité de biodiversité de l'Association canadienne des pâtes et papiers, et Garry Leithead, directeur administratif de l'Alberta Forest Products Association.
L'Alberta Forest Products Association est d'accord avec la loi fédérale dans la mesure où il s'agit pour le Canada de respecter ses obligations internationales. En outre, nous sommes d'accord avec la liste des espèces en péril qu'a établi le COSEPAC et la mise au point de plans de rétablissement fondés sur des critères scientifiques. Les éléments essentiels de la conservation des espèces sont: la coopération, l'action préventive et la gestion écologique.
L'approche coopérative.
Pour les espèces déjà recensées par le COSEPAC, nous croyons que l'approche coopérative est le mécanisme qui nous permettra de protéger et de conserver les espèces en péril comme le voulait le texte original, La Loi canadienne sur les espèces en péril: une proposition législative, 1995. C'est par le dialogue et la compréhension mutuelle que les parties pourront obtenir des résultats et non par les poursuites judiciaires.
Je cite le communiqué de presse d'Environnement Canada: «Le Canada se porte mieux lorsque les Canadiens travaillent ensemble». Dans la proposition législative, le gouvernement mentionne l'importance des partenariats et des efforts de conservation volontaires. L'action et la coopération locale ont permis d'unir dans une stratégie commune des participants qui ne se rencontreraient pas normalement.
Cependant, la Loi canadienne sur la protection des espèces en péril, le projet de loi C-65, ne fera que détourner nos ressources vers les avocats et les tribunaux viendra le moment de démêler tout ce labyrinthe d'exigences bureaucratiques, de responsabilités individuelles et de vagues exigences scientifiques.
Prévention.
L'industrie forestière est consciente du fait que le développement économique doit marcher de pair avec une lourde responsabilité de gestion à l'égard des forêts de l'Alberta, en vue de protéger la biodiversité et de préserver l'intégrité écologique. L'une de nos priorités consiste à faire en sorte que les espèces ne figurent pas sur la liste des espèces en péril. À cette fin, l'industrie forestière de l'Alberta fournit des fonds et des ressources humaines, à titre bénévole, à bon nombre d'initiatives. Parmi celles-ci, mentionnons le Programme de protection des forêts de l'Association des produits forestiers de l'Alberta; le Réseau des centres d'excellence pour la gestion durable des forêts; la Forêt modèle de Foothills, qui fait partie intégrante du Réseau des forêts modèles du Canada; la Stratégie de conservation des forêts de l'Alberta ainsi que bon hombre d'initiatives de protection de certaines espèces sauvages.
Le projet de loi C-65 ne tient pas compte des initiatives visant la conservation des espèces et ne fait pas grand-chose pour permettre la mise en place de ce genre d'initiatives à l'avenir.
Gestion écologique.
La gestion de chacune des espèces menacées doit se faire dans le cadre d'un plan de gestion de base, et sans exclure les autres espèces puisque nous ne comprenons tout simplement pas les échanges susceptibles de se produire. Le fait d'adopter une loi axée sur un seul aspect de la gestion écologique limitera les options disponibles pour gérer tout l'écosystème, tout en entravant notre capacité de gérer les processus écologiques, ce qui risquerait d'accroître le nombre d'espèces en péril au lieu de le réduire.
Dans l'énoncé de principe qui a débouché sur ce projet de loi, il était dit qu'il fallait également souligner l'importance de fonder nos initiatives en matière de conservation sur une gestion des écosystèmes basée sur les meilleures connaissances scientifiques de l'heure. C'est ce que nous proposons.
L'approche contradictoire.
Il y a dans le projet de loi des dispositions précises qui préoccupent vivement notre association. Il s'agit de l'approche générale de la loi, de la possibilité d'intenter des poursuites civiles et des définitions.
Au lieu de favoriser la collaboration, le projet de loi C-65 incite à la confrontation en prévoyant la possibilité de poursuites et en utilisant un libellé à caractère obligatoire qui ne permet pas suffisamment de souplesse pour s'occuper des espèces en péril. Ce genre de mesure législative proposée dans le projet de loi C-65 s'inspire du modèle américain et aura simplement pour effet de limiter les initiatives prises en collaboration, étant donné la menace de poursuites judiciaires et de peines sévères. Au lieu d'investir des ressources et des fonds dans la recherche et le rétablissement des espèces, les sociétés devront se battre devant les tribunaux. L'approche traditionnelle à notre pays qui consiste à consacrer des ressources humaines et des fonds à la réalisation d'objectifs concrets au sein de notre société, plutôt que devant les tribunaux, a donné d'excellents résultats jusqu'ici. Elle devrait être au coeur de ce projet de loi.
En résumé, nous sommes conscients des engagements internationaux pris par le Canada et comprenons que la Loi sur la protection des espèces en voie de disparition en est un élément. Pour respecter cet engagement, il faut en revenir à l'objet initial de la loi énoncé dans le document intitulé La Loi canadienne sur la protection des espèces en péril: Un projet de loi, 1995.
Nous appuyons l'établissement d'une liste des espèces en péril et la préparation de plans de rétablissement. Nous appuyons l'objectif du gouvernement en vue de créer un esprit de collaboration entre les parties, car c'est à notre avis la seule façon de vraiment s'occuper des espèces en péril.
Toutefois, le projet de loi C-65 limite les options possibles pour résoudre les problèmes et invite les parties à intenter des poursuites au lieu de faciliter la prise de mesures qui permettraient de résoudre les problèmes visés par le programme mis sur pied. Cette loi risque de donner lieu à des procès onéreux et interminables, dont les seuls à en profiter seront les avocats. Il vaudrait beaucoup mieux dépenser cet argent à la protection des espèces en péril et empêcher que d'autres espèces s'ajoutent à la liste.
Il semble qu'on ait perdu de vue l'objectif louable de la première proposition de loi, et bon nombre des dispositions précises qui y étaient indiquées n'ont pas été retenues. De l'aveu du gouvernement fédéral, le projet de loi n'atteint pas l'objectif initial. Nous demandons instamment au comité d'en revenir aux principes énoncés dans l'Accord national pour la protection des espèces en péril au Canada ainsi que dans la proposition de loi. Nous vous remercions.
Le président: Merci, monsieur Hawksworth. Vous avez été très succinct puisque vous n'avez parlé que pendant cinq minutes dix secondes. Nous vous en saurons gré à la fin de la journée.
Qui veut intervenir maintenant?
M. Rob McManus (directeur, environnement et sécurité, Association canadienne des producteurs pétroliers): Monsieur le président, je m'appelle Rob McManus et je représente l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Je suis directeur de la sécurité et de l'environnement. J'essaierai d'être aussi bref que nos collègues présents aujourd'hui.
Voici M. Nick Schultz, qui va également présenter une partie de notre exposé. Je ferai au préalable quelques remarques liminaires et M. Schultz conclura notre exposé, après quoi nous pourrons répondre à vos questions.
Laissez-moi tout d'abord vous remercier ainsi que le comité de nous avoir invités à vous faire part de notre point de vue sur la question. J'aimerais également rappeler que l'Association canadienne des producteurs pétroliers appuie fortement les objectifs du projet de loi. C'est pourquoi nous avons participé au groupe de travail chargé d'étudier le projet de loi fédéral sur les espèces en péril et avons également déjà remis un mémoire préparé conjointement avec trois autres associations faisant partie de ce groupe de travail; nous y recommandons certains changements de nature à améliorer le projet de loi, selon nous. Tel est l'objet de notre comparution d'aujourd'hui.
J'aimerais revenir sur un thème omniprésent dans la documentation que nous avons fournie au comité jusqu'ici, et qui a été réitérée à maintes reprises aujourd'hui: pour être couronnée de succès, une loi visant la protection des espèces en péril doit se fonder sur la collaboration et la coopération entre les parties en cause.
L'Association canadienne des producteurs pétroliers et l'industrie pétrolière et gazière de l'Ouest s'occupent depuis longtemps de questions touchant la faune et parfois de dossiers précis d'espèces en voie de disparition. Le taux de succès des initiatives a été directement lié à l'esprit de collaboration existant entre toutes les parties prenantes et aux mesures volontaires et concertées qu'elles ont prises.
Je voudrais rappeler brièvement une des initiatives qui a témoigné de cet esprit de collaboration, à savoir la stratégie visant le caribou des bois. En 1993, un comité composé de représentants du gouvernement, de l'industrie et des groupes de conservation a été mis sur pied et chargé d'élaborer une stratégie relative aux caribous des bois, en Alberta, car cet animal avait été désigné comme une espèce en voie de disparition aux termes de la Loi de l'Alberta sur la faune. Ces groupes se sont réunis et ont élaboré une série d'initiatives comprenant notamment des travaux de recherche en vue de recueillir plus de renseignements sur les caractéristiques écologiques importantes du caribou des bois, ainsi que pour élaborer des lignes directrices visant les activités forestières et pétrolières et gazières. Toutes ces mesures étaient volontaires.
Les autorités provinciales s'appuient officiellement sur les règlements et les lignes directrices élaborés par ce comité pour autoriser les activités. L'objectif général visé par ce groupe était la survie à long terme du caribou des bois dans son habitat naturel.
Jusqu'ici les résultats ont été encourageants. La population de caribous des bois s'est stabilisée et n'est plus à la baisse, comme au cours des années précédentes. Même si cette stratégie visant le caribou des bois n'est pas terminée, c'est un bon exemple de collaboration productive. Il y en a bien d'autres dont je pourrais vous parler.
Je vais remettre au comité une vidéo qui porte sur plusieurs années des rapports annuels du comité sur le caribou des bois, car cela pourra intéresser les membres de votre comité.
Je le répète, il s'agit d'une étude de cas pertinente car nous prouvons là qu'un système fondé sur la collaboration peut donner des résultats. En fait, cela nous paraît essentiel à la réalisation à long terme des objectifs de ce projet de loi et nous appuyons cet objectif à long terme.
Je vais maintenant donner la parole à M. Schultz qui a quelques remarques plus précises à faire.
M. Nick Schultz (avocat principal, Association canadienne des producteurs pétroliers): Merci, monsieur le président. Vous avez reçu notre mémoire et je vois que les membres du comité le feuillettent pendant que nous parlons. Je n'ai pas l'intention de vous le lire. Je sais que vous l'assimilerez en temps voulu et que votre personnel vous facilitera la tâche.
J'aimerais souligner quelques points et nous réserverons ensuite du temps pour répondre à vos questions. Je sais que la journée a été longue pour vous et que nous approchons de la fin.
Comme M. McManus vous l'a dit, nous appuyons ce projet de loi et sommes venus témoigner devant votre comité dans le but de proposer ce que nous considérons être des propositions constructives en vue de l'améliorer et de vous aider à atteindre l'objectif que s'est fixé le gouvernement dans ce domaine.
Je voudrais d'abord soulever une préoccupation sur laquelle je ne vais pas m'appesantir, car je suppose que d'autres intervenants ont soulevé le même point. C'est que dans un secteur comme le nôtre, qui est fortement réglementé, où nous devons quotidiennement nous plier à des processus de planification très élaborés et où nous sommes tenus d'étudier des dossiers environnementaux de façon très approfondie avant de donner le feu vert à un projet, les autorités chargées de la réglementation sont constamment obligées de rendre des jugements de valeur quant à savoir ce qui est acceptable. Ce ne sont pas des questions simples et nettes. Ce sont souvent des dossiers difficiles et l'on rend constamment des jugements sur ce qui est perçu comme un projet acceptable du point de vue de la politique publique, compte tenu des efforts d'atténuation, sur les aspects qui sont importants et ceux qui sont secondaires, sur ce que l'on peut éviter ou pas, et dans certains cas, il faut tout simplement accepter certaines répercussions inévitables que l'on considère acceptables.
Au Canada, nous fonctionnons dans un environnement où les tribunaux respectent les jugements de ce genre et n'interviennent pas. Les citoyens ont l'occasion de dire leur mot à l'occasion d'audiences publiques devant des organismes de réglementation. Avec ce projet de loi, nous innovons, en ce sens que les gens qui sont convaincus qu'une décision de politique publique est déraisonnable auront peut-être bien l'occasion d'en contester le bien-fondé, beaucoup plus qu'auparavant. Nous avons une préoccupation à cet égard et nous avons des suggestions à faire sur la façon d'y remédier.
Notre première suggestion est dans la même veine que celle que vous avez déjà entendue de la part d'autres intervenants. C'est une observation que nous faisons au bas de la page 4 de notre mémoire, nommément que le comité pourrait peut-être envisager d'ajouter à la boîte à outils. Nous ne disons pas qu'il faut éviter les interdictions; il est évident qu'il y a parfois lieu d'interdire purement et simplement. Mais dans cette mesure législative, on envisage des règlements conçus pour régir une activité en un certain nombre d'endroits. Quand on décide de réglementer une activité, il ne s'agit plus simplement d'interdire de façon absolue en disant «il est interdit de tuer telle ou telle espèce». On entre dans un domaine beaucoup plus complexe et l'on doit décider de ce qui est acceptable ou pas et de la façon dont il faut procéder.
Il y aurait lieu d'intégrer à cette boîte à outils une reconnaissance plus claire que les accords de conformité et les mesures volontaires sont des outils intéressants, auxquels on pourrait greffer des encouragements. On pourrait soutenir que tout cela est possible aux termes du pouvoir de réglementation, mais nous disons qu'il y aurait peut-être lieu de prévoir une reconnaissance plus explicite d'outils autres que les simples techniques de commandement et de contrôle. Il existe une abondante littérature, qui remonte à l'étude sur la réforme de la réglementation effectuée en 1979 par le conseil économique, traitant de divers instruments de ce genre, autres que les simples techniques de commandement et de contrôle, et que nous vous invitons à considérer.
Nous préférerions qu'il n'y ait pas d'action privée, mais nous reconnaissons également que c'est dans cette voie que les gouvernements semblent souhaiter s'orienter. Nous avons toutefois des préoccupations et des idées de la façon de mieux atteindre cet objectif. Nous attirons votre attention sur le fait que si le gouvernement s'inquiète d'une activité et veut faire une inspection ou une enquête et prendre des mesures, il doit avoir des motifs raisonnables d'agir. C'est explicite dans le cas d'un agent d'application de la loi qui doit faire une inspection - ici je renvois au bas de la page 5 de notre mémoire - , mais il n'y a aucune exigence explicite correspondante s'appliquant à un citoyen qui doit également agir de façon raisonnable.
La mesure proposée comprend des dispositions visant les actions frivoles et vexatoires, mais nous croyons qu'il y aurait moyen d'améliorer le projet de loi en y ajoutant clairement l'obligation d'établir des motifs raisonnables quand un citoyen se plaint. À la page 6, nous disons qu'il faut modifier le paragraphe 57(2) pour dire clairement que le ministre n'est pas tenu de faire enquête en l'absence de motifs raisonnables. Nous croyons que c'est conforme à l'esprit du projet de loi et des autres dispositions. Il est déraisonnable d'exiger que le ministre fasse enquête en l'absence de motifs raisonnables.
Nous constatons également que le citoyen doit présenter une demande d'enquête avant de pouvoir s'adresser aux tribunaux et que le motif que l'on donne pour s'adresser aux tribunaux, c'est que le citoyen est convaincu que le ministre n'a pas agi avec diligence ou de façon raisonnable. Mais nous ne voyons aucune exigence explicite que les tribunaux rendent rapidement une décision sur la question. De la façon dont c'est écrit, un tribunal pourrait attendre deux ans, à l'issue d'un très long procès, avant de rendre une décision, et nous croyons que ce n'est pas compatible avec l'intention du législateur. Nous disons à la page 4 que le paragraphe 60(1) doit être modifié pour exiger que le tribunal rende cette décision immédiatement, que cela devienne en fait une existence procédurale pour intenter des poursuites, avant qu'un citoyen engage des frais pour se défendre.
Par ailleurs, nous trouvons illogique qu'on intente des poursuites au civil, alors que ce qui est envisagé, c'est une demande d'enquête qui, si le ministre trouve qu'il y a quelque chose qui cloche, doit aboutir à des poursuites, avec toute la protection dont un citoyen jouit en cas de poursuite, alors qu'un simple citoyen qui est mécontent du résultat de l'enquête va intenter une poursuite au civil, qui ne comporte aucune de ces protections.
À notre avis, l'intervention d'un citoyen devrait prendre la forme d'une poursuite privée. Dans la mesure où une poursuite intentée par un citoyen confère des droits plus étendus en termes de recours que ceux dont le ministre jouirait dans le cadre d'une poursuite, nous croyons que cela permettrait d'étendre les moyens de recours à la disposition du ministre. Nous en traitons aux pages 7 et 8. Je n'entrerai pas dans les détails.
Nous croyons également que lorsque des poursuites ont été intentées, le ministre devrait avoir la possibilité de conclure une entente assurant l'application de la loi. Autrement dit, si quelqu'un sort du droit chemin, il devrait être possible de l'y ramener au moyen d'une entente par laquelle les parties se mettraient d'accord pour respecter la loi et qui mettrait fin à l'affaire. Nous n'en voyons pas la trace dans le projet de loi. Nous croyons que cela ajouterait à la boîte à outils dont dispose le gouvernement pour réaliser l'intention du législateur.
Je passe maintenant à un autre sujet. De façon générale, nous voudrions que l'on resserre quelque peu le lien entre la mesure législative proposée et les processus de planification complexes qui existent déjà. Nous reconnaissons que l'on a fait un effort en ce sens, mais nous pensons qu'il y aurait moyen de resserrer le tout.
Nous avons proposé une modification qui ne tient pas pleinement compte de l'alinéa 36(1)c). J'y reviendrai dans un instant.
Je passe maintenant au bas de la page 9, où nous faisons remarquer qu'à l'article 44, on trouve une disposition générale relativement aux permis, mais que cela s'applique uniquement aux permis délivrés par le ministre de l'Environnement, le ministre des Pêches et des Océans ou le ministre du Patrimoine canadien. Il y a bien d'autres organismes fédéraux qui délivrent des permis et qui participent aux processus de planification globaux, notamment l'Office national de l'énergie, qui est peut-être le plus important pour notre secteur.
Nous croyons qu'il y aurait lieu d'englober toutes les autorités fédérales qui ont un pouvoir de décision pertinent aux objectifs du projet de loi. Nous proposons que l'on mentionne dans cette disposition toute personne ou tout organisme qui rend une décision relativement aux questions visées par le paragraphe 46(2), c'est-à-dire les objectifs du projet de loi. Cela engloberait des organismes comme l'Office national de l'énergie.
Par ailleurs, le projet de loi traite au paragraphe 46(2) des mesures d'atténuation et d'évitement, mais il le fait de telle manière que dans le cas d'un projet de pipeline de 1 000 milles de long, par exemple, on pourrait comprendre que l'activité visée est le pipeline au complet, alors que le problème peut se poser seulement en un endroit précis, là où le pipeline franchit un ruisseau, et qu'il suffirait de déplacer le pipeline de quelques kilomètres en amont ou en aval pour éviter de déranger un habitat délicat.
Nous disons qu'il faut remplacer le libellé actuel de l'alinéa 46(2)a) par un texte plus explicite disant clairement quelle est l'intention du législateur, afin que l'on ne puisse pas, à l'occasion d'audiences devant l'Office national de l'énergie, nous assener des arguments selon lesquels il faudrait déplacer la totalité du pipeline de 1 000 milles de longueur uniquement pour protéger un habitat très localisé.
Nous avons aussi des suggestions relativement aux articles 47 et 49 qui portent sur la même question. Nous avons abordé la question de la compensation. J'attire l'attention des membres du comité sur l'esquisse d'idée que nous énonçons, quant à la façon dont le comité pourrait se pencher sur cette question, s'il était enclin à le faire et à emprunter des idées ailleurs.
Nous avons également une suggestion visant à engager plus clairement le conseil dans le processus en exigeant que le ministre consulte le conseil avant de désigner une espèce. C'est conforme à l'intention visée par le cadre national.
Enfin, à la page 13, nous proposons un changement de forme visant à mieux exprimer l'idée de mesures avantageuses sur le plan du coût, dans le cadre des mesures de rétablissement.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Nous passons maintenant aux questions. Qui veut prendre la parole en premier, M. Taylor ou M. Adams?
M. Adams: Merci, monsieur le président.
À la toute fin de votre exposé, vous avez évoqué une esquisse d'idée, et je vais lire le passage pertinent, même si vous l'avez résumé. C'est à la page 11 et je cite: «Il faut un énoncé disant clairement qu'une compensation sera versée à toute personne identifiable...» Est-ce bien l'esquisse d'idée que vous avez évoquée?
Un témoin: Oui, monsieur, c'est bien cela.
M. Adams: Serait-il donc utile que je lise toute la phrase, monsieur le président? Je cite:
- Il faut un énoncé disant clairement qu'une compensation sera versée à toute personne
identifiable qui subit une perte de jouissance de biens, tel qu'il est décrit ci-dessus dans le
présent mémoire, en conséquence de tout règlement pris aux termes de ce projet de loi.
Un témoin: Oui, merci.
M. Adams: Je pense que vous étiez tous ici auparavant, car nous sommes arrivés en retard. Vous avez entendu ce que j'ai dit au sujet des répercussions de la loi américaine. Soit dit en passant, vous avez entendu des histoires à dresser les cheveux sur la tête, certaines auxquelles je crois, et d'autres, auxquelles je ne crois pas du tout. J'ai lu ce qui me semblait être des statistiques assez neutres, donnant à penser que même sous le régime plus rigoureux de la législation américaine, même dans le cadre environnemental plus dégradé des États-Unis, la grande majorité des cas qui ont été soulevés aux termes de la législation américaine sur la protection des espèces ont fait l'objet d'un règlement à l'amiable. Je n'ai pas les chiffres en main, mais ils ont dit que c'était de 90 p. 100.
Quant à votre argument sur la collaboration, ne croyez-vous pas qu'il y a avantage à avoir une loi, le bâton qui accompagne la carotte, si l'on peut dire, et que cela va en fait favoriser le genre de collaboration que vous avez décrite dans vos mémoires?
Un témoin: Je voudrais répondre à cela, monsieur le président.
Vos commentaires ne s'adressaient pas spécifiquement à moi, mais j'ai deux observations à faire à ce propos.
Premièrement, pour ce qui est de la comparaison entre l'expérience canadienne et américaine, je ne peux me baser que sur ma propre expérience. Je redis que Weldwood emploie 7 biologistes professionnels. Notre société mère américaine, qui est une compagnie de produits forestiers plus importante, emploie également 7 biologistes professionnels. Je peux vous dire que les biologistes de Weldwood consacrent 90 p. 100 de leur temps à essayer de comprendre comment l'on pourrait empêcher certaines espèces d'être menacées et comment il faut gérer nos forêts de manière à conserver la situation enviable qui est actuellement la nôtre. Nos homologues à la compagnie mère américaine consacrent pour leur part 90 p. 100 de leur temps à essayer de ne pas se faire flanquer en prison à cause de la législation sur les espèces en péril. Voilà la différence. Nous consacrons à peu près les mêmes ressources, mais dans des domaines différents. Je soutiens que nous devons continuer au Canada de consacrer nos efforts et notre temps comme nous le faisons actuellement.
Deuxièmement, au Canada, nous avons la possibilité de partir du bon pied avec cette loi. Si nous pouvions seulement obtenir les modifications et précisions nécessaires pour éviter de consacrer beaucoup de temps à s'obstiner devant les tribunaux, et si nous pouvons travailler en collaboration, nous aurons un bien meilleur modèle que celui des États-Unis. À notre avis, il suffira de peu de choses pour y parvenir dans la loi canadienne, mais vous devrez, dans le cadre de l'étude article par article du projet de loi, scruter chacune des dispositions pour vous assurer qu'elle est vraiment nécessaire et conforme à l'esprit de collaboration visé par le législateur. Dans le cas contraire, s'agit-il plutôt d'une mesure punitive visant les gens qui commettraient une infraction? Ou bien y a-t-il possibilité d'abus de la part de gens qui estiment que la loi fait obstacle à leurs projets? Je soutiens que c'est le seul et unique critère que vous devriez appliquer à l'évaluation de ces dispositions.
M. Adams: J'ai écouté les exposés et j'ai lu les documents en diagonale. Avez-vous entendu ce que disait Gar tout à l'heure au sujet des actions frivoles au Canada, en comparaison des États-Unis?
Un témoin: Oui, je l'ai entendu.
M. Adams: Et l'avez-vous trouvé convaincant?
Un témoin: Non. Je voudrais inverser la proposition et demander aux membres du comité si, à leur avis, le projet de loi comporte des obstacles suffisants pour empêcher les actions frivoles et s'il est improbable que la disposition soit utilisée en vain ou si elle peut vraiment être utilisée en cas de besoin véritable. Pourquoi l'inscrire dans ce projet?
M. Adams: Vous pourrez revenir à la charge plus tard. Je suis peut-être naïf, et je suis même certain que je suis naïf en comparaison de vous-même...
Le président: Puis-je intervenir pour répondre à la question, ou bien voulez-vous vous y essayer?
M. Adams: J'allais le faire, mais je suis certain que vous le ferez également, monsieur le président.
J'incline à voir cela dans l'optique du code de la route, pour reprendre l'analogie que l'on faisait tout à l'heure. Si nous conduisions tous prudemment et du bon côté de la route, il ne serait pas nécessaire d'avoir des règles, mais ce n'est pas le cas. En passant, je signale que vous et moi ne conduisons peut-être pas toujours prudemment, selon notre humeur. L'existence de ce cadre est donc utile quand nous sommes au volant.
Un témoin: Je suis d'accord avec vous. Le défi consiste à mettre dans la balance des intérêts contradictoires. Nous soutenons que dans le texte proposé actuellement, la balance penche un peu trop du côté des mesures punitives et pas assez du côté de la coopération. Il faut rétablir l'équilibre.
M. Adams: Un dernier point. Je soupçonne que notre comité favorise votre secteur. Chose certaine, nous avons reçu une quantité phénoménale de documents.
Merci, monsieur le président.
Le président: Qui d'autre? Monsieur Knutson.
M. Knutson: Je vais poursuivre dans la même veine. Je m'excuse d'être arrivé en retard, mais j'ai dû aller chercher des documents qu'on m'a remis quand nous avons rencontré les gens du secteur forestier à Vancouver. Je cite un passage d'un document rédigé par notre attaché de recherche, qui fait remarquer:
- Au Canada, un citoyen peut intenter des poursuites contre une personne qui, à son avis, enfreint
la loi proposée, mais seulement après que l'on a demandé au ministre de faire enquête et que
cette requête ait été refusée sans motifs valables ou bien si elle n'a pas abouti dans un délai
raisonnable, ou si l'enquête a été suspendue ou menée de façon déraisonnable. Aux États-Unis,
il faut que le secrétaire mène déjà une action en justice contre la personne soupçonnée
d'infraction - ou on lui accorde 60 jours pour entreprendre une action - pour qu'il soit interdit
au citoyen d'intenter une poursuite.
- Et ce n'est qu'un seul exemple des différences entre l'expérience au Canada et aux États-Unis.
Mme Andrea Moen (avocate, Alberta Forest Products Association): Je voudrais répondre à cela. Je dois d'abord vous dire que je suis avocate et que je pratique le droit environnemental et forestier en Alberta depuis 15 ans. J'ai participé à un certain nombre d'affaires du côté du gouvernement de l'Alberta et parfois de l'industrie. Dans ces affaires, les groupes environnementaux ont eu recours à des mesures législatives qui sont loin d'être aussi faciles à déclencher que celle-ci pour intenter des poursuites devant les tribunaux afin de contester des décisions gouvernementales qui ont des répercussions directes sur le secteur. C'est une méthode qui est acceptée au Canada et que l'on peut utiliser dans le cas de ce projet de loi. Rien, dans ce texte, n'interdit à quiconque de contester les décisions ministérielles. Je crois qu'il y a un article du projet de loi qui stipule que le citoyen a des recours s'il n'est pas satisfait des mesures que le ministre a prises, et celles-ci ne constituent d'ailleurs pas un critère difficile à respecter.
Le président: Tenez-vous à ce qu'il y ait davantage de poursuites?
Mme Moen: Eh bien, monsieur le président, en tant qu'avocate, ce projet de loi me paraît merveilleux, car il y aura beaucoup -
Le président: Ce que vous proposez entraînerait davantage d'actions en justice car en fait vous proposez de contester les décisions prises par le ministre.
Mme Moen: Ce que je vous dis, c'est que déjà la loi actuelle permet de contester une décision du ministre par le truchement du réexamen judiciaire. Or, ce qu'on propose d'y substituer semble mener à des actions en justice.
Si je voulais intervenir, c'est que je vous ai entendu parler plus tôt de mesures de protection... à savoir le critère selon lequel la décision du ministre est jugée raisonnable. Si en fait il y avait réexamen judiciaire, c'est-à-dire une procédure devant faire l'objet d'une requête par un citoyen et qui permettrait un réexamen de la décision ministérielle afin d'établir si elle est bel et bien raisonnable, alors oui, cela rassurerait quelque peu. Toutefois, et me faisant ici l'écho des préoccupations exprimées plus tôt par M. Schultz et me reportant à mon expérience devant les tribunaux, il faudra justement un procès en bonne et due forme avant qu'un juge ne se prononce.
Une voix: En ce cas, parlons justement de votre expérience. D'après vous, combien de fois les tribunaux sont-ils intervenus et ont-ils estimé que le ministre avait agi de façon déraisonnable -
Mme Moen: Là n'est pas la question.
Une voix: - et ont-ils condamné le gouvernement à payer les dépens.
Mme Moen: Cela s'est produit dans l'une des causes auxquelles j'ai participé.
Une voix: Permettez-moi d'intervenir ici. À notre connaissance, si quelqu'un intente une action en justice pour établir que le ministre a pris une décision déraisonnable et si le particulier ou le groupe en question n'a pas gain de cause, ce dernier devra payer les frais liés à la poursuite.
Mme Moen: Ce n'est pas ce qui figure dans le texte.
Une voix: Non, mais au Canada c'est ainsi: lorsqu'on perd un procès, on doit en payer les frais.
Mme Moen: Je ne suis pas d'accord avec vous. J'ai effectué beaucoup de recherches sur cette question. Les perdants ne sont pas toujours obligés d'assumer les frais de justice. On peut invoquer un principe selon lequel lorsqu'un groupe soucieux de protéger les intérêts du public intente une poursuite, il devrait pouvoir le faire sans être condamné aux dépens. Toutefois, les tribunaux n'ont pas établi très clairement ce principe et le projet de loi dont vous êtes saisi ne dit pas non plus que les plaideurs devront assumer les frais de justice. Il dit simplement que les frais seront assumés.
Une voix: Si j'ai bien compris, d'après vous, en général, si quelqu'un intente une action frivole ou vexatoire ou déraisonnable devant les tribunaux canadiens, cela ne veut pas automatiquement dire qu'il devra en assumer les coûts.
Mme Moen: Il y a déjà eu des causes de ce genre où un groupe...
Une voix: Je parle de la situation en général.
Mme Moen: En général, les groupes d'intérêt public ne paient pas les frais de justice. J'ai participé à une des quelques causes au Canada où un tel groupe a été condamné aux dépens. Cette cause avait d'ailleurs été longue et coûteuse. Le groupe d'intérêt public l'a déclenchée au moyen d'un affidavit spécieux qui faisait des affirmations de nature biologique qui se sont révélées fausses. Cette cause a coûté cher et il n'en a résulté que du gaspillage. Les ressources qu'elle a engouffrées auraient dû être affectées à la question qui sous-tendait la poursuite, à savoir des pratiques forestières durables.
Une voix: J'en reviens à ce que je disais d'abord. Ce genre de libellé existe dans d'autres lois qui relèvent d'autres compétences, et on n'a pas observé de ruée des citoyens vers les tribunaux.
Mme Moen: Ce n'est pas ainsi que nous voyons la chose en Alberta. Je suis désolée mais on s'est servi de la loi actuelle pour intenter beaucoup d'actions en justice de ce genre en Alberta, et cela bien avant...
Une voix: En invoquant ces dispositions?
Mme Moen: Non. Ce n'était pas les mêmes mais celles-ci facilitent encore davantage la tâche pour ces groupes.
La loi nous accorde déjà le droit de demander un réexamen judiciaire des décisions ministérielles. Elle donne aussi aux citoyens le droit d'intenter des poursuites d'initiative privée et de faire des déclarations sous serment. Le simple citoyen dispose donc déjà de mécanismes à sa portée. Nous n'avons donc pas besoin d'importer un droit qui permettrait de poursuivre quelqu'un lorsqu'il n'y a qu'allégation.
Je sais que la chose a déjà été mentionnée, mais je tiens à souligner que le ministre, après examen des faits, peut décider de s'abstenir d'intenter une action en justice du fait qu'il doit se conformer lui aussi au critère strict qui dit «hors de tout doute raisonnable». En revanche, le simple citoyen qui se reporte aux mêmes faits n'a qu'à satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Donc, si vous allez de l'avant avec ce projet, au moins imposez le même critère au simple citoyen.
Une voix: Il sera intéressant d'entendre l'avis des rédacteurs ministériels de ce projet de loi lorsque nous en serons à l'article 60. D'après eux, les poursuites civiles peuvent être intentées seulement après que le ministre a eu l'occasion d'étudier les allégations. Selon eux, cet article accorde bel et bien le droit au public d'intenter des poursuites mais protège les tribunaux d'un excès de zèle qui risquerait de les surcharger de travail. C'est tout au moins ce qu'ils nous ont dit.
Les mêmes rédacteurs citent l'article 84(1) de la Déclaration des droits environnementaux de l'Ontario, selon laquelle les citoyens ont le droit d'intenter des poursuites, et je crois qu'ils s'en sont inspirés. Il y est question de certains cas où le ministre peut être en cause et le reste. Cependant, votre avis semble nettement différent de celui des avocats du gouvernement lorsqu'ils interprètent l'article 60.
Mme Moen: Si je suis particulièrement préoccupée, c'est que j'ai moi-même participé à l'une des premières causes où l'on a interprété les lignes directrices relatives à l'examen en matière d'environnement. Quant à l'avis des avocats du ministère de la Justice, je le connais car j'ai discuté avec eux avant de venir ici. Ils m'ont dit qu'il ne s'agissait pas d'une mesure législative ni réglementaire aux yeux des tribunaux, et malgré cela, la Cour suprême du Canada est arrivée à une conclusion tout à fait différente.
Une voix: À quelle mesure législative faites-vous allusion?
Mme Moen: Je parle ici du décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, qui est devenu la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il ne s'agissait que d'un décret, or le ministère de la Justice... Lorsque j'ai lu cela, j'ai vu où ils voulaient en venir. Quoi qu'il en soit, je vois la chose sous un angle différent maintenant, en tant qu'avocate au service du gouvernement et de l'industrie et qui a dû parfois défendre la clarté prétendue d'un libellé qui dans les faits était assez obscur.
Le président: Très bien. Merci.
Tout ce que je peux ajouter au sujet des actions en justice de nature frivole, c'est que depuis l'adoption de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement en 1988, en huit ans il y a eu deux actions en justice de la nature de ce qui est prévu ici dans le projet de loi. Par conséquent, lorsqu'on parle des initiatives des citoyens... au Canada tout au moins, ça n'a pas semblé favoriser des poursuites frivoles, et rappelons-nous que la LCPE, étant donné son orientation assez chimique, se prête à des poursuites de la part de la population tant urbaine que rurale. Bien entendu, nous allons réexaminer cela très attentivement afin que la disposition envisagée ici ne se prête pas plus facilement à des abus que dans le cas de la LCPE.
En second lieu, il se peut qu'il y ait eu davantage de poursuites en Alberta, mais en général dans notre pays, vous conviendrez sans doute qu'on assiste à beaucoup moins de poursuites qu'aux États-Unis. Par conséquent, il n'est peut-être pas juste d'établir constamment des comparaisons avec ce qui se passe aux États-Unis, vu que leur système, leurs attitudes et leur culture sont différents et ainsi de suite.
Pour ce qui est du contenu de vos propositions, je les ai parcourues assez rapidement ainsi que les propositions d'amendement des producteurs pétroliers. Certaines d'entre elles sont très pratiques et ouvrent la voie à des choses tout à fait nouvelles; nous allons certainement les étudier très attentivement, une à une sans doute.
En ce qui a trait aux propositions des quatre associations, y compris le Comité national agriculture-environnement - je fais allusion à ce document-ci - j'étudierai avec grand intérêt la nouvelle définition de «résidence», qui semble avoir plus de force que ce que contient le projet de loi.
Enfin, j'aimerais dire qu'à la page i du rapport excellent préparé par les gens de l'industrie forestière, vous parlez d'action préventive et je suis d'accord avec vous qu'il faut renforcer l'action préventive, mais vous dites que:
- Le projet de loi C-65 ne reconnaît pas les initiatives qui visent la conservation des espèces et fait
très peu pour faciliter le développement d'initiatives semblables à l'avenir.
À la page ii, on voit encore l'obsession avec le modèle américain et nous voulons nous assurer qu'il n'en sera pas ainsi, pour les raisons que nous avons énumérées tout à l'heure.
Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que «cette loi peut conduire et probablement conduira à des litiges prolongés et coûteux». Je ne suis pas d'accord. Cela veut dire qu'il y a des membres de votre association qui ne veulent pas - et j'ai du mal à le croire - appuyer toute initiative qui protège les espèces sauvages. Ce sont des Canadiens et ils font partie des 83 p. 100 des gens qui, selon un sondage - décrit dans l'article du Globe and Mail hier - , veulent une protection forte pour les espèces sauvages.
Je ne pense pas que les entreprises ou les syndicats ou tout autre secteur de la société veulent des litiges. Ce qu'ils veulent, c'est que le but général soit atteint.
De plus, nous voulons nous assurer que la loi est bonne, sinon elle ne sera pas respectée. C'est une règle de base pour toute loi, quel que soit le sujet. Il s'agit d'un principe démocratique.
Je ne peux vraiment pas voir comment vos associations ou les membres d'entreprises privées que vous représentez entameraient des litiges pour combattre des mesures qui protègent les espèces sauvages.
Au contraire, si la loi est raisonnable, et je crois qu'elle le sera, et si la loi est bien équilibrée, et je crois qu'elle le sera, elle jouira d'un grand appui de la part du public. Il faut avoir le public de son côté, pour des raisons de bonnes relations publiques, auxquelles vous êtes toujours sensibles, naturellement.
Je ne vois pas de conflit et je ne vois pas de problème. Au contraire, il y en a qui ont joué les prophètes de malheur, comme j'ai dit au groupe qui vous a précédés. Cela arrive avec tous les projets de loi, croyez-moi. À l'époque de l'ALENA, mon Dieu on disait que le Canada allait s'effondre le lendemain. Peut-être que vous vous en souvenez. Lorsqu'il y a eu la réforme fiscale dans les années 70, sous Benson, mon Dieu, il y en avait qui venaient nous demander s'ils allaient perdre leurs bijoux parce que M. Benson allait faire certaines choses en vertu de la nouvelle loi.
Toute loi donne lieu à des craintes, et bien sûr c'est à nous de les apaiser. Nous devons aussi, bien sûr, vous écouter et veiller à ce que tout ce qui peut être adopté parmi vos propositions, le soit. Nous pouvons certainement vous assurer aujourd'hui que nous allons étudier très sérieusement vos propositions.
M. Adams: Monsieur le président, j'ai dû manquer les recommandations des deux mémoires que nous avons entendus et discutés. Pourriez-vous préciser de quel document il s'agit? Peut-être l'avez-vous déjà précisé, mais, je suis désolé, je n'ai pas entendu.
Un témoin: Oui, je peux vous répondre.
Ce document est une série de recommandations qui ont déjà été soumises au comité. Nous les avons soumises de nouveau aujourd'hui.
L'Association canadienne des producteurs pétroliers était un parmi quatre organismes qui ont participé au premier groupe de travail mis sur pied par la ministre à l'époque, Mme Copps, afin de rédiger les principes qui sous-tendraient la loi à venir. La loi telle que rédigée ne concorde pas toujours avec l'entente endossée par tous les intervenants, notamment les organismes environnementaux et les associations industrielles. Certains de ces écarts sont décrits ici avec les recommandations de changements.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
La journée a été longue. Nous avons commencé à huit heures et demie. Nous reviendrons encore demain matin. Je serai heureux de vous revoir. Entre temps, merci pour vos idées, votre patience et vos bons conseils.
La séance est levée jusqu'à demain matin.