[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 février 1997
[Français]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à cette séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Bienvenue, monsieur Canuel. Je suis content de vous revoir.
[Traduction]
M. Forseth est à Washington aujourd'hui; nous allons donc commencer avec les membres du comité présents actuellement. D'autres vont peut-être arriver, mais je ne veux pas faire attendre davantage nos témoins. Vous voudrez bien nous excuser pour ce retard en début de séance.
Nous en sommes maintenant à la dernière étape de l'audition des témoins. La séance d'aujourd'hui est consacrée aux ministères. Je voudrais souhaiter de nouveau la bienvenue àM. Curtis, qui nous connaît bien. Je vais lui demander de présenter ses collègues et de choisir la formule qu'il préfère. Ensuite, chacun des témoins aura dix minutes pour présenter un exposé, ce qui nous laissera suffisamment de temps pour les questions, si cela convient aux témoins.
Monsieur Curtis, vous avez la parole.
[Français]
M. Steve Curtis (directeur général délégué, Service canadien de la faune, ministère de l'Environnement): Bonjour, mesdames et messieurs.
[Traduction]
C'est pour moi un plaisir d'être de nouveau accueilli par le comité. Je crois que c'est la quatrième fois que je suis assis à cette table.
J'ai une courte déclaration d'ouverture à présenter, mais avant cela, j'aimerais permettre à mes collègues de se présenter. Comme vous le savez, je suis directeur général associé du Service canadien de la faune à Environnement Canada.
M. Hiram Beaubier (directeur général, Direction générale des ressources naturelles et de l'environnement, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je m'appelle Hiram Beaubier. Je suis directeur général des Ressources naturelles et de l'Environnement au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Programme des affaires du Nord. J'ai avec moi Fred McFarland, chef de la Division des ressources biologiques au sein de ma direction générale.
M. Michael Porter (directeur général par intérim, Direction générale des parcs nationaux, Parcs Canada): Je m'appelle Michael Porter. Je suis directeur général par intérim de la Direction générale des parcs nationaux à Parcs Canada.
M. William G. Doubleday (directeur général, Direction générale des sciences, ministère des Pêches et des Océans): Je m'appelle Bill Doubleday. Je suis directeur général des Sciences, ministère des Pêches et des Océans. J'ai avec moi M. Gerry Swanson, directeur général de la Gestion de l'habitat et des Sciences de l'environnement.
Le président: Y a-t-il quelqu'un de l'Agriculture ou des Transports? Non? Parfait. C'était prévu, je suppose.
Monsieur Curtis, voulez-vous commencer?
M. Curtis: Merci.
Comme le savent les membres du comité, le projet de loi a été conçu en fonction de divers objectifs. Tout d'abord, il vise à créer des outils et des dispositifs nationaux comme le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril et le COSEPAC, qui sont indispensables pour assurer au niveau national la coordination de la protection des espèces en péril.
Le projet de loi C-65 vise également à amener le gouvernement fédéral à agir de façon responsable en faveur de la protection des espèces en péril; il fait le ménage au sein du secteur public fédéral, et permet au gouvernement fédéral de prendre toutes les mesures possibles pour assurer la protection et le rétablissement de certaines espèces en péril.
Le projet de loi assigne des rôles clés à des ministres autres que le ministre de l'Environnement. Vous avez vu, à l'étude du projet de loi, qu'on y donne une définition d'un ministre compétent. Le ministre compétent est le ministre chargé de la gestion des espèces relevant de la compétence fédérale. C'est notamment le cas du ministre responsable des parcs nationaux, du ministre du Patrimoine, du ministre responsable des pêches et des océans et, évidemment, du ministre de l'Environnement. On trouve donc la formule «ministre compétent» à diverses reprises dans la loi.
Comme vous le savez également, le projet de loi crée un conseil ministériel fédéral-provincial qui va fixer l'orientation générale de la gestion des programmes consacrés aux espèces en péril dans l'ensemble du pays, de façon à assurer une coordination efficace aux différents niveaux de gouvernement et à effectuer la surveillance des activités du COSEPAC. Les trois ministres compétents font partie de ce conseil, de même que les ministres concernés des provinces et des deux territoires.
Ils auront notamment pour tâche de fixer le mandat et les directives de fonctionnement du COSEPAC. En collaboration avec le COSEPAC, ils auront également pour responsabilité de définir les critères nécessaires à l'évaluation du statut des espèces pour déterminer, par exemple, si une espèce est en voie de disparition, menacée ou vulnérable. On aura ainsi des critères précis permettant d'affecter une espèce à l'une de ces catégories. Voilà pour une partie essentielle des dispositions du projet de loi.
Ils sont également chargés de collaborer à l'élaboration des plans de rétablissement. L'article 34 définit le rôle des ministres compétents dans la prise des arrêtés d'urgence, et le projet de loi définit des mécanismes qui permettront aux ministres de collaborer à cette fin.
Les articles 38 à 47 concernent les plans de rétablissement et leur mise en oeuvre. Le ministre compétent est le chef de file de l'élaboration du programme de rétablissement des espèces inscrites sur une liste qui relève de sa compétence. En principe, les ministres doivent collaborer avec les autres ministères fédéraux à l'élaboration de ces plans et à leur mise en oeuvre, mais le chef de file de l'élaboration de ces plans demeure le ministre compétent.
Par exemple, si des terres gérées ou administrées par Agriculture Canada abritent un oiseau migrateur - si ce sont, par exemple, des terres relevant de l'Administration du rétablissement agricole des Prairies - le ministre de l'Environnement sera le chef de file de l'élaboration d'un plan de rétablissement, qu'il préparera naturellement en collaboration étroite avec les fonctionnaires de l'ARAP et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, puisque le plan s'appliquera sur des terres dont ils ont la charge, et le chef de file s'assurera aussi la collaboration d'autres intervenants, notamment des fonctionnaires provinciaux et d'autres ministres.
Le projet de loi a été conçu de façon à tirer pleinement parti de la capacité législative du gouvernement fédéral. Les autres ministres ne vont donc pas uniquement invoquer cette loi lorsqu'ils voudront prendre des mesures de protection des espèces; ils pourront au contraire invoquer tous les pouvoirs que leur confèrent les autres lois du Parlement. Ainsi, le ministre des Pêches pourra se prévaloir des pouvoirs que lui confère la Loi sur les pêches pour mettre en oeuvre les mesures de protection requises par une espèce inscrite sur une liste aux termes de la loi.
Voilà; je voudrais maintenant céder la parole aux autres témoins, et vous laisser suffisamment de temps, car je sais que vous avez des questions à poser.
Le président: Merci, monsieur Curtis. Qui prend la suite?
M. Beaubier: Je me porte volontaire, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous remercie de nous donner l'occasion d'intervenir devant le comité. À titre d'information, j'aimerais faire un survol des responsabilités du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu'à l'égard des Autochtones, en rapport avec le projet de loi C-65.
Comme le comité a demandé que notre ministère délègue un représentant à ce comité, je m'en tiendrai aux responsabilités de notre ministère dans ces deux territoires. Ainsi, j'espère démontrer comment notre ministère pourra collaborer avec les ministres responsables du dossier sur la protection des espèces désignées en vertu du projet de loi C-65 comme vulnérables, en voie de disparition ou menacées.
Les lois appliquées par notre ministère régissant la gestion de l'environnement et des ressources dans le Nord englobent des responsabilités normalement dévolues aux provinces. Par conséquent, bien que nous soyons un ministère fédéral, nous sommes responsables de la gestion des minéraux, du pétrole et du gaz, de l'eau et des terres et, au Yukon, des forêts. En vertu de ces lois, nous prenons des décisions sur l'allocation de terres aux fins de l'exploration et du développement miniers et pétroliers, de l'aménagement des eaux, du dépôt de déchets ainsi que de l'abattage d'arbres au Yukon. Les mesures que nous adoptons peuvent avoir des conséquences directes pour le milieu naturel et la faune.
Notre ministère détient également la responsabilité de l'application de la Loi sur les Indiens, qui précise les rapports entre le gouvernement fédéral et les Autochtones. Les réserves indiennes sont des terres de la Couronne dont l'administration est confiée aux bandes, lesquelles ont le pouvoir de prendre des règlements administratifs portant sur la gestion des terres et des ressources.
Au sud du 60e parallèle, l'essentiel du territoire canadien tombe sous la responsabilité des provinces. Des offices de gestion existent dans le Nord. Dans le Sud, on recourt notamment à des ententes de cogestion. Elles sont utiles pour régler des différends au sujet de la mise en valeur des ressources. De plus, elles fournissent une occasion de tirer profit des connaissances des Autochtones au moment de prendre des décisions.
Le gouvernement fédéral préconise de telles ententes entre les Premières nations et les provinces et les territoires, et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, de concert avec d'autres ministères fédéraux, appuie plusieurs de ces ententes.
Les principales lois invoquées par notre ministère pour la gestion des terres et des eaux sont la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux du Yukon et la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. Ces lois sont ainsi faites qu'elles protègent les terres et les eaux des deux territoires.
En vertu de la Loi sur les terres territoriales, notre ministère peut réserver des terres pour en faire des parcs nationaux et ainsi protéger des zones écologiques importantes ou certaines espèces.
Citons en exemple le refuge de gibier Thelon, qui a été créé pour protéger la population de boeufs musqués dans le centre de l'Arctique à une époque où elle se trouvait en voie de disparition.
Grâce à la Loi sur les terres territoriales, on parvient à assurer provisoirement la protection des aires sélectionnées par Parcs Canada en vue de leur transformation en parcs nationaux.
Notre ministère est également chargé de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dans ces deux territoires. À cette fin, il collabore avec les autres ministères fédéraux, les gouvernements territoriaux et les groupes autochtones à l'analyse de l'utilisation des eaux et des terres.
Il s'inspire des observations de ces différentes parties au moment de décider s'il peut autoriser un projet ou adopter des mesures en vue de protéger le milieu naturel, dont la faune. Par exemple, il impose aux utilisateurs du sol des conditions qui les empêchent de perturber les espèces fauniques ou leur habitat.
Le règlement des revendications territoriales globales dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon donne lieu à la création de comités de cogestion de la faune et d'évaluation de l'environnement. Les ententes sur les revendications ont été constitutionnalisées, de sorte qu'elles l'emportent sur d'autres textes législatifs en cas de conflit.
Les organismes chargés de l'évaluation de la faune et de l'environnement sont les principaux instruments de gestion de la faune et de l'environnement sur le territoire visé par une entente de règlement des revendications territoriales. Ainsi, c'est à eux que s'en remettent notre ministère et les autres ministères fédéraux et territoriaux pour la gestion des terres, des eaux et de la faune, notamment pour la protection de la faune et du milieu naturel.
Voici en conclusion quelques observations.
Les lois de notre ministère sur les ressources et sur l'environnement dans le Nord peuvent servir à compléter le projet de loi C-65. Nous aimerions éviter les doubles emplois réels ou apparents dans la réglementation des activités s'exerçant dans les deux territoires.
Grâce à un partenariat avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le gouvernement des territoires et les comités de gestion de la faune, le ministère de l'Environnement sera en mesure d'appliquer cette nouvelle loi dans les deux territoires.
Des Premières nations et des groupes autochtones ont prétendu que ce projet de loi porte atteinte aux droits issus des traités et aux ententes sur les revendications territoriales. Le gouvernement ne peut ignorer ces droits, et l'inclusion dans le projet de loi d'une disposition garantissant les droits acquis assure leur reconnaissance par le gouvernement. En outre, le statut spécial dont jouissent les Autochtones a été souligné par l'arrêt Sparrow, qui précise la nature des responsabilités fiduciaires du gouvernement.
Voilà qui met un terme à mon intervention. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Beaubier.
Qui prend la suite?
M. Porter: Je me porte volontaire, monsieur le président. J'ai un très court exposé à vous soumettre.
Les parcs nationaux du Canada ont été créés dans le but essentiel de préserver l'environnement naturel. Ce mandat a été précisé lors de la modification de la Loi sur les parcs nationaux en 1988. En particulier, la loi impose la préservation de l'intégrité écologique dans les parcs nationaux. La préservation de cette intégrité écologique exige la protection des espèces indigènes de chaque parc.
Les mesures nécessaires à la protection des espèces dépendent parfois de certaines pratiques de gestion des ressources à l'extérieur des parcs nationaux. C'est pourquoi la LPEPC et la législation complémentaire des provinces et des territoires renforcent le mandat des parcs nationaux en matière de protection des espèces et de rétablissement des espèces en péril.
Depuis 1986, Parcs Canada applique une directive sur les espèces en péril. Aux termes de cette directive, les parcs nationaux reconnaissent toutes les désignations d'espèces en péril faites par le COSEPAC ou par une province ou territoire. En reconnaissant ces désignations chaque parc national doit veiller à intégrer l'information sur les espèces en péril dans l'élaboration de ses plans de gestion des ressources.
Par conséquent, dans la mesure où la protection des ressources et la préservation de l'intégrité écologique constituent le principal mandat des parcs nationaux, la Loi sur la protection des espèces en péril ne leur impose rien de nouveau. En revanche, elle devrait favoriser des partenariats plus efficaces en matière de protection de la faune; c'est pourquoi nous y sommes favorables.
Merci.
Le président: Monsieur Porter, est-ce que cela met un terme à votre exposé?
M. Porter: Oui, monsieur le président.
Le président: Merci.
M. Doubleday: Monsieur le président, je n'ai pas de déclaration à faire au cours de cette séance. Vous vous souvenez que j'en ai fait une lors de ma comparution d'avant Noël.
Le président: Voulez-vous, s'il vous plaît, nous rappeler ce que vous avez dit lors de cette séance?
M. Doubleday: Pour l'essentiel, le ministère des Pêches et des Océans approuve la LPEPC. Nous considérons cette loi comme un complément de la Loi sur les pêches et de la nouvelle Loi canadienne sur les océans en ce qui concerne la protection des espèces en péril.
J'ai également indiqué qu'il est important d'énoncer des critères pertinents d'inscription sur les listes des espèces en péril; ces critères devront tenir compte de la dynamique des écosystèmes marins. J'ai donné quelques exemples des problèmes que risquent de poser les critères récemment adoptés par l'Union mondiale pour la nature.
Le président: Est-ce que, pour la première fois, votre ministère aurait modifié la législation dont il est responsable? Avez-vous modifié la Loi sur les océans et la Loi sur les pêches?
M. Doubleday: La Loi sur les pêches est en cours de modification actuellement.
Le président: Est-ce que vous pouvez nous faire une mise à jour concernant les conséquences de ces changements pour le projet de loi C-65?
M. Doubleday: Les modifications les plus importantes de la Loi sur les pêches concernent l'habitat. Si vous voulez de l'information à ce sujet...
Le président: C'est précisément l'objet de la séance de ce matin.
M. Doubleday: ... je vais demander à M. Swanson, le directeur général de la Gestion de l'habitat et des Sciences de l'environnement, de venir à la table.
Le président: Invitez-le à s'approcher, s'il vous plaît. Ne pensez-vous pas qu'il aurait été normal de nous en parler spontanément, plutôt que d'attendre qu'on vous en fasse la demande?
Veuillez vous présenter, monsieur, s'il vous plaît.
M. Gerald Swanson (directeur général, Gestion de l'habitat et Sciences de l'environnement, ministère des Pêches et des Océans): Je m'appelle Gerald Swanson. Je suis directeur général de la Gestion de l'habitat et des Sciences de l'environnement au ministère des Pêches et des Océans.
Avant les vacances de Noël, le ministère a soumis à la Chambre des communes des projets de modifications de la Loi sur les pêches. Il s'agit d'une vaste refonte de cette loi. Les modifications en question sont toujours en délibération à la Chambre.
Je crois que les modifications auxquelles M. Doubleday a fait référence concernent les dispositions du projet de loi qui permettent au ministre des Pêches et des Océans de déléguer par voie d'entente certains des pouvoirs que lui confère la loi en matière d'habitat du poisson. À mon sens, ce sont là les changements les plus importants concernant le projet de loi dont vous êtes saisis.
Une voix: [Inaudible]
M. Swanson: Essentiellement aux autorités provinciales, aux ministres provinciaux.
Le président: Vous aiguisez notre appétit. Quelles sont les conséquences de ces délégations qui nous intéressent? Dans les provinces où nous avons tenu des audiences, les gens ont toujours l'impression que la Loi sur les pêches aura préséance sur la LPEPC, et les Canadiens s'en remettent donc à votre ministère pour la protection des espèces en péril. Quels effets vont avoir ces modifications? C'est là l'objet même de la présente séance. Nous voulons connaître exactement les pouvoirs législatifs de vos ministères respectifs.
M. Swanson: La Loi sur les pêches contient différentes dispositions qui, à mon sens, servent de complément au projet de loi que nous étudions maintenant. Il y a évidemment celles qui ont trait à l'établissement de quotas et à la fixation des saisons de pêche et au choix des engins de pêche - ce genre de choses dont on entend toujours parler quand on gère les pêches. Il y a aussi d'autres dispositions qui permettent au ministre de fixer des débits qui permettent de protéger les oeufs. Il peut ordonner la construction de passes à poissons ou d'écrans là où il y a des prises d'eau. Il y a aussi de très vastes pouvoirs de réglementation qui interdisent la destruction des habitats du poisson, et des dispositions qui ont trait aux interdictions relatives au dépôt de substances délétères dans les eaux où l'on pratique la pêche.
Ce sont là les dispositions qu'utiliserait le ministre à titre de complément des dispositions du projet de loi en ce qui concerne les espèces considérées comme en péril et pour lesquelles les plans de rétablissement s'imposent.
Le président: Le comité attend de vous une évaluation des effets qu'auront finalement ces modifications. Pouvez-vous nous exposer votre point de vue?
M. Swanson: Les modifications à la Loi fédérale sur les pêches?
Le président: Oui.
M. Swanson: Ce projet de loi contient diverses dispositions qui permettront au ministre compétent de conclure des ententes avec les autorités provinciales en ce qui concerne des plans de rétablissement. Il contient aussi des dispositions modifiant la Loi sur les pêches qui permettraient au ministre des Pêches et des Océans de déléguer aux autorités provinciales les nombreux pouvoirs qu'il détient en matière de protection des habitats du poisson. Il semblerait, bien que je n'aie pas eu l'occasion de consulter le ministre sur cette question précise, qu'il y aurait des liens certains entre la délégation des pouvoirs concernant les habitats du poisson et peut-être aussi les plans de rétablissement. Il semble que si l'on s'entendait pour conclure des ententes avec des gouvernements provinciaux en matière de plans de rétablissement pour des espèces aquatiques, les ministres des provinces pourraient plus facilement exécuter ces plans de rétablissement s'ils étaient aussi en mesure de compter sur les attributions conférées dans la Loi sur les pêches.
Le président: En somme, donc, pour aider le comité à comprendre quels seront finalement les effets, pouvez-vous nous dire s'il y aura un régime aussi solide que le régime actuel ou s'il sera plus faible? Il nous faut des conclusions de la part du ministère.
M. Swanson: Nous indiquons dans notre analyse des modifications à la Loi fédérale sur les pêches que dans de nombreuses régions du Canada nous n'avons pas les ressources voulues sur le terrain et que nous n'avons pour l'instant aucun mécanisme en place pour nous assurer qu'on respecte les politiques fédérales en matière de protection des habitats du poisson. Nous estimons qu'en concluant des ententes avec les provinces nous instaurons des mécanismes inspirés des politiques fédérales en matière de ressources halieutiques. Ces politiques viendraient étayer les dispositions du projet de loi visant l'établissement et l'exécution des plans de rétablissement.
Le président: Vous n'êtes pas sans savoir que dans certaines provinces la capacité sur le terrain, comme vous l'appelez, du côté des provinces, en raison des mises à pied et des compressions, diminuera considérablement, comme cela s'est passé du côté fédéral. Quel en sera l'effet net? Il nous faut cette information.
M. Swanson: Monsieur le président, le ministère des Pêches et des Océans est lui aussi touché par des compressions. J'hésite à fournir des pourcentages précis, mais les réductions sont importantes. À une époque où tous les gouvernements sont soumis à ce genre de restrictions, nous estimons que la mise en commun des ressources est un bon moyen d'exécuter nos programmes et d'en respecter les exigences.
Le président: Là n'est pas la question. Nous devons mettre nos ressources en commun. Le tout est de savoir si les ressources seront suffisantes une fois qu'elles auront été mises en commun.
M. Swanson: Eh bien, l'importance des ressources... S'il n'en tenait qu'à nous, nous souhaiterions tous avoir davantage de ressources. Nous tâchons de trouver des moyens de fonctionner efficacement en fonction des ressources allouées au ministère.
Le président: Je regrette, vous ne donnez pas l'essentiel. Cependant, je ne veux pas commencer la période de questions maintenant.
J'espérais simplement que vous étoffiez votre exposé à l'intention des membres du comité. Il est bien regrettable que vous n'ayez pas pu présenter un mémoire contenant une analyse des modifications. Ce n'est pas une façon très satisfaisante de traiter la question, étant donné que la Loi sur les pêches est essentielle pour assurer l'efficacité de la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada, comme vous le savez. C'est un domaine où tout est très flou, et nous ne savons pas exactement ce qui va se produire, et votre évaluation nous aurait été extrêmement utile. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas l'intention de traiter de ces questions maintenant.
Quelqu'un voudrait-il faire une autre intervention? Ce n'est pas un exposé très satisfaisant, je dois bien le dire.
Nous allons commencer la période de questions.
[Français]
Monsieur Canuel, s'il vous plaît.
M. Canuel (Matapédia - Matane): Je peux me tromper, mais je constate que c'est très complexe en ce sens qu'il y a beaucoup de capitaines sur le même bateau; quand il y a trop de capitaines, il est difficile de déterminer les responsabilités. Il y a l'Agriculture, l'Environnement, les Pêches, etc., et je dirais que même la Forêt a un mot à dire. En plus de tous les ministères fédéraux concernés, il y a les ministères de chacune des provinces, ce qui ne vient pas faciliter la tâche des capitaines de ce bateau.
Tout le monde est d'accord pour protéger les espèces et l'environnement. Compte tenu de cela, j'aurais une question à vous poser.
Ne devrait-on pas remettre aux provinces presque l'entière responsabilité de l'environnement? Si vous n'êtes pas d'accord sur cela, par quels moyens pourrait-on au moins simplifier les ententes fédérales-provinciales sur l'environnement?
[Traduction]
M. Curtis: Vous avez bien raison de dire que la situation est complexe.
Pour ce qui est du premier point, la plupart des textes législatifs qui concernent le gouvernement fédéral ont trait à des activités et à des responsabilités d'un grand nombre d'autres ministères. Je pense à la législation environnementale, à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il y a une responsabilité administrative qui est confiée au ministre de l'Environnement, et il y a des rôles et des attributions spécifiques pour tous les autres ministres de la Couronne. Cela fait partie de la législation; c'est ce qu'elle contient. Elle est ainsi conçue pour que chacun agisse de façon responsable. Je ne pense pas que le fait qu'il y ait ici plus d'un rôle constitue nécessairement une faiblesse ou un problème grave.
Pour ce qui est de votre question au sujet des provinces, je ne tiens pas vraiment à entrer dans ce débat, mais il y a une obligation de gérer des activités sur des terres fédérales et pour des espèces relevant de la compétence fédérale. L'objectif est de travailler en collaboration avec les provinces aussi, et la loi a été rédigée dans ce but. Elle fait pendant à l'Accord national sur la protection des espèces en péril au Canada qui a été négocié à Charlottetown le 2 octobre. Le tout consiste à travailler de façon complémentaire avec les provinces et à faire en sorte que les provinces assument leurs responsabilités pour leurs propres terres. C'est ça le Canada.
[Français]
M. Canuel: De temps en temps, les hauts fonctionnaires ou les ingénieurs disent que telles ou telles espèces sont en perdition ou qu'il faut couper les quotas. Des ingénieurs du secteur privé arrivent avec d'autres études et arrivent à des conclusions tout autres concernant ces mêmes espèces qui, selon vous, doivent être protégées. Je suis un profane dans le milieu des pêches et je me dis que le ministère doit avoir raison. Cependant, après quelques années, je m'aperçois que ce n'est pas toujours vrai et que dans le cas de certaines espèces, des erreurs ont été commises.
Après 10 années d'expertise, pouvez-vous nous dire si vous êtes fiers de vos études et, si oui, comment se fait-il qu'à certaines occasions elles aient été presque erronées?
M. Doubleday: Il existe toujours de l'incertitude dans les projections ayant trait au nombre d'espèces sauvages, surtout chez les poissons et les mammifères marins, et nous ne disons jamais que nos projections sont très précises. Nous tenons compte de cette incertitude dans notre système de conservation. Nous prenons des précautions pour nous assurer que les populations d'espèces sauvages perdurent malgré l'exploitation.
La détermination des espèces en danger et vulnérables vient du COSEPAC, qui examine les analyses de différents experts, pas seulement des experts de notre ministère.
Dans la plupart des cas, on n'a pas renversé les décisions même après avoir reçu des informations plus récentes par la suite. Je puis vous assurer que nous faisons de notre mieux avec ce qui est disponible.
Nous nous rendons compte de l'incertitude qui existe dans la conservation des ressources.
Le président: Merci, monsieur Canuel.
[Traduction]
Monsieur Knutson.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Monsieur le président, je vais poser aux témoins une question d'ordre général.
Quand, en 1993, j'ai été élu pour la première fois, l'un des mots à la mode à Ottawa était le «démêlement». C'était le résultat, je pense, d'un sentiment de frustration parce qu'il y avait trop de parts du gâteau ou trop de cuisiniers pour remuer la sauce... Je pourrais employer des centaines de métaphores, tout cela pour dire que nous faisons intervenir beaucoup trop de gens et que le grand public est très mécontent parce qu'on ne peut obliger personne à rendre des comptes. Voilà un texte législatif complexe, ou un texte législatif complexe qui fait partie d'un ensemble complexe d'attributions que nous déléguons aux provinces par voie d'ententes, ou que nous confions à différents ministères. En fin de compte, il n'y a personne pour dire: «C'est moi qui m'en occupe; c'est ma responsabilité.»
Ce principe du démêlement ne semble pas intervenir en l'occurrence. Je me demande si vous pourriez nous donner votre avis à ce sujet.
M. Beaubier: Je vais répondre en tenant compte de ce qui se passe dans le Nord.
Notre ministre est responsable, comme je l'ai dit dans ma déclaration, des terres et de l'environnement considérés de compétence fédérale et quasi provinciale dans le Nord.
Notre rôle en ce qui concerne notre texte législatif est un rôle de soutien; nous ne le concevons pas dans un esprit de concurrence. Il reviendrait aux organismes qui ont la responsabilité de la faune et des espèces en voie de disparition de faire des déclarations sur les risques que courent ces espèces, d'établir des plans et des stratégies en conséquence. Si cela supposait le retrait de terres ou la désignation spéciale de terres, il incomberait alors à notre ministre de procéder à ces désignations en vertu de la loi dont il doit assurer l'application. Mais cela se ferait dans un esprit de soutien plutôt que dans un esprit de primauté ou de concurrence.
M. Knutson: Laissez-moi vous donner un exemple. Nous avons entendu le témoignage de Shirley Adamson. Elle a beaucoup insisté sur le fait que son groupe n'a pas été consulté, et elle donnait au mot consultation le sens qu'il a en vertu de leur traité. En tant que parlementaire, je ne savais pas exactement qui avait la responsabilité de les consulter - était-ce le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord ou Environnement Canada? Elle a bien dit dans ses observations qu'elle n'appuyait pas le texte de loi parce que son groupe n'avait pas été consulté.
M. Beaubier: Les ententes auxquelles on en est arrivé dans le Nord au sujet des revendications territoriales sont des ententes auxquelles sont assujetties toutes les institutions du gouvernement fédéral.
M. Knutson: C'est juste.
M. Beaubier: Notre ministre a assumé un rôle de direction dans la formulation de ses ententes. Elles sont confirmées par le Cabinet et approuvées par le Parlement. Les ministères visés sont ensuite tenus de mener leurs affaires de manière à encourager l'exécution de ces traités et de ces ententes. Or, en l'occurrence, il est bien clair que le ministre qui met de l'avant un texte législatif, un changement de politique, doit assumer cette responsabilité.
M. Knutson: Si vous me permettez de changer de sujet pour un instant, je dirais que l'une des choses qu'on reproche fréquemment à ce projet de loi, c'est qu'il n'est pas allé assez loin pour protéger l'habitat essentiel. Nous avions recommandé des amendements au projet de loi, c'est-à-dire que nous avions suggéré d'inclure dans la définition d'habitat essentiel l'idée qu'il serait protégé.
Peut-être pourrions-nous commencer avec le ministère des Pêches et des Océans. Je présume que vous saviez ou deviez savoir ce qui allait arriver, que l'habitat essentiel serait l'un des sujets de discorde. Je me demande pourquoi on s'est montré hésitant à l'inclure dans le projet de loi.
M. Doubleday: Monsieur le président, je ne peux pas parler de l'hésitation à l'inclure dans le projet de loi. Tout ce que je peux dire, c'est qu'à notre sens, la Loi sur les pêches est complémentaire à la Loi sur la protection des espèces en péril au Canada, et les dispositions de la Loi sur les pêches s'appliquent plus généralement aux habitats du poisson et à d'autres espèces exploitables. Nous estimons donc que nous avons des pouvoirs qu'on peut utiliser à cette fin, pour protéger les espèces en voie de disparition et les espèces menacées.
M. Knutson: Alors vous ne savez pas pourquoi on a hésité à l'inclure dans la loi. Est-ce ce que vous dites? Vous ne pouvez pas vous prononcer ou vous ne savez pas?
M. Doubleday: Nous ne sommes pas le ministère directeur en ce qui a trait à ce texte législatif.
M. Curtis: Monsieur Knutson, vous avez étudié ce projet de loi en profondeur. Il s'y trouve des dispositions concernant l'habitat essentiel. Le terme est défini, et le COSEPAC est chargé de désigner les habitats essentiels. Dès lors, la mise en oeuvre d'un plan de rétablissement est une obligation et non pas simplement un objectif.
Il est vrai que l'habitat essentiel n'est pas inclus dans l'article portant sur les interdictions, celles qui deviennent exécutoires au moment de l'inscription sur la liste des espèces.
M. Knuston: Pourquoi?
M. Curtis: Eh bien, vous avez entendu différentes personnes se prononcer sur ce projet de loi depuis le début des discussions. Vous vous souviendrez, j'en suis sûr, que mardi dans cette même salle où nous nous trouvons, vous avez entendu des représentants du secteur de l'agriculture qui étaient très préoccupés par les effets que ce texte de loi pourrait avoir sur leurs activités. Leurs inquiétudes tiennent au libellé actuel de l'article sur les interdictions où il est question des activités qui nuisent directement aux espèces mêmes.
S'il y était question d'habitat essentiel, je pense qu'il y aurait beaucoup plus de protestations. Grâce au plan de rétablissement, on a l'occasion de faire appel à tous les intervenants à qui il incombe de prendre la décision qui s'impose quant aux mesures où doivent intervenir tous les intéressés et qui font que les ministres sont précisément responsables des décisions qu'ils prennent et des mesures qu'ils soutiennent. C'est vraiment ainsi qu'est conçu le projet de loi.
M. Knutson: De façon générale, il ressort en somme de l'examen de cette question, que nous avons d'une part une interdiction de détruire la résidence d'espèces, mais que nous n'avons pas interdit la destruction de l'habitat essentiel dans la disposition portant sur les interdictions. Ils estiment que selon les espèces particulières visées, parler de résidence peut être absurde. J'écoutais attentivement les témoignages des groupes d'agriculteurs, mais ils m'ont paru plus préoccupés par l'article 60, ce qui je pense est une erreur de leur part.
Ce que je dis en somme, c'est qu'il faut comprendre que bien des animaux n'ont pas de résidence à proprement parler, mais ont un habitat essentiel. Je me demande s'il ne vaudrait pas mieux protéger l'habitat essentiel.
M. Curtis: Évidemment, cette décision reviendra au comité. Je vous expose quant à moi le raisonnement qui sous-tend le libellé du projet de loi C-65.
M. Knutson: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne dites pas, mais j'ai le sentiment que cela tient davantage à des considérations d'ordre politique. Nous aurions suscité trop de protestations si le projet de loi avait inclus une interdiction de détruire l'habitat essentiel. Est-ce ce que vous voulez dire? C'est ce que j'ai cru deviner en vous écoutant.
M. Curtis: Le projet de loi C-65, tel qu'il est rédigé, est évidemment le reflet d'innombrables débats et discussions. Ce projet de loi a été présenté au Cabinet à trois reprises l'année dernière pour qu'on discute de l'un ou l'autre de ses aspects. Donc, oui, il y a là beaucoup de compromis, comme c'est le cas pour tout texte de loi. C'est l'art du possible, n'est-ce pas?
Je ne vois pas bien ce que vous essayez de me faire dire.
M. Knutson: Je n'essaie pas de vous faire dire quoi que ce soit. J'essaie simplement de comprendre cette hésitation à...
M. Curtis: Bien sûr qu'il y a des considérations d'ordre politique.
Le président: Monsieur Curtis, nous essayons simplement de vous amener à comprendre l'intérêt qu'il y a à se montrer franc et ouvert devant le comité.
M. Knutson: Le reproche qui revient sans cesse sur le plan environnemental c'est qu'il n'était pas vraiment censé ne pas protéger l'habitat essentiel avant le fait. Les plans de rétablissement viennent après le fait. Je prends note de vos observations, et je ne cherche pas vraiment à... Je ne connais pas la réponse. Je ne sais vraiment pas pourquoi il y a cette hésitation.
M. Curtis: L'outil de base qu'offre le projet de loi C-65 en ce qui a trait à l'inscription d'une espèce, c'est le plan de rétablissement. Celui-ci est censé constituer un processus inclusif où l'on établit quelles sont les mesures nécessaires pour régler les problèmes qu'on a relevés.
Les interdictions constituent plutôt quant à elles des mesures de protection intérimaires. Elles servent à faire en sorte que dès que l'on inscrit une espèce sur la liste, il soit automatiquement interdit de la tuer, de lui nuire, ou de la harceler - traitements qui sont les problèmes les plus flagrants et les plus évidents.
On peut débattre de la question de savoir si oui ou non cela devrait aussi inclure la protection de leur habitat essentiel, mais comme vous le savez, c'est une question beaucoup plus complexe. Quand le COSEPAC désigne une espèce, il ne va pas inspecter toutes les terres de tout le Canada pour établir où l'espèce vit. Il procède à un examen plus général et détermine que l'espèce X est en difficulté en raison de problèmes d'habitat qui tiennent soit à la disparition ou à la détérioration de la qualité de celui-ci. Il détermine les types d'habitat dont l'espèce a besoin, mais il ne produit pas de carte où il indiquerait, parcelle par parcelle et hectare par hectare, où ces espèces vivent. Pour établir dans le détail comment on protège effectivement une espèce sur le terrain, il faut déterminer où elle se trouve vraiment, et c'est par l'élaboration d'un plan de rétablissement qu'on peut tenir compte de ce genre de détails. Le COSEPAC ne pourrait s'occuper de tous ces détails.
Je rappelle donc que le plan de rétablissement est l'outil qu'il faut utiliser pour offrir les meilleures mesures de protection. Des règlements découleraient d'un plan de rétablissement, et naturellement une fois qu'un règlement est pris, il faut le respecter. C'est le modèle.
M. Knutson: Ce que j'ai retenu des interventions des témoins, c'était qu'étant donné qu'une grande partie des pouvoirs conférés par le projet de loi étaient de nature discrétionnaire, en raison de l'emploi d'expressions comme «peut prendre des règlements», il n'en résulterait pas nécessairement des mesures exécutoires. La loi n'oblige pas d'agir, même si une espèce est inscrite et que tout le monde sait qu'elle est en voie de disparition. Il pourrait toujours n'y avoir aucune protection de l'habitat essentiel et l'espèce pourrait finir par disparaître, non pas parce qu'on a agi illégalement mais simplement parce que son habitat essentiel a été détruit.
M. Curtis: Je ne tiens pas vraiment à en débattre, mais la plupart des lois canadiennes...
Le président: Excusez-moi. Il ne s'agit pas vraiment d'en débattre. M. Knutson essaie de comprendre - et cela nous intéresse tous - pourquoi le projet de loi emploie une formulation facultative plutôt qu'obligatoire. Pourquoi utilise-t-on surtout «peut» au lieu de «doit»? Pourquoi avez-vous décidé de rédiger le projet de loi de cette façon?
M. Curtis: C'est sans doute une question de point de vue. Beaucoup de gens nous ont fait savoir qu'il y avait trop de «doit» et que les approches inhérentes du projet de loi visaient trop souvent à interdire.
Comme j'ai commencé à le dire, la plupart des lois au Canada supposent la capacité d'adopter des règlements. Les ministres sont responsables et comptables de ces décisions d'une façon publique et ouverte. On a tort de se dire qu'ils ne prendront jamais la bonne décision. Ce projet comporte de nombreuses dispositions qui prévoient des inscriptions détaillées dans un registre public et la reddition de comptes. L'inaction comporte de grands risques sur le plan politique et c'est ainsi qu'il faut voir le projet de loi. Par ailleurs, ce n'est pas moi qui décide de la formulation à employer dans les lois au Canada. La plupart des lois utilisent «peut» et prévoient la prise de règlements. Lorsqu'il est question de pouvoir de réglementation, il est rare que l'on utilise «doit».
M. Knutson: Je ne tiens pas vraiment à en débattre non plus. Tous ce que je tente de faire, c'est présenter, d'une façon générale, certaines préoccupations particulières afin de les mieux comprendre. La semaine prochaine, comme parlementaire, je vais devoir décider quels amendements je proposerai éventuellement. Je n'ai aucun autre motif, je veux simplement comprendre, dans l'ensemble, pourquoi on utilise certains mots et pas d'autres.
Une dernière chose, cependant. Je pense que les groupes environnementaux considèrent que le projet de loi a été conçu pour faire face à une situation de crise. Il ne s'agit pas de réglementer les marchés financiers, où on voudrait sans doute mettre l'accent sur l'efficience et des choses semblables. Ce projet de loi a été conçu après toute une série d'échecs. Quand on considère que c'est peut-être la dernière chance pour l'animal ou les animaux, ces groupes estiment que cela aurait peut-être un peu plus de poids si on avait utilisé «doit» au lieu de certains «peut».
Maintenant, puisque vous êtes ici, monsieur Porter, je vais passer du général au particulier. Au cours de quelques témoignages, on nous a dit que l'ours grizzli ne se portait pas très bien dans le parc national de Banff. Par exemple, les femelles ne traversent pas la Transcanadienne et l'aménagement incessant du parc va nous faire perdre cette population de grizzlis.
Pouvez-vous me dire quelque chose qui pourrait me rassurer quant au sort des grizzlis.
M. Porter: Je l'espère. Vous savez sans doute depuis vos voyages dans l'Ouest que l'étude de Bow Valley est terminée. Il s'agit d'une étude de deux ans, effectuée par un groupe très spécialisé qui a tenu de nombreuses séances publiques. On y trouve environ 500 recommandations, y compris plusieurs que mon ministre s'est engagé à mettre en oeuvre immédiatement, visant surtout à créer des couloirs naturels pour les grands carnivores et les ongulés. Il a fallu prendre des décisions difficiles, notamment l'élimination d'une piste d'atterrissage, d'un camp de cadets, d'un enclos à bisons, d'enclos de chevaux, etc, pour recréer un couloir à l'intention de ces animaux.
Nous sommes particulièrement préoccupés par le grizzli. Depuis plusieurs années, nous participons à des recherches de pointe afin de comprendre le problème. Il y a deux grandes études en cours, qui portent sur Banff, pour l'instant, soit les projets de recherche sur les grizzlis de la pente est et de la pente ouest. Nous travaillons avec les provinces, quelques universités et quelques groupes de bénévoles, en utilisant les nouvelles techniques de l'ADN pour déterminer les caractéristiques génétiques des différents ours dans cette région afin de définir les unités que nous devrons gérer.
Nos travaux dépassent les frontières du parc. En fait, les deux études portent sur un territoire d'environ 60 000 kilomètres carrés. Nous nous conformons ainsi aux directives découlant des modifications apportées à la loi en 1988 pour assurer le maintien de l'intégrité écologique et aux changements de politiques que nous avons déposés au Parlement il y a environ deux ans afin de pouvoir travailler à l'extérieur de nos frontières grâce à ce que nous appelons la gestion fondée sur l'écosystème, c'est-à-dire que nous reconnaissons que nous ne pouvons pas tout contrôler à partir du parc.
Le territoire du parc de Banff et celui des quatre parcs de montagne contigus ne sont tout simplement pas suffisants pour soutenir seuls une population viable de grizzlis. Il nous faut travailler avec d'autres ailleurs. Dans ce contexte, la LPEPC, si elle était déjà en place, nous aurait été extrêmement utile et nous aurait permis d'être un peu plus avancés que nous ne le sommes.
M. Knutson: Même si dans le cas des ours grizzlis, les provinces n'y sont pas visées.
M. Porter: Le projet de loi offre la possibilité de partenariats et de lois complémentaires.
M. Knutson: En effet.
M. Porter: À mon avis, même si la nouvelle loi nous force à planifier différemment...
M. Knutson: En collaboration.
M. Porter: ... oui, en collaboration - en dernière analyse, la procédure est moins lourde. Les directives sont claires. Au départ, nous n'avons pas à négocier qui fait quoi, qui paie quoi. Nous avons nos instructions, nous pouvons donc nous y mettre.
M. Knutson: Je déplore la quantité de travaux d'aménagement dans le parc national de Banff. À titre de simple citoyen, j'estime que toute cette activité va sonner le glas des grizzlis - bien que je concède qu'ils ont tendance à vagabonder. Puis-je me prévaloir des dispositions de cette loi afin de faire cesser l'aménagement en invoquant la protection de l'habitat essentiel? Par exemple, si nous détruisons l'habitat essentiel, nous allons détruire l'ours. Si nous construisons un trop grand nombre de routes, les ours qui n'aiment pas ces routes, ne les franchiront pas.
Existe-t-il dans ce projet de loi un moyen dont je puisse me prévaloir pour forcer le gouvernement à faire quelque chose qu'il ne souhaite peut-être pas faire?
M. Porter: Si nous étions obligés de mettre en place un plan de rétablissement - et je vais demander à Steve de vous en dire plus long car il connaît mieux cet aspect - , le projet de loi prévoit des mesures qui permettent au public ou à des particuliers d'intervenir.
Je pense que les pouvoirs généraux dans la Loi sur les parcs nationaux offraient probablement cette possibilité aussi. Nous disposons - et le président le sait fort bien puisque c'est lui qui a parrainé ces amendements en 1988 - , aux termes de cette loi, de pouvoirs assez généraux nous permettant d'intervenir pour maintenir l'intégrité écologique des parcs nationaux. Il s'agit d'un mandat global qui vise le sol, l'eau, tout le contexte biophysique du parc, y compris la faune. À vrai dire donc, il y aurait cela.
Steve aimerait peut-être ajouter quelque chose.
M. Curtis: Je pense que c'est là un bon résumé. Si le COSEPAC inscrit le grizzli sur la liste, vu le nombre de grizzlis dans le parc de Banff, il faudrait certainement modifier la gestion du parc. Je pense que Michael vous l'a déjà expliqué.
M. Knutson: Mon temps doit maintenant être écoulé. Je vais céder ma place et m'inscrire au deuxième tour.
Le président: Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): J'ai demandé aux témoins de ce matin s'ils allaient nous fournir copies de leurs mémoires. Il nous serait très utile des les avoir sous les yeux de façon à pouvoir les lire lorsque nous examinerons les amendements la semaine prochaine.
J'aimerais revenir à la question de la Loi sur les pêches et à la délégation de certaines responsabilités aux provinces. Vous devrez me pardonner, mais j'essaie toujours de comprendre exactement ce qui se passe ici. Si j'ai bien compris, l'application et la surveillance sont déléguées aux provinces. Je me demande si autre chose a été délégué aux provinces. Je veux comprendre comment, si nous devons négocier avec les provinces, nous allons pouvoir maintenir un contrôle suffisant, au palier fédéral, pour gérer l'habitat, surtout aux termes des dispositions de la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.
M. Swanson: Peut-être puis-je tenter de répondre à votre question.
Le gouvernement fédéral a conclu des ententes il y a de nombreuses années avec plusieurs gouvernements provinciaux en vue de la gestion de la pêche. Dans le cas des provinces des Prairies, ces ententes remontent aux années 30. Dans le cas de l'Ontario et du Québec, elles remontent encore plus loin. Dans les régions côtières, où le poisson compte sur un environnement d'eau salée et d'eau douce pour son habitat, le gouvernement fédéral continue à participer activement à la gestion de la pêche.
Au fur et à mesure que ces ententes ont été négociées avec les gouvernements provinciaux, elles ont été accompagnées des pouvoirs de mise en oeuvre prévus dans la Loi sur les pêches. J'ajouterai que vu l'ancienneté de plusieurs de ces ententes, les documents officiels qui mentionnent la nature exacte des ententes sont difficiles à retracer. Toutefois, en Ontario par exemple, l'application de la Loi sur les pêches relève de la province de l'Ontario aux termes d'une entente de longue date.
Au milieu des années 70, des modifications à la Loi sur les pêches renforçaient les dispositions sur l'habitat du poisson. C'est plus ou moins à cette époque que l'on a créé le ministère des Pêches, distinct du ministère de l'Environnement. Au cours des années 80, nous avons supposé que ces dispositions étoffées demeuraient de compétence provinciale. Cette position ou cette impression a évolué vers la fin des années 80, lorsque plusieurs actions ont été intentées sur des questions d'évaluation environnementale - l'ancien décret PEEE que vous connaissez, j'en suis persuadé.
Dans une affaire, il est ressorti clairement que seuls le ministre des Pêches et des Océans ou ses fonctionnaires possédaient le pouvoir d'autoriser la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson. Il en était ainsi malgré les ententes de longue date avec de nombreux gouvernements provinciaux en vertu desquelles ces derniers administraient toutes les dispositions de la Loi sur les pêches. À cause de ces ententes, le ministère fédéral ne possédait pas l'effectif voulu, sur place, pour appliquer la Loi sur les pêches.
Dans ce contexte, nous avons commencé à chercher quelles ententes administratives ou juridiques pourraient remédier à la situation. Ainsi, nous avons présenté un projet de loi en Chambre, avant Noël, afin de modifier la Loi sur les pêches. On y trouve des dispositions qui permettraient au gouvernement fédéral de déléguer aux gouvernements provinciaux certains des pouvoirs qu'ils ne possèdent pas actuellement.
Mme Kraft Sloan: C'est aux termes de la LCEE, n'est-ce pas?
M. Swanson: En effet. L'un des pouvoirs que nous songeons actuellement à transférer se trouve au paragraphe 354(2) de la Loi sur les pêches. Si le projet de loi est adopté, certains des pouvoirs aux termes du paragraphe 35(2) seront délégués aux gouvernements provinciaux.
Le projet de loi comporte une autre disposition cependant qui prévoit que dans le cas de certains projets, il faudra obtenir obligatoirement un permis du gouvernement fédéral. Cette disposition n'existe pas actuellement. La présente Loi sur les pêches n'oblige pas d'obtenir au préalable un permis du gouvernement fédéral pour entreprendre un projet qui pourrait détruire l'habitat du poisson. Donc cette disposition confie un rôle supplémentaire au gouvernement fédéral.
Pour d'autres projets, s'il nous est possible de conclure des ententes de délégation avec les gouvernements provinciaux, nous envisageons le faire de façon à ce que les gouvernements provinciaux exercent les pouvoirs délégués conformément aux politiques et procédures autorisées par le ministre des Pêches et des Océans.
Ce projet de loi prévoit également le pouvoir de conclure ces ententes. Je n'ai participé à aucune discussion avec les représentants provinciaux sur ces ententes, mais je peux affirmer que les dispositions de la Loi sur les pêches vont certainement faciliter le fonctionnement des plans de rétablissement si leur exécution est déléguée aux gouvernements provinciaux aux termes de la Loi sur les pêches.
Mme Kraft Sloan: Excusez-moi, je ne comprends pas. Vous parlez de pouvoirs délégués aux provinces. Celles-ci participeraient à l'élaboration des plans de rétablissement et nous allons céder ce pouvoir?
M. Swanson: Je pense que deux dispositions du projet de loi nous intéressent ici. D'abord, la disposition qui confère au ministre responsable le pouvoir de conclure des ententes avec les responsables provinciaux. La deuxième disposition précise que le ministre responsable peut avoir recours aux pouvoirs que lui confèrent d'autres lois afin de promouvoir les principes ou les dispositions de ce projet de loi. J'ai l'impression qu'il y a des liens entre ces dispositions si nous déléguons ces pouvoirs, aux termes de la Loi sur les pêches, aux gouvernements provinciaux.
Mme Kraft Sloan: Pardonnez-moi si je semble un peu perdue ici. D'après moi, lorsque l'on cède quelque chose, on perd un certain contrôle et je ne vois pas comment la LPEPC s'en trouvera renforcée.
M. Swanson: Comme je l'ai dit, je n'ai pas participé à de telles négociations et à ma connaissance, il n'y a pas de propositions de délégation ou d'entente avec les gouvernements provinciaux. Je dis simplement que si de telles ententes étaient conclues - si nous, au ministère des Pêches et des Océans, concluons des ententes avec les gouvernements provinciaux afin de céder les pouvoirs prévus aux termes de la Loi sur les pêches - , le ministre provincial pourrait se prévaloir de ces pouvoirs s'ils étaient utiles pour mettre en place des plans de rétablissement ou toute autre chose prévue par la LPEPC.
Mme Kraft Sloan: Merci.
Le président: Vous dites bien «pourrait se prévaloir». Toute la question est de savoir si la volonté politique est là, n'est-ce pas?
M. Swanson: Excusez-moi - si nous concluons des ententes avec les gouvernements provinciaux?
Le président: Non. Les provinces pourront se prévaloir des pouvoirs qui leur ont été délégués - et je dis: à condition d'avoir la volonté politique de les utiliser. Là est toute la question, n'est-ce pas?
M. Swanson: Les propositions prévoient des mécanismes de reddition de comptes puisque nous voudrons nous assurer que les ententes se conforment aux politiques fédérales. Évidemment, seul le temps nous dira si c'est efficace ou non. Nous mettons en place les mécanismes qui permettront de répondre au genre de préoccupations que vous soulevez.
Le président: Merci. Madame Kraft Sloan, est-ce tout?
Mme Kraft Sloan: Oui.
Le président: Madame Payne.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Merci, monsieur le président.
Monsieur Swanson et monsieur Doubleday, compte tenu des modifications que vous avez mentionnées, à la Loi sur les pêches, existera-t-il toujours des lacunes ou des chevauchements dans ce projet de loi?
M. Doubleday: Voilà, monsieur le président, une question difficile. Comme je l'ai déjà dit, nous considérons que la Loi sur les pêches et la LPEPC se complètent dans le cas des espèces aquatiques. Ce ne sont pas des mesures identiques. On trouve dans la Loi sur les pêches des pouvoirs qui ne figurent pas dans la LPEPC et vice versa.
Mme Payne: Je le sais, oui.
M. Doubleday: On pourrait donc prétendre que de ce point de vue, il y a lacune, mais ce n'est pas ainsi que nous envisageons la chose.
Mme Payne: Ce que je veux vraiment savoir, c'est si ces deux lois se complètent et ont une portée suffisante pour faire ce qui doit être fait, du moins du point de vue du ministère des Pêches? Je songe essentiellement à la protection des espèces en voie de disparition et de leur habitat.
M. Doubleday: Je comprends. Ces deux lois offrent un ensemble solide de pouvoirs aux ministres responsables. Quant à savoir si on pourra se prévaloir de ces dispositions, de façon efficace, dans toutes les situations, voilà autre chose.
Dans le cas de certaines espèces désignées en voie de disparition ou menacées - il y en a à l'occasion dans les Grands Lacs - , quant à savoir si on peut empêcher qu'un individu soit tué, par accident, à cause d'une autre activité autorisée aux termes de ces dispositions, j'en doute. Je pense que ces dispositions réussiront à empêcher les activités planifiées délibérément qui auraient une incidence sur le poisson ou son habitat. Mais je doute fort qu'un cadre législatif, quel qu'il soit, puisse assurer une protection à 100 p. 100.
Mme Payne: La Loi sur les pêches contient-elle des dispositions qui permettraient à un citoyen de prendre des mesures ou de porter plainte s'il a l'impression que le gouvernement ne fait pas ce qu'il devrait faire, soit en vertu de la loi, soit autrement?
M. Doubleday: Je ne peux pas vous donner une réponse catégorique, mais je ne le crois pas.
Mme Payne: Je suis certaine que vous savez pourquoi cela me préoccupe, et c'est notamment à cause de la situation de la pêche côtière et des problèmes actuels relativement à la pêche à la morue. Nous essayons de blâmer tout le monde, mais comme vous l'avez dit tantôt, personne ne veut s'avouer responsable et j'imagine qu'il y a bien plus d'un groupe à blâmer.
L'une des choses qui sont arrivées au début des années 80, et je regardais justement un vidéo remis par votre ministère au FRCC à l'époque où l'on faisait les études, c'est que le ministère avait reçu un certain nombre de plaintes relativement à la baisse des stocks de morue et que les scientifiques avaient effectivement signalé au gouvernement fédéral que les stocks étaient à la baisse, mais cela n'a pas empêché une augmentation des quotas. C'était une situation épouvantable. Nous augmentions nos quotas en même temps que nos stocks baissaient rapidement.
Il y a maintenant une interruption dans la chaîne alimentaire. La pêche au capelan est à la baisse. Même si l'on nous dit qu'il y a encore beaucoup de capelan, ceux qui font la pêche nous disent que ce n'est pas le cas. On constate aussi la même chose pour le calmar, même si le calmar est sans doute une espèce cyclique, comme le capelan, j'imagine. Les stocks de calmar baissent dans certains secteurs.
Si je m'interroge quant à la possibilité de forcer le gouvernement à donner suite aux recommandations de groupes quelconques, c'est parce que, dans bien des cas, le gouvernement hésite à faire le nécessaire pour diverses raisons. Je voudrais donc savoir s'il existe une disposition ou s'il peut y en avoir une qui permette de protéger certaines espèces ou certains habitats.
M. Doubleday: C'est une affirmation assez générale. Tout d'abord, je vous signale que les quotas, surtout pour la morue, ont été réduits de façon assez systématique à compter de 1988 environ.
Mme Payne: C'est exact, mais les stocks étaient à la baisse bien avant.
M. Doubleday: Je ne pense pas que ce soit vraiment évident.
Cela fait au moins six ou sept ans que le taux d'exploitation des stocks de capelan a été très faible. Le taux d'exploitation n'est que de quelques points de pourcentage et la pêche n'est donc pas un facteur important dans les fluctuations des stocks de capelan. Auparavant, la pêche au capelan était beaucoup plus importante et représentait plusieurs centaines de milliers de tonnes. Depuis cinq ans, cependant, les prises n'ont pas dépassé 50 000 tonnes. Le taux d'exploitation est donc très faible.
Pour ce qui est des moyens dont disposent les citoyens s'ils ont l'impression que le gouvernement ne protège pas bien les ressources halieutiques, je signale qu'ils peuvent toujours porter plainte. Ils peuvent se plaindre auprès du ministre. On répond et l'on prend au sérieux chaque lettre que reçoit le ministre. Cependant, il n'existe pas de dispositions... Ou plutôt, j'imagine qu'il y en a. Je ne suis pas avocat. Dans quelques rares cas, j'ai eu connaissance qu'on avait recours à la procédure de mandamus, selon laquelle on affirme qu'un ministre n'a pas rempli les fonctions de son poste. Si je ne m'abuse, cette disposition existe dans toutes les lois et non seulement dans la Loi sur les pêches. Il y a déjà eu quelques poursuites en vertu de ce principe de mandamus, mais certains membres du comité sont sans doute plus au courant que moi de cette question.
Mme Payne: Monsieur le président, une telle possibilité ne suffit pas vraiment pour faire le nécessaire. Je n'ai pas l'impression qu'il y a beaucoup de citoyens qui vont avoir recours à ces procédures si la loi ne contient pas de disposition précise que les syndicats et autres associations de pêcheurs connaissent très bien. Je m'en tiendrai là, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Payne. Monsieur Steckle.
M. Steckle (Huron - Bruce): Merci, monsieur le président. Je vais poursuivre dans la même veine que ma collègue, Mme Payne.
Le projet de loi pourrait être et sera sans doute très controversé et il sera vu de diverses façons par différentes personnes. Je voudrais revenir un peu en arrière, peut-être même avant 1988, comme l'a fait Mme Payne. À cause de ce qui s'est passé dans l'industrie de la pêche jusqu'ici, nous voudrions tous faire mieux à l'avenir. D'abord, on a permis que les stocks d'une espèce particulière diminue au point où l'on doive prendre des mesures draconiennes pour la protéger. À cause de ces mesures draconiennes, le Trésor fédéral a subi de lourdes pertes.
Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter l'expérience trop souvent. Il n'y aura peut-être jamais une autre situation qui exigera des mises de fonds comme celles que nous avons dû injecter dans l'industrie de la pêche. Nous ne pourrions probablement jamais instaurer un autre plan d'adaptation qui coûte aussi cher.
Ma question est celle-ci. Si les scientifiques faisaient bien leur travail et si les responsables s'appuyaient sur les données scientifiques pour prendre leurs décisions, est-ce que ce sont les scientifiques qui se trompaient? Si l'on ne se fondait pas sur les données scientifiques disponibles, à quoi servaient ces données si nous ne comptions pas nous en servir? Est-ce parce que les décideurs politiques ne voulaient pas faire face à la réalité? Les pressions exercées par l'industrie étaient-elles plus fortes que la volonté du gouvernement de l'époque? Pourquoi nous sommes-nous mis dans un tel pétrin au départ?
M. Doubleday: Monsieur le président, comme vous le savez sans doute tous, la question n'est pas simple. La dernière fois que j'ai témoigné devant le comité, j'ai parlé du comité Harris, un groupe d'éminents experts qui avaient examiné les données scientifiques sur les stocks de morue du Nord en 1989 et 1990. Ce comité a effectué ses recherches à ce moment-là. J'ai remis un exemplaire de son rapport au comité.
Essentiellement, l'évaluation scientifique de l'état des stocks de la morue du Nord a changé de façon dramatique en 1989 quand on a pour la première fois utilisé des relevés des navires de recherche pour évaluer l'abondance de la ressource au lieu des taux de prises des navires commerciaux. Nous ne pouvions pas utiliser les relevés des navires de recherche au début des années 80 parce qu'il fallait accumuler une série de données avant de pouvoir s'en servir. C'est seulement en...
M. Steckle: Je voudrais un éclaircissement, monsieur le président.
Quand vous parlez d'accumuler une série de données, que voulez-vous dire au juste?
M. Doubleday: Nous faisons un relevé annuel dans le secteur où l'on retrouve la morue du Nord, à partir de Hamilton Inlet jusqu'à la moitié environ des Grands Bancs. Nous prenons environ 400 échantillons au moyen d'un chalut de fond pour évaluer l'abondance et la composition du poisson, surtout de la morue, mais aussi d'autres espèces.
Si je ne m'abuse, nous avons fait un relevé complet pour la première fois dans le secteur en 1980 et il a donc fallu un peu de temps pour accumuler une série de données utilisables pour calibrer nos évaluations d'abondance. C'est seulement en 1988 que nous nous sommes rendu compte que les résultats du relevé ne concordaient pas avec les taux de prises commerciales. Nous n'avons pas pu en venir à une conclusion ferme en 1988 et c'est donc seulement au début de 1989 que les scientifiques ont décidé que les conclusions du relevé de recherche étaient celles auxquelles on devait se fier.
À cause de cela, il a fallu réviser à la baisse les évaluations d'abondance. Cela ne voulait pas dire que les stocks étaient en train de s'effondrer, mais simplement que les stocks avaient cessé d'augmenter et étaient moins importants qu'on ne le pensait auparavant. À l'époque, le taux d'exploitation était plus élevé que prévu. Il était de 40 p. 100 environ plutôt que de 20 p. 100.
Le groupe Harris a examiné toutes ces données et décidé que c'était la meilleure façon d'interpréter la situation. Il a donc recommandé qu'on réduise le taux de récolte graduellement sur un certain nombre d'années pour en arriver au taux de récolte cible. Le gouvernement a donc décidé de réduire graduellement les quotas pour atteindre cet objectif.
Par la suite, les résultats du relevé au chalut ont commencé à baisser de façon abrupte. En 1991, 1992 et 1993, notre indice de relevé a baissé très rapidement et de façon tout à fait imprévue. À la même époque, le taux de prises de la pêche commerciale a aussi baissé rapidement et de façon imprévue. Quand on a constaté ces baisses, on a pris des mesures draconiennes. D'abord, en février 1992, on a fermé la pêche côtière et, vers le 1er juillet, on a fermé entièrement la pêche à la morue.
Je souligne que le relevé effectué au moyen du navire de recherche a continué à indiquer une baisse après la fermeture de la pêcherie. Il y a donc lieu de croire que la mortalité n'était pas le seul fait de la pêche. La pêche constitue cependant un facteur important dans le déclin.
Si l'on se reporte vers la fin des années 80, les évaluations scientifiques ont changé, mais le changement n'était guère spectaculaire. Ensuite, au début des années 90, tout indiquait que le stock subissait un déclin très rapide et c'est alors qu'on a pris des mesures draconiennes.
Les évaluations scientifiques ne sont jamais parfaites, mais en 1989 il y a eu une deuxième étude importante et indépendante et on nous a dit qu'on ne pouvait guère faire mieux avec les données dont on disposait. C'est seulement deux ans plus tard, vers la fin de 1991 ou en 1992, que les industries ont entamé un déclin rapide. À ce moment-là, on a pris des mesures draconiennes.
Une partie de votre question porterait sur...
Le président: J'aimerais intervenir un instant, monsieur Steckle, pour renchérir sur ce que disait M. Doubleday, car, à mon avis, c'est très important.
D'après les chiffres de Statistique Canada, pendant les années 70, la prise annuelle moyenne était de quelque 650 000 tonnes métriques. Pendant les années 80, la prise chutait déjà à quelque 250 000 tonnes métriques. On peut donc déjà constater une chute importante des prises en comparant ces deux décennies avant même que ne soient entreprises les études du Dr Harris à l'Université Memorial.
Il faut voir les choses à plus long terme, c'est-à-dire pendant une période de pêche beaucoup plus longue, par rapport à une méthode qui n'aurait révélé le problème que vers la fin des années 80. Le problème se situe au niveau des prises énormes des années 70 qui étaient de trois fois supérieures à ce que l'on a pris pendant les années 80.
Continuez, s'il vous plaît.
M. Doubleday: Oui, le président a tout à fait raison. L'histoire de la pêche de la morue du Nord remonte plus loin. En réalité, je crois que le maximum des prises s'est produit en 1968, c'est-à-dire juste un peu plus tôt. À ce moment-là, le gros de la pêche se faisait par des flottilles étrangères. Le stock et les prises ont chuté très rapidement. Le creux de la vague s'est produit en 1976 et c'est alors qu'on a mis en place un régime de quotas très restrictif. Il y a eu augmentation graduelle de 1978 environ jusqu'à 1983; pendant la décennie 1980, on a atteint une vitesse de croisière qui se situait aux environs du tiers du maximum atteint pendant les années 60.
Je souligne aussi que les stocks de morue, en général, ont été généreux pendant les années 60. À l'ouest du Groenland, on a connu des pêches énormes de l'ordre de 300 000 tonnes par année. Les stocks étaient aussi très abondants dans les eaux du Nord, par exemple au large de l'Islande et de la Norvège. Il y a lieu de croire que la morue avait une meilleure capacité de reproduction pendant les années 60 et que cette situation est liée à des changements dans le climat océanique de l'Atlantique septentrional.
Néanmoins, il y a eu une diminution très substantielle des stocks de morue du Nord et de ces autres stocks principaux; ce phénomène s'est produit parallèlement à une forte augmentation de l'effort de pêche à partir des années 60, puis il y a eu un déclin à l'époque des nouvelles limites des eaux territoriales en 1977. Après un premier regain, la morue du Nord s'est un peu stabilisée dans les années 80 pour chuter encore une fois par la suite.
M. Steckle: Si j'ai posé cette question c'est parce que je croyais qu'on pourrait tirer une leçon de cette expérience, que la science appliquée, si elle est réaliste, peut s'appliquer de façon à ce que nous ne nous trouvions pas... Une espèce perdue ne reviendra jamais. J'espère que cette loi que nous voulons adopter - nous allons y travailler encore la semaine prochaine - tiendra compte de cette connaissance qui est fondée à la fois sur la science et sur les connaissances traditionnelles et locales.
Peut-être ai-je mal formulé ma question et m'avez-vous mal compris à cause de cela, mais ce que je voulais vraiment savoir c'est à quel point on s'est fondé sur les connaissances locales pour en arriver à une décision? A-t-on confronté la connaissance scientifique aux connaissances locales concernant les stocks et ce genre de choses?
Je voudrais aussi que M. Swanson nous parle de l'anomalie que constitue le fait que le gouvernement fédéral cède des pouvoirs en matière de pêches aux provinces. Dans les Grands Lacs, par exemple, nous avons une situation où les stocks de poisson relèvent de la province mais les prédateurs relèvent du gouvernement fédéral. Comment peut-on gérer un stock quand un palier de gouvernement est chargé de la gestion de l'espèce que nous voulons protéger, mais que le prédateur relève d'un autre palier? Que se passe-t-il en cas de désaccord sur la façon d'agir, comme par exemple pour la lamproie?
Le plus grand succès du ministère des Pêches et des Océans a été le programme de lutte contre la lamproie. Sans l'intervention du gouvernement fédéral, nous n'aurions probablement pas les stocks que nous avons aujourd'hui. Ce n'était pas tellement à cause de l'efficacité du travail de la province, c'est parce que nous avons réussi à restreindre le prédateur.
Comment faire quand il y a des lois qui prévoient des mesures de contrôle de cette nature dans différents secteurs et où il peut y avoir divergence de vues et l'application de deux politiques contradictoires?
Le président: Pourriez-vous répondre brièvement, s'il vous plaît?
M. Doubleday: Monsieur le président, concernant la première question, l'état du poisson de fond de l'Atlantique a été un grand choc pour les pêcheurs et les responsables de la gestion et de la conservation des stocks. Nous avons tiré un certain nombre de leçons. D'abord, nous avons appris que les stocks ont moins de résistance que nous le pensions et nous avons donc adapté notre politique pour que ce soit désormais le poisson et non plus les pêcheurs réclamant plus de poisson qui en bénéficie lorsque nous pêchons par excès de prudence. C'est l'application du principe de précaution.
Les connaissances locales n'ont pas été aussi bien incorporées au régime de conservation qu'elles auraient pu l'être. Nous avons pris plusieurs initiatives dans les années 90 afin de faire participer les pêcheurs dans l'évaluation des stocks et l'élaboration des plans de conservation. À notre avis, cela représente un grand progrès.
Je pourrais vous mentionner d'autres facteurs mais pour résumer, on pensait que les espèces comme la morue étaient très robustes. Ailleurs, par exemple dans la mer du Nord, on avait maintenu pendant des décennies des taux de prises deux fois plus élevés que les prises canadiennes. Mais nous avons appris que nos ressources, du moins pour ce qui est de la morue, peuvent être fragiles dans certaines circonstances.
Une voix: [Inaudible]
M. Swanson: Oui, monsieur.
Au cours des derniers mois, vous êtes sans doute devenu plus familier que moi avec la question de la lamproie, mais je pense que c'est un bon exemple des interactions complexes qui ont lieu entre les différents paliers et même entre les différents ministères du gouvernement fédéral. De nombreuses espèces exotiques dont il est question dans les Grands Lacs ont été introduites à partir du lest liquide des navires. Tout cela intéresse bien sûr le ministère des Transports et d'autres. La construction de canaux est liée aussi au transport d'espèces exotiques dans les Grands Lacs supérieurs. Quant à la pêche elle-même, on commence maintenant à pêcher des espèces qui sont exotiques dans le cas des Grands Lacs, notamment le saumon du Pacifique.
Il s'agit donc de domaines où les différents paliers de gouvernement doivent travailler ensemble. Comme vous les savez, les discussions se poursuivent concernant le programme de lutte contre la lamproie marine.
Le président: Monsieur Steckle, si vous vous intéressez à l'histoire de l'exploitation des ressources naturelles, il y une excellente monographie du professeur Ludwig de l'Université de la Colombie-Britannique. Si cela vous intéresse, je me ferai un plaisir de vous en procurer un exemplaire. C'est une lecture de chevet à vous faire dresser les cheveux sur la tête.
M. Steckle: Je sais que le président aime la lecture nocturne mais personnellement j'aime mieux dormir. C'est sans doute pour cette raison qu'il est tellement bien renseigné sur ces questions.
J'espérais pouvoir dire ce matin que nous avons tiré les leçons du passé. Étant donné le climat politique qui existe entre les gouvernements fédéral et provinciaux, et étant donné ce projet de loi, nous espérions convaincre les provinces d'adopter des lois qui seraient modelées sur la nôtre. Si cette coopération est impossible à réaliser, nous pourrions avoir de très sérieuses difficultés.
Le président: Merci, monsieur Steckle.
Nous allons maintenant conclure cette ronde de questions, après quoi nous tiendrons une courte réunion à huis clos sur deux affaires.
Mme Payne a une question puis j'aimerais moi-même en poser une. Voulez-vous y aller?
Mme Payne: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir encore à la protection de l'habitat. Nous savons que les engins de pêche ont énormément contribué à la destruction des stocks. Vous avez vous-même parlé brièvement des types d'engins. Nous savons tous que les stocks ont été détruits à cause de l'utilisation de certains engins très performants, dont les chalutiers, les chalutiers à moteur et autres engins du genre. Au fil des ans, nous avons entendu des histoires d'horreur au sujet des grandes quantités de poissons qui étaient remontées dans les filets et de la pratique qui consistait à garder les plus grosses morues tout en rejetant les plus petites. En fait, nous détruisions ainsi les poissons matures et nous perturbions énormément les cycles de reproduction.
Je me demande si le ministère a maintenant l'intention de remettre en question les types d'engins qui pourront être utilisés à l'avenir. A-t-il l'intention de préserver les frayères si importantes pour la reproduction de la morue du Nord?
Le président: Cela déborde largement la portée du projet de loi C-65. Néanmoins, le témoin peut-il répondre à la question?
M. Doubleday: Monsieur le président, oui, nous souhaitons autoriser les engins de pêche les plus sélectifs possible qui ne tuent pas inutilement des espèces non recherchées ou encore les juvéniles d'espèces recherchées. Je pourrais mentionner, par exemple, la grille Nordmore qui est une grille en plastique placée devant les chaluts des crevettiers pour empêcher les petites morues et les juvéniles d'autres espèces d'être pris en même temps que les crevettes. Il arrive parfois que de très grands nombres de minuscules morues de l'année, de sébastes, et de juvéniles d'autres espèces soient pris de cette façon. C'est un énorme gaspillage que nous évitons maintenant.
Quant aux frayères, la situation n'est pas aussi claire. Certaines espèces, dont le hareng et le capelan, ont des frayères en des endroits bien déterminés. Dans le cas de la morue, elle ne fraie pas sur le fond mais plutôt vers le bas de la colonne d'eau et les oeufs montent à la surface. L'emplacement des frayères varie énormément.
Nous avons fermé certaines zones proches des frayères, mais plus fréquemment où se trouvent les juvéniles. Nous cherchons avant tout à protéger les juvéniles afin qu'ils puissent atteindre la maturité sans être pêchés à un trop jeune âge.
Ainsi, oui, nous cherchons à faire en sorte que les engins de pêche soient adaptés à l'espèce pêchée et ne causent pas de problème de conservation pour d'autres espèces ou pour les juvéniles de l'espèce pêchée.
Mme Payne: Monsieur le président, ce qui me préoccupe - et c'était là la raison de ma question de tout à l'heure - , c'est le chevauchement ou les lacunes entre la loi actuelle et la modification de la Loi sur les pêches; je voulais savoir si l'on a envisagé de protéger certaines espèces que je considère en péril.
Merci.
Le président: Merci de cette précision.
J'aimerais poser une courte question à M. Swanson, après quoi nous nous réunirons brièvement à huis clos.
Monsieur Swanson, dans le projet de loi, il est question de transférer aux provinces des pouvoirs en vertu de la Loi sur les pêches et, si j'ai bien compris, vous dites que cela ne s'appliquera qu'aux provinces enclavées. Est-ce exact?
M. Swanson: Dans les dispositions de la loi, aucune distinction n'est faite entre les provinces avec et sans littoral. À l'heure actuelle, nous avons l'intention d'ouvrir des pourparlers avec les provinces de l'intérieur qui ont actuellement le pouvoir délégué d'administrer les pêches en vertu de la Loi sur les pêches.
Le président: Mais dans les graphiques que vous avez distribués aux députés il y a quelques mois déjà, lesquels décrivaient les effets du projet de loi, on pouvait lire que certaines provinces, dont la Colombie-Britannique, ne seraient pas celles à qui des pouvoirs seraient transférés. Si ma mémoire est fidèle, l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Ontario bénéficieraient du transfert de pouvoirs. Pouvez-vous me dire dans quels cas il y aurait transfert de pouvoirs?
M. Swanson: Si l'on commence par la côte Est, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des discussions très poussées actuellement entre le gouvernement du Canada et la Colombie-Britannique afin de déterminer nos rôles respectifs en ce qui a trait à la gestion plus particulièrement des stocks de saumon. Je ne crois pas que ces discussions aient encore abouti, mais, à mon avis, on n'envisage pas la délégation de pouvoirs en matière de gestion de l'habitat à l'égard de ces espèces.
Nous avons eu quelques discussions sur la délégation de pouvoirs avec les provinces des Prairies et l'Ontario. Pour l'instant, aucune discussion n'est en cours avec les autres provinces sur cette question.
Le président: Qu'adviendrait-il, par exemple, de la baleine blanche du Saint-Laurent? Sera-t-elle protégée par la Loi sur les pêches, comme c'est le cas actuellement, ou le jour viendra-t-il où la baleine blanche ne sera plus protégée en vertu de la Loi sur les pêches?
M. Swanson: On ne prévoit aucun changement à la loi ni aucun arrangement qui toucherait à la protection de la baleine blanche en vertu de la Loi sur les pêches.
Le président: Il n'y aura donc pas de délégation de pouvoirs en ce sens-là?
M. Swanson: Aucune discussion n'est en cours à l'heure actuelle et aucune n'est prévue, qui modifierait nos responsabilités en ce qui a trait à la baleine blanche.
Le président: Ainsi, les discussions ne concernent que les provinces des Prairies et l'Ontario?
M. Swanson: Nous avons discuté de la question avec les provinces des Prairies et l'Ontario, c'est exact.
Le président: Et c'est tout. Pouvez-vous imaginer que nous nous retrouvions dans dix ans avec une balkanisation du Canada en ce qui a trait aux pouvoirs délégués puisque seules les provinces des Praires et l'Ontario, mais pas le reste du Canada, bénéficieraient de cette délégation de pouvoirs?
M. Swanson: Je sais très bien que le terme «balkanisation» est chargé de sens, mais à l'heure actuelle, nous avons négocié des accords de gestion des pêches différents dans les diverses régions du pays. Ces arrangements sont largement en fonction des circonstances locales.
Comme je l'ai dit plus tôt, dans les régions côtières où se trouvent les stocks de poissons, comme le saumon, par exemple, lequel vit parfois en milieu marin et parfois en eau douce, nous continuerons de nous occuper activement du dossier. Dans d'autres régions du pays, où les espèces de poissons ne migrent pas vers l'océan, où les provinces sont propriétaires des stocks, où les quotas de pêche relèvent des provinces et non pas du gouvernement fédéral, la gestion des pêches dans la mesure où elle relève de la rubrique de compétence fédérale en vertu de la Constitution a été déléguée aux gouvernements provinciaux. Dans 10 ans, ces arrangements auront continué d'évoluer en fonction des circonstances locales.
Le président: D'accord. C'est une réponse très utile.
Nous allons maintenant clore cette réunion. Au nom du comité, j'aimerais remercier tous ceux qui ont apporté un mémoire. Ceux qui ne l'ont pas fait aujourd'hui ont jusqu'au début de la semaine pour le faire. Cela nous serait très utile, comme l'a dit Mme Kraft Sloan. Nous déplorons l'absence de certains ministères qui ne sont pas représentés ici ce matin.
Merci d'être venus nous rencontrer et merci de votre aide.
Le comité tient maintenant une courte réunion à huis clos.
[La réunion se poursuit à huis clos]