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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 1995

.1933

[Traduction]

Le président: Silence, s'il vous plaît.

Nous continuons à étudier

[Français]

le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Nous avons comme témoins ce soir, le Conseil national de la prévention du crime représenté par Johanne Vallée, vice-présidente et Dr Antoine Chapdelaine, membre du Conseil.

[Traduction]

Nous recevons aussi Mme de Villiers qui est membre du Conseil national de la prévention du crime.

Le Conseil national de la prévention du crime nous a soumis un document intitulé Recommandations pour le contrôle des armes à feu, ainsi qu'un mémoire.

Nous demandons à nos témoins de limiter à 15 minutes leurs allocutions liminaires. Comme votre déclaration a l'air plutôt courte, peut-être pourrez-vous rester dans ces limites.

Madame Vallée, vous avez la parole.

[Français]

Mme Johanne Vallée (vice-présidente, Conseil national de la prévention du crime): Monsieur le président, chers membres du Comité, j'aimerais vous remercier très sincèrement de permettre au Conseil national de prévention du crime de vous faire part de sa position sur la question des armes à feu.

Je voudrais juste dire quelques mots sur la composition du Conseil national. Je crois que c'est extrêmement important dans le cadre de la discussion aujourd'hui.

Le Conseil national de prévention du crime est composé de 25 membres bénévoles qui viennent de toutes les régions du Canada. L'expérience des membres dans différents secteurs d'activités, tels que la justice pour autochtones, l'éducation, l'aide aux victimes, la condition des femmes, le domaine des communications, la criminologie, le droit, la santé, le milieu des affaires et d'autres domaines encore, favorise une approche multidisciplinaire.

.1935

Je crois que c'est important de souligner que le travail de collaboration qui se fait au Conseil national de prévention du crime entre les 25 membres permet d'avoir, à mon avis, un point de vue extrêmement riche sur différentes questions. Aussi en termes de prévention de la criminalité, il est important de noter que le Conseil privilégie la prévention par le développement social.

Dans le cadre du traitement de ces différentes priorités, le Conseil a créé des comités de travail. Nous sommes ici, aujourd'hui, à titre de membres du comité du Conseil sur le contrôle des armes à feu.

Toutefois, veuillez noter que la position que nous vous présentons ce soir représente la point du vue unanime du Conseil national et de tous ses membres. Je crois que c'est extrêmement important que vous en soyez conscients.

Les Canadiens et les Canadiennes sont très préoccupés par l'utilisation des armes à feu dans la commission d'actes criminels, les suicides et les accidents parce qu'elle représente une menace à la sécurité individuelle et communautaire. Ces incidents entraînent aussi des coûts importants non seulement pour les personnes qui sont victimes d'actes criminels commis avec une arme à feu mais aussi par rapport aux coûts du système de justice pénale de même que les coûts associés aux services sociaux, aux services de counselling, aux services psychiatriques et aux services communautaires qui sont offerts aux personnes qui évoluent dans l'entourage des victimes.

Le contrôle des armes à feu s'avère une préoccupation importante pour un bon nombre de pays. Je reviens tout juste du Caire, où je participais la semaine dernière au 9e Congrès des Nations unies sur la prévention du crime et le traitement des délinquants. J'ai pu constater que l'intérêt était suffisamment important pour que plusieurs pays endossent une résolution, présentée par le Japon, favorisant un contrôle accru des armes à feu. Je peux vous remettre un exemplaire de la résolution à titre d'information, si vous le voulez bien à la fin de la présentation.

La position du Conseil national de prévention du crime par rapport au contrôle des armes à feu est simple. Une stratégie de prévention efficace dépend de l'utilisation responsable des armes à feu. Soulignons de plus qu'une attitude responsable favorise l'efficacité à long terme de la stratégie de prévention du crime.

Cette stratégie doit viser non seulement des mesures de contrôle quant à la possession et à l'utilisation des armes à feu, mais elle doit aussi inclure des activités de sensibilisation des citoyens aux responsabilités qui accompagnent le privilège de posséder une arme. La formation des utilisateurs d'armes à feu et de ceux qui veillent à l'application des lois et des règlements est une composante de la stratégie de prévention. Cette stratégie doit être équilibrée et elle doit mettre en valeur le désir des communautés de construire des milieux plus sécuritaires. Le Conseil n'est pas la seule entité ou organisation à prôner un contrôle plus serré des armes à feu. Vous verrez que cela est reflété dans la résolution des Nations unies et dans la position exprimée par le Japon.

Permettrez-moi de souligner quelques éléments d'information qui ont été soulevés lors du Congrès des Nation unies. Entre autres, les représentants de la Suède ont mis beaucoup d'emphase sur le lien qui existe entre la réduction de crimes violents et le contrôle des armes à feu. Les délégués australiens étaient aussi d'accord sur cette question et ils ont invité les autres pays à mettre en place des mesures législatives efficaces pour le contrôle des armes à feu. De leur point de vue, les pays réussiront seulement à réduire la criminalité violente s'ils adoptent une approche à long terme qui inclue un bon contrôle des armes.

De plus, plusieurs experts de divers pays ont expliqué que les conventions internationales qui traitent de cette question ne seront pas efficaces si les pays signataires n'établissent pas des mesures législatives pour prévenir une mauvaise utilisation des armes à feu à l'intérieur de leur propre juridiction. D'après l'opinion internationale, étant donné le grand nombre d'armes à feu disponibles sur le marché international, et le profit qui peut être tiré du trafic illégal, les pays doivent mettre en place des contrôles afin de répondre à leurs besoins domestiques et ils doivent aussi appuyer les initiatives internationales qui visent à réduire le trafic illégal des armes d'un pays à l'autre.

La position du Conseil national repose aussi sur ces éléments d'information. Nous croyons que l'adoption d'un projet de loi favorisant le contrôle des armes à feu s'avère un geste proactif qui peut contribuer à réduire le nombre d'incidents et de crimes potentiels pouvant être commis à court et à long terme.

.1940

Orientations du Conseil national. Le Conseil national de prévention du crime se réjouit de l'introduction des contrôles par le projet de loi C-68 qui a été présenté par le gouvernement du Canada, et nous appuyons la plupart des dispositions.

En général, le Conseil appuie fortement le contrôle de la propriété et de l'utilisation des armes à feu et des munitions. Nous sommes inquiets toutefois des problèmes associés à la mise en oeuvre des propositions parce que nous croyons qu'il est esentiel d'adopter une approche globale aux questions de sécurité relatives à la propriété et à l'utilisation des armes.

Voici maintenant quelques-unes des recommandations que nous présentons aujourd'hui.

Dans le contexte que nous venons tout juste de mentionner, le Conseil national convient qu'il est nécessaire d'accroître les mécanismes de contrôle de l'importation et de l'exportation des armes à feu et des munitions, dans et par le Canada, et d'augmenter les mécanismes de contrôle nationaux d'accès aux armes à feu et aux munitions.

Un système d'enregistrement universel ou total est une condition préalable essentielle à un système de sécurité et de contrôle des armes à feu au Canada. Un tel système limitera l'activité criminelle, encouragera l'utilisation sécuritaire et responsable des armes à feu, exigera une imputabilité de ceux qui sont identifiés en tant que responsables d'armes à feu, et favorisera la sécurité publique.

Toutefois, le Conseil soutient que pour qu'un programme de contrôle des armes à feu soit vraiment efficace, tant pour la prévention du crime que pour celle des décès dus aux accidents et aux suicides à cause de la disponibilité des armes à feu, le programme doit être équilibré. Nous pouvons établir cet équilibre grâce à un système efficace d'enregistrement, une mise en application appropriée et une stratégie à long terme qui encourage la prévention des actes criminels et des accidents reliés aux armes à feu.

Système d'enregistrement. Pour être efficace, le système universel doit respecter plusieurs conditions de mise en oeuvre et d'application. Par exemple, en plus d'un processus d'enregistrement efficient et efficace qui est lié à l'entreposage sécuritaire de toutes les armes à feu et des munitions, il faut aussi faire en sorte que ceux qui sont chargés de sa mise en oeuvre soient bien formés et tenus responsables de leur travail.

Entre autres, le Conseil recommande que des systèmes d'éducation communautaire et d'information nécessaire pour assurer le respect des obligations soient mis en place. On espère que cela aidera à réduire le nombre d'armes à feu en circulation contribuant ainsi à une meilleure sécurité personnelle et communautaire.

Exigences du système. Les propriétaires d'armes à feu légitimes ne devraient pas être surchargés par le système, que ce soit financièrement ou autrement. Le Conseil recommande donc, par conséquent, une phase de mise en oeuvre qui soit conçue pour rendre le processus relativement facile pour les personnes qui veulent remettre des armes à feu. Un service de collecte mobile ou un système de ramassage ou de dépôts de collecte de la police locale, assorti d'une période d'amnistie devrait être envisagé. La possibilité d'impliquer le secteur privé dans cette activité devrait aussi être considérée.

Normes. Pour que le système d'enregistrement soit efficace, des normes d'application et des normes de sécurité concernant l'entreposage et l'utilisation des armes à feu et des munitions sont importantes. La négociation d'un arrangement à frais partagés avant la mise en oeuvre d'une loi est essentielle si l'on veut que celle-ci soit efficace. Les normes d'entreposage des armes à feu et des munitions devraient être les plus élevées possibles tout en étant faciles à appliquer.

Utilisation légitime des armes à feu. Le système doit tenir compte de l'achat et de la livraison d'armes et de munitions aux collectivités autochtones et à celles qui comptent sur la chasse pour assurer leur survie. Ici, ce qu'on veut tout simplement mentionner c'est que dans certaines communautés autochtones qui sont éloignées, il arrive qu'un seul membre de la communauté ait à se déplacer pour aller faire différents achats dont l'achat d'armes à feu. On doit tenir compte de cette réalité dans le projet de loi.

Coûts du système d'enregistrement. Les coûts associés à ce processus imposeront une importante demande au gouvernement chargé de sa mise en oeuvre. De plus, le potentiel de difficulté dans la négociation des arrangements de partage des frais peut fort bien conduire à des situations qui compliqueront le processus de mise en oeuvre. Par contre, pour le Conseil, même si les coûts sont importants, nous devons aller de l'avant et mettre en place un plan efficace et à long terme qui nous permettra de contrôler l'utilisation des armes à feu, y compris l'utilisation inappropriée, et de développer un plan stratégique pour la prévention des crimes associés à l'utilisation des armes à feu.

.1945

Ce que le Conseil dit, finalement, c'est que, peu importe les difficultés encourues ou les coûts qui pourraient être légèrement plus élevés, l'intérêt supérieur de la communauté en matière de prévention et de sécurité doit primer.

En fait, comme je vous le disais au préalable, pour le Conseil, c'est important d'avoir une stratégie qui soit globale.

La prévention du crime et de la violence dans nos collectivités doit représenter un aspect majeur de la mise au point d'un système de contrôle des armes à feu efficace. Idéalement, nous devons promouvoir la responsabilité sociale à l'appui d'un système qui porte non seulement sur l'élément d'opportunité du contrôle des armes à feu, mais qui tient également compte des raisons pour lesquelles des personnes ressentent le besoin d'utiliser des armes à feu et des préoccupations relatives à la vulnérabilité de certains groupes, par exemple, les femmes battues.

Éducation et imputabilité des professionnels. Un programme d'éducation et de sensibilisation efficace des professionnels oeuvrant dans les domaines de la justice pénale, du bien-être social, de l'éducation et de la santé, est un élément essentiel à la promotion de la responsabilité sociale. Les policiers, les juges, les enseignants et les professionnels de la santé doivent être compétents pour déterminer les situations à risque et prendre les mesures nécessaires. Ils ont un rôle à jouer dans la détermination des situations qui présentent un potentiel de violence et doivent être pleinement conscients de ce rôle.

Il peut s'avérer nécessaire de considérer des situations où ces personnes doivent être tenues imputables si elles ne s'acquittent pas de ces responsabilités.

À titre d'exemple, le système devrait exiger la déclaration d'une balle trouvée dans une blessure par le professionnel de la santé et le policier devrait être requis d'enlever les armes à feu dans des situations de violence familiale.

En même temps, le système doit faciliter cette activité et offrir des protocoles et une protection au professionnel concerné.

Le gouvernement fédéral devrait assumer la responsabilité de développer des normes de formation et d'effectuer la formation par l'entremise du Collège canadien des policiers.

Éducation communautaire. L'éducation communautaire devrait être un aspect essentiel du système proposé et devrait être entreprise en partenariat avec les systèmes de justice pénale, de santé, d'éducation et de services sociaux.

Le matériel d'information devrait être dans un langage courant afin d'assurer une bonne compréhension de tous les aspects du contrôle des armes à feu ainsi que des façons appropriées et sécuritaires de les utilisr.

Responsabilité civile. La question de la responsabilité civile associée à la propriété et à l'utilisation d'armes à feu doit être explorée à la lumière des responsabilités associées au système d'enregistrement universel. Les assureurs des biens immobiliers et des accidents devraient être encouragés à exiger l'enregistrement des armes à feu comme condition d'une politique d'assurance. Pour que la situation soit très claire, les assureurs devraient refuser les réclamations pour le vol, la perte ou l'endommagement d'une arme à feu si elle n'a pas été dûment enregistrée.

Préoccupations. Le Conseil reconnaît que les sentences obligatoires minimales ne sont pas une panacée et qu'elles n'élimineront pas l'utilisation des armes à feu pour la commission d'actes criminels. Toutefois, le Conseil croit que les sentences devraient refléter l'aversion des Canadiens par rapport à l'utilisation des armes à feu dans la commission de crimes violents.

Devant les contraintes financières actuelles, on peut supposer que les propositions reliées aux sentences obligatoires exigeront le détournement de ressources financières d'autres programmes valables déjà en place. Il faudra accorder toute l'attention voulue à ces décisions pour s'assurer que le règlement d'un problème n'en engendre pas d'autres.

Les jeunes. Le Conseil national de la prévention du crime (CNPC) a soulevé la possibilité que des adultes qui veulent commettre des infractions pourraient entraîner des jeunes à participer à leur place afin d'éviter les poursuites devant les tribunaux. Le Conseil suggère que le gouvernement devrait passer en revue les dispositions du projet de loi afin de s'assurer qu'il ne permet pas cette situation par rapport à l'utilisation des armes à feu.

Conclusion. On constate que la société canadienne ne tolère pas la violence et reconnaît l'importance de la sécurité personnelle et collective. La solution à la mauvaise utilisation et à l'utilisation abusive des armes à feu doit être une stratégie globale qui comprend la mise au point et l'application de mesures de contrôle efficaces et l'élaboration de mesures de prévention efficaces. La proposition visant à établir un système universel d'enregistrement et de contrôle des armes à feu et des munitions est une réponse bien pensée aux besoins d'application de la loi.

Ce système doit toutefois inclure d'autres éléments de prévention qui seront mis en oeuvre simultanément.

.1950

Le Conseil national favorise et encourage le développement d'approches proactives. Les recommandations que nous avons faites par rapport à la sensibilisation des citoyens, la formation et l'imputabilité des professionnels représentent la matière première d'une stratégie de prévention globale et proactive dont les bénéfices sont assurés à court et à long termes.

Le Conseil national croit aussi que l'accès aux armes à feu contribue aux occasions d'accidents, de suicides et de meurtres. Hier, le Service de police de Calgary et l'Institut canadien du droit et de la famille ont révélé les résultats d'une étude dans laquelle 4,6 p. 100 des 486 garçons des écoles intermédiaires et secondaires, ont déclaré avoir eu une arme de poing en leur possession à l'école au cours de la dernière année. Ces informations illustrent la nécessité de mettre en vigueur une stratégie à long terme qui préviendrait des actes criminels ou des incidents liés à l'utilisation des armes à feu.

Le Conseil est d'avis que la propriété d'une arme à feu est un privilège qui s'accompagne de la responsabilité d'un entreposage sécuritaire et de l'utilisation des armes, ainsi que d'une imputabilité attendue de la part des propriétaires. Les mécanismes de contrôle proposés par le gouvernement constituent un équilibre entre les droits des citoyens respectueux des lois et la protection de la société.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Vallée. Nous commençons par trois périodes de 10 minutes; une période pour chaque parti politique et après, nous aurons des échanges de cinq minutes chacun entre le gouvernement et l'Opposition. Monsieur de Savoye, vous avez 10 minutes.

M. de Savoye (Portneuf): Madame Vallée et M. Chapdelaine, soyez les bienvenus chez nous. Madame de Villiers, encore une fois bienvenue, puisque vous étiez là ce matin.

Vous nous avez présenté un mémoire qui touche à beaucoup d'aspects. Certains de ces aspects ont déjà été mentionnés par d'autres témoins; d'autres l'ont peut-être été d'une façon différente; et d'autres l'ont peut-être été d'une façon moindre. Il y a un de ces aspects qui retient particulièrement mon attention - et je n'aurai pas assez de 10 minutes pour traiter de tous les aspects - mais heureusement, j'aurai des petits cinq minutes qui viendront s'ajouter plus tard.

J'aimerais vous parler du point numéro 10 «l'éducation et l'imputabilité des professionnels». Vous mentionnez, au bas de la page 5, en caractères gras «il peut se révéler nécessaire de considérer des situations où ces personnes - on parle des professionnels - doivent être tenues imputables si elles ne s'acquittent pas de ces responsabilités» et ces responsabilités pivotent autour du rôle que ces professionnels auraient à jouer dans la détermination des situations qui présentent un potentiel de violence. Vous n'y allez pas avec le dos de la cuiller.

J'aimerais savoir exactement ce que vous anticipez et quelle est votre vision des choses. Je vous donne certains exemples, peut-être exagérés, peut-être pas, que vous pourrez commenter. Prenons le médecin qui, effectivement, trouve une balle dans une blessure. Oui, je comprends qu'il y a là certainement quelque chose qui doit être rapporté aux forces de l'ordre. Mais pensons au psychologue qui a devant lui une personne psychologiquement en détresse, qui a des tendances soit suicidaires, soit à la violence, et qui constituerait un danger pour son entourage. Pensons à l'enseignant, qui s'aperçoit que le jeune est en train de déraper dans son comportement et qu'il peut constituer une menace pour lui-même ou pour les autres. Iriez-vous jusqu'à dire que cet enseignant, ce psychologue, ce médecin, s'il refusait de rapporter cette situation à l'autorité compétente, et j'imagine donc aux forces de l'ordre, si on veut une intervention, serait passible de poursuites? Est-ce bien ce que vous voulez dire?

Mme Vallée: Je pense qu'il y a différents niveaux. Je pense qu'il faut être conscient que quand on parle de rapporter des situations, on fait appel à la responsabilité des individus de jouer pleinement leur rôle.

.1955

Quand vous faites référence au milieu scolaire, il arrive, effectivement, que des professeurs ou des intervenants n'assument pas pleinement leurs responsabilités face à des jeunes qui demandent de l'aide ou qui ont des comportements potentiellement dangereux sur lesquels il faudrait s'interroger. Quand on dit «rapporter», il faut remettre cela dans son contexte.

Dans le cas des écoles entre autres, je crois qu'il y a des jeunes qui requièrent une intervention. Normalement, dans les écoles, il y a du personnel compétent pour s'occuper de jeunes qui ont des difficultés et là, je fais référence soit aux travailleurs sociaux, soit à des psychologues ou à des éducateurs, selon les services qui sont en place. Si un professeur constate qu'il y a un jeune qui dérape, qu'on ne fasse pas nécessairement appel à la police, il ne faut quand même pas dramatiser, mais qu'on fasse appel aux psychologues, qu'on demande à des psychologues d'intervenir.

En fait, ce que l'on veut, c'est que les gens se sentent solidaires, responsables, et qu'ils assument pleinement leurs rôles. Et s'ils peuvent intervenir pour qu'un jeune obtienne l'aide nécessaire, bien qu'ils le fassent. C'est dans ce sens-là.

M. de Savoye: Vous êtes consciente que dans le projet de loi qui est devant nous, il n'y a pas de dispositions, il n'y a pas d'articles qui prévoient qu'une assistance particulière va être donnée à un individu en détresse. Il n'y a rien non plus qui indique qu'un professionnel de la santé, par exemple, se doive de rapporter quelque part le fait qu'un individu est en détresse, et qu'il serait peut-être approprié de vérifier si cet individu a accès à une armes à feu, soit qu'il en soit lui-même le détenteur, soit que quelqu'un dans son domicile, dans sa résidence, en soit le détenteur.

Croyez-vous que le projet de loi devrait aborder ces questions de façon plus précise?

Mme Vallée: Quand on parle de stratégie globale, il y a deux choses. Il y a d'abord le projet de loi, mais il y a aussi tous les mécanismes d'éducation et de sensibilisation du public en général.

Je pense que le Conseil national fait des propositions qui touchent un programme d'éducation du public en général. On n'a pas nécessairement à passer par le projet de loi pour s'assurer d'une stratégie d'information et d'éducation du public. Je pense qu'il y a beaucoup d'exemples à cet égard. Quand on parle de la violence envers les femmes, quand on regarde ce qui se fait dans certaines provinces concernant la conduite en état d'ébriété, il y a les lois effectivement qui favorisent ou qui tentent de favoriser la réduction de la violence ou de la conduite en état d'ébriété, mais il y a aussi tous les mécanismes d'éducation de la communauté. Les deux doivent aller de pair. On ne peut pas réussir juste par un projet de loi à assurer une stratégie de prévention du crime qui soit efficace; mais on ne peut pas non plus, sans le projet de loi et uniquement par l'éducation du public, assurer une stratégie de prévention du crime qui soit efficace.

M. Antoine Chapdelaine (membre du Conseil national de la prévention du crime): C'est une question qui a été soulevée lorsque nous avons comparu pour la régie régionale de la santé et des services sociaux, et qui a été reposée lorsque l'Association médicale canadienne et les médecins d'urgence ont comparu devant ce comité. C'est une préoccupation qui n'est pas facile à résoudre, j'en conviens.

Il y a des situations très claires. Prenons, par exemple, la situation d'un médecin qui a un patient dans son bureau qui lui dit: «Je vais tuer quelqu'un.» Il est assez facile pour lui d'agir, parce que là, il y a une déclaration et même si elle est faite sous le sceau de la confidentialité, il peut poser des gestes concrets.

Dans les situations de suicide, de risque de suicide diagnostiqué, d'inquiétude, de dépression, etc., où il y a un risque suicidaire, là c'est un peu plus délicat. Lorsque Mme Vallée signalait l'aspect éducation, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de professionnels de la santé et d'autres domaines de la sécurité publique qui sont avertis de ces choses-là dans leur pratique. On sait que dans les cas de suicide, la majorité des personnes qui commettent un suicide l'ont annoncé, souvent à un professionnel de la santé, dans les semaines qui ont précédé l'acte.

.2000

Pour revenir à l'éducation, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de professionnels qui, dans leurs questionnaires, ne cherchent même pas à savoir ou ne pensent pas à poser la question s'il y a une arme à feu à la maison. Les professionnels qui sont le plus sensibilisés à ce problème sont: les psychiatres, les psychologues, les médecins d'urgence, les médecins de santé publique - dont je suis - , ainsi que l'Association médicale canadienne. Cependant, celle-ci représente d'autres professions comme les dermatologues et les gastro-entérologues qui eux, n'ont pas de préoccupation de ce côté-là.

C'est pour cela que l'Association médicale du Québec, l'Association des médecins psychiatres du Québec - qui ont 900 membres - et la Santé publique appuient ce projet de loi.

Dans les situations claires, c'est relativement facile. Par contre, dans les situations plus vagues, comme les risques de suicide, de négligence, on peut s'attendre, dans le futur, après l'adoption du projet de loi, à ce qu'il y ait suffisamment d'éducation des professionnels pour qu'ils soient sensibilisés à cela et qu'ils voulu pour protéger les gens.

Mme Vallée: Juste un commentaire. Dans le cas de la violence familiale, on sait très bien, d'après la recherche empirique qui se fait au Canada, qu'il arrive que des policiers interviennent à plusieurs reprises dans un même foyer, avant d'arrêter qui que ce soit ou avant qu'un acte malheureux, comme un meurtre, ne soit commis. Mais au moment de l'intervention, pourquoi ne pas inciter ces mêmes policiers à demander à la conjointe s'il y a une arme à feu dans la maison?

C'est primordial de le savoir et dans l'affirmative, le policier peut prévenir la conjointe du danger potentiel. Même s'il ne peut intervenir tout de suite, pour différentes raisons légales ou autres, ne serait-ce que de savoir qu'il y a une arme à feu dans cette maison-là et de saisir cette occasion-là pour sensibiliser la conjointe au fait qu'il y a un danger potentiel, je pense que c'est important.

[Traduction]

Le président: Madame de Villiers, vous aviez quelque chose à ajouter?

Mme Priscilla de Villiers (membre du Conseil national de la prévention du crime): Oui. C'est en fait ce qui constitue le lien entre la suggestion et le projet de loi C-68; c'est le soutien visé. De fait, si le système d'enregistrement était en place, ce mécanisme en serait facilité.

J'aimerais dire que le fait d'avoir, en loi, à signaler aux autorités compétentes les cas pressentis d'agression d'enfants n'est pas un cas isolé. Cette obligation est liée aux diverses lois qui traitent de l'agression des enfants. Même si les professionnels de la santé, qu'il s'agisse de psychologues, de chirurgiens ou d'autres médecins, ne font que soupçonner qu'un enfant a été la victime d'une ou de plusieurs agressions, ils doivent le dénoncer, obligatoirement. L'écart entre ce genre de dénonciation et l'autre n'est pas si grand que cela.

Les mécanismes peuvent être très clairement définis, en ce qui a trait aux autorités qui doivent être saisies du rapport.

Le président: Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux délégués qui se joignent à nous ici ce soir. Je vous remercie de votre exposé.

Quand vous vous êtes rendus au Neuvième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, y avait-il des délégués de la Nouvelle-Zélande?

[Français]

Mme Vallée: Oui.

[Traduction]

M. Ramsay: Vous ont-ils dit que la Nouvelle-Zélande avait adopté un programme d'enregistrement universel, qu'elle avait ensuite supprimé? Êtiez-vous au courant?

[Français]

Mme Vallée: Non ils n'ont pas fait de déclaration dans ce sens-là, pas du tout.

Dans la présentation, je vous ai dit que la résolution a été préparée par le Japon. Elle a été appuyée par plusieurs pays et va devenir une convention internationale. L'appui a été suffisant pour que la résolution soit adoptée par l'ensemble des États membres de l'ONU.

[Traduction]

M. Ramsay: J'examine bien sûr le bien-fondé d'un système universel d'enregistrement. Beaucoup des témoins que nous avons entendus nous ont dit très clairement qu'ils ne voyaient pas le rapport entre l'établissement d'un système d'enregistrement universel et les objectifs de santé et de sécurité qui nous tiennent tous à coeur.

.2005

La Nouvelle-Zélande avait un système d'enregistrement universel, qu'elle a abandonné pour diverses raisons, notamment parce qu'il fallait enlever des policiers de la ligne de front pour en assurer l'administration. Les services policiers sur le terrain, notamment le travail de prévention, s'en trouvaient donc diminués.

Le Code criminel contient déjà des dispositions relatives aux armes à feu. Ainsi, le paragraphe 100(4) dispose que:

L'agent de la paix qui croit pour des motifs raisonnables qu'il ne serait pas souhaitable pour la sécurité de qui que ce soit qu'un individu soit autorisé à avoir en sa possession des armes à feu, des munitions ou des substances explosives, peut demander à un juge de la Cour provinciale de rendre une ordonnance le lui interdisant.

En outre, le paragraphe 100(9) autorise l'agent de la paix à demander une audition ex parte à un juge de la Cour provinciale. Ainsi, il est possible d'obtenir une ordonnance d'interdiction sans même que le détenteur de l'arme à feu soit présent.

La loi permet donc, quand on sait qu'il y a une arme à feu dans le foyer et que le détenteur ou une autre personne qui y a accès présente un danger, de retirer l'arme du lieu de résidence. Je tenais à être sûr que vous soyez au courant de ces dispositions.

Dans la cinquième partie de votre mémoire, qui porte sur le système d'enregistrement, vous dites que, pour qu'il soit efficace, le système universel doit répondre à plusieurs conditions relatives à sa mise en oeuvre et à son application. J'ai de graves inquiétudes à ce sujet.

Le projet de loi C-68 ne précise pas les modalités du système d'enregistrement, mais le ministre de la Justice et d'autres témoins que nous avons entendus nous ont dit que l'enregistrement se ferait par la poste. Le détenteur d'armes à feu remplirait un formulaire où il donnerait diverses informations permettant d'identifier l'arme et il enverrait le formulaire par la poste.

C'est un système qui me cause de graves inquiétudes en ce sens que le projet de loi précise que quiconque est en possession d'une arme à feu qui n'a pas été enregistrée commet une infraction.

Si nous ne vérifions pas l'exactitude des informations qui sont envoyées par la poste avant de délivrer un certificat, il pourrait en résulter des problèmes. Ainsi, la personne à qui l'on demanderait, lors d'une expédition de chasse ou d'une inspection à son domicile, de produire son certificat d'enregistrement et qui se serait tout simplement trompée en inscrivant sur le formulaire le numéro de série de l'arme ou les autres détails permettant de l'identifier se trouverait en possession d'une arme qui ne serait pas enregistrée.

Même s'il ne s'agit que d'un détail technique, le fait est que la personne pourrait être inculpée aux termes de l'article 91 du nouveau projet de loi. J'ai donc de sérieuses inquiétudes à ce sujet.

Par ailleurs, des experts judiciaires sont venus nous dire qu'ils ne se sentiraient pas à l'aise de délivrer un certificat d'enregistrement produit à partir d'informations qui n'auraient pas été vérifiées par un examen de visu de l'arme à feu.

Comprenez-vous mes inquiétudes? À moins que l'information ne soit vérifiée, le certificat qu'on délivre n'est valable que dans la mesure où l'information fournie au départ était exacte. S'il y a des erreurs au point d'entrée, il y en aura aussi au point de sortie; c'est-à-dire que le certificat d'enregistrement ne correspondra pas à l'arme qu'il est censé accompagner. Si le certificat d'enregistrement contient des erreurs, même si elles ne sont pas intentionnelles, le détenteur de l'arme à feu pourra être inculpé aux termes du projet de loi.

Je ne crois pas vraiment à la valeur du système d'enregistrement pour les agents de la paix. J'ai demandé à beaucoup d'entre eux ce qu'ils en pensaient. Ils m'ont dit qu'il était impossible d'enregistrer ce qu'on ne pouvait pas inspecter.

Qu'en pensez-vous?

[Français]

Mme Vallée: Avant de répondre à cette dernière question, je voudrais revenir sur la question de la Nouvelle-Zélande parce que notre directrice générale est d'origine néo-zélandaise. Elle connaît bien le système de l'enregistrement universel qui était en application dans son pays.

.2010

Elle m'a dit - et je m'en excuse parce que je me rappelle très bien qu'elle m'en avait parlé - qu'en Nouvelle-Zélande, ce qui a posé un problème au système d'enregistrement universel, c'est l'absence d'un système de support informatique pour assurer un enregistrement universel efficace.

Lorsque vous soulevez la question de la capacité des policiers d'intervenir ou d'aller devant la cour pour demander des mandats parce qu'ils savent qu'il y a une arme à feu et donc un potentiel de violence, je vous ferai remarquer qu'actuellement, on ne sait pas exactement qui possède les armes à feu. Donc les policiers ne peuvent intervenir s'ils ne savent pas qui est le détenteur de l'arme.

En ce qui a trait à votre dernière question, Mme deVilliers aimerait y répondre.

[Traduction]

Mme de Villiers: À vrai dire, cette question me laisse très perplexe, car en Ontario, les permis de conduire et les certificats d'immatriculation sont souvent délivrés sans qu'aucune inspection n'ait lieu. Nous remplissons le formulaire et on nous remet le certificat ou le permis imprimé par l'ordinateur ou on nous l'envoie par la poste.

M. Ramsay: Selon la GRC, 30 p. 100 des armes de poing qui sont actuellement enregistrées, soit 370 000 d'entre elles, ont le même numéro de série ou des numéros de série semblables. Toujours selon la GRC, le numéro de série, la marque, la longueur du canon et le calibre sont identiques pour 18 des armes à feu actuellement enregistrées.

Dans sa collection type, qui est unique en son genre et qui compte quelque 17 000 armes réparties dans ses divers laboratoires judiciaires, 20 p. 100 des carabines et environ 15 p. 100 des fusils de chasse ne portent aucun numéro de série. On peut donc conclure que les détenteurs possèdent des dizaines de milliers d'armes à feu qui ne portent aucun numéro de série.

Pour que ces armes puissent être enregistrées, il faudra y faire graver un numéro de série. Ce ne sera pas chose facile. Ce sera tout un défi que de mobiliser ainsi 3 millions de détenteurs d'armes à feu qui possèdent peut-être entre 5 et 20 millions d'armes d'épaule.

Ce qui m'intéresse toutefois, c'est l'intégrité du système. Il faut à tout prix assurer l'intégrité du système. Prenons le cas du policier qui trouve une arme à feu sur les lieux d'un crime et qui veut retracer le détenteur; s'il y a une erreur dans les renseignements qui ont été fournis pour permettre d'identifier l'arme, le policier ne pourra pas l'identifier. C'est une des lacunes qu'on a constatées dans le système existant d'enregistrement des armes de poing.

En 1994, Terence Wade a examiné le système d'enregistrement des armes de poing et produit un rapport sur le sujet. J'ai ici son rapport. Il dit que le système comporte un grand nombre d'erreurs, dont la proportion s'élève aux alentours de 30 p. 100.

Mme de Villiers: Vous devriez peut-être en parler aux forces de l'ordre. Je ne savais pas que certaines armes portaient le même numéro. Je sais par contre qu'il existe un grand nombre d'armes à canon particulièrement long qui n'ont jamais reçu de numéro. Ces armes sont entrées dans le système sur une période de plusieurs années. On m'a dit que des séries de chiffres leur seraient attribués.

En fait, d'après ce que vous dites, il est d'autant plus urgent de mettre sur pied un système d'enregistrement. Nous devons commencer à nous attaquer à ce problème.

À vrai dire, je crois que, quand il s'agit d'une arme étiquetée en Europe, pendant [itaudible] il y aura moyen de montrer qu'il y a effectivement erreur. Je ne pense pas que ce soit une raison suffisante pour rejeter le système dans son ensemble.

Le fait qu'on enregistre déjà les armes de poing - Dieu merci - avant que le nombre d'armes sans numéro ne double ou ne triple... Nous devons commencer à nous attaquer au problème. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, dans bien des cas, l'erreur est attribuable à un mauvais placement, à une fausse numérotation ou au double emploi. Il n'en reste pas moins...

M. Ramsay: D'où le défi énorme d'assurer l'intégrité du système d'enregistrement qui pourrait être mis sur pied.

Mme de Villiers: Tout à fait.

.2015

M. Wappel (Scarborough-Ouest): J'ai beaucoup de questions à poser et je n'ai que dix minutes. Permettez-moi de commencer par les recommandations que vous avez publiées le 14 décembre 1994 relativement à vos grandes orientations. Si j'en parle, c'est uniquement parce que vous faites l'observation suivante à la page 1 de ces recommandations:

Par conséquent, le Conseil propose un certain nombre d'éléments dont il souhaite qu'il soit tenu compte et se réserve le droit de faire des observations sur le projet de loi quand il sera déposé.

Bien entendu, vous êtes ici ce soir pour nous faire part de vos observations sur le projet de loi qui a été déposé. Je constate qu'il y a peut-être une divergence entre ce document du 14 décembre et votre témoignage de ce soir. La divergence tient à deux choses. Ma première question porte sur cette divergence.

À la page 4 de ce document, sous la rubrique «Coût du système d'enregistrement», vous dites en caractères gras:

Le coût

- et je parle du coût

de l'enregistrement - accroîtrait le fardeau financier des détenteurs d'armes à feu respectueux de la Loi et réduirait le risque lié à la distribution et à l'utilisation illégales d'armes à feu; autrement dit, le coût de l'enregistrement pourrait notamment conduire à un manque de respect de la Loi et à un accroissement de la criminalité.

Or, dans le texte de l'exposé que vous nous avez présenté ce soir en ce qui concerne le système d'enregistrement, vous ne faites pas d'observations en ce sens.

Je me demande si vous avez eu des preuves ou si vous avez entendu ou examiné des témoignages ou encore si vous avez quelque autre raison de croire que la préoccupation que vous aviez au sujet du coût de l'enregistrement avait en quelque sorte trouvé réponse et si c'est pour cette raison que vous n'avez pas fait d'observations en ce sens dans l'exposé que vous nous avez présenté ce soir.

Mme Vallée: Permettez-moi de regarder... car je ne trouve que...

M. Wappel: Il s'agit du premier paragraphe de la page 4.

Le président: Ce serait peut-être une bonne idée, monsieur Wappel, de poser une de vos autres questions avant que votre temps de parole ne soit écoulé. Peut-être que M. Chapdelaine et Mme de Villiers peuvent écouter votre deuxième question pendant que Mme Vallée s'occupe de la première.

M. Wappel: Merci, monsieur le président. Ma deuxième question porte également sur vos recommandations du 14 décembre, celles qui concernent les jeunes contrevenants.

Vous dites que vous vous inquitez du fait:

que les dispositions prévoyant des peines minimales obligatoires ne s'appliquent pas aux jeunes contrevenants visés par la Loi sur les jeunes contrevenants, de sorte qu'elle s'applique uniquement aux jeunes contrevenants poursuivis au tribunal pour adultes.

C'est l'inquiétude que vous aviez exprimée à ce moment-là.

Vous parlez des jeunes contrevenants à la page 6 du texte anglais de votre exposé de ce soir. Vous faites une recommandation à laquelle le comité ne pourrait vraisemblablement pas donner suite selon moi. Vous dites que nous devrions:

examiner les dispositions du projet de loi C-68 pour vérifier que la même chose ne se produise pas relativement à l'utilisation d'armes à feu.

Vous parlez dans ce cas-là d'adultes qui se servent d'enfants pour commettre des infractions à l'aide d'une arme à feu.

Encore une fois, je fais un assez long préambule avant de vous poser ma question.

En décembre, vous vous inquiétiez du fait que les peines minimales obligatoires ne s'appliquaient pas aux jeunes visés par la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous avons maintenant le projet de loi devant nous. Je crois que nous pouvons dire qu'il ne prévoit pas de peines minimales obligatoires pour les jeunes contrevenants, pourtant vous n'avez pas soulevé cette inquiétude dans l'exposé que vous nous avez fait ce soir. Je me demande pourquoi.

[Français]

Mme Vallée: Concernant la question des jeunes contrevenants, vous avez tout à fait raison. On ne l'a pas incluse ce soir parce que quand on a rédigé cette brochure, les gens se sont rendus compte que la manière dont c'était rédigé laissait entendre que le Conseil souhaitait des sentences minimales pour les jeunes. Ce n'est pas du tout le cas. En fait, et c'est clair pour les 25 membres du Conseil, on voulait simplement sensibiliser le gouvernement à la manière dont certains gangs organisés fonctionnent.

.2020

Je vous donne un exemple très concret au Québec. La Sûreté du Québec déclarait récemment que les Hell's Angels se servaient de jeunes pour faire leur sale boulot quand les risques d'être pris par la police étaient trop élevés.

Compte tenu de l'ampleur grandissante du crime organisé, on vous dit qu'il est important d'être conscients que le crime organisé et les gangs comme les Hell's Angels, ou d'autres genres de groupes, vont se servir de plus en plus de jeunes. Évidemment, on fait référence ici à des gangs organisés et non pas à un conjoint qui, dans un état de panique, va assassiner sa conjointe. On fait référence à certains groupes. Malheureusement, comme je le disais au tout début en parlant des Nations unies, on doit reconnaître que le crime organisé prend de plus en plus d'importance et qu'il se sert davantage de jeunes pour agir.

Comme Conseil, on aurait pu vous faire des recommandations pour prévenir les jeunes de la délinquance ou pour qu'ils ne deviennent pas victimes de groupes comme les Hell's Angels ou la mafia. Malheureusement, on n'a pas fait d'étude en profondeur qui nous permette de proposer des solutions efficaces. Cela n'en demeure pas moins une préoccupation pour les membres du Conseil, surtout dans les zones urbaines où le crime organisé est très important.

Mais vous avez tout à fait raison. À titre de vice-présidente du Conseil, j'assume l'entière responsabilité du libellé de la brochure et j'admets que les gens peuvent croire en le lisant que le Conseil va dans ce sens-là, mais ce n'est pas du tout le cas. On dit tout simplement qu'il y a un problème de criminalité au Canada et que la façon de fonctionner de certains groupes devient une menace pour les jeunes.

[Traduction]

M. Wappel: Bon, ce qui m'intéresse - et merci pour la réponse... Le projet de loi dont nous sommes saisis porte sur les armes à feu et sur les autres armes. Pouvez-vous nous éclairer en nous expliquant le sens de la partie 14 de l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui?

Je vois mal que nous puissions réagir aux problèmes des jeunes contrevenants, et plus particulièrement aux cas dont vous nous avez parlé, au moyen de dispositions à cet égard dans une Loi concernant les armes à feu et les autres armes.

Qu'avez-vous voulu dire au juste à la partie 14 de votre mémoire?

Mme Vallée: Il nous faut un moment pour regarder la version anglaise, car c'est très clair en français.

[Français]

M. Chapdeleine: Monsieur le président, en attendant, est-ce que je peux essayer de répondre à la question des coûts?

[Traduction]

M. Wappel s'interrogeait sur ce que nous avons écrit en décembre par rapport à ce que nous pensons aujourd'hui. À ce moment-là, nous ne savions pas à combien exactement s'élèverait le coût du permis d'arme à feu. Nous ne savions pas non plus combien il en coûterait pour enregistrer chaque arme à feu.

Nous étions alors d'avis - plusieurs membres du Conseil en ont parlé - que le système devrait être aussi facile et équilibré que possible pour être efficace. C'est tout à fait raisonnable comme position.

En fait, quand nous avons vu dans les propositions plus détaillées que le coût du permis s'élèverait à environ 60 $ pour cinq ans, c'est-à-dire 12 $ par an ou 1 $ par mois, nous avons trouvé que c'était tout à fait raisonnable, surtout en comparaison avec le prix actuel de l'AAAF, qui est de50$. C'était seulement 10 $ de plus, et nous avons donc jugé la proposition bien équilibrée.

.2025

En ce qui concerne l'enregistrement de chaque arme à feu, nous avons entendu dire que dans un premier temps, il n'y aurait probablement pas de frais à acquitter afin d'encourager la mise en oeuvre rapide du système. Puis, on pourrait exiger un maximum de 10$ pour les dix premières armes à feu, et 10$ de plus pour dix armes supplémentaires. Cela est également très raisonnable.

Plus tard, l'arme sera peut être cédée. Supposons que je vende mon arme à mon fils, parce que je ne veux plus m'occuper de l'entreposer, etc. Mon fils assume cette responsabilité. Il lui en coûtera alors 10$ pour enregistrer cette arme.

Cela semble très raisonnable, surtout lorsque nous comparons ces droits à ce qu'il en coûte, par exemple, pour immatriculer une voiture auprès de la Société de l'assurance-automobile du Québec. Chaque véhicule doit être immatriculé chaque année. Les frais d'administration sont de 4$ à 10$ - d'habitude 10$ - et s'appliquent à chaque véhicule, et non pas à dix véhicules à la fois.

Tout cela nous a semblé très raisonnable, et nous n'avons donc pas soulevé à nouveau cette question, d'autant plus...

M. Wappel: Donc, pour résumer... les renseignements que vous avez obtenus depuis décembre en ce qui concerne les coûts probables de l'enregistrement ont dissipé vos craintes. Vous n'avez donc pas insisté là-dessus autant qu'auparavant, ce qui est parfaitement légitime. Je voulais simplement que tout soit clair.

M. Chapdelaine: C'est exact. J'ajouterais que depuis décembre, nous avons pu voir... Comme vous le savez, lorsque j'ai comparu devant vous il y a deux semaines, nous avons calculé le coût des blessures par balles, tant les coûts directs que ceux qui sont associés à une baisse de la qualité de vie et à une perte de productivité.

Même si le coût total du système d'enregistrement, qui comprend les permis de possession et l'enregistrement de chaque arme à feu, était plus élevé que 85 millions de dollars, les avantages, par rapport aux coûts, resteraient extrêmement élevés.

M. Wappel: Madame Vallée, avez-vous une réponse à ma question sur les jeunes contrevenants?

Mme de Villiers: Dans ce passage, nous traitions expressément des armes à feu. Il était tout à fait indiqué de le mentionner, puisque nous traitions de ce projet de loi.

Nous parlions du fait que certains criminels utilisent des enfants comme exécutants, pour appuyer sur la détente. Nous aimerions que vous ajoutiez une disposition précisant que c'est l'adulte qui est en fait le principal contrevenant et qu'il ne peut pas se cacher derrière un enfant.

C'est l'une de nos grandes préoccupations, suscitée par certains événements qui se sont produits au Québec. En fait, à ma connaissance, le problème des Hell's Angels s'est manifesté cette année, et non pas auparavant.

[Français]

Le président: Monsieur de Savoye, vous avez cinq minutes.

M. de Savoye: Monsieur Chapdelaine, je crois que vous êtes médecin, et j'aimerais profiter de cette occasion pour revenir sur cette question où la responsabilité des professionnels pourrait être mise en cause. Je vous donne tout de suite des indications sur la réponse que j'aimerais obtenir de vous. Dans quelle mesure les professionnels sont-ils disposés et capables d'assumer cette responsabilité? Tantôt, madame de Villiers a donné comme exemple les enfants maltraités. Et on comprendra qu'un médecin, en présence d'un enfant maltraité, se doit de prendre en compte l'intérêt de son patient et de le soustraire aux mauvais traitements dont il est l'objet. Par ailleurs, si le médecin est en présence d'un individu en détresse auquel il faudrait retirer son arme à feu, est-ce que le patient, qui est vraisemblablement le propriétaire de l'arme à feu, ne se sentirait pas trahi si le médecin prenait de telles dispositions, à son insu ou à son su, pour lui retirer l'arme à feu?

.2030

Vous êtes médecin, je ne le suis pas, et vous avez donc un point de vue qui peut intéresser les membres de ce Comité. Je vous écoute.

M. Chapdelaine: Cette réflexion inclut aussi d'autres professions. Vous vous en rendez bien compte, mais je vais quand même prendre l'exemple du médecin, car nous avons une profession très réglementée par les collèges de médecins dans chacune des provinces. Nous sommes réglementés par un code d'éthique et de déontologie, où la confidentialité de la relation entre le patient et le médecin a toujours été préservée depuis le serment d'Hippocrate, depuis 4 000 ans. Il est d'ailleurs essentiel de préserver cette confidentialité pour obtenir la confiance de son patient de façon à ce qu'il ait envie de continuer à se faire soigner par nous, et pour que le lien thérapeutique se fasse. Mais il y a cependant des situations qui sont très claires et qu'il n'est pas difficile de dénoncer parce qu'il y a menace de mort, par exemple, et c'est la partie facile. Ce n'est cependant pas toujours facile parce qu'il faut d'abord penser à poser la question de savoir s'il y a une arme et ensuite, il faut savoir où s'adresser pour obtenir l'aide des autorités. Il faut avoir le numéro 1-800 ou un numéro spécial pour appeler la Sûreté du Québec ou la police municipale dans certaines municipalités.

Dans des situations plus délicates menaçant l'intégrité de la personne elle-même, comme un risque de suicide, il y a différentes façons de procéder. Quamd vous posez la question de savoir si, dans la profession médicale, il y en a qui sont prêts à assumer cette responsabilité, je pense que ceux qui ont à s'occuper de ces problèmes quotidiennement, comme les psychiatres et certains généralistes qui travaillent aux urgences, doivent savoir quoi faire et jusqu'à quel point ils peuvent agir.

Dans plusieurs situations, le fait de retirer l'arme peut se régler, soit avec la permission du patient, si le lien est bon, ou avec la permission de la famille.

Ce qui nous inquiète depuis qu'on a soulevé ce problème, ce sont les cas particuliers. Je vous cite le cas d'un jeune homme suicidaire, déprimé, et qui est vu par un psychiatre. Le psychiatre veut l'hospitaliser mais la famille ne veut pas. D'autre part, il n'y a pas beaucoup de lits libres dans les hôpitaux et il n'est pas facile de l'hospitaliser. La famille garantit aussi au psychiatre que le jeune homme sera surveillé 24 heures sur 24 heures pour éviter le suicide, le temps que les médicaments fassent effet pour le sortir de sa dépression.

Or, personne ne s'est inquiété de savoir s'il y avait une arme à la maison. Le jeune est surveillé continuellement et un réveil sonne toutes les quinze minutes pour aller voir ce qu'il fait dans la chambre. Mais pendant un intervalle de 15 minutes, le jeune est sorti de sa chambre, est allé dans la chambre de son frère qui dormait, a pris la .22 qui était accrochée au mur, a sorti les balles du tiroir, a armé et s'est tiré les balles dans la bouche. Tout le monde avait concentré son attention sur l'individu, mais pas sur l'environnement dans lequel l'individu évolue, fait ses choix ou ne les fait pas. Personne n'avait pensé non plus aux technologies disponibles.

Il faut donc éduquer les gens. La première étape dans tout processus de sensibilisation du public, ne serait-ce que par ces audiences, mais aussi des professionnels, est de les amener à se poser la question systématiquement.

M. de Savoye: Maintenant, vous m'amenez à me faire l'avocat du diable. Avec un système d'enregistrement universel, si on ne fait pas cette éducation, le système d'enregistrement nous permet de savoir qui a des armes mais n'empêche personne de les utiliser.

.2035

[Traduction]

Le président: Votre temps de parole est écoulé, mais finissez votre question et je leur permets de vous répondre.

[Français]

M. de Savoye: Inversement, si le système d'enregistrement n'existe pas, mais que les professionnels pensent à poser cette question, bien des vies seront épargnées. Alors, est-ce que le système est utile?

M. Chapdelaine: Oui. Pour une raison très simple. Pour le moment, les gens pensent encore que les petites .22 qui traînent dans les fermes du Québec et ailleurs au Canada, sont très banales parce qu'on ne les utilise que pour tirer des mouffettes, tout comme les .12 qui sont tellement communes qu'on les entrepose avec à peu près autant de sûreté que des tue-mouches.

Le fait de les enregistrer, d'en faire une préoccupation légale, envoie un signal gigantesque à toutes les strates de la population: les femmes, les victimes futures, les médecins, les psychologues et tout le monde. Cela signifie que ces objets ne sont pas des jouets, ne sont pas des tue-mouches et qu'il faut les traiter avec respect. Et là, on peut espérer que les gens commenceront à se poser des questions, que les policiers rentreront dans les maisons, à Sainte-Marie ou ailleurs, et demanderont, dans une situation de violence, s'il y a une arme, puisqu'ils ont le pouvoir de les saisir, comme le disait M. Ramsay. Mais pour le moment, il y a un peu trop de banalisation autour de cela. Et des événements tragiques et malheureux comme celui de Sainte-Marie-de-Beauce, je connais bien le coin et je connaissais aussi le policier qui s'est fait tuer car j'ai travaillé avec lui en sécurité routière, sont des événements qui sensibilisent énormément les gens.

Enregistrer les armes traduit donc l'importance que le gouvernement fédéral veut accorder à ce fait, et c'est un outil d'éducation plus puissant que toutes les campagnes qu'il serait extrêmement coûteux de mener.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Vallée?

[Français]

Mme Vallée: Oui. On parle de la responsabilité professionnelle et du secret professionnel des médecins, mais je crois qu'il y a d'autres professions qui ont une responsabilité professionnelle envers le client. Je suis criminologue de formation, et même si les gens que nous suivons sont sous le coup d'une sentence, et que nous sommes dans une situation d'autorité, il n'en demeure pas moins que nous sommes des professionnels et que nous avons un secret professionnel à respecter à l'égard de nos clients. Toutefois, je pense que la majorité des professionnels, du moins les criminologues, sont suffisamment honnêtes pour expliquer à leurs clients que le secret professionnel a des limites. Dans le cas où des citoyens ou des gens de l'entourage du client ou de la communauté en général, sont en danger à cause de l'attitude ou du comportement déviant du client, le criminologue a le devoir de dire à son client qu'il va agit, soit en téléphonant à la police, soit en avisant la famille ou ses proches. Je crois que le secret professionnel a des limites et cela ne doit pas devenir un carcan qui va finalement nuire à la sécurité des autres. Je pense que c'est le cas pour plusieurs professionnels.

[Traduction]

Mme Torsney (Burlington): J'ai plusieurs questions; je vais les poser toutes, parce que je veux que vous ayez tous l'occasion de répondre.

D'abord, une question de détail. À la page 5, vous définissez les préoccupations de certains groupes, tels les femmes battues. Je me suis demandée pourquoi vous n'aviez pas tout simplement parlé des femmes en général plutôt que des femmes battues expressément - mais c'est vraiment un détail.

Je voulais surtout savoir comment fonctionne le conseil. Comment en êtes-vous arrivés à cette conclusion collective? J'ai lu votre rapport et je crois comprendre que vous appuyez le projet de loi, mais je vois beaucoup de réserves. Je crains un peu que cette réunion prenne fin sans que les gens aient tout à fait compris votre message. Je crois avoir compté quatre ou cinq réserves et cela me préoccupait.

.2040

M. Chapdelaine, peut-être avez-vous eu l'occasion d'entendre ou de lire le témoignage des médecins des services d'urgence et des suicidologues. Pensez-vous qu'il soit urgent de mettre en oeuvre les mesures proposées? Certains témoins nous ont certainement dit qu'ils voulaient que les choses soient retardées et que des exemptions soient accordées pour certaines provinces.

Ma question s'adresse au groupe de témoins; que pensez-vous de la décriminalisation? Certains exposés ont suggéré que le fait de ne pas enregistrer ces armes à feu ne devrait pas être une infraction criminelle et que nous devrions trouver un autre moyen de mettre en oeuvre le système. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais que vous concentrez vos efforts sur l'éducation et la prévention, mais quelle est votre opinion au sujet de la décriminalisation? Cela facilitera-t-il l'application du système? Sentez-vous libre de répondre en anglais ou en français.

Le président: Peut-être devriez-vous répondre à la question qui portait sur vos conclusions, ainsi que sur les réserves que vous avez formulées avant de répondre aux autres questions, puisqu'il s'agit d'une question fondamentale.

[Français]

Mme Vallée: En ce qui concerne la façon de travailler du Conseil, elle est fort simple. Le Conseil se compose de 25 membres qui déterminent diverses priorités. À l'unanimité, ils en sont venus à la conclusion que le projet de loi sur les armes à feu devait constituer une priorité. Si bien, qu'ils ont nommé des personnes pour faire partie d'un comité de travail, lequel a élaboré une première ébauche de commentaires. Cette ébauche a été soumise au Conseil pour fins de discussion et pour enrichir les points de vue émis.

Avant de vous être présenté ici aujourd'hui, le document a été renvoyé à tous les membres du Conseil national de la prévention du crime, afin d'obtenir leurs opinions. Ils ont eu amplement le temps d'être consultés et de faire valoir leur point de vue.

C'est pourquoi, lorsque je vous disais en commençant que le texte présenté aujourd'hui fait l'objet d'un véritable consensus parmi les 25 membres, c'est tout à fait vrai. Je ne mens pas.

En ce qui concerne les préoccupations que nous avons, si le Conseil endosse effectivement le projet de loi, c'est avec quelques réserves qui portent sur quelques points. Je reviens toujours à la question de l'éducation et à l'idée d'une stratégie globale. Pour le Conseil national, il est extrêmement important de ne pas seulement compter sur la loi pour garantir la diminution des crimes violents. Il est important d'avoir un programme d'éducation du public, un programme d'éducation des professionnels et une formation adéquate des policiers qui vont devoir procéder à l'enregistrement des armes à feu.

Ce sont des points qui n'avaient pas été discutés au point de départ. Nous avons donc décidé de saisir l'occasion que nous donnait l'étude du projet de loi pour faire valoir nos préoccupations.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous répondre aux autres questions maintenant?

M. Chapdelaine: Madame Torsney, pour répondre à la question que vous nous avez posée à propos de l'urgence de la mise en oeuvre, je me trouve dans une position difficile à cet égard, car en ce qui a trait à la santé publique et aux problèmes que nous avons identifiés - nous avons eu l'occasion de vous en parler - et, à la lumière de ce que les médecins nous ont dit, ainsi que le centre de prévention de suicide de Chicoutimi l'autre jour... À la lumière de tout cela, il est évident qu'en ce qui nous concerne il s'agit d'un énorme problème. L'enregistrement et les autres dispositions du projet de loi C-68 sont des éléments de la solution qui doivent être mises en oeuvre le plus rapidement possible. Donc, de fait, si je ne vous parlais qu'en tant que médecin spécialiste du domaine de la santé publique, je vous répondrais «le plus rapidement possible», car plus on tarde, plus le nombre des victimes s'accroît.

.2045

Pour ce qui est de l'application uniforme de la loi dans tout le pays et des aspects de la criminalité dont je dois tenir compte en tant que membre de ce conseil, cet aspect est très important. Par conséquent, il faut prévoir une période de transition normale afin que la loi donne de bons résultats et que sa crédibilité ne soit pas minée à cause d'une trop grande précipitation, d'une défaillance des systèmes informatiques, etc.

En réponse à votre question, je vous répéterai ce que nous vous avons déjà dit le 27 avril. En tant qu'intervenants dans le domaine de la santé publique, nous voyons les problèmes. C'est nous qui devons soigner les blessures. Nous pouvons identifier ces problèmes de façon assez précise pour pouvoir les expliquer à des gens comme vous. Mais en l'occurrence, contrairement aux maladies infectieuses, nous n'avons pas de solutions à vous proposer. Ce n'est pas à nous, mais à vous, de les trouver. En tant que législateurs, il vous incombe d'agir de manière à empêcher les problèmes auxquels vous pourriez avoir à faire face dans plusieurs années et même, peut-être, dans un avenir assez rapproché. La responsabilité des législateurs est beaucoup plus lourde que celle des personnes qui doivent réparer les dégâts.

Je songe au sang contaminé.

Le président: Madame Torsney, votre temps est écoulé. Vous avez posé plusieurs questions. Avez-vous obtenu toutes les réponses?

Mme Torsney: On n'a pas répondu à ma question sur la décriminalisation.

Mme de Villiers: La criminalisation n'a pas été soulevée en tant que problème. Je crois que les membres du conseil s'entendent tacitement pour appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle. Mais je pense que c'est un bon exemple de la façon dont notre conseil fonctionne, et notre principal intérêt semble laisser les membres du Comité de la justice très perplexes. Je pense que M. Wappel l'a mentionné, et c'est la façon de l'exprimer.

Le conseil est multidisciplinaire. Ses membres proviennent de milieux et de régions très différents. Ils sont fort représentatifs. Le fait que nous pouvons nous réunir et en arriver à un consensus sur quoi que ce soit est en soi assez remarquable, mais c'est parfois très difficile.

En outre, c'est dans une perspective de prévention du crime que nous avons examiné cette loi et c'est dans ce contexte que nous tentons d'exprimer nos préoccupations quant à l'appui que reçoit la loi actuelle. En d'autres mots, nous ne nous sommes pas réunis pour examiner à la loupe le libellé de la loi actuelle, mais pour formuler nos préoccupations générales au sujet de la prévention du crime et des appuis nécessaires pour que ce projet de loi soit aussi efficace que nous le souhaiterions.

Voilà je pense, si je me suis bien exprimée, pourquoi nous avons traité de certaines questions qui semblent laisser certains d'entre vous assez perplexes. Mais je j'estime qu'il est très important de le faire pour que ce projet de loi reçoive l'appui qu'il mérite.

M. Thompson (Wild Rose): Je pense que tous ici conviendraient que nous voulons coûte que coûte que ce projet de loi atteigne ses objectifs.

Pouvez-vous nous prouver que l'enregistrement fonctionnera? Nous avons demandé des preuves pendant des mois et des mois, mais personne ne nous en a donné.

Le président: Je me mords la langue. Veuillez répondre à la question de M. Thompson.

M. Thompson: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Ils ont peut-être réussi à vous convaincre, mais ils ne m'ont pas encore convaincu. J'aimerais que ces témoins aient l'occasion de me convaincre.

Le président: Très bien. Votre rappel au Règlement est tout à fait légitime.

M. Thompson: Mon rappel au Règlement est légitime? Merci.

Mme Torsney: J'invoque le Règlement. Je pense que la question portait sur le fait qu'aucune preuve n'a été présentée. Que nous soyons ou non convaincus par ces preuves est une autre affaire. Je pense que les témoins ont été induits en erreur sur la question de savoir si oui ou non...

.2050

Le président: Voilà pourquoi je me mordais la langue.

J'aimerais vous voir convaincre M. Thompson aussi.

[Français]

Mme Vallée: Monsieur Thompson, le système d'enregistrement ou d'immatriculation des véhicules n'est pas sans problème. Celui des cartes de crédit non plus. Même si les compagnies suivent les comptes avec une extrême rigueur, elles ne réussissent pas à empêcher la fraude ni d'autres problèmes. Pourtant, on ne remet pas en question le droit des individus de se procurer des cartes de crédit.

Ce que nous disons, c'est que le système d'enregistrement universel est pour nous très important. Nous ne nions pas qu'il pourrait survenir des problèmes, sur le plan informatique par exemple. C'est normal, je crois. Il n'y a aucun système actuellement qui ne connaisse pas de problème informatique.

Ce que nous disons, par ailleurs, c'est qu'à la vitesse à laquelle les armes à feu se propagent et quand on pense aux prévisions de criminalité dans les prochaines années, quand on pense à l'aggravation du crime organisé dont nous sommes tous conscients, on se rend compte que c'est de plus en plus important de suivre l'évolution et la circulation des armes à feu au Canada. Nous lisons tous les journaux et les études de criminologie.

Je reviens sur ce qui a été dit la semaine dernière au congrès des Nations unies où le Japon faisait remarquer qu'il y a une couple d'années, la possession d'arme à feu était propre aux criminels. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. La possession d'arme à feu est devenue chose courante. Des citoyens qui ne sont pas des criminels possèdent aujourd'hui des armes à feu. Parlons des statistiques portant sur les meurtres de conjointes. Si je ne me trompe, à tous les six jours, une femme meurt tuée par son conjoint. Les conjoints qui tuent leur femme ne sont pas nécessairement des gens qui avaient fait de la prison ou qui étaient connus comme criminels, ce sont des gens qui possèdent des armes à feu ou y ont accès.

Je me permets de vous rappeler, parce que c'est mon domaine et que je travaille avec les délinquants, à quel point il est facile de se procurer une arme à feu en 1995. Aujourd'hui, en plein centre-ville de Montréal, un jeune peut s'en acheter une aisément. On n'a pas à se poser de questions.

L'enregistrement des armes à feu est extrêmement important, pour connaître la fluctuation du marché des armes à feu. Ajoutez-y ce dont le docteur Chapdelaine parlait, soit l'éducation du public qui est un autre élément essentiel.

À ce jour, c'est le seul moyen dont dispose ou dont pourra disposer au Canada, pour s'assurer d'avoir une connaissance maximale des fluctuations d'achats et de ventes des armes à feu. Il ne faut pas oublier que, non seulement la responsabilité des citoyens par rapport aux armes à feu se trouve engagée, mais aussi celle des fabricants. Ces derniers doivent être imputables des armes qu'ils produisent et vendent. Actuellement, aux États-Unis et dans d'autres pays, on ne sait pas trop où vont les armes fabriquées. C'est extrêmement important d'avoir un système universel d'enregistrement qui va nous assurer un minimum d'informations sur la circulation des armes.

[Traduction]

M. Thompson: J'ai entendu ce que vous avez dit, et ce que j'essaie de dire c'est que les jeunes doivent obtenir un permis d'acquisition et franchir diverses autres étapes avant de pouvoir posséder une arme à feu.

J'ai fait certaines recherches et découvert qu'on pouvait louer une arme à feu, ou même en acheter une clandestinement sans difficultés, des milliers, en fait, dans plusieurs villes. Dans le Globe and Mail de samedi, le détective responsable du groupe de travail a dit qu'on avait complètement perdu le contrôle de la situation.

Puisque nous reconnaissons qu'il y a là un problème véritable, je ne comprends pas pourquoi nous ne conjuguons pas nos efforts pour lutter contre ce problème auquel nous savons que nous pouvons remédier au lieu de se lancer dans des conjectures avec l'enregistrement quand nous n'en sommes pas très sûrs.

Les véhicules automobiles sont enregistrés pour toutes sortes de raisons. On recueille ainsi des fonds tous les ans qui contribuent à la construction d'autoroutes.

Souvenez-vous aussi que les banques y trouvent aussi leur intérêt; ainsi, il vaut mieux qu'elles soient enregistrées, dans leur intérêt et celui des autres.

.2055

J'ai l'impression que l'on compare des pommes et des oranges ici. On a fait valoir de nombreux arguments dans ce sens, mais je ne crois pas que ce soit là l'objectif visé.

Pour terminer, je dirais que je suis très inquiet de toutes ces choses sur lesquelles nous avons perdu le contrôle. Lorsque des gens de Calgary me disent que leurs enfants portent des armes à feu dont les numéros sont limés, ce qu'ils veulent savoir, c'est ce que l'on peut faire pour corriger une telle situation. J'essaie de trouver dans cette mesure une solution à ce problème, mais je ne la trouve pas. C'est cela, le problème.

Mme de Villiers: Je fais tout pour vous convaincre. Permettez-moi d'ajouter...

Le président: Il ne vous reste plus beaucoup de temps. Mais je serai aussi clément que possible.

Mme de Villiers: C'est le début d'un processus, monsieur Allmand.

Le président: Essayez de vous limiter à quelques minutes.

Mme de Villiers: Je vais essayer.

Comme je l'ai dit à perdre haleine plus tôt aujourd'hui, il faut commencer par entamer le processus.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. L'importation d'armes illégales et leur accessibilité soit hors contrôle, et la situation ne fait qu'empirer. Il nous faut une façon de mesurer ce qui... C'est cela, la zone grise. Nous devons commencer par imposer des mesures d'entreprosage sûres et de responsabilité tout en travaillant parallèlement à régler l'autre problème.

On ne peut pas faire de comparaison car il s'agit de deux grands problèmes distincts.

Pour commencer, il faut traiter la question des armes à feu au Canada, dont certaines sont devenues illégales. Il faut entamer un processus. Il faut définir ce qui est légal et faire l'inventaire de ce qui existe. Ensuite, il faut décider de ce qui est illégal et mesurer l'étendue du problème. On ne saurait se lancer dans une telle entreprise sans normes. Avant d'entamer une étude ou un processus, il faut d'abord savoir ce qui est normal, ou ce qui est légal dans ce cas-ci.

Deuxièmement, l'un des grands problèmes vient de ce que les divers groupes avancent des motifs différents. Rassemblons tout cela.

Nous avons entendu des témoignages convainçants de personnes selon qui ces mesures contribueraient grandement à prévenir les suicides. Il est nécessaire de mettre en place un système d'enregistrement. L'enregistrement n'est pas la solution totale, mais il contribuerait grandement à ce que soient appliquées des mesures d'entreposage sûres. À mon avis, le maniement sans danger des armes à feu est tout à l'avantage de chaque propriétaire d'armes. C'est un élément important car ce sont les propriétaires qui devront en assumer la responsabilité.

Les policiers nous ont expliqué de façon très convaincante qu'ils doivent être au courant de la présence d'armes à feu dans les maisons où ils pénètrent. Les ex-policiers que nous avons entendus le savent sans doute par expérience. On m'a dit qu'ils doivent se faufiler autour des maisons en essayant de voir par les fenêtres ce qui se passe à l'intérieur.

Dans mon cas, les policiers ne savaient pas combien d'armes il pouvait y avoir dans cette grande ferme ni si la personne possédait une arme à feu.

Il faut donc donner aux policiers les outils dont ils ont besoin.

C'est sans mentionner une bonne dizaine d'autres raisons.

Ce que je demande, c'est que quelqu'un rassemble tous les témoignages que vous avez entendus, des divers groupes - certains contre, certains pour - pour déterminer si la mesure est utile ici ou là et plus utile ici que là. Pour ma part, j'ai soigneusement étudié ces témoignages, tout comme l'a fait le conseil, je crois. Nous avons déterminé que, dans un grand nombre de domaines où les armes à feu ont des effets directs, un régime normalisé et complet d'enregistrement serait très utile.

Le président: Nous ne saurons qu'au moment du vote si vous avez convaincu M. Thompson ou pas.

Madame Barnes.

Mme Barnes (London-Ouest): Je tiens à affirmer au départ que ce que j'ai trouvé dans les documents qui ont été présentés à notre comité, ce sont des preuves empiriques.

Je viens de lire l'un des mémoires que nous avons reçus il y a quelques jours; tous les membres du comité en ont un exemplaire. Ce mémoire portait sur des corrélations internationales entre la propriété d'armes à feu et les taux d'homicide et de suicide. C'est une étude réalisée par Martin Killias, qui visait à examiner les corrélations, à l'échelle internationale, entre les taux rapportés de propriété d'armes à feu dans les ménages et les taux de suicide et d'homicide par arme à feu. Il s'agit d'une enquête internationale sur le crime réalisée en 1989 dans 11 pays d'Europe, en Australie, au Canada et aux États-Unis.

.2100

L'étude a révélé qu'il y avait effectivement corrélation entre les taux de propriété d'armes à feu et les taux nationaux de suicides et d'homicides ainsi qu'avec la proportion des suicides et homocides commis au moyen d'une arme à feu.

Et le texte continue:

L'étude montrait également que la présence d'une arme à feu dans la maison augmente les chances qu'un homicide ou un suicide y soit commis.

Ce ne sont que quelques-uns des éléments de preuve.

Certains voudraient bien dire qu'il n'existe pas de preuves, car ils préfèrent jouer à l'autruche. Nous, nous ne pouvons faire que notre travail et laisser les autres faire le leur.

Il y a un autre élément qui me préoccupe - d'ailleurs, vous en avez parlé - c'est la rentabilité ou l'efficacité d'un régime national d'enregistrement.

Nous faisons toujours la comparaison avec le régime qui existe chez nos voisins américains, alors que ce régime est probablement aux antipodes de ce que veulent la plupart des Canadiens. Lorsqu'on écoute les gens dans leurs localités ou dans les lignes ouvertes, on entend toujours parler de la Nouvelle-Zélande. Je l'ai constaté dans ma circonscription et ailleurs. Quelqu'un l'a mentionné également ce soir.

Le système néo-zélandais a été mis en place en 1934 environ. Tout était écrit à la main. Le système a été modifié et remplacé par un autre système également manuel. Après un certain nombre de décennies, il a été abandonné, car il était totalement inefficace. C'était un système stupide et c'est d'ailleurs ce que tout le monde en dit. Il s'agissait d'un échec dans une nation insulaire située bien loin des États-Unis. Il y a beaucoup de moutons dans ce pays-là. Et il y a aussi beaucoup de personnes et d'armes à feu. Mais même encore aujourd'hui, les armes à feu y sont enregistrées et les propriétaires doivent obtenir des permis de possession d'armes.

J'affirme également que la norme, ce sont les nations d'Europe. Ce que nous faisons ici au Canada, cela n'a rien de neuf. La plupart des Canadiens ne savent pas que la Belgique, la Finlande, l'Allemagne, la Grèce, la Grande-Bretagne, l'Irlande, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et la Suisse ont tous des régimes de permis de possession d'armes et d'enregistrement des armes à feu. Ces régimes ont eu des effets positifs et ont fait leurs preuves. Nous n'inventons rien. En fait, nous copions une norme qui existe dans les pays d'Europe.

Permettez-moi de poser une question au docteur Chapdelaine.

En réponse à une question de mon collègue, ce soir, vous avez mentionné les coûts de ce régime. Vous avez dit que les avantages étaient extrêmement élevés comparativement au coût proposé de 85 millions de dollars.

De quoi s'agit-il? Pourriez-vous m'en dire davantage sur les chiffres que vous avez cités? En dollars et en cents, qu'entendez-vous par «extrêmement élevé»?

M. Chapdelaine: Je vais vous répondre tout de suite, mais permettez-moi d'abord de souligner une comparaison que vous avez faite sans vraiment la faire.

Il y a d'une part l'étude de Martin Killias. Cette étude a d'ailleurs été publiée, après examen par des pairs, au Journal de l'Association médicale canadienne. Monsieur Killias y compare les taux de propriété d'armes à feu et les taux de décès de pays dont la densité d'armes à feu est différente. Il y a une donnée qu'il ne connaissait pas et qu'il n'a pas utilisée - une donnée que nous ne connaissions non plus à cette époque - c'est que les pays d'Europe possédaient des régimes d'enregistrement, pays dont vous venez de donner la liste en exemple.

Les pays dont les taux sont les plus faibles sont à peu près les mêmes que ceux qui ont un régime d'enregistrement. N'oubliez pas cela.

Pour ce qui est des coûts, il est difficile de répondre à votre question car l'étude réalisée à l'automne sur les coûts est examinée par des pairs, au Journal de l'Association médicale canadienne. Chez les épidémiologistes, il est de tradition de ne divulguer les résultats des études qu'une fois cette étude publiée.

Lorsque nous avons comparu devant vous le 27 avril, à titre de représentants de l'Association canadienne de santé publique, nous avons dit qu'il fallait déterminer le prix de la vie humaine. Si un investissement d'un million de dollars permet d'éviter 1 400 morts par armes à feu au Canada, ce qui est le nombre de ces décès chaque année, vous pouvez faire vous-même le calcul. Vous pouvez également calculer quel est le coût si l'on investit 4 millions de dollars canadiens.

Donc, qu'il s'agisse d'un milliard de dollars, de 500 millions de dollars ou de 6,9 milliards de dollars, cela montre que le coût par année est bien supérieur à celui d'un régime d'enregistrement et de certificat de possession, même si ce régime coûtait plus de 160 millions de dollars, comme les derniers chiffres semblent l'indiquer.

.2105

Autre point important, le système de permis et le système d'enregistrement sont censés s'autofinancer par le recouvrement des coûts.

Ainsi, la somme investie par chaque propriétaire d'arme à feu pour faire du Canada un pays plus sécuritaire ne représente pas un investissement individuel énorme. Pourtant, cet investissement pourrait être énormément rentable, pas seulement en ce qui a trait à leur sport favori, qu'ils pourront continuer de pratiquer - comme la chasse et ainsi de suite - mais aussi en ce qui a trait à leur réputation et à la façon dont ils s'occupent des armes à feu.

Mme Barnes: Je devrais aussi ajouter que le système actuel, à la lumière des coûts les plus récents, comporte aussi des coûts non ponctuels. Ce n'est pas comme si nous avions à choisir entre un système gratuit et un coût de 85 millions de dollars. De fait, les chiffres fournis par le ministre de la Justice montre que le nouveau système sera moins coûteux que le précédent. Il faut que les gens s'en souviennent.

Le président: Voulez-vous répondre?

Je donne la parole à monsieur de Savoye.

[Français]

M. de Savoye: Madame Vallée, une des choses que j'apprécie dans votre mémoire c'est qu'il n'a pas une approche légaliste. Nous savons que le projet de loi qui nous intéresse en est un dans le Code criminel, des articles de loi, une approche méticuleuse sur le plan de la légalité.

Vous avez ici une approche beaucoup plus large et plus humaniste. Vous parlez de programmes équilibrés, de stratégies à long terme, de système d'éducation et d'information, d'un programme de prévention, de l'imputabilité des professionnels, de l'éducation communautaire, vous parlez même de la responsabilité civile et des assureurs. Il n'est pas évident de ramasser tout cela à l'intérieur de ce projet de loi.

La question qui me vient à l'esprit est: Comment fait-on pour mettre en oeuvre quelque chose d'aussi large? Nous parlions plus tôt de la Société d'assurance automobile du Québec et du fait qu'elle assure l'enregistrement des véhicules automobiles, mais elle fait bien plus que cela, elle assure l'éducation, l'examen et un ensemble d'activités intégrées qui couvrent le domaine de l'automobile.

Nous ne sommes pas devant un projet de loi qui met en place une société de gestion des armes à feu, simplement un projet de loi qui va criminaliser certains comportements sans pour autant prévoir la mise en place de ressources pro-actives pour assurer une meilleure manutention des armes à feu et une réduction de l'usage de celles-ci.

Je prends un autre exemple. Les jeunes délinquants, cela relèvent du Code criminel. Nulle part dans le Code on ne retrouve la mise en place d'un organisme qui chapeauterait, du côté de la prévention et de l'assistance aux jeunes délinquants, un ensemble de mesures. Que s'est-il passé? Nous savons que les provinces, de façons différentes, ont pris en charge ce chapeau autour d'un ensemble d'activités, et au Québec avec un certain succès, d'ailleurs.

Dans ce cas, comment voyez-vous la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures que vous soumettez au sein d'une province puisque cela va relever de celle-ci? Lorsqu'on parle d'éducation et de prévention, c'est vraiment chacune des provinces qui administrera cet ensemble de mesures puisque le Code criminel ne saurait pas le faire. Comment voyez-vous la mise en oeuvre concrète de cet ensemble de mesures?

Mme Vallée: Je dois vous avouer que nous n'avons pas fait d'exercice poussé sur la question de la mise en oeuvre. Si mes collègues me le permettent, je vais vous répondre à partir de l'expérience que nous avons dans d'autres domaines qui exigent un effort de coordination assez important.

.2110

Premièrement, en ce qui a trait au langage du Conseil national, il est important que vous vous rendiez compte que, dans le mandat même du Conseil national, l'on doit assurer un travail en collaboration avec les groupes communautaires. Vous savez que, dans les groupes communautaires, ce ne sont pas nécessairement des professionnels qui y travaillent; il y a beaucoup de bénévoles. Si on veut assurer la pleine participation des citoyens, on se doit d'avoir, en tant qu'organisation, un langage qui soit accessible même si on a des experts.

Pour ce qui est de la stratégie, - vous parlez d'éducation, vous parlez du projet de loi - vous vous demandez si l'éducation devrait être dans le projet de loi. Nous parlons d'une stratégie globale qui comprend différentes composantes dont la loi, dont un système d'éducation. Pour ce qui est des mécanismes d'implantation, il y a différentes possibilités. Il y a des comités qui s'occupent de prévention du crime, des comités fédéraux, provinciaux, territoriaux qui constituent un des éléments de coordination pour un projet de cette envergure.

En ce qui a trait à l'éducation, il y a des mécanismes interministériels, que ce soit à l'intérieur des provinces ou au niveau fédéral. Pour ce qui est de la santé, de sécurité publique, de justice, il y a moyen de passer par les comités interministériels.

Il y a certainement moyen de développer une collaboration étroite entre les différents gouvernements, encore une fois, que ce soit provincial ou fédéral, et les organismes communautaires qui sont peut-être plus près des communautés, plus aptes à développer des programmes d'éducation efficaces pour certains groupes ou la communauté en général, mais aussi de développer une étroite collaboration avec le secteur privé.

Quand on est arrivé avec la proposition de responsabilité au niveau des assurances, il y a au Conseil - Mme de Villiers l'a bien expliqué - un ensemble de personnes qui représentent différents milieux, dont le secteur privé. Le secteur privé a fait la proposition stipulant que les compagnies d'assurance peuvent jouer un rôle important. C'est pour cette raison qu'on l'a inclue; on trouvait que c'était effectivement une bonne idée.

Donc, c'est sûr que l'implantation d'un tel projet - et je reviens encore à l'idée d'une stratégie globale qui touche à la fois la loi et les mécanismes d'éducation et de contrôle, je dirais, social - est possible. Cela prend évidemment des efforts de coordination, mais c'est possible. On l'a vécu dans d'autres domaines. L'initiative de la violence contre les femmes est un bel exemple où il y a une collaboration extrêmement efficace entre les provinces et le gouvernement fédéral, entre différents ministères. Je pense que si, il y a 10 ou 15 ans, c'était un sujet tabou, aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

[Traduction]

Le président: J'ai une question, puis M. McClelland et Mme Phinney auront le dernier mot.

M. Ramsay et certains autres témoins ont exprimé certaines réserves au sujet du système d'enregistrement par la poste. On craint que les personnes qui rempliront les formulaires et les posteront ne commettent des erreurs. On craint aussi que sans vérification, certaines armes à feu n'aient pas de numéro d'enregistrement ou que plusieurs armes à feu aient le même numéro.

Nous en avons parlé à la GRC quand ses représentants ont comparu devant le comité car ce sont eux qui vont administrer le système d'enregistrement. Ils nous ont répondu qu'ils allaient demander non seulement le numéro de série, mais aussi des précisions sur la marque, le modèle et le calibre de l'arme à feu, ainsi que des renseignements sur d'autres particularités susceptibles de l'identifier.

L'arme à feu sera enregistrée à l'aide du numéro de série, qui existe, nous ont-ils dit, dans la grande marjorité des cas, mais pas toujours. Et, outre le numéro de série, ou notera plusieurs particularités distinctes.

Selon la GRC, sans être parfait, le système permettra de répondre aux objectifs. On disposera ainsi d'un système d'enregistrement assez satisfaisant même si certaines erreurs s'y glisseront sans doute.

.2115

Il me semble qu'au Canada nous avons déjà beaucoup de systèmes qui nous obligent à donner des informations au gouvernement. Je viens de faire une expérience détestable: j'ai rempli ma déclaration d'impôt.

Au Canada, dans le cas d'une déclaration d'impôt, on fait confiance à la personne qui fournit les informations. Les autorités ne vont pas dans chaque maison pour s'assurer... On vérifie les informations que vous avez fournies et on fait des vérifications supplémentaires au hasard.

On ne sait jamais à quel moment le grand fonctionnaire va venir frapper à notre porte; cela ne m'est jamais arrivé à moi. Par contre, c'est arrivé à certains de mes collègues deux ou trois fois. Cela se fait au hasard.

Lorsqu'on veut acheter une assurance-vie ou une assurance-accident, il faut remplir les formulaires qu'on nous envoie. Lorsqu'on veut immatriculer une automobile, lorsqu'on a besoin d'une hypothèque, chaque fois il faut remplir d'interminables formulaires. Et je ne parle pas des cartes de crédit... Quand on sollicite la sécurité de la vieillesse, le supplément du revenu garanti, un logement subventionné...

Évidemment, il y a des gens qui sont là pour vous aider à remplir ces formulaires. Dans les ministères, dans les groupes de défense du citoyen ou de lutte contre la pauvreté, il y a des gens qui vous aident à remplir ces formulaires. Nous avons tous dû remplir des formulaires compliqués.

Une fois qu'on a signé, on nous fait confiance, mais chaque fois, on vous met en garde: si les informations que vous avez fournies sont fausses, c'est un grave délit. Dans le cas de l'impôt sur le revenu, c'est une infraction particulièrement grave, c'est la même chose pour la sécurité de la vieillesse, quand on fournit des informations erronées. Des compagnies d'assurances qui s'aperçoivent que vous avez donné des informations fausses peuvent refuser la totalité de l'assurance à vos héritiers ou refuser de payer s'il y a un incendie, etc.

Docteur Chapdeleine, vous êtes médecin. Vous avez dû voir des gens remplir des formulaires et fournir des informations alors qu'on leur faisait plus ou moins confiance... Quand vous leur posez des questions sur leurs antécédents médicaux, à votre avis, dans quelle proportion des cas donnent-ils des réponses parfaitement honnêtes?

Dans quelle mesure sont-ils malhonnêtes? Ils peuvent être malhonnêtes, mais ils peuvent également ne pas être suffisamment éduqés pour bien s'exprimer et donner des informations exactes.

Les systèmes auxquels vous envoyez des informations sont-ils sûrs dans l'ensemble, comme la GRC le pense, tout en admettant qu'il peut y avoir des erreurs? Est-ce que notre système n'est pas fondé sur...? Que pensez-vous de ce genre de choses? Je sais que ls médecins doivent s'occuper de toutes sortes de formulaires.

M. Chapdeleine: Cela me surprend, mais c'est la deuxième fois que j'entends cette question. Un dimanche, je regardais ces audiences à la télévision tout en faisant ma comptabilité à la maison. J'ai vu M. Thompson poser la même question à un groupe de témoins.

Vendredi dernier, vous avez rencontré les fonctionnaires de Justice Canada qui s'occupent de cette affaire. Je fois dire que cela me surprend. Je me demande si on leur a posé la question parce que leur réponse aurait été particulièrement intéressante.

Le président: Nous l'avons fait lors d'une autre séance.

M. Chapdeleine: Pendant que nous nous préparions pour le compte du conseil, nous avons eu la chance de rencontrer les fonctionnaires du ministère de la Justice qui s'occupent du contrôle des armes à feu. Ils nous ont expliqué comment le système d'enregistrement fonctionnerait.

M. Neal Jessop assistait également à cette réunion; vous devez le connaître. Il nous a dit que cela était logique. C'est un policier. Il sait des choses que je ne sais pas et c'est un homme de grand bon sens. À son avis, c'est une mesure logique, c'est une mesure simple et c'est important: il faut que cela reste simple et facile.

En ce qui concerne les chiffres, on peut toujours fournir des chiffres. Je suis sûr que la technologie existe. Si l'homme est capable d'aller sur la Lune, il devrait être capable de graver un numéro qu'on ne peut pas effacer.

Le président: Il a dit qu'on assignerait un numéro quand il n'y en a pas.

.2120

M. Chapdelaine: Ce n'est pas vraiment un problème. En fait, je pense encore à la question de M. de Savoye au sujet de la collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et j'essaie de répondre à plusieurs questions en même temps.

Le groupe qui contrôle les armes à feu et les préposés aux armes à feu de chaque province qui seront chargés d'administrer la Loi se sont consultés à de nombreuses reprises. Ils collaborent très étroitement. Les préposés provinciaux font des préparatifs. Dans la province de Québec, du moins, Pierre Vincent, le préposé aux armes à feu de la Sûreté du Québec, est très favorable à ce projet.

Avec son équipe, ils sont

[Français]

des meneurs de files pour ce qui est de faire des vérifications communautaires, d'aller au-delà de ce qui est prescrit dans le processus d'obtention d'un certificat d'acquisition d'armes à feu en faisant les vérifications auprès de la communauté dans laquelle la personne qui veut une arme demeure. Il y a également d'autres provinces qui font un très bon travail.

Donc, cela ne s'est pas fait depuis cinq ans que je suis la question.

[Traduction]

Je suis la question. On n'a pas procédé d'une façon isolée, sans consultation à tous les niveaux de la Fonction publique.

Ce qui m'inquiéterait quelque peu, c'est que cette vérification par la poste serve surtout quand quelqu'un sollicite un permis de possession d'arme. C'est pour économiser...

Le président: C'est uniquement pour les enregistrements.

M. Chapdelaine: Est-ce qu'on va étudier individuellement le cas de chaque personne qui...

Le président: C'est uniquement pour le permis attaché à la personne. Ce permis est renouvelable à tous les cinq ans. L'enregistrement, par contre, est attaché à l'arme. Ce système d'enregistrement par la poste vise les armes.

M. Chapdelaine: Je me demandais seulement si on effectuerait des vérifications avant d'accorder un permis de possession d'arme.

Le président: Oui.

M. Chapdelaine: Est-ce cela va se faire par le courrier ou bien...

Le président: Voici le formulaire de demande. Cela ressemble à l'AAAF, mais ça s'applique à tous ceux qui possèdent des armes à feu, pas seulement les nouvelles acquisitions. Il faut donc obtenir deux signatures et fournir une photographie. La police enquête dans la communauté et donne son approbation ou la refuse.

M. Chapdelaine: Je connais bien ce formulaire, nous avons travaillé sur ces dossiers quand j'étais...

Le président: Cela ne changera pas, mais au lieu de s'appeler une autorisation d'acquisition d'arme à feu, cela va s'appeler un permis de possession d'arme.

M. Chapdelaine: C'est très important. À l'heure actuelle, il y a environ 3 millions de propriétaires d'armes à feu au Canada dont 1 million seulement ont des AAAF. Autrement dit, 1 million seulement fait l'objet de vérification.

Si ces permis de possession nous donnent la possibilité de revérifier chaque cas, c'est un bon moyen de déterminer que certaines personnes ne devraient peut-être pas posséder des armes à feu.

Mme de Villiers: Permettez-moi d'ajouter une observation; je ne sais plus si c'était à l'occasion d'une discussion avec le ministère de la Justice, mais à un moment donné nous discutions de cela - en effet, nous avons vraiment étudié de près cet enregistrement - et j'avais fini par voir tout le processus d'un oeil très cynique.

En particulier, en ce qui concerne la facilité pour obtenir une AAAF, je m'étais aperçue qu'il y avait une différence extraordinaire entre diverses régions. En fait, certaines autorités policières locales que je ne nommerai pas accordent l'autorisation sur la moindre discussion. Évidemment, cela peut s'adresser à des gens qui avaient un passé quelque peu trouble.

C'est une question que nous avons vraiment approfondie, et quelqu'un avait observé que ce système serait beaucoup plus exhaustif puisqu'il était lié à un CIPC élargi. Les armes à feu y figureraient, les cas d'exploitation d'enfants également, etc. On a beaucoup développé le système.

Mais en réalité, il s'agirait d'un système beaucoup plus standardisé. Des AAAF ne seraient plus délivrées une après-midi par semaine par des bénévoles, comme cela se faisait dans certaines régions. Autrement dit, c'est un système bien supérieur.

.2125

Je ne sais pas si vous avez entendu le contraire.

M. McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Je viens d'avoir une idée et j'aimerais qu'on me la confirme. Ensuite, si vous me le permettez, je céderai le reste de mon temps à M. Ramsay.

Madame Vallée, quand je vous écoute et quand j'écoute d'autres interventions sur l'enregistrement et les nouveaux arrangements pour les permis de possesion d'arme à feu - et je suis entièrement d'accord avec ces nouveaux permis - j'ai l'impression que tout ce nouveau système va être un casse-tête monstrueux pour le citoyen moyen qui n'est pas un chasseur acharné et qui ne se livre pas à des activités récréatives régulières, et quand je dis cela, ce n'est pas vraiment en pensant au coût. Quoiqu'il en soit, cette personne-là va peser le pour et le contre et conclure: «Ma vie est déjà assez compliquée, au diable toutes ces démarches». Lorsque le camion va arriver au bout de la rue, il va jeter les armes qui sont dans son sous-sol et tout simplement les retirer de la circulation.

Est-ce que cette idée ou ce sentiment est justifié? Est-ce que vous pensez que cela fait partie du plan? Pensez-vous que les gens vont réagir de cette façon-là et que ce n'est pas juste pour ceux qui sont des propriétaires légitimes?

[Français]

Mme Vallée: Si on vous a amené à penser qu'on croyait que le mécanisme d'enregistrement était pour être tellement lourd que finalement les gens n'auraient pas le goût d'y adhérer, de se conformer à tous les règlements, je crois que vous nous avez mal compris. Au contraire, pour nous, c'est extrêmement important.

Ce que l'on fait, toutefois, c'est une simple mise en garde comme on ferait pour n'importe quel autre système. Il est important que tout le processus soit très simple, que les formulaires soient rédigés simplement et qu'ils soient accompagnés de l'information pertinente pour que les gens sachent exactement quoi faire. C'est ce qu'on voulait dire.

[Traduction]

M. McClelland: Je comprends. Mais aussi simple que cela soit, les gens vont se dire que ça n'en vaut pas la peine et ne voudront pas en entendre parler.

[Français]

Mme Vallée: Je ne crois pas que ce soit le cas. Depuis les audiences sur le fameux projet, je crois qu'il y a beaucoup de gens qui ont pris conscience de l'importance du sujet, entre autres, des gens qui n'étaient pas intéressés à la question des armes à feu parce qu'ils n'en possèdent pas, qu'ils ne font pas de chasse ou qu'ils n'ont jamais été sensibilisés dans leur entourage. Je crois que les gens réalisent de plus en plus que les armes à feu ne sont pas des objets appartenant uniquement à des chasseurs et qui n'ont aucun impact sur la vie des individus.

À travers les audiences et tous les débats qui ont eu cours dans les derniers mois sur cette question, de plus en plus, les citoyens réalisent l'importance d'agir sur la question des armes à feu et je crois qu'il va y avoir une espèce de conscientisation qui va se faire au niveau de la communauté, qui va encourager les gens à se conformer.

[Traduction]

M. Ramsay: Docteur, avez-vous une formation de médecin légiste?

M. Chapdelaine: Non.

M. Ramsay: Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal en tant qu'expert en identification des armes à feu?

M. Chapdelaine: Non.

M. Ramsay: Dans ce cas, vous n'avez jamais dû faire appel devant un tribunal à des informations tirées d'un système d'enregistrement.

M. Chapdelaine: Non.

.2130

M. Ramsay: Vous estimez alors que les gens qui devraient témoigner devant notre comité et répondre aux questions que vous a posées M. Allmand devraient être ceux qui doivent se fier au système d'enregistrement, et aux informations qu'il contient, lorsqu'ils doivent témoigner devant les tribunaux? S'ils se retrouvent devant les tribunaux et qu'ils fournissent des informations prises dans un système d'enregistrement qui n'est pas reconnu, ces informations ne sont d'aucune valeur. Êtes-vous d'accord avec cela?

[Français]

M. Chapdelaine: C'est quoi power to blow it?

[Traduction]

Des voix: Ah, ah.

M. Ramsay: Ces informations ne seraient pas acceptées par une cour de justice?

M. Chapdelaine: Je préfère répondre à la question que vous avez posée parce qu'elle rejoint la préoccupation de M. Ramsay. Plusieurs sondages nous l'ont appris - l'un d'entre eux a été fait au Québec seulement, mais les autres étaient à l'échelle du Canada - qu'environ la moitié des gens qui possèdent une arme à feu à la maison ne s'en étaient pas servi au cours des 12 derniers mois.

Lorsque nous avons fait l'enquête sur la mort d'Anne-Marie David, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait plusieurs cas de suicide où l'arme n'avait pas été utilisée depuis 15 ans. Elle n'avait été utilisée que pour le suicide de l'enfant. On l'avait probablement achetée pour abattre quelque animal, ou quelque chose du genre, 15 ans auparavant.

De toute évidence, le système d'enregistrement contraindra les gens à se rappeler qu'ils ont une arme à feu quelque part, au sous-sol ou dans un placard, quelque part. Certains pourraient décider de s'en débarrasser, parce qu'ils ne s'en servent plus et parce qu'ils n'y sont pas très attachés, ils ont seulement oublié qu'elle était là, soit en la faisant fondre ou en la vendant à un ami qui a une vingtaine d'armes à feu bien rangées, et les gens seront alors plus en sécurité. Dans une maison, vous trouverez 21 armes à feu, mais qui seront bien rangées, et dans une autre maison il n'y en aura pas, ce qui réduira énormément le risque de suicide, d'accident avec les enfants, et même d'homicides.

M. Allmand a posé une question au sujet de l'assurance, etc, et même des formulaires de déclaration du revenu. Il y a plusieurs groupes qui aident les gens à remplir ces formulaires. Je pense qu'il y a plusieurs groupes partout au Canada - des clubs de tir, des clubs de chasse, des amis de la chasse - qui en savent beaucoup plus long sur les armes à feu que moi - et cela répond à la question de M. Ramsay - qui pourront aider les gens à remplir ces formulaires, à la condition qu'ils s'abstiennent de saboter le système.

Je me crois pas que les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi et honnêtes veulent saboter le système. Ils vont aider le néophite, comme moi-même, qui voudra faire enregistrer le fusil de calibre 12 de papa parce qu'il veut s'en servir, ou seulement le garder. Il apportera l'arme à feu au club et y rencontrera des gens qui s'y connaissent en armes à feu et il demandera comment remplir le formulaire. J'ai la certitude que l'attitude de ces groupes sera très utile.

Je ne suis pas du tout découragé par tout ce que l'on dit au sujet du sabotage, ou ces encouragements à enterrer les armes à feu dans le jardin, et à mettre n'importe quoi sur les formulaires. Ceux qui parlent de cela sont très peu nombreux.

Cela répond en partie à la question de M. Ramsay.

[Français]

Le président: Madame Vallée.

Mme Vallée: Monsieur Ramsay, peut-être que les membres du Conseil national ne sont pas tous des experts reconnus par la Cour, mais je pense qu'il y a une grande partie des membres qui, dans leur travail quotidien, côtoient des milliers - et je n'exagère pas - de personnes dont la vie a été dévastée par la violence, que ce soit par les armes à feu, par les suicides, etc. Cela ne fait peut-être pas de nous des experts aptes à témoigner en Cour, mais je pense qu'il vaut quand même la peine d'entendre les gens du Conseil et de voir à quel point les conséquences négatives de l'absence du contrôle des armes à feu sont importantes sur la vie des gens.

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On n'a pas dit, quand nous sommes venus ici, qu'on prétendait parler au nom de la masse silencieuse, mais je pense qu'il est important de réaliser que la fameuse masse silencieuse est assez importante. Depuis que le Conseil travaille sur cette question, les gens qui nous côtoient dans notre vie privée le savent et ils nous disent que c'est vrai, que c'est important et qu'ils n'y pensent pas. Ces gens-là ne sont pas regroupés dans des associations sportives, des associations de chasseurs qui utilisent des armes à feu. Ils n'ont pas d'endroit pour faire valoir leur point de vue.

Le citoyen ordinaire, pour venir ici aujourd'hui devant le Comité de la Chambre des communes, ne sait pas comment procéder. Vous dites comment cela peut être compliqué pour le simple citoyen de remplir le formulaire d'enregistrement des armes à feu, mais c'est compliqué aussi pour le simple citoyen de venir ici aujourd'hui, d'affronter des députés et de ne pas être expert. On n'a pas la prétention de parler au nom de la masse silencieuse, mais, à notre avis, il y a un nombre important de citoyens qui supportent le contrôle des armes à feu, ne serait-ce que par souci de la qualité de vie de leur environnement.

[Traduction]

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Vous représentez en effet le Conseil national de la prévention du crime, et je tiens à mentionner que la plupart d'entre nous sommes très heureux que M. Rock ait eu la prévoyance de créer ce conseil.

À la page 10, vous parlez des professionnels qui ont la responsabilité d'éduquer le public. Vous dites que l'on devrait peut-être - et je souligne le «peut-être» envisager des situations ou des personnes - qui seraient des agents de police, des magistrats, des enseignants et des professionnels de la santé - auraient un rôle à jouer dans la détermination de situations potentiellement violentes, et qu'il pourrait y avoir des situations où ces personnes devraient rendre des comptes si elles ne s'acquittent pas de leurs responsabilités.

Je sais que vous avez à l'esprit des situations de l'avenir, etc., mais pourriez-vous donner un peu plus de détails? Dire que ces personnes devraient rendre des comptes, c'est aller très loin. Voulez-vous nous donner un peu plus de détails?

[Français]

Mme Vallée: Dans le cas de certains corps professionnels ou de policiers, - heureusement que ce n'est pas le lot de la majorité - il arrive souvent que des interventions vont être posées, et l'éducateur, le professeur ou le policier est conscient du danger potentiel et n'intervient pas.

Une grande partie de ces corps professionnels ont des règles d'éthique à l'interne. Ils peuvent intervenir et blâmer le professionnel qui n'a pas pris ses responsabilités par rapport à une situation. C'est de cela dont on parle. Évidemment, on ne dit pas que la personne devrait être traduite en justice, mais à l'intérieur de leur corps professionnel, ils devraient être sensibilisés à leurs responsabilités et amenés à adhérer au code d'éthique ou de déontologie par rapport à certaines responsabilités.

[Traduction]

Mme Phinney: Est-ce à dire qu'un enseignant, par exemple, ou que l'école qui a un étudiant qui se comporte de très étrange façon devrait dénoncer cet étudiant à quelqu'un? Auprès de quelle instance, à votre avis, devrait-on dénoncer cet étudiant?

Moi-même, j'ai enseigné, et je ne connais pas d'instance à laquelle l'enseignant pourrait s'adresser...au conseil scolaire, peut-être; je ne sais pas. Ainsi, le renseignement se rendrait de quelque façon à la police ou à l'instance où cette personne a fait une demande. Quel mécanisme existe-t-il en ce moment, et quel mécanisme devrait-on mettre en place à votre avis?

[Français]

Mme Vallée: On ne souhaite pas nécessairement développer d'autres mesures. Nous disons qu'il faut utiliser les systèmes qui sont actuellement en place pour assurer la sécurité d'un individu ou de la communauté. Vous faites référence aux écoles. Actuellement, dans la plupart des écoles, - j'imagine que c'est comme cela dans le reste du Canada - il y a, au Québec du moins, des mécanismes de prise en charge. Les professeurs peuvent référer à des psychologues, à des travailleurs sociaux, un jeune qui a des difficultés.

.2140

Advenant que le professeur ne le fasse pas, on ne dit pas que ce professeur devrait être traduit en justice, mais devrait plutôt peut-être faire l'objet d'un blâme et qu'il devrait y avoir une note de blâme à son dossier. Il est important que les gens soient responsables dans certaines situations qui représentent un potentiel de danger.

[Traduction]

Mme de Villiers: Cela s'inscrit dans cette idée générale de responsabilité individuelle, si infime soit-elle, et quel que soit le domaine où nous sommes.

Nous avons eu plusieurs cas dans notre région, à Toronto par exemple, où il y a eu des accidents très violents dans certaines écoles. Par crainte de la stigmatisation, les écoles se sont tues. Mais les choses se sont dégradées au point où la police a dû intervenir, cela a fait les manchettes, et on constate tout à coup que ce problème n'est pas récent.

Je crois qu'il y a déjà des mécanismes en place dans plusieurs conseils scolaires, et j'imagine que les règlements de Queen's Park - même si je ne les ai pas vraiment lus - prévoient quelque chose, parce que la politique semble beaucoup plus transparente aujourd'hui. Si l'on sait qu'il se passe quelque chose, on peut intervenir tout de suite. C'est vraiment à cela qu'on veut en venir.

M. Chapdelaine: J'aimerais citer un exemple qui s'est passé en juin de l'an dernier, à Aylmer, un exemple très évident. Un enfant est arrivé à l'école avec deux armes de poing: un révolver et un pistolet 9 mm. Il les avait prises à son père, un militaire qui était en service commandé à Boston. Il les avait prises à la maison, elles n'étaient pas sous clé.

L'école a très bien réagi. Elle a immédiatement alerté la police et saisi les armes, après quoi la police a fait enquête sur ce qui se passait à la maison. Elle a découvert que l'enfant avait un fusil de chasse de calibre .12 et qu'il avait un pistolet sous son oreiller.

À ce moment-là, si je me souviens bien, le règlement sur l'entreposage sécuritaire avait déjà force de loi. C'était en 1994. À ma connaissance - et nous avons vérifié cela - en novembre, aucune accusation n'avait été portée contre le père pour ses mauvaises pratiques d'entreposage.

C'est peut-être là qu'intervient la reddition de compte, la responsabilité, toutes ces formalités qui doivent être contrôlées du début à la fin.

M. Thompson: Monsieur le président, on a peut-être déjà dit, et cela m'a échappé, mais il y a quelque chose que j'aimerais savoir.

Il y a 25 membres au Conseil; c'est tout ce que je sais du groupe. Est-ce qu'on peut me dire quand votre Conseil a été créé, depuis quand vous existez et de quoi vous vivez. Nous avons tous ces renseignements sur les autres groupes.

Le président: Justement, quand le Conseil a été créé, nous avons tenu une séance spéciale qui portait précisément sur le Conseil national de la prévention du crime. Nous avons pris toute une séance pour voir comment il avait été créé, comment il fonctionnait, quelle était la composition de son conseil d'administration.

Cela a fait l'objet d'un procès-verbal. J'ignore si vous siégiez au Comité à ce moment-là, monsieur Thompson. Je crois que vous y étiez, mais que vous n'étiez pas des nôtres ce jour-là.

Nous avons consacré toute une séance à cela. Je ne crois pas que nous soyons obligés de tout recommencer ce soir.

M. Thompson: D'accord.

M. Ramsay: Monsieur le président, j'invoque le règlement, vous en avez fait autant avec M. Tomlinson. On a posé ces mêmes questions à M. Tomlinson au sujet de ses membres et de son financement.

On a donc pu obtenir des renseignements à cette séance, mais pas toutes les informations que vous vouliez et M. Thompson...

Le président: Vous parlez du Conseil national de prévention du crime?

M. Ramsay: Non. J'ignore quelle information il y a au procès-verbal à ce sujet.

Je dis que lorsque M. Tomlinson a représenté son organisation ici, vous lui avez posé les mêmes questions que nous n'avions pas pu poser à la séance dont vous parlez.

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Le président: Un instant. Il y a confusion ici. Je croyais que M. Thompson voulait des renseignements sur le Conseil national de la prévention du crime.

M. Ramsay: Oui.

Le président: J'ai dit que nous avions eu une séance qui portait sur le Conseil national de prévention du crime, lorsqu'il a été créé en novembre dernier, et nous avons examiné soigneusement tout son mandat, son mode de financement...

M. Ramsay: D'accord. Tout cela se retrouve alors au procès-verbal.

Le président: Tout est au procès-verbal.

Sauf tout le respect que je vous dois, je vous comprends. C'était peut-être lorsque votre prédécesseur était ici, monsieur...

M. Thompson: Forseth.

Le président: Oui, M. Forseth. Lui et Mme Meredith étaient ici tous les deux.

Lorsque le Conseil a été crée, nous y avons consacré toute une séance pour savoir qui y siégeait, d'où venaient ces gens, d'où ils obtenaient leurs fonds, et comment ils fonctionnaient. Tout est au procès-verbal.

Chose certaine, je tiens à vous remercier. Vous êtes devenu une institution du système de justice pénal que nous consulterons de temps à autre, et j'espère que vous publierez plusieurs rapports unanimes qui nous aideront dans nos travaux.

Je tiens à rappeler au Comité que nous recevrons demain après-midi l'Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec, qui nous parleront de questions constitutionnelles, de questions de droit civique et autres questions juridiques qui ont trait au projet de loi.

La séance est levée.

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