[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 décembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Cet après-midi, nous poursuivons notre examen du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. Nous accueillons la présidente d'Inuit Tapirisat du Canada, Rosemarie Kuptana. Elle est accompagnée de Wendy Moss, conseillère, et de Mary Sillett, vice-présidente.
Madame Kuptana, veuillez nous faire votre exposé; après quoi, il y aura une période de questions. Allez-y.
Mme Rosemarie Kuptana (présidente, Inuit Tapirisat du Canada): Merci, monsieur le président.
Nous, d'Inuit Tapirisat, sommes heureuses de témoigner au sujet du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. Pour la gouverne des membres du comité, nous avons fait distribuer la version anglaise et la version française d'une lettre que j'ai envoyée au premier ministre sur ce projet de loi.
Deuxièmement, il y a cet exposé que je vous lirai et qui n'existe qu'en anglais. Si des membres du comité désirent en obtenir le texte en anglais, ils n'ont qu'à lever la main et Wenda Watteyne, de mon bureau, leur en fournira un exemplaire.
L'unité nationale et toute discussion des changements à la formule de modification de la Constitution sont d'une importance fondamentale pour les droits des Inuit à titre de peuple autochtone du Canada. Les droits que nous garantit la Constitution peuvent être touchés par des modifications constitutionnelles et, par conséquent, par tous changements proposés à la formule de modification.
Nos espoirs de changements à la Constitution dépendent de la formule de modification et sont donc touchés par tout changement proposé à cette dernière. Plus particulièrement, notre objectif de longue date, soit la garantie d'une reconnaissance explicite de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, sera touché par tout changement apporté à la formule de modification.
Nous vous savons gré, monsieur le président, de nous avoir invitées à témoigner devant votre comité au sujet du projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles. Toutefois, nous jugeons injuste et malavisé que votre comité soit tenu d'effectuer son étude du projet de loi avec une telle hâte. Votre comité a été très obligeant compte tenu des limites qui lui ont été imposées, mais les courts delais qu'on a donnés aux témoins pour se préparer et se déplacer traduit une vision du pays selon laquelle les gens qui s'intéressent à cette question peuvent venir à Ottawa en moins d'une journée en laissant tout tomber et rédiger un mémoire avec un très court préavis.
Comment le gouvernement peut-il faire la promotion de l'unité nationale alors qu'il suit un processus secret et fermé pour l'élaboration de propositions de ce genre et que le calendrier de travail qu'il impose à votre comité ne tient pas compte du défi que représente pour les habitants du Nord et des régions autres que le centre du Canada, le voyage à Ottawa?
Les Inuit estiment que le statut et les droits des peuples autochtones garantis par la Constitution du Canada font partie intégrante de toute question concernant l'unité nationale. Cela a été prouvé à maintes reprises au cours de notre histoire constitutionnelle en ce sens. C'est en grande partie parce qu'on n'a pas permis aux peuples autochtones de jouer un rôle substantiel dans l'accord du lac Meech que cet accord a été un échec.
En revanche, l'accord de Charlottetown prévoyait l'inclusion pleine et complète de peuples autochtones et nous avons joué un rôle très constructif à l'égard de toutes sortes de question allant de l'autonomie gouvernementale à la réforme du Sénat en passant par la répartition des pouvoirs et le caractère distinct de la société québécoise. Plus récemment, le droit et statut du peuple distinct et égal que nous sommes ont fait partie intégrante du débat sur la souveraineté du Québec et continueront de le faire.
Un observateur a dit récemment que la question de la cessation du Québec était comme un éléphant dans une tente car elle touche à tout. Cela s'applique également aux peuples autochtones pour toutes les questions qui portent sur la Constitution du Canada. Dans toute discussion sur l'unité nationale, qu'il s'agisse de la formule de modification ou de référendums, on ne peut éviter de se pencher sur la situation des peuples autochtones, même si cela déplaît à bien des gens. En l'occurrence, cela semble déplaire au gouvernement fédéral.
Avant d'élaborer le projet de loi C-110, le gouvernement fédéral n'a pas consulté les Inuit. Il ne nous a pas consultés sur nos droits ni sur la façon dont nous envisageons notre situation, au Québec et à l'extérieur du Québec, dans le cadre d'un stratégie globale d'unité nationale. On nous a tenus à l'écart du processus décisionnel qui a abouti à ce projet de loi et de d'autres mesures sur l'unité nationale. Nous jugeons très alarmant d'assister de nouveau à cette pratique d'exclusion qui avait cours dans le passé. Nous croyions que la vieille mentalité coloniale qui consistait à tenir les peuples autochtones à l'écart et à faire fi leurs vues lors de consultations sur l'unité nationale, était chose du passé.
La semaine dernière, un reportage du Globe and Mail faisait état d'une note de service du gouvernement fédéral ayant fait l'objet d'une fuite qui recommandait explicitement que les Autochtones soient exclus de toute discussion sur la Constitution et l'unité nationale; on y recommandait aussi des méthodes pour assurer cette exclusion. Cette note était fondée sur une opinion cynique et erronée voulant qu'on puisse acheter notre silence ou notre accord sur des questions concernant la Constitution et l'unité nationale en prenant des engagements financiers au niveau local dans d'autres dossiers. Au pire, cette stratégie pourrait être interprétée comme du chantage.
Des progrès sur des questions n'interessant pas la Constitution et l'unité nationale ne seront réalisés qu'au prix de notre silence en ce qui concerne nos droits constitutionnels; il est très inquiétant que même un seul ministère recommande à un ministre d'agir ainsi.
Je peux garantir aux membres du comité aujourd'hui, et par votre entremise au gouvernement du Canada, et que cette stratégie est vouée à l'échec. Les peuples autochtones ne se laisseront pas acheter et ils ne renonceront pas à leurs droits en échange de quoi que ce soit. Si cette note représente la profondeur et la qualité de l'analyse des enjeux autochtones et de leur rapport avec les questions de la souveraineté du Québec et de la Constitution, notre pays est vraiment aux prises avec de graves difficultés. Ce genre de mentalité cynique et superficielle est inexcusable. Elle révèle une méconnaissance et un mépris pour la politique autochtone et les peuples autochtones en général.
Que cette note soit officielle ou non, nous avons rapidement constaté qu'on avait adopté une stratégie semblable. Dans la note ayant fait l'objet d'une fuite, on proposait de faire tout ce qu'il fallait pour exclure les peuples autochtones de toutes discussions constitutionnelles sur le Québec qui pourraient avoir lieu en 1997.
Les porte-parole du gouvernement, notamment la sénatrice Fairbairn ont récemment indiqué que le gouvernement fédéral avait décidé en notre nom que notre présence à la conférence constitutionnelle de 1997 n'était pas nécessaire, bien qu'il soit fort possible que les propositions contenues dans le projet de loi C-110 y soient alors constitutionnalisées.
C'est un bon exemple de l'attitude du gouvernement qui, encore une fois, prétend savoir comment nous sommes touchés et ce qui est dans notre intérêt, sans nous avoir même consultés. Le gouvernement fédéral tente de nous leurrer en affirmant que, tout ce qu'il nous faut, c'est sa politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
C'était là ma plus grande crainte lorsqu'on s'est mis à élaborer la politique sur le droit inhérent. Pendant les consultations avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord, je lui ai indiqué que je ne tenais pas à cette politique si cela signifiait que nous serions exclus des discussions constitutionnelles à l'avenir.
Actuellement, le gouvernement fédéral affirme qu'il agira comme si le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale était déjà prévu et protégé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Toutefois, il n'a pas encore joint le geste à la parole.
Il nous faut une modification constitutionnelle explicite sur cette question fondamentale. Le droit coutumier des peuples autochtones ne semble pas avoir évolué puisque les droits des peuples autochtones sont encore définis en fonction de la perception qu'ont les autres de ce que nous avons été et non en fonction de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons devenir. J'en veux pour preuve les arrêts récents de Delgamuukw, Pajamewan et Jones.
Nous avons toujours su que nous ne pouvions pas compter uniquement sur les tribunaux pour faire reconnaître nos droits à l'égalité à titre de peuple, parce que notre droit coutumier date d'une époque où on présumait de notre inégalité comme peuple. En dernière analyse, notre relation avec le Canada se résume au règlement de la question de l'autonomie gouvernementale. Or, cette question n'a pas été résolue et ne saurait l'être par un énoncé de politique fédéral.
Il faut une réforme constitutionnelle dans le domaine de l'autonomie gouvernementale pour consacrer le principe selon lequel les peuples autochtones ont, à titre de peuple, le droit comme tout autre peuple de décider de leur avenir collectif au sein du Canada. C'est ce que nous avons fait valoir pendant tous les pourparlers de réforme constitutionnelle, y compris ceux de Charlottetown.
Au niveau politique, le fait qu'on ait tenté de mettre les peuples autochtones sur la voie de garage illustre bien pourquoi le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et l'importance de ce droit faisant des gouvernements autochtones l'un des paliers de gouvernement, doit être inscrit explicitement dans la Constitution canadienne. Autrement dit, il faut que les droits dont nous jouissons comme peuple soient reconnus dans la loi suprême du pays.
Il est ironique que les expressions «droit inhérent à l'autonomie gouvernementale» et «droit garanti par l'article 35» soient employées avec tant de désinvolture par le gouvernement comme excuse pour exclure les peuples autochtones du processus constitutionnel.
Depuis le référendum, le gouvernement, dans le dossier de l'unité nationale, s'est contenté de consulter un petit groupe très restreint de hauts fonctionnaires fédéraux et de conseillers du cabinet du premier ministre. Ce n'est pas ainsi qu'on unira le pays.
En outre, il semble que le gouvernement fédéral ait adopté cette stratégie parce qu'il estime au fond que les peuples autochtones le dérangent et que leurs droits constituent un irritant dont il faut se débarrasser le plus rapidement. On nous dit de nous enlever du chemin parce que le gouvernement fédéral doit mettre en oeuvre son programme secret, malavisé, irréfléchi et hâtif en réponse à la question primordiale de l'avenir du Québec.
Les questions concernant les Autochtones sont tout aussi complexes et variées que celles du Québec auxquelles elles sont intimement liées. Dans sa plus récente panique au sujet de la place du Québec au sein du Canada, le gouvernement fédéral n'a fait preuve ni d'ouverture, ni de créativité. Plutôt, le gouvernement fédéral a repris sa vieille habitude de nous exclure, de prétendre que nous n'existons pas et d'espérer que ce faisant, nos droits et nos problèmes disparaîtront comme par magie.
Pour ce qui est du contenu du projet de loi C-110, nous sommes particulièrement préoccupés par la proposition d'accorder un droit de veto régional aux provinces de l'est et de l'ouest et un droit de veto provincial à l'Ontario et au Québec. À notre avis, il s'agit d'une tentative anticonstitutionnelle de modifier la formule de modification prévue à la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.
La Loi constitutionnelle de 1982 établit très précisément les modalités et formules de modification de la Constitution et précise le rôle du gouvernement fédéral et des provinces, ainsi que le nombre de provinces dont il faut l'accord pour modifier la Constitution.
Le projet de loi C-110 viole les dispositions de la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 de deux façons au moins.
Premièrement, le projet de loi C-110 lie le gouvernement fédéral en supprimant le pouvoir discrétionnaire dont jouit le Parlement fédéral aux termes de l'alinéa 38(1)a) de la Loi constitutionnelle de 1982 par le biais d'une disposition trompeuse qui semble limiter seulement le pouvoir discrétionnaire des ministres. Or, ce projet de loi ne limite pas seulement le pouvoir discrétionnaire qu'ont les ministres de présenter des modifications constitutionnelles. Il limite aussi le pouvoir discrétionnaire qu'a le Parlement fédéral d'approuver les modifications proposées puisqu'il empêchera que le Parlement ne soit saissi de ces propositions.
Cet aspect du projet de loi C-110 va à l'encontre de l'esprit et de la lettre de l'alinéa 38(1)a).
Deuxièmement, les modalités législatives exécutoires selon lesquelles le Parlement fédéral exercera son pouvoir aux termes de l'alinéa 36(1)a) modifient dans les faits la formule prévue à l'alinéa 38(1)b) pour le consentement des provinces. Avec le projet de loi C-110, le gouvernement tente de modifier anticonstitutionnellement la partie V en ne respectant pas les exigences du paragraphe 41e), qui exige le consentement unanime des provinces et du Parlement fédéral pour toute modification de l'article 38 ou de toute autre disposition de la partie V.
En outre, que le projet de loi C-110 soit constitutionnel ou non, il va nuire profondement aux droits et aux intérêts des peuples autochtones et des territoires du Nord.
Il aurait donc fallu consulter les Inuit au sujet de leur avenir avant la présentation du projet de loi. Nous refusons de rester à l'écart de toute conférence constitutionnelle ayant pour but de constitutionaliser cette proposition grâce à la formule de modification.
Dans le cadre des pourparlers constitutionnels antérieurs, on s'était entendu pour dire que toute modification constitutionnelle garantissant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale nécessiterait l'accord de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population et l'approbation de la Chambre des communes et du Sénat.
Cette formule serait manifestement modifiée par cette proposition de veto par le biais d'un mécanisme extraconstitutionnel. Toute modification constitutionnelle liée aux questions et aux droits autochtones deviendrait donc très difficile sinon impossible.
Par ailleurs, nous notons que la formule de modification actuelle est déjà considérée par bien des constitutionnalistes comme étant trop rigide. Cette proposition ne fait qu'aggraver le problème qui a déjà fait obstacle à la réforme constitutionnelle demandée par le Québec, par les peuples autochtones et les autres provinces et régions du pays.
Ce projet de loi ne permettra nullement de résoudre l'impasse constitutionnelle. De plus, avec ce projet de loi, la formule de modification, qui était autrement neutre, mettra dorénavant l'accent sur le régionalisme. Cette proposition ne favorise ni le renouveau constitutionnel, ni l'unité nationale à long terme.
ITC s'oppose aussi fermement à ce qu'on impose des vetos régionaux ou provinciaux à la création de nouvelles provinces. Nous tenons à souligner à votre comité, et aux Canadiens, que les Inuit ont assisté avec tolérance à la création d'un État tout entier qui a mené à l'apparition de territoires et de provinces sur nos terres traditionnelles. Nous avons toujours fait l'impossible pour collaborer à l'unité nationale.
Nous n'avons chassé personne de nos terres. Nous n'avons jamais manifesté ni fait preuve de xénophobie. D'ailleurs, nous avons applaudi à l'adoption de la Charte des droits et libertés.
Mais lorsque le territoire du Nunavut voudra devenir une province, notre rêve sera assujetti aux caprices du régionalisme et du provincialisme, dans tout les sens du mot. Monsieur le président, à mon humble avis, ce n'est pas ainsi qu'on bâtit un pays.
La note de service fédérale ayant fait l'objet d'une fuite et traitant de la stratégie post-référendaire propose qu'on offre aux peuples autochtones une ronde de discussions portant sur les questions autochtones en échange de leur exclusion des pourparlers sur le Québec. Non seulement cette proposition est ignoble en principe, elle ne nous intéresse pas, même si on nous donnait la garantie absolue qu'une conférence constitutionnelle ultérieure serait consacrée uniquement aux questions autochtones, parce que la possibilité pour nous d'obtenir des modifications constitutionnelles sera grandement limitée, pour ne pas dire supprimée, par suite de l'octroi de vetos provinciaux et régionaux comme on le propose dans ce projet de loi.
Il est encore plus alarmant d'apprendre que le gouvernement propose de constitutionnaliser cette mesure à une conférence constitutionnelle dont le gouvernement prévoit d'exclure les Inuit et les autres peuples autochtones.
Monsieur le président, ce n'est certainement pas ainsi qu'on bâtit un pays.
Je tiens aussi à signaler que dans sa première réaction à la proposition du premier ministre de reconnaître le caractère distinct de la société québécoise, ITC ne s'est pas opposé à l'idée d'une résolution parlementaire, comme le suggérait le premier ministre dans son communiqué de presse, parce qu'il estime que cette résolution parlementaire n'aurait aucune incidence sur les droits des Inuit. Toutefois, si le gouvernement propose d'enchâsser cette reconnaissance dans la Constitution, nous devrons évaluer les effets de tout changement proposé selon les dispositions de la Constitution qui serait ainsi modifiée et le libellé de la modification.
Ainsi, nous comptons nous opposer à la réforme proposée de l'assurance-chômage en raison des restrictions qu'elle entraînera au pouvoir fédéral en matière de formation.
Le premier ministre, dans son communiqué de presse du 27 novembre 1995, a déclaré que le processus de modification de la Constitution intéresse toutes les régions du pays. C'est vrai, mais pour les raisons que nous venons d'énoncer, la proposition fait fi des intérêts des peuples autochtones et des habitants des territoires du nord du Canada.
Dans l'actuel processus d'unité nationale, la solution à la complexité et à la diversité des intérêts constitutionnels en jeu ne réside pas dans des tactiques d'exclusion. Quand on prétend que l'on pourra s'occuper plus tard des peuples autochtones ou qu'on pourra les acheter en leur promettant des conférences constitutionnelles pour plus tard, cette stratégie rappelle la stratégie séparatiste lors du dernier référendum québécois. Les séparatistes nous disaient en substance que nous n'avions pas à nous inquiéter. Ils nous demandaient de leur faire confiance. Après qu'ils auraient obtenu ce qu'ils voulaient et pris des mesures unilatérales compromettant nos droits et nos intérêts et contrant notre droit de déterminer notre propre avenir, ils s'occuperaient de nous.
Monsieur le président, à mon avis, le gouvernement fédéral se conduit de la même façon. Ce faisant, il revient à une mentalité coloniale que nous croyions oubliée.
En tant que peuple, égal à tout autre en ce pays, les Inuit ont le droit de participer à toute discussion touchant directement notre place et nos droits au Canada. On se croirait revenu aux jours de 1987, lorsque nous attendions à la porte pour qu'on nous laisse entrer. Comme Zebedee Nungak dirait, nous nous sommes rendus jusqu'aux toilettes de l'étage exécutif, mais pas plus loin.
Cependant, comme en 1987, nous ne croyons pas que le public canadien sera favorable à un tel processus d'exclusion, et nous ne croyons pas non plus que les Canadiens seront heureux de la hâte irréfléchie avec laquelle le gouvernement tente d'expédier ce projet de loi.
Monsieur le président, en terminant, deux recommandations.
Premièrement, votre comité doit recommander au gouvernement qu'il repense l'ensemble de sa proposition pour les raisons que nous avons énoncées concernant la constitutionnalité et la menace à l'unité nationale que pose cette formule de modification plus rigide.
Si cela n'est pas possible, si le gouvernement décide d'aller de l'avant avec le projet de loi C-110, le comité doit alors recommander qu'on amende le projet de loi afin d'exclure la partie II de la Loi constitutionnelle de 1982, l'article 25 de la Charte des droits et libertés, l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 et toute autre disposition constitutionnelle relative aux peuples ou aux droits des peuples autochtones, de la nouvelle formule de modification que propose ce projet de loi; et que le projet de loi soit amendé par l'adjonction d'une exigence relative au consentement autochtone pour toute modification à la partie II de la Loi constitutionnelle de 1982, à l'article 25 de la Charte des droits et libertés, à l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 ou à toutes autres dispositions constitutionnelles relatives aux peuples autochtones ou aux droits des peuples autochtones.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Vous avez peut-être remarqué que quelques députés sont partis. Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas être ici. Ils devaient aller voter, et c'est pourquoi la lumière s'allume et la sonnerie retentit. Ils seront de retour dès qu'ils auront voté. Ils pourront lire tout ce que vous avez dit parce que tout est enregistré.
Nous allons entreprendre le premier tour. Monsieur de Savoye.
[Français]
M. de Savoye (Portneuf): J'ai écouté attentivement vos propos et je présume que vous entendez maintenant les miens grâce à l'interprétation simultanée. J'ai lu votre mémoire et, bien sûr, un certain nombre de vos observations touchent chez moi des cordes sensibles.
Cependant, j'aimerais aller immédiatement à vos deux recommandations. Comme j'ai l'impression que la première d'entre elles ne sera pas retenue par le gouvernement, et croyez bien que dans une certaine mesure, je le regrette, je vais aller immédiatement à votre deuxième recommandation et vous poser deux questions.
Premièrement, est-ce que votre recommandation numéro 2 signifie que vous désirez un droit de veto pour votre nation? Deuxièmement, si le projet de loi C-110 devient loi, est-ce que vous prévoyez aller en cour pour en contester la constitutionnalité? Je vous écoute.
[Traduction]
Voulez-vous que je répète en anglais?
Mme Wendy Moss (conseillère, Inuit Tapirisat du Canada): Non, ça va. Je m'appelle Wendy Moss et je répondrai à votre question.
Chose certaine, nous proposons un veto autochtone dans la deuxième partie de la recommandation. L'exigence du consentement autochtone est une autre façon de le dire. En vertu de la Constitution, les Inuit forment un peuple autochtone du Canada. Il s'agit donc dans un sens d'un veto autochtone qui ne s'appliquerait qu'aux affaires relatives aux dispositions traitant des droits autochtones.
Pour ce qui est de savoir si l'ITC a décidé de contester la constitutionnalité de ce projet de loi, aucune décision n'a été prise.
M. De Savoye: Merci.
[Français]
Je vous ai entendu dire que votre nation avait le droit de décider de son avenir et que, dans cette perspective, vous vouliez être partie prenante à tout débat constitutionnel. Mais à l'intérieur de la Confédération canadienne et du processus actuel d'amendement, les possibilités que vous puissiez définir les éléments qui vous intéressent plus particulièrement ne vous sont pas nécessairement acquises.
Quels mécanismes d'amendement voudriez-vous voir introduits dans la Constitution, mécanismes qui seraient en mesure de mieux protéger les intérêts de votre nation ou de vous permettre de mieux intervenir dans ces intérêts?
[Traduction]
Mme Kuptana: On n'a pas beaucoup parlé de cette question au cours des entretiens de Charlottetown. Nous avons dit à ce moment-là - et nous le répétons aujourd'hui - que nous voulions conserver la formule de modification constitutionnelle que nous avons, en l'assortissant d'une disposition relative au consentement autochtone, de telle sorte que si des modifications nous touchent, nous aurons notre mot à dire.
M. de Savoye: Cela nous ramène donc essentiellement au veto pour les affaires autochtones qui concernent votre nation.
Mme Kuptana: C'est exact.
M. de Savoye: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur de Savoye.
Monsieur Ramsay, vous avez 10 minutes.
M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie de votre exposé. Cela me rappelle un peu les deux que nous avons entendus hier soir du chef Ovide Mercredi et du Grand chef Coon-Come.
Vous dites que vous n'avez pas été consulté. Croyez-vous qu'on aurait dû vous consulter?
Mme Kuptana: Étant donné que nous constituons l'un des peuples autochtones de ce pays, que nous sommes reconnus aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 comme l'un des peuples autochtones, et étant donné que la formule de modification que propose le projet de loi C-110 nous toucherait de la manière que j'ai indiquée dans mon exposé, oui, nous aurions dû être consultés.
M. Ramsay: Croyez-vous que cette consultation repose sur une obligation juridique?
Mme Kuptana: En ce qui concerne nos droits, il s'est fait beaucoup de progrès au Canada sur le plan politique et juridique. Nous sommes l'un des trois peuples reconnus dans la Constitution canadienne. Donc, partant de cette reconnaissance et de notre participation antérieure à la réforme constitutionnelle, et étant donné que ce projet de loi compromet nos droits, nous aurions dû être consultés.
M. Ramsay: Croyez-vous alors que cette absence de consultation constitue une contravention à vos droits constitutionnels?
Mme Moss: Nous espérons qu'à cette étape-ci, étant donné que les travaux de votre comité donne au gouvernement la possibilité d'envisager des solutions de rechange et d'entendre l'opinion des Inuit, le gouvernement prendra acte de cela et agira en conséquence. La décision ultime appartient donc au gouvernement fédéral.
Je ne crois pas que nous ayons eu la possibilité d'étudier dans quelle mesure l'on enfreint ici l'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, on peut certes faire valoir que cette formule de modification compromet les droits autochtones. En conséquence, il faut les consulter. La Cour suprême du Canada a rendu des jugements où elle a dit que le gouvernement fédéral doit consulter les peuples autochtones lorsqu'il envisage d'adopter des lois qui peuvent nuire à leurs droits.
M. Ramsay: Croyez-vous que votre présence ici aujourd'hui satisfait l'obligation consultative du gouvernement?
Mme Moss: Cette obligation ne saurait être satisfaite que si le gouvernement agissait en conséquence. Dans le cadre des obligations qui incombent au gouvernement fédéral dans la consultation des peuples autochtones, il doit examiner les options qui restreindraient le moins les droits autochtones.
M. Ramsay: Dans quelle mesure espérez-vous que le comité va accepter l'une ou l'autre de vos recommandations? Quel espoir avez-vous?
Mme Moss: Il s'agit probablement d'avantage d'une décision politique qui tiendra compte de l'opinion des Inuit et de celle du reste du pays, de leurs impressions quant à ce projet de loi et de la façon dont on le propose.
M. Ramsay: Si vous croyez que la Constitution vous donne le droit d'être consultés, que cette obligation constitutionnelle n'a pas été satisfaite et que votre présence aujourd'hui répond à cette obligation constitutionnelle, vous devez alors espérer que ce projet de loi sera amendé à la suite de votre exposé d'aujourd'hui.
Mme Kuptana: Monsieur Ramsay, je me permets d'intervenir. L'un de mes bons amis, qui siège au Sénat, le sénateur Charlie Watt, a déclaré la semaine dernière que les propositions qu'on présente aujourd'hui, même si elles résultent d'une initiative législative, auront des conséquences d'ordre constitutionnel sur les Inuit et les autres peuples autochtones.
Vous savez que les Inuit et les autres peuples autochtones ont joué un rôle très important dans le débat sur l'unité nationale. Vous n'avez qu'à vous rappeler Charlottetown, les deux référendums québécois. Les Inuit comptent parmi les peuples fondateurs de notre pays.
Cela étant, et vu le rôle important que les Inuit et les autres peuples autochtones ont joué dans l'unité nationale il y a là des raisons amplement suffisantes pour consulter les Inuit et les autres peuples autochtones dans ce débat sur l'unité nationale. Nous avons bâti ce pays. Nous avons démontré que nous pouvons intervenir et négocier lorsqu'il s'agit des questions très complexes, qu'il s'agisse de l'autonomie gouvernementale, de la réforme du Sénat ou de la division des pouvoirs, et j'ajouterais, de la formule de modification constitutionnelle.
Je me demande pourquoi en 1995 à l'aube de l'année qui marque la Décennie internationale des peuples autochtones, le gouvernement actuel décide d'en revenir à des théories anciennes dans le cadre desquels les Inuit et les autre peuples autochtones deviennent des objets de pouvoir plutôt que des gens ayant des mêmes droits collectifs que les autres Canadiens.
M. Ramsay: Quand avez-vous reçu un exemplaire du projet de loi C-110?
Mme Moss: Le 5 décembre.
M. Ramsay: C'était hier.
Mme Moss: Oui.
M. Ramsay: À quelle heure?
Mme Moss: À 12 h 35.
M. Ramsay: Qui vous l'a envoyé?
Mme Moss: J'essaie de m'en souvenir. Sauf erreur, c'était la direction des comités de la Chambre des communes.
M. Ramsay: Jusque là, donc, vous ne connaissiez pas la teneur de ce projet de loi.
Mme Moss: C'est exact.
M. Ramsay: Vous avez donc dû préparer votre mémoire après en avoir pris connaissance. Combien de temps vous faut-il pour venir de chez à Ottawa?
Mme Moss: De chez moi?
M. Ramsay: Je parle de vous tous.
Mme Moss: Nous habitons tous à Ottawa.
M. Ramsay: De combien de temps avez-vous disposé pour préparer votre mémoire?
Mme Moss: Nous avons travaillé sans interruption depuis le moment où nous avons décidé de l'heure de comparution avec le greffier, soit hier dans le milieu de l'après-midi.
M. Ramsay: Si ce projet de loi est adopté sans amendement, estimez-vous qu'il violera les droits constitutionnels des Autochtones?
Mme Moss: Oui, sans la moindre hésitation.
M. Ramsay: À votre avis, aurait-il fallu vous consulter au préalable?
Mme Moss: Sans aucun doute. Monsieur Ramsay je crois que nous avons été assez clairs sur ce point dans notre exposé.
M. Ramsay: Comment réagissez-vous lorsque vous voyez un projet de loi de ce genre, qui constitue à votre avis une violation de vos droits constitutionnels, proposé sans la moindre consultation.
Mme Moss: Je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire, monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Êtes-vous satisfaits de ce projet de loi?
Mme Moss: Nous avons dit clairement dans notre mémoire ce qu'en pensent les Inuit et les autres peuples autochtones. Cette façon de procéder nous lèse de nos droits les plus fondamentaux de participer au débat des grandes questions constitutionnelles qui touchent tous les peuples autochtones du pays. Notre position me paraît extrêmement claire, monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je pensais que vous souhaitiez être plus explicite, mais peu importe. L'historique du projet de loi est très court. Celui-ci a été adopté en deuxième lecture lundi soir. Le ministre a comparu devant notre comité ce même soir. Nous avons été informés qu'il faudrait commencer l'étude article par article avant minuit aujourd'hui quel que soit le nombre de témoins que nous souhaitions inviter à comparaître devant le comité.
Même si je désapprouve vivement cette façon de procéder, je n'ai aucun droit de l'empêcher. Aucun de mes droits n'est lésé car le gouvernement a le mandat d'agir ainsi. Même si j'ai exprimé une inquiétude modérée quant à la hâte avec laquelle...
Mme Torsney (Burlington): Vous avez voté pour.
M. Ramsay: Je n'ai pas voté pour cette mesure. J'ai reconnu que si le gouvernement souhaite exercer son mandat de cette façon, nous, de notre côté, n'y pouvons rien.
Le président: Vous avez dépassé votre temps de parole d'une minute.
M. Ramsay: Je reviendrai sur cette question lorsque j'aurai du temps.
Mme Moss: Monsieur Ramsay, je tiens simplement à dire que les Inuit et les autres peuples autochtones ont participé à de nombreuses négociations sur le plan politique, juridique et constitutionnel. Devant ces tribunes et lors de ces négociations nous nous sommes conduits de façon très diplomatique à l'égard de dossiers très sérieux et nous continuerons de défendre notre position de la même façon.
Le président: Madame Torsney, vous avez dix minutes.
Mme Torsney: Merci.
J'ai deux remarques à faire. D'une part, je suis ravie de voir que le Parti réformiste reconnaît enfin que les peuples autochtones ont des droits dans notre pays.
En second lieu, c'est en fait le 30 novembre que le ministre a fait son discours à la Chambre lors du débat de deuxième lecture. C'était mercredi dernier et des exemplaires du projet de loi étaient disponibles à ce moment-là. Toutefois, là n'est pas la question.
Vous proposez dans votre deuxième recommandation d'apporter un amendement au projet de loi qui, à mon avis, serait assez semblable à la modification de Charlottetown. Dans l'exemplaire que j'ai sous les yeux, au paragraphe 45.1, il y aurait une modification précise en vertu de laquelle il serait fait directement mention des peuples autochtones du Canada et un mécanisme précis serait mis sur pied.
La note à ce sujet dans l'accord de Charlottetown stipule clairement qu'il faudra trouver un moyen d'obtenir le consentement des Autochtones avant de déposer une résolution constitutionnelle au Parlement. Si nous donnons suite à votre deuxième suggestion, quel genre de mécanisme avez-vous en tête? Comment les peuples autochtones pourront-ils décider s'ils sont pour ou contre une modification et donner leur consentement à l'égard des questions mentionnées dans cet article?
Mme Kuptana: Merci. Je ne connais pas votre nom.
Mme Torsney: Paddy Torsney.
Mme Kuptana: Très bien. Pour ce qui est des consultations et du fait que le projet de loi C-110 était disponible depuis mercredi dernier...
Mme Torsney: Je parlais davantage de...
Mme Kuptana: Je sais que vous ne m'avez pas demandé de répondre à cette observation, mais je tiens à déclarer publiquement que ce n'est pas aux Inuit ou aux autres peuples autochtones qu'il revient de consulter le gouvernement fédéral sur des dossiers qui touchent de façon fondamentale les droits de notre peuple. C'est au gouvernement fédéral qu'il incombe de consulter les Inuit et les autres peuples autochtones sur des questions fondamentales comme l'unité nationale, comme l'a prouvé le dernier référendum au Québec.
Quant au genre de mécanisme qu'il faudrait prévoir, je ne suis pas avocat et Wendy aura peut-être une meilleure idée quant au mécanisme qui serait mieux adapté aux Inuit.
Mme Moss: Vous avez fait allusion, sauf erreur, aux négociations de l'accord de Charlottetown. Comme on l'a dit plus tôt, ces discussions n'ont pas permis de proposer un mécanisme quelconque. Il s'agit de toute évidence d'une question sur la quelle devront se pencher les divers peuples autochtones et les gouvernements en cause.
Il convient de signaler que, lors du litige auquel a donné lieu le processus de l'accord de Charlottetown, les quatre organismes autochtones nationaux ont été reconnus par la Court suprême du Canada comme des représentants véritables des peuples autochtones du Canada. Il existe donc déjà un mécanisme de consultation des quatre organismes autochtones nationaux qui ont pu exprimer leur consentement à des accords politiques, par exemple.
Je suppose qu'il y a d'autres moyens, par exemple la procédure de ratification utilisée pour confirmer le consentement des peuples autochtones aux accords de revendications territoriales et aux accords sur l'autonomie politique. C'est une procédure qui a été utilisée à maintes reprises pour la négociation de droits constitutionnels dans d'autres contextes.
Mme Torsney: Pour revenir sur ce que vous avez dit en réponse à ma première observation, je suppose que je ne voulais pas... Vous avez parfaitement raison; le gouvernement a tout loisir de consulter les intéressés avant de proposer un projet de loi.
Toutefois, les personnes intéressées auraient pu se procurer un exemplaire du projet de loi et, en fait, les Inuit ont beaucoup plus contribué à l'unité de notre pays que ne l'a fait le Parti réformiste lors de la dernière campagne référendaire. Bon nombre d'entre nous n'ont pas hésité à le reconnaître. J'espère que vous savez que je vous en sais gré, à titre personnel également.
J'ai essayé d'obtenir des précisions quant à la deuxième partie de la proposition concernant l'accord des Autochtones. Vous m'avez proposé certaines idées ou solutions éventuelles, mais je voulais savoir si l'une d'entre elles vous souriait tout particulièrement.
Depuis deux ou trois jours, les gens nous demandent si le référendum ou le plébiscite est vraiment la meilleure solution. Je sais que la collectivité inuit accorde beaucoup d'importance au consensus et je voulais savoir quels mécanismes vous plairaient ou vous conviendraient le mieux et comment, à votre avis, nous pourrions inciter les intéressés à examiner ces options.
Mme Kuptana: Je suis ravie que vous ayez posé cette question car cela me ramène à l'argument que j'ai avancé. Ce qui cloche dans tout ce processus, c'est qu'il ne permet pas aux Inuit, qui sont extrêmement dispersés sur tout le territoire, de se réunir pour discuter du genre de mécanismes qu'ils souhaitent voir adopter par rapport à la formule de modification. C'est pourquoi un processus accéléré n'est pas acceptable.
Si nous avions eu du temps avant de venir témoigner devant le comité de la Chambre des communes, j'aurais essayé de rassembler les dirigeants, inuits du Labrador, du Nouveau-Québec, de Nuvavut, du centre de l'Arctique et de la région l'Inuvialuit, ou de l'Arctique de l'Ouest, pour que nous discutions de cette question tous ensemble. Mais dans les circonstances, nous avons dû nous replier sur certaines positions anciennes concernant le droit de veto et le consentement des Autochtones. Je sais que la situation a beaucoup évolué dans le pays en ce qui a trait à la réforme constitutionnelle, mais ce genre de processus accéléré ne permet pas une véritable consultation.
Mme Mary Sillett (vice-présidente, Inuit Tapirisat du Canada): Je voulais ajouter que, au cours des derniers mois, il y a eu le référendum du Québec et au Nunavut, qui se trouve au Nouveau-Québec, et on propose maintenant de tenir un plébiscite pour choisir la capitale du Nunavut. Il y a donc toutes sortes de référendums et de plébiscites. D'après moi, les gens estiment vraiment important de dégager un consensus, mais ce processus est souvent très fastidieux et onéreux, en temps comme en argent. J'ai l'impression que les membres de nos collectivités en ont un peu assez d'être consultés à ce niveau sur la moindre des questions. Toutefois, je suppose que certaines questions sont plus importantes que d'autres.
Pour faire suite à ce qu'a dit Rosemarie, quant au genre de consultations que nous souhaiterions entreprendre, il nous faudrait absolument tenir une première rencontre préliminaire avec les dirigeants de toutes les régions car nous comprenons qu'ils auront beaucoup à faire par la suite. Nous ne pouvons pas nous engager en leur nom à faire quelque chose qu'ils n'ont pas approuvé au préalable.
Mme Torsney: À votre avis, ce mécanisme devrait-il être adopté avant la proclamation du projet de loi, ou si l'on proposait un amendement, pourrait-on reporter à plus tard la question du mécanisme? Je n'ai aucune idée de la réponse et j'aimerais vraiment connaître votre avis. Je ne sais pas pourquoi les choses sont restées ainsi lors des discussions sur l'accord de Charlottetown, pourquoi il a fallu trancher la question au préalable.
Mme Kuptana: Lors des discussions sur la réforme constitutionnelle de Charlottetown, nous avons tout simplement manqué de temps. Quant à votre première question, les Inuit s'opposent fondamentalement au projet de loi C-110.
Mme Torsney: Même s'il est modifié?
Mme Kuptana: Même s'il est modifié. Vous comprenez, si l'on avait prévu des consultations, cela nous aurait donné le temps de déterminer le genre de mécanisme que nous souhaitons voir mis en place. Dans l'état actuel des choses toutefois, nous sommes carrément opposés à cette mesure car elle ne nous permet pas d'établir notre position.
Mme Torsney: Votre deuxième suggestion n'est donc pas une option?
Mme Kuptana: Notre exposé était très clair sur ce point, je pense. Nous avons indiqué notre première préférence, à savoir repenser toute la question et élaborer un tout nouveau projet de loi. Toutefois, si le gouvernement fédéral est déterminé à aller de l'avant et à faire adopter de force ce projet de loi au Parlement pour le mettre en vigueur, nous disons que nous souhaitons qu'une disposition concernant le droit de veto ou le consentement autochtone, y soit incluse pour résoudre notre problème.
Permettez-moi d'être bien précise pour qu'aucun doute ne subsiste: nous nous opposons au projet de loi C-110 parce qu'il empêchera à l'avenir les Inuit et les autres peuples autochtones de faire explicitement reconnaître leurs droits dans la Constitution canadienne.
Le président: Le temps qui vous était consacré est écoulé, madame Kuptana. Nous vous remercions de votre présence et surtout de votre mémoire.
M. Ramsay: Avons-nous terminé?
Le président: Nous n'avons pas le choix, car le prochain groupe de témoins attend, à moins que les membres du comité veuillent poser une autre série de questions. Toutefois, je pense que nous devons faire preuve de courtoisie envers les autres témoins qui ont déjà attendu.
Madame Kuptana, le comité vous remercie de la franchise avec laquelle vous présentez vos arguments en n'y allant pas par quatre chemins, si je peux m'exprimer ainsi. Merci beaucoup de votre témoignage.
Mme Kuptana: Merci à vous.
Le président: Nous reprenons la séance.
Nous vous remercions d'avoir eu la patience d'attendre la fin des discussions avec le groupe précédent.
Nos prochains témoins sont Zebedee Nungak, Michael McGoldrick et Sam Silverstone.
Monsieur Nungak, nous avons reçu votre mémoire. Je crois savoir que vous souhaitez faire quelques observations avant que nous passions aux questions et réponses. Nous vous écoutons.
M. Zebedee Nungak (président, Makivik Corporation):
[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle]
Je ne peux jamais m'empêcher, dans ce genre de tribune, de provoquer la surprise sur le plan linguistique. Je suis très fier du fait que nous possédions une langue très distincte, une des rares dans notre pays à avoir survécu. Si en m'exprimant en anglais, je fais des fautes de grammaire et de syntaxe, c'est parce que je ne pense pas en anglais et je mélange souvent la structure des phrases.
Malgré le préavis très court qui nous a été donné, à l'instar de tous ceux qui ont comparu devant le comité, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui. Cela prouve que vous êtes conscients du fait que les peuples autochtones seront directement touchés par les dispositions du projet de loi C-110.
Pour ceux d'entre vous qui ne nous connaissent pas bien, la Makivik Corporation représente les Inuit de Nunavik, une région - ou plutôt un territoire, comme j'aime l'appeler - qui englobe le tiers nord de la masse territoriale de la province de Québec.
Auparavant, j'apportais une carte pour montrer exactement où se trouve notre territoire, mais lors d'une des conférences qui ont mené à l'Accord de Charlottetown, j'ai montré cette carte et certains éléments nationalistes m'ont reproché avec une telle véhémence d'avoir voulu indiquer ce qui nous distingue des autres, qu'il m'a fallu vivre en reclus comme Salman Rushdie pendant quelques mois après avoir montré cette carte. Depuis lors, je me contente de l'expliquer en paroles. Il s'agit de la région arctique du Québec, accordée d'un seul coup de plume, en 1912, par le gouvernement fédéral à la province de Québec. Voilà le territoire que nous occupons.
Makivik, l'un des organismes régionaux qui siège au conseil d'administration de notre organisme national, l'Inuit Tapirisat du Canada, dont la présidente a témoigné juste avant nous, a signé pour les Inuit la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Dans les jours qui ont précédé le dernier référendum au Québec, Makivik a organisé son propre référendum pour les Inuit de Nunavik. Les résultats ont été écrasants: 95 p. 100 d'Inuit ont voté contre la souveraineté du Québec et pour continuer à faire partie du Canada. Ces résultats n'étaient guère surprenants. Ils étaient semblables à ceux du référendum inuit organisé par Makivik avant le référendum du Québec de 1980. Nous n'avons jamais hésité à clamer haut et fort notre position.
Je m'appelle Zebedee Nungak, et suis actuellement président de Makivik. Il y a 20 ans, je faisais partie des signataires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le premier accord contemporain sur les revendications territoriales signé au Canada. Par la suite c'est devenu le premier accord de revendication territoriale protégé par la Constitution.
Au début des années 1980, je faisais partie des dirigeants autochtones qui se sont battus pour faire en sorte que nos droits soient reconnus dans la Constitution canadienne lors de son rapatriement de Grande-Bretagne. Nos efforts ont abouti à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, lequel est désormais célèbre et souvent cité.
Quelques années plus tard, j'ai coprésidé le Comité des Inuit sur les questions d'intérêt national, l'organisme national qui à l'époque représentait les Inuit pour le dossier constitutionnel.
J'ai participé à plusieurs conférences constitutionnelles avec le premier ministre, les premiers ministres provinciaux et d'autres dirigeants autochtones, au cours desquelles nous avons essayé de faire accepter des modifications qui permettraient aux Autochtones d'occuper la place qui leur revient de plein droit au sein de la Confédération. À plusieurs reprises, nous avons bien failli obtenir l'accord de sept provinces outre le Parlement, mais à la dernière minute, nous n'avons pas réussi à faire reconnaître nos droits dans la Constitution canadienne, y compris notre droit à l'autonomie gouvernementale.
Il est intéressant de constater qu'au cours de cette période nous avons participé à près d'une dizaine de réunions ministérielles et à quatre conférences des premiers ministres afin d'accroître les droits que l'article 35 nous accordait déjà. La participation des gouvernements fédéral et provinciaux à ces réunions démontre clairement qu'ils voyaient l'article 35 comme un point de départ pour garantir nos droits dans la Constitution.
À l'origine c'est un gouvernement libéral qui avait en fait proposé l'inclusion de l'article 35 dans la proposition de rapatriement de la Constitution, en se disant que nous pourrions préciser nos droits lors de conférences ultérieures des premiers ministres. Il est ironique d'entendre maintenant des gens dire qu'en vertu de l'article 35 les Autochtones ont tous les droits dont ils ont besoin.
Ma participation aux questions constitutionnelles ne s'est pas terminée avec l'échec du processus de réforme des droits constitutionnels des Autochtones des années 1980. J'étais un des nombreux chefs Inuit à travailler étroitement avec Rosemarie Kuptana car le Inuit Tapirisat du Canada a joué un rôle important et parfois déterminant dans l'élaboration de l'Accord de Charlottetown.
Cependant je dois ajouter que je suis aussi l'un des nombreux chefs autochtones qui se sont battus pour combler les lacunes de l'Accord du lac Meech.
Il est regrettable que le gouvernement fédéral de l'époque ait décidé de nous exclure du processus aboutissant à l'Accord du lac Meech et de l'accord même. Malheureusement, le gouvernement était prêt à accepter que l'accord n'ait pas de suite plutôt que d'y apporter des changements. Je me souviens de déclarations comme «c'est une toile sans couture», «le marché est conclu», et «c'est un fait accompli». Ce sont les thèmes qu'ont utilisé les auteurs de ce document pour expliquer l'exclusion de la population autochtone. S'ils avaient accepté d'améliorer l'accord, il est fort probable que nous ne serions pas ici aujourd'hui. Nous serions trop occupés à vivre heureux à tout jamais.
Le comité aura remarqué que j'ai dit que nous nous sommes battus pour combler les lacunes de l'Accord du lac Meech, non pas nécessairement pour le tuer. Dans une grande mesure nous nous trouvons dans la même situation aujourd'hui. Nous comprenons la nécessité d'agir pour promouvoir l'unité nationale et modifier le statu quo. Nous comprenons les aspirations des Québécois qui veulent prendre la place qui leur revient dans la Confédération, être reconnus comme une société distincte et avoir le droit de veto sur les questions constitutionnelles touchant leur avenir.
Les résultats du dernier référendum au Québec montrent clairement qu'il faut agir sur ces questions si ce pays que nous appelons le Canada espère survivre. Mais il ne faut pas se faire d'illusions: on ne peut résoudre les problèmes constitutionnels du Québec en excluant la population autochtone à ses dépens. Une chose que nous craignons plus que de vivre dans un Québec souverain et séparé et de vivre dans un Québec reconnu comme société distincte, parce que notre caractère distinct serait éclipsé par celui de la majorité écrasante, soit la majorité francophone.
Nous devons participer pleinement à tous les efforts déployés pour renouveler la fédération canadienne et refuser d'être traités comme des orphelins indésirables ou comme une tache permanente sur le visage politique du Canada, obligés de nous présenter de temps en temps à ce genre de réunions pour veiller à conserver les droits que nous avons.
Même si les Québécois sont insatisfaits, et à juste titre, du statu quo, leur mécontentement au sujet de la Constitution semble insignifiant à côté des doléances de la population autochtone. Tout au cours de l'histoire du Canada, notre culture a toujours été menacée, et il nous a été de plus en plus difficile de conserver nos langues et de pouvoir décider de notre propre avenir.
Je défie qui que ce soit de trouver un article de la Constitution ou d'autres lois canadiennes qui nous accorde même une partie des pouvoirs de décision dont disposent les Québécois avec leur assemblée nationale. Dans ce contexte, il est facile de conclure que s'il faut reconnaître le Québec comme société distincte, il est encore plus nécessaire de le faire pour les peuples autochtones. Si le Québec a besoin d'un droit de veto constitutionnel sur des questions touchant son avenir, cela est encore plus nécessaire pour les peuples autochtones. Si le Québec a besoin de changements lui permettant de prendre la place qui lui revient dans la Confédération, ce besoin est encore plus pressant pour les peuples autochtones.
Le message est clair. Il est tout simplement impossible de justifier la prise de mesures visant à répondre aux préoccupations du Québec sans tenir compte de celles des Autochtones. Depuis quelques jours, j'essaie de trouver ma place dans le nouveau modèle que nous avons devant nous, mais je ne la vois nulle part. Cela m'inquiète beaucoup.
Puisque c'est la première fois que nous avons l'occasion de répondre officiellement aux mesures présentées par le premier ministre pour promouvoir l'unité, je tiens à dire que nous nous opposons catgproqie,emt à toute initiative destinée à exclure les Autochtones du processus visant à reformuler la structure constitutionnelle du pays. Les rédacteurs du projet de loi le nieront peut-être, mais à notre avis, il ne s'agit rien de moins que d'une tentative pour redéfini la structure constitutionnelle du Canada.
D'une façon ou d'une autre, nous avons participé à tous les efforts de redéfinition du Canada depuis le rapatriement de la Constitution en 1982, et même avant. Quelle que soit la politique du gouvernement, je peux vous assurer que nous ne sommes pas prêts à abandonner ce rôle. Nous n'allons pas nous tenir tranquilles pendant que le Canada se redéfinit. Comme le chef Matthews Coon-Come l'a si bien dit hier, on ne fait rien pour accéder aux demandes de ceux, comme nous, qui menacent de rester au Canada, alors qu'en même temps on fait l'impossible pour accéder aux demandes de ceux qui menacent de quitter le Canada. Ce n'est pas très juste à notre avis. Comme on vous l'a dit tout à l'heure, 95 p. 100 des Autochtones ont dit, par voie de référendum, qu'ils veulent rester au sein du Canada. Qu'il le veuille ou non, le Canada va nous avoir, qu'il nous aime assez ou non pour tenir compte de nos aspirations. Donc autant commencer le travail tout de suite et ne pas nous exclure du processus.
Nous sommes ici pour exprimer nos points de vue au sujet du projet de loi C-110. Avant d'aller plus loin, je dois mIinterroger sur le bien-fondé d'un projet de loi qui vise à contourner l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette approche soulève certainement beaucoup de questions. Par exemple, que feraient les tribunaux d'un amendement constitutionnel permis selon les procédures prévues à l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982, mais qui va à l'encontre du projet de loi C-110?
Je vous ai vu poser des questions aux témoins. À titre de témoin, voici une question que je vous pose.
Il faut également se demander quel lien existe entre le projet de loi C-110 et la Conférence des premiers ministres prévue pour 1997 afin de réexaminer les formules de modification actuelles. On pourrait soutenir que le projet de loi viole l'intention de l'article 49 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Le projet de loi C-110 semble être une tentative pour prédéterminer les résultats de la conférence, et a pour effet d'éliminer le gouvernement fédéral comme participant crédible dans tout réexamen des formules de modificationé Voila qui est contraire à l'esprit de l'article 49, qui exige que le gouvernement fédéral et les provinces réexaminent les formules de modification prévues dans la partie V de la Constitution.
La préoccupation immédiate des peuples autochtones, c'est que l'on pourrait interpréter le projet de loi C-110 comme une violation de nos droits prévus à l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle. Cet article décrit la façon de consulter les Autochtones sur les amendements proposés à l'article 35 et sur certaines autres dispositions de la Constitution. Il est évident que ce processus de consultation est prévu dans le cadre des formules d'amendement prévues dans la Constitution et non pas dans celui de la formule que prévoit le projet de loi C-110. L'interaction qui existe entre les exigences de la formule générale d'amendement de la Constitution et celles prévues dans le projet de loi C-110 pourrait très bien avoir une incidence néfaste sur l'engagement du gouvernement de consulter les Autochtones, engagement qui est stipulé à l'article 35.1.
Quoi qu'il en soit, le projet de loi empêcherait le gouvernement fédéral de jouer un rôle de chef de file dans la présentation de modifications au nom des Autochtones en vertu de la formule générale de modification de la Constitution. Le projet de loi dit clairement que le gouvernement fédéral ne pourrait que réagir aux amendements proposés en vertu de l'article 38 qui ont été présentés et approuvés par les provinces voulues. Cela représente un problème grave, car il est peu probable que les provinces jouent un rôle de premier plan dans la présentation d'amendements concernant les Autochtones, compte tenu de l'obligation fiduciaire du gouvernement à l'égard des Autochtones et de sa compétence dans ce domaine en vertu de l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867.
En outre, à cause du projet de loi C-110, il sera beaucoup plus difficile pour nous, sinon impossible, d'obtenir l'accord des provinces en cause pour inscrire notre droit à l'autonomie gouvernementale et nos autres droits dans la Constitution du Canada. Je me rappelle les arguments que nous avions eus à l'époque pour savoir si l'article 35 devait être considéré comme une boîte vide ou une boîte pleine. Nous jugions que c'était une boîte pleine; les gouvernements de l'époque considéraient que c'était une boîte vide qui ne contenait rien qui ne soit pas déclaré ouvertement et explicitement.
Comme nous l'avons dit tantôt, à l'origine, l'article 35 devait être le point de départ qui nous permettrait d'intégrer bon nombre de nos droits dans la Constitution. J'ai aussi expliqué que, malgré les nombreuses séries de rencontres ministérielles et de conférences constitutionnelles, et Rosemarie a repris mes propos tantôt en disant que, d'après moi, nous nous étions rendues jusqu'aux toilettes de la direction, même si j'ai maintenant l'impression que nous avons littéralement été abandonnées dans la toundra, la formule de modification générale est devenue un obstacle insurmontable pour obtenir l'accord nécessaire pour constitutionaliser nos droits à l'autonomie gouvernementale.
En ajoutant les exigences du projet de loi C-110 à ceux de la formule de modification générale, le gouvernement risque de mettre hors de notre portée un accord pour faire apporter des modifications constitutionnelles qui touchent les Autochtones. À cet égard, les efforts du gouvernement fédéral pour rehausser la position du Québec au sein de la Confédération seront faits aux dépens des peuples autochtones. C'est pour cela que je suis venue plaider notre cas devant vous.
Personne ne pourra nier que la formule de modification supplémentaire prévue dans le projet de loi C-110 voudra dire qu'il sera beaucoup plus difficile sinon impossible pour les peuples autochtones de faire adopter les amendements nécessaires pour garantir la place qui nous revient de droit au Canada. C'est tout à fait inacceptable.
La façon la plus efficace de résoudre les problèmes que le projet de loi C-110 pose pour les peuples autochtones consiste à modifier la mesure pour dire que le projet de loi ne s'appliquera à aucun amendement qui touche les peuples autochtones ou leurs droits. Makivik incite votre comité à recommander qu'on modifie le projet de loi C-110 par l'ajout des mots «relative aux peuples autochtones du Canada ou à leurs droits» immédiatement après le mot «modification» à la ligne 7 de la première page du projet de loi.
Merci. J'espère avoir été clair.
Le président: Merci.
M. Ramsay: Je vous remercie d'être venu aujourd'hui et de nous avoir fait cet exposé.
Hier soir, le chef Mercredi a fait une déclaration que j'ai trouvée très profonde et empreinte de vérité. Il a dit qu'un autocrate ne réussirait pas à unir le Canada et c'est ce qui est en train d'arriver maintenant. Nous sommes en train d'adopter un projet de loi sans avoir consulté ceux qui sont mentionnés dans la Constitution, en l'occurrence les provinces et les Autochtones.
Vu ce qui s'est produit et les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici des autochtones, y compris le vôtre, il me semble que vos droits constitutionnels ont été violés. Selon moi, le gouvernement a décidé d'aller de l'avant en disant, comme il l'a déjà fait dans d'autres mesures qui, d'après les peuples autochtones, violent leurs droits constitutionnels, «intentez-nous des poursuites si vous avez l'impression que nous avons violé vos droits constitutionnels».
Je ne peux appuyer le projet de loi et je voterai contre la mesure à moins qu'on y apporte des modifications importantes. Je ne vois pas cependant comment on pourrait modifier le projet de loi d'une façon qui satisfasse tous ceux qui sont visés.
Je n'ai rien à redire avec ce que vous affirmez dans votre mémoire. À mon avis, il est malheureux que vous n'ayez pas pu exprimer vos opinions et vos préoccupations pendant qu'on rédigeait le projet de loi.
Comment se fait-il que nous ne consultons pas les intéressés avant de rédiger un projet de loi qui enfreint leurs droits? Comment se fait-il que le projet de loi ne reflète pas vos préoccupations? Comment se fait-il que les Autochtones qui ont témoigné devant notre comité au sujet du projet de loi C-68 et qui avait dit que leurs droits constitutionnels, surtout en vertu des ententes contenues dans l'Accord des Cree de la Baie James et l'Accord du Yukon, qui précisaient qu'il fallait consulter les intéressés.... Comment se fait-il que nous ne puissions pas consulter les peuples autochtones avant d'adopter de tels projets de loi?
Les projets de loi qui sont proposés à la Chambre peuvent violer les droits constitutionnels des Canadiens et il n'y a absolument rien que les parlementaires puissent faire pour l'empêcher. J'ai proposé un amendement pendant les audiences sur le projet de loi C-68 pour demander que le comité suspende ses travaux tant qu'on aurait pas examiné les articles fautifs, mais ma motion a été jugée irrecevable. J'ai ensuite j'ai demandé un débat d'urgence sur cette question à la Chambre des communes, mais ma demande a elle aussi été jugée irrecevable.
Les parlementaires ne peuvent absolument rien faire pour protéger les droits constitutionnels des Canadiens lorsqu'il devient évident que ces droits constitutionnels ont été violés. Le professeur Hogg et Ian Binnie ont témoigné devant le comité sénatorial au sujet du projet de loi C-68 et affirmé que cette mesure violait certains droits constitutionnels. Nous n'avons pas pu empêcher qu'il soit adopté et il est maintenant devenu loi.
C'est très frustrant. Je me demande parfois comment les Autochtones peuvent venir témoigner une fois après l'autre devant le comité pour exprimer leurs préoccupations sans ressentir les mêmes frustrations et le même désespoir que je ressens moi-même en voyant ce qui se passe.
Si nous voulons que nos lois reconnaissent certains droits, il nous incombe aussi de respecter ces lois une fois qu'elles ont été adoptées. Si nous avons accordé certains droits constitutionnels aux peuples autochtones, qu'arrivera-t-il si nous ne respectons pas ces droits?
Je reviens à ce que le chef Mercredi et le grand chef Coon-Come ont déclaré hier soir. Les Autochtones présentent leurs plaidoyers, dispensent leurs conseils et expriment leurs besoins, mais cela semble toujours être trop tard. Quand le chef Mercredi a dit qu'un autocrate ne pourrait pas unir le pays.... On ne peut pas unir un pays en divisant le peuple par la loi. C'est ce qui se passe maintenant et j'ignore ce que nous pouvons faire pour le prévenir.
Certains amendements ont été recommandés et nous verrons bien ce que les ministériels en feront. Si quelqu'un veut rester pour l'étude article par article, je signale que cela aura lieu tout de suite après. Le projet de loi doit être renvoyé à la Chambre le plus tôt possible parce que le gouvernement veut qu'il soit adopté avant l'ajournement de Noël.
Tout ce que je peux dire, c'est que je n'appuierai pas le projet de loi. Je comprends tout à fait votre point de vue et j'ai compris aussi les préoccupations exprimées par les Autochtones hier soir. Tôt ou tard, le gouvernement doit reconnaître les accords qu'il a conclus avec les peuples autochtones. Sinon, qu'arrivera-t-il si ce n'est de frustrer les peuples autochtones après avoir accordé et reconnu dans notre Constitution certains droits bien précis?
Monsieur le président, je n'ai pas de questions à poser. J'ai posé toutes mes questions aux autres témoins. Si quelqu'un veut commenter ce que j'ai dit, qu'il le fasse.
Je ne sais pas ce que je peux dire d'autre, sauf que j'appuie tout ce que vous avez dit. J'aurais aimé qu'on vous consulte avant de rédiger le projet de loi pour qu'il reflète vos droits. Personne à la Chambre des communes, je pense, ne serait pas de cet avis parce que c'est ce que stipule la Constitution et nous devons nous en tenir à cela.
M. Nungak: Je sais que le député ne posait pas vraiment une question, mais je voudrais dire quelques mots au sujet de certaines choses qu'il a dites.
Nous sommes venus ici surtout pour vous exhorter à recommander qu'on modifie le projet de loi. Si le gouvernement refuse de vous écouter, nous ne pouvons pas l'y obliger. Il n'a pas tenu compte de nos inquiétudes au sujet du projet de loi C-68. Nous avions plaidé notre cause le mieux possible à propos du C-68, mais en vain.
Nous avons l'habitude des délibérations de ce genre-ci. Nous venons à Ottawa, nous parlons anglais et nous plaidons notre cause devant vous, mais cela ne donne absolument rien. Cela nous déplaît de faire toutes ces démarches quand elles ne changent absolument rien à la situation.
Je voudrais faire comprendre une chose au gouvernement du Canada, quelques semaines après le référendum, où mon peuple a prouvé son courage, son engagement envers le Canada, sa détermination à prendre position, nous avons l'impression d'être tout à fait oubliés dans le projet de loi C-110. J'ignore si c'est intentionnel ou non. Je ne suis pas le gouvernement.
Je voudrais rappeler au gouvernement que nous avons dans le passé participé avec enthousiasme à l'édification du Canada. Nous ne sommes pas un fardeau pour la société canadienne. Nous tenons à aider à bâtir le pays, mais sa structure politique et constitutionnelle laisse à désire parce qu'elle se fonde sur la notion de deux peuples fondateurs. Je ne m'y retrouve pas et je ne me retrouve pas non plus dans cette mesure qui donne un droit de veto à quatre régions. Où sont les peuples autochtones là-dedans? Nous ne nous y retrouvons pas.
Vous avez raison de dire que le fait d'être toujours frustré de cette façon finira par avoir un effet négatif. Je ne peux pas vous dire comment ces effets négatifs se manifesteront, mais vous devez comprendre qu'il y a une limite même à la patience légendaire des Esquimaux. Le gouvernement devrait aussi en prendr note et modifier en conséquence sa façon de procéder. Je ne peux pas être plus clair. Si je ce que j'ai à dire ne fait pas la moindre différence, comment puis-je forcer le gouvernement du Canada à m'écouter et à écouter tous ceux parmi la population du Canada qui ne sont pas francophones ou anglophones, mais Autochtones?
Le président: Merci.
Monsieur Regan.
M. Regan (Halifax-Ouest): Monsieur le président, je voudrais tout d'abord signaler que cela me fait plaisir de voir que notre collègue du Parti réformiste s'intéresse beaucoup aux préoccupations et aux droits des Autochtones et que nous aurons certainement son appui pour le règlement de toute revendication territoriale à l'avenir. Je ne pense pas que son parti en ait appuyé jusqu'ici, mais j'espère que le député donnera son accord à l'avenir.
M. Ramsay: Voyons d'abord si vous appuyez le projet de loi.
M. Regan: Ma question est celle-ci. D'après vous, quels ont été les principaux obstacles aux changements constitutionnels dans le passé? Avez-vous l'impression que le fait qu'on discute en même temps de toutes sortes de questions complique les choses et rend la négociation d'une entente plus difficile ou est-ce la seule façon pour nous de procéder?
M. Nungak: Si j'avais été de ceux qui avaient pris les décisions relativement à ces négociations, je pourrais répondre à toutes vos questions. J'étais seulement l'un de 17 danseurs dans le bal constitutionnel.
M. Regan: Vous avez plus d'expérience que moi. Comme je n'y étais pas, vous allez devoir m'en parler.
M. Nungak: Le principal obstacle c'est que les gouvernements ne voulaient pas vraiment participer à des négociations avec les dirigeants autochtones, ni vraiment s'efforcer de répondre à nos aspirations. Nous avons expliqué clairement aux provinces et au gouvernement du Canada ce que nous voulions et pourquoi nous le voulions, soit que notre droit à l'autonomie gouvernementale soit inscrit dans la Constitution et que les peuples autochtones aient la place qui leur revient de droit dans la Constitution et la structure politique du Canada et que les gouvernements cessent de jouer un rôle paternaliste malgré eux et reconnaissent de plein gré notre place au Canada, ce qui ne fera qu'enrichir le pays.
L'un des principaux obstacles venait du fait que nous n'ayons pas pu changer les attitudes du passé qui s'opposaient à la reconnaissance des droits autochtones. J'ai déjà dit que c'était comme essayer de causer des dommages constructifs au statu quo. Nous essayons de changer le visage du Canada pour refléter la place que nous y occupons.
C'était peut-être à cause du climat de l'époque, mais c'était aussi parce que les premiers ministres et leur gouvernement connaissaient mal les questions qui touchent les peuples autochtones et qu'ils craignaient un peu l'inconnu. Les plus entêtés disaient que ce serait comme un saut dans l'inconnu les yeux fermés sans savoir où on va atterrir et que le jeu n'en valait pas la chandelle.
Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps et je ne veux pas vous retarder davantage. J'essaie simplement de vous donner mon impression de ce qui s'est passé.
M. Regan: Mais dans l'Accord de Charlottetown, les premiers ministres avaient accepté de reconnaître le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. D'après vous, pourquoi l'Accord de Charlottetown a-t-il échoué? Voulez-vous dire qu'il a échoué parce qu'il prévoyait le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale? Selon vous, quelle a été la principale raison pour laquelle l'accord a échoué?
M. Nungak: Je ne vois pas comment le fait que je donne mon avis là-dessus nous aidera à obtenir qu'on modifie le projet de loi C-110.
M. Regan: Je vous ai aussi demandé si cela avait donné de bons résultats dans le passé d'avoir un processus de négociations constitutionnelles qui vise à résoudre les problèmes de tout le monde en même temps.
M. Nungak: Le problème de l'Accord de Charlottetown, c'est qu'il était surchargé. L'accord a souffert du fait qu'on ait essayé d'y inclure trop de choses et que les électeurs n'ont pas pu l'approuver à cause de cela, mais je ne dirais pas que nous ne devrions jamais essayer de refaire la même chose à l'avenir. J'aurais cru que le gouvernement aurait tiré une leçon de l'Accord du lac Meech, de celui de Charlottetown et de l'échec des conférences entre Autochtones et premiers ministres, mais je suis pourtant de nouveau dans votre salle de comité en train de plaider [Difficulté technique - Éditeur].... Le gouvernement a oublié l'existence des conférences entre les Autochtones et les premiers ministres dans ce projet de loi-ci.
M. Regan: Si, comme vous le reconnaissez, on a eu du mal à s'entendre dans le passé quand on discutait de trop de choses en même temps, et vous avez dit vous-même que l'Accord de Charlottetown était surchargé à cause de cela, pensez-vous que nous aurions de meilleures chances de succès à l'avenir si nous traitions de toutes ces questions séparément?
M. Nungak: C'est possible, mais une chose très importante pour moi, c'est de savoir où les peuples autochtones se situent dans le processus. Si vous me demandez d'attendre en silence dans la salle d'à côté pendant que vous discutez du Québec ou d'une autre question et que, quand mon tour arrive, je constate que ce que j'aurais pu accomplir auparavant est devenu impossible à cause de ce qui a déjà été convenu, ne pensez pas que cela va me faire plaisir. Selon moi, le point de vue des Autochtones est important et doit avoir la priorité. Si vous allez faire les choses dans un certain ordre ou si vous allez fragmenter le processus, très bien, mais assurez-vous que les problèmes et les droits des Autochtones sont au haut de la liste, d'abord parce que vous avez déjà 127 années de retard.
Dans tout ce qui a été fait jusqu'ici, il y des choses que nous pouvons reprendre. Nous ne commencerons pas à zéro, mais il faut à tout prix que le gouvernement s'engage à instaurer un processus qui puisse résoudre les problèmes des Autochtones.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Sam Silverstone (conseiller juridique, Makivik Corporation): Je voudrais essayer de répondre à la question. Vous demandez ce qui donnerait des résultats. À mon avis, ce qui donnerait des résultats, c'est que le gouvernement fédéral respecte ses obligations fiduciaires à l'égard des peuples autochtones et ne propose pas de projet de loi qui, à notre avis, viole à la fois l'esprit et la lettre de la Constitution.
M. Regan: Dites-vous que cela permettrait d'apporter des changements constitutionnels, des changements globaux, ou quoi exactement?
M. Silverstone: Les changements doivent être apportés dans la Constitution. On ne doit pas essayer de le faire ailleurs. On ne doit pas essayer de modifier la Constitution en adoptant un projet de loi. Il faut respecter les paramètres du document qui a déjà été négocié avec les peuples autochtones. Je pense que c'est la première chose à faire.
M. Regan: Pouvez-vous nous proposer un processus? Pouvez-nous proposer une façon efficace d'apporter des changements à la Constitution?
M. Silverstone: Oui. Vous avez établi le processus dans la Constitution. Il doit y avoir une conférence constitutionnelle en 1997 pour discuter de la formule prévue à la partie V. L'article 35.1 stipule que, si l'on décide d'apporter des modifications à la partie II, il faut d'abord consulter les peuples autochtones.
On a lutté pour que ces dispositions soient incluses dans la Constitution. Or à la première occasion, à notre insu, le gouvernement fédéral tente d'adopter un projet de loi qui contredit sa propre Constitution. Je pense que c'est tout à fait affligeant.
M. Regan: Vous ne m'avez pas dit comment nous pouvons surmonter les principaux obstacles, contourner les principales difficultés éprouvées par le passé lorsque nous avons tenté d'en arriver à une entente sur des modifications à la Constitution.
M. Nungak: À mon avis, nous ne sommes pas là pour ça.
M. Regan: Il nous faut régler ce problème.
M. Nungak: Évidemment, si vous voulez m'accorder un contrat pour vous aider à formuler un processus à votre intention, je serai heureux de le faire. C'est une tâche qui exige une longue réflexion. Je ne pense pas qu'il soit d'aucune utilité que je satisfasse votre curiosité en tentant de répondre à cette question dans le peu de temps dont nous disposons pour examiner ce projet de projet de loi précis.
Le président: Merci.
Monsieur Ramsay, avez-vous d'autres questions?
[Français]
Madame Venne.
Mme Venne (Saint-Hubert): Je pense qu'on devrait être prêts à procéder à l'étude article par article. Ce devait être à 17 h, me semble-t-il.
[Traduction]
Le président: Nous avons commencé un peu en retard, à 15 h 15 et nous allons continuer jusqu'à 17 h 15 s'il y a encore d'autres questions. Sinon, nous allons passer à autre chose. Monsieur Ramsay, aviez-vous autre chose?
M. Ramsay: Je veux simplement vous prévenir que nous allons recommander l'amendement que vous nous avez proposé aujourd'hui lorsque nous passerons à l'étude article par article, dans quelques instants.
M. Nungak: Je ne peux que vous souhaiter bonne chance. J'espère que vous commencerez à connaître le succès dans vos efforts pour faire adopter des amendements.
M. Ramsay: Merci.
Le président: Les ministériels ont-ils d'autres questions? Il n'y en a pas. Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui et du mémoire que vous nous avez présenté.
Le président: Nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi C-110.
Monsieur Harper.
M. Harper (Calgary-Ouest): J'aimerais vous communiquer ces renseignement. Je veux attirer votre attention sur le fait que nous avons reçu aujourd'hui une lettre du ministre des relations intergouvernementales de la Saskatchewan dans laquelle, il dit qu'il aurait aimé comparaître devant le comité, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, que cela aurait été tout à fait approprié, mais qu'il était incapable de le faire vu le court préavis qu'on lui avait donné et la brève période d'examen du projet de loi. J'aimerais demander au greffier et au président si les témoins qui n'ont pas comparu ne l'ont pas fait parce qu'ils ne le voulaient pas ou parce qu'ils étaient incapables de le faire.
La greffière du comité: Monsieur Harper, nous pouvons dire que certains ont invoqué les délais trop courts et que d'autres - et j'inclurais dans ce nombre-là la plupart des représentants des gouvernements - ont rejeté l'invitation.
M. Harper: Merci. Je tenais à obtenir cette précision.
Le président: Monsieur Harper, vous avez une lettre du gouvernement de la Saskatchewan?
M. Harper: Oui, en effet.
Le président: Cela m'intéresse, car comme président, on n'a jamais tenté de communiquer avec moi pas plus qu'on ne m'a fait parvenir copie de cette lettre. Pourriez-vous en mettre une copie à ma disposition.
M. Harper: Je n'ai pas bien de croire que cette lettre est confidentielle et donc je peux certainement le faire.
Le président: Pourriez-vous la remettre au greffier qui me la remettra ainsi qu'aux autres membres du comité qui souhaiteraient la voir?
M. Harper: Oui.
Je dois préciser que j'avais écrit au ministre après avoir présenté ma liste de témoins à la greffière ce qui explique peut-être pourquoi il m'a écrit.
Le président: Je vois. Merci beaucoup.
Nous allons passer maintenant à l'étude, article par article, du projet de loi C-110.
Sur l'article 1 - Consentement aux modifications constitutionnelles
Le président: Nous avons deux amendements du Parti réformiste pour l'instant et je crois qu'il y en aura également un troisième. Les amendements ont été distribués.
M. Harper: Sur un autre sujet. Le troisième amendement porte sur autre chose.
Le président: Je pense que nous allons commencer par le premier amendement que je vais citer comme étant un amendement au projet de loi C-110, article 1, page 1 - je ne sais pas s'il y a des numéros sur vos amendements.
Il est donc proposé que l'on modifie le projet de loi C-110 à l'article 1, par substitution, aux lignes 13 et 14, page 1, de ce qui suit: ensuite...
M. Ramsay: J'invoque le Règlement. L'autre amendement recommandé par le dernier groupe de témoins commençait à la ligne 7 et je me demande dans ces conditions si on devrait commencer par celui-là? Serait-il préférable d'y revenir? Quelle est la bonne façon de procéder?
Le président: D'y revenir? Nous pouvons y revenir.
M. Ramsay: Donc il n'y a pas de difficulté.
Le président: Très bien, donc si nous avons tous le même amendement, qui le propose?
M. Harper: Je propose cet amendement, monsieur le président.
Le président: L'amendement est proposé par M. Harper. Les fonctionnaires du ministère veulent-ils faire un commentaire?
Mme Mary Dawson (sous-ministre adjointe, ministère de la Justice): Non, c'est une question de politique et donc nous n'avons rien à dire du point de vue juridique.
Le président: Monsieur Harper.
M. Harper: Permettez-moi de dire quelques mots afin de préciser, à l'intention des membres du comité, ce que nous visons par cet amendement. Au cours du débat ici, on s'est interrogé sur l'objectif exact de ce projet de loi et ce que l'on entendait pas «province». Cet amendement précise que l'intention c'est de consulter la population du Canada dans le cadre d'un référendum.
Le président: Très bien, monsieur MacLellan.
M. MacLellan (Cape Breton - The Sydneys): Si je comprends bien, cela irait à l'encontre de ce que le ministre souhaitait voir dans ce projet de loi, c'est-à-dire la souplesse.
On se trouve également à ajouter un aspect financier sous forme de coût d'un référendum dans les différentes provinces puisque si nous exigions que les provinces tiennent des référendums, elles diraient certainement, d'accord mais vous allez en défrayer le coût. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait envisagé cette possibilité.
Le président: Monsieur Harper, est-ce que cet amendement... Même s'il s'agissait d'un amendement purement technique, non controversé, entraînerait-il nécessairement un référendum?
M. Harper: En fait, toute de résolution pour laquelle le gouvernement du Canada doit obtenir l'assentiment préalable des provinces, conformément à la formule prévue dans le projet de loi, entraînerait également un référendum. C'est l'intention. Évidemment, cela ne serait pas nécessaire si aux termes du projet de loi, la résolution n'avait pas à être soumise d'abord aux provinces.
Le président: Nous devons donc nous prononcer sur l'amendement numéro 1 du Parti réformiste. Si la discussion est terminée, que ceux qui sont en faveur de cet amendement, veuillent bien le dire.
L'amendement est rejeté [Voir Procès-verbaux]
Le président: Maintenant l'amendement no 2, qui porte sur la définition de «référendum», n'est-ce pas M. Harper?
M. MacLellan: Nous n'en avons pas de copie.
M. Harper: Monsieur le président, avant de le distribuer, permettez-moi de souligner qu'évidemment, ce deuxièmement amendement dépendait de l'adoption du premier. Il nous fallait ce deuxième amendement pour définit «référendum». Puisque nous avons rejeté l'idée d'un référendum, nul besoin de le définir.
Le président: C'est un amendement corrélatif. Par conséquent, il est retiré ou n'est pas présenté. Merci.
Vous avez un autre amendement, monsieur Harper.
M. Harper: Monsieur Ramsay le proposera, monsieur le président.
M. Ramsay: Oui, monsieur le président. Il s'agit évidemment de l'amendement recommandé dans le dernier mémoire présenté au comité. Je pense que vous avez tous une copie de ce mémoire que nous a remis la greffière.
À la ligne 7, il est recommandé que le projet de loi C-110 soit modifié en ajoutant:
- Qui touche les peuples autochtones du Canada ou leurs droits ou une modification vers
- Cela s'insère immédiatement après le terme «Canada» à la ligne 7, de la première page du projet
de loi.
[Français]
Mme Venne: Monsieur le président, je n'ai pas l'amendement. J'aimerais savoir de quoi on parle.
[Traduction]
M. MacLellan: L'amendement permettrait d'ajouter:
- touchant les peuples autochtones du Canada ou leurs droits, ou un amendement
- C'est un amendement très général. À mon avis, proposer d'inclure un texte si général serait un
manque de respect à l'égard des Autochtones. Je ne crois pas qu'il faille l'accepter.
M. MacLellan: Peut-être. On pourrait toujours l'étudier à l'étape du rapport, ou proposer un autre amendement. Évidemment, c'est au motionnaire à décider.
Le président: Madame Venne.
[Français]
Mme Venne: J'aimerais simplement ajouter à la discussion, que ce soit sur cet amendement en particulier ou sur un autre, que le droit de veto étant tellement édulcoré dans ce projet de loi, je ne vois pas du tout l'intérêt de l'étendre ou de le donner à qui que ce soit d'autre. Comme il est tellement édulcoré, il ne donne absolument rien et n'ajoute rien. Je crois donc qu'on devrait plutôt voter dès maintenant sur le projet de loi comme tel.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je désire un vote par appel nominal.
Le président: Très bien.
Y a-t-il d'autres commentaires? Madame Dawson.
Mme Dawson: Je pourrais faire quelques remarques, si vous le désirez, sur l'aspect juridique de cette proposition. Veuillez noter que les exceptions prévues au paragraphe 38(3) touchent déjà certains de ces aspects; cependant, je viens à peine de recevoir ce texte et j'aimerais avoir plus de temps pour l'étudier.
Le président: Je vois. Y a-t-il d'autres commentaires sur cet amendement?
Mme Torsney: Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
Mme Dawson: J'ai simplement dit que certaines des choses dont on fait mention, comme l'article 25 et probablement la partie II, sont peut-être déjà inclus dans l'exception prévue au paragraphe 38(3). Mais compte tenu de la façon dont les choses sont présentées, il se pourrait fort bien que certains aspects ne soient pas inclus dans ce paragraphe. De toute façon, il faudrait analyser cette proposition en détail pour déterminer ce qui serait inclus et ce qui serait exclu du libellé actuel du projet de loi.
Mme Torsney: J'aimerais également une petite précision. Dans la deuxième partie, on signale qu'il faut l'approbation des Autochtones pour modifier la partie II. Faudrait-il cet assentiment dans le cas qui nous occupe également?
Mme Dawson: Oui; je crois qu'il faut étudier comment ce consentement se manifesterait. Nous savons comment l'on peut procéder avec les provinces. Pour ce qui est des Autochtones, d'après notre expérience lors des négociations de Charlottetown on sait qu'il n'est pas facile de déterminer comment arriver à ce consentement. Je crois que la deuxième partie de cette proposition serait très difficile à formuler.
Mme Torsney: Mais si cette proposition était acceptée, devrions-nous régler tous les problèmes avant de passer à la troisième lecture? Pourrait-on régler ces problèmes au moment de la sanction royale? Pourrait-on le faire après l'adoption...
Mme Dawson: Je crois qu'il faudrait le faire à l'étape du rapport.
Mme Torsney: Avant la troisième lecture.
Le président: Et, évidemment, il faudra par la suite modifier le projet de loi.
Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire à ce propos? Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: J'aimerais signaler qu'il s'agit d'un amendement proposé par le dernier groupe autochtone que nous avons entendu et ces témoins étaient accompagnés de leur conseiller juridique. Je suppose que ce dernier a étudié cette proposition et a rédigé cet amendement. Je voulais simplement qu'on le sache.
Le président: Merci.
Monsieur Harper.
M. Harper: J'aimerais faire un commentaire, monsieur le président. À mon avis, cet amendement n'a rien à voir avec la façon dont les Autochtones, s'ils le désirent, manifesteraient leur consentement.
En fait, cet amendement vise simplement à assurer que le projet de loi C-110 exclut de tels amendements. En d'autres termes, aucun ministre de la Couronne ne peut imposer un processus ou une formule d'approbation sans inviter les Autochtones à y participer quand leurs droits sont en jeu. Nous ne demandons pas d'approuver; nous voulons simplement vous assurer qu'aucune formule ne sera adoptée qui exclurait les Autochtones lorsque leurs droits sont en jeu.
Le président: Y a-t-il des commentaires sur cette question ou sur une autre question?
Mme Dawson: Il serait peut-être bon de signaler qu'une certaine protection est accordée aux peuples autochtones à l'article 35,1 de la Loi constitutionnelle. La Constitution, contrairement à une simple loi, stipule qu'avant de modifier l'article 91.24 de la partie II ou l'article 25, il faut consulter les peuples autochtones. En fait, il doit y avoir conférence constitutionnelle. Il existe donc une protection marquée des peuples autochtones à l'article 35,1 de la Constitution.
Le président: Merci.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: J'aimerais faire un bref commentaire. Les groupes autochtones que nous avons rencontrés aujourd'hui et hier ont indiqué clairement qu'ils ne croyaient pas que leurs droits étaient protégés de façon adéquate par l'article 35 depuis la présentation du projet de loi C-110. C'est tout ce que je voulais ajouter, monsieur le président.
Le président: Merci.
Je vais maintenant mettre aux voix le troisième amendement proposé par le Parti réformiste.
M. Ramsay: J'aimerais un vote par appel nominal, monsieur le président.
L'amendement est rejeté par 9 voix contre 2
Le président: Je n'ai reçu aucun autre amendement.
M. MacLellan: Il y en a un autre.
Le président: Il s'agissait d'un amendement corrélatif. Puisque l'amendement original a été rejeté, nous n'avons pas besoin de nous prononcer sur celui-ci.
M. MacLellan: Très bien.
L'article 1 est adopté à la majorité des voix
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Une voix: À la majorité des voix.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Une voix: À la majorité des voix.
Le président: Le président doit-il faire rapport du projet de loi à la Chambre et ce à titre de douzième rapport du comité?
Des voix: D'accord.
Une voix: À la majorité des voix.
Le président: C'est tout. Merci beaucoup.
Nous nous réunirons à nouveau demain matin à 10 h 15 dans cette salle.
La séance est levée.