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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 16 avril 1997

.1520

[Traduction]

Le président (M. Lyle Vanclief (Prince Edward - Hastings, Lib.)): Nous avons le quorum. Bienvenue à tous. Nous accueillons aujourd'hui le président du Conseil du Trésor que je tiens à remercier d'être venu.

Même si ce n'est peut-être pas nécessaire j'aimerais vous rappeler qu'un peu plus tôt cet hiver nous avions eu une table ronde avec nombre de représentants de l'industrie sur la question du recouvrement des coûts. Par la suite le comité a fait parvenir une lettre au ministre. Tout le monde a sans aucun doute eu l'occasion de lire la réponse que le ministre nous a fait parvenir en date du 14 février. En outre, le ministre nous a d'ailleurs très gentiment offert de comparaître devant le comité.

Monsieur Massé, nous vous souhaitons la bienvenue et nous avons hâte d'entendre votre exposé. Je crois que vous pouvez nous consacrer une heure en tout. Je signale ce fait aux députés pour qu'ils puissent mieux planifier la période des questions.

Bienvenue, monsieur le ministre.

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure): Merci beaucoup, monsieur le président et chers collègues. J'aimerais présenter un exposé liminaire qui durera environ cinq minutes.

Je dois dire que je suis très heureux. Nous publions à l'instant un communiqué sur le recouvrement des coûts, un sujet qui a créé des difficultés au cours des derniers mois. Nous avons déjà reçu des commentaires d'un bon nombre d'organisations, et je dois avouer que la majorité d'entre eux sont fort positifs. Vous avez parlé, nous avons écouté et nous avons apporté certaines modifications. Je crois que ce communiqué sera bien accueilli.

[Français]

Aujourd'hui, j'ai l'intention de vous informer de la nouvelle politique du Conseil du Trésor en ce qui a trait au recouvrement des coûts. Le gouvernement fédéral entreprenait, il y a deux ans, une transformation profonde de l'appareil de l'État et de la façon dont il rend ses services aux citoyens et citoyennes. C'est dans cette optique que la politique du recouvrement des coûts devait être examinée avec attention.

[Traduction]

Pendant plus de dix mois, le Secrétariat du Conseil du Trésor a travaillé en étroite collaboration avec un comité consultatif composé de représentants de l'industrie et des groupes de consommateurs et avec un groupe de ministères afin de revoir et de développer cette nouvelle politique sur le recouvrement des coûts.

[Français]

Tous s'entendent pour dire qu'il n'est pas acceptable que l'ensemble des citoyens ait à payer les coûts des programmes dont bénéficie un groupe particulier.

[Traduction]

Si l'on me demandait d'expliquer en quelques mots quelle est cette nouvelle politique, je dirais simplement que les utilisateurs-payeurs auront désormais... j'allais en fait dire qu'ils allaient décider, mais je n'irais pas aussi loin. Je dirai plutôt qu'ils pourront désormais communiquer leurs opinions, leurs commentaires et leurs arguments sur les coûts qu'ils doivent assumer.

[Français]

Dans le cadre de la nouvelle politique, les ministères et organismes gouvernementaux auront une plus grande latitude et une plus grande responsabilité dans l'établissement d'un processus de recouvrement des coûts, en consultation avec leurs clientèles respectives.

[Traduction]

L'examen des programmes a donné lieu à de nombreuses initiatives de recouvrement des coûts mais il n'a jamais contraint les ministères à lancer ces dernières. Il est toutefois devenu évident, au cours de l'examen des programmes, que les contribuables canadiens finançaient certaines activités revêtant une importance particulière pour des groupes précis; nous nous sommes alors demandé qui devrait assumer le coût des programmes comportant, pour leurs clients, des avantages spécifiques qui vont au-delà de ceux dont profitent l'ensemble des contribuables. Nul ne semble s'opposer à l'idée que ceux qui en profitent directement devraient être disposés à en assumer le coût, et nul ne s'oppose au fait d'acquitter sa juste part des coûts. C'est l'application pratique de ce principe qui fait problème.

Ceux que ces changements touchent veulent être consultés sur la façon d'instaurer ces changements, et ils méritent de l'être. Et c'est le but que vise notre nouvelle politique. Même lorsqu'il s'agit de services obligatoires, la consultation des clients peut mettre au jour des façons plus efficientes et moins contraignantes d'assurer l'exécution des tâches. En fait, les utilisateurs jouissent souvent d'un avantage comparatif lorsqu'il s'agit de déterminer les méthodes les plus efficiences de se réglementer eux-mêmes et de réglementer leurs concurrents.

.1525

Bref, monsieur le président, comme j'ai déjà dit, il existe un principe fondamental, qui est évidemment la répartition efficace des ressources. Lorsque la prestation d'un service est gratuite, on a souvent tendance à y avoir recours plus souvent et à utiliser un service haut de gamme; cependant lorsque les gens payent la note ils sont plus prudents. Je crois que j'ai signalé déjà au comité que lorsque j'ai rencontré certains des propriétaires de marchandises ils m'ont dit que s'ils devaient payer pour utiliser les aides à la navigation, ils détermineraient le niveau de service dont ils avaient besoin; ils ont ajouté qu'une bonne partie des services qu'on leur offrait n'étaient pas nécessaires ou encore qu'ils pourraient sans aucun doute se les procurer à un coût moindre.

Le premier principe est donc une répartition efficace des ressources. Le deuxième est la répartition appropriée des coûts entre le contribuable, lorsqu'il s'agit d'un service public, et les groupes particuliers qui bénéficient de la prestation de services qu'ils peuvent incorporer dans leurs services.

Le troisième principe général de la politique est qu'il faut voir les choses sous un angle différent - et je m'en tiendrai à cela - pour avoir une politique efficace de recouvrement des coûts. Cela veut dire que tous les groupes d'intérêts concernés participent au processus, car, encore une fois, s'ils paient la note ils ont le droit d'examiner les services et de déterminer le niveau et le type dont ils ont besoin. Cela veut également dire qu'il faudra que les fonctionnaires changent d'attitude; ils étaient habitués à offrir le service simplement parce qu'on le demandait, et les coûts n'étaient pas une considération suffisamment importante dans leurs délibérations. Dorénavant, les fonctionnaires deviendront les associés de ceux qui bénéficient des services. Ils devront tenir compte des désirs, des voeux et des exigences de leurs clients, et devront désormais résister à la tentation d'offrir des services haut de gamme et adapter plutôt les services au montant que les clients sont prêts à payer.

Monsieur le président, voilà essentiellement notre politique. Le Conseil du Trésor l'a lancée parce qu'un certain nombre de groupes de consommateurs et de clients, et en fait votre comité, ont indiqué que cela était nécessaire. Nous avons élaboré des politiques en consultation avec les intéressés, les clients et les ministères, et je crois que nous avons trouvé une solution raisonnable pour le moment.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Voici un service éclair. J'allais demander si l'on pouvait obtenir des copies de votre communiqué, mais le greffier vient de m'en remettre une; il fera le tour de la table et en remettra à tous les députés.

J'aimerais d'abord vous remercier, publiquement - et je ne crois pas que ce soit uniquement en mon nom propre - de la lettre que vous avez adressée à la Fédération canadienne de l'agriculture. Je parle ici à titre de député et de particulier qui s'intéressait beaucoup à la question surtout en ce qui a trait aux activités de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Ce dossier n'a pas été facile; dans votre lettre, vous avez certainement rassuré le secteur en lui signalant que les résultats des activités associées au processus de recouvrement des coûts seront examinés et étudiés par tous les intervenants.

Il existe donc toujours un dialogue afin d'améliorer le système, pour que l'impact sur l'industrie ne soit pas trop dur. Je tiens à vous remercier personnellement, et je sais que d'autres m'ont signalé qu'ils étaient très heureux de cette lettre.

M. Calder sera le premier intervenant. Murray.

M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je ne sais comment vous remercier de ce que vous avez fait. J'organise une réunion des intéressés du secteur chaque année à Guelph, au Collège d'agriculture de l'Ontario, et depuis deux ans, quand les gens parlent de l'ARLA et de la politique de recouvrement des coûts, ils disent qu'il faut absolument consulter les intervenants du secteur agricole. D'après moi, vous avez maintenant rendu ce processus de recouvrement des coûts parfaitement transparent, et vous avez invité les utilisateurs à participer au processus de détermination du programme de recouvrement des coûts.

.1530

Pour être honnête, je vois qu'il faudra absolument assurer une collaboration étroite entre les fonctionnaires et les intervenants du secteur pour qu'ils puissent expliquer comment certains droits ont été établis. C'est justement ce qui se déroule actuellement en ce qui a trait à l'ARLA. La méthode du crédit net sera-t-elle utilisée dans d'autres ministères? Je ne pense pas simplement à l'ARLA. Le recouvrement des coûts touchera tous les intervenants et tous les aspects du secteur agricole.

M. Massé: Je suis accompagné de David Miller qui est le secrétaire adjoint au secteur de la gestion des dépenses. Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire.

Le président: J'espère que David le sait.

M. Massé: J'espère qu'on me reprendra si je me trompe, mais si j'ai bien compris au cours des dernières années, nous avons réduit le montant des crédits nets, qui représentent les dépenses nettes des ministères. Pour mieux contrôler les dépenses, nous avons inclus dans les comptes toutes sortes de coûts et de recettes séparément. Tout cela semble représenter une augmentation des dépenses.

Vous vous souvenez sans doute des questions qui ont été posées à la Chambre sur les augmentations prévues dans le cas de l'examen des programmes. Je crois que cette façon de procéder nous permet de mieux contrôler les budgets des ministères, parce que nous voyons exactement combien d'argent ils reçoivent. Nous pouvons alors poser des questions. Nous constatons à ce moment-là quelles sont leurs dépenses, et je crois qu'elles reflètent de façon plus fidèle les dépenses réelles des ministères. Nous avons l'intention de traiter les recettes et les dépenses de la même façon dans tous les ministères. Mais j'espère qu'on me reprendra si je me trompe.

Le président: Je m'excuse de vous interrompre; pourriez-vous pendant quelques instants nous expliquer ce que vous en entendez par «crédit net»?

M. David Miller (secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, Conseil du Trésor): Je serais heureux de le faire, monsieur le président. La meilleure façon d'expliquer ce que nous entendons par la méthode du crédit net est de vous donner un exemple. Je vais choisir le secteur agricole.

Jusqu'à il y a quelques années, par exemple dans le secteur de l'inspection des viandes, lorsque la viande était transformée dans d'autres provinces, il fallait évidemment assurer une inspection fédérale. Quelqu'un arrivait et disait écoutez, j'ai besoin de ce wagon de viande dans l'autre province demain. Il s'adressait au représentant d'Agriculture et Agroalimentaire qui lui disait n'avoir pas les fonds. Ce particulier répondait alors qu'il était prêt à payer, peu importe le montant, que les gens fassent du temps supplémentaire, parce qu'il devait acheminer sa viande. Le fonctionnaire disait alors peu importe si vous me payez, parce que je ne peux pas me servir de cet argent. Je devrai retourner au Parlement et demander des montants supplémentaires si je dois inspecter votre viande.

La méthode du crédit net vise à aligner les coûts des services offerts par les ministères sur les recettes qu'ils touchent. Le ministre a raison. Nous présentons au Parlement les dépenses brutes de chaque ministère. Lorsque nous obtenons l'approbation du Parlement, nous demandons dans le libellé du crédit la permission d'utiliser les recettes générées par ces activités. On peut se servir de ces recettes dans des circonstances bien particulières et telles qu'approuvées par le Parlement. Ainsi on peut réserver 100 millions de dollars pour l'inspection des viandes et vous pouvez vous servir des 30 millions de dollars de temps supplémentaire qui sont y sont associés, ces chiffres ne sont qu'un exemple.

La méthode des crédits nets permet aux gens de s'adapter aux changements du niveau de la demande pour qu'il existe un lien concret entre les coûts encourus, les services offerts et les recettes du ministère. Nous espérons pouvoir utiliser cette méthode dans d'autres secteurs. Il s'agit tout simplement d'établir un lien entre la demande et les recettes.

.1535

Le président: J'aimerais poursuivre dans la même veine. Si on a réservé 100 millions de dollars pour l'inspection des viandes et que le recouvrement des coûts représente 30 millions de dollars, cela veut dire qu'il y aura 130 millions de dollars qui pourraient être dépensés pour l'inspection des viandes.

M. Miller: Le libellé du crédit - et nous utilisons des chiffres qui...

Le président: Oui nous choisissons des chiffres au hasard.

M. Miller: Si le coût brut total de l'inspection des viandes est de 100 millions de dollars et que les recettes du ministère s'élèvent à 30 millions de dollars, nous demanderions au Parlement d'approuver la différence soit 70 millions de dollars, puis 30 millions de dollars lorsque ces recettes auront été obtenues. Ainsi s'il n'y avait pas de demandes pour les services d'inspection des viandes, techniquement, le ministère ne serait pas autorisé à dépenser ces montants supplémentaires.

Le président: Merci beaucoup. Je vous ai empêché de donner la réponse que vous alliez donner ou de faire les commentaires que vous vous proposiez de faire après l'exposé du ministre, donc...

M. Miller: J'allais simplement mentionner que ce qu'a décrit le ministre, c'est justement la formule que nous utilisons pour fournir au Parlement l'information sur le coût total du programme et pour demander l'autorisation de dépenses du montant net, en l'occurrence.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Cela m'amène justement à ma dernière question, parce que je veux parler de l'ensemble de la question du recouvrement des coûts dans le domaine de l'agriculture. Non seulement le ministère de l'Agriculture fait-il des ponctions, mais le ministère des Transports et plusieurs autres ministères font la même chose. Je m'intéresse donc à la méthode du crédit net. Plutôt qu'une approche unilatérale, je préconise une approche multilatérale de façon à ce que dans le recouvrement des coûts, nous affichions la transparence que réclament les groupes d'intérêts du secteur agricole. Je considère que c'est le véhicule que nous pourrions utiliser.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar - Marquette, Réf.): Merci, monsieur le président, je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.

Vous avez parlé du bien public. Est-ce que vous travaillez à distinguer entre le bien public et le bien privé? Combien de ministères participent à cet exercice?

M. Massé: Voilà une question difficile. Nous avons tenté d'établir des critères afin de déterminer ce qui constitue ce que nous appelons les avantages privés par opposition à ce que nous qualifions de biens publics. Évidemment, tous les ministères sont visés. En théorie, s'il s'agit d'un bien public, il faut le payer à même le trésor public. Par exemple, un phare est l'exemple typique d'un bien public, car ceux qui ne voient pas les rochers et qui s'y échouent ne sont pas en mesure de payer. En fait, il faut s'adresser à l'ensemble de la population, à cause de la nature du bien. En réalité, ceux qui profitent de cet avantage, sont toujours ceux qui ne semblent pas en avoir besoin. C'est donc l'exemple typique d'un bien pour lequel il faut que l'ensemble paie.

Même les insecticides comportent en général un aspect bien public et un aspect bien précis. Du point de vue du «bien public», il y a le fait que la population est protégée des effets des insecticides sur sa santé, etc. L'État intervient et les citoyens en profitent; dans un tel cas donc, ceux qui en profitent ne doivent pas supporter le coût entier de l'inspection, de l'étiquetage, de l'octroi de permis, etc., des insecticides.

En passant, il est extrêmement difficile de déterminer le pourcentage exact dans chaque cas.

M. Jake E. Hoeppner: Comme ancien agriculteur, je fais toujours valoir que la population doit commencer à comprendre que si nous ne pouvions utiliser des produits chimiques pour lutter contre les insectes, etc., le prix des aliments serait presque prohibitif. En fait, nous devons absorber la majorité du coût afin de réduire le prix des aliments pour que le consommateur en profite vraiment. Voilà pourquoi je prétends toujours que nous ne sommes pas traités équitablement lorsqu'il s'agit du bien public. En réalité, nous agissons pour le bien public. Nous n'y gagnons pas beaucoup d'argent, car plus nous produisons, plus le prix des aliments diminue, comme vous le savez - ce qui aide les pays du tiers monde tout autant que notre propre pays.

J'espère que vous y songerez lorsque vous discuterez de cet aspect. En matière de production alimentaire, je pense que dans la majorité des cas le bien public est avantagé et non le bien privé.

J'aimerais aborder avec vous la question de l'harmonisation, monsieur le ministre. Il semble y avoir un grave problème au sujet des ces produits chimiques entre les États-Unis et le Canada. Depuis 20 ans, l'harmonisation à ce niveau s'est fait très lentement. Comme président du Conseil du Trésor, ne pourriez-vous pas accélérer un peu les choses? Au cours des années 70, lorsque nous pouvions nous procurer des produits chimiques à un prix plus abordable aux États-Unis, il était quasiment impossible de les importer à cause de la réglementation et c'est encore le cas aujourd'hui.

.1540

Je voudrais vous soumettre l'exemple d'un pomiculteur de ma circonscription qui produit des pommes saskatoon. La saskatoon est une nouvelle variété de pomme. Elle ne requiert pas l'utilisation de produits enregistrés, mais le producteur connaît les produits efficaces, car il a été autorisé à en utiliser plusieurs. Cependant, en ce qui concerne les résidus, la situation varie considérablement entre le Canada et les États-Unis. Les pommes saskatoon cultivées au Canada doivent être exportées au Dakota du Nord avant d'être réimportées au Manitoba. Quand j'ai parlé de cette histoire pour la première fois, personne ne voulait me croire, mais j'ai fait une deuxième vérification.

Vous voyez donc que c'est là un problème d'harmonisation. Il ne s'agit pas simplement de faire de la recherche et de déclarer que les pesticides sont sûrs; il faut aussi s'intéresser aux problèmes des résidus sur les produits. J'espère que vous en prendrez note et que vous interviendrez sur cette question, de façon à obtenir une harmonisation qui soit juste pour les deux pays, et qui nous permette de faire des économies.

M. Massé: Vous avez raison de faire remarquer que ce problème prend de l'importance avec l'entrée en vigueur de l'ALENA et la libéralisation du commerce. Nous ne manquerons pas d'étudier la situation particulière que vous avez mentionnée.

D'ailleurs, le Conseil du Trésor est également chargé d'alléger la réglementation, et c'est là le genre de cas sur lequel nous pouvons demander un effort de coopération à des ministères comme l'Environnement, la Santé, etc.

M. Jake E. Hoeppner: Il existe un produit chimique qui a posé un grave problème aux producteurs de maïs de l'Ontario il y a deux ans, je crois. Ils ont pratiquement dû se le procurer en contrebande. C'est un produit qui fonctionne pour certains...

Le président: Des agriculteurs ne feraient jamais cela, hein, Jake?

M. Jake E. Hoeppner: J'ai vu quelque part dans la presse une déclaration du président de ce comité qui disait que l'on sait que ce genre de chose se produit, mais qu'il faut faire semblant de ne rien voir.

Le président: On est en train de s'en occuper, Jake.

M. Jake E. Hoeppner: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Easter, Mme Ur et M. Chrétien.

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais souhaiter la bienvenue au ministre et à David. Je tiens, moi aussi, à vous féliciter de votre point de vue sur l'organisme de réglementation de la gestion des pesticides. Monsieur le ministre, chaque fois que nous avons voulu nous adresser à vous, vous vous êtes efforcé de nous écouter et de prendre la meilleure décision.

Une voix: Bravo, bravo!

M. Wayne Easter: Mais il y a toujours de graves problèmes. Je n'ai pas encore eu le temps de lire intégralement le communiqué, mais je pense que le tableau d'ensemble fait toujours apparaître certains problèmes. Le Conseil du Trésor s'occupe de chiffres; c'est là une réalité incontournable. Mais on ne peut pas tout ramener à des chiffres. Murray a parlé de l'effet cumulatif de l'intervention des différentes administrations sur le milieu agricole. Oui, je sais que dans votre communiqué, vous invitez les clients mécontents à s'adresser au président du Conseil du Trésor, s'ils estiment que certains ministères ont dérogé aux principes généraux du gouvernement. C'est là un pas dans la bonne direction.

Je suis un ancien dirigeant agricole et je sais que le problème pour les organismes agricoles, comme pour les cultivateurs, c'est qu'on finit toujours par se heurter au ministère, qui a ses propres services administratifs et même pendant les négociations, on a tendance à s'en remettre aux chiffres du ministère. C'est très difficile de vérifier les chiffres.

Deuxièmement, les organismes agricoles et les agriculteurs n'ont pas le temps de faire les recherches nécessaires. Nous savons ce qui se passe au niveau des exploitations agricoles. Voici l'exemple d'un producteur de pommes de terre qui fait à peu près toujours la même récolte d'une année sur l'autre. En 1995-1996, il a payé 318$ de frais d'inspection. En 1992-1993, il en avait payé 6 713 et en 1996-1997, pour la même superficie, il en payera environ 13 000. Voilà un problème qui se pose en ce qui concerne les changements de tarif.

.1545

Je peux vous donner un autre exemple: trois producteurs ont appelé pour me parler de l'inspection des pommes de terre exportées aux États-Unis. L'inspection de leurs entrepôts leur coûte encore plus cher. Je sais que leurs exploitations sont assez efficaces; ils ont du matériel, mais un inspecteur qui va examiner un chargement de pommes de terre pendant une heure leur coûte plus cher que la rémunération de six personnes qui vont trier des pommes de terre pendant toute une journée. Il y a donc un problème d'écart entre l'intérêt public et l'intérêt privé.

Je ne sais pas comment un producteur agricole peut obtenir gain de cause à cet égard. On peut prétendre que dans une exploitation agricole de ce genre, l'intérêt public est essentiel, puisque les pommes de terre ont une valeur économique pour l'exploitant, pour l'Île-du-Prince-Édouard puisqu'elles représentent de l'argent qui arrive dans la communauté, pour la balance commerciale, et ainsi de suite.

Je vais vous soumettre un autre problème à partir d'un autre exemple. Dans la production de pommes de terre à l'Île-du-Prince-Édouard, on trouve trois différents secteurs. Vous avez la production de pommes de terre de semence, la production de pommes de terre de consommation et la production de pommes de terre de transformation, qui approvisionnent les compagnies Cavendish Farms et McCain.

La qualité des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard a toujours été reconnue, car tout le monde produisait une pomme de terre qui pouvait être vendue en tant que semence. Si la transformation ou l'exportation n'étaient pas disponibles, on pouvait toujours vendre la production comme semence. En fait, tout le monde produisait de la pomme de terre de semence qui était écoulée essentiellement dans les deux autres secteurs, mais chacun se soumettait aux inspections exigées pour les pommes de terre de semence. Maintenant, avec la récupération des coûts, les honoraires des inspecteurs sont si élevés que les producteurs ne peuvent plus se ménager la possibilité d'écouler leur production en tant que semence.

La question est donc la suivante: les agriculteurs, comme ceux que j'ai rencontrés au Conseil canadien de l'horticulture, disent qu'il faut éviter certains de ces coûts et que certaines inspections ne sont peut-être pas indispensables. Je peux vous dire que si l'on commence à supprimer certaines inspections, les choses iront peut-être bien à court terme et on évitera certains coûts, mais d'ici 10 ou 12 ans, cela risque de nous coûter très cher.

Je pense que l'intérêt public exige que tout le monde investisse dans notre avenir commun en assumant une partie de ces coûts. À première vue, il est facile de dire qu'on n'a pas besoin de ces inspections, mais c'est la qualité qui fait vendre. Nous avons obtenu la qualité nécessaire parce que le public était prêt à assumer les frais d'inspection.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment on peut prendre en compte ces facteurs qui ne sont pas liés à l'économie à court terme, alors que le recouvrement des coûts est conçu de telle façon qu'on ne considère que les éléments économiques à court terme - encore que je ne vois pas comment le système pourrait être conçu différemment.

M. Massé: À propos, je vous signale que ce problème existe non seulement dans l'agriculture, mais également dans de nombreux autres secteurs où s'applique le recouvrement des coûts. Le problème est bien celui qui a été mentionné: comment faire la part des choses entre l'intérêt public dans l'action gouvernementale et les avantages de nature privée qui en découlent pour les utilisateurs du service?

Je ne suis pas expert en agriculture et je suis encore moins bien placé que vous pour me prononcer sur l'exactitude des chiffres, mais en ce qui concerne la méthode, comme nous sommes bien conscients du fait qu'il est important d'écouter tous les points de vue et de peser tous les arguments, nous avons décidé de constituer ces groupes d'intervenants. En ce qui concerne les pesticides, nous avons indiqué que les frais seraient perçus pendant un an, après quoi les parties concernées pourraient intervenir de nouveau pour faire valoir leurs points de vue.

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C'est aussi pour cela que nous avons accepté de nous occuper de l'impact cumulatif des différents frais et d'envisager l'existence d'un ministère horizontal - qui ne serait pas au-dessus des autres ministères, évidemment - pour entreprendre l'étude de l'action des différents ministères et additionner l'effet des différents programmes.

Finalement, c'est aussi la raison pour laquelle nous avons constitué non pas une commission d'appel, mais un organisme différent du ministère proprement dit où les intervenants peuvent faire valoir leurs points de vue, de façon qu'on puisse éviter le conflit d'intérêts fondamental que vous signalez à juste titre dans un ministère ou ceux qui fixent le montant des frais sont en quelque sorte ceux-là même qui vont bénéficier des revenus que le ministère en tire.

Je n'ai pas plus que vous de réponse à proposer à ce problème, mais nous avons essayé, dans notre démarche, de rendre le système plus transparent, de permettre aux intervenants de faire valoir leur point de vue et de mettre sur pied ce mécanisme d'appel.

M. Wayne Easter: Je voudrais dire deux choses. Tout d'abord, j'aimerais savoir comment le mécanisme d'appel va fonctionner. Je me demande s'il n'y aurait pas besoin d'un ombudsman pour régler ces problèmes, mais les groupes d'intervenants... et je voudrais que les producteurs qui m'ont fait part de leurs difficultés au Conseil de l'horticulture soient ici aujourd'hui, car ils pourraient vous exposer leurs problèmes beaucoup mieux que moi.

Il n'est pas douteux que ces réunions d'intervenants donnent une impression de maquignonnage. J'ai remarqué, lorsque j'étais dirigeant agricole, que la difficulté dans les rapports avec Ottawa - c'est même encore pire aujourd'hui - c'est qu'on arrive à la réunion pour faire valoir les intérêts légitimes des agriculteurs, et quand la réunion se termine, on se sent obligé de diffuser le message du ministère dans le milieu agricole. C'est l'impression qu'on en retire.

Au cours de ces réunions d'intervenants, le jeu consiste à diviser pour mieux régner et à jouer une région contre l'autre. Aux réunions d'intervenants, les producteurs primaires du milieu agricole se trouvent très désavantagés par rapport aux transformateurs; ils ont du mal à exprimer leurs points de vue et ils ont l'impression d'avoir été mal compris et traités injustement. Voilà du moins l'expérience que j'ai acquise au cours de ces réunions.

Je ne vois pas comment résoudre cette difficulté, car il faut bien communiquer au cours des réunions d'intervenants... Je veux simplement vous dire qu'à mon sens, il s'agit là d'un problème grave: en définitive, les milieux agricoles ne sont pas convaincus que les frais qu'on leur impose sont équitables. Actuellement, ces frais ne semblent pas être équitables et les agriculteurs se sentent piégés, ils n'ont pas le choix. En fait, certains d'entre eux s'en prennent aux dirigeants agricoles qui participent aux négociations, et qui se retrouvent dans une situation impossible.

Le président: Madame Ur et puis M. Chrétien.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton - Middlesex, Lib.): Je voudrais, moi aussi, reprendre les propos de mes collègues, monsieur le ministre. Vous avez écouté notre message et nous vous en remercions. Nous avons parfois l'impression de livrer une bataille désespérée lorsque nous venons exprimer les préoccupations de nos agriculteurs sur la Colline. J'apprécie donc beaucoup votre aide à cet égard.

Pour prolonger ce qu'a dit mon collègue M. Easter du dispositif d'appel, je vous félicite d'avoir prévu une révision au bout d'un an, plutôt que d'avoir opté pour le délai habituel de cinq ans. À votre avis, que devrait-il se passer au bout d'un an? Est-ce que les intervenants devraient venir à Ottawa pour dénoncer tout ce qui pose problème? Quelle formule appliquera-t-on? Allez-vous demander la constitution d'un comité ou la nomination d'un ombudsman?

.1555

Comme Wayne l'a dit, votre ministère travaille sur des chiffres; quant aux agriculteurs, ils viennent ici demander des comptes et parler de l'effet cumulatif de l'ensemble des programmes de récupération des coûts. Ne pensez-vous pas qu'il serait juste de nommer une personne qui connaisse à la fois votre ministère et l'agriculture et qui pourrait avoir une vue d'ensemble de la situation, au lieu de ne représenter que le point de vue du ministère? Cette personne pourrait expliquer aux agriculteurs et à tous les utilisateurs le fonctionnement du système de récupération des coûts. Je ne sais pas comment on pourrait instituer un tel service, car en définitive, c'est le point de vue de l'utilisateur qui doit primer... si le produit n'est pas conforme aux normes applicables.

M. Massé: Oui. À propos, je vais prendre ici des engagements qui ne figurent pas dans mon mémoire.

Une voix: Bravo! Continuez!

Des voix: Oh, oh!

M. Massé: Oui. D'après la façon dont je conçois le processus d'appel, les intervenants pourront y faire valoir leurs chiffres et leurs arguments et nous ferons appel aux experts du ministère de l'Agriculture qui, évidemment, connaissent bien le domaine.

Je suppose qu'en cas de divergence évidente dans l'analyse ou dans les chiffres, nous aurons la possibilité de faire appel à un expert contractuel, car le Conseil du Trésor n'a pas à sa disposition toute une armée d'experts dans tous les domaines. Nous pouvons être amenés à engager les meilleurs experts de façon à avoir le point de vue d'une tierce partie qui ne penche ni pour l'un, ni pour l'autre. Pour moi, ce serait là une procédure équitable. À ma connaissance, nous n'avons pas encore consacré beaucoup de temps à la définition du processus d'appel, car nous venons tout juste de conclure, après avoir surmonté les difficultés que vous imaginez auprès des autres ministères, que le Conseil du Trésor devait jouer ce rôle et que c'était la meilleure solution.

Mais je pense que c'est ainsi que le mécanisme va fonctionner.

En ce qui concerne le rôle que peuvent jouer les parlementaires, je n'ai aucune objection, mais une fois que nous aurons déterminé une ligne d'action et que nous aurons entrepris de la rédiger, il serait bon que le Conseil du Trésor rencontre les parlementaires pour en parler avec eux. Cela me semble tout à fait souhaitable.

Y a-t-il autre chose que j'aurais oublié?

M. Miller: Non, monsieur le ministre. Dans l'un des secteurs du Conseil du Trésor, il y a ce qu'on appelle des analystes de programmes qui ont pour mission de travailler en collaboration très étroite avec les différents ministères. Nous avons donc déjà un analyste qui se consacre à plein temps au ministère de l'Agriculture. En un sens, ces analystes sont à la fois la conscience du Conseil du Trésor dans ses rapports avec les ministères, et les messagers du point de vue des ministères auprès du Conseil du Trésor.

Au cours de l'élaboration de cette politique, nous avons préconisé une expansion du dialogue de façon à faire intervenir des groupes extérieurs qui présenteraient la récupération des coûts de leur propre point de vue, mais nous avons évidemment travaillé en collaboration très étroite avec le ministère de l'Agriculture et de l'agro-alimentaire dans toute cette démarche.

M. Massé: Et que pensez-vous de l'intervention des parlementaires dans la révision du processus au terme de la rédaction?

M. Miller: Nous avons désormais une grande expérience grâce à notre dernier... pour essayer d'améliorer nos rapports au Parlement...

Des voix: Oh, oh!

M. Miller: ... et ce serait une formule très efficace pour toutes les procédures que nous proposons.

Le président: Dans ce contexte, si l'on se reporte à la page 3 de votre document sur la récupération des coûts et la politique des frais d'utilisation, de même que la lettre du 8 janvier 1997 que ce comité vous a envoyée, monsieur le ministre, et aux arguments de la dernière page, nous disions que nous aimerions avoir un résumé des mesures à prendre pour répondre aux préoccupations soulevées. Je suis heureux de voir que presque tous nos arguments ont reçu une réponse qui figure à la page 3. Je vous en remercie. Comme vous l'avez dit au début, vous nous avez écoutés, et nous vous en remercions.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur Massé, bienvenue au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Malheureusement, vous ne venez pas nous voir assez souvent.

M. Massé: C'est vrai, mais c'est parce que j'en connais moins sur l'agriculture que sur d'autres sujets.

M. Jean-Guy Chrétien: C'est une bonne raison de venir, monsieur le ministre.

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J'ai deux préoccupations, monsieur Massé. La première a trait au recouvrement des coûts sur les produits antiparasitaires, que les agriculteurs utilisent abondamment, mais de façon respectueuse de l'environnement, j'en suis convaincu.

Aux États-Unis, on essaie de faire un recouvrement des coûts, mais on se limite à environ15 p. 100 du coût réel, alors qu'ici, au Canada, on vise 60 p. 100. À prime abord, on pourrait penser que c'est sain de recouvrer 60 p. 100 et éventuellement 100 p. 100, mais il faut vivre là où on est, c'est-à-dire dans le contexte nord-américain.

Comme le marché au Canada est captif, parce qu'il est 10 fois plus petit que celui des États-Unis, et comme on recouvre un pourcentage plus élevé, cela va devenir très onéreux pour les producteurs, qui vont inévitablement nous refiler sur la facture ce 60 p. 100 de recouvrement des coûts. Cela va inévitablement faire augmenter le coût de ces produits. Il deviendra donc plus intéressant pour l'agriculteur d'acheter des produits américains au détriment des produits canadiens et cela va tuer toute recherche au Canada, tout développement de produits antiparasitaires pour nos agriculteurs.

J'avais déjà sensibilisé un membre de votre Cabinet, le ministre de l'Agriculture, à cette question, mais il semble que vous allez continuer dans le même sens. Est-ce toujours votre intention? Ne craignez-vous pas que cela puisse faire augmenter le coût des produits ou entraîner des mises à pied?

M. Massé: C'est un point important. Il ne fait aucun doute que dans des économies qui ont des échanges aussi étroits que celles du Canada et des États-Unis, il faut faire très attention à la concurrence entre les divers secteurs économiques. Les produits antiparasitaires, qui représentent une partie significative des coûts de la production agricole, sont un point auquel nous devons faire très attention.

La situation varie évidemment selon les produits. Avant de conclure qu'un recouvrement de60 p. 100 par rapport à un recouvrement de 15 p. 100 rend très difficile la vente d'un produit, il faut regarder chaque produit. On peut s'entendre là-dessus.

Il ne fait aucun doute que ce sera très important dans le cas d'un certain nombre de produits. Nous avons approuvé le recouvrement de coûts pour les produits antiparasitaires pour une période de seulement un an afin que nous ayons la possibilité de réviser ce qui va se passer en termes de coûts et de concurrence, en particulier avec nos concurrents américains dans ce domaine-là.

Nous aurons la possibilité, au bout de l'année, de réviser les coûts. Si on s'apercevait qu'il est nécessaire de modifier le niveau du recouvrement, on le ferait.

Deuxièmement, si vous allez à l'extrême, cela veut dire qu'aussitôt que vous avez un concurrent dans un domaine international - vous en avez maintenant beaucoup, surtout dans ce domaine - , vous avez un niveau de recouvrement des coûts plus bas que tous vos concurrents, de façon à ce qu'aucun d'entre eux n'ait un avantage attribuable au fait que le recouvrement des coûts est à un niveau différent dans chaque économie.

Il y a des États qui n'ont pas les mêmes normes que nous, mais même les États-Unis deviennent très conscients de la qualité des produits. En d'autres termes, lorsqu'ils savent qu'on a des services d'inspection, en particulier des services d'inspection des pesticides ou des antiparasitaires, ils apprécient la qualité du produit. Par conséquent, sa qualité monte. En d'autres termes, les coûts qu'on impose pour l'inspection des pesticides, par exemple, ne sont pas des coûts qui ne sont pas équilibrés par des bénéfices en termes de qualité des aliments.

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Donc, encore une fois, sur l'argument de fond, je pense que vous avez raison et qu'il faut faire très attention à cela. Nous avons mis en place un processus qui va nous permettre de juger de l'effet des coûts sur notre compétitivité. Toutefois, il faut tenir compte non seulement des coûts, mais également de la qualité de la nourriture qui résulte d'un meilleur système d'inspection.

M. Jean-Guy Chrétien: Merci, monsieur le ministre.

Ma deuxième préoccupation a trait au groupe d'agriculteurs que j'ai rencontrés il y a quelque temps dans le circonscription de Saint-Maurice et le comté de Champlain au Québec, qui ont vécu un grave problème avec un produit antiparasitaire fabriqué par la compagnie DuPont qui porte le nom d'Ultim. Sur l'étiquette, on disait que c'était merveilleux pour les graminées annuelles, le maïs hâtif, lorsqu'on avait 2 500 unités thermiques et plus ou 250 unités thermiques et moins. Un bon nombre d'agriculteurs ont utilisé ce produit et, contrairement à ce que dit l'étiquette, c'est utile et efficace seulement lorsqu'on a 2 500 unités thermiques et plus.

Des plaintes officielles ont été portées à l'attention du ministère de l'Agriculture, notamment par M. Carol Gauvin, agronome, qui a reçu ces plaintes. Il semble que le produit n'avait pas été homologué ou encore qu'on n'avait pas changé les étiquettes faute de fonctionnaires, possiblement à cause des coupures d'employés au ministère de l'Agriculture, avec le résultat que ces agriculteurs ont subi des pertes allant jusqu'à 60 000$.

Ils ont réclamé une indemnité de la Régie des assurances agricoles du Québec. Après analyse, on s'est rendu compte que tous les agriculteurs qui avaient utilisé le produit Ultim de DuPont avaient subi des pertes, alors que les voisins qui ne l'avaient pas utilisé avaient eu une excellente récolte. La Régie des assurances agricoles du Québec a refusé de payer, et le dilemme devrait se retrouver devant les tribunaux.

Je voudrais vous signaler que c'est très pénible pour des agriculteurs qui triment souvent 15 à 18 heures par jour, sept jours par semaine, lorsqu'une partie importante de leur revenu, qui constitue à toutes fins utiles leur revenu net, s'envole à cause de mauvaises indications sur un produit. Ils doivent maintenant poursuivre à leurs frais une compagnie gigantesque, la compagnie DuPont, devant les tribunaux civils. Donc, c'est très très pénible.

Personnellement, j'espère, monsieur le ministre, que des situations aussi dramatiques ne se répéteront pas à grande échelle au Canada. Les agriculteurs, comme par hasard, se retrouvent en partie dans la circonscription de Saint-Maurice.

J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus, monsieur le ministre.

M. Massé: Sur la question de principe, l'objectif du gouvernement fédéral est de protéger les agriculteurs contre ce genre de difficulté. L'argent que nous voulons dépenser pour vérifier les pesticides et les produits antiparasitaires vise à améliorer l'inspection et l'analyse. Nous voulons faire un travail qui nous permette partout au Canada, y compris le Québec, d'offrir un service de qualité à nos fermiers.

En ce qui a trait au cas précis que vous citez, le Conseil du Trésor n'est pas partie à cela, mais je vais faire vérifier par nos gens du ministère de l'Agriculture ce qui s'est passé dans ce cas-là, pour voir quels sont les tenants et aboutissants du dossier.

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Sur la question de principe, vous avez raison. Nous voulons fournir des services de qualité à un prix concurrentiel, qui permettent à nos fermiers d'avoir un revenu adéquat étant donné la quantité énorme de travail qu'ils fournissent. Cela fait partie de nos préoccupations, comme gouvernement, que de les aider à avoir un niveau de vie élevé.

M. Jean-Guy Chrétien: Si vous vouliez me donner un nom, monsieur Massé, je pourrais transmettre le dossier à l'un de vos fonctionnaires.

M. Massé: Peut-être au fonctionnaire qui m'accompagne.

[Traduction]

Le président: Monsieur Collins.

M. Bernie Collins (Souris - Moose Mountain, Lib.): Monsieur le ministre, je vous remercie de votre exposé. Compte tenu de ce que vous dites et de la situation dans les organismes gouvernementaux, je pense qu'il serait très souhaitable que le gouvernement puisse faire état d'une amélioration de l'efficacité de ses ministères avant d'aller montrer au secteur privé comment faire le ménage.

Par le passé, l'inspection des viandes faisait intervenir quatre ministères, aujourd'hui, il n'y en a plus qu'un. C'est louable, mais il faut quand même avoir des gains d'efficacité au bout du compte.

J'aimerais obtenir quelques précisions sur la proposition qui est ici. Vous parlez de l'épreuve d'incidence commerciale et j'aimerais savoir comment il sera possible de niveler les chances lorsque les critères retenus sont la compétitivité, la conception de nouveaux produits et l'investissement? Qui sera le juge?

M. Massé: Il faut s'adresser aux spécialistes dans le domaine. Ici, il s'agit de spécialistes en production. Les producteurs et les associations de producteurs sont normalement en mesure de nous dire si les chances sont égales pour tous. Un producteur le sait. Dans le domaine de la pomme de terre, Wayne sait qui sont ses concurrents, les prix qu'ils pratiquent, la qualité de leurs produits. Il faut donc s'adresser aux producteurs.

Ces derniers temps, j'ai rencontré des représentants d'associations de producteurs qui sont bien au fait des études récentes, qui savent ce que la concurrence peut vendre en produits équivalents, etc. C'est ainsi qu'il faut procéder.

Pour ce qui est des investissements, les banques et les instituts agricoles savent ce que sont les coûts réels.

Et il s'agit donc en résumé de s'adresser aux spécialistes qui connaissent bien le domaine.

M. Bernie Collins: J'imagine très bien que des indépendants vous diront qu'à leur avis les conditions ne sont pas les mêmes pour tous et ils pourront vous expliquer pourquoi. Est-ce qu'on en tiendra compte ici?

M. Massé: Pour les besoins de l'épreuve de l'incidence commerciale, quelle que soit la question, on s'adressera à des spécialistes et non pas au premier venu.

M. Bernie Collins: Monsieur le ministre, ici, en ce qui concerne les conditions préalables, on dit ceci: «Un régime de recouvrement des coûts n'est indiqué que lorsque les avantages qu'il procure au gouvernement l'emportent sur les coûts du démarrage et d'administration des frais».

Si vous commencez par déterminer les avantages et si vous construisez un système qui garantira qu'avec le temps vous pourrez recouvrer vos coûts, il est certain que votre entreprise réussira. Vous allez vous assurer que vos recettes vont couvrir vos dépenses.

M. Massé: Si nous faisons appel aux groupes d'intérêts concernés, c'est précisément pour la raison contraire.

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J'ai parlé aux propriétaires de cargo parce que lorsque l'on parle de services de brise-glace... Je veux vous donner un exemple. L'un d'eux, à Port-Cartier, exporte du minerai de fer. Il me dit avoir eu recours aux services de brise-glace de la garde côtière 30 jours au mois de janvier. Il me dit qu'il sait quand il faut expédier sa marchandise et qu'il peut la stocker à Port-Cartier. Si on l'oblige à payer pour le service, il n'en aura plus besoin que pendant quatre jours en janvier. Il s'arrangera pour regrouper ses navires ces jours-là.

Et puis il y a ceux qui disent aux bureaucrates que le service qu'on leur offre n'est justifié que s'il ne leur coûte rien; s'ils doivent payer pour ces services, alors ce n'est plus ce qu'ils veulent. Je pense que les groupes d'intérêts nous permettront de rationaliser l'affectation des ressources.

M. Bernie Collins: J'ai une autre question.

Le président: Brièvement.

M. Bernie Collins: Dans la note numéro 1, je lis ceci: «Puisque de nombreuses activités gouvernementales procurent des avantages au grand public comme au secteur privé, l'établissement des distinctions est une activité très subjective.»

Vous servez-vous d'autres mesures à part l'appréciation subjective?

M. Massé: Il y a ici une forme d'arbitrage. Le ministère examine normalement l'intérêt public et, parce que cela a des conséquences pour l'utilisation des ressources, il essaiera de le définir de façon plus restreinte et d'augmenter l'avantage pour le secteur privé. Les intervenants diront exactement le contraire. C'est exactement ce qui s'est passé aujourd'hui.

En pareil cas, il faut trouver un arbitre. Il justifiera sa décision du mieux qu'il peut mais c'est semblable à ce qui arrive devant n'importe quel tribunal. On espère que la décision sera juste et éclairée.

Le président: Je vais redonner la parole à M. Hoeppner. Nous avons promis au ministre de ne pas prendre plus d'une heure de son temps. Jake, ça signifie que vous avez trois minutes en tout pour la question et la réponse.

M. Jake E. Hoeppner: Monsieur le ministre, je sais que vous avez énormément de travail devant vous. Y a-t-il quelqu'un au gouvernement qui agite un bâton derrière la bureaucratie pour la forcer à être plus rentable dans la prestation de ses services parce que les citoyens ne peuvent pas payer le prix qu'elle exige? J'aimerais voir des exemples de réduction des coûts dans la bureaucratie et c'est aussi ce que veulent les groupes d'intérêts, je crois.

Je le répète: vous avez une énorme besogne devant vous. Je vais vous lire ce qu'a dit un dénommé Easter de l'Île-du-Prince-Édouard pendant nos audiences sur la Commission canadienne du blé.

M. Wayne Easter: Êtes-vous certain d'avoir le bon?

M. Jake E. Hoeppner: M. Wayne Easter, député, producteur laitier de l'Île-du-Prince-Édouard, en guise de plaisanterie, a dit que c'est le beurre qui détermine la qualité du pain. Vous savez très bien, monsieur le ministre, que c'est plutôt la margarine à base de canola. Vous voyez donc d'où vient le problème. Ce qui fait l'affaire de l'un ne fait pas l'affaire de l'autre.

Le président: Jake, il ne te reste pas beaucoup de temps et tu n'as pas encore dit grand-chose.

M. Jake E. Hoeppner: En ce qui concerne le recouvrement des coûts et la rentabilité, les avis divergent. Il faudra prendre le taureau par les cornes.

M. Massé: Vous constaterez que l'on a réduit la taille de l'administration. Le chiffre varie entre 14 et 21,5 p. 100. Ce faisant, nous avons réduit de 55 000 le nombre d'emplois. Je le sais très bien, parce qu'il y a 20 000 fonctionnaires dans ma circonscription.

Nous nous sommes quand même acquittés de notre tâche, je crois. Oui, il faut être encore plus prudent en ce qui concerne les coûts, mais nous avons déjà démontré, je crois, que nous sommes prêts à prendre le taureau par les cornes.

M. Jake E. Hoeppner; Si je vous le signale, c'est parce que j'ai noté que lorsqu'on a rationalisé cette bureaucratie, il n'y a eu aucune compression de personnel. Il y a encore 4 500 bureaucrates qui travaillent dans cet organisme et ça m'a étonné un peu.

.1620

Le président: De quel organisme parlez-vous?

M. Jake E. Hoeppner: La lutte antiparasitaire...

Le président: Non, l'organisme qui s'occupe de lutte antiparasitaire n'a pas 4 500 employés. Vous parlez de...

M. Jake E. Hoeppner: De quoi s'agit-il, dans ce cas-là? Il s'agit de celui qui a été restructuré...

Le président: Vous parlez de l'agence d'inspection des aliments.

M. Jake E. Hoeppner: Oui. Eh bien, c'est sans doute le même.

Le président: Non, ce n'est pas la même chose. Il n'y a aucun rapport entre les deux. L'un relève du ministère de l'Agriculture, l'autre de la Santé.

M. Massé: Pour ce qui est de l'agence d'inspection des aliments, je me souviens des chiffres, parce qu'on a donné une certaine latitude aux ministères pour réaffecter le personnel et les postes parce qu'ils s'y connaissent mieux que nous. Nous voulions que ça coûte moins cher. Nous avons économisé 45 millions de dollars - je me souviens du chiffre - au moment de la fusion et de la réorganisation de ces quatre ministères. Je pense donc que l'on a réalisé des économies ici.

Dans le cas de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, comme à ce moment-là nous n'étions pas assez sûrs de la démarche à suivre, nous avons accordé au ministère une autorisation pour un an seulement, au lieu de cinq ans tel qu'il le demandait. Donc, à la fin de l'année, nous pouvons revoir la situation et discuter précisément des points que vous avez soulevés.

Le président: Monsieur le ministre et monsieur Miller, je vous remercie encore une fois d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui et pour le temps et les efforts que vous avez consacrés aux préoccupations des membres du comité permanent et des autres intervenants dans l'industrie de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

M. Massé: Merci.

Le président: La séance est levée.

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