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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 29 mai 1996

.1530

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Le Comité des finances de la Chambre des communes examine à nouveau la question des biens canadiens imposables. Nous accueillons des hauts fonctionnaires des ministères des Finances et du Revenu national qui répondront à nos questions.

Y a-t-il des choses que vous aimeriez mentionner avant que nous passions aux questions, monsieur Gravelle?

M. Pierre Gravelle (sous-ministre, ministère du Revenu national): Monsieur le président, hier, j'ai remis à la greffière du comité l'ébauche de l'avis juridique du 19 décembre ainsi que l'avis juridique officiel transmis à Revenu Canada par le ministère de la Justice, documents sur lesquels nous avons fondé la décision fiscale. Si cela intéresse les membres, M. Ian MacGregor, du ministère de la Justice, vous présentera l'avis juridique. Il répondrait ainsi dans une large mesure aux nombreuses questions d'ordre administratif qui nous ont été posées hier.

[Français]

Le président: C'est une bonne idée. Monsieur Loubier, aimeriez-vous que le ministère de la Justice fasse une présentation sur son opinion juridique?

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Oui, merci.

Le président: Vous pouvez commencer.

M. Loubier: Est-ce que nous parlons bien de la même opinion?

Le président: Celle donnée par le ministère de la Justice au ministère du Revenu.

M. Loubier: En décembre 1991?

M. Gravelle: En décembre 1991 et...

M. Loubier: Et en janvier 1992.

M. Gravelle: C'est exact. L'opinion juridique officielle.

[Traduction]

M. Loubier: D'accord.

M. Ian S. MacGregor (sous-vérificateur général adjoint, section du Contentieux des affaires fiscales, ministère de la Justice): Monsieur le président, je crois que vous avez un double de la déclaration fournie qui s'intitule «Avis juridique du ministère de la Justice». L'avez-vous?

[Français]

M. Loubier: Monsieur le président, j'ai beaucoup de documents devant moi et je voudrais vérifier quelque chose, si vous me le permettez. Est-ce que vous faites allusion au document qui s'intitule «Traduction de l'opinion du 13 janvier 1992» de M. Read à Mme Toussaint?

[Traduction]

M. MacGregor: Non, monsieur. C'est un document que j'ai rédigé au sujet de l'avis juridique fourni par le ministère de la Justice. Il a été rédigé tout récemment.

Le président: Est-ce en date du 15 janvier 1992?

M. MacGregor: Non, monsieur. Ma déclaration s'intitule -

[Français]

M. Loubier: Je voudrais avoir une petite précision. C'est bien la traduction de l'avis juridique du ministère de la Justice, la déclaration destinée au Comité permanent des comptes publics? C'est bien ça?

J'ai une question à poser à M. Gravelle avant de commencer. Je voudrais que vous me disiez comment la note que l'on appelle «Opinion du 13 janvier 1992: Note de service de M. Read à l'attention de Mme Carole Toussaint» s'intègre dans le dossier.

M. Gravelle: Cette note-là porte la date du 19 décembre, si je comprends bien?

M. Loubier: Non, du 13 janvier 1992.

M. Gravelle: La note qui porte la date du 13 janvier est l'opinion juridique du ministère de la Justice. On en avait discuté avant la décision anticipée, et elle a été confirmée par écrit le 13 janvier 1992.

.1535

M. Loubier: C'est donc une élaboration plus précise de l'analyse qui vous a conduits, en décembre 1991, à la décision que vous avez rendue dans le cas qui nous concerne.

M. Gravelle: En effet, monsieur Loubier.

Vous avez devant vous trois documents: le projet incomplet d'opinion juridique du19 décembre, l'opinion formelle du 13 janvier 1992 et la présentation de M. MacGregor.

M. Loubier: Est-ce que la présentation qu'on va nous faire découle de l'opinion du 13 janvier 1992?

M. Gravelle: En effet.

M. Loubier: Cela veut dire que, tout à l'heure, nous pourrons vous interroger aussi bien à partir de l'explication basée sur le document donné par le ministère de la Justice qu'en nous référant au document du 13 janvier 1992. C'est bien ça?

M. Gravelle: Tout à fait.

M. Loubier: C'est parfait.

[Traduction]

M. MacGregor: Merci.

Pour ce qui est de la question, la question à laquelle devait répondre l'avocat était de savoir si un résident du Canada est réputé, aux fins de l'alinéa 85(1)i) de la Loi de l'impôt sur le revenu, avoir disposé d'un bien canadien imposable, un BCI, lorsqu'il transfère des actions qu'il possède d'une corporation privée à une corporation publique en contrepartie d'actions de celle-ci en application du roulement prévu au paragraphe 85(1).

La déclaration est divisée en deux, une partie porte sur le processus et l'autre, sur la teneur. Je crois savoir que ce qui intéresse le comité aujourd'hui, c'est davantage la teneur que le processus, alors permettez-moi d'exposer très brièvement le processus en soulignant simplement qu'initialement, et sans tenir compte du paragraphe 97(2), l'avocat a opiné, de façon informelle, qu'il semblait qu'un résident du Canada ne pouvait avoir de BCI. Subséquemment, toutefois, après examen du paragraphe 97(2), l'avocat s'est dit d'avis que l'interprétation la plus juste de la loi était qu'un résident du Canada pouvait avoir des BCI. Il a ajouté que la position contraire était défendable, ce qui fait l'objet du projet d'avis en date du 19 décembre 1991, et je crois que vous en avez une copie.

Cependant, sauf dans le cadre de la discussion initiale où le paragraphe 97(2) n'a pas été pris en considération, l'avocat a précisé, lors de discussions tenues tant avant qu'après la remise du projet d'avis, que la meilleure interprétation de la loi était que les actions de la corporation privée détenues par le résident du Canada dans le cas visé constitueraient des BCI.

La position selon laquelle un résident pouvait détenir des BCI dans les circonstances de l'espèce, ce qui correspondait à la meilleure interprétation selon l'avocat, s'appuyait sur la politique énoncée par le ministère des Finances, qui a été confirmée par la suite à de hauts fonctionnaires du ministère du Revenu le 23 décembre 1991 et a fait l'objet de l'avis juridique définitif fourni à Revenu Canada, dont vous avez une copie, je crois.

Il convient d'ajouter que la divulgation d'un avis juridique n'a lieu que dans des circonstances exceptionnelles. L'avis juridique est fourni dans le cadre d'un rapport établi entre l'avocat et le client et demeure confidentiel de façon à permettre un examen complet et ouvert de la question juridique en cause, sans restriction, ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l'État. Or, comme le rapport du vérificateur général soulève des inquiétudes quant à l'intégrité de l'administration du ministère du Revenu dans le processus d'établissement de la décision en cause, nous estimons qu'il est dans l'intérêt public que la lumière soit faite dans la communication entre Revenu et Justice relativement à cette décision. C'est dans ce contexte que l'avis juridique en cause est mis à la disposition du comité.

Abordons maintenant la teneur. Dans l'avis écrit analysant les dispositions législatives, l'avocat renvoie tout d'abord aux dispositions qui prévoient qu'un non-résident est assujetti à l'impôt canadien seulement à l'égard des gains qui résultent de la disposition de BCI. Lorsque la notion de BCI est pertinente à l'égard d'un résident, il est indiqué que la loi est généralement précise. Deux des dispositions mentionnées dans l'avis écrit sont les paragraphes 48(1) et 48(3).

.1540

Par exemple, en ce qui concerne l'exclusion des BCI de la disposition réputée qui a obligatoirement lieu immédiatement avant que le contribuable cesse d'être un résident du Canada, la disposition législative pertinente renvoie à «un bien qui serait un bien canadien imposable si le contribuable n'avait, à aucun moment de l'année, résidé au Canada...».

Tel qu'expliqué précédemment dans la déclaration du sous-ministre des Finances, le Canada n'impose que les gains d'un ancien résident afférents à des BCI - à l'instar des gains réalisés par des non-résidents à l'égard de BCI - que lorsqu'ils sont réalisés. Dans les circonstances qui nous intéressent, la question était de savoir si un résident du Canada qui détient des actions d'une corporation privée, qui constitueraient des BCI si elles étaient détenues par un non-résident, pourrait faire valoir que ces actions sont des BCI vis-à-vis de lui, de sorte que les actions de la corporation publique obtenues dans le cadre de l'échange visé à l'article 85 sont réputées constituer des BCI en application de l'alinéa 85(1)i).

Quelle était l'inquiétude relative aux décisions? Étant donné que l'alinéa 85(1)i) ne renferme pas de disposition semblable à celle énoncée précédemment et selon laquelle le bien serait un BCI «si le contribuable n'avait, à aucun moment de l'année, résidé au Canada», c'est-à-dire une disposition apparentée à celle qui figure habituellement ailleurs lorsque les dispositions relatives aux BCI s'appliquent aux résidents, on s'est demandé si l'alinéa 85(1)i) ne devait s'appliquer qu'aux non-résidents. On a avancé que cet alinéa constitue une disposition anti-évitement dont l'objet est d'empêcher qu'un non-résident ayant des BCI se prévale des dispositions de l'article 85 relatives au roulement pour transformer ses BCI en actions qui ne constitueraient pas des BCI, afin de soustraire à l'impôt canadien le produit de l'aliénation de telles actions.

Le sous-ministre des Finances a confirmé, dans sa déclaration, que l'alinéa 85(1)i) visait à empêcher un non-résident d'échapper ainsi à l'impôt canadien. Le paragraphe 97(2) représente le noeud du problème. Alors que l'article 85 prévoit un roulement, à certaines conditions, lorsque le contribuable dispose d'un bien en faveur d'une corporation en échange d'actions de celle-ci, le paragraphe 97(2) prévoit un roulement semblable à l'égard du transfert d'un bien à une société en échange d'une participation dans celle-ci. Les dispositions des alinéas 85(1)a) à f) s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, au roulement prévu au paragraphe 97(2). À l'instar de l'alinéa 85(1)i), les dispositions portant présomption de l'alinéa 97(2)c) renvoient simplement au cas où les biens dont le contribuable dispose ainsi sont des «biens canadiens imposables du contribuable».

Aux termes de l'alinéa 85(1)i), les actions de la corporation obtenues en échange des biens sont réputées être des biens canadiens imposables du contribuable. En vertu de l'alinéa 97(2)c), la participation dans la société reçue en contrepartie des biens est réputée constituer un bien canadien imposable du contribuable. Cependant, compte tenu du libellé du paragraphe 97(2), on ne peut que conclure, de façon raisonnable, qu'il s'applique aux contribuables qui sont des résidents du Canada. Comment cela se fait-il? Au paragraphe 97(2), il est question de la disposition d'un bien canadien imposable en faveur d'une société qui, immédiatement après cette date, était une société canadienne dont le contribuable était membre. Le transfert s'effectue donc à une société canadienne dont le contribuable est un associé.

L'article 102 définit ce qu'est une société canadienne: tous les associés résident au Canada. Donc, la participation à la société qu'il a reçue en contrepartie, qui est réputée être un BCI par définition, est reçue par un résident canadien. D'où à nouveau la conclusion que le paragraphe 97(2), de par son libellé même, force à déduire qu'un BCI peut être détenu par un résident. Encore là, la participation dans la société qui a été reçue est reçue par un résident, et cela est réputé être un BCI en vertu de l'alinéa 97(2)c).

.1545

On ne peut raisonnablement tirer d'autres conclusions du libellé de cette disposition, si bien qu'elle serait invoquée pour interpréter d'autres dispositions, puisqu'on se doit de supposer qu'il faut accorder aux mots le sens qu'ils ont ordinairement. On ne peut tout simplement pas faire fi d'une disposition. Encore là, cette disposition entraîne, comme l'a dit le conseiller juridique, la conclusion, sans l'ombre d'un doute, qu'un résident canadien peut détenir un BCI. Comme l'indique la dernière phrase de ce paragraphe, l'avocat a donc conclu que l'expression «bien canadien imposable», utilisée à l'alinéa 97(2)c), n'avait de sens que si elle s'appliquait à un résident.

L'avocat a aussi fait valoir que le paragraphe 85(2) peut également étayer l'opinion selon laquelle le législateur, en adoptant l'alinéa 85(1)i), avait l'intention de l'appliquer aux contribuables résidents. Cette disposition, qui vise les transferts d'une société à une corporation en contrepartie d'actions de celle-ci, prévoit notamment: les alinéas 85(1)a) à i) - souvenez-vous que l'alinéa à l'étude est le 85(1)i) - s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, à la disposition, comme si la société était un contribuable résidant au Canada, qui aurait disposé du bien en faveur de la corporation. Encore là, une indication claire que ces dispositions s'appliquent au transfert ou au contribuable résidant au Canada.

En outre, on a tenu compte de considérations de politique fiscale. En renvoyant à la disposition correspondante contenue au paragraphe 97(2), la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances a indiqué sans équivoque que le législateur avait l'intention, lorsqu'il a adopté l'alinéa 85(1)i), de l'appliquer aux contribuables résidents et non résidents.

Dans son avis définitif, l'avocat a cité un extrait de la lettre adressée à Revenu parM. R.A. Short, le 23 décembre 1991. J'ajouterai qu'à ce moment-là et depuis lors, M. Short était et demeure le gourou de la politique des Finances. Il disait:

Conclusion: bien que la loi semble ambiguë quant à la question qui nous intéresse, ce qui a amené l'avocat à conclure dans son avis préliminaire qu'il était possible de soutenir qu'un résident ne peut détenir de BCI, compte tenu du libellé du paragraphe 97(2) et de la position ferme adoptée par le ministère des Finances, l'avocat a conclu, dans son avis définitif - comme il l'a fait tout au long du processus, sauf lors des discussions initiales - , que la meilleure interprétation est celle voulant que les actions d'une corporation privée dont un résident canadien dispose dans les circonstances de l'espèce constituent des biens canadiens imposables.

Monsieur le président, dans cette déclaration, je n'ai pas traité de ce que sont, je crois, les autres préoccupations du comité, soit l'engagement et la renonciation. M. Beith serait disposé à en parler maintenant.

.1550

Le président: Plaît-il au comité d'entendre M. Beith sur cette question de la renonciation?

[Français]

M. Beith va nous expliquer ce qu'est un waiver.

M. Loubier: D'accord.

Le président: Pouvez-vous nous parler du waiver, s'il vous plaît?

M. R.M. Beith (conseiller principal et sous-ministre adjoint, Direction générale des appels, Revenu Canada): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Dans ses propos d'hier, le vérificateur général a beaucoup parlé de la renonciation et de l'engagement. J'aimerais expliquer pourquoi il en a été question et pourquoi Revenu Canada y a fait appel dans le cadre de cette décision.

La renonciation a été présentée par la fiducie familiale, soit la fiducie qui est demeurée au Canada. La renonciation porte que Revenu Canada peut appliquer le paragraphe 107(5) à la fiducie familiale pour l'année d'imposition 1991. Il est ici question des actions de la société publique qui ont été distribuées à la fiducie non résidente. Cela permettait à Revenu Canada de procéder à l'établissement de la cotisation de la fiducie familiale pour l'année d'imposition 1991 en fonction de la liquidation réputée des actions à leur juste valeur marchande.

Cette façon de faire a été proposée et acceptée parce qu'on craignait que la fiducie protectrice qui avait émigré aux États-Unis revienne au Canada et soutienne que les actions de la société publique n'étaient pas des BCI. Le cas échéant, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, il y aurait augmentation du coût de base des actions par rapport à leur juste valeur marchande. À notre avis, c'était une possibilité.

Comme l'a dit le vérificateur général, la renonciation et sa mise en application obligeraient le ministère du Revenu à défendre une position contraire à celle qui est prise dans la décision. Toutefois, il y avait un risque ou une possibilité que la fiducie protectrice revienne au Canada, et il y avait une certaine incertitude quant à la loi. Nous ne voulions donc pas être coincés, et nous avons rendu une décision selon la meilleure analyse qu'on pouvait faire de la situation. Néanmoins, le contribuable pourrait avoir une optique différente et l'affaire pourrait faire l'objet d'une contestation. Dans je ne sais combien d'années, qui sait ce que les tribunaux en penseront?

À notre avis c'était ce que la prudence nous dictait de faire, même si nous estimions que la décision était justifiable en loi et selon la politique fiscale. Néanmoins, il y avait un certain risque. Du point de vue des représentants, la renonciation a été soumise comme un élément prouvant la bonne foi des contribuables qui n'avaient pas l'intention de procéder à des transactions qui nuiraient au ministère du Revenu, contrairement aux propositions faites.

En somme, c'est pourquoi nous avons accepté la renonciation. Le vérificateur général a laissé entendre qu'il s'agissait d'une renonciation limitée, mais ce n'est pas le cas, c'est une renonciation ouverte. La renonciation peut être révoquée au moyen d'un préavis de six mois signifié par le contribuable, autrement elle est ouverte.

Passons maintenant à l'engagement. La fiducie protectrice qui a déménagé aux États-Unis était accompagnée d'un engagement à ne pas demander d'exemption d'imposition du Canada, en vertu du traité canado-américain, sur tout gain qui pourrait être réalisé lors d'une vente d'actions d'une société publique dans les dix ans. Elle n'était pas tenue de le faire en vertu de ce traité. En fait, la fiducie avait droit à l'exemption prévue au traité puisqu'elle n'existait que depuis 1987.

Le vérificateur général dit qu'il ne peut pas voir comment l'engagement et la renonciation peuvent permettre de respecter l'objectif de politique qui consiste à maintenir l'assujettissement d'une fiducie protectrice à l'impôt au Canada pendant dix ans. Telle n'était pas l'intention. Les contribuables ont offert ces mesures pour tenir compte des préoccupations qui avaient été soulevées. Le ministère du Revenu ne les avait pas exigées.

Le vérificateur général a aussi donné à entendre que la renonciation et l'engagement avaient pour effet de permettre au contribuable de frustrer l'intention de la loi, et de remplacer les règles d'application générale par un ensemble de règles pour un contribuable. Ce n'est pas le cas. La question tenait au fait qu'un résident canadien peut détenir un BCI. C'est ce qu'on a constaté sur le plan du droit et de la politique. On n'a appliqué aucune règle spéciale.

.1555

Nous savions que l'engagement pourrait ne pas être applicable - l'arrêt Cohen a été mentionné à la Division d'appel de la Cour fédérale - mais à notre avis, un contribuable peut décider d'opter pour l'autocotisation et ne pas demander d'exemption en vertu du traité. Toutefois, s'il ne respecte pas cette règle et demande l'exemption, il n'y a pas grand-chose que le ministère du Revenu puisse faire.

L'engagement a été proposé par le contribuable; il semblait prudent de l'accepter, et il n'y avait aucun risque ni inconvénient à le faire. Le vérificateur général a aussi souligné que la version publiée de la décision de 1991 ne fait état ni d'un engagement ni d'une renonciation. Il dit craindre qu'en raison de cette omission, on rende à l'avenir des décisions sans qu'il y ait eu engagement ni renonciation. Revenu Canada est convaincu que les actions en question sont des BCI détenus par la fiducie, et qu'il n'était pas nécessaire de dire dans la décision publiée qu'une renonciation et un engagement seraient exigés.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Beith.

Merci, monsieur MacGregor.

Pouvons-nous passer aux questions?

[Français]

Monsieur Loubier, s'il vous plaît.

M. Loubier: Dans l'avis juridique donné en 1985, qui a été repris par le vérificateur général, on disait, et je cite une partie de cet avis:

Bref, là-dedans, en fonction de l'alinéa 133(1)c), on dit que la disposition sur les biens canadiens imposables ne doit pas être appliqués à des résidents. Comment expliquez-vous cet avis de 1985 par rapport à l'avis donné en 1991 et conforté en janvier 1992 par le ministère de la Justice qui en arrive à des conclusions contraires?

[Traduction]

M. Beith: Peut-être pourrais-je parler de l'avis rendu le 31 mai 1985. Les faits sur lesquels portait cette décision, faits présentés dans la demande d'avis, visaient à établir si compte tenu d'un échange d'actions effectué en vertu de l'alinéa 85(1)i) - ce qu'on échangeait, c'était plus que25 p. 100 des actions d'une société publique, qui étaient des BCI, en contrepartie de moins de 25 p. 100 des actions d'une autre société publique... donc à savoir si en raison de l'alinéa 85(1)i), il s'agirait aussi de BCI. Selon l'avis, les actions ne seraient pas des biens canadiens imposables. Cet avis a apparemment été fourni sans la connaissance préalable de la décision anticipée à l'effet contraire qui avait déjà été rendue en janvier 1985.

Les avis diffèrent quelque peu des décisions anticipées. Les décisions anticipées portent sur de véritables transactions proposées. Des demandes détaillées sont présentées, elles sont accompagnées de documents, et il s'ensuit un processus complet et rigoureux pour qu'il soit tenu compte de toutes les questions soulevées dans la décision. Un avis vise essentiellement une question hypothétique, porte sur quelques faits, et n'a pas la même priorité qu'une décision.

Selon nous, cet avis est incorrect. Comme je le dis, les parties n'étaient apparemment pas au fait d'une décision contraire rendue plusieurs mois auparavant.

[Français]

M. Loubier: Hier, M. Gravelle parlait d'une erreur technique dans l'avis de 1985. Est-ce que vous vous référiez à la conclusion de cet avis qui disait qu'à partir de l'alinéa 133(1)c) de la loi, un résident canadien n'avait pas le droit de se prévaloir de la disposition sur les biens canadiens imposables?

M. Gravelle: En fait, j'avais à l'esprit l'explication que vient de donner M. Beith sur la nature de cette opinion de 1985.

M. Loubier: Est-ce bien dans le passage que je viens de citer sur l'alinéa 133(1)c) qu'il y a une erreur technique, à savoir:

C'est bien là qu'il y avait une erreur technique?

.1600

[Traduction]

M. Beith: Non, je ne pense pas que notre réponse repose sur les demandes présentées en vertu de l'article 133. Nous estimons qu'aux termes de l'alinéa 85(1)i), l'échange ferait en sorte que le bénéfice imposable au Canada continuerait de l'être au titre des actions échangées. C'est notre avis aujourd'hui.

[Français]

M. Loubier: Oui, mais étant donné que, dans l'avis de 1985, on parle de l'alinéa 133(1)c) et qu'on se pose la question fondamentale de savoir si un bien canadien imposable ne peut être attribuable à un résident, la conclusion se tire d'elle-même. Si on n'avait pas appliqué ce principe concernant les biens canadiens imposables à la décision de décembre 1991, on n'aurait pas eu deux milliards de dollars d'actifs de fiducies familiales transférés aux États-Unis sans qu'il y ait de taxation sur les gains en capital. C'est ce à quoi se référait M. Gravelle hier en disant que l'erreur technique se trouvait dans l'interprétation de l'alinéa 133(1)c). Qui a raison à ce sujet? Je dois dire que je suis un petit peu embêté.

[Traduction]

M. Beith: Et moi, je dois dire que je n'ai pas réfléchi à l'alinéa 133(1)c). Ce n'est certainement pas une des dispositions qu'on a invoquées dans le contexte de la décision de 1991. Je continue à croire que...

[Français]

M. Loubier: Un instant, monsieur Beith. En me référant à votre avis juridique et à votre note, je vous ai demandé, au début de notre entretien, si l'opinion du 13 janvier 1992 était conforme à l'opinion juridique que vous étiez en train de présenter. La réponse ayant été positive, je vous questionne là-dessus. À la page 4, vous vous référez dans vos analyses, dans votre opinion juridique, à l'alinéa 133(1)c) qui a servi, dans le cas de l'avis de 1985, à rejeter les prétentions du ministère du Revenu selon lesquelles les biens canadiens imposables pouvaient être détenus par des résidents. Maintenant vous me dites que ce n'est pas pertinent à la décision de 1991 confortée par l'opinion juridique de janvier 1992, alors que cette disposition-là apparaît explicitement dans votre analyse qui a conduit, finalement, à une opinion contraire, parce que vous avez décidé que c'était possible étant donné d'autres articles de loi.

Je trouve important, monsieur le président, que l'on clarifie cette chose-là. M. Gravelle disait hier que dans l'avis de 1985, il y avait une erreur technique d'interprétation. Je repose la question aujourd'hui: monsieur Gravelle, est-ce que l'erreur technique concerne l'alinéa 133(1)c)?

Monsieur Beith, vous nous dites que l'alinéa 133(1)c) n'était pas pertinent à votre opinion juridique de janvier 1992, qui a conforté celle que vous aviez eue en décembre 1991, alors que dans votre opinion juridique, on se réfère explicitement à l'article 133(1)c). Je dois dire que ce n'est pas fort comme argument ou comme approche. Il va falloir clarifier des choses. Alors, est-ce que c'est l'alinéa 133(1)c) qui était pertinent dans cette décision-là? Est-ce que M. Gravelle parlait de l'interprétation de l'alinéa 133(1)c) hier, quand il a fait allusion à une erreur technique d'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu? Si c'est le cas, qu'on le dise. Si ce n'est pas le cas, je pense qu'il y a un sérieux problème puisque c'est pertinent dans l'opinion juridique de 1992, alors qu'on dit le contraire, et que c'est pertinent dans l'avis de 1985. Maintenant on en arrive à la conclusion qu'un résident canadien ne peut pas avoir des biens canadiens imposables. Il y a un méli-mélo effroyable dans tout cela. C'est incroyable.

[Traduction]

M. MacGregor: Vraiment, je ne peux pas me prononcer là-dessus, parce que je ne connais pas aussi bien qu'il le faudrait l'avis de 1991 ou celui de 1985.

.1605

[Français]

M. Loubier: Monsieur le président, je pense qu'il y a quelque chose qui ne va pas. On fait venir des gens du ministère de la Justice qui ont écrit des avis. En ce qui concerne celui de 1992, ils semblaient sûrs d'eux-mêmes, mais il semble que maintenant, on pose des questions simples qui les mettent en contradiction.

[Traduction]

M. MacGregor: Puis-je apporter une précision? Pardonnez-moi si je fais erreur. L'avis de 1985 - et mes collègues me reprendront si j'ai tort - n'est pas un avis juridique. C'est un avis émis par Revenu Canada. Ce dont nous parlons quand nous parlons de l'avis du 13 janvier 1992 et de l'ébauche qui en est découlée, ce sont des avis juridiques du ministère de la Justice. L'avis de 1985, bien qu'on utilise le mot avis, devrait en fait porter la mention qu'il s'agit d'un avis de Revenu Canada.

[Français]

M. Loubier: Oui, mais dans l'avis de 1985, qu'il vienne du ministère de la Justice ou de Revenu Canada, on se réfère à l'alinéa 133(1)c) de la loi pour dire qu'apparemment, un résident canadien n'aurait pas le droit de se prévaloir de la disposition sur les biens canadiens imposables. Quand, tout à l'heure, j'ai demandé à M. Beith si c'était pertinent par rapport à l'autre opinion, il m'a répondu que cela ne l'était pas et qu'on n'avait pas à analyser cette disposition-là.

Je regarde l'opinion juridique elle-même. On s'y réfère à 133(1)c), qui n'a pas changé entre l'avis de 1985 et celui de 1992. On se réfère au même alinéa, qui semble pertinent puisqu'on en parle dans l'avis juridique de 1992, contrairement à ce que M. Beith dit. Finalement, après avoir étalé les paragraphes et les articles de loi qui confirment ou infirment la décision de décembre 1991, on conclut que la meilleure analyse, c'est que les biens canadiens imposables peuvent être utilisés par des résidents. On peut donc se prévaloir de cette disposition pour des résidents canadiens.

Voilà pourquoi je pose la question. Hier il y avait une erreur technique, aujourd'hui il y a une ambiguïté juridique, et j'aime mieux ne pas prévoir ce qui va se passer demain.

M. Gravelle: Monsieur le président, M. Farber voudrait faire un commentaire pendant queM. MacGregor examine le contenu de l'avis de 1985.

[Traduction]

M. Len Farber (directeur, Législation, ministère des Finances): Monsieur le président, en examinant certaines des notes qui portaient sur cet avis, je crois comprendre que l'article 133 a été utilisé à titre d'exemple. C'est un article qui concerne les corporations de placement appartenant à des non-résidents. Dans ce contexte, cet article particulier a trait aux biens canadiens imposables quand il est question de corporations de placement appartenant à des non-résidents. M. Loubier a tout à fait raison, cet article ne vise pas les biens canadiens imposables détenus par une corporation résidant au Canada. On s'en est servi comme exemple dans cet avis, qui à l'époque concluait qu'un Canadien ne pouvait pas détenir de BCI.

Dans la même situation, si l'on fait appel à d'autres exemples, l'exemple de l'alinéa 97(2)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans le contexte de la décision de 1991, a été utilisé pour exposer la structure et l'intention de toutes ces dispositions. Bien que cela n'ait peut-être pas donné lieu à la conclusion - et je crois que M. Gravelle, dans sa déclaration préliminaire, a dit que c'était une conclusion erronée et qu'il était regrettable que dans l'avis fourni à ce moment...

L'exemple de l'alinéa 97(2)c) relativement à une société canadienne permet de façon beaucoup plus pertinente de conclure qu'un résident canadien peut détenir un bien canadien imposable. C'est le contexte dans lequel on a utilisé l'article 133.

Le président: En outre, devez-vous avoir

[inaudible - la rédaction] à trois heures pour nous expliquer la différence de traitement fiscal dans le cas d'une société et d'une corporation appartenant à des non-résidents?

M. Farber: Monsieur le président, ces exposés ne sont pas gratuits.

[Français]

M. Loubier: Monsieur le président, étant donné la façon dont on a utilisé l'avis de 1985, permettez-moi d'être en désaccord avec M. Farber. On invoque l'alinéa 133(1)c) pour désapprouver une analyse précédente qui disait qu'un résident pouvait se prévaloir de la disposition sur les biens canadiens imposables. On ne donne pas ça comme exemple, mais plutôt comme assise d'une analyse excluant qu'un résident canadien puisse se prévaloir de la disposition sur les biens canadiens imposables.

.1610

D'ailleurs, dans l'opinion juridique de 1992, on reprend exactement le même alinéa ainsi que d'autres articles de la loi. On présente les articles qui sont favorables à ce qu'on applique à des résidents le concept de biens canadiens imposables. On présente aussi d'autres articles qui disent que les résidents ne peuvent pas s'en prévaloir et, finalement, on tranche en disant qu'en fonction de tout cela, la meilleure analyse serait qu'un résident canadien peut se prévaloir de cette disposition.

Il y avait donc, à mon avis, beaucoup trop d'ambiguïté dans les dispositions de loi auxquelles vous vous êtes référés pour déterminer, en décembre 1991, que les deux milliards de dollars pouvaient être transférés de l'autre côté sans qu'il y ait de taxation sur les gains en capital.

Je vais poser ma deuxième question, ce qui laissera le temps aux juristes de faire le tri et de nous donner une réponse cohérente un peu plus tard. Depuis le début, il n'y a que des ambiguïtés. J'ai assisté à quelques séances du Comité des comptes publics et j'ai pris connaissance du procès-verbal. Hier matin, vous avez comparu avec le vérificateur général. Aujourd'hui, nous nous trouvons devant un tas de contradictions et nous avons du mal à repérer le fil conducteur de la décision.

On avait déjà cette ambiguïté-là en 1991. Est-ce que le ministère du Revenu ou le ministère des Finances en a avisé un responsable politique, de quelque façon que ce soit, verbalement ou par mémo? Est-ce que vous avez avisé le ministre responsable ou des personnes responsables de l'ambiguïté de la fiscalité au niveau de l'utilisation, par des résidents canadiens, de la disposition sur les biens canadiens imposables?

Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, vous avez fait part de ce problème-là à des élus? Je pose la question à M. Dodge et ensuite à M. Gravelle.

[Traduction]

M. David Dodge (sous-ministre, ministère des Finances): Monsieur Loubier, je n'étais pas là à l'époque et je ne peux donc pas répondre à cette question. Je ne sais pas si M. Farber peut y répondre ou non.

M. Farber: Non, je n'étais pas au courant de l'avis présenté en 1985.

[Français]

M. Loubier: Non, ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Je vous ai demandé si vous aviez, au ministère des Finances ou au ministère du Revenu, avisé vos ministres responsables de l'existence de cette ambiguïté-là au niveau de l'utilisation, pour des résidents, de la notion de biens canadiens imposables? Est-ce que vous avez fait part, d'une façon ou d'une autre, à vos ministres responsables de cette ambiguïté dans la loi canadienne?

[Traduction]

M. Farber: Sur le plan de la politique, monsieur le président, comme nous l'avons indiqué dans notre témoignage l'autre jour et comme nous le répétons aujourd'hui, pour ce qui est de la politique fiscale, nous ne croyons pas qu'il y ait ambiguïté quant à la détention d'un bien imposable canadien par un résident du Canada. Mais la question qui se pose correspond exactement à ce que ditM. Loubier. La loi est ambiguë. S'il n'y avait pas d'ambiguïté dans la loi, on n'aurait pas demandé une décision fiscale anticipée. L'ampleur de l'ambiguïté n'est ressortie que dans le contexte de la note du vérificateur général. C'est alors qu'on a publiquement fait état de cette ambiguïté et qu'elle a été portée à notre attention, mais en 1985, nous n'en étions certainement pas conscients.

[Français]

M. Loubier: Juste une seconde, monsieur Farber.

Vous nous dites que l'ambiguïté n'est que dans la tête ou dans les documents du vérificateur général. Sachez que vous ne vous adressez pas à des enfants ou à une équipe novice au niveau de l'examen des opérations gouvernementales et de la fiscalité.

Hier, le vérificateur général a donné une opinion tout à fait contraire à celle que vous avez émise depuis qu'on a découvert ce dossier. Je vais le citer. Si vous trouvez que ce n'est pas crédible, c'est autre chose.

Le vérificateur général a dit, et je cite:

[Traduction]

[Français]

Quand vous avez deux interprétations totalement différentes comme celle des sous-ministres du Revenu et des Finances et celle du vérificateur général, ne me dites qu'il n'y a pas d'ambiguïté.

D'autre part, vous n'avez toujours pas répondu à ma question. Est-ce que les responsables de ce temps-là, dont vous faisiez partie, je pense, avaient avisé les législateurs et les élus de l'ambiguïté qu'on retrouvait dans l'interprétation de la loi?

.1615

S'il n'y avait pas eu d'ambiguïté dans l'interprétation de la loi, vous n'auriez pas eu besoin de toutes ces rencontres avec le ministère du Revenu - vous vous êtes rencontrés quasiment jour et nuit la dernière semaine - pour arriver à une décision anticipée le 31 décembre 1991.

Je vous pose la question ainsi qu'à M. Gravelle: Est-ce que vous avez communiqué de quelque façon que ce soit avec le législateur concernant ce problème?

M. Gravelle: Les débats au sein même de la direction des décisions anticipées du ministère démontrent que la loi était très complexe et pouvait donner lieu à des interprétations différentes. Il y a eu un débat à l'interne, et c'est la raison pour laquelle nous avons choisi d'exiger une interprétation juridique, une clarification de l'intention de la politique fiscale avant d'émettre une décision.

M. Loubier: Mais est-ce que vous avez fait part du problème à votre ministre responsable, aux Finances en particulier?

M. Gravelle: Les discussions avec les Finances ont clairement indiqué qu'il y avait un problème a priori, de notre point de vue. Après avoir obtenu l'opinion juridique et l'avis de clarification du ministère des Finances, nous avons pu donner la décision anticipée et, par la suite, nous n'avons pas poursuivi la question de la clarté de la loi au sein même du ministère.

M. Loubier: Donc, aucun des élus qui gravitaient autour du ministère des Finances ou du ministère du Revenu n'a été mis au courant des problèmes d'interprétation de la loi?

M. Gravelle: Il est normal, lorsque nous sommes en présence d'ambiguïtés de la loi, de les partager directement avec le ministère des Finances.

M. Loubier: Oui, mais je parle des élus. Est-ce que certains élus ont été sensibilisés à ce problème-là?

M. Gravelle: Je peux vous dire que mon ministre n'y a pas été sensibilisé.

M. Loubier: Et le ministre des Finances de l'époque n'a pas été sensibilisé aux problèmes que pouvait poser l'interprétation de la disposition sur les biens canadiens imposables appliquée à des résidents?

[Traduction]

M. Farber: Pas à ma connaissance, monsieur le président.

[Français]

M. Loubier: Cela veut dire qu'en interprétant la loi comme vous l'avez fait, vous avez pris la place du législateur puisque vous avez éclairci vous-mêmes l'ambiguïté de la loi.

M. Gravelle: Je voudrais juste ajouter une observation. On ne s'est pas substitués au législateur. La lettre que nous avions obtenue du ministère des Finances n'était certainement pas équivoque sur le plan de la définition de la politique.

M. Loubier: Mais vous reconnaissez quand même que le message principal adressé parM. Dodge au Comité des finances était de modifier la loi, de réformer cette loi-là ou tout au moins d'éclaircir certains aspects concernant l'application de la disposition sur les biens canadiens imposables à des résidents. C'est le message que nous avons reçu.

Ce message aurait pu être le même en 1991. Pourquoi, en tant que sous-ministre, n'avez-vous pas rapidement mis en évidence les problèmes que cela pouvait poser et les préjudices que cela causait à l'ensemble des contribuables qui devaient compenser l'impôt qui n'était pas payé par certains?

C'est le contribuable qui va payer pour les deux milliards de dollars en fiducies familiales qui sont passés de l'autre côté et qui n'ont pas été taxés sur les biens en capital. C'est la conséquence de votre décision. Certains élus prennent leurs responsabilités, mais si vous ne mettez pas en évidence les problèmes que la loi peut poser, on n'ira pas bien loin.

[Traduction]

M. Dodge: Monsieur le président, permettez-moi d'apporter une précision. Ce que nous avons soumis au comité, c'est une importante question de politique, une question qui mérite bien que le Parlement la réexamine à la lumière des changements intervenus. C'est pourquoi j'ai dit plus tôt que j'estimais parfaitement approprié que le vérificateur général demande ce que devrait être cette politique. Il est important que le comité l'examine et décide si la politique actuelle est celle que le Parlement veut poursuivre au XXIe siècle.

.1620

Ce n'est pas la même chose que d'essayer de savoir si la loi reflète la politique. La question qui se posait en 1991, celle qui nous a été soumise par Revenu Canada, consistait à savoir sur quelle politique la loi reposait. À notre avis, c'était très clair. Bien que la loi soit muette à certains égards et ambiguë à d'autres, l'intention politique qui la sous-tendait était bien claire. Ainsi, quandM. Loubier a demandé si nous avons poussé l'affaire plus loin et si nous avons porté à l'attention du ministre le manque de clarté et d'autres choses encore, je crois, mais d'autres hauts fonctionnaires qui étaient là à l'époque pourraient me reprendre, que notre opinion était - et demeure certainement - que la politique exprimée dans la loi se traduit dans l'interprétation donnée par Revenu Canada.

Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu d'examiner à nouveau la politique.

[Français]

M. Loubier: De toute façon, nous allons revenir sur ces questions parce que je n'ai pas encore obtenu de réponses claires et que j'attends toujours l'interprétation juridique des deux avis. En 1993, le vérificateur général vous disait qu'il était important que les décisions anticipées émises par Revenu Canada soient rendues publiques le plus rapidement possible.

Il souligne dans son dernier rapport et je cite:

Dans le cas de cette décision anticipée de décembre 1991, pourquoi avoir retardé sa publication pendant cinq ans? Pourquoi l'avoir retardée pendant cinq ans alors qu'on savait fort bien qu'il y aurait des conséquences? On parle souvent de crimes d'initiés dans les milieux financiers.

Dans ces deux cas de fiducies familiales, vous avez, d'une part, des gens qui sont des fiscalistes, qui sont au courant d'une décision anticipée et qui peuvent en faire profiter d'autres, comme un groupe restreint, ou quelques personnes qui en ont déjà bénéficié, qui savent que ça existe et qui peuvent aussi en faire profiter d'autres à répétition, et, d'autre part, des contribuables qui auraient pu se prévaloir de cette disposition, mais qui ne pouvaient pas en profiter puisqu'il n'y avait qu'un groupe restreint qui connaissait cette décision anticipée.

Pourquoi avoir tardé à publier cette décision anticipée en sachant fort bien qu'un groupe restreint de personnes en profiteraient et en ferait profiter leurs amis, leur entourage et leur clientèle, si on parle des fiscalistes?

[Traduction]

M. Beith: Monsieur le président, Revenu Canada n'a pas publié de nombreuses décisions au fil des ans celles qu'il a publiées l'ont été de façon sélective. Sur le nombre total de décisions rendues, je pense que peu ont été publiées. Cette politique a changé en janvier 1996, et toutes les décisions seront maintenant publiées.

Je présume que si la décision de 1991 n'a pas été publiée à l'époque, c'était qu'on estimait qu'elle n'avait pas une assez vaste portée pour justifier sa diffusion à l'ensemble du public.

[Français]

M. Loubier: Vous êtes en train de me dire que, du fait que cela concernait une famille canadienne très riche qui avait déjà transféré deux milliards de dollars d'actifs aux États-Unis sans payer d'impôt, ce n'était plus du domaine public. Vous me dites que c'était une affaire privée, que ces gens pouvaient en profiter et en faire profiter leurs chums. C'est ça?

Vous semblez me dire, tout tranquillement, qu'il est tout à fait normal de transférer deux milliards de dollars d'actifs aux États-Unis sans qu'aucune taxe sur les gains en capital ne soit imposée!

[Traduction]

M. Beith: Je peux vous dire que la décision qui a été prise pourrait faire ressortir que la décision de 1991... les éléments d'actifs en question totalisent un milliard de dollars. Je crois que pour 1985, c'est un milliard de dollars. C'est de là que viennent les deux milliards de dollars.

J'allais mentionner que l'avis de juillet 1995 dont parlait le vérificateur général hier a été publié en 1995.

[Français]

M. Loubier: Je devrais peut-être ajouter que le vérificateur général a dit que la décision anticipée avait été rendue en décembre 1991 et qu'elle avait été rendue publique cinq ans plus tard, en mars 1996. Il a dit aussi que cela portait préjudice à l'ensemble des contribuables et qu'en même temps, un groupe restreint aurait profité de cette décision anticipée tout en en faisant profiter un autre petit groupe, qu'on pourrait appeler le club des millionnaires.

.1625

Vous trouvez cela normal, vous?

M. Gravelle: Je crois que la recommandation du vérificateur général de publier toutes les décisions anticipées est bonne. Je dois reconnaître que, traditionnellement, le ministère a été très circonspect dans la publication des décisions anticipées parce que ce sont des décisions qui portent sur des transactions très spécifiques reliées à des individus.

On a toujours eu une certaine hantise de compromettre la confidentialité des renseignements reliés à un contribuable. Je dois vous dire, cependant, qu'un bon nombre de demandes de décisions anticipées ou d'avis d'ordre technique, et non pas juridique, nous ont permis, au fil des années, de transmettre des renseignements, soit en faisant une publication électronique des avis, soit en émettant des circulaires d'information et des bulletins techniques d'interprétation.

Autrefois, la politique du ministère était de mettre davantage l'accent sur les bulletins d'interprétation, les circulaires d'information et l'accès aux avis techniques plutôt que de publier les décisions anticipées. Mais maintenant, c'est chose faite, et à l'avenir, toutes les décisions anticipées devront faire l'objet d'une publication.

M. Loubier: Vous parlez de transactions spécifiques et vous devez comprendre que ce genre de transaction spécifique a conduit à un transfert de deux milliards de dollars de capital sans qu'en soit prélevé un cent d'impôt. Comme je le mentionnais tout à l'heure, l'impôt qui n'a pas été prélevé là-dessus, tout comme dans les autres cas qui ont pu survenir par la suite puisque vous avez mentionné vous-même que la décision anticipée de 1991 a pu avoir des effets du même genre, devra être compensé par le reste des contribuables.

De plus, monsieur Gravelle, ce n'est pas seulement un cas spécifique. C'est l'interprétation d'une disposition importante qui est celle sur les biens canadiens imposables. Ce n'est plus du domaine privé, mais du domaine de l'interprétation et de l'application de la fiscalité canadienne. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de publier cet avis, en tout cas plus longtemps que pour les autres avis? C'est la question qui se pose. Même le vérificateur général se la pose encore.

M. Gravelle: L'interprétation qui a été donnée en 1991 dans la décision anticipée a, par la suite, été donnée également dans un avis de 1994 qui a été publié au cours de l'année. C'est donc dire que ce renseignement a été connu du public et très certainement des fiscalistes à partir de cette date. J'admets cependant que la décision anticipée de 1991 n'a été publiée que très récemment.

M. Loubier: Vous n'avez pas d'explication pour cela?

M. Gravelle: Je ne veux pas spéculer sur la décision, prise à l'époque par certains agents, de publier ou de ne pas publier ces décisions anticipées. Ces décisions sont prises par les agents de la direction générale eux-mêmes.

M. Loubier: J'ai une autre question.

M. Gravelle: Si vous désirez revenir à la question de l'avis de 1985, M. MacGregor pourra vous donner les renseignements que vous demandez.

M. Loubier: Si vous êtes d'accord, on pourrait revenir au deuxième tour pour l'avis de 1985. Pour l'instant, j'ai juste une petite question.

Vous avez affirmé hier que la décision anticipée de décembre 1991 aurait pu créer un précédent sans qu'il y ait eu, pour autant, d'autres décisions anticipées rendues dans des cas similaires, et que d'autres cas auraient pu en découler et être assujettis à cette décision anticipée de 1991 sans qu'il y ait nécessairement une autre analyse faite par votre ministère.

Autrement dit, ceux qui étaient au courant, en décembre 1991, et qui avaient bénéficié de votre interprétation auraient pu en aviser d'autres autour d'eux et faire en sorte que d'autres cas se présentent sans qu'ils soient nécessairement portés à votre attention par le biais d'une autre demande de décision anticipée.

.1630

Comme nous avons des recommandations à faire au ministre des Finances, de quels moyens disposons-nous, au comité, pour faire en sorte que l'interprétation de 1991 ne s'applique pas à d'autres cas à partir de maintenant, puisqu'on sait que certains des cas traités ont probablement découlé du cas précédent de décembre 1991? Quels sont les moyens à notre disposition pour arrêter ça?

M. Gravelle: Je m'en remets à mon collègue David Dodge du ministère des Finances pour répondre, mais nous avons émis la décision anticipée de 1991 en nous basant sur un avis juridique et un avis de politique fiscale du ministère des Finances qui nous soutenaient dans l'application d'une décision positive dans le cas qui nous occupait. C'était l'interprétation appropriée de la loi, selon les avis que nous avions eus. Si on veut éviter que le genre de situation qui a fait l'objet de la décision anticipée se répète, il faudra apporter une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu.

M. Loubier: Ce n'est pas la loi qu'il faut changer, mais plutôt l'interprétation que vous en avez faite concernant la disposition sur les biens canadiens imposables appliquée à des résidents. C'est cette interprétation qui pose des problèmes et non la loi.

M. Gravelle: Monsieur Loubier, on a appliqué la Loi de l'impôt sur le revenu conformément à l'interprétation juridique.

M. Loubier: Oui, mais si nous arrivons à la conclusion que l'interprétation est erronée et qu'il ne faut pas que cela se reproduise, de quelle façon pourrons-nous arrêter cette hémorragie qui est la conséquence de votre décision anticipée de 1991?

M. Gravelle: La meilleure suggestion que je puisse faire au comité, c'est qu'il s'assure que la loi soit absolument claire à cet égard, qu'elle ne permette pas ce genre de transaction ou qu'elle traite différemment des biens canadiens imposables au niveau de l'imposition.

M. Loubier: Ou bien la loi pourrait préciser de façon bien particulière que la disposition sur les biens canadiens imposables ne s'applique pas à des résidents, tout simplement. Il semble que ce soit clair dans la loi, mais ça semble moins clair pour les juristes.

M. Gravelle: C'est une opinion.

M. Loubier: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Monsieur Silye, nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Voulez-vous nous expliquer pourquoi un étranger non résident peut détenir un bien canadien imposable tant avant qu'après son départ du Canada?

M. Silye (Calgary-Centre): Oui, je vais vous expliquer pourquoi. S'ils sont de la planète Mars, c'est plus compliqué.

J'aimerais vous poser, en votre qualité de président, deux ou trois questions sur l'objectif du comité permanent, étant donné que j'arrive tout juste du Comité des comptes publics, qui examine aussi le chapitre 1, qui porte sur les fiducies familiales, et il semble que l'on se demande si on ne fait pas perdre du temps aux hauts fonctionnaires du ministère en les faisant comparaître ici et là. Pour en venir au fait, je voulais savoir dans quel but nous interrogeons des témoins au Comité permanent des finances?

Le président: Notre principale intention est d'examiner la loi en vigueur et de voir s'il y a des solutions de rechange que nous aimerions proposer au ministre et au gouvernement.

M. Silye: Ce que j'ai dit au Comité des comptes publics, c'est qu'on examine la loi actuelle et qu'on regarde au-delà - qu'on se tourne vers l'avenir - pour voir s'il y a une échappatoire que nous voudrions fermer, laisser en place, ou quoi que ce soit d'autre une fois que nous aurons compris comment fonctionnent vraiment ces dispositions compliquées concernant les gains en capital. Est-ce exact? Si le Comité des comptes publics veut alors prendre les observations du vérificateur général et se tourner vers le passé, il en aurait encore la possibilité. On ne le fera pas ici. On examine ce qui s'est passé et pourquoi.

Le président: Monsieur Loubier a un point de vue différent à ce sujet et veut absolument que nous puissions examiner ce qui s'est passé. La difficulté est que pour atterrir, un avion doit d'abord voler. Cette transaction est le catalyseur qui a amené cette question devant nous. J'espère que nous insisterons surtout sur le fond.

M. Silye: Puis-je maintenant continuer...? Merci.

Messieurs des deux ministères, je sais que M. Gravelle voulait amalgamer Douanes, Accises et Impôt. J'espère qu'il ne veut pas maintenant y ajouter aussi Finances.

.1635

J'ai quelques questions rapides à vous poser sur le passé. Apparemment, en 1986 et en 1991, il y eu certaines décisions anticipées en matière d'impôt. Les noms m'importent peu, mais on a rendu certaines décisions anticipées. Une certaine transaction fut d'abord réputée rejetée par Revenu national et Impôt, refusée, d'après ce que j'ai compris, à la première demande.

Est-ce exact, monsieur Gravelle?

M. Gravelle: Tout d'abord, une demande de décision fut accordée en 1985. Ensuite, plusieurs mois plus tard, une demande d'avis fut présentée au ministère. La réponse donnée ne tenait pas compte de la décision anticipée de 1985. Elle fut donnée par un agent de décisions différent qui n'avait pas accès à la décision anticipée.

M. Silye: Donc, la décision de 1991 qui autorisait cette transaction contredisait la décision de 1985.

M. Gravelle: Non. La décision anticipée de 1991 était tout à fait conforme à celle de 1985.

M. Silye: Est-ce que cette transaction d'une ou plusieurs personnes fut ensuite refusée par votre groupe ou approuvée?

M. Gravelle: Si vous parlez de la transaction de 1991...

M. Silye: Oui.

M. Gravelle: ... la demande de décision a été reçue au début de novembre. Toutes ces demandes exigent de suivre un processus très long. Elles sont confiées à un agent de décisions, agent qui doit faire les recherches nécessaires quant aux précédents, aux décisions, avis et opinions antérieures et à la loi. En cas de désaccord avec le service des décisions, on demande à Justice et à Finances de présenter leurs propres avis. Toute cette série d'examens - toutes ces discussions internes - mènent à l'avis rendu par ces deux ministères.

M. Silye: Cette transaction a donc alors été approuvée et autorisée et la décision anticipée, acceptée et l'intéressé a conclu sa transaction.

D'après ce que je comprends du ministère de l'Impôt, lorsqu'il y a une décision anticipée, une décision de Revenu Canada ou du ministère des Finances ou lorsqu'on donne une nouvelle interprétation, on émet un bulletin qui est communiqué à tous les cabinets de comptables agrées, aux avocats fiscalistes, etc. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait en 1991?

M. Beith: En 1991, je ne crois pas que nous ayons eu le système électronique. En 1995, il y a eu une autre opinion qui a été publiée électroniquement.

M. Silye: Cela a donc été publié quatre ans plus tard.

M. Beith: Oui - essentiellement le même principe.

M. Silye: En 1995, l'année dernière, on a appris qu'on pouvait faire cela si on le voulait.

M. Beith: C'est à ce moment-là que Revenu Canada a diffusé publiquement cette information.

M. Silye: Avant 1991, comment communiquiez-vous vos interprétations et décisions anticipées aux professionnels des secteurs privé et public? Est-ce qu'avant 1991, il fallait trois ans pour que toutes les décisions anticipées ou toutes les interprétations soient communiquées au grand public?

M. Beith: De façon générale, on publie les décisions. Plus récemment, je dirais qu'à partir de janvier 1996, suite à la recommandation du vérificateur général, on s'est engagé à publier toutes les décisions. Jusque là, on ne les publiait pas toutes, cela dépendait un peu de la mise en application de la décision et de la personne qui l'avait obtenue et dont il fallait cacher l'identité. On considérait aussi l'intérêt général que cela pouvait représenter.

Je dirais que proportionnellement parlant, on n'en publiait pas beaucoup chaque année.

M. Silye: Avant 1990.

M. Beith: Avant 1996, essentiellement.

M. Silye: Parce que je connais un service où les comptables agréés obtiennent toujours ces bulletins.

.1640

M. Beith: Bien sûr, je parlais des décisions anticipées. Il y a aussi une série de bulletins, plus de 200 ou 300, sur différents sujets, que l'on tient à jour au fur et à mesure que les lois changent. Les décisions et les opinions demandées sont codées et se retrouvent dans ces bulletins. Comme on les révise régulièrement, soit que les lois aient changé, soit que les données aient changé, certains autres éléments portés à notre attention peuvent être incorporés à un bulletin.

M. Silye: Avez-vous quelques remords? Avez-vous l'impression que certains Canadiens n'ont pas eu la possibilité d'examiner leurs portefeuilles financiers et de gérer leur avoir comme ces gens-là parce que vous avez attendu trois ans pour communiquer ce renseignement?

M. Beith: Il ne s'agit pas forcément que de cette décision; je répète que dans le passé, nous n'avons pas publié tellement de ces décisions. Le vérificateur général l'a signalé dans sa vérification de 1993. Nous nous sommes maintenant engagés à publier toutes les décisions.

M. Silye: Le régime fiscal favorise donc ceux qui font un peu plus de recherche et qui creusent un peu plus en embauchant de bons avocats fiscalistes pour profiter de la complexité des règles.

M. Beith: Tout le monde n'a pas des affaires compliquées. Il ne fait aucun doute que la Loi de l'impôt sur le revenu est complexe et que ceux qui ont des affaires complexes ont des dossiers plus complexes à traiter.

M. Silye: Monsieur Dodge, j'ai lu certains témoignages que vous avez donnés précédemment. J'oublie quand c'était et devant quel comité, mais vous avez indiqué que l'incident, que ce qui s'est produit, d'après la loi actuelle, est maintenant légal. Cette interprétation est valide. Dans ce qui s'est produit - peut-être que je paraphrase un peu; je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit - on n'a rien fait de mal et tout le monde a agi comme il faut dans les deux ministères. Tout le processus est expliqué ici. Tout le monde a fait ce qu'il devait. Pourquoi, alors, la ministre du Revenu a-t-elle gelé ce genre de transactions?

M. Dodge: Le ministre des Finances a demandé à votre comité d'examiner si la politique actuelle doit être maintenue. Puisque la question a été posée, la ministre du Revenu a jugé approprié, dams ce contexte, de ne pas rendre d'autres décisions dans ce domaine particulier tant que le comité ne lui aura pas fait rapport et qu'une décision n'aura pas été prise sur l'opportunité de modifier la loi actuelle.

M. Silye: Après votre témoignage, vous avez indiqué que cette décision permettait toujours que des impôts soient payés si les avoirs étaient liquidés dans les dix ans. J'ai un peu l'impression que quelques impôts devraient être payés au Canada s'il survenait quelque chose dans les dix ans et qu'après, il n'y aurait plus d'impôt à payer.

M. Dodge: Il faut faire très attention ici. Le contribuable, lorsqu'il vendra ces biens, paiera un impôt sur le gain en capital. Le contribuable réside maintenant aux États-Unis. Normalement, en vertu du traité qui nous lie, durant les dix premières années de résidence aux États-Unis, la liquidation de ces biens entraînerait des gains en capitaux assujettis à un impôt payable au Canada.

Après cette période, ce seraient les États-Unis, le pays de résidence, qui imposeraient d'abord ce contribuable et le Canada pourrait aussi l'imposer, mais en déduisant entièrement le montant d'impôt payé aux États-Unis. Donc, dans la mesure où l'impôt payé aux États-Unis est inférieur à ce qui devrait être payé au Canada, l'État en tirerait quelques recettes.

.1645

M. Silye: Une dernière question. Vous avez conseillé au comité de veiller à ne pas limiter la mobilité des capitaux en examinant l'opportunité de mettre fin à cette échappatoire fiscale. Parlez-vous de sommes ou d'avoirs? Qu'entendiez-vous exactement par là?

M. Dodge: Capitaux au sens le plus large du terme.

M. Silye: Cela inclut donc tout.

M. Dodge: Oui. Je vais vous expliquer pourquoi c'est important.

Si nous avons un certain nombre de petites compagnies de forage de l'Ouest du Canada qui vont à l'étranger chercher du travail, le propriétaire de ces compagnies privées peut résider à l'étranger pendant un certain temps. Dès qu'il cesse d'être résident du Canada, si nous n'avions pas ce genre de discussion et s'il n'y avait pas de biens canadiens imposables, cela déclencherait immédiatement, dès qu'il s'en va, un impôt sur les gains en capital.

Je ne pense pas que ce soit nécessairement dans l'intérêt du Canada. Il est important que le comité en juge. Mais c'est le genre de transactions typiques que ces règles visent à autoriser sans immédiatement déclencher une présomption de réalisation à l'émigration.

Tout ce que je disais, c'est qu'il est très important, alors que le comité examine cette question, de tenir compte des effets économiques de ces règlements. Lorsqu'on les change, on change les mouvements de capitaux. Cela peut être bon pour l'État ou mauvais et c'est pourquoi il faut être prudents. Le monde évolue. C'est la raison pour laquelle je disais hier au comité qu'au ministère, nous estimons qu'il est tout à fait normal de se demander si le système que nous avons actuellement est un bon système pour le XXIe siècle.

M. Silye: À propos du gel, il y a autre chose. J'ai dit que c'était ma dernière question mais, et c'est typique pour un homme politique, je vais encore en ajouter une. J'aimerais que l'on m'explique ce gel annoncé par la ministre. S'applique-t-il simplement aux décisions anticipées pour l'impôt ou aux décisions anticipées à propos des fiducies familiales? Ou s'applique-t-il à toutes les autres transactions que peut englober la décision de 1991?

M. Gravelle: Ce qu'a annoncé la ministre, c'était simplement notre décision collective de ne pas émettre de décision anticipée pendant que le comité examinerait ces dispositions...

M. Silye: Vous attendriez.

M. Gravelle: ... nous attendrions le rapport du comité, mais le programme de décisions anticipées demeure et sera poursuivi.

M. Silye: Cela reprendra après.

M. Gravelle: Oui.

Le président: Je ne sais pas ce que vous en pensez, monsieur Silye, mais j'estime que puisqu'on étudie la question de près, il serait peu approprié que le ministère n'attende pas le résultat de nos décisions.

M. Silye: Je n'avais pas bien compris ce qui avait été dit à propos de ce gel et c'est pourquoi je ne pensais pas que c'était juste. Maintenant que je comprends, je conviens que c'est une question de bon sens.

[Français]

M. Loubier: Est-ce que je peux faire un commentaire à ce sujet?

Le président: Si vous voulez.

M. Loubier: Je vous remercie. Vous êtes très gentil aujourd'hui, monsieur le président.

Le président: Je suis toujours gentil.

M. Loubier: Je voudrais seulement demander une petite précision à M. Gravelle. La ministre a annoncé hier qu'il n'y aurait pas de nouvelle décision anticipée dans ce genre de transaction, mais vous avez affirmé hier, monsieur Gravelle, qu'en raison de la décision anticipée de 1991, certains cas pourraient encore se présenter et on pourrait se prévaloir de l'interprétation que vous avez faite des dispositions concernant les biens canadiens imposables. Il y a donc encore des possibilités de fuite de capitaux de cette manière.

M. Silye: C'est une bonne question.

M. Gravelle: Je crois, et la ministre l'a dit également en Chambre il y a une semaine ou deux, que nous avons appliqué la loi, que la loi demeure et que les Canadiens peuvent organiser leurs affaires en vertu des dispositions qui ont été prises.

.1650

M. Loubier: Et des précédents.

M. Gravelle: Nous avons choisi, en raison des discussions en cours, de retarder le processus de décision anticipée pour les questions immédiates qui font l'objet d'un examen de la part de ce comité.

M. Loubier: Oui, mais celle de 1991 existe et peut servir de référence pour d'autres cas.

M. Gravelle: Oui, elle est toujours là, mais je voudrais vous faire remarquer que nous avons eu une demande de décision anticipée sur ce genre de transactions en 1985, que nous en avons eu une deuxième en 1991, mais que nous n'en avons pas eu d'autres depuis.

Une voix: Vous avez donné cependant donné un avis en 1994.

M. Gravelle: Nous avons donné un avis qui a été publié en 1995.

M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): Étant donné que le vérificateur nous dit qu'il n'a pas fait de recherche, il y en a peut-être d'autres. Actuellement, personne ne semble avoir besoin de votre avis. Vous avez donné un pouvoir colossal à un groupe d'individus qui n'ont plus besoin de votre avis puisqu'il est écrit maintenant.

Une fois qu'il y a eu une décision, qu'elle a été écrite et approuvée, n'importe qui peut en prendre connaissance et l'utiliser à n'importe quel moment. Et personne ne peut empêcher ça.

M. Gravelle: Je voudrais dire quelque chose, si vous me le permettez.

M. Pomerleau: Le problème est là!

M. Gravelle: Nous n'avons donné aucun pouvoir colossal à une personne ou à un groupe d'individus.

M. Pomerleau: Mais qu'est-ce qui peut arriver s'ils ont travaillé là-dessus?

M. Gravelle: Nous avons tout simplement confirmé l'intention de la loi.

M. Pomerleau: En ne publiant pas cette décision, vous avez donné à un petit groupe d'individus qui étaient au courant le pouvoir de l'appliquer et d'aider d'autres à l'appliquer sans avoir besoin de vous le faire savoir.

C'est un problème fondamental dont vous n'avez même pas avisé vos ministres, et aujourd'hui, vous dites qu'il faut changer la loi. Vos ministres ne sont pas au courant alors que vous dites qu'il y a une ambiguïté fondamentale. Le vérificateur général n'est pas d'accord avec vous. Ce sont des milliards de dollars qui quittent le pays. Mais vous prenez sur vous, et sur vous seuls, sans en parler à personne, de prendre une décision qui engage tous les Canadiens.

Vous savez très bien que des milliards de dollars sortent de ce pays, mais vous n'en parlez à personne et vous rendez des avis ambigus qui ne sont publiés nulle part! Et vous trouvez tout cela normal! C'est incroyable!

M. Gravelle: La politique antérieure à 1996 sur la publication des décisions anticipées s'appliquait presque dans la majorité des cas. Je vous ai dit que nous avions maintenant une nouvelle politique en matière de publication.

M. Pomerleau: Oui, mais maintenant, c'est fait.

M. Gravelle: Mais le fait demeure. Tout ce que nous avons fait dans cette décision anticipée de 1991, c'était de reconnaître l'application de la loi. Permettez-moi d'ajouter juste un commentaire: ce genre de transactions, selon les avis que je reçois de mes techniciens et mes spécialistes, devrait normalement faire l'objet d'une demande de décision anticipée pour qu'on ait plus de précision et de certitude.

M. Pomerleau: C'est ce que vous dites, mais je voudrais vous poser une question puisque vous êtes responsable de cela. Nous avons un cas dont on peut dévoiler ici toute l'ambiguïté du début à la fin. De 1985 à 1991, on invoque des avis et on les contredit, puis des décisions sont prises et se contredisent l'une l'autre. Le vérificateur général relève alors l'ambiguïté. En 1992, la décision se réfère à une lettre venant des Finances qui dit que l'article 85 était destiné à s'appliquer aux contribuables résidents et aux contribuables non résidents et qui contredit ce qui a déjà été émis avant. C'est là que se trouve l'ambiguïté fondamentale.

Vous avez un cas où des milliards de dollars sortent du pays en conséquence de cette décision, et rien n'est publié dans les journaux, contrairement à ce qui se fait dans d'autres cas moins importants. Ça donne aux individus qui ont fait la transaction fiscale une connaissance tout à fait particulière qu'ils peuvent utiliser partout à titre d'initiés, sans en référer à quiconque.

Vous dites aujourd'hui que la loi est ambiguë et qu'elle devrait être modifiée, mais au moment où quelque chose arrive, vous n'en avisez même pas vos ministres. Qu'est-ce que vous faites alors? Le ministre aurait dû en être avisé.

M. Gravelle: Je vous ai dit que les discussions internes que nous avons eues concernant cette demande de décision anticipée ont provoqué un réel débat interne.

M. Pomerleau: Est-ce que ça comprenait les ministres? Est-ce que c'est allé jusqu'aux élus?

M. Gravelle: Normalement, ces demandes d'application de la part...

[Traduction]

M. Campbell (St. Paul's): Le député d'en face ne pourrait-il pas laisser le témoin répondre à la question et à toute cette diatribe plutôt que de l'interrompre chaque fois qu'il essaie de répondre?

.1655

Le président: [Inaudible - La rédaction]

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le président: Excusez-moi. Vous continuez, monsieur Gravelle?

M. Gravelle: Je voudrais simplement dire que le débat interne sur la demande de décision anticipée de 1991 est simplement indicatif du processus très rigoureux de contestation interne d'une demande. Ce service de décisions anticipées a été mis en place en 1970, précisément pour permettre aux contribuables d'obtenir un peu plus de certitude quant à l'exécution d'une transaction à venir et à ses conséquences fiscales.

Il est évident que les sujets qui nous sont renvoyés en matière de décisions anticipées sont, a priori, complexes. Comme nous voulons absolument nous assurer de rendre une décision qui est tout à fait conforme à la loi et à l'intention des politiques fiscales, nous procédons toujours à un débat interne rigoureux, à une contestation interne, jusqu'à ce que nous arrivions à une décision finale.

Je veux simplement vous dire que, dans le cas qui nous occupe, après avoir obtenu l'opinion juridique du ministère de la Justice et l'opinion du ministère des Finances, nous étions sûrs que nous pouvions donner la décision anticipée, sachant qu'elle était conforme à la loi.

Le président: Merci.

[Traduction]

Le très patient monsieur Dhaliwal, s'il vous plaît.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Merci beaucoup, monsieur le président. J'espère que vous serez aussi généreux avec moi qu'avec mes collègues d'en face...

Le président: Bien sûr. Vous pouvez prendre tout le temps que vous voulez.

M. Dhaliwal: ... et que vous me donnerez le temps qu'il me faut pour poser mes questions.

Je tiens à remercier les témoins de leur diligence et d'avoir bien voulu répondre aux questions qui leur ont été posées. J'aimerais moi-même en poser quelques-unes et celles-ci auront parfois peut-être déjà été examinées, mais j'espère que vous serez patients. J'espère aussi pouvoir obtenir des renseignements précis et discuter du fond de la question.

Monsieur Gravelle, ce fut de toute évidence une décision importante qu'a prise votre ministère en consultation avec les Finances, n'est-ce pas?

M. Gravelle: Oui.

M. Dhaliwal: Quand des décisions de ce genre sont prises, évidemment, plus la décision est importante, plus elle est prise à un niveau élevé. Pourriez-vous peut-être dire au comité à quel niveau cette décision aurait été prise sur l'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu à propos de cette fiducie autorisée à déménager aux États-Unis?

M. Gravelle: Cette demande de décision a suivi la procédure normale. La demande est arrivée et a été transmise à un agent des décisions. Celui-ci a fait les recherches nécessaires, consultant la loi, nos dossiers d'opinions et d'autres demandes de décision, puis a dû en débattre avec des fonctionnaires du ministère. La question a ensuite été soumise à un comité d'examen. Le directeur général des décisions en a été saisi. Il s'est assuré que l'on obtiendrait les avis juridiques et les interprétations de politique générale nécessaires pour déterminer si ces transactions pouvaient justifier une décision fiscale positive.

Cela a probablement été porté à mon attention - parce que nous avons reçu la demande de décision en novembre 1991 - vers le 19 ou le 20 décembre, simplement pour que je sache où l'on en était, et parce que l'on voulait m'aviser que le contribuable avait demandé s'il ne pourrait pas obtenir cette décision avant la fin de l'année. J'ai dit, je crois que c'était hier, et je l'ai dit aussi au Comité des comptes publics, qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que le ministère reçoive beaucoup de demandes de décision anticipées à la fin de l'année parce que beaucoup de transactions doivent être réglées par les contribuables à ce moment-là.

.1700

Ce que j'ai dit aux hauts fonctionnaires de la division des décisions, c'est que nous ne devrions pas rendre de décisions et que nous ne le ferions pas tant que nous n'aurions pas reçu d'opinion confirmée de la Justice et d'opinion du ministère des Finances, sachant que ce ministère était impliqué depuis le début et que nous en avions discuté avec lui dès le début de novembre 1991.

J'ai simplement demandé le 20 décembre, et à nouveau le 23 décembre, à l'occasion d'une réunion, que les discussions avec les Finances et la Justice soient conclues. Lorsque l'on m'a informé qu'elles l'avaient été, que nous avions reçu une lettre ne laissant aucune équivoque du ministère des Finances et un avis juridique qui appuyait la mise en application de la loi à ces transactions particulières, il fut décidé d'accorder cette décision. Ce fut donc un processus tout à fait exhaustif.

Le vérificateur général a mentionné hier, monsieur le président, qu'il était tout à fait satisfait de la façon dont nous avions pu étayer par des documents tout l'examen de cette question, mais il a déploré le fait que la série de réunions qui eurent lieu le 23 décembre s'est déroulée tellement vite qu'il n'a pas été possible de préparer des procès-verbaux des délibérations de cette journée. Le fait est qu'à la fin de la journée, nous voulions confirmation de l'avis juridique et confirmation de la politique fiscale et c'est ce que nous avons obtenu dans l'avis juridique et dans la lettre des Finances.

M. Dhaliwal: Monsieur Gravelle, il est évident qu'il ne doit pas vous arriver très souvent de rencontrer un cas de fiducie représentant des sommes aussi énormes ou un portefeuille représentant des milliards de dollars. C'est la raison pour laquelle cela a été porté à votre attention. Vous étiez alors sous-ministre, monsieur Gravelle?

M. Gravelle: En effet et, franchement, je ne me souviens pas d'avoir discuté du montant que représentaient ces transactions. Lorsque cela a été porté à mon attention - et M. Beith a pris part aux délibérations du 20 et du 23 décembre, ce qu'il pourra vous confirmer - ce qui nous importait, c'était de prendre la décision qui s'imposait et de ne pas nous tromper. Étant donné que nous n'avions pas reçu de communication écrite, formelle et finale des deux ministères en question, nous avons décidé de ne pas prendre notre décision avant de l'avoir obtenue.

M. Dhaliwal: Ce que je veux dire, c'est que vous ne devez pas avoir souvent affaire à des portefeuilles représentant un milliard de dollars et que vous avez donc dû y porter une attention particulière. Vous ne seriez pas intervenu ou vous n'auriez même peut-être pas été au courant de la chose s'il s'était agi de 500 000$. Évidemment, l'énormité de ce portefeuille fut un facteur important et vous, en tant que sous-ministre alors, êtes intervenu personnellement dans le processus décisionnel. Avant que vous n'en soyez saisi, il va de soi qu'un travail énorme avait été fait, qu'il se soit agi d'examen de recherches et d'approbations. Je suppose qu'une des raisons pour lesquelles vous en avez été saisi, c'est qu'il n'arrive pas très souvent qu'un portefeuille d'un milliard de dollars ou plus soit en cause, n'est-ce pas?

M. Gravelle: C'est exact. Par contre, beaucoup d'autres cas qui ne représentent pas des sommes pareilles sont portés à mon attention, je puis vous en assurer.

M. Dhaliwal: Sachant que c'était une question très importante, vous auriez, à titre de sous-ministre, essayé de consulter vos homologues aux Finances ou à la Justice, des gens très haut placés, pour leur demander conseil ou discuter de la chose. Comme c'était très important, il était normal qu'à titre de sous-ministre, vous traitiez avec des gens à votre niveau, n'est-ce pas?

M. Gravelle: Je n'ai pas eu de communication avec mes homologues aux Finances ou à la Justice à ce sujet. J'étais satisfait. Habituellement, ces décisions et ces consultations interministérielles se déroulent entre cadres et agents chargés de ces demandes.

M. Dhaliwal: Étant donné qu'à Revenu Canada, la question a été soumise au plus haut niveau, vous conviendrez certainement qu'il en a probablement été de même aux Finances et à la Justice, n'est-ce pas, monsieur Gravelle?

M. Gravelle: J'aimerais que mes collègues des Finances et de la Justice répondent car nous avions demandé une interprétation ou un éclaircissement de la politique fiscale ainsi qu'un avis juridique. Normalement, les avis juridiques sur des questions semblables viennent des conseillers juridiques sans que cela n'implique nécessairement le sous-ministre de la Justice ou le sous-procureur général.

.1705

M. Dhaliwal: Peut-être que les gens des Finances et de la Justice pourraient me dire si la question a été portée à l'attention du sous-ministre comme à Revenu Canada. Sinon, ils pourraient peut-être m'expliquer pourquoi. Monsieur Dodge, pourriez-vous me dire pour le ministère des Finances ce que vous en savez?

M. Dodge: Cette question a été portée à l'attention du directeur de la division des lois et deM. Al Short, président du comité législatif qui occupe aux Finances le rang le plus élevé en ce qui concerne la législation fiscale.

M. Dhaliwal: Diriez-vous que le sous-ministre a également été informé et qu'il a participé au processus décisionnel?

M. Dodge: Je ne le sais pas, monsieur. Si le même genre de choses se présentait aujourd'hui, je n'en serais pas normalement informé. La question serait réglée au palier supérieur dans ce secteur précis.

M. Dhaliwal: Vous ne seriez donc même pas mis au courant d'une situation qui représente un portefeuille d'un milliard de dollars alors qu'on demande l'avis des Finances et que le sous-ministre du Revenu s'en occupe. Vous ne pensez pas que vous seriez même mis au courant. C'est cela?

M. Dodge: Le genre de cas dont je serais probablement mis au courant ne... Ce n'est pas nécessairement cela. M. Farber ou M. Drummond me soumettraient peut-être la question s'il semblait que la loi ou l'esprit de la loi ne pouvait s'appliquer et s'il fallait prendre une décision importante de politique générale entraînant probablement l'émission rapide d'un communiqué de presse sur une modification à apporter à la loi, ou quelque chose du genre. Il est certain que, dans ce genre de situations, cela serait tout de suite porté à mon attention.

D'autre part, si l'on jugeait nécessaire d'apporter une modification de forme sans qu'il y ait urgence absolue, on prendrait des mesures pour préparer une modification à présenter dans le projet de loi que votre comité examine périodiquement, afin que l'on puisse discuter de la question lorsque l'on préparerait ledit projet de loi.

Ce sont les deux cas où, normalement, on...

M. Dhaliwal: Votre sous-ministre adjoint participerait-il à une telle décision?

M. Dodge: La réponse est que nous avons deux types de compétences à la direction de la politique fiscale, deux champs de compétence représentés par les deux messieurs qui sont ici: le côté analytique - c'est-à-dire: quelle incidence la politique fiscale a-t-elle sur l'économie, sur le fonctionnement des choses, que voulons-nous faire, quelles sont les répercussions sur la politique sociale - et le côté plus technique, représenté ici par Len.

Dans ce cas, c'était une question plus technique, assez précise, et c'est normalement à ce niveau qu'elle s'arrête. Cela ne veut pas dire que ce soit toujours le cas.

M. Dhaliwal: Mais, excusez-moi, monsieur. Il s'agit là d'un portefeuille qui, d'après ce qu'on m'a dit, représente peut-être des milliards de dollars et qui pourrait avoir des ramifications représentant des milliards de dollars. Pour ce qui est de votre propre budget ou des recettes gouvernementales, cela peut avoir des répercussions énormes et vous me dites qu'à titre de sous-ministre, vous n'intervenez pas dans un cas dont les implications financières sont aussi importantes pour votre budget, pour vos recettes. L'incidence d'une telle décision, de l'interprétation d'une loi et de la modification éventuelle d'une politique serait énorme. Vous me dites que vous n'y seriez pas mêlé et que peut-être même votre sous-ministre adjoint ne le serait pas. C'est cela?

M. Dodge: Monsieur le président, il n'est pas question de modifier une politique générale, et ce qui arrive au palier supérieur...

M. Dhaliwal: Écoutez, un instant. Excusez-moi. Il n'y a pas de changement de politique générale. Avez-vous déjà eu des fiducies de ce genre qui ont réalisé cette sorte de transactions?

M. Gravelle: En 1985.

M. Dodge: En effet. À ma connaissance, il y en a eu une en 1985.

M. Dhaliwal: Oui, une transaction.

M. Dodge: C'est cela.

M. Dhaliwal: Mais on a considéré que cela ne pouvait se faire parce que la décision n'était pas en leur faveur.

M. Dodge: Non.

.1710

M. Beith: Non, il y a eu une décision favorable en 1985, suivie d'une opinion technique, également en 1985, qui n'a pas tenu compte de la décision favorable.

M. Dhaliwal: Ce que je veux dire, en tout cas, c'est que c'est très rare. Il y en a peut-être eu seulement une avant, n'est-ce pas?

M. Dodge: Oui.

M. Dhaliwal: Si cette décision poussait d'autres gens à en faire autant en sortant des fonds du pays par le biais d'une fiducie, cela pourrait donc avoir une incidence énorme sur vos propres affaires budgétaires et sur d'autres questions.

M. Dodge: Si vous me permettez, j'aimerais prendre une minute pour répondre à cette question.

Ce qu'il faut comprendre dans ce cas, c'est qu'il faut aussi considérer le point de vue du contribuable. Nous nous inquiétons énormément lorsqu'un contribuable peut éviter de payer des impôts en contrevenant à l'esprit de la loi. C'est le genre de questions qui se présente parfois.

Le contribuable ici n'évite pas de payer des impôts. En fait, le contribuable qui est un résident de New York risque finalement de payer davantage d'impôt. La question n'est donc pas une question d'échappatoire fiscale. Il s'agit seulement de savoir à quels pays et à quelles conditions ces impôts doivent être payés.

La règle générale est que dans un cas d'immigration, l'impôt sur ce genre de biens canadiens imposables reviendrait à l'État canadien pendant dix ans, après quoi nous continuons à l'imposer mais nous devons donner un crédit pour le montant d'impôt payé à l'étranger.

Il ne s'agit pas d'une échappatoire fiscale pour l'intéressé. C'est quand on découvre des échappatoires - et c'est ce qui semble vous préoccuper - qu'il y a quelque chose dans la loi qui permet cela et qui est tout à fait contraire à la politique générale, qu'il nous faut évidemment agir très rapidement. Ces cas-là sont très vite portés à l'attention du sous-ministre et il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'une affaire d'un milliard ou de 100 millions de dollars.

M. Dhaliwal: Peut-être que je ne comprends pas bien. M. Beith a dit qu'une des raisons pour lesquelles le contribuable avait voulu un engagement ou une renonciation était que si ces avoirs détenus par la fiducie étaient ramenés au pays, ils pourraient avoir un prix de base supérieur. Avec un prix de base supérieur, l'impôt sur les gains en capital à payer au gouvernement est moins élevé en cas de rapatriement de ces avoirs. Alors, comment peut-on dire que cela n'a pas d'incidence sur le montant d'impôt perçu?

M. Dodge: Écoutez-bien. Il était tout à fait opportun que Revenu Canada nous pose cette question. Il s'agissait de savoir si un Canadien pouvait légalement détenir un bien canadien imposable. Nous avons répondu que ce n'était pas contraire à la loi. Il y a même des parties de la loi d'après lesquelles il faut qu'il en soit ainsi pour empêcher le contribuable d'échapper à l'imposition. Cette politique est donc tout à fait juste dans sa formulation actuelle.

Par ailleurs, le ministre a posé une question au comité. Est-il souhaitable qu'un contribuable puisse quitter le Canada avec des actions d'une société privée, qu'il les transfère en franchise d'impôt en actions d'une société publique et qu'on ne puisse pas le soumettre à une imposition des biens accumulés au moment où il quitte effectivement le pays? Une telle hypothèse présente des avantages et des inconvénients. C'est pourquoi il est très important que le comité en débatte, car on peut facilement imaginer des situations où un contribuable serait très mécontent si on ne permettait pas le transfert libre d'impôt, ou s'il était soumis à l'imposition des biens accumulés lorsqu'il quitte le Canada.

.1715

Il convient donc d'étudier cette situation, mais elle est tout à fait conforme à la pratique en vigueur. Je répète que si j'ai dit que cette situation ne devrait pas être portée à l'attention des plus hautes instances, c'est parce qu'elle n'est pas de nature de permettre à un contribuable de s'esquiver sans payer d'impôt.

M. Dhaliwal: Permettez-moi d'approfondir ma question.

Le président: Monsieur Dhaliwal, j'aimerais avoir une indication du temps dont vous avez besoin. Je sais que Mme Brushett a des questions à poser. J'aimerais du reste que Mme Brushett etM. St. Denis nous donnent une idée de la durée de leurs interventions. J'essaie d'organiser nos activités de façon équitable pour tous.

M. Dhaliwal: Je n'ai eu la parole qu'à 16h45.

Le président: Je vous accorderai tout le temps dont vous avez besoin, monsieur Dhaliwal. Je vous demande combien de temps vous voulez.

M. Dhaliwal: J'aurai sans doute encore besoin de 10 à 15 minutes. Tout dépendra de la longueur des réponses, monsieur le président. Je ne peux pas en préjuger, et j'ai des questions à poser. Je vous demande encore 10 à 15 minutes.

Le président: D'accord.

De combien de temps avez-vous besoin, monsieur St. Denis?

M. St. Denis (Algoma): Je devrais pouvoir en terminer en moins de cinq minutes.

Le président: Et madame Brushett?

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Moins de cinq minutes. Je dois retourner à la Chambre, monsieur le président.

Le président: Je ne veux pas vous empêcher d'intervenir, monsieur Dhaliwal, serait-il possible, par égard envers les autres députés qui n'ont que de courtes questions à poser et qui doivent quitter cette séance, de leur donner la parole avant vous? Qu'en pensez-vous?

M. Dhaliwal: D'accord, je cède ma place à mes honorables collègues. Je sais qu'ils vont poser d'excellentes questions, ce qui me dispensera peut-être de les poser moi-même.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dhaliwal.

Mme Brushett: Merci, monsieur le président.

Je voudrais en revenir aux travaux parlementaires dont cette loi pourrait faire l'objet à l'avenir. Ma première question concerne le mécanisme des BCI. Est-ce qu'il découle de la Loi de l'impôt sur le revenu ou des conventions?

M. Dodge: Il découle de la loi.

Mme Brushett: Par conséquent, ne peut-on pas en conclure qu'il ne s'applique qu'aux émigrants ou aux non-résidents du Canada? N'est-ce-pas une conclusion obligatoire?

M. Dodge: Non.

Mme Brushett: Pourquoi pas, puisqu'il vise les personnes qui quittent le pays...et qu'il concerne la façon dont leurs gains en capitaux vont être imposés à une date ultérieure?

M. Dodge: On peut donner à cette question une réponse succincte et une réponse plus technique. Je vais donner la réponse succincte.

Prenons le cas d'une personne qui possède un immeuble résidentiel. C'est le genre de bien qui est défini comme étant un bien canadien imposable. Vous avez vu la liste que j'ai présentée hier. Tant que la personne réside au Canada, peu importe que ses biens soient classés en tant que biens canadiens imposables. La question ne se pose que lorsqu'elle quitte le Canada.

Je peux donc vous répondre que la notion est définie dans la loi. Elle n'intervient et ne devient importante qu'au moment où le contribuable quitte le pays, ou bien, évidemment, dans le cas des non-résidents. Voilà pour la réponse succincte.

Len, pouvez-vous donner la réponse plus technique?

M. Farber: M. Dodge vient de vous présenter les conditions générales d'application de la loi. Mais pour répondre un peu plus précisément à votre question, la notion de BCI est également pertinente aux fins des conventions, car celles-ci traitent des biens immobiliers, et nous nous réservons le droit d'imposer les biens immobiliers sans limites de temps.

Mme Brushett: Je voudrais essayer de présenter les choses de façon logique. En disant que le mécanisme des BCI découle de la Loi de l'impôt sur le revenu et qu'il n'intervient que lorsqu'un contribuable devient non-résident, vous semblez m'indiquer que nous avons progressé quelque peu dans notre tentative visant à décrire l'affaire en cause comme celle d'un résident auquel s'appliquerait le mécanisme des BCI. Pourtant, d'après ce que nous avons appris, je croyais que ce mécanisme n'avait été intégré à la loi qu'en fonction des situations où un contribuable quitte le pays pour une raison ou une autre. Cela dit, je vais passer à ma question suivante.

.1720

Lors des discussions approfondies auxquelles les décisions anticipées ont donné lieu, n'avez-vous pas fait référence aux décisions antérieures, notamment à celle de 1985? Nous avons contesté ici le fait que les auteurs de la décision de 1991 n'avaient pas eu connaissance de celle de 1985. S'il y a eu des discussions et des recherches approfondies, n'auraient-elles pas dû porter sur cette décision de 1985?

M. Beith: Si. Lors de la décision de 1991, nous étions au courant de la décision de 1985 et de l'avis juridique rendu la même année, qui allait en sens contraire. Nous avons dit, je crois, que lors de la publication de l'avis technique de Revenu Canada en 1985, ses rédacteurs n'étaient pas au courant de la décision anticipée qui avait été rendue précédemment.

Mme Brushett: Je vous ai peut-être mal compris, mais cet après-midi encore, vous avez dit que la décision de 1991 avait été rendue indépendamment de celle de 1985. Je l'ai pris en note il y a quelques minutes. J'ai peut-être mal compris, mais nous pourrons vérifier le compte rendu demain.

M. Gravelle: Si je me suis trompé d'année, je vous prie de m'en excuser.

Mme Brushett: Non, c'étaient les propos de M. Beith.

M. Gravelle: Je me souviens d'avoir dit, soit devant ce comité, soit devant l'autre, que lorsque l'agent des décisions a donné son opinion technique en 1985, quatre mois après la demande de décision de 1985...

Mme Brushett: Monsieur Gravelle, je ne fais pas référence à votre témoignage. Je veux uniquement parler des propos de M. Beith. D'après mes notes, il a dit aujourd'hui même qu'on avait rendu la décision de 1991 sans tenir compte de celle de 1985.

M. Beith: Je voulais sans doute dire qu'on avait donné l'opinion de 1985 sans tenir compte de la décision de 1985. Je ne suis pas entièrement certain de ce que j'ai dit.

Mme Brushett: Merci.

Il y aurait bien d'autres questions à poser, mais faute de temps... En ce qui concerne la renonciation, elle est définie, je crois, comme une entente-annexe. Il me semble très contestable que la loi prévoie la conclusion d'ententes-annexes. J'ai dit qu'apparemment, cette renonciation ne vaut pas le papier sur lequel elle est rédigée, et le vérificateur général a dit que le Canada renonçait de toute évidence à un impôt éventuel.

Êtes-vous d'accord pour dire que nous renonçons à l'impôt éventuel? N'aurait-il pas été plus judicieux d'exiger une caution ou un nantissement, de façon à pouvoir appliquer sans contestation la procédure de routine à cette affaire?

M. Beith: Tout d'abord, je ne suis pas d'accord pour dire que nous renonçons à un impôt. Deuxièmement, d'après les faits de l'espèce, nous n'étions pas fondés à demander une caution ou une sûreté. La renonciation a une valeur certaine. Elle permet à Revenu Canada d'évaluer la fiducie familiale, qui est toujours ici, sur l'intégralité de la disposition des biens qui ont été transférés aux États-Unis.

Mme Brushett: Un avis juridique pourrait affirmer le contraire.

M. Beith: Pas en ce qui concerne la renonciation. L'avis juridique qui laissait croire à un problème potentiel dans le cas de l'engagement portait sur le caractère obligatoire de cet engagement. La fiducie protectrice, qui se trouve maintenant aux États-Unis, s'est engagée à ne pas invoquer la protection de la convention pendant dix ans. Autrement dit, pendant dix ans, elle va déclarer au Canada les gains en capital découlant de la disposition de ces actions.

Mme Brushett: Je voudrais faire un dernier commentaire. Si cette fiducie protectrice revient au Canada - je crois savoir qu'elle n'est pas imposable - que va-t-on faire?

M. Beith: C'est là qu'intervient la renonciation. Nous l'avons demandée car nous avons craint que la fiducie protectrice revienne au Canada et prétende que les actions ne sont pas des biens canadiens imposables. Il y avait donc à ce sujet un élément d'incertitude.

Mme Brushett: Pensez-vous que la renonciation s'applique valablement dans ce cas?

M. Beith: La fiducie prétendrait sans doute que les actions sont passées du prix de base à la juste valeur marchande. Si c'est ce que prétend la fiducie protectrice, nous sommes en mesure d'évaluer non pas cette fiducie protectrice, mais la fiducie familiale, et de considérer qu'il y a eu disposition présumée au moment où la fiducie protectrice s'est rendue aux États-Unis. Nous considérerons en fait qu'il n'y a pas eu transfert de BCI à ce moment-là, et c'est précisément le problème qu'a relevé le vérificateur général. Nous avons procédé ainsi pour nous protéger de l'incertitude et du risque que pouvait comporter l'opération.

.1725

Mme Brushett: Merci.

Le président: Monsieur Bélisle.

[Français]

M. Loubier: Avant qu'on cède la parole à mon collègue, monsieur le président, je voudrais dire qu'après avoir écouté les présentations des sous-ministres et du vérificateur général depuis hier, nous avons pas mal d'éléments, au Comité des finances, pour proposer des solutions en vue de modifier la politique fiscale, mais par contre, l'ambiguïté persiste au niveau du cas de 1985 et de celui de 1991.

Je suggérerais donc qu'on transfère le cas de 1991 au Comité des comptes publics, qui a le pouvoir d'enquêter et même de se transformer en commission d'enquête pour essayer de faire la lumière sur ce cas et même sur celui de 1985, parce que cela n'a pas de sens.

En ce qui concerne la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu, on sait à peu près où on s'en va, mais il y a une ambiguïté terrible dans les décisions qui ont conduit au transfert des deux milliards de dollars en fiducies familiales sans qu'il y ait eu de taxation sur les biens en capital. Je trouve tout cela insensé.

Le Comité des comptes publics a le pouvoir de se transformer en commission d'enquête et de continuer ce qui a été commencé. Personnellement, je ne suis pas du tout convaincu que la décision qui a été prise est la bonne, ni même le processus qui a entouré cette décision. Pour l'instant, on n'y voit toujours pas plus clair.

Je laisse la parole à mon collègue.

M. Bélisle (La Prairie): J'ai juste quelques questions.

Pourriez-vous me dire, monsieur Gravelle, quel mécanisme précis pourrait permettre de suspendre l'application de la décision de 1991 à d'autres cas avant que la loi ne puisse être modifiée, par exemple à l'automne?

Il me semble que vous avez dit que l'on retardait actuellement les autres dossiers qui sont soumis, mais ce n'est peut-être pas la façon idéale de répondre aux questions des contribuables. Est-ce qu'il n'y aurait pas un mécanisme précis, autre qu'un amendement législatif qui pourrait intervenir à l'automne prochain, pour surseoir à l'effet de la décision de 1991 dans les nouveaux cas?

M. Gravelle: Nous avons simplement indiqué que nous ne donnerions pas de décisions anticipées sur les questions touchant les dispositions à l'étude devant le comité. L'interprétation de la loi n'empêche aucunement un contribuable, et c'est reconnu, de se prévaloir des dispositions de la loi aux mêmes effets. Cependant, s'il nous demande de lui donner la certitude d'une décision anticipée, nous n'allons pas le faire. Nous suspendons ce processus-là tant et aussi longtemps que le comité n'aura pas transmis ses recommandations au Parlement et au gouvernement.

M. Bélisle: Très bien.

Concernant cette disposition sur les biens canadiens imposables dans le cas d'un non-résident, quelle serait la façon de corriger le précédent créé par la décision de 1991 et les règles d'interprétation? Est-ce que l'amendement législatif est le seul moyen d'y parvenir ou en voyez-vous un autre?

[Traduction]

M. Dodge: Monsieur le président, la loi reste ce qu'elle est tant qu'elle n'est pas modifiée. La seule façon de régler ce genre de situation, qui comporte un roulement de société privée à société publique - c'est ce qui caractérise cette opération... Il faudrait modifier la loi pour dire que dans le cas d'un bien canadien imposable, s'il s'agit d'actions d'une société privée, les dispositions de l'article 88 ne s'appliquent pas, c'est-à-dire qu'un non-résident ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 88 pour effectuer un transfert libre d'impôt d'une société privée à une société publique.

.1730

Je ne peux pas indiquer au comité toutes les conséquences d'une telle modification de la loi, mais si le Parlement considère que ce genre de transaction ne doit pas avoir lieu, ce serait une façon de procéder. Si le Parlement estime que Revenu Canada devrait pouvoir exiger une déclaration des biens au moment de l'émigration, le Parlement devrait nous donner ce pouvoir et le comité pourrait demander au ministre des Finances de prendre les mesures nécessaires, et notamment d'exiger une divulgation annuelle de renseignements.

Il y a bien des mesures qui peuvent vous sembler opportunes, mais pour cela, il faudrait modifier la loi. On ne peut pas en suspendre l'application dans l'intervalle. Il faudrait que vous annonciez les changements que vous voulez apporter à la loi, de façon que le contribuable sache à quoi s'en tenir.

Vous m'excuserez pour la longueur de ma réponse, mais le sujet est important.

[Français]

M. Bélisle: Dans le cadre de la loi actuelle, si le vérificateur général n'avait pas exprimé d'inquiétude au sujet du cas qui nous occupe, est-ce que cette décision-là vous serait apparue parfaitement normale, monsieur Gravelle ou monsieur Dodge?

M. Gravelle: Je réponds à votre question dans le contexte du processus de décision anticipée. Une fois l'avis juridique et l'interprétation de politique fiscale reçus, le ministère était convaincu qu'il pouvait acquiescer à la demande de décision anticipée.

La question de savoir si on doit modifier les dispositions en matière de gains en capital et de biens canadiens imposables est beaucoup plus importante et dépasse largement le cadre de la préoccupation immédiate que nous avions en 1991.

M. Bélisle: On ne sait pas ce qui va arriver plus tard, et ces sommes ont déjà été transférées aux États-Unis, mais je voudrais quand même vous poser une question hypothétique.

Dans la meilleure des hypothèses, mais dans la pire des hypothèses pour le Trésor canadien, qu'est-ce qui pourrait arriver à ces investissements à l'avenir? Il n'est pas facile de répondre à cette question, mais je suppose que dans la meilleure des hypothèses, cela pourrait rapporter un montant x au Trésor canadien; dans la pire des hypothèses, est-ce que le Trésor canadien perdrait tout, compte tenu de la décision qui a été prise et de la façon dont ce type de dossier est traité? Qu'est-ce qui peut donc arriver de mieux ou de pire, si je peux m'exprimer ainsi, au Trésor canadien?

[Traduction]

M. Dodge: Monsieur le président, il est pratiquement impossible de répondre à cette question, car elle porte sur l'éventualité d'un gain ou d'une perte en capital. Si ces biens donnent lieu à un gain très important au cours des dix prochaines années et que la fiducie en dispose au bout de onze ans, le Trésor canadien n'aura pas perçu d'impôt sur les gains accumulés jusqu'à ce que le contribuable quitte le Canada, en application de la convention. Nous ne pouvons imposer les gains futurs qu'une fois que le contribuable est devenu résident des États-Unis en vertu de la convention, ce qui veut dire que le fisc américain aura un droit de préséance...

.1735

On ignore quel sera le montant de l'impôt. En fait, si les actions ont un bon rendement au cours des dix prochaines années, il se pourrait que le Trésor canadien en retire davantage que s'il avait invoqué la disposition présumée au moment où la transaction est intervenue. Le problème, c'est que si la décision n'avait pas été rendue, la transaction n'aurait pas eu lieu, il n'y aurait pas eu de disposition présumée et nous n'aurions pas eu d'impôt. Donc malheureusement, il est foncièrement impossible de répondre à votre question.

M. Bélisle: Bien, merci.

Le président: Monsieur Dhaliwal, voulez-vous terminer avant M. St. Denis?

M. Dhaliwal: Je serai bref, monsieur le président.

Je voudrais citer à M. Gravelle ou à M. Dodge le paragraphe 1.31 du rapport du vérificateur général. On y lit ceci:

M. Gravelle pourrait-il nous expliquer pourquoi celui qui choisit d'avoir des biens canadiens imposables est tenu de fournir une sûreté au ministre du Revenu national? Il s'agit du paragraphe 1.31 du rapport du vérificateur général.

M. Farber: Je crois, monsieur le président, que cette disposition permet un choix dans le cas où un bien n'est pas un bien canadien imposable, de façon que le ministère ait une sûreté appropriée sur les gains accumulés. Il s'agit donc d'un choix pour le propriétaire des biens, qui permet au ministère d'obtenir une sûreté. Autrement, il ne s'agirait pas de biens canadiens imposables.

M. Dhaliwal: Pourquoi pensez-vous que le ministre du Revenu national exige une sûreté? À quoi sert cette sûreté? Vous n'avez pas répondu à ma question.

M. Farber: Je crois qu'elle sert de garantie concernant l'impôt non payé sur les gains. Cette disposition prévoit un choix concernant les biens qui, par ailleurs, ne seraient pas considérés comme biens canadiens imposables, mais qui peuvent l'être, sous réserve d'une sûreté appropriée. Cette sûreté - et mes collègues de Revenu Canada rectifieront si je me trompe - doit correspondre au niveau d'impôt à prélever sur les gains.

M. Dhaliwal: Donc, si je quitte le Canada, où j'ai des biens, Revenu Canada exerce un certain contrôle et je ne peux pas vendre mes biens sans payer d'impôt. Est-ce bien pour cela qu'on exige une sûreté?

M. Beith: Pour autant que je sache, cette disposition, qui ne s'applique pas aux fiducies, permet aux sociétés et aux particuliers de choisir que des actions de sociétés publiques qui ne sont pas des BCI, soient considérées en tant que telles en contrepartie d'une sûreté. La conséquence de ce choix, c'est qu'il n'y a pas disposition réputée au moment de l'opération et le Canada a le droit, sous réserve des conventions, d'imposer toutes dispositions futures. Cette sûreté est donc liée aux dispositions futures.

M. Dhaliwal: À la dernière phrase, on indique qu'il est expressément interdit aux fiducies de faire un tel choix. Êtes-vous d'accord avec le vérificateur général pour dire qu'il est interdit aux fiducies de faire un tel choix?

.1740

M. Beith: Oui, c'est exact. C'est ce qui est prévu dans cette disposition. Vous avez donc la réponse à votre question.

M. Dhaliwal: Êtes-vous d'accord avec le vérificateur général sur ce qu'il dit au paragraphe 1.38 de son rapport? Je voudrais vous lire le passage suivant, que j'aimerais tirer au clair.

Êtes-vous d'accord avec le vérificateur général quant à ce qu'il dit dans ce passage?

M. Beith: Il est exact que le contribuable est protégé par la convention, puisqu'il n'est pas résident du Canada depuis dix ans.

M. Dhaliwal: Est-ce pour contourner cette difficulté que le ministère a exigé une renonciation et un engagement?

M. Beith: Nous n'avons pas exigé l'engagement. Il a été proposé parce qu'à la lumière de cette décision, la fiducie craignait d'être imposée à l'avenir. Mais on peut se demander si ces craintes étaient fondées.

M. Dhaliwal: Donc, à l'avenir, dans des cas semblables, vous n'exigerez pas d'engagement?

M. Beith: C'est exact.

M. Dhaliwal: Pas d'engagement ou pas de renonciation?

M. Beith: On pourrait exiger une renonciation.

M. Dhaliwal: Peut-être en avez-vous déjà parlé, mais je voudrais obtenir une précision concernant l'engagement. Vous dites qu'en fait, en donnant cet engagement, la fiducie a reporté son droit ou y a renoncé. Est-ce bien exact?

M. Beith: C'était un engagement...

M. Dhaliwal: À renoncer au droit qu'elle avait.

M. Beith: ... à son droit découlant de la convention.

M. Dhaliwal: Est-ce qu'on peut prendre l'engagement de renoncer à un droit dont on dispose?

M. Beith: Dans l'histoire de la fiscalité, il y a eu au moins un cas où le contribuable pouvait renoncer à son droit d'appel. L'affaire a été portée devant la Cour suprême, qui n'y a rien trouvé à redire.

M. Dhaliwal: Une dernière question - et je prie mon collègue de m'en excuser.

Le ministère demande une sûreté pour conserver un certain contrôle. Une fois que les actions ont quitté le pays, pensez-vous, monsieur Gravelle, que vous avez toujours la possibilité de les imposer? Exercez-vous encore un contrôle? Ce qui préoccupe le vérificateur général, c'est notamment le fait que l'engagement et la renonciation ne vous permettent pas véritablement d'imposer un éventuel gain en capital ou un avantage imposable accordé par Revenu Canada. C'est là une question fondamentale. Pouvez-vous y répondre, monsieur Gravelle?

M. Beith: Moi, je peux y répondre. Nous ne pouvions pas demander de sûreté, car ces actions n'étaient pas considérées comme BCI en vertu de la disposition sur le choix. Elles l'ont été par la suite à cause des différents articles dont M. MacGregor a parlé. Nous n'avions donc pas le droit de demander de sûreté. Comment pouvons-nous obliger la fiducie à déclarer ses gains? En disposant d'une renonciation. Nous avons un engagement. Nous pensons que les parties agissent de bonne foi et vont déclarer tous les biens éventuels.

M. Dhaliwal: Je cède la parole à mes collègues, monsieur le président. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Dhaliwal.

Monsieur St. Denis.

M. St. Denis: Merci, monsieur le président. Je voudrais rendre hommage à mon collègue pour les excellentes questions qu'il a posées. Messieurs, je vous remercie de votre présence ici.

Dans cette affaire, l'impression équivaut à la réalité et ce que nous essayons de faire ici, c'est de remédier au fait que la population a l'impression que les riches peuvent s'en tirer à bon compte. Peu importe que ce soit vrai ou non. Ce sont les gens que nous représentons... Vous connaissez sans doute d'autres exemples de gens qui s'en tirent à bon compte et je pense, monsieur Dodge, d'après votre témoignage, qu'il est tout à fait opportun que ce comité s'occupe de la question des contribuables qui partent à l'étranger, que ce soient des fiducies ou des particuliers.

.1745

En réponse à une question de M. Dhaliwal, vous avez dit que cette opération ne répondait pas à une volonté d'évitement fiscal. À mon avis, l'évitement fiscal est une mauvaise chose. On peut agir illégalement pour éviter de payer des impôts... À mon avis, si l'on veut réduire ses taxes légalement... S'agit-il d'évitement fiscal?

M. Dodge: Oui.

M. St. Denis: Parfait; l'évitement fiscal est acceptable s'il est légal. Mais cette opération n'est pas une affaire d'évitement fiscal, car lorsque les biens ont été transférés aux États-Unis, ils ont été assujettis à l'impôt américain. De façon générale, ces biens vont être imposés quelque part tôt ou tard.

Dans ce cas, est-ce qu'on connaît le motif de la fiducie? S'agit-il strictement d'une décision commerciale pour investir dans telle ou telle société aux États-Unis? Est-ce qu'on connaît les motifs de la fiducie, s'il ne s'agit pas d'évitement fiscal?

M. Dodge: Je crois savoir que le bénéficiaire de la fiducie protectrice est résident des États-Unis.

M. St. Denis: Pensez-vous qu'à long terme, le fisc américain soit plus favorable à ces biens que le fisc canadien?

M. Dodge: Tout dépend de l'État où ils seront imposés. De façon générale, on peut penser que le sort du contribuable sera un peu moins favorable s'il est imposé à New York, puisque l'impôt de cet État est relativement lourd. Le Texas a une fiscalité moins lourde, et il est à prévoir que le contribuable y serait plus épargné.

M. St. Denis: Si l'évitement fiscal n'est pas le motif déterminant, l'opération étant motivée par d'autres considérations personnelles ou commerciales, c'est très bien.

Pour les autorités canadiennes, il s'agit donc de savoir ce qui se passerait si les biens revenaient au Canada. Voilà le fond du problème. Si ces biens reviennent au Canada sous forme d'actions de sociétés publiques à un prix supérieur au coût de base, il y a un risque de perte pour le fisc canadien. Est-ce bien ainsi qu'il faut voir les choses? La véritable motivation des ministères n'a-t-elle pas été d'essayer d'éviter une perte pour le cas où ces biens reviendraient au Canada?

M. Beith: C'est pour cela que nous avons demandé la renonciation.

M. St. Denis: Y a-t-il d'autres scénarios qu'il faudrait considérer dans ce secteur du droit fiscal? C'est un véritable dédale. Avez-vous quelque part une liste des domaines qui relèvent de cette partie du droit fiscal et que nous devrions considérer également pour éviter ce genre de problèmes à l'avenir?

M. Dodge: Voilà une très bonne question. Les deux côtés de la transaction sont importants. On peut se demander si nous traitons adéquatement l'immigration des personnes et des capitaux dans ce pays. Voilà toute une série de questions que nous avons soulevées.

Nous nous sommes également demandés s'il est toujours approprié, en particulier dans le cas des sociétés privées, d'appliquer aux gains en capital un régime fiscal identique à celui que subirait leur propriétaire s'il était resté au Canada. C'est-à-dire qu'il n'y a en aucun cas de disposition présumée au moment où le contribuable quitte le Canada, et il reste intégralement assujetti à toutes les dispositions de la loi.

Évidemment, cette formule a l'avantage dont nous avons parlé précédemment, à savoir que le dirigeant d'une jeune société peut aller travailler à l'étranger pendant quelques années et revenir sans avoir à subir de tracasseries fiscales. C'est un avantage évident. C'est ce que nous avons vu tout à l'heure lorsque nous parlions de la circulation des capitaux. Mais il se pourrait que pour la Couronne, le risque de perdre des recettes soit trop élevé. On peut donc circonscrire ce risque, soit en exigeant des déclarations de renseignements qui nous permettent de savoir exactement ce qui se passe, soit en empêchant celui qui devient non-résident et qui possède des actions de cette catégorie de se prévaloir de toutes les autres dispositions de la loi.

.1750

Je pense que ces questions sont légitimes. Évidemment, du point de vue du contribuable, il n'est pas souhaitable que celui qui possède au Canada des biens immobiliers ou quelques actions d'une société privée subisse le mécanisme de la disposition présumée au moment où il quitte le pays, par exemple pour des raisons de santé. Il faut donc voir les limites de ce principe et je pense que des gens raisonnables considéreraient qu'il faut éviter d'aller trop loin dans son application.

Mais il y a entre les deux extrêmes une zone grise où on pourrait envisager des changements, étant donné qu'à l'avenir, il y aura vraisemblablement davantage de mouvements de capitaux et de personnes, ce qui devrait nous favoriser. Mais j'espère que le comité s'intéressera également à la pertinence de notre régime de l'immigration.

M. St. Denis: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Silye, je sais que vous aviez une question.

M. Silye: J'en ai deux, merci.

Qu'est-il arrivé de la retenue fiscale de 15 p. 100? Quand quelqu'un a une société privée, qu'il s'agisse d'actions privées ou d'un immeuble ou de quelque autre actif, et qu'il échange ses éléments d'actifs contre les actions émises dans le public aux États-Unis, il se trouve en fait à transférer des biens d'un pays à un autre. Il se trouve à quitter le pays. N'est-il pas tenu de payer une retenue fiscale de 15 p. 100? Quand je quitte le pays et que je liquide tout ce que j'ai, ne suis-je pas censé payer un impôt au Canada du fait que je pars?

M. Dodge: La retenue fiscale s'applique au revenu en dividendes et en intérêts des étrangers. La retenue fiscale s'applique, par exemple, au résident des États-Unis qui possède des actions dans une société canadienne et qui en tire un revenu en dividendes ou en intérêts.

M. Silye: D'accord. La taxe de départ: qu'arrive-t-il si je plie bagage et que je parte m'installer aux États-Unis? Je vends ma maison, je vends mon entreprise privée et je déménage aux États-Unis. Ne suis-je pas tenu de payer une taxe de départ?

Le président: À Vancouver, c'est 10$.

Des voix: Oh, oh!

M. Dodge: C'est 15$ si vous partez à l'étranger.

La réponse à votre question est non. C'est comme les décès; la taxe de départ au moment du décès, c'est la réalisation présumée, de sorte que la taxe de départ sur tous les biens - autres que ceux qui appartiennent à cette catégorie des BCI - s'applique à la réalisation présumée des gains en capital. Il n'y a toutefois pas de taxe de départ en tant que telle.

M. Silye: D'accord.

Si j'ai une société privée de prospection sismique et que je veuille déménager ces éléments d'actif aux États-Unis pour éviter de payer l'impôt, il me semble qu'il y a là une échappatoire du fait que, si je suis au courant de l'existence d'une société publique de prospection sismique aux États-Unis, je peux transférer à cette société les actions que je détiens dans ma société. Non?

M. Dodge: Non. La question est de savoir si vous voulez déménager et continuer à être propriétaire d'une société canadienne privée. C'est quelque chose qui se produit souvent et qui nous ramène à la question que vous avez soulevée tout à l'heure. Il y a beaucoup de va-et-vient. La loi vise, et c'est ce que nous tentons de faire depuis 1971, à être assez neutre en ce qui concerne ce va-et-vient, à ne pas ériger beaucoup d'obstacles pour empêcher les gens et les biens de sortir du pays ou d'y entrer. Voilà essentiellement ce que nous essayons de faire, et c'est pourquoi nous avons cette catégorie particulière de biens dont nous ne présumons pas qu'ils ont été cédés ou aliénés au moment de l'émigration, les gains en capital devant plutôt être imposés uniquement au moment de leur réalisation, comme c'est le cas pour les résidents canadiens.

.1755

M. Silye: Une transaction comme celle-là aurait-elle été envisagée si l'impôt sur les gains en capital était égal ou inférieur à ce qu'il est aux États-Unis? Les intéressés diraient-ils qu'il serait avantageux de transférer la fiducie à un résident des États-Unis? Les différences de taux d'imposition ont-elles influencé la décision à cet égard?

M. Dodge: Non. D'après ce que j'en sais, le résident en question habite l'État de New York, où le taux d'imposition réel sur les gains en capital est légèrement plus élevé qu'il ne l'est en Ontario. C'est ce que je disais tout à l'heure - la décision ne semble pas avoir été motivée par des considérations fiscales, mais par le fait que le bénéficiaire de la fiducie était résident des États-Unis.

M. Silye: Le vérificateur général a dit que les fuites comme celle-là pourraient coûter de l'argent aux contribuables canadiens ou à Revenu Canada. Étant donné la valeur de la fiducie - 2 milliards de dollars - , si elle est réalisée après dix ans, nous trouverions-nous à perdre 50 p. 100 de notre dû?

M. Dodge: J'ai essayé de répondre à cette question tout à l'heure. Il est impossible de connaître le montant de l'impôt futur. Tout ce que nous savons, c'est qu'en date d'aujourd'hui, les gains n'ont pas été réalisés, de sorte que peu importe que la fiducie ait été transférée ou non, il n'y aurait pas...

M. Silye: Je comprends.

M. Dodge: ... de gains imposables de toute façon et que le Trésor public n'a rien perdu.

M. Silye: Merci, monsieur Dodge.

Le président: Merci, monsieur Silye.

Je m'en remets aux membres du comité. Avez-vous d'autres questions à poser aux témoins?

Monsieur MacGregor, c'est vous qui venez tout juste de rédiger un article intitulé «Income Tax Litigation»? Êtes-vous le coauteur de cet article?

M. MacGregor: Oui.

Le président: Je vous en félicite. Merci beaucoup.

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier nos témoins. À ma connaissance, il est très rare que notre comité ait à sa disposition deux sous-ministres et autant de hauts fonctionnaires pendant une période aussi longue. Nous vous sommes tous très reconnaissants, et nous sommes bien conscients du sacrifice que vous avez dû faire pour être là étant donné votre emploi du temps très chargé. Nous attendons avec impatience d'avoir à nouveau l'occasion de travailler avec vous.

Le sous-comité du Comité des finances se réunira demain sous la présidence de M. St. Denis pour entendre M. Wolfensohn, de la Banque mondiale. À notre prochaine réunion, qui aura lieu mardi prochain à 9h30, nous entendrons le vérificateur général.

La séance est levée.

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