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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 septembre 1996

.0930

[Traduction]

Le président: Pouvons-nous commencer? Le Comité des finances de la Chambre des communes continue son étude du Livre blanc sur la législation régissant les institutions financières canadiennes.

Ce matin, nous accueillons MM. Robert Schultz, président et chef de la direction de Midland Walwyn Capital Inc.; Peter Bailey, chef de la Direction des opérations et secrétaire de Gordon Capital Corporation; Lorie Waisberg, associé chez Goodman, Phillips & Vineberg; et Claude Bédard, vice-président et administrateur à la Société de valeurs First Marathon Ltée.

Bienvenue. Nous avons hâte de vous entendre.

M. Robert Schultz (président et chef de la direction de Midland Walwyn Capital Inc.): Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Comité, merci de votre accueil. Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui.

J'occupe le poste de président et de chef de la direction de Midland Walwyn Capital Inc. Je suis accompagné de deux de mes concurrents, M. Peter Bailey, président de Gordon Capital Corporation, et M. Claude Bédard, vice-président et administrateur de la Société de valeurs First Marathon Ltée. M. Bédard a également été déjà président de la Bourse de Montréal.

Nous avons le plaisir de faire part aujourd'hui de notre point de vue aux membres du Comité permanent des finances. Nous avons participé activement au processus de révision de la Loi sur les banques depuis le début de l'année 1995 et nous nous réjouissons d'entamer le dialogue avec le législateur dans le cadre de notre réunion d'aujourd'hui.

Permettez-moi tout d'abord de vous préciser en quelques mots le contexte dans lequel se situe la présentation de ce mémoire. Figurant parmi les plus importants courtiers en valeurs mobilières du Canada n'appartenant pas à des banques, nous avons demandé l'an dernier la modification de la Loi sur les banques pour nous permettre de soutenir la concurrence et de mieux servir nos clients.

Au départ, nous étions quatre. L'actif de nos firmes représentait environ 15 p. 100 de celui de l'ensemble du secteur des placements au Canada. Dernièrement, nous avons perdu Richardson Greenshields, l'un des fondateurs de notre groupe, qui a accepté une offre d'achat de RBC Dominion Securities, filiale placements de la Banque Royale.

L'achat de Richardson est l'étape la plus récente d'un processus qui a débuté il y a huit ans, au moment où l'on a aboli la réglementation interdisant aux banques d'être propriétaires de maisons de placement. Au cours de la période qui a suivi, le contrôle exercé par les banques sur l'actif du secteur est passé de 0 à 75 p. 100. À l'heure actuelle, la part de marché occupée par les maisons de placement indépendantes est d'environ 10 %, les courtiers étrangers représentant les 15 p. 100 restant.

Voilà donc le cadre dans lequel nous travaillons qui motive notre participation au processus de révision.

À l'instar de bon nombre de gens d'affaires, de groupes de consommateurs, de médias et de députés, les courtiers en valeurs mobilières indépendants se posent de sérieuses questions sur l'émergence de nouveaux conglomérats appartenant aux banques et oeuvrant dans le domaine des services financiers depuis la déréglementation concernant la propriété des maisons de placement. À notre avis, les consommateurs sont menacés non seulement par cette concentration de la propriété mais également par l'intégration interne accélérée des services de banque, de fiducie, d'assurance et de placement au sein de ces conglomérats.

L'un de ces phénomènes les plus menaçants a déjà fait son apparition. Il s'agit de celui des ventes liées, sur lesquelles portent nos propos d'aujourd'hui.

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Selon le récent Livre blanc du ministre des Finances, la vente liée intervient lorsqu'une entreprise oblige un client à acheter un produit pour pouvoir en obtenir un autre. Le Livre blanc précise également que certains ont exprimé la crainte que, en raison de la nature particulière de la relation existant entre les institutions financières et leurs clients, ces derniers soient particulièrement exposés à la coercition et que le jeu du marché et la Loi sur la concurrence n'assurent peut-être pas une protection suffisante à cet égard.

Trois types de ventes pratiquées par les conglomérats de services financiers appartenant aux banques préoccupent les courtiers en valeurs mobilières indépendants: la vente liée aux consommateurs, la vente liée aux petites entreprises et la vente liée aux grandes entreprises. J'examinerai brièvement la question de la vente liée aux consommateurs et aux petites entreprises, puis je passerai la parole à mon ami M. Bédard, qui expliquera comment ces activités se déroulent dans le domaine du financement des entreprises.

En deux mots, il y a vente liée si un consommateur se présente à sa banque en vue d'obtenir un prêt hypothécaire et que le banquier lui répond que l'octroi d'un tel prêt se fera sans difficulté sous réserve de transférer son REER chez le courtier en valeurs mobilières appartenant à la banque. En revanche, s'il ne donne pas suite à cette recommandation, l'octroi du prêt sera problématique. Dans ce cas, la question de la solvabilité du client n'entre pas en jeu. En effet, ou bien le client remplit les conditions nécessaires à l'obtention d'un prêt, ou il ne les remplit pas. Il ne s'agit pas non plus, pour le client, d'obtenir un avantage quelconque, en contrepartie de sa décision: on le menace tout simplement de lui refuser le prêt. À notre avis, il s'agit purement et simplement d'un usage coercitif qualifié du pouvoir d'octroi de crédit que détiennent les banques.

Les ventes liées à la petite entreprise reposent essentiellement sur les mêmes principes. Néanmoins, l'influence de la banque est encore plus pesante. En effet, celle-ci peut remettre en cause une ligne de crédit ou un prêt à la petite entreprise, à moins que le client ne regroupe ses opérations financières à la banque et à ses filiales.

Je sais que ces pressions s'exercent constamment, car les conseillers financiers de Midland Walwyn de tout le Canada en subissent les conséquences. En effet, à chaque campagne des REER, je reçois des messages par télécopieur et par courrier électronique m'annonçant que tel ou tel client a dû transférer son REER de Midland chez un courtier en valeurs mobilières appartenant à une banque pour éviter une situation désagréable.

Le pire est que la vente liée n'est pas un acte illégal. Quelques dispositions de la Loi sur la concurrence offrent une certaine protection contre les agissements anticoncurrentiels en général. Néanmoins, les obstacles que l'on doit franchir sont trop élevés pour pouvoir gagner une poursuite contre les banques où la pratique d'une telle activité est largement répandue. C'est pourquoi nous prions le Parlement de modifier la Loi sur les banques en vue de protéger le consommateur canadien en faisant en sorte que la vente liée soit une infraction.

Je cède maintenant la parole à M. Bédard.

[Français]

M. Claude Bédard (vice-président et administrateur, Société de valeurs First Marathon Ltée): Merci, Bob, et merci, monsieur le président. Je circonscrirai mes remarques à la vente liée dans le domaine du financement des entreprises, l'une des principales activités de First Marathon.

La vente liée à une entreprise est essentiellement semblable à une vente liée à un consommateur ou à une petite entreprise. Prenons par exemple la situation d'une entreprise qui désire effectuer un premier appel public à l'épargne. Elle se met à la recherche d'un courtier en valeurs qui s'occupera de l'émission initiale d'actions. Cette entreprise a établi au fil des ans des relations avec un courtier en valeurs mobilières n'appartenant pas à une banque et souhaite que ce dernier soit le chef de file du syndicat financier responsable de l'émission en question.

Parmi les raisons qui motivent la direction de l'entreprise, le courtier dit indépendant a à son emploi le meilleur analyste financier dans le secteur d'activité de l'entreprise qui nous concerne. La direction juge alors que ce facteur est important puisque l'opinion de ce dernier contribuera au succès de l'émission comme telle, ainsi que du suivi quotidien des actions dans le marché secondaire. Le chef de la direction de l'entreprise reçoit alors un appel du directeur de cote de la banque auprès de laquelle la société jouit d'une ligne de crédit, de prêts ou d'autres engagements.

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Le banquier explique au chef de l'entreprise qu'à moins que le courtier en valeurs appartenant à la banque ne devienne le chef de file du syndicat financier chargé de l'émission, la ligne de crédit, les prêts ou les autres engagements seront remis en cause.

Il est fort probable que le chef de la direction donnera suite à cette recommandation à moins que la situation financière de l'entreprise en question lui permette de tenir tête au banquier.

À l'instar des ventes liées aux consommateurs, il n'existe aucune défense contre de telles pratiques, sauf le recours aux dispositions de la Loi sur la concurrence, qui ne mène généralement nulle part.

Je suis parfaitement au courant de cette façon d'agir puisque mes collègues et moi en sommes fréquemment témoins. La Loi sur les banques interdit à First Marathon d'exercer des activités bancaires au Canada. En revanche, les courtiers en valeurs mobilières appartenant à des banques nous poussent régulièrement sur des voies d'évitement, car la banque à laquelle ils appartiennent est prête à abuser de ses pouvoirs afin de s'accaparer des parts de marché de plus en plus importantes des financements de l'entreprise.

[Traduction]

M. Schultz: Nous prions donc le Parlement d'élargir l'interdiction portant sur la vente liée d'assurance que l'on retrouve dans la Loi sur les banques. À l'heure actuelle, le paragraphe 416(5) de la Loi se lit comme suit:

Le paragraphe 416(5) actuel vise à interdire aux banques d'orienter vers un assureur donné le client qui doit obtenir une police d'assurance dans le cadre de l'octroi du crédit.

Les courtiers en valeurs mobilières indépendants du Canada proposent que le principe sous-tendant le paragraphe 416(5) soit élargi de façon à interdire d'orienter un client vers une compagnie en particulier, à savoir la filiale de la banque oeuvrant dans le domaine du courtage en valeurs mobilières.

Nous proposons donc que l'on modifie le paragraphe 416(5) de la façon suivante:

Permettez-moi de terminer en soulignant que les abus dont sont victimes les consommateurs ne sont pas imaginaires. Il s'agit des conséquences imprévues de la prééminence des banques dans le secteur des valeurs mobilières. Le Parlement pourrait facilement y trouver une solution raisonnable. C'est pourquoi nous vous prions de le faire dans le cadre de la révision de la Loi sur les banques.

Merci de nous avoir entendus. Mes collègues et moi-même sommes maintenant prêts à répondre à toutes les questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bédard et monsieur Schultz.

Je voudrais obtenir un éclaircissement. N'est-il pas illégal actuellement pour une banque d'effectuer une vente liée à un consommateur ou à une société dans les conditions que vous venez de décrire?

M. Lorie Waisberg (associé, Goodman Phillips & Vineberg): L'article 77 de la Loi sur la concurrence porte sur les ventes liées. En vertu de cet article, la vente liée est une pratique anticoncurrentielle, ce qui veut dire que s'il est possible de convaincre le directeur du Bureau de la concurrence de porter la question à l'attention du Tribunal de la concurrence et d'établir les quatre critères du comportement anticoncurrentiel, le Tribunal peut ordonner l'interdiction de cette pratique. Mais un cas isolé ne suffirait pas.

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Les quatre exigences pour pouvoir prendre des mesures en vertu de l'article 77 sont les suivantes: il faut démontrer que le comportement constitue une pratique; qu'il se manifeste chez un fournisseur important; qu'il fera probablement obstacle à l'entrée d'une entreprise ou aura un effet de dissuasion; et qu'il réduira sensiblement la concurrence. Ce sont quatre critères qui supposent des preuves assez évidentes, de sorte que les appels d'un des représentants de M. Schultz ne suffiraient pas pour établir la preuve.

Le président: Quelles seraient les conséquences si nous adoptions votre modification? Permettrait-elle des injonctions? Permettrait-elle aussi d'accorder des dommages-intérêts?

M. Waisberg: Nous proposons simplement une modification à la Loi sur les banques afin que le comportement en cause constitue une infraction de la part de l'agent ou de l'employé de la banque et que les recours prévus par la loi pour les autres types d'infractions s'appliquent aussi dans ce cas.

Le président: C'est-à-dire?

M. Waisberg: Une amende maximale de 1 million de dollars est imposée par les tribunaux et il y a une possibilité d'emprisonnement pour un maximum de deux ans. Nous ne prévoyons pas que ces maximums seraient appliqués. Ce sont les mêmes recours que pour les autres infractions à la Loi sur les banques.

Le président: Pourriez-vous, à titre de victime de cette pratique, intenter aussi des poursuites en dommages-intérêts?

M. Waisberg: Ce n'est pas certain.

Le président: Demandez-vous aussi ce type de recours?

M. Waisberg: Non, pas pour le moment.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Quand nous nous entretenons avec les représentants des grandes banques canadiennes sur l'existence de pratiques telles les ventes liées, elles nient que ce soit une pratique courante des banques. On dit aussi qu'un simple code d'éthique modifié auprès des banques pourrait éliminer la possibilité de telles ventes liées. Elles disent que ces ventes seraient extrêmement rares.

Vous semblez nous présenter le problème comme étant assez généralisé auprès des banques. Il y a comme une dichotomie entre vos deux allégations. Avez-vous des preuves tangibles qu'il s'agit d'une pratique presque généralisée? Pour leur part, les banques affirment que ce sont des cas bien isolés si jamais ils se sont produits.

M. Bédard: Votre question s'adresse-t-elle à M. Schultz ou à moi?

M. Loubier: À un de vous quatre, monsieur Bédard.

M. Bédard: Est-ce que vous faites allusion à la vente liée au niveau des particuliers ou au niveau des entreprises?

M. Loubier: En général. Vous connaissez le débat sur la vente d'assurances par les banques à leurs comptoirs. Un des arguments avancés par les courtiers en assurance ou les assureurs était la possibilité de ventes liées. Les consommateurs pourraient être victimes de la prédation des banques. Les banques se défendaient en disant que les ventes liées, même dans les secteurs où elles sont déjà présentes, n'existent pratiquement pas, que cette pratique est très marginale. Si les banques faisaient une incursion dans le domaine des assurances, il ne serait aucunement que ces ventes liées se généralisent, disent-elles.

On nous disait aussi qu'un simple code d'éthique pour les banques suffirait à enrayer de telles pressions sur le consommateur.

M. Bédard: Je comprends maintenant bien votre question, monsieur Loubier, mais je ne suis pas en mesure de traiter du volet des opérations bancaires des entreprises. Je demanderai peut-être à M. Schultz de vous donner certains exemples, s'il y a lieu, en ce qui concerne les particuliers.

Les activités de financement de l'entreprise sont une activité non seulement essentielle à notre vie commune ici au Canada, mais une activité qui peut s'avérer extrêmement lucrative.

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C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les banques canadiennes, depuis six, sept ou huit ans, se sont accaparé une part de marché importante dans le domaine des valeurs mobilières qui, autrefois, leur était interdit en vertu des dispositions explicites de la Loi sur les banques. Les banques elles-mêmes admettront de façon candide que leur incursion dans le domaine des valeurs mobilières s'est avéré extrêmement profitable pour elles.

Pour ce qui est des cas particuliers, je ne peux pas vous affirmer que ce genre de pratique est généralisé dans le cas des financements de l'entreprise. C'est faux. Cependant, lorsqu'une entreprise a besoin d'avoir accès au marché financier et qu'elle est fortement endettée auprès d'une banque ou que le propriétaire principal a des engagements personnels envers la banque, il devient extrêmement facile pour la banque de faire le lien avec le responsable du compte et d'utiliser ce pouvoir important pour faire basculer la balance de son côté au moment d'octroyer le mandat du financement en question. C'est au sujet de cet aspect que je peux vous faire cette représentation ici.

J'ai vécu personnellement, ainsi que mes collègues ici présents et mes autres collègues chez First Marathon, plusieurs cas de ce genre de comportement puisque, chez First Marathon, nous nous spécialisons dans le financement de l'entreprise de plus petite taille qui veut avoir accès au marché des actions au Canada. C'est précisément le créneau dans lequel nous faisons affaire et je peux vous affirmer que nous voyons très fréquemment ce genre de comportement. Ce comité n'est peut-être pas l'endroit pour divulguer des noms précis. Il serait préférable de s'en tenir à des généralités parce que je ne crois pas que c'est le forum pour donner des exemples et pour nous engager dans un débat qui ne nous mènerait nulle part.

De façon générale, lorsque l'entreprise est endettée ou lorsque l'entrepreneur ou l'actionnaire principal a des engagements personnels envers la banque, le lien est très facile à faire pour influencer la décision de l'entrepreneur lorsque vient le temps d'octroyer le mandat du financement. Ceci répond-t-il à votre question?

M. Loubier: C'est parfait. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Monsieur Grubel.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Bienvenue. J'ai deux questions pour vous, messieurs.

Premièrement, avec tous ces cas que vous avez chez vos clients, avez-vous songé à intenter des poursuites contre ces pratiques en vertu de la Loi sur la concurrence, soit collectivement soit en appuyant une poursuite individuelle?

M. Schultz: Je répondrai à cette question, et parce que nous n'avons pas parlé des consommateurs, je reviendrai brièvement sur la question précédente.

J'ai beaucoup de correspondance dans mes dossiers au sujet de ces ventes liées. Je ne peux pas vraiment dire si elles sont répandues chez les banques parce que ce sont de très grandes institutions. Je les trouve répandues dans le cadre de nos activités, et je ne sais pas si d'autres... je suppose qu'on peut débattre du sens à donner au terme «répandu».

J'ajouterai simplement que nous ne nous opposons pas aux ventes croisées. Si nous offrons un service et faisons remarquer au client que nous en offrons un autre et qu'il pourra y réfléchir, dans la mesure où cet autre service intéresse le consommateur et qu'il le choisit librement, tout va bien. Mais quand le deuxième service est lié à un pouvoir d'accorder du crédit que nos organisations n'ont pas, nous pensons que cela va trop loin.

J'ai des lettres de consommateurs qui disent aimer vraiment le service offert par tel conseiller financier, qu'ils veulent vraiment continuer de faire affaire avec lui, mais qu'ils ont besoin d'un prêt ou d'un prêt hypothécaire pour leur entreprise et qu'ils n'ont donc pas d'autre choix que d'aller ailleurs. C'est de cela dont il s'agit.

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En ce qui concerne les poursuites en application de la Loi sur la concurrence, il faut comprendre... et je suis certain que vous avez vécu les circonstances que nous évoquons. Je sais que cela m'est arrivé quand j'étais beaucoup plus jeune. Dans une grande mesure, vous avez craint l'emprise que l'institution de crédit avait sur vous. Personne n'ose affirmer publiquement que c'est arrivé, ou encore les gens hésitent beaucoup, parce qu'ils ne connaissent pas les conséquences. Il n'y en a peut-être pas, mais ils n'en savent rien et le risque est très grand. Alors, il est très difficile d'intenter de telles poursuites.

Si vous cherchez des preuves concrètes, tout ce que je peux faire pour vous, et je suis fermement convaincu que c'est possible, si vous voulez désigner un membre de votre comité pour rencontrer des consommateurs ou n'importe qui d'autre sur une base confidentielle, sans que rien ne soit rendu public, ce serait possible. Mais nous n'allons pas demander aux gens de se braquer devant les journalistes ou les caméras de télévision pour affirmer que c'est une réalité. Le risque est beaucoup trop grand pour eux.

M. Grubel: Je n'avais pas cela en tête.

J'aimerais revenir là-dessus. Il me semble que nous pouvons avoir confiance que le Bureau de la concurrence ne révélera aucun nom. Vous pouvez les lui donner, et comme l'a déclaré M. Waisberg, s'il y avait suffisamment de preuves, le Bureau de la concurrence interviendrait certainement et taperait sur les doigts des banques. Je suis étonné de constater que vous ne l'avez pas fait.

Quoi qu'il en soit, je passerai maintenant à ma deuxième question. Je m'inquiète du coût de ce genre d'activités. J'ai pris quelques notes pour moi-même. Qu'arrive-t-il si, en sortant du bureau des prêts hypothécaires d'une banque, le directeur de ce service remet au client une petite brochure qui explique que la banque administre aussi des REER. Est-ce une infraction à la loi, comme vous semblez l'indiquer?

Qu'arrive-t-il si le directeur ajoute: «Je sais que vous avez un compte avec le courtier en valeurs mobilières Untel. Vos frais annuels sont de tant. Nous savons tout cela. Nos frais annuels sont la moitié moins élevés. Pensez-y et nous en reparlerons quand vous reviendrez me voir.»

Si vous en avez envie, vous pouvez dire qu'il s'agit d'une vente liée. Je peux imaginer qu'un jury appelé à interpréter des faits de cette nature déclarerait qu'il s'agit effectivement d'une pratique déloyale qu'il faudrait interdire parce qu'elle va à l'encontre des intérêts du consommateur.

Il serait facile de trouver plusieurs comportements qui, à priori, pourraient être considérés anticompétitifs ou compétitifs. Alors, comment trancher? Allons-nous établir une grosse bureaucratie au ministère des Finances et la relier aux tribunaux, embarrasser les tribunaux de plaintes de ce genre?

Je crois qu'à titre de législateurs, nous nous devons de mesurer les coûts éventuels par rapport aux avantages. Je me demande, premièrement, si des cas de ce genre sont assez nombreux et, deuxièmement, si la protection que procure déjà la Loi sur la concurrence n'est pas assez grande pour rendre les conséquences moins importantes qu'on ne le prétend et si de tels coûts seraient justifiés. Assurez-moi que les coûts sont vraiment négligeables.

M. Schultz: J'ai quelques observations à ce sujet. Premièrement, dans votre exemple, un client demande un prêt hypothécaire et se fait remettre une brochure. Comme je l'ai déjà indiqué, nous considérerions cela comme une vente croisée. Autrement dit, on offre un service et il n'y a pas d'obligation de l'accepter afin d'obtenir le prêt hypothécaire. Nous n'avons rien contre.

C'est la même chose quand le directeur sait que le client a un REER ailleurs et offre un produit semblable à moitié prix. C'est le jeu de la concurrence. Si le consommateur estime que la différence de prix justifie le transfert de son compte, nous devons être prêts à réagir à ce genre d'écarts entre les prix, sinon... Cela se produit tous les jours sur le marché et nous n'y avons aucune objection.

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Mais si le client veut un prêt hypothécaire et qu'il doit transférer son REER, c'est une autre histoire, selon nous. Évidemment, dans la mesure où le consommateur accepte de transférer son REER parce que les frais sont réduits de moitié, il n'a pas vraiment été forcé; alors je ne pense pas que les gens s'en plaindront. Nous intéressons vraiment aux situations où le client ne veut pas transférer son REER et nous voulons qu'il sache que la loi prévoit des recours s'il est forcé de le faire.

M. Grubel: Ces conditions sont-elles stipulées par écrit ou des clients qui se sont fait refuser un prêt hypothécaire ont-ils l'impression après coup qu'ils ne l'ont pas obtenu parce qu'ils n'ont pas fait ce qu'on voulait?

Je ne veux pas mettre en doute les affirmations de vos témoins, mais s'il n'y a rien par écrit, la banque niera tout et affirmera que le client s'est trompé. Ce sera la parole de l'un contre celle de l'autre. Le coût des affaires augmentera parce qu'il faudra toujours un témoin ou un compte rendu écrit de ce qui s'est passé. Il faudra aller devant un jury.

Je trouve cette solution à votre problème bien singulière. J'attends encore que vous me donniez des motifs justifiant ce que vous devriez vraiment demander, soit la possibilité d'offrir des services bancaires vous aussi. Pourquoi ne le demandez-vous pas?

M. Schultz: Cet aspect est intéressant. Nous nous attaquons au problème décrit dans le Livre blanc, soit expressément les ventes liées. Nous avons amorcé ce processus l'an dernier. Nous avons rencontré des représentants du ministère des Finances et discuté en long et en large de certaines questions, jusqu'à ce que je dise finalement que j'étais bien confus. À la fin des années 80, les quatre piliers seraient apparemment tombés, mais il me semble qu'ils sont tombés dans la même direction alors qu'ils auraient dû tomber dans tous les sens. Si nous voulons être une banque, nous devrions pouvoir le faire. Mais ce genre de problème n'est pas évoqué dans le Livre blanc et nous répondons à ce qui se trouve dans le Livre blanc.

Le président: Merci, monsieur Grubel.

Monsieur Fewchuk, s'il vous plait.

M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Bonjour messieurs et merci d'être venus.

Depuis trois ans que je fais partie de ce comité, tout le monde a la petite entreprise à la bouche. Pour revenir à votre déclaration de ce matin, lorsque vous avez parlé de prêts à une petite entreprise, constituée en société ou non, à quel montant pensiez-vous et combien d'employés compterait une entreprise de ce genre? Qu'entendez-vous par «petite entreprise»?

M. Schultz: C'est une question intéressante. Une petite entreprise peut probablement aller d'une personne qui n'a encore rien de plus qu'un plan d'affaire jusqu'à celle dont les ventes annuelles se chiffrent à un demi-million de dollars. Le sens est assez large.

M. Fewchuk: Vous avez aussi indiqué détenir la preuve qu'une petite entreprise a eu du mal à obtenir du financement. Sans me donner de nom, j'aimerais que vous m'indiquiez le montant demandé. S'agissait-il d'un prêt de 50 000 $? Donnez-moi une idée du type d'entreprise, de sa grosseur et décrivez-moi le problème des ventes liées.

M. Bédard: Il me serait difficile de répondre à votre question avec précision, mais je peux vous donner un exemple. Un entrepreneur dirige une entreprise florissante qu'il a créée tout seul et fait prospérer au fil des années. Il a un chiffre d'affaires de 2 à 4 millions de dollars et peut-être de cinq à dix employés. Son entreprise a besoin d'un prêt pour acheter de nouvelles machines, afin de soutenir la concurrence, alors il va chez son banquier. Le montant du prêt peut varier. Ce pourrait être 100 000 $, 1 million, 2 millions, 3 millions de dollars.

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La banque calcule les coefficients avec l'entrepreneur, afin de déterminer si le prêt répond aux critères et arrive à la conclusion - elle ferme peut-être un peu les yeux sur la situation financière - qu'elle accepte d'accorder le prêt. Mais, à ce moment-là, elle peut faire jouer le poids de son pouvoir d'octroi de crédit sur l'entrepreneur, et peut-être sur d'autres actionnaires de l'entreprise, pour le forcer à transférer son REER, ses fonds communs de placement et ses comptes de valeurs mobilières au courtier en valeurs qui lui appartient. C'est à cela que nous pensons.

Je ne crois pas que les banques mettent jamais cela par écrit. Comme l'a fait remarquer M. Grubel, cela se passe entre quatre murs, entre un directeur de succursale et un client. Si le banquier tient à accorder ce prêt et à faire affaire avec l'entreprise, il peut exercer ce pouvoir.

Il est très difficile de dire si ce pouvoir joue un rôle important quand on demande un prêt de 50 000 $, de 500 000 $ ou de 5 millions de dollars. Il est question d'entreprises qui ont peut- être une capacité de financement limitée à un moment donné. La banque fait sentir son poids, je ne vois pas de façon plus simple de décrire la situation. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Fewchuk: Oui. Il y a simplement une petite différence entre ce que vous et moi entendons par «petite entreprise». Merci.

Le président: Merci, monsieur Fewchuk.

Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

Pour en revenir aux ventes liées par rapport aux ventes croisées, existe-t-il une définition précise des ventes liées que toutes les institutions financières acceptent quand il s'agit d'une brochure remise à un client, par exemple?

M. Schultz: Je n'en connais aucune. Ce sont deux termes employés couramment, non seulement ici au Canada, mais aussi dans les lois américaines. Nous offrons une foule de services et les faisons tous connaître à tout le monde, mais nous n'avons pas le pouvoir de dire que si le client refuse tel service... Nous sommes heureux des affaires que nous pouvons réaliser dans certains domaines. Nous aimerions obtenir tout le marché si c'était possible, mais si le client veut aller chez quelqu'un d'autre... Nous n'accordons pas de crédit, nous fournissons des services - et nous sommes heureux de les fournir. Il n'y a donc aucune coercition dans notre cas.

Mme Brushett: Je comprends. Je suppose que la notion de ventes liées est définie précisément, ou l'est-elle vraiment dans la loi, tandis que «ventes croisées» semble être un terme courant ou largement répandu. Je reviens à cette prémisse fondamentale. Le Bureau de la concurrence ne peut-il pas régler les problèmes qu'on qualifie couramment de ventes liées, actuellement interdites par la loi? Avez-vous déjà invoqué les dispositions de la Loi sur la concurrence pour régler un problème de ce genre?

M. Waisberg: Puis-je répondre en partie?

Mme Brushett: Certainement.

M. Waisberg: La différence entre les ventes croisées et les ventes liées tient à l'élément de coercition - l'exigence que quelqu'un achète les services du fournisseur du produit. Comme je l'ai déjà indiqué, l'ennui avec la Loi sur la concurrence, c'est que les ventes liées ne sont pas en soi une infraction aux termes de cette loi.

Mme Brushett: Nous comprenons qu'il y ait coercition dans un cas et liberté de choix dans l'autre, faute de meilleure terminologie.

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M. Waisberg: Exactement, mais les ventes liées, telles qu'elles sont réglementées actuellement au Canada, constituent une pratique anticoncurrentielle qui ne devient répréhensible, qui ne va à l'encontre de la loi, que lorsque le tribunal de la concurrence en est saisi par le directeur du Bureau de la concurrence et qu'il est convaincu que les quatre critères que j'ai énoncés il y a un moment ont été satisfaits.

Mme Brushett: Mais la réponse est non, je suppose, le tribunal de la concurrence n'a été saisi d'aucun cas de ce genre et n'a jamais rendu de décision en ce sens? C'est ce que je vous demande.

M. Schultz: Je vais cous citer un paragraphe d'une lettre adressée le 30 août 1996 au ministère des Finances par l'Association des consommateurs du Canada:

Mme Brushett: Alors vous soutenez que la Loi sur la concurrence est inefficace, que le fardeau de la preuve ne devrait pas incomber au consommateur. Vous voulez donc que la loi soit mise à jour afin de protéger le consommateur.

M. Schultz: La lettre de l'Association des consommateurs se poursuit ainsi:

Le président: Merci, madame Brushett.

Très brièvement, parce qu'il ne nous reste qu'environ cinq minutes au maximum, monsieur Duhamel.

[Français]

M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci de votre présentation.

[Traduction]

J'ai quelques questions.

Nous avons beaucoup parlé récemment de l'abonnement par défaut. Existe-t-il des caractéristiques communes entre l'abonnement par défaut et les ventes liées? J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

Deuxièmement, j'aimerais savoir comment nous nous comparons par rapport aux États-Unis et quel type d'appareil bureaucratique, en supposant que les consommateurs américains sont mieux protégés que les consommateurs canadiens, s'applique aux ventes liées. C'était une préoccupation d'un de mes collègues du Parti réformiste. Pourriez-vous nous donner une opinion, des points de vue, des éclaircissements, des précisions?

M. Schultz: Je n'ai jamais réfléchi au problème en fonction de l'abonnement par défaut. À brûle-pourpoint, je ne vois pas de points communs.

M. Bédard: En guise de précision, peut-être, l'exemple que j'ai en tête est celui des câblodistributeurs qui offraient un service. Certains clients n'en voulaient peut-être pas et ne trouvaient donc pas nécessaire de s'abonner, mais l'abonnement leur a été plus ou moins imposé.

Dans notre cas, je ne peux pas trouver facilement d'exemple où un consommateur obtiendrait d'un courtier en valeurs un service qu'il ne voudrait pas expressément. Nous répondons aux demandes des clients qui veulent ouvrir un compte de fonds communs de placement, acheter ou vendre des titres, par exemple. C'est une décision délibérée du client et le client choisit le courtier qui, selon lui, offre le meilleur service.

M. Duhamel: Mais il y a peut-être un point commun quand on examine... Si un câblodistributeur vous propose un abonnement à un groupe de chaînes et que vous voulez vous abonner à une ou deux chaînes seulement, il vous sera impossible de le faire. C'est tout ou rien. Il me semble que les ventes liées sont un peu semblables.

Quoi qu'il en soit, je passerai à la deuxième question, sinon nous manquerons de temps. Comment nous comparons-nous par rapport aux États-Unis?

M. Waisberg: Si je peux répondre, je dirais qu'aux États-Unis, la loi Clayton et la loi antitrust Sherman régissent le comportement anticoncurrentiel et les ventes liées en particulier. Elles font partie de la législation américaine depuis la première décennie du siècle. En 1970, le Congrès a adopté des modifications à la Bank Holding Company Act, parce qu'il croyait qu'il fallait limiter le pouvoir des institutions de crédit, malgré les dispositions interdisant les ventes liées prévues dans les lois Clayton et Sherman.

Dans les années 80, on a donc ajouté aux dispositions du Bank Holding Company Act qui régissent les institutions d'épargne et de prêt une interdiction expresse des ventes liées dans les situations d'octroi de crédit et prévu des peines en conséquence. Il y a eu de nombreuses poursuites.

M. Duhamel: Est-ce coûteux à administrer?

M. Waisberg: L'administration ne coûte rien, parce que la loi prévoit simplement un recours civil.

M. Duhamel: Merci.

.1015

Le président: Vous ne proposez pas de recours civil au Canada, cependant.

Puisque deux ou trois personnes ont demandé à poser des questions, avec votre permission, nous prolongerons ce témoignage après 10 h 15.

Monsieur Shepherd.

M. Shepherd (Durham): Merci beaucoup.

Je peux peut-être donner un exemple précis de ce que je qualifierais de vente liée. Il s'agit d'une situation à laquelle j'ai été confronté récemment et qui touche aux services financiers Green Line. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Green Line est un prolongement de la Banque Toronto-Dominion et probablement l'un des rares courtiers exécutants qui existent au Canada, je crois. Je sais aussi que les mouvements des capitaux se moquent des frontières nationales. Dans la demande, on oblige essentiellement le client à accepter de devenir une cible pour les services bancaires de la Banque Toronto-Dominion. Autrement dit, l'une des conditions pour devenir client du courtier exécutant des services financiers Green Line est que la Banque Toronto-Dominion puisse vendre tous ses produits et que vous deveniez sa cible. En apposant sa signature au bas de la demande, on accepte donc les ventes liées.

Beaucoup de gens s'offusquent vraiment de cette attitude. Personnellement, je n'ai peut-être pas besoin d'emprunter à la banque. Je fais peut-être partie de cette génération de l'après- guerre riche comme Crésus qui veut prêter aux banques au lieu d'emprunter.

J'ai vu fonctionner Charles Schwab aux États-Unis, l'un des plus gros courtiers exécutants américains. Ils ne posent pas ces questions stupides.

En quoi les ventes liées contribuent-elles peut-être à la fin de l'industrie des valeurs mobilières canadienne, autrement dit, à pousser les gens vers les courtiers exécutants et d'autres institutions des États-Unis qui n'ont pas ce genre de problème?

M. Schultz: Si vous voulez savoir si ce type de comportement risque d'accroître les activités des organisations étrangères, je ne suis pas certain de pouvoir répondre à votre question. Mais il est évident que, dans la mesure où il y a des ventes liées, où les gens sont contraints de faire affaire avec une organisation à cause de l'octroi du crédit, il y a des répercussions énormes, je crois, sur le choix du consommateur, sur le prix que doit payer le consommateur. Si on en vient à une situation très oligopolistique sur un créneau bien précis, où ils peuvent contrôler le prix des services, beaucoup d'études ont été menées sur la question. Mais pour le moment, je crois qu'il n'y a pas beaucoup de concurrence. Il y en a un peu dans certaines régions, et je pense que toutes les banques offrent actuellement des services de courtage réduit, mais je ne connais personne qui vise autant ce marché que Green Line. Schwab n'exerce pas ses activités au Canada, pour le moment, et il y a des problèmes de résidence, notamment en ce qui concerne la personne avec qui on peut faire affaire en vertu de la législation sur les valeurs mobilières.

M. Shepherd: Je m'inquiète que le supermarché des services financiers des institutions financières entre essentiellement en conflit avec ce qui nous intéresse ici, à savoir les ventes liées. Invariablement, s'il y a un supermarché de la finance, il y aura des ventes liées. C'est la raison d'être de ce supermarché.

M. Schultz: Si vous me permettez d'intervenir, premièrement, les ventes croisées sont peut-être une conséquence du supermarché de la finance, mais pas nécessairement les ventes liées.

Évidemment, la stratégie d'une organisation comme la nôtre consiste notamment à tenter d'inciter les clients à obtenir tous leurs services financiers chez nous, dans la mesure où nous pouvons les leur offrir. Ce n'est pas uniquement une réalité canadienne, c'est une réalité mondiale... Certains ne sont peut-être pas d'accord avec moi, mais je m'interroge encore beaucoup sur le supermarché de la finance et sur les succès qu'il remporte. De nombreuses organisations ont tenté le coup depuis des années, et je peux vous donner une longue liste d'exemples où elles se sont cassé les dents. Mais il s'agit de ventes croisées et de services connexes.

.1020

Par exemple, les courtiers en valeurs mobilières peuvent désormais vendre de l'assurance-vie, mais faut-il en conclure que tous ceux qui s'adressent à nous pour des services de placement s'assurent aussi chez nous? Pas du tout. Nous ne pouvons pas les obliger à le faire, simplement leur rappeler que nous offrons le service. Si un client est bien servi ailleurs, alors il reste ailleurs. Mais il s'agit de ventes croisées. Nous n'avons pas d'influence là-dessus.

M. Bédard: Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le président: M. Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Tout ce processus fait ressortir la nécessité de s'attaquer d'abord aux grands problèmes. Si nous nous étions attaqués au problème de l'entrée des courtiers en valeurs et d'autres organisations dans le domaine bancaire, il n'aurait pas pris ces proportions.

Ma question est un peu hypothétique, mais je veux vous la poser parce qu'elle montre à quel point il est difficile de définir ce qui constitue vraiment un comportement coercitif. Si quelqu'un s'adresse à une banque pour obtenir un prêt et que l'opération est nettement risquée, si la banque déclare qu'elle accordera le prêt à condition que le portefeuille de placements soit transféré chez elle - rappelez-vous que la banque rend service au client - diriez-vous qu'il s'agit d'un comportement coercitif?

M. Schultz: Oui, si la valeur du portefeuille de placements à transférer dépassait les garanties nécessaires à l'égard du prêt. Il est évident que si la banque fait un prêt risqué, elle a besoin de garanties. Mais les REER ne peuvent même pas être donnés en nantissement. Nous ne comprenons pas trop pourquoi il en est ainsi, mais il est évident que, si la valeur d'un portefeuille dépassait ce qui constituerait un nantissement suffisant, je considérerais ce comportement coercitif.

M. Solberg: Mais si la banque craint de ne pas obtenir un rendement convenable - elle a peut-être accordé plusieurs prêts de ce genre, des prêts qui comportent un risque de défaut, et il y a des coûts liés aux défauts - ne pourrait-on pas dire que la banque rend service au client? Le client est prêt à accepter librement cette condition afin d'obtenir le prêt et, compte tenu de l'ampleur du risque, on pourrait soutenir qu'il s'agit essentiellement d'un service et que c'est une condition du service.

M. Waisberg: Le prix du prêt ne traduirait-il pas l'ampleur du risque? N'est-ce pas ainsi qu'on procède?

M. Solberg: Très bien. C'est probablement un bon argument.

Ce que j'essaie de démontrer, c'est qu'il arrive que quelqu'un aille à la banque et obtienne un service. La banque court un risque, et ce que j'essaie de faire valoir, c'est qu'il est parfois très difficile de déterminer ce qui constitue un comportement coercitif et un service offert.

M. Peter A. Bailey (chef de la Direction des opérations et secrétaire, Gordon Capital Corporation): Je pense que c'est le noeud de toute notre argumentation. Pour prendre l'exemple des REER, ils ne peuvent être donnés en nantissement. Alors, si vous allez à la banque et que cette dernière accepte de vous accorder un prêt très risqué, elle obtiendra les garanties nécessaires. Le REER ne peut être donné en nantissement, mais elle vous obligera à le transférer chez elle pour accroître ses revenus. C'est exactement ce que nous soutenons. Cela s'appelle une vente liée, et c'est ce que nous essayons d'empêcher, parce que nous ne pouvons pas accorder de prêts. Tout ce que nous demandons, c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Ce n'est pas le cas actuellement. C'est le noeud du problème.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Que s'est-il passé en réalité depuis dix ans? Les ventes liées ont-elles augmenté? La tendance est-elle à la hausse ou à la baisse?

Je vous pose la question parce qu'étant un homme d'affaires, je suis parfois confronté à de dures réalités. Dans les années 70 et 80, tout grimpait en flèche et nous ne connaissions jamais vraiment la valeur de notre fortune. Vers la fin des années 80 et dans les années 90, nous avons en quelque sorte pris conscience de la réalité. Beaucoup d'entre nous avions divers portefeuilles. Nous avions notamment des portefeuilles de REER et des portefeuilles de placement. Mais dans le vrai monde des affaires, nous nous sommes aperçus tout à coup que leur valeur a peut-être diminué de 20 à 30 p. 100. Notre fortune n'était pas aussi grande que nous le pensions. Tout à coup, nous avons dû obtenir de nouveaux prêts hypothécaires et nous refinancer. Certains d'entre nous ont peut- être même dû liquider des portefeuilles afin de vivre dans la réalité et de faire face à leurs obligations financières.

.1025

Pensez-vous que ceux qui ont pris ces décisions d'affaires, qui ont conclu, par exemple, qu'ils ne pouvaient plus garder un portefeuille et qui sont allés à la banque afin d'emprunter... que la banque a exercé une coercition, qu'elle a fait des ventes liées? Et dites-moi si ces activités ont augmenté ou diminué au cours de la dernière décennie?

M. Schultz: Je ne sais pas trop ce qui est arrivé depuis une décennie, mais il est certain que, dans le secteur de la consommation, elles sont devenues beaucoup plus fréquentes ces dernières années. À la fin des années 80, les banques ont acheté des courtiers en valeurs. Je pense que les deux types de services ont continué à être offerts en parallèle pendant un certain temps. Maintenant, il y a de plus en plus d'intégration. Cela remonte à deux, trois ou quatre ans, probablement. À mesure que l'intégration augmente, les ventes liées deviennent de plus en plus nombreuses. Il y a certainement beaucoup plus de gens qui s'en plaignent qu'il y a deux, trois ou quatre ans. Alors, je crois vraiment que c'est plus répandu actuellement.

Du côté des sociétés, c'est plus difficile à dire. Il y a dix ou huit ans, peu importe, les banques commerciales offraient des prêts mais pas des services de placement. Désormais, les deux sont intégrés. Ce sera le cas de plus en plus souvent.

M. Bédard: Le fait que les banques commerciales possèdent désormais de très gros courtiers en valeurs mobilières leur permet d'exercer sur les entreprises une influence plus marquée qu'avant, parce que la Loi sur les banques le leur interdisait, autrefois. Maintenant qu'elles ont ce pouvoir... et il ne s'agit pas seulement d'un pouvoir légal, mais aussi d'un pouvoir financier. Comme Bob l'a fait remarquer, les maisons de courtage qui appartiennent aux banques représentent environ les trois quarts de notre industrie actuellement, alors que les banques étaient absentes du secteur il y a dix ans. Alors, s'il s'agit de savoir si les banques exercent ce pouvoir à leur avantage, oui, ces activités sont plus nombreuses, c'est certain, parce que les banques jouent un rôle beaucoup plus important dans le paysage qu'elles ne le faisaient il y a dix ans.

[Français]

Le président: Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.

M. Bélisle (La Prairie): Ma question s'adresse à M. Schultz ou M. Bédard. Votre mémoire mentionne que le contrôle des banques dans le domaine de l'industrie est passé de 0 p. 100 à plus de 75 p. 100. Il ne reste donc que 10 p. 100 d'indépendants, dont vous faites partie, et 15 p. 100 de courtiers étrangers.

Est-ce que les courtiers étrangers qui détiennent ces 15 p. 100 sont entièrement indépendants ou s'ils appartiennent à de grands groupes financiers ou à des banques?

Il existe actuellement de fortes pressions pour acheter les 10 p. 100 restants, dont vous détenez une part. Est-ce qu'actuellement, au Canada, les pressions sont fortes et quel genre de pressions s'exercent sur votre industrie? J'imagine que les banques ont pour objectif d'avoir la mainmise sur l'ensemble du secteur.

M. Bédard: Si j'ai bien compris votre première question, vous cherchez à savoir si les 10 p. 100 de notre industrie qui sont contrôlés par des organismes étrangers le sont par des banques. Ai-je bien compris votre question?

Dans certains cas, oui, il y a des courtiers qui oeuvrent au Canada qui sont des filiales d'organismes étrangers, dont la Banque Hongkong du Canada qui est une banque étrangère menant des opérations de courtage ici au Canada.

.1030

Mais ces 10 p. 100 ne sont pas généralement contrôlés par des courtiers étrangers. Je pense entre autres à Morgan Stanley & Co. et Goldman Sachs & Co. qui ne sont pas des banques comme telles. La Morgan Trust Bank Ltd. fait également affaire ici au Canada. Une partie de ces 10 p. 100 que détiennent des courtiers étrangers qui traitent des affaires au Canada n'est pas contrôlée par des banques.

M. Bélisle: En réalité, le contrôle des banques dans le secteur pourrait être supérieur à 75 p. 100 et atteindre 80 ou 85 p. 100 par le biais de la propriété des courtiers étrangers.

M. Bédard: Tout à fait. J'ose toutefois croire que les courtiers indépendants ont suffisamment de vigueur pour être en mesure de concurrencer les banques. Cependant, le pouvoir financier que représentent les courtiers qui sont détenus par les banques est quand même très important dans notre industrie et, à la limite, ce chiffre pourrait encore augmenter si absolument rien n'était fait.

M. Bélisle: Je vous demandais aussi quel genre de pressions s'exercent sur votre industrie pour amener les banques à augmenter leur pourcentage. Quel genre de pression vivez-vous de la part des banques actuellement?

[Traduction]

M. Schultz: Je répondrai à cette question. Notre organisation, Midland Walwyn, est une entreprise publique, tout comme First Marathon. La dernière maison de courtage indépendante qui a été intégrée à une banque était évidemment une entreprise publique elle aussi. On se demande vraiment dans les médias si nous ne serons pas la prochaine victime. Nous avons certainement l'intention et le désir de demeurer une organisation indépendante, qui n'appartient pas à une banque.

Se trouverait-il quelqu'un pour faire une offre à une société ouverte à grand nombre d'actionnaires? Je ne le sais pas. Il n'y a pas beaucoup d'exemples. Cela ne se passe pas tout à fait comme dans une organisation industrielle, parce qu'il faut obtenir l'appui des gens dans ce type de transaction. Mais il est certain que les rumeurs circulent, même si je n'ai jamais reçu de proposition ni d'offre directe à cet égard. Alors, cela reste à voir, mais les rumeurs circulent.

Quant à votre première question, je ne vois pas trop vous voulez en venir. Si vous voulez savoir si les entreprises étrangères présentes chez nous concurrencent les banques et les institutions de prêt dans l'industrie, ma seule réponse serait qu'il s'agit d'un niveau de concurrence sur lequel on ne peut pas nécessairement compter. Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir, mais quand on examine le passé, certaines grandes institutions financières - Merryll Lynch, Prudential Baches, Dean Witters - sont entrées sur le marché et en sont ressorties. Je peux donner d'autres exemples d'organisations qui entrent sur notre marché. Lorsque l'activité sur le marché diminue, elles s'en vont. Alors, on ne peut pas compter sur elles à long terme.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bélisle. Enfin, monsieur Silye.

[Français]

M. Silye (Calgary-Centre): Merci, monsieur le président.

Je crois que la concurrence est la meilleure garantie pour les clients: je suis d'accord avec ce principe. Il faut prendre soin que le supermarché de la finance ne devienne pas un monopole. Étant issu de l'industrie du pétrole et du gaz de l'Alberta, je sais qu'il y a eu une évolution au sein des grandes pétrolières. Quand je suis arrivé dans les années 70, elles avaient de petites installations - installations de forage sismique, équipes géophysiques, équipes sismiques - puis, elles ont décidé de tout centraliser. Pourquoi payer des entreprises indépendantes? Elles ont consolidé toutes les activités. Mais elles ont grossi et sont devenues inefficientes. Maintenant, elles retournent à la décentralisation. Chacun fait sa petite affaire.

Ce qui m'inquiète au sujet des ventes liées c'est le fait qu'on négocie toujours dans le secteur financier, vous le savez bien. On devrait toujours encourager les gens à faire affaire avec telle institution ou telle entreprise, avec celui qui permet de conclure la meilleure affaire. Vous vous faites concurrence entre vous. Dans quelle mesure les ventes liées sont-elles répandues dans votre industrie, puisque vous pensez et croyez pouvoir démontrer que des REER sont transférés aux banques qui possèdent des maisons de courtage, parce que c'est une condition en plus des conditions de financement, des critères d'admissibilité et des garanties fournies pour obtenir un prêt? Sinon, il n'y a pas de problème de ventes liées. Il s'agit de services croisés, ce qui me paraît avantageux pour les consommateurs.

.1035

Pouvez-vous prouver que les prêts sont conditionnels au transfert de certains actifs, même si ce n'est pas une condition pour obtenir un prêt hypothécaire, par exemple? Ainsi, vos revenus sont assez élevés, vous avez un bon emploi, le montant du prêt est acceptable, puis on vous dit: «Au fait, nous ne vous accorderons le prêt que si vous...». Je pense que ce serait mauvais. Je ne crois pas que cela servirait les intérêts des consommateurs. Mais autrement, si c'est une condition du financement, c'est d'accord.

Quelles preuves avez-vous? Si vous le savez, quelle est la valeur approximative des pertes liées à ces activités? Pourquoi avez-vous besoin de cette modification de la loi?

M. Schultz: Premièrement, en ce qui concerne les preuves, j'ai dans mes dossiers de nombreuses lettres de clients, qui m'ont écrit directement ou qui ont écrit à leur conseiller financier pour déclarer qu'ils sont satisfaits des services que nous leur avons fournis et qu'ils aimeraient continuer de faire affaire avec nous mais qu'ils doivent transférer leur compte afin d'obtenir du financement. Il y a un certain nombre de ces lettres en dossier.

M. Silye: Mais ce n'est pas un critère du financement?

M. Schultz: À en juger par la correspondance dont je dispose à ce sujet, oui, absolument. Je n'ai pas nécessairement parlé directement à ces gens moi-même, mais...

Il y a de nombreux cas de ce genre. Quant à la valeur des pertes, elle est très difficile à mesurer. Nous ne savons pas combien de gens partent sans rien nous dire. Ils transfèrent tout simplement leur portefeuille. Ce que nous avons ce sont des exemples de personnes qui nous ont déclaré ne pas vouloir partir mais ne pas avoir le choix. Je suis convaincu qu'il y a une foule d'autres cas du genre dont nous ne sommes même pas au courant. Voilà pourquoi cela arrive... C'est très difficile à mesurer. Chez les sociétés, ce peut être très important. Vous n'arriverez pas à convaincre les prêteurs de l'avouer publiquement, mais j'ai de nombreux exemples. Je suis certain que Claude en a lui aussi.

M. Bédard: Si je peux intervenir, pour faire une analogie. Chez ceux qui sont présents ici aujourd'hui, et chez ceux que nous représentons en venant ici, quand nous trouvons un nouveau client, nous avons vraiment travaillé pour le trouver. Nous voulons qu'il devienne un de nos clients et nous utilisons nos meilleures ressources pour le convaincre de recourir à nos services. Qu'il s'agisse d'un particulier ou d'une société, nous ne ménageons aucun effort et nous nous faisons concurrence entre nous.

Il ne devrait pas être possible de compter simplement sur une relation bancaire et de supposer qu'on peut trouver de nouveaux clients facilement sans travailler pour qu'ils viennent à soi. Je pense que c'est un principe que nous pouvons tous comprendre et accepter et, dans la mesure où les banques se servent de leur pouvoir d'octroi de crédit pour forcer une société à faire affaire avec ses courtiers en valeurs mobilières, ce n'est pas bien. C'est ce que nous essayons de faire valoir aujourd'hui.

M. Silye: Alléguez-vous que cela se fait ou en avez-vous la preuve? Vous demandez au législateur d'adopter une loi et nous ne savons même pas quelles sommes sont en cause.

M. Schultz: Je répondrai à cette question. J'ai déclaré il y a un moment que les gens ne sont évidemment pas prêts à déclarer publiquement que cela leur est arrivé parce que...

M. Silye: La banque risque d'annuler leurs prêts, n'est-ce pas?

M. Schultz: Oui, mais si vous désignez un ou deux membres de votre comité pour qu'ils les rencontrent sans donner de nom, à titre confidentiel, c'est possible.

En ce qui concerne l'ampleur du problème, je dirais que, tous les trois - nous étions quatre au début - , nous nous penchons sur cette question depuis plus d'un an maintenant et nous n'y consacrerions pas autant de temps si c'était une peccadille. Selon nos estimations, nous pensons que c'est extrêmement important pour nos activités et, si nous étions convaincus du contraire, je ne crois pas que nous aurions dépensé autant de temps et d'énergie.

Le président: Merci, monsieur Silye.

[Français]

À la suite de la question posée par M. Bélisle, je constate que d'ici dix ans, nous nous retrouverons avec peu de courtiers indépendants canadiens.

[Traduction]

Une question épineuse qui est ressortie des propos d'aujourd'hui est la façon dont les banques traitent les petites entreprises. J'ai fait valoir aux banques par le passé qu'un prêt de 50 000 $ ou de 100 000 $ à une petite entreprise n'est pas rentable pour la banque. Il y a des frais élevés pour mettre en place le prêt et le surveiller. Mais les banques affirment vouloir accorder des prêts à la petite entreprise parce qu'elles peuvent lui offrir d'autres services bancaires, comme les REER et les prêts hypothécaires. Les ventes croisées présentent donc un énorme avantage économique et les questions ont révélé qu'elles peuvent rapidement devenir des ventes liées.

.1040

J'aimerais que vous m'expliquiez plus tard - peut-être vous, monsieur Waisberg et pas ici - pourquoi nous ne voudrions pas prévoir des recours civils. Je sais que ce n'est pas nécessairement la façon de procéder en droit de la concurrence.

Mais en ce qui concerne votre demande que nous stipulions explicitement dans la Loi sur les banques que les ventes liées constituent une infraction, même si je ne me prononcerai pas avant d'avoir entendu la version des banques, je pense que vos arguments d'aujourd'hui sont très convaincants.

Au nom de tous les membres, je vous remercie de cet important témoignage de la part d'un élément de plus en plus petit mais toujours important, je crois, de ce qui reste des quatre piliers et qui pourra grandement contribuer à l'avenir à stimuler l'esprit d'entreprise des Canadiens. Merci beaucoup.

Nous ferons une pause de cinq minutes.

.1042

.1047

[Français]

Le président: Nous recommençons.

[Traduction]

Nos prochains témoins représentent l'Association canadienne de l'immeuble. Il s'agit de Pierre Beauchamp, chef de la direction; Shirley Taylor, gérante, Affaires extérieures, et Martin Laplante, consultant, RES Policy Research.

[Français]

Vous êtes les bienvenus et nous attendons impatiemment votre présentation. Monsieur Beauchamp.

M. Pierre Beauchamp (chef de la direction, Association canadienne de l'immeuble): Merci beaucoup, monsieur le président. Comme vous avez déjà présenté mes acolytes, je débuterai immédiatement.

[Traduction]

L'Association canadienne de l'immeuble possède la marque de commerce «Multiple Listing Service», un système coopératif d'inscriptions multiples des propriétés à vendre au Canada. Ce système, comme beaucoup d'entre vous le savent, est mieux connu sous le nom de MLS.

En 1995, le MLS a permis de vendre plus de 250 000 propriétés, d'une valeur de 38 milliards de dollars. Les gens qui ont permis ces opérations sont les courtiers - les membres de notre association - qui exercent leur métier au sein de 115 bureaux d'immeuble locaux. Il y a actuellement environ 70 000 membres au Canada.

Je donne ces chiffres en guise d'introduction, simplement pour faire ressortir que nos membres sont liés de très près à une foule d'acheteurs et d'opérations immobilières tous les jours. Ils connaissent le financement hypothécaire sous toutes ses coutures. Ils sont en mesure de savoir s'il y a des difficultés et les acheteurs éventuels font souvent appel à leurs services pour trouver le financement nécessaire à l'achat d'une maison. Ils entendent constamment les points de vue des consommateurs et des institutions financières. Leur expérience leur permet de tirer deux conclusions. Premièrement, le consommateur reçoit généralement un bon service du marché des prêts hypothécaires. Deuxièmement, le consommateur est mal servi par une Loi fédérale sur l'intérêt désuète.

Notre association appuie des modifications à la Loi sur l'intérêt depuis 1984, lorsque le gouvernement Trudeau a déposé des modifications qui sont mortes au Feuilleton par suite du déclenchement des élections générales. Roy MacLaren, alors ministre d'État aux finances, avait déposé le projet de loi et déclaré à cette occasion que l'expérience des propriétaires au cours des dernières années laissait croire que des mesures législatives s'imposaient d'urgence. Il déclarait dans un communiqué:

La proposition de 1984 aurait prévu le droit de rembourser le prêt par anticipation ainsi qu'une pénalité maximale déterminée par le prêteur. Malheureusement, le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque des élections fédérales ont été déclenchées. Mais ce n'était pas la première fois qu'un gouvernement fédéral se penchait sur ces questions.

.1050

En 1976, le gouvernement avait déposé d'autres modifications. Tony Abbott, alors ministre de la Consommation et des Corporations, avait déclaré, et je cite:

Au fil des années, aucune modification législative n'a été apportée, mais le problème persiste toujours. L'an dernier, nous nous sommes demandés si, en tant qu'association, nous devions continuer à le soulever. Par l'entremise de nos bureaux d'immeuble, nous avons demandé aux membres d'indiquer l'importance des modifications à la Loi sur l'intérêt et de nous faire profiter de leur expérience.

Leur réaction nous a étonnés. L'an dernier et cette année encore, nos membres ont placé cette question en tête de celles que nous devions soulever dans nos rencontres avec les députés. Ils nous ont aussi fait profiter de leur vaste expérience concernant le droit de remboursement par anticipation, le coût de tels remboursements, l'information à communiquer et d'autres questions connexes.

Dix-neuf ans après que M. Abbott a déclaré que les pénalités étaient souvent excessives, nos membres nous ont donné de nombreux exemples de pénalités excessives. Les courtiers considèrent l'impossibilité de rembourser un prêt hypothécaire par anticipation et les pénalités en cas de paiement hâtif comme les principaux problèmes, et de loin. Il est devenu évident pour nous qu'après s'être préoccupé de la situation dans les années 70, puis de nouveau dans les années 80, le gouvernement fait maintenant la sourde oreille. Mais le problème demeure bien réel pour les consommateurs canadiens.

Les courtiers ont signalé que des clients se sont fait refuser carrément le droit de rembourser un prêt hypothécaire avant terme. D'autres ont pu le faire, mais à condition de verser diverses pénalités. Certains se sont fait offrir de payer trois mois d'intérêt ou le différentiel de taux d'intérêt, selon le plus élevé des deux montants. D'autres n'ont pas eu d'autre choix que de payer le différentiel de taux d'intérêt, qui représentait quelques milliers de dollars de plus que trois mois d'intérêt.

Nous avons commandé auprès d'un expert un sondage sur les politiques de six institutions financières, telles qu'elles étaient présentées aux consommateurs. Nous avons remis au comité des exemplaires des résultats de ce sondage.

Nous avons pris un exemple identique pour toutes les institutions, dans des succursales locales d'Ottawa. Nous avons pris l'exemple d'un prêt hypothécaire de 100 000 $ consenti pour cinq ans et assorti d'une période d'amortissement de 25 ans qui serait remboursé par anticipation après deux ans, sans qu'il y ait vente de la maison ni transfert du prêt. Nous avons constaté que toutes les institutions financières calculaient différemment la pénalité, établie en fonction du différentiel de taux d'intérêt.

Avant que les membres du comité ne tirent la conclusion que le marché fonctionne donc comme il le devrait, permettez-moi de souligner que ces différences ne témoignaient pas d'une concurrence saine et ouverte entre la banque A et la banque B, par exemple. La méthode de calcul de la pénalité n'était pas définie dans les contrats hypothécaires, et elle ne l'est certainement pas dans la loi. Dans certains cas, elle est cachée dans les ordinateurs, de sorte que les employés de banque locaux ne peuvent pas la donner.

Les méthodes de calcul différentes représentaient un écart de plus de 1 000 $ entre la pénalité la plus basse et la plus élevée, alors qu'on était censé utiliser la même méthode. Cela constitue un coût caché pour le consommateur.

Au départ, nous avons été critiqués par l'Association des banquiers canadiens, qui nous a reproché de ne pas être allés aux sièges sociaux pour obtenir l'information dont nous avions besoin, mais justement, nous nous sommes mis délibérément à la place du consommateur et, comme vous le savez, le consommateur va dans une succursale du quartier, pas au siège social à Toronto.

Nous soutenons que le droit de rembourser un prêt par anticipation devrait être inscrit dans la loi, tout comme une méthode standard pour le calcul des pénalités.

Au début, nos membres ont proposé d'appliquer à tous les prêts hypothécaires la pénalité de trois mois d'intérêt prévue pour certains prêts hypothécaires accordés en vertu de la Loi nationale sur l'habitation. Les discussions avec l'Association canadienne des banquiers il y a un an nous ont convaincus que ses membres n'accepteraient pas une telle pénalité, sous prétexte que l'indemnisation ne serait pas suffisante. Mais l'ABC a indiqué qu'elle appuierait le différentiel de taux d'intérêt. Nous avons alors tenté de concevoir une proposition qui serait juste pour le prêteur et pour l'emprunteur.

Comme le démontre notre sondage, il y a de nombreuses façons de calculer le DTI et nous croyons qu'il s'agit de la principale pomme de discorde. Notre étude démontre qu'il y a une méthode de calcul juste pour le prêteur et pour l'emprunteur. C'est celle du différentiel de taux d'intérêt déterminé à l'aide de la valeur actuelle nette et fondé sur une suite de paiements permettant à l'emprunteur de se prévaloir de toutes les options de remboursement offertes par le prêteur. Il s'agit habituellement d'un remboursement de 10 à 20 p. 100 la troisième année.

.1055

Selon ce DTI, soit dit en passant, l'institution obtient le même rendement que si le prêt hypothécaire était resté en vigueur jusqu'à son échéance. Je souligne également que notre proposition n'avantage pas les spéculateurs.

Lorsque le comité sénatorial des banques a examiné brièvement cette question cet été, quelqu'un a soutenu qu'un emprunteur ne souhaite rembourser un prêt hypothécaire par anticipation que lorsque les taux d'intérêt diminuent. C'est évidemment une raison fréquente de chercher à effectuer un remboursement anticipé. Le consommateur voit que les forces du marché jouent en sa faveur et veut refinancer ses dettes. Mais il y a d'autres motifs, et ils s'appliquent peu importe l'évolution des taux d'intérêt. Ils comprennent un décès, une séparation, la perte d'un emploi et un déménagement pour motif professionnel. Je soutiens qu'une politique publique est une mauvaise politique si elle ne tient pas compte de ces réalités de la vie au Canada dans les années 90.

Nous ne demandons pas non plus une microgestion des institutions financières. J'ai déclaré d'entrée de jeu que le marché fonctionne bien. Il existe toutes sortes de produits hypothécaires sur le marché, comme vous le savez bien. Mais le marché est public. Les modalités sont du domaine public. Le consommateur peut les en prendre connaissance et porter des jugements. Les institutions financières offrent une foule d'options de remboursement par anticipation et de mesures incitatives pour trouver de nouveaux clients sur le marché hypothécaire. Elles ne donnent pas le droit de rembourser le prêt par anticipation et ne mettent pas l'accent sur les pénalités en cas de remboursement par anticipation dans leur cadre concurrentiel.

Au moment de négocier un prêt hypothécaire, les consommateurs sont de bonne foi et comptent rembourser le prêt jusqu'à l'échéance. Avant de signer le contrat, le consommateur moyen ne pose pas trop de questions sur les façons de le résilier. Mais les circonstances changent et il arrive que des contrats doivent être résiliés. Notre méthode permet une indemnisation juste et complète pour le prêteur. Pourquoi les prêteurs devraient-ils imposer une pénalité supérieure à ce qu'ils auraient obtenu si le contrat était resté en vigueur? Rembourser un prêt hypothécaire n'est pas une question de concurrence, c'est une question d'équité.

Dans ces conditions, les prêteurs peuvent difficilement prétendre qu'une méthode uniforme de calcul des pénalités en cas de remboursement par anticipation fausse le jeu de la concurrence. Le gouvernement peut difficilement prétendre que, dans l'intérêt de la politique publique, il doit laisser les consommateurs à la merci des prêteurs.

Nous ne demandons pas l'imposition d'un nouveau régime réglementaire. Nous demandons une réforme du régime existant, qui ne convient pas à la situation, qui prévoit une pénalité en cas de remboursement par anticipation pour les prêts hypothécaires de plus de cinq ans, mais pas pour ceux dont l'échéance est plus courte.

Nous exhortons le comité à appuyer des modifications à la Loi sur l'intérêt durant la présente législature afin de donner aux Canadiens le droit de rembourser un prêt hypothécaire par anticipation. Nous vous demandons aussi d'appuyer une méthode uniformisée de calcul des pénalités. Le droit de rembourser un prêt par anticipation sans mécanisme de remboursement n'est pas un droit.

J'ai choisi délibérément de m'attarder à ces deux problèmes, auxquels nous attachons la plus haute importance. Nos membres ont aussi présenté des arguments convaincants pour justifier deux autres modifications. La première libérait le premier emprunteur de son engagement personnel une fois approuvé par le prêteur un autre emprunteur prêt à assumer le prêt hypothécaire. Ainsi, monsieur le président, si vous me vendiez votre maison et que j'assumais votre prêt hypothécaire, les dispositions actuelles vous tiendraient encore responsable si je ne faisais pas mes paiements.

Une autre modification permettrait de composer de manière uniforme les taux d'intérêt annuellement. Les consommateurs sont parfois trompés quand on leur indique un taux sans préciser que les intérêts sont composés tous les six mois. Il en résulte un taux d'intérêt effectif plus élevé.

Nous avons déjà fait des suggestions pour améliorer les obligations de communiquer l'information dans les contrats hypothécaires: employer un langage simple et concis, que peuvent normalement comprendre les Canadiens. Nous sommes heureux de constater dans le document de travail que le gouvernement reconnaît lui aussi la nécessité d'une plus grande clarté. Nous exhortons le comité à appuyer la modification de toutes les lois pertinentes pour atteindre cet objectif.

Nous serons ravis de discuter davantage de ces questions avec vous et de répondre à vos questions. Merci.

Le président: Merci, monsieur Beauchamp.

.1100

Les recommandations relatives aux modifications de la Loi sur l'intérêt contenues dans le rapport que nous avons présenté avant le dépôt du budget l'an dernier vous satisfaisaient-elles? Sinon, quels changements proposez-vous?

M. Beauchamp: Ce qui revêt la plus haute importance pour nous, dans l'esprit de notre témoignage d'aujourd'hui, c'est que le droit de rembourser un prêt hypothécaire par anticipation soit inscrit dans la loi.

Le président: En quoi notre rapport de l'an dernier n'apporte- t-il pas une solution à ce problème?

M. Beauchamp: Si je comprends bien, personne n'a encore énoncé de proposition précise et il n'y a pas de consensus pour que l'on procède de cette façon. Si vous pensez qu'il faut procéder ainsi, nous en sommes très heureux.

Le président: Non. Je vous interroge sur le rapport que notre comité a présenté l'an dernier avant le dépôt du budget, au sujet des modifications à la Loi sur l'intérêt. Avez-vous des objections à la recommandation, telle qu'elle est formulée?

M. Beauchamp: Non. Nous nous sommes réjouis de votre appui.

Le président: D'accord. Merci.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Loubier: Combien de membres représentez-vous, monsieur Beauchamp?

M. Beauchamp: Soixante-dix mille.

M. Loubier: Sont-ils pour la plupart des gens qui gagnent leur vie avec les transactions immobilières?

M. Beauchamp: Ce sont des agents et des courtiers en immeubles partout au pays répartis dans quelque 115 chambres immobilières.

M. Loubier: Vous parliez des pénalités imposées lors de remboursements anticipés de prêts hypothécaires. Pouvez-vous nous donner une petite idée de ce que peuvent représenter ces pénalités par rapport à la valeur d'une maison?

Vous parliez plus tôt de la valeur d'une maison de 100 000 $, mais vous parliez uniquement des DTI, des différentiels de taux d'intérêt, qui pouvaient atteindre 1 000 $ selon les différentes méthodes de calcul employées.

M. Beauchamp: Je demanderai à M. Laplante de vous fournir des précisions.

M. Loubier: Parfait.

M. Martin Laplante (consultant, RES Policy Research Inc., Association canadienne de l'immeuble): Les frais varient beaucoup selon la fluctuation des taux d'intérêt. Dans un cas où les taux d'intérêt auraient chuté de 2 p. 100, nous aurions des frais de l'ordre de 5 000 $ ou 6 000 $. Une plus grande fluctuation de taux d'intérêt se traduirait par un montant plus élevé. Le montant minimum demandé serait d'environ 2 400 $ dans le cas où les taux d'intérêt auraient augmenté.

M. Loubier: Vous disiez plus tôt vouloir continuer à imposer des pénalités puisqu'elles sont comme un fait normal, mais que vous souhaiteriez que la méthode de calcul soit uniforme. Vous avez présenté une méthode qui faisait appel à la valeur actuelle nette assortie d'un calendrier de paiements. Même si la méthode est uniforme et même si on se base sur une méthode comme la valeur actuelle, il reste que c'est toujours aux banques de faire les estimations de la valeur future d'un immeuble et de la ramener en valeur actuelle. Vous êtes donc encore assujettis à une certaine subjectivité des institutions bancaires, même en présence de cette uniformité.

M. Beauchamp: Notre point de départ est qu'il n'existe actuellement ni norme ni ligne de conduite à ce sujet. Grâce à la formule que nous vous proposons, nous établirions une méthode uniforme dès le début.

Vous me demandez si nous en arriverons exactement au même résultat dans tous les cas. Probablement pas. Les fluctuations seront toutefois tellement minimes que d'après moi et d'après l'Association canadienne de l'immeuble, nous aurons bien progressé par rapport à la situation actuelle, où il n'y a absolument aucune ligne de conduite.

M. Loubier: Savez-vous si parmi les institutions bancaires d'autres pays, aux États-Unis ou en Europe, la pratique courante est d'avoir une uniformité au niveau des pénalités de remboursement anticipé?

M. Beauchamp: Je ne saurais répondre à votre question.

M. Laplante: La réglementation est très différente aux États-Unis et, en général, on peut rembourser un prêt hypothécaire sans pénalité. Il y a toutefois des frais supplémentaires au début du prêt.

M. Loubier: Il n'y a pas de pénalité, mais des frais sont ajoutés. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Monsieur Solberg, s'il vous plaît.

M. Solberg: J'ai quelques questions, monsieur le président. Premièrement, si vous uniformisez la pénalité, ne deviendra-t-elle pas un plafond, la pénalité maximale?

Autrement dit, aucune banque ne sera incitée à trouver une meilleure solution. Si la pénalité devient identique pour toutes les banques, alors il n'y aurait pas de concurrence pour abaisser les pénalités et donner un répit au consommateur, n'est-ce pas?

.1105

M. Beauchamp: Je pense avoir indiqué dans ma déclaration que nous avons reconnu, tout comme vous j'en suis convaincu, qu'il existe déjà une forte concurrence sur ce créneau. Ce que nous voulons, c'est nous assurer que le consommateur a le droit de rembourser son prêt par anticipation selon plusieurs modalités, ce qui n'est pas le cas actuellement. Pour y parvenir, nous proposons de recourir à la législation pour se doter des bons outils, soit le mécanisme par lequel le DTI repose sur la valeur actuelle nette.

Nous ne croyons pas que cette mesure aurait pour conséquence immédiate l'élimination de tous les avantages de la concurrence. De fait, comme vous le savez bien, les banques et les institutions financières présentes sur ce marché ont toutes sortes d'outils de commercialisation, depuis les taux d'intérêt et les taux réels qu'elles exigent, jusqu'aux caractéristiques supplémentaires qui font partie de la commercialisation de leurs services. Nous essayons simplement de niveler les règles du jeu et de fournir au consommateur l'information dont il a besoin lorsqu'il contracte un prêt hypothécaire et qu'il n'a pas actuellement.

M. Solberg: Si je me souviens bien, je pense que les banques offrent de définir de manière beaucoup plus explicite les modalités du prêt dans une espèce de mécanisme d'autoréglementation qu'elles proposeraient en guise de solution de rechange. Qu'en pensez-vous? En avez-vous discuté avec elles?

M. Beauchamp: Je reviens au fait que ce qui nous paraît crucial c'est d'inscrire dans la loi la possibilité pour le consommateur de rembourser son prêt par anticipation. Je pense - et après avoir rencontré les représentants de l'Association des banquiers canadiens, je conviens - qu'ils sont sincères. Par ailleurs, je pense qu'il serait très utile pour le consommateur de comprendre lui aussi les lignes directrices qui régissent les modalités de son prêt. Légiférer à ce sujet et prévoir la méthode du DTI fondée sur la valeur actuelle nette est la meilleure façon d'y parvenir.

Le président: Merci, monsieur Solberg.

Madame Whelan, s'il vous plaît.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Vous recommandez l'uniformisation des mécanismes relatifs à la pénalité, pas l'uniformisation générale des taux, alors il y aura toujours des différences d'une institution à l'autre, n'est-ce pas? Est-ce ce que vous recommandez?

M. Beauchamp: Nous ne demandons pas l'uniformisation des taux, que ce soit bien clair entre nous. Nous ne recommandons pas du tout l'uniformisation des taux. Tout ce que nous proposons, c'est de prévoir dans la loi une méthode de remboursement par anticipation qui indiquera un plafond. Il n'est pas question des taux. Nous ne nous préoccupons pas de la concurrence actuelle, que nous croyons très saine et qui sert très bien les Canadiens. Je pense que nous sommes le complément des banques et du travail qu'elles ont effectué dans ce domaine. Nous ne faisons que concentrer toute notre attention sur les pénalités qui sont imposées en cas de remboursement par anticipation.

Mme Whelan: Quand vous parlez de l'uniformisation de la pénalité, songez-vous aussi à l'information sur le montant de cette pénalité ou plutôt d'un exemple qui serait donné au consommateur lorsqu'il contracte un prêt hypothécaire?

M. Beauchamp: Nous espérons qu'avec la recommandation supplémentaire, que vous avez déjà appuyée si j'ai bien compris, le libellé du contrat hypothécaire serait très clair, serait exprimé simplement et énoncerait les modalités du prêt, notamment les modalités du remboursement par anticipation si l'emprunteur veut se prévaloir de cette possibilité.

Le grand avantage que présente le DTI, selon nous, est qu'il permet de parvenir à l'équité que nous recherchons pour le consommateur et pour la banque, parce que le prêteur doit être indemnisé. Nous en sommes conscients. Nous pensons que la méthode de calcul du DTI que nous vous avons proposée est la meilleure façon d'y parvenir.

Mme Whelan: J'ai lu votre mémoire avec intérêt. Je n'ai pas compris comment toutes les banques ont pu arriver à un montant différent à partir d'un même taux. Cela ne me paraissait pas très logique.

Le président: Madame Brushett.

Mme Brushett: En ce qui concerne le remboursement annuel du principal, est-il normal de permettre un remboursement de 10 p. 100 ou est-ce un renseignement qui serait communiqué lui aussi dans le contrat hypothécaire simplifié que vous proposez?

.1110

M. Laplante: Il n'existe pas de réglementation à ce sujet, que je sache. C'est une caractéristique purement compétitive offerte par certains prêteurs. D'autres prêteurs offrent des conditions différentes.

M. Beauchamp: Nous avons pris 10 p. 100 pour donner un exemple.

Le président: Madame Chamberlain.

Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Merci.

Le Parti réformiste a fait plusieurs allusions à la concurrence. Évidemment, la concurrence est très importante pour le consommateur, mais vous avez aussi parlé d'«équité» dans votre témoignage d'aujourd'hui. Je l'ai noté parce que je pense que c'est un élément très important de la concurrence. Il faut aussi tenir compte de l'équité.

Puisque la préoccupation actuelle du troisième parti semble être la concurrence, donnez-moi votre opinion sur la façon dont un remboursement par anticipé d'un prêt de cinq ans ou moins, s'il était légiféré, influencerait la concurrence. À votre avis, cela nuirait-il à la concurrence?

Pour aller un peu plus loin, en ce qui concerne les conclusions du Sénat, il y a le fait que, la seule raison pour laquelle on peut vouloir rembourser un prêt par anticipation, c'est la fluctuation des taux d'intérêt. Je ne suis pas d'accord moi non plus. Je pense que les quelques raisons que vous avez invoquées, notamment la séparation et la perte d'un emploi, sont des facteurs très réels dans le monde contemporain qui rendraient un mécanisme légiféré très adapté aux circonstances actuelles. Je pense que cela stimulerait aussi le marché du logement et tout ce qui est lié à ce marché, notamment la construction, la rénovation et tout ce qui s'ensuit.

M. Beauchamp: Je pense que ma réponse ne sera pas différente de celle que j'ai donnée à votre collègue un peu plus tôt. Le but visé n'est pas d'éliminer la concurrence ni de l'attaquer. Nous ne pensons pas qu'il y aura des conséquences sur la capacité des institutions financières de se faire concurrence entre elles, notamment en fonction du taux d'intérêt réel qu'elles exigent. Nous ne touchons pas à leur commercialisation, aux taux d'intérêt qu'elles exigent, ni à aucun des autres produits à valeur ajoutée qu'elles ont mis en marché et dont elles se servent pour se concurrencer les unes les autres.

Ce que nous essayons simplement de faire c'est établir un système qui, comme vous l'avez déclaré, est juste pour les institutions financières, les prêteurs, ainsi que pour le consommateur. À notre avis, il n'y a donc pas de baisse de la concurrence existant entre elles aujourd'hui par rapport à celle qui existerait dans un système comme celui que nous proposons.

Mme Chamberlain: Merci.

Le président: Merci, madame Chamberlain.

Étant donné que le Livre blanc sur le secteur financier ne mentionne pas expressément la Loi sur l'intérêt, je pense qu'il n'est que juste et raisonnable de donner aux banques la possibilité de comparaître à nouveau devant nous pour qu'elles donnent leur point de vue sur cette question. Elles n'en ont certainement pas parlé dans leur premier témoignage.

Mais je ne vois pas pourquoi nous devrions nous écarter de la recommandation que nous avons faite dans notre rapport présenté avant le dépôt du budget l'an dernier et qui, d'après vous, satisfait l'ACI. Alors je vous remercie beaucoup pour votre témoignage d'aujourd'hui.

Pouvons-nous faire une pause de deux minutes? Merci.

.1114

.1121

Le président: À l'ordre s'il vous plaît. Nous accueillons maintenant l'Association des courtiers d'assurances du Canada, représentée par Rod Jones, président; Rick Frost, président élu; André Bois, du Comité sur les institutions financières; et Joanne Brown, directrice exécutive. Merci d'être venus. Nous avons hâte de vous entendre.

M. Rod R. Jones (président, Association des courtiers d'assurances du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Avant de présenter notre exposé d'aujourd'hui, j'aimerais remercier, au nom de nos courtiers d'assurances indépendants, tous les parlementaires qui maintiennent le statu quo au sujet de la vente au détail des produits d'assurances IARD au Canada.

Mesdames et messieurs, venant tout juste de célébrer son 75e anniversaire à Saint-Sauveur-des-Monts, au Québec, l'Association des courtiers d'assurances du Canada est heureuse de participer à l'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières.

À titre d'association nationale des courtiers d'assurances IARD, nous avons tout intérêt à ce que le secteur des services financiers reste à la fois vigoureux, équitable, viable et concurrentiel.

À notre avis, les modifications de 1992 qui touchaient à notre industrie étaient acceptables. Nous félicitons le gouvernement fédéral pour ses efforts sur ce front. L'ACAC est convaincue que le maintien des restrictions sur la vente au détail des produits d'assurances IARD par l'intermédiaire des succursales des institutions de dépôt est avantageux pour le consommateur.

Nous tenons donc clairement pour acquis que le cadre législatif et réglementaire régissant les opérations d'assurances des institutions de dépôt ne fera pas l'objet d'un examen avant au moins l'année 2002.

Les principes définis dans le document de consultation du gouvernement fédéral répondent de façon pragmatique aux nombreux intérêts contradictoires qui existent dans le secteur des services financiers. Ainsi, ils parviennent à un bon équilibre entre la nécessité de promouvoir une saine concurrence et celle d'accroître la protection du consommateur.

Les courtiers partagent le point de vue du gouvernement fédéral sur le fait que le cadre législatif mis en place en 1992 fonctionne généralement bien, mais que certaines dispositions doivent être modifiées.

Grâce à ses propositions d'intervention précises, le document de consultation du gouvernement fédéral contribuera à la réalisation de cet objectif. L'ACAC appuie donc la démarche du gouvernement fédéral et appuie un grand nombre des principes énoncés dans le document de consultation.

Contrairement à d'autres membres du secteur des services financiers, nos préoccupations sont très particulières. Toutes les propositions contenues dans le document de consultation ne s'appliquent dont pas à notre industrie. En conséquence, l'ACAC présente un mémoire portant sur certaines questions relatives à la politique et au consommateur abordées dans le document de consultation. Notre mémoire décrit aussi les préoccupations que nous causent certaines dispositions des lois et de la réglementation dont l'application pourrait toujours être difficile, selon nous.

Vous remarquerez que nous faisons des suggestions et recommandons des améliorations sur lesquelles le comité pourra se pencher. Nous aimerions maintenant vous en décrire quelques-unes.

Le principal objectif du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers devrait être l'établissement d'une nouvelle orientation du secteur des services financiers canadien. Son travail devrait préfigurer l'examen de 2002 et ne devrait pas être un réexamen à mi-parcours de décisions claires prises par le gouvernement fédéral.

Le groupe de travail devrait donner le signal du départ à l'élaboration d'un cadre stratégique indispensable à l'intention du secteur des services financiers, pourvu qu'il n'exclue aucun participant, comme c'est déjà arrivé dans le passé.

En plus d'élaborer un cadre stratégique solide, il faudrait entreprendre un examen approfondi de la concentration des entreprises dans le secteur des services financiers et de ses effets sur la concurrence. Cette préoccupation est revenue sans cesse au cours de l'examen précédent et revient encore au cours de l'examen actuel.

.1125

Au début de 1995, l'ACAC a recommandé au gouvernement fédéral d'entreprendre un examen approfondi de cette question. Nous croyions alors qu'une telle étude garantirait que les décisions stratégiques futures veilleraient aux intérêts de toutes les parties visées, en particulier le consommateur canadien. Aucun événement nouveau n'incite l'ACAC à modifier sa position. Nous pensons que le groupe de travail peut examiner davantage la question de la concentration des entreprises dans le secteur des services financiers. Il faut approfondir la question de la protection des renseignements personnels et celle des ventes liées avant de pouvoir prendre de nouvelles mesures importantes dans ces domaines. À notre avis, les atteintes à la vie privée et les ventes liées ont un rapport étroit et ne peuvent donc être traitées séparément.

En outre, malgré toutes les bonnes intentions, il est impossible de régir les perceptions des gens. La situation dans le secteur des services financiers est unique en son genre et ce fait devrait être reconnu dans l'élaboration des lois et règlements futurs. Comme nous l'avons déjà déclaré, l'abus de l'accès aux renseignements personnels n'est qu'un aspect du problème; la définition exacte de la protection des renseignements personnels est une question beaucoup plus fondamentale. C'est un sujet qui préoccupe de plus en plus les Canadiens. Pour cette raison, l'ACAC recommande que l'on confie au Parlement ou à un groupe d'étude le mandat d'examiner de façon plus approfondie la question de la protection des renseignements personnels et des ventes liées, déguisées ou non, ainsi que ses effets sur les consommateurs et sur le secteur des services financiers.

Les propositions contenues dans le document de consultation constituent des démarches prometteuses vers la résolution du problème de la protection des renseignements personnels et des ventes liées, et nous attendons avec grand intérêt la réglementation détaillée.

À ce sujet, nous donnons le conseil suivant au gouvernement. Pour assurer la protection complète des renseignements personnels, nous recommandons que la nouvelle réglementation contienne une disposition interdisant toute forme de service par défaut. Elle devrait également préciser que les intéressés doivent autoriser en bonne et due forme l'échange de renseignements personnels et indiquer exactement ceux dont ils permettent la communication. Nous sommes évidemment d'avis que tout consentement général est inacceptable et que la réglementation devrait clairement le préciser.

Quant à nous, nous collaborons étroitement avec le Bureau d'assurance du Canada afin d'adapter un code de conduite qui englobe le code de l'Association canadienne des normes sur la protection des renseignements personnels.

En ce qui concerne les chevauchements et les dédoublements, l'ACAC propose que l'on prenne des mesures pour harmoniser davantage les lois et les règlements provinciaux et fédéraux sur l'assurance, afin que tous les distributeurs d'assurances soient régis par les mêmes lois et les mêmes normes de formation. Nous recommandons plus précisément la création d'un groupe de travail sur l'harmonisation dans le secteur de l'assurance. Ce groupe de travail mixte réunissant des représentants des gouvernements et de l'industrie ferait des recommandations aux ministres fédéraux et provinciaux responsables du secteur financier. Nous avons de l'expérience dans ce domaine et nous serions heureux d'aider nos gouvernements.

Nous vous faisons quelques propositions de nature technique. Il importe de souligner que la souscription d'assurances n'est qu'un des nombreux services fournis par les courtiers d'assurances. Ainsi, nous intervenons sans cesse au nom des clients pour régler les sinistres. D'autres fonctions comprennent l'évaluation du risque, l'évaluation de la protection, le choix du marché, le service après vente et la conception de produits.

C'est pourquoi nous estimons que le libellé de l'article 416 de la Loi sur les banques devrait être modifié pour traduire l'esprit de la politique du gouvernement fédéral interdisant aux institutions financières d'exercer des activités réservées aux intermédiaires d'assurances. Notre mémoire contient des exemples précis de moyens d'y parvenir.

Les lois et les règlements devraient aussi établir une distinction entre les activités de promotion et les activités de nature consultatives. Dans sa forme actuelle, l'interdiction de fournir un conseil recommandant un client à une compagnie d'assurance peut être contournée en qualifiant le conseil de «promotion» au bénéfice de la compagnie d'assurance. Il est donc très difficile de juger s'il y a eu infraction. C'est pourquoi nous recommandons que la définition du terme «promotion» soit révisée de façon à ce que cette activité soit limitée à la publicité et non à diverses promotions tel que le permet la réglementation actuelle. Nous recommandons également que l'on définisse le terme «sollicitation».

Une fois de plus, notre mémoire présente des suggestions concrètes à ce sujet. Comme nous l'avons déjà indiqué aux députés, la politique fédérale est claire. Les compagnies d'assurance ne peuvent pas offrir de services de courtage. Cette interdiction doit demeurer. Nous craignons que les institutions de dépôt possèdent des cabinets de courtage indépendants.

En conclusion, l'ACAC appuie l'orientation et un grand nombre des principes du document de consultation du gouvernement fédéral: 1) Le groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens devrait marquer le début de l'élaboration d'un cadre stratégique solide pour le secteur des services financiers. Son mandat devrait être clair et précis. 2) Nous, et tous les intéressés, devrions participer à la formation et aux travaux du groupe de travail afin que ses membres tiennent compte de toutes les facettes du secteur des services financiers, unique en son genre au Canada. 3) Il faudrait examiner en profondeur la question de la concentration des entreprises. 4) Le Parlement ou un groupe d'étude devrait se pencher sur la protection des renseignements personnels et les ventes liées. 5) Certaines modifications législatives et réglementaires mineures s'imposent pour traduire correctement l'esprit de la politique du gouvernement.

.1130

Pour notre part, nous examinerons en profondeur beaucoup de ces questions à d'autres étapes de l'examen, au cours des prochains mois. Entre temps, nous attendons avec impatience les résultats des travaux du groupe de travail.

Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir donné la possibilité d'exprimer nos points de vue. Nous répondrons à toutes vos questions.

Le président: Merci, monsieur Jones.

Monsieur Grubel.

M. Grubel: Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, merci d'être venus.

Je tiens à souligner, aux fins du compte rendu, que vous avez évoqué à plusieurs reprises le processus de consultation qui s'annonce. J'en profite pour réitérer une critique que j'ai formulée dès le premier jour de nos travaux, soit que cet examen aurait dû se faire avant l'examen de 1997 et ne pas être retardé d'un autre deux ans ou reporté après les prochaines élections. Je pense que le gouvernement a agi de manière irresponsable. Les problèmes devraient avoir été réglés. Ils ne changeront pas. Ils seront tout aussi grands dans deux ans que maintenant et ils auraient pu être réglés.

Mais je veux aborder la question sous un autre angle. Vous avez probablement lu les éditoriaux et les articles dans les journaux au sujet d'une étude publiée par l'Institut Fraser sur les milliers de dollars que tous ces règlements coûtent chaque année à une famille canadienne. Je sais que votre travail consiste à proposer des règlements, mais vous êtes-vous jamais demandés si, dans le contexte général, compte tenu de la demande, chaque fois que quelqu'un menace notre créneau bien douillet sur le marché on ne court pas demander un autre règlement au gouvernement? Évidemment, on ne dit jamais qu'on en profitera, on dit toujours que le consommateur en profitera. Mais au bout du compte, tous ces règlements qu'on justifie toujours en disant que le consommateur en profitera représentent 2 000 $ du revenu familial.

Que devrais-je répondre, à votre avis, à ceux qui déclarent que ces gens veulent servir leurs propres intérêts, qu'ils n'agissent pas vraiment dans l'intérêt du consommateur? Existe-t- il, selon vous, des règlements dont nous devrions ou pourrions nous débarrasser afin d'alléger le poids de l'appareil gouvernemental sur notre société libre?

M. Jones: Avec votre permission, je laisserai notre directrice exécutive répondre à votre question.

Mme Joanne C. Brown (directrice exécutive, Association des courtiers d'assurances du Canada): Notre industrie est en grande partie autoréglementée, alors nos clients ne sont pas vraiment touchés et cela n'augmente pas non plus les frais des produits d'assurances IARD. Pour le reste, il faudrait étudier la question et vous en reparler.

M. Grubel: Mais je vous ai entendu dire que vous voulez plus de réglementation. Vous n'avez pas été aussi véhéments que les témoins qui vous ont précédés. Vous voulez seulement d'autres études pour que nous ayons les bons règlements protégeant les consommateurs contre les ventes liées et tout le reste. Affirmez- vous que vous ne voulez pas de ces règlements, ou voulez-vous qu'on en impose davantage aux pauvres du Canada?

Mme Brown: Nous aimerions que, lorsque des règlements sont pris ou modifiés - qu'il s'agisse de règlements existants ou de nouveaux règlements - , tout le monde sache vraiment ce qu'il faut. C'est notre position et c'est ce que nous souhaiterions.

M. Grubel: Merci beaucoup. Je comprends. Quand vous reviendrez, vous devriez peut-être demander également ce que demandent bien des gens: avant d'adopter un nouveau règlement, qu'on fasse faire une analyse de rentabilité par des gens indépendants, de l'extérieur, qui examineraient le problème pas à travers la lorgnette de l'industrie mais plutôt à travers celle du consommateur.

Merci beaucoup.

Le président: Madame Brushett.

Mme Brushett: Je remercie M. Jones de son exposé. Il vient de ma circonscription en Nouvelle-Écosse, la merveilleuse circonscription de Cumberland - Colchester.

.1135

Le président: Pauvre homme.

Mme Brushett: Je serai très brève. Vous avez proposé un groupe de travail sur l'harmonisation des lois fédérales et provinciales. Proposez-vous que ses travaux s'effectuent avant l'examen de 1997 ou qu'ils se prolongent après cette date? Pouvez-vous apporter quelques précisions?

M. Jones: Certainement.

Ce serait un projet à long terme, dans notre esprit. Nous pensons à l'harmonisation des exigences concernant l'accréditation des distributeurs de produits d'assurances et d'autres types de lois qui semblent empêcher un bon fonctionnement actuellement. Il s'agirait donc d'un projet à long terme et nous pensons qu'il y aurait de grands avantages pour les deux parties.

Le président: Monsieur Duhamel.

M. Duhamel: Merci, monsieur le président.

[Français]

Merci de votre présentation.

[Traduction]

Je voulais simplement revenir sur la remarque de mon collègue du Parti réformiste. Même si de nombreux Canadiens conviendraient qu'il y a une foule de règlements, de règles et de lois, et que certains sont plus utiles que d'autres, je pense que quelques hypothèses sont probablement un peu erronées. Il faudrait certainement les mettre en doute et j'aimerais connaître votre opinion. M. Grubel et moi-même en discutons souvent, et pas nécessairement de manière partisane.

Un nouveau règlement implique-t-il forcément plus de contrôle gouvernemental et des dépenses supplémentaires? Il me semble qu'un nouveau règlement en remplace parfois d'autres et contribue à l'efficience. Ainsi, l'Association canadienne de l'immeuble a proposé des mécanismes relatifs aux prêts hypothécaires qui ne coûteraient probablement pas un sou de plus aux contribuables, je crois. Il y aurait peut-être des coûts supplémentaires pour les banques, mais je n'en suis pas certain.

Comment réagissez-vous à cette double critique qu'une réglementation accrue sert souvent ses propres intérêts, qu'elle ne cherche pas vraiment à aider les consommateurs, et qu'il y a forcément un coût supplémentaire? Je ne suis pas convaincu que ce soit vrai.

Mme Brown: Nous nous sommes beaucoup efforcés, d'un océan à l'autre, et dans une perspective fédérale aussi bien que dans une perspective provinciale, d'harmoniser les règlements. Rien de tout cela ne coûte quoi que ce soit au consommateur, comme je l'ai déjà indiqué. Nous essayons aussi de nous assurer que les services fournis aux consommateurs en Colombie-Britannique sont identiques à ceux qui sont fournis en Ontario, sans frais pour les consommateurs.

M. Duhamel: En réalité, le consommateur peut faire des économies.

Mme Brown: C'est vrai la plupart du temps, parce que nous essayons d'inciter les gouvernements provinciaux à s'assurer que les courtiers d'assurances IARD ont une police d'assurance responsabilité professionnelle, afin que leur propre police d'assurance protège le consommateur en cas d'erreur. Cela ne coûte rien au consommateur; les coûts sont assumés par celui qui fournit le service. Nous le faisons dans toutes les régions du pays. C'est ce que nous entendons par harmoniser la réglementation et appliquer des règlements dont les coûts sont assumés par les professionnels et non par les consommateurs.

M. Duhamel: Merci. C'est utile.

M. Grubel: Il faudra les éliminer.

Le président: Je suis absolument ravi du degré de coopération qui existe entre tous les membres.

Le Bureau d'assurance du Canada représente les courtiers et leurs employés, qui sont très importants pour notre économie d'un bout à l'autre du pays. Je vous suis particulièrement reconnaissant d'avoir évoqué la nécessité pour les politiciens fédéraux et provinciaux de mieux accorder leurs violons. Pourquoi ne pouvons- nous pas nous entendre sur un code commun qui nous régirait tous, afin de pouvoir nous débarrasser de paliers de bureaucratie et de règlements dont nous faisons tous les frais? M. Grubel a été très clair à ce sujet. Je suis rarement d'accord avec lui, mais dans ce cas-ci, il a recommandé qu'une étude de rentabilité fasse partie du processus de réglementation chaque fois qu'un nouveau règlement est proposé. S'il remonte dans l'histoire, il trouvera un rapport publié en 1980 par un parlementaire bien inexpérimenté. Un groupe de travail sur la réforme de la réglementation avait recommandé que tous les nouveaux règlements fassent l'objet d'une étude sur l'incidence de la réglementation.

.1140

Une voix: C'était en quelle année?

Le président: Je préférerais qu'on n'entre pas dans les détails personnels. Nous avons toujours tenté d'éviter de le faire. Mais c'était un élément de cette recommandation.

Alors, je vous remercie beaucoup, monsieur Grubel, de votre appui à cette vieille initiative du gouvernement libéral.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui et de votre contribution permanente à nos travaux.

Pouvons-nous faire une pause de deux minutes?

.1141

.1145

Le président: Pouvons-nous reprendre nos travaux?

Nos derniers témoins de ce matin représentent la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Nous accueillons la présidente, Catherine Swift, et le vice-président, Politiques et affaires provinciales, Brien Gray.

Nous vous souhaitons à nouveau la bienvenue à notre comité.

Madame Swift.

Mme Catherine Swift (présidente, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui.

Comme l'a indiqué M. Peterson, je m'appelle Catherine Swift et je suis présidente de la FCEI. M'accompagne aujourd'hui mon collègue, Brien Gray, premier vice-président de la Fédération. Depuis de nombreuses années maintenant, Brien et moi-même sommes les responsables du secteur financier au sein de la FCEI.

Du point de vue de la petite entreprise, tout examen de la réglementation et de la structure des institutions financières ou tout ce qui touche à ce sujet présente évidemment un intérêt bien particulier. Nous représentons actuellement environ 87 000 petites et moyennes entreprises de toutes les régions rurales et urbaines du Canada. Nous sommes très heureux de pouvoir participer à cet examen.

Nous venons de vous remettre un document contenant une brève déclaration et des graphiques. J'aimerais aborder quelques aspects de cette déclaration et vous renvoyer à certains graphiques, puis consacrer le reste du temps aux questions.

En règle générale, nous avons constaté depuis quelques années de nettes améliorations sur les marchés financiers. Certaines résultent de l'évolution technologique, d'autres de l'évolution des politiques. Nous constatons cependant encore que les petites entreprises doivent relever des défis considérables, en particulier dans le cadre de la structure actuelle des institutions financières canadiennes, où la concentration est grande et le pouvoir appartient à relativement peu de monde.

La question du financement est cruciale pour toutes les petites entreprises. Le Livre blanc n'en a pas traité expressément - beaucoup de questions ont été reportées à plus tard - mais un certain nombre de sujets évoqués dans le Livre blanc influencent indirectement le financement ou ont une incidence sur la petite entreprise. Nous aimerions en aborder quelques-uns aujourd'hui.

La situation de la concurrence est vitale pour la petite entreprise. Je suis consciente que cette question sera analysée de manière beaucoup plus approfondie par le groupe de travail proposé et nous avons très hâte de participer à ce processus.

En règle générale, bien des raisons pour lesquelles les petites entreprises ne croient pas avoir été bien servies par le passé découlent de cette concentration de notre secteur financier. C'est certainement une cause de la vive opposition de nos membres à l'entrée illimitée des banques dans le secteur de l'assurance, de la vente au détail et du crédit-bail automobile. Nous nous y opposons depuis des années et nous continuerons de le faire à l'avenir.

J'ai résumé sur quelques graphiques annexés à ce document certaines données que nous avons tirées récemment des sondages auprès de nos membres. Même si notre climat financier actuel devrait être de bon augure pour le financement de la petite entreprise - les taux d'intérêt sont bas, l'économie progresse et il existe une stabilité raisonnable dans l'économie canadienne - nous avons encore du mal à obtenir du financement.

Ce graphique, le premier, se trouve à la page 3. Nous suivons l'évolution de l'accès au financement pour ainsi dire depuis les débuts de notre organisation, il y a 25 ans. Le graphique porte sur les 12 ou 13 dernières années.

Il est évidemment intéressant de constater que le niveau est devenu très élevé au début des années 90. Il y avait une récession, ce qui constitue une cause bien évidente. Ce qui nous étonne, c'est que le taux n'ait pas beaucoup diminué depuis quelques années. Il est certain que nous n'avons pas connu une période de croissance économique spectaculaire, mais la croissance est constante depuis quelques années, alors nous nous inquiétons. D'après tous les autres facteurs, la conjoncture devrait être plus favorable pour la petite entreprise que ce qui ressort des données obtenues auprès de nos membres et ces données ont été un indicateur assez fiable au fil des années.

Les données de la Banque du Canada figurent à la page 5. La ligne en pointillé illustre les prêts de moins de 200 000 $, accordés généralement à la petite entreprise. De fait, la valeur des prêts à la petite entreprise se situe en moyenne à 70 000 $, mais la Banque du Canada compile ses données en fonction d'un seuil de 200 000 $. Les prêts de plus de 200 000 $ sont illustrés par la ligne continue, en haut. Nous avons remarqué qu'il y a eu très peu d'amélioration du financement global à la petite entreprise, et nous pensons que ce fait est très révélateur.

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En réalité, le niveau global a reculé de quelques milliards de dollars, même par rapport au début des années 90. Nous constatons des fluctuations, très évidentes dans le cas du financement accordé à la grande entreprise, mais la tendance est à la hausse depuis la dernière récession du début des années 90 et elle ne cesse de s'accentuer.

Nous pensons que nos données et celles du secteur financier lui-même, comme en témoigne la Banque du Canada, démontrent de manière convaincante que la conjoncture du crédit à la petite entreprise reste assez difficile.

Pour en venir maintenant à quelques autres questions évoquées dans le Livre blanc, ce document met l'accent sur la protection du consommateur. Nous osons croire que ce terme englobe la petite entreprise et ne désigne pas seulement les particuliers. Les petites entreprises ont beaucoup de points en commun avec les particuliers dans leurs rapports avec les grandes institutions financières. Elles ont certainement plus de points communs avec les particuliers qu'avec les grandes sociétés.

Le coût des services financiers, les frais de service, dont il est expressément question dans le Livre blanc, a été et demeure une source de grande préoccupation pour la petite entreprise. Depuis plusieurs années maintenant, les institutions financières exigent de plus en plus des droits pour leurs services, et cette tendance est donc devenue plus préoccupante pour nos membres.

Dans les régions rurales, il n'y a souvent qu'une banque en ville, de sorte que l'idée qu'il existe une concurrence ou que, même dans les plus grands centres, qu'elle constitue une solution aux problèmes des frais de service, est un désir plus qu'une réalité, pour la plupart des petites entreprises tout au moins.

Les graphiques des pages 7 à 10 se rapportent précisément aux frais de service. Une chose qui nous préoccupe tout particulièrement - et c'est conforme aux résultats passés - est que les très petites entreprises souffrent le plus des frais de service. Comme vous le savez probablement, ces entreprises sont les plus grands créateurs d'emplois actuellement. Alors, les petites entreprises, celles qui sont jeunes, qui viennent d'être créées font les moins bonnes affaires dans leurs rapports avec les institutions financières.

Les recherches antérieures ont démontré, même si nous ne l'indiquons pas ici, que les plus petites entreprises doivent payer des frais de service plus élevés, mais aussi offrir des garanties plus importantes et payer de taux d'intérêt plus élevés. Autrement dit, le secteur financier semble chercher à imposer les coûts les plus lourds aux petites entreprises, créatrices d'emplois.

Certaines données figurant au graphique du tableau 9 montrent une fois de plus que les petites entreprises de quatre employés ou moins ont dû assumer les hausses de frais de service les plus élevées. Ces données portent sur le premier semestre de l'année. Elles sont donc assez récentes. Les hausses ont été moins marquées dans la grande entreprise.

Les ventes liées, dont il est également question dans le Livre blanc, préoccupent aussi grandement les petites entreprises. Les marchés des services financiers au Canada sont très différents des marchés de biens et services en général, à cause de ce déséquilibre des forces entre la petite entreprise emprunteuse et une grande banque. Une petite entreprise qui a besoin d'un prêt peut être un consommateur très vulnérable si le prêteur offre d'autres services.

Les petites entreprises s'inquiètent aussi des opérations entre apparentés. Un sondage que nous avons effectué auprès de nos membres il y a environ trois ans a révélé qu'un peu moins de la moitié d'entre eux croyaient qu'une banque ne devrait pas être autorisée à prêter à des sociétés représentées à son conseil d'administration, à cause du trop grand risque d'abus, tandis que 33 p. 100 n'étaient pas d'accord et 13 p. 100 étaient indécis.

Nous croyons qu'une certaine rationalisation du régime actuel relatif aux opérations entre apparentés a beaucoup de sens, mais il faut aussi se rappeler que même si nos banques comptent de nombreux actionnaires, elles sont dirigées en réalité par une poignée de gens. Les risques de difficultés augmentent donc en conséquence.

Nous avons effectué récemment un sondage auprès de nos membres au sujet de l'entrée des banques étrangères, compte tenu du présent examen et afin de connaître leur opinion actuelle sur la question. Les résultats étaient intéressants, mais partagés. La plupart de nos membres s'opposaient à l'entrée illimitée des banques étrangères sans l'obligation d'établir un réseau de succursales. On peut en conclure que les petites entreprises jugent important que les services financiers soient fournis par une institution canadienne, au moins tout aussi important que la promesse d'une concurrence accrue sur le marché.

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Dans l'ensemble toutefois, nous constatons certainement que nos membres aimeraient qu'il y ait une concurrence accrue, puisqu'ils croient que la forte concentration actuelle ne répond pas à leurs besoins, mais à court terme, nous ne nous attendons pas vraiment à un changement très rapide.

Nous gardons l'espoir qu'en bout de ligne, la technologie, la banque électronique, aidera nos membres. Nous craignons toutefois un peu que la banque virtuelle ne pose des problèmes à la petite entreprise. On peut imaginer qu'elle sera utile pour les services faciles à uniformiser - prêts à la consommation pour l'achat d'une automobile, prêts hypothécaires, etc. - , mais pour un grand nombre de petites entreprises, le rapport personnel avec un prêteur est absolument essentiel et les services qu'on leur fournit ne se prêtent pas facilement à l'uniformisation.

Par conséquent, les banques prévoient certainement fermer beaucoup de succursales, puisqu'elles pourront offrir leurs services électroniquement. Nous nous interrogeons et nous gardons l'esprit ouvert, mais nous pensons que l'élimination d'un grand nombre de ces succursales pourra entraîner une baisse de la qualité des services offerts aux petites entreprises, surtout celles qui ne se trouvent pas dans un grand centre urbain. Nous ne nous prononçons pas sur cette question, mais il se pourrait bien que le changement technologique n'apporte pas que des bienfaits à la petite entreprise.

Je fais remarquer rapidement que nous nous sommes beaucoup réjouis des mesures prises par un autre comité, le comité de l'industrie, suite à la recommandation que faisait notre organisation depuis des années d'effectuer un examen périodique, idéalement tous les trimestres, pour déterminer dans quelle mesure les grandes banques servent bien la petite entreprise. Nous appuyons donc fortement la poursuite de ces examens. L'histoire a clairement démontré, à notre avis, que les institutions financières sont sensibles au contrôle détaillé exercé constamment par le gouvernement et le public et que ce contrôle est essentiel en l'absence d'un marché vraiment concurrentiel pour l'exercer.

En ce qui concerne l'évolution de part du marché que nous représentons pour les banques, le graphique de la page 6 porte sur nos membres. Nous trouvons encourageant que les institutions financières qui semblent s'efforcer le plus de fournir des services raisonnables et de les adapter aux besoins de la petite entreprise obtiennent de meilleurs résultats - nos données ne portent que sur les huit ou neuf dernières années environ, mais tout de même. Nous constatons des améliorations constantes chez les institutions qui ont fait des efforts et une détérioration chez celles qui tardent peut-être un peu à offrir ces services.

Il importe de souligner que les banques qui semblent accroître leur part du marché et qui servent mieux la petite entreprise je présume, réussissent aussi à faire des profits. Alors, la petite entreprise ne peut pas être une si mauvaise affaire pour les institutions financières.

En résumé, les défis du financement que doivent relever les petites entreprises ne sont pas liés uniquement à la difficulté d'obtenir du financement par emprunt. Les petites entreprises canadiennes continuent de lutter pour réinvestir les bénéfices dans notre cadre très réglementé et dans un cadre fiscal relativement lourd, et les gouvernements doivent aussi assumer leur part de responsabilité dans ce problème.

Un cadre fiscal et réglementaire qui tiendrait davantage compte des petites entreprises et leur permettrait de réinvestir leurs bénéfices pour prendre de l'expansion, ainsi qu'un meilleur accès au financement, sont deux éléments essentiels d'une conjoncture commerciale permettant aux petites entreprises d'optimiser leur capacité de créer des emplois et de la richesse pour nous tous.

Merci. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Swift.

[Français]

Nous allons commencer par M. Bélisle.

M. Bélisle: Je n'ai pas de question particulière, mais plutôt un commentaire. Je pense qu'il faut déplorer que les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante que nous entendons aujourd'hui aient déposé un document uniquement en version anglaise.

Le président: C'est notre faute; nous avons l'obligation de le faire traduire.

M. Bélisle: Monsieur le président, je le déplore et je ne pense pas que tous les gens d'affaires qui sont membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante au Québec ou les francophones de partout au Canada apprécient beaucoup que leur fédération dépose un document unilingue anglais lorsqu'elle vient en audition devant le Comité permanent des finances.

Tous ces petits gestes font davantage pour miner l'image d'un Canada bilingue que le premier ministre nous dépeint souvent avec emphase. Je pense qu'ils révèlent plus que tout la situation réelle.

.1200

Je dois dire que j'apprécie recevoir des réponses à des sondages que m'envoient les gens d'affaires et les entrepreneurs de ma circonscription qui sont membres de la Fédération. Ces personnes m'envoient régulièrement des résultats de sondages et leurs réponses à vos sondages. Ces documents sont habituellement bilingues et je l'apprécie. Je dois toutefois déplorer qu'on ait aujourd'hui déposé ce document qui est uniquement en anglais.

Nous pouvons tenir beaucoup de discours, mais ce sont tous ces petits gestes qui dépeignent le mieux la réalité qu'on vit ici au Canada. Et après cela, on se surprendra que les Québécois, depuis à peu près 20 ans, depuis 1980, veulent sortir de cette fédération. Ce sont tous ces petits gestes quotidiens qui font en sorte qu'on ne se sent pas à l'aise dans cette fédération. Je pense qu'il faut réagir le plus vite possible. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous répondre, madame Swift?

[Français]

Mme Swift: Oui, s'il vous plaît. Nous traduisons habituellement nos documents et je regrette que nous ne l'ayons pas fait aujourd'hui. Normalement, nous traduisons tous les mémoires que nous présentons au comité. Veuillez accepter nos excuses.

Le président: Vous n'avez pas l'obligation de le faire.

Mme Swift: Non, c'est vrai. Nous pensons toutefois que c'est normalement notre obligation. Il arrive cependant de temps à autre, et c'est très très rare, que malheureusement nous ne sommes pas en mesure de traduire les documents. Nous le regrettons.

Le président: Je dois assurer chaque Canadien et Canadienne que nous sommes un comité qui travaille dans les deux langues officielles, parfois dans l'une, parfois dans l'autre et parfois dans les deux. Le Parlement a l'obligation de traduire les documents qui ne nous sont pas présentés dans les deux langues officielles. Ainsi, je ne puis vous critiquer.

Mme Swift: Je voudrais souligner qu'à notre bureau de Montréal, nous ne traduisons pas tous nos documents en anglais. Peut-être est-ce le cas aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Swift.

Monsieur Grubel.

M. Grubel: Merci. Je vais m'exprimer en anglais. Je pourrais le faire en allemand, mais il n'y a pas de marché.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Nicht gut.

M. Grubel: C'est un plaisir de vous revoir, madame Swift.

Pouvez-vous aller à votre graphique de la page 3? J'essaie de le comprendre. Qu'entendez-vous par «SME Problems with Financing Ability»? Que veut-dire SME?

Mme Swift: C'est l'abréviation anglaise de petite et moyenne entreprise. Je suis désolée. Je suppose que nous sommes habitués à nos acronymes.

[Français]

Ce sont les PME en français.

[Traduction]

M. Grubel: D'accord. Deuxièmement, quelle est la question posée à laquelle environ 37 p. 100 de vos répondants répondent je ne sais trop quoi?

Mme Swift: C'est un sondage permanent que nous menons périodiquement pour mesurer l'évolution des problèmes. Notre principal problème - pour vous donner un exemple - est le fardeau fiscal. Le financement n'est pas le plus grand problème, il importe de le souligner. J'ai essayé de le mentionner dans ma déclaration. Essentiellement, cela veut dire la capacité des petites entreprises de trouver du financement. Alors, nous suivons dans le temps...

M. Grubel: Vous ne connaissez pas la question. Vous ne pouvez pas me donner la question...

Mme Swift: Oh, vous voulez dire la question précise?

M. Grubel: La question précise pour laquelle vous avez construit un graphique à barres.

Mme Swift: Évidemment. La question est: «Laquelle des questions suivantes devrait être hautement prioritaire dans les interventions de la FCEI?».

Il y a une foule de sujets: accès au financement, réglementation gouvernementale et paperasserie, lois ouvrières, réduction de la dette et du déficit, assurance-chômage, etc.

M. Grubel: Ici, vous parlez d'accès au financement?

Mme Swift: Oui.

M. Grubel: Comment était formulée la question relative à l'accès au financement?

Mme Swift: «Accès au financement». C'était une possibilité.

M. Grubel: Alors, quelqu'un qui pense avoir trouvé une solution au problème de la calvitie chez les hommes va voir son banquier et lui dit qu'il a besoin d'un million de dollars. Le banquier lui répond que la banque offre des programmes à un taux d'intérêt de 30 p. 100, mais 30 p. 100 c'est trop cher. Ou bien, il va voir son banquier et dit qu'il a besoin d'un million de dollars. Le banquier est désolé mais la banque n'est pas convaincue qu'il pourra vraiment persuader le monde entier qu'il a réglé le problème de la calvitie. Cette personne serait-elle portée à affirmer qu'elle a du mal à trouver du financement?

.1205

Mme Swift: C'est possible, mais je pense qu'il importe de rappeler une chose à propos des sondages. Il est évident que les sondages d'opinion qui demandent pour qui vous aller voter aux prochaines élections sont menés d'une manière semblable, et les gens semblent les croire.

Nous savons que nos membres sont en moyenne des entreprises plus grandes, même s'il s'agit toujours de petites entreprises et plus vieilles, puisqu'elles existent depuis un certain temps. Je ne veux pas dire que les gens sont plus vieux, mais plutôt que l'entreprise est plus vieille qu'une petite entreprise moyenne. Nous savons aussi, parce que nous les suivons au fil des années, qu'elles sont mieux établies, par exemple.

Même s'il n'est pas impossible que la personne que vous venez de décrire fasse partie du lot, chaque sondage repose sur un échantillon d'environ 20 000 répondants, de sorte que cet entrepreneur représenterait une très faible proportion de n'importe quel de nos échantillons.

M. Grubel: Oui, je suis d'accord avec vous que le fait de poser toujours la même question est utile et révélatrice.

Mme Swift: En effet, nous pouvons dégager une tendance.

M. Grubel: J'espère néanmoins qu'à un moment donné, peut-être même directement dans votre questionnaire, vous établissez si les gens sont déçus des taux d'intérêt qu'on leur demande -

Mme Swift: Oui, nous le faisons.

M. Grubel: et leur posez d'autres questions du genre.

M. Brien Gray (premier vice-président, Politiques et affaires provinciales, Fédération canadienne de la petite entreprise): Monsieur Grubel, je ne sais pas si savez que, tous les trois ans, la Fédération fait un vaste sondage approfondi sur les rapports entre les banques et la petite entreprise. Nous sommes la seule organisation représentant des entreprises qui effectue ce genre de sondage au Canada. D'ailleurs, le dernier sondage comptait environ huit pages. Nous posons effectivement le genre de questions qui vous intéressent.

Je ne crois pas que nous devrions défendre notre méthodologie ni la validité de nos recherches dans ce domaine. Nous ne faisons pas ce sondage tous les ans parce que nous croyons qu'il faut donner aux banques le temps de réagir à nos critiques. Nous pensons que pour les grandes institutions un délai de trois ans convient.

À cet égard, nous nous adresserons de nouveau à nos membres au début de l'an prochain pour faire un autre sondage, probablement très long et très exhaustif, sur leur évaluation de la conjoncture actuelle pour la petite entreprise.

M. Grubel: Ne vous méprenez pas sur le sens de mes questions. Je ne conteste pas la validité de votre sondage, j'essaie seulement de le comprendre. J'essaie uniquement de trouver ce que vos recherches approfondies ont révélé de manière détaillée au sujet des causes d'une telle hausse de l'insatisfaction face à l'accès au financement? Pouvez-vous apporter des précisions à ce sujet?

M. Gray: Je pense qu'il y a une foule de facteurs. Le plus important est probablement lié au fait que, malgré la fin de la récession, les banques ne sont pas aussi actives sur le marché des prêts qu'elles ne l'étaient avant la récession, à mon avis. Je pense qu'elles sont devenues plus prudentes, surtout en ce qui nous concerne, encore que la situation ait tendance à s'améliorer un peu. Je pense que si vous posiez la question aux membres de notre secteur du milieu des affaires, ils vous répondraient la même chose.

Un autre phénomène, peut-être attribuable à la situation fiscale de notre pays, est lié à la composition du fardeau fiscal. Au début des années 80, lorsque nous sommes sortis de la récession, nous l'avons fait relativement rapidement, en partie parce que le fardeau fiscal était tel que les charges fiscales qui dépendent des bénéfices pesaient lourd dans la balance, alors que les charges fiscales actuelles dépendent beaucoup moins des bénéfices.

Par conséquent, les entreprises, en particulier les petites entreprises, qui sont généralement un peu moins bien capitalisées que les grandes, n'ont pas la possibilité de trouver du financement sur les marchés monétaires, par exemple. Elles ont pu s'en sortir parce qu'elles pouvaient réinvestir les bénéfices de l'entreprise et restructurer leur bilan de manière à assainir leur situation financière et à pouvoir envisager l'avenir avec confiance.

Je pense que ce n'est plus vrai aujourd'hui. Avec les hausses massives des charges sociales - l'assurance-chômage, le RPC, l'assurance-accident du travail et, dans des provinces comme le Québec, Terre-Neuve, le Manitoba et l'Ontario, qui ont un régime d'assurance-maladie - la composition du fardeau fiscal s'est modifiée au point où ces entreprises ne peuvent plus retrouver leur santé financière. Elles ne peuvent donc pas reprendre du poil de la bête aussi rapidement. Les institutions financières deviennent donc un peu plus prudentes.

M. Grubel: Je suis très heureux que vous ayez donné des explications. Dans le contexte actuel, où les banques sont attaquées de toutes parts - et loin de moi l'idée de les défendre - votre graphique donnait un peu l'impression que cette hausse de l'indice était liée à une modification du comportement et de l'attitude des banques. Vous avez glissé un mot à ce sujet.

.1210

Mais en vous écoutant attentivement, j'ai constaté que vous avez laissé entendre qu'en réalité les régimes réglementaires, les régimes fiscaux, et divers autres facteurs exogènes ont changé et pourraient avoir influencé le comportement des banques, et ce qui est plus fondamental peut-être, l'impression des répondants qu'ils avaient été mal traités. Ai-je bien résumé vos propos?

M. Gray: Je pense que c'est assez juste. Nous avons un problème de capitaux propres ainsi qu'un problème de dette au Canada et nous ne pouvons pas nier que ces deux problèmes existent. L'absence de capitaux propres influence l'accès aux prêts. C'est pour cette raison que nous avons exercé de fortes pressions sur le gouvernement actuel et sur les gouvernements précédents pour qu'ils permettent aux entreprises de conserver une part beaucoup plus grande de leurs capitaux propres.

Nous avons aussi indiqué aux institutions financières qu'elles ne peuvent pas décider unilatéralement de se retirer du financement des petites entreprises qui créent les emplois et assurent la croissance économique presque partout au Canada, surtout en région.

Mme Swift: J'ajouterai brièvement que nous avons aussi constaté avec le temps - il ne s'agit que d'une tendance liée à une foule de facteurs - que l'évolution du financement suit d'assez près celle des taux d'intérêt. Lorsque les taux d'intérêt sont élevés, nous ne sommes pas surpris de voir les problèmes de financement s'accentuer.

Mais les taux d'intérêt ont rarement été aussi plus bas et l'endettement est élevé. Alors, cette situation déclenche le signal d'alarme chez nous. Normalement, nos données auraient été différentes.

M. Grubel: Une observation seulement. Les taux d'intérêt ont déjà été plus bas.

Mme Swift: Ils sont certainement beaucoup plus bas qu'ils l'ont déjà été.

M. Grubel: Mais quand on tient compte...

Mme Swift: Quand on tient compte de l'inflation, je sais.

M. Grubel: Quand on tient compte de l'inflation, les taux d'intérêt sont très élevés par rapport au passé. Un taux d'intérêt de 10 ou 15 p. 100 est très faible quand le taux d'inflation est de 15 p. 100.

Mme Swift: Oui.

M. Grubel: Les taux d'intérêt sont élevés actuellement parce que l'inflation est tellement faible.

Mme Swift: En termes relatifs - et je sais ce que vous pensez au sujet des taux d'intérêt réels - , je crois que la plupart de nos membres les trouveraient encore faibles. Certains taux sont plus bas que les taux américains, ce qui est inhabituel.

M. Grubel: Merci, monsieur le président.

Le président: Préconisez-vous une hausse de l'inflation, monsieur Grubel?

M. Grubel: Non, je préconise que nous mettions de l'ordre dans les affaires fiscales du pays afin d'éliminer la prime de risque, qui atteint actuellement près de 1 p. 100 entre les obligations à long terme américaines et canadiennes. Cette prime existe parce que nous ne mettons pas d'ordre dans nos affaires.

Si vous me demandez de faire un discours politique, j'en ferai un.

Le président: Non. Ces questions seront importantes dans notre examen. Nous nous pencherons, certainement au cours de nos audiences avant le budget, sur le niveau du déficit et le niveau de la dette, nous nous demanderons s'il faudrait réduire les dépenses encore plus que nous l'avons déjà fait, si nous pouvons accroître les dépenses dans certains secteurs, maintenant que nous avons ramené le déficit de 6 à 2 p. 100 du PIB.

Monsieur Duhamel.

[Français]

M. Duhamel: J'apprécie moi aussi recevoir ces sondages qui m'arrivent de temps en temps dans ma circonscription.

[Traduction]

Je voulais mieux comprendre ces sondages. Quel pourcentage de gens y répondent normalement? Comment savoir si l'échantillon est représentatif? Voilà une première question.

Je voudrais vous en poser une autre. Je fais d'abord une citation:

Bien des gens conviendront, je crois, que les impôts sont élevés et qu'il y a beaucoup de règlements. Comment nous comparons- nous aux autres? Existe-t-il des données comparatives? Comment nous comparons-nous par rapport aux autres pays qui sont nos concurrents ou nos partenaires commerciaux?

Enfin, pour revenir à une de vos observations, madame Swift, au sujet des taux d'intérêt peu élevés - je comprends la différence - une autre façon de voir les choses ne consiste-t-elle pas à dire que les petits prêts aux petites entreprises ne rapportent pas beaucoup, ou est-ce que quelque chose m'a échappé?

Mme Swift: J'essaie de me souvenir de votre première question. Ah oui, notre méthode d'enquête. C'est une bonne question. Le taux de réponse varie. D'habitude, il se situe à environ 25 p. 100. Parfois, il descend aussi bas que 20 p. 100. Nous avons fait il y a quelques années un sondage sur la TPS, pour lequel le taux de réponse a atteint près de 40 p. 100, ce qui est énorme. Compte tenu du nombre de membres, nous avons obtenu près de 40 000 réponses, ce qui est énorme.

.1215

Nous avons effectué le genre de tests dont vous parlez, pour déterminer s'il y avait ou non un biais de non-réponse, auquel vous avez fait allusion, je crois. Quand j'étais directrice de la recherche à la Fédération, j'ai moi-même collaboré avec des économétriciens et des statisticiens et d'autres spécialistes et nous avons toujours constaté qu'il n'y avait pas de biais de non- réponse. C'est habituellement le problème des sondages de cette nature.

Celui-ci a été réalisé en personne, avec les gens, alors le taux de réponse est en réalité presque 100 p. 100, mais comme je l'ai déjà indiqué, nos membres sont un peu plus vieux, un peu plus établis que la petite entreprise moyenne. Par conséquent, on peut donc s'attendre à ce qu'ils aient moins de problèmes de financement que l'entreprise qui a ouvert ses portes il y a deux semaines et qui utilise le procédé de M. Grubel pour faire pousser les cheveux.

M. Duhamel: Simplement pour m'assurer que nous parlons bien de la même chose...

Le président: Pouvez-vous prendre des exemples auxquels certains membres sont moins sensibles?

M. Duhamel: Quand vous faites une affirmation, au sujet de l'entrée des banques étrangères, par exemple, et que vous affirmez que les petites entreprises sont divisées quant à savoir si les banques étrangères devraient ou non... Vous avez ensuite donné des statistiques.

Mme Swift: En effet.

M. Duhamel: C'est une affirmation assez radicale et quelqu'un qui ne tiendrait pas compte du nombre de répondants, du type de répondants, etc... Ce pourrait être une conclusion trompeuse, peut- être même erronée.

Mme Swift: Ce serait une possibilité.

M. Duhamel: Dans une perspective globale.

Mme Swift: Normalement, nous obtenons un échantillon d'environ 20 000 réponses par question. Celle-ci était particulière. Nous avons aussi plusieurs types de sondages, alors il y a des différences.

Un échantillon de cette taille peut être désagrégé si quelqu'un veut des résultats par sous-groupe. Deuxièmement, un grand nombre de ces problèmes statistiques ont tendance à s'atténuer lorsqu'on a un très gros échantillon. Le problème, habituellement, est que l'échantillon ne compte que 200 réponses, ce qui crée toutes sortes de difficultés.

M. Gray: Vous aviez une autre question. Vous vouliez savoir comment nous nous comparons à d'autres pays, en ce qui concerne les impôts et la réglementation.

M. Duhamel: Avons-nous des données solides à ce sujet, plutôt que des opinions et des points de vue? Je ne dis pas qu'ils ne sont pas utiles, mais...

M. Gray: Oui. Le plus facile pour nous serait probablement de vous envoyer des exemplaires des études que nous avons menées et qui comparent directement le Canada et les provinces canadiennes avec notre plus grand concurrent, notre voisin du Sud.

M. Duhamel: Ce sont des études récentes?

M. Gray: Elles ont été faites au début des années 90. Franchement, le problème, quand nous voulons faire des études de ce genre, c'est l'accès aux données fiscales. Ces données ne sont pas assez récentes pour que nous puissions vous donner un compte rendu récent de la situation. Je vous ferai parvenir ces documents. Je vais essayer de vous les envoyer.

Ces études montrent que, du point de vue fiscal, les entreprises canadiennes sont désavantagées, en particulier les petites entreprises.

Quant à la réglementation, nous n'avons pas réalisé nous-mêmes d'études qui comparent le fardeau réglementaire des petites entreprises par rapport à celui de leurs concurrents. Je crois néanmoins qu'il situe à un niveau dont il faut tenir compte. Tous les autres pays du monde s'intéressent à la déréglementation et aux contrôles réglementaires.

Je suis actuellement coprésident d'un forum du secteur privé et du secteur public sur la réduction de la paperasserie, ici à Ottawa. Je peux vous assurer qu'il y a beaucoup de pain sur la planche et qu'il faudrait aller beaucoup plus loin.

Le problème actuellement... Les résultats de nos sondages confirmeraient tout à fait vos propos. La réglementation et les impôts, ainsi que le déficit, demeurent les problèmes les plus importants. Tout a commencé avec la TPS au début des années 90.

Nous devons vraiment nous pencher sur l'ampleur de la réglementation - fédérale, provinciale et municipale - au pays. Nous sommes un pays surgouverné.

Votre dernière question visait à savoir si les petits prêts rapportent.

Catherine, voulez-vous y répondre? Ou alors, je le ferai.

Mme Swift: Je ne sais pas. Je suppose que vous pouvez le demander aux banquiers, parce qu'ils nous ont déclaré que c'est le domaine d'activité qui leur rapporte le plus, s'ils savent comment s'y prendre. Alors, ce sont eux les experts, à notre avis.

Il ne fait aucun doute que le défi logistique est plus grand s'il faut prêter 50 fois 100 000 $ qu'une fois 5 millions. Mais l'arrivée de la technologie, la réaction des institutions financières face à ce problème...

La conclusion intéressante qui est ressortie de nos données - encore une fois, les banques l'ont confirmée, parce que nous les rencontrons tout le temps - est que le petit entrepreneur confie habituellement toutes ses opérations financières, les REER, la paie, etc. à sa banque. Alors, il n'y a pas simplement un prêt. Il est vrai que le prêt à la petite entreprise rapporte peu, mais - et c'est ce que les banquiers nous ont déclaré - quand elles font la somme de tous les services pour lesquels les marges bénéficiaires sont nettement plus élevées, les banques constatent que le secteur de la petite entreprise est le plus lucratif. Encore une fois, ce sont eux les experts en la matière.

.1220

M. Duhamel: Alors, je me demande pourquoi je reçois tant de plaintes.

Mme Swift: De la part de vos électeurs?

M. Duhamel: Oui.

Merci quand même.

Le président: Merci, monsieur Duhamel.

Monsieur Grubel, vous aviez une question.

M. Grubel: Une brève observation à l'intention de M. Duhamel.

Quelqu'un a envoyé récemment au Pérou une personne ayant un diplôme universitaire pour obtenir toutes les autorisations nécessaires à la mise sur pied d'une petite entreprise, et il a fallu environ six mois. On a fait la même chose aux États-Unis et il a fallu une journée. Au Canada, il a fallu environ une semaine.

M. Duhamel: C'était toujours la même personne et la même entreprise?

M. Grubel: Non, mais croyez-moi, c'est une méthode aussi scientifique qu'une autre face à un sujet aussi compliqué.

M. Duhamel: Je n'en doute pas, mais j'aimerais...

M. Grubel: Des électeurs sont venus me voir pour me dire qu'ils voulaient lancer une entreprise en Colombie-Britannique mais qu'ils avaient reçu des réponses évasives de tel ou tel fonctionnaire de Victoria et d'Ottawa. Ils s'acharnaient depuis des mois. Ils sont allés à Bellingham, de l'autre côté de la frontière et ont obtenu leur permis en un jour. Ils s'en allaient à Bellingham.

Il n'y a pas de fumée sans feu. C'est un problème très grave pour les petites entreprises. Je suis convaincu que Mme Swift aurait toutes sortes d'exemples de ce genre.

M. Gray: À cet égard, une étude menée au Québec il y a quatre ou cinq ans a indiqué que pour les très petites entreprises qui démarrent, la principale embûche n'est pas le financement - encore que ce soit un problème majeur, c'est évident - mais plutôt les obstacles réglementaires qu'il fallait surmonter. C'est une étude fascinante; le comité serait peut-être intéressé à en obtenir un exemplaire.

M. Duhamel: Mais c'était au Québec. La plupart des gens conviendront que cela pose un problème en soi. Comment nous comparons-nous à d'autres pays?

Sans vouloir contredire mon collègue, son observation est peut-être utile - et je ne dis pas cela pour le dénigrer - mais on peut difficilement prétendre qu'il s'agisse d'une solide recherche scientifique.

M. Grubel: Je peux vous trouver les chiffres.

M. Duhamel: Mais c'est un exemple. C'est comme l'Institut Fraser... Il s'agit d'une étude, sur une période. Soyons un peu plus sérieux.

Mme Swift: Je ne sais pas si vous avez lu les études de l'OCDE sur l'emploi. Il y en a eu quelques-unes, dont une mise à jour récente il y a quelques mois à peine.

Elles mettent l'accent sur l'emploi, sur la réglementation du marché et les contraintes. Le Canada est arrivé en bonne place. C'est pire en Europe. J'aime toujours cette comparaison. Ils n'ont pas créé d'emplois nets depuis une trentaine d'années, alors je ne pense pas que nous devrions suivre leur exemple. Nous ne sommes peut-être pas encore aussi pire qu'eux, mais je ne crois pas que ce devrait être notre objectif.

M. Duhamel: Je suis convaincu que personne ne le laisse entendre non plus.

Mme Swift: Non, mais on se dit souvent dans ces comparaisons internationales qu'on est pire que les États-Unis - et c'est à eux qu'il importe de se comparer - mais la Suède est pire que nous. Franchement, on s'en moque.

Je ne dis pas que quelqu'un ici présent défend cette position, mais je l'ai entendue si souvent que je ne rate jamais une occasion de l'attaquer.

Le président: Merci, monsieur Duhamel.

Madame Chamberlain, puis monsieur Shepherd.

Mme Chamberlain: Merci.

Je veux poser une question à propos de la page 5. J'aimerais un éclaircissement au sujet de ce graphique. Dites-moi si je comprends bien. D'après vos statistiques, les prêts à la petite entreprise ont été relativement stables, identiques, de 1983 à 1996?

Mme Swift: En gros, oui. C'est le niveau de financement à chaque année, l'encours des prêts à la petite entreprise. Oui, c'est plutôt stable, comme vous pouvez le voir.

Mme Chamberlain: Vous avez évoqué le comité de l'industrie. Je me demande si vous savez que les banques ont fait un sondage sur les prêts à la petite entreprise et sont arrivées à des conclusions différentes des vôtres. Selon ce sondage, il y a eu une hausse des prêts à la petite entreprise. Connaissez-vous cette étude? L'avez- vous vue?

Mme Swift: Oui, nous l'avons vue.

Ces données proviennent des banques, soit dit en passant. Ce sont les données fournies à la Banque du Canada par les institutions financières. Alors on ne peut pas dire que ce sont les nôtres.

Il est vrai qu'il y a eu une modification de la part du marché occupée par certaines banques. Parce qu'il est question de milliards de dollars sur l'échelle de gauche, il est vrai également une légère augmentation pourrait représenter une hausse de 1 milliard de dollars. Ce n'est pas une bagatelle. Nous ne voulons pas sous-estimer ces chiffres. Mais nous pensons que la tendance dans le temps est tout aussi importante.

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Cela dit, si vous examinez les données des banques, vous constaterez qu'elles révèlent peut-être une hausse d'un demi- milliard ou d'un milliard de dollars par année dans l'industrie, ce qui n'est pas incompatible avec les données présentées dans ce graphique. Mais nous estimons aussi, surtout quand nous examinons l'évolution au cours des trois dernières années environ, qu'il y a eu une stabilité un peu perturbante, je dirais, compte tenu des autres indicateurs positifs de l'économie. Les prêts devraient être plus élevés, l'offre et la demande devraient être plus grandes, à notre avis.

Pour vous dire la vérité, je dirai que certains banquiers nous ont déclaré que, selon eux, la dernière récession - dont certaines entreprises essaient encore de se sortir, mais dans l'ensemble l'économie est sur la voie de la croissance - a frappé très durement les banques et les a rendues très craintives. Là encore, ce n'est ni scientifique, ni un cas isolé, mais c'est ce que nous ont raconté les banquiers et nous pensons que, s'ils l'admettent, il y a probablement un fond de vérité. Les chiffres et nos membres semblent le confirmer, parce que les cas isolés s'accumulent - encore une fois, ce ne sont peut-être pas des données très scientifiques - et donnent un peu de sens à ces chiffres assez peu révélateurs en soi.

Mme Chamberlain: À votre avis, donc, puisque vous représentez la FCEI, les banques peuvent-elles faire mieux dans ce domaine? Devraient-elles faire mieux?

Mme Swift: Nous sommes évidemment convaincus qu'elles le peuvent et, une fois de plus, je crois que nos données sur la part du marché révèlent que quelques institutions, notamment la Banque de Montréal et la Banque de Nouvelle-Écosse, ont déployé des efforts assez importants et assez bien connus qui, selon, nous, semblent donner de bons résultats. Leur part du marché augmente.

La part du marché n'est pas uniquement un indicateur du rendement, parce que, comme vous le savez, s'il n'y a qu'une banque en ville, elle obtiendra tout le marché, que ses services soient bons ou non. Mais les données sur la part du marché sont un facteur qui permet de déterminer dans quelle mesure une institution sert bien le marché. Là encore, les banques elles-mêmes nous l'ont confirmé.

Nous pensons qu'elles peuvent faire mieux. Nous pensons que nos propres données sur la part du marché, ainsi que celles des institutions, démontrent que lorsque les institutions financières s'y emploient, elles semblent accroître leur part du marché, ce qui pourrait laisser croire qu'elles servent mieux leur clientèle. Elles semblent aussi afficher de bons résultats financiers. Alors, les banques doivent bien y trouver leur compte.

Nous collaborons avec les institutions financières. Nous collaborons avec vous, le comité de l'industrie et d'autres encore, afin d'essayer d'obtenir un bon cadre législatif dans ce domaine, parce que ce n'est pas un marché concurrentiel. Nous ne sommes habituellement pas de fervents défenseurs de la réglementation, mais dans ce type de marché, il faut imposer certaines contraintes à ceux qui ont tant de poids, mais aussi aux institutions financières elles-mêmes, et nous pensons que, lorsqu'il existe chez elles, depuis les hauts dirigeants jusqu'en bas, un désir sincère de mieux servir la petite entreprise, cela semble donner des résultats. Nous pensons donc que la preuve a été faite que cela peut fonctionner et nous croyons qu'on peut faire beaucoup mieux et que ce ne serait pas avantageux seulement pour le petit entrepreneur qui ne serait pas forcé de fermer boutique mais aussi pour l'ensemble de l'économie.

Mme Chamberlain: À ce sujet et à propos des données du comité de l'industrie - ma mémoire me fait peut-être défaut, mais je ne le crois pas - les banques indiquent que leurs prêts à la petite entreprise sont plus élevés que ce que je vois ici. Je sais qu'il y a des banquiers dans la salle - l'Association des banquiers canadiens est présente - alors j'espère qu'on me fournira cette information.

Mme Swift: Je me demande si leurs définitions...

Mme Chamberlain: Je sais; les sondages et les données, les pommes et les oranges, tout cela... mais il me semble y avoir une incohérence. C'est ce qui m'embête. Quand deux groupes de données différentes sont présentés, il est très difficile de les comparer.

Mme Swift: C'est exact.

M. Gray: L'une des grandes recommandations faite par la FCEI il y a 18 mois au comité Berger portait justement sur les données. Nous avions beaucoup de mal à mettre la main sur des données fiables pour les prêts inférieurs à 500 000 $ ou 200 000 $. Or la valeur moyenne d'un prêt à la petite entreprise, la moyenne chez nos membres, est de 50 000 $. Nous l'avons dit au comité. Le comité nous a entendus et a fait des recommandations en ce sens. Je ne sais pas encore ce qui sera fourni exactement, mais afin que tout le monde parle de la même chose et pour que l'on comprenne ce qui se passe vraiment, il est absolument essentiel d'avoir ces données.

Je pense que cette conversation témoigne de ce genre de frustration et plus nous aurons rapidement des données sur lesquelles tout le monde s'entendra et que nous pourrons comparer de façon raisonnable, mieux ce sera pour la petite entreprise et pour les décideurs.

Mme Chamberlain: Ma dernière question porte sur les ventes liées. La FCEI a-t-elle fait des sondages dans ce domaine et vos membres pensent-ils qu'il y a des ventes liées chez les banques?

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Mme Swift: Il y en a eu. Là encore, il s'agit d'impressions plutôt que de données objectives résultant d'un sondage. Mais nous avons entendu parler de situations où les membres croient que les autres services offerts... Il est certain que des services sont offerts, et je pense que le vrai problème... Il est très difficile de le mesurer, parce que c'est une question de perception.

Le petit entrepreneur qui a besoin d'un prêt pour démarrer ou prendre de l'expansion, peu importe, ou qui a déjà une marge de crédit et qui se retrouvera dans de beaux draps si on la lui enlève, est évidemment très mal placé face à son prêteur. Qu'un service lui est offert et qu'il a l'impression qu'on le force à l'accepter - ou sent une pression en ce sens - ne fait aucun doute. De nombreux membres nous en ont parlé.

Mme Chamberlain: Dernière remarque à ce sujet, je pense que le comité devra vraiment veiller à bien cerner les problèmes des ventes liées et des ventes croisées, parce que les perceptions sont évidemment... Quand il est question de cas isolés, il faut s'assurer de prendre les bonnes mesures.

Mme Swift: En passant, j'ai constaté au fil des années que les deux sujets dont nos membres hésitent le plus à parler sont les banques et Revenu Canada, ce qui n'a rien d'étonnant. Qui est le mieux placé pour les attaquer le plus vigoureusement? Les banques et le fisc. C'est une raison qui explique pourquoi nous avons tant de mal à obtenir que nos membres s'expriment publiquement et donnent des détails. Ils nous en parlent, mais nous demandent de taire leur nom. On ne peut pas les blâmer, parce que les conséquences sont assez graves.

Mme Chamberlain: Nos électeurs nous disent la même chose.

Le président: Merci, madame Chamberlain.

Monsieur Shepherd, puis monsieur Pillitteri et monsieur Fewchuk.

M. Shepherd: Merci beaucoup de vos observations. Je fais partie du comité de l'industrie et nous sommes justement en train d'établir la liste de convocation des banques pour le prochain trimestre.

Un aspect qui n'est peut-être pas le plus important mais sur lequel je veux revenir, puisque Brenda l'a évoqué, est que les banques vont soutenir et même convenir avec vous que dans certaines catégories - probablement les prêts de moins de 200 000 $ - l'activité a été plutôt stable.

D'après elles, cela s'explique par le fait que la nature des affaires a changé et que nous nous dirigeons de plus en plus vers une société axée sur la technologie. Pour ces raisons, la taille des prêts diminue. D'ailleurs, elles affirment que le nombre d'emprunteurs augmente mais que la valeur des prêts diminue. Je sais qu'elles invoqueront cet argument pour expliquer les statistiques au cours du prochain trimestre. Vous pouvez peut-être me dire ce que vous en pensez.

Je regarde le secteur des services financiers évoluer et il me semble que l'attitude face aux petites entreprises est axée sur la microgestion des prêts. Les banques soutiennent que l'administration des prêts avec contrôle préalable coûte trop cher, compte tenu de tous les autres coûts, alors elles mettent plutôt l'accent sur les cartes de crédit. La Banque Royale vient justement d'annoncer un programme de 35 000 $ et il me semble, d'après mes discussions avec les autres banques, qu'elles s'en vont toutes dans cette direction.

À mon avis, cela veut dire qu'à court terme, les petites entreprises devront payer des taux d'intérêt plus élevés. On parle actuellement du taux de base, majoré de 3 p. 100. En ce qui concerne les problèmes des collectivités rurales et de ceux qui obtenaient un service personnalisé à leur banque, il est clair dans mon esprit que le but de la manoeuvre consiste à tout administrer à partir de Toronto ou de l'endroit où se trouve le système de traitement des données. Je pense qu'il s'agit d'une modification spectaculaire de l'attitude du secteur financier face aux petites et aux moyennes entreprises. Quant aux conséquences...

Ma dernière question porte sur un autre aspect général. Étant donné que nous nous intéressons à la législation financière et que les banques sont si présentes sur le marché des valeurs, et vu que, comme vous l'avez indiqué, le financement sur le marché des actions préoccupe la petite entreprise tout autant et peut-être davantage, quelles sont, à votre avis, les obligations des institutions financières face à la création d'un marché des actions plus vigoureux au Canada afin que la petite entreprise y ait accès plus facilement?

Je m'inquiète évidemment du fait que nous n'avons pas de commission nationale des valeurs mobilières. Même si nous en avions une, la législation actuelle fait obstacle à l'entrée de nombreuses petites entreprises, et que les institutions financières aient ou non l'obligation d'essayer de faciliter la tâche des petites et moyennes entreprises...

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Mme Swift: Pour ce qui est de la demande, puisque c'est à cela que vous faites allusion en réalité, et de l'évolution du marché, je suis d'accord avec vous jusqu'à un certain point. Nous avons certainement observé des changements durant la récession. Les petites entreprises qui ont survécu, bien que les banques aient repris leurs billes, y sont parvenues parce que leurs fournisseurs leur ont fait crédit ou par d'autres moyens. Certaines ont maintenu ces mécanismes de crédit après que la situation s'est redressée. Elles ont établi de nouveaux rapports.

Quand on change de cap, on ne revient pas toujours sur la trajectoire de départ. L'argument se défend jusqu'à un certain point.

Quant à nous, lorsque nos membres ne cessent de nous raconter leurs difficultés avec leur banque - ou avec une autre institution financière, mais surtout avec une banque parce que les banques occupent la plus grande partie du marché - et que le taux de refus des prêts est encore assez élevé, même si le marché a changé - nous ne contestons pas du tout ce fait - nous constatons qu'il existe encore de graves problèmes qui pourraient être corrigés, selon nous, et nous pensons que toutes les parties en profiteraient. Il y a donc un fond de vérité dans tout cela, mais cela n'explique pas tout.

Le phénomène des cartes de crédit est intéressant. Quand je lis les revues qui s'adressent à la petite entreprise, je suis toujours étonnée par le nombre d'articles sur des entreprises prospères qui commencent par: «J'ai lancé mon entreprise en utilisant au maximum toutes mes cartes de crédit». Ces entrepreneurs n'avaient pas d'autre choix, parce qu'elles n'avaient accès à aucune autre source de crédit, au début. Je pense que les banques reconnaissent maintenant une situation qui existe depuis des années.

Cela dit, les marges de crédit donnent habituellement le plus de fil à retordre aux petites entreprises. Les conditions doivent être stables. Les montants en cause ne sont pas élevés d'habitude, mais il faut une certaine stabilité, la certitude que les modalités ne changeront pas dans deux semaines, parce que l'entrepreneur compte évidemment sur cette source de crédit.

Nous ne pensons pas que le programme annoncé hier par la Banque Royale soit une mauvaise chose.

La question des taux d'intérêt élevés est très pertinente. Nous avons constaté dans nos sondages que, jusqu'à un certain point, nos membres sont prêts à payer des taux d'intérêt plus élevés. Il est évident que le taux de base majoré de 8 p. 100, par exemple, est hors de question.

Les banques canadiennes - encore une fois, elles nous l'ont affirmé elles-mêmes - sont reconnues pour leur attitude extrêmement conservatrice, au point où elles n'offrent même pas de financement au taux de base majoré de 3 p. 100, parce que, tout de suite dans leur esprit, c'est considéré comme trop risqué.

Nous pensons que tant que le taux est raisonnable... Nous suivons évidemment l'évolution en ce qui concerne les cartes de crédit, par exemple, et d'autres mécanismes du genre, mais je pense qu'il existe un marché pour ces formes de crédit. Nos membres nous ont déclaré qu'il y a un marché pour des prêts au taux de base majoré de 3 p. 100. Si les entreprises ne peuvent obtenir du financement ailleurs et sont disposées à en payer le prix, pourquoi hésiter? Mais dans un marché captif où il n'y a qu'une ou deux institutions et qu'on ne demande plus le taux de base majoré de 3 p. 100 mais plutôt un taux majoré de 5 p. 100, alors c'est probablement exagéré.

M. Shepherd: Dans les deux cas, il me semble que les institutions financières tentent de convertir tous leurs clients actuels parmi les PME, qui paient le taux de base majoré de 1 ou 1,5 p. 100, au régime du taux de base majoré de 3 p. 100. La prochaine étape, dans deux ou trois ans d'ici selon moi, consistera à prétendre que c'est trop difficile à administrer, alors elles vont vous offrir leur carte de crédit ordinaire, et voilà.

Mme Swift: A environ 20 p. 100.

M. Shepherd: Évidemment. Vous avez tout compris.

Mme Swift: C'est un très bon argument. Je le répète, nous sommes toujours prêts à donner la chance au coureur pendant un certain temps, avant de critiquer. Certaines de ces innovations sont très récentes. Si elles permettent une simplicité administrative, pour l'institution et pour l'entrepreneur, sans accroître les coûts - et cela reste à démontrer, pour l'instant, parce que nous ne le savons pas encore - et si les institutions financières tentent de convertir tous les prêts au taux de base majoré de 1 ou 2 p. 100 en prêts majorés de 3 p. 100 ou plus, alors nous ne tarderons pas à en entendre parler, je vous l'assure.

Nos membres n'hésitent pas à nous informer de ce qui se passe, et lorsque nous commençons à entendre parler d'un problème, nous veillons à le faire savoir, à vous et à d'autres.

M. Gray: Il y a aussi le problème de la contrainte. Vous en entendrez parler tout de suite et je peux vous assurer que, par le passé, l'une des grandes institutions financières a pour ainsi dire forcé ses clients à s'adresser à ses centres de la petite entreprise.

Supposons que je sois un petit entrepreneur de la région de Stratford et qu'on m'apprenne soudainement que je dois aller à Kitchener pour faire mes opérations bancaires. Ce n'est pas le genre de chose qu'une banque peut nier facilement. Alors si la banque force les gens à renoncer à une ligne de crédit normale, à des taux concurrentiels, et à prendre plutôt une carte de crédit, vous en entendrez certainement parler.

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En ce qui concerne votre dernière question au sujet de la participation des banques au marché du financement par actions, nous avons recommandé au comité de l'industrie que ce soit permis en partie. Ce n'est pas vraiment le rôle des institutions financières de participer à ce marché, et elles ont toujours soutenu qu'elles ne sont pas des prêteurs de capital de risque.

Mais pour les petites entreprises, la principale source de financement demeure leurs bénéfices nets. Si elles ne peuvent réinvestir leurs bénéfices dans leur entreprise - c'est le cas de la majorité d'entre elles - le financement par actions, le capital de risque et toutes ces panacées avec lesquelles les gouvernements nous rebattent les oreilles depuis 25 ans ne s'appliquent pas à la plupart des petites entreprises. Il faut des gens intéressés à investir dans leur entreprise, qui ont un certain revenu disponible, qui obtiennent des avantages fiscaux et sont incités à investir. Les entreprises canadiennes sont saignées à blanc par les charges sociales et les impôts fonciers. Elles n'ont donc pas de capitaux propres à réinvestir. Tant que ce problème ne sera pas réglé - et ce n'est pas la faute des banques - la croissance de ces entreprises ne sera pas optimale.

M. Shepherd: Le vrai problème que j'essayais de faire ressortir - nous sommes peut-être passés un peu à côté - est celui du marché des actions canadien et de sa petite taille. Ainsi, on entend parler à tout bout de champ de gens qui ont des bonnes idées et qui aboutissent à la NASDAQ, parce qu'ils n'ont pas accès au marché des actions canadien. La réalité est que la Banque Royale contrôle la plus grande partie de ce marché, alors a-t-elle une obligation d'essayer de régler le problème?

Mme Swift: Les investisseurs sont aussi plus conservateurs au Canada. C'est évident dans tout le milieu financier. Cela s'explique en partie par des facteurs culturels, mais nous sommes convaincus que des améliorations pourraient être apportées afin de faciliter l'accès des petites entreprises au marché des actions.

Nous constatons qu'il est habituellement impossible de trouver du capital de risque lorsque le montant nécessaire est inférieur à 5 millions de dollars. Vous pourriez probablement compter sur les doigts de la main nos membres qui ont besoin d'une telle somme. Il y a sans aucun doute des choses à améliorer, mais je pense que le facteur culturel joue un grand rôle quand on compare les marchés canadien et américain.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Shepherd.

Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'ai coudoyé des banquiers en fin de semaine. Je leur demande toujours de délier plus facilement les cordons de la bourse, notre bourse en réalité, afin d'aider les petites entreprises en accordant des prêts. Ils m'ont raconté qu'à la fin des années 70 et au début des années 80, leurs largesses étaient infinies et qu'ils ne veulent plus commettre cette erreur. Ils disent que l'économie a surchauffé.

Je leur ai répondu que leurs largesses ont servi à faire monter les taux d'intérêt au lieu de stimuler l'économie. Si vous regardez le graphique, 10 milliards de dollars en 1983 valaient beaucoup plus qu'aujourd'hui. Alors, ils prêtent moins aux petites entreprises.

Il est vrai que les banques prêtent davantage récemment, mais on peut voir sur le graphique - et je le remarque depuis un certain temps - que lorsque les taux d'intérêt sont bas, les prêts bancaires aux moyennes et aux grandes entreprises ont tendance à augmenter. Lorsque les taux sont élevés, les banques visent davantage les petites entreprises. Avez-vous des données à ce sujet?

Comme on peut le voir ici sur le graphique, en 1988 et en 1989, les taux d'intérêt ont commencer à monter et il y a eu plus de prêt aux grandes sociétés, tandis que les prêts aux petites entreprises ont diminué.

Mme Swift: En règle générale, les banques ne font pas plus d'argent lorsque les taux sont plus élevés, parce qu'elles doivent elles aussi verser des taux plus élevés. Les représentants de l'ABC pourront vous l'expliquer mieux que moi. Mais l'idée que les banques roulent sur l'or lorsque les taux d'intérêt sont élevés est fausse, parce qu'elles doivent payer plus cher pour se financer.

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Étant donné que les taux d'intérêt sur les cartes de crédit sont actuellement beaucoup plus élevés que le taux d'escompte... Ce sont ces écarts qui importent, pas simplement le fait que les taux d'intérêt sont élevés et que les banques roulent sur l'or. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment un rapport entre les deux.

Nous savons combien nos membres paient en sus du taux de base. C'est ce qui importe, pas le niveau absolu des taux d'intérêt. L'inflation joue aussi un rôle important, comme l'a indiqué M. Grubel.

Un aspect de cette question du coût global du crédit pour nos membres que nous trouvons intéressant est que la prime que nos membres doivent payer au-dessus du taux de base - par conséquent, le coût réel - n'a pas diminué, en moyenne. Elle est restée à peu près identique. Il y a eu de légers écarts de temps à autres. Certaines banques offrent pendant un certain temps un taux légèrement plus bas, mais dans l'ensemble, en moyenne, l'écart est resté à peu près le même. Par ailleurs, les frais de service ont augmenté.

Il y a donc trois éléments au coût que doit payer une petite entreprise: le taux d'intérêt, les frais de service et les garanties exigées. Les garanties exigées sont restées à peu près identiques, les taux d'intérêt aussi et les frais de service ont augmenté. Nous constatons une augmentation du coût total, mais les taux d'intérêt ne sont qu'un élément de l'équation.

M. Pillitteri: Je faisais allusion au passage d'une catégorie d'emprunteurs à l'autre selon l'évolution des taux d'intérêt. C'est ce que je constate dans le graphique. Entre 1990 et 1994, il y a moins de prêts aux petites entreprises et plus de prêts aux grandes entreprises. C'est ce que j'essayais de démontrer.

Mme Swift: Oui, nous pensons qu'il s'agit davantage d'un phénomène cyclique lié à la récession, pas vraiment aux taux d'intérêt, pour vous dire la vérité.

De plus, quand surviennent de tristes débâcles comme celles que nous avons vues depuis une dizaine d'années, quand des milliards de dollars s'évanouissent parfois en fumée, cela n'arrive pas chez les petites entreprises mais chez les grandes. Il y a donc parfois des chutes plus spectaculaires dans le cycle commercial des grandes entreprises que des petites. Les montants en cause sont tellement plus élevés.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pillitteri.

Enfin, monsieur Fewchuk.

M. Fewchuk: Bon après-midi. Merci d'être venus.

J'ai un peu de mal à accepter vos premières affirmations. Vous nous avez indiqué que le fisc fédéral et les banques sont les principaux problèmes, mais ayant dirigé moi-même quelques entreprises, je me souviens des difficultés que j'ai dû surmonter. Mon grand problème, c'était les municipalités rurales, les conseils municipaux, les gouvernements provinciaux et tous les règlements, notamment dans le domaine foncier.

Depuis deux ans que je suis ici, je n'ai jamais entendu l'un d'entre vous demander aux entrepreneurs ce que vous pouvez faire pour que la réglementation locale facilite la tâche de ceux qui veulent se lancer en affaires. Nous connaissons le raisonnement dans le domaine fiscal. Nous acceptons de payer des impôts parce que cela veut dire que notre entreprise est prospère. C'est l'autre problème qui nous dérange. Je ne vous ai jamais entendu dire ce que vous allez faire au niveau local pour aider les entrepreneurs.

Mme Swift: Nous sommes très actifs au niveau local. Nous n'en parlons pas devant un comité fédéral, d'habitude, parce que nous pensons qu'il faut traiter de questions fédérales lorsque nous nous adressons à un comité fédéral.

Nous avons des bureaux d'un océan à l'autre, comme vous le savez peut-être. Nous avons des représentants provinciaux dans toutes les provinces. Ils s'adressent aux gouvernements provinciaux.

Vous avez tout à fait raison. Il est vrai que tous les paliers de gouvernement réduisent les transferts. On s'en ressent au niveau provincial, puis au niveau local. À l'heure actuelle, le niveau local pose un grave problème. Nous nous intéressons beaucoup plus aux problèmes locaux, aux problèmes fiscaux et réglementaires, que nous le faisions auparavant.

Nous débattons de ces problèmes devant les autorités pertinentes. D'habitude, nous n'entrons pas dans ces détails devant un groupe fédéral.

Je reviens sur une autre affirmation que vous avez faite. Vous avez déclaré que lorsqu'on paie des impôts, c'est signe de prospérité. Si seulement c'était vrai! C'est vrai dans le cas de l'impôt sur les sociétés, mais pour la petite entreprise, l'impôt sur les sociétés est le moindre de ses soucis.

M. Fewchuk: Merci de le préciser, parce que vous avez affirmé il y a un moment que c'était un grand problème.

Mme Swift: Mais les gens ne comprennent pas le régime fiscal lorsqu'ils font de telles affirmations. Le principal problème, ce n'est pas l'impôt sur le revenu des sociétés, parce qu'il est vrai qu'on en paie quand on fait de l'argent et qu'on n'en paie pas dans le cas contraire. Mais les charges sociales, il faut les payer qu'on fasse de l'argent ou non.

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Il faut mettre l'accent sur les taxes qui ne dépendent pas des bénéfices. C'est un cheval de bataille pour nous. Les charges sociales fédérales - RPC et assurance-emploi - ont grimpé en flèche depuis dix ans. Les charges sociales provinciales ont fait de même. Les impôts fonciers sont un autre type de taxe qui ne dépend pas des bénéfices, tout comme les impôts sur le capital.

Toutes ces taxes fédérales, provinciales et locales qui ne dépendent pas des bénéfices ont augmenté depuis 15 ans et ont rendu notre régime fiscal moins sensible aux cycles économiques. Nous croyons que les niveaux élevés de faillites observés au cours de la dernière récession, des niveaux record en réalité, sont liés directement au fait qu'au moins...

M. Fewchuk: La plupart des gens d'affaires déclarent que les employés sont très importants pour eux. Ils ont de bons employés, qui font bien leur travail, et ils ont une bonne entreprise. C'est donc donnant-donnant. Les bénéfices sont importants.

Mme Swift: Je pense que nos membres conviendront que les bénéfices sont importants, mais ils se demandent, par exemple, pourquoi 5 milliards de dollars dorment dans le fonds de l'assurance-emploi, sans qu'on songe vraiment, semble-t-il, à réduire de manière importante les taux de cotisation. Ils s'interrogent sur la façon de dépenser ces montants.

M. Fewchuk: Il faut se rappeler que la situation était pénible pour les employés lorsque ce fonds n'existait pas. C'est très important pour les gens d'affaires.

Mme Swift: Nos membres sont tout à fait d'accord. Ils s'interrogent seulement sur la gestion de ces fonds, et je crois qu'ils ont de bonnes raisons de le faire.

M. Fewchuk: Merci.

Le président: Merci, monsieur Fewchuk.

Comme à chaque fois que vous comparaissez devant nous, nous avons abordé un grand nombre de sujets, dont certains qui ne sont même pas évoqués dans le Livre blanc. Nous avons parlé du fardeau réglementaire imposé aux petites entreprises, de la nécessité d'harmoniser et de rationaliser la réglementation, de se débarrasser de la paperasserie et de la bureaucratie. Nous avons parlé du fardeau fiscal, et tout particulièrement du rôle des banques comme prêteurs à nos petites entreprises.

Une idée qui est ressortie et que, personnellement, j'appuie avec beaucoup d'enthousiasme, est que les banques doivent prêter 1 million de dollars à celui qui trouvera un remède à la calvitie.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Puisque nous avons choisi de nous lancer dans la vie publique, il est crucial que nous, les législateurs, écoutions les représentants des milliers de petites entreprises du pays qui ne réussiraient peut-être pas autrement à se faire entendre à Ottawa. Merci, si vous n'existiez pas, je crois qu'il faudrait vous inventer.

Merci beaucoup, madame Swift et monsieur Gray, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

La séance est levée jusqu'à 15 h 30.

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