[Enregistrement électronique]
Le lundi 30 septembre 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes poursuit son étude des changements proposés à la législation régissant les institutions financières du Canada.
Nous avons avec nous cet après-midi, de General Electric Capital, Michael Davies, vice-président, chef du contentieux et secrétaire, Robert Weese, vice-président, Relations gouvernementales et extérieures, Leslie Battrick, conseiller juridique et Roman Oryschuk, président et directeur général.
Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être ici avec nous. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire.
M. Michael N. Davies (vice-président, chef du contentieux et secrétaire, General Electric Capital Canada Inc.): Merci, monsieur le président et merci à vous, membres du comité. Au nom de General Electric Capital Canada et de notre société mère, General Electrical Capital Corporation, nous sommes heureux de vous présenter nos vues relativement aux propositions contenues dans le Livre blanc.
Tout d'abord, quelques renseignements de base sur GE Capital. GE Capital, dont le siège social est situé à Stamford au Connecticut, est une société de services financiers diversifiés bénéficiant d'une cote de crédit triple A. Par l'entremise de ses filiales canadiennes, GE Capital est active au Canada depuis 1937; elle possède aujourd'hui un actif productif net de plus de 5 milliards de dollars, et elle compte plus de 2 000 employés au Canada.
Notre siège social est situé à Mississauga, en Ontario, et nous avons des bureaux d'un bout à l'autre du pays. Nous sommes engagés dans plus d'une douzaine d'activités touchant des services financiers différents. Ce sont notamment le financement et la location d'équipement, la location automobile, la location de wagons de chemin de fer, le financement de la vente au détail, le financement de projets commerciaux et industriels, et le financement immobilier commercial.
Il existe un degré minimal de chevauchement entre les activités canadiennes de GE Capital et celles des banques canadiennes. Certains des services qu'offre GE Capital au Canada - par exemple ceux offerts par ses divisions Financement commercial et Financement d'équipement - correspondent à ceux offerts par les banques, mais ces services ont tendance à être complémentaires plutôt que directement concurrentiels, et ils répondent habituellement à des besoins différents de la clientèle.
Par exemple, nous fournissons un financement dans des situations hors de la zone de «confort» des banques. Nous sommes souvent prêts à offrir des ratios de financement plus élevés en raison d'une plus grande connaissance de l'équipement financé. Nos réseaux mondiaux de revente d'équipement ont permis à des industries locales d'avoir accès aux capitaux dont elles ont besoin. Nous avons avec succès suivi des stratégies d'investissement anticycliques qui offre au marché les liquidités dont il a grandement besoin quand les sources traditionnelles de financement font défaut. Nous comblons également un créneau important comme prêteur «de transition» pendant les périodes de ralentissement économique où les banques peuvent se retirer de certains secteurs dans lesquels les risques courus sont considérés trop élevés. Je pense par exemple au marché immobilier commercial.
GE Capital n'est pas une banque et n'accepte pas de dépôts. Elle est par contre, suivant la définition large contenue dans la Loi sur les banques, une banque étrangère. Conséquemment, nous avons dû à plusieurs occasions obtenir une autorisation du Cabinet afin de pouvoir étendre ou réaménager nos activités de services financiers au Canada. Il y a deux ans, comme condition de l'obtention d'une telle autorisation, on nous a demandé de signer un engagement auprès du BSIF qui, entre autres, nous interdit de pratiquer le financement de détail.
[Traduction]
GE Capital, étant considérée comme une banque étrangère, estime particulièrement intéressantes les modifications que propose le Livre blanc en matière de conditions d'entrée au pays pour les banques étrangères, notamment pour ce qui est des «quasi-banques». Dans le Livre blanc, on définit la quasi-banque étrangère comme étant une entité étrangère qui n'accepte pas de dépôts, qui n'est pas soumise à la réglementation des banques dans son pays d'origine, mais qui fournit un ou plusieurs services de type bancaire que les banques sont autorisées à fournir. Nous appuyons fortement la position visant à permettre aux quasi-banques comme GE Capital de conduire leurs affaires plus librement au Canada.
En fait, depuis le début de l'étude de la Loi sur les banques il y a un peu plus d'un an, nous avons pour position que les sociétés comme GE Capital ne devraient pas en général être assujetties à la réglementation découlant de la Loi sur les banques et ce, pour un certain nombre de raisons. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, GE Capital n'est pas une banque. Elle n'est pas assujettie à la réglementation sur les banques aux États-Unis, elle n'est pas considérée comme une banque dans ce pays ou ailleurs dans le monde, et elle n'accepte de dépôts de détail ni aux États-Unis, ni au Canada. C'est le cas également de toutes ses filiales canadiennes. GE Capital ne participe pas au système de paiements, et elle n'expose pas le système à des pertes via l'assurance-dépôts.
Selon nous, dans ces circonstances, la surveillance réglementaire impose des coûts administratifs, des retards et des incertitudes inutiles, tant au gouvernement qu'aux sociétés, sans qu'il y ait apparence de politique d'intérêt public. Par exemple, l'autorisation du Cabinet est actuellement nécessaire en vertu de la Loi sur les banques pour les transferts intersociétés d'une filiale à une nouvelle filiale.
Si, par exemple, nous faisons affaire au Canada de façon légitime par le truchement d'une société et que, à des fins de titrisation ou autre, nous souhaitons constituer une autre société et simplement lui transférer l'actif, alors la Loi sur les banques nous oblige dans certaines circonstances à solliciter et à obtenir le consentement du Cabinet auprès du ministre.
Autre cas: les acquisitions liées à des activités dans lesquelles GE Capital est déjà légitimement engagée. Par exemple, après avoir obtenu l'approbation d'acquérir une entreprise de services financiers, si nous voulons par la suite ajouter à cette entreprise, il se peut que nous soyons à nouveau obligés d'obtenir une approbation pour toute acquisition subséquente, même si l'acquisition est effectuée par la même entreprise.
Également, les approbations sont nécessaires dans des secteurs traditionnellement hors du domaine bancaire dans lesquels on a permis aux banques d'étendre leurs activités. À mesure que les banques ont l'autorisation d'élargir leurs activités à de nouveaux secteurs - et je dois dire ici que GE Capital ne s'oppose nullement à l'expansion des pouvoirs des banques, de quelque façon que ce soit - ces secteurs deviennent des secteurs d'activités de type bancaire, selon la Loi sur les banques, de sorte que ceux qui y participent, les personnes, les sociétés commerciales et les entreprises de services financiers comme la nôtre sont obligés d'obtenir une approbation pour participer à ces nouvelles activités auxquelles les banques sont autorisées à participer et qui, en réalité, ne sont pas des activités bancaires.
Les principaux concurrents de GE Capital au Canada ne sont pas les banques, mais plutôt d'autres prêteurs sur actif. Les sociétés canadiennes comme Newcourt Credit Group, notre principal concurrent canadien dans ce secteur ne font l'objet d'aucune réglementation ou contrôle relevant de la Loi sur les banques au Canada. Je crois qu'environ 50 p. 100 de leurs activités d'affaires se déroulent maintenant aux États-Unis mais, là non plus, elles ne sont soumises à aucune surveillance ou réglementation équivalentes. Ces entreprises ne sont tout simplement pas assujetties à la même réglementation que celle qui nous vise à titre d'entité non bancaire.
Ainsi, d'après nous, selon la notion de traitement national établi dans le cadre des accords de l'ALÉNA et de l'OMC, les quasi-banques étrangères comme GE Capital ne devraient pas être assujetties à plus de règlements que les quasi-banques canadiennes comme Newcourt, Commcorp et d'autres.
La proposition du Livre blanc fera en sorte que toutes les quasi-banques étrangères au Canada seront traitées de la même façon. Présentement, seules les quasi-banques étrangères qui ont fait une acquisition ou une réorganisation ont dû demander l'approbation ministérielle. Seules ces quasi-banques étrangères ont été obligées de signer un engagement auprès du BSIF qui les contraint dans leurs activités à maints égards, notamment en matière de financement de détail. La proposition du Livre blanc éliminera cette contradiction.
Comme nous l'avons déjà mentionné, GE Capital appuie tout à fait la position du Livre blanc qui vise à éliminer certaines des contraintes réglementaires auxquelles sont soumises les quasi-banques étrangères. Le Livre blanc prévoit qu'une fois qu'elles auront obtenu en vertu de la Loi sur les banques l'autorisation d'entrer sur le marché canadien - GE Capital a obtenu cette autorisation il y a déjà plusieurs années - et à condition que leurs activités canadiennes non réglementées demeurent à l'extérieur du financement de détail - dont le Livre blanc ne donne pas une définition précise - , les quasi-banques étrangères n'auraient pas à demander d'autres autorisations. De plus, comme l'a confirmé le BSIF, elles seraient libérées des engagements déjà signés en vertu de la Loi sur les banques.
Étant donne que GE Capital n'obtient pas de capitaux sur le marché canadien de détail, suivant la définition actuelle du BSIF - c'est-à-dire que GE Capital n'émet pas de titres de valeur inférieure à 100 000$ ou ne procède pas à des souscriptions de moins de 200 000$ - la proposition du Livre blanc ne semble pas lui poser de problèmes d'accès au marché des capitaux.
Nous comprenons cependant les sérieuses inquiétudes qu'ont manifestées un certain nombre de courtiers en valeurs mobilières et d'autres quasi-banques étrangères qui émettent des titres de valeur beaucoup moindre que GE Capital à propos de l'application potentielle de la définition actuelle du financement de détail, en ce qui a trait à leurs emprunts sur le marché des effets commerciaux et le marché des capitaux à moyen terme. Si la définition actuelle est retenue, ces intervenants pourraient être obligés de limiter très considérablement leurs activités de financement ou encore de devenir eux-mêmes des banques. Nous croyons comprendre que des discussions sont présentement en cours en réponse à ces préoccupations.
Pour résumer et en guise de conclusion, permettez-moi de dire que GE Capital exerce au Canada diverses activités liées aux services financiers dont aucune ne fait l'objet d'une réglementation gouvernementale en vertu de la Loi sur les banques lorsqu'elles sont menées par des sociétés canadiennes de même nature. GE Capital n'offre pas de services bancaires, ni au Canada ni aux États-Unis, et ses principaux concurrents au Canada ne sont pas des banques.
De même, la notion de traitement national suggère que GE Capital ne devrait pas être soumise à plus de réglementation que les quasi-banques canadiennes de même nature. Même si nous croyons que les sociétés comme GE Capital, qui n'acceptent pas de dépôts, ne devraient pas être soumises d'aucune manière aux dispositions de la Loi sur les banques, nous reconnaissons que la proposition contenue dans le Livre blanc libère effectivement les quasi-banques étrangères des dispositions de la Loi sur les banques, sauf pour ce qui est de l'entrée sur le marché et à condition qu'elles n'offrent pas de financement de détail. Cela constitue pour nous, chez GE Capital, une position médiane raisonnable.
Par conséquent, sous réserve de la résolution des préoccupations relatives au financement de détail, et à condition que les engagements déjà signés soient résiliés comme prévu par le Livre blanc, GE Capital appuie fermement la proposition faite dans le Livre blanc qui permettra aux quasi-banques étrangères de conduire leurs affaires plus librement au Canada.
Merci, monsieur le président et merci à vous, membres du comité.
Le président: Merci, monsieur Davies.
[Français]
Nous allons commencer la période de questions en donnant la parole à M. Bélisle.
M. Bélisle (La Prairie): Ma première question est la suivante: à la page 2 de votre document, au troisième point portant sur le rôle complémentaire au service offert par les banques que joue votre organisme, vous nous dites,
- Nous comblons un créneau important comme prêteur «de transition» pendant les périodes de
ralentissement économique où les banques peuvent se retirer de certains secteurs dans lesquels
les risques courus sont considérés trop élevés.
M. Roman Oryschuk (président et chef de la direction, Générale Électrique Capital du Canada Inc.): Le domaine forestier est un secteur où les banques canadiennes, selon les cycles économiques, s'engagent parfois davantage, parfois moins. C'est un domaine dans lequel l'entreprise dont je suis responsable est très active, que ce soit dans les régions de Val-d'Or, Chicoutimi et la Côte-Nord ou dans l'Ouest canadien. C'est un domaine dans lequel nous avons développé un créneau important.
Si nous pouvons participer dans ce domaine de façon aussi active, c'est principalement parce que nous consacrons énormément d'énergie à la connaissance des équipements que nous finançons et également à la connaissance de l'industrie et des gens qui y oeuvrent. Cette combinaison de connaissance de l'équipement et de connaissance de l'industrie et des clients nous permet souvent de mener de bonnes affaires dans ce secteur. C'est un bon exemple.
M. Bélisle: Vous donnez l'exemple des forêts. Pourrait-on être plus spécifiques et dire qu'il s'agit de secteurs cycliques comme la forêt et les mines? Peut-être pas les mines...
M. Oryschuk: Je pense que beaucoup de nos activités sont cycliques. Prenez le domaine du transport dans lequel mon entreprise est engagée. Ce n'est qu'une des 14 entreprises dans lesquelles GE Capital s'engage au Canada. Nous y sommes très fortement engagés. Le domaine forestier et celui de la construction sont aussi des domaines dont nous nous occupons beaucoup. Ils représentent une proportion importante des affaires de mon entreprise.
M. Bélisle: À la dernière page, dans la conclusion, à la fin du deuxième paragraphe, vous écrivez:
- ...sauf pour ce qui est de l'entrée sur le marché et à condition qu'elles n'offrent pas de
financement de détail. Cela constitue pour nous une position «médiane» raisonnable.
M. Oryschuk: Je peux donner un début de réponse.
[Traduction]
M. Davies: Par position médiane, nous voulons dire que nous jugeons les propositions acceptables comme position médiane. En effet, nous avons soutenu que les quasi-banques sont réglementées sans qu'il n'y ait apparence de politique d'intérêt public. Nous ne sommes pas vraiment des banques; nous ne sommes pas en concurrence avec les banques; nous ne sommes une banque nul part ailleurs dans le monde. Par conséquent, la définition d'une banque étrangère pourrait être modifiée de telle manière qu'elle ne s'applique pas du tout aux quasi-banques.
On propose dans le Livre blanc que, dans la mesure où l'entrée au Canada de la quasi-banque a été approuvée - ce qui ne nous concerne pas puisque nous avons reçu l'approbation d'entrer au Canada il y a déjà longtemps - et dans la mesure où la quasi-banque évite le financement de détail, elle pourra exercer ses activités. La définition du financement de détail est encore plutôt floue et il se peut qu'un autre concept soit adopté à l'avenir. Les discussions se poursuivent à ce sujet. Dans la mesure où la notion de financement de détail s'applique à nous à l'heure actuelle, elle nous empêche d'emprunter de l'argent, par voie d'effets commerciaux ou autrement par des émissions d'une valeur inférieure à 100 000$. Ainsi, la proposition n'a pas d'effets néfastes sur nous.
Cependant, bon nombre d'autres quasi-banques empruntent sur les marchés financiers des sommes beaucoup moins importantes. Pour elles, c'est donc un problème. À ma connaissance, il s'agit d'un problème reconnu qui fait l'objet de discussions à l'heure actuelle. On cherche à trouver une solution en définissant ce qui distingue une quasi-banque d'une vraie banque sur le plan des sources de financement.
Personne ne peut encore dire à quelle définition on aboutira ou quel concept sera retenu, mais nous appuyons et le principe et la proposition qui veut qu'on attende une définition du financement de détail. De notre point de vue, cependant, nous sommes satisfaits de la définition qui existe à l'heure actuelle.
M. Bélisle: Merci.
Le président: Monsieur Schmidt, s'il vous plaît.
M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre comparution et de l'exposé que vous nous avez livré.
Ma question porte sur des déclarations que vous avez faites à la page 3. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris où vous vouliez en venir lorsque vous avez parlé de l'expansion des activités des banques dans d'autres secteurs où elles n'étaient pas actives auparavant et du fait que cela avait pour effet de soumettre votre société à la Loi sur les banques. Plus précisément, il s'agit du dernier segment en retrait du 2e paragraphe complet de la page 3, et je cite: «les secteurs commerciaux (traditionnellement hors du domaine bancaire) dans lesquels on a permis aux banques d'étendre leurs activités».
Est-ce que cela veut dire que vous aimeriez vous lancer dans des activités de fiducie, d'assurance ou d'investissement, où que vendre des titres vous intéresserait?
M. Davies: Non, c'est plutôt le contraire. Nous ne voulons pas nous lancer dans des activités de type bancaire. Mais depuis 1992, les banques ont le droit d'offrir des services de type plus commercial. Je pourrais citer l'exemple dont il a déjà été question, celui du crédit-bail automobile. Nous sommes totalement neutres et nous ne nous opposons pas à la présence des banques dans ce secteur.
Cependant, le libellé actuel de la Loi sur les banques a des conséquences étranges dont je doute qu'elles aient jamais été prévues. Si les banques décidaient de se lancer dans le crédit-bail automobile, cette activité deviendrait alors une «activité bancaire». Des compagnies étrangères offrant de tels services deviendraient alors des banques étrangères. Si nous souhaitions nous lancer dans le crédit-bail automobile au Canada, il nous faudrait obtenir l'approbation du Cabinet pour une activité commerciale considérée comme étant non bancaire.
M. Schmidt: Et c'est ce qui vous intéresse maintenant.
M. Davies: Oui, nous offrons actuellement ce service comme beaucoup d'autres compagnies qui ne sont pas des banques.
M. Schmidt: Vous considérez-vous comme un grossiste bancaire?
M. Davies: Nous ne nous considérons absolument pas comme une banque.
M. Schmidt: Non, je comprends. Est-ce parce que vous ne prenez pas de dépôts ou est-ce parce que vous ne...
M. Davies: En partie, je suppose. Nous ne sommes pas considérés comme une banque aux États-Unis. En d'autres termes, GE Capital est considérée par la Loi sur les banques comme une «banque étrangère» simplement parce que cette définition s'y applique. Cependant, aux États-Unis GE Capital n'est pas une banque et nous ne sommes une banque nul part ailleurs dans le monde. Mais comme cette définition s'y applique, c'est donc une banque étrangère pour le Canada. GE Capital ne prend pas de dépôts pas plus qu'aucune de ses filiales canadiennes. Nous ne sommes pas partie prenante au système de paiements et nous n'avons rien à voir avec l'assurance-dépôts.
M. Schmidt: Est-ce que cela vous intéresserait?
M. Davies: Non.
M. Schmidt: Très bien. Ma dernière question concerne les opérations de financement de détail. Vous savez que cela fait l'objet d'une polémique?
M. Davies: Oui.
M. Schmidt: C'est en partie une question de définition et c'est en partie une question de concurrence. La définition actuelle ne vous pose pas de problème, mais qu'en serait-il si elle était modifiée?
M. Davies: Je suppose, monsieur Schmidt, qu'il faudrait attendre de voir comment cette définition serait changée et de voir si elle est assouplie au point de tenir compte des problèmes, si je les comprends bien, des institutions quasi-bancaires qui empruntent de l'argent sur le marché des effets commerciaux et sur le marché à court terme dans les provinces qui offrent des garanties de titres. Dans la mesure où la définition de financement de détail était modifiée pour tenir compte de ces problèmes, la liberté de manoeuvre serait plus grande et il est envisageable que ces changements nous conviendraient.
M. Schmidt: Merci.
Le président: Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Bonjour, mesdames et messieurs.
J'aimerais vous poser une question. Vous serait-il plus facile d'investir, disons dans CAMCO à Hamilton et dans les autres usines de Montréal, si l'argent venait de votre côté? Est-ce que ce que propose le Livre blanc vous aiderait?
M. Davies: Je ne suis pas certain d'avoir complètement compris votre question, monsieur.
M. Fewchuk: Pour les investissements au Canada.
M. Davies: Oui, je crois qu'à l'heure actuelle, sans que cela n'ait aucun rapport avec les dispositions de la Loi sur les banques, GE Capital, ou GE Canada d'ailleurs, qu'en quelque sorte nous représentons également, n'auraient aucun problème à investir davantage dans CAMCO s'ils décidaient de le faire. Je ne pense pas que la Loi sur les banques fasse obstacle à ce genre d'investissement. Je sais que tel n'a pas été le cas lorsque nous avons investi il y a 20 ans dans CAMCO, quand CAMCO a été créé suite à la fusion avec GSW puis à l'acquisition de Westinghouse. En conséquence si des investissements supplémentaires étaient nécessaires ou opportuns pour CAMCO, cette opération pourrait avoir lieu sans problèmes dans le cadre de la loi actuelle ou de la loi subséquente.
M. Fewchuk: Très bien. Je voulais simplement savoir s'il y avait certaines règles, à tout hasard.
M. Davies: Je ne pense pas que la Loi sur les banques s'applique à ce genre d'opération et je crois que la liberté de manoeuvre est totale.
M. Fewchuk: Merci.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Cullen (Etobicoke-Nord): Messieurs, merci beaucoup, et mesdames.
Vous avez parlé tout à l'heure du secteur des ressources naturelles, de l'industrie forestière, et c'est un secteur auquel j'ai consacré une certaine partie de ma vie précédente. Une des choses qui nous plaisaient beaucoup chez GE Capital et chez d'autres compagnies c'est qu'elles offraient ce qu'on appelle du financement hors bilan surtout quand les marges d'endettement étaient très faibles, pour la location de matériel et les contrats salariaux. J'estime personnellement que c'est un service très utile et je me demande où vous le situez dans vos activités générales. De toute évidence il ne s'agit pas de financement de détail. Est-ce que cela entre dans les services normaux offerts par les banques d'investissement?
M. Oryschuk: Il est certain que c'est un de ces produits que nous offrons sur le marché qui autrement ne serait pas disponible. La location hors bilan dépend généralement de la volonté du bailleur à courir le risque quant à la valeur du matériel après un certain temps d'utilisation. Pour pouvoir prendre ces risques, il faut connaître la valeur actuelle du matériel, prévoir l'évolution de la conjoncture économique et surtout bien comprendre dans quelles conditions et pourquoi ce matériel va être utilisé. C'est certainement un de ces produits que nous offrons au marché.
Je dois vous avouer en toute franchise que nos clients canadiens préfèrent acheter leur propre matériel et nous leur offrons aussi dans ce cas des possibilités de financement créatrices.
M. Cullen: Très bien. J'ai une toute petite question complémentaire. Dans le domaine du prêt à contre-cycle, l'industrie forestière a la réputation d'être très cyclique et d'une manière générale nous investissons quand le cycle est à la hausse et quand nous atteignons le sommet le marché a disparu. Pouvez-vous, ou avez-vous l'expérience nécessaire, pour nous dire quelques mots sur les investissements ou les prêts à contre-cycle? Est-ce qu'ils servent uniquement en dernier recours à renflouer les trésoreries ou permettent-ils à l'industrie de traverser ces mauvaises passes et à investir au bon moment si bien que les beaux jours revenus il est possible de profiter des prix plus élevés?
M. Oryschuk: C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. Je dirais que notre expérience des bons cycles et des mauvais cycles est égale. Je crois qu'un des aspects importants de notre philosophie est que nous soutenons nos clients aussi bien pendant les mauvaises passes que pendant les bonnes passes.
La pire situation dans laquelle peuvent se trouver aussi bien le client que l'institution de prêt c'est quand on ferme le robinet un peu trop tôt et qu'on abandonne ses clients quand les temps sont rudes car ils ont tendance à s'en souvenir. Pour jouer à ce jeu, il faut être là du début à la fin et rester constant.
Nos clients sont généralement des experts dans leur domaine et nous aimons croire que ce sont des gens d'affaires avisés qui comprennent très bien le marché dans lequel ils évoluent et généralement la décision de travailler ensemble est mutuelle.
Je ne sais si cela répond d'une manière complète et satisfaisante à votre question mais c'est le mieux que je puisse faire.
M. Cullen: Merci.
Le président: Est-ce qu'un de vos plus gros contrats de financement est la vente de locomotives GE à CN?
M. Oryschuk: Je ne pense pas pouvoir vous répondre. Vous avez probablement vu la semaine dernière un communiqué de presse concernant ce financement. Je crois que ce financement n'a pas été arrangé par GE mais par le CN directement sur le marché américain. Mais quant à l'importance de la transaction je ne peux que spéculer.
Le président: Autrement dit, ce n'est pas votre compte.
M. Robert D. Weese (vice-président, relations gouvernementales et extérieures, Générale Électrique Capital): Monsieur le président, GE possède une entreprise, la General Electric Transportation Systems, qui fabrique et vend des locomotives. Cette entreprise a vendu des locomotives à CN et à CP.
GE Capital possède aussi une entreprise de crédit-bail qui loue des wagons porte-rails à des sociétés ferroviaires au Canada et ailleurs en Amérique du Nord. Nous sommes très présents dans ce secteur.
Tout comme Roman, je ne suis pas au fait de la transaction dont vous parlez.
Le président: Pourquoi les banques canadiennes ne voudraient-elles pas s'implanter dans ce secteur? Deuxièmement, qu'est-ce qui les empêcherait de se lancer dans le crédit-bail d'équipement lourd?
M. Oryschuk: Plusieurs banques sont déjà présentes dans le secteur du crédit-bail d'équipement.
Dans des séances de comité comme celle-ci, on aborde surtout la question du crédit-bail automobile pour les consommateurs, mais de façon générale, toutes les banques sont autorisées à offrir des services substantiels de crédit-bail, sous réserve de certaines restrictions.
Pour des raisons commerciales, notre façon d'aborder le secteur diffère de celle d'une banque traditionnelle. Dans le domaine du crédit-bail et du crédit d'équipement, notre stratégie consiste à découvrir des niches et ensuite à bien nous familiariser avec les règles.
Le président: Les banques pourraient-elles offrir ce genre de crédit-bail par l'entremise d'une filiale séparée?
M. Oryschuk: Je pense qu'elles peuvent le faire directement ou par le biais d'une filiale. Leur pouvoir actuel les y autorise.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Monsieur Schmidt.
M. Schmidt: Merci, monsieur le président.
J'ai une petite question à vous poser. Vous traitez manifestement avec de grandes entreprises. Faites-vous aussi affaire avec de petites entreprises et des entreprises émergentes?
M. Oryschuk: Bien sûr. Dans le domaine de l'exploitation forestière en particulier, nous traitons avec un grand nombre d'entrepreneurs du secteur des transports. Dans le secteur de l'impression, nous transigeons avec de petites entreprises. En fait, dans mon entreprise, je traite surtout avec des PME, et non avec de grandes entreprises.
M. Schmidt: Une petite entreprise a-t-elle plus de mal à obtenir de l'argent de vous que d'une banque?
M. Oryschuk: Je dirais que c'est plus facile...
M. Schmidt: Combien...
M. Oryschuk: ...mais ce serait une réponse facile. Je vais vous expliquer pourquoi. Encore là, c'est une question de connaissances. Il faut connaître l'équipement, connaître le secteur, connaître la valeur de ce type d'équipement et son fonctionnement et savoir aussi quels critères font qu'une entreprise commerciale réussit dans ce secteur en particulier.
En outre, il arrive souvent que nous ayons des arrangements avec les fabricants et les équipementiers qui desservent les clients d'industries spécifiques. Cela nous permet de conclure des partenariats avec ces fabricants et ces équipementiers et d'arriver sur le marché avec des solutions pratiques pour le petit entrepreneur.
M. Schmidt: Quel taux paie le petit entrepreneur pour faire affaire avec vous par rapport à une banque?
M. Oryschuk: S'il opte pour un taux fixe, c'est au-dessous de 10 p. 100. S'il choisit un taux variable, avec le taux préférentiel actuel, cela se situe généralement au-dessous de 7,75 p. 100, et bien souvent, c'est moins. Parfois, grâce aux escomptes que nous pouvons négocier avec les équipementiers, nous pouvons offrir des taux encore meilleurs à nos clients, encore une fois grâce à ce partenariat.
M. Schmidt: Merci.
Le président: Je vous remercie d'avoir comparu devant nous. Il est toujours agréable de s'entendre dire: «Nous approuvons ce que vous faites».
Nos prochains témoins représentent l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières du Canada. Nous accueillons Andrew Scace, vice-président et directeur, RBC Dominion Securities; Peter Marchant, vice-président et directeur, BCIC Wood Gundy; Jean Morin, vice-président, Midland Walwyn Capital; et Ian Russell, vice-président, marchés des capitaux, ACVM.
M. Andrew Scace (membre, comité exécutif, Association des courtiers en valeurs mobilières du Canada): Merci pour votre introduction, monsieur le président. Je voudrais tout d'abord me présenter, et vous présenter mes collègues qui comparaissent devant le comité cet après-midi au nom de l'Association des courtiers en valeurs mobilières.
Mon nom est Andrew Scace et je comparais aujourd'hui en qualité de membre du comité exécutif de l'ACVM. Je suis vice-président et directeur de la RBC Dominion Securities Inc. À ce titre, je suis responsable de la division du revenu fixe général pour la succursale bancaire d'investissement de la Banque royale du Canada, la RBC Dominion Securities Inc.
Peter Marchant, directeur général de la CIBC Wood Gundy Securites Inc., est chargé de l'émission et de la répartition des billets de trésorerie et d'autres titres de créances offerts par les grandes sociétés sur les marchés monétaires intérieurs.
M. Marchant et moi-même avons plus d'une vingtaine d'années d'expérience comme représentants des émetteurs et des investisseurs sur les marchés de capitaux canadiens.
Nous sommes accompagnés cet après-midi de Jean Morin, vice-président de Midland Walwyn et président du conseil de district de Québec de l'ACVM; et de Ian Russell, vice-président, marchés de capitaux, à l'ACVM.
C'est en vue de promouvoir au Canada des marchés de capitaux efficients, liquides et sûrs aux yeux de la communauté financière internationale, que nous comparaissons cet après-midi devant le comité. Nos observations, qui porteront sur des aspects précis du Livre blanc du gouvernement fédéral, qui sont de nature technique, mais qui ont des ramifications sérieuses et profondes pour les marchés de capitaux canadiens.
Le Livre blanc propose un cadre réglementaire moins contraignant pour les quasi-banques étrangères installées au Canada. Ces institutions relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, généralement du fait qu'elles sont affiliées à une banque étrangère. La rationalisation de la réglementation à laquelle sont assujettis ces établissements est un objectif louable. Cependant, le Livre blanc entend imposer un seuil minimal aux sommes que peuvent aller chercher ces quasi-banques sur les marchés de capitaux afin d'assurer que la politique proposée ne comporte pas de risques pour les investisseurs.
Nous croyons que le fait d'imposer un seuil minimum de 200 millions de dollars aura des conséquences sérieuses sur la liquidité...
Le président: C'est 200 000$.
M. Scace: Le minimum de 200 000$, désolé, aura des répercussions sérieuses sur la liquidité et l'efficience des marchés financiers intérieurs, perturbera les opérations de crédit et de crédit-bail des quasi-banques et aura des conséquences fâcheuses pour les investisseurs et les emprunteurs individuels.
Nous souhaitons cet après-midi exprimer nos préoccupations et proposer au comité une orientation politique plus efficace qui lui permettrait d'atteindre son objectif de réglementation tout en atténuant les retombées financières négatives découlant de la proposition. Il va de soi que mes collègues et moi-même répondrons volontiers à toutes les questions que pourraient avoir les membres du comité.
Collectivement, les quasi-banques étrangères ont énormément emprunté de billets de trésorerie intérieurs et d'effets à moyen terme depuis de nombreuses années. Elles ont stimulé le développement de marchés de capitaux diversifiés et complexes. La plupart de ces institutions émettent couramment des valeurs mobilières d'une valeur inférieure au seuil minimal de 200 000$ proposé. Elles le font en réponse à une forte demande des épargnants, des conseillers en placements qui gèrent les fonds d'investisseurs privés et de petits investisseurs institutionnels - comme des caisses de retraite - qui souhaitent faire l'acquisition d'investissements liquides ayant une très bonne cote. Les restrictions de financement proposées interdiraient à ces institutions financières l'accès au marché des épargnants, ce qui aurait pour effet d'augmenter leurs coûts de financement et de réduire du même coup la liquidité du marché secondaire.
Ces propositions présentent un inconvénient, en ce sens qu'elles privent les investisseurs individuels canadiens et les petits investisseurs institutionnels de la possibilité de faire des investissements comparativement sûrs et à rendement élevé pour leurs portefeuilles de retraite et autres besoins.
Les propositions du Livre blanc auraient pour effet de désavantager les quasi-banques étrangères installées au Canada par rapport aux institutions canadiennes concurrentes offrant des services de crédit et de crédit-bail, étant donné que ces dernières seraient soustraites aux restrictions de financement proposées. Il s'en suit que les clients des quasi-banques étrangères seraient désavantagés par cette proposition parce qu'il leur en coûterait plus cher d'emprunter et que leurs options de crédit seraient réduites. Les autorités fédérales devraient se préoccuper du fait qu'on peut avancer, avec raison, que toutes ces restrictions, imposées rétroactivement, violent le principe du traitement national et, par conséquent, contreviennent à l'Accord de libre-échange nord-américain.
Nous pensons que les propositions du Livre blanc visant à limiter la réglementation des quasi-banques étrangères sont bien intentionnées et que le souci de protéger les détenteurs de portefeuilles de détail est bien fondé. Toutefois, étant donné que les quasi-banques étrangères financent leurs opérations au moyen de titres négociables offerts sur les marchés financiers plutôt que de dépôts, les investisseurs sont déjà protégés par la réglementation provinciale des valeurs mobilières et il n'est pas besoin de seuils minimaux arbitraires pour l'émission de titres. En outre, si on s'en tenait à la réglementation provinciale, on éviterait l'incidence néfaste sur le marché que risque d'avoir le seuil minimal proposé.
Que les responsables fédéraux se rassurent: les organismes de réglementation provinciaux connaissent le marché en profondeur et ils savent bien quels sont les risques lors d'émission de titres. Ce sont eux qui ont imposé l'obligation d'information, qui a du reste été modifiée dernièrement, ainsi que d'autres mesures pour protéger les investisseurs. Il serait utile selon nous de discuter avec les responsables provinciaux de l'efficacité de l'obligation d'information et des normes provinciales imposées par les organismes d'autoréglementation aux négociants en valeurs mobilières afin de déterminer si les investisseurs sont protégés adéquatement.
Nous croyons savoir également que le BSIF se préoccupe de préserver la distinction entre les titres négociables émis par des entités non réglementées et les activités de dépôt auxquelles s'adonnent les banques et les compagnies de fiducie qui sont elles réglementées. Toutefois, nous pensons que cette protection est parfaitement possible sans bouleverser les quasi-banques étrangères qui négocient les billets de trésorerie et les effets à moyen terme.
Les responsables du BSIF nous ont signalés au cours de la semaine dernière qu'ils ont l'intention de présenter des propositions révisées qui n'entraveraient pas les activités d'emprunt des quasi-banques étrangères sur les marchés financiers. Le BSIF a donné à notre association l'occasion de prendre connaissance de ces nouvelles propositions et d'y réagir et nous avons accepté son offre.
Nous estimons qu'il est tout à fait possible d'en arriver à une solution qui permettrait aux quasi-banques étrangères de s'adonner à leurs activités de mobilisation de fonds, qui assurerait la protection des investisseurs et qui permettrait au gouvernement de s'acquitter efficacement de ses obligations en matière de réglementation.
Nous espérons que nos remarques constituent pour vous et vos collègues une bonne explication de nos préoccupations et des mesures que nous proposons pour y trouver une solution. Il est temps je crois de passer aux questions des membres du comité. Je vous remercie de votre attention.
Le président: Monsieur Scace, si je ne m'abuse, vous avez entamé des discussions fructueuses avec les gens du BSIF afin que la limite imposée de 200 000$ soit baissée à 50 000$, n'est-ce pas?
M. Scace: Nous n'en sommes pas encore aux détails mais les discussions ont été amorcées. La semaine dernière, nous avons rencontré les représentants du BSIF et ils nous ont donné l'assurance qu'on allait nous consulter.
Le président: Nous ne pouvons que souhaiter que le dialogue ne sera pas rompu.
M. Scace: Merci.
Le président: Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Rocheleau (Trois-Rivières): À la page 3 de votre document, vous faites état des restrictions financières du Bureau du surintendant des institutions financières qui vous défavorisent, semble-t-il. Est-ce que vous pourriez nous expliquer quelle sorte de pressions ou d'influence subit le surintendant des institutions financières? Par son attitude ou ses intentions, par l'alignement qu'il veut donner à la procédure, qui le Bureau va-t-il favoriser, consciemment ou inconsciemment?
M. Jean Morin (vice-président, Midland Walwyn) Monsieur le président, nous pouvons vous offrir plusieurs éléments de réponse. Ce serait tout d'abord les services et les produits disponibles et offerts à vos électeurs, qui sont nos épargnants et nos clients. En tant que conseiller en placements, je peux vous dire que des milliers de clients un peu partout à travers le Canada utilisent ces instruments sur une base quotidienne pour diversifier leur portefeuille.
Dans la pratique courante, nous transigeons pour nos clients des billets à moyen terme pour des montants qui vont jusqu'à 5 000$. Ça peut sembler peu, mais je vais prendre comme exemple un portefeuille de REÉR ou un portefeuille de placements plus conventionnels dont un client ou une cliente canadienne peut dépendre de façon vitale. Si une personne dispose d'un portefeuille de 200 000$ qui constitue l'ensemble de son épargne et qu'elle obtient un taux de rendement de 0,5 p. 100 de plus, cela fera 1 000$ par an. Ça fait donc 1 000$ sur 20 000$, ce qui veut dire quatre ou cinq commandes d'épicerie pour cette personne. Cela peut vouloir dire un changement de la qualité de vie. Il y a donc des effets concrets pour les petits épargnants.
Au niveau de leur sécurité, les papiers commerciaux sont selon nous, les revendeurs, bien encadrés et bien réglementés par les autorités provinciales. Si on diminue l'accessibilité de ces produits, ça laisse à nos épargnants le choix de deux produits: soit les obligations émises par les divers paliers de gouvernement, municipaux, provinciaux ou fédéral, soit les instruments bancaires. Dans les deux cas, les taux sont différents et nos clients sont désavantagés. Donc, il y a l'aspect diversification et l'aspect rendement.
Nous croyons, à la lumière de notre expérience, que nos clients n'ont jamais été, dans le passé, mal servis ou mal protégés par le fait qu'on pouvait transiger des sommes de 10 000$, 20 000$, 30 000$ ou 50 000$ avec de tels instruments.
M. Rocheleau: Si j'ai bien compris, le surintendant des institutions financières a dit que dorénavant, il va falloir un minimum de 200 000$ pour pouvoir acheter semblables titres dans des quasi-banques. Qu'est-ce qui pousse le Bureau à recommander cela?
M. Morin: Nous pensons que c'est dans le but de réduire la lourdeur administrative qui règne autour de la réglementation des quasi-banques. On allège ce processus sous prétexte de mieux encadrer et mieux protéger les petits épargnants. On ne croit pas que ces deux processus soient mutuellement exclusifs. On peut fort bien alléger une réglementation qui fonctionne déjà bien - dans la réalité, on a très peu ou pas de plaintes face à ces instruments-là - tout en maintenant, dans le cadre des lois provinciales, la protection des clients. On ne voit pas pourquoi ces deux éléments doivent être reliés.
M. Rocheleau: D'accord. J'ai une dernière question, monsieur le président. Vous faites allusion à l'ALÉNA. Vous dites qu'une telle chose contreviendrait au principe du traitement national dont il est question dans l'Accord de libre-échange. Est-ce que vous pourriez nous expliquer en quoi cela peut être contraire à ce principe?
[Traduction]
M. Ian Russell (vice-président, Marchés financiers, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières): Je vais répondre à la question que vous avez posée.
Selon l'ALÉNA, le principe du traitement égal à l'échelle nationale s'applique aux institutions financières étrangères qui font des transactions sur le marché canadien. Les activités commerciales sont soumises aux mêmes règles que celles de leurs homologues concurrentes canadiennes.
Dans ce cas particulier, si l'on maintenait le seuil de 200 000$ en le consacrant dans la loi, les quasi-banques étrangères qui s'adonnent à des activités de crédit et de crédit-bail ne disposeraient pas de la même souplesse pour le financement que les entreprises canadiennes qui offrent les mêmes services.
Par exemple, le témoin qui nous a précédés, le représentant de GE Capital, qui offre le crédit-bail, se verrait imposer des restrictions, si ces règles étaient mises en vigueur, alors que son concurrent canadien, Newcourt, par exemple, qui offre les mêmes services, serait traité différemment. De la même façon, la Société AVCO, Beneficial Finance, deux autres quasi-banques qui offrent du crédit à la consommation, seraient entravées par ces restrictions alors que Eaton's Credit, par exemple, ne le serait pas.
Ces institutions nationales échappent aux mêmes règles parce qu'elles ne sont pas de compétence fédérale et les restrictions ne s'appliqueraient donc pas.
[Français]
Le président: Ça vous convient, monsieur Rocheleau? Monsieur Schmidt, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Schmidt: Merci. Monsieur le président, une brève question qui portera sur la Commission nationale des valeurs mobilières.
Vous avez parlé des différences dans les réglementations provinciales. Ma question a deux volets. Tout d'abord, je me demande si vous n'êtes pas injuste à l'égard d'une commission nationale des valeurs mobilières. Voilà pourquoi je tiens à me renseigner. Pourquoi vous opposez-vous à cette commission nationale?
Le président: Très bonne question.
M. Morin: J'ai eu le plaisir ou l'inconvénient, je n'en sais rien, d'être le premier président à se démarquer de la position nationale de l'association précisément parce que j'essayais d'expliquer cela à l'assemblée législative à Québec. Je ne sais pas si cela est le propos de votre comité mais...
M. Schmidt: Absolument.
M. Morin: Comment cela?
M. Schmidt: Parce qu'il s'agit de valeurs mobilières.
M. Morin: Les valeurs mobilières sont actuellement régies par la législation provinciale. L'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières comporte diverses sections et chapitres, notamment en Colombie-Britannique, au Québec et dans une partie de l'Alberta. Certains de nos adhérents en Alberta pensent que le régime actuel offre une protection raisonnable à nos clients et qu'il constitue une réglementation adéquate des valeurs mobilières et des négociants de ces dernières. Cela dit, personne ne s'oppose à une simplification éventuelle et à une réduction des coûts, car cela est comme la vertu.
Si j'ai bien compris, pour adhérer à l'idée d'une commission nationale des valeurs mobilières, il faudrait qu'on nous prouve qu'elle saura être plus efficace s'agissant de répondre aux besoins régionaux et également de réduire les coûts. Tant qu'on n'aura pas fait cela, il y aura des réserves de taille - je parle ici de certains chapitres - et ce n'est que dans ce cas-là qu'il y aura un appui universel dans notre secteur.
Le président actuel a toujours préconisé une commission nationale et notre conseil d'administration national a adopté une résolution portant que nous appuyons et appuierons cette initiative. Toutefois, il faut que les élus comprennent que cette question ne fait pas l'unanimité. C'est le reflet de la situation au Canada.
M. Russell: Permettez-moi de tâcher de répondre à cette question à mon tour. Je ne pense pas que le noeud de la question soit le choix à faire entre un régime de réglementation des valeurs mobilières provincial ou un régime fédéral sous forme de commission canadienne des valeurs mobilières.
Dans le cas qui nous occupe, il s'agirait plutôt de marier les règles visant les banques et celles qui visent les valeurs mobilières. D'une part il y a le BSIF qui s'occupe de la réglementation des institutions financières fédérales s'adonnant à des activités bancaires, et un aspect de la question est le fait que ces institutions peuvent accepter des dépôts.
On comprend très bien qu'on a voulu trouver une solution qui permettrait aux institutions non réglementées de poursuivre leurs activités sans pour autant accepter des dépôts et c'est pour cela que les responsables de la réglementation fédérale ont dû tenir compte des règlements provinciaux et les intégrer à l'équation. Cela ne veut pas dire un laissez-faire général. Il se peut qu'au bout du compte le fédéral doive imposer des règles quelque peu différentes. Il n'en demeure pas moins qu'il faut une coordination étroite entre la réglementation fédérale et celle des provinces dans ce cas-ci. Les mêmes difficultés guettent dans un régime comme dans l'autre.
Autrement dit, même s'il existe bien au niveau fédéral et un organisme responsable du secteur bancaire et une commission des valeurs mobilières, le même genre de problèmes risquent de se poser que s'il y avait un organisme fédéral responsable des banques et un groupe d'administrateurs canadiens qui représenteraient les commissions provinciales des valeurs mobilières. À mon avis, en bout de ligne, c'est une question de coordination de la réglementation.
M. Schmidt: Dans une telle situation, n'est-il pas un peu lourd à porter d'avoir, d'une part, des banques réglementées par le fédéral et, d'autre part, c'est quasi-banques qui sur les marchés cherchent à réunir des capitaux, qu'elles doivent administrer selon les règlements provinciaux, tandis que les banques obéissent à la réglementation fédérale? N'y a-t-il pas un conflit d'activités dans ce cas-ci?
M. Russell: Vous avez raison. Si nous entreprenions de refaire les marchés canadiens, il y aurait peut-être un meilleur moyen de s'y prendre. Mais nous avons actuellement un système.
M. Schmidt: Voilà pourquoi il est réexaminé. Tâchons de l'améliorer, de le réparer.
M. Russell: En effet. Pour y arriver, il s'agit de savoir si une commission canadienne des valeurs mobilières vaudrait mieux qu'une meilleure consultation, qu'une plus grande harmonisation entre les provinces.
M. Schmidt: Ce sont vous les experts. À vous de nous le dire.
M. Peter K. Marchant (vice-président et directeur, CIBC Wood Gundy Inc.): Monsieur Schmidt, si nous réexaminons toute cette question - et comme nous ne vivons pas en autarcie, nous ne pouvons pas la régler de façon isolée...
M. Schmidt: Il n'en est pas question de toute façon.
M. Marchant: Je sais. Les marchés financiers sont mondiaux désormais - et cela est vrai pour les émetteurs comme pour les investisseurs - de sorte que les commissions des valeurs mobilières ont prévu une réglementation qui permette à l'émetteur comme à l'investisseur d'obtenir dans le cas de ce dernier une diversification des investissements possibles, et dans le cas du premier, des capitaux au prix le plus avantageux.
L'harmonisation de la réglementation doit également prendre en compte la dynamique des marchés financiers. Récemment, les commissions provinciales se sont tournées vers ce qui se passait aux États-Unis, sur le plan de la réglementation et à la Securities and Exchange Commission, afin que l'émission des titres soit plus fongible et afin que, d'un côté comme de l'autre de la frontière, les émetteurs et les investisseurs canadiens puissent compter sur des débouchés, des émissions venant d'entreprises étrangères pouvant être offertes ici à des détenteurs de portefeuille au détail.
Les choses ne se sont pas déroulées parfaitement, car les Américains ne sont pas venus en masse offrir au Canada des émissions d'actions. Je le répète, la situation n'est pas homogène chez nous.
M. Schmidt: Peut-on dire que, contrairement à ce qui se passe chez eux, où ils peuvent compter sur une réglementation centrale, les Américains qui veulent venir ici ont affaire à dix régimes différents?
M. Morin: Il n'est pas tout à fait vrai de dire que la réglementation américaine est centralisée. Les courtiers doivent être certifiés dans divers États, obtenir des permis, des licences pour exercer là-bas. Ça, c'est en ce qui nous concerne. Mon collègue ici pourra vous expliquer ce qui se passe pour les émissions, mais si je ne m'abuse, il faut préparer un prospectus en vertu de la réglementation de certains États également.
M. Schmidt: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Schmidt. Y a-t-il d'autres questions?
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Monsieur le président, permettez-moi de poser une brève question.
Je reviens au seuil de 200 000$ pour les placements dans le cas des quatre quasi-banques. Pourquoi a-t-on envisagé ce changement? En proposant 50 000$, vise-t-on à uniformiser la situation d'une province à l'autre? Est-ce une somme plus acceptable? Le chiffre est-il fixé arbitrairement? Y a-t-il une logique? C'est cela que je veux savoir.
M. Marchant: En toute franchise, je dois vous dire que c'est un chiffre qui a été fixé arbitrairement et dont nous nous sommes servis dans nos discussions avec les représentants du Bureau du surintendant des institutions financières. C'est ce qu'avait proposé la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario en 1988 ou 1989. Je n'ai pas pu retrouver les lettres que j'avais écrites à ce moment-là, où je réclamais la suppression de la dispense de prospectus pour les billets de trésorerie inférieurs à 250 000$.
Nous avons eu des discussions là-dessus et nous avons convaincu la commission de maintenir la dispense de prospectus dans le cas d'un billet de trésorerie inférieur à 50 000$. Cette somme varie d'une province à l'autre, car je pense qu'en Colombie-Britannique c'est 150 000$, et en Saskatchewan également.
Ce qui est plus important de faire remarquer, quand nous fixons un seuil de 50 000$ pour les effets à moyen terme et les obligations émises avec prospectus, il est entendu qu'une fois le prospectus déposé auprès des diverses commissions, on ne s'en tient pas à 50 000$. Cela peut être rabaissé à 1 000$. Les responsables de la réglementation provinciale ont déployé beaucoup d'efforts pour exiger la communication de tous les renseignements afin de protéger les investisseurs. Il est parfaitement loisible à quelqu'un d'acheter une obligation de 1 000$ si elle est émise avec prospectus.
En pratique, cela ne se produit pas dans le cas des effets à moyen terme, d'un an à 30 ans... Cela se produit dans le cas des obligations avec prospectus.
Mme Brushett: Je suppose que l'on préfère les petites coupures parce que cela signifie moins de paperasserie, parce que c'est moins coûteux. Si les choses ne se déroulent pas comme vous le proposez, on peut prévoir pendant plusieurs années la perte d'importants débouchés précieux pour l'économie canadienne, n'est-ce pas?
M. Marchant: Manifestement, avant l'âge de l'électronique, nous n'encouragions pas les billets pour des petites sommes, et quand cela se produisait le coût était répercuté et transmis à l'acheteur. Avec le système d'inscription en compte, le coût des transactions n'est pas très élevé.
Nous sommes courtiers et intervenants sur le marché financier et nous voulons garantir que les marchés reflètent la valeur des titres. Nous voulons garantir également que l'avènement de l'électronique ne lèse pas nos clients.
Ainsi, j'estime que nous avons progressé. On constate une plus grande liquidité sur les marchés financiers. Il existe ce que nous appelons un billet en bonne et due forme, un produit qui sert les intérêts des acheteurs lors de transactions compliquées. Je ne peux pas vous en donner d'exemples pour l'instant. Je ne m'occupe pas de cet aspect-là. Mais nous souhaitons à tout prix resserrer le marché de sorte que si quelqu'un veut vendre un effet une fois qu'il l'a acheté, il puisse le faire sans encourir une pénalité pécuniaire.
Le président: Je ne connais personne qui s'oppose à votre recommandation de faire passer ce seuil de 200 000$ à 50 000$, ou au niveau fixé par les provinces. Deuxièmement, cela reprend tout à fait notre souhait d'harmoniser nos lois avec celles des provinces. Troisièmement, dans la même veine que ce qu'a dit M. Schmidt, vu que les lois provinciales sont tellement différentes, le seuil oscillant entre 50 000 $ et 150 000$, ne serait-il pas avantageux pour tous les Canadiens de pouvoir compter sur un régime simplifié uniforme, de ressort provincial, ou tout simplement d'avoir recours à une commission nationale des valeurs mobilières?
À moins que quelqu'un ne les convainque du contraire, je pense que les membres du comité sont prêts à appuyer votre proposition. Je vous exhorte à poursuivre vos entretiens avec les fonctionnaires du ministère des Finances qui, vous le constaterez, sont raisonnables et tout à fait disposés à vous écouter. Merci beaucoup d'être venus.
Nous devions accueillir maintenant un représentant de la Corporation financière Power mais puisque les représentants de la Banque Wells Fargo sont ici, nous allons les entendre tout de suite. Les membres du comité comme nos témoins ont fait preuve de beaucoup de coopération pour que nos délibérations se déroulent rondement cet après-midi.
Mme Louise Pelly (avocate représentant la Banque Wells Fargo): Merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui malgré un préavis très court. Je fais partie du cabinet d'avocats Gowling, Strathy et Henderson et je représente la Wells Fargo. M. Gadi Meir, qui m'accompagne, fait partie du groupe des opérations bancaires commerciales de la Wells Fargo. Il est arrivé de San Francisco hier soir pour pouvoir assister à la réunion de cet après-midi.
C'est M. Meir qui va présenter le gros de notre exposé, mais je voudrais vous faire un bref résumé de la situation. Nous avons préparé un mémoire qui a été colligé en vitesse et que vous n'avez manifestement pas eu l'occasion de lire, mais vous y trouverez des détails sur le point de vue que nous allons exposer aujourd'hui.
Vous savez sans doute que la Wells Fargo est au neuvième rang des banques américaines. Elle possède plus d'un milliard de dollars d'actifs et récemment on a dit d'elle qu'elle était la banque la mieux gérée des États-Unis. Depuis quelques années, elle s'est implantée dans le secteur des prêts aux petites entreprises. Entre 1992 et 1995, sur une période de trois ans, elle a prêté 5 milliards de dollars, c'est-à-dire des prêts aux PME variant de 5 000 $ à 75 000$.
La banque a pu faire cela et connaître ainsi un tel succès parce qu'elle a mis au point une technologie fondée sur un système d'évaluation par score pour évaluer les risques. M. Meir va vous en parler davantage. Ainsi, la Wells Fargo prête à tour de bras à la petite entreprise grâce à un formulaire de demande d'une page qui évite au client de devoir se soumettre aux longues procédures qu'exige normalement l'obtention d'un petit prêt.
Le président: Allez-vous nous donner copie de ce formulaire?
Mme Pelly: Vous le trouverez à l'annexe 2 de notre mémoire. L'annexe 4 est un échantillon du formulaire de demande qu'une petite entreprise doit remplir si elle s'adresse à une institution financière canadienne. Vous constaterez que ce formulaire fait de 11 à 15 pages.
Depuis cette année, la Wells Fargo a promis de consacrer un autre 25 milliards de dollars à la petite entreprise américaine au cours des dix prochaines années. En résumé, la Wells Fargo souhaiterait offrir ses services au Canada et prêter aux petites entreprises canadiennes. Nous savons tous qu'il y a des lacunes de côté-là au Canada. On en a beaucoup parlé et les petites entreprises ont grandement besoin d'argent.
Étant donné la technologie mise au point par la Wells Fargo et ses méthodes d'évaluation du risque, elle n'a pas besoin d'une présence physique importante au Canada. Comme cela a été dit au cours des derniers mois, son intention est de faire une demande en vertu de l'article 521 de la Loi sur les banques afin d'obtenir un décret qui lui permettrait d'offrir de tels services financiers au Canada.
Nous n'en sommes pas encore à l'étape de la demande mais nous avons procédé à des discussions préliminaires avec le surintendant des institutions financières. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que tout juste la semaine dernière, nous avons reçu une lettre du bureau du surintendant qui nous signalait un élément du Livre blanc, à savoir que les banques étrangères ne pouvaient s'implanter au Canada que par l'intermédiaire d'une institution financière réglementée, et le bureau ajoutait qu'en conséquence, il n'envisageait pas de recommander un décret en vertu de l'article 521 de la Loi sur les banques. J'ai copie de cette lettre ici.
Cette décision coupe court à toute velléité de la Wells Fargo d'offrir ses services aux petites entreprises canadiennes. En exigeant qu'elle crée une banque inscrite à l'annexe II ou une société de crédit, on lui impose des dépenses énormes et une structure d'organisation lourde, ce qui l'empêcherait de réaliser ce qu'elle projette de faire.
Je dois ajouter que la Wells Fargo n'a nullement l'intention d'accepter des dépôts et qu'elle n'a pas besoin d'avoir accès au système de paiements canadien. Elle se borne à vouloir offrir ce service aux petites entreprises.
Comme je l'ai dit, voilà pourquoi nous comparaissons au pied levé, en quelque sorte. Nous ne pensions pas qu'on refuserait notre demande en se fondant sur un élément du Livre blanc, qui ne constitue pas encore une mesure législative, alors que la Loi sur les banques actuelle prévoit clairement un article, le 521, permettant une demande comme celle qu'envisage une institution comme la nôtre. Nous espérons en comparaissant aujourd'hui que les membres du comité envisageront peut-être une solution de rechange à cette très exigeante règle proposée, à savoir que les banques étrangères ne peuvent s'installer ici que si elles établissent une banque de l'annexe II de la loi.
Voilà essentiellement ce qu'il en est et je voudrais donner la parole à M. Meir, qui vous expliquera les tenants et les aboutissants de notre système.
Le président: La Northwest Financial et la Capital One nous ont donné un témoignage tout à fait semblable. Il se peut que vous soyez réglementés comme banque étrangère là où vous êtes installés, mais vous n'avez pas l'intention d'offrir toute la gamme des activités bancaires au Canada. Vous voulez tout simplement vous occuper d'un type de crédit, c'est-à-dire des cartes de crédit dans le cas de Capital One, des petits prêts aux consommateurs dans le cas de Northwest Financial et des prêts à la petite entreprise dans le cas de votre banque.
Mme Pelly: Monsieur le président, nous sommes au courant des témoignages présentés par ces organismes et vous avez tout à fait raison de dire que nos arguments et les leurs sont très semblables. La seule différence est que ce sont deux institutions déjà présentes ici.
Le président: Non, pas la Capital One.
Mme Pelly: De toute façon, la Wells Fargo n'a même pas eu la chance de présenter une demande en vertu de l'article 521 et voilà qu'on lui dit tout de suite que ce n'est pas la peine. Mais vous avez raison, nos situations sont comparables.
Le président: Nous sommes ravis de vous entendre mais je pense qu'il serait plus profitable que nous permettions tout de suite aux membres du comité de vous poser des questions. S'il y a quelque chose qui n'a pas été abordé, nous pourrons après cela y revenir. Nous vous donnerons tout le temps nécessaire.
M. Gadi Meir (chef de projet et expert-conseil financier senior, Groupe des opérations bancaires commerciales, Banque Wells Fargo): Comme vous voudrez. Je peux toutefois vous décrire brièvement notre plan de commercialisation.
Le président: Ce n'est pas ce que je veux qui compte. Je vous conseille tout simplement de procéder ainsi mais nous nous en remettons à vous.
Mme Pelly: Il est une autre chose qui nous distingue: nos services visent spécifiquement les petits prêts aux entreprises, qui font cruellement défaut au Canada. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: S'il y a des choses que vous n'avez pas l'occasion de nous faire savoir en répondant aux questions, vous pourrez prendre tout le temps nécessaire pour tout nous expliquer après les questions.
[Français]
Monsieur Rocheleau.
M. Rocheleau: Si je comprends bien, vous envisagez de pénétrer le marché des affaires au Canada, ce qui n'est pas le cas actuellement. Vous avez identifié un créneau.
Est-ce qu'il faut comprendre que, selon vous, le système bancaire canadien et toutes les institutions qui l'entourent et qui font des prêts aux petites et moyennes entreprises ont des lacunes tellement évidentes, tellement importantes qu'il vous apparaît intéressant, sur un plan d'affaires, de vous établir ou de faire en sorte de faire des affaires au Canada, répondant ainsi à un besoin qui n'est pas comblé actuellement? Pourriez-vous définir les faiblesses que vous avez identifiées?
[Traduction]
M. Meir: Oui. La situation... Nous avons vu une situation identique aux États-Unis. Quand nous nous sommes implantés en Californie, nous nous sommes limités aux activités de prêt mais quand notre technologie d'évaluation et notre formulaire de demande d'une page ont été intégrés à notre système, nous l'avons étendu à l'échelle du pays, et nous avons découvert que bien des entreprises qui avaient essuyé un refus auprès d'autres banques, ou qui ne voulaient pas se plier à un long processus, venaient volontiers à la Wells Fargo.
Nous pensons que les banques canadiennes sont très intransigeantes dans la fixation des prix de leurs produits, de leurs marges de crédit. Cela varie du taux de base plus 1 p. 100 au taux de base plus 3 p. 100, plus ou moins. Quant à nous, notre taux d'intérêt varie du taux de base plus 1,75 p. 100 au taux de base plus 8,75 p. 100. Ainsi, nous pouvons nous permettre d'accueillir des clients qui présentent des risques un peu plus élevés, mais qui sont tout à fait sérieux. Nous avons pu identifier ce qui caractérise des clients comportant un plus haut degré de risque et nous avons incorporé ce risque supplémentaire dans notre barème des prix, ce qui nous permet de leur offrir le crédit dont ils ont besoin.
Cela répond-il à votre question? Nous avons une plus grande diversité de clients et une plus grande diversité de risques et de taux d'intérêt. À cela s'ajoute un formulaire de demande beaucoup plus simple. Cela nous a ouvert tout un pan du marché qui n'existait pas autrefois aux États-Unis et qui n'existe pas encore au Canada.
[Français]
M. Rocheleau: Par rapport à l'esprit et à la lettre de l'ALÉNA, où se situe votre projet? Est-ce que l'ALÉNA facilite vos intentions ou constitue un frein avec lequel vous devrez composer et négocier éventuellement?
[Traduction]
Mme Pelly: Si les clauses de l'ALÉNA étaient respectées strictement au Canada, nous ne serions pas ici aujourd'hui. Je ne vois pas comment l'ALÉNA pourrait constituer une entrave pour nous. Ce qui ne va pas, c'est la façon dont le Canada a - je ne devrais pas dire interprété - mis en oeuvre l'ALÉNA jusqu'à présent. Si on respectait à la lettre les modalités de l'accord, la Wells Fargo n'aurait aucun mal à s'implanter au Canada.
M. Meir: Je suis d'accord avec Mme Pelly. La façon la plus simple aurait été de faire une demande en vertu de l'article 521. Si elle avait été refusée, nous aurions pu contester la décision en invoquant les conditions de l'ALÉNA mais cela aurait été très difficile et ce n'est pas ce que nous souhaitons faire. Si toutefois il y avait contestation en vertu de l'ALÉNA, nous aurions sans doute gain de cause.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Rocheleau.
Monsieur Schmidt.
[Traduction]
M. Schmidt: Merci, monsieur le président.
Où trouvez-vous les capitaux dont vous avez besoin pour prêter aux petites entreprises?
M. Meir: Aux petites entreprises du Canada?
M. Schmidt: Oui.
M. Meir: Ou plutôt, comment avons-nous réuni les capitaux aux États-Unis?
M. Schmidt: Non. Si vous veniez au Canada, quelles seraient vos sources de fonds pour le prêt?
M. Meir: Les déposants aux États-Unis. Nous n'acceptons pas de dépôts au Canada. Nous ferions appel à des ressources financières des États-Unis pour financer les prêts au Canada. Aucun établissement de dépôt canadien ne courrait de risques.
M. Schmidt: N'envisageriez-vous pas de participer au marché des effets commerciaux ici pour assurer votre financement?
M. Meir: Nous n'avons pas de plan en ce sens pour le moment. À l'heure actuelle, nous prévoyons nous appuyer sur des ressources financières des États-Unis.
M. Schmidt: Merci.
Le président: Monsieur Cullen, s'il vous plaît.
M. Cullen: Si une telle occasion était donnée à Wells Fargo, qu'est-ce qui vous empêcherait, une fois établis ici, d'assimiler la culture bancaire canadienne et de vous mettre à prêter comme le font nos banques d'ici? Je crois que nos banques s'efforcent d'améliorer leurs résultats en matière de prêt à la petite entreprise, mais nous avons tendance à être un peu plus prudents et à prêter en fonction de l'actif plutôt que de la capacité d'autofinancement. Avons-nous des garanties que vous vous en tiendriez à votre plan, celui qui a bien fonctionné aux États-Unis?
Également, pourriez-vous nous en dire davantage au sujet des instruments auxquels vous faites appel aux États-Unis? S'agit-il exclusivement de financement par emprunt aux taux que vous nous avez cités, ou bien combinez-vous à cela d'autres instruments?
Mme Pelly: Permettez-moi de répondre tout d'abord à la première partie de la question. Si Wells Fargo bénéficiait d'un décret aux termes de l'article 521, selon la loi actuelle, elle serait limitée à exercer les activités prévues selon le décret. Elle ne pourrait pas étendre ses activités vers d'autres types de prêts sans obtenir une nouvelle approbation.
M. Meir traitera du deuxième volet de la question.
M. Meir: Pour ce qui est du premier, je crois qu'il y a une autre façon de voir les choses. Des critiques aux États-Unis avaient également prévu que nous évoluerions de cette façon, à savoir que des pertes importantes nous inciteraient à nous replier sur des prêts moins risqués. C'est pourtant le contraire qui s'est produit. Nous avons consenti des prêts à risque plus élevé et nous y avons trouvé notre compte. Tous les risques supplémentaires que nous avons assumés l'ont été en connaissance de cause, et nous avons pu en tenir compte dans le taux d'intérêt. Nous maintenons le cap partout aux États-Unis et, au Canada, nous prendrions le même engagement que nous avons pris là-bas.
Par ailleurs, permettez-moi de vous dire que, selon nos premiers résultats d'une étude du marché canadien, nous estimons que, en moyenne, la PME canadienne est peut-être plus solvable que son homologue étatsunienne.
Mme Pelly: Autre fait à noter: lorsque Wells Fargo a lancé cette initiative aux États-Unis, au lieu d'accaparer une part de marché que les autres banques semblaient laisser tomber au départ, nous avons plutôt incité ces dernières à y plonger pour des raisons de concurrence. Ainsi, il y a eu dans l'ensemble un accroissement des activités de prêt à la petite entreprise.
M. Meir: Exactement. C'est tout à fait le contraire de ce que vous disiez qui s'est produit. Lorsque nous avons lancé le programme en Californie, par exemple, toutes les principales banques ont annoncé le même genre de programme dans l'année qui a suivi. Heureusement, bon nombre d'entre elles n'ont pas pu nous imiter parfaitement.
M. Cullen: Le deuxième volet de ma question portait sur les instruments auxquels vous avez recours. S'agit-il exclusivement de financement par emprunt aux taux dont vous avez parlé? Votre formule est-elle fondée sur l'actif ou sur la capacité d'autofinancement? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Meir: Nous souhaitons prêter au Canada comme nous l'avons fait aux États-Unis, par voie de lignes de crédit non garanties. Le prêt n'est donc pas fondé sur la capacité d'autofinancement, et il ne l'est certainement pas non plus sur l'actif, puisqu'il s'agit d'un prêt non garanti. Nous nous fondons sur des modèles mathématiques par lesquels certains critères sont appliqués à la petite entreprise.
M. Cullen: Et il s'agit strictement de financement par emprunt?
M. Meir: En effet, par emprunt.
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett: Vous nous avez signalé que vous êtes la neuvième banque en importance aux États-Unis. Le magazine Fortune a préparé certains graphiques et certaines courbes qui illustrent le rapport entre l'actif et le pourcentage des bénéfices. Quel est donc le pourcentage de vos bénéfices par rapport à votre actif?
M. Meir: Si j'ai bien compris, vous voulez connaître le rendement de notre actif. Au Canada, le rendement moyen de l'actif des banques est de l'ordre de 70 points de base, à ma connaissance. Est-ce bien ce que...?
Mme Brushett: À l'échelle mondiale, je crois savoir que le pourcentage de bénéfices par rapport à l'actif est beaucoup plus faible dans d'autres pays que chez nous, au Canada. Par exemple, au Canada, les banques ont un pourcentage plus élevé de bénéfices par rapport à un actif moindre. Où vous situez-vous dans ce conteste?
M. Meir: Il me serait nécessaire de demander l'avis de notre service des finances pour pouvoir répondre de façon exacte. En consultant notre rapport annuel, je serais certainement en mesure de vous dire quel est le rendement de l'actif, mais la comparaison avec le rendement des banques canadiennes ne serait pas valable. Je dois dire que nous avons eu de bonnes années rentables aux États-Unis et que notre bilan et nos résultats sont fort reluisants. Pour ce qui est de savoir si, aux États-Unis, nous avons réalisé d'énormes profits, franchissant le cap du milliard de dollars qui déclenche tant de réprobation ici au Canada... Il faudrait que je fasse une analyse. Je ne suis pas en mesure de vous le dire à brûle-pourpoint.
Mme Brushett: Pour revenir au rendement, votre taux de pertes sur prêt doit donc être passablement faible, vu que vous élargissez vos activités de prêt à la petite entreprise.
M. Meir: Notre taux de pertes serait plus élevé qu'il ne l'est au Canada, mais les taux d'intérêt que nous exigeons sont fixés en conséquence. Nous assumons une fourchette de risques plus large. Les banques canadiennes n'acceptent de prêter que jusqu'à un certain niveau de risque. Au-delà, les entreprises doivent se débrouiller par elles-mêmes ou faire affaire avec des fournisseurs de capitaux de risque. Pour notre part, nous avons réussi à faire affaire non seulement avec les clients de catégorie A mais également avec les clients des catégories B et C.
Mme Brushett: Et en cela vous avez très bien réussi, d'après ce que j'ai compris.
M. Meir: En effet, nous avons très bien réussi.
M. Pillitteri (Niagara Falls): Il y a une comparaison des conditions de crédit au tableau 2. Dans votre cas, il s'agit du taux de base plus un taux allant de 1,75 p. 100 à 8,75 p. 100 et, dans celui des banques canadiennes, il s'agit du taux de base plus un taux de 1 p. 100 à 3 p. 100. Puis, vous citez des frais mensuels comparables, mais vous ne donnez pas de frais pour les autres.
D'après nos échanges avec les banques et nos connaissances en matière de protection du consommateur, nous savons que les petites entreprises ont des difficultés de financement. Il leur arrive de scruter d'assez près les conditions des prêts qu'elles contractent.
Pour ce qui est de la fourchette de 1 p. 100 à 3 p. 100, nous savons par exemple que le maximum est de 3 p. 100 et que le taux moyen pourrait être aussi élevé que 2 p. 100. Dans le cas de votre fourchette de 1,75 à 8,75, quelle est la moyenne pour l'ensemble des prêts consentis à 120 000 entreprises? Quel est le taux moyen pour vos prêts? Est-il plus proche de 8,75? Ou plus proche de 1,75? Quel serait le pourcentage le plus représentatif?
M. Meir: La question est excellente.
Si je vous répondais avec exactitude, je livrerais certains secrets à la concurrence, mais je peux vous dire qu'il s'applique à toute la fourchette et qu'il suit sans doute une courbe en cloche entre les deux limites. On pourrait donc se hasarder assez facilement à déterminer le point mitoyen...
M. Pillitteri: Pourriez-vous...
M. Meir: Qu'il me suffise de dire que ce taux est probablement plus élevé que celui du prêt moyen, tout en signalant que nos clients présentent des risques plus élevés.
J'ajouterais également que le prix ne correspond pas simplement au taux d'intérêt. Les frais annuels...
M. Pillitteri: En effet, je vois 250$ par rapport à 750$...
M. Meir: Il s'agit d'une différence de 1 p. 100 environ. Pour les frais mensuels de surveillance, vous ajoutez de 45$ à 100$ par mois. Sur un an, pour une petite entreprise, c'est encore 1 p. 100 ou 2 p. 100 de plus.
M. Pillitteri: Permettez-moi de dire ma désapprobation d'une somme de 45$ à 100$ par mois pour les frais de surveillance. D'après mon expérience comme dirigeant d'une petite entreprise, c'est beaucoup moins.
Cependant, c'est votre moyenne qui m'intéresse. Vous pourriez peut-être me répondre d'une autre façon. Est-elle plus élevée pour les prêts de plus petite taille ou pour les prêts de plus grande taille? Vous parlez d'une gamme allant de 5 000$ à 75 000$. Quels sont les pourcentages? Est-ce plus élevé pour les prêts de plus petite taille ou pour les prêts de plus grande taille?
M. Meir: Les montants de la plupart de nos lignes de crédit commercial sont de 15 000$, 25 000$, ou de 50 000$, ainsi que de 75 000$ dans quelques cas. En moyenne, le montant de l'engagement est d'environ 40 000$ ou 50 000$, si j'ai bonne mémoire. Voilà le montant de crédit autorisé, en moyenne.
Mme Pelly: La limite supérieure.
M. Meir: Merci, monsieur président.
[Français]
Le président: M. Rocheleau a encore une petite question.
M. Rocheleau: Comment traitez-vous les entreprises dites de la nouvelle économie, les entreprises de haute technologie basées sur le savoir dont les valeurs et les garanties sont intangibles? Avez-vous une stratégie spéciale face à ces petites et moyennes entreprises?
[Traduction]
M. Meir: Oui. Je suis au courant. Je sais que ce problème a existé au Canada, notamment parce que j'ai déjà travaillé pour un établissement financier canadien. J'ai déjà travaillé pour une banque aussi. Je suis Canadien. Je me souviens de ce problème. Dans notre cas, nous ne prêtons pas en fonction de l'actif. Nous prêtons en fonction des critères qui figurent sur le formulaire de demande, comme le nombre d'années d'activité, le chiffre de ventes, le secteur d'activité. Plus que tout autre chose, c'est la cote de crédit de l'emprunteur qui est déterminante: sa capacité de rembourser, et le fait qu'il a prouvé par le passé qu'il était en mesure de rembourser. La décision n'est pas du tout fondée sur la valeur de l'actif. Voilà comment nous avons pu contourner le problème.
Le président: Monsieur Rocheleau, je vous ai promis que je vous accorderais tout le temps voulu si vous vouliez nous faire part de points que les questions ne vous ont pas permis d'aborder.
M. Meir: Je suppose...
Le président: Votre conseiller juridique vous a certainement recommandé en tout temps de ne pas surfaire des arguments déjà très convaincants, j'en suis convaincu.
M. Meir: Permettez-moi de résumer. Nous avons mis au point et offert aux États-Unis un excellent produit. Nous avons très bien réussi aux États-Unis et nous pensons pouvoir en faire autant ici. Il existe un marché qui est mal servi et nous ne croyons pas qu'une banque canadienne pourrait imiter ce que nous avons fait, du moins à court terme. C'est ce que nous avons pu constater aux États-Unis, et nous souhaitons entrer au Canada. Il suffit d'une seule ligne du Livre blanc pour nous en empêcher.
Le président: Quelle partie de la croissance phénoménale de Wells Fargo est attribuable au programme de prêt à la petite entreprise?
M. Meir: Je ne saurais vous dire exactement quel pourcentage de croissance mais elle a certainement été explosive pour le groupe des services bancaires d'affaires. À l'heure actuelle, 10 p. 100 des bénéfices de la banque sont attribuables à ce groupe.
Le président: Aux prêts à la petite entreprise.
M. Meir: C'est exact.
Le président: Vous nous avez fourni des arguments fort intéressants selon lesquels les petits entrepreneurs et les petites entreprises pourraient tirer profit de ce nouveau type de service. Je suis sûr que les membres du comité vous ont écoutés avec la plus grande attention. Sans vouloir vous faire de promesse, il me semble qu'il s'agit là d'une innovation fort intéressante qui pourrait être avantageuse pour bon nombre des entreprises, qui après tout, sont celles qui créent les emplois au Canada.
Au nom de tous les membres du comité, permettez-moi de vous remercier de grand coeur.
M. Meir: Merci beaucoup.
Le président: Je propose maintenant une pause de cinq minutes, le temps que les témoins suivants s'installent.
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Nos témoins suivants, de la Corporation financière Power, sont James W. Burnes, président, et Edward Johnson, vice-président, chef du contentieux et secrétaire. Nous vous souhaitons la bienvenue.
M. James W. Burnes (président, Power Corporation du Canada): Sommes-nous prêts à commencer?
Le président: Allez-y.
M. Burnes: Je me demandais si vous aviez sonné la cloche.
Le président: Il y a toujours des cloches qui sonnent, me semble-t-il, mais ce n'est pas nécessairement moi qui les fait sonner.
M. Burnes: Votre comité, monsieur le président, a reçu un très grand nombre de mémoires. J'ai eu l'occasion d'examiner certains d'entre eux. Nous avons tenté de veiller à ce que notre mémoire soit le plus bref possible.
Tout d'abord, en guise d'introduction, permettez-moi de dire que c'est la société mère Power Corporation du Canada que nous représentons ici. La Corporation financière Power est l'une de ses filiales, comme vous l'avez constaté.
Dans notre mémoire - que les membres du comité n'ont peut-être pas eu l'occasion de parcourir - , nous faisons valoir que la société Power Corporation du Canada participe directement et indirectement au secteur des services financiers au Canada, aux États-Unis et en Europe depuis 25 ans. Nous y énumérons les divers services financiers que nous offrons à l'heure actuelle ou que nous avons déjà offerts: dépôts, fiducies d'entreprises et de particuliers, fonds communs de placement, planification financière, assurance-vie, assurance-santé et assurance-invalidité, ainsi que prêts aux entreprises et aux particuliers.
Si nous prenons la peine de vous le signaler, c'est que nous estimons avoir une certaine expérience pertinente par rapport au sujet qui intéresse votre comité, à savoir l'examen du Livre blanc. Nous avons participé activement aux travaux de votre comité avant 1992, à l'époque de l'examen et du cheminement des lois pertinentes. Ainsi sommes-nous heureux d'avoir l'occasion de comparaître à nouveau.
J'aimerais vous dire tout d'abord que, malgré le petit nombre de recommandations que nous avons à faire, nous souhaitons que le processus d'examen du Livre blanc se fasse à bonne cadence, tout en reconnaissant que le comité voudrait étudier attentivement certains de ses aspects. Cependant, dans l'ensemble, je crois pouvoir dire que les milieux financiers préfèrent fonctionner à partir de certitudes. L'incertitude ne semble jamais constructive pour qui que ce soit. Nous vous exhortons donc à adopter sans tarder les mesures à l'étude.
Monsieur le président, notre mémoire contient un certain nombre de graphiques. Ils portent sur les trois aspects sur lesquels le comité doit, d'après nous, faire porter son attention dans son examen des institutions financières canadiennes. Dans les premiers graphiques, il est question de parts de marché dans les domaines critiques qui intéressent le consommateur, aussi bien sur le plan de l'actif que du passif. Le deuxième graphique illustre la rentabilité des grandes banques à charte canadiennes, en termes réels aussi bien qu'en termes relatifs - par rapport au reste du monde.
Nous attirons ensuite l'attention du comité sur un aspect extrêmement important, à savoir la question des données et de l'information dans cette ère que nous qualifions tous volontiers d'«ère de l'information» et sur la situation des banques à charte, qui collectent et contrôlent des renseignements sur leurs clients, qu'il s'agisse d'entreprises ou de particuliers.
Nous cherchons à faire valoir auprès du comité que le fait d'examiner isolément chacun de ces trois aspects, qui sont critiques dans la conjoncture actuelle au Canada, à savoir la part de marché, la taille de l'entreprise et la puissance économique, et le contrôle de l'information relative aux clients, risque d'aboutir à des conclusions que ne seraient pas les mêmes si on en intégrait l'analyse pour ainsi avoir une vue juste de la position particulière de grand pouvoir qui est celle des banques à charte au Canada, qui constitue un fait sans précédent dans le monde. Il n'existe en effet aucun pays ou un petit groupe, à savoir six établissements, ont un tel pouvoir économique et une telle capacité de l'accroître.
Il convient selon nous que le comité s'intéresse à tout ce qui peut avoir l'effet d'accroître ce pouvoir. Le Livre blanc contient deux propositions qui semblent aller - nous n'en sommes pas tout à fait certains, compte tenu d'une formulation quelque peu obscure - dans le sens d'un accroissement de ce pouvoir. Nous nous demandons pourquoi on accroîtrait le pouvoir des banques à un moment où le gouvernement a déjà annoncé son intention de créer une commission ou un groupe d'envergure qui serait chargé d'étudier les services financiers et les institutions financières du Canada.
Si c'est le cas, avant même de commencer, pourquoi voudriez-vous accroître ce pouvoir, surtout sous des formes qui sont très difficiles à arrêter, si l'on considère le Livre blanc? Qu'est-ce que ça signifie vraiment?
Au bout du compte, ce que nous recommandons vraiment, c'est que le comité examine rigoureusement ces éléments avant d'arriver à la conclusion qu'il n'y a pas d'accroissement des pouvoirs à l'insu des auteurs de la proposition ou des membres du comité.
Monsieur le président, on nous a prévenus que vous ne vouliez pas de discours-fleuve de la part des témoins. Il y a bien quelqu'un qui nous a dit cela, n'est-ce pas?
Le président: Je me demande bien qui ça pourrait être, monsieur Burnes. Je viens de voir le film Long Day's Journey into Night. C'est un film très long, mais très touchant - et puis, c'est un film canadien.
M. Burnes: Cela vous intéressera dans ce cas de savoir que ma fille a joué dans ce film.
Le président: Vous plaisantez. Mes félicitations.
M. Burnes: Elle est le seul membre de ma famille qui a réussi à faire quelque chose de sa vie. Il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir, et peut-être qu'elle finira bien par devenir quelqu'un. Elle a joué dans la pièce et puis dans le film.
Le président: C'est une oeuvre très réussie.
M. Burnes: Oui.
Peut-on prendre quelques instants, monsieur le président, pour examiner rapidement ces tableaux? Ils ne sont pas forcément faciles à comprendre et je ne voudrais pas qu'ils soient mal interprétés.
Ils ont été préparés pour nous par Bain & Company, une société d'experts-conseils de gestion assez connus. Ils se spécialisent dans les institutions financières et leurs activités. Ils sont pas mal connus dans le métier parce qu'ils ont leur propre façon d'examiner les données pour bien montrer ce qui se passe.
Le premier tableau illustre la portion du marché occupée par les banques en pourcentage. On y voit la situation en 1995, la dernière année pour laquelle nous avons des données, mais aussi celle de 1984. Si l'on a choisi ces années, c'est pour montrer que les parts du marché ont beaucoup changé; en effet, on est passé d'un grand nombre d'intervenants à un nombre relativement petit.
Par exemple, pour ce qui est des services de fiducie personnelle et de succession en 1984, les banques étaient tout à fait absentes de cette catégorie parce que la loi leur interdisait ce secteur. En 1995, en revanche, elles occupaient 93 p. 100 du marché.
Les membres du comité savent évidemment qu'entre 1991 et 1994, le secteur des fiducies personnelles a tout simplement disparu puisque les entreprises indépendantes ont été absorbées par les banques à charte. Le cas le plus récent est l'acquisition du Montréal Trust par la Banque de Nouvelle-Écosse, il y a à peine un an. À une certaine époque, le Montréal Trust faisait partie du groupe de compagnies financières.
Le courtage réduit...de zéro à 95 p. 100, etc., partout. Le seul secteur où il n'y a pas eu d'augmentation spectaculaire, c'est celui des caisses de retraite indépendantes.
Au cours de la dernière année, on a commencé à voir les banques prendre un intérêt dans ces compagnies indépendantes de gestion de fonds. Je pense que la tendance pour l'avenir est facile à déceler. Dès que l'une des grandes banques s'engage dans une certaine voie, les autres ne tardent pas à suivre. C'est en tout cas l'un des secteurs où elles n'ont pas de part du marché prédominante.
À la page suivante, vous pouvez voir la part de marché dans le domaine du crédit à la consommation... les prêts hypothécaires résidentiels, 26 p. 100 en 1984 et 55 p. 100 en 1995. Encore une fois, le catalyseur ici est la disparition des compagnies de fiducie qui étaient les principaux fournisseurs de prêts hypothécaires résidentiels achetés par les banques à charte.
Les prêts non hypothécaires sont restés à peu près les mêmes pendant cette période. La part du marché des cartes de crédit s'est légèrement améliorée, mais c'est de toute évidence une part dominante du marché, à 80 p. 100, et si l'on fait une moyenne pondérée dans ce secteur, en dollars, on est passé de 44 p. 100 du marché à 62 p. 100. La plupart des gens conviendront que 62 p. 100, c'est occuper une position dominante dans le marché.
La page suivante montre le portefeuille financier des ménages. Au coin supérieur gauche, vous avez les chiffres de 1984. Le chiffre du haut, $0.9T, représente 900 milliards de dollars ou 0,9 billion de dollars, c'est-à-dire l'actif total des ménages canadiens, donc à l'exclusion des sociétés. Il y a aussi le chiffre zéro. Un chiffre négatif représente le passif des ménages et, en 1984, ce chiffre était de 300 milliards de dollars. Cela représente l'ensemble de tous les ménages.
En 1984, la zone grisée illustre les secteurs dans lesquels les banques pouvaient être présentes. Étaient exclus le capital-actions ordinaire, les pensions, l'assurance-vie, les obligations et les bons du Trésor.
Rendu en 1995, c'est-à-dire dans la période post-1992, et même avant - et, encore une fois, il s'agit d'actifs d'une valeur de 1,4 billion de dollars et de 500 milliards de dollars, ou 0,5 billion de passif - les banques à charte étaient autorisées à être présentes dans tous les secteurs du crédit des ménages. L'ensemble de ces éléments indique le pourcentage du total que cette catégorie représente.
La page suivante est la plus importante parce que l'on examine les chiffres de tous les ménages que l'on vient de regarder, c'est-à-dire 1,4 billion de dollars et 500 milliards de dollars, et l'on montre la part de marché dans chacune des catégories que les banques occupaient en 1984, ainsi que la part du marché qu'elles détiennent en 1995.
Exception faite de l'assurance-vie et des pensions, on voit que la part du marché totale des banques pour les ménages est de 66 p. 100, alors qu'elle était de 33 p. 100. Si l'on a exclu l'assurance-vie et les pensions, ce n'est pas qu'elles n'avaient pas le droit d'être présentes dans ce secteur, c'est seulement parce qu'elles ont fait peu de choses dans ce domaine jusqu'à présent. Elles en ont le droit, comme les membres du comité le savent sans doute.
La tendance se dégage très bien dans tout le secteur. Les banques à charte ont considérablement augmenté leur part du marché dans toutes les catégories qui sont importantes pour les ménages. Elles sont bien près de former un oligopole dans ce domaine.
Voilà pour les parts de marché. Je crois que le comité ferait bien de s'y attarder.
Deuxièmement, en ce qui concerne les bénéfices et la rentabilité, nous n'avons pas de document. Malgré les bénéfices des banques, nous ne sommes pas ici pour les conspuer. De fait, un grand nombre de Canadiens et la quasi-totalité des fonds de retraite détiennent des actions bancaires. On se réjouit donc du fait qu'eux aussi touchent des bénéfices.
Je crois toutefois que la capacité de gain de ces institutions au Canada est énorme. Dans la période illustrée ici, de 1991 jusqu'au milieu de 1995, lorsque ces chiffres ont été calculés - nous ne les avons pas mis à jour - les six principales banques représentaient 53 p. 100 des gains totaux des 300 compagnies cotées à la bourse de Toronto.
Pendant cette période, la valeur boursière des banques, c'est-à-dire la valeur relative, atteignait 15 p. 100. C'est donc dire que non seulement elles réalisent des gains considérables par rapport à l'ensemble des gains au Canada, mais que leur rentabilité était aussi très élevée par rapport à la moyenne canadienne. Si vous avez une valeur boursière de 15 p. 100 et 15 p. 100 des bénéfices, il y a quelqu'un qui se tire très bien d'affaires.
Si l'on veut voir ce que représente cette rentabilité sur le plan international, on peut se reporter à une page du magazine Fortune, du 5 août 1996. On y trouve la liste des principales banques gouvernementales dans le monde.
Si vous examinez le cas des deux plus grandes banques canadiennes, la Banque Royale et la Banque de Commerce, vous constaterez que leur actif a baissé et qu'elles ne sont pas très importantes sur le plan international. Si vous examinez leur rentabilité, c'est-à-dire les bénéfices après impôt, on constate que la Banque Royale y est au 49e rang sur le plan de l'actif, et qu'elle se place au 20e rang sur le plan des bénéfices à l'échelle mondiale.
Lors de l'exposé précédent, la Wells Fargo s'est interrogée sur la rentabilité relative des banques canadiennes par rapport à elle. Si on examine le rendement des actions ordinaires ou du capital, on constate que les banques canadiennes surclassent vraisemblablement la Wells Fargo. La réponse à la question, c'est que le revenu qu'elles tirent des frais bancaires est relativement élevé. Comme il n'est pas nécessaire d'avoir des capitaux ou de l'actif pour tirer un revenu de ces frais, c'est un apport qui leur donne un pourcentage plus élevé si on fait le calcul à partir de l'actif et/ou du capital.
Si l'on examine les parts de marché et les activités, on s'aperçoit que beaucoup de ces activités produisent des recettes tirées de frais bancaires. Il ne s'agit pas de prêt sou une d'opérations bancaires traditionnelles. Les fonds communs de placement, par exemple, n'ont pas besoin de capitaux ni d'actifs, mais touchent des frais. Pour cette raison, ils donnent l'apparence d'être relativement plus rentables qu'une compagnie comme Wells Fargo, qui ne peut sans doute pas tirer autant de revenus des frais qu'elle peut imposer.
Enfin, nous avons examiné les renseignements stockés dans les centres informatiques bancaires, qui renferment autant d'information... Écoutez, il y a là plus de renseignements que n'en a le ministère du Revenu. Si les banques décidaient de traiter l'information stockée dans leurs centres informatiques, elles auraient la fiche signalétique la plus complète qui soit des consommateurs canadiens, plus concrète que ne l'imaginent les intéressés eux-mêmes. Elles pourraient établir le profil du client parce que ce sont elles qui encaissent son chèque, établissent son relevé de cartes de crédit, etc. Si elle vous a prêté de l'argent, elle connaît vos actifs, etc.
Si vous êtes employé par une compagnie qui fait appel aux services de paye de la banque, un secteur que les banques contrôlent en réalité, voilà une autre source d'information. J'ignore quelles mesures de protection existent à propos de la communication des renseignements, mais il suffit de jeter un coup d'oeil sur la fiche de calcul de la paye pour savoir qu'on y trouve à peu près tout ce que l'on voudrait savoir sur le salarié ou pour s'attaquer à un marché. Ils connaissent l'âge, la situation de famille, les déductions, les avantages sociaux, les déductions facultatives, etc. Ils savent que vous cotisez à un régime d'épargne, etc.
La loi autorise-t-elle de se servir de ces données? Rien n'est prévu à cet effet, je crois. Les institutions financières auront beau dire qu'elles ne s'en servent pas ou refuseront de le faire, mais y a-t-il quelque chose qui les en empêche? Nous pensons que la seule chose qui soit interdite, ce qui semble indiquer que cela marche, c'est qu'en 1992 les banques ont reçu l'autorisation de vendre de l'assurance, mais uniquement par l'intermédiaire d'une filiale. Elles ne pouvaient pas le faire à la banque. Nous avons des références à cela ici.
Elles ont donc pu le faire par l'intermédiaire d'une filiale, mais cette autorisation s'est accompagnée d'une réserve. La filiale n'avait en effet pas le droit de communiquer les renseignements sur les clients à la société mère. Il nous semble que les banques se sont maintenant désintéressées de ce secteur. Chose certaine, elles ne s'en sont pas occupé au cours des quatre dernières années précisément à cause de la non-circulation d'information. Autrement dit, elles ont reçu l'autorisation de faire des affaires comme tout le monde, de façon indépendante, mais sans avoir accès aux renseignements pour faire fructifier leurs affaires.
Il y a donc des cloisons qui viennent compartimenter l'information. Du cloisonnement efficace, c'est cela. On vous invite à vous adonner à cette activité sur ce marché mais on vous dit de passer par une filiale et de ne pas faire transiter l'information sur le client entre la filiale et la société mère.
La protection des renseignements personnels du client est une chose importante. Cela semble être la seule limite qui existe, même à l'époque de l'ordinateur. Si c'est contre la loi, personne ne va le faire. Ce n'est pas quelque chose de rare. La loi interdit au ministère du Revenu de communiquer le contenu de ses fichiers à qui que ce soit. De même, Statistique Canada est tenu de conserver ses données dans des périmètres réglementés et personne ne peut avoir accès aux données brutes. On peut connaître les totaux, mais il est impossible de savoir qui a dit quoi.
À la fin de notre exposé, monsieur le président, nous voulons parler de deux choses. Peut-être Ted peut-il discuter de nos deux propositions.
M. Edward Johnson (vice-président, chef du contentieux et secrétaire, Power Corporation du Canada): Nous avons deux recommandations, monsieur le président.
En ce qui concerne les bases de données et leur traitement, à la page 8, nous formulons une recommandation à cet effet. Dans le Livre blanc, le gouvernement parle d'autoriser les banques à mener des activités internes de traitement des données, c'est-à-dire de laisser la banque se charger du travail actuellement effectué par sa filiale. À notre avis, cela pourrait être très dangereux. Nous ne le savons pas avec certitude parce que nous n'avons toujours pas reçu d'explication nette sur ce que cela signifie et pourquoi cette proposition a été faite.
Je reviens sur ce qui disait M. Burnes. Nous serions très inquiets de laisser la banque stocker encore plus d'informations. L'information détenue à la banque peut être mise à toutes les sauces. Les multiples usages de ces renseignements seraient de plus en plus difficiles à démêler. Selon nous, les risques d'abus augmentent.
Ce que nous proposons au sujet de cette recommandation du Livre blanc, c'est tout simplement de la mettre de côté jusqu'à ce que soit créé le groupe de travail dont le gouvernement a parlé et qui examinera l'ensemble des services financiers et qui pourra donner au comité plus de matière pour se prononcer sur cette recommandation.
Deuxièmement, à la page 8, nous discutons de la recommandation du Livre blanc qui se trouve à la page 16. Il s'agit plutôt d'une observation. Le gouvernement se propose d'instaurer des mesures réglementaires régissant la collecte, l'utilisation et la conservation de renseignements sur la clientèle. Il est aussi question d'un code de protection des renseignements personnels. Il s'agit pour nous ici encore d'un domaine extrêmement important. Nous exposons les raisons pour lesquelles nous croyons que ces codes, censés reposer sur le consentement, sont un peu imaginaires. À notre avis, le consentement, cela n'existe pas. Nous voyons d'énormes risques non seulement d'abus de ces renseignements personnels mais aussi de pratiques anticoncurrentielles si l'information est utilisée et manipulée comme bon leur semble.
Ici aussi, nous ne proposerons pas de supprimer la proposition du gouvernement, mais plutôt d'inviter le comité à s'assurer que les règles lui soient soumises pour qu'il les examine sous l'angle de la compétitivité de tout le secteur.
Voilà nos deux recommandations. Je veux seulement corroborer ce que M. Burnes a dit. Nous pensons que la plus grande partie du Livre blanc s'occupe de questions d'intendance qui devraient être réglées très rapidement sauf dans les deux secteurs dont je viens de parler qui risquent de causer des difficultés.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Burnes, et vous aussi, monsieur Johnson.
[Français]
Monsieur Rocheleau.
M. Rocheleau: Ma question va porter sur les renseignements personnels. Vous faites un long exposé sur ce point. Vous parlez des avantages dont bénéficient les banques parce qu'elles ont accès à une information variée: les demandes de prêt, les relevés de cartes de crédit et le processus de compensation des chèques. Elles bénéficient aussi de l'information pouvant provenir de courtiers en valeurs mobilières. Certaines, en tant que sociétés affiliées, se sont même accaparé de services de paye d'entreprises indépendantes ou encore de systèmes de gestion de la santé.
Vous employez un mot très dur que je suis même très surpris d'entendre venant de vous; vous parlez d'oligopole. On l'entend habituellement venant d'autres gens et à propos de profits monopolistiques. J'aimerais savoir quel objectif vous poursuivez, comme société, en dénonçant ce phénomène. Est-ce que vous dénoncez le fait que les banques bénéficient d'avantages indus qui empêchent une vraie et saine concurrence ou si vos propos et votre intérêt sont surtout de vous porter à la défense de la vie privée du citoyen? J'aimerais savoir à quelle enseigne vous logez et quels sont les intérêts de votre société.
[Traduction]
M. Burnes: Merci. Je crois qu'il y a là deux questions. D'abord, est-ce que nous défendons le droit du citoyen de protéger sa vie privée? Oui, tout à fait. Y a-t-il aujourd'hui plus de risques d'empiétement de cette vie privée? Tout à fait, beaucoup plus qu'il y a dix ans.
Prenons le cas des fiducies personnelles. Il y avait une cloison très nette entre les fiducies personnelles et les activités des banques à charte avant 1992 parce qu'elles ne pouvaient pas faire affaire dans ce secteur. Comme vous l'avez vu dans nos tableaux, aujourd'hui, elles dominent le marché.
La question est de savoir ce que devrait contenir la loi pour accorder une protection absolue aux fiducies personnelles, si l'on sait que lorsqu'elles sont administrées sous le régime de la discrétion exclusive, c'est l'institution qui gère vraiment les fonds. Je ne vois aucune raison pour laquelle cela ne pouvait pas être consacré dans la loi. Pourquoi tolérer un risque de méfait dans ce domaine? Ce ne sera pas consacré dans la loi tant qu'il n'y aura pas eu de méfait. Ce n'est qu'après coup que l'on songe à légiférer.
Deuxièmement, s'agissant de concurrence, même si vous êtes l'institution étrangère la plus puissante qui soit - une grosse banque étrangère ou une grande institution financière non canadienne quelconque - il est difficile d'imaginer que vous pourriez vous installer au Canada et miner le marché d'un groupe qui l'occupe à 70 p. 100 pour un produit donné, ou davantage dans certains cas, et qui dispose d'immenses ressources et qui contrôle en plus la banque de données sur la clientèle. C'est très difficile de s'y attaquer.
Je pense que les concurrents étrangers chercheront plutôt ailleurs. Ils ne pourraient pénétrer le marché canadien que dans certains créneaux encore inoccupés ou pour se livrer à des activités spécialisées, comme le témoin précédent l'a dit. Eux se spécialisent dans les prêts de petite taille à risque de crédit élevé.
Il y a des compagnies américaines qui font cela. Elles trouvent un créneau et l'occupent. Mais pour prendre vraiment place sur le marché, je ne vois pas comment elles pourraient y parvenir. À leur place, nous ne le ferions pas, parce que ce serait la croix et la bannière avec très peu de rendement à la clé.
L'accès au marché donc est un des indicateurs de la concurrence, et la place que vous occupez est l'un des facteurs déterminants. On examine la situation et on se demande qui se donnerait cette peine.
En réponse à vos deux questions, monsieur le député, je dirais que, oui, nous pensons que les renseignements personnels doivent être protégés, surtout à l'ère électronique où il est si facile de manipuler l'information. N'importe qui peut le faire. Les chiffres s'affichent sur l'écran et un enfant peut pianoter sur le clavier et y avoir accès.
Deuxièmement, dans l'économie du pays, certains acteurs occupent une place considérable. Il est difficile de voir comment ils pourraient être délogés. Ce n'est plus une simple menace, le loup est déjà dans la bergerie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Rocheleau. Monsieur Schmidt, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Schmidt: Je suis très intrigué par ce que vous avez dit à propos de protection des renseignements personnels. Que craignez-vous? Aujourd'hui, les banques ont des filiales et les compagnies de fiducie sont des filiales des courtiers en valeurs mobilières et voilà qu'enfin nous avons des filiales qui font du traitement de données. Craignez-vous que si le traitement de données se faisait à la banque l'information serait automatiquement communiquée à la branche assurance ou à la branche courtage de valeurs? C'est ça que vous craignez?
M. Burnes: Oui. Il y a deux choses. D'abord, cela permettrait à quiconque possède cette masse de données de cibler son marché avec une puissance incroyable. Deuxièmement, ils peuvent, tacitement ou non, exercer beaucoup de pression.
Imaginez que vous êtes propriétaire d'une PME et que vous avez une ligne de crédit. La banque vous demandera peut-être pourquoi vous avez votre régime de retraite dans un autre établissement et vous invitera à vous prévaloir de ses services ou de vous adresser à sa filiale d'assurance pour l'assurance collective de vos employés. La banque n'aura pas besoin de vous tordre le bras, mais il faudrait être particulièrement obtus pour ne pas comprendre.
M. Schmidt: Vous avez aussi dit que le consentement ça n'existe pas.
M. Burnes: Le consentement peut s'obtenir seulement en disant: «Voudriez-vous que nous vous fassions parvenir de l'information pertinente et utile pour vos investissements?» Oui, pourquoi pas. Et voilà que vous leur avez donné l'autorisation de rassembler des renseignements sur vous comme client éventuel parce que vous leur avez donné la permission de recueillir ces données, de les manipuler et de voir ce qu'ils peuvent faire pour vous.
M. Schmidt: J'aimerais passer à quelque chose de tout à fait différent. C'est à propos des banques et de l'affrontement entre les filiales. Par exemple, je connais au moins une banque où, si vous devenez un client de sa filiale de courtage, une des conditions pour devenir membre ou client de ce service, est l'autorisation de communiquer tous les renseignements que vous leur révélez à l'autre filiale, celle de l'assurance, par exemple. Si vous ne leur donnez pas cette autorisation, la section de courtage peut mettre fin à ses relations d'affaires avec vous ou inversement. Si vous accordez votre autorisation mais la retirez par la suite, ils ont 30 jours pour vous donner un avis qu'ils cesseront de faire affaire avec vous.
C'est une forme différente de liberté de consentement. En réalité, où est le consentement? A-t-on le choix si pour devenir client d'une entité, il faut accepter de communiquer des renseignements à l'autre?
M. Burnes: Pour moi, c'est une forme de coercition. Ils ont peut-être un autre nom pour cela. Une institution financière doit posséder ces renseignements pour pouvoir offrir le service.
J'ai passé le plus gros de ma vie dans l'assurance. Si vous voulez une police d'assurance-vie, il faut donner permission par écrit à la compagnie de communiquer avec votre médecin. La raison est claire. C'est donc nécessaire. Si vous ne voulez pas lui donner cette autorisation, on vous répondra qu'on refuse de vous vendre la police. La compagnie vous dira comment voulez-vous qu'on établisse le risque si l'on ne connaît pas votre état de santé. C'est donc nécessaire. Se sert-elle de l'information à d'autres fins? Non. Mais la compagnie en a besoin pour cette raison.
M. Schmidt: Mais dans votre société, Corporation financière Power, il y a une branche qui vend de l'assurance. N'est-ce pas?
M. Burnes: Oui.
M. Schmidt: Il y a un fonds commun de placement et une fiducie aussi.
M. Burnes: Nous avons un fonds commun de placement, mais nous n'avons plus de fiducie au Canada, même si nous en avons en Europe.
M. Schmidt: Vous en aviez une.
M. Burnes: Oui, le Montreal Trust.
M. Schmidt: Y a-t-il transfert d'information entre votre branche d'assurance et la branche des fonds communs de placement, ou inversement?
M. Burnes: Non, absolument pas. Rien du tout. Ce n'est pas parce que nous imposons cette condition, mais parce que ces compagnies sont autonomes, indépendantes. Power est l'actionnaire principal, mais il y en a d'autres qui défendent leur terrain farouchement. Il n'y a aucun moyen... S'ils pensent que c'est un bon client, la dernière chose qu'ils voudront faire c'est de communiquer l'information à leurs concurrents. C'est une guerre intestine... Non, pas du tout, jamais.
M. Schmidt: Ce ne serait pas une guerre entre les filiales, mais je ne suis pas convaincu en ce qui concerne le holding qui est propriétaire des deux filiales. Il voudrait peut-être très bien le savoir parce que les dettes ou la police d'assurance peuvent être très importantes. Il voudrait peut-être très bien savoir ce qu'il en est.
Cela ne se fera pas au niveau de la filiale mais bien à un niveau plus élevé. C'est précisément le danger que vous voyez dans ce service MIT que la Banque Royale vient de créer, n'est-ce pas? Le danger n'est pas ici, il est plutôt à ce niveau-là.
M. Burnes: Si vous parlez des renseignements sur l'état de santé, s'il y a quelque chose que les banques n'ont pas besoin de savoir, c'est l'état de santé de leurs clients. Ils savent déjà tout le reste.
M. Schmidt: Oui, et maintenant avec leurs compagnies d'assurance...
M. Burnes: Si elles se mettent en plus à compenser les chèques pour le gouvernement, je pense qu'on peut à bon droit poser la question de savoir où cela est fait.
Est-ce à la banque et est-ce que ça signifie que les renseignements sont accessibles par quelqu'un d'autre à la banque ou est-ce que c'est effectué par une filiale qui ne peut pas communiquer l'information?
C'est ce que soulignait M. Johnson, cette information qui flotte dans l'air ou qui est traitée à l'interne. C'est très facile à dire, mais il y a une immense différence entre faire quelque chose à l'interne - ce qui rend l'information accessible à quiconque a un ordinateur - et traiter l'information ailleurs, où ce n'est pas possible d'y avoir accès.
M. Schmidt: Je crois que c'est clair, monsieur le président. Il faut voir comment on peut empêcher cela de se produire. On a beau parler de cloisons étanches, mais il reste que même dans le dernier rapport annuel de CIBC, il n'y avait pas de cloison entre le rendement obtenu dans la section valeurs mobilières de l'entreprise et les opérations bancaires ordinaires. Il y a donc eu communication des renseignements, sinon comment...? Vous savez, il n'y avait pas de cloison là.
M. Burnes: Ah, je pense qu'on s'occupe des valeurs mobilières à l'interne.
M. Schmidt: Mais ce n'est pas censé être comme ça. Selon la loi, il faut que ce soit une filiale, qui soit distincte...
M. Burnes: Je ne sais pas si... Je dois vérifier auprès de quelqu'un qui connaît la loi. Nous ne sommes pas dans ce domaine-là, alors je ne sais pas, mais je ne crois pas que la loi ou le règlement leur interdise de transmettre ces renseignements. Eh bien, nous savons tous que c'est le cas, alors...
M. Schmidt: Oui. Si je vous comprends bien, vous dites...
M. Johnson: Je suis en train de me demander si nous ne parlons pas de deux choses différentes. Je pense que vous parlez de l'activité en soi, des valeurs mobilières. M. Burnes parle de la transmission des renseignements sur la clientèle entre entreprises.
M. Schmidt: Oui, et...
M. Johnson: À notre connaissance, rien n'interdis la transmission de renseignements sur la clientèle à une filiale, qui est réglementée par la province, à la banque, qui est réglementée par l'autorité fédérale.
M. Schmidt: Non, et je comprends ça. Je le sais parfaitement bien. Vous dites qu'il devrait y avoir un contrôle quelconque ici, et je vous demande: comment pourrait-on faire cela dans la pratique? Voilà où je veux en venir. Avec toutes les informations dont ces entreprises disposent aujourd'hui, comment allez-vous renverser la tendance?
M. Burnes: Je pense que vous venez d'employer le mot clé - renverser - parce que cela se fait beaucoup aujourd'hui.
M. Schmidt: Oui.
M. Burnes: Si vous voulez renverser la tendance, ou si vous essayez de la renverser, je pense que la seule façon d'y arriver, ce serait de désigner certaines activités qui seraient strictement limitées à la filiale. Et si c'est la filiale qui s'en occupe, elle ne pourrait pas transmettre de renseignements sur la clientèle à un autre élément de l'institution, soit à l'entreprise mère ou à une autre filiale.
M. Schmidt: Comment allez-vous contrôler cela pour vous assurer que ça ne se fait pas?
M. Burnes: Il n'est peut-être pas nécessaire de s'en occuper. Je pense que le marché s'en chargerait. Si vous pincez une entreprise, tout le monde le saura. Quelqu'un le saura et dénoncera cette entreprise...
Avant 1992 - c'était d'ailleurs devant votre comité ou votre prédécesseur de cette législature - on a demandé comment on pourrait empêcher ce genre de transfert. Nous avons répondu que si on confiait cela à une filiale, et que la loi interdisait le transfert de données, vous n'auriez plus à vous préoccuper de cela, parce que - je pense que nous l'avons dit - je ne crois pas qu'ils vont faire ce genre de choses, et ils ne l'ont pas fait.
M. Duhamel (Saint-Boniface): Messieurs, merci. Je n'ai qu'une brève intervention à faire, qui ne nécessitera qu'une très brève réponse.
Si je comprends bien votre mémoire, vous dites essentiellement que les banques veulent vendre davantage de produits et augmenter leur part du marché pour ces produits presque partout. Et si l'on regarde l'ensemble des opérations bancaires, on constate qu'elles sont beaucoup plus considérables qu'autrefois. Leur croissance est phénoménale depuis dix ans.
Donc vous dites essentiellement, entre autres choses, que les banques sont trop puissantes et qu'il faut limiter leur puissance. Est-ce bien ce que vous dites, entre autres choses? C'est ce que j'ai compris, et j'aimerais que vous me disiez si c'est bien cela.
M. Burnes: Nous disons que les chiffres parlent d'eux-mêmes, c'est-à-dire que les banques détiennent une part extraordinaire du marché.
Si quelqu'un détient une part du marché, cela en soit ne me dérange pas nécessairement comme homme d'affaires. On se dit qu'on n'a qu'à trouver un moyen de rendre nos activités plus attrayantes. Mais si l'on combine la part du marché, qui est très dominante, avec un seuil très élevé de rentabilité - les banques ont beaucoup d'argent et sont très puissantes - et que troisièmement, avec ces banques de données massives, si vous mettez les trois éléments ensemble, nous disons qu'on est allé assez loin.
Il existe un groupe. Ce sont les gouvernements provinciaux qui nomment ces personnes. Je pense que si ce groupe parvient à une conclusion semblable, il faut se préoccuper sérieusement de cette question, d'accord, mais alors que fait-on?
M. Duhamel: D'accord, merci
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Pillitteri: Merci, monsieur le président.
Je me demandais, si j'en crois toutes les données que vous nous avez remises... Vous remontez à 1984 et 1995. Je constate que le gros de la croissance bancaire s'est fait essentiellement au début des années 90. Vous avez dit clairement dans votre exposé que lors du dernier examen de la Loi sur les banques, celles-ci étaient encore plus puissantes que maintenant. Est-ce bien le cas selon vous, et êtes-vous intervenu la dernière fois qu'on a examiné la Loi sur les banques?
M. Burnes: Oui, et les pouvoirs des banques ont été accrus par la Loi sur les banques de 1992. Ces pouvoirs, particulièrement en ce qui concerne les courtiers en valeurs mobilières... En fait, on a permis aux banques de se lancer dans le courtage en valeurs mobilières vers 1987 ou 1988. Entre les deux révisions de la Loi sur les banques, on leur a permis de se lancer dans ce secteur.
En 1992, on s'est surtout outré du fait que... Les banques disaient qu'elles voulaient se lancer dans l'assurance - pas seulement l'assurance-vie mais aussi l'assurance contre les risques et sur les biens - et le gouvernement du jour et la loi leur ont permis de prendre pied dans ce domaine mais, comme nous le disons ici, on les a autorisées à faire cela, mais elles devaient passer par des filiales, et on leur a interdit de transmettre les renseignements sur la clientèle.
Aujourd'hui, on trouve un peu étrange qu'on leur ait permis de vendre de l'assurance, mais qu'elles n'aient rien fait en ce sens, alors qu'elles ont fait beaucoup... C'est comme les fiducies, parce qu'elles les ont toutes achetées. Et elles s'occupent de cela à l'interne.
Donc, vous savez, on se demande où on en est. Il faut prendre en compte...
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Merci, messieurs Burnes et Johnson. Je tiens à vous assurer que tous les membres du comité sont d'accord avec vous pour dire qu'avant d'adopter de nouvelles règles par voie de règlement ou autrement, concernant la collecte, l'utilisation, l'emmagasinage ou la divulgation de renseignements sur les consommateurs, nous voudrons tenir des audiences publiques complètes afin d'avoir une idée exacte des conséquences. Comme vous, nous nous préoccupons vivement de la confidentialité et de la protection de la vie privée en ce qui concerne les informations que l'on confie aux banques.
Je tiens également à dire...
M. Burnes: Si vous me permettez d'intervenir, je suis ravi de vous entendre parce que nous avons appris à faire totalement confiance au Comité des finances de la Chambre par les années passées, étant donné...
Le président: Ne nous félicitez pas trop vite.
Des voix: Ah, ah!
M. Burnes: Je pense que nous serons contents, monsieur le président; je suis tout à fait confiant.
Le président: Permettez-moi de dire aussi qu'à mon avis, le témoignage que vous nous avez donné aujourd'hui offre une solution à l'un des problèmes que vous avez mentionnés. Ce que vous avez dit sur la croissance de la part du marché que détiennent nos banques de 1984 à 1995 aura un effet dont je suis certain. Cela augmentera probablement la valeur de leurs actions à la bourse dès demain, ce qui aura pour effet de diminuer l'écart entre la valeur boursière et les profits que vous avez mentionnés, et cela les mettra un peu plus au niveau des banques étrangères.
Donc, au nom de tous les membres du comité, je vous sais gré des données que nous n'avons pas encore reçues, mais qui donneront peut-être une nouvelle perspective à notre réflexion sur ces questions. J'ai la certitude que ces données nous seront utiles à plus d'un titre et qu'elles intéresseront vivement le groupe de travail lorsque celui-ci entreprendra son enquête.
Au nom du comité, je vous dis merci.
M. Burnes: Merci.
M. Johnson: Merci.
Le président: Nos prochains témoins sont de la Congress Financial Corporation. Il s'agit de William Davis, président; Albert Mandia, président; Ruth Jennings-Brader, avocate; et Jean Anderson, du cabinet d'avocats McMillan Binch.
Bienvenue à la Congress Financial Corporation du Canada. Nous vous écoutons.
M. William R. Davis (président, Congress Financial Corporation): Bonsoir, monsieur le président, membres du comité. Nous vous remercions d'avoir trouvé le temps, vous qui êtes si occupés, d'entendre nos vues sur les changements qu'on propose à la législation du secteur financier et qui, pensons-nous, nuiront au deux filiales non bancaires de CoreStates Financial, soit la Congress Financial Corporation et CashFlex.
Nous vous avons envoyé un mémoire que vous devriez avoir reçu aujourd'hui en anglais et en français. Nous sommes conscients du fait que vous avez sans aucun doute déjà entendu certaines observations que nous allons faire. Pardonnez-nous donc de répéter ce qui a déjà été dit, et nous tâcherons de faire notre exposé le plus vite possible.
Je m'appelle William Davis, président de la Congress Financial Corporation, qui est une société financière. J'ai avec moi Al Mandia, qui est président de CashFlex, qui est essentiellement une entreprise de traitement de données. Il y a également avec nous Ruth Brader, l'avocate de CoreStates de Philadelphie, et Jean Anderson, de McMillan Binch à Toronto, notre avocate canadienne.
Le siège social de la Congress Financial Corporation est situé à New York, et nous nous occupons de faire des prêts sur actifs, et nous prêtons essentiellement à la petite et moyenne entreprise depuis plus de 50 ans.
En décembre 1994, la Congress a ouvert son siège canadien à Toronto conformément aux modalités d'une demande que nous avions reçue à ce moment-là. La Congress a pensé, et pense toujours, que les petites et moyennes entreprises du Canada ont besoin de sources de financement différentes du financement bancaire traditionnel. Depuis son arrivée au Canada, la Congress Financial Corporation s'occupe exclusivement de ce genre de financement.
Le prêt sur actifs, contrairement au prêt bancaire, permet aux emprunteurs petits et moyens d'emprunter en fonction de la qualité et de la quantité de leurs actifs et non en fonction de leur encaisse, de leurs antécédents ou de leur bilan.
Bon nombre de nos clients actuels et futurs ont besoin de financement pour stabiliser leur entreprise, se remettre à flot, croître et créer de l'emploi. Récemment, le prêt que nous avons consenti à la National Gym Clothing de Toronto a permis à ce détaillant de se mettre en règle aux termes de la LACC.
La recherche que la Congress avait faite au Canada au préalable indiquait que ce besoin existait et qu'il existe encore aujourd'hui au Canada. Notre bureau de Toronto a reçu plus de 300 demandes de prêts au cours des 21 derniers mois. À ce jour, notre filiale canadienne a prêté plus de 188 millions de dollars à des entreprises d'ici.
À l'heure actuelle, nous avons huit employés canadiens, dont notre gestionnaire, M. Wayne Ehgoetz. Nous comptons ouvrir un bureau à Montréal d'ici la fin de l'année afin de mieux desservir ce marché, et nous espérons nous doter un jour d'une antenne à Vancouver.
Bon nombre de nos clients actuels et futurs nous sont référés par des banques, des comptables, des banquiers d'affaires et d'autres intermédiaires.
L'Association des banquiers canadiens est d'ailleurs d'accord avec notre principe selon lequel le prêt sur actifs est une solution de rechange viable au financement bancaire. Dans l'édition de septembre-octobre 1995 du Banquier, la revue de l'Association des banquiers canadiens, il y avait un article intitulé «Filling the Gaps» (Combler les lacunes) dont on disait que c'était le guide du banquier pour les nouvelles sources de capital pour les petites et moyennes entreprises qui n'ont pas accès pour le moment au financement bancaire. L'article contenait des informations sur les prêteurs sur actifs. On reconnaissait ainsi clairement que le prêt sur actifs est une nouvelle source de capital, qui est distincte du financement bancaire. Dans ce même numéro, on disait que les banques ne peuvent pas tout faire pour tous les emprunteurs.
S'il faut résumer ce que nous faisons, nous ne sommes pas une banque mais bien une société de financement. La Congress emprunte à la Banque de Montréal et reprête le même argent à des taux d'intérêt légèrement plus élevés aux entreprises qui en ont besoin et qui répondent à nos critères. Nous n'acceptons pas de dépôts; nous n'avons pas besoin d'assurance-dépôts; nous n'utilisons pas le système de compensation de chèques canadien; et nous ne prêtons pas aux simples consommateurs.
Nous avons rencontré récemment des représentants du ministère des Finances et du Bureau du surintendant des institutions financières pour leur expliquer ce que nous faisons et leur faire part de l'inquiétude que nous inspire la loi proposée et des effets appréhendés pour la Congress et ses clients.
La Congress a pris pied sur le marché canadien en s'appuyant sur certaines hypothèses économiques et sur les modalités de la demande que nous avions reçue. Il est injuste à notre avis de modifier ces règles fondamentales après que nous avons engagé des ressources, des capitaux et notre réputation dans l'économie canadienne. Partant de la demande qu'elle a reçue, la Congress a conclu de bonne foi des contrats avec ses clients, des ententes relatives à l'emploi et des baux, et ce serait extrêmement coûteux de mettre un terme à toutes ces ententes.
Seule une banque offrant une gamme complète de services pourrait supporter les frais supplémentaires et le fardeau administratif qu'impose cette loi, et non une société de financement comme la Congress dont le créneau est très limité. Nous ne comprenons pas pourquoi notre entreprise vous est...
Le président: Monsieur Davis, me permettriez-vous de vous interrompre ici pour le bien des députés qui, j'en suis sûr, comprennent beaucoup mieux que moi. Vous dites simplement que vous êtes contrôlés, indirectement ou directement, par une banque américaine.
M. Davis: C'est exact.
Le président: Mais les activités que vous menez au Canada - dans un cas, le prêt aux entreprises, et dans l'autre, la documentation, l'emmagasinage et des choses comme ça - ne sont pas des activités bancaires, et c'est pourquoi vous dites que vous ne devriez pas être assujettis à la Loi sur les banques du Canada. Est-ce aussi simple que ça?
M. Davis: Oui.
Le président: C'est ce que nous ont dit essentiellement la Northwest Financial, Capital One et même la Wells Fargo Bank. Est-ce que je me trompe?
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Non.
M. Davis: Non, je pense que vous avez raison.
Le président: Avez-vous de nouveaux arguments, à part la réciprocité en vertu de l'ALÉNA et le quasi-fardeau réglementaire que cela vous imposera, pour dire pourquoi vous ne devriez pas être réglementés au même titre qu'une banque si vous ne menez pas d'activités bancaires au Canada?
M. Davis: Non, je ne crois pas, monsieur.
Le président: Je peux peut-être alors passer tout de suite aux questions et vous demander s'il y a des choses que nous avons oubliées. Je vous demanderais de résumer cela pour nous et de nous dire s'il y a des questions que nous avons oubliées de vous poser. Cela vous conviendrait-il, monsieur Davis?
M. Davis: Oui.
[Français]
Le président: Monsieur Rocheleau.
M. Rocheleau: Étant donné que vous avez un chapitre sur l'ALÉNA, j'aimerais entendre vos arguments sur cette entente. Tantôt, les gens de la Banque Wells Fargo disaient que si on respectait l'esprit de l'ALÉNA, ils n'auraient même pas besoin de venir témoigner devant le comité pour vanter la légitimité de leur démarche. Qu'est-ce que vous en pensez?
[Traduction]
M. Davis: Je dois dire, monsieur, qu'il y a certaines conditions et intentions dans l'ALÉNA qui nous permettent de pratiquer notre type de financement sur un pied d'égalité au Canada, tout comme les entreprises canadiennes ont le droit de s'établir aux États-Unis.
Chose certaine, je suis d'accord avec le monsieur de la Wells Fargo pour dire que nous n'aurions pas besoin de comparaître ici aujourd'hui si l'on respectait l'esprit de l'ALÉNA, particulièrement étant donné le fait que nous nous sommes installés au Canada il y a deux ans en vertu de certains principes législatifs, et nous avons adhéré à ces principes.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rocheleau.
[Traduction]
Monsieur Grubel.
M. Grubel: Je n'ai qu'une petite question. Je suis d'accord aussi avec le résumé que je viens d'entendre, et je pense que nous comprenons le problème.
Il y a une chose qui m'intrigue encore. Vous n'êtes pas obligé de répondre à ma question, mais à votre avis, qui a demandé au ministère des Finances d'adopter ce règlement?
Par exemple, la Banque de Montréal, qui est l'un de vos principaux bailleurs de fonds, ne saurait être à l'origine d'une telle initiative. Avez-vous des concurrents ici, des concurrents strictement canadiens, qui réclameraient ce genre de mesure? Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Davis: Je ne peux pas vous le dire. Non, monsieur, je ne le peux pas.
Nous avons parlé aux autorités réglementaires et leur avons demandé d'où venait cette initiative, et l'on nous a répondu qu'il s'agissait d'opérer une classification. On veut trouver un moyen de classer des activités qui sont menées par des banques étrangères. Cela a suffi pour nous imposer ce type de régime.
M. Grubel: On dirait que tout cela est fait pour la commodité des bureaucrates et des autorités réglementaires, pour leur faciliter la vie autant que possible. Et si le consommateur en souffre, tant pis. C'est l'impression que j'ai, et j'espère que nos audiences nous permettront de corriger cette situation.
Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Whelan.
Mme Whelan (Essex - Windsor): Je vais vous poser une question légèrement différente. Vous dites que vous ne serez plus concurrentiels si l'on vous assujettit aux règlements, ou que ce serait injuste par rapport à vos concurrents canadiens. L'actionnaire dominant étant aux États-Unis, êtes-vous soumis au même régime fiscal?
M. Davis: Je ne crois pas avoir dit que nous serions moins concurrentiels.
Pourriez-vous reformuler votre question, je suis désolé.
Mme Whelan: Vous avez dit qu'il serait injuste de vous assujettir aux règlements parce que vos concurrents au Canada n'y sont pas soumis. Êtes-vous assujettis - et je ne m'y connais pas tellement dans ce domaine - aux mêmes lois fiscales que vos concurrents canadiens parce que vous avez un actionnaire majoritaire aux États-Unis?
Mme Jean E. Anderson (avocate, Congress Financial Corporation): Les institutions financières de l'Annexe II sont assujetties à une taxe spéciale à laquelle nous ne sommes pas assujettis à l'heure actuelle. À part cela, le régime fiscal est semblable.
Ce que nous disons en réalité, c'est que certains concurrents, notamment Générale Électrique Capital du Canada, First Treasury et CCFL, sont traités comme des quasi-banques, et selon la proposition, ils continueraient en fait de recevoir le même traitement que nous recevons à l'heure actuelle, et ne seraient pas assujettis au fardeau de la réglementation en ce qui a trait aux besoins en capitaux, aux administrateurs externes, etc.
Mme Whelan: Très bien.
Le président: Merci, madame Whelan.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Duhamel.
M. Duhamel: J'aimerais avoir un petit éclaircissement. Si vous aviez le choix, si c'était vous qui décidiez, qu'arriverait-il? Brièvement, qu'est-ce que vous demanderiez à notre comité de faire spécifiquement?
M. Davis: Je demanderais au comité de reconnaître que nous ne sommes pas une banque et que nous ne devrions pas être assujettis au même régime que les banques de l'Annexe II.
Le gouvernement peut certainement nous imposer de toute façon. Il peut mettre en place des principes directeurs en matière de réglementation spécifiques à notre industrie et à notre domaine d'activités. Mais nous imposer le fardeau de la réglementation visant les banques de l'Annexe II alors que nous ne sommes pas une banque et que nous ne voulons pas offrir une gamme de services aussi large, semble...
M. Duhamel: Vous voulez être ce que vous êtes...
M. Davis: Oui.
M. Duhamel: ...plutôt que ce que quelqu'un voudrait que vous soyez?
M. Davis: Oui.
M. Duhamel: Très bien. Merci.
Le président: Merci, monsieur Duhamel. Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk: Ma question est assez simple. Elle concerne le droit fiscal. Si vous n'êtes pas une banque de l'Annexe II, et ce que vous vous préparez à faire... Le gouvernement fédéral perd-il ainsi des recettes fiscales au profit de nos voisins du Sud? Est-ce que toutes les banques de l'Annexe II sont traitées de la même façon, ou...?
Mme Anderson: Congress Canada et CashFlex Inc. sont en réalité imposées comme toute autre société le serait. La seule différence, c'est que récemment les banques ont elles aussi été assujetties à l'impôt.
M. Fewchuk: Merci.
Le président: Si j'ai bien compris, la question dont nous sommes saisis est très simple. Si, par exemple, Citibank de New York était propriétaire de la concession d'autobus scolaires de Nepean, par l'intermédiaire d'une filiale, est-ce que cette franchise d'autobus scolaires serait régie comme une banque parce que c'est une banque étrangère qui en est le propriétaire? Ou serait-elle régie comme une société de transport ici au Canada?
Je suppose que la situation se complique quelque peu, en ce sens que l'une de vos fonctions, tout au moins par l'intermédiaire de l'une de ces entités - consentir des prêts à des sociétés en regard des biens qu'elles possèdent, de leurs créances, de leurs stocks - est une fonction que remplissent les banques, mais ce ne sont pas des activités bancaires. Par conséquent, devriez-vous être réglementés comme une banque qui exerce cette activité - ainsi que de nombreuses autres activités, dont la principale consiste à accepter des dépôts - et qui sert d'intermédiaire financier ici au Canada? Devriez-vous être contrôlés conformément aux activités que vous exercez?
C'est l'argument qu'ont fait valoir bon nombre d'autres témoins. Je pense que vous êtes le quatrième qui porte à notre attention un autre type d'activités qui ne devrait pas être réglementé parce qu'il ne s'agit pas d'activités bancaires. J'ai l'impression que les membres du comité auront des questions très sérieuses à poser aux hauts fonctionnaires, c'est-à-dire pourquoi vous devriez être réglementés comme une banque dans de telles circonstances.
Je vous ai interrompu pendant votre exposé, monsieur Davis. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?
M. Davis: Non, mais peut-être que M. Mandia aimerait ajouter quelque chose.
M. Albert Mandia (président, CashFlex Inc.): Monsieur le président et membres du comité, je me demandais s'il y avait quoi que ce soit de bien précis que vous vouliez savoir au sujet de notre entreprise, qui est une entreprise de traitement de comptes, et non pas une entreprise qui consent des prêts sur actifs.
M. Grubel: C'est encore plus surprenant qu'essentiellement... Qui est propriétaire de votre entreprise?
M. Mandia: Nous sommes une filiale au cinquième degré de la CoreStates Bank aux États-Unis, nous ne sommes même pas une filiale directe. Nos activités consistent à aller chercher du courrier au bureau de poste, à le trier, à ouvrir des enveloppes, à examiner des factures et des chèques et à fournir des données à des sociétés afin qu'elles puissent mettre à jour leur système de comptes clients.
M. Grubel: Et aux termes de cette loi, vous deviendriez une banque de l'annexe II?
M. Mandia: C'est exact.
M. Grubel: Je suis heureux que vous en ayez parlé et que vous ayez porté cette absurdité à notre attention. C'est encore plus absurde que cette histoire de M. Peterson au sujet de la société d'autobus scolaires, si c'est possible d'enseigner de telles choses.
Le président: C'est certainement possible, surtout pour vous, monsieur Grubel.
Je dois déclarer un conflit d'intérêt. Jean Anderson travaille pour McMillan Binch, une entreprise pour laquelle j'ai travaillé pendant de nombreuses années, et il serait tout à fait inapproprié pour moi en tant que président de ce comité, dans le cadre d'une tribune publique, de dire quoi que ce soit de bien au sujet de cette entreprise, même si j'aimerais bien le faire. Je vais donc m'en abstenir et, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de cet exposé très lucide.
Nos prochains témoins sont Bruce Phillips, commissaire à la protection de la vie privée etM. Julien Delisle, directeur exécutif du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée. Je vous remercie d'être ici.
M. Bruce Phillips (commissaire à la protection de la vie privée): Merci beaucoup, monsieur le président. À titre d'introduction, je rappelle aux membres du comité au cas où vous l'auriez oublié que je suis un fonctionnaire du Parlement. Vous êtes donc mes patrons, mes maîtres et maîtresses, au sens ancien du mot.
Le président: Ces renseignements sont assujettis à la règle sur la protection des renseignements personnels.
M. Phillips: Merci, monsieur le président. Je l'espère.
L'une de mes fonctions consiste à m'adresser au Parlement lorsque j'estime qu'une question concernant la protection des renseignements personnels devrait être portée à votre attention. Voilà cinq ans et demi que je suis commissaire, et c'est la toute première fois que je comparais devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, bien que j'aie déjà comparu à plusieurs reprises devant vos collègues du Sénat. Je suis vraiment très heureux d'être ici.
Je suis ici en raison de ce que l'on retrouve dans le Livre blanc concernant les renseignements personnels. Je tiens à dire que j'espère que ce ne sera pas le dernier mot sur la question. Je suis encouragé par ce qu'on dit dans le Livre blanc, mais j'ai certaines craintes au sujet de ce qui n'est pas mentionné.
Aux pages 16 et 17 de mon exemplaire du Livre blanc, le gouvernement propose... Je pense que des témoins précédents y ont fait allusion, les représentants de la Great-West, Compagnie d'assurance-vie. Je viens tout juste de les croiser dans la rue. Le gouvernement propose d'instaurer des mesures réglementaires régissant le recueil, l'utilisation, la conservation et la communication de renseignements sur la clientèle par les institutions financières fédérales. Plus précisément, les institutions financières seraient tenues d'adopter un code de conduite en matière de recueil, d'utilisation, de conservation et de communication de l'information, de charger un cadre de haut niveau dans chaque institution financière de la mise en oeuvre du mécanisme de traitement des plaintes des consommateurs, d'informer par écrit la clientèle de leur code de protection des renseignements personnels et de publier chaque année le rapport sur les plaintes reçues.
À mon avis, cela n'est absolument pas une amélioration par rapport au statu quo. On exige tout simplement que les banques fassent ce qu'elles disent qu'elles font à l'heure actuelle. Il manque ici deux ingrédients essentiels de toute réglementation qui se respecte, c'est-à-dire une loi que l'on peut faire respecter et qui prévoit un mécanisme de surveillance et d'arbitrage des plaintes indépendant.
Nous avons abordé la question, et voici la réponse que j'ai reçue du ministère des Finances en 1992. Nous leur avons écrit à l'époque en portant à leur attention que le monde de l'information connaissait des changements spectaculaires, que les banques se voyaient accorder des pouvoirs encore plus importants pour ce qui est de ce qu'on leur permet de faire et que, par conséquent, elles auraient beaucoup plus de possibilités d'utiliser les renseignements personnels et d'en abuser, qu'il fallait une plus grande protection non pas seulement en ce qui a trait aux banques, mais plus généralement en ce qui a trait au secteur privé. Je suis heureux de dire que depuis, le gouvernement canadien en général en est arrivé à cette conclusion.
Cette déclaration qui, je présume, reflète le point de vue du ministère des Finances, ne reflète pas celui du gouvernement canadien en général, si j'ai bien compris les déclarations faites au cours des derniers mois.
La semaine dernière, en fait, le ministre de la Justice, Allan Rock, a prononcé une allocution à la 18ième Conférence internationale sur la protection des données et des renseignements personnels, et il a dit ce qui suit:
- D'ici l'an 2000, nous avons l'intention d'adopter une législation fédérale pour protéger
efficacement les droits relatifs à la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé, laquelle sera assortie de moyens d'en assurer l'application.
Cependant, ni les codes des banques ni le code de pratique de l'Association canadienne de normalisation ne les obligent de quelque façon que ce soit à ouvrir leurs portes à un mécanisme de surveillance indépendant. Par conséquent, si une personne qui traite avec une banque a une plainte à formuler au sujet de la gestion de ses renseignements personnels, cette personne dépendra en fait de la mesure dans laquelle la banque est prête à respecter ce code.
Si, comme on le dit dans le Livre blanc, il n'y a pas de processus d'appel autre qu'un simple rapport qui serait présenté, je présume, au gouvernement - mais on ne le dit pas spécifiquement dans le Livre blanc - rapport portant sur la mesure dans laquelle ils ont observé leur propre code... Il n'y a pas de mécanisme de vérification, ni de mécanisme d'arbitrage ou de surveillance indépendant. À mon avis, sans ces éléments, on ne peut dire qu'une loi est efficace et qu'elle est assortie de moyens d'en assurer l'application.
Je ne peux penser à aucune loi ordinaire - comme nos lois sur la circulation ou tout autre genre de loi importante - qui n'ait pas un mécanisme pour en assurer l'application. Même si on s'attend à ce que les gens respectent volontairement la loi, en fin de compte, il doit y avoir une tierce partie qui exerce une certaine forme de surveillance. On n'en parle pas dans le Livre blanc. Heureusement,M. Rock en parle dans sa déclaration. Je pourrais faire bien pire que de recommander à votre comité que plutôt d'accepter d'approuver le libellé contenu aux pages 16 et 17 du Livre blanc, vous adoptiez le libellé du discours de M. Rock, où il s'est engagé fermement à mettre en place une loi efficace, assortie de moyens d'en assurer l'application.
Je vous recommande de lire également le reste de son allocution. Je ne prendrai pas le temps de la lire maintenant, mais il s'agit d'une allocution importante prononcée par un ministre de la Couronne la semaine dernière à une conférence publique. On l'a présentée une ou deux fois à la chaîne parlementaire. Je voudrais porter cette allocution à votre attention parce qu'elle n'a pas reçu toute l'attention des médias qu'elle méritait. Il s'agit d'un engagement de la part du gouvernement à établir un droit légal assorti de mesures pour en assurer l'application, en matière de protection des renseignements personnels, engagement qui n'avait pas été pris auparavant. En ce sens, le gouvernement du Canada se mettrait au diapason de la Cour suprême, qui a déjà prononcé un ou deux jugements importants reconnaissant de façon implicite la protection des renseignements personnels comme étant un droit en vertu de la Charte. Malheureusement, ce n'est pas encore un droit explicitement énuméré dans la Charte, mais peut-être pourrons-nous corriger cette omission un de ces jours.
Il se fait tard et je ne voudrais pas prendre trop de votre temps pour vous faire un cours sur la protection des renseignements personnels. Je dirai tout simplement que le monde change très rapidement. Le Canada a encore beaucoup de progrès à faire pour ce qui est de reconnaître la protection des droits fondamentaux qui est implicite dans un monde de l'information. Nous avons été en avance pendant un certain temps lorsque nous avons adopté une loi fédérale sur la protection des renseignements privés qui garantissait les droits légaux de tous les employés du gouvernement du Canada et de tous ses clients - c'est-à-dire des millions de Canadiens qui traitaient avec le gouvernement du Canada.
Cette loi garantit un droit à la protection des renseignements personnels qui comporte le code de pratique équitable en matière d'information. En tant que Canadiens, nous avons le droit de consulter les dossiers que le gouvernement du Canada garde en notre nom. Nous avons le droit d'examiner ces dossiers et d'y apporter des corrections s'ils contiennent des erreurs. Le gouvernement n'a pas le droit d'utiliser ces renseignements à d'autres fins que celles qui sont prévues sans notre consentement. Tous les éléments essentiels de la protection des renseignements personnels sont contenus dans cette loi. Par la suite, bon nombre d'assemblées législatives provinciales ont fait la même chose, mais, jusqu'à récemment, le secteur privé au Canada n'était pas visé par une législation semblable.
Le monde change extrêmement rapidement. Les gouvernements participent maintenant à des projets conjoints, et il sera difficile pour les gens ordinaires de savoir qui gère leur information, s'il s'agit d'un gouvernement ou d'une entité du secteur privé qui travaille en partenariat. L'échange d'information entre le gouvernement et les entités privées sera très difficile à contrôler.
Deuxièmement, à l'heure actuelle, les règles du jeu sont inéquitables au Canada, même dans le secteur public, car la province de Québec, à son grand crédit, a adopté il y a quelques années une Loi sur la protection des renseignements personnels qui vise toutes les activités commerciales dans la province, sauf les entités qui sont visées par le Parlement du Canada. Mais même là, les banques ont dit qu'elles respecteraient l'esprit de la loi du Québec sur les renseignements personnels, même si elles ne sont pas d'accord au point de laisser le Commissaire à la protection des renseignements personnels du Québec entrer chez elles pour faire enquête au sujet d'une plainte. Donc, les Québécois jouissent d'une norme de reconnaissance beaucoup plus élevée en ce qui a trait à leurs droits à la protection de la vie privée que les autres Canadiens. Je pense que le gouvernement souhaite vivement corriger cette iniquité.
Enfin, il y a une chose que j'aimerais porter à l'attention de votre comité, car cela a un impact direct sur le bien-être économique futur des entreprises canadiennes. L'Europe, qui est chef de file dans le monde à cet égard, a maintenant adopté une norme commune en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels pour tous les pays membres de la Communauté européenne. L'un des éléments les plus fondamentaux et les plus importants de cette nouvelle norme est que les commissaires à la protection des renseignements personnels des pays européens seront en mesure d'empêcher le transfert de données vers des pays qui, selon eux, ont des lois inadéquates en matière de protection des renseignements personnels.
La plupart des commissaires à la protection des renseignements personnels de la Communauté européenne à qui j'ai eu l'occasion de parler sont d'avis qu'à l'heure actuelle, les lois du Canada ne sont pas adéquates. Je pense qu'il n'est pas difficile pour vous de visualiser ce qui arriverait si un pays d'Europe disait qu'il ne pouvait plus transférer de données comme les données sur les réservations des compagnies aériennes ou des renseignements bancaires, toutes sortes de données, au Canada ou aux États-Unis.
Il ne s'agit pas d'un problème hypothétique. Nous avons déjà eu un cas où le réseau ferroviaire allemand voulait faire traiter aux États-Unis, par Citibank, je crois, toutes ses données concernant le service voyageur, y compris les renseignements concernant les tarifs. Le protecteur des données allemand est intervenu et a dit que la société ferroviaire ne pouvait pas faire cela, que les lois américaines étaient inadéquates et ne protégeaient pas les renseignements personnels au sujet des mouvements des citoyens allemands.
En fin de compte, Citibank, le protecteur des données allemand, les sociétés ferroviaires allemandes et, je crois, un représentant du gouvernement américain, ont dû négocier longuement une entente pour l'exécution de ce contrat, qui prévoit essentiellement que la loi allemande sur la protection des renseignements personnels doit s'appliquer à l'extérieur du pays à une entreprise américaine.
Cette entente contractuelle peut être satisfaisante pour les parties intéressées, mais un grave obstacle aux échanges utiles a surgi, obstacle qu'il a fallu presque deux ans pour lever, ce qui n'est d'ailleurs pas encore terminé. Il ne serait pas souhaitable que cela se répète sur une vaste échelle, pour la seule raison que le Canada n'a pas de législation satisfaisante relative à la protection des renseignements personnels.
Ceux qui ont mûrement réfléchi à cette question, à l'exception, bien entendu, de certaines des sociétés et institutions qui seraient touchées par une telle législation, se rendent compte que les changements de la société sont tels que le secteur privé, au même titre que le secteur public, devrait être soumis à une législation relative à la protection des renseignements personnels qui soit assortie de moyens d'en assurer l'application.
Il y a des gens du secteur privé qui sont d'accord sur ce point. C'est ainsi que l'Association canadienne du marketing direct - ce qui vous surprendra peut-être, car il n'y a guère d'entreprise qui ait davantage intérêt à pouvoir librement recueillir et utiliser l'information personnelle - apporte tout son soutien à l'idée que le Parlement fédéral introduise une telle loi dans le monde des affaires.
Pour ce faire, les modalités varient. Mon Bureau a proposé que le gouvernement fédéral prenne sans tarder l'initiative de promulguer une loi semblable à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels, mais qui ne soit pas nécessairement la même - car les besoins des entreprises ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux des gouvernements - et qui s'applique essentiellement au secteur des banques, des communications et des transports.
Il n'y a pas de raison, à mon avis, d'attendre que les provinces interviennent. Je suis persuadé que si les banques, les sociétés de transport et de communication étaient soumises à une telle loi, elles se rangeraient bien vite à nos côtés pour que les provinces, elles aussi, appliquent le même genre de loi.
J'ai dit ce que j'avais à dire, mesdames et messieurs, et c'est à votre tour, si vous le voulez, de me poser des questions.
[Français]
M. Rocheleau: Premièrement, je voudrais vous faire remarquer que j'aurais beaucoup apprécié que le commissaire, compte tenu de l'importance de son rôle et de son témoignage, nous donne un document écrit qu'on aurait pu consulter aussi dans l'avenir.
Le président: Est-ce que vous pouvez nous fournir une copie de votre présentation?
[Traduction]
Le président: M. Rocheleau aurait aimé avoir un exemplaire de votre exposé, plutôt que d'attendre la transcription des délibérations du Comité.
M. Phillips: Je n'ai qu'un exemplaire sur moi, que je laisserai au Comité, mais je peux vous en faire parvenir un exemplaire.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
M. Rocheleau: La Corporation financière Power est venue témoigner tantôt et a fait un long développement à l'image de vos préoccupations sur la protection des renseignements personnels en donnant deux exemples vécus des dangers qui nous guettent. D'abord, la Banque canadienne impériale de commerce s'est portée acquéreur d'un service de paye, ce qui lui donne des informations privilégiées sur de nouveaux clients potentiels, et la Banque Royale s'est portée acquéreur de SmartHealth, un système de gestion de santé qui donne des informations sur les soins de santé. J'aimerais d'abord entendre vos commentaires sur ce genre de phénomène.
Deuxièmement, étant donné que l'on n'entend pas souvent parler aussi positivement du gouvernement du Québec ici, à Ottawa, j'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur la mesure législative prise par le gouvernement du Québec et qui, semble-t-il, vous plaît.
[Traduction]
M. Philipps: Je vais essayer de répondre d'abord à la deuxième partie de votre question. Pour plus de détails sur la loi du Québec, vous devriez vous adresser au commissaire de cette province en lui demandant de venir vous l'exposer. Je ne peux vous en parler qu'en termes généraux: c'est une extension, avec modifications, au secteur privé du Québec de la Loi québécoise sur la protection des renseignements personnels qui, autrement, ne portait que sur la gestion des informations du gouvernement provincial.
Cela a pour conséquence que les sociétés, au Québec, doivent obéir à la loi du Québec d'après laquelle, pour l'essentiel, si vous recueillez des informations sur des clients vous devez en faire part au gouvernement, vous n'avez pas le droit d'utiliser cette information à d'autres fins que celles sur lesquelles vous vous étiez entendus avec le client et à la demande de ce dernier vous vous engagez à lui donner accès à cette information afin qu'il puisse en vérifier l'exactitude; enfin, vous vous engagez à assurer la sécurité et le caractère confidentiel de cette information. C'est là l'essentiel de la loi.
Certains aspects particuliers de cette loi visent à répondre aux problèmes de certains secteurs de l'économie, par exemple les agences d'évaluation du crédit, mais dans l'ensemble c'est une partie intrinsèque du Code civil du Québec. Si vous voulez en savoir davantage je devrai demander à notre conseiller juridique de vous décrire plus en détail certains des articles de cette loi.
Quant à la première partie de votre question, il y a des activités auxquelles prennent maintenant part les banques, par exemple le projet Smarthealth (cartes à puce comportant des renseignements médicaux) du Manitoba, auquel vous faisiez allusion. Ce sont là, pour l'essentiel, des activités non bancaires, auxquelles les banques se livrent pour réaliser des bénéfices, en exploitant leur capacité de transformation de données.
Ce n'est pas à moi qu'il appartient de dire si une banque devrait ou non s'adonner à cela: je n'ai, en fait, pas d'opinion sur d'autres aspects de la réglementation des banques, par exemple sur le fait de savoir si elles devraient être autorisées à avoir des filiales dans le placement, ou si elles devraient, ou non, posséder des compagnies d'assurance. Mon propos est de savoir ce qu'il advient de l'information en cause. Toutes les activités bancaires actuelles comprennent également d'autres éléments, par exemple des sociétés de fiducie, des agences de courtage, etc.
Les banques soutiennent qu'elles respectent les droits à la protection des renseignements personnels et qu'elles n'utilisent aucune de ces informations sans le consentement, en connaissance de cause, des clients. Il m'est impossible ni d'en convenir ni d'en disconvenir, parce que nous n'avons pas les moyens de savoir. Nous devons croire sur parole que les banques, en aucune circonstance, ne placent leurs avantages au-dessus des droits de leurs clients. N'ayant pas les moyens de m'en assurer, je ne peux répondre à cette question.
Mais l'occasion est à portée de main, cela ne fait aucun doute. Quand il y a une telle concentration de pouvoir économique entre certaines mains, et tant de renseignements personnels, de nature délicate, parfois intime, sur nos concitoyens, on ne saurait se contenter d'une promesse, si bien intentionnée soit-elle, d'agir dans le respect des droits des gens et de la morale.
M. Grubel: Monsieur Phillips, votre plaidoyer en faveur d'une loi sur la protection des renseignements personnel m'a impressionné, mais en tant qu'économiste de profession, je me demande toujours à combien cela va nous revenir.
Vous disiez que l'Europe s'était d'ores et déjà lancée là-dedans... Vous n'ignorez certainement pas que la révolte gronde contre le pouvoir tentaculaire de Bruxelles et de la bureaucratie qu'elle impose partout. Vous avez entendu dire qu'en l'absence d'une réglementation aussi monstrueuse les revenus des Canadiens seraient plus élevés de plusieurs milliers de dollars par an.
Au cours des 120 dernières années des gens aussi éloquents que vous, et avec des causes aussi valables, sont venus nous dire que la société serait parfaite, ou en tout cas bien meilleure, si nous consentions à adopter telle ou telle réglementation.
J'aurais une question bien simple à vous poser: votre Bureau a-t-il procédé à une analyse coûts-avantages?
M. Phillips: Mon bureau ne dispose pas des moyens nécessaires pour procéder à une telle analyse, mais je peux vous dire - je suis heureux que le Québec ait procédé ainsi, parce qu'il fonctionne à présent avec le système que je préconise - que le commissaire à la protection des renseignements personnels du Québec a jugé nécessaire d'engager cinq ou six employés de plus, un point c'est tout. Son Bureau coûte aux contribuables la somme approximative de 2,5 millions de dollars par an, dont presque tout en salaires. Nous avons un budget d'exploitation...
M. Grubel: En toute déférence - il se fait tard - ce n'est pas vraiment là le problème. Ce ne sont pas les quelques dollars dépensés par votre Bureau, ou celui du Québec, qui constituent les coûts réels, mais ce sont les exigences de déclaration, les mécanismes d'application, etc.
Je suis très déçu que le Canada - et je me demande si M. Rock l'a fait - n'ait pas jugé bon de faire procéder à une analyse externe, quel qu'en soit le coût, pour évaluer les conséquences d'une telle loi.
Si vous obtenez ce que vous voulez, ce sont des millions, sinon des milliards de dollars dont nous allons grever l'avenir du Canada. Personnellement, je ne suis pas convaincu que le code d'éthique fonctionne de façon si peu satisfaisante pour que nous ayons à dépenser tout cet argent pour assurer la force exécutoire de la loi, comme vous nous l'avez dit, et les avantages qui en découleraient.
M. Phillips: Monsieur Schmidt, permettez-moi de puiser à mon expérience pour vous donner quelques informations concrètes et pertinentes. Voilà une dizaine d'années déjà que le gouvernement du Canada a promulgué une loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Cela ne provient pas simplement de mon petit bureau, ou des agents aux renseignements...
Veuillez prendre patience, s'il vous plaît, car c'est une réponse directe à votre question...
M. Grubel: Mais vous n'avez pas procédé à une analyse coûts-avantages, n'est-ce pas?
M. Phillips: Quand on en vient à la protection des droits, il est très difficile de porter ce jugement. Je peux seulement vous dire ce qu'il en coûte aux contribuables canadiens d'avoir une loi d'accès à l'information et une loi de protection des renseignements personnels, appuyées par des commissaires disposant de personnel pour faire enquête sur les plaintes concernant les droits à la vie privée de 30 millions de Canadiens dans leurs relations avec le gouvernement du Canada. Le coût total pour tous ceux qui participent à cette tâche est d'environ 40 millions de dollars.
D'aucuns diront que c'est trop, d'autres diront que ce n'est pas assez. Personnellement je pense que quand il s'agit d'une dépense des deniers des contribuables, la protection des droits civils et des droits de la personne devrait passer avant toutes les autres priorités. Aucun gouvernement, à mon avis, ne devrait se laisser influencer par une argumentation qui entraînerait le sacrifice des droits civils s'il suffisait d'une dépense relativement modeste pour protéger ceux-ci. Certes, s'il s'agissait d'une très grosse dépense... Ce serait à examiner.
M. Grubel: En toute déférence, monsieur Phillips, nous nous trouvons ici dans une salle qui a probablement entendu des centaines de gens comme vous plaider une cause tout aussi valable en disant qu'elle méritait un sacrifice pécuniaire.
Soyons réalistes. Vous plaidez éloquemment pour votre paroisse, mais avant que je ne vote en faveur d'une mesure pareille j'aimerais voir... peut-être pourriez-vous chiffrer à combien reviendrait cette augmentation de la protection dont bénéficieraient les gens ou dont ils auraient l'impression de bénéficier. Il y a d'autres moyens d'y parvenir, je voudrais que les banques, et tous les autres organismes intéressés viennent nous exposer combien cette mesure leur coûterait, qu'on y ajoute les coûts occasionnés pour vous, à quoi s'ajoute l'augmentation du fardeau pour le système judiciaire, etc., avant que nous ne nous lancions dans ce genre de projets.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que vous, monsieur Phillips. De toute évidence, nous ne voyons pas la question du même oeil.
Le président: Monsieur Duhamel.
M. Duhamel: Monsieur Phillips, vous disiez, au cours de votre exposé, qu'à une certaine époque nous étions à la pointe du progrès sur la question, mais que nous n'y sommes plus. Est-ce exact?
M. Phillips: C'est exact.
M. Duhamel: Qui alors vient en tête? Vous nous avez donné l'exemple du Québec, mais il se peut qu'il y en ait d'autres.
M. Phillips: Oui, je citerais la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne, la France et l'Australie; cette dernière, ajouterai-je, est en train de faire précisément ce que je préconise, à savoir d'élargir sa Loi sur la protection des renseignements personnels. Il y a encore d'autres pays, dont les Pays-Bas, qui ont des lois qui s'appliquent.
M. Duhamel: Vous voulez dire qu'ils ont fait les dépenses nécessaires pour protéger les droits civils de leurs citoyens.
M. Phillips: C'est exact.
M. Duhamel: Merci.
M. Phillips: On n'a jamais avancé comme argument que cela représentait un fardeau excessif pour les recettes du gouvernement.
Le président: Je vous remercie, monsieur Duhamel. Madame Whelan.
Mme Whelan: Je vous remercie, monsieur le président.
Je reconnais certes que la vie privée des Canadiens a une très grande importance, et je m'inquiète fort de penser que même avec une solide réglementation nous risquons de voir compromettre nos droits, avec l'émergence des systèmes bancaires connectés et virtuels. Croyez-vous vraiment qu'il soit possible de protéger la vie privée des Canadiens avec cette transmission de l'information?
M. Phillips: Certainement, je le crois, je pense que c'est possible. La technologie est capable de produire des systèmes pour renforcer la protection de la vie privée dans le monde informatisé, et à l'appui de cette affirmation, je pourrais apporter de nombreux éléments de preuve à ce comité. C'est ainsi que les cartes à mémoire ne portent pas nécessairement atteinte à la vie privée. Il est possible de les concevoir de telle sorte que, loin de rendre plus difficile la protection de la vie privée, elles la faciliteraient.
Personne d'entre nous ne peut se permettre de s'opposer à l'informatisation. Celle-ci est bien en place. Mais à l'instar de toute technologie, la question, c'est de savoir ce qu'on en fait. Vous pouvez utiliser la dynamite pour extraire le charbon, vous pouvez également l'utiliser pour faire sauter la maison de votre voisin. De tout temps la technologie a placé les êtres humains devant un dilemme: l'utiliser à de bonnes ou à de mauvaises fins.
Il en va de même de l'informatique. Si on s'en sert à l'aveuglette et sans discernement pour concevoir l'une de ses applications, sans tenir compte des exigences de la vie privée dans les mots de passe, circuits, séparations, cryptage et autres moyens qui sont disponibles mais ne sont pas employés, dans ce cas, effectivement, la technologie peut détruire la vie privée, parce que nous finirons par n'avoir, dans cette ville, qu'une vaste banque de données qui contiendra tous les éléments de notre vie auxquels n'importe qui, plus ou moins, pourra avoir accès.
Le président: Je vous remercie, madame Whelan.
Merci, monsieur Phillips, d'avoir bien voulu comparaître devant nous. La discussion qui a suivi votre exposé aura permis aux Canadiens, je pense, de voir clairement les options qu'ils ont devant eux.
Il y a l'option présentée dans le Livre blanc, d'après laquelle la protection de la vie privée est importante, mais c'est aux banques de s'autoréglementer pour la protéger, et nous sommes saisis de l'autre option, vigoureusement défendue par vous, d'après laquelle l'autoréglementation ne suffit pas, ne répondra pas aux normes internationales, normes auxquelles il faudra peut-être se plier à l'avenir afin de participer aux technologies mondiales d'information. Une réglementation par des tiers s'impose donc, réglementation qui, vous le reconnaissez, entraîne des frais.
Vous avez plaidé éloquemment cette cause, monsieur Phillips, et vous nous avez certainement donné matière supplémentaire à réflexion approfondie avant que nous ne prenions nos propres décisions.
Notre prochaine réunion aura lieu demain à 15h30. Devant nous comparaîtra de nouveau, à notre demande, l'Association des banquiers canadiens à laquelle nous demanderons de répondre à plusieurs questions qui ont été soulevées au cours de nos audiences, et que nous leur avons exposées à titre préliminaire. Nous avons également demandé à des hauts fonctionnaires du ministère des Finances de revenir pour répondre à toute question que nous pourrions nous poser.
La séance est levée.