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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 30 octobre 1996

.1532

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes est très heureux de poursuivre ses audiences prébudgétaires.

Nous avons avec nous cet après-midi, pour notre table ronde, M. Bruce Campbell, qui est directeur général du Centre canadien de politiques alternatives; M. Jordan Grant, de la Coalition de la Banque du Canada pour les Canadiens; Mme Noëlle-Dominique Willems et M. Jeff Poston, de l'Association pharmaceutique canadienne; Son Honneur le maire Jacquelin Holzman, du conseil municipal de la Ville d'Ottawa; Mmes Mary Ellen Jeans et Sharon Sholzberg-Gray, ainsi que M. Alastair Thomson, du Groupe d'intervention action santé; M. Bob McIntosh, de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada; et M. Jim McCambly, de la Fédération canadienne du travail. Bienvenue.

Je vous propose de commencer la séance de cet après-midi par de brèves présentations de trois ou quatre minutes sur les principales préoccupations de nos témoins au sujet du budget. Nous pourrons ensuite avoir une longue discussion.

Monsieur McCambly, vous pourriez commencer, si vous le voulez bien.

M. James A. McCambly (président, Fédération canadienne du travail): Merci, monsieur le président. Je vous ai déjà rencontré la semaine dernière pour vous parler d'autre chose; je portais le même chapeau, mais le sujet était un peu différent. Je vois que ceci est votre 47e séance; je dois donc me compter chanceux.

Le président: Je ne suis pas sûr que beaucoup d'autres personnes seraient de cet avis dans votre situation, monsieur, mais nous sommes très heureux que vous voyiez les choses de cette façon.

M. McCambly: Je ne sais pas si je peux me limiter à deux ou trois minutes, mais je vais essayer de vous présenter aussi brièvement que possible le point de vue de la Fédération canadienne du travail.

Notre organisme compte plus de 200 000 membres au Canada. Pour commencer, j'aimerais vous parler des éléments qui devraient à notre avis avoir la priorité dans l'élaboration du budget de cette année. Nous estimons que le taux de chômage demeure la préoccupation numéro un au Canada et qu'il faut accorder la priorité à la façon dont le gouvernement peut créer des occasions permettant de réduire le nombre des chômeurs. Le taux de chômage approche des 10 p. 100 depuis un bon bout de temps. Il y a eu des efforts pour le réduire, mais ils n'ont pas réussi à favoriser dans le secteur privé une croissance suffisante pour entraîner une baisse soutenue du niveau de chômage.

Il est temps que le gouvernement cesse de se préoccuper uniquement du déficit. La situation est sous contrôle de ce côté-là, et les faibles taux d'intérêt sont certainement le meilleur allié du gouvernement. Ce qu'il faut maintenant, en réalité, c'est que la création d'emplois devienne une obsession au Canada.

La FCT croit que le gouvernement peut atteindre par différents moyens cet objectif d'une véritable création d'emplois: il doit stimuler davantage l'investissement; investir dans des programmes de formation ciblés; encourager les consommateurs à dépenser; et investir dans des dépenses d'infrastructure bien choisies. Je vais vous parler brièvement de ces différents aspects.

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En ce qui touche premièrement la stimulation des investissements, j'étais ici la semaine dernière à titre de président du Fonds de relance économique, dont la valeur atteint 860 millions de dollars environ. Je voudrais dire encore une fois, très rapidement, que ce fonds soutient près de 10 000 emplois. Ses ventes annuelles s'élèvent à 1,5 milliard de dollars, ses exportations à 600 millions de dollars, et ses travaux de recherche-développement à 99 millions de dollars. Cette formule est très importante pour stimuler l'économie de façon concentrée.

Au sujet de l'investissement et de la formation, nous sommes d'avis que le gouvernement a abdiqué ses responsabilités au sujet d'un des programmes les plus efficaces au pays, le programme d'apprentissage. Il avait promis dans son livre rouge de soutenir un programme national d'apprentissage, mais il a empêché le développement de nouvelles occupations se prêtant à un programme de ce genre dans des secteurs qui ont désespérément besoin de programmes de formation systémiques.

J'aimerais souligner quelque chose qui, à mon avis, est vraiment propre à une dichotomie, je suppose: le fait qu'il existait un budget d'environ 20 millions de dollars qui provenait du Trésor et qui a été supprimé. Cette somme devait servir à payer des cours théoriques de quatre à huit semaines pour les apprentis, de même que les deux premières semaines de soutien du revenu, et à acquitter certains frais de transport et de soutien du revenu pour les apprentis qui devaient se déplacer pour recevoir leur formation. L'envers de cette médaille de 20 millions de dollars, c'est que le gouvernement est en train de retirer plus de 5 milliards de dollars du compte de l'assurance-emploi pour le verser dans le compte des recettes générales. À notre avis, il est très clair que le gouvernement s'apprête à scier la branche sur laquelle il est assis en refusant d'appuyer ceux qui ont le plus besoin de services d'éducation.

Au sujet des dépenses de consommation, qui semblent particulièrement basses malgré les faibles taux d'intérêt, nous tenons à souligner que près de 100 p. 100 de l'énorme surplus qui existe actuellement dans la caisse d'assurance-emploi et qui devrait atteindre environ 5 milliards de dollars, et peut-être même 9 milliards, vient de travailleurs qui n'ont plus droit à l'assurance-emploi. Pour stimuler la consommation et remettre de l'argent en circulation dans l'économie, il faudrait faire un peu la même chose que dans le cas du compte d'assurance-chômage, c'est-à-dire donner de l'argent à ceux qui en ont désespérément besoin.

Dans la mesure où la réserve dépasse les 5 milliards de dollars - soit dit en passant, nous étions d'accord sur ce point; nous ne nous sommes pas opposés à ce qu'on mette 5 milliards de dollars de côté pour des jours encore plus sombres que ceux que nous vivons maintenant - et où elle pourrait même atteindre 9 milliards de dollars, il serait préférable de remettre ces 4 milliards de dollars dans l'économie et de permettre au moins à certaines personnes qui ne peuvent pas toucher d'assurance-chômage en ce moment d'en recevoir; il faudrait réinjecter cet argent entre leurs mains. Ces gens n'hésiteraient certainement pas à le dépenser parce qu'ils n'ont pas un sou actuellement.

En ce qui concerne les dépenses d'infrastructure, nous sommes d'avis pour commencer que le gouvernement devrait envisager un deuxième programme d'infrastructure. Nous serions d'accord, mais nous voudrions être vraiment certains que ce serait un programme justifié, et non motivé par des considérations politiques. À une époque où l'économie connaît un creux à peu près sans précédent, les dépenses gouvernementales contracycliques sont tout à fait judicieuses. La situation, sur le plan concurrentiel, se prête particulièrement bien à la reconstruction des ouvrages existants ou à la construction de nouveaux ouvrages. Donc, nous serions d'accord pour que le gouvernement prenne des mesures de ce genre.

J'aimerais ajouter quelques précisions à ce sujet. Il serait possible de cibler ces mesures, par exemple à l'aide de taxes sur l'essence, et se concentrer jusqu'à un certain point sur la réparation ou la remise en état des routes et des ponts. Le pont de la Confédération, qui reliera l'Île-du-Prince-Édouard au Nouveau-Brunswick, en est un exemple; on y imposera un péage pour couvrir les coûts d'immobilisation. Encore là, je pense que c'est un bon moyen de favoriser la création d'emplois à un moment où le gouvernement n'a pas beaucoup d'argent à consacrer à des grands projets.

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Je voudrais souligner aussi que, pour tous les projets entrepris de cette façon, il faudrait que le gouvernement fédéral applique un programme de juste rémunération, lorsqu'il y a des fonds fédéraux en cause, pour veiller à ce que les taxes perçues soient utilisées dans les meilleurs intérêts des travailleurs et pour réduire au minimum l'économie clandestine.

Le président: Merci, monsieur McCambly.

Monsieur McIntosh.

M. Robert J. McIntosh (gestionnaire des négociations collectives, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Merci, monsieur le président. Nous sommes très heureux nous aussi d'être ici aujourd'hui dans le cadre de vos consultations prébudgétaires. Comme nos amis de la Fédération canadienne du travail, nous sommes très inquiets du taux élevé de chômage qui perdure au Canada. Nous espérons que le budget de 1997 mettra fin à l'ère des compressions et qu'il relancera le Canada sur la voie du plein emploi et de la reprise économique pour l'ensemble des citoyens.

L'Institut est un des syndicats qui représentent le plus grand nombre de professionnels au Canada. En effet, il est le porte-parole d'environ 33 000 travailleurs exerçant des professions libérales, tant dans le domaine des sciences informatiques que de la vérification, en passant par la recherche pure, et ce dans le secteur public au fédéral, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick.

Nous allons surtout vous parler aujourd'hui de la gestion et de la structure de la fonction publique du Canada. Nous le faisons avec la conviction qu'une fonction publique efficace et bien gérée est un élément essentiel de l'infrastructure nécessaire pour assurer la croissance économique et la prospérité de tous les Canadiens, quelle que soit la région où ils habitent. Deuxièmement, si nous soulevons cette question, c'est parce que le gouvernement s'est servi du processus budgétaire annuel pour réécrire les règles qui régissent les relations de travail et la gestion dans la fonction publique.

Depuis le dépôt du budget de 1995, le gouvernement fédéral suit une politique de rationalisation de la fonction publique en vertu de laquelle il crée de nouveaux organismes de services ou transfère des activités au secteur privé, ou encore à d'autres niveaux de gouvernement. Cette politique est maintenant désignée par l'appellation «diversification de la prestation des services», ou DPS. Elle suit une mode lancée dans les années 80 par les gouvernements de la Grande-Bretagne et de la Nouvelle-Zélande. Les modèles adoptés dans ces deux pays n'ont cependant pas donné les résultats économiques escomptés, et leurs répercussions sur le plan social ont été très néfastes.

Nav Canada, qui prend la relève du gouvernement fédéral le vendredi 1er novembre dans le secteur de la navigation aérienne, a été un des précurseurs de cette nouvelle politique au Canada. Lors du dépôt du budget, l'année dernière, on a annoncé la création d'organismes qui prendraient en charge les activités de Parcs Canada et de Revenu Canada, ainsi que l'inspection des aliments, et qui fonctionneraient en dehors des cadres du secteur public et de la structure habituelle des ministères fédéraux. De nombreuses autres fonctions gouvernementales sont promises au même sort.

Le nouvel ordre des choses est énoncé dans le projet de loi qui vise à créer une Agence canadienne d'inspection des aliments et qui est présentement à l'étude au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Le précédent créé par ce projet de loi soulève des questions importantes. Le pouvoir dans le domaine de l'inspection des aliments sera partagé par le premier dirigeant de l'agence et le ministre de tutelle. Le ministère de la Santé fixera les normes en matière de salubrité des aliments et de santé publique, et il évaluera le rendement de la nouvelle agence. Le Conseil du Trésor jouera également un rôle en raison du contrôle qu'il conserve sur les cordons de la bourse.

Il est difficile d'envisager une agence indépendante ayant autant de maîtres. Il est également difficile de comprendre comment la nouvelle agence rendra compte de ses décisions au Parlement et d'où proviendront les économies prévues de 44 millions de dollars. De plus, des problèmes particuliers vont surgir parce que les relations de travail vont être régies par des modalités qui nient au personnel transféré les droits dont il bénéficie actuellement dans le secteur public, sans pour autant lui accorder des droits équivalents en vertu du Code canadien du travail.

L'Institut professionnel a étudié le concept de la DPS au Canada et à l'étranger. Nous venons tout juste de publier un document de travail intitulé La diversification de la prestation des services: Un remède pire que le mal? , que nous remettons aujourd'hui aux membres du Comité des finances. J'espère que vous aurez quelques minutes pour le parcourir.

Le président: De quel côté êtes-vous, monsieur McIntosh?

M. McIntosh: Je pense que ce sera très clair quand j'aurai fini.

Nous laissons entendre dans ce document que le concept de DPS est loin d'être parfait et qu'il faudrait d'abord chercher des améliorations possibles à l'intérieur de la fonction publique. Nous remettons également en question l'idée voulant que le gouvernement peut fonctionner comme une entreprise. Le service à tous les citoyens devrait être l'élément moteur des activités gouvernementales, tandis que la priorité pour les entreprises consiste à trouver des consommateurs à qui vendre le produit ou le service offert.

Nous sommes particulièrement inquiets du péril que la mise en oeuvre de la diversification fait courir à la digne tradition canadienne de la fonction publique, une tradition que les gouvernements libéraux ont largement contribué à établir. Depuis un demi-siècle, la fonction publique canadienne agit en fonction de l'obligation qu'elle s'est donnée d'assurer la santé et le bien-être des Canadiens et des Canadiennes. C'est ce sens des responsabilités qui a amené nombre de nos membres à se mettre au service du gouvernement.

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Ce nouveau concept de diversification entraîne la privatisation de nombreux services et de nombreuses fonctions du secteur public, et la création d'organismes parapublics sous contrôle partiel du Parlement. Pour l'avenir, cette politique laisse prévoir des conséquences désastreuses.

D'anciens fonctionnaires fédéraux vont se retrouver liés à un organisme plutôt qu'au concept général de l'intérêt public. La possibilité de faire carrière en passant d'un secteur à l'autre du gouvernement sera sérieusement mise en péril. La présence du gouvernement fédéral se fera de moins en moins sentir dans la vie de la population, réduisant du même coup la capacité de ralliement du gouvernement. Lorsque la fonction publique aura été découpée en segments autonomes, le sentiment de fierté et de motivation qui a toujours animé les fonctionnaires fédéraux disparaîtra.

Nous portons ces questions à l'attention du Comité des finances parce que les changements dont il est question sont déjà en train d'être mis en oeuvre sous le couvert d'une politique budgétaire. Nous soulèverons ces mêmes questions chaque fois que nous aurons l'occasion de faire valoir notre point de vue. Des milliers de membres de l'Institut professionnel sont touchés, et ils sont évidemment inquiets de leur avenir. De manière générale, nous pensons qu'il faut préserver, et non abandonner, le concept d'un gouvernement au service de la population; c'est dans l'intérêt de tous les Canadiens et Canadiennes.

Pour finir, je tiens à répéter à quel point nous sommes inquiets de la pratique du gouvernement qui consiste à réécrire les lois régissant les relations de travail dans la fonction publique. L'établissement de conditions d'emploi par le biais de la Loi d'exécution du budget nie les droits des employés, empêche les gestionnaires de gérer et crée des incertitudes quant au comportement des parties. Les relations de travail doivent passer par le processus de la négociation collective. Il ne faut donc plus, s'il vous plaît, légiférer le gel des salaires ni prendre d'autres mesures qui sapent ce processus.

Sur ce, je vais garder mes autres commentaires pour plus tard.

Le président: Merci, monsieur McIntosh.

Nous entendrons maintenant Mme Mary Ellen Jeans, du Groupe d'intervention action santé.

Mme Mary Ellen Jeans (directrice générale, Association des infirmières et infirmiers du Canada): Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir permis de comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis accompagnée de Mme Sharon Sholzberg-Gray, qui est codirectrice générale de l'Association canadienne de soins et services communautaires, et de notre conseiller technique, le Dr Alastair Thomson.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de vous présenter le point de vue du Groupe d'intervention action santé, mieux connu sous le nom de HEAL. Cette coalition regroupe près de trente organisations nationales qui s'occupent de santé et de consommation, et qui cherchent à protéger et à améliorer le système de santé au Canada. Depuis plus de cinq ans, nous travaillons ensemble pour offrir des conseils positifs et constructifs sur la façon de protéger le financement du système canadien de soins de santé, cher à tous les Canadiens, et sur ce que devraient être les rôles et les responsabilités du gouvernement fédéral dans ce domaine.

Quand nous parlons de soins de santé, nous voulons parler d'un système qui soit accessible à tous et qui englobe tous les aspects de ces soins, depuis l'identification des risques et la prévention des maladies jusqu'aux soins à long terme.

Nous avons déjà comparu devant votre comité et nous avons fait part de nos vues régulièrement au ministre de la Santé et au ministre des Finances. Nous avons demandé à plusieurs reprises au gouvernement de prévoir un financement stable et suffisant pour le système de soins de santé.

Entre 1982 et 1995-1996, les gels successifs des paiements de transfert au titre du FPÉ ont entraîné une baisse de 30 milliards de dollars dans les transferts visant la santé. De plus, la diminution des transferts de fonds aux provinces a remis en question l'application de la Loi canadienne sur la santé.

Nous avons été légèrement encouragés de voir que le gouvernement fédéral avait fixé l'an dernier un plancher pour ses transferts de fonds, mais nous craignons que ce soit trop peu, trop tard. Nous sommes sceptiques. Le gouvernement a répété bien des fois que le régime d'assurance-maladie était intouchable et qu'il fallait le préserver à tout prix, mais il n'a pas fait grand-chose pour démontrer sa volonté de le faire.

Malgré le plancher annoncé pour les transferts de fonds dans le budget de 1996, le gouvernement réduira le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux de 2,5 milliards de dollars cette année, de 4,5 milliards de dollars en 1997, et de 1,4 milliard de dollars les deux années suivantes.

Le système de soins de santé ne peut pas survivre à des réductions de ce genre. Je dirais même que les Canadiens ne peuvent pas y survivre. Si vous lisez les journaux tous les jours, vous y voyez sûrement toutes sortes d'histoires sur les souffrances que les compressions imposent à la population canadienne.

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Je voudrais vous parler de ce que les Canadiens et les Canadiennes vivent ces temps-ci dans le secteur de la santé, mais je vous dirai tout d'abord que les dépenses liées aux soins de santé ne sont pas hors de contrôle. Les coûts ont été limités, et les dépenses ont été réduites. Même si les dépenses totales en pourcentage du PIB sont à la baisse, les dépenses liées aux services de santé privés sont à la hausse. De plus en plus, les systèmes publics ne fournissent plus les médicaments, les soins aux convalescents et les autres services nécessaires. Vous et vos familles avez peut-être fait l'expérience de certains des effets de ces compressions. Le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités sur les familles et sur certaines petites et moyennes entreprises. Le fardeau supplémentaire que doivent supporter les familles canadiennes est énorme.

Dans le rapport qu'il a publié récemment par suite de ses consultations, le Forum national sur la santé nous dit que le Canadien moyen est très inquiet, et à juste titre, de la capacité du système de soins de santé à répondre à ses besoins. Les membres que je représente, les infirmières et infirmiers autorisés du Canada, n'en sont plus à se demander s'ils peuvent offrir des services infirmiers de bonne qualité; ils ne sont même plus certains de pouvoir offrir des soins sûrs.

J'ai rencontré la semaine dernière un certain nombre d'infirmiers et d'infirmières qui travaillent en première ligne, ici à Ottawa, et les histoires qu'ils racontent sont assez effrayantes. Des mères sont renvoyées à la maison après ce qu'on appelle maintenant un «accouchement minute»: un séjour de 24 heures à l'hôpital, sans aucun soutien à domicile. Il y a de plus en plus d'indices qui portent à croire que ces mères-là cessent d'allaiter leur bébé après quelques semaines. Nous risquons donc de produire toute une génération d'enfants dont le système immunitaire sera mal développé, parce qu'ils n'auront pas profité du lait maternel au moins pendant les trois premiers mois de leur vie.

Les parents ont peur de laisser leurs enfants dans notre hôpital pédiatrique, pourtant réputé, parce que les petits n'y sont pas bien soignés. Les nouveaux travailleurs des services de santé bénéficient d'à peine trois ou quatre semaines de formation, après quoi ils doivent s'occuper d'enfants très malades. Donc, les parents ont peur. Ils préfèrent ramener leurs enfants à la maison plutôt que de les laisser à l'hôpital, où ils ne les jugent pas en sécurité.

Les personnes âgées sont souvent renvoyées chez elles tout de suite après des interventions majeures; il n'y a pas de ressources communautaires disponibles, mais elles ne peuvent pas se débrouiller seules. On constate de plus en plus souvent qu'elles doivent retourner à l'hôpital pour des complications et qu'elles sont alors beaucoup plus malades, dans bien des cas, que quand elles ont quitté l'hôpital la première fois.

Une infirmière de santé publique - ce qui est presque une espèce disparue de nos jours - m'a dit qu'elle était chargée de dix-sept écoles, dont huit où elle ne peut même pas se rendre. C'est humainement impossible. Elle ne connaît donc pas les enfants. Elle n'est pas là pour s'occuper des immunisations et des autres types de problèmes de santé publique.

Et la liste continue. Je sais que mes collègues de HEAL pourraient vous fournir eux aussi beaucoup d'autres exemples des effets des compressions effectuées dans le budget des soins de santé.

Les dernières années ont été très difficiles dans le secteur de la santé. Il y a eu beaucoup de compressions au nom de la réforme des services de santé. Le système n'a pas encore eu le temps de s'adapter à ces chocs financiers répétés. Nous sommes trop occupés à essayer de fournir tant bien que mal des services de base. Les membres de HEAL ne sont pas contre la réforme des services de santé, mais ce que nous voyons actuellement, ce n'est pas une réforme, ce sont des compressions motivées par des impératifs budgétaires, sans plan d'ensemble ni stratégie visant à changer le système en profondeur pour en faire le système de santé primaire plus vaste dont le Canada croit avoir besoin.

Mesdames et messieurs, il est temps que le gouvernement fédéral recommence à investir dans les soins de santé. Il a pour ce faire un certain nombre de moyens à sa disposition. Nous allons vous présenter bientôt plusieurs options, avec nos recommandations, dans un mémoire écrit.

Nous approuvons les restrictions financières, mais la santé financière ne devrait pas se réaliser aux dépens de la santé des Canadiens. Il ne suffit pas que le gouvernement annonce qu'il ne coupera pas dans les soins de santé cette année; c'est déjà fait. Et nous ne sentons même pas encore les effets des compressions de 4,5 milliards de dollars qui vont être effectuées en 1997.

Nous savons que les Canadiens et les Canadiennes comptent sur le pouvoir unificateur de leur système de soins de santé comme expression collective de leur identité nationale. Dans un sondage réalisé récemment par le ministère des Finances, ils ont indiqué que le régime d'assurance-maladie était le seul programme pour lequel ils seraient prêts à appuyer une augmentation d'impôts afin de préserver l'accès à des services de santé de qualité.

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Les délégués présents au congrès libéral de la fin de semaine dernière ont eux aussi demandé au Premier ministre d'investir dans les soins de santé. Et les gouvernements provinciaux et les divers partis politiques reconnaissent également qu'il faut cesser d'amputer les budgets consacrés à la santé.

Le Groupe d'intervention action santé va continuer à travailler pour protéger la santé des Canadiens et préserver notre régime d'assurance-maladie. Nous espérons que le gouvernement va respecter son engagement et recommencer à investir dans les soins de santé.

Monsieur le président, je vous remercie, ainsi que tous les membres du comité, de nous avoir permis de participer à vos consultations budgétaires.

Le président: Merci, madame Jeans. Savez-vous quand nous recevrons vos recommandations détaillées?

Mme Jeans: Dans une dizaine de jours.

Le président: Merci beaucoup.

Son Honneur le maire Holzman.

Mme Jacquelin Holzman (maire d'Ottawa): Merci.

[Français]

Bonsoir. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

Au nom du conseil municipal de la Ville d'Ottawa, je suis heureuse d'avoir l'occasion de présenter nos vues au gouvernement du Canada à la veille du budget fédéral 1997- 1998.

Notre mémoire prébudgétaire, que le conseil municipal a approuvé à l'unanimité, vous a déjà été envoyé. Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, j'ai choisi de me concentrer sur quatre grands thèmes: les subventions tenant lieu de taxes, les locaux à bureaux, les ententes de développement économique et les consultations avec la collectivité.

À Ottawa, le gouvernement fédéral est le principal employeur; il fournit des emplois directs à plus de 100 000 personnes dans la région de la capitale nationale. C'est aussi le principal propriétaire et locataire puisqu'il occupe jusqu'à 40 p. 100 de l'ensemble des locaux à bureaux de notre ville. Le gouvernement fédéral contribue directement à 30 p. 100 du budget de la ville, par le biais de subventions tenant lieu d'impôts fonciers. C'est donc le premier point dont je vais vous parler.

Comme le gouvernement fédéral possède autant de terrains et d'immeubles dans la ville d'Ottawa, ses paiements annuels au titre des subventions tenant lieu de taxes représentent 30 p. 100 du budget d'exploitation de la ville, soit 72 millions de dollars. Étant donné que nous dépendons de ces paiements pour établir nos propres budgets, nous ne pouvons pas gérer l'incertitude, l'inconstance et l'imprévisibilité.

Le gouvernement fédéral a souligné à juste titre l'importance de la certitude, de la stabilité et de la prévisibilité pour ses transferts aux provinces, et nous pensons que c'est un peu la même chose pour notre ville. Le gouvernement fédéral a conclu des ententes de cinq ans au sujet des programmes de péréquation et du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et ces ententes ont maintenant force de loi. Tout ce que nous demandons, au niveau municipal, c'est un traitement similaire, de même que l'application de principes de paiement uniformes par tous les ministères puisque le versement des subventions tenant lieu de taxes est dévolu aux ministères et organismes.

Le deuxième point porte sur les locaux à bureaux. Nous constatons déjà les effets des compressions budgétaires dans notre centre-ville, où un certain nombre d'immeubles sont maintenant vacants. Il y a 200 000 mètres carrés d'espace loué qui pourraient se retrouver vacants au cours des prochaines années à cause des efforts de rationalisation du gouvernement fédéral. Les gros employeurs qui rationalisent leurs opérations et qui mettent des milliers d'employés à pied ont des responsabilités envers la collectivité dans laquelle ils vivent. Nous croyons que la ville d'Ottawa a besoin d'attention, et d'un effort coordonné pour atténuer les effets des compressions. C'est d'ailleurs conforme à l'engagement pris par le gouvernement libéral dans son livre rouge au sujet du développement économique communautaire et régional.

Ce qui m'amène à mon troisième point, celui des ententes de développement économique. Au cours des dix dernières années, le gouvernement fédéral a signé des ententes de développement économique avec un certain nombre de municipalités du Canada. Ces ententes visent à consacrer une attention et des ressources particulières à certains objectifs précis de développement économique dans ces collectivités. Pourquoi pas à Ottawa? Nous reconnaissons le travail accompli dans le cadre du programme ODER, mais le gouvernement fédéral doit s'engager; il doit s'en tenir à une vision et à un cadre constants pour le développement économique de la capitale du Canada. Permettez- moi de vous citer à ce sujet le livre rouge:

Mon quatrième point porte sur la consultation de la collectivité. Étant donné que le pouvoir décisionnel et les responsabilités financières sont de plus en plus décentralisés à l'intérieur du gouvernement fédéral, tous les ministères et organismes devraient être tenus de consulter les municipalités et les collectivités touchées par leurs décisions. Nous recommandons que le gouvernement cherche à comprendre les effets de ses mesures sur les collectivités et qu'il consulte les gens du milieu avant de prendre des décisions et de décréter des compressions d'effectif.

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En général, quand les dirigeants d'une grande entreprise de notre ville se demandent s'ils vont partir ou réduire leur effectif, ils me consultent d'abord ou viennent au moins m'en parler.

Cette obligation de consulter est particulièrement essentielle par les temps qui courent, puisque les responsabilités relatives à la population, à l'infrastructure et au développement économique sont de plus en plus déléguées aux collectivités.

Pour conclure, je suis certaine qu'aucun de ces commentaires ne vous a surpris, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, parce que vous entendez certainement la même chose dans vos propres municipalités. Je sais que le Premier ministre accorde beaucoup d'importance au rôle des collectivités et aux bonnes relations fédérales-municipales. En fait, il en parle dans presque tous ses discours.

Au nom du conseil municipal de la Ville d'Ottawa, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité. Nous croyons que notre mémoire contient de bons conseils pour le gouvernement et nous attendons avec impatience vos recommandations sur les questions que nous avons soulevées.

Nous espérons également que notre mémoire et le dialogue qu'il suscitera ne seront qu'un premier pas vers une meilleure compréhension des responsabilités du gouvernement fédéral dans notre collectivité.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, Votre Honneur.

Nous entendrons maintenant Mme Noëlle-Dominique Willems et M. Jeff Poston, de l'Association pharmaceutique canadienne.

Mme Noëlle-Dominique Willems (directrice des affaires gouvernementales et publiques, Association pharmaceutique canadienne): Merci, monsieur le président.

Je vais vous lire une courte présentation. Notre organisme est une association nationale qui représente plus de 10 000 pharmaciens de tout le Canada. Nous comparaissons régulièrement devant votre comité.

Nous avons déjà dit que nous nous opposions à l'imposition des prestations dans le domaine de la santé, et nous tenons à le répéter. Nous estimons également qu'il ne faut plus toucher aux REER, dans la mesure du possible. Nos membres en seraient très contents. Par ailleurs, en tant que membre affilié du Groupe d'intervention action santé, notre organisme appuie ce que Mary Ellen a dit tout à l'heure.

Nous pourrions nous aussi vous raconter des histoires très pénibles qui nous viennent des pharmaciens de tout le pays, puisque les gens qui ont un régime privé d'assurance-médicaments ou qui n'en ont aucun ont de plus en plus de mal à se payer des médicaments.

C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui: pour essayer de jeter les bases d'un programme qui permettrait aux gens de disposer d'un régime d'assurance- médicaments.

Je vais maintenant laisser la parole à Jeff Poston. Merci.

M. Jeff Poston (directeur de la recherche, Association pharmaceutique canadienne): Merci beaucoup.

Nous estimons que l'élaboration d'une approche globale tenant compte de la politique et de la pratique est nécessaire pour atteindre l'objectif d'une pharmacothérapie plus efficace et plus abordable. Les dépenses croissantes consacrées aux médicaments, l'usage inapproprié des médicaments et l'égalité d'accès à la pharmacothérapie pour tous ceux qui en ont besoin sont les principaux défis à relever pour le système canadien de soins de santé, en ce qui concerne les médicaments, en même temps que le maintien d'un secteur pharmaceutique florissant fondé sur la recherche.

Nous avons vu de nombreuses initiatives provinciales et nationales visant à répondre à ces problèmes. Elles ont très souvent engendré des formulaires restrictifs, un partage des coûts de plus en plus marqué par le biais de quotes-parts et de franchises, des directives pharmacoéconomiques nationales et toute une gamme de mécanismes de contrôle des prix. Pourtant, on n'a guère fait d'effort pour évaluer l'utilité de ces interventions et leurs effets sur le bien-être des Canadiens. Nos membres nous disent que les pharmaciens doivent parfois s'asseoir avec des patients âgés pour leur dire quels sont les médicaments d'ordonnance dont ils ont vraiment besoin, parce qu'ils ne peuvent pas se les payer tous.

Ces initiatives ont également entraîné un important transfert de coûts vers le secteur privé. Le Groupe d'intervention action santé en a d'ailleurs déjà parlé de façon très convaincante.

Les effets de cette situation sur la compétitivité globale de notre industrie n'ont pas été examinés très attentivement. Nous avons tendance à oublier que les régimes privés paient pour 44 ou 45 p. 100 des médicaments consommés au Canada, les régimes publics pour 44 p. 100, et les consommateurs pour environ 10 p. 100.

Les efforts pour améliorer la consommation de médicaments n'ont pas été bien coordonnés et n'étaient pas fondés sur une approche commune des différents niveaux de gouvernement. Le retrait de certains médicaments des formulaires, le transfert des coûts et les formulaires respectifs sont tous des mesures à court terme.

La prochaine révolution thérapeutique, que certains d'entre nous connaîtrons peut- être si nous vivons assez longtemps, pourrait donner naissance à des produits qui aideront à prévenir les maladies cardiaques et les démences, et à guérir certaines formes de cancer. Ces produits devront être gérés de façon beaucoup plus efficace et plus précise si nous voulons que ces médicaments soient disponibles à prix abordable, qu'ils soient accessibles à tous et qu'ils soient utilisés de manière appropriée.

Nous pensons par conséquent qu'il faut une initiative nationale majeure pour créer un réseau de ressources efficace afin d'appuyer la gestion de la consommation de médicaments tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

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Ce que nous visons, c'est un régime qui permette à tous les Canadiens d'avoir accès aux produits pharmaceutiques, afin de promouvoir un usage optimal des médicaments et une réduction des coûts, d'encourager la recherche pharmaceutique et le développement de nouveaux médicaments, de déterminer et de promouvoir efficacement le rapport qualité-prix des produits pharmaceutiques et, ce qui est très important, d'établir des mécanismes de surveillance des produits après leur mise en marché, ainsi que des programmes d'évaluation de l'usage des médicaments pour en assurer l'utilisation optimale par les Canadiens.

Le programme canadien de gestion de l'usage des médicaments serait fondé sur certains principes précis et serait responsable des fonctions suivantes: l'évaluation thérapeutique et pharmacoéconomique des médicaments, et en particulier des nouveaux produits; la formulation de directives pour la gestion des maladies et de leur pharmacothérapie; l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation de méthodes visant à améliorer les habitudes de prescription et d'utilisation des médicaments; l'élaboration de critères et de normes pour la transmission électronique des données, ainsi que pour leur entreposage, leur récupération et leur utilisation; l'élaboration de critères et de normes sur les dépliants destinés à renseigner les patients et la mise en place d'un service d'information à l'intention des patients - il faut éduquer davantage les consommateurs au sujet de l'usage des médicaments - et enfin, la coordination des activités de recherche.

Ce programme profiterait aux organismes d'assurance-médicaments des secteurs public et privé, qui disposeraient de divers outils et services pour contribuer à une utilisation équitable et abordable de médicaments de qualité. Il y aurait moins de dédoublement des efforts et des dépenses des organismes chargés de gérer les régimes d'assurance-médicaments dans les gouvernements provinciaux et le secteur privé. Les gouvernements bénéficieraient d'une meilleure utilisation des médicaments. Les consommateurs courraient moins de risques et seraient mieux soignés. Les médecins auraient de l'aide pour évaluer l'effet des nouveaux médicaments et maintenir des habitudes de prescription appropriées. Les pharmaciens seraient mieux utilisés, l'industrie ressentirait moins l'impact du transfert des coûts, et il serait possible d'en arriver à l'harmonisation de l'accès et à la transférabilité des services d'une province à l'autre.

Nous vous demandons donc d'envisager dans le budget un financement de démarrage pour la mise en place de ce programme qui vise à examiner des solutions à long terme permettant d'assurer aux Canadiens une pharmacothérapie abordable et de haute qualité.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.

Le président: Avez-vous une idée du montant de ce financement de démarrage, monsieur Poston?

M. Poston: D'après les calculs que nous avons effectués au départ, nous pensons qu'il serait possible de mettre sur pied un programme initial pour 3 à 4 millions de dollars. Il y a beaucoup de matériel et d'infrastructure déjà en place. Il faudrait réorganiser certaines initiatives existantes, mais cela ne devrait pas nécessiter une somme énorme.

Mme Willems: Et il serait possible de réduire beaucoup les coûts en mettant fin au dédoublement aux différents niveaux.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Jordan Grant.

M. Jordan B. Grant (président, Coalition de la Banque du Canada pour les Canadiens): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

Étant donné la nature de ce groupe de discussion, nous passons sans cesse de la microéconomie à la macro, et vice-versa. Je conçois mon rôle comme celui d'un traducteur qui essaierait de transposer le langage des économistes en termes que les gens ordinaires peuvent comprendre.

Il faut féliciter le gouvernement pour les progrès qu'il a accomplis vers la réalisation de certains de ses grands objectifs. En fait, quand il est arrivé au pouvoir, il s'était fixé seulement deux grands objectifs financiers, en termes de chiffres précis. Il voulait maintenir le taux d'inflation entre 1 p. 100 et 3 p. 100 et réduire le déficit à 3 p. 100 du PIB, puis à 2 p. 100 et à 1 p. 100, en espérant le ramener plus tard à zéro.

Le gouvernement a atteint ces objectifs. Il a également réalisé un surplus de son compte courant, ce qui est très important et dont on ne parle pas assez.

Mais il reste un objectif encore plus important, qui prime tous les autres, à savoir la réduction du taux de chômage. C'est une des promesses qui ont permis au Parti libéral de se faire élire. Et c'est un élément qui intéresse la population au plus haut point, comme le montrent tous les sondages l'un après l'autre. C'est extrêmement important, même pour atteindre vos propres objectifs.

La grande majorité des économistes vous ont dit qu'il suffisait de réduire les dépenses pour abaisser le déficit, et vous avez suivi leurs conseils. Ils vous ont dit que les marchés vous récompenseraient par de faibles taux d'intérêt, qui inciteraient les gens à recommencer à emprunter et à dépenser, ce qui remettrait l'économie en marche.

.1610

Le problème, avec cette théorie, c'est qu'elle va entraîner un redressement économique en termes de croissance du PIB, mais pas vraiment en termes d'emploi. Ce qui peut vous arriver de mieux si vous suivez ces conseils, de l'avis même de ceux qui vous les donnent, c'est un taux de chômage à peine inférieur à celui que nous avons maintenant. Ces gens-là envisagent un taux d'à peu près 9 p. 100, ou peut-être un peu moins.

La raison de cet état de choses, c'est que le chômage sert à soutenir l'objectif relatif à l'inflation, auquel on accorde la priorité. La Banque du Canada estime qu'il faut garder le chômage autour de 8 ou 9 p. 100 afin de maintenir le cap fixé au sujet de l'inflation. Elle prévoit qu'à court terme, ce taux sera plus près de 9 p. 100 que de 8 p. 100. Elle espère que les changements que vous avez apportés au régime d'assurance-chômage, avec certains autres microchangements, vont permettre de l'abaisser aux alentours de 8 p. 100. C'est ce que vous pouvez espérer de mieux si vous continuez à suivre les conseils économiques que vous recevez actuellement.

Est-ce que cela va fonctionner? Eh bien, il n'y a pas de précédent en ce sens. Si on regarde l'histoire économique du Canada, on constate quelques corrélations tout à fait saisissantes, en particulier la relation entre le taux de chômage et le déficit. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement a enregistré un surplus chaque fois que le taux de chômage était inférieur à 6 p. 100. Et chaque fois qu'il était supérieur à 6 p. 100, le gouvernement a fait un déficit.

En fait, la dernière fois que le gouvernement a pu équilibrer son budget tout en ayant un chômage de plus de 6 p. 100, c'était en 1937. Mais à ce moment-là, nous venions de subir quatre ans de dépression. Le chômage avait diminué graduellement pour atteindre à peu près le taux où il se situe aujourd'hui. C'était encore la Crise, mais le chômage avait baissé à 9,5 p. 100 environ. En 1937, après avoir reçu les mêmes conseils économiques que notre gouvernement actuel, le gouvernement avait équilibré son budget.

En 1938, le taux de chômage était de retour à 11 p. 100. Cela s'est fait en un an seulement. Le déficit était également réapparu, pour atteindre environ 1,5 p. 100 du PIB.

C'est seulement au moment de la Seconde Guerre mondiale, quand la politique financière a changé et que nous avons adopté toute une série de nouvelles mesures visant à soutenir l'effort de guerre, que le chômage a immédiatement chuté et que le plein emploi a été réalisé en l'espace d'à peine trois ans.

Il y a un avertissement dans tout cela. C'est que la politique qui prévaut actuellement ne fonctionnera peut-être pas.

Les gens parlent de 1994. Les taux d'intérêt étaient très bas en 1993, et cela a fonctionné. En 1994, nous avons connu une excellente croissante. Le chômage est passé de 11,5 p. 100 à moins de 10 p. 100, aux alentours de 9,5 p. 100 plus précisément. Cela a fonctionné à ce moment-là. Et les gens se demandent pourquoi cela ne fonctionne pas maintenant.

Il y a une grande différence entre l'année financière 1993-1994 et l'année en cours. Cette différence, c'est la politique budgétaire. En 1993-1994, il y avait encore un déficit important, et le gouvernement empruntait sur les marchés financiers presque autant qu'il y versait. En 1993-1994, le gouvernement a payé aux marchés financiers environ 38 milliards de dollars d'intérêt, et il y a emprunté 30 milliards de dollars, ce qui fait un manque à gagner net de 8 milliards de dollars. Cette année, vous payez 48 milliards de dollars en frais d'intérêt, c'est-à-dire 10 milliards de dollars de plus, et vous ne réempruntez que 14 milliards de dollars. Il s'agit cette année d'un transfert net de 34 milliards de dollars, des poches des contribuables vers celles des détenteurs d'obligations. C'est de l'argent qui est enlevé aux gens ordinaires et investi sur les marchés financiers. Il n'est pas surprenant que les cours de la bourse soient plus élevés que jamais.

Nous commençons tous juste à constater les effets des suppressions de postes au gouvernement fédéral et dans les gouvernements provinciaux, particulièrement en Ontario et maintenant au Québec, et même en Colombie-Britannique. Il y a un grand risque que cette politique ne fonctionne pas.

Mais qu'est-ce que nous pouvons y faire? Heureusement - et il faut en féliciter le gouvernement - , les taux d'intérêt ont été ramenés à un niveau beaucoup plus bas que celui qui était prévu dans le budget de l'an dernier et dans les budgets précédents. Cela représente des économies d'environ 4 milliards de dollars. Notre suggestion, dans l'immédiat, c'est que vous réinjectiez ces 4 milliards de dollars dans l'économie dès le prochain budget.

Quand il a annoncé ses objectifs pour la lutte au déficit, Paul Martin a dit qu'il fallait les atteindre contre vents et marées. C'est ce que nous vous suggérons de faire: contentez-vous d'atteindre vos objectifs. N'essayez pas de faire mieux. Nous ne vous demandons pas de dépasser vos projections. Nous vous disons simplement d'atteindre les objectifs prévus et de réinjecter l'argent dans l'économie.

.1615

Quant à savoir comment vous le ferez, c'est à voir. Nos amis Réformistes disent qu'il faut réduire les impôts. À notre avis, ce ne serait pas la solution la plus efficace sur le plan économique. Il serait préférable d'atténuer certains des pires effets de vos compressions, peut-être en consacrant de l'argent à des projets d'infrastructure et peut- être aussi en effectuant certaines réductions de taxes bien choisies, surtout pour ceux qui sont dans le besoin puisque c'est eux qui ont le plus de chances de dépenser cet argent.

Si vous procédez de cette façon-là, avec les faibles taux d'intérêt que nous avons actuellement, vous verrez probablement le taux de chômage commencer à baisser. Mais jusqu'où? Seulement jusqu'aux alentours de 9 p. 100, ou peut-être un peu moins. Si vous voulez réduire le chômage encore plus, c'est possible. C'est une question de volonté politique.

Il y a essentiellement trois écoles de pensée en économie. Il y a les économistes qui disent que nous ne pouvons pas faire mieux qu'un taux de chômage de 8 ou 9 p. 100, et leurs projections vont effectivement se réaliser si vous réinjectez ces 4 milliards de dollars dans l'économie.

L'autre école de pensée, qui prend de plus en plus d'importance aux États-Unis, c'est celle des économistes qui disent en gros que la Banque du Canada surestime les dangers de l'inflation et qu'il serait possible d'abaisser le taux de chômage à 7 ou 7,5 p. 100 sans provoquer de hausse de l'inflation. Ils réclament quelques changements relativement mineurs, par exemple d'affiner les statistiques sur l'inflation, dans lesquelles on constate un biais. Quand on dit que l'inflation se situe entre 1 et 3 p. 100, la plupart des économistes reconnaissent maintenant qu'il s'agit en réalité de 0 à 2 p. 100, ou même d'une inflation négative de 1 p. 100. C'est pourquoi ils demandent d'affiner les statistiques.

La deuxième chose à faire serait d'essayer de modifier les décisions subjectives des fonctionnaires de la Banque du Canada. Il y a là des gens qui penchent constamment du côté d'une inflation plus faible, même au risque de créer plus de chômage que ce qu'ils considèrent «nécessaire».

Il y a beaucoup de bons économistes qui ont un point de vue différent, y compris l'ancien président de l'Association canadienne d'économique, qui vient de prendre sa retraite. Si vous voulez faire peur aux fonctionnaires de la Banque du Canada, vous n'avez qu'à remplacer quelques-uns des cadres supérieurs par des économistes plus sages et plus humains.

Le président: Est-ce qu'il y en a?

M. Grant: Il y en a, je vous assure.

Une voix: [Inaudible - éditeur]

M. Grant: Eh bien, c'est le troisième aspect. Pour en arriver à cette modération, il faudrait faire ce qui a été fait aux États-Unis.

Les Américains avaient fixé à environ 6 p. 100 ce qu'on appelle le TCIS. Or, le taux de chômage est maintenant de 5 p. 100 là-bas, sans inflation en vue. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu beaucoup d'études. On se rend compte maintenant que ce TCIS a du bon. Il y a eu beaucoup de travail théorique intéressant à ce sujet-là. Le gouvernement devrait financer cette recherche et la diffuser.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Grant. Est-ce que je peux vous revenir plus tard?

M. Grant: D'accord. Merci.

Le président: Je veux simplement donner la chance à tout le monde de présenter son point de vue dans les grandes lignes. Vous aurez bien assez de temps plus tard pour préciser votre pensée; je m'excuse de vous avoir laissé continuer trop longtemps.

Monsieur Bruce Campbell, s'il vous plaît.

M. Bruce Campbell (directeur général, Centre canadien de politiques alternatives): Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à participer à cette discussion au nom du Centre canadien de politiques alternatives.

Puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais me concentrer moi aussi, comme le témoin précédent, sur la question du chômage en cette fin de la sixième année de la grande dépression des années 1990.

D'après certaines estimations fiables, cette dépression nous a coûté jusqu'ici environ 400 milliards de dollars en baisse de production et environ 5,2 millions d'années- personnes en emplois perdus. Le gouvernement n'a peut-être pas déclenché cette crise, mais sa politique l'a aggravée.

Vous connaissez les taux de chômage officiels. Ils n'ont pas beaucoup changé depuis octobre 1993, quand vous êtes arrivés au pouvoir. Vous avez créé tout juste un peu plus de 200 000 emplois par année au cours des trois dernières années, ce qui n'est même pas suffisant pour tous ceux qui entrent sur le marché du travail.

Ce qui est peut-être encore plus significatif, c'est que le ratio de l'emploi par rapport à la population en âge de travailler est demeuré constant au cours des trois dernières années, autour de 58 p. 100. Ce que cela signifie - puisque cela annule la création d'emplois - , c'est que beaucoup de gens ont quitté la population active ou sont demeurés à l'extérieur du marché du travail.

.1620

Mon conseil est très simple et il complète ceux des autres personnes qui ont pris la parole aujourd'hui. Il faut reconnaître que nous vivons une profonde crise du chômage et que vos propres décisions ont aggravé cette crise, et il faut accorder la priorité absolue à la lutte contre le chômage.

Vous n'avez qu'à demander l'avis des gens du secteur de la santé. Ce chômage prolongé impose un fardeau énorme au système de santé. D'après des chiffres très modérés, cela représente au moins 1 milliard de dollars par année.

Mes recommandations visent deux grands objectifs. Premièrement, les taux d'intérêt ont beaucoup baissé même si, en termes réels, les taux à court terme sont encore légèrement au-dessus de la moyenne enregistrée entre 1950 et 1980. Il est important de noter qu'ils ont suivi la chute vertigineuse de l'économie.

Le gouvernement doit garder les taux d'intérêt peu élevés pour permettre à leur effet stimulant de commencer à se faire sentir. Il se peut que cela prenne un certain temps à cause de ce chômage prolongé, de la stagnation du revenu et du manque de confiance des consommateurs. Mais je ne suis pas certain que le gouvernement, par l'entremise de la Banque du Canada, ait mis de côté ses préoccupations au sujet de l'inflation.

Je demande instamment au gouvernement de maintenir les taux d'intérêt à ce faible niveau même si - ce qui se produira probablement - le Système fédéral de réserve augmente ses taux débiteurs aux États-Unis. Il faudrait aussi que le gouvernement ordonne à la Banque du Canada de changer de mentalité et d'abandonner l'idée du taux naturel de chômage, une idée selon laquelle le chômage risque de rallumer l'inflation s'il baisse sous la barre des 9 p. 100 - ou quelque chose du genre - , ce qui nécessiterait encore une fois un resserrement de la politique monétaire.

Donc, il faut maintenir les taux d'intérêt peu élevés même si le chômage diminue, même si le taux de change baisse et même si l'inflation augmente. Certains disent qu'une inflation de 3 ou 4 p. 100 serait acceptable, et d'autres vont même plus haut.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral aura réduit cumulativement d'environ 33 milliards de dollars le pouvoir d'achat des consommateurs au cours de son mandat, d'ici la fin de l'année prochaine. Cette diminution, parallèlement aux réductions des dépenses provinciales, a causé de sérieux dommages, particulièrement en ce qui concerne le chômage; Wood Gundy estime qu'il y a eu 470 000 emplois perdus de cette façon entre 1994 et 1996.

Il est important de maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau, mais ce n'est pas suffisant. Les gouvernements doivent inverser la spirale des réductions de dépenses. Ce ne sont pas les dépenses des consommateurs ni les investissements des entreprises canadiennes qui vont relancer l'économie, pas plus qu'une augmentation des charges sociales ou des impôts généraux ne pourra le faire à elle seule.

Ma recommandation, c'est que le gouvernement lance une vaste campagne d'investissement public. Il devrait établir, dans ses comptes de programmes, une distinction entre les dépenses courantes et les dépenses d'immobilisation, et entreprendre dans le cadre de ses projets d'immobilisation un important programme visant à moderniser et à renforcer l'infrastructure du pays, dans son sens large - les installations matérielles, les transports, les services sociaux, la santé, l'éducation, l'écologie, les communications et le reste.

Comme il l'a fait dans le passé, il devrait faire appel à la Banque du Canada pour l'aider à financer ce programme. Ces emprunts à faible taux d'intérêt, combinés aux faibles taux pratiqués sur le marché des obligations, aideront à garder à un niveau gérable le ratio du service de la dette, qui est extrêmement important. Voilà donc mes deux principales propositions sur ce point.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Campbell.

Nous entendrons maintenant le président de l'IHRSA, l'International Health, Racquet and Sportsclub Association, M. Mike McPhee, et son directeur général, M. Don Longwell.

M. Mike McPhee (président (Ontario), International Health, Racquet and Sportsclub Association (IHRSA)): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Comme vous l'avez dit, je suis le président de notre association et Don Longwell est notre directeur général. Nous sommes ici pour vous parler de concurrence déloyale dans le secteur de la santé et du conditionnement physique. Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant votre comité.

Nous voulons vous parler des conséquences de la politique fédérale en matière d'impôt sur le revenu, qui permet à des organismes de bienfaisance de se comporter comme des entreprises à but lucratif et de livrer une concurrence déloyale aux entreprises commerciales, érodant ainsi une assiette fiscale substantielle d'une valeur considérable pour l'économie canadienne.

.1625

Nous représentons l'International Health, Racquet and Sportsclub Association, l'IHRSA, qui regroupe plus de 200 centres de conditionnement physique commerciaux au Canada, et 3 500 dans le monde entier. Mais nous sommes également ici comme porte- parole de plus de 1 500 centres privés dans l'ensemble du Canada.

Nos membres sont de petits entrepreneurs qui se battent pour soutenir la concurrence des organismes de bienfaisance, et en particulier de l'énorme organisation désignée par la lettre Y. Cette concurrence découle d'intentions louables, mais elle est désastreuse sur le plan économique.

Nous avons l'appui de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui a écrit une lettre à ce sujet au ministre du Revenu national. Nous avons également un exemplaire du rapport présenté par John Bryden en octobre 1996 au sujet des organismes de bienfaisance canadiens; cette question y est soulevée expressément.

Il y a au Canada un nombre croissant de YMCA, de YWCA et de YMHA qui visent principalement à desservir le marché des centres de conditionnement physique de haut de gamme. Leur programmation traditionnelle, que l'IHRSA appuie sans réserve et qui s'adresse aux jeunes et aux membres désavantagés de notre société, est clairement en train de passer au second plan. Ces organisations ont dépensé des millions de dollars pour des installations de conditionnement physique coûteuses, qui dépassent celles des centres privés les plus luxueux. Elles offrent un équipement et des installations semblables ou même supérieurs à ceux des centres de conditionnement physique privés et leur font directement concurrence.

En vertu de la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu, les entités qui détiennent le statut d'organismes de charité bénéficient d'un certain nombre d'exemptions fiscales et d'autres avantages fiscaux aux niveaux fédéral, provincial et municipal. Elles ont également droit à toute une gamme de subventions de ces divers niveaux de gouvernement.

Le tableau qui accompagne notre mémoire, et dont nous allons vous faire une copie, montre que d'après nos calculs, ces avantages peuvent représenter jusqu'à 1,7 million de dollars par centre sur le plan des frais de démarrage et d'exploitation. Cela inclut les reçus pour dons de charité, les subventions fédérales, provinciales et municipales, les avantages fiscaux consentis par les gouvernements fédéral et provinciaux, les avantages liés aux taxes foncières, les coûts d'inactivité liés aux hypothèques et aux propriétés foncières, et les dons aux organismes de Centraide.

La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit par ailleurs que les organismes de bienfaisance enregistrés qui s'engagent dans des activités à caractère commercial doivent le faire de façon très limitée; en outre, les recettes provenant de ces activités doivent être consacrées et reliées à leur mandat. Ces organismes n'ont pas le droit de faire concurrence au secteur privé; c'est bien normal. Mais, bien que la Loi de l'impôt sur le revenu cherche en principe à restreindre le niveau des activités et des services de nature commerciale que peuvent offrir les organismes de bienfaisance, nous trouvons que ces règles sont insuffisantes dans la pratique.

Pourquoi est-ce que cela pose un problème? Parce que cette situation menace des investissements, des emplois et des recettes fiscales. Les centres de conditionnement physique du secteur privé ont consenti des investissements très lourds pour se loger et s'équiper, et ces investissements profitent aux gens des collectivités de tout le Canada. Ces centres offrent des emplois, dans leur milieu, à des milliers de Canadiens et de Canadiennes. Ils représentent une importante source de recettes fiscales pour tous les paliers de gouvernement: impôt sur le revenu des particuliers, impôt sur le revenu des entreprises, charges sociales, taxes foncières, TPS, taxes d'accise, et ainsi de suite. Il est déjà assez difficile de réussir en affaires dans la conjoncture économique actuelle, mais c'est encore deux fois pire quand les principaux concurrents n'ont pas à payer de taxes et bénéficient par conséquent d'une situation financière plus solide, ce qui leur permet de s'équiper et de payer des salaires plus élevés.

Nous tenons à répéter que nous trouvons le mandat traditionnel des Y tout à fait louable. Au cours des cinq dernières années, nous leur avons souvent demandé, par écrit, de retourner à ce mandat, et d'offrir des installations et des programmes modestes pour les gens dans le besoin. Autrement, ils vont à l'encontre des principes fondamentaux régissant les organismes de bienfaisance enregistrés et nous livrent une concurrence déloyale.

Les gens du Y nous ont répondu à plusieurs reprises par les commentaires suivants.

Ils nous ont dit qu'ils offraient des rabais aux membres moins privilégiés. Or, nous pouvons démontrer que cela représente moins de 10 p. 100 de leurs membres, et parfois moins de 5 p. 100.

Ils vendent maintenant des abonnements «bonifiés» qui donnent un accès exclusif à des vestiaires et à des casiers plus grands que ceux de certains centres privés. Ils offrent aussi des massages thérapeutiques, du café gratuit, des téléviseurs et d'excellentes installations de conditionnement physique. Ce genre d'abonnement n'est pas offert aux défavorisés.

Ils planifient également la construction d'un centre exclusif pour les cadres supérieurs et les gens d'affaires dans le centre-ville d'Ottawa. Un Y exclusif; il y a contradiction dans les termes!

Ils ont aussi beaucoup d'installations inaccessibles aux personnes défavorisées parce qu'il faut un véhicule pour s'y rendre. Le Centre Corel, à Ottawa, en est un exemple.

Les gens du Y vont vous dire qu'ils s'occupent de conditionnement physique depuis des années. Mais je vous dis, moi, qu'ils ne sont pas dans le domaine du conditionnement physique de haut de gamme depuis des années. Qu'est-il arrivé aux clubs pour garçons et filles? Pourquoi est-ce que des médecins, des avocats et des gens d'affaires seraient subventionnés pour faire de l'exercice sur un équipement perfectionné? C'est seulement depuis 15 ans que les Y sont implantés sur ce marché.

.1630

Nous n'avons aucune objection aux piscines et aux gymnases à usages multiples, mais une corde à danser peut donner les mêmes résultats qu'un tapis roulant, et un escalier de bois fait aussi bien l'affaire qu'un appareil Stairmaster. Mais un tapis roulant coûte 8 000 $, et un Stairmaster 4 000 $. Ces organismes se servent de l'argent obtenu grâce aux avantages fiscaux qui accompagnent les dons à Centraide pour acheter de l'équipement très coûteux, qui nécessite un entretien très dispendieux. Nous aimerions bien savoir s'ils ont converti leurs auberges en hôtels cinq étoiles sans que l'industrie hôtelière dise quoi que ce soit. Mon centre, à Mississauga, entrerait tout entier dans le hall d'entrée du Y de l'endroit.

À notre avis, étant donné les avantages sociaux dont ils bénéficient, ces organismes doivent servir le marché des gens sédentaires, ce qui est malheureusement le cas à l'heure actuelle de la majorité des gens à faible revenu. Quand on profite d'avantages fiscaux, on a le devoir d'en faire le plus possible avec son argent. Le conditionnement physique est une question de programmes et de programmation créative, et non d'équipement. On ne reçoit pas un filet mignon à la banque d'alimentation; pourquoi est-ce qu'on trouverait des tapis roulants de 8 000 $ au Y? Ces organismes doivent en faire le plus possible avec l'argent qu'ils reçoivent. Autrement dit, puisqu'ils reçoivent des cadeaux, ils doivent se contenter d'offrir des services beaux, bons, pas chers.

Ils disent que leurs profits servent à de bonnes causes, mais est-ce que les organismes de bienfaisance devraient être là pour faire de l'argent dans un secteur déjà bien servi par l'entreprise privée? Leurs rapports d'impôt sur le revenu révèlent que 75 p. 100 -

Le président: Excusez-moi, monsieur McPhee, pourriez-vous conclure? Je vais vous redonner la parole plus tard si vous n'avez pas le temps de terminer votre présentation.

M. McPhee: Oui, monsieur, désolé.

Nous recommandons une loi qui imposera des limites plus strictes au sujet des activités commerciales des organismes de bienfaisance enregistrés afin d'éviter qu'ils livrent une concurrence déloyale au secteur privé; nous recommandons également que votre comité fasse enquête pour savoir s'il y a des moyens de mettre ces YMCA et ces YWCA luxueux sur un pied d'égalité avec leurs concurrents du secteur privé, peut-être en supprimant les exemptions fiscales dont profitent ces centres à but lucratif, le cas échéant, ce qui permettrait à notre économie de bénéficier d'une assiette fiscale plus large.

Le président: Merci, monsieur McPhee.

[Français]

Nous allons commencer par les questions de M. Gilbert Fillion, à qui nous souhaitons la bienvenue à notre comité.

M. Fillion (Chicoutimi): Je m'appelle Gilbert Fillion. Je représente l'Opposition officielle et je suis député de Chicoutimi, une région du Saguenay - Lac-St-Jean où le taux de chômage est très élevé. Je remercie chacun des intervenants, qui ont surtout apporté des éléments constructifs.

Le constat général que je pourrais faire, c'est que l'an prochain, nous devrions accorder la première priorité à la diminution du taux de chômage et à la création d'emplois. Je pense que nous sommes unanimes à cet égard ici cet après-midi. On a également parlé de certains moyens pour diminuer le taux de chômage ou créer de l'emploi. J'ai surtout retenu la recommandation formulée par M. Campbell. On sait que pour créer des emplois, il faut remettre de l'argent dans le système et non prendre cet argent pour réduire le déficit.

M. Campbell disait que la Banque du Canada pourrait financer les dépenses et les investissements du gouvernement. Monsieur Grant, partagez-vous cette opinion? Y a-t-il des avenues que l'on pourrait explorer à cet égard?

[Traduction]

Le président: Monsieur Grant.

M. Grant: Pour que la Banque du Canada commence à financer une plus grande partie de la dette publique ou à financer les dépenses d'infrastructure, il faudrait remettre en place la mesure législative selon laquelle les banques devaient laisser un pourcentage de leurs dépôts en réserve à la Banque du Canada. Cette exigence a été supprimée par les modifications apportées en 1991 à la Loi sur les banques et pourrait être rétablie dans le cadre de l'examen auquel le gouvernement se livre actuellement au sujet de la législation relative aux services financiers.

Si cette exigence était rétablie, il n'y aurait aucune raison que la Banque du Canada ne puisse pas financer les investissements nécessaires à un programme d'infrastructure. Autrement, les interventions des banques privées entraîneraient une augmentation considérable de la masse monétaire.

.1635

[Français]

M. Fillion: Selon vous, une modification de la loi nous permettrait d'atteindre cet objectif ou de mettre en oeuvre la recommandation de M. Campbell. Il s'agirait de remettre en vigueur cette disposition de la loi. Est-ce exact?

[Traduction]

M. Grant: C'est exact. Par exemple, depuis que l'exigence relative au fonds de réserve a été supprimée, les banques à charte ont en fait monétisé environ 65 milliards de dollars de la dette fédérale. En gros, c'est comme si elles avaient imprimé de l'argent, et elles et leurs clients en retirent de l'intérêt. Si la Loi sur les banques était modifiée de manière à rétablir l'exigence relative à la réserve, la Banque du Canada pourrait effectivement financer certains projets provinciaux ou municipaux d'infrastructure sans créer d'inflation. La seule différence entre le financement de ces projets par les banques à charte et par la Banque du Canada, ce sont les bénéficiaires des intérêts.

[Français]

M. Fillion: Je suppose que vous donnez de temps à autre des avis au gouvernement. Au début de votre présentation, monsieur Grant, vous avez félicité le gouvernement pour sa maîtrise de l'inflation, la réduction du déficit, etc. Vous avez fait passer un message.

En votre qualité de conseiller du gouvernement, pourquoi ne lui avez vous pas soumis cette recommandation? Si vous pensez qu'en modifiant la Loi de 1991, on pourrait faciliter la mise en oeuvre de cette recommandation, comment se fait-il que vous n'ayez pas conseillé le gouvernement en ce sens?

[Traduction]

M. Grant: J'ai rencontré M. Frank Swedlove, le fonctionnaire chargé de l'examen de la Banque du Canada, dès le début du processus et je lui ai présenté cette suggestion par écrit. Je n'ai jamais été invité à en discuter avec le gouvernement, et je n'ai pas été invité non plus à comparaître devant le comité.

Le président: Puis-je vous demander si vous avez demandé à comparaître devant le comité?

M. Grant: Non, je ne savais pas qu'il siégeait.

Le président: Ce n'était pas un secret.

M. Grant: Mais j'ai écrit -

[Français]

M. Fillion: Monsieur le président, excusez-moi.

Le président: Oui, monsieur Fillion.

M. Fillion: Monsieur le président, à ce moment-ci, on pourrait peut-être noter que les dirigeants de la Banque du Canada consentent à venir exposer cette recommandation ici, au comité. Nous pourrions peut-être les faire venir une deuxième fois pour discuter strictement de ce sujet. Je vous soumets cette proposition.

Le président: C'est une suggestion dont pourrait discuter le comité directeur.

M. Fillion: Cela me ferait plaisir.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fillion.

[Traduction]

Monsieur Grubel.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Monsieur le président, en écoutant M. Grant et M. Campbell, j'ai eu l'impression de remonter dans le temps. La première fois que j'ai entendu cette théorie sur la façon de redresser l'économie, j'étais à Yale, où je donnais des cours d'économie. C'était une théorie à la mode dans les années 60. Quand on veut un faible taux de chômage, on fait un déficit important, parce qu'évidemment, si le gouvernement prend son argent pour construire un pont ou n'importe quelle autre infrastructure, il provoquera l'embauche de travailleurs qui n'auraient pas d'emploi autrement. C'est une théorie merveilleuse.

Eh bien, nous l'avons appliquée à fond, cette théorie. En 1991, nous avions un déficit équivalent à 4 p. 100 du revenu national, à cause des dépenses et des emprunts du gouvernement. Le taux de chômage aurait dû être aux alentours de zéro à ce moment-là.

Mais l'expérience a discrédité cette théorie keynésienne, pas seulement ces derniers temps, mais tout au long des années d'après-guerre. Cela ne fonctionne tout simplement pas.

J'ai donc beaucoup de mal à y croire quand j'entends dire qu'il faut augmenter l'inflation. Il y a deux versions. La première, c'est qu'il faut beaucoup d'inflation parce que cela lubrifie en quelque sorte l'économie. Dans les années 70, l'inflation dépassait les 10 p. 100, et qu'est-ce que cela nous a apporté? Ce qu'on appelé la «stagflation». Nous avons eu à la fois de l'inflation et de la stagnation.

Les théories ont changé depuis. Nous avons eu une certaine stabilité pendant un bout de temps, et nous avons maintenant M. Fortin qui écrit un article assez provocateur. Il était ici, assis exactement là où Mme Sholzberg-Gray est assise aujourd'hui, et il nous a dit, après avoir entendu plusieurs preuves théoriques qui réfutaient en fait son argumentation, qu'il avait écrit cela simplement pour susciter la controverse parce que la controverse est le seul moyen de faire avancer les connaissances.

.1640

D'après ce que je peux voix, cela n'a aucun fondement dans la réalité.

Un autre anachronisme, dont nous avons discuté à toutes les décennies depuis les années 50 au moins, c'est qu'il faudrait rajuster l'indice des prix à la consommation pour que les choses changent. Eh bien, l'indice des prix à la consommation... Si vous commencez à demander à Statistique Canada de faire des traficotages de ce genre, vous êtes finis. Personne ne vous croira plus, parce que vous aurez agi pour obtenir un gain à court terme. Il en a été question partout dans le monde et personne ne veut y toucher, avec raison.

La proposition visant à augmenter la réserve exigée est elle aussi tout à fait dépassée. Vous avez une formation d'économiste. Si vous imposez une taxe aux banques, vous savez bien ce qu'elles vont faire. Eh bien, il y a beaucoup de gens ici qui disent qu'elles vont refiler cette dépense à leurs clients. Vous connaissez assez bien le fonctionnement des banques. Comment vont-elles s'y prendre? Elles vont augmenter les taux qu'elles imposent à leurs emprunteurs et payer moins d'intérêt aux gens qui leur prêtent de l'argent, c'est-à-dire à ceux qui font des dépôts chez elles.

C'est ce qu'elles ont fait dans les années 60 et 70 à cause de ces exigences importantes au sujet des fonds de réserve, et savez-vous comment les prêteurs et les emprunteurs ont réagi? Ils ont envoyé leur argent à l'étranger, à Londres, à Paris ou à Guernesey. Pourquoi? Parce que ces centres n'imposaient pas de réserve sur les dépôts en devises étrangères. Les banques étaient en train d'y perdre leur chemise. C'était une taxe qui ne fonctionnait tout simplement pas. La Banque du Canada s'est rendu compte que le marché intégré des capitaux était maintenant mondialisé. C'est pour cela que l'exigence relative à la réserve a été supprimée.

Je ne comprends vraiment pas où vous étiez depuis les années 60, quand les théories que vous proposez aujourd'hui ont été démolies de façon empirique et descendues en flammes.

Le président: Pourriez-vous donner au témoin une petite chance de répondre à cette question?

Où étiez-vous...?

Des voix: Oh, oh!

M. Grubel: Merci, monsieur le président. J'aimerais vraiment le savoir.

M. Campbell: L'écart qui sépare notre perception de l'économie et les liens entre le gouvernement, l'économie et la société est assez important, et nous n'avons probablement pas eu le temps d'examiner toutes nos divergences. Mais je dois dire, monsieur Grubel, qu'en vous écoutant parler d'anachronismes, j'ai pensé au XIXe siècle. Vous pensiez peut-être aux années 60, mais je pense plutôt au XIXe siècle. Je ne crois pas que votre préoccupation et votre obsession, à savoir que le marché est la panacée qui réglera tous les problèmes, soient confirmées par l'expérience empirique.

M. Grubel: Pourriez-vous répondre à mes arguments, s'il vous plaît?

M. Campbell: J'essaie de -

M. Grubel: Cela n'a rien à voir.

M. Campbell: Cela a tout à voir. C'est lié -

M. Grubel: Cela n'a rien à voir avec ce que j'ai dit.

M. Campbell: - à l'idée qui sous-tend vos commentaires.

M. Grubel: Tenez-vous-en aux recommandations que vous avez faites.

M. Campbell: Écoutez, vous avez parlé de la période pendant laquelle le gouvernement a accumulé un déficit important. Entre 1945 et 1975, le ratio de la dette au PIB a diminué de façon très constante. Il était de 138 p. 100 du PIB en 1945. Au milieu des années 70, il s'établissait aux alentours de 22 p. 100 du PIB, si on se fonde sur les comptes nationaux. C'était une période de grandes dépenses, au cours de laquelle l'infrastructure sociale est née et a pris de l'expansion, et c'était une période où les budgets étaient équilibrés de façon cumulative.

C'est seulement après 1975, en raison d'un certain nombre de circonstances dont nous ne pouvons pas parler en détail ici... mais le retour à une approche monétariste pour lutter contre l'inflation a été un facteur. Je veux parler de la période entre 1975, ou 1980, et l'actuelle période de faible croissance, de récession permanente, de déficits et d'accumulation d'une dette énorme.

.1645

Donc, à mon avis, c'est la résurgence de l'orthodoxie à laquelle vous adhérez, l'orthodoxie néoclassique, qui est responsable. C'est cette façon de penser qui est responsable du malaise dont nous souffrons actuellement.

M. Grubel: Pourrais-je vous poser une petite question? Pourquoi le Canada n'a-t-il pas résolu son problème d'inflation malgré les mesures de contrôle des prix et des salaires imposées par M. Trudeau? Pensez-vous que le problème de l'inflation faisait partie d'une conspiration néoclassique remontant au XIXe siècle?

Le président: Un instant. Je pense que je suis de votre côté maintenant, Bruce, parce que les mesures de contrôle des prix et des salaires n'ont pas réglé le problème.

M. Grubel: Non, mais pourquoi ont-elles été abandonnées, monsieur?

J'ai essayé de comprendre ce que vous disiez. Pour ceux qui nous écoutent, pourriez-vous nous dire comment les choses auraient dû être contrôlées?

M. Campbell: Il serait peut-être bon de discuter de la façon dont on peut lutter contre l'inflation autrement que par la politique monétaire. Je pense que ce serait une discussion utile. Il est important d'examiner les résultats des mesures de contrôle des prix et des salaires, de même que des mesures relatives au revenu, pour voir quelles ont été les réussites, quels ont été les échecs, et pour examiner aussi les autres façons d'aborder l'inflation. Mais quand je compare l'inflation et le chômage, il me semble que l'inflation est un problème relativement mineur; c'est certainement le moins grave des deux.

Je vais vous citer un extrait d'un ouvrage et je vais ensuite vous demander de deviner qui a écrit cela. Ce n'est pas nécessairement parce que je suis d'accord; je tiens à le préciser dès le départ.

C'est feu William Vickrey qui a écrit cela; c'est lui qui a remporté cette année le prix Nobel d'économie.

M. Grubel: Il ne l'a pas obtenu pour ses théories macroéconomiques, c'est certain.

En économie, il est très facile de concocter des théories. Nous le savons. Par conséquent, je voudrais que nous examinions les résultats empiriques. Pouvez-vous me dire pourquoi, sur les douzaines de pays industrialisés qui ont souffert de l'inflation au cours des années 70 dans le monde entier, aucun - pas même la Suède - n'a résolu son problème d'inflation grâce à des mesures de contrôle des prix et des salaires?

Pouvez-vous me dire pourquoi nous avons connu au cours des années 70 une accélération de l'inflation et du chômage? Avez-vous des explications à donner à ceux qui aimeraient bien croire qu'il suffira de remplacer les gens de la Banque du Canada par des gens comme vous pour régler tous les problèmes du Canada?

M. Grant: Permettez-moi d'intervenir pour répondre à quelques-unes de vos questions précises. Premièrement, au sujet des mesures qui ont fonctionné et de celles qui n'ont pas fonctionné, nous avions entre 1945 et 1965 une politique monétaire et une politique budgétaire qui travaillaient ensemble dans la même direction et nous avons connu alors une période sans précédent d'expansion, de plein emploi, de prospérité croissante et de répartition équitable du revenu. Comme nous l'avons déjà entendu dire, quand les choses s'améliorent, il y a beaucoup de problèmes qui se règlent.

Je vais répondre à votre question sur l'inflation dans une seconde, mais j'aimerais vous dire que, là où nous nous sommes trompés, c'est quand nous avons fait un certain nombre d'expériences au cours des années 70 pour trouver des moyens de lutter contre l'inflation. La solution que nous avons finalement choisie était... En fait, nous ne l'avons pas choisie. Nous avons traversé une période un peu embrouillée, pendant laquelle notre politique budgétaire et notre politique monétaire allaient à contre-courant l'une de l'autre. Nous avions une politique budgétaire libérale qui visait à stimuler l'économie, en particulier à l'époque des réductions d'impôt décrétées par Reagan, en même temps que le Système fédéral de réserve américain et la Banque du Canada essayaient de retirer cet argent de l'économie en appliquant une politique monétaire resserrée. C'était le pire des deux mondes, parce que nous ne pouvions bénéficier ni des avantages d'une politique budgétaire stimulante, ni de ceux de la politique monétaire sauf en nous plongeant dans une grave récession, ce que nous avons fait encore une fois au début des années 90.

.1650

Le résultat de ces deux politiques contradictoires, c'est la dette et le déficit que nous connaissons aujourd'hui. Je pense que personne ne le contestera.

Pour répondre à votre question sur ce qui a causé l'inflation et sur ce que nous aurions pu faire d'autre pour y remédier, l'inflation découlait de toutes sortes de choses. Elle a été causée par le financement de la guerre du Viêt-nam. Sans que les Américains essaient de retirer de l'argent de l'économie, l'économie américaine a surchauffé. Et l'inflation a aussi été accélérée par le choc pétrolier du début des années 70; elle a finalement augmenté en spirale, ce qui fait que les gens ont essayé de se rattraper.

C'était certainement une réaction aux énormes augmentations de prix dans le secteur de l'énergie. Comme nous le savons, les coûts de l'énergie se répercutent partout. Lorsque ces coûts ont augmenté, les gens ont commencé à hausser les prix de tout ce qui incluait des frais de transport ou qui était fondé sur les produits pétrochimiques. Et naturellement, quand ces prix ont augmenté, le reste a suivi.

Quant à ce qui a permis de ralentir l'inflation, le Canada a en fait recommencé à jouer avec la politique monétaire dans les années 70. Il a adopté une approche monétariste avant les États-Unis et a essayé de s'attaquer à la croissance de la masse monétaire. Cela n'a pas fonctionné. L'inflation augmentait en même temps que nous mettions le monétarisme à l'essai. Quand les mesures de contrôle des prix et des salaires ont été imposées, l'inflation a diminué. Et quand elles ont été abandonnées, c'est là que le monétarisme extrême s'est installé. Les taux d'intérêt ont été gonflés, et l'inflation a en fait augmenté encore plus, jusqu'à ce que l'économie ne puisse plus soutenir cette politique de l'argent rare et que nous tombions en récession.

En fait, ce qui a provoqué la récession aux États-Unis, c'est que les Américains ont finalement adopté d'autres mesures, par exemple les mesures de contrôle du crédit. Mais à ce moment-là, nous étions atteints par une telle frénésie de spéculation que, quand ces mesures de contrôle du crédit ont été adoptées, elles ont tout simplement causé un effondrement général.

Dans la deuxième partie de mon mémoire, que je n'ai pas eu le temps de vous présenter, je décris diverses mesures de rechange pour lutter contre l'inflation. Je voulais vous dire que nous pourrions probablement, sans faire beaucoup de changements, ramener le taux de chômage aux alentours de 7 ou 7,5 p. 100. Mais il est possible de l'abaisser encore davantage, jusqu'à 3 ou 4 p. 100. Il faudrait alors une série de mesures beaucoup plus radicales et notamment, comme Bruce l'a suggéré, le financement de projets d'infrastructure par la Banque du Canada. Il faudrait examiner sérieusement les mesures de contrôle de l'inflation, toutefois, parce que si on abaisse le taux de chômage à ce point sans faire quoi que ce soit pour limiter l'inflation, on aura de l'inflation. Personnellement, je ne préconise pas -

M. Grubel: Où sont ces mesures de contrôle, s'il vous plaît? En quoi consistent ces mesures directes? Pouvez-vous nous le dire? Voulez-vous parler de mesures de contrôle des prix et des salaires?

M. Grant: Non. Ce serait en tout dernier recours. J'ai ici quelques exemples.

Il faudrait donner à la Banque du Canada le pouvoir de réglementer à la baisse les paiements et les périodes d'amortissement des hypothèques résidentielles. Si le marché immobilier du sud de l'Ontario connaît un essor comme à la fin des années 80, et que le reste de l'économie ne surchauffe pas vraiment... Plutôt que d'augmenter les taux d'intérêt, il suffit d'allonger la période d'amortissement ou d'augmenter le comptant nécessaire. L'effet serait le même sur les paiements mensuels des gens qui achètent une maison. Cette mesure ralentirait le marché immobilier, mais le reste de l'économie ne serait pas touchée et n'en souffrirait pas.

M. Grubel: Mais le reste de l'économie connaîtrait une sérieuse inflation. Les salaires négociés augmenteraient de 15 à 20 p. 100, et l'inflation aussi. Comment régleriez-vous ce problème? J'aimerais vraiment entendre ce que vous avez à dire là-dessus.

M. Grant: Je ne laisserais pas les choses aller jusque là. Il y a toutes sortes -

M. Grubel: Supposons un instant... L'inflation dépassait les 10 p. 100 dans les années 70. Qu'auriez-vous fait?

M. Grant: Je préconise de cibler très précisément les mesures de lutte contre l'inflation. Quand les prix augmentent, il faut d'abord se demander pourquoi. Plutôt que d'essayer de les abaisser en ralentissant l'ensemble de l'économie, il faut se demander quelle est la cause de l'inflation et prendre... J'ai soumis toute une liste de suggestions au comité pour lutter contre l'inflation, mais apparemment, aucun d'entre vous ne l'a vue. C'est très -

M. Grubel: Monsieur le président, nous pourrions probablement continuer longtemps; ce n'est pas juste pour les autres personnes qui sont ici.

Le président: Non.

M. Grubel: Je voudrais seulement dire une chose. Si vous voulez un jour entrer dans les années 90, je vous invite à lire ce que les économistes reconnus ont à dire au sujet des causes du chômage élevé en Europe et au Canada par rapport aux États-Unis. L'OCDE a examiné attentivement les différences entre ces divers pays. Son explication, c'est que la situation tire son origine des distorsions et des obstacles à l'ajustement que les gouvernements ont imposés sur le marché du travail. Si vous voulez abaisser le taux de chômage, cela ne se fera pas sans douleur, mais vous devez vraiment essayer de vous mettre au courant de ce qui se dit aujourd'hui à ce sujet.

.1655

Historiquement, si vous retournez en 1900, le taux de chômage était déterminé par la relation entre la productivité de la main-d'oeuvre et son coût. Dans les années qui ont suivi immédiatement la guerre, les coûts de main-d'oeuvre sont demeurés peu élevés, et la productivité a augmenté rapidement lorsque nous avons augmenté notre production; nous avons donc bénéficié d'économies d'échelle. C'est pourquoi le chômage était bas. Mais si les salaires montent et que la productivité augmente plus que prévu, il y a du chômage. Si vous effectuez une analyse de régression pour toutes les années entre 1900 et 1990, vous obtenez une corrélation de 0,9 exactement pour le genre de... en incluant l'explication de la récession.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Grubel.

Madame Whelan, s'il vous plaît.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir à un commentaire que M. Grant a fait tout à l'heure et demander à certains des autres témoins s'ils ont des commentaires à faire à ce sujet. M. Grant a rappelé que le ministre des Finances avait promis d'atteindre ses objectifs de réduction du déficit contre vents et marées.

Je suppose que ma question s'adresse surtout au Groupe d'intervention action santé. À votre avis, est-ce que nous devrions atteindre plus rapidement l'objectif du déficit zéro - ce que le gouvernement semble vouloir faire - ou si nous devrions simplement maintenir le cap et nous servir de cet argent supplémentaire pour réinvestir dans les programmes?

Mme Jeans: C'est certainement ce que certaines des provinces ont fait: comme elles avaient réduit leur déficit plus rapidement qu'elles l'avaient prévu à l'origine, elles ont réinvesti dans le secteur de la santé. En fait, je pense qu'il y a actuellement quatre provinces qui envisagent de le faire.

À long terme, il ne sert à rien d'éliminer le déficit si nous devons nous retrouver avec toute une génération de Canadiens en mauvaise santé, qui vont drainer considérablement le budget du pays dans bien des domaines, et pas seulement dans le domaine de la santé.

Ce que nous disons, c'est que les compressions sont allées trop loin dans le secteur de la santé; nous voulons qu'elles cessent immédiatement. Nous voulons que le gouvernement s'engage à protéger la santé des Canadiens.

Mme Sholzberg-Gray voudra peut-être ajouter quelque chose.

Mme Sharon Sholzberg-Gray (coprésidente, Groupe d'intervention action santé (HEAL)): Je voudrais simplement dire que nous sommes heureux que le gouvernement se soit engagé à appliquer en l'an 2000 un plancher pour les paiements de transfert. Ce qui nous mécontente passablement, toutefois, c'est qu'il faut traverser d'ici là les années 1996 à 2000 alors qu'il y a d'énormes compressions effectuées en ce moment même.

Il faut se demander ce qui nous restera en l'an 2000 puisque ces compressions se déroulent à un moment où la population du pays augmente - ce qui fait qu'il y a plus de gens dont il faut s'occuper - , où la population âgée est de plus en plus nombreuse, et où les besoins en matière de santé sont de plus en plus pressants étant donné le taux de chômage élevé que nous connaissons actuellement et le fait que notre pays est en train d'essayer de s'adapter aux modifications apportées à notre régime de soins de santé. Nous voulons apporter toutes sortes de modifications à ce régime, mais les services de remplacement ne sont pas là; et pendant ce temps-là, on effectue des compressions.

Le gouvernement pourrait peut-être envisager de réinvestir une partie de cet argent puisqu'il est en avance sur les objectifs qu'il s'est fixés; de cette façon, quand le plancher sera appliqué en l'an 2000, il ne sera pas trop tard.

Mme Whelan: Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Whelan.

Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je voudrais poser quelques questions, monsieur le président.

Merci. Le débat d'aujourd'hui a certainement été très intéressant.

Le président: Vous avez droit à une question.

Mme Brushett: Seulement une? Alors je vais la poser à... Son Honneur nous a quittés, mais son associée a pris sa place.

Les municipalités se plaignent depuis longtemps des subventions tenant lieu de taxes. Si je comprends bien, ces subventions sont très peu élevées parce que les immeubles et les propriétés foncières sont évalués très bas. Si nous devions passer à un système de taxes, est-ce que vous accepteriez la valeur établie par un estimateur venant du territoire ou de la région dans laquelle se trouvent les propriétés visées?

Comment devrions-nous changer ce système, à votre avis? Je sais qu'il en est question depuis longtemps.

.1700

Mme Peggy Schenk (coordonnatrice, Relations publiques et gouvernementales, Ville d'Ottawa): Je suis désolée, mais je ne peux pas répondre à cette question. Je pourrai vous fournir une réponse demain, si cela peut vous être utile.

Mme Brushett: Vous ne savez pas si la FCM a discuté de mécanismes possibles selon lesquels elle recommanderait quelque chose en ce sens?

Mme Schenk: Je sais que la Ville participe aux travaux de la FCM sur cette question, mais je ne peux pas vous dire quelle est notre position à ce sujet.

Le président: Madame Brushett, votre première question était tellement bonne que je vous en accorde une autre.

Mme Brushett: Merci, monsieur le président.

Je ne veux pas relancer la discussion, mais j'aimerais faire un petit commentaire. Je voudrais simplement dire à quel point nous allons nous ennuyer de Herb Grubel si un jour il ne fait plus partie de notre comité pour susciter des discussions aussi intéressantes.

J'aimerais revenir à l'Alliance de la fonction publique. Elle a attiré notre attention sur le fait que nous faisons peut-être double emploi avec nos agences spéciales et que nous prenons certaines décisions qui pourraient même être prématurées sans avoir évalué ce que nous faisons actuellement. Des agriculteurs m'ont signalé récemment que, quand notre agence spéciale chargée de l'inspection des aliments sera en place, les tomates de jardin seront inspectées par Santé Canada et Agriculture Canada, alors que l'agence spéciale inspectera les tomates cultivées par des moyens biotechnologiques. Donc, nous allons envoyer des tomates à deux endroits différents. Est-ce que les gens de la fonction publique se sont penchés sur cette question? Est-ce que nous savons s'il y a effectivement des gains d'efficience à réaliser et si ce que certains agriculteurs m'ont dit est effectivement vrai?

M. McIntosh: C'est certainement un des points que nous soulevons dans notre mémoire. Il faut évaluer très attentivement tous les nouveaux modèles de prestation des services, par exemple celui de l'Agence d'inspection des aliments, pour nous assurer que nous n'avons pas ce genre d'inefficience. Ce qui nous inquiète, c'est que le gouvernement, suivant en cela les conseils de ses hauts fonctionnaires, a adopté une politique de création d'agences qui semble plutôt improvisée. Il est certain que nous devons aux employés, ainsi qu'aux citoyens que nous servons, de prendre le temps d'étudier très attentivement la façon dont nous allons fournir les services au public pour nous assurer que cela se fait de façon efficiente. Nous estimons simplement que cette nouvelle orientation, à savoir la création d'agences, va nous causer beaucoup de problèmes si nous n'y réfléchissons pas suffisamment; vous avez mis le doigt sur certains de ces problèmes. Si nous pouvons engager les employés qui sont déjà là dans un dialogue sur la façon dont nous devrions fournir nos services, je pense que nous serions beaucoup mieux servis.

En passant, nous représentons l'Institut professionnel. L'Alliance de la fonction publique est l'autre grand syndicat de fonctionnaires.

Mme Brushett: C'est le président qui m'a mêlée en me donnant une deuxième chance.

Le président: Merci, madame Brushett.

[Français]

Monsieur Fillion.

M. Fillion: Le Groupe d'intervention action santé nous ramène à la réalité lorsqu'il affirme que depuis plusieurs années, on a retiré 30 milliards de dollars du système. Cette somme qu'on a retirée fait en sorte que les Canadiens disposent de moins de services de santé. On nous a également fait remarquer que le transfert canadien de 2,5 milliards de dollars n'améliore pas non plus la situation. On s'aperçoit donc que, d'une part, certaines sommes ne sont plus affectées au système, mais que, d'autre part, certaines autres sommes reviennent dans le système par le biais, par exemple, des bas taux d'intérêt et de la Caisse de l'assurance-emploi.

Ma question s'adresse à M. McCambly de la Fédération canadienne du travail. Dans votre exposé, vous disiez que le gouvernement devrait cesser de focaliser son attention sur le déficit. Pourriez-vous préciser cette affirmation? Vous avez également suggéré de nombreuses solutions pour créer des emplois; j'en ai noté quatre ou cinq autres. Vous disiez toutefois que l'utilisation du surplus de la Caisse de l'assurance-emploi de 5 milliards de dollars était une politique de courte vue.

.1705

Dites-vous alors que ces sommes devraient servir uniquement à la formation de la main-d'oeuvre ou être réinvesties au niveau de la création d'emplois?

[Traduction]

M. McCambly: Premièrement, quand j'ai dit qu'il fallait cesser d'accorder autant d'attention au déficit et à la dette, je ne voulais surtout pas laisser entendre que ce ne sont pas des problèmes importants. Je dirais qu'en général, nous sommes assez contents de la célérité dont le gouvernement a fait preuve dans sa lutte contre le déficit.

Quand j'ai dit qu'il ne fallait pas trop s'inquiéter de ces problèmes, je voulais dire que le principal problème au sujet de la dette et de l'élimination du déficit, c'est le coût du service de la dette. Quand on peut réduire ce coût, c'est extrêmement avantageux. En ce moment, si nous pouvons garder les taux d'intérêt à ce bas niveau, c'est notre principal allié. Si cela se produit, vous pourrez dépasser vos objectifs assez facilement.

Donc, qu'est-ce qu'il faut faire de l'argent que nous allons économiser de cette façon? Les véritables économies viendront quand le déficit sera sous contrôle et que vous pourrez commencer à réduire la dette. Cela viendra avec le temps.

La question du compte de l'assurance-emploi, qui a été versé au compte des recettes générales, est légèrement différente. Il ne faut pas oublier que les sommes recueillies au titre de l'assurance-emploi sont plus élevées qu'au titre de la TPS. C'est vraiment énorme. C'est la réduction substantielle du nombre de personnes pouvant toucher des prestations qui a permis d'obtenir un surplus.

J'ai dit que la somme de 5 milliards de dollars était probablement justifiable. Nous pourrions appuyer cette mesure si nous étions forcés de nous contenter de peu pour venir en aide aux travailleurs. Mais il y a de l'argent disponible, qui pourrait servir à d'autres fins, et il est question que cela monte jusqu'à 9 milliards de dollars, ou même plus, au cours de la prochaine année ou à peu près.

La décision du gouvernement fédéral de se retirer du financement de la formation, et plus particulièrement des programmes d'apprentissage - je dois dire que je suis coprésident national du comité d'apprentissage, du côté syndical - cette décision, donc, me désole parce que je constate qu'il y a beaucoup de professions où il aurait été possible d'implanter et d'élargir un programme de formation par l'apprentissage. Il y a une semaine à peine, ici à Ottawa, on avait besoin de toutes sortes de gens dans le domaine de la haute technologie, pour des emplois pour lesquels il y a... Il se fait une certaine formation à l'université et au collège, mais elle n'est pas bien ciblée. Il serait possible dans certains cas d'offrir une formation sous forme d'apprentissage professionnel.

Donc, nous serions d'accord pour que l'argent qui se trouve dans la caisse d'assurance-emploi soit consacré à la formation, à condition que ce soit pour des emplois concrets, qui existent vraiment et pour lesquels il y a réellement des besoins de formation; il ne faudrait pas gaspiller cet argent.

Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?

[Français]

M. Fillion: Vous avez répondu à ma question en partie. Comme sous-question, j'aimerais vous demander si vous ne favorisez pas l'utilisation du surplus de la Caisse de l'assurance-emploi pour favoriser la formation de la main-d'oeuvre ou la création d'emplois. Tous les témoins ici présents ont affirmé que l'on sabre trop dans le domaine de la santé et qu'on n'investit pas assez dans la recherche et le développement.

Où le gouvernement ira-t-il chercher les sommes nécessaires à la création d'emplois telle que vous la préconisiez? Je crois me rappeler que vous aviez suggéré une taxe spéciale sur l'essence. Suggérez-vous que le gouvernement s'oriente dans cette direction? Il faut de l'argent pour créer de l'emploi.

[Traduction]

M. McCambly: Je n'ai pas dit qu'il faudrait une taxe supplémentaire sur l'essence. J'ai dit qu'il y avait déjà une taxe et qu'une partie des recettes qu'elle rapporte pourrait être consacrée à l'amélioration ou à la réparation de l'infrastructure.

Au sujet du surplus enregistré dans le compte de l'assurance-emploi, nous avons dit que si le gouvernement mettait de côté une réserve de 5 milliards de dollars, comme il l'a déjà indiqué dans des budgets précédents, nous serions d'accord. S'il est question d'un surplus dépassant cette somme, nous disons que cela va trop loin. Cet argent devrait être remis entre les mains des gens qui n'ont rien en ce moment et qui n'ont pas droit aux prestations d'assurance-chômage, des gens qui en méritent vraiment et qui ont payé leurs primes de toute façon.

À notre avis, le gouvernement outrepasse son mandat ou son rôle dans la gestion de ce fonds en le laissant tout simplement augmenter sans répartir une partie de cet argent.

.1710

Je voudrais souligner quelque chose. Le Centre canadien du marché du travail et de la productivité, de concert avec la Chambre de commerce du Canada, l'Association des manufacturiers, le CCCE, le Congrès du Travail du Canada et la Fédération canadienne du travail, a fait parvenir au gouvernement une proposition selon laquelle cet argent devrait en réalité être placé en fiducie, en ce sens que ce sont les gens qui ont payé les primes - les travailleurs et les associations d'employeurs - qui devraient dire au gouvernement comment dépenser cet argent. Je suis toujours de cet avis, et je pense qu'il est grand temps que cela se fasse.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Benoit (Vegreville): Merci, monsieur le président. Mes questions se situent dans la même veine que celles que Mme Whelan a posées à Sharon Sholzberg-Gray sur les soins de santé.

Je comprends votre inquiétude au sujet du fait que le gouvernement a réduit de 6 à 7 milliards de dollars ses paiements de transfert aux provinces dans les domaines des soins de santé, de l'éducation et de l'aide sociale. Cela n'aurait jamais dû se produire. Mais ma question porte sur le commentaire que vous avez fait - dans votre réponse, je pense - à savoir que, si le gouvernement libéral dépasse les objectifs qu'il s'est fixés, et qui ont été établis un peu au hasard, nous devrions consacrer immédiatement une partie de cet argent aux soins de santé.

Ce qui me préoccupe, c'est qu'en 1993, le Parti réformiste avait fait campagne en promettant d'éliminer complètement le déficit et d'équilibrer le budget en trois ans. Si les Libéraux avaient appliqué ce plan, qui était tout à fait sensé, nous serions aujourd'hui en train de discuter de ce qu'il faudrait faire avec le surplus. Devrions-nous en réinvestir une partie dans les soins de santé? Devrions-nous rembourser notre dette plus rapidement? Devrions-nous réduire les impôts? Devrions-nous adopter une combinaison des trois? C'est de cela que nous discuterions aujourd'hui, si le gouvernement avait mis en oeuvre notre plan d'élimination du déficit en trois ans.

C'est pourquoi je suis inquiet quand nous commençons à parler d'augmenter les dépenses avant d'avoir supprimé le déficit. Tant qu'on continue d'ajouter à la dette, on augmente les paiements d'intérêt sur cette dette. Nos paiements d'intérêt nous privent de près de 50 milliards de dollars que nous pourrions dépenser de façon utile, parce que le gouvernement n'a pas fait son travail.

J'aimerais demander à Sharon ce qu'elle en pense et comment ce travail devrait se faire d'après elle.

Mme Sholzberg-Gray: Nous allons vous présenter des chiffres précis, ou du moins plus précis, dans une dizaine de jours.

Le Groupe d'intervention action santé a toujours essayé de présenter des recommandations constructives dans le contexte d'un cadre budgétaire responsable. Nous pensons qu'il est tout à fait possible que le gouvernement soit allé trop loin. Il se peut très bien aussi qu'il n'arrive pas vraiment à abaisser le total des dépenses consacrées à la santé en réduisant ses propres dépenses à ce chapitre.

Par exemple, dans le secteur des soins de santé, si le gouvernement dépense moins, le secteur privé dépense plus, et la croissance est alors tout à fait incontrôlée. Nous allons peut-être nous rendre compte que nous dépensons beaucoup plus de 9 p. 100 du PIB pour les soins de santé. Bien sûr, ce sont les consommateurs qui vont finir par payer la note parce que le secteur privé va refiler ces coûts à ses clients, et tous les Canadiens vont alors devoir payer plus pour les soins de santé de toute façon.

Donc, la réduction des dépenses gouvernementales consacrées à la santé n'aura peut-être en définitive aucun effet positif sur l'économie. C'est ce qui se passe aux États-Unis, où les dépenses consacrées aux soins de santé représentent presque 15 p. 100 du PIB.

Ce que nous disons en fait, c'est que nous avons déjà accepté un certain nombre de réductions. Nous disons que ces réductions sont peut-être allées trop loin. Il faut réexaminer la situation. Nous avons des problèmes. Nous constatons les effets de ces réductions. Ce n'est vraiment pas très joli. Beaucoup de Canadiens sont inquiets parce qu'ils constatent les effets des réductions.

Nous pensons qu'il est bon, du point du vue économique, que le gouvernement dépense suffisamment dans le domaine des soins de santé. Cela nous rend plus compétitifs sur le plan économique. C'est d'ailleurs ce qu'a dit le Conference Board du Canada.

Nous sommes peut-être allés un peu trop loin avec toutes les compressions que nous avons faites. Nous demandons au gouvernement de réévaluer la situation et d'envisager de réinvestir dans le secteur de la santé, parce que ce serait une bonne chose non seulement sur le plan de la santé, mais aussi du point de vue économique.

M. Benoit: Le gouvernement aurait-il dû réduire ses dépenses dans d'autres domaines, comme nous l'avions prévu dans notre plan? Nous avions proposé de réduire les dépenses consacrées au développement économique, aux programmes de multiculturalisme et de bilinguisme officiel, et ainsi de suite. Nous avions établi une liste des domaines où il fallait réduire les dépenses.

Les soins de santé n'étaient pas sur notre liste. En fait, dans notre programme «Nouveau départ», nous proposons de réinjecter 4 milliards de dollars dans l'économie afin d'aider à compenser pour la réduction de 6 à 7 milliards de dollars décrétée par le gouvernement fédéral dans les paiements de transfert.

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Mme Sholzberg-Gray: Je ne toucherais pas aux programmes de multiculturalisme et de bilinguisme parce que je pense que les sommes qui y sont affectées ne sont pas vraiment importantes comparativement aux dépenses consacrées à la santé.

Mais vous savez tous que les sommes que le gouvernement fédéral transfère aux provinces sont versées dans le fonds de revenu consolidé des provinces, en un montant global. Les provinces n'ont pas toutes sortes de comptes de banque différents. Lorsque les transferts aux provinces enregistrent une baisse nette, ce qui serait le résultat cumulatif de vos programmes, si je comprends bien...

Donc, parce que vous voulez réduire la péréquation et abaisser les sommes qui auraient été transférées dans le cadre de l'ancien RAPC, même si vous voulez augmenter les dépenses consacrées à la santé, il y aurait - d'après ce que je lis dans les journaux - une diminution nette des transferts aux provinces, ce qui n'aiderait vraiment pas les gouvernements provinciaux dans leurs efforts pour équilibrer leur budget et fournir des soins de santé. Je pense que cela ne permettrait pas de réaliser votre objectif non plus, à moins de suivre le cheminement de chaque dollar, ce que nous avons cessé de faire il y a presque 20 ans et qui ne fonctionne pas de toute façon.

M. Benoit: En fait, notre plan prévoit une augmentation des paiements de transfert aux provinces pour la santé, l'éducation et l'aide sociale combinées -

Mme Sholzberg-Gray: Oui, je sais, mais il les soustrait -

M. Benoit: Il les augmente.

Mme Sholzberg-Gray: - pour le calcul de la péréquation, si je me rappelle bien, ce qui finira quand même par entraîner une diminution nette. Mais je ne veux pas me lancer dans ce débat. Je disais simplement -

Le président: Mais vous vous y êtes lancée, et très bien d'ailleurs.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Merci beaucoup, monsieur Benoit.

Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci, monsieur le président.

Monsieur Grant, je n'étais vraiment pas content... en écoutant votre présentation... si j'avais su au milieu des années 70 tout ce que je sais aujourd'hui sur les moyens de financement, je serais très riche. En tant qu'homme d'affaires, j'essayais de suivre les hauts et les bas du marché, mais il y avait toujours quelque chose qui m'échappait.

Il y a quelque temps, le gouverneur de la Banque du Canada a comparu devant notre comité. Je lui ai posé une question précise sur la possibilité que la Banque du Canada conserve... Est-ce que les municipalités, par exemple, pourraient emprunter de la Banque du Canada? Est-ce que cela aurait pu être utile? En fait, on m'a presque répondu que la Banque du Canada échangeait de l'argent. Si on regarde les changements qui ont été apportés à la Loi sur les banques en 1991, comme vous dites, il est très difficile de continuer à croire que la Banque du Canada est capable de stabiliser les flux monétaires à l'intérieur du pays.

Je voudrais dire également que l'objectif du gouvernement n'est pas de créer des emplois directs. Son objectif est de créer un environnement dans lequel le secteur privé peut créer des emplois. Oui, le gouvernement vise une inflation de 1 à 3 p. 100, et depuis les 18 derniers mois, le taux d'intérêt n'a pas cessé de baisser. Il est maintenant à 5,35 p. 100. Pourtant, l'inflation est toujours à 1 p. 100, ou près de 0 p. 100. Elle n'a vraiment pas bougé. Étant donné tous ces stimulants, la capacité de création d'emplois par les entreprises...

Pourriez-vous nous dire comment nous pourrions créer des emplois indirectement, plutôt que directement, comme vous l'avez dit, avec la participation du gouvernement? Vous dites que le gouvernement pourrait s'occuper plus activement de créer de l'emploi.

M. Grant: Premièrement, pour que vous sachiez un peu d'où je viens, je dois vous dire que je suis un homme d'affaires. Je souhaite de tout coeur que la stratégie du gouvernement soit efficace. Je m'apprête à mettre un lotissement domiciliaire sur le marché au printemps et j'espère certainement que le marché répondra. Mais j'ai bien peur que les compressions budgétaires vont inciter les gens à se tenir tranquilles, qu'ils vont avoir peur d'emprunter et de dépenser.

Les faibles taux d'intérêt vont stimuler la dépense seulement si les gens sont prêts à s'endetter davantage. Or, comme nous le savons tous, les entreprises et les consommateurs sont déjà endettés jusqu'au cou. Nous préconisons un stimulant relativement limité simplement pour inciter les gens à changer d'attitude. Tout ce qu'il faut, c'est une légère baisse du taux de chômage. Je pense que vous vous rendrez compte que cela fera toute une différence dans l'attitude des gens, qui sera beaucoup plus positive.

Une fois que ce stimulant initial aura permis de modifier les attitudes dans le bon sens, je pense que vous vous rendrez compte que le secteur privé va reprendre de la vigueur.

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La clé, ce sont les dépenses des consommateurs. Les entreprises sont prêtes à investir et à profiter de toutes les occasions qui s'offrent sur le marché. Le problème, ce n'est pas tellement que les entreprises hésitent à dépenser, mais plutôt qu'elles attendent la demande du côté des consommateurs.

Je ne veux pas dire que le gouvernement devrait créer tous les nouveaux emplois. Je suggère simplement qu'il remette un peu d'argent dans le système pour rétablir un climat de confiance et pour diminuer légèrement le taux de chômage. L'économie prendra ensuite le relais, et le secteur privé fera le reste.

M. Pillitteri: Sur le même sujet, comme j'ai toujours été dans les affaires et que j'ai voyagé dans d'autres régions du monde, je me suis rendu compte que le coût de la vie au Canada était vraiment un des plus bas au monde.

Quand je vais en Europe, je constate que les chambres d'hôtel sont deux fois plus chères qu'ici et que le coût de la vie est incroyablement élevé comparativement au Canada. J'habite à Niagara Falls, une région où il y a énormément de tourisme, surtout depuis quelques années. Les gens de l'extérieur achètent toutes les propriétés sur lesquelles ils peuvent mettre la main lorsqu'ils arrivent au Canada.

Si les Canadiens croyaient au Canada autant que ces étrangers, la situation serait peut-être un peu meilleure. Toute cette désolation sur le fait que notre économie ne se redresse pas, c'est surtout interne. C'est nous qui la répandons, de crainte d'imposer aux gens... Je pense que nous devrions avoir plus de stimulants ici même, pour inciter les gens à investir dans notre magnifique pays.

C'est peut-être le secteur privé qui doit s'ouvrir sur le monde. Je pense que nos entreprises ont encore tendance à être un peu trop refermées sur elles-mêmes et j'espère que cela va changer. Mais il est certain que si le gouvernement crée l'environnement... ce sont les gens qui comptent. J'espère évidemment que la situation va changer, mais pas avec des dépenses directes du gouvernement.

Le président: Monsieur Pillitteri, merci beaucoup.

Pour finir, monsieur Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci, monsieur le président. J'ai une question à poser à M. McPhee.

J'ai une certaine sympathie pour vous. J'ai reçu une plainte du même genre dans ma propre circonscription, de la part des propriétaires d'un centre de conditionnement physique auquel le Y faisait directement concurrence. Le Y reçoit des subventions fédérales et peut-être même provinciales - je n'en sais vraiment rien. Ma question est la suivante: où est-ce que vous tireriez la ligne?

Il ne s'agit pas seulement des subventions directes; il y a aussi toutes sortes d'organisations comme des clubs de tennis, par exemple, qui ont un statut d'organismes de bienfaisance et qui ne paient aucune taxe. Où tireriez-vous la ligne? Jusqu'où pouvons- nous aller avant de commencer à couper les vivres à tous ces petits groupes qui font beaucoup de bien, tout en protégeant un secteur comme le vôtre?

M. McPhee: Nous aimerions tirer la ligne au niveau des services «beaux, bons, pas chers», si vous me permettez l'expression. Si vous pensez à tous les courts de tennis extérieurs publics - personne, dans le domaine du tennis extérieur, ne s'y oppose. Les enfants jouent sur ces courts et c'est une façon peu coûteuse de leur permettre de pratiquer un sport merveilleux.

Mais quand les municipalités commencent à ériger des bulles de 200 000 $ et à offrir des installations de tennis intérieur, ce qui coûte très cher, quand elles vont chercher des membres ailleurs alors que la clientèle diminue déjà, et quand elles nuisent ainsi à une entreprise privée qui est déjà dans le domaine, c'est là qu'il faut tirer la ligne.

Regardons les choses en face. Si une communauté isolée décidait de construire une bulle de tennis et qu'il n'y avait pas d'entreprise privée à cet endroit-là, ce serait bien. Il faut examiner la situation cas par cas. Il y a des régions où personne ne s'opposerait à la construction de tennis intérieurs, mais le fiat est que ces installations sont le plus souvent construites dans des régions déjà bien desservies par le marché privé.

M. Solberg: Il y a donc des zones grises, mais vous dites que les subventions fédérales directes dans des domaines où il y a déjà beaucoup de concurrence - des centres sportifs, par exemple - ne sont pas de mise.

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M. McPhee: Nous pensons qu'elles ne sont pas de mise parce que le conditionnement physique peut se faire de bien des façons. Il n'est pas nécessaire d'avoir un tapis roulant de 8 000 $ quand une corde à danser fait aussi bien l'affaire. Nous disons donc que, quand une organisation bénéficie de l'argent des contribuables, il y a... À Mississauga, le service des parcs et des loisirs m'a dit que je n'avais plus à craindre de perdre mes membres encore longtemps, parce qu'il allait augmenter ses frais d'abonnement afin de payer pour tout son matériel coûteux. J'ai demandé alors qui allait servir le marché des gens à faible revenu. Qui va inciter ces gens-là, qui sont sédentaires, à bouger? Est-ce que le service des parcs n'a pas une obligation en ce sens? Je n'essaie pas de monopoliser le marché du conditionnement physique, mais si nous ne pouvons pas servir le marché de haut de gamme, qu'est-ce que nous pouvons faire?

M. Solberg: Est-ce qu'il ne serait pas plus logique de subventionner directement les gens à faible revenu et de leur offrir un abonnement à un centre local plutôt que de payer 8 000 $ pour une machine quand il y en a déjà beaucoup dans la collectivité?

M. McPhee: Notre préférence, ce serait qu'on leur offre de l'équipement moins cher et qu'on prépare une programmation très créative, par exemple des programmes de marche dans les centres commerciaux ou des cours de conditionnement physique à l'extérieur, en mettant l'accent sur les programmes plutôt que sur l'équipement. Et ces gens-là, une fois qu'ils auraient obtenu un emploi, pourraient demander un équipement plus perfectionné. Les services des parcs et des loisirs seraient alors véritablement ce qu'ils prétendent être actuellement, mais qu'ils ne sont pas: des points d'entrée permettant d'alimenter le marché privé.

Le président: Nous sommes rendus à la fin de notre table ronde, qui a été très intéressante. J'aimerais maintenant demander à chacun d'entre vous de résumer en 30 secondes, pas plus, ce que vous aimeriez nous laisser comme dernière impression.

Pourquoi riez-vous? C'est impossible? Peut-être bien.

Avant de passer à ce dernier tour de table, est-ce que quelqu'un juge qu'il n'a pas eu suffisamment de temps pour nous présenter son point de vue et qu'il aimerait avoir une minute ou deux de plus pour le faire?

Dans ce cas, nous pourrions peut-être commencer par vous, monsieur Campbell.

M. Campbell: Paul Martin a dit que, si les taux d'intérêt sont à la baisse, c'est parce que le déficit est sous contrôle. Si c'est effectivement le cas, lorsque les taux du Système fédéral de réserve américain augmenteront, ou encore si le chômage baisse à moins de 9 ou 8 p. 100, je suppose que M. Martin n'appliquera pas le même raisonnement pour resserrer sa politique monétaire. C'est un message important que je veux vous laisser.

L'autre message important, comme je l'ai déjà dit, porte sur les dépenses. Le temps est venu de réduire les dépenses, d'inverser la tendance et d'examiner des moyens de mettre en place des projets d'investissement public pour faire bouger les choses.

Le président: Monsieur Grant.

M. Grant: À très court terme, je dirais que le prochain budget pourrait permettre d'abaisser le taux de chômage à 9 p. 100. Pour y arriver, il faut s'en tenir à l'objectif que vous avez fixé pour réduire le déficit, quoi qu'il arrive. Il ne faut pas lâcher avant d'avoir atteint l'objectif.

À moyen terme, vous pourriez commencer à financer un peu la recherche, la discussion et le débat sur les autres méthodes de lutte contre l'inflation, de même que sur la définition de l'indice des prix à la consommation et sur le fameux TCIS.

Je serais également heureux de participer devant le comité à un débat avec M. Grubel ou à une discussion avec d'autres experts en ces matières.

Le président: Madame Willems, s'il vous plaît.

Mme Willems: Je trouve encourageant d'entendre dire que, comme nous allons atteindre nos objectifs, nous pourrions rediriger une partie de l'argent vers la santé. Je recommande fortement pour commencer que vous envisagiez ce que nous avons proposé, mais j'aimerais que vous pensiez également au fait qu'en essayant de réduire le déficit à tout prix, vous êtes en train de créer un déficit humain. Il faut vraiment prendre cela au sérieux.

Le président: Madame Peggy Schenk, au nom de Son Honneur le maire Holzman. Je vous remercie de vous être jointe à nous.

Mme Schenk: Je voudrais insister tout particulièrement sur les effets de la présence du gouvernement fédéral dans la ville d'Ottawa et sur les conséquences majeures des mesures gouvernementales sur notre ville. J'insiste en particulier sur les quatre questions que le Maire a soulevées: les subventions tenant lieu de taxes, les locaux à bureaux, la possibilité d'ententes de développement économique et l'importance de la consultation de la collectivité.

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Le président: Madame Mary Ellen Jeans, permettez-moi de vous féliciter de votre récente nomination au poste de directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.

Mme Jeans: Merci beaucoup.

Je vais laisser Mme Sholzberg-Gray vous présenter notre déclaration finale.

Le président: Merci.

Mme Sholzberg-Gray: Le budget fédéral de 1997 doit faire comprendre clairement aux Canadiens que le gouvernement appuie véritablement notre système de soins de santé, pas seulement après l'an 2000, mais tout de suite et pendant les trois ou quatre prochaines années. Il est important que la Loi canadienne sur la santé demeure la pierre angulaire de la politique sociale canadienne, et nous devons constamment nous rappeler - et rappeler à tout le monde - qu'elle est également la pierre angulaire de la politique économique canadienne parce qu'elle assure notre compétitivité économique.

Le Groupe d'intervention action santé va continuer à travailler au nom des Canadiens pour préserver un système national fort et complet, qui englobe tous les aspects des soins de santé plutôt que de répondre à une définition étroite de ces soins.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur McIntosh.

M. McIntosh: Merci.

Le message que nous voudrions laisser au comité, c'est que la structure du gouvernement et de la fonction publique influe certainement sur la capacité du gouvernement à offrir des services efficaces et efficients à la population. Dans cette perspective, il faut examiner très attentivement l'apparente obsession du gouvernement au sujet de la création d'agences, pour veiller également à ce que les employés puissent travailler dans un environnement où ils soient en mesure de réaliser leur plein potentiel.

Monsieur le président, j'aimerais ajouter autre chose sur un sujet qui me tient beaucoup à coeur, comme vous le savez. S'il vous plaît, ne légiférez plus de gels des salaires, ni d'autres conditions de travail. Ce sont les parties qui doivent négocier. Ne faites pas le travail des gestionnaires et n'imposez pas ce genre de chose aux employés.

Le président: Merci, monsieur McIntosh.

Monsieur McCambly.

M. McCambly: Nous sommes très privilégiés d'être ici aujourd'hui à un moment où les taux d'intérêt sont à la baisse parce que s'ils étaient élevés, nous serions aux prises avec un problème beaucoup plus difficile. Vous avez maintenant un peu plus de latitude, ce qui vous oblige toutefois à faire des choix.

Vous pouvez décider d'accélérer la réduction du déficit, mais vous devriez aussi stimuler l'économie. Comme d'autres l'ont dit, dans la mesure où nous pouvons réinvestir un peu dans l'économie pour l'aider à se redresser, pour inspirer confiance aux consommateurs et pour créer des emplois - ce qui constitue en ce moment la priorité absolue - , nous vous avons présenté trois ou quatre recommandations sur la façon d'améliorer la situation sur le plan de l'emploi.

Merci.

Le président: Merci, monsieur McCambly.

Pour finir, monsieur McPhee.

M. McPhee: Merci.

Je veux simplement m'excuser d'avoir dépassé le temps qui m'était alloué. J'avais tellement hâte de venir que j'ai essayé de condenser trop d'information dans ma présentation.

Le président: Vous avez très bien réussi.

M. McPhee: Merci.

Le président: Vous nous avez convaincus en deux minutes.

M. McPhee: Pour ce que cela vaut, j'approuve la politique économique de M. Grubel. Je ne suis pas ici pour dire cela non plus, mais je ne suis pas très fier de dire qu'un privilège fiscal...

Nous sommes ici pour recommander des lois qui imposeraient des restrictions plus sévères aux entreprises et aux organismes de bienfaisance afin de permettre au gouvernement de percevoir des taxes qui ne sont pas payées à l'heure actuelle, et pas seulement par les YMCA, mais dans beaucoup de secteurs, comme vous allez le voir dans le rapport de M. Bryden. Il en résulte un manque à gagner de plusieurs milliards de dollars pour le gouvernement.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McPhee.

Nous avons entendu aujourd'hui des opinions très variées, mais je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut atteindre nos objectifs de réduction du déficit.

Il y a des gens qui suggèrent que nous les atteignions de façon différente et peut- être un peu moins exigeante. Certains nous ont demandé d'accorder plus de fonds aux soins de santé, et si j'ai bien compris, le Groupe d'intervention action santé va nous remettre d'ici dix jours un exposé détaillé sur la façon dont nous pourrions y arriver dans le cadre de nos objectifs de réduction du déficit. C'est très important pour nous.

Nous vous félicitons de votre rôle de surveillance des services de santé destinés aux Canadiens.

Les pharmaciens nous ont présenté quant à eux une proposition très intéressante grâce à laquelle nous pourrions, pour une somme minime consacrée à l'amorçage de certaines études importantes en collaboration avec leur industrie, réaliser encore plus d'économies un peu plus tard dans un secteur de plus en plus coûteux des services de santé.

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Quant au représentant de l'Institut professionnel de la fonction publique, Bob McIntosh, c'est son groupe qui est venu voir notre comité l'an dernier, et peut-être même avant, et qui nous a dit: «Si vous devez mettre à pied brutalement 45 000 fonctionnaires fédéraux, est-ce que vous pourriez envisager des substitutions plutôt que de supprimer un ministère tout entier?» C'est donc ce que nous avons recommandé, et ce que le gouvernement a fait dans une large mesure. Nous vous en remercions, et le gouvernement aussi. Nous allons étudier la proposition que vous nous avez faite cette année.

Messieurs Jordan Grant et Bruce Campbell, nous sommes heureux de votre présence ici. Nous avons déjà entendu certains de vos arguments dans le passé. Nous ne les rejetons pas du revers de la main. Nous avons hâte de lire vos mémoires. Vous nous avez dit qu'il y aurait de meilleures façons de nous sortir du pétrin actuel et que la politique monétaire est un des facteurs qui contribue à nos problèmes. Tous les gens qui sont assis autour de la table sont d'accord avec Jim McCambly pour dire que notre principal problème, c'est l'emploi; vous avez suggéré des façons de résoudre ce problème par la voie monétaire. C'est toujours une voie qui m'intéresse. Mais dans le passé, elle n'a pas permis de régler le problème.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie tous sincèrement d'être venus nous rencontrer, certains d'entre vous pour la deuxième ou la troisième fois.

Nous devons commencer tout de suite une nouvelle table ronde. La greffière m'a dit que nous devions aller voter à 17 h 45. Il y a seulement un vote; donc, nous pourrions être de retour vers 18 h, avec un peu de chance. Je m'excuse de ce contretemps imprévu, mais j'espère que vous serez patients parce que nous avons hâte de vous entendre vous aussi.

Merci beaucoup à tous nos témoins de la part de tous les membres du comité.

La séance est levée.

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