[Enregistrement électronique]
Le mercredi 30 octobre 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte.
Le Comité des finances de la Chambre des communes est heureux d'accueillir ce soir un groupe de distingués représentants du secteur des arts visuels et de la scène et du monde de l'édition au Canada, domaines qui revêtent énormément d'importance pour l'avenir de notre pays.
Nous avons donc avec nous ce soir - veuillez m'excuser si je ne prononce pas bien les noms - Jean-Pierre Cloutier, de l'Assemblée des centres culturels de l'Ontario. De l'Association canadienne de production de film et de télévision, nous accueillons Elizabeth McDonald; de la Fondation Héritage Canada, Brian Anthony et Douglas Franklin; de l'Alliance des artistes du cinéma, de la télévision et de la radio, Alexander Crawley; de la Conférence canadienne des arts, Keith Kelly; de l'Association des musées canadiens, John McAvity; de l'Association des éditeurs canadiens, Jack Stoddart, Valerie Hussey et Paul Davidson; de l'Association professionnelle des théâtres canadiens, Pat Bradley; et enfin du Conseil culturel des ressources humaines, Jean-Philippe Tabet.
Ai-je oublié quelqu'un? J'espère que non. Oh, excusez-moi, monsieur Pilon. Vous représentez le service des affaires publiques de...
M. Robert Pilon (Vice-président, Affaires publiques, Association des producteurs de disques indépendants du Québec): Je suis vice-président aux affaires publiques de l'ADISQ, qui est l'Association des producteurs de disques indépendants du Québec.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pilon.
On pourrait peut-être commencer par de petits commentaires de trois ou quatre minutes de la part de chacun et ensuite passer aux questions des députés. J'espère qu'on pourra vous accorder à la fin 30 secondes pour faire un court sommaire.
Monsieur Cloutier, s'il vous plaît.
M. Jean-Pierre Cloutier (directeur général, Assemblée des centres culturels de l'Ontario): Je m'appelle Jean-Pierre Cloutier et je suis le directeur général de l'Assemblée des centres culturels de l'Ontario.
Les centres culturels et communautaires de l'Ontario sont, comme vous le savez, assaillis de toutes parts par le désengagement accéléré de tous les paliers gouvernementaux quant au financement de nos organismes et quant aux ressources humaines que les gouvernements mettent normalement à notre disposition.
La plupart de nos membres et de nos centres culturels et communautaires sont systématiquement écartés de l'accès au statut d'organisme de bienfaisance ce qui, évidemment, les prive d'un outil essentiel pour assurer leur survie financière et culturelle.
Leur rôle déterminant dans le développement et l'épanouissement des minorités de langue officielle, et je dois préciser que c'est un rôle qu'ils partagent avec le gouvernement fédéral, est sérieusement mis en péril par les politiques actuelles et la façon de gérer cette partie de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Autrement dit, non seulement on constate que les gouvernements se désengagent envers notre communauté de langue officielle, mais pis encore, on se trouve dans une situation où on empêche les francophones de donner des appuis financiers à leurs propres institutions.
Pour bien situer le contexte dans lequel nous nous trouvons, je voudrais vous décrire très rapidement qui nous sommes et quels sont nos membres.
Nous sommes une organisation relativement jeune, fondée en 1978 dans le but de regrouper des centres culturels et communautaires de l'Ontario et de favoriser leurs intérêts. Il en existe près de 40 en Ontario français, dont 24 sont membres de notre organisme.
Dans un premier temps, notre rôle est de représenter les intérêts des centres culturels auprès des preneurs de décisions gouvernementaux et auprès d'organismes communautaires et institutions ontariennes, mais nous offrons aussi une gamme de services à nos membres afin de les appuyer dans leur développement et leurs activités courantes.
Les centres culturels francophones sont des institutions relativement jeunes qui ont pris naissance en 1950, mais surtout au cours des années 1970. Actuellement, ces centres atteignent environ les deux tiers de la population francophone de la province.
Je dois vous préciser que les francophones de l'Ontario représentent la moitié de la population dite francophone hors Québec.
Quant au financement de ces centres, pour vous donner une idée de leur importance économique en Ontario français, je dirai que leurs budgets totalisent environ 10 millions de dollars par année et ont des retombées importantes, tant dans la création d'emplois que dans le développement économique des collectivités locales et régionales.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, à l'échelle provinciale, près des trois quarts des budgets de fonctionnement de ces organismes proviennent de sources non gouvernementales, c'est-à-dire d'activités et parfois de dons.
En plus, on évalue que chaque année, l'équivalent de plus de 500 000 $ est investi par des bénévoles qui fournissent 70 000 heures de travail. Vous vous rendez compte - vous êtes sûrement meilleurs que moi avec les chiffres - que cela ne représente pas une somme très élevée à l'heure.
Les préoccupations financières constantes, et très accrues dernièrement, ont déjà commencé à entraver la réalisation de leur mission et à diminuer la prestation des services qu'on accorde aux francophones.
Actuellement, la très grande majorité des centres culturels ne possèdent pas le statut d'organisme de bienfaisance. Une enquête auprès de 24 centres nous révèle que 14 d'entre eux détiennent ce qu'on appelle communément un numéro de charité, mais ces gens-là l'ont obtenu il y a très longtemps, alors que l'accès à ce statut de bienfaisance était plus facile. Il y en a au moins six qui ont fait des demandes au cours des deux dernières années et ces demandes ont été refusées. Nous verrons plus tard les raisons de ces refus. On connaît au moins le cas d'un centre qui possédait ce statut et à qui on l'a refusé.
L'absence de définition adéquate de «bienfaisance» et l'interprétation étroite de la loi font que, techniquement, aucun organisme francophone minoritaire ne pourra obtenir un numéro d'enregistrement.
Par exemple, un des motifs de refus tient au fait que les activités des centres sont destinées à la clientèle francophone et non pas à toute la population d'une collectivité. Or, pour répondre aux exigences actuelles de la loi, il faudrait que ces activités s'adressent à toute la population, ce qui me semble une aberration assez évidente.
Je vous présente un autre exemple. Certaines de nos activités peuvent paraître purement sociales aux yeux d'un fonctionnaire qui les juge comme si elles se déroulaient dans un milieu linguistiquement majoritaire. Mais il faut se rendre compte que notre situation est différente.
Je vais passer directement aux recommandations. Nous aimerions que vous considériez la possibilité d'apporter des ajustements aux définitions actuelles d'«avancement de l'éducation» et «autres fins pour la collectivité», ainsi qu'aux règlements pour qu'ils concordent mieux avec notre réalité. Ces modifications auraient un caractère transitoire, pendant que le gouvernement élaborerait une nouvelle politique. Nos centres pourraient ainsi mieux répondre à leurs exigences de financement.
Le président: Merci, monsieur Cloutier. Monsieur Pilon, s'il vous plaît.
M. Pilon: D'abord, j'aimerais remercier le président et les membres du comité de nous recevoir ce soir. Nous pensons que les travaux d'un tel comité parlementaire sont extrêmement importants dans notre système parlementaire et accroissent le caractère démocratique du processus de décision.
L'ADISQ représente entre 50 et 60 producteurs indépendants de disques au Canada, mais j'aimerais parler également au nom de mes collègues canadiens-anglais, qui sont représentés par une autre organisation, la CIRPA, la Canadian Independent Record Production Association.
Au Canada, l'industrie du disque est, comme beaucoup d'autres, extrêmement polarisée. À un pôle, il y a environ 200 petites entreprises qui appartiennent à des Canadiens et qui produisent essentiellement des disques d'artistes canadiens. À l'autre pôle, qui opère également au Canada, il y a les filiales des grandes multinationales de l'industrie du disque, dont l'activité principale est la distribution, sur le territoire canadien, des grandes vedettes internationales comme Madonna, Michael Jackson, etc.
Ces filiales étrangères des grandes entreprises ont également une implication dans la production de disques d'artistes canadiens. Mais 92 p. 100 des disques d'artistes canadiens sont produits par de toutes petites entreprises canadiennes.
Selon les dernières données, qui datent malheureusement de 1994, Statistique Canada a recensé 200 producteurs indépendants de disques au Canada et leur chiffre d'affaires moyen est de 999 000 $ par année, c'est-à-dire moins de un million de dollar.
C'est important parce que dans l'ensemble des industries culturelles, c'est probablement dans ce secteur qu'on retrouve la plus grande proportion de très petites entreprises.
Dans bien des secteurs de l'économie au Canada, les petites entreprises jouent un rôle fondamental au niveau de la création d'emplois et du développement économique. C'est vrai dans notre secteur.
En plus, il y a la dimension culturelle. Sans ces 200 très petites entreprises, il n'y aurait pas aujourd'hui de musique populaire canadienne, tant du côté anglophone que du côté francophone.
Ces entreprises vivent une situation paradoxale. C'est une industrie très jeune. De toutes les industries culturelles au Canada, l'industrie de la production de disques est la plus jeune. Elle s'est développée au cours des 15 dernières années essentiellement. Elle possède toutes les caractéristiques des jeunes industries. Ce sont de très petites entreprises sous-capitalisées, avec peu de middle management, mais beaucoup de dynamisme.
D'une certaine façon, le développement de l'industrie du disque au Canada, au cours des 15 dernières années, est un success story. Bon nombre d'artistes qui travaillent aujourd'hui avec les multinationales ont été initialement développés par de toutes petites entreprises canadiennes. Qu'on pense à Rock Voisine et à Céline Dion du côté francophone. C'est la même chose de l'autre côté.
Au-delà de ces grands noms, il y a des centaines et des centaines d'artistes canadiens, tant anglophones que francophones, qui ont produit des milliers de disques au cours des 15 dernières années, et c'est essentiellement grâce à cette infrastructure qui est fournie par ces toutes petites entreprises.
Parmi les 50 membres de l'ADISQ, bon nombre de ces entreprises ont un chiffre d'affaires de 250 000 $, 300 000 $ ou 400 000 $ par année. Elles produisent un, deux ou trois albums. C'est tout petit mais, quand on additionne tout cela, on voit que chaque année, depuis 10 ans, de 150 à 200 albums d'artistes québécois sont produits par ces petites entreprises.
Il y a donc une contribution à l'économie, bien sûr, mais il y a aussi une contribution à la culture qui est importante.
À l'échelle mondiale, l'industrie du disque est une immense industrie. L'année dernière, son chiffre d'affaires au prix de détail était de l'ordre de 45 milliards de dollars.
C'est une industrie dominée par six immenses multinationales qui contrôlent 80 p. 100 du marché mondial. Vous les connaissez: Sony, PolyGram, MCA, etc. À l'autre pôle, il y a les petites entreprises comme les nôtres. C'est vrai au Portugal, en Espagne, en Italie et c'est vrai également au Canada.
Il s'agit d'un contexte difficile parce que la concurrence est immédiate. C'est un secteur qui jouit de très, très peu de protection. Mis à part les quotas de chansons canadiennes et de chansons francophones à la radio, il n'y a pratiquement aucune mesure de protection.
C'est un secteur qui jouit d'un appui financier minuscule de la part des pouvoirs publics. Quand on regarde les statistiques du financement de la culture et des communications - le dernier rapport de Statistique Canada à cet égard date de 1994-1995 - , on voit que sur des investissements publics de 6,6 milliards de dollars pour la culture et les communications, seulement 9 millions de dollars sont allés à l'aide à la production de disques, c'est-à-dire 0,1 p. 100 du total.
Le président: Pourrais-je demander...
[Traduction]
M. Pilon: Est-ce que je parle trop vite?
Le président: Non.
[Français]
Vous pourriez peut-être nous présenter les problèmes que vous avez avec le gouvernement.
[Traduction]
M. Pilon: J'y arrive.
[Français]
Le président: Le problème est que nous avons un minimum de 11 témoins à entendre ce soir. Il sera très difficile d'accorder suffisamment de temps aux autres. Si on pouvait limiter l'introduction à trois ou quatre minutes, vous pourriez nous soumettre un texte écrit par la suite. D'accord?
M. Pilon: Le prochain budget sera déterminant pour l'avenir des industries culturelles au Canada. C'est vrai dans tous les secteurs, notamment pour le nôtre. On pourra en rediscuter à la période des questions.
De toute façon, je laisserai au comité une copie de ce rapport du Task Force on the Future of the Canadian Music Industry, qui a été publié au mois de mars dernier et qui comprend les principales demandes, particulièrement au niveau des crédits d'impôt et de l'augmentation du budget du sound and recording development program.
On pourra y revenir lors des questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pilon.
[Traduction]
Madame McDonald.
Mme Elizabeth McDonald (présidente, Association canadienne de production de film et de télévision): Merci, monsieur le président. Premièrement, au nom de l'Association canadienne de production de film et de télévision, je voudrais vous remercier de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité.
En bref, l'ACPFT est une association professionnelle nationale qui représente les intérêts de plus de 350 membres dont les activités touchent à tous les aspects de la production et de la distribution d'émissions de télévision et de longs métrages. Les membres de mon association sont actifs dans toutes les régions de notre pays.
Au cours de l'année qui vient de s'écouler, le gouvernement du Canada a lancé deux programmes clés qui ont renforcé son engagement dans ce secteur. Le 9 septembre, la ministre du Patrimoine du Canada a annoncé la création du fonds de production télévisuelle et de câblodistribution du Canada, initiative de 200 millions de dollars visant à stimuler la conception d'émissions de télévision canadiennes de grande qualité et affichant clairement l'identité canadienne. Plus tôt, à la fin juin, le gouvernement avait accepté de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu en vue d'y inclure des dispositions visant à établir un crédit d'impôt remboursable pour la production indépendante au Canada.
L'adoption de ces deux mesures constitue une bonne décision d'affaires de la part du gouvernement. L'une garantit que nous aurons une présence canadienne sur nos écrans de télévision. L'autre reconnaît que l'investissement dans le secteur de la production indépendante stimule l'économie du fait que c'est un excellent outil de création d'emplois.
Au cours des cinq dernières années, de 1991 à 1995, la valeur totale du secteur de la production indépendante au Canada a augmenté de 100 p. 100. Pendant la même période, la croissance de l'emploi dans notre secteur a suivi la même courbe. En 1991, le secteur de la production indépendante de films et d'émissions de télévision a créé 15 000 emplois. En 1995, il en a créé 30 000. En plus des emplois directs créés dans ce secteur, il faut tenir compte des retombées économiques dans des industries connexes. En 1991, l'industrie de la production a entraîné la création de 39 000 emplois dans des industries connexes. En 1995, ce chiffre atteignait près de 80 000. Pourquoi? Parce que le secteur de la production indépendante n'est pas axé sur la construction d'installations. Nous faisons plutôt appel à beaucoup de main-d'oeuvre, 42 p. 100 de notre budget total y étant consacré.
Pour les raisons que j'ai énoncées, la stabilité du financement est essentielle à notre succès. Nous sommes donc venus témoigner aujourd'hui devant le comité pour vous demander de renforcer de façon durable le soutien à ces deux programmes, nommément le crédit d'impôt remboursable pour la production indépendante et le fonds de production de télévision et de câblodistribution du Canada, dans les recommandations que vous ferez au gouvernement en vue du budget de 1997. Nous croyons que ces deux mesures se conjugueront pour stimuler de façon durable la croissance dans notre secteur.
Deuxièmement, parce que nous sommes un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre, notre association a entrepris ces trois dernières années un important programme de formation et d'encadrement de nos membres, en partenariat avec Développement des ressources humaines Canada. Bien qu'il y ait un certain nombre d'établissements d'enseignement postsecondaire qui constituent la ressource fondamentale en matière d'éducation pour le secteur de la production indépendante, il manque un élément important, à savoir l'expérience ou la formation en cours d'emploi. Au départ, notre programme de formation était entièrement financé par le gouvernement fédéral, mais aujourd'hui, nos membres en assument plus de 50 p. 100 du coût. Les résultats ont été impressionnants: un taux de succès de 100 p. 100, puisque tous les diplômés du programme de formation de l'ACPFT ont trouvé un emploi.
Le fonds d'initiative pour la formation, qui a fourni les capitaux de lancement pour notre programme, a été remplacé par un programme d'initiative jeunesse et de perfectionnement des compétences. Nous sommes actuellement en discussion avec Développement des ressources humaines Canada pour voir si nous pouvons encore travailler ensemble. Nous vous exhortons à appuyer l'affectation de fonds à des programmes de formation en cours d'emploi. C'est le seul moyen de faire en sorte que les emplois qui pourraient être créés par les programmes du gouvernement fédéral soient des emplois durables dans notre secteur. L'industrie du film et de la télévision subit des changements continuels et exige de se recycler constamment pour suivre ces changements.
Enfin, je voudrais dire un mot sur une question qui préoccupe au plus haut point le gouvernement actuel: la Société Radio-Canada. Vous n'ignorez pas que les compressions récemment annoncées au budget de la SRC ont provoqué de graves inquiétudes. Certains vont jusqu'à dire que la société pourrait ne pas s'en remettre.
Notre association ne peut pas décrire les répercussions de ces compressions budgétaires sur d'importantes institutions comme la radio de la SRC, en français et en anglais. En revanche, nous pouvons dire que nous sommes disposés à travailler avec le réseau de télévision en langue anglaise de la Société pour établir les partenariats novateurs qui sont nécessaires pour permettre la survie de la télévision publique au Canada. Le nouveau fonds de production télévisuelle aidera certainement à stimuler ce partenariat. En outre, si la SRC peut être appelée à faire plus avec moins, nous espérons néanmoins avoir vu la fin de ces compressions du budget de la SRC. La Société doit maintenant être en mesure d'amorcer un processus critique et de se redéfinir en fonction des ressources qui sont à sa disposition.
En bref, nous vous avons décrit une industrie qui a un fort potentiel de croissance et qui est capable de créer beaucoup d'emplois. Nous vous remercions de votre soutien pour ce qui est de maintenir le financement des programmes fédéraux qui avantagent notre industrie et nous vous encourageons à poursuivre sur cette lancée. Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame McDonald.
Doug Franklin et Brian Anthony.
M. Douglas Franklin (directeur des relations publiques et gouvernementales, Fondation Héritage Canada): Brian fera la présentation.
M. Brian Anthony (directeur général, Fondation Héritage Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous encore une fois cette année. Si nous pouvons compter sur votre soutien pour obtenir les changements fiscaux que nous voudrions voir dans le prochain budget, nous promettons de ne pas revenir l'année prochaine, ce qui vous donnerait un peu plus de temps et de liberté.
Le président: Dans ce cas, nous ne le ferons pas. Nous aimons bien vous recevoir.
M. Anthony: Monsieur le président, j'ai déjà distribué le texte de mon allocution, ainsi que des renseignements complémentaires sur la Fondation Héritage Canada. Plutôt que de prendre votre temps maintenant, je vous recommande plutôt d'en faire votre lecture de chevet, et j'irai directement au but.
L'une des principales raisons pour lesquelles le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, l'honorable Jean Chrétien, a créé Héritage Canada en 1973, c'était pour que tous les Canadiens désireux de collaborer à la sauvegarde du patrimoine historique et naturel du pays, et heureux d'avoir l'occasion de servir cette importante cause et d'y contribuer financièrement, puissent s'intéresser de plus près et participer pleinement à cette activité. C'est précisément pour traiter de la partie de notre mandat qui concerne le patrimoine bâti de notre pays et le traitement fiscal de ce patrimoine que nous comparaissons de nouveau devant vous cette année.
L'an dernier, à la même époque, nous avons comparu au nom de notre organisation devant le comité afin de faire une présentation se rapportant directement au traitement fiscal du patrimoine bâti. Monsieur le président, j'ai d'ailleurs fait remettre aux membres du comité une copie de notre exposé de l'année dernière, à titre d'information. Il portait sur la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu et les dispositions de cette loi qui s'opposent à la sauvegarde du patrimoine canadien.
Nous comparaissons une nouvelle fois devant vous pour souligner que la législation fédérale est un obstacle de taille à la contribution que pourraient apporter de nombreux Canadiens à la sauvegarde de leur patrimoine. Nous souhaitons que vous fassiez disparaître cet obstacle. En 1987, le comité a recommandé au ministre des Finances de l'époque d'examiner toute la question de l'impôt sur le revenu relatif aux immeubles de rapport et a appuyé notre position sur le traitement fiscal des biens patrimoniaux. Nous regrettons que le ministre des Finances n'ait pas jugé bon de donner suite à vos recommandations.
Au cours des dix dernières années, notre patrimoine a bénéficié de certaines initiatives favorables sur le plan fiscal, notamment en ce qui a trait aux terres jugées importantes sur le plan écologique, et nous nous réjouissons des mesures annoncées par le ministre à cet égard dans ses deux budgets précédents. Toutefois, aucun progrès n'a été fait en ce qui concerne le traitement fiscal réservé à notre patrimoine bâti. En conséquence, il existe encore aujourd'hui au Canada, dans la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu, des dispositions qui compromettent gravement la réussite des initiatives que peuvent prendre les gouvernements provinciaux et municipaux, et même le gouvernement fédéral, afin de protéger les biens patrimoniaux.
En fait, pour le propriétaire d'un bien patrimonial classé qui produit un revenu, le démolir et inscrire une perte sur sa déclaration de revenu représente un avantage fiscal. La disposition concernant la perte finale de la Loi de l'impôt sur le revenu constitue, de l'avis de la Fondation Héritage Canada, l'argument le plus fort et le plus concluant que l'on puisse invoquer pour justifier la destruction de toute une catégorie d'immeubles patrimoniaux de grand intérêt qui occupent une place importante dans nos paysages urbains. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral autorise la destruction du patrimoine, ce qui va à l'encontre de ses propres politiques et objectifs déclarés en la matière. En toute franchise, nous trouvons consternant qu'il existe actuellement dans le régime fiscal fédéral des mesures contradictoires qui encouragent certains Canadiens à préserver le patrimoine et d'autres à le détruire. Il nous semble pour le moins curieux que certaines dispositions sapent ainsi l'effet recherché par d'autres politiques. Il est temps de mettre de l'ordre dans l'administration fédérale et de faire disparaître de telles anomalies et des mesures dont l'ironie est aussi amère.
Le patrimoine bâti occupe une place très importante dans la vie quotidienne des Canadiens qui, pour les trois quarts, vivent en milieu urbain. Ce patrimoine bâti nous raconte l'histoire qui a fait de nous qui nous sommes, et fait le lien entre les générations qui se succèdent.
Le patrimoine est source de fierté, mais c'est également une source d'emploi. Comme nous l'avons déjà fait observer l'année dernière, la SCHL a démontré qu'investir dans la restauration d'immeubles patrimoniaux permet de créer deux fois plus d'emplois que construire des immeubles neufs. En outre, la restauration présente bien d'autres avantages: pour n'en citer qu'un, et non des moindres, cela permet de réduire l'incidence sur l'environnement du déversement dans nos décharges des décombres qui proviennent de la démolition de bâtiments anciens et qui en remplissent plus d'un tiers. Aux États-Unis, le gouvernement encourage directement la préservation par le biais de stimulants fiscaux et, par voie de conséquence, le secteur le plus actif en ce domaine est celui de l'aménagement de logements abordables.
En terminant, permettez-moi de souligner que la Fondation Héritage Canada reste à votre entière disposition en vue de débarrasser le régime fiscal fédéral de mesures qui encouragent la démolition de notre patrimoine bâti et de les remplacer par des mesures plus convenables.
Le président: Merci, Brian Anthony.
Alexander Crawley.
M. Alexander Crawley (président, Alliance des artistes du cinéma, de la télévision et de la radio): Merci beaucoup, monsieur le président.
Vous connaissez peut-être déjà notre organisation, l'Alliance des artistes du cinéma, de la télévision et de la radio, mieux connue sous son sigle anglais, ACTRA. Cette organisation compte 54 ans d'histoire au Canada. À l'heure actuelle, nous représentons environ 10 000 artistes et communicateurs professionnels qui travaillent dans tous les secteurs du cinéma et des médias électroniques.
Je n'ai malheureusement pas de texte écrit à vous remettre. D'autres dossiers nous ont tenus plutôt occupés. Chose certaine, nous appuyons sans réserve les positions qui ont été énoncées jusqu'à maintenant. Je vous recommande particulièrement la lecture du mémoire qui vous sera présenté par les prochains intervenants, de la Conférence canadienne des arts, qui représente le point de vue du secteur sur un ton très mesuré et réfléchi.
Nous sommes heureux de constater à certains signes que le gouvernement actuel commence peut-être à reconnaître que la lutte au déficit tous azimuts n'est pas la bonne manière de procéder, du moment que l'on a fait un peu de rattrapage, ce qui est le cas, à mon avis. Je crois avoir entendu le premier ministre dire dans un autre contexte que quand on comprime quelque chose, c'est pour en assurer la survie. Je pense que c'est vrai. Nous reconnaissons tous que la lutte au déficit est un exercice nécessaire.
Néanmoins, nous croyons qu'étant sensibilisés davantage aux défis qui nous attendent, vous comprendrez que le secteur culturel n'est plus une cible appropriée pour la réduction du déficit. Nous estimons que dans ce secteur, on a déjà suffisamment pressé le citron.
Les membres de notre organisation ne dépendent pas du gouvernement dont ils ne reçoivent aucune subvention directe. C'est pour nous que les membres de l'organisation d'Elizabeth dépensent une partie des 52 p. 100 de leurs stimulants fiscaux. Cela garantit que nous aurons d'excellentes prestations professionnelles sur nos écrans, sur les bandes sonores, dans les applications multimédias, dans les émissions radio et télédiffusées en direct, etc.
Je suis venu ici simplement pour vous transmettre un message au nom du secteur culturel et je m'adresse en particulier à Patrimoine Canada, le ministère lui-même. Je crois savoir que l'on a pris des mesures générales et aveugles et que le phénomène de ce qu'on appelle une réserve d'intervention n'existe plus.
S'il y a un ministère du gouvernement qui doit avoir la souplesse voulue pour tendre la main aux autres ministères, c'est bien le ministère de la Culture. Je crois qu'étant donné les mesures très progressives que nous voyons venir, par exemple la réforme du droit d'auteur, ce ministère aura besoin de ressources pour mettre en oeuvre certains principes que l'on inscrit enfin dans la loi en vue de reconnaître le statut des artistes.
Je crois qu'à l'avenir, la Commission du droit d'auteur du Canada aura besoin de ressources accrues. Une fois qu'on aura fait adopter le projet de loi C-32, elle aura de plus grandes responsabilités. La formation à laquelle Elizabeth a fait allusion, et dont mon collègue M. Philippe Tabet vous parlera plus longuement, a besoin d'un soutien permanent.
Certaines politiques mises en place ont été très utiles, mais il faut les ressources voulues pour les appliquer, afin que nous n'ayons pas perdu notre temps en venant participer à des consultations pour éclairer le gouvernement et nos dirigeants politiques et hauts fonctionnaires sur ce dont nous avons besoin exactement.
Je crois que Keith vous parlera avec une plus grande éloquence des raisons pour lesquelles le secteur culturel n'est pas un puits sans fond, comme certains semblent le croire. Le public semble continuer de croire que nous sommes toujours en train de mendier. Je suis convaincu que nous donnons beaucoup plus que nous ne recevons et j'espère que vous en tiendrez compte.
Je cède la parole à mon collègue.
Le président: Merci beaucoup, Alexander Crawley.
Keith Kelly.
M. Keith Kelly (directeur général, Conférence canadienne des arts): Je vais essayer d'être le plus bref possible.
Essentiellement, nous croyons que si nous voulons voir se poursuivre la remarquable croissance dont nous avons été témoins dans les secteurs des arts et de la culture sur le plan de l'emploi et des exportations, qui sont des priorités du gouvernement et assurément du ministre des Finances, alors ce qu'il nous faut dans le prochain budget, c'est un engagement à l'égard de certaines mesures fiscales. Cela veut dire offrir des stimulants plus puissants pour encourager l'investissement dans le secteur culturel, ainsi qu'un traitement plus généreux des dons aux organismes à but non lucratif et charitables.
Il faut également mettre fin à cette incessante série de compressions. Nous ne sommes absolument pas irréalistes; nous sommes conscients qu'il y a des contraintes financières. Toutefois, nous voudrions voir le gouvernement honorer son engagement d'accorder à nos institutions culturelles nationales un financement suffisant, stable et pluriannuel.
Dans notre mémoire, nous faisons certaines propositions quant à la manière dont vous pouvez nous aider en prenant certaines mesures structurelles, en opérant certaines réformes législatives qui nous donneront une plus grande autonomie. J'attire particulièrement votre attention sur la série de recommandations à la dernière page de notre mémoire, notamment sur celles qui visent à modifier la loi fédérale de manière à permettre à la communauté artistique de mettre sur pied une loterie nationale. Cela enlèverait beaucoup de pression sur les programmes et les organismes qui cherchent tous à obtenir davantage d'argent du Parlement.
Enfin, nous voulons demander au gouvernement d'être prudent dans l'élaboration de ses politiques, et pas seulement dans le domaine fiscal. Ce soir même, nous attendons une décision du Cabinet sur le projet d'interdire les commandites par les compagnies de tabac; s'il est approuvé, ce projet coûtera aux organisations artistiques du Canada 76 millions de dollars par année. Je n'ai pas besoin de vous décrire l'immense défi qui consisterait à trouver l'équivalent de cette somme dans le contexte économique actuel. Je n'entrerai pas dans les détails.
Je crois que dans le secteur culturel, les gens sont des gagnants. Nous voulons faire partie de la solution, et non pas du problème, et nous sommes disposés à faire preuve d'imagination et d'esprit créatif dans les discussions en vue de réaliser des progrès dans ce domaine.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, Keith Kelly.
John McAvity.
M. John McAvity (directeur général, Association des musées canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici.
Je suis ici aujourd'hui pour représenter les musées et galeries d'art du Canada. Notre association compte plus de 2 000 établissements à but non lucratif et charitables qu'on retrouve d'un bout à l'autre du Canada et qui sont d'une importance phénoménale pour notre société et notre économie, attirant plus de 55 millions de visiteurs par année. Ce chiffre démontre l'importance qu'ils jouent dans le secteur du tourisme et aussi dans le secteur de l'éducation au Canada.
Malheureusement, - je dois reprendre une variation d'un air connu - nous souffrons également d'une série de compressions. Ce que je voudrais faire aujourd'hui, pour être très bref, c'est de mettre l'accent sur une série de recommandations. J'en ai huit à vous présenter dans un document qui ne vous a pas encore été remis. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir le distribuer. Je vais grouper ces recommandations en deux catégories.
Premièrement, veuillez mettre un terme aux compressions. Notre secteur a probablement subi les réductions les plus sombres, à près de 60 p. 100. Un certain nombre de programmes ont été éliminés. C'est simple: le secteur des musées a toujours été dépendant des fonds gouvernementaux, et nous faisons actuellement un effort pour devenir plus indépendants. Je me ferai un plaisir de revenir plus tard sur notre stratégie à cet égard.
Deuxièmement, l'autre série de recommandations que j'ai à vous présenter porte sur les encouragements fiscaux que l'on pourrait mettre en place pour nous aider et aider les autres Canadiens à participer de façon plus importante à nos activités culturelles.
Je vais vous faire quelques recommandations bien précises. Tout d'abord, les musées et galeries d'art du Canada devraient tous bénéficier du statut de mandataires de l'État. Actuellement, cela existe pour certaines institutions et dans certaines provinces. La Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario ont accordé récemment ce statut aux musées, aux hôpitaux et à d'autres établissements. Si vous ne prenez aucune mesure à cet égard, les autres provinces vont suivre et cela deviendra tôt ou tard réalité.
La deuxième recommandation que je voudrais faire dans le domaine fiscal est d'encourager les particuliers à participer à leurs activités culturelles. Les frais d'adhésion, par exemple pour devenir membre de la Art Gallery of Ontario ou du Musée des Beaux-Arts de Montréal devraient être déductibles d'impôt. Aux États-Unis, le fisc vient d'adopter une mesure semblable il y a un an. Cela simplifierait de beaucoup l'administration de ce dossier. Je crois qu'une telle mesure enverrait un message très positif aux Canadiens ordinaires.
Un troisième domaine est celui qui vous a été présenté hier par la Canadian Association of Gift Planners. Il s'agit de faire en sorte que les biens qui se sont appréciés soient exemptés de l'impôt sur le gain en capital. Nous sommes heureux des mesures qui ont été prises dans le dernier budget; c'était un pas dans la bonne direction.
J'aborderai très brièvement deux autres questions. Pour ce qui est de l'indemnisation des membres des conseils d'administration de nos institutions culturelles, ces institutions doivent actuellement acheter de l'assurance pour leurs dirigeants et administrateurs. Nous estimons qu'il serait légitime et dans l'intérêt du public que l'État fournisse cette indemnisation.
Deuxièmement, il y a le problème des assurances pour les expositions itinérantes. Le Canada a perdu son programme d'assurance qui payait une partie du coût des expositions itinérantes. D'autres pays du monde ont un tel programme d'assurance. Nous sommes le seul grand pays du monde qui n'ait pas de programme d'assurance et je crains que nous perdions énormément d'expositions dans les musées canadiens à cause de cela. Ainsi, notre capacité de connaître des cultures diverses en sera amoindrie d'autant.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McAvity.
Nous entendrons maintenant l'Association des éditeurs canadiens, représentée par Jack Stoddart.
M. Jack Stoddart (président, Association des éditeurs canadiens): Merci de m'avoir invité encore cette année. L'année dernière, mes cinq minutes se sont étirées jusqu'à 15 et je me résigne donc à en finir avec ce document en cinq minutes.
L'Association des éditeurs canadiens représente 125 maisons d'édition de propriété canadienne. Si l'on compte nos membres et ceux de l'ANEL, qui est l'Association nationale des éditeurs de livres, je doute qu'il y ait un seul député dans cette salle qui n'ait pas au moins un éditeur dans sa région, sinon plus. C'est une question qui est à la fois d'intérêt national et local.
Le secteur de l'édition a connu beaucoup de succès. Nous avons créé une littérature nationale au cours des 15 ou 20 dernières années. Nos auteurs occupent aujourd'hui 25 p. 100 du marché. C'est vraiment tout à fait incroyable quand on songe à la concurrence des livres du monde entier, que ce soit en anglais ou en français. Dans tout secteur culturel, une part de marché de 25 p. 100 est vraiment phénoménale.
Ces dernières années, nos exportations ont triplé et se chiffrent maintenant à 115 millions de dollars par année, ce qui est également une grande réussite. Nous avons vu cette semaine que deux de nos auteurs ont été mis en nomination pour le prix Booker. L'année dernière, nous avons eu un prix Pulitzer, et la liste est longue.
Nos auteurs sont acclamés à la fois à l'étranger et chez nous. Nos auteurs étaient naguère considérés comme «seulement» des auteurs canadiens, alors qu'on les traite maintenant d'auteurs canadiens tout court, ce qui est une grande réussite. Il ne faut jamais oublier ce que nous avons réussi.
Quatre-vingt pour cent des livres écrits par des auteurs canadiens sont publiés par nos membres, plus les membres de l'ANEL, qui représentent le secteur de l'édition de propriété canadienne au Québec. Nous avons seulement 30 p. 100 du marché du livre dans l'ensemble, mais nous publions 80 p. 100 des auteurs canadiens et des livres canadiens. Je suis convaincu que nous représentons bel et bien les créateurs et la communauté des écrivains de l'ensemble de notre pays.
Nous avons de nombreux défis à relever. Nous avons le plus grand marché au monde pour les livres en langue anglaise. Nous avons des livres américains disponibles en quantité partout. Il n'y a aucune restriction sur leur importation. Les livres britanniques nous arrivent aussi, et les livres français. Nous devons livrer concurrence dans un marché tout à fait ouvert. Nous le faisons depuis aussi longtemps que je me rappelle et depuis bien des décennies avant même cela.
Nous avons connu une mauvaise période de Noël en 1995. La période postréférendaire et d'autres problèmes ont vraiment créé un très mauvais climat pour la vente au détail. Malheureusement, dans le secteur du livre, ce sont les éditeurs qui fournissent les livres aux détaillants; si les livres ne se vendent pas, ils reviennent aux éditeurs. Les détaillants ont eu une période des Fêtes difficile, mais pour nous, ce fut catastrophique.
Les compressions fédérales qui ont été annoncées et mises en vigueur sont de plus de 50 p. 100. En incluant le récent rétablissement de 5 millions de dollars au ministère du Patrimoine, nous avons quand même subi une baisse de 50 p. 100 du financement du secteur de l'édition au cours des deux dernières années. L'Ontario a également fait de grosses compressions. Cette province a coupé à peu près tout et s'apprête à mettre en faillite six éditeurs qui ont une dette totale de 1,2 million de dollars à l'égard du programme de garantie de prêt.
Tous les éditeurs sont touchés. Que ce soient les plus petits ou les plus gros du pays, tous éprouvent de graves difficultés. Le ministère du Patrimoine a été mis au courant du problème; il a donc confié le dossier à un éminent économiste nommé Arthur Donner, qui a fait un sondage dont on s'apprête à publier les résultats. Il a reconnu qu'un problème grave et urgent se pose dans tout le secteur, un problème qui exige une attention immédiate. Ce n'est pas le secteur qui affirme qu'il y a des problèmes structurels; c'est un économiste du ministère qui le dit.
Nous recommandons un plan d'action en trois points. Premièrement, rétablissez à un niveau convenable le financement du programme d'aide au secteur de l'édition de livres. Nous comprenons que l'on ne reviendra pas au niveau initial de financement de ce programme. Nous comprenons qu'il y a des contraintes financières, mais nous croyons qu'il est déraisonnable de réduire ce programme de moitié.
Deuxièmement, créez un programme national de réserve pour les pertes sur les prêts; un tel programme ne coûterait pas un sou au gouvernement. Les 5 millions de dollars qui sont actuellement utilisés pour consentir des prêts, s'ils servaient plutôt de garanties de prêt, auraient un effet de levier et nous permettraient d'obtenir 20 millions, 30 millions ou 40 millions de dollars en prêts au secteur de l'édition. Ce serait un coût de pouce très intéressant qui ne coûterait rien de plus au gouvernement.
Troisièmement, comme il a été proposé autant dans le Livre rouge que dans des déclarations entendues la fin de semaine dernière, nous recommandons une mesure structurelle à long terme consistant en des mesures fiscales visant à doter le secteur d'une structure solide lui permettant de survivre et de prospérer.
Il y a par ailleurs le problème persistant de la TPS. J'exhorte les gens à dire que l'annonce faite la semaine dernière ne résout que très partiellement le problème. Nous sommes contents que les écoles et les institutions n'aient plus à la payer, mais c'est loin d'être la solution.
Nous appuyons également la politique du gouvernement à l'égard des initiatives culturelles.
Je m'apprête à terminer, mais il me reste à dire une chose. Si, dans les questions...
Le président: Il y aura beaucoup de questions.
M. Stoddart: ...quelqu'un veut m'interroger sur l'Université McGill, je pourrai y revenir.
Merci, monsieur le président.
Le président: Je vous donnerai amplement de temps plus tard de traiter de toute question que vous n'auriez pu aborder. Merci beaucoup, monsieur Stoddart. Votre secteur est des plus valables.
Pat Bradley, vous avez la parole.
Mme Pat Bradley (directrice générale, Association professionnelle des théâtres canadiens): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je suis directrice générale de l'Association professionnelle des théâtres canadiens, qui est l'association nationale représentant les théâtres professionnels en langue anglaise dans toutes les provinces et un territoire de notre pays. L'importance de nos membres varie grandement, depuis le festival de Stratford à 24 millions de dollars jusqu'au Théâtre WUM, à 86 000 $ par année.
Plutôt que de présenter mon propre mémoire, je vais commenter celui de la Conférence canadienne des arts. Je tiens à réitérer certains points qui y sont abordés. Quand vous aurez l'occasion de le lire, vous verrez très clairement les données sur les industries culturelles, et notamment, car je m'intéresse plus spécifiquement au financement des arts, la baisse du budget du Conseil des arts. Cette baisse a été amplifiée dans la plupart des provinces et des municipalités, entraînant une chute brutale du financement gouvernemental pour les arts de la scène. Quelle idée novatrice! Pourtant, les organisations des arts de la scène, les compagnies de théâtre et de danse, les orchestres symphoniques et autres orchestres et les compagnies d'opéra ont réalisé d'énormes progrès pour ce qui est d'accroître leurs revenus, leurs commandites d'entreprise et les dons des particuliers.
Comme sous-secteur, nous sommes devenus considérablement plus autonomes financièrement que nous ne l'étions et, tout au long de cette restructuration, les organisations des arts de la scène ont réussi à éviter de réduire substantiellement leur budget ou leur personnel. Nous sommes un important employeur, comme vous pourrez l'apprendre en lisant le mémoire de la CCA.
Je vous exhorte à réfléchir aux recommandations qui se trouvent à la dernière page du mémoire de la CCA. Je ne sais pas trop dans quelle mesure les organisations des arts de la scène peuvent couper davantage sans commencer à couper les ailes aux arts et aux artistes dans les diverses localités d'un bout à l'autre du pays. Ces trois recommandations sont à la dernière page. J'attire votre attention sur l'une d'entre elles que vous avez déjà entendue, à savoir un financement suffisant, stable et pluriannuel pour les institutions culturelles nationales, particulièrement le Conseil des arts, qui est le principal mécanisme du gouvernement fédéral pour l'appui aux artistes individuels et aux organisations artistiques à but non lucratif, ainsi qu'un traitement fiscal plus favorable des dons aux organisations artistiques et autres oeuvres de bienfaisance, surtout les dons de moins de 200 $, qui sont la pierre d'assise de beaucoup d'organisations des arts de la scène de petite et de moyenne taille.
Enfin, le projet du gouvernement d'interdire complètement la commandite des compagnies de tabac menace les partenariats avec les entreprises que les organisations des arts de la scène et les festivals ont péniblement réussi à établir, en partie à la demande même du gouvernement, pendant ces années où le financement public était à la baisse.
Merci beaucoup.
Le président: Pat, vous avez réussi à tout dire en moins de trois minutes.
Mme Bradley: Oui, mais probablement que personne ne m'a entendu, parce que je parle trop vite.
Le président: Non, c'était très clair. Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Jean-Philippe Tabet, s'il vous plaît.
M. Jean-Philippe Tabet (directeur de la formation, Conseil des ressources humaines du secteur culturel): Bonjour et merci d'avoir donné la chance au Conseil des ressources humaines du secteur culturel de comparaître devant vous aujourd'hui pour la première fois.
Nous appuyons le mémoire présenté devant vous par la Conférence canadienne des arts et j'ajouterai les éléments qui sont nécessaires à la compréhension de notre spécificité.
[Traduction]
Dans le contexte national, les artistes et les travailleurs culturels sont essentiels à la santé économique de la nation. En outre, ils sont soumis à d'importants changements dans leur environnement, par exemple la mondialisation, les nouvelles technologies et les changements de la politique publique.
La main-d'oeuvre culturelle se prépare en vue d'affronter avec succès le changement. Comme vous le remarquerez dans le mémoire qui vous a été présenté par la CCA, plus de 700 000 Canadiens sont employés ou travaillent à leur compte dans le secteur culturel. Ces dix dernières années, la croissance de ce secteur a été deux fois plus élevée que celle enregistrée par l'ensemble de la main-d'oeuvre pendant la même période.
Les répercussions économiques directes et indirectes des industries des arts et de la culture sont estimées à 29 milliards et 13 milliards de dollars par année, respectivement. Il ne s'agit donc pas d'un secteur négligeable, mais d'un secteur important pour la prospérité de l'ensemble du Canada et d'un secteur en pleine croissance.
Le Conseil culturel des ressources humaines a élaboré une approche coordonnée pour l'adaptation de la main-d'oeuvre. C'est ce dont je vais vous parler maintenant.
Le conseil, mieux connu sous le sigle anglais CHRC...
[Français]
malheureusement, cela ne peut pas se traduire par «Église» en français,
[Traduction]
...est un organisme non gouvernemental, mais il représente les employeurs, les employés, les travailleurs indépendants et les établissements de formation du secteur culturel.
[Français]
Les partenaires de notre conseil incluent un nombre important d'organisations comme l'ACTRA, l'Association des musées canadiens,
[Traduction]
le Centre canadien du film, la Canadian Arts Presenters Association, l'École nationale de ballet, la Canadian Actors' Equity Association, l'Association professionnelle des théâtres canadiens et d'autres intervenants qui sont autour de cette table, y compris l'Association canadienne de production de film et de télévision.
Le conseil élabore des approches stratégiques et des programmes qui répondent aux besoins les plus pressants de perfectionnement professionnel des artistes et des travailleurs culturels au Canada. Cela comprend des cours visant à inculquer aux artistes et travailleurs culturels canadiens des habiletés dans le domaine des affaires, du marketing et des nouvelles technologies, ainsi que des cours de perfectionnement dans leur secteur artistique.
Pour vous donner un exemple, dans le cadre du programme des initiatives de transition dont on a parlé tout à l'heure, le Conseil culturel des ressources humaines, avec l'appui de Développement des ressources humaines Canada, a formé plus de 4 000 artistes et travailleurs culturels indépendants depuis 1992. Mais ce programme a exigé un apport financier du secteur culturel, à la fois en argent et en nature.
Les nouveaux défis que nous devons maintenant relever sont de deux catégories. Il y a d'abord la question des initiatives et de l'organisation en matière de formation professionnelle qui sont essentielles à l'échelle nationale. J'ai ici un mémoire que vous pourrez lire à tête reposée; il expose très bien le problème.
Tous ces centres nationaux de formation - l'École nationale de théâtre, l'École nationale de ballet, l'École nationale du cirque, le Centre pour danseurs en transition, etc. - donnent une formation qui est accessible à tous les Canadiens, offrant des cours de fort calibre qui respectent toutes les normes nationales et internationales. Chacune de ces organisations a reçu une aide importante et continue de la part du gouvernement fédéral, en reconnaissance de son excellence et de son efficacité.
Aujourd'hui, toutefois, le financement de ces organisations est réduit de façon draconienne ou même supprimé. Dans un mémoire exhaustif qui a été envoyé aux ministres Copps et Young, ainsi qu'au ministre Pettigrew, nous énonçons une stratégie rationnelle pour appuyer le niveau critique de formation nécessaire pour ces organisations nationales de formation.
Le deuxième point est l'appui à l'égard d'un nouveau cadre pour les ressources humaines dans le secteur culturel canadien. L'initiative stratégique que nous avons prise comprend une composante de perfectionnement des compétences, une composante de stages pour les jeunes, ainsi qu'une autre initiative nouvelle et très étoffée. Elle est expliquée dans notre mémoire et je vous invite à le lire.
En terminant, je dois dire que le secteur culturel est de nos jours un moteur de l'économie fondé sur le savoir. Le perfectionnement professionnel, avec le soutien qu'il reçoit, est le carburant qui fait tourner le moteur. Les travailleurs indépendants du secteur culturel sont le modèle de la main-d'oeuvre de l'avenir. L'investissement du gouvernement fédéral dans ce secteur créera de nouveaux emplois et donnera un excellent rendement.
Merci.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Tabet.
Monsieur Bachand. Bienvenue à notre comité.
M. Bachand (Saint-Jean): Je ne sais pas tout à fait à qui adresser ma question. Ce sera peut-être à M. Kelly, parce qu'il semble avoir été un peu le pivot et la référence de beaucoup de personnes quant au mémoire qui a été présenté.
Premièrement, je partage votre point de vue sur l'importance de la culture. D'ailleurs, vous savez que les artistes du Québec, dont je suis, demandent toujours au gouvernement provincial au moins 1 p. 100 de toutes les sommes octroyées à la culture.
Vous avez aussi dit que la culture était extrêmement importante, qu'elle était créatrice d'emplois, etc.
Je n'assiste pas souvent aux délibérations du Comité permanent des finances, mais j'ai l'impression que tous les témoins qui viennent devant nous disent toujours: «Nous avons un créneau d'activités crucial pour l'économie et c'est très important.»
On connaît les difficultés que connaissent les finances publiques. J'ai entendu de vous aujourd'hui deux choses: ou bien on demande de maintenir les subventions, ou bien on demande des exemptions de taxes ou le maintien des exemptions de taxes.
Monsieur Kelly, l'ensemble des entreprises culturelles tentent-elles de pallier au manque à gagner gouvernemental en demandant un peu plus aux utilisateurs-payeurs? On sait que les gens, qui sont surtaxés actuellement, en sont rendus à se demander s'ils vont aller au théâtre plutôt que de mettre du pain sur leur table. Les gens qui ont les moyens de se payer des activités culturelles devraient peut-être payer un peu plus.
Pour ce qui est des éditeurs canadiens, j'aurais une question plus spécifique, que j'avais d'ailleurs posée à M. Grubel. En ce qui a trait à la TPS, demandez-vous que l'ensemble des livres vendus partout au Canada en soient exempts et considérez-vous que la TPS sur les livres est finalement une taxe sur la culture?
Le président: Qui veut répondre à cela? Monsieur Kelly.
[Traduction]
M. Kelly: Je vais répondre à la première question. Je crois que ce que l'on cherche à savoir, c'est si nous faisons tout en notre pouvoir pour faire payer les utilisateurs. La réponse est oui, absolument. Toutefois, nous savons aussi que la culture canadienne appartient à tous. Nous avons vu des progrès assez remarquables au Canada, notamment l'essor du théâtre commercial itinérant, comme la troupe Livent et celle des Mirvish, qui s'adressent aux créneaux supérieurs du marché, puisque les billets se vendent 95 $ ou 100 $ pour une soirée. Ça, c'est un acquis. Il y a par ailleurs de plus petits théâtres qui s'efforcent de survivre et qui offrent des prix compétitifs. Il ne s'agit pas de dire aux gens que si cela leur tient vraiment à coeur, ils paieront, quel que soit le prix. C'est un jugement de valeur. C'est le revenu discrétionnaire que nous demandons aux Canadiens de dépenser pour les arts. Si les billets de théâtre, les livres et les disques se vendaient vraiment à leur juste valeur, leurs prix seraient hors de portée pour la plupart des Canadiens.
Nous nous efforçons donc de conclure des partenariats avec le secteur privé pour essayer de trouver de nouvelles sources de revenu. Nous avons des activités différentes. Les musées ont un excellent catalogue qui fait la promotion des articles qui sont en vente dans les boutiques de cadeaux d'un bout à l'autre du pays. Presque tous les intervenants du secteur culturel cherchent de nouvelles possibilités de partenariat. Mais soyons bien clairs: notre pays est immense et très peu peuplé et se trouve juste au nord des États-Unis, qui sont parmi les principaux producteurs de biens culturels dans le monde. Si nous voulons survivre, si nous voulons avoir une identité nationale, il est impératif que l'État joue un rôle dans la survie, la promotion et la protection des arts et des industries culturelles au Canada.
Le président: Monsieur Stoddart, au sujet de la TPS.
M. Stoddart: Oui, pour répondre à cette question précise, nous croyons assurément que les livres devraient être exemptés de la TPS. Oui, c'est une question culturelle, mais je crois que c'est beaucoup plus important que cela. C'est également une question d'instruction et d'apprentissage. De nos jours, savoir lire et écrire est une habileté de base. Que ce soit pour travailler à l'aide d'ordinateurs ou pour s'y livrer par pur plaisir, la lecture en tant qu'activité est une habileté essentielle à l'épanouissement des Canadiens et de tous les êtres humains dans le monde d'aujourd'hui.
Je crois donc que c'est clairement culturel, mais cela va beaucoup plus loin que la culture; cela met en cause l'alphabétisation et la capacité des gens d'apprendre dans la société d'aujourd'hui.
Le président: Monsieur Grubel.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je voudrais poser une question à Mme McDonald et à M. Stoddart. Je comprends que vous veniez ici demander davantage de subventions. Chacun n'aimerait rien de mieux que d'obtenir davantage d'allégements fiscaux et autres avantages. Mais j'essaie de comprendre ce qui s'est passé à la suite des compressions que vous avez subies. C'est pourquoi je voudrais un chiffre objectif, ce qui devrait être facile à obtenir. Quelles sont les ventes totales des membres de vos organisations pour les deux dernières années? Vous nous avez dit dans vos introductions que votre secteur respectif est prospère, grandiose et magnifique et contribue puissamment à l'économie. Quel est l'ordre de grandeur? Quelle en a été la croissance de 1994 à 1995, par exemple?
Mme McDonald: Premièrement, je n'ai pas demandé plus. J'ai remercié le gouvernement actuel d'avoir créé un fonds en cette période très critique, au moment où d'autres fonds sont en baisse. Je n'ai rien demandé de plus. J'ai demandé que deux programmes soient poursuivis et que l'on envisage d'assouplir les lignes directrices qui régissent certains programmes de formation. Voilà pour le premier point.
J'ai également souhaité que la SRC obtienne un financement stable. Je sillonne le pays pour représenter des gens du secteur de la production télévisuelle. L'Association canadienne des radiodiffuseurs était à Edmonton et j'y suis donc allée aussi. Je peux vous dire qu'en 1991, notre activité économique représentait environ 1,5 milliard de dollars et qu'en 1995, le chiffre était d'environ 3 milliards de dollars; cela représente l'activité économique directe ainsi que certaines retombées indirectes.
M. Grubel: D'accord. Vous n'avez probablement pas les chiffres sous la main, surtout l'autre chiffre crucial que j'ai ici. J'aimerais énormément obtenir de votre part les renseignements suivants. Quelle a été la croissance des ventes dans ce secteur? Le chiffre d'affaires a doublé en un an. Que s'est-il passé? Quelle proportion de ces ventes...? Je vais m'exprimer autrement. Il est possible d'estimer la valeur de l'allégement fiscal consenti sous forme de crédit remboursable. Je voudrais savoir approximativement quel pourcentage du total était représenté par ce crédit remboursable en 1994 et en 1995.
Mme McDonald: Je ne suis pas en mesure de vous le dire tout de suite, parce qu'en 1994 et en 1995, le secteur du film et de la télévision était régi par la déduction pour amortissement, ce qui est un programme entièrement différent.
Le programme du crédit d'impôt remboursable vise des activités davantage culturelles et je peux vous dire dès maintenant, parce que j'en ai parlé à des gens de Revenu Canada, que pas un sou de cela n'est allé à un producteur canadien. La mesure législative instaurant ce programme n'a été adoptée qu'en juin. Les lignes directrices ont été publiées encore plus tard.
Il y a une étude d'Ernst and Young dans laquelle vous pourriez peut-être trouver réponse à votre question; elle circule depuis un certain temps. Je serai mieux préparée à répondre à cela l'année prochaine, mais il m'est impossible d'y répondre maintenant.
M. Grubel: Laissez-moi vous dire ce qui me préoccupe. On me présente une activité qui est une grande réussite. Je sais que le capital joue un rôle relativement limité, parce que vous m'avez dit que c'est un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre. Donc, l'élément subvention, que ce soit sous forme de déduction pour amortissement ou de crédit d'impôt remboursable, ne peut représenter qu'une petite fraction du total. Cette fraction est demeurée constante ou bien a diminué. Je me demande donc dans quelle mesure la subvention est essentielle pour votre secteur. J'ai posé la même question aux éditeurs de livres. Quelle en est l'importance? Que s'est-il passé depuis que vos subventions ont été réduites de moitié?
Mme McDonald: Puis-je répondre à cela?
M. Grubel: Allez-y.
Mme McDonald: Je crois que le problème tient en partie au fait que nous voulons contrôler la production canadienne au Canada. C'est ce qui se passe dans le secteur de la production indépendante de films et d'émissions de télévision. Lorsqu'une subvention disparaît, le producteur doit se tourner vers le marché étranger pour trouver le financement qui lui manque. Quand on s'adresse à un marché étranger pour compléter le financement d'une production, à mesure que le financement canadien diminue, la production devient moins canadienne et plus homogène. Il faut alors répondre à des exigences d'utiliser les talents du pays en question, surtout s'il s'agit des États-Unis. C'est alors que le contrôle échappe aux créateurs. Les producteurs canadiens et les gens qu'ils emploient, les artistes et les membres de l'organisation de Sandy, tombent sous le contrôle d'entités non canadiennes et deviennent itinérants. Ils tombent dans une dépendance totale envers les fluctuations du dollar canadien. Cette industrie étrangère ou américaine retirera ses billes dès que le dollar remontera d'un cran.
Plus nous pouvons contrôler le tout au Canada, plus nous pouvons créer un produit qui correspond à nos aspirations. Moins le producteur canadien est obligé de s'adresser à l'étranger pour trouver de l'argent, plus grande est la probabilité que nous puissions créer le produit que nous voulons, le vendre sur le marché, empocher les bénéfices nous-mêmes et les ramener au Canada. C'est seulement alors que nous sommes autre chose que des salariés qui travaillent pour des intérêts américains. Cela nous permet de nous sortir d'une situation où la plus grande partie de l'argent s'en va dans un autre pays, les États-Unis, essentiellement pour des producteurs de langue anglaise.
M. Grubel: Je trouve absolument stupéfiant que votre production puisse doubler en un an, tandis que la subvention demeure la même.
Mme McDonald: Non. Monsieur, j'ai dit que c'était sur cinq ans, de 1991 à 1995.
M. Grubel: Même à cela, c'est un taux de croissance spectaculaire. Êtes-vous en train de me dire qu'il y a eu une baisse considérable? Qu'obtient le Canada pour chaque dollar de subvention? Dans quelle mesure les subventions sont-elles essentielles dans votre secteur? Je ne suis pas convaincu.
Mme McDonald: Je peux vous en donner la preuve. Il est évident que vous n'êtes pas convaincu. C'est en partie parce que...
M. Grubel: C'est intangible. Êtes-vous en train de me dire...
Mme McDonald: Oui, c'est tangible. C'est assurément tangible sous forme de crédit d'impôt. Pour le crédit d'impôt de l'Ontario, par exemple, pour chaque dollar de financement qui est injecté, le rendement est de 1,23 $. En Alberta, pour chaque dollar investi, le gouvernement en retire 1,56 $.
Y a-t-il un rendement? Oui, et c'est pourquoi le gouvernement a choisi le crédit d'impôt remboursable au lieu d'une subvention.
M. Grubel: Nous traversons une crise financière. Si les subventions aux secteurs culturels ont été réduites, ne serait-ce pas parce qu'il n'y a pas suffisamment d'argent? Si vous me dites que la situation budgétaire s'améliorerait si l'on donnait des subventions à votre secteur, vous m'en voyez étonné.
M. Crawley: Je voudrais faire observer qu'il y a aussi un élément qualitatif qui entre en jeu. Je ne veux nullement me lancer dans un débat avec vous sur la valeur intrinsèque de la culture canadienne. Mais en un sens, nous survivrons. Les artistes et les producteurs sont les entrepreneurs les plus disciplinés que l'on puisse trouver dans quelque secteur que ce soit. Nous survivrons. Nous ferons ce qu'il faut pour survivre. Comme Elizabeth l'a dit, nous nous adresserons ailleurs s'il le faut. À défaut de pain, nous mangerons de la galette et nous vous en servirons. Si c'est ce que vous voulez, nous pouvons emprunter cette voie. Mais elle a tout à fait raison: en fait, nous faisons augmenter les recettes fiscales. Les stimulants fiscaux font augmenter les recettes fiscales.
Le président: Monsieur Grubel, je crois que M. Stoddart voulait intervenir.
M. Grubel: Je veux faire une observation. Laissez-moi vous dire que je suis sceptique. Je voudrais en voir la preuve. Mais M. Stoddart a des chiffres. J'essaie de comprendre combien nous dépensons en proportion de l'augmentation du chiffre de vente qui a eu lieu dans le secteur que nous subventionnons.
M. Stoddart: Je vais me faire un plaisir de répondre à cette question. Je cite ces chiffres de mémoire et je ne peux donc pas jurer de leur exactitude, mais je crois qu'ils sont assez précis.
Le marché du livre au Canada représente environ 1,2 milliard de dollars. La vente de livres canadiens tourne autour de 300 millions de dollars par année. Les subventions aux éditeurs de livres en anglais et en français s'élevaient à 17 millions de dollars l'année dernière. La moitié est allée aux anglophones et l'autre moitié, aux francophones. Si l'on prend la moitié de 17 millions, cela donne le montant des subventions qui ont été versées aux deux groupes linguistiques du pays.
L'analyse du ministère du Patrimoine, nommément le rapport Donner, indique que pour le secteur de langue anglaise, l'ensemble des éditeurs enregistre globalement une perte nette. Je le répète, ce rapport sera rendu public très bientôt, probablement la semaine prochaine.
J'ai évoqué les grands succès que nous avons obtenus dans l'élaboration de produits que les gens aiment et achètent et l'épanouissement d'auteurs que les gens apprécient. Ce que je ne vous ai pas dit, c'est que nous perdons tous de l'argent et que les subventions sont passées de 45 millions à 17 millions de dollars en deux ans. Je peux vous dire que si les subventions n'avaient pas été réduites, les éditeurs ne seraient pas dans le rouge. C'est absolument essentiel.
Le chiffre d'affaires total de l'industrie du livre est en baisse depuis cinq à sept ans. Le prix des livres en langue anglaise est resté essentiellement le même. Quant au prix des livres en langue française, je ne sais pas. Le fait est que notre industrie a enregistré une baisse au cours de cette période.
En dépit de cette baisse, les ventes de livres d'auteurs canadiens ont doublé au cours de la même période. Je soutiens que ce résultat est directement lié à certains programmes d'encouragement qui ont été mis en place par divers gouvernements d'un bout à l'autre du pays pour aider les éditeurs à connaître davantage de succès, pas nécessairement sur le plan financier. Les éditeurs étant ce qu'ils sont, ils ont profité de cette manne pour publier davantage de livres.
Peut-être que nous en sommes au point où il faut envisager une autre orientation pour ces programmes, mais il est clair que le financement qui a été accordé au secteur de l'édition de livres s'est révélé un franc succès. Le dossier comporte toutefois des éléments négatifs.
M. Grubel: Les subventions représentaient donc environ 10 p. 100 de votre chiffre d'affaires et elles sont maintenant d'environ 6 p. 100?
M. Stoddart: Eh bien, le problème est qu'il faut examiner cela au cas par cas, pour chaque éditeur. Je peux seulement vous parler de ma propre compagnie, qui est l'une des plus importantes dans notre domaine. Pour notre part, le maximum de subventions que nous avons obtenu était de l'ordre de 5 p. 100, et je crois que nous en sommes maintenant à 2 p. 100. C'est en pourcentage des ventes de livres canadiens, pas des ventes totales.
M. Grubel: Et les ventes de livres aux États-Unis? Sont-elles également en baisse?
M. Stoddart: Non. Depuis cinq ans, le secteur du livre a connu une croissance composée de 8 ou 9 p. 100. Nous suivons l'évolution de cette croissance depuis 1990. Depuis l'imposition de la TPS, l'industrie n'a pas connu d'augmentation des ventes de livres au Canada, tandis qu'aux États-Unis, les ventes ont augmenté de 8 à 9 p. 100 par année. Au bout de quelques années, cela représente une énorme croissance des affaires.
M. Grubel: Eh bien, notre économie a été stagnante et non pas en pleine croissance.
Merci.
Mme Valerie Hussey (Comité des relations gouvernementales, Association des éditeurs canadiens): Notre secteur a besoin d'une politique très ferme et uniforme; des compressions aussi draconiennes au moment même où les éditeurs avaient déjà consenti d'importants investissements de capitaux pour assurer la croissance des affaires et dans le but d'établir des assises financières plus solides ont eu pour résultat d'affaiblir toute l'infrastructure de nombreuses compagnies. L'incidence négative des réductions a été beaucoup plus grande que quiconque n'aurait pu le prévoir.
Nous avons fait enquête sur notre secteur et nous avons découvert que le programme, qui entrait dans sa troisième année, était couronné de succès. Les résultats étaient conformes à nos projections. Évidemment, nous nous sommes heurtés à une économie qui était incapable d'en soutenir la croissance, mais la capitalisation que nous avions espérée commençait réellement à prendre forme.
M. Grubel: Merci.
Le président: Madame Whelan, je vous prie.
Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci, monsieur le président.
Je voudrais poser quelques questions à M. Stoddart au sujet de sa réponse sur l'élimination de la TPS applicable aux imprimés.
Pouvez-vous nous dire quels imprimés, selon vous, devraient être exemptés de la TPS?
M. Paul Davidson (directeur général, Association des éditeurs canadiens): L'Association des éditeurs canadiens participe à la Coalition contre la taxe sur la lecture, qui encourage le gouvernement à honorer sa promesse de supprimer toute taxe applicable aux imprimés. C'est la position déclarée et adoptée à l'unanimité par le Parti libéral du Canada. C'est aussi la position défendue publiquement par plus de la moitié des membres du caucus libéral.
À nos yeux, l'initiative prise la semaine dernière est un premier pas vers la réalisation de cette promesse. Nous constatons que les acheteurs institutionnels bénéficieront d'une remise bonifiée.
Quant à votre question précise portant sur la définition de l'imprimé, nous reconnaissons que c'est difficile à préciser dans une société où les médias de toutes sortes abondent, mais cela dit, les journaux, magazines, livres, périodiques et autres imprimés destinés à la lecture doivent être inclus dans cette définition.
Mme Whelan: Y compris les magazines comme Playboy et Playgirl et les CD-ROM. Il est impossible de les exclure.
M. Davidson: En effet. Nous faisons partie d'une coalition très large qui réclame du Parti libéral qu'il honore les engagements qu'il a pris quand il était dans l'Opposition.
Je sais que les ministres des Finances précédents et les comités des finances précédents se sont débattus avec cette question, mais nous croyons qu'il est possible d'en arriver à une définition, il suffit qu'il y ait la volonté de le faire au niveau politique.
Mme Whelan: Je vous demandais quelle était votre définition.
M. Stoddart a dit il y a quelques instants que le chiffre d'affaires de l'industrie était de 1,2 milliard de dollars, dont 300 millions pour les livres canadiens. Quel serait donc le pourcentage représenté par les Américains qui bénéficieraient de la suppression de la TPS sur les livres?
M. Stoddart: Je ne crois pas que les Américains, les Britanniques ou les Français seront particulièrement avantagés. Je pense que ce sont les consommateurs qui le seront, les Canadiens. Nous ne défendons pas les grandes entreprises.
Nous ne gagnons pas grand-chose. Nous espérons que les ventes de livres augmenteront si la TPS est supprimée. Nous considérons que c'est une taxe sur la lecture, par opposition à une taxe imposée aux entreprises ou à un encouragement au secteur de l'édition.
Quant à votre autre question, à savoir si cela devrait s'appliquer ou non à Playboy ou à d'autres publications, je ne vois pas comment on peut opérer une discrimination contre un type d'imprimé pour l'application de la taxe. Je crois qu'il y a beaucoup d'imprimés canadiens très importants et très louables qui ne devraient pas être taxés, et je ne dis pas que les autres devraient l'être, mais de dire que je n'aime pas ceci ou cela et qu'il faudrait donc le taxer...à titre d'organisation du secteur de l'édition, nous ne pouvons évidemment pas défendre cette position.
Mme Whelan: Monsieur Stoddart, je vous pose la question. C'est vous l'expert. Je pose la question parce que j'ai une nièce âgée de quatre ans et demi et pour elle, tout est destiné à la lecture, dès qu'elle reconnaît la présence de mots sur les boîtes et les étiquettes.
Jusqu'où faut-il aller? Voilà ma question.
Par ailleurs, on nous parle de réduction des subventions. Savez-vous combien cette détaxe coûterait au gouvernement, et où l'on pourra trouver cet argent?
M. Stoddart: Eh bien, je crois que le ministre des Finances a dit publiquement que le coût serait de 140 millions de dollars. Je n'ai pas vu d'études corroborant ce chiffre. Je le trouve extraordinairement élevé et j'ignore ce qu'il représente au juste.
Il faut d'ailleurs faire une distinction, car la question que m'a posée le monsieur qui est maintenant parti portait sur les livres. Le coût pour les livres serait inférieur au coût pour l'ensemble des imprimés et c'est une décision que quelqu'un devra prendre.
Le ministre a décidé cette semaine d'exempter de la taxe non pas tous les imprimés, mais les livres destinés à un usage pédagogique. Il faut donc voir jusqu'où on peut aller en ce sens. Nous sommes membres d'une coalition qui affirme qu'il ne faut pas taxer la lecture, mais quant à savoir jusqu'où on ira, c'est à quelqu'un d'autre d'en décider.
Mme Whelan: Merci.
Le président: Monsieur Benoit, je vous prie.
M. Benoit (Végréville): Bonsoir, mesdames et messieurs. Je vais poser une question. Mes questions ne porteront pas toutes sur le même thème; je sauterai un peu du coq à l'âne.
Premièrement, je pense qu'au moins trois d'entre vous ont évoqué la difficulté d'évoluer dans votre secteur juste à côté de cet immense pays anglophone, les États-Unis. Vous avez évoqué la difficulté de faire concurrence à cette très nombreuse population anglophone qui est juste à nos portes.
Je voudrais retourner l'argument et vous interroger sur les possibilités pour vos entreprises de tirer profit de cet immense marché qui est à nos portes. Je sais qu'au moins trois d'entre vous ont évoqué le problème, mais cet énorme marché potentiel ne comporte-t-il pas aussi un énorme avantage, si l'on pouvait obtenir la libre circulation de part et d'autre? Qui veut répondre à cela?
M. Kelly: Je n'hésite pas à dire que nous sommes tous intéressés à élargir le marché des biens culturels canadiens à l'étranger. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Votre question porte précisément sur les États-Unis et je vais vous donner une réponse très précise. Les Américains sont très chauvins. Ils ne s'intéressent pas à la production culturelle des autres pays. Il est fort difficile d'établir une tête de pont sur le marché américain pour y vendre la plupart de nos produits culturels.
Au Canada, nous avons bien davantage accès aux biens culturels du monde entier que ce n'est le cas aux États-Unis. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas prêts à relever le défi. Nous le sommes assurément et de grands efforts sont déployés. Mais le système est beaucoup plus difficile à percer, à bien des égards, que le système canadien... quand on veut établir une présence sur le marché américain.
Nous avons aussi l'exemption culturelle qui protège nos intérêts culturels contre une mainmise des Américains. Vous évoquez la liberté de mouvement, mais encore faut-il pouvoir faire concurrence à une nation dont l'industrie du divertissement est la plus riche au monde.
Les intérêts culturels canadiens n'ont pas les goussets aussi bien garnis, comme vous le savez. Nous en sommes à une étape très intéressante de notre développement, mais si le secteur culturel canadien devait affronter l'industrie américaine du divertissement de masse, il n'y a aucun doute quant au vainqueur de cet affrontement. Ce ne serait pas nous.
M. Benoit: Je pose la question à la ronde. Quelle a été l'évolution de vos exportations vers les États-Unis dans votre secteur respectif ces dernières années?
Mme McDonald: Malheureusement, je n'ai pas les données sous la main. Chose certaine, il y a eu augmentation des exportations du secteur de la production indépendante, surtout sur le marché de la télévision, et c'est particulièrement évident dans le marché de la câblodistribution aux États-Unis, pour ce que nous appelons les services spécialisés. Indéniablement, on y trouve davantage de produits canadiens, et il y a donc des possibilités de ce côté.
Toutefois, il y a un prix à payer pour tirer profit de ces possibilités, et ce prix, c'est le contrôle de notre produit. Pour vendre sur ce marché, il faut un produit très homogène et il faut respecter certaines exigences qui reflètent un marché dominé complètement par les États-Unis au niveau des apparences, des comédiens qui peuvent tenir des rôles - les Américains défendent farouchement leur système de fabrication de vedettes, ce qui veut dire que nous ne pourrons pas créer de vedettes canadiennes - et des écrivains qui peuvent rédiger les scénarios.
Il y a de l'argent à faire et j'affirme que ces possibilités sont très bien exploitées. En même temps, pour avoir une industrie canadienne, il faut des producteurs qui peuvent livrer un produit canadien, il faut des artistes canadiens qui peuvent y jouer des rôles et il faut des écrivains canadiens. On passe donc par...
M. Benoit: Mais il y a des Canadiens dans d'autres secteurs qui ont très bien réussi à rivaliser contre les Américains en se taillant une place dans un créneau précis du marché où ils se débrouillent très bien. C'est le cas de certaines émissions de télévision et c'est probablement vrai aussi dans d'autres secteurs, où les Canadiens ont en fait réalisé un produit canadien qui est très différent du produit américain mais qui ne s'en est pas moins bien vendu. Je ne dis pas...
Mme McDonald: Il y a très peu d'exemples de cela dans le domaine de la télévision. L'une des rares exceptions est l'émission Road to Avonlea. C'est parce que Kevin Sullivan était assez solide pour pouvoir transiger avec Disney, mais pour le faire, il a dû laisser tomber certains artistes canadiens qui auraient pu y tenir un rôle. Il est certain que l'argent a alimenté la réussite de cette émission. C'est un cas inhabituel visant un marché très ciblé, mais quand on veut s'adresser à un marché adulte et qu'on s'éloigne du marché familial, cela influe sur l'apparence du produit.
L'autre problème porte plus précisément sur notre dollar. Comme on l'a dit, nous faisons des efforts, mais le marché américain du divertissement est très difficile à percer. Les Américains ne s'intéressent tout simplement pas au produit qui véhicule des valeurs étrangères. Ils ne le comprennent même pas. À leurs yeux, un agent de police qui ne porte pas d'arme, c'est incompréhensible. Ils ne comprennent pas notre système judiciaire.
Il faut voir à quel point un produit canadien doit être changé pour qu'il ait l'air d'avoir été fait à Chicago. De ce point de vue, l'émission Due South était un coup de génie, mais pour une foule de raisons, il a été impossible de continuer à la diffuser. C'était fait de façon très habile et il était très intéressant de diffuser là-bas un produit aussi nettement canadien; pourtant, Alliance a dû attendre deux ans pour savoir si CBS accepterait de diffuser l'émission, sur quel créneau horaire elle le ferait, et même, une fois que le marché a été conclu avec le radiodiffuseur canadien pour maximiser les revenus, on se demandait s'il serait possible d'aligner tous les créneaux de diffusion possibles. Et après l'année dernière, c'est devenu tout simplement impossible.
M. Benoit: Je pense que votre groupe se sous-estime. Je pense que vous êtes tout à fait capables de canadianiser les Américains, de pénétrer le marché américain et d'y soutenir la concurrence. Je pense vraiment que vous vous sous-estimez.
Mme McDonald: Eh bien, je vous invite à aller à Los Angeles pour constater vous-même dans quelle mesure ils sont intéressés. Je pense que vous constaterez qu'ils ne le sont pas. Je vous rappelle que l'industrie du divertissement est la deuxième en importance aux États-Unis, après l'industrie de la défense. En fait, il est possible qu'elle prenne le premier rang.
Mme Hussey: La culture, c'est ce qui reflète ce que nous sommes et qui nous sommes. Vous devez accepter cette prémisse. Je pense que le secteur culturel a connu un succès phénoménal en fait d'exportation, mais ce que l'on vient de dire, ce n'est pas nous sous-estimer, c'est reconnaître la nature de ce marché particulier. Le marché canadien est beaucoup plus ouvert. Il accueille beaucoup mieux la diversité. C'est la nature de notre nation. C'est la nature de la psyché canadienne. Ce n'est pas le cas du marché américain. Si vous allez y voir de plus près, si vous vous penchez sur l'homogénéité de la culture de ce pays, vous verrez que cela se reflète sur le marché.
Quand nous exportons, nous devenons très habiles dans l'art de définir ce qui voyage bien. Nous avons tous reconnu que nous devons créer des produits qui se vendent bien à l'étranger afin d'aider à financer, à subventionner les autres oeuvres qui, elles, ne se vendront pas bien parce qu'elles visent une très petite fraction de la population d'un pays immense, où nous ne profitons pas des économies d'échelle dont bénéficient les Américains, où l'on ne peut pas non plus imiter les structures de coût et de prix qui existent aux États-Unis et où, pourtant, les attentes en termes de prix et de coût sont souvent le reflet de celles qui existent aux États-Unis. Le prix des livres canadiens est fixé en fonction des normes américaines, et non pas de manière à refléter la réalité du monde de l'édition au Canada. Nous ne pouvons pas vendre nos livres à un prix qui refléterait leur coût de production réel, car alors nos livres se vendraient de 10 $ à 20 $ plus cher que les importations américaines. Pourtant, le principe même d'un marché ouvert est fondamental dans notre secteur. Nous croyons que le marché doit être ouvert; nous croyons que les frontières doivent être ouvertes. Cela va au coeur même de la philosophie d'un éditeur, qui souhaite l'accès le plus large possible à l'information et à la connaissance.
D'une part nous appuyons l'idée, la notion d'ouvrir toutes grandes les portes, mais nous le faisons à notre propre détriment. Ce n'est pourtant pas un principe auquel nous allons renoncer.
[Français]
M. Tabet: Je voudrais vous dire qu'il y a quand même un point sur lequel les Canadiens se défendent très bien. Les compétences des travailleurs canadiens dans le secteur culturel sont particulièrement bien reconnues et bien vues par nos voisins du Sud.
L'infrastructure de formation que le Canada a développée et pour laquelle il a investi énormément au cours de ces 50 dernières années est reconnue mondialement. Il y a ici, au Canada, un certain nombre de gens qui viennent chercher une main-d'oeuvre particulièrement bien formée. Miner l'infrastructure nécessaire au développement d'une population active culturelle efficace serait, à mon avis, un non-sens. C'est cela qui nous aidera aussi à bâtir notre pénétration de marchés à l'étranger. J'en veux pour preuve l'exemple du Cirque du soleil, qui a connu un certain nombre de succès, mais qui s'est bâti d'abord et avant tout par la constitution d'un certain nombre d'initiatives de formation qui font maintenant l'envie du monde entier.
Du strict point de vue de ce qui nous concerne, au Conseil des ressources humaines du secteur culturel, nous pensons que l'infrastructure de formation au Canada est un très bon atout qui nous permettra d'aller de l'avant. Ce n'est pas une infrastructure qu'il faut miner.
Le président: Merci, monsieur Tabet.
[Traduction]
Monsieur Crawley.
M. Crawley: Je suis vraiment content que vous me posiez cette question, monsieur Benoit. Vous avez absolument raison; nous pouvons rivaliser et nous rivalisons effectivement, nous avons beaucoup de succès.
Nos artistes sont aussi bons que ceux de n'importe quel autre pays du monde et, s'ils veulent se lancer dans ce grand jeu de la dynamique commerciale, ils n'hésitent pas à le faire à l'occasion. Personne ne tient rigueur à un Martin Short, un Leslie Nielsen ou une Kate Nelligan qui sont partis à l'étranger pour devenir des vedettes de la scène en Grande-Bretagne ou encore du cinéma ou de la télévision.
Songez par exemple à R.H. Thomson ou Sonja Smits. Si le réseau CBC n'avait pas eu l'argent et l'imagination voulus pour faire l'émission Street Legal il y a quelques années, Sonja Smits ne serait pas devenue la vedette qu'elle est maintenant dans Traders. Si Sonja et R.H. n'étaient pas animés du désir en tant qu'artistes de demeurer dans notre pays et de raconter ce qu'ils ont à raconter... Ces gens-là ont eu des offres de l'étranger... À un moment donné, R.H. s'est vu offrir un rôle régulier dans Moonlighting, qui était un grand succès il y a quelques années, mais il voulait revenir ici et travailler comme Canadien.
Nous avons bâti une industrie très compétitive, en dépit de tous les obstacles, parce que les gouvernements successifs ont reconnu qu'il fallait intervenir, pour répondre à un impératif tout aussi politique qu'économique et culturel. Il faut que nous ayons notre propre identité. Les gens vont y aller. Nous pouvons rivaliser n'importe où dans le monde. Vous savez, Kiss of the Spider Woman a pris naissance au Canada et est devenu un grand succès. Il faut avoir le soutien structurel ici même pour s'assurer que nous aurons une industrie au départ.
M. Benoit: Êtes-vous certain que votre industrie ne serait pas en bien meilleure posture si le gouvernement ne s'en était pas mêlé et si vous n'aviez pas été limités par des lignes directrices, la bureaucratie, etc.?
M. Crawley: Je vais vous dire...
M. Benoit: Il faudrait peut-être replacer cette question dans le contexte et je crois que je dois...
M. Crawley: Non, laissez-moi répondre. Si le très honorable R.B. Bennett n'avait pas fondé la Société Radio-Canada, nous n'aurions pas d'industrie du tout.
M. Benoit: J'ai lu quelque chose...
M. Crawley: Nous n'aurions pas d'industrie.
M. Benoit: Je veux vous fournir quelques renseignements complémentaires.
M. Grubel: Pourquoi vous croirait-on sur parole?
M. Benoit: Je vais poser une question précise là-dessus, dans un instant, si vous permettez.
Dans un article paru hier, je crois, dans le journal The Montreal Gazette, un économiste du Canada Atlantique disait que les programmes de développement économique ont fait disparaître des emplois et ont ruiné l'économie de l'Atlantique. Il ressort de son étude que le Canada Atlantique serait en bien meilleure posture s'il n'y avait pas eu un sou de paiement de péréquation. Cela m'a paru très intéressant. Il disait que c'est en partie parce que l'argent émanant du gouvernement était assorti de conditions. En fait, les frontières n'étaient pas nécessairement fixées là où elles auraient dû l'être, de sorte que le commerce avec les États-Unis a été tué net à cause de la façon dont cet argent a été dépensé.
Je me demande donc si votre industrie ne serait pas en réalité en meilleure posture aujourd'hui. Je voudrais que vous me donniez une réponse portant plus précisément sur la SRC.
Je crois que c'est Elizabeth qui a dit que la SRC a besoin d'un financement stable. Je suis absolument d'accord. C'est pourquoi nous disons qu'il faut privatiser la télévision de la SRC, parce qu'elle n'aura jamais de financement stable du gouvernement; c'est devenu bien évident. Nous avons également affirmé, soit dit en passant, que la radio de la SRC doit continuer d'être financée à même les deniers publics et que son financement doit être suffisant.
Mme McDonald: Pourrais-je faire une observation?
[Français]
Le président: Monsieur Pilon, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Pilon: Vous avez lancé un débat très intéressant, monsieur Benoit. J'aurais dû me faire accompagner ce soir de quelques membres de mon association, car ils auraient trouvé tout cela captivant. Ces gens-là sont des chefs de petites entreprises typiques. Ils détestent le gouvernement, ils détestent la bureaucratie. Ce sont des batailleurs de rue. Ils adorent la compétition, ils veulent affronter la concurrence.
Le problème, quand il est question de faire concurrence aux énormes multinationales des États-Unis, c'est que l'on parle de concurrence déloyale. Je veux dire, nous adorons la libre entreprise, mais il ne s'agit plus d'un libre marché en l'occurrence. Si vous jetez un coup d'oeil aux chiffres d'affaires annuels des membres de mon association, je pense que la compagnie la plus importante a un chiffre d'affaires annuel de 3 millions de dollars, et son concurrent direct serait la Warner, dont le chiffre d'affaires est de 3 à 5 milliards de dollars. Ces gigantesques multinationales américaines... Je parle de la musique. Je pourrais vous parler aussi du cinéma, de la télévision; je pourrais vous parler de Disney, Viacom Inc., etc.
Si nous faisions un retour en arrière pour jeter un coup d'oeil sur l'histoire de tout cela, cela nous prendrait des heures. C'est une situation qui a pris naissance entre les deux guerres, mais surtout après la Seconde Guerre mondiale. C'est arrivé pour de nombreuses raisons différentes. Nos voisins ont acquis une véritable mainmise du secteur du divertissement dans tout le monde occidental. C'est un fait.
Par conséquent, le problème qui se pose au Canada n'est pas particulier au Canada. Parlez-en aux Portugais, aux Italiens et aux Suédois. Ils sont aux prises avec le même problème. C'est peut-être pire au Canada parce que nous sommes plus près des Américains, mais c'est un fait incontournable que depuis un demi-siècle, les Américains ont pris une place dominante dans le secteur culturel du monde occidental tout entier.
C'est maintenant une question qui se pose aux Canadiens, aux Portugais et aux Suédois, et même aux gens qui ne parlent pas l'anglais. Les Irlandais viennent d'adopter un quota pour assurer la diffusion de leur musique à la radio. Les Australiens songent à en faire autant. Ce n'est pas seulement une question de différence de langue; c'est aussi une question de gigantesques multinationales qui dominent le marché et qui veulent étendre encore davantage leur domination.
Il s'agit donc de concurrence déloyale et c'est pourquoi nous demandons au gouvernement de nous aider, non pas parce que nous sommes contre le marché, mais parce que nous sommes partisans d'un marché libre. À l'heure actuelle, le marché n'est pas libre parce qu'il s'y livre une concurrence déloyale.
Le président: Merci, monsieur Pilon.
Monsieur McAvity, je vous prie.
M. McAvity: Je voudrais répondre, car je vais présenter les choses sous un angle un peu différent. Il y a deux catégories de groupes d'intérêt représentés ici autour de la table: il y a ceux de l'industrie et ceux qui représentent des organismes de charité ou à but non lucratif. Je voudrais vous donner notre point de vue. Franchement, je tiens à réitérer une bonne partie de ce qui a déjà été dit et je vais le faire en vous donnant un exemple concret.
À la suite des compressions que nous avons subies, nous avons créé ce catalogue de vente par la poste. Je me ferai un plaisir de vous en envoyer des exemplaires et je vous invite à acheter des articles culturels canadiens offerts par nos musées. Nous avons essayé de faire un envoi postal général aux États-Unis. Cela nous semblait une excellente idée, parce qu'il y avait là-bas un marché immense que nous devrions exploiter. Nous avons donc fait l'essai. Les Américains n'ont pas manifesté d'intérêt. Ils ne s'intéressent pas aux produits canadiens. En outre, notre régime fiscal, la TPS et les problèmes qui se posent à la frontière nous ont rendu la tâche encore plus difficile. Si j'avais enlevé...
Le président: Un instant. On ne paie pas la TPS sur les exportations.
M. McAvity: Vous avez raison, je m'excuse, mais c'étaient surtout les problèmes de formalités douanières, de manutention et d'expédition, etc. Si j'avais enlevé de ce catalogue le mot «Canada» et la référence à nos institutions culturelles, et si j'avais ouvert un entrepôt à Plattsburg, dans l'État de New York, et si j'avais inscrit un simple numéro de téléphone, j'aurais eu du succès.
M. Grubel: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?
M. McAvity: Eh bien, l'affaire n'est pas close et nous sommes tentés de le faire, parce que les compressions nous font très mal, mais je suis fier d'être Canadien et je n'aimerais pas enlever le nom de notre pays.
Deuxièmement, je vous invite à ne pas mettre l'accent exclusivement sur les États-Unis, mais sur d'autres pays. Nous avons au Canada un atout, nommément un extraordinaire bagage de compétences, du moins dans mon secteur, et je suis sûr que c'est le cas ailleurs aussi. Nous avons constaté que certains pays offrent des possibilités intéressantes; par exemple, le Centre des sciences de l'Ontario a produit des expositions qu'il a réussi à exporter dans des pays en développement, lesquels ont par la suite créé leur propre centre des sciences en s'inspirant du modèle canadien. Nous avons des compétences en matière de conservation et c'est pourquoi la politique culturelle du ministère des Affaires étrangères est extraordinairement utile et doit être encouragée et soutenue davantage. Je pense qu'il y a là d'intéressantes possibilités.
Le président: Monsieur Stoddart, je vous prie.
Merci, monsieur McAvity.
M. Stoddart: Je vais répondre directement à cette question. Notre compagnie, la General Publishing, est une entreprise familiale qui existe depuis fort longtemps. Ma famille a bâti cette entreprise dont le chiffre d'affaires annuel est passé de 115 000 $ à 30 millions de dollars. Nous avons perdu au fil des années certaines grandes compagnies internationales comme Simon & Schuster. À maintes reprises, nous avons dû tout remettre en chantier et tout rebâtir.
En 1984, quand j'ai acheté la compagnie, nos ventes de livres canadiens se chiffraient à un million de dollars par année. Aujourd'hui, nous en sommes à 10 millions de dollars par année. Bref, notre compagnie et notre industrie ne craignent nullement la concurrence. Nous avons relevé le défi, nous avons changé, nous nous sommes adaptés. Chose intéressante, l'une de nos meilleures sources de revenu est la vente de droits et de livres sur la scène internationale. Mes ventes de droits et de livres en langue anglaise sont plus élevées en Allemagne qu'aux États-Unis, non pas parce que nous ne faisons pas bien notre travail aux États-Unis, mais parce que les éditeurs américains ne s'intéressent pas aux produits culturels canadiens.
Quand on a une Margaret Atwood, on peut vendre les droits sans aucun problème. Avec Carol Shields on peut y parvenir; elle est maintenant connue et occupe une place importante sur ce marché. Depuis un an, plusieurs éditeurs et nous avons commencé à dire: «Que le diable les emporte. Si les Américains refusent de jeter un coup d'oeil à nos livres d'enfants, qui sont magnifiques, car nous sommes très bons dans ce domaine, s'ils refusent de jeter un coup d'oeil à nos recueils de poésie, à notre littérature, etc., eh bien nous allons les vendre nous-mêmes aux États-Unis».
Nous commençons à nous tailler une place, mais quand on essaie de vendre des livres aux États-Unis, il faut compter avec l'infrastructure et passer par les éditeurs et la vente de droits... Je suis désolé, mais à New York, il n'y a que New York qui compte. Londres se tourne vers le monde entier, Tokyo se tourne vers le monde entier, Paris se tourne vers le monde entier, mais New York se tourne vers New York.
Voilà le problème auquel la plupart d'entre nous sont confrontés. Il est très difficile de vendre quoi que ce soit, à moins d'aller le vendre soi-même sur place. Et si l'on fait cela, on s'attaque à un marché difficile et il faut jouer gros. Il n'y a pas beaucoup de compagnies canadiennes qui ont les réserves voulues pour éponger les pertes qu'il faut parfois encaisser pour s'établir sur ce marché. Nous essayons actuellement de le faire, avec d'autres, et je vous le dis très franchement, nous n'aurions pu le faire sans le système de subventions destiné à appuyer l'épanouissement de nos programmes d'édition.
Merci.
Mme Hussey: Pourrais-je ajouter un mot à ce que Jack a dit?
Nous avons rencontré en tête-à-tête les principaux critiques de l'une des plus importantes revues américaines consacrées aux livres d'enfants. Cette publication, intitulée School Library Journal, est la plus importante revue dans ce domaine. Le rédacteur en chef du School Library Journal s'est assis droit devant nous, il nous a regardés dans les yeux et il nous a dit carrément qu'il y a trop de livres étrangers dans son pays, qu'ils ne sont pas intéressés, qu'il n'était pas question qu'ils nous ouvrent leurs colonnes pour publier des critiques de nos livres. Ils nous l'ont dit en pleine face.
Le président: Merci beaucoup d'avoir soulevé une question très importante et fort intéressante.
Y en a-t-il parmi vous qui estiment qu'on ne leur a pas donné tout le temps voulu pour exprimer vos préoccupations, directement ou au cours de la période des questions et réponses?
M. Pilon: J'ai une très brève question.
M. Bouchard - il est dommage qu'il soit parti - a soulevé une question intéressante au sujet du paiement par l'usager. Plutôt que de se contenter de subventions gouvernementales, pourquoi ne pas étudier d'autres possibilités?
Je voudrais dire un mot du projet de loi C-32, qui porte sur le droit d'auteur. La triste réalité est que certains partis d'opposition n'ont pas appuyé le gouvernement à l'égard du projet de loi C-32, qui est une excellente initiative visant à instaurer le recouvrement des coûts dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Le problème, c'est que le projet de loi C-32 est excellent en principe, mais qu'il comporte tellement d'exceptions qu'en fin de compte, l'usager n'aura pas grand-chose à payer. C'est un bon principe dans la mesure où l'usager paie vraiment. Peut-être que le gouvernement paiera moins et l'usager davantage.
Le président: Excellente observation.
J'allais proposer que chacun d'entre vous fasse une récapitulation en 30 secondes, mais je sais qu'en tant qu'artistes, vous prendrez des libertés, et j'invite donc chacun à résumer en cinq secondes le point qui vous semble le plus important et le message que vous voulez transmettre à notre comité ce soir.
[Français]
Monsieur Jean-Philippe Tabet.
M. Tabet: Nous avons un grand atout au Canada, soit une main-d'oeuvre particulièrement bien formée techniquement, mais qui a besoin d'un certain nombre de compétences en matière d'affaires. On a une main-d'oeuvre qui est extrêmement fondée sur le travail autonome.
Avant de quitter, j'aimerais livrer au comité le message suivant: on ne peut, sans risquer de graves conséquences, diminuer les compétences de cette main-d'oeuvre. C'est pour cela qu'il est important de ne pas miner l'infrastructure de formation au Canada.
[Traduction]
Le président: Pat Bradley.
Mme Bradley: Je voulais seulement vous rappeler qu'il n'y a pas un seul pays - j'allais dire «civilisé», mais peut-être que ce serait manquer de tact - il n'y a pas dans le monde un seul pays industrialisé dont le gouvernement ne fournit pas une aide extraordinairement généreuse aux arts et à l'épanouissement de la culture indigène. Parfois, cela se fait au moyen de subventions, comme en Europe; ailleurs, notamment aux États-Unis, on procède par encouragements fiscaux.
Nos voisins libre-échangistes au sud de nos frontières sont à certains égards beaucoup plus généreux envers les arts que nous ne le sommes. Nous sommes ambivalents et, à cause des compressions budgétaires, nous essayons de couper quelque part sans pour autant compenser ailleurs. C'est dangereux et nous allons perdre une partie de notre culture.
Le président: Merci, Pat Bradley.
Valerie Hussey, je vous prie.
Mme Hussey: Je voudrais réitérer ce que tous les autres ont dit: il faut reconnaître la nécessité d'une politique culturelle ferme et cohérente et prendre un engagement à cet égard.
Le président: Merci.
Paul Davidson.
M. Davidson: Je veux seulement rappeler aux membres du comité que l'Association des éditeurs canadiens a proposé un plan d'action en trois volets: rétablir et renouveler le financement du programme de développement de l'industrie de l'édition de livres; créer un nouveau programme de réserves pour pertes sur prêts, qui ne coûterait pas un sou de plus au gouvernement; et introduire des mesures structurelles à long terme, en conformité avec les engagements pris dans le Livre rouge.
Le président: Merci.
Jack Stoddart.
M. Stoddart: Ce matin, j'ai ouvert un journal et je suis tombé là-dessus. Je lis: «La valeur d'un engagement se mesure à l'aune de notre volonté de l'honorer». J'espère que le gouvernement entend honorer ses engagements dans le domaine de la culture. Merci.
Le président: Merci, monsieur Stoddart.
Monsieur McAvity.
M. McAvity: Mon souhait d'anniversaire, c'est la stabilité du financement et des encouragements fiscaux. Nous en avons décrit quelques-uns.
Le président: Merci beaucoup et joyeux anniversaire.
M. McAvity: Merci beaucoup.
Le président: Keith Kelly.
M. Kelly: Je voudrais dire que le secteur culturel, qui recouvre les arts et les industries culturelles, est tout à fait disposé à conclure un partenariat avec le gouvernement pour trouver de nouveaux moyens d'assurer la croissance et la vitalité du secteur culturel. Nous vous avons fait certaines recommandations. La principale porte sur une politique culturelle fédérale stable et cohérente.
Le président: Merci, monsieur Kelly.
Monsieur Crawley.
M. Crawley: L'appui structurel au secteur culturel rapportera toujours plus, autant sur le plan économique que culturel, que ce que l'on y investit. Il y a un élément qui ressort du mémoire de la CCA et auquel on a fait allusion à quelques reprises; c'est cette brillante idée que la culture est le troisième pilier de nos relations étrangères.
Tous les secteurs de notre industrie tirent aujourd'hui plus d'argent des exportations que jamais auparavant, ce qui répond aux questions que M. Benoit a posées, et il faut poursuivre dans cette voie, mais pour réussir, il faut mettre en place une politique nationale.
Le président: Merci, monsieur Crawley.
Brian Anthony.
M. Anthony: Merci, monsieur le président. L'année dernière, nous vous avons fait une présentation dans laquelle se trouvait une liste d'épicerie. Je vous invite, ainsi que vos collègues du comité, à vous reporter à cette liste.
Je vous renvoie aussi à un récent numéro de notre magazine Héritage Canada, qui se trouve dans votre trousse et qui renferme un article intitulé «Imposer le patrimoine». On y trouve aussi la plus grande partie des éléments qui figurent sur notre liste d'épicerie, et nous vous écrirons très bientôt, à vous et à vos collègues du comité, pour vous donner de plus amples détails.
Je voudrais vous rappeler qu'au moment où notre pays est en proie à une crise d'identité et s'interroge sur son avenir, notre patrimoine est un élément fondamental de notre identité, et cela comprend notre patrimoine culturel. Je dis cela pour appuyer mes collègues autour de la table, et nous tenons à vous remercier de bien vouloir prendre en considération nos interventions de ce soir.
Le président: Et plus John McAvity et moi-même avançons en âge, plus nous sommes conscients de la vérité de ce que vous venez de dire.
Douglas Franklin.
M. Franklin: Je veux seulement revenir sur ce que M. Anthony a dit, pour réitérer que rien ne nous plairait davantage que d'avoir des règles du jeu égales pour tous les intervenants au Canada, dans le domaine fiscal, pour protéger notre patrimoine.
Merci.
Le président: Merci.
Elizabeth McDonald.
Mme McDonald: Je voudrais rappeler qu'en 1996, le gouvernement a pris deux décisions très sages en instaurant le crédit d'impôt remboursable pour notre secteur et en créant le fonds de production canadienne pour la télévision et la câblodistribution. Nous croyons que ces deux mesures donneront un coup de pouce à notre secteur et seront économiquement rentables. Mais elles exigent la stabilité et un engagement, et nous demandons donc au gouvernement de prendre cet engagement et d'assurer cette stabilité.
Le président: Merci, madame McDonald.
Monsieur Pilon.
M. Pilon: Je crois avoir tout dit.
Le président: Bien, félicitations.
Monsieur Cloutier.
[Français]
M. Cloutier: Nous espérons que le gouvernement trouvera le moyen de faciliter notre accès au statut d'organisme de bienfaisance, cela pour la simple raison que c'est la seule façon pour nos communautés francophones de consommer tous ces produits culturels dont les gens ont parlé, et davantage ceux de langue française.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Brenda Chamberlain.
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Merci.
Je veux seulement dire que je suis vraiment ravie que vous soyez venus nous rencontrer ce soir. Je crois que la partie de la population que vous représentez est très importante pour le Canada.
Je suis certaine que chacun d'entre vous comprend les contraintes budgétaires qui pèsent sur nous et les problèmes que nous nous efforçons de surmonter. Je m'en voudrais de vous voir partir sans avoir au moins touché un mot de ce que M. Crawley a dit, à savoir que le secteur qu'il représente est prêt à vendre de la barbe à papa pour survivre, s'il le faut, et qu'il survivra. Je suis convaincue que c'est vrai de tous les gens que j'ai rencontrés, artistes, musiciens, le Festival de Stratford, le Festival de Drayton, car je suis une spectatrice assidue de ces festivals. Ces gens-là sont des entrepreneurs extraordinaires, ils sont animés d'une inébranlable volonté de survivre et ils sont prêts à tout faire pour pouvoir continuer à vivre de leur art et à contribuer à la vie canadienne.
Donc, même si nous avons beaucoup de problèmes que nous essayons de surmonter, nous sommes conscients de cela et nous espérons que nous pourrons prendre certaines mesures pour continuer d'aider les arts. Je crois que c'est très important.
Le président: Merci Brenda, c'était... Je crois que vous avez parlé en notre nom à tous.
Nous avons devant nous des gens qui représentent la radio, la télévision, le film, le disque, la vidéo, l'audio, le livre, le théâtre, la musique symphonique, la danse, les centres culturels de l'Ontario, les artistes, les éditeurs, les musées et le patrimoine. J'ignore ce que je pourrais avoir oublié - les écoles nationales, l'École nationale de ballet et l'École nationale de théâtre, les groupes qui représentent les artistes, les acteurs. Des millions de Canadiens travaillent directement dans les secteurs qui sont représentés autour de cette table, et beaucoup d'autres indirectement.
Nous savons que les arts et la culture... Comme vous l'avez dit, il ne faut pas beaucoup d'argent pour permettre à un artiste de travailler. On nous a dit qu'il ne faut pas énormément d'argent et d'appui pour faire en sorte que des publications ne cessent pas de paraître, mais elles sont fragiles. C'est un secteur très fragile. Je ne voudrais pas être investisseur si je m'intéressais seulement à l'argent. Mais ce que vous avez fait pour nous, sans même parler des emplois...
C'est Alexander Crawley qui a parlé des mérites intrinsèques de la culture. Nous n'avons pas vraiment examiné cette question parce que vous avez probablement estimé que nous n'avions pas le temps de le faire, mais je sais que chacun d'entre vous pourrait discourir avec éloquence sur ce que tout cela signifie pour vous et pour l'ensemble des Canadiens. Et je sais que tous les Canadiens, quand ils y réfléchissent, tirent une grande fierté des réalisations culturelles du Canada et des riches expériences culturelles qu'ils ont vécues, et qu'ils ne voudraient pas s'en passer.
Au bout du compte, la culture que nous adoptons contribue à nous définir en tant que peuple. Or, nous savons que la culture canadienne n'est pas toujours aussi florissante que nous le souhaiterions. C'est peut-être parce que nous n'avons pas veillé à alimenter notre culture autant que nous aurions dû le faire.
Vous nous avez présenté des arguments très convaincants. Vous avez accepté le fait qu'il est nécessaire de réduire les subventions et l'ampleur générale des programmes, et vous êtes venus nous demander... Eh bien, si l'on ne peut pas le faire par des subventions, même si nous avons peut-être besoin de quelques petites subventions dans certains cas, au moins donnez-nous les outils nous permettant de trouver nous-mêmes l'argent nécessaire, donnez-nous les allégements fiscaux, donnez-nous des règles égales pour tous, donnez-nous des possibilités de faire bouger les choses, grâce à notre performance et à notre force d'attraction.
Vous avez évoqué un certain nombre de ces encouragements fiscaux. Comme nous l'avons fait l'année dernière au comité, je propose que nous recommandions cette année des allégements fiscaux plus importants qui nous aideront à prendre le relais des programmes que nous avions dans le passé et auxquels nous avons mis fin. Je vous ai entendu haut et clair. Il vous faut un financement suffisant, stable, pluriannuel et une politique culturelle cohérente. Nous sommes un très grand pays très peu densément peuplé et nous devons faire concurrence à nos voisins du Sud - c'est ce que nous a ditM. Kelly. Nous sommes tellement chanceux d'être Canadiens. Célébrons notre identité canadienne par l'entremise de nos industries culturelles.
Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le président: La séance est levée jusqu'à convocation de la présidence.