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OPINION DISSIDENTE DU BLOC QUÉBÉCOIS

Rapport du Comité des Finances


Le Livre blanc sur l'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières

INTRODUCTION

Le Bloc Québécois est en profond désaccord avec plusieurs recommandations incluses dans le rapport majoritaire du comité des Finances, rapport faisant suite au Livre blanc sur l'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières. Ce rapport nous démontre encore une fois que, pour le gouvernement fédéral, simplification et dédoublement sont des synonymes, et qu'harmonisation signifie ingérence.

Nos principales objections concernent la création d'une Commission nationale des valeurs mobilières (CNVM), ainsi que l'ingérence dans un champ de compétence provinciale que représente la création d'un Bureau fédéral de la protection des consommateurs.

LA CRÉATION D'UNE COMMISSION NATIONALE DES VALEURS MOBILIÈRES

L'instauration d'une CNVM par le fédéral constituerait une intrusion sans précédent dans un champ de compétence exclusivement provincial. Le gouvernement fédéral s'approprierait ainsi un important levier économique, et cela se ferait au détriment de Montréal, puisque cette Commission nationale serait située à Toronto.

La Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) compte près de 120 emplois permanents directs et près de 15 000 courtiers et conseillers inscrits. Elle gère un budget d'un peu plus de huit millions de dollars, et émet plus de 1570 visas de prospectus, par année. La Bourse de Montréal a échangé un volume de 2,9 milliards d'actions en 1995, totalisant tout près de 39 milliards de dollars. La création d'une CNVM créerait un préjudice certain à la CVMQ, car elle drainerait les meilleurs courtiers, conseillers, avocats et analystes financiers du Québec vers l'Ontario.

Les libéraux tentent de mettre sur pied une CNVM uniquement pour répondre aux pressions politiques des financiers de Toronto, car rien ne justifie que l'on instaure une telle commission. En effet, il y a une alternative viable consistant à terminer la mise en place du système SEDAR (System for Electronic Document Analysis and Retrieval), système élaboré et mis au point par les commissions des valeurs mobilières provinciales. Grâce à ce système, un entrepreneur qui désire émettre des titres dans plusieurs provinces en même temps n'aura à s'adresser qu'à un seul endroit pour soumettre son prospectus dans toutes ces juridictions.

L'argument des libéraux voulant que les provinces ne soient pas obligées de participer à la CNVM, et qu'elles pourraient en conséquence garder leur propre Commission provinciale, est un argument qui dépasse l'entendement. Nous savons tous que si une Commission nationale est mise sur pied, elle aura de facto préséance sur les commissions provinciales, et l'effet sera le même: la mort des commissions provinciales et l'exil des meilleurs éléments du secteur financier de tout le pays vers Toronto.

Par conséquent, il est hors de question, pour le Bloc Québécois, de laisser le fédéral mettre de l'avant un tel projet. C'est une intrusion dans une juridiction provinciale qui porterait un coup fatal à l'économie de Montréal.

BUREAU FÉDÉRAL DE LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Le gouvernement fédéral prétend vouloir réduire les chevauchements et les dédoublements, alors que son Livre blanc et le rapport de la majorité libérale sont truffés de mesures qui augmentent ces duplications. Un exemple éloquent est la création d'un Bureau fédéral de la protection des consommateurs.

Le Bloc Québécois n'est pas contre les mesures qui protègent les renseignements personnels des individus. Mais il tient à rappeler que des lois à cet effet existent déjà au Québec (protection du consommateur, protection des renseignements personnels, lois sur les assurances, sociétés de fiducie, caisses d'épargne, de crédit et de valeurs mobilières, et, éventuellement, une loi sur la distribution des produits et services financiers). La création d'un Bureau de la protection des consommateurs est susceptible de créer de nouveaux chevauchements réglementaires avec les mesures déjà prises par Québec dans ce domaine qui, après tout, relève de la compétence provinciale.

Qui plus est, en créant un "Bureau de protection des consommateurs qui instruirait les plaintes relatives aux violations de la vie privée et à la vente liée" (Rapport majoritaire, page 2), le gouvernement fédéral ne ferait qu'amplifier les problèmes qu'il prétend vouloir régler. On demande aux clients d'y dénoncer leur gérant de banque (ou tout autre employé de leur institution financière) en cas de violation de la protection de leurs renseignements personnels, ce qui mettrait toute la pression sur les victimes et non sur les coupables. Selon toute vraisemblance, peu de gens oseront porter plainte, car ils risqueraient trop.

Aussi, le Bloc Québécois demande au gouvernement fédéral de ne pas s'immiscer davantage dans les compétences provinciales en instaurant un tel Bureau de protection des consommateurs.

LE RÉGIME D'AUTORISATION D'ACCÈS AUX BANQUES ÉTRANGÈRES

Une banque étrangère ne peut faire affaires au Canada que par l'intermédiaire de ses filiales (qui sont des institutions financières de régime fédéral), sauf dans le cas où elle ne veut mener que des activités de valeurs mobilières. Dans un tel cas, elle pourrait alors opérer au Canada par l'intermédiaire d'un courtier en valeurs mobilières. Par contre, afin que cette filiale de courtage en valeurs mobilières puisse débuter ses activités, la banque étrangère devra obtenir l'accord du ministre fédéral des finances, même si les valeurs mobilières sont du ressort provincial! Le Bloc Québécois demande que cette situation soit corrigée afin que la juridiction provinciale soit respectée.

CONCLUSION

L'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières est un exercice très sérieux auquel collabore le Bloc Québécois de façon consciencieuse et en toute bonne foi. Mais nous sommes désolés de constater que le gouvernement fédéral utilise cette occasion pour poursuivre ses intrusions dans des champs de compétence dévolus aux provinces, alors qu'il tient par ailleurs un discours de décentralisation et de simplification de l'appareil fédéral. Cet exercice démontre encore une fois que nous ne pouvons pas croire le gouvernement fédéral lorsqu'il s'engage à éliminer les chevauchements et à harmoniser ses pratiques avec les provinces. Ces promesses, lorsqu'elles se réalisent, se font toujours sur le dos des provinces qui doivent céder du terrain à un gouvernement de plus en plus centralisateur.

En conséquence, l'Opposition officielle demande au gouvernement fédéral:

1) de renoncer à son projet de création d'une Commission nationale des valeurs mobilières;

2) de laisser les provinces gérer la protection des consommateurs, puisque ce domaine relève de leur responsabilité;

3) de laisser aux juridictions provinciales le soin de permettre aux filiales étrangères de courtage de faire affaires ou non sur leur territoire, puisque cela relève de leur compétence exclusive.

Les députés du Bloc Québécois, le 31 octobre 1996.



Monsieur Yvan Loubier
Député de St-Hyacinthe-Bagot

Monsieur Richard Bélisle
Député de La Prairie

Monsieur Yves Rocheleau
Député de Trois-Rivières

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