[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 juin 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui trois de nos éminents ambassadeurs, M. Garrett Lambert, haut-commissaire à Hong Kong, M. Jeremy Kinsman, notre ambassadeur en Russie, et M. Howard Balloch, notre ambassadeur en Chine.
Messieurs, je sais que vous êtes en ville pour une conférence, et nous apprécions énormément que vous ayez pris le temps de venir nous parler. Nous sommes impatients d'échanger avec vous.
Si je ne m'abuse, on a proposé que M. l'ambassadeur Balloch prenne la parole avantM. Lambert. Il serait préférable d'aller en Chine en premier et à Hong Kong en second, au lieu de l'inverse. Ensuite, nous irons en Russie.
Merci beaucoup.
M. Howard Balloch (ambassadeur du Canada en Chine): Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je devrais d'abord dire que j'ai soumis au personnel un sommaire de la situation actuelle en Chine et un sommaire de notre politique en ce qui a trait aux droits de la personne. Je crois que c'est le sujet sur lequel se concentre le comité. Étant donné que j'ai distribué le document, je ferai simplement quelques commentaires. Je suis prêt à répondre aux questions au sujet des droits de la personne au sujet d'autres questions ayant trait à la Chine.
[Traduction]
Disons, d'entrée de jeu, qu'il faut absolument envisager les droits de la personne en Chine dans le contexte des changements très importants qui y ont cours aujourd'hui. Nous sommes maintenant dans la huitième année de la plus longue période de continuité politique en Chine depuis le début des guerres de l'opium il y a 150 ou 160 ans. Il s'agit de la plus longue période de stabilité qu'a connue le peuple chinois depuis cette époque.
La réforme amorcée en décembre 1978 était surtout d'ordre économique. L'objectif était de commencer à démanteler le régime communiste, à passer à une économie de marché et à s'ouvrir à la communauté internationale.
Aujourd'hui, près d'une génération plus tard, les avantages de la réforme sont évidents dans toute la Chine et sont extrêmement répandus. Pour la première fois depuis très longtemps, le lot du citoyen chinois ordinaire s'améliore de jour en jour. La capacité de l'État de contrôler le peuple a diminué. Elle n'a pas entièrement disparu, mais les structures établies dans les années 50 après la création de la République populaire ne sont plus en place, et les gens sont libres de choisir leur propre avenir économique. Ils sont libres de choisir l'endroit où ils souhaitent étudier. Ils sont libres d'obtenir l'emploi de leur choix, c'est-à- dire qu'ils peuvent se faire concurrence pour des postes dans le secteur de l'État, le secteur public, ou le secteur privé. Ce sont des libertés dont jouit le peuple chinois depuis peu de temps.
Ils ont beaucoup plus de libertés aujourd'hui qu'ils n'en ont jamais eu auparavant, liberté d'expression intellectuelle, liberté d'association, liberté de mouvement et d'autres libertés non menaçantes, si vous voulez, du point de vue de l'État.
Dans la foulée des améliorations économiques liées à la réforme, la société s'est transformée en profondeur. Récemment, nous avons commencé à déceler certains changements qui laissent croire qu'on a commencé à semer les germes d'une société civile. L'année dernière, au cours du Congrès national populaire tenu en mars, on a apporté au droit pénal chinois des changements qui, pour la première fois dans l'histoire de la Chine, font place à la présomption d'innocence et au droit d'être représenté par un avocat et interdisent l'arrestation ou la détention arbitraire. Bien que nous ne sachions pas encore quelles incidences ces changements juridiques auront sur la société et la jurisprudence chinoises, il se pourrait qu'ils modifient fondamentalement la nature de la société chinoise.
Parallèlement, nous avons constaté une certaine fragmentation du pouvoir politique en Chine, le parti perdant certains pouvoirs au profit des institutions d'État, et les provinces en gagnant par rapport à l'État. À l'heure actuelle, nous sommes en présence d'un partage plus équilibré des pouvoirs entre les ministères centraux à Beijing, d'un meilleur équilibre entre les provinces et le centre, où les décisions se prennent de plus en plus par consensus plutôt que par simples diktats.
Peut-être en partie à cause de la hausse du niveau de vie du citoyen moyen attribuable à la réforme économique, il n'y a pas à l'heure actuelle de mouvement de dissidence important, ni de fomentation intellectuelle qui pourrait être considérée comme une menace pour le régime. Néanmoins, lorsque l'État, le parti ou l'Armée de libération populaire estime que sa légitimité est minée ou menacée, ou que l'unité du pays est remise en question, l'État continue de réagir par la répression et la brutalité caractéristiques de l'interaction traditionnelle entre l'État et l'individu. Or, ces mesures répressives sont maintenant réservées à des occasions où l'État sent sa légitimité ou l'unité du pays menacée.
Il y a manifestement de nombreuses faiblesses dans la société chinoise, et le gouvernement chinois est tout à fait conscient d'un grand nombre d'entre elles. Il y a notamment la disparité entre les riches et les pauvres. Il y a la disparité entre la côte et l'intérieur. Il y a des disparités énormes et croissantes entre le secteur du marché, le secteur privé et le secteur de l'État, disparités qu'il faudra régler dans les prochaines années si l'on ne veut pas qu'elles commencent à déstabiliser la société chinoise. La corruption et le crime sont de plus en plus répandus, quoique le régime chinois mène à l'heure actuelle une vaste campagne anti-corruption.
Voilà la toile de fond sur laquelle se joue notre politique des droits de la personne. La promotion des droits de la personne est une de nos priorités dans nos relations avec la Chine. Dans le document que j'ai fait distribuer, j'ai recensé les instruments d'engagement, comme nous les appelons, c'est-à-dire la façon dont nous traitons avec la Chine dans le dossier des droits de la personne.
Nous avons avec la Chine un dialogue sur les droits de la personne qui a cours à tous les niveaux. Lorsque le premier ministre a rencontré le premier ministre Li Peng ou le président, il a soulevé des préoccupations générales et individuelles au sujet des droits de la personne. Nous avons décidé que la meilleure façon de faire avancer les choses était de soulever discrètement ces préoccupations au lieu de se borner à faire des discours à ce sujet.
Chose très importante, nous collaborons avec la Chine à de multiples projets susceptibles de donner un coup de pouce aux changements systémiques qui, à notre avis, sont en train de se produire en Chine et qui amélioreront le respect des droits de la personne à long terme. Nous avons notamment aidé la Chine dans la réforme de son droit pénal. Nous participons à la formation de procureurs, d'avocats et de juges. Certains projets auxquels nous participons visent à améliorer l'administration aux niveaux local et régional. Nous sommes aussi engagés dans un projet visant à améliorer la mise en oeuvre d'une loi assez avant-gardiste concernant les femmes. Nous avons des échanges avec des groupes en Chine, des universités ici au Canada, la Société royale du Canada, divers barreaux ici au Canada, la Commission canadienne des droits de la personne, etc. Nous avons contribué à mettre au point en Chine un système de surveillance des élections au niveau local. Au niveau local, et au niveau local seulement, il y a des élections libres et équitables en Chine. Au-delà de ce palier, elles ne le sont pas.
Notre démarche face au respect des droits de la personne en Chine reconnaît que le changement systémique est lent. Nous croyons que des changements sont en cours à l'heure actuelle et que grâce à notre engagement nous pouvons favoriser ce courant. Comme je l'ai déjà dit, c'est là un volet important de notre politique à l'égard de la Chine.
[Français]
Je crois que c'est assez pour le moment. Je suis prêt à répondre à vos questions si vous en avez, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Balloch.
[Traduction]
Nous allons maintenant donner la parole à M. Lambert, qui nous présentera un exposé connexe sur Hong Kong. Comme vous le savez, M. Patten est venu récemment à Ottawa, et certains membres du comité ont eu l'occasion de le rencontrer. Martin Lee est aussi venu dans la capitale et a lui aussi rencontré individuellement certains membres du comité.
Monsieur Lambert.
M. Garrett Lambert (commissaire du Canada à Hong Kong): Merci, monsieur le président. J'ai déposé une déclaration liminaire que je n'ai pas l'intention de lire, étant donné que le temps nous est compté. Je me bornerai à en mentionner les faits saillants.
Dans le coin droit inférieur de ce vaste continent qu'est la Chine, qui abrite 21 p. 100 de la population mondiale sur une superficie égale à celle du Canada, se trouve Hong Kong, avec ses6,2 millions d'habitants. Hong Kong génère un PIB qui représente presque le quart de celui de la Chine. Hong Kong est le troisième centre financier du monde.
Pour nous, c'est un important partenaire économique. Les investissements dans les deux sens sont loin d'être insignifiants. Hong Kong investit des milliards de dollars au Canada. Il s'agit de dépenses d'investissement qui fructifient et créent des emplois. Il y a aussi des milliards de dollars d'investissements canadiens à Hong Kong qui génèrent des profits. Hong Kong, après Tokyo, est le plus important titulaire de la dette canadienne en Asie, avec des titres de créance d'environ23 milliards de dollars. C'est aussi un excellent partenaire, étant donné que c'est un créditeur très stable.
Tout le monde à Hong Kong est un réfugié de la Chine, et c'est ce qui rend la transition de l'année prochaine si difficile et cause autant de problèmes à ses habitants. Tous ceux qui sont là ont fui quelque chose en Chine. Ils ont fui la répression ou ont fui en quête d'un meilleur avenir économique. Traditionnellement, la plupart des Chinois qui vivaient à Hong Kong considéraient la ville comme un camp de réfugiés, un camp de transit, un endroit où l'on va, où l'on se pose pendant un certain temps, où l'on gagne de l'argent, pour ensuite en partir.
Ce phénomène a changé depuis les deux dernières générations. Il y a des gens qui aimeraient continuer à vivre à Hong Kong et y bâtir leur avenir, ainsi que celui de leurs enfants ou de leurs petits-enfants, mais ils sont très nerveux au sujet de ce que l'avenir leur réserve.
En conséquence, et particulièrement à la suite des événements survenus en 1989 sur la place Tiananmen, il y a eu une énorme vague d'intérêt pour le Canada comme point de chute. Nous avons reçu quelque 20 000 demandes familiales d'immigration au Canada immédiatement après le massacre de Tiananmen, et il nous a fallu pratiquement cinq ans pour passer au travers de cet arriéré, que nous avons éliminé à l'été 1994. Cela dit, les demandes continuent à affluer, et, l'année dernière, 30 p. 100 de tous les immigrants au Canada étaient de Hong Kong.
Voici une autre statistique intéressante, qui ne figure pas dans le document. L'année dernière, 86 p. 100 de tous les immigrants au Canada étaient originaires d'Asie. Ce pourcentage aurait été de plus de 90 p. 100 n'eût été les réfugiés de la Bosnie-Herzégovine. L'«asianisation» du Canada est un phénomène social très intéressant qui a des répercussions énormes. Son incidence est encore plus grande que ne le laisse entrevoir ce simple pourcentage, en raison de la concentration géographique de cette vague d'arrivants. À l'heure actuelle, 30 p. 100 environ des habitants de la région de Vancouver sont d'origine asiatique, la plupart des Chinois, et on compte plus de 350 000 Chinois à Toronto seulement.
Et le flot continue. Je m'attends à ce que cette année nous en accueillions environ le même nombre que l'année dernière, soit 30 000 ou 31 000 personnes.
Ce qui est intéressant, c'est que la nature des immigrants change: il y a moins de personnes qui viennent rejoindre leurs familles et plus d'immigrants indépendants compétents, scolarisés et parlant notre langue, sans compter qu'ils ne manquent pas d'argent. Ce sont des immigrants de la plus haute qualité possible.
Depuis 15 ans, environ 500 000 d'entre eux sont venus au Canada, et le fait que nous ayons pu les absorber avec autant de facilité, avec aussi peu de perturbations et de désagréments montre qu'ils sont capables de s'intégrer à la société canadienne. Ils nous ont influencés de façon positive, mais ils ont aussi su modifier leurs propres coutumes pour adopter ce que nous pouvions leur offrir de meilleur. Nos rapports avec Hong Kong sont tellement étroits que ses citoyens s'attendent à ce que nous les aidions. Leur regard se tourne vers le Canada spécifiquement.
Monsieur le président, vous avez mentionné deux visites qui viennent d'avoir lieu. Le premier ministre s'est rendu à Hong Kong. Je dirais que la moitié du Cabinet est allé à Hong Kong.M. Axworthy doit s'y rendre d'ici quelques semaines, et il y a aussi d'autres visites prévues. Hong Kong est un élément très important de la politique étrangère canadienne, et 500 000 Canadiens originaires de Hong Kong vont veiller à ce que cela continue.
Nous essayons de déterminer comment les choses vont tourner, et la meilleure réponse que je peux vous donner, c'est que si les habitants de Hong Kong prennent leur destinée en main et exercent l'autonomie que leur confère la déclaration commune, soit le traité signé entre la Chine et la Grande-Bretagne en 1984, traité qui a ensuite été codifié dans la législation chinoise, ils devraient pouvoir tirer leur épingle du jeu. Mais en tant que membre de la communauté internationale et, plus précisément, en tant que partenaire bilatéral privilégié de Hong Kong, nous devons être vigilants et diligents pour nous assurer que les droits qui leur ont été accordés seront respectés.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le haut-commissaire.
À propos de toutes les personnes qui vont à Hong Kong, je dois vous dire que le président de l'université dont je suis actuellement détaché semble passer plus de temps à Hong Kong que n'importe où ailleurs.
M. Lambert: Ils sont très généreux.
Le président: Je soupçonne que ce ne sont pas seulement les ministres du Cabinet qui vont à Hong Kong à partir du Canada. De façon générale, les collecteurs de fonds semblent faire de nombreux allers et retours.
Nous accueillons maintenant l'ambassadeur Kinsman, de Moscou. Je dois dire, monsieur l'ambassadeur, que vous recevez probablement plus de courrier des députés que la plupart des ambassadeurs. Nous vous sommes tous reconnaissants de l'aide que vous avez accordée à nos divers bureaux. Personnellement, je sais que vous avez été très utile dans le dossier mettant en cause les droits fondamentaux de Semyon Lipshits et dans divers autres dossiers où vous avez, je crois, contribué à faire avancer les choses dans un climat très difficile.
Je vous souhaite la bienvenue et j'ai hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire.
M. Jeremy Kinsman (ambassadeur du Canada en Russie): Merci, monsieur le président.
[Français]
Le comité m'a demandé de parler du Conseil de l'Arctique, ce que je pourrai faire plus tard. Je vais commencer par parler des élections qui ont eu lieu en Russie dimanche. Je parle, bien sûr, à titre personnel et je vous fais part d'impressions tout à fait personnelles.
Deux choses sont à souligner à propos de ces élections: le point de vue canadien et le point de vue mondial. D'abord, les élections ont eu lieu et elles ont été propres. Il n'y a pas eu de fraude. Deuxièmement, les communistes n'ont pas gagné et, à mon avis, ils ne gagneront pas au deuxième tour. Ce sont là d'excellentes nouvelles.
Cependant, je ne sais pas si cela clarifie beaucoup l'avenir de la Russie. Cela ne veut pas nécessairement dire que tout ira bien éternellement en Russie. Comme vous le savez, c'est une situation extrêmement compliquée. C'est une société qui a entrepris une transformation à la fois économique, politique et psychologique. C'est probablement la transformation la plus complexe jamais entreprise volontairement par une société en temps de paix dans le monde.
Je crois qu'ils méritent un certain respect pour leur courage dans cette entreprise. De plus, je dois vous rappeler qu'ils ont été, en tant que peuple, traumatisés récemment par des chocs successifs. Je pense d'abord au coup d'État contre Gorbatchev. Je me souviens très bien de la violence contre leur Parlement et à l'intérieur du Parlement, en octobre 1993, et de la véritable tuerie dans les rues de Moscou. Je pense aussi à la guerre très cruelle et humiliante pour les Russes en Tchétchénie.
De plus, des millions d'individus parmi les plus vulnérables de la société ont subi des chocs à cause de la shock therapy de la réforme économique.
[Traduction]
J'ai de bonnes et de mauvaises nouvelles.
Si vous avez un instant, j'aimerais vous raconter ce qui nous est arrivé, à ma femme et à moi-même, au marché de Moscou. Je n'avais rien à faire cet après-midi-là. J'étais planté là, vêtu d'un complet. J'étais la seule personne en complet. Voilà qu'un type s'approche de moi, armé d'un pistolet qu'il me pointe dans l'estomac, et qu'il commence à marmonner quelque chose en russe. Je ne comprenais pas très bien ce qu'il disait. Ma femme, qui parle couramment le russe, en tout cas beaucoup mieux que moi, était en train d'examiner des pêches. Elle s'est retournée, a souri au type et lui a dit: «Non merci, nous ne voulons pas acheter de fusil aujourd'hui.»
Des voix: Oh, oh!
M. Kinsman: Tout cela pour vous dire que les bonnes et les mauvaises nouvelles viennent toujours ensemble. D'une part, il y a maintenant une économie de marché, mais, d'autre part, qu'est-ce qu'ils ont à vendre?
Des voix: Oh, oh!
M. Kinsman: Ainsi va la vie en Russie, monsieur le président. Les Russes ont fait certaines choses tout à fait extraordinaires, comme libérer les rênes du pouvoir, instaurer la liberté de la presse et la liberté de parole, responsabiliser les gens, les entreprises et les particuliers. Soixante-dix pour cent de l'économie est maintenant privée. Je pense que ce chiffre est plus élevé qu'en Italie. Les finances sont relativement saines. Ils ont réduit l'inflation, qui est passée de plusieurs milliers de points de pourcentage par année à environ 3 p. 100 par mois, actuellement. Des pas de géant ont été faits à l'égard des éléments de base. L'armée n'est plus une menace.
Le revers de la médaille, c'est que le PNB a baissé de 30 p. 100. L'épargne personnelle des honnêtes gens a été anéantie par l'inflation en 1992-1993. Partout, les honnêtes gens voient des gens malhonnêtes s'enrichir. Les services sont affreux. L'espérance de vie est à la baisse; pour un homme russe, elle est maintenant de 57 ans, alors qu'elle était auparavant de 63 ans. C'est une baisse sans précédent dans un pays industrialisé. Le coût des funérailles a monté en flèche. Les vieillards sont dans la misère. Le crime est omniprésent. Et puis la Tchétchénie... Enfin, vous savez tout cela.
En décembre, il y a eu des élections. Certains de vos collègues sont allés en Russie pour observer les élections. À l'occasion de ces élections, il y a eu un important vote de protestation, les gens trouvant que la thérapie de choc donnait un choc trop fort et n'avait pas assez à offrir en fait de thérapie. Depuis décembre, Eltsine a compris ce message fondamental.
Eltsine défend trois choses tout à fait fondamentales. D'abord, il est en faveur des élections. Depuis que je suis en poste là-bas, soit quatre ans, à chaque élection les gens disent qu'il va annuler les élections, mais il ne le fait jamais. Il est partisan des élections; c'est un point fondamental. Il est en faveur de la liberté de la presse et de la liberté de parole. On s'interroge sur la liberté de la télévision, mais, fondamentalement, il est en faveur de cela. Et puis, il est en faveur de la propriété privée, en ce sens qu'il incombe à chacun de se tailler une place et que chacun a le droit de travailler de façon autonome pour son propre compte. Et les Russes sont d'accord avec cela, à une majorité écrasante.
Mais c'est une transition très difficile, et, à cause de la difficulté de la transition, et à cause des coûts, les personnes les plus durement frappées, c'est-à-dire les vieillards et les habitants des villes où il n'y a qu'un seul employeur, aux quatre coins du pays, ont besoin d'une aide pour assurer la transition. C'est là-dessus que portait l'élection. Elle portait sur le rythme du changement, l'impact du changement, et sur les sous-produits du changement, comme le crime.
Le thème n'était pas l'empire perdu, ce n'était pas la Russie. Bien sûr qu'il y a un sentiment de regret, mais il ne s'agissait pas de rétablir l'Union soviétique, même si les communistes ont parfois donné l'impression que tel était le cas. Ils se sont trompés sur les sentiments des gens. Ils avaient raison quant au mécontentement généralisé. Ils se sont servis de certaines questions sérieuses. Bien des gens avaient de bonnes raisons de voter pour eux. Ziouganov avait des avantages indéniables. Il est politiquement très fort comme démarcheur, pour le porte à porte, et il avait un adversaire très impopulaire.
Ces dernières années, Eltsine a été isolé. Je vous donne mon opinion personnelle, bien sûr. Les citoyens ont vu qu'on lui désobéissait, qu'il était mal informé, malade, et parfois pas très présentable en public. Il a retourné la situation en sa faveur. Il a visé juste sur un point: les communistes ne pouvaient pas élargir leur base électorale au-delà du groupe des vieillards qui voulaient le retour des communistes pour utiliser l'intervention étatique en leur faveur afin d'atténuer l'incidence négative du changement. Autrement dit, Ziouganov ne pouvait pas élargir son mouvement pour le transformer en un mouvement social démocrate.
Et Eltsine a jugé que s'il pouvait se reprendre en main et neutraliser la Tchétchénie comme cause perdue, il pourrait probablement gagner. Il a prêché la stabilité, a rassuré les gens et a préconisé l'amélioration dans la continuité, étant même amené à s'humilier quelque peu en démontrant sa propre capacité de changer. Il a exprimé sa confiance en l'avenir. Les communistes donnaient l'image contraire. Ils étaient englués dans le passé, et leur campagne a été négative.
Il a jugé que l'aversion des gens à son égard, aussi grande soit-elle, serait toujours moins vive que la crainte de redonner le pouvoir aux communistes, d'une part, et la crainte que ces derniers ne soient en fait réactionnaires, ce qui ne ferait qu'exacerber le traumatisme subi par les gens, d'autre part.
Il s'est donc repris en main, a réussi à mettre de l'ordre dans ses affaires et a fait revenir pour diriger sa campagne des réformateurs qu'il avait congédiés antérieurement. Je peux en témoigner. Il a utilisé la télévision brillamment. Il a utilisé des techniques politiques modernes que vous connaissez bien. Il a utilisé des groupes témoins et autres techniques de ce genre et a réduit son calendrier à trois activités par jour. Il a fait de la télévision une tribune d'actualités, au lieu d'un simple défilé de têtes parlantes, tandis que Ziouganov ne savait pas comment se servir de la télévision; en fait, il méprisait la télévision, et ses performances télévisées étaient très mauvaises. On a dit qu'il n'y avait pas accès, mais comme il était tellement mauvais, s'il y avait eu davantage accès, je ne vois pas en quoi cela aurait pu l'aider.
Eltsine est arrivé premier, ce qui était son but. Maintenant, j'ignore si vous avez entendu les nouvelles aujourd'hui, mais il a fait entrer le général Lebed dans son gouvernement à titre de président du conseil de sécurité, et comme le principal thème de Lebed est la probité et la lutte contre la corruption et contre le crime, cela aidera certainement Eltsine énormément à franchir la barre des 50 p. 100.
Ma crainte personnelle quant à l'avenir, c'est de savoir si ce bon Eltsine que nous avons vu sera le président de la Russie au cours des prochains mois et des prochaines années, ou bien s'il est susceptible d'abandonner ses conseillers honnêtes et directs pour replonger dans le copinage et cette forme de gouvernement médiocre que nous avons vu il y a un certain temps.
Je pense que notre tâche, je veux dire la tâche de l'Occident, c'est de soutenir notre engagement en Russie, d'inciter les Russes à poursuivre dans la bonne voie. Le choix qu'ils ont opéré il y a plusieurs années a changé notre monde, pour de bon, espérons-le. La Russie n'est pas l'URSS. Les Russes ne sont pas en faveur d'un retour au passé, je ne le crois pas. Nous devons nous détourner du passé. Ils vont le faire à leur façon, comme le disait la rengaine de Sinatra. Ils ne le feront pas à notre façon, et cela leur prendra un certain temps. C'est dur, ce n'est pas toujours très joli, mais probablement que ça va marcher; du moins espérons-le.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur.
Je pourrais peut-être amorcer la période des questions en vous interrogeant sur une question précise dont le comité a été saisi récemment. Il a en effet été question d'un certain M. Alexandre Nikitin, qui était ou qui est, semble-t-il, un ex-officier de l'armée qui s'intéresse aux questions environnementales, et en particulier à l'immersion de déchets nucléaires dans l'Arctique, question qui nous intéresse particulièrement à cause de notre étude, et qui a cherché à émigrer au Canada et qui se trouve maintenant en prison.
Certains ont insinué que la teneur de l'entrevue qu'il a eue à l'ambassade avec l'agent d'immigration a été d'une façon ou d'une autre communiquée à la police très secrète qui l'a arrêté. J'ignore si vous avez quelque chose à nous dire à ce sujet. Le comité envisageait d'adopter une motion en vue d'écrire à l'ambassadeur de la Russie et aux dirigeants russes pour les exhorter à libérer M. Nikitin. Peut-être pourriez-vous nous aider si vous avez le moindre renseignement sur cette affaire.
M. Kinsman: Bien sûr. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vous en parlerai à titre strictement personnel.
J'admire Alexandre Nikitin. Il était commandant de sous-marin dans la marine russe et, à ce titre, il a participé à un programme militaire ultrasecret, à l'aune des opérations soviétiques. C'est leur dada, et ils ne s'en privent pas.
Il a démissionné. Que ce soit par conviction personnelle, ayant décidé qu'il voulait consacrer le reste de sa vie à ces questions, ou parce que c'était un emploi qui tombait à point nommé, il s'est retrouvé à l'emploi d'un groupe écologiste norvégien qui est très activiste, à la fine pointe du combat. Ce groupe fait du bon travail et s'intéresse principalement, comme vous l'avez dit, à l'environnement dans la région située entre la Norvège et la Russie, dans le Grand Nord, près de Mourmansk, où se trouvent des bases de sous-marins. Ce groupe se préoccupe surtout de la dégradation des réacteurs nucléaires qui sont à bord des sous-marins amarrés à quai.
Les demandes d'émigration au Canada sont régies par la Loi sur la protection des renseignements personnels, de sorte que je ne peux pas vraiment vous en parler, sauf pour dire que je sais que Mme Nikitin a déclaré aux journalistes que son mari a bien sûr fait une demande d'émigration au Canada. Je pense qu'il aurait fait un très bon immigrant. Je ne crois pas que cette demande ait quoi que ce soit à voir avec son arrestation par les services de sécurité russes.
Quant à savoir si quelqu'un a eu vent de l'entrevue ou si sa teneur a été communiquée aux autorités russes, évidemment, je n'en sais rien. Comme vous, j'ai lu les allégations de Mme Nikitin à cet égard.
D'après son organisation, il n'a enfreint aucune loi dans le cadre de son travail. Son procès est imminent. Nous allons le suivre de très près. Nous allons essayer de faire en sorte que ce soit un procès juste, bien sûr. S'il y a des preuves contre lui, s'il a enfreint d'une façon ou d'une autre leur loi sur le secret, ce qui est la teneur de l'accusation contre lui, il leur faudra le prouver. S'ils ne parviennent pas à le prouver, alors il semble assurément que nous soyons en présence d'un cas tout à fait légitime pouvant donner lieu à des protestations énergiques pour des motifs humanitaires et politiques.
Le président: Merci.
Monsieur Mills.
M. Mills (Red Deer): J'ai plusieurs brèves questions.
Au sujet de la Chine, la situation de la famille et le chômage semblent deux dossiers de plus en plus préoccupants dans ce pays. Est-ce encore le cas? Le chômage devient-il de plus en plus préoccupant dans ce pays, et la famille, la cellule de la société, semble-t-elle en voie de s'affaiblir à cause du taux de croissance, etc.?
M. Balloch: J'ai deux commentaires à faire, parce que ce sont vraiment deux questions tout à fait distinctes.
Premièrement, au sujet du chômage, il y a une croissance énorme de l'emploi en Chine depuis 10 ou 15 ans. En même temps, un grand nombre de gens ont quitté la terre parce que le secteur agricole a exigé un degré supérieur d'efficience avec l'avènement des forces du marché. Cela a incité un grand nombre de personnes, peut-être autour de 60 à 80 millions, à quitter la terre pour aller s'installer dans les villes de Chine, où ils travaillent dans le bâtiment, souvent à temps partiel. Il y a donc un certain chômage, mais dans l'ensemble, pour le moment du moins, l'économie réussit bien à absorber ce chômage.
La grande menace du chômage plane si l'on assujettit tout le secteur étatique, c'est-à-dire l'immense industrie lourde établie au cours des années 1950 et 1960, aux lois du marché. Cela entraînerait des mises à pied massives, ce qui préoccupe énormément le gouvernement chinois. De même, il existe des organisations d'État qui licencieraient de nombreux travailleurs si on les soumettait aux lois du marché.
À titre d'exemple, trois millions de personnes travaillent dans un secteur ferroviaire qui, du point de vue des marchandises transportées, ne dépasse que légèrement le secteur ferroviaire canadien. S'il était soumis aux lois du marché, plus d'un million de personnes perdraient leur emploi. C'est très inquiétant.
Pour l'instant, grâce à l'expansion économique rapide, ce n'est pas un gros problème. Certains économistes estiment qu'en deçà d'un taux de croissance de 6 à 7 p. 100, l'économie chinoise ne peut plus absorber tous ceux qui perdent leur emploi. Actuellement, le taux de croissance annuel de l'économie est de 8 à 10 p. 100 environ; le problème ne se pose donc pas. Mais s'il tombe à5 p. 100 - ce que nous considérons comme un taux de croissance élevé - le problème du chômage commencera à prendre des proportions extrêmes.
Quant à la famille, la cellule familiale a été carrément écrasée de diverses façons au cours des années 1950 à cause de la collectivisation et de la communalisation du système social. Les enfants étaient souvent élevés en dehors du cadre familial. Depuis la réforme, la cellule familiale a été rétablie. Le fait est qu'en Chine, la cellule familiale a changé avec l'avènement de la politique d'un seul enfant par couple. Par conséquent, la cellule familiale, qui était très importante dans la Chine traditionnelle - des familles nombreuses et étendues - n'existe certainement plus aujourd'hui. Dans la Chine moderne, on assiste à l'émergence de cellules familiales beaucoup plus réduites. Elles sont toujours étendues, jusqu'aux grands-parents.
Ce changement aura des conséquences sociales que je ne peux même pas envisager ici, mais je dirais que la cellule familiale ne s'est pas disloquée au sens où vous l'entendez.
M. Mills: J'ai deux autres questions très brèves. Après le retour de Hong Kong dans le giron chinois, la liberté de circuler sera-t-elle assurée? Pouvez-vous répondre à cette question? Les gens seront-ils libres de voyager entre la Chine et Hong Kong?
M. Lambert: Les visiteurs et les gens d'affaires seront toujours libres de circuler, mais les Chinois ont bien fait savoir qu'ils veulent maintenir la frontière. Il ne sera pas possible pour les Chinois d'émigrer massivement vers Hong Kong.
M. Mills: J'étais en Russie en 1992 et en 1994. Je n'en revenais pas des changements intervenus et de la gravité accrue du problème de la sécurité publique. La Russie s'en sortira-t-elle? J'ai pratiquement eu l'impression que la mafia et la corruption règnent en maîtres.
M. Lambert: C'est une question très compliquée. Personnellement, je crois que le problème a plafonné. À un moment donné, en 1993, j'aurais dit que la police était dépassée. En tout cas, les policiers étaient moins bien payés et moins efficaces. Je pense que la situation s'est clarifiée. La criminalité urbaine a considérablement diminué par rapport à cette époque. Les crimes de violence imputés notamment à la pègre semblent encore assez inquiétants.
Honnêtement, monsieur Mills, je ne peux pas faire la comparaison avec les crimes de violence liés au trafic de la drogue dans les ghettos américains, par exemple. Je pense que le problème tient au fait que cela arrive tout simplement à une autre catégorie de personnes.
Ce qui m'inquiète le plus c'est la corruption pure et simple. C'est la chose la plus difficile à quantifier. Une fois de plus, les Russes en ont mare. En fait, ce n'est que de la petite corruption. Pour faire construire une maison, il faut aller... Vous savez. Ils en ont mare.
M. Eltsine s'en est rendu compte. Il a constaté qu'il ne serait pas réélu s'il ne déployait pas de sérieux efforts pour s'en débarrasser. Le type qu'il a nommé dans son gouvernement, M. Lebed, s'y connaît bien. C'est pour cela qu'il est entré en politique. Je pense que cela aura des répercussions importantes. C'est une bonne chose, sinon nous ne verrons de la Russie que des mauvaises nouvelles à la télévision aussi longtemps que cela va durer.
M. Mills: Merci.
Le président: M. Assadourian est parti. Allez-y, monsieur Flis.
M. Flis (Parkdale - High Park): J'ai une question brève sur le Tibet. Sa Sainteté a visité le Canada à quelques reprises. Il exerce des pressions de façon très pacifique, je dirais, dans le monde entier pour l'indépendance du Tibet.
M. Balloch, je constate que dans votre document, vous dites que c'est encore une question qui préoccupe le Canada. Quel est l'avenir du Tibet? Y a-t-il quelque chose en vue en ce qui concerne l'indépendance de ce pays? Les mêmes règles s'appliqueraient-elles à Taïwan? Quelle est la place de Taïwan dans le contexte global?
M. Balloch: Parlons d'abord du Tibet. Je dois dire d'emblée qu'en reconnaissant la République populaire de Chine, nous avons reconnu que le Tibet en faisait partie. La politique du gouvernement ne consiste donc pas à militer en faveur de l'indépendance du Tibet. Nous estimons que les droits des tibétains doivent être respectés, à qu'à plus long terme, ces droits doivent inclure également tous les droits politiques. Il ne nous appartient pas de dire si cela a des implications pour l'intégrité de la Chine. C'est à la population elle-même d'en juger.
Pour le moment, la Chine est absolument ferme sur la question du Tibet et réagit très énergiquement à toute intervention relative à l'indépendance du Tibet. Dans cette région, et même récemment, des groupuscules - autant que nous sachions - ont essayé de lutter pour l'indépendance du Tibet. Ils sont traités de façon très ferme et très rude. Je puis même ajouter qu'il existe de petits mouvements indépendantistes dans d'autres parties de la Chine, dans l'extrême ouest, au Xinjiang, où la même situation existe.
Je ne pense donc pas qu'il faille s'attendre à une autonomie politique accrue au Tibet tant que la structure politique de la Chine n'aura pas changé de façon fondamentale.
La situation de Taïwan est un peu différente, car là-bas, il y a des nationalistes qui sont partis en 1949 et qui soutiennent encore, avec des arguments on ne peut plus subtils, qu'il doit y avoir une seule Chine, qu'ils ne réclament pas l'indépendance totale, même si, à maints égards, Taïwan est un pays distinct et indépendant sur la scène internationale. Taïwan est en quelque sorte une épine au pied de la Chine. C'est l'un des domaines où cette dernière agirait peut-être de façon irrationnelle ou d'une manière que nous ne jugerions pas rationnelle du point de vue économique ou politique si les dirigeants de Taïwan déclaraient l'indépendance aujourd'hui. L'argument selon lequel Taïwan fait partie intégrante de la Chine a été au coeur même de la légitimité du gouvernement chinois depuis sa création en 1949. Il faudrait qu'un changement politique majeur survienne pour que la Chine accepte que Taïwan est un pays indépendant.
Je dois signaler que l'application à Hong Kong du principe «un pays - deux systèmes» visait d'abord à régler la question de Taïwan. L'idée de ramener Taïwan au sein de la mère patrie et de lui conférer une autonomie considérable en tant qu'entité capitaliste différente au sein de la grande Chine... Actuellement à Taïwan, personne n'est favorable à l'idée de négocier un arrangement pour ramener ce pays dans le giron de la Chine, peu importe les garanties d'autonomie que le gouvernement chinois pourrait offrir.
M. Flis: Merci.
Le président: Monsieur Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci beaucoup.
L'une de mes questions portait sur Taïwan, mais j'en ai deux autres. La Chine est l'un des derniers pays communistes au monde. Il y en a quatre. Est-ce exact? Il y a la Corée du Nord, le Vietnam, la Chine et Cuba. Vous avez donc l'insigne honneur d'être l'un des derniers ambassadeurs du Canada en Chine communiste - je l'espère.
Pouvez-vous décrire les rapports qui existent entre la Chine et la Corée du Nord, le Vietnam et Cuba du point de vue idéologique et économique? C'est ma première question.
Deuxièmement, monsieur l'ambassadeur Kinsman, vous nous avez présenté l'aspect politique de votre travail, mais vous n'avez rien dit des liens commerciaux entre le Canada et la Russie. Pourriez- vous nous en parler en quelques minutes?
M. Balloch: En ce qui concerne votre question sur le communisme, je pense que les Chinois diraient que je suis peut-être un ambassadeur dans l'un des rares pays communistes qui restent, mais je ne pense pas que pour eux, je sois l'un des derniers ambassadeurs en Chine communiste.
M. Assadourian: Eh bien, nous l'espérons en tout cas.
M. Balloch: En Chine, le régime est totalitaire dans la mesure où c'est le parti unique qui gère le pays, mais il a perdu ses racines idéologiques et communistes. Il ne prêche plus la doctrine communiste et ne la pratique pas du tout sur le plan économique.
Comme j'ai essayé de l'expliquer dans le document, la conjoncture politique et sociale est également un facteur de changement en Chine. Par conséquent, ce pays ne partage pas la même idéologie que la Corée du Nord. Évidemment, la Chine a entretenu des rapports étroits avec cette dernière pendant la guerre de Corée et les deux ou trois décennies suivantes. Elle maintient un lien cordial avec la Corée du Nord, mais ce n'est pas une relation étroite.
Franchement, quand nous parlons aux Chinois de la Corée du Nord et de nos inquiétudes au sujet de ce pays, ils partagent très souvent nos inquiétudes et essayent d'encourager, dans la mesure du possible - mais ils soulignent que leur influence à Pyongyang est également limitée - ce que nous considérons comme étant un bon comportement sur la scène internationale, qu'il s'agisse des incursions frontalières, du programme nucléaire ou d'une autre question. Les rapports ne sont pas étroits.
Quant au Vietnam, il y a eu beaucoup plus d'hostilités entre le Vietnam et la Chine depuis20 ans, depuis la fin de la guerre du Vietnam et même avant. Une inimitié séculaire existe entre les deux pays. Actuellement, les relations sont assez stables, mais la frontière est relativement tendue et bien contrôlée. Les deux pays ont déployé des effectifs militaires importants à la frontière. Il y a eu des escarmouches par le passé, et l'ont peut même parler d'une guerre locale.
La Chine et le Vietnam essayent d'améliorer leurs relations, mais je dois dire que les rapports entre la Chine et bon nombre de pays de l'Asie du Sud-Est sont nettement meilleurs qu'avec le Vietnam. Ils ont aussi un conflit territorial au large de la côte de l'Île de Spratly, où la Chine a pris une position très agressive quant à l'emplacement de sa frontière maritime. Elle a un différend territorial non seulement avec le Vietnam, mais aussi avec les Philippines et d'autres pays.
Pour ce qui est de Cuba, il entretient d'excellentes relations à distance avec la Chine. Avant de visiter le Canada en avril, M. Qiao Shi, président du Congrès national du peuple, s'est d'abord rendu à Cuba. Dans une certaine mesure, la Chine utilise ce pays dans ses rapports avec les États-Unis. Cependant, en raison de la situation qui prévaut à Cuba, les relations commerciales et économiques avec la Chine sont extrêmement réduites. Beijing appuie M. Castro au plan politique et international, mais les relations sont assez distantes.
M. Assadourian: Merci.
M. Kinsman: Monsieur Assadourian, je préférerais parler des relations économiques et non pas simplement commerciales. Le commerce ne représente qu'une petite partie du tableau.
À l'époque où nous exportions énormément de blé, nous en vendions pour plus d'un milliard de dollars à la Russie chaque année. Ce pays n'achète plus de blé, même s'il vient de connaître sa pire récolte en 30 ans, parce qu'il essaye de comprimer ses dépenses en devises fortes. Il a aussi atteint le plafond de 1,5 milliard de crédit de la Commission du blé au-delà duquel le Canada ne finance plus les exportations. Néanmoins, elle paye très scrupuleusement ses dettes et les réduit assez considérablement pour pouvoir revenir sur le marché du blé.
Actuellement, nos ventes à la Russie se situent probablement entre 350 millions de dollars et 400 millions de dollars par an, et il s'agit de plus en plus de produits à valeur ajoutée, qui sont assez intéressants: l'équipement dans le secteur pétrolier et gazier, des pièces d'ingénierie, de plus en plus de matériel de télécommunication et des machines utilisées par les entreprises de télécommunication. Nous vendons aussi beaucoup de viande. La Russie est devenue un important marché pour le porc.
À terme, la Russie va devenir un important acteur au chapitre des relations économiques. Elle dispose du plus grand potentiel mondial en ressources naturelles. Sa main-d'oeuvre est la plus instruite au monde. Dans 20 ans, ce pays sera gigantesque. Les Allemands, les Japonais, les Chinois dans l'Est et les Nordiques s'y installent en force. J'espère que nous suivrons.
Nous devons conclure des ententes propices à l'investissement. Les Russes accusent un retard considérable dans le développement du droit de l'entreprise privée, du droit des biens et du droit fiscal, qui garantissent la prévisibilité et la transparence dont l'investisseur a besoin. Ils sont également loin de se douter à quel point les perspectives et l'environnement pour les investisseurs canadiens seront meilleurs en Asie ou en Amérique latine. Il faudrait qu'ils se rendent compte de leur position vis- à-vis du reste du monde, mais cela ne saurait tarder.
En ce qui concerne les services d'ingénierie, nous nous débrouillons très bien. Quant aux autres relations économiques, je pense qu'une compagnie canadienne est la plus grande exportatrice étrangère de pétrole russe. Cela ne se voit pas dans nos statistiques commerciales, mais Canadian Fracmaster mène de 40 p. 100 à 45 p. 100 de l'ensemble de ses activités en Russie.
Ainsi donc, en ce qui concerne les relations économiques, nous nous débrouillons assez bien. À Moscou, il y a deux firmes d'avocats canadiens qui travaillent pour les entreprises canadiennes, et je pense que les perspectives sont bonnes.
Cependant, les Russes devront se pencher sur leur propre situation - ce que les réformistes sont prêts à faire, et nous espérons qu'ils vont le faire maintenant. Je pense que si le président Eltsine gagne une deuxième fois, une grande partie des investissements étrangers qui attendent en ce moment permettront de changer l'environnement dans une certaine mesure.
Le président: La parole est à M. Penson, et en tant que Réformiste, il va certainement offrir ses services à la Russie bientôt.
M. Penson (Peace River): Je suis heureux d'avoir entendu parler de toutes les réformes qui se produisent un peu partout dans le monde, monsieur le président.
Des voix: Oh, oh!
M. Penson: Monsieur le président, j'ai deux questions, l'une pour l'ambassadeur Balloch, et l'autre pour l'ambassadeur Kinsman.
En ce qui concerne le Chine, j'aimerais savoir où en est la demande d'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce; ce dossier avance-t-il, et la Chine est-elle prête à instaurer pleinement une économie de marché pour être admissible?
Ambassadeur Kinsman, qu'en est-il de la réforme agraire et de la privatisation des terres agricoles dans ce pays? Cela se produit-il?
Et pendant que j'en ai l'occasion, je n'ai pas de question pour le commissaire Lambert, mais je lui souhaite de nouveau la bienvenue. Son séjour à Hong Kong doit être également très intéressant.
Je vais m'arrêter là et attendre les réponses.
M. Balloch: Monsieur Penson, la Chine a commencé à négocier son accès à l'Organisation mondiale du commerce avant même la création de cet organisme. Le Canada et d'autres pays qui faisaient déjà partie du GATT ont constitué un groupe de travail pour négocier avec la Chine, et ils ont insisté dès le départ pour que le régime commercial chinois soit modernisé afin que le pays soit prêt à accéder à l'OMC.
La Chine a estimé qu'elle devrait en être un membre fondateur en raison de la taille et de l'importance de son économie, et que l'on devait prendre des dispositions spéciales pour qu'elle y accède avant même d'avoir effectué toutes les réformes nécessaires pour en devenir un membre à part entière.
Le Canada et d'autres pays ont soutenu que, même s'ils étaient disposés à discuter d'une période transitoire pendant laquelle la Chine rendrait sa monnaie pleinement convertible et assurerait la transparence de ses barrières tarifaires et non tarifaires, il ne lui accorderait aucun statut spécial à perpétuité.
Les discussions se sont poursuivies et elles sont bien avancées, mais en ce moment, franchement, je pense qu'elles sont bloquées. Les Chinois ont l'impression - et je ne dirai pas s'ils ont raison ou tort - qu'il est peu probable que l'on puisse conclure ces négociations avant 1997 au plus tôt. Ils estiment que les États-Unis adoptent une position très dure sur certaines questions dans le cadre des négociations de l'OMC, et qu'ils risquent de rester sur leurs positions jusqu'à la fin de l'élection présidentielle en novembre de cette année.
La Chine fait des progrès considérables pour assurer la transparence et l'équité de son régime commercial. En décembre dernier, elle a annoncé une réduction importante de ses tarifs. Elle a éliminé toute une série d'exemptions et d'ententes spéciales, ce qui rend le nouveau régime d'investissements beaucoup plus équitable. Elle essaye de mettre un peu d'ordre - et on l'encourage fortement à le faire - dans la protection de la propriété intellectuelle, ce qui est un élément important des négociations. Les choses avancent. Elles avancent lentement, qu'il s'agisse des négociations ou de la mise en oeuvre des réformes.
M. Kinsman: Monsieur Penson, c'est une question très vaste qui a défié des millions de grands esprits.
En Russie, l'agriculture est le secteur économique qui accuse le retard le plus considérable, et ce pour des raisons tant psychologiques ou traditionnelles qu'économiques. Elle se caractérise par des fermes collectives extrêmement vastes. Parfois, 15 000 personnes y travaillent. Bien entendu, il y a très peu de vrais agriculteurs parmi eux. Il y a aussi des infirmiers, des enseignants, des cuisiniers, des chauffeurs, des mécaniciens et ainsi de suite. La question est de savoir à qui revient la terre et comment les autres employés vont survivre.
Deuxièmement, le problème réside évidemment dans le fait que la qualité des terres n'est pas égale. Ce serait merveilleux de travailler dans une ferme collective dans une région où la terre est noire, où l'on cultive divers produits près d'un marché urbain, et où l'on a de bonnes routes. La privatisation serait idéale dans ce cas. Malheureusement, les autres fermes ont très souvent un sol beaucoup moins fertile. Les problèmes d'infrastructure, de transport et de conservation de produits agricoles, sans parler de tous les problèmes techniques liés notamment à la fertilisation, sont vraiment énormes. Il n'existe pas d'exploitation agricole, au sens où nous l'entendons ici, qui s'occupe de l'emballage et de la commercialisation. C'est très rudimentaire.
Je dirais que les fermes qui ont été privatisées ont une production beaucoup plus élevée. Si vous voulez la preuve que l'agriculture privée est plus efficace, cela ne fait aucun doute. Nul ne le conteste. Seulement, les agriculteurs sont les citoyens les plus conservateurs. Ils ont voté massivement en faveur des communistes. Ils ont leur propre formation politique, le parti agraire, qui est associé aux communistes.
D'autre part, le gouvernement est favorable à l'agriculture. Il a lancé des projets pilotes, dont certains sont financés en partie par votre gouvernement. Je dois avouer que certains des projets n'ont pas bien fonctionné, mais on en tire des leçons et on continue. D'autres ont été couronnés de succès. À Nizhniy-Novgorod, un centre de réforme, cela fonctionne très bien. Au sud de Moscou, ce n'est pas le cas. Les fermes sont en piteux état.
Les Russes réussiront en fin de compte. Mais, ma foi, c'est très très dur. C'est vraiment honteux qu'ils importent. Je suis en faveur du commerce, et surtout de la vente de produits canadiens, mais quand je les vois importer toutes sortes de choses alors qu'ils ont tout ce qu'il faut pour disposer d'une économie agricole productive... Je dis souvent à leurs députés de venir vous parler et voir le genre de travail que vous faites, la façon dont vous établissez le consensus au sein de la collectivité, et la façon dont vous représentez les collectivités rurales. J'espère qu'ils vont le faire par l'entremise du centre parlementaire et des échanges interparlementaires.
Le président: Nous avons largement dépassé le temps qui nous est imparti, et les trois autres ambassadeurs sont déjà là. Nous n'avons qu'une heure à leur consacrer.
Au nom des membres du comité, monsieur Kinsman, très rapidement, vous avez proposé de parler du Conseil de l'Arctique. À votre avis, la Russie peut-elle jouer un rôle positif au sein de ce conseil?
M. Kinsman: Oui, un rôle très positif, monsieur le président. Son premier ministre,M. Primakov, devait venir au Canada le mois prochain. J'apprends que ce voyage a été remis jusqu'à la fin du mois d'août à cause des changements intervenus dans les négociations. Mais les Russes sont enthousiastes. La partie septentrionale de leur pays est un élément important de leur identité et de leur culture. Il en est de même de la Russie orientale, qui est très importante pour le Canada, soit dit en passant - la côte Pacifique - elle est beaucoup plus occupée par les non-Autochtones que la nôtre. Les collectivités y sont importantes.
Je dois dire que c'est pour nous une occasion d'affaires, car c'est un débouché pour certaines de nos technologies. M. Axworthy leur a parlé du matériel de forage pétrolier en mer, des techniques de construction domiciliaire et de transport.
En même temps, je tiens à souligner que leur participation au conseil et à son pendant environnemental est une bonne chose du point de vue écologique. Leurs fleuves coulent du sud au nord. Ils déversent dans l'Arctique une quantité énorme de produits indésirables, qui sont ensuite acheminés en direction est vers le Canada. Nous avons lancé avec eux plusieurs projets sur les déversements pétroliers et les centres de données écologiques, des initiatives de coopération en matière de défense qui devraient vraiment fonctionner.
Au sein du Conseil de l'Arctique, nous avons insisté sur la participation - à part entière, comme vous le constaterez dans le document, et non pas comme simple observateurs - des groupes autochtones canadiens. Pour eux, c'est un phénomène sans précédent, mais il devance leurs inquiétudes. Ils ont accepté de participer avec leur propre groupe, qu'ils appellent AIM. C'est une expérience enrichissante. C'est la première fois que l'on permet à un groupe autochtone de ce genre de participer pleinement aux activités d'une organisation internationale. C'est vraiment très positif.
Ils participent donc avec enthousiasme aux travaux du conseil qui regroupe huit pays. En ce qui nous concerne particulièrement, je pense qu'il s'agit d'une initiative bilatérale tout à fait logique.
Le président: Comme vous le savez peut-être, le comité a visité récemment l'Arctique canadien dans le cadre de ses travaux. Nous allons essayer de visiter le nord de la Russie à l'automne. À ce moment-là, nous aurons certainement l'occasion de vous consulter.
Merci.
M. Kinsman: Si vous y allez au début de l'automne, monsieur le président, vous verrez quelque chose.
Le président: Très bien. Cela a-t-il un rapport avec votre programme ou avec le climat?
M. Kinsman: Je parle du climat.
Le président: Merci pour ce bon conseil.
Messieurs, nous vous remercions d'être venus. Nous sommes très heureux d'avoir eu l'occasion de vous voir pendant votre séjour à Ottawa.
Maintenant, nous allons prendre une courte pause.
[Français]
Le président: Nous recevons maintenant M. Raymond Chrétien, ambassadeur aux États-Unis; M. Marc Perron, ambassadeur au Mexique; et M. Marc Lortie, ambassadeur au Chili.
Messieurs les ambassadeurs, surtout monsieur Chrétien, excusez-nous si nos locaux ne sont pas aussi élégants que les vôtres à Washington. En tout cas, c'est le Parlement. On a eu le privilège, l'année dernière, de s'asseoir sur le balcon de M. Chrétien. Notre comité était allé à Washington pour discuter des institutions financières internationales. M. Chrétien nous a très gentiment reçus chez lui. Donc, je le remercie beaucoup pour son hospitalité. Peut-être aurons-nous la chance de visiter ses homologues un jour.
Je vous propose de parler pendant cinq minutes chacun et ensuite on pourra passer aux questions. Monsieur Perron.
M. Marc Perron (ambassadeur du Canada au Mexique): Monsieur le président, je suis très honoré de cette occasion qui m'est offerte de m'adresser au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
On m'a demandé de vous parler de la crise du peso, des perspectives de stabilité à long terme de l'économie mexicaine et de ses implications pour le Canada.
Vous avez pu entendre le président Zedillo la semaine dernière, et plusieurs autres Canadiens ont également eu la chance de parler avec lui et avec les membres de sa délégation. Cette visite a énormément contribué à améliorer le degré de compréhension qui existe entre les Canadiens et les Mexicains. Cela est très important car, pour beaucoup de Canadiens, la crise du peso a altéré l'image que nous avions de notre nouveau partenaire dans l'ALENA et nous devons, d'après moi, rétablir un niveau de compréhension plus profond de ce qui se passe au Mexique.
L'une des plus malheureuses présomptions que j'ai pu relever dans certains articles de presse est que l'ALENA est à blâmer pour la crise, ou encore que la crise démontre que l'ALENA ne fonctionne pas. Il n'y a aucune preuve au soutien de cette présomption.
La crise du peso a été principalement le résultat d'une mauvaise gestion macro-économique. Le gouvernement Salinas n'était pas prêt à dévaluer le peso et trop prêt à croire que le capital étranger continuerait d'entrer au pays et ce, malgré les développements politiques en 1994. Ces erreurs de politique macro-économique ont, après un départ chancelant, été corrigés par le gouvernement actuel; le taux de change est libre de tout contrôle gouvernemental et l'explosion de l'inflation causée par la dévaluation décline grâce aux strictes politiques monétaires et fiscales.
Le Tesobonos, ou la dette gouvernementale indexée en dollars, qui a été source de tant de vulnérabilité en 1994, a maintenant été remboursée et remplacée par une dette publique à plus long terme. La majorité de cette dette appartient aux Fonds monétaire international, mais le Mexique a également pu retourner sur les marchés de capital international. Le déficit commercial, qui avait gonflé durant l'administration Salinas, s'est transformé en surplus et le compte courant balance plus ou moins.
Le succès que le président Zedillo remporte en appliquant des politiques macro-économiques retentissantes, combinées avec le programme de soutien auquel a participé le Canada, a aidé à renouveler la confiance en l'économie mexicaine et, avec elle, a amené le retour des entrées de capital. Le rétablissement de l'économie s'enclenche même s'il est concentré dans le secteur externe et même s'il n'a pas encore ramené les Mexicains au niveau de vie qu'ils avaient avant la crise.
Mais maintenant que le Mexique est scruté à la loupe, les observateurs notent qu'une bonne gestion macro-économique n'est pas le seul défi entre les mains du président Zedillo. Il doit également gérer l'achèvement de la transition vers l'économie de marché commencée par ses deux prédécesseurs, d'où les débats sur la privatisation des chemins de fer et des pétrochimiques de même que sur la démonopolisation du gaz naturel, de l'électricité et des télécommunications, et d'où les difficultés avec le système bancaire qui s'est mis à prêter sans discernement après sa privatisation par l'administration précédente.
[Traduction]
Et comme si ce n'était pas assez, le président Zedillo a aussi lancé son pays sur la voie de la transition politique dans le but ultime d'établir un système démocratique pluraliste. Les partenaires du Mexique n'ont pas très bien saisi l'importance des changements qui se profilent à l'horizon: il s'agit du divorce entre le parti et l'État, qui se sont confondus pendant la majeure partie de notre siècle.
Enfin, le président Zedillo s'est engagé à combattre la pauvreté qui est exacerbée par la crise. Il s'agit d'un projet à long terme qui dépendra de l'amélioration du niveau d'éducation, du système de santé et de la croissance économique qui peut supporter une population croissante. Pourtant, depuis 18 mois, malgré la gestion de la crise, malgré les initiatives controversées de réforme politique, et malgré tous les appels à la réduction du déficit, le président Zedillo n'a pas flanché. Le Mexique a respecté ses engagements à l'égard du FMI et de l'ALENA. Pourquoi?
S'agit-il d'un engagement suicidaire à respecter à tout prix les obligations internationales? Bien au contraire, je crois que c'est parce que le gouvernement mexicain est pleinement convaincu que ces politiques représentent le seul moyen de promouvoir une économie plus forte et plus compétitive. Phénomène encore plus révélateur, les critiques du gouvernement n'ont pas offert de véritables solutions de rechange.
Étant donné que la reprise commence et que l'inflation et le chômage diminuent, il semble que la démarche du gouvernement s'avère efficace. Les partisans de l'ALENA ont eu raison parce que la reprise a commencé dans le secteur des exportations, qui a doublement bénéficié d'un taux de change plus compétitif et d'un meilleur accès aux marchés américain et canadien. L'ALENA a contribué à la reprise et non pas à la crise.
En tant que Canadiens, nous devons en déduire que le Mexique est un partenaire engagé dans le cadre d'un accord de libre-échange et d'investissements sans précédent. Qui plus est, pour les entreprises canadiennes, les possibilités d'affaires dans l'économie mexicaine continueront d'augmenter à mesure que les tarifs vont diminuer et que les secteurs clés vont s'ouvrir aux investissements étrangers.
Nous voyons déjà la preuve que l'ALENA est bon pour le Canada. Nos exportations augmentent sans cesse. En 1995, alors qu'elles ont diminué pour tous les autres pays, nous en sommes maintenant à 40 p. 100 de plus qu'avant l'ALENA. Nos investisseurs aussi sont conscients de ces possibilités. Le Canada s'est classé au 4e rang des investisseurs directs au Mexique en 1995.
Nous devons par conséquent conserver notre rôle de premier plan au Mexique, malgré ce que l'on peut considérer parfois comme une situation inconfortable. Nous pourrions assister à une autre chute libre du peso, comme l'automne dernier. Nous pouvons douter que la réforme soit durable. Nous pouvons être frustrés par la lenteur du processus de privatisation. Nous pouvons désespérer face aux avatars de la transition politique. Mais nous devons évaluer tout cela en fonction de la question centrale: le Mexique est-il sur la bonne voie pour un avenir meilleur? Et ma réponse est certainement affirmative.
Je vous remercie. Je profite également de cette occasion pour remercier la Chambre de l'accueil chaleureux qu'elle a réservé au président Zedillo lors de son séjour au Canada. Je puis vous dire que le président et sa délégation en ont été très touchés. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Perron.
[Français]
L'ambassadeur au Chili, monsieur Lortie.
M. Marc Lortie (ambassadeur du Canada au Chili): Monsieur le président, mesdames et messieurs les parlementaires, comme mes collègues, je suis très heureux de comparaître aujourd'hui devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Nous avons eu le plaisir et l'honneur de recevoir, en avril dernier, à Santiago et à Valparaiso, le Président de la Chambre des communes, l'honorable Gilbert Parent, accompagné d'une délégation parlementaire dont quelques membres sont ici présents, une délégation parlementaire représentative de nos partis politiques.
Je crois comprendre que l'honorable Parent a eu l'occasion de rendre compte au Parlement de sa visite au Chili, et son rapport contient un résumé fort exhaustif de l'état des relations qui prévalent en ce moment entre le Canada et le Chili.
J'aimerais aujourd'hui concentrer mes remarques préliminaires sur l'état des négociations pour l'entrée du Chili dans l'ALENA. Mais avant d'y parvenir, en attendant l'action du côté américain, le Canada a pris l'initiative de lancer une négociation bilatérale avec le Chili. Il a pris cette initiative le 29 décembre 1995. Nos négociations à quatre étaient paralysées et le gouvernement a donc décidé d'aller de l'avant.
La semaine dernière, à Ottawa, s'est complétée la cinquième séance de négociations et les travaux avancent bien. La sixième séance est prévue pour Santiago, la semaine du 8 juillet. Donc, les choses procèdent rondement et ce ne sera qu'à la fin de cette sixième séance que nous serons en mesure de déterminer le chemin qui restera à parcourir avant de conclure notre accord bilatéral. L'objectif des deux gouvernements est de terminer en 1996.
Le travail qui est accompli en ce moment par les négociateurs canadiens et chiliens viendra faciliter l'incorporation pleine et entière du Chili à l'ALENA, lorsque les Américains auront obtenu le mécanisme qui s'appelle en anglais the fast track, la voie rapide ou le processus accéléré en français. Ce ne sera certainement pas avant les prochaines élections américaines.
Quant à eux, les Mexicains ont un accord bilatéral avec le Chili, qui existe depuis quelques années et qui produit d'excellents résultats. Le président Zedillo l'a dit très clairement devant le Parlement canadien la semaine dernière: le Mexique appuie pleinement l'entrée du Chili dans l'ALENA et s'est déclaré prêt à revenir à la table de négociations aussitôt que le moment sera venu.
Les négociations se poursuivent bien. Les négociateurs travaillent sur un projet de texte précis. Le travail n'est pas encore terminé mais bien avancé dans toutes les sphères de la négociation, qui comprennent: la réduction des tarifs, l'accès aux marchés respectifs, les investissements, les services, les mécanismes de règlement des disputes et, enfin, les deux annexes qui sont comprises dans le texte même de l'ALENA, les annexes sur les questions du travail et de l'environnement.
Le texte de l'ALENA vous est connu. Il s'agit maintenant de l'appliquer et de négocier sur une base bilatérale et de façon intérimaire l'intégration du Chili à l'intérieur de ce texte-là.
Monsieur le président, j'aimerais terminer en signalant que, depuis le retour du Chili à la démocratie, le secteur privé canadien a été des plus actifs et des plus dynamiques en investissant dans le secteur des richesses naturelles que sont les mines, les domaines de l'énergie et de la pétrochimie et le secteur forestier.
Nos grands investissements au Chili servent de locomotive à notre commerce canadien et à l'introduction, dans le marché chilien, de services canadiens, de banques canadiennes et des firmes d'ingénieurs canadiennes. Nos commerçants d'équipements lourds et nos petites et moyennes entreprises qui sont dans le domaine des services pour l'industrie minière et forestière sont extrêmement présentes et dynamiques.
En 1995, notre commerce bilatéral a atteint 665 millions de dollars, ce qui représente une croissance de 21 p. 100 par rapport à l'année antérieure, et il augmente à un rythme de 20 p. 100 par année depuis cinq ans.
Nos chiffres d'investissements sont absolument remarquables. Les investissements canadiens au Chili atteignent maintenant plus de 7 milliards de dollars. En 1995, le Canada était le premier pays investisseur au Chili, un fait absolument remarquable dans l'histoire de notre secteur privé.
J'aimerais limiter mes remarques à ces quelques mots et répondre aux questions à la suite de l'intervention de mon collègue.
Le président: Merci, monsieur Lortie.
Monsieur Chrétien.
M. Raymond Chrétien (ambassadeur du Canada aux États-Unis): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir de revenir comparaître devant les membres de ce comité. J'ai eu l'occasion de le faire à plusieurs reprises au fil des ans.
On m'a demandé de parler rapidement des relations que nous avons maintenant avec notre puissant voisin. Je prendrai quelques minutes pour le faire, et peut-être pourrons-nous par la suite répondre à des questions plus chaudes, par exemple sur ce qui se passe ces jours-ci avec Cuba, Helms-Burton, l'avenir de l'ALENA, l'accord que nous avons conclu avec les Américains sur le bois d'oeuvre, etc.
Voici d'abord quelques mots sur l'état actuel de nos relations avec les Américains. Ces relations sont excellentes. Depuis la conclusion de l'Accord de libre-échange bilatéral avec les Américains en 1989 et depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA en 1994, nos échanges commerciaux avec les Américains se sont développés de façon très importante. Nous avons atteint, l'an dernier, le chiffre astronomique d'un milliard de dollars par jour. Je pense qu'il n'y a aucune autre relation au monde entre deux pays quelconques qui puisse se comparer à cette relation.
Non seulement avons-nous une relation commerciale unique, mais quelque 85 p. 100 de l'ensemble des exportations canadiennes se font vers les États-Unis. Ces exportations représentent 25 p. 100 de notre produit national brut et constituent une bonne partie de notre pain et de notre beurre, une bonne partie du bien-être des Canadiens d'un bout à l'autre du pays.
Au niveau de l'environnement également,
[Traduction]
Nous avons des rapports très sains. Comme vous le savez, nous avons négocié au fil des ans des accords très importants. Vous vous souvenez de la Loi sur la qualité de l'air et de l'Accord sur la qualité de l'eau dans les Grands lacs. Ces mesures sont absolument importantes à une époque où l'intérêt de nos amis américains diminue quant au financement de ces ententes.
Nous devrons veiller très attentivement, en cette année d'élection présidentielle, à ce que leur engagement demeure très ferme. Non seulement nous partageons la plus longue frontière au monde, mais nous gérons aussi ensemble 40 p. 100 des réserves mondiales d'eau douce. Ainsi donc, au cours des prochains siècles, cette responsabilité sera aussi importante que la gestion des ressources pétrolières aujourd'hui.
La politique étrangère est également très importante. Nous avons travaillé étroitement avec les Américains au cours des derniers mois à des dossiers comme celui d'Haïti. Nous avons accepté de les remplacer à la tête de la mission internationale dans ce pays. Nous avons collaboré étroitement avec eux dans l'ex-Yougoslavie. Nous le faisons également dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient.
M. Axworthy et son homologue américain, M. Warren Christopher, entretiennent de très bons rapports. Soit dit en passant, il en est de même de tous nos ministres. Le caractère particulier de ces rapports réside dans le fait que chaque ministre de la Couronne y a un intérêt. C'est un domaine très vaste. Il existe 230 accords entre nos deux pays, partant de la cogestion des troupeaux de caribous entre le Yukon et l'Alaska à l'ALENA en passant par tout le reste.
Nous avons encore quelques points de discorde. Avec des relations commerciales de cette envergure, cela est inévitable. En ce moment, nous devons suivre très activement les activités du groupe de travail de l'ALENA sur notre système de gestion des approvisionnements au cours des semaines et mois à venir. Comme vous le savez, c'est une question très délicate et très explosive qui concerne des milliers d'agriculteurs des deux pays.
Nous venons de conclure un accord important sur le bois d'oeuvre. Dix milliards de dollars étaient en jeu lors des négociations. Certains d'entre vous autour de la table pensent peut-être que ce n'est pas un épisode particulièrement glorieux de l'histoire des relations entre le Canada et les États-Unis. Nous pouvons y revenir si vous voulez.
Actuellement, les points de discorde représentent moins de 1 p. 100 de l'ensemble de nos activités commerciales. Quand je suis arrivé à Washington il y a deux ans, ils en représentaient5 p. 100; je suis donc très fier d'en avoir supprimer un bon nombre avec mes collègues de l'ambassade, bien entendu.
La question sur laquelle nous avons maintenant beaucoup de difficultés est évidemment celle de Cuba, avec la loi Helms-Burton. Vous avez vu ce que notre gouvernement a décidé de faire. L'annonce en a été faite hier par les ministres Axworthy et Eggleton. Je pourrais en parler davantage tout à l'heure si vous le voulez, mais je pense que la position prise par notre gouvernement est tout à fait appropriée.
À mon avis, il s'agit-là d'un domaine où nous tenons le gros bout du bâton, mais c'est une question difficile aux États-Unis non seulement parce que c'est une question de politique étrangère, mais aussi parce qu'elle a d'importantes répercussions sur la politique intérieure. Aux États-Unis, la question de Cuba revêt pratiquement une importance psychologique. Je suis toujours frappé, quel que soit l'endroit où je me trouve aux États-Unis, de voir à quel point les Américains ont été touchés par la crise des missiles de Cuba, et évidemment, je respecte ce sentiment. Les Américains se rappellent où ils étaient au moment de cette menace nucléaire. C'est ainsi que Cuba a pris toute sorte de formes qui ne sont peut- être pas évidentes ici au Canada.
Quel est l'avenir de ces rapports?
[Français]
Je pense qu'elle va continuer d'être de très loin la plus importante pour notre pays.
[Traduction]
Ceux qui depuis 20 ans parlent du déclin de l'empire américain se trompaient, et je pense qu'ils se trompent maintenant. Il est ahurissant de voir comment l'économie américaine s'est déjà repositionnée pour affronter l'ère de l'information.
En tant que Canadien vivant à Washington, je suis toujours étonné par la vitalité et l'énergie extraordinaires du peuple américain. L'économie des États-Unis est une machine extraordinaire. En fait, c'est un V-12 dans un monde de V-4, V-6 et V-8. Il n'existe rien de comparable en ce moment.
Même si mon collègue de Chine, M. Howard Balloch, vous a peut- être dit que la Chine deviendra la superpuissance autour de l'an 2020, je pense que c'est loin d'être évident. En Chine, il existe toutes sortes de contradictions internes qui sont énormes et qui, à mon avis, permettront aux États-Unis de jouer un rôle économique et militaire dominant au cours des années à venir. C'est une bonne nouvelle pour le Canada. Nous avons un partenariat solide avec les Américains. Nous pouvons les aider à mener le monde. S'ils se trompent, nous pouvons le leur dire.
Soit-dit en passant, ils aiment bien quand nous leur disons qu'ils se trompent. C'est un rôle unique qu'ils nous permettent de jouer en raison de notre proximité et du fait que nous nous soyons affirmés ces dernières années. En tant que pays, nous devons continuer à nous affirmer face aux Américains. Ils sont préoccupés par certains signes qu'ils observent au Canada. Ils sont préoccupés par l'état de nos forces armées. On vous l'a peut-être signalé lors de votre séjour à Washington. Nous devons faire très attention pour être toujours perçus comme un partenaire fort et dynamique dans cette relation unique.
Je vais m'arrêter ici, monsieur le président, et répondre à vos questions.
Le président: Monsieur l'ambassadeur, j'aurais aimé que vous soyez avec nous lorsque nous avons discuté des pratiques de pêche sur la côte ouest avec le sénateur Murkowski de l'Alaska. Nous n'avons pas vraiment eu l'impression qu'il était ravi de nous entendre dire que les Américains doivent cesser de voler nos poissons. Parfois, la joie d'entendre dire que l'on se trompe n'est pas tout à fait évidente.
Des voix: Ho, ho!
M. Chrétien: Si vous voulez, nous pouvons en discuter. C'est une question qui sera très explosive.
Le président: Eh bien, vous êtes aussi costaud que lui, et vous pourrez peut-être vous tirer d'affaires; on ne peut pas en dire autant pour nous autres.
Venons-en à notre liste. Nous avons M. Bergeron, M. Dupuis et M. Morrison.
[Français]
M. Bergeron (Verchères): Je dis toujours que le métier d'ambassadeur est le métier le plus beau au monde puisqu'on voit tout avec des lunettes roses. Tout nous paraît toujours très extraordinaire. On écoutait plus tôt nos collègues de Chine et de Russie qui nous présentaient les choses de façon très positive.
Je suis d'accord avec son Excellence l'ambassadeur Chrétien lorsqu'il dit qu'on doit voir les relations avec les États-Unis comme étant très positives. Nous avons d'ailleurs défendu ce point lors de la révision de la politique étrangère du Canada. En effet, dans notre rapport dissident, nous avons dit que la majorité gouvernementale semblait toujours considérer les relations avec les États-Unis comme un problème, alors qu'elle considérait les relations avec les pays asiatiques comme des défis. Nous disions que nous devions également considérer les relations avec les États-Unis comme un défi.
Cela dit, j'aimerais poser un certain nombre de questions qui seront peut-être un chassé-croisé - je pense que ce n'est pas un hasard que vous ayez été regroupés tous les trois ensemble - de questions relatives à nos relations hémisphériques, si je puis dire.
On se souviendra que les libéraux ont fait campagne contre l'Accord de libre-échange et qu'une fois au pouvoir, ils ont changé d'attitude. Cependant, pour ne pas avoir l'air trop déphasés par rapport à la position qu'ils avaient prise auparavant, ils ont rendu la signature du Canada conditionnelle à la mise sur pied de groupes de travail sur les droits compensatoires et les mesures antidumping. Ces groupes de travail devaient normalement en arriver à des conclusions le31 décembre dernier, ce qui n'a pas été fait.
J'aimerais savoir si on envisage, du côté de l'ambassade à Washington, la possibilité que ces groupes de travail en arriveront à une conclusion. Quelle est la position du partenaire mexicain sur la question des groupes de travail?
Bien sûr, vous me direz que les groupes de travail, dans l'état actuel des relations avec les États-Unis, sont plutôt secondaires puisque la priorité actuelle est la Loi Helms-Burton et ses conséquences possibles pour le Canada.
Je lisais récemment dans les médias que vous aviez un point de vue plutôt positif à l'égard des suites possibles de cette loi puisque vous sembliez dire qu'au niveau de la mise en oeuvre de cette loi pour le Canada, il risque d'y avoir des aménagements.
J'aimerais que vous nous fassiez part des aménagements possibles, par l'administration américaine, en ce qui a trait à l'application de la Loi Helms-Burton pour le Canada et possiblement pour le Mexique. Sinon, en quoi les mesures annoncées par le gouvernement canadien hier pourraient-elles nous placer dans une position qui serait de nature à amener le gouvernement américain à faire ces ajustements en faveur du Canada?
J'aurais une dernière question et elle concerne particulièrement notre collègue du Chili.
Je pose toutes mes questions ensemble afin de ne pas avoir à revenir.
Le président: Vous n'aurez pas assez de temps car il ne reste que deux minutes pour les réponses.
M. Bergeron: Son Excellence l'ambassadeur au Chili en a fait état, mais où en sont les négociations bilatérales et considère-t-on que ces négociations bilatérales amèneront véritablement les Américains à envisager l'entrée possible du Chili dans l'ALENA?
M. Chrétien: Monsieur le président, m'accordez-vous autant ou moins de temps pour répondre à la question?
[Traduction]
Le président: Je ne voudrais pas interrompre votre réponse. Il s'agit-là de questions très importantes. Seulement, nous avons un vote à 17 h 45; nous allons peut-être travailler pendant quelques minutes après 17 h 30, mais pas plus. Il y a d'autres intervenants, et nous essayons de limiter le temps de parole à cinq minutes. Par conséquent, nous vous saurions gré de donner des réponses assez brèves.
[Français]
M. Chrétien: Vous avez posé une question très importante sur les droits compensatoires et les mesures antidumping. Voilà les deux questions qui nous ont empêchés d'avoir un commerce sans irritants avec les Américains.
Quand le gouvernement actuel est venu au pouvoir, en 1993, il a accepté de signer l'Accord de libre-échange à condition que des groupes de travail soient mis sur pied pour essayer de faire progresser ces dossiers.
Comme vous le savez, ces groupes de travail se sont réunis à plusieurs reprises. Ils ont fait avancer légèrement les dossiers, et je pense qu'un premier rapport sera bientôt produit. Je ne peux vous dire exactement quand il le sera, mais je peux vous assurer que ces questions demeurent importantes pour nous.
Pourront-elles être complètement réglées par ce rapport? Nous verrons. Si elles ne le sont pas, il nous faudra comme pays, comme gouvernement, continuer à travailler étroitement avec nos amis américains et mexicains sur une meilleure définition du subside et, si possible, sur une harmonisation des droits compensatoires.
Vous avez posé une question sur la Loi Helms-Burton. Y aura-t-il des arrangements possibles avec les Américains pour que des compagnies canadiennes soient moins durement touchées et pouvons-nous influencer les Américains en ce sens?
Les mesures que nous avons prises hier, comme gouvernement, ne sont pas passées inaperçues à Washington. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de l'ampleur de la couverture médiatique, partout dans le monde, de ce qui a été annoncé hier à Ottawa. Le gouvernement canadien a été le premier à annoncer des mesures de rétorsion très très précises. Elles auront un effet certain à Washington, celui de faire comprendre à nos amis américains que, sur une question de principe aussi fondamentale, nous n'avons guère le choix. Il fallait absolument prendre position pour empêcher cette extraterritorialité, si vous voulez, des lois américaines.
Le président américain a des choix qui lui sont ouverts; il a une certaine discrétion. Par exemple, il a la discrétion de décider quand s'appliquera le Chapitre III de la Loi Helms-Burton. Quand les tribunaux américains pourront commencer à étudier des réclamations d'Américains, il pourra retarder cette échéance pour une période allant jusqu'à six mois, je crois. J'espère que les mesures que nous avons prises hier l'amèneront à prendre ce genre de décision.
Pour terminer, l'exemple du Canada peut-il être suivi par d'autres pays? Je pense que le leadership que notre gouvernement vient de prendre en cette matière pourrait amener bien d'autres pays à prendre exactement les mêmes mesures.
Les Européens ont également des intérêts commerciaux importants à Cuba. Le Mexique a des intérêts commerciaux très importants à Cuba. Donc, je pense que l'Europe, le Mexique et bien d'autres pays de l'Amérique latine pourraient être tentés de nous suivre sur cette voie.
Cela dit, il ne faut pas voir ces mesures comme un geste inamical, parce que, sur le fond, nos objectifs sont les mêmes en ce qui concerne Cuba. Le Canada et les États-Unis ont absolument les mêmes objectifs, soit celui du retour de la démocratie et d'une économie de marché à Cuba. C'est seulement sur les moyens que nous ne nous entendons pas. Les Américains estiment qu'une politique d'embargo est le meilleur moyen à prendre, tandis que nous estimons que c'est par une politique d'engagement que nous allons amener ces changements à Cuba.
Je dis toujours à nos amis américains que nous sommes sur la même longueur d'onde, mais que nous ne nous entendons pas sur les moyens d'atteindre ces objectifs.
Le président: Monsieur l'ambassadeur, j'ai eu le privilège de passer 40 minutes avec le président du Mexique, dans sa voiture en venant de l'aéroport, à Toronto. On a parlé longuement et presque exclusivement de la Loi Helms-Burton, qui préoccupe énormément les Mexicains en ce moment. J'imagine qu'il y aura quelque chose de semblable au Mexique. Mais l'ambassadeur est probablement plus au courant que moi.
M. Perron: Il est évident que nous avons énormément de consultations avec les Mexicains. Nous les avons largement inspirés. Je dois dire aussi que les membres du Parlement canadien ont aussi inspiré les membres du Parlement mexicain lors de leur récente visite.
Après avoir discuté avec beaucoup d'entre vous, lors de la rencontre du mois dernier, ils sont revenus au Mexique avec un programme pour accélérer l'action du gouvernement mexicain à l'égard de la Loi Helms-Burton en disant: «Voyez ce que les Canadiens ont déjà mis en branle».
Au cours de la visite du président Zedillo, lorsqu'on a discuté de la nouvelle loi, le président a dit qu'il s'inspirerait de la loi canadienne pour sa propre loi, mais ce sera évidemment aux parlementaires de faire avancer les choses.
De la même façon, en ce qui a trait aux droits compensatoires, nous avons des discussions avec les Mexicains. Nous avons même discuté de façon informelle de la possibilité de conclure un accord entre le Mexique et le Canada pour éviter ce genre de problème, ce qui pourrait peut-être inspirer une action plus rapide avec nos amis Américains.
Nous n'avons pas beaucoup de problème de ce côté-là. Alors, pourquoi ne pas se mettre d'accord pour dire: «On ne va pas se courir après lorsqu'il y aura un problème»? Ce genre de discussions a eu lieu au cours des derniers mois, plus particulièrement au cours de la visite du président Zedillo, entre M. Eggleton et le secrétaire Blanco. Ils ont convenu de poursuivre ce dialogue pour voir si on ne pouvait pas avancer plus rapidement bilatéralement.
M. Lortie: En ce qui a trait au Chili, les négociations bilatérales progressent très bien. On en a terminé plus de 50 p. 100. On entreprendra la sixième séance durant la semaine du 8 juillet et on espère terminer le tout avant la fin de 1996. La position américaine déclarée a toujours été et est toujours l'entrée pleine et entière du Chili dans l'ALENA et elle est réitérée régulièrement à Santiago par les Américains ou dans les déclarations, à Washington, du président ou de son secrétaire d'État. On dit toujours que la politique américaine est d'étendre l'ALENA au Chili. Nous en sommes là.
Le président: Merci.
Monsieur Dupuy.
M. Dupuy (Laval-Ouest): Monsieur l'ambassadeur Chrétien, vous avez très justement souligné l'importance du libre-échange avec les États-Unis dans la croissance complètement spectaculaire de nos relations commerciales. Cette zone de libre-échange, nous y sommes entrés sur la base d'une négociation qui n'était pas terminée. C'est ce que soulevait M. Bergeron. C'est parce que nous n'avions pas terminé la négociation que nous avons toujours le problème des droits compensatoires.
Il y a trois façons de s'attaquer au problème, si je puis dire. La première serait d'harmoniser les règles de concurrence, c'est-à-dire de trouver un moyen d'éliminer le problème du dumping et des subventions de part et d'autre. C'est une première façon de s'attaquer au problème.
La deuxième serait de codifier le système de droits compensatoires ou antidumping. Là aussi, il y a des possibilités d'harmonisation.
La troisième serait d'avoir un mécanisme de règlement des différends qui soit très efficace et qui soit retiré des politiques économiques des partenaires. La raison pour laquelle je soulève cette question est que ce comité s'engage dans l'étude de ces sujets.
Nous avons un sous-comité sur les différends commerciaux. Nous avons déjà identifié les mesures de règlement des différends comme un thème sur lequel nous allons nous pencher et, en même temps, nous participons à un réexamen de la loi fondamentale sur les mesures compensatoires au Canada, qui est le Special Import Measures Act.
Croyez-vous qu'on peut espérer qu'au cours des prochaines années - je ne veux pas parler du court terme qui est affecté par l'élection présidentielle - , on réengagera une négociation avec les Américains sur ces trois sujets? Également, qu'aimeriez-vous voir sortir des délibérations des séances conjointes de ce comité et du Comité permanent des finances?
M. Chrétien: Vous avez posé un très grand nombre de questions en une seule. Je vais essayer d'être assez bref.
Quand je vois la scène politique américaine ces jours-ci, entre maintenant et l'élection de novembre, entre maintenant et le début de 1997 plus précisément, je ne vois absolument aucune possibilité de s'attaquer à ces problèmes. Tout est en train de s'arrêter tout doucement, justement à cause de la lutte présidentielle américaine.
Quant à l'ALENA 1994, toujours très récent, je pense qu'il faudra attendre encore quelques années avant de pouvoir porter un jugement plus global sur ce qu'il signifie pour nous et pour nos deux partenaires, sur ses faiblesses, ses forces et ce que nous pourrions corriger.
D'ores et déjà, j'ai pu me rendre compte à Washington qu'en dépit des accords que nous pouvons signer avec nos amis américains, tous les problèmes ne se règlent pas. Nous l'avons vu, par exemple, lors de la crise de l'exportation de notre blé sur le marché américain, où les règles de l'ALENA auraient normalement pu s'appliquer tout à fait correctement. Elles ne se sont pas appliquées tout à fait correctement simplement parce que nos exportations massives ont graduellement créé un problème politique qu'il fallait régler.
Le système américain est très différent du nôtre. Les Américains réagissent très rapidement à l'invasion de leur marché interne par des produits d'autres pays. Peu importent les accords que nous aurons avec les Américains, parce qu'ils sont les plus forts, parce qu'ils constituent la plus grande puissance du monde, ils ont peu intérêt à respecter à la lettre les accords qu'ils peuvent conclure. Si les accords ne font pas leur affaire, ils peuvent simplement les changer ou changer leurs propres lois internes de façon à régler leurs problèmes.
Il y a également l'exception culturelle, qui est un conflit nouveau. Comme vous le savez, tout le volet culturel constitue actuellement un irritant avec nos amis américains: le cas de Sports Illustrated, qui a été envoyé à l'Organisation mondiale de la santé, et les conséquences de la nouvelle loi sur le droit d'auteur que nous voulons adopter.
Il faudra se donner encore quelques années pour voir comment fonctionnera l'ALENA. Jusqu'à maintenant, je pense que le dispositif central de l'ALENA, le processus de résolution des conflits, n'est pas remis en question. Au début des primaires républicaines, nous avons entendu certains des candidats, dont Pat Buchanan et même le sénateur Dole, exprimer certaines réserves sur le processus de résolution des conflits commerciaux avec nous. Mais depuis quelques mois, c'est le silence total. D'ailleurs, dans la campagne électorale actuelle, la question de l'ALENA n'a pas vraiment été soulevée.
Pour répondre rapidement à votre question, il faudra attendre quelques années avant de décider si nous voulons de nouveau une grande négociation avec les Américains et, si oui, ce qu'elle devra comporter.
[Traduction]
Le président: Monsieur Morrison.
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Ma première question s'adresse à l'ambassadeur Lortie, et elle concerne les négociations commerciales bilatérales. Je sais que l'objectif ultime est de conclure une entente qui pourra être intégrée à l'ALENA à une date ultérieure. Je me demande ce qu'on fait dans le cadre de ces négociations ou comment vous procédez sur la question des accords supplémentaires que nous avons déjà conclus avec le Mexique sur l'ALENA, notamment les dispositions relatives à l'environnement et à la main-d'oeuvre. Sera-t-il possible d'inclure dans l'accord bilatéral avec le Chili une disposition qui sera peut-être acceptable ultérieurement aux États-Unis et au Mexique sur ces deux questions?
M. Lortie: Sur cette dernière question, nous allons refléter les dispositions actuelles de l'ALENA. Il ne s'agit pas de changer le modèle de l'accord; nous voulons utiliser le même modèle pour négocier bilatéralement l'adhésion du Chili. Par conséquent, les deux annexes sur la main-d'oeuvre et l'environnement vont demeurer des annexes. On ne va pas les intégrer à l'accord. Nous voulons utiliser ce traité bilatéral comme fer de lance, c'est-à-dire comme voie d'accès pour préparer l'adhésion intégrale du Chili à l'ALENA, ce qui demeure l'objectif de tous. Les annexes vont demeurer des annexes, et en ce qui concerne les principaux chapitres, c'est un moyen de les intégrer.
Quand nos partenaires américains et mexicains verront le produit final, ils reconnaîtront le travail. Ils sauront où nous en sommes, ce que nous avons fait, qu'elle était la position du Chili, dans divers domaines, qu'elle était la liste des exceptions, et qu'elle est sa position face à l'ALENA. C'est ainsi que nous avons conçu cette négociation.
M. Morrison: Ma deuxième question s'adresse également à l'ambassadeur Lortie. Elle concerne notre balance commerciale avec le Chili. Vous avez mentionné les énormes investissements canadiens dans ce pays. En fait, le Chili est en train de drainer notre marché de capitaux dans le domaine des ressources. Avez-vous sous la main le montant d'argent que les Canadiens investissent chaque année au Chili, ainsi que le montant total des avoirs canadiens au Chili en ce moment?
M. Lortie: À ce jour, les entreprises canadiennes ont investi concrètement 2,4 milliards de dollars au Chili, surtout dans les secteurs miniers et énergétiques. De plus, 5 milliards de dollars seront investis dans des projets à long terme. Il s'agit d'un engagement sur 12, 15 ou 18 ans. Par conséquent, 5 milliards de dollars seront consacrés à des projets futurs, mais c'est réel dans un sens.
Toutes nos grandes compagnies minières sont représentées à Santiago, qu'elles considèrent comme leur quartier général en Amérique du Sud. Nous avons précisément 33 sociétés minières canadiennes qui sont basées à Santiago. Vingt-cinq d'entre elles exploitent des mines et les autres font de l'exploration, se concentrent en Amérique du Sud et vont même aussi loin qu'au Panama, que je devrais aussi mentionner. Certaines de ces sociétés gèrent leurs opérations, et surtout leurs opérations d'exploration, à partir de Santiago. Cela signifie que nous avons là-bas beaucoup de firmes d'ingénierie, de géologues, des sociétés de services, dans toutes sortes de secteurs. Nous avons eu l'occasion de leur rendre visite avec M. Penson et certains de ses collègues en avril. C'était assez remarquable.
Quand vous parlez de drainer le marché des capitaux, nos compagnies sont extrêmement compétitives. Le marché chilien est ouvert, mais pas depuis longtemps. Les mines existent là-bas depuis 10, 15 ou 20 ans, mais aucune entreprise canadienne n'était disposée à y aller sous le régime Pinochet. Le feu vert a été donné en 1989-1990, et les sociétés canadiennes ne se sont pas fait prier.
Actuellement, il y a une ruée phénoménale qui s'explique essentiellement par le fait que la concentration de cuivre dans les mines chiliennes est de cinq à sept fois plus élevée qu'en Amérique du Nord, le Canada compris. Par conséquent, il s'agit d'une occasion unique pour nos compagnies d'en profiter au sens positif. Et quand je parle de profiter, nous ne sommes pas seuls; nous sommes en concurrence avec les Australiens, les Américains, les Sud-Africains et les Chiliens eux-mêmes.
M. Morrison: Voulez-vous nous toucher un mot des problèmes de NOVA dont la presse a tant parlé récemment?
M. Lortie: Avec plaisir.
M. Morrison: Ces gens-là avaient-ils travaillé dans un pays étranger auparavant?
M. Lortie: Oui, absolument. NOVA a beaucoup d'expérience en Amérique du Sud, en Argentine, au Canada et au Chili.
Actuellement, elle est engagée dans un projet extrêmement innovateur, la construction d'un pipeline de 463 kilomètres à travers les Andes. Elle le construit parce que Santiago n'a pas de gaz naturel. Santiago souffre d'un énorme problème de pollution, car il y a énormément de smog. Le seul moyen de réduire ce problème de pollution consiste à importer le gaz naturel d'Argentine.
Depuis 20 ans, bon nombre de compagnies ont essayé de le faire. La seule qui ait réussi à ce jour est la NOVA Corporation de Calgary.
NOVA est confronté à un problème. Elle est en train de traverser une petite vallée des Andes, et Santiago est une ville de 5 millions d'habitants. Par conséquent, certains sont très troublés par le fait qu'un gasaducto, c'est-à-dire un gazoduc, passera chez eux. Par conséquent, ils en contestent la présence, car le gaz est inconnu au Chili. Il n'y en a pas dans leur pays; la population semble donc craindre que le pipeline explose, qu'il ne soit pas sûr, et que nos compagnies n'aient aucune expérience des tremblements de terre, des hautes montagnes et ainsi de suite. Mais il n'en est rien.
Cela dit, la compagnie est extrêmement présente, ouverte et proche des diverses collectivités. Elle est confrontée à quatre propriétaires très actifs qui sont très capables d'organiser leurs manifestations et leurs protestations, mais les négociations ont lieu en ce moment même.
NOVA a proposé une solution de rechange à l'itinéraire pour lequel elle a une concession légale. Elle dispose du droit de passage, qu'elle a obtenu du gouvernement, et elle a effectué une étude d'impact environnemental. Mais il y a des gens qui ne sont pas prêts... Ils aimeraient que NOVA passe par ici, mais Santiago est situé là-bas. Cinq millions de personnes y vivent, et elles veulent avoir le gaz pour réduire la pollution. Qui plus est, elles veulent réduire le coût de l'électricité, qui est très élevé dans ce pays.
Le président: Avez-vous une question très brève, monsieur Speller?
M. Speller (Haldimand - Norfolk): Merci, monsieur le président. Oui, j'ai une question très brève qui nécessite probablement une réponse tout aussi brève.
Elle s'adresse à M. Chrétien. À quels autres problèmes commerciaux devons-nous nous attendre de la part des Américains en cette année d'élection? De plus, compte tenu de l'affaire Helms- Burton, M. Perron pourra peut-être répondre à la question suivante. Les Américains ont-ils l'intention de dédommager le Mexique pour l'expropriation du Texas, du Nouveau-Mexique et de la Californie? M. Chrétien ne devrait peut-être pas répondre à celle-là. Que M. Perron le fasse.
M. Chrétien: Très rapidement, à quoi pouvons-nous nous attendre au cours des prochains mois sur le plan commercial compte tenu de l'élection? Jusqu'ici, il y a eu très peu de choses, ce qui est étonnant. C'était un problème au cours des primaires républicaines, mais maintenant que nous avons deux principaux candidats qui s'apprêtent à affronter la dernière partie de la campagne, l'ALENA ne fait même pas partie du débat.
Il sera intéressant de voir si le président Clinton va considérer cette situation comme une victoire ou un succès, ou s'il voudra faire très attention à l'aile gauche de son parti pour ne pas se la mettre à dos. Jusqu'ici, il n'a pas dit grand-chose. La grande question est donc de savoir qu'elle sera l'importance de l'ALENA au cours des semaines et mois à venir.
En ce qui concerne la loi Helms-Burton, nous verrons. C'est plus délicat. C'est assurément une question très délicate en raison de sa coloration électorale et du fait que les Américains d'origine cubaine sont concentrés dans quelques États seulement, surtout en Floride et en Pennsylvanie. Il faudra manoeuvrer très habilement. Je ne peux pas vous dire exactement comment les choses vont se dérouler d'ici novembre, mais le problème risque de se poser.
Le président: J'ai quelques questions d'ordre général. M. Lortie, pourriez-vous répondre aux questions suivantes par oui ou par non.
Les négociations entre le Chili et le Canada sur l'ALENA signifient-elles que ce pays a complètement renoncé à accéder au Mercosur?
M. Lortie: Non.
Le président: Il ne peut pas adhérer aux deux organisations, n'est-ce pas?
M. Lortie; Si.
Le président: Ah bon, cela m'étonnerait.
M. Lortie: Le Chili est en train de négocier une association avec le Mercosur en ce moment. Il ne veut pas y accéder en tant que membre à part entière, mais il veut y être associé.
Le président: Très bien. Merci beaucoup. Cela nous est utile.
Nous avons un organisme de coopération circumpolaire, que certains d'entre vous connaissent peut-être. Il s'agit d'un groupe que nous allons rencontrer demain. Les membres du comité acceptent- il que l'on consacre 80$ de notre budget à l'achat de jus et de café comme d'habitude pour notre réunion avec les gens du Nord?
[Français]
Tout le monde a reçu le mémoire? Non? Vous ne l'avez pas reçu?
[Traduction]
M. Morrison: Pas d'unanimité.
Le président: Très bien. Nous n'allons donc pas leur offrir de jus.
Avant d'ajourner, je veux simplement annoncer que M. Leblanc déposera une motion relative au Nigeria. Nous essayerons probablement d'en discuter pendant le débat sur Haïti. Nous essayerons de la faire traduire et distribuer à tout le monde. Nous pourrions peut-être nous entendre pour l'adopter rapidement pendant le débat sur Haïti.
Merci beaucoup.
La séance est levée.