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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 mai 1996

.1108

[Traduction]

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs.

Le 18 mars 1996, la Chambre des communes a adopté la motion suivante:

Rappel au Règlement? Oui.

M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Monsieur le président, je veux simplement signaler qu'il faudrait peut-être attendre que les caméras soient sorties avant de commencer.

Le président: D'accord.

Chers collègues, comme je l'ai dit au début de notre réunion du 23 avril, notre comité s'est vu confier par nos collègues la tâche de faire enquête dans cette affaire et de faire rapport à la Chambre des communes. Nous avons donc pour tâche de communiquer à la Chambre des communes nos conclusions et nos recommandations. C'est à la Chambre des communes qu'il incombe de prendre la décision en fin de compte.

La question dont notre comité est saisi est de savoir s'il y a eu atteinte aux privilèges de la Chambre des communes ou outrage à la Chambre. En particulier, nos audiences portent plus spécifiquement sur la question de savoir si le geste posé par le député de Charlesbourg, quand il a envoyé le 26 octobre un communiqué sur les Forces armées canadiennes, constitue un outrage à la Chambre ou une atteinte à ses privilèges.

.1110

Chers collègues, comme je l'ai fait la semaine dernière, je voudrais une fois de plus vous rappeler les règles de conduite que le comité a approuvées. Le comité n'est pas un tribunal et il ne lui appartient donc pas de se prononcer sur la portée et l'interprétation à donner au droit criminel canadien.

Les questions directement liées au communiqué relèvent du mandat conféré au comité. Le comité doit établir si le geste posé par M. Jacob a porté atteinte aux privilèges de la Chambre ou s'il constitue un outrage à la Chambre et si ce comportement correspond à ce à quoi on est en droit de s'attendre d'un député. Le devoir du comité est d'établir les faits de la question et de déterminer si, à son avis, il y a eu atteinte aux privilèges de la Chambre ou outrage à la Chambre.

La semaine dernière, le comité a entendu le député d'Okanagan, M. Hart. Aujourd'hui, nous accueillons le député de Charlesbourg, M. Jean-Marc Jacob. J'invite M. Jacob à faire une brève déclaration liminaire, s'il le souhaite.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (député de Charlesbourg): Merci, monsieur le président. Je n'ai pas de déclaration préliminaire à faire. Je veux tout simplement dire que je suis ici pour expliquer les raisons et la teneur de ce communiqué. Je le fais par respect pour les institutions dont je fais encore partie.

J'apprécierais qu'à la fin de la période de questions, vous me réserviez quelques minutes pour conclure. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Jacob. Comme d'habitude, les représentants de l'Opposition officielle vont prendre la parole en premier.

[Français]

M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Je pense être le premier de l'Opposition officielle à poser des questions.

À la lecture de votre communiqué du 26 octobre 1995, je me suis aperçu que vous le faisiez à titre de porte-parole de l'Opposition officielle en matière de défense nationale et à titre de vice-président du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Est-ce que vous l'êtes toujours?

M. Jacob: Je suis encore porte-parole de l'Opposition officielle en matière de défense nationale, mais je ne suis plus vice-président du Comité de la défense.

M. Bellehumeur: Pourquoi n'êtes-vous plus vice-président?

M. Jacob: Je peux vous donner quelques explications. À la suite du battage médiatique qui a été fait autour de mon communiqué, certaines pressions politiques de la part du Parti réformiste et aussi du Parti libéral se sont fait sentir, et j'ai alors accepté de ne pas poser ma candidature de façon à ce qu'un autre membre du Bloc assume la vice-présidence d'un comité qui, à mon sens, est très important.

M. Bellehumeur: C'est beau. Je vais revenir un peu plus tard sur la question de l'atteinte à vos privilèges parlementaires.

Je voudrais continuer à parler du communiqué dans lequel vous dites également qu'un Québec souverain aura besoin d'une force de défense, d'une armée.

Est-ce que c'est une idée nouvelle que d'avoir une armée dans un Québec souverain?

M. Jacob: Absolument pas.

M. Bellehumeur: Cela remonte à quand?

M. Jacob: Je ne sais pas si les membres du comité sont au courant, mais les premières déclarations concernant une armée québécoise remontent au premier référendum de 1980, quandM. Lévesque avait déclaré que le Québec aurait une armée. Tout au long des années qui ont suivi, il y a eu beaucoup d'interventions et d'études faites par l'ENAP, ainsi que des présentations faites par des professeurs d'université et d'anciens militaires qui ont statué sur la possibilité d'une armée québécoise.

Je vous fais grâce des détails, mais si vous voulez qu'on revienne sur cette question, je pourrai vous apporter 10, 12 ou 15 citations d'individus ou de groupes qui ont statué sur la possibilité ou l'éventualité d'une armée québécoise dans un Québec souverain.

M. Bellehumeur: Mais y en a-t-il parmi nos hommes politiques contemporains, des années 1990 par exemple, puisque le Bloc québécois a pris naissance dans les années 1990?

M. Jacob: On peut parler de la Commission Bélanger-Campeau qui, dans les années 1990, avait commandé certaines études concernant la création éventuelle d'une armée au Québec, la politique de défense du Québec et les relations extérieures.

Je rappelle aussi aux membres du comité que lorsque M. Bourassa était premier ministre du Québec, il y avait eu l'adoption de la Loi 105, une des seules lois adoptées avec le consensus du Parti libéral et du Parti québécois qui voulaient un référendum au Québec.

.1115

À ce moment-là, et peut-être que certains d'entre vous s'en souviennent, le général de Chastelain avait fait des déclarations au sujet de cette éventualité. J'ai d'ailleurs des documents pour appuyer mes dires.

On peut aussi se rappeler un document du Parti québécois appelé Des idées pour mon pays, dans lequel on traitait de la politique de défense et de la présence d'une armée.

J'aimerais d'ailleurs, monsieur le président, déposer ce document.

Le président: Oui.

M. Jacob: On peut aussi mentionner La souveraineté: des réponses à vos questions, un document qui a été très important dans le cadre référendaire. On ne peut d'ailleurs dissocier mon communiqué du contexte référendaire et de toutes les interventions qui ont entouré cette période.

J'ai aussi un document qui traite de l'armée. Le Bloc québécois lui-même, dans des fiches informatives qui ont été distribuées dans plusieurs circonscriptions par les différents députés du Bloc québécois, parlait d'une participation du Québec aux alliances militaires régionales et internationales et de la possibilité d'une armée, de ses effectifs et de ses équipements.

Dans un autre document du Bloc québécois, qui a pour titre Des idées pour gagner, il est très clairement question de défense. Tous ces documents ont été déposés aux mois d'août, septembre, et octobre.

M. Bellehumeur: Je dépose ces documents, madame la greffière.

Dans le projet de loi numéro 1, intitulé Loi sur l'avenir du Québec, et l'entente tripartite signée par MM. Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Mario Dumont, est-ce qu'on fait état très clairement du besoin, pour un Québec souverain, d'avoir une armée et une politique de défense?

M. Jacob: Oui, dans le projet de loi et l'entente tripartite, on mentionne clairement que le Québec aura une politique de défense et une armée. Mais, comme dans ces documents, il n'y avait pas de précisions concernant le dossier lui-même, j'ai émis ce communiqué.

M. Bellehumeur: Bien. J'ai entendu un réformiste dire, dans le cadre de l'étude qu'on est en train de faire à ce comité, que les soldats canadiens n'étaient pas informés de l'enjeu référendaire. Est-ce que vous avez quelque chose à dire à ce sujet?

M. Jacob: Oui. Concernant l'enjeu référendaire, je pense que la majorité des membres ici présents sont sûrement au courant. Même si, comme le disait le député de Kingston et les Îles, ils ne partagent pas notre projet, ils le respectent quand même. Je suis sûr que la majorité des gens est au courant de ce qui s'est passé.

Le gouvernement du Québec a distribué le projet de loi et l'entente tripartite à l'ensemble des foyers québécois.

M. Milliken (Kingston et les Îles): Propagande!

M. Jacob: Propagande? Le député de Kingston et les Îles peut dire cela, mais ça reste, à notre sens, un outil d'information.

Je vous ferai aussi remarquer que ce document a même été distribué aux militaires en Bosnie, au moment du référendum. En septembre-octobre, de 1 300 à 1 400 militaires de la base de Valcartier étaient en mission en Bosnie. Un capitaine, le capitaine Redburn, a confirmé que les militaires en Bosnie avaient reçu le projet de loi ainsi que la question et l'entente tripartite.

Je pense que les militaires ont une ouverture d'esprit nettement plus grande que celle de nos collègues réformistes qui veulent éviter que l'armée reçoive tout information. Même si certains, qui ne sont pas d'accord sur notre projet, appellent cela de la propagande, nous disons que c'est de l'information.

On a entendu beaucoup de commentaires, même de la part de militaires, sur ce sujet, et j'y reviendrai plus tard, mais l'information a été transmise à l'ensemble des citoyens du Québec, dont certains sont des membres des forces armées qui ont une vie militaire et une vie de citoyens ordinaires.

M. Bellehumeur: Si on veut parler de propagande, on pourrait peut-être parler du Livre rouge, mais ce n'est pas le moment d'en discuter.

Avant la période référendaire proprement dite, le gouvernement du Québec a procédé à une série de consultations publiques, que l'on avait appelées les commissions régionales ou nationales sur l'avenir du Québec.

Pouvez-vous nous dire si, lors de ces consultations, il a été question de doter le Québec souverain d'une armée?

.1120

M. Jacob: Je suis au courant qu'il en avait été question à au moins deux commissions régionales importantes pour la population, dont la commission régionale de Montréal, où un ex-professeur du Collège militaire de Saint-Jean, Charles-Philippe David, avait présenté un texte intitulé Le Québec ne peut se payer le luxe de ne pas avoir d'armée. Il expliquait aussi comment procéder.

Dans la région de Québec, l'ex-général Ronald Michaud a aussi présenté un mémoire concernant l'éventualité d'une armée québécoise. Je l'ai lu et je vous avoue très sincèrement qu'il va beaucoup plus loin que moi-même dans mon communiqué.

M. Bellehumeur: Donc, c'est une question qui a été amplement traitée.

M. Jacob: Effectivement, c'est une question qui a été amplement traitée à tous les niveaux, au niveau universitaire, au niveau militaire, au niveau du public et au niveau de certaines instances gouvernementales. De plus, étant donné que le Bloc québécois représente les citoyens et les intérêts du Québec et que notre rôle était de faire la promotion de la souveraineté, il fallait aussi informer les militaires. Comme il n'y a pas d'équivalent du ministère de la Défense dans le gouvernement du Québec, je pense qu'il était de mon rôle de parlementaire de parler d'une éventuelle armée québécoise de façon à ce que les militaires et même leurs familles soient bien informés. Je devais leur dire que si le Oui l'emportait au Québec, les gens qui le désiraient pourraient avoir un emploi au sein d'une force armée québécoise.

M. Bellehumeur: Je rappelle que la période qui est à l'étude va de 1980 jusqu'au référendum. Vous avez nommé deux ou trois personnes, dont vous-même, qui ont parlé de la possibilité pour un Québec souverain d'avoir une armée. Selon vous, y a-t-il eu d'autres commentateurs ou personnes qui ont parlé d'une éventuelle armée québécoise dans un Québec souverain?

M. Jacob: Si vous parlez de la période allant de 1980 à 1995, je peux en citer plusieurs, mais je vais certainement en oublier quelques-uns. J'aurais même quelques documents à déposer.

Parmi les premières interventions plus contemporaines que l'on peut citer à partir de 1990, il y a eu, après la Commission Bélanger-Campeau, des individus comme Albert Legault qui est professeur à l'université Laval, Charles-Philippe David et l'ex-général Belzile qui ont travaillé pour l'ENAP sur la formation éventuelle d'une armée québécoise et qui ont soumis des rapports à la Commission Bélanger-Campeau.

Ensuite, il y a eu l'éditorialiste militaire Jocelyn Coulon du Devoir qui a aussi participé à ces études. Il s'est même présenté au Centre d'études stratégiques de Toronto au mois de novembre 1991 pour expliquer que le Québec, dans le cas d'un changement constitutionnel, pourrait se doter d'une armée. Il faut bien penser qu'en 1991, la question référendaire énoncée dans la Loi 150 de l'Assemblée nationale du Québec était sur le tapis et que le gouvernement fédéral l'avait contrée avec Charlottetown. En 1991, le sujet référendaire était très à la mode et M. Coulon, en tant qu'éditorialiste reconnu, était allé traiter de ce sujet au Centre d'études stratégiques de Toronto. Dans ce document que j'aimerais déposer, on mentionne la possibilité de la formation d'une armée québécoise et différentes autres choses que les membres du comité pourront vérifier ultérieurement.

M. Bellehumeur: Monsieur Jacob, vous faites référence au document de M. Jocelyn Coulon que je dépose immédiatement auprès du greffier.

M. Jacob: Exact.

M. Bellehumeur: Vous faites également référence à la bibliographie des questions militaires et de la souveraineté au Québec. Il s'agit de citations de tout ce qui a été écrit ou discuté concernant la question d'une armée dans un Québec souverain. Ce sont les quatre pages que j'ai devant moi.

M. Jacob: C'est ça. J'en ai mentionné plusieurs, comme l'étude de Charles-Philippe David.

M. Bellehumeur: Je la dépose également auprès de la greffière.

.1125

J'ai également entendu M. Hart, lors des deux jours de témoignages, insister sur une chose extrêmement importante, à savoir que le communiqué que vous avez émis le 26 octobre 1995 aurait nui au moral des soldats canadiens. Vous me direz si je me trompe, mais vous avez vous-même soulevé cette question à la Chambre des communes il y a quelque temps. Est-il vrai que vous avez discuté, à la Chambre des communes, de la question du moral des soldats canadiens?

M. Jacob: Absolument.

M. Bellehumeur: Quand?

M. Jacob: En mai 1995, pendant deux semaines de suite à la Chambre des communes, j'ai posé au ministre de la Défense des questions concernant un rapport du colonel Oehring sur le moral des troupes. À ce moment-là, le ministre m'avait répondu que des questions avaient déjà été posées par le Parti réformiste sur le rapport du colonel Jeffries. Il y a donc deux rapports sur le moral des troupes, celui du colonel Jeffries et celui du colonel Oehring. J'ai aussi un rapport des aumôniers, un major et un capitaine, qui ont fait une étude très exhaustive sur le moral de l'armée.

Connaissant relativement bien les Forces armées, je ne pense pas qu'un simple communiqué informatif comme celui que j'ai fait puisse avoir influencé de quelque façon le moral des troupes, avoir semé la confusion ou avoir déstabilisé le moral des troupes ou l'autorité. Je reviendrai là-dessus un peu plus tard.

M. Bellehumeur: Comme c'est une chose publique, je dépose la question que M. Jacob a posée à la Chambre des communes en mars 1995. Je déposerai également les deux rapports que vous avez cités, les deux études démontrant quelles sont les causes de l'état du moral des soldats canadiens. J'aimerais que vous nous disiez quelle est, selon ces études, la cause précise de la baisse du moral des troupes canadiennes.

M. Jacob: J'aurais envie de vous répondre, monsieur Bellehumeur, que ça n'a pas tellement de rapport avec le communiqué. Je pense que ce problème a été amplement discuté à tous les niveaux. À plusieurs reprises, le député d'Okanagan - Similkameen - Merritt a tenté de faire un lien entre la baisse du moral des troupes et le communiqué. Je pense que c'était exagéré. Je pense que le fait de mentionner des rapports et des questions qui datent d'un an est suffisant. À mon avis, il n'y a pas de lien de cause à effet. Si vous désirez que j'élabore davantage, je peux le faire.

M. Bellehumeur: Non, merci. Je pense que vous avez fait le lien et que vous avez très bien expliqué la cause de cette baisse de moral sur laquelle M. Hart a insisté.

Je terminerai mon tour avec cette autre affirmation de M. Hart, qui disait, lors de son témoignage, que le communiqué à l'étude avait choqué et révolté les gens de l'armée canadienne et que M. Jacob avait agi de façon épouvantable en envoyant ce communiqué aux gens de l'armée. Est-ce que vous avez des choses à dire pour démontrer que M. Hart est totalement dans l'erreur quand il affirme gratuitement de telles choses?

M. Jacob: Comme l'a dit M. Hart, un de ses commettants qui pilotait l'avion de la Reine a sûrement été choqué par mon communiqué à ce moment-là, mais j'ose croire que les membres des Forces armées sont plus intelligents que M. Hart a voulu le faire croire et qu'ils sont capables de faire la distinction entre un communiqué et un ordre gouvernemental.

D'ailleurs, les diverses invitations que j'ai reçues de la part du ministère de la Défense peuvent en témoigner.

.1130

La journée même du vote en Chambre, je recevais une invitation de la part du brigadier général Émond pour aller discuter de la politique de défense du Bloc québécois au Collège militaire de Kingston, où j'ai rencontré des professeurs de l'Université Queen's et du Collège militaire de Kingston ainsi que certains élèves officiers. J'ai accepté cette invitation concernant la défense, et j'ai répondu à toutes les questions.

Les premières questions ont porté sur le rapport dissident que le Bloc québécois, c'est-à-dire moi-même et mon collègue de Shefford, avait fait concernant la révision de la politique de défense.

La deuxième partie portait sur l'intérêt des élèves officiers et des professeurs concernant une éventuelle armée québécoise advenant un changement constitutionnel ou l'accession du Québec à la souveraineté. Je leur ai même fait remarquer, lorsque les questions ont commencé, que les membres, professeurs ou élèves officiers pourraient éventuellement être cités à témoigner devant ce comité, et je peux vous dire que leur réaction a été plutôt amusée.

Je ne pense pas que les militaires aient pris le communiqué au pied de la lettre ou l'aient interprété d'une façon aussi tordue que le député d'Okanagan - Similkameen - Merritt.

Je voudrais aussi dire que j'ai reçu d'autres invitations du ministère de la Défense, notamment le 19 mars, qui était le lendemain du vote en Chambre, pour rencontrer le ministre de la Défense de l'Argentine qui était en visite à Ottawa. J'ai reçu l'autre un peu plus tard, aux alentours du 24 ou 25 mars, pour rencontrer un général sud-africain concernant la sécurité de son pays, et j'ai encore reçu ce matin une invitation du ministre de la Défense lui-même à aller visiter l'inauguration du centre d'urgence.

[Traduction]

Le président: Monsieur Jacob, je vous invite à terminer votre intervention pour que nous puissions poursuivre.

[Français]

M. Jacob: J'y arrive, monsieur le président. Je pensais que vous me laisseriez le temps de m'expliquer sur cette question qui est sur le tapis depuis cinq mois.

Je pense donc que si le ministère de la Défense, les gens du Collège militaire et des officiers ont continué à avoir des relations tout à fait normales avec un membre du Comité de la défense, il devrait être clair que les membres du comité ne peuvent accepter les explications de M. Hart, qui dit que j'ai semé la confusion et jeté le discrédit sur l'armée et que ces gens-là ne savent plus que penser. De la façon dont l'armée se comporte à mon égard, vous pouvez constater que l'interprétation du député d'Okanagan - Similkameen - Merritt est complètement fausse.

M. Bellehumeur: Étant donné que le député veut déposer des documents, nous avons les preuves de ce que nous affirmons. Nous déposons aussi les invitations formelles qui ont été envoyées à M. Jacob.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Frazer, du Parti réformiste.

M. Frazer (Saanich - Les-îles-du-Golfe): Je pense que personne ne met en doute le droit d'un Québec souverain, si jamais le Québec devient souverain, d'avoir des forces armées. La question est de savoir comment ces forces devraient être constituées, d'où proviendraient ses membres et à quelle date elles seraient constituées?

Monsieur Jacob, qui est l'auteur du communiqué du 26 octobre?

[Français]

M. Jacob: C'est moi.

[Traduction]

M. Frazer: Seulement vous? Personne ne vous a aidé? Vous n'avez consulté personne pour la rédaction du communiqué?

[Français]

M. Jacob: Il y a certainement des personnes de mon bureau, dont mon adjoint qui traite depuis quelques années avec moi des questions de défense et qui est au courant. Je pourrais aussi mentionner le recherchiste du Bloc québécois et le député de Shefford qui m'ont aidé et ont collaboré avec moi à la rédaction du rapport dissident concernant la révision de la politique de défense.

Le communiqué lui-même relève de mon bureau et je l'ai soumis au service de presse de façon à ce qu'il prenne connaissance du texte français et en fasse la traduction. Le communiqué a ensuite été émis comme n'importe quel autre communiqué, qu'il soit sur les transports, sur l'agriculture ou sur autre chose.

.1135

[Traduction]

M. Frazer: Est-ce votre pratique habituelle que d'envoyer ainsi un communiqué sans le faire approuver par votre chef, ou encore par un dirigeant ou un caucus de votre parti? Avez-vous pris vous-même l'initiative de publier ce communiqué?

[Français]

M. Jacob: Non, pas nécessairement. Si vous aviez suivi, monsieur Frazer, vous sauriez que j'ai remis tout à l'heure des documents dans lesquels il y avait des fiches du Bloc québécois concernant la défense. Ces fiches-là ont été préparées par le service de recherche et ont ensuite été distribuées par chacun des députés dans chacune de leurs circonscriptions où se trouvent des réserves ou une base militaire.

À ce moment-là, les membres du caucus étaient au courant du fait que le Québec prônait la création d'une armée et que nous avions certaines fiches pour en faire la publicité.

En tant que critique de la défense, et comme il y avait eu quelques discussions au niveau du caucus, j'ai pris personnellement la décision de faire de la publicité sur cette portion-là, sachant que plusieurs militaires ou membres de familles militaires se posaient des questions sur leur avenir dans le cas d'un Oui au Québec. Ils se demandaient s'ils auraient encore du travail dans l'armée du Québec une fois que le Québec serait un État souverain, puisqu'ils étaient en ce moment dans l'armée canadienne.

Le but de ce communiqué était donc de clarifier cette situation. Nous savons quel a été le résultat du référendum, mais je suis maintenant convaincu que tout le monde, au Canada, sait que le Québec aura une armée après les négociations et la modification des lois.

[Traduction]

M. Frazer: Avez-vous rencontré des membres des Forces armées pour leur demander de l'aide et des conseils pour rédiger le communiqué?

[Français]

M. Jacob: Non.

[Traduction]

M. Frazer: Dois-je comprendre de ce que vous avez dit il y a un instant que M. Bouchard, qui était votre chef à l'époque, n'a pas approuvé ce communiqué et n'en avait même pas entendu parler avant qu'il soit envoyé?

[Français]

M. Jacob: Je ne peux pas vous dire si M. Bouchard a lui-même analysé le communiqué, mais il est certain que ses proches conseillers politiques en ont pris connaissance et l'ont approuvé puisqu'ils l'ont envoyé.

[Traduction]

M. Frazer: Vous avez dit que vous n'aviez rencontré aucun membre des Forces armées à ce sujet. Avez-vous rencontré un ministre quelconque, le ministre de la Défense nationale, des fonctionnaires du ministère, et ces gens-là étaient-ils au courant de l'envoi de ce communiqué?

[Français]

M. Jacob: Non. Vous me demandez si certains militaires m'ont aidé à la rédaction du communiqué? Ma réponse est non. Et si vous me demandez si j'ai eu des relations avec certains fonctionnaires concernant la rédaction ou l'envoi du communiqué, ma réponse est également non.

[Traduction]

M. Frazer: M. Gauthier a dit à la Chambre que votre communiqué a été envoyé à tous les journalistes de la tribune de la presse. A-t-il été envoyé en suivant la procédure habituelle de la tribune de la presse parlementaire, ou enfin comment a-t-il été envoyé?

[Français]

M. Jacob: Cela a été envoyé de la façon normale. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, j'ai rédigé moi-même le communiqué en français et celui-ci a été envoyé au service de presse du Bloc québécois qui en a fait la traduction ou l'a fait faire par le service de traduction de la Chambre, et ensuite le communiqué a été envoyé selon les règles.

J'ai aussi envoyé mon communiqué par télécopieur aux bases militaires du Québec.

[Traduction]

M. Frazer: Avez-vous en votre possession une liste des numéros de télécopieurs auxquels vous avez envoyé le communiqué, et pourriez-vous déposer cette liste au comité?

[Français]

M. Jacob: Oui, monsieur Frazer.

[Traduction]

M. Frazer: J'en déduis que le communiqué a été envoyé aux journalistes d'un bout à l'autre du pays, pas seulement aux journalistes du Québec. Est-ce bien cela?

[Français]

M. Jacob: Comme je vous l'ai dit, j'ai envoyé mon communiqué au service de presse du Bloc québécois. Normalement, lorsqu'on envoie un communiqué, c'est dans une enveloppe et il y en a 200 copies que le service de presse se charge de répartir.

.1140

Je crois me souvenir que M. Hart a signalé que M. Allan Thompson, dans le Toronto Star du4 ou 5 novembre, mentionnait qu'il avait reçu a press release from the Bloc Québécois. Ça doit venir du service de presse parce que je n'ai rien envoyé moi-même au Toronto Star.

[Traduction]

M. Frazer: Vous avez dit, je crois, que vous avez vous-même envoyé le communiqué aux bases militaires, à partir de votre propre télécopieur personnel. Est-ce exact? Vous n'êtes pas passé par votre bureau de presse?

[Français]

M. Jacob: Oui, mon bureau a envoyé directement ce communiqué aux bases militaires au Québec.

[Traduction]

M. Frazer: Quand ce texte a été envoyé aux bases militaires, a-t-il été adressé à des personnes précises dans ces bases, ou bien seulement à la base de façon générale, ou bien à plusieurs adresses dans une même base? Comment était-ce adressé exactement? Je crois comprendre que vous allez nous remettre cette adresse?

[Français]

M. Jacob: Absolument pas. Cela a été fait de façon générale. Je pourrais retrouver ma liste dans tous mes papiers, mais je pense que j'en ai envoyé à Valcartier, Bagotville et Saint-Hubert, à des centres d'ingénierie et ailleurs. Le communiqué était partout identifié de la même façon et n'était pas adressé à une personne en particulier. C'était une information générale pour qui voulait en prendre connaissance.

[Traduction]

M. Frazer: Oui, mais vous nous remettrez cette liste?

[Français]

M. Jacob: Je peux vous la donner .

[Traduction]

M. Frazer: Je suis un peu troublé. Vous avez dit que le communiqué avait été traduit. Ce n'est que plusieurs jours plus tard que j'ai eu connaissance de l'envoi de ce communiqué. Quand je l'ai appris, j'ai demandé à votre bureau de me remettre le texte du communiqué afin de pouvoir le lire à tête reposée. Or il m'a été envoyé en français, bien que M. Leroux ait dit deux fois à la Chambre qu'il avait été traduit avant d'être diffusé et qu'il avait été diffusé dans les deux langues officielles.

La seule traduction anglaise que j'en ai vue est celle qui a été faite dans le Hansard par les traducteurs de la Chambre. Êtes-vous certain qu'il a bel et bien été envoyé dans les deux langues officielles?

[Français]

M. Jacob: Je suis sûr qu'il a été envoyé dans les deux langues officielles. Mais je me souviens qu'au moment où vous avez demandé à mon bureau de vous en faire parvenir une copie, monsieur Frazer, nous ne l'avions malheureusement qu'en français. C'est pourquoi vous l'avez reçu en français. Si vous aviez communiqué avec le service de presse du Bloc, il est fort probable que vous l'auriez eu dans votre langue maternelle. Pour ma part, je vous l'ai envoyé dans la langue dans laquelle je l'avais écrit.

Je peux vous dire que ce n'est pas moi qui ai traduit le communiqué en anglais, mais le service de presse. Le communiqué en anglais reçu par M. Allan Thompson du Toronto Star a été fait par le service de presse. Il était donc disponible, mais quand vous avez appelé à mon bureau, je ne l'avais malheureusement pas.

[Traduction]

M. Frazer: Aviez-vous un but précis en envoyant ce texte? Je pense que vous en avez déjà parlé, mais je voudrais y revenir. Quel était exactement votre but en envoyant ce communiqué tout juste avant le référendum?

[Français]

M. Jacob: Le communiqué avait essentiellement comme objectif de clarifier une certaine situation, comme je l'ai dit plus tôt. mais je dois dire que d'autres éléments, à mesure des rencontres que je faisais, m'ont poussé à envoyer ce communiqué. En effet, durant la campagne référendaire, à l'instar de mes collègues du Bloc québécois, j'ai rencontré mes concitoyens en faisant du porte à porte dans ma circonscription.

Comme la base de Valcartier se trouve dans ma circonscription, il y a beaucoup de militaires qui demeurent à Charlesbourg, Loretteville, Saint-Émile, Lac-Saint-Charles. J'en ai donc rencontré beaucoup, tout comme des gens de la Garde côtière.

Les gens me demandaient s'ils auraient une chance d'avoir un emploi s'ils votaient Oui. Ou bien ils me disaient qu'ils étaient dans l'armée et se demandaient s'ils seraient moins appelés à se déplacer pour poursuivre leur carrière dans le cas d'un Québec souverain avec une armée québécoise, à cause de la langue, de la famille ou d'autres raisons.

À ce moment-là, j'avais tendance à croire que les militaires n'étaient pas prêts à poursuivre leur carrière dans un éventuel Québec souverain.

.1145

Il y a une autre chose que je veux vous signaler, et je suis content que vous m'en donniez l'occasion. Vers le 24 ou le 25 octobre, Radio-Canada a fait une émission à la base de Valcartier et a demandé aux militaires quel serait leur choix lors du référendum. Là-dessus, j'ai des coupures de presse qui mentionnent ce que je vais dire et ce qu'on a vu à la télévision. Il y avait des militaires qui disaient: «Je suis fier de servir le Canada, je vais voter Non et je suis fédéraliste». Il y en avait d'autres qui disaient: «Je ne m'implique pas dans le dossier». Il y en avait d'autres encore qui disaient: «Je suis souverainiste et j'aimerais oeuvrer à l'intérieur d'un Québec souverain».

Chose bizarre, les gens ne savaient même pas... Je peux vous citer un militaire qui, malheureusement, avait le visage caché à la télévision. Quand on est souverainiste au sein des Forces armées, on risque un peu d'être victime de discrimination. J'aurais envie de proposer au gouvernement de présenter un projet de loi contre la discrimination fondée sur l'orientation politique. Je suis convaincu que les réformistes seraient contre un tel projet de loi, mais il aurait peut-être une application intéressante.

Si les gens font un choix dans leur vie personnelle et qu'ils ne peuvent le mentionner, s'il leur faut se cacher comme des criminels, c'est inquiétant. À ce moment-là, mon but était d'assurer ces gens-là qu'au Québec, lorsque les négociations seraient terminées, il était clair qu'après un Oui, même si certains fédéralistes ne nous croient pas ou ne nous ont pas crus, il y aurait une période de négociations et qu'à partir de ce moment-là, les bases, que ce soit au niveau du transport, au niveau des communications ou au niveau de l'armée, qui n'a pas de pendant au niveau provincial, seraient tenues de faire une certaine préparation en vue d'un tel projet.

Bien souvent, les fédéralistes nous accusent de ne pas préciser un projet. J'ai précisé l'application d'une armée québécoise en disant que l'ensemble des militaires québécois pourraient se joindre à une armée québécoise s'ils le désiraient. Il n'y avait absolument rien d'obligatoire là-dedans. Je n'ai rien vu d'obligatoire, non plus que M. Hart.

On a clarifié cette position-là. Quand on clarifie une chose, on est cité pour outrage à la Chambre. Je trouve cela un peu exagéré.

[Traduction]

M. Frazer: Donc, vous invitiez des membres des Forces armées canadiennes à se joindre à une armée québécoise.

[Français]

M. Jacob: Oui, dans le délai qui serait négocié au niveau de toute la...

[Traduction]

M. Frazer: Non, vous n'avez pas dit cela. Vous les avez invités à se joindre aux Forces armées du Québec.

[Français]

M. Jacob: Je peux les inviter un an plus tard, monsieur Frazer, et je vais prendre le temps de m'expliquer. M. Hart a beaucoup joué sur les mots du serment et du contrat. Je pense être au courant de tout cela. Même s'il a dit qu'on devait le dire aux membres du comité, vous n'êtes pas au courant de ce qui se passe dans l'armée. En tant qu'ex-militaire, je vais faire le lien entre ce que vous ne connaissez pas et ce que je sais.

Malheureusement, je suis un peu au courant. Je sais qu'il y a des contrats et je connais plusieurs gens de l'armée qui ne renouvelleront pas leur contrat, en mai ou en juin, et qui se dirigeront vers d'autres carrières. C'est tout à fait normal dans l'armée. C'est une hypothèse. Tout est dans le futur. Bien sûr, j'invite les militaires québécois qui le désirent à poursuivre leur carrière dans une éventuelle armée québécoise, mais dans le délai prévu dans la négociation, dans le délai de l'accession du Québec à sa pleine souveraineté, et pas avant.

Personne, de quelque niveau que ce soit, ne pourra dire que j'ai contribué à préparer l'armée antérieurement à l'accession légale du Québec à la souveraineté. Cela a été fomenté tout simplement dans l'esprit des gens qui voulaient l'obtenir.

Vous-même, monsieur Hart, vous avez dit que dans mon communiqué, il n'y avait absolument rien qui incitait à la mutinerie, à la sédition ou à la désertion. Ayant travaillé au-delà de deux ans avec moi au Comité de la défense, vous savez très bien que jamais je n'ai tendu à cela.

Toutes les interprétations que votre parti a faites, que M. Hart a faites, n'étaient que des interprétations. Il n'y avait aucun fait prouvable et prouvé.

.1150

[Traduction]

M. Frazer: Mais, monsieur Jacob, vous avez dit que ce serait après une période de négociations... Dans votre communiqué, on dit bien «immédiatement». On emploie l'expression «au lendemain», et je comprends qu'il y a là une nuance subtile, mais vous ajoutez «immédiatement». Cela ne me donne pas l'impression qu'il y a une période de négociations. N'êtes-vous pas d'accord?

[Français]

M. Jacob: Disons que oui. On dit: «Au lendemain d'un OUI, le Québec devra créer immédiatement...» «Au lendemain», en français, peut vouloir dire des semaines, des mois et même des années. Même en anglais, on dit the day after. Je ne sais pas si vous avez vu le film sur l'explosion nucléaire. «The day after» ne s'arrête pas le lendemain. Pour détruire la planète, il n'a pas fallu qu'un seul jour. Ce n'est pas du tout le lendemain. Les gens du Québec savent que dans toutes les prémisses de la loi adoptée par l'Assemblée et de l'entente tripartite, il n'a jamais été question que quoi que ce soit s'enclenche sans négociation.

[Traduction]

M. Frazer: Pourquoi alors avez-vous utilisé le mot immédiatement?

[Français]

M. Jacob: Avant de dire «immédiatement», je dis «au lendemain d'un OUI». S'il n'y a pas de Oui, rien ne se passera. À partir du moment où il y a un Oui, les négociations commencent. À partir de ce moment-là, tout gouvernement responsable devra jeter les bases d'un ministère de la Défense et un embryon d'état-major.

Il ne faut pas oublier une chose: les souverainistes ont toujours dit que nous accepterions une part équitable de la dette, mais cela implique qu'on conservera en retour certaines infrastructures: ports, bureaux de poste et bases militaires.

Pour en arriver à une négociation valable, on avait besoin de certains spécialistes, militaires et civils, pour parvenir à des négociations positives. C'était le départ de cette chose-là. Au lendemain d'un Oui, on aurait pu préparer cela durant x semaines ou x mois.

Bien sûr, il y a des fanatiques souverainistes, mais il y a aussi des fanatiques fédéralistes. Lorsqu'on veut prêter à ce communiqué-là des intentions de créer une armée pour obtenir la souveraineté par la force, je regrette, mais j'ai de la difficulté à comprendre que certains parlementaires que je respecte aient pu simplement penser à une telle chose.

[Traduction]

M. Frazer: Monsieur Jacob, je ne laisse nullement entendre que vous avez préconisé le recours à la force pour réaliser la souveraineté, pas du tout. Ce qui m'inquiète, c'est que vous devez reconnaître que les militaires ne peuvent pas travailler pour deux pays en même temps. Vous avez dit qu'il y avait un groupe d'officiers prêts à constituer un état-major, et l'emploi du mot «immédiatement» implique qu'ils étaient prêts si le oui l'avait emporté au référendum. Ne croyez-vous pas qu'il y a là une certaine controverse, quant à savoir si ces gens-là pouvaient être loyaux envers le Canada au moment même où ils envisageaient de faire défection au Québec.

[Français]

M. Jacob: Non, absolument pas. Il faut toujours revenir à l'historique de la négociation. Je suis convaincu, avec tout le respect que j'ai pour vous, que vous n'avez pas suivi le débat référendaire au Québec et que vous n'en connaissez pas tous les détails. Vous avez pris le communiqué et vous l'avez interprété. Au début, vous l'avez, vous, bien interprété. Votre collègue, lui, s'est probablement fait insuffler des idées par certains journalistes qu'on ne mentionnera pas et a modifié quelque peu son approche.

Vous dites que personne n'a pensé que je voulais faire la souveraineté par la force. Lorsqu'en pleine Chambre des communes, on accuse un député de sédition et d'appel aux armes, je me demande ce que c'est si ce n'est m'accuser de tenter de déstabiliser le pays par la force, ce que vous ne pensez pas, j'en suis convaincu. Le député d'Okanagan - Similkameen - Merritt ne le pense pas non plus, mais il a agi sous des pressions dont j'ignore la provenance.

.1155

Le président: Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

Monsieur Boudria vous avez la parole.

M. Boudria: Merci monsieur le président.

[Français]

J'ai, moi aussi, quelques questions à poser à M. Jacob. Je vais toutefois partager mon temps avec la prochaine personne qui est sur votre liste. Je crois que c'est Mme Catterall.

J'ai soulevé auprès de M. Hart tout ce dossier du communiqué qui me donne l'impression d'avoir une portée différente en français et en anglais. Je ne dis pas qu'il s'agit de sédition dans un cas ou dans l'autre, mais je dis que les deux versions sont différentes.

Monsieur Jacob, est-ce que la version originale du communiqué était en français ou en anglais? Cela va peut-être de soi, mais il vaut mieux que ce soit dit.

M. Jacob: C'était en français. S'il avait été composé en anglais, il y aurait eu plus de fautes.

M. Boudria: Vous venez d'en parler un peu. Le texte dit en français: «au lendemain d'un OUI». Toutefois, quand on connaît un peu le projet de souveraineté - que je n'appuie absolument pas - , on sait qu'il faisait mention, en novembre 1995, de négociations d'un an. Est-ce qu'il était dans vos intentions, par votre communiqué, d'établir un embryon d'état-major avant que cette période de consultation d'un an soit terminée, advenant que, par malheur, le vote ait été favorable à la souveraineté?

M. Jacob: Toujours en relation avec les négociations dont vous venez de parler, le communiqué contenait effectivement, comme je l'ai mentionné tout à l'heure à M. Frazer, ce qu'on pourrait appeler un embryon. Il ne s'agissait tout de même que d'un embryon. Je peux vous parler en termes médicaux, étant donné que je suis médecin vétérinaire. Un embryon est un être extrêmement petit. Si je le mentionnais dans mon communiqué, c'est qu'au Québec, au moment où des négociations se seraient tenues avec le gouvernement fédéral, surtout en ce qui concerne le partage de certaines infrastructures, on aurait certainement eu besoin d'individus possédant des connaissances militaires pour négocier des aspects relevant de ce domaine. Vous avez à l'intérieur du Québec, comme à l'intérieur de n'importe quelle autre province, des individus qui ont quitté l'armée, des individus qui viennent de quitter l'armée, d'autres qui vont quitter l'armée et d'autres qui vont y entrer.

C'était en rapport avec la préparation d'un dossier qui n'a pas de pendant au Québec et qui, malheureusement à mon sens, a été trop souvent oublié et parfois complètement ignoré parce qu'il était en quelque sorte tabou.

Je me rends bien compte que le sujet était tabou car je vous avoue bien sincèrement que je n'aurais jamais cru que mon communiqué causerait un tel tollé au Parlement où je siège avec vous. C'est pourquoi je l'ai fait publiquement sans aucunement m'en cacher. De toute façon, tous les députés du Parlement savent pour quelle raison les membres du Bloc québécois ont été élus par leurs concitoyens. C'est la réponse que je peux vous donner.

M. Boudria: Vous avez peut-être déjà répondu à cette question. Vous vous voudrez bien m'excuser si je n'ai pas saisi exactement la réponse. Est-ce que votre communiqué a été distribué ici même, à l'intérieur du Parlement, aux instances qui reçoivent habituellement les communiqués de presse?

M. Jacob: J'ai déjà répondu, mais je vais le faire encore. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, le communiqué a été rédigé à mon bureau, par moi, avec l'aide de mon adjoint. Lorsque qu'il a été terminé, je l'ai envoyé au service de presse du Bloc québécois ici, à Ottawa. Ils ont corrigé quelques fautes et je leur ai demandé de le traduire. À ce moment-là, ils m'ont rappelé pour me dire qu'ils l'émettaient selon la procédure habituelle. Je ne suis pas allé au service de presse du Bloc pour vérifier si on l'avait envoyé à tous les journaux. Non, je n'ai pas fait ça.

M. Boudria: D'accord! Donc, que vous sachiez...

M. Jacob: On a suivi la procédure normale, que je sache.

M. Boudria: D'accord. Est-ce que les deux versions du communiqué, française et anglaise, ont été émises en même temps?

.1200

M. Jacob: D'après ce que m'a dit le service de presse, oui.

M. Boudria: Est-ce qu'il était dans vos intentions que le communiqué ait la même portée en français et en anglais?

M. Jacob: Absolument.

M. Boudria: C'est peut-être évident, mais c'est quand même important que nous nous le mettions sur...

M. Bellehumeur: Si on examinait la traduction française de plusieurs textes anglais, on verrait souvent des différences.

M. Boudria: Justement, quand j'examine le texte, je le trouve plus sévère en anglais ou d'une plus grande portée en anglais. J'ai soulevé ce point auprès de M. Hart également.

Est-ce qu'en français, votre intention était de dire «le lendemain» plutôt que «au lendemain»?

M. Jacob: C'était «au lendemain».

M. Boudria: D'accord. Donc, plus tard.

M. Jacob: Absolument, parce qu'il fallait se conformer exactement au projet de loi concernant le référendum que le gouvernement du Québec avait émis. Je n'allais pas à l'encontre des lois du Québec.

M. Boudria: Il y a ici un terme en anglais avec lequel j'ai un peu de difficulté. Lorsque vous dites major state en anglais, je suppose que vous voulez dire en français «état-major». C'est en effet le mot que vous avez utilisé en français. Ce n'est pas le terme habituellement employé en anglais.

M. Jacob: Comme je vous l'ai mentionné, ce n'est pas moi qui l'ai traduit. Je l'ai rédigé en français et le service de presse l'a traduit. Je ne pourrais pas vous dire...

M. Boudria: Ce n'est pas une critique de vos talents de traducteur.

M. Jacob: Je ne pourrais pas vous dire si major state veut dire cela. Comme je vous l'ai expliqué, je voulais parler d'un embryon d'état-major. Je ne sais pas si cela se traduit par major state ou major staff.

M. Boudria: Monsieur Jacob, en envoyant ce communiqué, votre intention était-elle de tenter de mettre sur pied un tel d'état-major après un Non au référendum?

M. Jacob: Non, en aucune espèce de façon. Cela a été dit clairement. De toute façon, c'est le Non qui l'a emporté au référendum, malheureusement pour nous. Je suis convaincu que le ministère de la Défense a sûrement vérifié si j'avais tenu des rencontres formelles ou informelles, ou si j'avais créé quelque embryon d'état-major - appelez-le comme vous voudrez. C'est un non catégorique.

M. Boudria: Bien que ce ne soit plus la motion dont nous débattions, puisqu'elle a été modifiée, cela aurait pu l'être. Donc, je vous demande si votre intention était d'encourager la défection des militaires canadiens.

M. Jacob: Je vous remercie de cette question. Quand j'écoutais M. Hart dire que le communiqué de presse incitait à la désertion et que des jeunes militaires de 18 ou 19 ans pouvaient sentir leur fidélité à leur serment amoindrie, je souhaitais parler là-dessus. Vous m'en donnez l'occasion.

Lorsqu'on parle de transfert de loyauté - c'est un peu ce à quoi vous faites allusion - , je dois dire que j'ai confiance en la loyauté des militaires québécois et canadiens. Je sais très bien qu'ils sont capables de faire la différence entre un communiqué émis par l'Opposition officielle et un ordre émis par l'état-major. Je pense qu'ils sont assez intelligents pour cela.

De plus, je sais très bien que dans ce communiqué, envoyé de la façon dont je l'ai fait, il n'y avait pour eux aucune incitation à la désertion ou à la mutinerie.

D'ailleurs, je pourrais faire référence à une déclaration du général Dallaire que je cite en anglais: «it simply arrived, we read it and that was it».

Un autre militaire a déclaré: «Nous avons reçu le communiqué. Nous n'y avons pas accordé d'importance. Cela faisait partie du débat référendaire et tous attendaient le résultat avec anxiété.»

C'était du domaine de l'information. Je n'ai pas rencontré depuis ce temps - cela remonte tout de même au mois de novembre, à la fin d'octobre - de militaires qui m'aient dit: «Vous nous avez franchement déstabilisés» ou «vous avez incité des militaires à la désertion». J'ai maintenu mes relations avec les officiers de l'armée, comme le général de la base de Valcartier, j'ai eu d'autres rencontres sur différents sujets et il n'a jamais été question de ces choses-là. Cela demeure dans l'esprit du député qui m'a accusé. Point.

.1205

M. Boudria: Je pense vous avoir entendu dire que vous aviez fait circuler ce communiqué au Parlement et à des bases militaires. Dans ce dernier cas, en plus de l'avoir adressé à la base elle-même, l'avez-vous fait parvenir à des individus, en les sollicitant?

M. Jacob: En aucune façon.

M. Boudria: Avez-vous adressé d'autre correspondance ou fait parvenir d'autres représentations à des individus en leur demandant de former cet état-major que vous décrivez dans votre communiqué?

M. Jacob: En aucune façon.

M. Boudria: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci monsieur Boudria.

Madame Catterall, s'il vous plaît.

Mme Catterall (Ottawa-Ouest): De combien de temps est-ce que je dispose, monsieur le président?

Le président: Environ dix minutes.

Mme Catterall: En tant que porte-parole de votre parti sur les questions de défense nationale, avez-vous déjà communiqué avec des bases ou des établissements militaires pour les informer des positions du Bloc?

[Français]

M. Jacob: Aux bases militaires, à titre de porte-parole, non. Par contre, à titre de porte-parole de la Défense, j'ai déjà adressé des communiqués à des journaux.

[Traduction]

Mme Catterall: Vous n'aviez donc pas ces numéros de télécopieurs avant d'envoyer ce communiqué; est-ce que vous les avez obtenus afin de pouvoir l'envoyer?

[Français]

M. Jacob: Non. Je les avais avant d'expédier ce communiqué. Par exemple, lorsqu'on a fait les modifications à la base de Valcartier, à la fin de 1994, et certaines constructions pour les écoles de la réserve, c'est-à-dire des résidences pour les réservistes du camp-école estival, j'avais envoyé un communiqué de presse à propos des retombées économiques.

Comme je vous le dis, j'ai un annuaire des numéros de téléphone des bases militaires de l'ensemble du Canada. À ce moment-là, je ne jugeais pas pertinent d'envoyer aux bases militaires un communiqué portant sur les retombées économiques d'un agrandissement de la base militaire pour la région de Québec.

Quant au communiqué qui nous occupe, par contre, je jugeais qu'il était pertinent de le faire parce que les principaux intéressés au projet d'une future armée québécoise étaient justement ces militaires-là. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de le faire.

Je peux vous dire, madame Catterall, que certains membres des forces armées, sur réception du communiqué, ont appelé à mon bureau pour me demander si j'avais une autorisation du ministère de la Défense ou de l'état-major qui leur permettait de distribuer ce communiqué. J'ai répondu que non, que je le leur envoyais à titre informatif et qu'ils pouvaient en faire ce qu'ils voulaient.

Certains militaires l'ont affiché, d'autres l'ont mis au panier. Cela allait un peu dans le sens de leurs opinions ou de leur orientation politique, comme je l'ai déjà mentionné. C'est tout simplement ça.

[Traduction]

Mme Catterall: Votre communiqué n'était pas adressé à certains télécopieurs en particulier; il était destiné à l'ensemble des télécopieurs des bases. Qui, parmi les membres des Forces armées, a réagi à ce communiqué?

[Français]

M. Jacob: Comme je l'ai mentionné, il y en a un qui m'a rappelé pour me demander si j'avais l'autorisation. Il a décidé que si je ne l'avais pas, le document irait tout droit au panier.

En dehors de ce commentaire, et je vous le dis très sincèrement, je n'ai eu aucun appel ou communication avec quelque militaire qui m'ait donné son opinion sur le communiqué.

La première fois que j'ai entendu parler de mon communiqué, c'est dans un article du Toronto Star et, par la suite, lors d'un appel de Mme Diane Francis du Financial Post. Ce sont les premières interventions que j'ai reçues. Je peux vous dire en clair et en toute franchise qu'aucun militaire, de quelque grade qu'il soit, n'a communiqué avec moi pour me dire s'il était d'accord ou non sur mon communiqué.

Cela s'est fait essentiellement par les médias ou, en Chambre, par les interventions du Parti réformiste.

.1210

[Traduction]

Mme Catterall: Donc, il y a quand même des gens qui ont reçu ce communiqué et qui ont pris contact avec vous pour vérifier si vous étiez autorisé à l'envoyer. Certains d'entre eux l'ont distribué, d'autres l'ont affiché.

Quoi qu'il en soit, à part les personnes qui ont reçu ce communiqué par l'un des 15 numéros de télécopieurs auxquels vous l'avez adressé, avez-vous eu des réactions à ce communiqué de la part d'autres membres des Forces armées?

[Français]

M. Jacob: Non. De quel nombre de numéros avez-vous parlé? Je ne sais pas si c'est l'interprétation qui...

[Traduction]

Mme Catterall: Vous avez dit, je crois, que vous l'aviez adressé à 15 numéros.

[Français]

M. Jacob: Ah, d'accord! Le traducteur avait dit 1 500. Environ 15 à 20, pour ce qui est des bases du Québec.

Quant aux commentaires, comme je vous l'ai mentionné, les seuls dont j'ai eu connaissance... Je vous ai cité tout à l'heure les propos du major-général Roméo Dallaire à La Presse, qui disait qu'il avait reçu le communiqué et que c'était tout. Un autre officier a, lui aussi, déclaré à La Presse que le communiqué n'avait pas fait l'objet de discussions et qu'il n'y avait pas accordé de poids. On ne m'a pas appelé personnellement pour me faire des commentaires, sauf celui que je vous ai mentionné, et je n'ai reçu aucune réaction à ce document télécopié, en aucune façon.

[Traduction]

Mme Catterall: Mais dans vos réponses précédentes, vous avez dit que vous aviez envoyé ce communiqué notamment parce que les militaires que vous rencontriez dans votre entourage se préoccupaient de leur avenir dans l'éventualité d'un vote en faveur de la séparation. Vous me dites maintenant qu'aucun de ces militaires ne vous a appelé après avoir reçu ce communiqué pour le commenter ou pour vous interroger à son sujet?

[Français]

M. Jacob: Non. Si le communiqué s'adressait aux militaires, je pourrais vous répondre qu'eux en ont jugé la pertinence et y ont réagi en votant soit positivement, soit négativement. À mon sens, ce n'était pas nécessaire qu'ils m'appellent pour me dire que j'avais fait un acte formidable ou bien un acte épouvantable. C'était un communiqué d'information; à partir de ce moment, c'était à eux de prendre leur décision dans le débat que nous vivions.

[Traduction]

Mme Catterall: Il ne me reste plus beaucoup de temps, monsieur le président, et je pense que nous allons devoir faire revenir ce témoin une deuxième fois.

Je voudrais revenir sur une question précédente pour supprimer les mots «The day» de la version anglaise de votre communiqué au deuxième paragraphe de la page 2. Si l'on supprime ces mots, on n'a plus à se demander si le passage a été bien traduit ou non. Si je supprime ces mots, vous dites qu'après une victoire du oui, le Québec devrait immédiatement créer un ministère de la Défense. Vous ne dites pas qu'il faudrait le faire après des négociations, après des discussions ou après la conclusion d'ententes. Vous dites que cela devrait se faire immédiatement après une victoire du oui.

Je voudrais rapprocher cela de ce que vous dites au bas de la première page, à savoir qu'«un Québec souverain devra utiliser et rationaliser les ressources déjà déployées sur son territoire». Quelle aurait été votre réaction si, immédiatement après une victoire du oui, des militaires avaient répondu à votre invitation de créer un ministère de la Défense? Est-ce que vous vous seriez attendu à ce qu'ils y apportent les ressources du Canada, leurs uniformes, leurs armements, leurs avions et leurs bases?

[Français]

M. Jacob: J'aurais envie de vous répondre à l'inverse; si la réponse au référendum avait été Oui, est-ce que le lendemain, le ministère de la Défense n'aurait pas donné ordre d'envoyer tous les F-18 à Cold Lake ou à Goose Bay et de déplacer les militaires? C'est une question hypothétique. Pour en revenir à la vôtre, il n'a jamais été question de demander aux militaires d'arriver avec leurs bottes, leurs armes et leur habit. Il faut toujours se resituer dans le contexte du référendum, de ce qui est dit dans le communiqué, soit «au lendemain», et au projet de loi qui prévoyait une certaine période de négociation.

.1215

Étant donné que dans le domaine précis de la Défense, le gouvernement provincial n'a pas d'expertise ou de pendant, il aurait nécessairement fallu que certains experts du domaine militaire viennent négocier le partage de ces équipements et de ces uniformes. Je reste convaincu d'une chose; cela ne se serait pas fait «le lendemain», mais «au lendemain» du référendum, au cours d'une période de négociation.

Il faut aussi être conscient que dans un tel contexte, au cours d'une période de 8, 10, 12 mois de négociations, alors que le Québec aurait, a et aura encore le projet de créer une armée québécoise, le gouvernement canadien ne voudra pas conserver les infrastructures militaires et les militaires sans recevoir en retour des impôts du Québec. À un moment donné, on dira certainement que le Québec se charge de telle portion de la dette et que les militaires qui veulent dépendre du Québec devront s'y joindre.

En disant «devra créer immédiatement un ministère», le communiqué reconnaît simplement qu'après un Oui au référendum, quand débuteront les négociations, le gouvernement du Québec devra effectivement trouver des gens qui ont des connaissances militaires pour poursuivre ces négociations. Il ne s'agissait pas du tout de lever une armée ou de prétendre que nous avions déjà notre armée et que nous nous apprêtions à rafler le tout par la force des choses. Il devait y avoir négociation. Je pense que tous les fédéralistes le reconnaissent aussi bien que les souverainistes. Il y aura partage de la dette, mais il devra aussi y avoir partage des actifs. Cela requerra des gens compétents dans des domaines précis. À ce moment-là, ce sera le cas de la défense.

[Traduction]

Mme Catterall: Ce n'est pas de ce document que je parle, mais de votre communiqué. C'est un communiqué qui fait référence à votre point de vue, mais qui, en outre, émane du bureau du chef de l'opposition qui, à l'époque, était également le chef de la campagne du oui au Québec et chef du comité de la campagne du oui. Par conséquent, ce communiqué est revêtu non seulement de l'autorité de M. Jacob en tant que porte-parole en matière de défense nationale, mais également de celle du chef de l'opposition, chef de la campagne pour le oui.

Indépendamment de la façon dont on pourrait par la suite faire référence aux autres documents, ce document affirme qu'après un vote pour le oui, il faudrait immédiatement créer un ministère de la Défense auquel les membres des Forces armées canadiennes seraient invités à apporter leur loyauté. Cela me semble très clair, monsieur Jacob. Vous avez invité les membres des Forces armées canadiennes à se joindre aux Forces armées du Québec immédiatement après une victoire du oui. Cette action émane non seulement de vous, mais également du chef de l'opposition de l'époque, qui est maintenant devenu premier ministre du Québec.

[Français]

M. Jacob: Si vous voulez dissocier mon communiqué du projet de loi, est-ce que vous allez au moins me permettre de le situer dans le contexte référendaire? À mon sens, les militaires à l'intérieur du Québec membres des Forces armées canadiennes - dont je ne remets aucunement en doute la loyauté, contrairement à M. Hart - étaient tout à fait au courant du débat référendaire.

.1220

Comme je l'ai mentionné au tout début, même les 1 300 à 1 400 militaires de la base de Valcartier qui se trouvaient en Bosnie en mission de paix avaient reçu le projet de loi ainsi que la question référendaire, et autres documents d'information. Il était donc dans l'intérêt des forces canadiennes d'au moins informer leurs membres afin qu'ils puissent prendre une décision éclairée.

Si on considère le communiqué tout à fait hors du contexte référendaire, certains esprits pourraient éventuellement douter de l'opportunité de transférer ou de créer un ministère de la Défense et une armée immédiatement après un Oui. Mais à cause du respect que je porte aux forces militaires, je suis convaincu que leurs gens sont assez intelligents pour avoir situé ce geste dans le contexte référendaire.

C'est la raison pour laquelle aucun militaire, sauf peut-être le major-général MacKenzie auquel il faudra d'ailleurs revenir... Lorsqu'on compare l'Iran au Canada, c'est une comparaison qui cloche peut-être un peu. Aucun militaire gradé ou officier, parmi ceux qui sont en place, n'a dit qu'il avait été choqué ou insulté, qu'il n'avait pas compris le contexte dans lequel c'était publié, qu'il avait interprété le communiqué comme une incitation à déserter ou à transférer sa loyauté pendant qu'il était encore membre actif de l'armée canadienne. M. Hart n'a pu le démontrer. Nulle part dans les médias d'information ou dans des rencontres aura-t-on entendu une telle affirmation. Je pense que les gens ont situé le communiqué dans le contexte d'alors. Je le répète, même si vous voulez dissocier le document de ce contexte, on a répété maintes fois dans les médias qu'il y aurait processus de négociation et qu'à partir de ce moment, les autres processus seraient enclenchés.

Je ne pense pas qu'en aucune espèce de façon les gens se soient attendus à ce que, le matin du31 octobre, il y ait un ministère de la Défense, un état-major, et qu'on leur demande de déserter et de s'en venir au Québec. C'est fausser complètement mon intention. Cela ne peut se justifier autrement que par le contexte ou l'interprétation du texte lui-même.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, madame Catterall.

Monsieur Bellehumeur, avez-vous d'autres questions?

[Français]

M. Bellehumeur: Oui. Je ne prendrai pas tout le temps qui m'est alloué, monsieur le président, parce que je pense que le témoignage de M. Jacob a considérablement dégonflé le ballon. Je vais tout simplement lui demander, en terminant, de rafraîchir un petit peu la mémoire de M. Hart, qui était très sélective lors de son témoignage. Est-ce que M. Jacob peut nous dire, et même déposer des documents à cet effet, si M. Hart était bel et bien présent au Comité permanent de la défense et des anciens combattants les 28 novembre, 5, 6, 12 et 13 décembre 1995? Voulez-vous nous dire, monsieur Jacob, si oui ou non M. Hart était présent à ces rencontres? Si oui, voulez-vous déposer les procès-verbaux des réunions de ce comité?

M. Jacob: Oui, M. Hart et moi-même étions présents aux cinq réunions mentionnées. Voici les procès-verbaux.

M. Bellehumeur: La greffière va aller les prendre. M. Hart, on se le rappellera, vous a accusé en Chambre pour la première fois, le 29 novembre 1995, en vous disant de réfléchir à l'article 62 du Code criminel, que ce que vous aviez fait était terrible, etc. Est-ce qu'il a soulevé la question du fameux communiqué du 26 octobre 1995 au Comité permanent de la défense, alors qu'il en avait l'occasion, les 28 novembre, 5, 6, 12 et 13 décembre 1995?

M. Jacob: Non, il n'en a pas été question. Ni M. Hart ni d'ailleurs aucun autre membre du comité n'a soulevé ce point. M. Hart a répondu que le sujet n'était pas à l'ordre du jour. Pourtant, si la chose était si grave qu'elle aurait pu déstabiliser l'armée au complet, qu'elle mettait en cause mon droit de siéger au Comité de la défense...

Je pense que c'est arrivé au moment d'autres interrogations parce que je me souviens très bien qu'à un moment où on entrions dans la salle du Comité de la défense, M. Hart m'avait demandé si j'allais produire un rapport dissident comme je l'avais fait pour la révision de la politique de défense. Nous en étions alors à travailler sur la restructuration des réserves. Je me souviens avoir répondu àM. Hart que j'avais six ou sept suggestions à présenter et que, si la majorité libérale les acceptait, je serais d'accord sur l'approche qu'elle voulait adopter quant à la révision de la restructuration des réserves. J'ai présenté mes suggestions et la majorité libérale les a acceptées.

.1225

À ce moment-là, j'ai appuyé le rapport, ce que n'a pas fait M. Hart. Il m'avait toutefois demandé si j'en faisais un. Si j'étais effectivement devenu un danger public à cause de ce communiqué, je pense qu'il l'aurait signalé plus tôt au comité et que, surtout, il ne m'aurait pas demandé conseil.

M. Bellehumeur: Voici ma dernière question, monsieur Jacob.

Vous êtes un parlementaire. Vous avez été élu pour représenter une circonscription et pour défendre les intérêts du Québec. Avez-vous l'impression - et j'aimerais que vous détailliez un peu votre impression - que les accusations portées contre vous par M. Hart et tout le branle-bas de combat qui s'en est suivi vous ont empêché d'accomplir votre tâche de parlementaire ou de député, ou vous ont nui dans son accomplissement? Est-ce qu'on a porté atteinte à vos privilèges de parlementaire?

M. Jacob: On a mentionné au début qu'à cause des accusations portées contre moi par le député d'Okanagan - Similkameen - Merritt, j'avais perdu mon poste de vice-président du Comité de la défense. À mon sens, c'était et cela demeure toujours un comité important. J'y avais acquis une certaine expertise et c'était un travail que j'appréciais. Je suis toujours critique de l'opposition dans ce domaine, mais je ne suis plus vice-président du comité.

Je dois aussi dire qu'en ce qui concerne mes privilèges, surtout sur le plan de la vie publique, on a très peu évalué la portée des accusations portées par M. Hart et des propos de mes collègues de la Chambre. Ces accusations ont été traduites et même charriées de façon assez exceptionnelle dans les journaux.

Je vous avoue sincèrement que, lorsqu'en arrivant dans votre circonscription, vous voyez le journal de la ville de Québec titrer «La prison guette Jacob» ou «Jacob est dans l'eau bouillante» ou «Jacob va perdre son siège», cela porte un préjudice très sérieux à votre rôle de parlementaire.

Il est certain que quand la Chambre a décidé de soumettre la question du communiqué au Comité de la procédure et de affaires de la Chambre, elle n'a pas évalué les conséquences de son geste dans les médias. Je trouve inacceptable qu'en se fondant sur de fausses interprétations de mon communiqué et même sur certaines fausses informations, la Chambre ait décidé d'étudier la teneur de mon communiqué, fait que les journaux ont repris d'une façon exagérée et même parfois dramatique.

Quand certains journalistes me demandaient si je craignais d'aller en prison, cela portait atteinte à mes privilèges de parlementaire et dérangeait drôlement ma vie publique de député. Je trouve que cela a été trop peu pris en considération, lorsque la décision a été soumise au vote en Chambre.

M. Bellehumeur: La dernière question sera posée au témoin par M. René Laurin. Pour ma part, je n'en ai plus d'autres.

M. Laurin (Joliette): Je n'ai qu'une seule question, monsieur le président, et elle porte sur ce que Mme Catterall a dit tout à l'heure à propos de votre communiqué. À son avis, votre communiqué aurait eu pour effet d'inviter les membres de l'armée canadienne à s'engager dans une armée québécoise. Il faudrait que vous précisiez ce que vous recherchiez par l'émission de votre communiqué. Est-ce que votre communiqué cherchait à inviter les membres de l'armée canadienne à faire partie d'une armée québécoise ou s'il cherchait plutôt à les informer qu'éventuellement ils pourraient faire partie d'une armée québécoise?

.1230

M. Jacob: Le communiqué, comme je l'ai répété plusieurs fois...

[Traduction]

M. Frazer: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Au moment où cela se passait, il n'y avait pas d'officiers du Québec. Je pense que la question est irrecevable.

Le président: Je dois dire que je n'ai pas prêté attention à la formulation exacte de la question. Quelle était la question?

[Français]

M. Laurin: Monsieur le président, Mme Catterall laissait entendre que le communiqué incitait les membres de l'armée à quitter l'armée canadienne pour joindre les rangs d'une éventuelle armée québécoise.

Je demande à M. Jacob si son intention était d'inviter les membres à quitter une armée pour faire partie d'une autre qui, éventuellement, allait être mise sur pied, ou si elle était plutôt d'informer les membres de l'armée canadienne qu'ils pourraient être appelés à se joindre à une armée québécoise éventuelle.

[Traduction]

Le président: J'écoute l'interprétation, mais si je comprends bien la question, il s'agit d'une question hypothétique concernant une éventuelle armée du Québec, monsieur Frazer. N'est-ce pas votre interprétation? Je ne trouve rien de contestable dans cette question. Il s'agit d'une question hypothétique.

M. Frazer: Elle a été formulée un peu différemment cette fois, monsieur le président.

Le président: La question est recevable.

Veuillez répondre à la question.

[Français]

M. Jacob: J'ai déjà répondu au moins en partie à cette question.

D'ailleurs, je trouve même agréable d'entendre qu'il s'agit d'une question hypothétique en vue d'une hypothétique armée québécoise. Tout le communiqué porte sur un projet hypothétique.

C'était justement dans le cas d'un Oui, alors qu'il y aurait une période de négociation. J'ai ici un article que je pourrais citer, dans lequel un militaire déclare que lui, il fiche le camp, qu'il vote Oui au référendum et qu'il espère que le Québec souverain aura quelque chose à offrir aux militaires. Lorsqu'il a fait cette déclaration, mon communiqué n'avait pas encore été émis. Donc, les gens étaient dans un état d'incertitude ou d'expectative concernant leur avenir, comme la majorité des Canadiens ou des Québécois au cours du débat référendaire.

Je ne vois pas pourquoi on devrait placer les militaires dans une bulle de verre pour les empêcher de recevoir toute information sous prétexte que leur serment de loyauté est trop fragile, que dès qu'on l'ébranle un peu, il disparaît. Est-ce qu'on insinue qu'il ne sont pas assez intelligents pour donner eux-mêmes une juste interprétation de ce qu'ils apprennent et qu'on doit les protéger? Ce n'est pas du tout mon avis sur les militaires.

Le communiqué disait une chose qui n'avait jamais été clarifiée, même si plusieurs intervenants au Québec avaient mentionné la possibilité d'une armée québécoise. Je n'ai fait que concrétiser le projet, de façon à assurer aux gens qui avaient certaine velléité de voter Oui au référendum qu'ils pourraient poursuivre leur carrière militaire dans une éventuelle armée québécoise après l'accession du Québec au statut d'État souverain.

C'est là le sens du communiqué, comme je l'ai toujours dit, mais certaines personnes ont pu l'interpréter autrement, selon leurs opinions sur le plan politique.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

M. Bellehumeur: Étant donné qu'il reste quelques minutes inemployées, je voudrais dire au comité que j'ai l'intention de déposer une motion mettant fin à ce procès d'intention et à cette perte de temps.

J'en donne avis immédiatement. La motion est prête dans les deux langues officielles et je la déposerai à la fin de la rencontre du comité.

Merci.

[Traduction]

Le président: Vous présentez un avis de motion; vous ne proposez pas de motion, n'est-ce pas?

[Français]

M. Bellehumeur: Je présente la motion.

[Traduction]

Le président: Vous voulez proposer une motion.

M. Bellehumeur: Oui.

Le président: Tout d'abord, l'interprétation que j'ai entendue était peut-être différente, mais je tiens à signaler publiquement, monsieur Bellehumeur, que vous avez employé des termes inappropriés. Il ne s'agit pas ici d'un procès. C'est simplement une audience parlementaire.

[Français]

M. Bellehumeur: J'ai utilisé l'expression «procès d'intention». Appelez cela comme vous le voulez, mais je pense qu'il y a une perte de temps ici et que tout le monde va en arriver à cette conclusion ce soir.

Je veux tout simplement présenter une motion au comité afin qu'il décide s'il veut continuer après ce que nous avons entendu de M. Hart et de M. Jacob. Si c'est ce qu'il souhaite, on ira de l'avant.

.1235

Pour ma part, je pense que le gouvernement et les députés réunis autour de cette table devraient prendre conscience du fait que les contribuables canadiens en ont assez de payer pour des comités fantoches comme celui auquel nous participons actuellement. Il n'y a rien de sérieux dans ces interprétations qui ne sont fondées sur absolument rien. On n'a déposé aucune preuve accusant vraiment M. Jacob. Je pense qu'il est temps de se prononcer sur la motion que je présenterai tout à l'heure, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, je me demande si, par respect pour vos collègues... étant donné que nous avons pleinement donné à M. Hart l'occasion de s'exprimer, j'ai pensé que tout le monde était d'accord pour donner pleinement la même occasion de s'exprimer à M. Jacob.

Sauf le respect que je vous dois, avant de donner la parole à M. Milliken, j'essaie d'appliquer une procédure qui, je pense, fait l'objet d'un consensus. J'ai l'impression que vous essayez de revenir sur ce qui a été convenu, à savoir que...

[Français]

M. Bellehumeur: Pas du tout.

[Traduction]

Le président: ...M. Jacob devrait pouvoir être interrogé par tout le comité. J'ai une liste...

[Français]

M. Bellehumeur: À l'heure actuelle, monsieur le président, ce sont exactement les mêmes questions qu'on pose au même témoin et on entend les mêmes réponses. Si vous avez encore du temps à perdre et si vous avez du temps à faire perdre aux contribuables canadiens, nous allons poursuivre, monsieur le président, il n'y a aucun problème. Mais il n'y aura rien de nouveau sous le soleil.

[Traduction]

Le président: Je donne la parole à M. Milliken.

[Français]

M. Milliken: Monsieur le président, le problème est que M. Bellehumeur a déjà eu deux fois l'occasion de poser ses questions au témoin. Moi, je n'en ai pas encore eu l'occasion. Ils ont eu maintes occasions de poser au témoin les questions qui ont mis au jour les renseignements que nous avions déjà obtenus du seul autre témoin. Nous n'en avons pas posé suffisamment à celui-ci. Ce n'est pas assez pour moi.

Je réclame que l'occasion me soit donnée, en tant que membre de ce comité, de poser mes questions à ce sujet. Autrement, ce ne serait pas juste. Je n'ai pas posé d'objections quand il a demandé d'être entendu au deuxième tour, avant que je n'aie eu mon premier tour. Je demande, monsieur le président, qu'il retire sa motion afin que je puisse poser mes questions aujourd'hui, ou encore mardi. Le moment m'importe peu, mais je veux poser mes questions.

M. Bellehumeur: J'ai déposé ma motion et elle demeure déposée. Je l'ai déposée dans les deux langues officielles. Vous l'avez entre les mains, monsieur le président, et j'en ai même des copies pour les membres du comité. Je n'ai pas l'intention de la retirer. La motion est là.

M. Milliken: Monsieur le président, je propose l'ajournement du comité aujourd'hui pour que nous puissions rencontrer M. Jacob encore une fois.

[Traduction]

Le président: La motion d'ajournement a préséance.

[Français]

M. Bellehumeur: Est-ce que celle du gouvernement...

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, mais il n'y a pas de délibération sur une motion d'ajournement. M. Milliken a proposé l'ajournement.

La motion est adoptée

Le président: La séance est levée.

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