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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 9 octobre 1996

.0833

[Français]

Le président: J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue à la première rencontre du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, qui est mandaté par la Chambre des communes pour se pencher sur ces questions. Sa composition reflète la représentation des différents partis élus à la Chambre. Je vous présenterai les membres de ce comité dans quelques secondes, mais pour commencer, j'aimerais vous dire combien nous sommes heureux de nous trouver parmi vous.

Vous représentez pour nous une source sûre de connaissances d'un problème aigu et d'une situation très complexe dans notre société, auxquels nous cherchons des solutions en vue d'être plus équitables pour tous les travailleurs présentement sur le marché du travail et tous ceux qui essaient d'y accéder.

.0835

[Traduction]

Nous sommes très heureux d'avoir le privilège d'être ici aujourd'hui, tout comme il est exceptionnel pour vous d'accueillir un comité permanent de la Chambre des communes. Je suis particulièrement ravie de voir que nous avons le quorum et que nous sommes accompagnés de membres représentatifs du comité permanent, qui est une structure élue de la Chambre des communes.

Permettez-moi de vous présenter mes collègues. Tout d'abord, M. Russell MacLellan, de la circonscription de Cap-Breton - The Sydneys, qui a une longue expérience de la Chambre des communes, notamment dans le domaine de la justice. Je connais M. MacLellan depuis longtemps; il a joué un grand rôle dans les domaines des garanties juridiques, des droits à l'égalité et de la justice.

M. Sarkis Assadourian, de la circonscription de Don Valley-Nord, dans la ville de Toronto, est un nouveau venu dans notre caucus et notre comité, et nous sommes heureux de l'accueillir.

Nous allons vous présenter dans un instant. Nous allons faire le tour de la table avec la plus grande joie.

[Français]

On se taquine toujours et c'est avec grand plaisir que je vous présente M. Maurice Bernier du Bloc québécois, qui est le député de la circonscription de Mégantic - Compton - Stanstead

[Traduction]

dans la belle région de l'Estrie. Que ceux d'entre vous qui n'ont pas encore visité le Québec et l'Estrie se rendent dans la magnifique circonscription de M. Maurice Bernier. Il représente le Bloc québécois à la Chambre des communes.

Nous sommes particulièrement heureux d'accueillir parmi nous M. Steve Mantis, dont vous avez déjà entendu parler; le professeur Leo Aarts, des Pays-Bas; et M. Charles Black, de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.

Nous sommes ici avant tout pour en apprendre davantage au sujet des nouveaux problèmes qui surgissent, pour que nous soyons mieux en mesure d'éclairer la Chambre des communes sur les nombreuses questions qui touchent notre vie quotidienne. Nous n'avons pas la prétention d'être des experts, et c'est pourquoi nous sommes si heureux d'être ici avec vous.

Toute la question de la gestion - notamment la gestion de l'invalidité, comme vous le savez bien - est devenue l'une des questions les plus importantes auxquelles font face les milieux social, économique et commercial, sans compter le secteur de la vie publique, notamment lorsqu'il s'agit pour notre gouvernement de préparer une législation et une politique sociale.

Les programmes d'assurance-invalidité, la nature des pressions qui s'exercent sur ces programmes, et le lien - et je crois qu'il est essentiel pour nous de comprendre ces choses grâce à votre aide - qui existe entre le soutien du revenu et le genre de mesures actives qui vont permettre aux personnes qui appartiennent à cette catégorie de retourner sur le marché du travail, leur famille pouvant ainsi jouir d'une qualité de vie convenable dans notre société...

Pour nous la gestion de l'invalidité est importante parce qu'elle permet de réduire les coûts humains et financiers que nous devons assumer en tant que société. Nous espérons que les gens pourront bénéficier de l'information éclairée que, nul doute, vous saurez nous transmettre. Nous allons certainement lire avec beaucoup d'attention et d'intérêt le texte de vos déclarations et de vos témoignages.

Cela dit, je crois que l'ordre dans lequel nous allons entendre nos témoins et la procédure normale du comité permanent veulent que ce soit d'abord les témoins... Nous avons deux possibilités. Nous pouvons entendre un témoin à la fois, puis lui poser des questions, ce que nous faisons normalement en commençant par le parti de l'opposition, suivi du parti ministériel. Toutefois, avec l'assentiment des membres présents aujourd'hui, nous allons d'abord entendre nos trois spécialistes.

.0840

M. Mantis va nous donner un aperçu, chers collègues, de ce qui a eu lieu ces trois derniers jours et va en quelque sorte nous résumer la situation. Nous entendrons ensuite M. Aarts, qui va nous expliquer s'il s'agit uniquement d'un phénomène canadien - est-ce seulement certaines provinces et les Canadiens...? Comme vous le savez, il existe un bon partenariat entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous aimerions tous savoir comment cela se rattache à la scène internationale, et votre riche expérience et vos grandes connaissances vont nous l'apprendre.

M. Black va nous permettre de mieux comprendre la collaboration et les attentes qui existent dans les secteurs public et privé, et ce, grâce à son expérience et aux connaissances qu'il a acquises en vous écoutant et en participant à vos travaux, après quoi nous serons à jour en quelque sorte. Puis, bien sûr, nous devrons rentrer à la maison et étudier.

C'est donc avec le plus grand plaisir que j'invite...à moins, chers collègues, que vous n'ayez quelque chose à ajouter. Monsieur Bernier?

[Français]

M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Ça va très bien.

La présidente: Tant mieux.

[Traduction]

Russ?

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Non.

La présidente: Non? Bon, allez-y.

Monsieur Mantis, auriez-vous l'obligeance... Je pourrais résumer votre curriculum vitae pour les besoins de la Chambre des communes. Comme il s'agit d'une séance officielle, la Chambre des communes va prendre bonne note des antécédents de M. Mantis.

Cet homme a été blessé lors d'un accident de travail en 1978. Il a réintégré l'industrie de la construction en créant sa propre petite entreprise. En 1984, il a participé à la fondation du Thunder Bay and District Injured Workers Support Group, dont il est actuellement le vice-président. Nous connaissons votre député.

Ce groupe a pour objectif premier de voir à ce que les travailleurs accidentés puissent retourner sur le marché du travail. En outre, M. Mantis est actuellement coordonnateur pour l'Alliance canadienne des victimes d'accidents et de maladies du travail. Il a administré le programme de réadaptation professionnelle de la Marche des dix sous de l'Ontario et a fait partie du conseil d'administration de la Commission des accidents du travail de l'Ontario.

Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Mantis.

M. Steve Mantis (Alliance canadienne des victimes d'accidents et de maladies du travail): Merci beaucoup, madame la présidente. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant votre comité aujourd'hui.

Permettez-moi tout d'abord de préciser...

La présidente: Monsieur Mantis, je suis désolée, j'ai manqué à l'étiquette. Je crois que vous devriez savoir que siège parmi nous le greffier du comité, M. Wayne Cole, qui nous assiste dans nos travaux de tous les jours et organise les tâches que nous devons accomplir. Si je dis cela, pour vous tous, c'est pour que vous sachiez comment fonctionne un comité permanent, et que nous ne pouvons pas fonctionner sans M. Cole.

À ma droite - et croyez-moi, quand je dis à ma droite, c'est vraiment à ma droite - se trouve un conseiller en matière de politiques du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement, et si je me trompe... Bill, vous ne le croirez pas, mais j'ai oublié votre nom de famille...

M. Bill Young (recherchiste du comité): Young.

La présidente: Je ne pourrais me passer de M. Bill Young pour ce qui est des responsabilités que nous avons autour de cette table. C'est un pilier de notre équipe, qui nous aide et nous éclaire grâce à ses travaux de recherche et à sa connaissance générale du fonctionnement de la Chambre des communes. Il est actuellement affecté au groupe de travail sur l'invalidité que le gouvernement a chargé d'étudier nombre de ces questions.

Excusez-moi de vous avoir interrompu, monsieur Mantis. Veuillez poursuivre.

M. Mantis: Je vous en prie. De fait, je voudrais dire que ce que vous venez de faire fait partie de la solution. Ces deux derniers jours nous avons parlé de la façon dont nous réagissons en cette période de changement. Notre société et notre collectivité vivent des bouleversements. L'une de nos solutions, c'est de faire appel fondamentalement aux travailleurs qui fournissent le service et, plutôt que de laisser les décisions toujours se prendre au sommet, de reconnaître qu'en fait les travailleurs font partie intégrante de la solution. Ils ont acquis un savoir-faire au fil des ans en faisant le travail, en fournissant le service. S'ils participent à part entière à la conception et à l'application des systèmes, ceux-ci ne peuvent que s'améliorer.

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La gestion de l'invalidité a été le point de mire de cet événement, mais pour la majorité des gens le point de mire, c'est l'invalidité. Dans l'optique des travailleurs accidentés, l'intérêt doit porter sur la gestion. Une bonne gestion entraîne une bonne gestion de l'invalidité. Sans bonne gestion, la gestion de l'invalidité ne servira qu'à traiter les réclamations, à réduire les coûts et à trouver des moyens de se débarrasser de personnes qui coûtent cher.

La présidente: Autrement dit, d'un côté, c'est plus rentable qu'humain et de l'autre, c'est plus humain que rentable. C'est bien ce que vous nous dites?

M. Mantis: Oui, tout à fait. Les deux formules peuvent rapporter sur le plan financier. L'une peut souvent ne profiter financièrement qu'à un groupe de personnes. L'autre est une situation où tout le monde est gagnant, c'est-à-dire non seulement les entreprises et les employeurs, mais aussi les travailleurs, tant sur le plan financier qu'à titre personnel.

Nos membres nous répètent sans cesse que leur grande priorité, c'est de pouvoir retourner sur le marché du travail. C'est là que nous pouvons nous tailler une place dans la société. Le monde du travail. Bien entendu, c'est là aussi que nous pouvons gagner un revenu suffisant pour pouvoir subvenir aux besoins de nos familles.

Par conséquent, nous demandons au gouvernement fédéral d'examiner en cette période de changement les possibilités qui s'offrent à nous. En tant que premier employeur du pays, je crois qu'il peut vraiment en profiter, parce qu'il y a actuellement davantage de travailleurs au gouvernement fédéral que dans tout autre secteur, ou presque. Comme employeur, il a un rôle important à jouer, un rôle de premier plan qui peut nous indiquer comment nous pouvons tous travailler ensemble.

D'après mes nombreuses conversations avec des fonctionnaires fédéraux, je sais que les styles de gestion de la fonction publique doivent évoluer. Les travailleurs ne participent pas vraiment à ce processus. Les décisions sont prises en haut lieu, souvent sans qu'on en comprenne clairement le bien-fondé. Les occasions se présentent d'elles-mêmes - la fonction publique fédérale a par exemple mis en oeuvre des projets pilotes de gestion de l'invalidité - mais on les laisse passer en quelque sorte plutôt que d'en faire naître des idées à exploiter. Pour une raison quelconque, elles n'ont pas répondu aux besoins des gestionnaires ou des cadres, mais je ne sais pas pourquoi.

Mais nous devons examiner notre façon de traiter les gens. Si nous considérons les gens, le personnel, comme l'atout majeur avec lequel nous travaillons, nous allons pouvoir prendre des décisions qui vont aider nos entreprises, notre gouvernement et notre collectivité, de même que nos employés.

Nous avons entendu parler des différents moyens de gérer l'invalidité, de réduire les coûts. Il y a beaucoup d'excellents exemples dans les secteurs privé et public. On peut économiser beaucoup...réduire les coûts de 50, 60 et 100 p. 100. Sur le plan économique, on parle de coûts importants. Mais, encore une fois, la façon dont nous le ferons va déterminer si nous allons en profiter ou non à long terme. En investissant dans l'humain, en croyant dans nos gens, et en faisant aussi participer les clients à la conception de nos services, nous pouvons commencer à dire que tout le monde travaille à régler ces questions. Nous pouvons arriver à comprendre ce qui sera le mieux pour nous tous.

Nous avons aussi appris hier le nombre de personnes handicapées qui touchent l'aide sociale. Il y en a 213 000 au pays. On a élaboré différents modèles économiques et informatiques qui démontrent qu'un peu de soutien personnel et de mesures d'adaptation au travail permettent de faire d'importantes économies si l'on intègre ces personnes à la population active. Mais, je le répète, cela n'est possible que si nous avons une bonne gestion qui se préoccupe des personnes.

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Un élément très important de la gestion de l'invalidité, c'est l'éducation et la sensibilisation, qui assurent la participation de tous, c'est-à-dire de tous les travailleurs. Nous avons vu cela à Sault Ste-Marie, où le gestionnaire de leur programme a participé à des réunions qu'il appelait des réunions en chaîne. Il a rencontré tous les employés de la ville pour leur expliquer le programme et leur dire qu'ils pouvaient tous en profiter. Il leur a déclaré qu'il ne fallait pas plaindre uniquement telle ou telle personne, car en fait tout le monde a droit à ces prestations.

Dans les entreprises à l'avant-garde dans ce domaine, nous constatons que l'apprentissage continu fait partie intégrante du processus. Nous ne pouvons nous contenter de dire que nous avons un programme en place et que c'est un bon programme, puis l'oublier. Nous devons toujours analyser les résultats et les réactions, et être à l'écoute. Nous devons aussi nous demander comment nous pouvons évoluer, nous améliorer.

Un autre domaine pour lequel nous voulons demander l'aide du gouvernement fédéral, c'est celui de la recherche. La situation évolue très rapidement. Pour que nous puissions vraiment progresser, nous devons évaluer ce qui se passe à l'heure actuelle. Nous devons savoir où sont les meilleurs modèles, et pourquoi - quels sont les principes, quels sont les éléments de ces modèles - pour que le côté scientifique... Je m'arrête au mot «scientifique» parce qu'il faut tenir compte de cet aspect. Toute enquête scientifique doit tenir compte à la fois des travailleurs et des clients pour que nous puissions savoir comment faire des progrès et en profiter. C'est là un domaine où tout le monde peut être gagnant.

Nous avons le choix. Nous sommes à un carrefour. Quel choix allons-nous faire?

Les représentants de la Nouvelle-Zélande nous ont dit hier qu'ils ont un programme global pour tout le pays. Ce programme s'adresse à toutes les personnes handicapées, peu importe comment elles le sont devenues. Quant à nous, nos systèmes sont actuellement tellement fractionnés que différentes administrations, privées ou publiques, se chicanent entre elles pour savoir qui doit s'occuper de vous. Ainsi, la semaine dernière, on s'est bagarré au sujet des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada plutôt que d'essayer de travailler ensemble d'une façon intégrée. Et il est très intéressant d'entendre ces gens dire que l'un de leurs objectifs, c'est la réadaptation sociale et professionnelle. Ce qui est très important là-dedans, c'est la «réadaptation sociale».

Nous devons nous rappeler que ces gens sont des êtres humains qui vivent une expérience dramatique à laquelle ils doivent pouvoir s'adapter, qu'ils doivent pouvoir affronter, s'ils veulent continuer à avancer. C'est là un élément essentiel de tout programme. Nous ne devons pas oublier que nous sommes des personnes qui passent par toute une gamme d'émotions: non seulement j'ai perdu mon bras, mais j'ai aussi perdu l'estime de moi-même, j'ai perdu le sens de mon identité, j'ai perdu mon statut dans la société, et je dois m'adapter à tout cela si je veux réussir et apporter ma contribution à ma collectivité et à mon employeur.

Je crois que j'ai presque épuisé mon temps de parole. Je veux vous laisser trois idées. Premièrement, nous devons faire de la recherche. Nous devons mettre en évidence ce qui fonctionne. Nous devons aussi mettre en pratique ce que nous prêchons. Non seulement nous devons dire que nous allons faire toutes ces belles choses, mais nous devons aussi les vivre. Nous devons pouvoir identifier et soutenir les gens qui font le travail, et les faire participer intégralement au processus. Nous devons enfin faire participer les gens qui touchent les prestations de ces programmes.

Pour ce qui est des travailleurs accidentés, je sais que les personnes handicapées ont beaucoup de solutions. Tout ce qu'il nous faut, c'est de pouvoir vous communiquer certaines de ces opinions, pour que nous puissions progresser ensemble.

Merci.

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La présidente: Merci, monsieur Mantis.

C'était là un tour d'horizon très important pour nous. Nul doute que la confiance en soi, l'estime de soi et le respect de soi sont essentiels à la guérison, non seulement mentale, mais aussi physique. J'aime bien cette approche. Je suis très heureuse de voir qu'il y a ici des personnes handicapées, qui ont certainement des choses à nous dire.

Une voix: Absolument.

La présidente: Je n'étais pas inquiète. Je savais que nous étions chanceux. Nous devons vous entendre pour en savoir plus. Je vous sais gré de ce tour d'horizon. Merci.

Je vous demanderais de penser à cette question pendant que nous écoutons les autres intervenants. Vous parliez de toute la question de la gestion. C'est là que se situe le problème. Quand on a examiné le modèle de recherche à l'essai au gouvernement, on a fait valoir que la gestion de l'invalidité ne sera efficace que s'il existe un cadre de responsabilité par lequel chacun des ministères et, en fin de compte, les gestionnaires sont tenus responsables du coût de leurs travailleurs absents.

Est-ce là la meilleure façon de faire? Il s'agit d'une analyse coûts-avantages. Où se trouve la dimension humaine? J'aimerais que vous y pensiez, si vous le voulez bien. Merci.

Je suis des plus ravies d'accueillir M. Leo Aarts à cette audience du comité. M. Aarts est économiste principal au Leiden Institute for Public Policy et professeur agrégé d'économique à la Faculté de droit de l'Université Leiden aux Pays-Bas.

À l'heure actuelle, ses recherches portent sur les aspects économiques de la conception et de la mise en oeuvre de programmes d'assurance-invalidité intégrés à la sécurité sociale. Le professeur Aarts conseille le gouvernement, les hommes politiques et les syndicats hollandais en matière de politique sociale. Je me rappelle avoir lu dans un excellent document - que vous aviez préparé pour votre programme préliminaire - que vous avez fait beaucoup de recherches sur les autres pays qui vous entourent, professeur. Il nous tarde de vous entendre nous exposer la situation.

Quand vous avez abordé la question des tendances actuelles en matière de révision des politiques, je regardais une comparaison entre les États-Unis et le Canada et quatre pays européens qui illustre comment les différentes combinaisons politiques en matière d'assurance-invalidité et de rééducation, les structures incitatives et le vaste milieu de la politique socio-économique aboutissent à des résultats différents. Nous avons très hâte d'en savoir plus.

Professeur.

M. Leo J.M. Aarts (économiste principal, Leiden Institute for Public Policy): Merci.

Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je considère comme un honneur de témoigner devant votre comité. J'ai parlé hier des expériences européennes en matière de politique d'invalidité. Il est remarquable de constater qu'en dépit du fait que ces politiques nationales sont très semblables, du moins à deux égards, elles obtiennent des résultats très différents.

Laissez-moi vous exposer les similitudes. Comme je l'ai dit, ces politiques sont similaires à deux égards.

Tout d'abord, le vaste contexte de sécurité sociale dans lequel elles s'inscrivent est très semblable. Il s'agit pour la plupart de pays européens. Les pays auxquels je me suis intéressé, la Suède, la Hollande, l'Allemagne et le Royaume-Uni, disposent tous d'une assurance-maladie universelle, d'un régime de sécurité sociale universel qui couvre tous les résidents, d'un régime d'assurance-chômage universel et, enfin, ce qui est peut-être plus important, ils offrent tous un régime universel d'assurance-invalidité de courte durée et de maladie, ce qui permet d'intervenir dès après l'apparition d'une déficience fonctionnelle.

Ces politiques nationales sont très semblables à un autre titre, et c'est celui des instruments de politique offerts dans tous ces pays sous différentes formes: indemnités en espèces, bien entendu, et indemnités non financières, en passant par les subventions salariales, les indemnités partielles ou les allocations d'invalidité, instruments qui rendent possible un retour partiel au travail.

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Pourtant, en dépit de ces similitudes, les résultats sont très différents.

Avant d'entrer dans le détail de ces différences, je devrais peut-être ajouter une autre similitude dans les résultats. Ce n'est pas un phénomène typiquement européen; il peut être observé dans tous les pays de l'OCDE. Il s'agit du nombre sans cesse croissant de personnes qui reçoivent des prestations d'invalidité. Dans les années 70 et 80, les chiffres ont doublé et triplé, quel que soit le pays considéré, mais ce phénomène est commun partout. Les chiffres n'ont cessé d'augmenter en Hollande et en Allemagne que tout récemment. Autre chose, bien que l'augmentation soit semblable parmi les divers pays de l'OCDE, le nombre de bénéficiaires d'indemnités d'invalidité est en Europe beaucoup plus élevé qu'il l'est aux États-Unis ou, en fait, au Canada.

Malgré ces similitudes donc, les résultats sont très différents. En Europe, à l'une extrémité, on trouve la Hollande où sur 1 000 membres de la population active, 151 ou 152 personnes bénéficient de prestations d'invalidité. À l'autre extrémité se trouve l'Allemagne, où 55 personnes sur1 000 membres de la population active reçoivent ces mêmes prestations. Les chiffres en Hollande sont donc trois fois plus élevés qu'en Allemagne. La Hollande consacre 4,6 p. 100 de son PIB en prestations en espèces comparativement à 2 p. 100 pour l'Allemagne. C'est une énorme différence.

L'une des raisons pour lesquelles on constate ces différents résultats tient à la structure des incitatifs. Par là on entend les incitatifs intégrés dans les normes et les procédures énoncées dans la politique nationale et, ce qui est peut-être encore plus important, la façon dont ces normes et procédures sont appliquées par les administrateurs du programme.

Quand je parle d'incitatifs et de structure des incitatifs, il est très important de ne pas seulement considérer les incitatifs qui profitent à l'employé, comme les indemnités qu'il va recevoir si on lui accorde une pension d'invalidité, mais également les incitatifs pour l'employeur et, comme il ne faut pas oublier la tierce partie, ceux des administrateurs du programme.

D'une manière, la Hollande s'y prend mal. Elle a mis l'accent en matière de politique d'invalidité sur l'indemnisation, qui s'est avérée très coûteuse. Cela a bien sûr contribué à alléger le fardeau des gens victimes de déficiences fonctionnelles, mais cela a peu contribué à réintégrer les gens au travail et dans la société. Le rendement du régime n'a pas été très bon. Je vous parlerai un peu plus tard des changements de politique envisagés.

La présidente: Professeur Aarts, dois-je comprendre que c'était une politique beaucoup plus humaine mais pas économiquement saine?

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M. Aarts: Elle n'est certainement pas économiquement saine. Je me demande si elle est très humaine. Elle offre la solution de facilité, qui est très coûteuse et qui, en fin de compte, n'est peut-être pas la meilleure solution, même pour les gens qui souffrent de déficiences fonctionnelles.

Comme je l'ai dit hier, la Hollande est le pays d'Europe, en fait, du monde, où l'on trouve le plus grand nombre de bénéficiaires de prestations d'invalidité. Cela, parce que les prestations sont élevées et que les exigences sont relativement faciles à satisfaire. L'employeur n'est pas incité à conserver à son service des travailleurs qui souffrent d'une déficience fonctionnelle. Nous avions un système administratif où des normes relativement généreuses étaient appliquées par des administrateurs qui n'étaient comptables qu'à eux-mêmes.

Par contre, l'Allemagne montre que dans un contexte très semblable, avec une politique d'invalidité analogue, vous pouvez arriver à des résultats très différents. L'Allemagne a été le champion d'Europe pour l'intégration au milieu de travail des personnes frappées d'incapacité. Le programme allemand consent des prestations modérées à l'employé, tout à fait raisonnables, pas très basses mais pas aussi élevées qu'aux Pays-Bas, mais il comporte pour les employeurs des stimulants importants pour engager des travailleurs frappés d'incapacité. Les employeurs allemands s'exposent à des amendes s'ils ne respectent pas les quotas de recrutement fixés par la loi pour les travailleurs frappés d'incapacité. Et l'Allemagne a surveillé de très près le processus administratif. Bien entendu, on ne peut pas imputer à la seule structure des incitatifs les différences observées dans les résultats, mais il ne fait aucun doute qu'elles jouent un rôle, et en ce qui me concerne, un rôle important.

Permettez-moi maintenant de vous parler de certaines des mesures qui sont prises actuellement, de même que des tendances actuelles en matière de politique d'invalidité.

En Hollande, un certain nombre de mesures ont été prises pour adapter la structure des incitatifs dont je viens de vous parler. Tout d'abord, on a réduit les prestations. Ensuite, on a accru la responsabilité des employeurs en introduisant des éléments de tarification selon l'expérience dans le système et en privatisant une partie du régime d'assurance-invalidité.

Je vais vous expliquer cela. À partir de janvier, des programmes d'invalidité de courte durée, qui couvrent la maladie et une invalidité temporaire jusqu'à concurrence de 12 mois... À partir de janvier, les employeurs doivent payer au moins 70 p. 100 des revenus perdus pour les travailleurs qui ne peuvent accomplir leurs tâches courantes. Je dois ajouter qu'aux Pays-Bas nous ne faisons pas de distinction entre les accidents du travail et les autres accidents et les maladies.

L'employeur est donc libre de contracter une assurance dans le privé ou de mettre sur pied sa propre assurance. En outre, le gouvernement propose... La première mesure est en place. En outre, le gouvernement propose de donner aux employeurs la possibilité de se retirer du régime national d'assurance-invalidité au cours des trois premières années de versements des prestations. De plus, les administrations de la sécurité sociale, qui étaient régies par des organisations semi-publiques dirigées par des employeurs et des représentants de syndicats, sont en voie d'être privatisées.

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La Hollande est extrême dans ce genre de mesures, mais la Suède, où les chiffres sont tout aussi élevés ou presque aussi élevés qu'aux Pays-Bas, s'est engagée dans la même voie, réduisant les prestations et accroissant la responsabilité des employeurs en introduisant la tarification selon l'expérience dans le système. Elle a également privatisé, de la façon dont je l'ai exposé, les six premières semaines de congés de maladie et d'invalidité de courte durée comme nous l'avons fait en Hollande pour les 12 premiers mois. La Suède s'engage dans la même voie, bien qu'un peu moins radicalement et peut-être plus sagement.

L'Allemagne et le Royaume-Uni n'ont pas à envisager pour l'instant de changements radicaux dans leurs politiques, même s'ils s'inquiètent constamment des dépenses au titre de la sécurité sociale qui dans l'ensemble demeurent également trop élevées. Le système est constamment l'objet de pressions pour réduire les coûts et les prestations.

Puis-je en rester là?

La présidente: Oui. Merci beaucoup.

Professeur Aarts, avez-vous des tableaux ou une présentation où figurent les mesures comparatives?

M. Aarts: Oui, j'ai cela sur papier.

La présidente: Dans le cadre du contexte général dans lequel nous envisageons les questions de politique gouvernementale, tous nos collègues aiment disposer d'analyses comparatives d'autres pays. De cette façon, nous pouvons voir quelles ont été les meilleures expériences et savoir où nous pourrions mieux consacrer nos énergies, ou du moins savoir que nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi, que d'autres pays souffrent de la même façon ou connaissent des problèmes semblables.

Je vous remercie beaucoup. Je me demande si vous ne pourriez pas nous expliquer après ce que vous entendez par tarification selon l'expérience. Comment évaluez-vous l'impact émotionnel et la perte de confiance en soi dans les exigences de rééducation? Pour faire quelque chose, il faut se motiver soi-même et croire en ses capacités.

Je vous remercie.

Nous accueillons maintenant M. Black, conseiller principal pour les opérations d'assurance à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. M. Black est diplômé de l'Université Western Ontario, fellow de l'Institut canadien des actuaires et assureur-vie agréé.M. Black a travaillé pendant 19 ans pour un important assureur et y a assumé diverses fonctions, et il a présidé le Comité des droits de la personne - oh, comme c'est bon à entendre. Nous sommes le Comité des droits de la personne, et nous considérons tous les aspects de cette question du point de vue des droits de la personne. Monsieur Black, vous êtes doublement bienvenu de ce point de vue.

Il a donc présidé le Comité des droits de la personne tant pour l'Association canadienne des assureurs-accident et maladie que pour l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. En 1993, M. Black a supervisé pour l'Association la révision des lignes directrices sur le droit à la vie privée. Il participe activement à l'initiative de l'Association canadienne de normalisation pour définir une norme nationale en matière de protection des renseignements personnels.

Monsieur Black, il vous intéressera peut-être de savoir que les membres de ce comité ont assisté à la réunion internationale des commissaires à la vie privée tenue à Ottawa il y a 10 jours. Ce fut une expérience tout à fait enrichissante. L'exposé de Mme Ursula Franklin était tout à fait étonnant. Si vous en voulez un exemplaire, adressez-vous à notre bureau. Vous verrez le lien qu'elle établit entre les droits à la vie privée, les droits de la personne et les droits des entreprises. C'est tout à fait fascinant.

Comme nous entreprenons une étude des droits à la vie privée et du monde du travail, votre expérience s'intègre magnifiquement dans les travaux du comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. Nous vous souhaitons la bienvenue et avons hâte de vous entendre nous parler des relations entre les secteurs privé et public ou de tout autre sujet que vous aimeriez aborder.

M. Charles C. Black (conseiller principal, Opérations d'assurance, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes): Merci, madame la présidente. Comme je n'ai pas pu assister à cette réunion des commissaires à la vie privée, je vous sais gré de votre commentaire. J'assurerai un suivi et chercherai à obtenir certains de ces renseignements. La protection de la confidentialité des renseignements personnels est en soi un domaine très important. Malheureusement, les réunions importantes sont nombreuses et il n'est absolument pas possible d'assister à toutes.

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Dans cet ordre d'idées, j'aimerais commencer par vous féliciter ainsi que les membres du comité permanent d'avoir trouvé le temps de participer à notre réunion ici ce matin et de tenir une séance de vos audiences du comité permanent conjointement avec la Conférence nationale sur l'invalidité et le travail. Comme Steve et d'autres l'ont indiqué, cette conférence a été remarquable. Je l'ai trouvée très stimulante. J'espère qu'au cours du bref temps que vous avez passé avec nous, nous avons pu vous communiquer une partie de cet enthousiasme et de cette satisfaction qui s'est fait jour au cours de nos trois journées. Félicitations pour cette initiative. Elle est certainement des plus appréciées.

Dans les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais répondre à votre suggestion de me concentrer sur les relations entre les secteurs public et privé. Ce faisant, je vais m'attacher à un aspect en particulier, celui de la sécurité du revenu, parce que c'est le secteur auquel s'intéressent principalement les assureurs de personnes. Soit dit en passant, je remarque qu'il existe de nombreux autres domaines, y compris certainement la prestation de services de rééducation, dans lesquels oeuvrent de nombreuses personnes de l'auditoire, et de nombreux autres aspects où il importe que des relations étroites soient établies entre les secteurs public et privé pour s'occuper de cette question de l'invalidité et du travail.

À cet égard, j'aimerais formuler quelques commentaires sur l'assurance-invalidité privée et vous dire ce qu'est l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, ce que sont les compagnies d'assurance et quel est notre principal champ d'intérêt. Puis, si le temps le permet, j'aimerais donner un exemple des domaines auxquels pourrait s'intéresser je l'espère votre comité permanent.

Tout d'abord, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes est l'association corporative ou l'association industrielle des compagnies d'assurances de personnes au Canada. Je dois mentionner qu'il existe essentiellement une deuxième organisation d'assureurs, le Bureau d'assurance du Canada, qui représente les assurances multirisques et qui joue également un rôle important dans le domaine de l'invalidité par le biais de l'assurance automobile sans égard à la responsabilité. Je dois dire qu'à l'instar de bon nombre d'entre vous, je ne m'y connais pas très bien dans ce domaine car ce n'est pas le secteur d'intérêt de mon association.

Pendant de nombreuses années, nos compagnies membres - au nombre d'environ 90 - ont fourni un éventail de prestations d'assurance personnelles: assurance-vie, pension, et en particulier dans ce domaine de l'invalidité au travail, assurance de remplacement du revenu, souvent appelé «assurance-invalidité». Je vais donc utiliser ce terme.

Second secteur d'intérêt particulier dans le domaine de l'invalidité au travail, les prestations de soins de santé prolongées ou les prestations d'assurance-maladie supplémentaires qui couvrent de nombreux importants services de soins de santé qui ne sont pas pris en compte par la Loi canadienne sur la santé ou par les divers programmes établis par les gouvernements provinciaux. Je pense ici aux médicaments d'ordonnance, où la couverture dans le secteur public varie d'une province à l'autre. Je pense aux prothèses, qui sont très importantes dans le domaine de l'invalidité. Je pense aux services infirmiers et aux services hospitaliers supplémentaires, qui peuvent ne pas être couverts dans toutes les provinces et où il existe beaucoup de différences.

Le défi auquel fait face le secteur privé pour ce qui est d'établir une coordination avec le secteur privé consiste à éviter le double emploi mais à combler des lacunes et à fournir les meilleurs avantages possible aux Canadiens, tant ceux victimes d'une invalidité telle que nous la concevons que ceux qui souffrent simplement d'un problème de santé. Je vais m'intéresser principalement à la rente d'invalidité, parce que c'est le domaine qui revêt la plus grande importance.

Traditionnellement, les compagnies d'assurance de personnes ont surtout mis l'accent sur le versement des prestations qui servent à payer les factures de médicaments ou à assurer un revenu mensuel ou hebdomadaire à une personne incapable de travailler par suite d'une blessure ou d'une invalidité. De plus en plus, on reconnaît que ce devrait être leur but premier mais pas leur unique but. Nous devrions adopter une approche holistique; les assureurs peuvent jouer un rôle dans la réadaptation - c'est-à-dire les aspects de la réadaptation sociale et professionnelle mentionnés par Steve Mantis. Cela n'a pas été leur but premier mais depuis de nombreuses années on reconnaît que c'est un rôle que les assureurs peuvent jouer.

.0920

Madame la présidente, cela se rattache à ce que vous avez dit plus tôt concernant le rapport coûts-avantages, car manifestement si une personne peut réintégrer un emploi lucratif, il ne sera plus nécessaire de lui verser des prestations d'invalidité et le coût de l'assurance-invalidité diminuera.

Très récemment, je dirais au cours des cinq dernières années, on a également reconnu - et ce phénomène prend également de l'ampleur - que les compagnies d'assurance peuvent jouer un rôle sur le plan de la prévention. Ces derniers jours, on a beaucoup parlé de la sécurité et de l'hygiène professionnelles mais je crois que l'on reconnaît qu'il est nécessaire et possible dans le milieu de travail de mettre l'accent sur d'autres aspects comme le stress, l'information générale sur la santé et la promotion de la santé, qui, du moins je l'espère, réduiront le nombre de cas d'invalidité. Le plus important est sans doute d'empêcher les risques d'invalidité. C'est un aspect capital auquel commence à s'intéresser notre industrie.

Le mécanisme d'assurance privée comporte certaines caractéristiques qu'il faut absolument comprendre lorsqu'on examine les liens qui existent entre les secteurs public et privé. À mon avis, la plus importante, c'est que l'assurance privée fonctionne presque entièrement selon le mode volontaire. Contrairement aux prestations de maladie en espèces accordées dans le cadre du régime d'assurance-chômage, contrairement aux prestations d'invalidité accordées en vertu du Régime de pensions du Canada et du Régime des rentes du Québec, contrairement aux prestations versées dans le cadre des régimes d'indemnisation des travailleurs en cas de blessures et de maladies liées au travail, et contrairement aux prestations versées sans égard à la faute par les régimes d'assurance automobile partout au pays, en ce qui concerne les régimes privés d'assurance-invalidité et d'assurance-maladie complémentaire, il n'existe aucune loi, aucun règlement et aucune disposition obligeant les employeurs, les syndicats, d'autres promoteurs de régimes ou les particuliers à se prévaloir d'une telle assurance. Elle est généralement disponible mais strictement de manière volontaire, ce qui a de nombreuses incidences.

Il est très difficile de persuader les gens qu'ils ont besoin d'une assurance-invalidité et de persuader les employeurs d'offrir cette protection à leurs employés, car ils sont sollicités de toutes parts. Par conséquent, cet aspect volontaire est à mon avis très important et détermine à bien des égards la façon dont fonctionne le système actuel.

Le deuxième aspect qu'il est à mon avis important de comprendre, c'est qu'il s'agit d'un secteur très concurrentiel. Comme je l'ai mentionné, notre association compte environ 90 membres dont beaucoup se font concurrence les uns les autres pour fournir des prestations d'invalidité et d'assurance-maladie complémentaire. La concurrence peut être très positive à bien des égards mais peut également avoir des répercussions négatives.

Lundi, lorsqu'il a pris la parole à l'occasion de la conférence, M. Bob White a dit craindre que la présence d'organisations privées dans le secteur de la prestation de services fasse prédominer le souci de la rentabilité. J'estime que cette crainte est en grande partie injustifiée et je pense que dans un système concurrentiel qui fonctionne bien, les profits sont une chose tout à fait naturelle et possible. Le système d'assurance de personnes présente un aspect qui n'est pas à proprement parler unique mais qui n'est certainement pas courant dans le secteur privé, à savoir que de nombreuses compagnies d'assurance qui se livrent concurrence sont des organisations à but non lucratif. Nous les appelons des sociétés mutuelles d'assurance et c'est une expression qui n'est pas bien comprise. Il s'agit en fait tout simplement de coopératives. Elles n'ont pas d'actionnaires qui touchent des dividendes. Les membres - c'est-à-dire les gens assurés par la société, sont ceux qui ont des intérêts, si je puis dire, dans la société. D'autres sociétés plus typiques ont des actionnaires mais doivent livrer concurrence aux sociétés mutuelles.

.0925

Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas d'une situation unique mais c'est un aspect important dont il faut tenir compte. Ces caractéristiques et surtout l'aspect volontaire et l'aspect concurrentiel, donnent lieu à un système relativement souple et à une variété de dispositions dans de nombreux contrats de prestations, ce que vous pourriez constater si vous faisiez une enquête même auprès des principaux employeurs. Cela peut prêter à confusion mais cette souplesse est une façon de répondre aux exigences et aux besoins des particuliers et des organisations partout au pays.

Sur le plan de la coordination, vous vous souvenez sans doute d'un jeu auquel on jouait dans notre enfance et qui consistait à former une longue chaîne de patineurs avançant à toute allure et à lâcher la main du tout dernier au bout de la chaîne. À certains égards, les assureurs privés ont l'impression d'être les derniers au bout de la chaîne même si nous sommes tous conscients que le travailleur blessé est, à bien des égards, le dernier au bout de la chaîne.

Il est très important pour les assureurs privés de mettre l'accent sur la coordination avec les autres formes de prestations et les autres procédures. Lors d'audiences récentes sur la réforme du Régime de pensions du Canada, votre collègue, M. David Walker, nous a lancé le défi, que nous sommes d'ailleurs en train de relever, de travailler étroitement avec les responsables du Régime de pensions du Canada et d'autres parties dans le cadre de la prestation de services afin de nous assurer que les prestations sont fournies de la manière la plus efficace et la plus avantageuse pour les personnes blessées ou pour les personnes invalides - j'utiliserai ce terme car nous nous occupons aussi bien des cas de maladie que des cas de blessure. Cette coordination est d'une importance capitale pour nous permettre d'éviter les doubles emplois et d'être le plus efficace possible.

Je tiens à vous remercier à nouveau de m'avoir donné l'occasion de présenter ces commentaires et j'applaudis votre présence ici ce matin.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Black.

[Français]

Monsieur Bernier, voulez-vous commencer, s'il vous plaît? Nous attendons avec intérêt.

M. Bernier: Je voudrais moi aussi remercier les organisateurs de cette conférence de nous avoir donné l'occasion d'entendre les différents points de vue exprimés au cours des deux derniers jours et aujourd'hui. Je vous remercie aussi d'avoir invité notre comité à rencontrer les participants à votre conférence.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention plusieurs des conférenciers depuis lundi et encore ce matin. J'essayerai d'être bref puisque le temps nous manque. En tant que parlementaires, nous nous préoccupons de l'ensemble de la population et des travailleurs. C'est précisément le principal objet de cette conférence: les gens qui étaient au travail, qui ont eu un accident ou une maladie et qui, temporairement ou à long terme, ont dû quitter le marché du travail. Il y a aussi des centaines de milliers de personnes partout au Canada et au Québec qui, pour toutes sortes de considérations, n'ont jamais été sur le marché du travail et ne bénéficient pas des programmes de santé et de sécurité au travail. Elles ne peuvent donc pas se prévaloir des mêmes avantages - si on peut parler d'avantages quand on est une personne handicapée - que si elles avaient été sur le marché du travail.

C'est une question qui nous confronte en tant que parlementaires. Il est intéressant d'entendre des gens nous dire qu'on pourrait réduire les coûts des prestations d'invalidité si on mettait l'accent sur le retour au travail. En tant que parlementaires, indépendamment de notre affiliation politique, nous cherchons des solutions pour régler ce grave problème. On fait face à deux problèmes majeurs: d'une part, le taux de chômage incroyable et la faible disponibilité des emplois et, d'autre part, la mise sur pied de mesures pour inciter les gens à retourner au travail.

Je sais que ce n'est pas l'objet de cette conférence, mais il serait intéressant qu'à un moment donné, nous discutions des liens entre les différents programmes pour soutenir les personnes qui ont subi un accident ou souffrent d'une maladie quelconque. J'adresse cette question à M. Aarts en particulier et aux autres spécialistes à cette table.

.0930

La présidente: Je vous prie de prendre note des questions de M. Bernier et de celles des autres membres du comité auxquelles on répondra à la fin de notre table ronde puisque nous ne disposons que de neuf minutes. Nous entendrons par la suite les réponses de M. Black, M. Aarts et M. Mantis. Merci.

M. Bernier: M. Aarts nous a parlé de l'expérience allemande, où la loi impose des quotas aux employeurs relativement à l'embauche de personnes qui ont un handicap. J'aimerais que vous nous parliez davantage de cette expérience. Ici, nos employeurs décrient naturellement l'imposition de quotas. Nous nous sommes toujours refusés à aller dans ce sens. J'aimerais que vous nous parliez de l'efficacité d'une telle mesure et de ce qui se passe dans ces pays dont vous avez parlé plus tôt au niveau des personnes qui ne sont pas sur le marché du travail. Merci.

.0935

La présidente: Merci.

[Traduction]

Monsieur MacLellan, je vous en prie.

M. MacLellan: J'ai trois questions.

M. Aarts, vous mentionnez qu'en Allemagne, il faut engager un certain nombre de personnes handicapées. J'aimerais que vous m'indiquiez quel est ce nombre et que vous m'expliquiez un peu plus comment fonctionne ce système.

Par ailleurs, monsieur Black, il est beaucoup question ces temps-ci, comme vous le savez sans doute, des pressions accrues exercées par les programmes provinciaux d'aide sociale, les régimes d'assurance privés et le régime d'indemnisation des travailleurs sur leurs clients pour les inciter à réclamer des prestations d'invalidité auprès du Régime de pensions du Canada. Ce régime est en train de faire l'objet d'un examen par suite de l'augmentation des prestations versées dans le cadre de ce régime. Avez-vous l'impression que le secteur privé exerce davantage de pressions pour que les réclamations soient assumées par le Régime de pensions du Canada? Faudrait-il modifier cet état de choses à l'avenir? Le secteur privé pourrait-il en faire davantage, peut-être assurer, comme on l'a dit plus tôt, les six premiers mois ou les 12 premiers mois d'un programme d'invalidité?

Vous mentionnez également l'absence de loi régissant les régimes de pension privés. On parle d'«adaptations raisonnables» et de «contrainte excessive». Que signifient exactement ces expressions? Existe-t-il des mécanismes qui permettent de régler les différends entre les régimes d'invalidité du secteur privé et les prestataires éventuels? En quoi consistent-ils? Est-ce une tâche difficile? A-t-on recours à l'arbitrage? Que pensez-vous de la situation actuelle et comment envisagez-vous la situation à l'avenir?

La présidente: Merci beaucoup, monsieur MacLellan.

Monsieur Assadourian.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci. Comme je suis le seul membre du groupe qui vient de Toronto, je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue à Toronto. Je ne suis pas de Toronto même mais du nord de Toronto, la ville au grand coeur.

Ma question s'adresse à Steve Mantis. Vous avez mentionné que le nombre de travailleurs blessés s'élevait à 215 000. À combien s'élève le total de la population active? Quel est le pourcentage de travailleurs blessés au Canada? Comment se compare ce pourcentage avec celui des pays du G-7, si la comparaison est possible? Je pense que nous devons savoir ce que font les pays industriels et ce que nous faisons pour les rattraper.

Constatez-vous une augmentation ou une diminution des cas de blessures au Canada?

En ce qui concerne ma dernière question, j'aimerais avoir des commentaires de tous les participants, si possible. Des élections sont en cours à l'heure actuelle au sud de nos frontières et l'un des candidats a été blessé à la guerre. On ne fait jamais mention de son handicap et lui-même n'a pas profité de cette campagne pour promouvoir la cause des personnes blessées ou invalides.

Je me demande si certaines ONG que vous connaissez ont fait des études ou des recherches sur l'impact de son handicap sur sa campagne ou sur son élection. J'estime que c'est important parce que cela en dit long sur les gens - non seulement sur ceux qui ont été blessé mais aussi sur la façon dont la population dans son ensemble considère les personnes blessées ou invalides.

J'aimerais donc connaître vos commentaires afin que nous puissions aborder ces questions. Je vous remercie.

.0940

La présidente: Merci beaucoup.

Je crois que nous commencerons par M. Black.

Premièrement, je dois vous dire que vos organisateurs vont être dans tous leurs états. Deuxièmement, je peux uniquement vous dire que le comité permanent de la Chambre des communes n'a jamais accueilli - c'est d'ailleurs une merveilleuse occasion de sensibiliser le public - un aussi grand nombre de participants. Nous sommes absolument ravis que vous soyez des nôtres. Nous espérons que vous comprendrez à quel point il est difficile de réunir des spécialistes du calibre de ceux qui se trouvent autour de cette table. C'est comme si vous étiez dans une salle de la Chambre des communes mais il n'y aurait pas suffisamment de place pour vous y accueillir tous. Nous sommes donc ravis que vous soyez ici.

Monsieur Black.

M. Black: Je vous remercie, madame la présidente.

Monsieur MacLellan, j'aimerais avoir plus de temps pour traiter des questions très importantes que vous avez soulevées. J'essaierai de les aborder très rapidement. En ce qui concerne la coordination, essentiellement le mécanisme qui existe consiste à mettre à la disposition de tous les Canadiens les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Il n'existe aucune variante de ce régime, peu importe l'existence d'une autre protection, privée ou non. C'est la pierre angulaire du système d'assurance-invalidité et ce depuis 1971, je crois, la date à laquelle ces prestations ont été offertes la première fois.

Les régimes privés d'assurance essaient de compléter ce régime et visent principalement à s'assurer qu'une fois qu'une personne devient invalide, le remplacement de son revenu est à peu près au même niveau, que cette personne soit admissible ou non en vertu du Régime de pensions du Canada. Traditionnellement, la définition de l'invalidité a été interprétée un peu plus rigoureusement en vertu du RPC qu'en vertu de régimes privés d'invalidité. Il existe bien des cas où des réclamations refusées par le RPC seraient approuvées par des régimes privés, et une personne qui devient invalide a besoin du même niveau de revenu. Par conséquent, de nombreux régimes d'assurance comportent des mécanismes de compensation ou de coordination.

Je ne crois pas que notre industrie ait accru ses pressions pour inciter les gens à présenter des réclamations. Avec le temps, nous avons opté pour une approche plus libérale concernant l'administration du RPC. Il est sans doute arrivé par le passé que l'administrateur des réclamations d'une compagnie d'assurance parte automatiquement du principe que les réclamations d'invalidité ne seraient pas admissibles en vertu du RPC.

Il ne fait aucun doute qu'à l'heure actuelle la confusion et l'incertitude règnent. Les conseillers en réclamation sont incapables de prévoir si ce type de réclamation sera approuvé par le RPC ou du moins c'est ce qui s'est passé ces dernières années. En général, ils conseillent à leurs clients de présenter une demande au RPC pour voir comment elle sera reçue. Par ailleurs, nous avons constaté au cours des dernières années...

La présidente: Monsieur Black, je vais devoir vous demander d'abréger votre réponse. Vous avez trois réponses et trois minutes.

M. Black: Les appels ont plus de succès qu'avant. De plus en plus de gens dont la demande a été rejetée une première fois font appel et voit alors leur demande approuvée par le Régime de pensions du Canada. Ici encore, les assureurs ont encouragé les gens à agir ainsi simplement parce que c'est une possibilité qui existe.

Je regrette de ne pas avoir le temps de traiter de certains autres aspects. Il est très important que les assureurs privés puissent combler certaines lacunes, même s'il faut tenir compte, comme je l'ai indiqué, du caractère volontaire de ce type de mesure.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Black.

M. MacLellan a demandé, et nous accéderons sûrement à sa demande, que vous reveniez devant le comité afin de nous fournir plus de renseignements à cet égard. Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Aarts.

M. Aarts: Je vous remercie. J'essayerai d'être bref.

On a posé en fait trois questions. En ce qui concerne la première, par «tarification personnalisée», nous entendons un système de tarification où les employeurs versent un taux de cotisation qui varie en fonction du nombre d'accidents du travail et du nombre de personnes inscrites au programme d'invalidité.

Votre comité a posé deux questions. L'une, c'est qu'arrive-t-il aux gens qui ne font pas partie de la population active et qui n'en ont jamais fait partie? Je peux vous dire les mesures prises pour eux aux Pays-Bas. Les personnes qui ont une déficience fonctionnelle de naissance ou qui développent cette déficience avant d'entrer sur le marché du travail, ont droit à une pension à taux uniforme et tout le monde, que l'on fasse partie ou non de la population active, a droit à des avantages en nature, tels que des chaises roulantes, des adaptations apportées à la maison ou à la voiture, au besoin, etc. Ils ont donc droit à une pension à taux uniforme et à des avantages en nature.

.0945

En ce qui concerne le contingentement des emplois, les employeurs canadiens ne se trouvent pas dans une situation exceptionnelle. La plupart des employeurs ont un système de contingentement obligatoire. Aux Pays-Bas, on en a débattu pendant des années sans jamais parvenir à établir plus qu'une sorte de contingentement recommandé par le gouvernement. La situation de l'Allemagne est particulière. Le Royaume-Uni a également un système de contingentement mais le contingentement exigé n'est que de 3 p. pour cent et son application est si faible qu'elle en est pratiquement inexistante. En Allemagne, ce système est appliqué. Un poste vacant sur seize doit être occupé par une personne considérée gravement handicapée.

La présidente: Monsieur Aarts, je suis désolée, je vais devoir vous interrompre. Comme il nous sera très difficile de vous inviter à comparaître à nouveau devant notre comité, je vous serais reconnaissante de bien vouloir nous remettre le travail que vous nous avez présenté afin que nous puissions l'annexer au procès-verbal de la réunion et le mettre à la disposition de ceux qui en veulent des exemplaires.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Bernier: Est-ce que M. Aarts pourrait nous fournir par écrit les réponses aux questions qu'on lui a posées?

La présidente: Très bien. Je vous remercie.

[Traduction]

Par conséquent, si cela ne vous ennuie pas, je vous demanderais de bien vouloir mettre par écrit les réponses aux questions du groupe...

Je sais qu'il vous sera difficile de revenir et j'en suis désolée. Nous demanderons toutefois aux autres personnes présentes de revenir et à vous aussi M. Martin. Vous pourrez certainement communiquer avec nous par l'intermédiaire de Joe Comuzzi à Thunder Bay et nous ferons de même.

Nous sommes désolés d'avoir dérangé votre conférence. Je sais que beaucoup d'entre vous devez assister à d'autres séances. Je tiens donc à vous remercier d'avoir pris le temps de comparaître devant nous et de nous avoir fait part de vos opinions.

La séance est levée.

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